L'étude de la transition du Bronze récent II au Fer I en Palestine méridionale 9781841719269, 9781407329468

This work centres on one central question: should the passage from the Late Bronze II to the Iron I Age in Palestine, fr

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L'étude de la transition du Bronze récent II au Fer I en Palestine méridionale
 9781841719269, 9781407329468

Table of contents :
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Remerciements
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE: LE CADRE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
CHAPITRE I. ETUDE D'UNE TRANSITION: DE LA FIN DU BRONZE RECENT AU FER I
II. LE BRONZE RECENT: DES PUISSANCES IMPERIALISTES A L'EPOQUE DES RELATIONS "INTERNATIONALES"
III. LE FER I: UN NOUVEAU PAYSAGE CULTUREL ET ETHNIQUE ?
CHAPITRE II. LE CADREGEOGRAPHIQUE ACTUEL ET ANTIQUE
PREAMBULE : ESPACE GEOGRAPHIQUE ET DEPLACEMENTS HUMAINS
I- LA GEOGRAPHIE ACTUELLE
II- RECONSTITUTION DU CLIMAT ET DE L'ENVIRONNEMENT ANTIQUE
DEUXIEME PARTIE: LA SHEPHELA: REPARTITION ET ETUDE DES SITES
CHAPITRE III. ETUDE DES SITESDU SUD DE LA PALESTINE A LAFIN DU SECOND MILLENAIRE
CHAPITRE IV. LE PEUPLEMENT DELA SHEPHELA A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE
I- L'ORGANISATION POLITIQUE DU SUD DE LA PALESTINE AU BRONZE RECENT
II- LES CARTES DE REPARTITION DE SITES
TROISIEME PARTIE: ÉTUDE DE LA CULTURE MATERIELLE EN PALESTINE MERIDIONALE A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE
CHAPITRE V. LES ASSEMBLAGES CERAMIQUES DE LA FIN DU SECOND MILLENAIRE EN PALESTINE
I- LE CORPUS CERAMIQUE DU BRONZE RECENT II
II- LE CORPUS CERAMIQUE DU FER I
CHAPITRE VI - LA CULTURE MATERIELLE (NON CERAMIQUE) AU BRONZE RECENT II ET AU FER I
I- L'ARCHITECTURE
II- LES COUTUMES FUNERAIRES
III- LES METALLURGIES DU BRONZE ET DU FER A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE
CHAPITRE VII- LES INTERPRETATIONS ETHNIQUES DE LA CULTURE MATERIELLE : LA PALESTINE DE LA FIN DU SECOND MILLENAIRE, UN CHAMP D'ETUDE PRIVILEGIE
I- LA PERCEPTION DES GROUPES HUMAINS
II- GROUPES ETHNIQUES ET ZONES CULTURELLES AU FER I
QUATRIEME PARTIE: SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE
CHAPITRE VIII- SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE
I- LES PROCESSUS DE LA TRANSITION A TRAVERS LA CERAMIQUE ET L'ARCHITECTURE
II- L'ORGANISATION DES SITES ET DES TERRITOIRES DANS LE SUD DE LA PALESTINE
III- SPHERES ET FRONTIERES SOCIOPOLITIQUES, ECONOMIQUES, CULTURELLES ET ETHNIQUES
CHAPITRE IX- SYNTHESE HISTORIQUE
I. L'EFFONDREMENT DE LA CIVILISATIONCANANEENNE A LA FIN DU BRONZE RECENT II ?
II. LES PROCESSUS DU FER I DANS UNE PERSPECTIVE HISTORIQUE
III. LES DYNAMIQUES DE PEUPLEMENT, MOTEUR DE L'HISTOIRE
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
PLANCHES

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BAR  S1495  2006   JASMIN  

L’étude de la transition du Bronze récent II au Fer I en Palestine méridionale

L’ÉTUDE DE LA TRANSITION DU BRONZE RÉCENT II AU FER I EN PALESTINE

Michaël Jasmin

BAR International Series 1495 B A R

2006

L'étude de la transition du Bronze récent II au Fer I en Palestine méridionale Michaël Jasmin

BAR International Series 1495 2006

Published in 2016 by BAR Publishing, Oxford BAR International Series 1495 L'étude de la transition du Bronze récent II au Fer I en Palestine méridionale © M Jasmin and the Publisher 2006 The author's moral rights under the 1988 UK Copyright, Designs and Patents Act are hereby expressly asserted. All rights reserved. No part of this work may be copied, reproduced, stored, sold, distributed, scanned, saved in any form of digital format or transmitted in any form digitally, without the written permission of the Publisher.

ISBN 9781841719269 paperback ISBN 9781407329468 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781841719269 A catalogue record for this book is available from the British Library BAR Publishing is the trading name of British Archaeological Reports (Oxford) Ltd. British Archaeological Reports was first incorporated in 1974 to publish the BAR Series, International and British. In 1992 Hadrian Books Ltd became part of the BAR group. This volume was originally published by Archaeopress in conjunction with British Archaeological Reports (Oxford) Ltd / Hadrian Books Ltd, the Series principal publisher, in 2006. This present volume is published by BAR Publishing, 2016.

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Remerciements :

Cet ouvrage sur l'étude de la transition de l'Age du Bronze à l'Age du Fer en Palestine méridionale a profité de nombreuses discussions, d'aides, de conseils, de critiques. Mes remerciements se portent en premier lieu vers Pierre de Miroschedji, Jean-Louis Huot et Jean-Paul Thalmann. Je remercie tout particulièrement Pierre de Miroschedji pour la confiance qu'il m’a accordé, pour sa patience, souvent mise à l'épreuve mais non mise en défaut. J’ai également une dette particulière envers Israël Finkelstein pour sa compréhension, sa gentillesse et sa disponibilité et dont l'autorité en la matière inspire respect et enthousiasme. A eux je dois mon goût pour la recherche archéologique sur le Proche Orient ancien. Je tiens à remercier individuellement toutes ces personnes envers qui je suis redevable d'avoir bien voulu passer du temps pour discuter et débattre de questions archéologiques multiples. Marjolaine Barazani (CNRS - Centre de Recherche Français de Jérusalem), Daniel Ladiray (CNRS - Centre de Recherche Français de Jérusalem). Jacqueline Balensi (CNRS), Schlomo Bunimovitz (Université de Tel Aviv), Israël Carmi (Département des Antiquités d'Israël), Christa Clamer, Yehuda Dagan (Département des Antiquités d'Israël), William G. Dever (Université de Tucson), Trude Dothan (Université de Jérusalem), Peter M. Fischer (Université de Göteborg, Suède), Volkmar Fritz (Institut d'Archéologie Allemand de Jérusalem), Shmuel Givon, Yuval Goren (Université de Tel Aviv), Alon de Groot (Département des Antiquités d'Israël), Michaël Hasel, Ann Killebrew (Université de Haïfa), Gunnar Lehmann (Université de Beer-Sheva), Ezra Marcus, Etty Marelli (Université de Beer-Sheva), Amihaï Mazar (Université de Jérusalem), Aren Meir (Université de Bar-Ilan), Sophie Méry (CNRS), Eliezer D. Oren (Université de Beer-Sheva), Arlene Miller Rosen (Université de Beer-Sheva), Alon Shavit (Département des Antiquités d'Israël), Eli Yanaï (Département des Antiquités d'Israël), Joe Zias (Département des Antiquités d'Israël). Je suis également redevable à de nombreuses institutions pour l'accueil, le soutien et l'aide qu'elles m'ont apporté. Tout d'abord je tiens à remercier Michaël Adam de l'université de Beer-Sheva, son département d'archéologie et son directeur Steve Rosen, le Centre de Recherche Français de Jérusalem, l'Ecole Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, et enfin le Départements des Antiquités d'Israël avec les centres de Rockfeller, Romema et Harotsvim à Jérusalem, pour m'avoir ouvert l'accès à leurs réserves et permi l'étude du matériel entreposé. Je remercie également David Davison pour l'accueil de ce volume dans la grande famille des BAR-International Series. Mes remerciement seraient inachevés si j'oubliais Lucile Barberon, Manolo Cimadevilla, AnneElizabeth Dunn-Vaturi et Emmanuel Sander, Il reste enfin toutes ces personnes dont les noms ne figurent pas mais envers qui je suis également redevable. Mes recherches ont enfin surtout pu profiter de l'aide de Nadine Jasmin, de mes parents, et plus largement du soutien de ma famille, qu'il m'est particulièrement agréable de pouvoir remercier ici.

INTRODUCTION

I n t r o d u c t i o n ....................................................................................................................................... 4 PREMIÈRE PARTIE.......................................................................................................................................... 10 LE CADRE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE ....................................................................................... 10 CHAPITRE I. ETUDE D'UNE TRANSITION : DE LA FIN DU BRONZE RECENT AU FER ................................. 10 I- L'âge d'or des cités-états : le Bronze Moyen.............................................................................................. 10 A. Contexte général du Proche-Orient......................................................................................................................... 10 B. Périodisation ........................................................................................................................................................... 11 C. La documentation écrite disponible ........................................................................................................................ 12 D. Les éléments matériels de la culture cananéenne.................................................................................................... 13

II- Le Bronze Récent : des puissances impérialistes à l'époque des relations "internationales"................... 17 A. Contexte général du Proche-Orient......................................................................................................................... 17 B. Périodisation ........................................................................................................................................................... 19 C. La documentation écrite disponible ........................................................................................................................ 21 D. La société cananéenne au Bronze Récent II............................................................................................................ 23 E. La fin du Bronze Récent et la théorie des catastrophes ........................................................................................... 29

III- Le Fer I : un nouveau paysage culturel et ethnique ? ............................................................................. 31

A. Contexte général du Proche-Orient......................................................................................................................... 31 B. Périodisation ........................................................................................................................................................... 31 C. La documentation écrite disponible ........................................................................................................................ 31 D. La société palestinienne du Fer I ............................................................................................................................ 33 E. L'éthnicité clé de la compréhension du Fer I ? ........................................................................................................ 38 CHAPITRE II. LE CADRE GEOGRAPHIQUE ACTUEL ET ANTIQUE ............................................................... 43

Préambule : Espace géographique et déplacements humains ....................................................................... 43 I- La géographie actuelle............................................................................................................................... 46

A. La situation géographique ...................................................................................................................................... 46 B. La géologie ............................................................................................................................................................. 46 C. Le relief .................................................................................................................................................................. 48 D. La géomorphologie................................................................................................................................................. 49 E. Le climat ................................................................................................................................................................. 49 F. L'hydrographie ........................................................................................................................................................ 50 G. Pédologie et végétation........................................................................................................................................... 52 H. Synthèse géographique ........................................................................................................................................... 53

II- Reconstitution du climat et de l'environnement antique ........................................................................... 54

Préambule méthodologique ......................................................................................................................................... 54 A. Les éléments à notre disposition pour reconstituer le milieu .................................................................................. 55 B. Reconstitution de l'environnement de la Shéphéla.................................................................................................. 67

DEUXIEME PARTIE ......................................................................................................................................... 71 LA SHEPHELA : REPARTITION ET ETUDE DES SITES.......................................................................... 71 CHAPITRE III- ETUDE DES SITES DU SUD DE LA PALESTINE A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE ........... 71 Gezer.............................................................................................................................................................. 72 Tel Malot........................................................................................................................................................ 78 Tel Safit.......................................................................................................................................................... 80 Tel Miqne....................................................................................................................................................... 82 Tel Batash ...................................................................................................................................................... 87 Tel Harassim.................................................................................................................................................. 91 Tel Bet-Shemesh............................................................................................................................................. 94 Tel Azekah...................................................................................................................................................... 96 Tel Yarmouth ................................................................................................................................................. 98 Tel Sippor .................................................................................................................................................... 104 Le sud de la Shéphéla .................................................................................................................................. 106 Lachish......................................................................................................................................................... 106 Tel 'Erani ..................................................................................................................................................... 109 Tell el-Hesi .................................................................................................................................................. 110 Tel Nagila .................................................................................................................................................... 112 Tel Eitun ...................................................................................................................................................... 113 Tell Beit Mirsim ........................................................................................................................................... 115 Tel Halif....................................................................................................................................................... 117 LES COLLINES DE JUDEE........................................................................................................................ 119 1

INTRODUCTION

Khirbet Rabud.............................................................................................................................................. 119 LA PLAINE COTIERE................................................................................................................................. 120 Tel Mor ........................................................................................................................................................ 120 Tel Ashdod ................................................................................................................................................... 121 Une tombe entre Ashdod et Ashkelon .......................................................................................................... 122 LA PLAINE COTIERE DU NORD NEGUEV.............................................................................................. 122 Tell Jemme................................................................................................................................................... 122 Tell el-Ajjul .................................................................................................................................................. 123 Deir el-Balah ............................................................................................................................................... 123 Tel Ridan...................................................................................................................................................... 125 Qubur el-Walaida ........................................................................................................................................ 125 Tel Haror ..................................................................................................................................................... 125 Tel Sera........................................................................................................................................................ 126 Tel Ma'aravim.............................................................................................................................................. 127 Tell el-Far'ah (sud)...................................................................................................................................... 127 Ein Sharuhen ............................................................................................................................................... 127 LE NORD DU NEGUEV ............................................................................................................................. 128 Beer Sheva ................................................................................................................................................... 128 Tel Masos..................................................................................................................................................... 128 CHAPITRE IV. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE ......................... 129 I- L'organisation politique du sud de la Palestine au Bronze Récent .......................................................... 129 II- Les cartes de répartition de sites ............................................................................................................ 136 A. Cartes de répartition des sites au Bronze Récent II............................................................................................... 137 B. Cartes de répartition des sites au Bronze Récent III / Fer IA ................................................................................ 151 C. Cartes de répartition des sites au Fer IB................................................................................................................ 156

TROISIEME PARTIE ...................................................................................................................................... 163 ÉTUDE DE LA CULTURE MATERIELLE EN PALESTINE MERIDIONALE A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE ................................................................................................................................................... 163 CHAPITRE V - LES ASSEMBLAGES CERAMIQUES DE LA FIN DU SECOND MILLENAIRE EN PALESTINE 163

A. Sphère socio-politique et culture matérielle ......................................................................................................... 163 B. Les assemblages de poterie publiés ...................................................................................................................... 163

I- Le corpus céramique du Bronze Récent II ............................................................................................... 164

A. La céramique locale.............................................................................................................................................. 164 B. La céramique importée : ....................................................................................................................................... 169

II- Le corpus céramique du Fer I................................................................................................................. 171

A. Une poterie de tradition cananéenne en Shéphéla................................................................................................. 171 B. Une poterie de tradition cananéenne dans les monts de Judée : la poterie "proto-israélite".................................. 171 C. La production céramique en Philistie de tradition non cananéenne ...................................................................... 171 CHAPITRE VI - LA CULTURE MATERIELLE (NON CERAMIQUE) AU BRONZE RECENT II ET AU FER I .. 176

I- L'architecture ........................................................................................................................................... 176 A. L'architecture publique ......................................................................................................................................... 176 B. L'architecture palatiale et domestique................................................................................................................... 185

II- Les coutumes funéraires ......................................................................................................................... 190 A. Le Bronze Récent II : des pratiques funéraires variées......................................................................................... 190 B. Le Fer I : continuités des pratiques ou pratiques nouvelles ?................................................................................ 192 C. Synthèse sur les coutumes funéraires.................................................................................................................... 193

III- Les métallurgies du bronze et du fer à la fin du second millénaire ....................................................... 194

A. L'apparition et le développement de la métallurgie du fer :.................................................................................. 194 B. Un monopole philistin du fer ? ............................................................................................................................. 194 CHAPITRE VII- LES INTERPRETATIONS ETHNIQUES DE LA CULTURE MATERIELLE .............................. 196

I- La perception des groupes humains au Bronze Récent II et au Fer I ...................................................... 196

A. Un double héritage à la base d'une vision naïve des groupes humains ................................................................. 197 B. La société du Bronze Récent : homogénéité ethnique et mosaïque culturelle ?.................................................... 197

II- Groupes ethniques et zones culturelles au Fer I..................................................................................... 198

A. Les Philistins ........................................................................................................................................................ 199 B. Les proto-Israélites ............................................................................................................................................... 201 C. La caractérisation ethnique des Philistins et proto-Israélites ................................................................................ 202

QUATRIEME PARTIE .................................................................................................................................... 203 SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE.................................................................................. 203 CHAPITRE VIII- SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE ........................................................................................... 203 2

INTRODUCTION

I- Les processus de la transition à travers la céramique et l'architecture................................................... 203

A. Les contextes socio-économiques à la fin du deuxième millénaire : .................................................................... 203 B. Les pratiques architecturales, expression de la société cananéenne du Bronze Récent II-III................................ 206

II- L'organisation des sites et des territoires dans le sud de la Palestine.................................................... 208

A. Synthèse des séquences stratigraphiques : entre destructions et continuités......................................................... 208 B. La répartition des sites et l'organisation des territoires ......................................................................................... 209

III- Sphères et frontières socio-politiques, économiques, culturelles et ethniques ...................................... 211

A. Le Bronze Récent IIB : la fin du XIIIème siècle .................................................................................................. 211 B. Le Bronze Récent III / Fer IA : le XIIème siècle jusque vers 1130 ...................................................................... 213 C. Le Fer IB : la fin du XIIème et le XIème siècle.................................................................................................... 216 CHAPITRE IX- SYNTHESE HISTORIQUE ....................................................................................................... 218

I. L'effondrement de la civilisation cananéenne à la fin du Bronze Récent II ?........................................... 218 II. Les processus du Fer I dans une perspective historique ......................................................................... 219

A. Le Fer I : phase transitionnelle ............................................................................................................................. 219 B. Les spécificités du Fer I ........................................................................................................................................ 221

III. Les dynamiques de peuplement, moteur de l'histoire............................................................................. 221

A. La crise démographique au Bronze Récent II....................................................................................................... 221 B. Les mouvements de population à grande échelle à la fin du Bronze Récent II :................................................... 222 C. Les dynamiques de peuplement au Fer I............................................................................................................... 222

CONCLUSION .................................................................................................................................................. 225 Bibliographie ................................................................................................................................................... 231 Annexe 1 ............................................................................................................................................................ 267 Annexe 2 ............................................................................................................................................................ 271 Annexe 3 ............................................................................................................................................................ 279 Figures................................................................................................................................................................ 291

3

INTRODUCTION

historique. Il ne saurait en effet y avoir une transition unique, pour la simple raison que les processus historiques ne supportent que rarement les explications reposant sur des causalités et des effets uniques. C. Renfrew rappelle justement les problèmes auxquels confrontent ces périodes : « Ce qui caractérise une transformation n'est pas seulement les phases initiales et finales mais la façon dont la transition s'opère »1. Dans le cas qui nous occupe, comment passe-t-on d'un Âge à l'autre, du Bronze au Fer ? Il s'agit là d'un phénomène suffisamment rare, unique même, quoique ayant affecté les sociétés humaines en d'autres lieux et d'autres époques, pour que l'on s'y penche avec une attention toute particulière, tout en essayant d'y isoler des processus récurrents. Parce qu'elle a marqué les esprits, cette période de l'histoire proche-orientale a vu le développement de positions "extrêmes", ou en tout cas peu nuancées. Ces hypothèses ont ignoré les détails pour mettre en avant le caractère unique, voire inexorable, des processus à l'œuvre : un effondrement de civilisation, celle du Bronze Récent, ne s'attache pas aux "détails"… Un Âge succéderait ainsi, violemment et subitement, à un autre, un tel phénomène ne pouvant se marquer que par des transformations qui sont des ruptures profondes. Il est vrai que l'appellation même d'Âge du Bronze et d'Âge du Fer tend à séparer nettement ces deux époques. Les hypothèses archéologiques ont souvent procédé en opposant ces deux périodes plutôt qu'en cherchant à mettre en évidence des continuités. Il est pourtant nécessaire de considérer celles-ci, tout autant que les ruptures. Selon la présente perspective, il s'agira donc d'isoler archéologiquement des continuités, les changements et bouleversements ayant déjà fait l'objet d'une attention suffisante. Nous éviterons cependant de tomber dans l'excès inverse - ne voir que des continuités -, malgré le caractère parfois inévitable, inhérent à la recherche, de ces mouvements de balancier entre deux positions opposées. Il importe auparavant de préciser les cadres, géographique et historique, dans lesquels s'inscrit l'ouvrage.

INTRODUCTION Qu'évoque la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer en Palestine ? L'aridité apparente d'un tel énoncé ne reflète pas l'engouement, scientifique et également imaginaire, dont cette transition est à la source. Elle cache non seulement une histoire des plus mouvementées mais également des problématiques d'une grande richesse. La fin de l'Âge du Bronze, plus que toute fin de période, a tout particulièrement marqué les esprits en cette région du monde. Alors que la fin du Bronze Ancien III, au troisième millénaire, s'accompagne en près d'un siècle d'une désertion de tous les centres urbains de Palestine, la fin de cette première civilisation urbaine de l'Âge du Bronze n'atteint pas l'ampleur catastrophique, semble-t-il, de celle touchant l'ensemble du monde proche-oriental un millénaire plus tard. Le caractère de destruction, complet et surtout subit, de la fin de l'Âge du Bronze, est apparu si total qu'ont été évoquées deux hypothèses catastrophistes pour expliquer la disparition d'un si grand nombre de civilisations (mycénienne, hittite) et de sociétés (chypriote, levantine), en un laps de temps si court : quelques années, une décennie tout au plus ! Faut-il rappeler que le courant romantique était encore vivace dans les interprétations archéologiques du début de ce XXème siècle ? Ainsi Ugarit, la plus riche et fameuse cité commerçante du Bronze Récent au Levant, a-t-elle largement profité, ou souffert, du "syndrome de Pompéi". C. Schaeffer, le fouilleur d'Ugarit, développa en effet l'idée d'une catastrophe naturelle pour expliquer la destruction de la ville : deus ex machina simpliste mais qui fascine encore. La seconde hypothèse repose également sur une origine externe aux sociétés ainsi détruites. Des envahisseurs seraient responsables de la destruction de l'ensemble des civilisations de la Méditerranée orientale : il s'agit des fameux Peuples de la Mer. L'absence avérée de documents écrits durant le Fer I laisse à penser que des "barbares" de tous horizons mettent fin à la "brillante" civilisation égypto-cananéenne, faisant chavirer la Palestine dans un indescriptible maelström de violence et d'inculture ! Qu'en est-il réellement ?

• Le cadre géographique : le sud de la Palestine et la Shéphéla Au cours de la transition de la fin du second millénaire, la Palestine traverse une période durant laquelle le nord et le sud du territoire se distinguent fortement, les processus qui s'y déroulent

Le présent ouvrage traite d'une transition. Les transitions ont la réputation - justifiée - d'être des périodes aussi difficile à cerner dans leur nature que dans leur déroulement. Le terme de "complexité" semble bien convenir pour définir cette période

1

4

Renfrew 1979a : 17

INTRODUCTION

On se heurte à deux problèmes majeurs liés à la détermination et la définition de la période. Le premier concerne la chronologie. Les datations de la fin du Bronze Récent et du début de l'Age du Fer font en effet l'objet d'âpres débats. Fournir des dates précises pour chacune des périodes constitue donc un enjeu réel. Le but poursuivi n'est cependant pas de proposer une division encore plus fine des périodes existantes qui n'aboutirait qu'à créer une nouvelle périodisation. Des révisions peuvent cependant se révéler nécessaires. Le deuxième problème touche à la définition même de chaque période. Les deux problèmes sont fortement imbriqués et l'on ne peut appréhender l'un sans se soucier de l'autre. On se rend ainsi compte que la compréhension de ces deux âges et la détermination de leur périodisation passe par leur définition. Bien que semblant aller de soi, le travail de réflexion sur la nature de ces deux périodes n'a pas toujours été mené avec la précision voulue. On se prive alors de pouvoir mener à terme un raisonnement, dès lors qu'il ne porte plus que sur des questions strictement chronologiques, et qu'en ont été évacuées les considérations culturelles, sociales ou technologiques. La période de la fin du IIème millénaire est pourtant riche en changements divers, et pas uniquement en bouleversements politiques. Une définition de chaque période, ainsi qu'une compréhension de ses tenants et aboutissants, doit donc permettre de se pencher sur les processus à l'œuvre dans cette période de rapides transformations, qui s'oppose aux rythmes séculaires que la Palestine traverse au cours de certaines phases peu troublées du Bronze Moyen et du Bronze Récent. Une définition du Bronze Récent II et du Fer I, tout en permettant d'isoler chaque période pour mieux les comprendre, se doit aussi de faire ressortir les points communs et les continuités, mais ne résoud pas, loin s'en faut, le problème crucial, touchant à la possibilité de définir une transition. Quand s'arrête le Bronze Récent et quand commence l'Âge du Fer I ? Doit-on considérer, comme c'est souvent le cas, que l'on est confronté à deux périodes successives, séparées par une date charnière qu'il s'agit alors de déterminer ? Dans ce cas il suffirait d'arriver à isoler cette fameuse date de rupture où l'on passe irrémédiablement d'un âge à l'autre. On aura compris que ce passage ne correspond en rien à une banale histoire de succession de règne. Tenter de distinguer, dans une imbrication de phénomènes politiques, sociaux et culturels, une date constituant une référence unique, ne peut permettre de saisir les phénomènes à l'œuvre dans leur pleine expression.

respectivement s'exprimant selon des modalités distinctes. Or l'abondance de la documentation imposait de faire des choix, l'ensemble de la Palestine ne pouvant être abordé, sauf à renoncer à traiter dans le détail les divers processus de la transition. Le sud de la Palestine se compose de plusieurs régions. Nos recherches se sont essentiellement concentrées sur l'une d'entre elles : la Shéphéla, bordée sur trois côtés par d'autres zones, formant ensemble le sud de la Palestine. Il s'agit de la plaine côtière, des hautes collines de Judée et du nord du Négev incluant sa plaine côtière. Au sein de cette ensemble culturel cohérent, la Shéphéla offre un terrain d'étude privilégié. La plaine côtière par exemple, fait l'objet de recherches archéologiques importantes, avec des fouilles sur les sites de Tel Miqne, Ashkelon et Tel Safit. L'installation des Peuples de la Mer en ces établissements, et plus largement dans cette région, est documenté par un apport de données nouvelles. La région de la Shéphéla n'avait en revanche, à ce jour, fait l'objet d'aucune recherche exhaustive tentant de dresser le panorama et la synthèse des processus de la fin du second millénaire. La période actuelle est par ailleurs propice à l'entreprise d'études régionales qui permettent de faire le point sur les recherches archéologiques passées et en cours. Le moment est effectivement venu de s'attacher à comprendre dans le détail les processus de cette fin du second millénaire dans le sud de la Palestine. Les travaux de I. Finkelstein ont profondément reformulé les problématiques chronologiques et culturelles pour cette période, en particulier pour la région des hautes collines dans le nord de la Palestine2. Il restait à faire de même pour le sud. • Les problèmes liés au cadre chronologique Le cadre temporel de la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer est une période de près de trois siècles d'une importance capitale dans l'histoire de la Palestine, comme dans celle de l'ensemble de la Méditerranée orientale. Il est communément admis que cette période s'étend depuis le XIIIème jusqu'au Xème siècles. Nous n'entendons cependant pas traiter d'une manière identique ces siècles marqués par la diversité de leur histoire. Le XIIIème siècle marque la fin du Bronze Récent II, les XIIème-XIème siècles correspondent au Fer I et le Xème siècle au début du Fer II. Cette succession de périodes, valable dans ses grandes lignes, ne saurait pourtant suffire à comprendre les processus de la transition. Quel en est donc le détail ? 2

Finkelstein 1988a ; 1994b ; 1995b-c ; 1996b-c-d ; 1998

5

INTRODUCTION

La question principale que pose l'étude de la transition du Bronze Récent II au Fer I en Palestine est naturellement celle de la transition. La focalisation sur ce terme central amène à reformuler la problématique de la recherche. Le passage du Bronze Récent II au Fer I en Palestine constitue-t-il une période de transition ? Une telle question, d'aspect trivial, semble naturellement appeler une réponse positive. Une transition peut se définir selon un schéma historique particulier où les civilisations atteignent des points stables, ou "pics civilisationnels", entre lesquels se placent des phases de transition. Il en découle une perception cyclique des processus socio-politiques avec des alternances de phases : de prospérité et de décadence, de complexité et de retour à des phases plus "simples". Or si le Bronze Récent est complexe, le Fer I ne l'est pas moins. Chronologiquement, la transition se définit-elle nécessairement par les périodes qui la cernent, et cette caractérisation la délimitant fait-elle alors obstacle à son existence particulière et exclusive ? La réalité de la transition ne se limite pourtant pas à un découpage chronologique illusoire. Des processus particuliers affectent en effet l'ensemble des sphères de la société au cours de la période étudiée, il faudra le démontrer précisément. Démonter la complexité des méchanismes de la transition constituera notre démarche. Il importe donc de se pencher sur les processus qui permettent de déterminer la nature de la transition du Bronze Récent II au Fer I. En particulier, s'apparente-t-elle à un déclin ou à un quel est le rôle des effondrement4 et transformations internes de la société ? Les explications de l'effondrement d'une société reposent habituellement sur des causes externes ou internes à cette société. Les causes externes, qu'elles soient d'ordre naturel ou liées à des envahisseurs, ont connu leur heure de gloire. Elles attribuent un rôle passif à la société qui subit alors une situation nouvelle sans parvenir à trouver les moyens ou la possibilité de s'adapter. Il va s'agir ici, au contraire, de s'attarder sur le rôle des causes internes à la société levantine. Dans quelle mesure la crise du XIIème siècle bénéficie-t-elle d'une mise en perspective chronologique avec la situation du XIIIème siècle et celle du Bronze Récent ? Le début du Fer I pourrait-il avoir constitué une réponse à des problèmes que traverse la société du Bronze Récent II5 ? Une telle problématique va à l'encontre des approches habituelles.

• Les problèmes de terminologie : du bronze au fer ou d'un métal à l'autre. La terminologie employée pour la désignation des périodes tend à faire croire que la transition s'effectue principalement dans un registre technologique. La transition « de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer » laisse entendre que le passage se résume à une question de maîtrise technique et que l'émergence de la métallurgie du fer explique, à elle seule, le passage d'un âge à l'autre. Pendant longtemps, les archéologues se sont retrouvés prisonniers des périodisations mises en place par leurs prédécesseurs. La distinction que l'on pouvait ainsi opérer pour séparer ces deux âges reposait sur l'utilisation de deux différents métaux. Quoi de plus normal, dans cette perspective, que la présence de fer lors de la fouille pour s'assurer que l'on était bien à l'âge du Fer ? Or les fouilles récentes présentant une stratigraphie suffisamment précise et fiable permettent de se rendre compte à quel point cette équation simpliste était l'expression d'une approche liée à une lecture trop pointilleuse du texte biblique. Il est vrai que celui-ci est éloquent3 sur le sujet de la maîtrise et de l'emploi du fer, et que la Bible a longtemps été considéré comme une source historique pour ces périodes. La métallurgie naissante du fer ne peut pourtant expliquer le passage d'un âge à l'autre. • La caractérisation de la transition du Bronze Récent au Fer I La vision du nouvel Âge qu'initie le Fer I a pendant longtemps été des plus singulières. Cette période verrait ainsi l'émergence rapide de deux nouveaux groupes ethniques : les Israélites et les Philistins, à la suite de leur installation respectivement dans les hautes collines et la plaine côtière du sud de la Palestine. La compréhension de ces deux nouvelles entités, mais également de la période, a jusqu'à présent reposé quasiexclusivement sur leur caractère ethnique. Un tel schéma, hérité de l'Ancien Testament, a longtemps modelé la perception historique et les interprétations archéologiques de cette période. L'arrivée de ces groupes sur la scène politique et démographique de la Palestine perturberait les équilibres anciens, mettant un terme au Bronze Récent. Le nouvel équilibre définirait quant à lui l'Âge du Fer. Cette montée en puissance de deux groupes ethniques consacrerait alors le nouveau paysage humain de la Palestine du Fer I. A ces deux Âges semblent ainsi correspondre deux sociétés qui diffèrent en tout point. Tel est le schéma qui prévalait et dont le présent ouvrage va s'efforcer d'infirmer ou de confirmer la validité. 3

Jos. 6 : 19, 24 ; 8 : 31 ; 17 : 16, 18 ; 22 : 8

6

4

Tadmor 1979 : 1

5

Muhly 1992 : 10

INTRODUCTION

ayant été publié de manière définitive mais les fouilles datent des années 1960. Ces établissements situés dans différentes régions ont été inégalement fouillés et les résultats inégalement publiés. La Shéphéla aux abords de la plaine côtière avec Gezer, Tel Batash, Lachish est relativement connue. En revanche, dans la Shéphéla à l'intérieur des terres, seul Bet-Shemesh a été fouillé mais voici de nombreuses décennies et la reprise des recherches y est encore récente. Les fouilles d'autres établissements placés dans cette zone comme Tell Eitun, n'ont livré pour la fin du second millénaire qu'un matériel céramique issu de contextes funéraires. Tell Beit Mirsim est surtout connu au travers d'un réexamen de la poterie exhumée lors des fouilles menées par W.F. Albright dans les années 1930. Il en ressort une impression, fondée, d'un réel déséquilibre dans la connaissance des sites et des régions. C'est dans cette perspective que la publication des fouilles de l'acropole de Tel Yarmouth viennent heureusement compléter des lacunes actuelles7. Cette étude contribue pleinement à une meilleure connaissance de la Shéphéla et du sud de la Palestine en général. Concernant les prospections, chacune des régions du sud de la Palestine a fait l'objet de recherches au cours du XXème siècle. Certaines prospections ont été menées en Shéphéla par Y. Dagan depuis une quinzaine d'années8. La plaine côtière a également vu des études s'effectuer, mais sur des étendues réduites et aucune approche globale couvrant l'ensemble de la région n'a été réalisée9. Les monts de Judée pour leur part ont été prospectés par M. Kochavi vers la fin des années 1960. Plus récemment, enfin, A. Ofer y a repris des travaux10. Quant à la plaine côtière du nord du Négev, elle n'a pas connu de recherches systématiques mais plutôt des études ponctuelles le long des principaux wadis et pour des périodes particulières, comme le Chalcolithique dans le bassin de Beer-Sheva.

• Historique des recherches La documentation dont on dispose, qu'elle soit historique ou archéologique, est relativement importante pour ces périodes. Pour la documentation écrite, le Bronze Récent II clôt toutefois une période riche en documents écrits, tout particulièrement pour le XIVème siècle, pour s'ouvrir sur une absence d'ancrage historique, entre le début du XIIème siècle et la fin du VIIIème siècle6. C'est ainsi une période de près de quatre siècles et demi durant laquelle les reconstructions historiques s'effectuent en l'absence de chronologie absolue. La bataille de Ramsès III contre les Peuples de la Mer au début du XIIème siècle constitue le premier élément datable, le second étant les campagnes assyriennes de Tiglat-Phalasar III en Palestine à la fin du VIIIème siècle. Si la qualification "d'âge sombre" pour le premier âge du Fer tire de cet état de la documentation une partie de sa raison d'être, il ne faudrait pas croire pour autant que cette longue période soit méconnue. Il demeure toutefois - c'est là une donnée inhérente à la recherche et nullement spécifique à cette période - que les interprétations proposées ne peuvent être rattachées à des événements historiques précis. L'absence de texte à laquelle on se heurte n'est toutefois pas totale. La documentation archéologique s'avère pour sa part d'une abondance certaine pour ces périodes. Elle est issue des nombreuses fouilles de sites effectuées depuis la fin du XIXème siècle. Ce sont cependant les trente dernières années qui fournissent les données les plus riches. Cette phase de recherche marque en effet un regain d'activité se traduisant par d'importantes missions de fouilles développées par des équipes internationales. Les sites du sud de la Palestine occupés vers la fin du second millénaire ayant récemment fait l'objet de fouilles sont principalement Gezer, Tel Mor, Tel Miqne, Tel Harassim, Tel Batash, Tel Ashdod, Tel Bet-Shemesh, Tel Yarmouth, Ashkelon, Lachish, Deir el-Balah, Tel Haroer, Tel Sera, Tel Masos. Des données complémentaires proviennent également de sites comme Tel Eitun, Tell Beit Mirsim, Tel Halif ou Khirbet Rabud. Les résultats des recherches sur ces sites ont été publiés, mais de manière hétérogène. La plupart l'ont été sous forme d'articles ou de rapports préliminaires souvent assez courts. On ne dispose de publications détaillées que pour les seuls sites de Gezer, Tel Batash mais seulement pour l'architecture, Tell Beit Mirsim, bien qu'il ne s'agisse pas de fouilles récentes, et Tel Masos. Tel Miqne et Ashkelon surtout, n'ont pas encore fait l'objet de publications exhaustives. Pour la plaine côtière, Ashdod reste le seul grand site "philistin"

• Etat présent de la recherche : controverses actuelles Les recherches actuelles menées dans le sud de la Palestine font actuellement l'objet d'âpres débats, en particulier chronologiques. Ceux-ci portent principalement sur la période d'installation des Peuples de la Mer dans la plaine côtière puis de développement politique et culturel des sites philistins. D. Ussishkin, fouilleur de Lachish, site à l'intérieur des terres, et I. Finkelstein, s'opposent 7 8 9

6

Finkelstein 1996b : 177 ; Mazar 1997a : 157

Jasmin 2000 et sous presse. Dagan 1986 ; 1991 ; 1992a ; 1993 Dothan 1952 ; Kaplan 1953

10

7

Bar-Adon et al. 1972 ; Ofer 1994

INTRODUCTION

tous deux aux fouilleurs des sites philistins, T. et M. Dothan, ainsi que L. Stager, tenants d'une haute chronologie. Ces derniers défendent l'idée de l'arrivée massive d'une population nouvelle sur les sites de Philistie, définissable ethniquement par la culture matérielle qu'eux-mêmes ont exhumée. Pour sa part, I. Finkelstein reformule depuis plusieurs années l'ensemble de la périodisation de la fin du second millénaire ainsi que du début du premier. Cette absence de consensus concerne donc pleinement la séquence chronologique du Fer I mais se répercute également dans la caractérisation ethnique des groupes humains au travers de leur production matérielle. Autant d'aspects de la recherche qui restent au centre des débats et des interprétations archéologiques, et sur lesquels nous serons amenés à nous prononcer.

supplémentaire à l'approche régionale que nous privilégions. Le chapitre suivant correspond au traitement des données archéologiques issues de fouilles et de prospections (chapitre IV). Celles-ci fournissent des informations permettant, du fait de leur nombre, une reconstitution précise de l'organisation des territoires politiques de la fin du second millénaire. Cette étape de la recherche, à l'échelle de la répartition des sites, se révèle essentielle pour la caractérisation des processus de la transition et la compréhension de leur déroulement. La troisième partie concerne l'étude de la culture matérielle de la fin du second millénaire. La production matérielle comprend l'étude de la céramique (chapitre V) puis à l'ensemble des autres expressions matérielles exhumées en Palestine, comme l'architecture ou les pratiques funéraires (chapitre VI). Y sont abordé des domaines variés pouvant certes faire l'objet de développement plus importants, mais pour lesquels nous nous sommes tenu à une approche synthétique. Le chapitre VII se consacre enfin au délicat problème des interprétations ethniques de la culture matérielle du Fer I, touchant aux proto-Israélites et Philistins, en particulier. Une quatrième partie enfin, par une double synthèse, archéologique puis historique (chapitre VIII et IX) clôt l'ouvrage. Cette synthèse repose tout particulièrement sur les recherches originales portant sur l'organisation du territoire et l'étude de la culture matérielle des chapitres IV à VI. A la mise en perspective de ces données, préside la tentative d'une reconstruction historique.

• Plan de l'ouvrage La première partie de ce travail traite de la Palestine au second millénaire et de la Shéphéla durant le Bronze Récent et le Fer I en particulier. Les deux premiers chapitres posent donc les cadres structurels : les contextes historiques puis géographiques, actuels comme anciens, au sein desquels s'incrivent les chapitres ultérieurs. La démarche procéde du général au particulier, tant dans l'organisation des chapitres au sein des parties, que dans la présentation des données. Aussi le cadre historique s'ancre-t-il dans une vaste perspective chronologique portant sur l'ensemble du second millénaire et non, seulement, sur ses derniers siècles (chapitre I). Le sud de la Palestine, malgré ses dimensions réduites à l'échelle du Proche-Orient, se divise en plusieurs entités géographiques distinctes, dont les caractéristiques propres entrent pour une part importante dans la détermination des territoires politiques du Bronze Récent et du Fer I. La géographie moderne et son cadre physique structurel (chapitre II), restent de ce fait un préalable incontournable à toute tentative de reconstruction de l'environnement antique pour lequel les données existantes demeurent encore éparses. Une seconde grande partie débute par l'étude des sites, de leur stratigraphie et de leur séquence chronologique (chapitre III), permet d'opérer et de confirmer des regroupements régionaux cohérents, ou au contraire de pointer du doigt les incohérences ou les exceptions que certains établissements représentent au sein d'un territoire. Les sites regroupent un corpus de données archéologiques indispensables, pour lesquelles l'économie d'une présentation ne pouvait être faite. Celle-ci porte donc sur chaque établissement fouillé en Shéphéla, et dans une moindre mesure, sur ceux situés dans les régions limitrophes, donnant un poids

Cette étude se voulant globale, l'ensemble des données matérielles existantes sont ainsi abordées. Résumons la logique d'ensemble qui sous-tend l'approche de la documentation archéologique. Les expressions matérielles sous leurs formes les plus variées sont traitées selon des niveaux hiérarchisés : la céramique, puis l'architecture et ses différentes expressions ; ensuite, à une échelle plus vaste, les sites et l'histoire de leur occupation ; l'étape suivante consiste en la compréhension de la répartition des sites dans l'ensemble du sud de la Palestine, enfin, et à une échelle plus importante encore, il s'agit de replacer la région dans son cadre géographique mais également de tenter de saisir les évolutions dont ce dernier a pu faire l'objet. Le traitement de ces données s'ancre donc dans une perspective multiple débouchant sur un corpus de connaissance solide, complet et cohérent. A ces quatre échelles de perception : micro-site (la céramique), intra-site (l'architecture et l'occupation des sites), inter-site (la répartition des sites) et régionale (la Shéphéla et les régions limitrophes 8

INTRODUCTION

dans leur contexte historique et environnemental), s'ajoute une approche de la société cananéenne reposant sur une subdivision en quatre grands domaines : politique, économique, social et culturel.

C'est par le croisement de ces différentes grilles de lecture que s'opèrera l'analyse des processus de la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer.

9

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

perdure jusqu'à la fin du IIème millénaire. Cette culture cananéenne sort donc du cadre chronologique du seul Bronze Moyen, pour caractériser aussi l'ensemble du Bronze Récent.

PREMIÈRE PARTIE LE CADRE HISTORIQUE

A. Contexte général du Proche-Orient

ET GEOGRAPHIQUE

Durant le Bronze Moyen, une unité politique prévaut dans l'ensemble du Croissant Fertile. Mais cette unité porte seulement sur le type de système politique en vigueur, celui de la cité-état, et ne signifie en rien un contrôle politique unique. Il existe en revanche une unité socio-culturelle. Des centres urbains se font face, se disputant les territoires environnants mais aucun n'émerge réellement. Les grandes entités politiques qui se développeront au Bronze Récent n'existent pas pour l'instant. On note toutefois la présence d'ensembles géo-politiques distincts, connaissant des fortunes diverses au cours de la période. Tous sont intimement liés puisque se développe un commerce à longue distance dont chacun profite. Quatre entités se dessinent : l'Egypte, la Syrie-Palestine, la Mésopotamie et l'Anatolie.

CHAPITRE I. ETUDE D'UNE TRANSITION : DE LA FIN DU BRONZE RECENT AU FER I

Une présentation historique du Bronze Moyen, puis du Bronze Récent et enfin du premier Age du Fer, a pour but de fournir une base chronologique solide. Ce cadre offre une structure rigide, correspondant principalement aux événements historiques et aux règnes. Ce chapitre replace donc dans un contexte historique et culturel plus large la période qui nous occupe : la fin du Bronze Récent puis le Fer I. La période charnière des XIIIèmeXIIème siècles ne peut être pleinement comprise, en effet, qu'à travers la prise en compte des ruptures mais également des continuités au sein de la société cananéenne. Si du Bronze Moyen II au Bronze Récent I il s'agit d'isoler les ruptures, les continuités semblant aller de soi, du Bronze Récent au Fer I c'est l'inverse, puisque ce sont les continuités qu'il s'agit d'isoler, les ruptures apparaissant comme plus franches. Remonter jusqu'au début du second millénaire permet donc d'intégrer la transition du Bronze Récent au Fer I dans une perspective chronologique plus vaste, à même de faire ressortir des processus séculaires et de mieux les expliquer.

La chronologie de la Palestine reste en grande partie liée à celle de l'Egypte. Au cours du Bronze Moyen cette dernière va connaître une succession de développements et de crises internes auxquelles les populations asiatiques seront plus ou moins directement associées. Le début du deuxième millénaire coïncide avec la fin de la Première Période Intermédiaire et la fondation de la XIIème dynastie (1991-1786)11 par le pharaon Amenemhet I. Ce qu'on appelle le Moyen Empire demeure une période faste dans l'histoire de l'Egypte. Le pays entretient des contacts commerciaux étroits, par voie maritime essentiellement, avec la Syrie et le site de Byblos en particulier12, tandis que la Palestine reste en retrait dans ce trafic. La XIIIème dynastie (1786-1652) voit en revanche l'Egypte entrer dans une phase de déclin13 et de crises internes affaiblissant le pouvoir impérial, qui culmine avec la Deuxème Période Intermédiaire et la XVème dynastie (1649-1540)14. Cette dernière correspond, fait rarissime dans l'histoire égyptienne, à la main mise sur la Basse Egypte par des populations extérieures, en l'occurence les "Hyksos" asiatiques. Leur capitale se situe à Avaris/Tell ed-Daba à l'est du delta du Nil. Cet état de fait fut rendu possible par une instabilité politique croissante dont l'Egypte

I- L'AGE D'OR DES CITES-ETATS : LE BRONZE MOYEN Le Bronze Moyen au début du IIème millénaire se définit par un renouveau urbain, atteignant des dimensions encore plus importantes que lors du Bronze Ancien II-III. Cette caractéristique, la plus remarquable, est complétée par de nombreux autres critères formant un tout, que l'on a souvent regroupé sous le vocable de "civilisation cananéenne". On peut considérer que cette dernière 10

11

Dever 1987 : 172 ; Mazar 1990 : 175 ; Dever 1992 : 2-3

12

Dever 1987 : 171

13

Ryholt 1997 : 190, 295

14

Ryholt 1997 : 188

LE BRONZE MOYEN

histoire son lot de populations diverses et variées qu'elle absorbe. Par la force des choses comme par celle de sa vocation semble-t-il ! Les mouvements de population au début du Bronze Moyen concernent les Amorrites. Ils ont été amenés à commercer, séjourner ou s'installer en Palestine pour l'influencer durablement. La détermination ethnique ou culturelle de ces groupes n'est pas sans poser problème. On situe leur origine vers le nord, comme celles des Hourrites : au début du IIème millénaire ils sont présents en Mésopotamie et en Syrie du nord16. Les Hourrites n'apparaissent en revanche en Palestine qu'entre le milieu du Bronze Moyen et le XVème siècle17.

ne sortira qu'avec la XVIIIème dynastie, équivalant au début du Bronze Récent. La Mésopotamie voit avec l'avènement du IIème millénaire, l'installation, dans le sud, des dynasties amorrites d'Isin et Larsa. Ces royaumes entretiennent avec les autres régions des relations soutenues, entraînant une diffusion importante d'idées et de denrées. Ainsi la Mésopotamie et la Syrie du Nord surtout, partagent des connections politiques importantes. Mais c'est tout l'ensemble du Croissant Fertile qui est quadrillé par une succession ininterrompue de royaumes depuis la Haute Mésopotamie, Mari dans le désert syrien, Emar dans le nord de la Syrie, Qatna dans la partie centrale plus aux abords de la côte, jusqu'à Hazor dans le nord de la Palestine. Il est possible d'y ajouter Avaris, constituant une des limites de ce vaste domaine d'échange où un équilibre politique stable règne presque sans partage. Ce sont les archives de Mari, datant de la première moitié du XVIIIe siècle, qui permettent d'éclairer cette période. Mais l'image qu'elles en véhiculent ne durera pas, puisque les visées expansionnistes de certaines villes vont renaître, en particulier avec Hammurabi de Babylone qui controle un territoire, vaste pour l'époque, mais pour une courte durée puisque son royaume sera sans postérité. Ce dernier se met en place grâce à des victoires successives, où les alliés de la veille deviennent les victimes du lendemain. Parmi les nouveaux venus sur la scène politique "internationale" apparaissent les Hittites. Jusqu'alors en Anatolie, à partir du XVIème siècle ils quittent leurs limites territoriales, pour venir troubler l'équilibre politique régional par des attaques surprises. Le royaume du Yamhad en fait le premier l'expérience en 163015, puis vers 1595 c'est au tour de Babylone de succomber à la force militaire de ces envahisseurs. Les Hittites se contentent pourtant de ces raids et ne cherchent pas à mettre en place un réel empire. On le voit, la Palestine reste en dehors de ces quelques épisodes guerriers et l'ensemble des sites du Bronze Moyen ne semble guère connaître de destructions. Les cités-états constituent son ossature organisationnelle, la rattachant politiquement à la Syrie. Mais les rapports avec l'Egypte n'en sont pas moins importants tout au long de la période et en particulier durant la dernière phase du Bronze Moyen, où une partie de l'Egypte sera fortement sous influence asiatique. La présence de nouveautés dans la culture matérielle locale dès le début du Bronze Moyen, a suscité des hypothèses reposant sur des causes extérieures pour expliquer un tel cas de figure. La Palestine possède ainsi en toute période de son 15

B. Périodisation Le problème que soulève la chronologie du Bronze Moyen est lié à la réalité stratigraphique et plus largement archéologique de la subdivision employée. Il serait en effet vain de chercher sur l'ensemble des sites de Palestine des séquences stratigraphiques reprenant une séquence 18 chronologique unique . Pareillement, la céramique ne reproduit que bien aléatoirement les différents changements survenus au cours de ces cinq siècles. Il faut ainsi avoir conscience que cette périodisation repose en partie sur une division artificielle, mais ayant le mérite de faire ressortir l'unité culturelle de la période. La périodisation de cette première moitié du IIème millénaire ne va donc pas sans poser des problèmes de chronologie aussi bien que de terminologie. Le principal porte sur l'appellation de la première période. Depuis Albright, il a été considéré que le Bronze Ancien III était suivi du Bronze Ancien IV/ Bronze Moyen I (2300-2000). La distinction nette entre le Bronze Ancien III et IV favorise une appellation faisant ressortir une rupture, dont la discontinuité est en tout point considérable. Le Bronze Ancien IV, phase de plusieurs siècles se clôt avec le début du Bronze Moyen tel que nous l'entendons. La rupture se plaçant à la fin du Bronze Ancien IV, aussi brutale qu'entre le Bronze Ancien III et IV, constitue sans aucun doute l'une des plus franches de l'archéologie palestinienne. Dans ce cas, l'appellation qui a prévalu jusqu'alors de Bronze Moyen IIA succédant au Bronze Moyen I ne rend pas compte de ces changements puisque "Bronze Moyen" dans les deux phases sous-entend une continuité. Le Bronze Moyen classique se compose, donc, selon cette terminologie de deux périodes majeures : le Bronze

Redford 1992 : 132, 134

11

16

de Vaux 1967 : 482 ; Gernot 1989 ; Steinkeller 1998

17

Ilan 1995 : 301 ; de Vaux 1967 : 486-492, 496

18

Ilan 1995 : 297

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

zénith de la culture cananéenne, à défaut d'être perçu comme son aboutissement. Ses dates (c.16501500) coïncident assez exactement avec la Deuxième Période Intermédiaire égyptienne (c.1652-1544). Le pharaon Ahmose opère alors de profonds changements. Le renouveau de la puissance égyptienne passe par une réunification de la Basse et de la Haute Egypte. Il est nécessaire au pharaon de reprendre la Basse Egypte, encore sous le contrôle des Hyksos25. La 11ème année de son règne, en 1541, il met ainsi le siège devant leur capitale Avaris/Tell-el-Daba, située dans le delta du Nil, pour s'en emparer et la détruire. La reconquête se poursuit alors en Palestine et conduit les armées du pharaon Ahmose à pourchasser les princes Hyksos jusqu'à Sharuhen, généralement assimilé à Tell el Ajjul26 où ils se sont réfugiés27 et qu'ils prennent après un siège 28. Ce grand site constitue leur principal centre politique et culturel dans la partie méridionale de Canaan. Le pharaon Ahmose mène l'Egypte hors de la Deuxième Période Intermédiaire, marquant ainsi le commencement de la XVIIIème dynastie et du Nouvel Empire. La Palestine entre alors dans le Bronze Récent.

Moyen IIA et le Bronze Moyen IIB-C. Cette terminologie est utilisée par W.F. Albright, A. Mazar ou M. Bietak. Nous préfèrons une périodisation plus explicite en trois phases : Bronze Moyen I, Bronze Moyen II et Bronze Moyen III, pour caractériser la période allant de 2000 à 1550/150019. Ce découpage permet de faire ressortir l'unité culturelle et archéologique de cette première moitié du IIème millénaire. Reconnaissons que le Bronze Ancien IV ressort "perdant" de cette terminologie puisqu'il ne se distingue peut-être plus suffisamment du Bronze Ancien III. Mais il est nécessaire de trancher. Cette division a été employée en particulier par K.M. Kenyon, W.G. Dever20, E.D. Oren ou D. Ilan21. BA IV (=BM I) c.2300-2000 BM I (= BM IIA) c.2000-1800 BM II (= BM IIB) c.1800-1650 BM III (= BM IIC) c.1650-1550/1500 L'effondrement de la civilisation urbaine du Bronze Ancien III, auquel d'éventuelles causes climatiques22 ne semblent pas étrangères, marque ce que nombre de chercheurs23 perçoivent comme un trait récurrent dans l'histoire de la Palestine. Celui-ci se compose d'alternances continues, d'un rythme cyclique de phases d'urbanisation suivies de phases de désurbanisation partielle ou complète du pays, entraînant un retour à un mode de vie non urbain voire nomade. Nous verrons à quel point les périodes traitées dans la présente étude se prêtent à cette problématique. La pertinence de processsus historiques cycliques peut, quant à elle, faire l'objet de plus de réserve. Le Bronze Moyen I inaugure donc une période nouvelle en Palestine où les établissements urbains vont recouvrir l'ensemble du pays. Cette première phase fait suite à plusieurs siècles de retour au nomadisme, où toute la population du pays semble avoir été concernée par ce phénomène. Le Bronze Moyen II se situe dans la continuité du Bronze Moyen I, aucune rupture majeure entre les deux périodes n'étant observée. La population augmente, les villes se font plus nombreuses et plus imposantes, particulièrement par la construction de formidables enceintes24. Le Bronze Moyen III peut-être considéré comme le

C. La documentation écrite disponible Deux types de sources écrites sont disponibles durant le Bronze Moyen concernant la Palestine. La première est constituée par quelques textes égyptiens de facture assez différente, aux informations partielles mais dont le recoupement permet d'obtenir des renseignements de premier ordre sur l'état d'urbanisation de la Palestine. Il s'agit de l'Histoire de Sinouhé29, des Textes d'Exécrations30 et de quelques autres documents : inscription funéraire31 ou peinture murale32. La deuxième source prend appui sur des documents issus du domaine palestinien. Ces sources écrites locales du Bronze Moyen constituent les premiers documents écrits issus de cette zone. Ces derniers participent de manière encore timide et marginale à la compréhension historique du pays du fait du contenu limité de leurs informations. Ces inscriptions datant de la fin du Bronze Moyen vers 1650-1600, sont doublement importantes. Elles correspondent au premier

25

Dever 1987 b : 174

Dever 1992, avec une bibliographie complète pour ces

26

Gonen 1992 c : 211 ; Kempinski 1993 : 49

problèmes de chronologie et de terminologie et ce pour

27

Dever 1992 : 13-14

l'ensemble du IIème millénaire.

28

Redford 1992 : 129

19 20

Ilan 1995 : 297

21

Ilan 1995 : 297-315

29

Redford 1992 : 82-86

22

Rosen 1995 ; Dalfes, Kukla, Weiss 1997

30

Redford 1992 : 87-93

23

Miroschedji 1993 b : 60-62 ; Huot, Thalman, Valbelle 1990 : 178

31

Trigger, Kemp, O'Connor, Lloyd 1983 : 143

24

Mazar 1990 : 191 ; Maier 2000

32

Mazar 1990 : 185-7 ; Redford 1992 : 83-87

12

LE BRONZE MOYEN

correspond à des installations sur des terrains vierges39. Les autres changements touchent des sphères d'activités variées. Dans des domaines tels que l'organisation politique, l'architecture, les coutumes funéraires, les technologies céramiques et métallurgiques, il est possible d'isoler de réelles nouveautés40. Changements, nouveautés, certes ; leur présence est indéniable. Il ne s'agit pourtant pas tant d'opposer la culture matérielle du Bronze Moyen à celle du Bronze Ancien IV, que de réussir à déterminer dans quelle mesure ces éléments s'appliquent à former la culture cananéenne. Il sera en effet par la suite nécessaire de se prononcer sur les continuités de cette culture jusqu'à la fin du Bronze Récent, la fin du IIème millénaire, ou même plus tard.

système d'écriture locale33 mais surtout, on y note une différence de taille avec tous les autres modes d'expression écrite : ce système est alphabétique. On distingue deux sources : les inscriptions protosinaïtiques, qui sont légèrement antérieures34 et proto-cananéennes35. Il n'existe que de simples fragments des issus inscriptions dites proto-sinaïtiques36, uniquement de Serabit al-Khadim dans le Sinaï. Limitées à trente et une inscriptions connus, de nature surtout rupestre, celles qui sont lisibles présentent des séquences de lettres identiques et plusieurs partagent un caractère votif. On considère que ces inscriptions s'ancrent dans « un contexte linguistique bien particulier qui est celui d'une langue sémitique »37. Les inscriptions proto-cananéennes proviennent de différents endroits de Palestine comme Shechem, Gezer ou Lachish38. La Shéphéla semble fournir une zone d'origine privilégiée à ces sources écrites. Nombre d'entre elles possèdent également un caratère votif. Ces différentes sources, malgré le caractère très partiel des informations, n'en sont pas moins un riche témoignage de l'évolution du cadre urbain en Palestine durant ces premiers siècles formateurs du Bronze Moyen.

1. LA REURBANISATION DE LA PALESTINE La première phase du Bronze Moyen I, le XXème siècle, est encore peu urbanisée. Le phénomène de réurbanisation se produit au cours du Bronze Moyen I mais durant le XIXe siècle principalement. On constate que ce processus s'effectue d'une manière beaucoup plus rapide que lors du Bronze Ancien I, longue phase pré-urbaine de plusieurs siècles. Jusqu'au Bronze Moyen II-III les sites ne cessent de devenir plus nombreux, plus importants, tandis que la population est en constante augmentation. Les travaux de Ram Gophna particulièrement, sur les établissements du Bronze Moyen et les problèmes démographiques qui y sont liés, apportent des informations capitales pour la compréhension de ces phénomènes41. La plaine côtière, qu'il traite plus spécifiquement, apparaît comme la plus dynamique et la plus peuplée au Bronze Moyen I. La rapidité du processus d'urbanisation qui s'y est déroulé en fait une zone d'étude privilégiée. De ces différentes études sur le peuplement, trois éléments nous intéressent ici plus spécifiquement. On constate d'abord une large réoccupation de la plaine côtière du Negev à partir du Bronze Moyen II, qui n'avait pas connu d'occupation dense depuis le Bronze Ancien III42. Cette zone voit l'installation de plusieurs cités comme Tell el Ajjul, Tel Jemme, Tell el Far'ah (Sud) pour les plus importantes. Au Bronze Récent, cette région continue à posséder un rôle tout particulier. Une

D. Les éléments matériels de la culture cananéenne Caractériser la culture cananéenne du Bronze Moyen apparaît comme une chose aisée en raison de l'unité qui semble régner à cette période dans le pays. Plus délicate en revanche est la détermination des antécédents culturels ainsi que celles des origines des populations, considérées comme non locales, qui seraient responsables du renouveau du Bronze Moyen. Cette culture cananéenne peut être isolée facilement tout d'abord quand on l'oppose aux caractéristiques matérielles de la période intermédiaire précédente du Bronze Ancien IV. Les changements sont assurément multiples et même brutaux. La dimension urbaine constitue le critère principal du Bronze Moyen, par la taille et la quantité des établissements. Ces villes "nouvelles" ne le sont qu'à moitié puisqu'une partie d'entre elles se réinstalle sur les emplacements de sites du Bronze Ancien. L'autre partie, la majorité, 33

Dever 1987 : 169

34

Briquel-Chatonnet 1998 : 59

39

Broshi, Gophna 1986 : 87, 88

35

Naveh 1982 : 23-42

40

Dever 1987 : 152

36

Dever 1987 : 169 ; Briquel-Chatonnet 1998

41

Gophna, Beck 1981 ; Broshi, Gophna 1986 ; Gophna, Portugali

37

Briquel-Chatonnet 1998 : 57-58

1988.

38

Naveh 1982 : 26

42

13

Miroschedji, Sadek 2000

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

continue, concerne l'ensemble de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer. Ces sites du Bronze Ancien et du Bronze Moyen façonnent durablement le paysage urbain de la Palestine, en particulier celui du premier millénaire, et même par certains aspects jusqu'à nos jours. Une deuxième approche concerne plus généralement la Palestine et tente de déterminer sa population48 durant le Bronze Moyen I et Bronze Moyen II-III. Ces quelques chiffres permettent de se faire une idée de la démographie de la période.

étude des sites non urbains43, toujours dans la plaine côtière, donne l'image d'un peuplement rural constitué de petits établissements, à plus ou moins grande distance de ces villes fortifiées. On peut penser, bien que les preuves manquent, que ces dernières opéraient un contrôle sur l'ensemble du domaine rural situé aux alentours. On posséderait alors un bon exemple du système socio-politique de sites hiérarchisés en vigueur au Bronze Moyen en Palestine, qui structure l'ensemble du pays. De ces établissements ruraux soulignons la taille réduite, couramment moins d'un hectare mais le plus souvent inconnue, et le fait qu'aucun ne possède de fortifications. Leur implantation prend en compte presque systématiquement la proximité de points d'eau, en revanche leur situation topographique ne semble avoir fait l'objet d'aucune recherche particulière. Des tentatives intéressantes de détermination de fonction des sites sont effectuées pour certains d'entre eux, suivant le type de reste matériel retrouvé sur place44. Il est ainsi envisagé pour certains sites, tel Bat Yam, la possibilité d'activités religieuses voire la présence d'un sanctuaire, du fait de l'existence d'objets issus normalement de contextes 45 uniquement cultuels . Tell el Hayyat en Jordanie46, datant également du Bronze Moyen II, présente des données comparables à celles de Bat-Yam. On saisit la complexité de ces sites ruraux. Il faut donc admettre que ces villages peuvent nourrir une autre image que celle de dépendance vis-à-vis des cités plus importantes. Les distinctions faites entre les différents établissements ne peuvent donc impliquer le seul critère de taille, distinction la plus souvent effectuée entre une cité et un village, avec celle de la présence d'une muraille. Ces caractéristiques semblent valables pour rendre la puissance des centres socio-politiques et ce, durant tout le Bronze Moyen. Mais les appliquer systématiquement pour chaque période et d'une façon identique au Bronze Récent, empêche de saisir les nuances et la complexité d'un monde rural où il est nécessaire de considérer des aspects non seulement urbains mais également socio-culturels. La question en suspens, bien que Gophna et Beck l'estiment résolue47, repose sur la continuité d'occupation de ces sites, censés constituer de simples villages "éphémères" où chaque période s'illustre par une nouvelle répartition. Il demeure indéniable qu'un urbanisme s'exprime dans ces grands sites fortifiés, dont l'occupation parfois

Nbre de sites

BA II-III BM I BM II-III

260 130 337

Taille(ha)

600 555,1 660,3

Population

150.000 100.000 140.000

Quelques précisions sont néanmoins nécessaires. La taille des sites du Bronze Moyen IIIII doit être largement réduite par la surface occupée par les fortifications qu'il est nécessaire de soustraire au décompte final. C'est ainsi que la levée de terre qui les distingue, constitue une zone non habitable pouvant aller jusqu'à 40% de la superficie d'ensemble49. Cela explique que la population du Bronze Moyen II-III apparaît comme moins importante que celle du Bronze Ancien II-III, alors que la taille de l'ensemble des sites lui est supérieure. Le processus qui couvre la Palestine d'établissements nouvellement créés ne constitue pas le seul critère permettant d'affirmer la vigueur du Bronze Moyen. D'autres caractéristiques expriment, au sein des sites, cette renaissance urbanistique et architecturale. L'élément le plus parlant, et dont on a le plus parlé, reste sans conteste l'édification des fortifications. Impressionnants ouvrages, il est vrai, aux dimensions si vastes que nombre de sites indiquent encore actuellement leur antique grandeur par ces levées de terre. Immenses par leur taille, leur hauteur, les exemples ne manquent pas : Hazor et Qatna50 surtout, et dans une moindre mesure Tel Batash, Aphek, Shechem. On comprend aisément au moyen de quel symbole de puissance ces cités asseyaient et exprimaient leur pouvoir. Ces travaux de fortifications sont restés bien souvent inégalés dans leurs dimensions ou le volume de terre mis en

48

Broshi, Gophna 1986

Gohpna, Beck 1981 : 75-7

49

Broshi, Gophna 1986 : 86

44

Gophna, Beck 1981 : 76

50

45

Gophna, Beck 1981 : 53-62, fig. 9 : 14-15

mesurant près de 500 mètres de long pour une hauteur de 13 à 15

46

Schwartz, Falconer 1994 ; Falconer 1994 ; Falconer 1995

mètres et pouvant en atteindre 20. Les dimensions intérieurs sont

47

Gophna, Beck 1981 : 76

de 400 mètres de côté.

43

14

Le site de Qatna est ceinturé d'un rempart de forme carré

LE BRONZE MOYEN

fin du IIIème millénaire55.

œuvre, et ce jusqu'au XXe siècle51. Leur édification s'est échelonnée sur l'ensemble du Bronze Moyen. Les premières fortifications remontent au Bronze Moyen I et la plupart furent édifiées au Bronze Moyen II, mais au Bronze Moyen III on en construisait encore52. Demeure la question, fort controversée actuellement, de la fonction de ces ouvrages53. Le premier problème, le plus élémentaire - mais pas le plus simple - consiste à déterminer le but de ces constructions. Leur aspect conduit naturellement à les interpréter comme des fortifications. On constate néanmoins au cours du Bronze Moyen une absence notable de couches de destruction sur des sites qui au vu de leurs moyens de défense, tendent à indiquer une période troublée. Dans quelle mesure ces puissants ouvrages ont-ils réellement servi ? Peut-être la crainte qu'ils inspiraient a-t-elle suffi à protéger les cités ainsi défendues ? Les critères de convergence de ces fortifications ne sont par ailleurs pas si nombreux. Ces protections sont aussi multiples dans leurs mode de construction que dans leur aspect, bien qu'une forme quadrangulaire tende à les caractériser. Elles peuvent être montées en terre, en pierre, en brique, ou dans plusieurs matériaux à la fois. Il peut s'agir de simples levées de terre, de glacis venant s'appuyer contre une muraille, ou bien avec un revêtement de blocs cyclopéens liés à un remplissage de terre comme à Shechem. Il apparaît actuellement que les raisons ayant pu pousser l'élite dirigeante de ces sites à faire construire ces ouvrages ne se limite pas à une simple volonté d'assurer une défense contre d'hypothétiques adversaires. Se mêlent des raisons d'ordre sociopolitique, où le fait d'édifier une fortification compte autant pour montrer son pouvoir, dont elle devient le symbole construit, qu'il exprime une émulation entre cités-états. La fortification se fait message du pouvoir, vers ceux qui dépendent de cette cité comme vers ceux qui sont en concurrence politique ou économique avec elle. Un autre élément caractéristique de l'architecture militaire qui apparaît en Palestine au Bronze Moyen est la porte à tenaille54. La porte pour être mieux défendue possède deux ou trois resserrements ou tenailles. Cette innovation possède une origine syrienne, puisqu'on la trouve dans cette zone vers la

51

millénaire-début

du

IIème

2. LES COUTUMES FUNERAIRES Un regard rapide sur les différents modes d'inhumations durant le Bronze Moyen pourrait laisser penser qu'ils expriment les croyances multiples de populations diverses occupant le pays, tant les pratiques se révèlent variées. On peut dénombrer jusqu'à six modes différents56 : chambres funéraires creusées dans le rocher, tombes maçonnées, tombes en puits pouvant être utilisées avec des chambres creusées, tombes en ciste maçonnées, simples fosses et enfin inhumations dans des jarres. On peut s'interroger sur les raisons amenant à de telles différences de pratiques pour enterrer ses morts. Une explication, du type de celles privilégiées généralement, serait de découvrir quelques populations non locales effectuant une irruption au cours de cette période et ajoutant leurs propres coutumes funénaires à celles locales. Or la réalité est autre et surtout plus complexe. A qui imputer quoi ? Une étude des modes d'inhumations à Tel Dan57 fait ressortir quelques points essentiels permettant une meilleure compréhension de ces pratiques. Il y est constaté que les corps placés dans les jarres appartiennent à des fœtus ou des enfants en très bas âge, soit des nourrissons, de moins de 23 ans. Les tombes en ciste contiennent les corps d'enfants âgés entre 3 et 12 ans. Quant aux chambres construites maçonnées, on y trouve des individus âgés de plus de 13 ans, soit des adultes. Il n'est donc pas nécessaire de faire intervenir des populations extérieures pour pallier un manque d'explication. L'importance accordée aux changements de statut social, en particulier la limite des 13 ans, recouvre une distinction des plus logiques opérée par les populations. Pourtant, cette association d'un type de tombe avec l'âge lors du décès ne permet pas d'expliquer systématiquement tous les modes funéraires en Palestine durant l'ensemble du Bronze Moyen. Car il ne faudrait pas, à l'inverse, croire que la complexité des rites mortuaires n'est qu'apparente, et ne cache que de simples modulations dans le mode d'inhumation suivant l'âge atteint par le défunt. En effet, tous les types n'ont pas été détaillés ici, et certains, qui n'appartiennent pas au cadre traditionnel, viennent s'y ajouter sans les remplacer. Or leur origine doit être éventuellement cherchée dans des contrées voisines à des périodes quelque peu antérieures. La religion, les croyances en l'au-delà et les pratiques

Même la période romaine n'a pu fournir que peu d'exemples

de cette ampleur. Le plus fameux reste la construction à Jérusalem par Hérode le Grand des vastes murs de soutènement de l'esplanade du Temple. 52

Dever 1987 : 154

55

Kempinski 1992 : 133 ; Matthiae 1982 : 329-330

53

Ilan 1995 : 316-7

56

Ilan 1995 : 318-9

54

Kempinski 1992 : 133-6 ; Dever 1987 : 154

57

Ilan 1995 : 318-9

15

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

liées au culte des ancêtres s'expriment diffusément dans les diverses coutumes funéraires et ces dernières restent fort délicates à appréhender.

3. LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES Les deux domaines où les changements survenus sont les plus importants sont ceux de la céramique et de la métallurgie. Pour la première, la technique du tour rapide se développe à grande échelle58. Couramment utilisée, elle entraîne un renouvellement des formes. Celles-ci deviennent plus travaillées, plus élégantes ; la carène apparaît comme un élément caractéristique, surtout pour les bols. L'utilisation d'un engobe rouge lustré est également distincte sur nombre de poteries. Concernant la métallurgie, le bronze s'impose enfin comme métal de prédilection en Palestine. Pendant tout le Bronze Ancien le cuivre est couramment employé. L'obtention du bronze nécessite l'ajout d'étain au cuivre, dans des proportions comprises entre 2 et 10%. Le métal devient plus malléable et se prête à la réalisation de formes plus fines ou plus coupantes. Les armes, comme les outils, profitent rapidement de cette nouvelle technologie. Cette métallurgie implique de nouveaux besoins, qui loin d'être annexes, deviennent des problèmes de première importance. Ainsi l'approvisionnement en étain, denrée rare au Proche-Orient, entraîne le développement d'un commerce florissant à longue distance dont les archives de Mari font état59.

58

Dever 1987 : 161-2 ; Mazar 1990 : 182 ; Ilan 1995 : 310

59

Dever 1987 : 161 ; Mazar 1990 : 184

16

LE BRONZE RECENT

Mitanni et le Hatti, connaîtront leurs heures de gloire au cours du Bronze Récent. L'Egypte sort de sa seconde période intermédiaire durant le XVIème siècle et après une conquête de la Palestine régnera sans partage sur cette dernière jusqu'à la fin du Bronze Récent III. Le Mitanni est une nouvelle entité politique située en Mésopotamie du nord et en Syrie, se développant à partir du XVIème siècle. Au faîte de sa puissance elle s'affrontera à l'Egypte et fixera avec cette dernière vers le milieu du XVème siècle des frontières en Syrie. Les Hittites dès le XVIème siècle sortent des limites de l'Anatolie mais cette nouvelle puissance traverse alors une période de troubles internes. Ce n'est qu'en 1360 que les Hittites reconquièrent la Syrie du nord, abattent définitivement le royaume du Mitanni et affrontent l'empire égyptien lors de la fameuse bataille de Qadesh, mettant au prise Ramsès II (1279-1213), dans la quatrième année de son règne et Hattushili III60. Le traité diplomatique qui suit, scellé par une alliance matrimoniale entre la fille du monarque hittite et Ramsès II61, marque pendant près d'un siècle, jusqu'à l'effondrement de l'empire du Hatti, la division du Levant entre ces deux puissances62. La frontière se place au nord de Kamid el Loz. La Syrie est donc sous contrôle hittite, la Palestine et le Liban restent sous contrôle égyptien : ils l'étaient déjà depuis plus de deux siècles.

II- LE BRONZE RECENT : DES PUISSANCES IMPERIALISTES A L'EPOQUE DES RELATIONS "INTERNATIONALES" A. Contexte général du Proche-Orient 1. LA SITUATION GEOPOLITIQUE Le Proche-Orient connaît dès le XVIème siècle et au cours de l'ensemble du Bronze Récent une situation géopolitique fondamentalement différente de celle du Bronze Moyen. Nous considérons que l'organisation du Levant repose sur une structure politique tripartite. La structure la plus puissante se concentre dans le centre des empires, tel l'Egypte, où s'effectue une gestion directe du pouvoir. Les régions conquises forment une structure secondaire, s'y met en place une organisation particulière, propre à chaque empire, avec un contrôle plus ou moins direct et variant dans ses expressions. Enfin, les régions contrôlées possédaient un mode d'organisation politique plus ancien, qu'elles conservent dans la plupart des cas et qui s'exprime dans le système des cités-états. C'est donc dans ces zones que la situation est la plus complexe avec la coexistence de deux systèmes d'organisation politique. Il est toutefois possible de distinguer entre la sphère administrative et politique, la première dépendant de l'empire, la seconde des anciennes structures locales. Cette organisation complexe de la Palestine durant le Bronze Récent II appelle quelques développements.

b. Des zones sous influence : L'ensemble du Levant au Bronze Récent se trouve être compartimenté en différentes "zones d'influence"63, aussi nombreuses que les puissances se disputant la région. Cette notion de sphères de contrôle exprime bien la situation politique de la Syrie et de la Palestine. Elles ne cessent cependant pas d'exister par elles-mêmes. Les empires s'imposent en effet par la force mais n'opèrent pas de massacres, déportations ou autres, pratiques guerrières en revanche courantes au Ier millénaire avec l'empire assyrien. Les régions conquises, bien que devant payer tribut, connaissent alors une autonomie économique et politique plus réduite mais réelle. Le Hatti, dont la capitale se situe à Hattusha, gère ses provinces de Syrie du nord depuis la place centrale de Carkémish. Quant à la puissance commerciale d'Ugarit, elle ne cesse de grandir. La ville évite toute entreprise militaire et préfère payer, sans cesser d'entretenir sa prospérité. Pour les provinces asiatiques de l'Egypte auxquelles

a. Des empires aux visées impérialistes : Le devant de la scène politique est occupé au cours du Bronze Récent par plusieurs grandes puissances. Certaines sont anciennes, comme l'Egypte, d'autres émergent comme la Babylonie kassite, le Hatti, le Mitanni ou l'Assyrie, qui ne se développe qu'à partir du XIIIème siècle. Chacune se met en place dans des zones différentes. Il faut pourtant considérer qu'au Bronze Récent, l'ensemble du Proche-Orient est sous leur contrôle. Il y régne une certaine situation d'équilibre entre les grandes forces politiques. Ce facteur aura une conséquence directe dans la gestion des régions conquises. L'équilibre global dans les rapports entre empires s'exprime en partie dans des conquêtes qui, une fois opérées, varient peu. De plus, la stabilité intérieure des grandes puissances explique également la continuité dont fait preuve leur empire. Tous ne sont cependant pas équivalents et certains, telle l'Egypte, connurent une existence plus longue. Pour le Levant trois empires, l'Egypte, le 17

60

Redford 1992 : 183-185

61

Redford 1992 : 241

62

Redford 1992 : 189-190

63

Huot, Thalmann, Valbelle 1990 : 125

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

la Palestine se rattache, trois centres administratifs, avec Gaza, Sumur et Kumidu64 répartis sur le territoire gèrent, pour l'Egypte, d'une manière quelque peu identique à Carkémish pour l'empire hittite, les ressources économiques exploitables.

présence asiatique Hyksos dans le delta a déterminé l'Egypte et en particulier Ahmose, premier pharaon de la XVIIIème dynastie, à entreprendre en Palestine une guerre de reconquête afin de détruire définitivement l'ennemi envahisseur de l'Egypte. Mais comme le fait remarquer S. Bunimovitz67, les destructions des sites de Palestine se sont opérées dans un cadre chronologique qui dépasse largement le règne d'Ahmose. La conquête de l'ensemble du territoire asiatique demande des campagnes militaires répétées qui s'échelonnent jusque vers le milieu du XVème siècle avec les victoires décisives de Thoutmosis III (1479-1425). La bataille de Megiddo où il lutte contre une coalition de rois cananéens nous est bien connue au travers d'une liste de 119 cités vaincues inscrites sur le temple d'Amon à Thèbes68.

c. Le mode de gestion local : le système des citésétats Cette emprise impérialiste dont la Palestine subit le poids administratif mais surtout économique et politique, s'exprime tout particulièrement dans la relation ambiguë qui se développe avec le système des cités-états, antique organisation politique en vigueur en Palestine, remontant au Bronze Ancien dont elle constitue l'héritage le plus direct. Il s'agit d'une situation complexe, reposant sur une coexistence voulue par la puissance conquérante et dont le pouvoir local, détenu par les multiples élites urbaines devra faire "contre mauvaise fortune, bon cœur". Le fonctionnement du système politique des cités-états et leur organisation territoriale sera développé plus avant dans le chapitre concernant la répartition des sites. Il importe simplement pour l'instant de souligner cette situation paradoxale, voyant sur un même territoire une organisation double reposant sur deux pouvoirs, de nature et de force différentes, aux motivations nullement complémentaires, dont l'opposition a perduré pendant des siècles.

b. La XIXème dynastie (XIIIème siècle) : A la fin du XIVème siècle, quelques problèmes internes à l'Egypte entraînent la fin de la XVIIIème dynastie et l'avènement de la XIXème. Pour la Palestine, cet affaiblissement ne se note guère dans le contrôle qu'opère l'Egypte sur elle. La nouvelle dynastie marque en revanche une reprise des campagnes militaires en Palestine sous Séti Ier (1294-1279). Après Ramsès II (1279-1213) qui porte son effort au nord de la Palestine, c'est son successeur Merneptah (1213-1203) qui effectue à son tour une campagne en Palestine. Merneptah est également le premier pharaon ayant combattu les Peuples de la Mer, pour l'occasion coalisés aux Libyens. S'agit-il d'une première vague de ces populations qui à plusieurs reprises, durant quelques décennies, vont perturber plus ou moins profondément l'ensemble des sociétés de la Méditerranée orientale et du Proche-Orient : chute ou effondrement de certaines civilisations : égéenne, hittite, civilisation palatiale avec les centres urbains situés sur la côte levantine, déclin pour d'autres comme l'Egypte, ou de régions du Levant situées à l'intérieur des terres ? Le tableau reste contrasté, malgré une volonté parfois tenace de voir dans cette fin du XIIIème siècle l'effondrement de tout un monde69. En Egypte, une crise interne passagère met un terme à la XIXème dynastie70.

2. LA SITUATION EN PALESTINE : LA PRESENCE EGYPTIENNE Si au cours des quatre siècles que dure le Bronze Récent, le devenir de la Palestine n'a cessé de dépendre directement de l'Egypte, il serait en revanche faux de croire que cette dernière lui a fait subir une présence uniforme au cours de cette période65. Les motivations de la présence égyptienne ont évolué dans leur nature comme dans leur expression. Les raisons et les buts de cette présence expliquent en partie la prospérité et le déclin de la Palestine66.

a. La XVIIIème dynastie (c.milieu du XVIèmefin XIVème siècle) : Le XVIème siècle marque donc le retour de l'Egypte comme redoutable puissance conquérante. La Palestine sera la première à payer cette nouvelle politique impérialiste, d'autant plus cher que la

67

Bunimovitz 1993 a : 444 ; 1995 : 320, 322

Moran 1987 : 34-35

68

Redford 1992 : 156-157 ; Mazar 1990 : 233

65

Bienkowski 1986 : 137-155

69

Muhly 1992 : 10-11

66

Bienkowski 1989 : 59

70

Mazar 1990 : 288

64

18

LE BRONZE RECENT

qu'elle ne s'appuie sur l'histoire égyptienne. Les XIXème et XXème dynasties possèdent effectivement des équivalences plus marquées avec les périodes de règne, signe, semble-t-il, d'un regain de présence égyptienne. Mais l'ensemble de la brillante XVIIIème dynastie, couvrant près de deux siècles et demi, présente globalement peu de relations avec les subdivisions prévalant en Palestine.

c. La XXème dynastie (XIIème siècle) : La XXème dynastie débute avec Ramsès III (1182-1151) pour s'achever avec Ramsès VI. Pour la Palestine, cette période du Bronze Récent III s'étend globalement depuis la bataille de Ramsès III contre les Peuples de la Mer jusqu'à la fin du règne de Ramsès VI vers 1135, qui marque la fin de l'occupation égyptienne dans le Levant sud. L'Egypte opère alors un retrait prolongé jusqu'au Xème siècle, date à laquelle le pharaon Shishak effectue une campagne militaire en Palestine vers 93071. C'est au début de la XXème dynastie que s'effectue la grande confrontation entre l'Egypte et les Peuples de la Mer lors d'une bataille maritime et terrestre durant la 8ème année du règne de Ramsès III vers 1175, relatée sur le temple de ce pharaon à Medinet Abu à Thèbes. La fin de l'hégémonie égyptienne en Palestine est davantage due, pour Weintein72, à des défaites militaires qu'à un déclin progressif.

a. La céramique : On ne constate pas de rupture brutale dans la culture matérielle entre le Bronze Moyen et le Bronze Récent. La céramique du Bronze Récent IA montre en effet de nombreuses continuités avec celle de la période précédente73. La poterie locale offre, pour ces périodes, des caractéristiques difficiles à évaluer, ne permettant pas de fixer les références chronologiques désirées. Elle est en particulier de peu d'aide pour séparer le Bronze Moyen du Bronze Récent74. Les distinctions stylistiques marquées liées à des catégories de poteries disparaissent en effet au cours du Bronze Récent I, laissant la place à une céramique locale essentiellement non peinte pour laquelle seules les caractéristiques morphologiques permettent d'opérer les différences chronologiques nécessaires. Ce sont les importations et certaines catégories céramiques qui fixent les grands cadres de la chronologie relative. L'apparition d'importations avec les céramiques chypriotes et mycéniennes qui deviennent relativement courantes à partir du milieu du IIème millénaire sur l'ensemble de la côte levantine, joue un rôle considérable. Vers la toute fin du Bronze Moyen apparaissent trois nouvelles catégories céramiques : Bichrome, Grey/Black lustrous et Chocolate-on-White75, qui ne se développent toutefois pleinement que durant le Bronze Récent IA76 et sont considérées comme caractéristiques de cette période. A ces catégories, s'en ajoutent d'autres reconnues comme particulièrement diagnostiques pour le Bronze Récent I : White-Slip I et Base-Ring I. Il s'agit de productions chypriotes, exportées dans l'ensemble du monde levantin. Mais parmi les nombreux types produits à Chypre même, seules certaines formes sont destinées à l'exportation. Le groupe White-Slip correspond au milk-bowl, dont la forme reste relativement fixe durant l'ensemble du BR, le décor peint évolue en revanche, allant dans le sens d'une

B. Périodisation On respecte d'ordinaire le schéma chronologique suivant : BR IA : 1550/1500-1450 (XVIIIe dynastie) BR IB : 1450-1400 BR IIA : 1400-1300 (Amarna) (XVIIIe dynastie) BR IIB : 1300-1200 (XIXème dynastie) BR III / Fer IA : 1200-1130 (XXème dynastie) Les dynasties égyptiennes offrent un cadre historique correspondant globalement aux phases archéologiques en Palestine. L'ensemble du Bronze Récent correspond ainsi aux XVIIIème, XIXème et XXème dynasties. Le Bronze Récent I équivaut à la première partie de la longue XVIIIème dynastie. Le Bronze Récent IIA à la fin de la XVIIIème dynastie, soit la période Amarnéenne. Le Bronze Récent IIB correspond à la XIXème dynastie, le Bronze Récent III à la XXème dynastie.

1. LA CHRONOLOGIE RELATIVE La Palestine présente une situation assez paradoxale au Bronze Récent. Le contrôle de la Palestine par l'Egypte aurait pu mener à une chronologie directement liée à celle de la puissance occupante. Or la périodisation de la Palestine repose sur l'utilisation de céramiques importées davantage

73

Leonard 1989 : 10

74

Bunimovitz 1992 : 125

71

Redford 1992 : 312-313

75

Fischer 1999

72

Weinstein 1992 : 142

76

Leonard 1989 : 10-11 ; Bunimovitz 1995 : 330 ; Fischer 1999

19

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

simplification. Pour la catégorie Base-Ring, on note, entre le BR I et II, un changement dans le type de décor ainsi que dans la taille des cruches et des cruchettes. Le BR IIA voit une baisse de la qualité de la céramique locale et une augmentation des importations chypriotes et mycéniennes77. Le Bronze Récent I et II se distingue grâce aux catégories de céramiques chypriotes White-Slip II et Base-Ring II et Mycénienne IIIB. D'autres importations, crétoises, syriennes ou anatoliennes, plus rares, donnent également des indications chronologiques. Ces poteries généralement peintes, possèdent des évolutions stylistiques propres permettant d'opérer des précisions chronologiques au sein de ces grandes périodes. Ces groupes céramiques évoluent de telle manière qu'il est possible de distinguer entre le Bronze Récent IIA et IIB. Cette succession de céramiques importées permet ainsi d'établir une chronologie assez fixe, mais qui reste cependant relative.

d'affiner la succession des événements historiques en fournissant des éléments de datation plus précis. Des céramiques Mycénienne IIIC78 succédant à la IIIB, ont été retrouvées sur plusieurs sites, en particulier à Ugarit, Tel Keisan et à Bet-Shan. Elles y sont importées, à la différence de celles exhumées à Enkomi ou Kition à Chypre, de fabrication locale79. Pour Ugarit80, la conclusion principale qu'apporte cette découverte est que le site connaît son abandon définitif après que la phase de la poterie Mycénienne IIIC ait commencé. La destruction du site ne coïncide ainsi pas exactement avec la phase IIIB, mais avec la période suivante. Le passage du Mycénien IIIB au IIIC s'effectue donc au cours du début du XIIème siècle. Par ailleurs, de la céramique grise troyenne (Trojan grey ware) de type Troie VI/VII, équivalente à celle retrouvée à Tel Miqne, était associée à la couche contenant du Mycénien IIIB. A Bet-Shan, ville-garnison égyptienne durant la XXème dynastie, des tessons de céramique Mycénienne IIIC, importés de Chypre, ont été exhumés dans les deux dernières phases d'occupation du tell (S-3 et S-4 dans l'aire S)81. Il importe de bien distinguer entre la céramique IIIC importée dans le nord de la Palestine à Tell Keisan ou Bet-Shan et la poterie Mycénienne IIIC:1b de fabrication locale dans le sud de la Palestine, en Philistie particulièrement82. Ces deux catégories de poterie ont en effet dû connaître des périodes de production légérement distincte83. La fin des importations chypriotes et mycéniennes sur les sites de Palestine apparaît aujourd'hui comme un élément révélateur mais insuffisamment précis pour indiquer la fin du Bronze Récent, en particulier dans le sud de la Palestine. La cessation de ces importations indique la fin du Bronze Récent II mais non du Bronze Récent III. Il se joue près d'un demi-siècle entre la fin du XIIIème siècle et au minimum le milieu du XIIème. Au final il s'avère que seule la céramique grise troyenne (Trojan Grey Ware) permet de fixer une limite plus précise à la présence égyptienne en Palestine et au Bronze Récent III. Mais comme le montre N. Na'aman84, le problème rencontré avec cette catégorie de céramique importée concerne le nombre très limitée de site qui en comporte, puisque seuls Tel Miqne et semble-t-il Lachish en ont fournit dans le sud de la Palestine. Plus au nord

b. L'emploi de la céramique pour la chronologie de la fin du Bronze Récent La datation de la fin du Bronze Récent II repose communément sur la date charnière de 1200. Il a longtemps été considéré que cette dernière exprimait avec une certaine précision la fin des importations, en particulier mycéniennes, dans le monde levantin. Or nous abordons ici un problème chronologique épineux. Un postulat a en effet longtemps eu cours, reposant sur une vision simplificatrice des modalités du passage du Bronze Récent II au Fer I. La succession chronologique des événements s'est construite sur le schéma suivant : des mouvements de populations durant le dernier tiers du XIIIème siècle mettent fin au commerce entre royaumes en Méditerranée orientale. Les Peuples de la Mer, à cette même période, détruisent au Levant les centres urbains. Cet effondrement de la civilisation palatiale levantine se note alors stratigraphiquement par une couche de destruction comportant les dernières importations de céramiques chypriotes (White-Slip II, Base-Ring II) et Mycénienne IIIB. Leur présence dans une couche signifierait donc que l'on se trouve encore au Bronze Récent II et que le commerce à longue distance est encore vivace. Leur absence signifierait au contraire que l'on se trouve au Fer I, après le passage et les destructions des Peuples de la Mer, à une période où ce vaste commerce n'existe plus, la date de 1200 posant en termes tranchés cette séparation. Les données archéologiques disponibles permettent

77

Gonen 1992 c : 20-21

20

78

Killebrew 1998 b : 161-162

79

Stager 1985 a : 62

80

Monchambert 1996 : 45-46

81

Mazar 1997 a : 159

82

Finkelstein 1995 c : 224-225

83

Na'aman 2000 b : 4

84

Na'aman 2000 b : 3

LE BRONZE RECENT

la céramique grise troyenne a été retrouvée en plus grande quantité à Tell Abu Hawam85.

A. Mazar a effectué des datations 14C à partir de graines carbonisées provenant du niveau S-2 (Late level Late VI) de Bet-Shean88. Ces échantillons issus de graines sont préférables à ceux de poutres qui s'avèrent problématiques. Plusieurs siècles peuvent en effet s'écouler entre l'abattage de l'arbre et une réutilisation des poutres dans la charpente, jusqu'à leur destruction par le feu. Les dates obtenues par Mazar, 1128-1042, correspondent relativement bien aux datations relatives, stratigraphique et céramique. Un autre domaine permet d'obtenir des dates absolues, il s'agit de la riche documentation écrite du Bronze Récent, particulièrement pour la fin du XIIIème siècle.

2. LES DATATIONS ABSOLUES a. Les objets égyptiens : L'Egypte a laissé en Palestine des traces matérielles importantes sous forme de cartouches, scarabées, monuments et documents divers. Il faut toutefois faire preuve de prudence. On connaît l'utilisation fort prolongée dont les scarabées, particulièrement nombreux dans les niveaux du Bronze Récent, peuvent faire l'objet. C'est donc la présence de céramiques stratigraphiées Mycénienne IIIB, avec des objets égyptiens bien datables, qui permettent de corréler précisément la fin du Bronze Récent II avec les règnes pharaoniques. Divers objets ont été exhumés dans des niveaux comportant de la céramique Mycénienne IIIB86 : une épée comportant un cartouche de Merneptah (12131203) provient d'Ugarit ; deux jarres égyptiennes de la forteresse d'Haruba dans le nord-est du Sinaï87 possèdent des cartouches de Séti II (1199-1193) ; enfin un vase en faïence de Tewsoret (1193-1185) a été découvert à Deir Alla dans la vallée du Jourdain. Ces éléments indiquent que la date de 1200 présente une imprécision de quelques dizaines d'années. La céramique Mycénienne IIIB a cependant pu être utilisée dans certains centres comme Deir Alla après l'arrêt du commerce et les destructions des sites côtiers par les Peuples de la Mer. Concernant le commerce entre royaumes, il perdure au moins jusqu'à l'extrême fin du XIIIème siècle et jusqu'à une à deux décennies supplémentaires, soit 1185 pour la fin de ce commerce. La céramique Mycénienne IIIC retrouvée à Ugarit tend à le confirmer.

C. La documentation écrite disponible 1. LES DOCUMENTS DU BRONZE RECENT Les documents écrits sont relativement abondants, en particulier du fait d'archives plus courantes qu'au Bronze Moyen. La documentation la plus fameuse pour l'ensemble du Bronze Récent est sans doute les lettres d'El Amarna. Ces archives furent découvertes fortuitement à El-Amarna vers 1887, sur l'antique site fondé par Aménophis IV-Akhénaton89 au XIVème siècle. Fabriquées en argile, écrites en cunéiforme et rédigées en babylonien, elles s'intègrent parfaitement à la langue diplomatique internationale du Bronze Récent s'étendant à cette époque à l'ensemble du Proche-Orient90. Ces archives concernent principalement les lettres envoyées par l'élite des cités de Canaan à Aménophis III puis à son fils Aménophis IVAkhenaton. Réputées pour leur caractère diplomatique, elles donnent surtout des informations sur le type de relations entre le pharaon et divers royaumes et vassaux. Une majorité de textes concernent ainsi des échanges de cadeaux entre cours royales, ou des listes de présents liés à des mariages91. Seule une partie plus restreinte renseigne efficacement sur les relations diplomatiques proprement dites. Leur incidence et leur portée historique seront pleinement développées dans le chapitre IV concernant l'organisation politique de la Palestine. Pendant longtemps, l'Ancien Testament a par ailleurs fourni pour cette période de la fin du Bronze Récent la seule base historique. Or les

b. Les datations 14C : Les datations par 14C restent relativement peu courantes pour le Bronze Récent, du fait de l'imprécision des dates fournies par cette méthode et de ses marges d'erreur. Les catégories de céramiques importées en contexte stratigraphique permettent de cadrer bien plus précisément, jusqu'au demi-siècle près, les séquences chronologiques. Cette réticence dans l'utilisation des datations 14C, quoique compréhensible, est toutefois dommageable quant à la mise en place de cadres chronologiques absolus et stables.

88

Mazar 1997 : 160.

Na'aman 2000 b : 3

89

Moran 1987 : 13 ; Moran 1992 ; Cohen, Westbrook eds 2000

86

Stager 1995 : 335

90

Moran 1987 : 21

87

Oren 1987 : 92-93

91

Moran 1987 : 33

85

21

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

données archéologique ont montré les limites de ce document et sa non fiabilité historique pour cette période92. On peut noter qu'il est étrange que des mouvements de populations de l'ampleur de celles des Peuples de la Mer sur une période de plusieurs décennies ne fassent l'objet d'aucune mention dans l'Ancien Testament, pas plus que la présence égyptienne en Palestine durant quatre siècles. De toute évidence, la rédaction de ces textes ne s'est opérée que bien des siècles plus tard, alors que la mémoire de ces événements s'était perdue.

semble que ces textes révèlent surtout une période de mouvements de population ayant pu durer des décennies, plutôt qu'ils n'annoncent l'imminence de la destruction de la ville. Les lettres entre Ugarit et Alashiya/Chypre, mentionnent « "sept" navires hier, peut-être encore "sept" demain »95. Ces quelques bateaux sont moins l'avant garde d'une vaste flotte de Peuples de la Mer, que le reflet d'une situation de migrations quasi quotidiennes. Les "tablettes du four" ne datent donc pas la destruction d'Ugarit à quelques heures près et plusieurs décennies peuvent séparer leur rédaction de la fin de la ville. La correspondance du roi d'Ugarit Ammurapi avec Bay (RS 86.2230) au début du XIIème siècle montre que son règne a duré au moins jusqu'en 119096. Pour ce qui est d'Emar, la documentation est différente. Point de mention de Peuples de la Mer mais en revanche une tablette à caractère commercial retrouvée dans une couche de destruction et comportant une date précise. Son caractère non diplomatique indique qu'elle a dû être rédigée peu de temps avant la fin du site. La destruction d'Emar serait donc survenue vers la fin de décembre 1187. Précisons que cette datation repose sur la base d'une corrélation avec la chronologie mésopotamienne97. I. Singer fait par ailleurs remarquer que la destruction d'Emar a pu être liée à des groupes locaux98. Rares sont les sites du Levant sud ayant livré des tablettes dans des contextes de destruction comme pour le Levant nord. Seul Aphek, vers 1230, a livré une tablette provenant d'Ugarit99.

2. LES DOCUMENTS HISTORIQUES ET LA FIN DU BRONZE RECENT IIB a. La documentation du Levant nord : Les villes d'Ugarit et d'Emar ont livré dans leurs couches de destruction des tablettes inscrites. A Ugarit le fameux "four à tablettes" a fourni pendant des décennies un argument à la mise en scène de l'effondrement brutal de la civilisation palatiale de la côte, dont Ugarit constituait le plus orgueilleux exemple. Rappelons les termes du problème selon J.-C. Margueron93 : « le fouilleur (Schaeffer) pense avoir retrouvé un four contenant une fournée de tablettes dont la cuisson aurait été brutalement interrompue par l'effondrement du mur voisin sous l'effet de l'incendie du palais ; toutes les tablettes du lot seraient donc strictement contemporaines et en même temps datées de la destruction d'Ugarit. Or, l'une des tablettes émanant du roi hittite fait allusion à un danger, sans doute un ennemi, qui menace l'empire. La relation établie entre les deux séries de données (four et texte) a conduit généralement à reconnaître dans ce danger l'arrivée des Peuples de la Mer ». Une réétude récente du contexte de découverte de ces tablettes montre pourtant qu'aucun four ne se trouvait dans cette zone94. La destruction de la ville, qui a bien eu lieu, n'en est pas pour autant signée : les Peuples de la Mer peuvent être vraisemblablement tenus pour responsables d'une attaque subite aboutissant à la destruction du site, mais aucune preuve ne vient pour l'instant le confirmer. Le caractère alarmant de certains textes reste en revanche bien réel. Il faut alors les replacer dans un contexte historique plus large. Les documents écrits incriminés mentionnent la présence de bateaux appartenant aux Peuples de la Mer passant aux abords de la cité côtière. Ce fait correspond donc bien à une réalité historique. Il

b. La documentation égyptienne : En Palestine, les tentatives pour fixer des repères chronologiques reposent avant tout sur la présence ou l'absence de matériel égyptien dans les grands sites. Or les sources égyptiennes concernant la fin du Bronze Récent II s'avèrent relativement limitées. On possède de Merneptah une stèle fameuse : la stèle "d'Israel". Cette dernière commémore sa victoire contre les Libyens durant la 5ème année de son règne en 1208100. La fin de la stèle documente la situation politique en d'autres contrées, en particulier les provinces asiatiques. Plusieurs villes prises par le pharaon sont mentionnées : Ashkelon, Gezer, Yenoam, et puis 95

Liverani 1995 : 50

96

Yon 1992 : 120 ; Stager 1995 : 335

97

Arnaud 1975 : 89

92

Finkelstein 1988 a : 337

98

Singer 1987 : 42

93

Margueron 1995 : 58

99

Beck, Kochavi 1985

94

Margueron 1995

100

22

Singer 1994 : 286

LE BRONZE RECENT

politique, administrative, militaire, économique ou culturelle. Il importera donc pour l'instant de s'en tenir à une présentation des traces matérielles permettant une évaluation de la présence égyptienne au cours des XIIIème et XIIème siècles. Seule l'étude de l'organisation du territoire, de la culture matérielle au travers de la céramique, de l'ensemble des expressions architecturales et des coutumes funéraires permettra de proposer une interprétation précise.

Israel. Il n'est pas question ici de rentrer dans le vaste débat historique, loin d'être réglé101, quant à cette première mention, la seule, dans un document historique égyptien. "Israël" ne peut être envisagé comme une ville, il s'agit plus certainement d'une population à la répartition peut-être relativement homogène à cette période, que l'on aurait tendance à placer dans le territoire des hautes collines de Palestine. Concernant le problème spécifique de la mention d'"Israël", ce dernier sera développé dans la sous partie suivante sur le Fer I. Le document le plus important reste la bataille de Ramsès III contre les Peuples de la Mer, sculptée sur les murs du temple de Medinet Abu. Ce dernier sera également détaillé dans la partie suivante sur le Fer I.

a. Les données archéologiques Les modalités même de la présence égyptienne en Palestine seront étudiées au cours des chapitres suivants, qu'il s'agisse de l'organisation administrative et militaire mise en place par la puissance conquérante ou d'aspects plus précis concernant leur influence dans la culture matérielle. Il s'agit pour l'instant de présenter brièvement les éléments matériels liés à l'Egypte. La période durant laquelle la présence égyptienne se marque par le plus grand nombre de bâtiments, monuments ou objets correspond aux XIXème et XXème dynasties. Les évidences matérielles, comme textuelles, y sont particulièrement abondantes durant la XIXème dynastie102 dans des sites tels que Bet-Shan, Megiddo, Aphek, Jaffa, Tel Yarmouth103, Deir el Balah, Tell el Hesi ou Tell el Far'ah (sud). Pour ce qui est de la XXème dynastie, les évidences archéologiques sont nombreuses en particulier sur les sites de Bet-Shan, Megiddo, Tell es-Saidiyeh, Lachish, Tel Sera104 ou Tell el-Far'ah (sud)105. A cette période, le territoire contrôlé par l'Egypte est largement entamé par l'installation des Peuples de la Mer, surtout dans le sud de la Palestine. L'Egypte concentre alors son occupation sur des sites précis, d'importance stratégique. La fin d'un contrôle direct de la Via Maris par l'Egypte marque de toute évidence une diminution de son pouvoir, bien que l'arrêt des relations commerciales en Méditerranée orientale au début du XIIème siècle, donc avant l'installation des Peuples de la Mer, ait transformé cette voie de communication en une route d'importance secondaire pour l'Egypte. Les raisons exactes de la recrudescence d'objets égyptiens ou influencés par l'Egypte, dans un certain nombre de sites, restent mal comprises et controversées. Des bols et des tessons inscrits en hiératique exhumés à Tel Sera constituent toutefois une découverte majeure pour comprendre la nature de

D. La société cananéenne au Bronze Récent II Il s'agit de développer une approche double, reposant sur le contexte des données historiques mais faisant apparaître les problématiques des recherches en cours concernant la société cananéenne. Il s'agit d'une part de caractériser la présence égyptienne en Palestine durant les XIXème et XXème dynasties, et d'autre part de déterminer la nature des mouvements de populations durant le XIIIème siècle. Ces domaines peuvent être relativement circonscrits dans leur expression thématique, mais il n'en va pas de même pour leurs limites chronologiques. Aussi paraîtrait-il surprenant de traiter la présence égyptienne uniquement jusqu'à la fin du XIIIème siècle, alors qu'elle perdure en Palestine pendant près de 70 années supplémentaires avec la XXème dynastie. Le cas est identique pour les mouvements de population. Un tel domaine ne peut être correctement traité si l'on se limite au seul Bronze Récent IIB sans vouloir rattacher ces phénomènes à ceux du Bronze Récent III/Fer IA.

1. LA PRESENCE PALESTINE

EGYPTIENNE

EN

Plusieurs sphères sont en intéractions, rendant la compréhension de la présence égyptienne en Palestine durant les XIXème et XXème dynastie fort difficile. Tout d'abord, il est nécessaire de distinguer entre ce qui dépend d'un contrôle effectif mené par l'Egypte de ce qui ne dépend que de simples influences, culturelles essentiellement. Les expressions matérielles en relation avec la puissance conquérante sont issues de sphères multiples : 101

Hasel 1994 avec la bibliographie antérieure

23

102

Weinstein 1992 : 142

103

Miroschedji 1999 : 18

104

Weinstein 1992 : 143-145

105

Goldwasser, Wimmer 1999 : 41

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

la présence égyptienne dans le sud de la Palestine, dans la première moitié du XIIème siècle, durant la XXème dynastie106. Ces bols proviennent du niveau IX de Tel Sera. L'un des textes, inscrit sur un bol complet, mentionne une date durant la 22ème année d'un règne, qui par sa longueur ne peut être que celui de Ramsès III. Par ailleurs, le fait que l'inscription se trouve sur un bol complet indique une pratique votive. Quant au texte même, il mentionne des tributs en grain en quantités importantes : 33.500 litres, et 145.000 litres pour un autre tesson107. Le tribut est versé par un centre urbain, comme Tel Sera vraisemblablement, à une institution religieuse égyptienne puisque les bols possèdent un caractère votif. Un tribut en grain peut surprendre puisque l'Egypte en produit suffisamment pour ne pas en avoir besoin. Le stockage de grain à cette période par l'Egypte peut toutefois se comprendre dans la perspective des famines qui touchent le Proche-Orient vers la fin du XIIIème et au début du XIIème siècles108. Le nord du Négev a pu être un lieu de production de grain important, quant au destinataire de ce tribut il doit certainement s'agir d'un temple en Egypte, pour lequel un tel versement n'est pas insignifiant. Des temples égyptiens en Palestine ont pu jouer le même rôle qu'en Egypte comme centres administratifs pour la perception de tribut109.

Palestine de troupes égyptiennes en campagne. Un centre administratif de première importance, comme Gaza, a certainement dû percevoir des denrées diverses, soit en transit, soit destinées à l'administration locale. Les versements de tribut étaient certainement envoyés directement en Egypte, tout au moins une part importante, que ce soit pour le pharaon ou pour des temples. Ainsi, le bois, le cuivre, l'huile ou le vin étaient certainement destinés à l'Egypte111, comme les esclaves ou les concubines. Les textes d'El-Amarna mentionnent précisément ce type de demande du pharaon à ses vassaux asiatiques. Il importe cependant moins d'énumérer toutes les possibilités que d'insister sur la réalité de l'exploitation économique de la Palestine par l'Egypte. Pour Ahituv, l'Egypte n'a pas eu d'intérêt économique en Palestine. Il insiste en revanche sur l'importance de cette zone comme pont permettant à l'Egypte d'accéder au Levant nord et à la Mésopotamie112. Le contrôle des axes commerciaux a certainement revêtu pour cette puissance conquérante une grande importance, mais l'exploitation des provinces asiatiques a de toute évidence constitué une base de ressources non négligeable pour l'Egypte, en particulier pour des denrées qu'elle ne possède pas comme l'huile, le vin ou le cuivre. Pour Ahituv, l'Egypte fait provenir le métal d'Alashiya plutôt que de Palestine113. Or la mise en place au XIIIème siècle d'une exploitation organisée et méticuleuse des mines de Timna dans le sud du Négev ou en Jordanie dans le wadi Feynan montre que l'Egypte se souciait fort de son approvisionnement en cette denrée. Na'aman montre avec raison114 que le tribut perçu par l'Egypte, s'il est comparé avec ceux des villes syriennes sous contrôle hittite, est au moins aussi lourd. La Palestine subit ainsi un contrôle plus organisé que celui que les Hittites imposent à leurs cités-états vassales. Les objets égyptiens exhumés en Palestine sont de nature diverse. Il peut s'agir d'éléments architecturaux tels ceux trouvés à Gaza, Ashdod, Jaffa ou Bet-Shan avec des blocs, linteaux, montants ou seuils de porte portant des noms de pharaons surtout de la XIXème dynastie115. Il peut également s'agir d'objets royaux, de stèles et inscriptions variées comme à Tel Yarmouth116. Quelques rares sites concentrent ces nombreux objets : Bet-Shan,

b. La nature de la présence égyptienne au XIIIème et XIIème siècle Au cours de l'ensemble du Bronze Récent, l'Egypte opère un double contrôle en Palestine : sur la route commerciale vers le Levant nord et au travers d'une exploitation économique avec une perception de tribut en "matériaux" divers tels que bois, huile, vin, grain, cuivre ou esclaves110. L'exploitation de la Palestine vise à alimenter soit des institutions ou administrations locales, soit l'Egypte même : il est nécessaire pour cela de bien distinguer entre les différentes denrées exploitées. Concernant les centres militaires et les garnisons égyptiennes y séjournant, leur subsistance a-t-elle reposé sur des denrées produites par des centres cananéens proches, ou ces dernières n'étaient-elles destinées qu'à l'Egypte ? On ne peut se prononcer sans quelques réserves. Ponctuellement, de la nourriture en grande quantité était préparée ou pouvait être stockée, en prévision du passage en

111

Ahituv 1978 : 98-99

Goldwasser 1984 : 84-87

112

Ahituv 1978 : 104-105

107

Goldwasser 1984 : 85-86

113

Ahituv 1978 : 104

108

Singer 1994 : 291

114

Na'aman 1981 : 184

109

Singer 1994 : 290

115

Weinstein 1981 : 19

110

Redford 1992 : 236-237 ; Mazar 1990 : 236

116

Miroschedji 1999 : 18 ; Goldwasser. A paraître.

106

24

LE BRONZE RECENT

Nous souscrivons partiellement à la stricte hypothèse d'une politique unique d'émulation de l'élite locale cananéenne. En revanche l'idée, que C. Higginbotham développe au final121, d'une situation complexe voyant la coexistence des deux modèles de fonctionnement : le contrôle direct égyptien pour certains sites (Beth-Shan, Deir elBalah, Gaza, Jaffa, ou Timna) et l'émulation de l'élite locale pour d'autres sites (comme Aphek, Lachish ou Meggido) permet d'expliquer avec finesse une Une situation archéologique délicate122. réévaluation des données archéologiques sera donc précisément menée afin de montrer que l'Egypte opère une politique distincte entre les XIVème et les XIIIème-XIIème siècles.

Timna et d'autres établissements le long de la côte sud de la Palestine comme Tel Mor, Ashdod, Deir el Balah. On constate par ailleurs une relative absence, celle de sculptures ou de stèles funéraires ramessides privées. A cette période du Bronze Récent II, la Palestine connaît, selon Weinstein, une prospérité économique, entre autres du fait d'une présence égyptienne, gardienne d'une sécurité nécessaire à tout commerce et arbitre des conflits entre cités-états. Sur l'ensemble de la Palestine les objets égyptiens se répartissent d'une manière privilégiée en des zones précises avec la côte, la plaine côtière du nord Négev, la Shéphéla, la plaine de Jezreel et la vallée du Jourdain117. Le grand nombre d'objets égyptiens que Weinstein isole pour les XIXème et XXème dynasties en Palestine, a naturellement débouché sur le modèle d'un contrôle direct de la Palestine par l'Egypte. "L'évidence" d'un tel constat explique que cette hypothèse n'ait jamais été remise en question jusqu'à récemment. C. Higginbotham propose ainsi d'interpréter l'importante présence d'objets égyptiens ou égyptisants comme le résultat d'une politique d'émulation118 entre les membres de l'élite locale et non comme le résultat d'un regain de contrôle direct. L'hypothèse est séduisante et demande à être précisément exposée. Pour Higginbotham, il est admis que l'augmentation du nombre d'objets reflète l'envoi de soldats et de fonctionnaires par le pouvoir égyptien. Elle explique cette situation comme le passage d'un contrôle politique et économique à une occupation militaire119. Son modèle d'émulation repose sur la différence de statut entre un centre prestigieux et sa périphérie. L'élite locale a été largement influencée par son puissant voisin. Il s'opère alors un transfert de prestige. Elle précise que ce prestige accordé à l'Egypte est moins perçu en termes politiques ou militaires, qu'en celui de foyer de civilisation. L'étude des données archéologiques qu'elle mène, lui permet ainsi de distinguer quelques sites faisant l'objet d'une présence militaire avec des garnisons et une administration égyptienne. Les cités-états sont quant à elles gouvernées par des rois cananéens plus ou moins égyptianisés. C. Higginbotham considère donc que la présence égyptienne en Palestine durant les périodes amarnéenne et ramesside ne se différencie pas de manière marquée : l'Egypte limite alors son contrôle à quelques postes militaires à Bet-Shan et Deir el Balah, à des centres administratifs à Gaza et Jaffa120.

2. L'IMPORTANCE DU COMMERCE "INTERNATIONAL" AU BRONZE RECENT II L'expression de "civilisation palatiale" est souvent employée pour caractériser le cadre structurel dans lequel s'insèrent les cités-états de Syrie-Palestine. Le palais se trouve être le siège du pouvoir politique et économique. La présence de très nombreux objets de luxe issus d'un commerce "international" entre ces palais révèle une prérogative des palais : denrées et personnes voyagent entre les cours des royaumes123. Mais bien que ce commerce profite en priorité aux dirigeants des palais et à l'ensemble de l'élite urbaine, le reste de la population ne reste pas totalement étranger à ces objets commercés. Il est ainsi nécessaire de distinguer deux types de relations commerciales, l'une reposant sur l'économie palatiale, l'autre sur les commerçants privés. Bien qu'encore peu nombreux au Bronze Récent, ces derniers semblent bien exister. Leur grand développement s'effectue, tel qu'on l'imagine, plus particulièrement à l'Âge du Fer avec les Phéniciens. Les prérogatives commerciales des palais, quoique réelles, l'ensemble des échanges s'opèrant sous leur contrôle, ne signifient pas que tous les objets importés finissent inéluctablement dans leur cour. Les objets les plus prestigieux et de grande valeur (bijoux, ivoires, faïences, vases en albatre, etc) restent principalement attachés aux centres palatiaux mais les importations céramiques mycéniennes et chypriotes connaissent une distribution plus large. Il s'agit de denrées plus courantes indiquant qu'une partie bien plus large de la population profite de ce vaste commerce.

117

Weinstein 1981 : 21-22

118

Higginbotham 1996 ; 2000

121

Higginbotham 2000 : 128

119

Higginbotham 1996 : 157

122

Higginbotham 2000 : 129-136

120

Higginbotham 1996 : 162-163

123

Strange 1987 : 4 ; Huot, Thalmann, Valbelle 1990 : 177

25

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

a. A l'échelle du Proche-Orient

La situation est de ce point de vue radicalement différente entre la Syrie sous contrôle hittite et la Palestine sous contrôle égyptien. Le Levant nord et le Levant sud connaissent des diffusions d'objets très différentes. Pour le premier domaine géographique, Ugarit propose l'exemple le plus étudié. Les vastes dimensions de la ville, comme du palais, en font pourtant une exception remarquable sur la côte levantine, donc trompeuse, qu'il peut être dangereux de généraliser. En ce lieu, les denrées provenant du commerce de Méditerranée orientale subissent un contrôle par le palais. Pour ce qui est des importations céramiques, leur distribution reste, semble-t-il, limitée et ne concerne que quelques centres, parmi les plus importants de la région124. Le Levant sud propose une situation opposée. Les rares palais du Bronze Récent, ainsi que les riches tombes, concentrent des objets rares et précieux, mais les importations de poteries des mondes mycéniens et chypriotes connaissent au contraire une diffusion très large englobant aussi bien la citéétat que le village reculé, où "l'élite" locale, si elle a existé, devait être des plus limitées.

Les vastes mouvements de population qui se déroulent à la fin du Bronze Récent II ne se placent pas uniquement en Palestine mais concernent l'ensemble du Proche-Orient. Il faut ainsi distinguer deux grands mouvements de population au cours des XIVème-XIIème siècles. Pour cela nous opérons une différence entre des déplacements humains durant l'ensemble du Bronze Récent II, essentiellement des déplacements terrestres, et des mouvements de populations de plus vaste amplitude auxquels les Peuples de la Mer se rattachent, sans être les seuls. Pour tenter de rendre compte des déplacements humains au cours du Bronze Récent II, l'étude de la culture matérielle, en particulier de l'architecture et des modes funéraires125, est nécessaire. Cette étude, menée dans le chapitre VI, tend à indiquer pour le Bronze Récent II la présence en Palestine de groupes de populations non locales d'origine égéenne et surtout issues de régions situées plus au nord, de Syrie et d'Anatolie. Concernant les migrations du XIIème siècle, ces processus touchent la Syrie et le sud de l'Anatolie ainsi que la Mésopotamie. Ces mouvements de populations sont documentés par les inscriptions de Tiglat-Phalasar I ou les archives d'Emar, tandis que les chroniques assyriennes mentionnent également les Araméens126. N. Na'aman met en parallèle les peuplements du XIIème siècle en Palestine avec ces grands mouvements migratoires touchant l'ensemble de la Méditerranée orientale et du Proche-Orient avec les Peuples de la Mer, les groupes syro-anatoliens et les pasteurs syro-mésopotamiens. Les populations du nord, par voie terrestre ont ainsi sans doute joué un rôle dans les transformations du peuplement en Palestine au cours du XIIème siècle127. On manque toutefois d'éléments matériels pour qualifier et quantifier ces mouvements. Des traces matérielles existent dès le XIIIème siècle de groupes humains provenant du nord du Levant et établis en Palestine. Na'aman isole, à partir de la Bible, des groupes originaires du nord, au nombre de cinq il s'agit des Hittites, des Hivites, des Jébusites, des Girgashites et des Perizzites128. Mis à part les Hittites et les Jébusites, censés être installés à Hébron pour les premiers et à Jérusalem, après l'avoir conquise, pour les seconds, les autres groupes nous restent inconnus et l'Ancien Testament reste le seul document où ils apparaissent. On considère que l'ensemble de ces groupes provient d'Anatolie.

3. LES DYNAMIQUES DE POPULATION AUX XIIIEME ET XIIEME SIECLES L'une des problématiques majeures pour le dernier siècle du Bronze Récent concerne les mouvements de populations dans l'ensemble du Proche-Orient. Il importe cependant de distinguer entre les différents déplacements de population en fonction de leur échelle : sur de grandes distances, interrégionale avec les nomades et intrarégionale avec vraisemblablement les Hapiru. Chacun de ces mouvements répond à des raisons particulières. Les mouvements de population à la fin du Bronze Récent sont généralement assimilés aux seuls mouvements des Peuples de la Mer à l'extrême fin du XIIIème siècle. Or nous montrerons (voir chapitre VII) que ces déplacements humains affectant l'ensemble de la Méditerranée orientale ne sauraient se limiter à cette seule période et qu'il faut très certainement les considérer sur une durée plus longue, de l'ordre de plusieurs décennies, entre le dernier tiers du XIIIème siècle et la fin du premier tiers du XIIème siècle. Nous voulons maintenant montrer qu'à l'image de ces Peuples de la Mer, d'autres "peuples de la terre" ont également joué un rôle, encore difficile à évaluer, dans les processus de peuplement du XIIème siècle, mais également dès le début du XIIIème siècle.

124

Thalmann, comm. pers.

26

125

Gonen 1992

126

Na'aman 1994 a : 235-237

127

Na'aman 1994 a : 239

128

Na'aman 1994 a : 240-241

LE BRONZE RECENT

Moyen. Il existe ainsi une situation paradoxale entre un déclin des sites et la prospérité économique de l'élite urbaine participant au commerce 132 133 à partir de la "international" . Des évaluations surface des sites tendent à indiquer que la population sédentaire du Bronze Récent équivaut à la moitié voire un tiers de celle du Bronze Moyen134. Toute estimation pour la population nonsédentaire est en revanche difficile à mener. Les coalitions entre cités-états ont pu, au travers d'alliances, tenter de remédier à ce manque de ressources humaines. Cet aspect de la société urbaine cananéenne a été en particulier étudié par S. Bunimovitz135.

Quant aux raisons poussant ces populations à se déplacer, elles restent difficiles à envisager précisément et les données archéologiques sont relativement muettes pour appréhender de tels phénomènes. L'archéologie distingue moins aisément les raisons du départ, que les lieux d'arrivée. Pour N. Na'aman, les famines constituent un facteur important dans les migrations de vaste ampleur de la fin du XIIIème et du XIIème siècle129. Des documents écrits de provenances diverses, d'Hattusha, d'Ugarit et d'Egypte, renseignent sur cet aspect des relations entre le Hatti et l'Egypte. Le premier demande au second de grandes quantités de blé afin de faire face à de graves crises de famine, sous Merneptah en particulier : des bateaux chargés de grain quittent l'Egypte en direction de l'Anatolie130. N. Na'aman y voit l'une des principales raisons indiquant l'affaiblissement de l'empire Hittite vers la fin du XIIIème siècle avant son rapide effondrement. Les famines restent toutefois un danger que toutes les civilisations ont eu à affronter et certainement pas davantage les populations de la fin du Bronze Récent que leurs prédécesseurs. Il est cependant possible que les difficultés traversées par le monde urbain à cette période aient rendu aux populations ces crises encore plus aiguës et critiques. Ces différentes sources tendraient à prouver que l'ensemble des peuplements nouveaux s'effectuant, en particulier les proto-Israélites et les Peuples de la Mer, au XIIème siècle, ne s'ancre pas dans des processus démographiques propres à la Palestine mais qu'ils doivent être intégrés aux vastes mouvements de populations affectant l'ensemble du monde proche-oriental. Na'aman s'oppose ainsi à I. Finkelstein quant à l'origine du peuplement du domaine des hautes collines qui puiserait ses ressources humaines uniquement dans les composantes urbaine, rurale et pastorale de la société cananéenne131.

Des groupes humains en marge du monde sédentaire : L'existence de groupes humains en marge du monde sédentaire ne signifie nullement qu'aucune relation n'existe entre les uns et les autres. Les centres urbains, comme les pasteurs-nomades, ont développé des modes de vie rendant nécessaire la présence de l'autre. Il s'agit donc d'une relation symbiotique, où chacun profite de l'existence de l'autre, dans des échanges de nourriture essentiellement : céréales pour les nomades, animaux pour les sédentaires. Les Hapiru: des groupes marginaux au Bronze Récent Les Hapiru ont fait l'objet de longs et houleux débats dans la littérature épigraphique et historique levantine. C'est le rapprochement entre le terme de Hapiru et d'Hébreu ('ibrî) qui fit, sans nul doute, couler le plus d'encre. On sait aujourd'hui que ce rapprochement ne repose sur aucune preuve136. Les Hapiru furent tantôt rapprochés des nomades, tantôt des bandits. Leur caractérisation ne peut se faire sur une base culturelle ou ethnique. Les Hapiru sont des groupes de populations en rupture avec le monde urbain, mais issus généralement de ce dernier, qu'ils fuient pour des raisons politiques, économiques ou sociales137. On peut considérer qu'ils viennent plus largement des deux éléments de la société dimorphique : du monde sédentaire, des villes en particulier, mais

b. A l'échelle de la Palestine Des problèmes démographiques affectant l'ensemble du monde sédentaire La situation des établissements, par rapport au Bronze Moyen, qu'il s'agisse de leur répartition ou de leur taille, se voit durablement transformée au cours du Bronze Récent. La différence principale se note dans l'importance de l'urbanisme ou de l'arrière pays rural, bien plus vaste au Bronze

132

Bunimovitz 1995 : 325

133

Broshi, Gophna 1986 pour le Bronze Moyen et Broshi 1993 : 14

pour le Bronze Récent 134

Bunimovitz 1994 b: 3

Na'aman 1994 a : 243

135

Bunimovitz 1994 b

130

Na'aman 1994 a : 244

136

Rainey 1995 : 483

131

Na'aman 1994 a : 245

137

Rainey 1995 : 495 avec la bibliographie antérieure

129

27

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

nomades. Le développement des lieux de culte au XIIIème et XIIème siècle correspondrait à une augmentation des populations non sédentaires. On peut toutefois s'interroger sur la validité d'une telle hypothèse puisque la sédentarisation de populations, entre autre nomades, dans les zones des hautes collines est un processus déjà largement engagé à la fin du XIIIème siècle. Les nomades, comme les Hapiru, se sont certainement retrouvés dans les basses terres de la Palestine, c'est à dire à proximité des centres urbains, dont ils dépendent pour les uns ou qu'ils fuient pour les autres, tout en y restant liés. Dans les textes égyptiens, les groupes nomades apparaissent sous le nom de Shoshu. Ils sont mentionnés dès la XVIIIème dynastie, particulièrement sous le règne de Ramsès II, le dernier document datant de Ramsès III. A partir de cette période, ils ne sont plus mentionnés dans les textes. En déduire leur sédentarisation complète apparaît cependant comme une conclusion peutêtre trop hâtive et excessive. L'hypothèse subsiste mais ne peut être prouvée. Plus généralement, les textes égyptiens concernant la Palestine diminuent fortement à partir de Ramsès III, au point de presque disparaître. Sous ce pharaon, le Papyrus Harris mentionne des Shoshu143. Les Shoshu sont placés dans la Palestine de l'ouest144, en Transjordanie et dans le sud de la Jordanie145. Des évaluations numériques ont été tentées afin de quantifier le poids démographique de ces groupes au sein de la société. Une approximation envisage de 10 à 15 % de la population engagée dans une activité pastorale-nomade, ce qui équivaudrait à cette période à 7 à 10.000 personnes146.

également du monde nomade138. Ils cherchent toutefois à retrouver une place dans le monde urbain, que ce soit politiquement ou économiquement en devenant mercenaires. Le passage au sein d'un groupe de Hapiru est souvent circonstanciel et transitoire et met en évidence la variabilité de l'appartenance sociale au Bronze Récent. Cette fuite du monde urbain n'a pas forcément abouti à une installation de Hapiru dans des zones éloignées des centres sédentaires. Les Hapiru ont pu vivre à leurs abords, sans quitter la région puisque certaines cités-états font appel à eux. Le phénomène d'établissement de nouvelles populations dans les hautes collines à la fin du Bronze Récent ne permet donc pas de comparaisons avec le mode de vie des Hapiru. Ceux-ci restent en partie liés au monde urbain, à la différence des nouveaux établissements des collines qui en sont largement coupés, politiquement, économiquement comme écologiquement. Les textes les mentionnent abondamment puisqu'ils apparaissent dans près de 210 documents139. Leur existence est documentée depuis le XVIIIème siècle jusqu'au XIIème-XIème siècle. Certains textes donnent des exemples particulièrement précis de la manière dont les individus passent au cours de leur vie, d'un groupe social et donc d'un mode de vie à l'autre. L'histoire d'Idrimi, est exemplaire140 : avant de devenir roi d'Alalakh, il rejoint des Hapiru et vit à leurs côtés pendant sept années, puis avec leur aide, il reprend le pouvoir dans sa ville. La Palestine traverse de toute évidence, au cours du Bronze Récent, une crise interne de longue durée. Les Hapiru font partie intégrante du paysage social de la Palestine du Bronze Récent II. Les problèmes menant une partie de la population cananéenne à se positionner hors du système socioéconomique existant restent toutefois mal connus. L'archéologie apporte peu d'informations sur les Hapiru et en l'absence de textes, ces groupes humains seraient restés inconnus.

Une nouvelle dynamique de peuplement : les proto-Israélites C'est moins le devenir politique au XIème-Xème siècle de ces populations établies dans les hautes collines de Palestine qui nous intéresse ici, que la caractérisation du processus de peuplement et la réorganisation socio-culturelle des régions des hautes collines dès la fin du XIIIème siècle. Pour éviter toute coupure chronologique le XIIIème siècle ne sera pas séparé du XIIème siècle. L'ensemble du processus de peuplement et les problèmes qu'il soulève seront ainsi traités dans la partie concernant le premier Âge du Fer.

Les Shoshu, populations nomades: La documentation archéologique pouvant être associée aux populations nomades est relativement limitée. Certains mettent en parallèle l'existence de sanctuaires, de temples isolés141 (Amman, Deir Alla, Mont Ebal, "Bull Site") et de cimetières éloignés de sites142, avec ces groupes de pasteurs138

Na'aman 1986 : 273

139

Na'aman 1986 : 272

143

Hopkins 1993 : 200

140

Rainey 1995 : 483-484

144

Giveon 1971 : 1

141

Finkelstein 1988 a : 343-344

145

Coote 1990 : 44

142

Gonen 1992 ; Na'aman 1994 : 231-235

146

Na'aman 1994 : 235

28

LE BRONZE RECENT

l'apparition de différents groupes moins puissants, dans les limites de l'ancien territoire et à ses franges150. C. Renfrew fait remarquer qu'un des pouvoirs explicatifs de la théorie des catastrophes réside dans la possibilité de se soustraire aux facteurs exogènes souvent employés pour expliquer ces crises. Ce modèle interprétatif a été repris par Frick. Il adapte la théorie de Renfrew à l'étude de l'Israël prémonarchique151. Il isole ainsi quatre phases successives: "Etat", "société fragmentaire", "chefferies", et à nouveau "Etat". Les périodes respectivement concernées sont le Bronze Récent, le Fer I, la fin du Fer I avec Saul, puis le Fer II à partir de David152. Peu d'autres travaux reprennent directement cette approche "catastrophique". Une tendance actuelle de la recherche envisage en revanche les processus historiques et démographiques en termes cycliques auxquels est donnée la forme d'une courbe sinusoïdale. Une telle approche, pour l'histoire de la Palestine, est avancée par P. de Miroschedji qui isole trois phases récurrentes153 : Une "phase initiale" d'effondrement rapide (collapse). Une "phase subséquente" correspondant à un âge sombre (dark age). Une "phase de recomposition ou de recouvrement" (rise).

E. La fin du Bronze Récent et la théorie des catastrophes La fin de l'Âge du Bronze a véhiculé une vision héritée du XIXème siècle, restant entourée d'une auréole particulière. Celle-ci repose moins sur la grandeur artistique ou politique des civilisations de l'époque, que sur leur destruction aussi abrupte que soudaine. Le passage du XIIIème au XIIème siècle consacre ainsi l'idée de la fin dramatique d'un âge. Les esprits ont été marqués par l'ampleur et la rapidité de la crise qui touche alors l'ensemble de la Méditerranée orientale. Cette crise, quoique brève, n'aboutit pas moins à l'effondrement des civilisations mycénienne, hittite et levantine. Seule l'Egypte n'est pas balayée par les terribles envahisseurs déferlant sur les opulentes cités de cette civilisation palatiale. Si la théorie des catastrophes ne se rattache pas directement à ce type de vision "romantique" de l'histoire, elle n'en est pas moins devenue en quelque sorte complice en remettant au goût du jour, voici quelques décennies, le catastrophisme qui "sied" si bien à la fin de l'Âge du Bronze dans cette région de la Méditerranée.

1. L'ORIGINE ET LE DEVELOPPEMENT DE LA "THEORIE DES CATASTROPHES" La théorie des catastrophes est étroitement liée aux travaux du mathématicien René Thom dans les années 1970. C. Renfrew reprit cette théorie pour la transposer dans le domaine archéologique afin de modéliser la fin des civilisations147. La fin du Bronze Récent semble offrir à la théorie des catastrophes une terrain d'application particulièrement propice, confirmant la valeur de ce modèle explicatif. Rappelons brièvement que la théorie des catastrophes de Thom implique « qu'un changement graduel dans la sphère de contrôle peut causer un changement soudain catastrophique dans les comportements ». Renfrew met en avant le problème de la discontinuité. Celle-ci est, selon lui, l'expression dans le domaine archéologique de changements abrupts148. Par ailleurs la théorie des catastrophes implique différentes phases dans son déroulement149. Le processus de l'effondrement équivaut à un premier stade, qui en implique un second, correspondant à un âge sombre. On note durant cette phase que parallèlement à l'effondrement d'un pouvoir central s'opère

2. L'EFFONDREMENT DES CIVILISATIONS Peu de sujets fascinent davantage que l'émergence des civilisations. Les conditions menant à l'apparition de l'Etat par exemple, ont vu le développement d'une abondante littérature. Un seul thème rivalise avec lui et interroge même davantage : celui de l'effondrement des civilisations. L'idée même qu'une civilisation brillante, au faîte de sa puissance, puisse disparaître d'autant plus rapidement qu'elle est brillante, sans laisser de traces autres qu'architecturales, débouche sur de profondes interrogations concernant leur grandeur réelle. Le temps n'est ainsi pas le seul élément jouant dans le devenir des civilisations, et savoir qu'il existe des facteurs pouvant mettre à bas subitement une civilisation entière, trouble autant qu'interroge. J. A. Tainter s'est tout particulièrement penché sur le problème de fournir des explications d'ordre général concernant "l'effondrement des sociétés

150

Renfrew 1979 b : 482

Renfrew 1978, 1979 a, 1979 b

151

Frick 1985 : 43-50

148

Renfrew 1978 : 203

152

Frick 1985 : 50

149

Renfrew 1979 b : 482-485

153

Miroschedji 1993 b : 61-62

147

29

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

complexes" et pouvant être appliquées à différents contextes historiques154. Pour cela, il part du constat que la fragilité et la non permanence des constructions organisationnelles humaines leur sont structurelles. L'effondrement, principalement de la sphère politique, est par ailleurs un phénomène récurrent des sociétés humaines. Une société s'effondre lorsque « le niveau de complexité sociopolitique qu'elle a atteint baisse de manière brutale et significative »155. Le processus se doit ainsi d'être rapide, de l'ordre de quelques décennies, et mettre en question l'ensemble de la structure sociopolitique. Si les processus sont plus longs ou bien s'il ne touchent qu'une partie réduite de la société, il faut alors parler de déclin156. Ainsi, la chute d'une civilisation indique qu'une entité importante a cessé d'exister. Une telle supposition concerne surtout la sphère politique, mais également économique, technologique et démographique157. Avant l'effondrement, on note généralement dans les provinces des mouvements de révoltes ou de séparations, résultant d'un affaiblissement du centre. Quant à la période succédant à l'effondrement, elle possède des caractéristiques propres, telle l'absence de contrôle et d'autorité centrale158. La baisse de la spécialisation au sein de la société se retrouve dans celle du contrôle centralisé159. Pour Renfrew, la baisse de la population est un élément quasi-systématique160. Se développent alors de petites entités politiques, qui le plus souvent, entrent en conflit permanent les unes avec les autres. Matériellement, cette période se marque par la disparition de constructions monumentales et la pratique plus courante de la réutilisation de l'architecture. On note une absence de dynamisme dans la construction. Les palais et les installations de stockage publiques sont abandonnés. La spécialisation de l'artisanat disparaît et la technologie retourne à une expression plus simple. Enfin, au déclin des interactions régionales répond le développement de styles locaux. Chacune des populations donne l'impression d'être livrée à elle-même, mettant en place une auto-suffisance locale161. Chaque cas de figure d'effondrement de société reste cependant unique et tous les éléments décrits ci-dessus ne se

retrouvent pas systématiquement dans le déroulement du processus. L'effondrement d'une civilisation est l'exemple le plus extrême d'un problème plus large concernant la manière dont les frontières sociales sont restructurées et reconstruites, en particulier les frontières des systèmes politiques162. L'effondrement n'est pas une anomalie, néanmoins il présente sous une forme dramatique non pas la fin des institutions sociales mais la naissance de nouvelles163.

3. LES LIMITES PRATIQUES DE CETTE THEORIE Wright, reprenant un constat de Yoffee, note qu'il n'y a pas de théorie adaptée à la compréhension des Etats secondaires, tels les petits états à base villageoise164 que l'on rencontre aux périphéries des grands centres civilisationnels comme la Mésopotamie ou l'Egypte. L'archéologie levantine manque ainsi de théories spécifiques pouvant expliquer certains des processus l'affectant. La caractérisation de l'évolution socio-politique du Levant repose généralement sur des schémas empruntés aux régions voisines. Cette théorie des catastrophes, aussi séduisante soit-elle, reste ainsi une structure rigide. Il importera donc, lors de l'étude des données matérielles, de les confronter à ce modèle afin de déterminer si elles entrent ou non dans une telle perspective "catastrophiste".

154

Tainter 1988

155

Tainter 1988 : 4

156

Tainter 1988 : 4

157

Yoffee 1988 : 14

158

Tainter 1988 : 19

159

Tainter 1988 : 193

162

Eisenstadt 1988 : 236

160

Renfrew 1979 b : 481

163

Eisenstadt 1988 : 243

161

Tainter 1988 : 20

164

Wright 1996 : 216

30

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

identiques à ceux du Bronze Récent. La période troublée que traverse l'Egypte ne permet pas de mettre en place des corrélations exactes avec la Palestine. Voilà qui clôt rapidement le problème de la chronologie absolue. Pour ce qui est de la datation relative, durant les XIIème et XIème siècles, elle repose uniquement sur la périodisation céramique et la chrono-stratigraphie entre les sites. Du fait d'une absence notable de datations absolues ou de textes, les historiens ont été amenés à utiliser l'appellation "d'âge sombre" pour caractériser cette époque. Le découpage habituellement opéré ne repose pas sur une réalité archéologique mais bien davantage sur des a priori historiques issus de la Bible. Il est possible de faire commencer le Fer I avec le XIIème siècle, si l'on s'en tient à la sphère commerciale qui subit alors un brusque arrêt. Quant à la fin du Fer I, elle est censée coïncider avec l'avénement de la monarchie israélite en c.1000. Mais les dates et les modalités du développement du Fer II font l'objet actuellement d'importants débats165. Pour I. Finkelstein, la monarchie ne peut être vraisemblablement envisagée qu'à partir du IXème siècle. Que devient alors le Xème siècle ? Doit-il être rattaché au Fer I ? Comment se caractérise-t-il matériellement ? Ces questions, au cœur de problématiques nouvelles, dépassent toutefois largement les limites chronologiques ici fixées. Le Fer IA /Bronze Récent III se définit à partir du règne de Ramsès III jusqu'à la fin de celui de Ramsès VI et marque la présence égyptienne en Palestine durant la XXème dynastie166. Pour le Fer IB, il s'étend traditionnellement jusqu'au début du Xème siècle censé marquer l'avènement de la monarchie israélite. Il semble nécessaire aujourd'hui de lui adjoindre une partie du Xème siècle.

III- LE FER I : UN NOUVEAU PAYSAGE CULTUREL ET ETHNIQUE ? A. Contexte général du Proche-Orient L'ensemble du premier Âge du Fer connaît une succession rapide de processus socio-historiques, mais c'est particulièrement le XIIème siècle qui, au cours de cette période, fait l'objet de tous les enjeux et donc des problèmes chronologiques, politiques, culturels ou ethniques. A la très relative homogénéité politique, culturelle et ethnique du Bronze Récent, semble succéder un Âge de toutes les confusions et de toutes les nouveautés. A l'échelle de l'ensemble du Proche-Orient, le facteur tenu pour le principal élément déstabilisateur de la société du Bronze Récent, amène à une reformulation, partielle ou complète, du paysage culturel et ethnique dans de multiples régions et en particulier en Palestine. Ce facteur, qui ne saurait être le seul, concerne le déplacement, l'apport ou l'irruption de nouvelles populations en des régions peuplées ou inoccupées. Précisons qu'il ne s'agit pas de se faire le défenseur des théories diffusionnistes. Il semble toutefois que cette période se marque par de puissants mouvements de populations, dans leur nombre comme dans l'étendue géographique concernée. Il ne s'agit pas pour autant de hordes de groupes humains déferlant sur une société sans défense. Ces déplacements, nous insistons sur cet aspect, se sont effectués sur des périodes de plusieurs décennies et si des périodes de quelques années ont pu voir des mouvements plus importants, ceux-ci ne prennent tout leur sens que dans la durée du phénomène. C'est bien davantage la régularité et la continuité du processus, sur près d'un demi siècle ou plus, qui a affecté durablement le peuplement et la culture de la Méditerranée orientale, qu'une irruption brusque et soudaine sur la scène du Proche-Orient, de populations sans foi ni loi, ni origine. Ce constat nous amène ainsi à préciser que le traitement de la société du Fer I se limite à une problématique principale, celle des Peuples de la Mer et pour la zone nous concernant, les Philistins. Les multiples autres aspects matériels permettant une reconstruction du paysage de la Palestine du Fer I seront précisément développés dans les chapitres suivants.

BR III / Fer IA : 1200/1180 - 1130 Fer IB : 1130 - 1000/900 ?

C. La documentation écrite disponible 1. LES DERNIERS DOCUMENTS AVANT "L'ÂGE SOMBRE" Le premier Âge du Fer se caractérise par une grande lacune dans la rédaction de documents diplomatiques qui témoigne d'une situation troublée. Toute trace écrite n'a pas pour autant subitement disparu. On possède en effet des

B. Périodisation Les repères chronologiques solides au cours du Fer I sont quasi inexistants. Plusieurs raisons expliquent une telle situation. L'absence de datations 14C pour le Fer I est due à des problèmes

165

Finkelstein 1996 b ; Mazar 1997 a ; Finkelstein 1998 b ;

Finkelstein 1999 166

31

Mazar 1988 : 254

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

d'autres et plus vraisemblablement, il faut la situer à l'est du delta du Nil172. En effet le Papyrus Harris I, sous Ramsès III, mentionne que le pharaon établit les Peuples de la Mer dans ses forteresses. Ce document fait référence, semble-t-il, davantage au delta égyptien qu'au sud de la Palestine173. La seconde incertitude, plus importante, concerne l'étendue de la victoire égyptienne. Ramsès III précise qu'à la suite de sa victoire, il plaça des vaincus dans certaines de ses forteresses. L'installation des Peuples de la Mer sur le littoral du sud de la Palestine s'effectue en plusieurs régions suivant leur origine. Au nord dans la plaine d'Acre s'installent les Shardani174. Sur le site de Tel Dor s'effectue celle des Sikili, dont la présence est mentionnée au XIème siècle dans le récit de WenAmon. Les Philistins, groupe le plus nombreux parmi les Peuples de la Mer175, s'établissent entre Ashdod et Gaza, dans des centres autrefois capitale administrative comme Gaza, cité-état dévouée à l'Egypte comme Ashkelon, ou siège d'une résidence égytienne comme Ashdod. L'occupation de tels établissements amène à s'interroger sur le degré de décision de Ramsès III dans cette installation. Il l'a certainement plus constatée qu'imposée. Les reliefs du temple de Medinet Abou sont considérés, avec raison, comme l'un des derniers du Bronze Récent II ou l'un des premiers du Fer IA. Ils restent inégalés dans leur ampleur. Aucun texte égyptien ne vient par la suite documenter le retrait de la puissance égyptienne hors de Palestine. Seule l'archéologie atteste par l'absence d'objets égyptiens de leur départ. Le dernier objet est une statuette de Ramsès VI provenant de Megiddo176. Le récit de Wen Amon au XIème siècle, relate l'histoire de cet émissaire égyptien qui, vers 1075, part à la recherche de bois de cèdre et remonte la côte levantine jusqu'à Byblos177. Le texte documente lors de son passage à Dor la présence d'une population appartenant autrefois aux Peuples de la Mer.

documents écrits pour la fin du IIème millénaire167. Cette documentation ne possède en revanche pas la nature "internationale" de la correspondance diplomatique des lettres d'El-Amarna. Nature spécifique qui a façonné notre perception du Fer I, appauvrie de ne pas avoir fourni d'archives de cette ampleur. Les documents écrits, s'ils existent au Fer I, ne possèdent souvent pas de valeur historique ou diplomatique suffisante pour des informations autres que circonstancielles.

2. LA DOCUMENTATION EGYPTIENNE ET LES PEUPLES DE LA MER Les reliefs de la bataille de Ramsès III contre les Peuples de la Mer Les reliefs du temple de Medinet Abou relatant l'engagement de Ramsès III contre les Peuples de la Mer, demandent que l'on s'interrroge sur leur contexte de réalisation. M. Liverani se fait l'avocat d'une approche prudente quant à l'interprétation de ces reliefs168. Sans remettre en question le dynamisme et la vitalité des Peuples de la Mer, qui ont bien représenté un danger pour l'Egypte, il met en garde contre la réalité historique du récit de la bataille. Il y voit la marque d'un schéma narratif traditionnel employé pour célébrer les grandes victoires pharaoniques. Ainsi le texte « forge la "coalition", l'attaque unitaire, la bataille rangée, le cadre topographique de la bataille même. On peut dire que le récit de Ramsès III fabrique une grande bataille et une grande victoire, en additionnant de nombreux épisodes divers dans le temps et dans l'espace, dont la gloire était minime et dont l'efficacité commémorative aurait été assez modeste »169. Le texte de cette bataille contre les Peuples de la Mer et la précision de leur "destruction complète" par Ramsès III s'opposent aux évidences archéologiques avec leur installation en divers lieux sur la côte de Palestine. Pour B. Cifola, la perspective historique du texte de Ramsès III doit être minimisée : elle y voit « des incidents de frontière récurrents » atteignant dans le texte la « proportion d'une guerre réelle »170. Si la victoire, telle qu'elle est décrite sur les murs du temple de Ramses III, est remportée par l'Egypte, deux incertitudes demeurent toutefois. La première concerne le lieu de la bataille. Pour certain171, elle se serait déroulée dans le sud de la Palestine, pour

3. LES ORIGINES DES PEUPLES DE LA MER Les premières mentions des Peuples de la Mer remontent au XIVème siècle. Les sources égyptiennes précisent à cette époque deux des Peuples de la Mer : les Sherden et les Danuna178. 172

Finkelstein 1998 a : 143

173

Finkelstein 1995 c : 226-227

167

Puech 1986 ; 1999 : 60 avec bibliographie.

174

Singer 1994 : 297

168

Liverani 1995 a : 50

175

Singer 1994 : 296

169

Liverani 1995 a : 50

176

Singer 1994 : 283, 292

170

Cifola 1994 : 20-21

177

Singer 1994 : 296

171

Weinstein 1992 : 142

178

Cifola 1994 : 8

32

LE FER I

en particulier le passage des groupes tribaux à l'Etat israélite vers le Xème-IXème siècle185, ce sont surtout l'origine des populations des hautes collines et les raisons de ce processus de peuplement qui font l'objet de toutes les conjectures. S'attaquer à un tel sujet n'est pas chose aisée. Nous tenterons donc d'être synthétique, tout en présentant l'ensemble des argumentations et problématiques liées à ce vaste domaine de recherche.

Dans les lettres d'El Amarna, il apparaît qu'ils servent comme mercenaires du roi de Byblos. Au tout début du XIIIème siècle, les Sherden participent à la bataille de Qadesh dans les rangs égyptiens179. Durant l'ensemble de ce siècle, les mentions de ces peuples s'apparentent généralement à leur participation en tant que mercenaires dans différentes armées ou à leur pratique de la piraterie180. Dans la bataille que Merneptah mène à la fin du XIIIème siècle contre une coalition de Libyens et de Peuples de la Mer, le rôle de ces derniers doit être envisagé comme celui d'alliés indépendants ou plutôt de mercenaires dans Il ne s'agit les forces libyennes181. vraisemblablement pas d'une vague de population comportant femmes, enfants et bétails, comme c'est le cas lors de la bataille de Ramsès III contre ces peuples. Les reliefs de Medinet Abou restent la principale source mentionnant les Peuples de la Mer. Ce document iconographique et textuel "date" leur irruption en nombre dans le monde procheoriental. Le problème de leur origine est donc loin d'être résolu et le fait qu'elle soit multiple ajoute au problème182. Il est généralement considéré que le monde égéen et les côtes anatoliennes ont fourni l'essentiel des contingents des Peuples de la Mer. Pour Vandersleyen, ces peuples ne viennent ni de Crête, ni d'Egée ni des côtes égéennes de l'Asie Mineure mais de la côte sud de l'Asie Mineure183.

a. Les données historiques : La principale donnée écrite dont on dispose pour le Bronze Récent est la stèle de Merneptah mentionnant "Israel". Les recherches la concernant ont produit une abondante littérature que l'on peut considérer comme disproportionnée au vu de cette unique mention186. Rappelons que cette mention apparaît dans le cadre de la commémoration d'une victoire contre les Libyens et non strictement d'une campagne militaire en Canaan. Elle intervient donc d'une manière annexe et secondaire. Si son grand mérite est de citer "Israël", il serait en revanche délicat de vouloir en tirer des conclusions de grande portée historique. Cette mention signe l'existence d'une entité appelée "Israël" dès la fin du XIIIème siècle. Tout le problème revient cependant à évaluer cette existence. Pour M. Hasel, la construction "poétique" du texte de la stèle187 amène à penser que tous les noms cités ne possèdent pas une même valeur. Ainsi pour Ashkelon et Gezer, également inscrits sur la stèle, il s'agit des deux villes connues pour cette période. La mention "d'Israel" ne saurait en revanche faire référence à une cité-état, une ville ni même un territoire. Il est envisagé un groupe humain pratiquant l'agriculture et sédentaire. Pour Coote, il s'agirait d'une force tribale sans base urbaine188. Qu'il soit mentionné au sein d'une courte liste de cités vaincues atteste de son existence voire d'une certaine importance. Ce groupe est ainsi reconnu comme tel par les Egyptiens. Aucun élément ne prouve qu'il s'agirait d'un groupe ethnique déterminé. Il est cependant raisonnable de voir une continuité entre cette entité du XIIIème siècle, dont la nature exacte reste mal connue, et les processus de peuplement dans les hautes collines au siècle suivant jusqu'à l'avènement de la monarchie israélite au IXème siècle.

D. La société palestinienne du Fer I PROTO-ISRAELITES184 ET HAUTES COLLINES DE PALESTINE

1.

LES

LES

Le peuplement du domaine des hautes collines de Palestine vers la fin du Bronze Récent II constitue un phénomène très différent de celui qui touche au XIIème siècle la côte levantine avec les Peuples de la Mer. Le processus d'installation de populations dans les hautes collines de Palestine, ne saurait posséder l'ampleur ou le caractère relativement rapide de celui des Peuples de la Mer puisqu'il s'étend sur plus d'un siècle. Bien que les modalités du développement restent parfois mal comprises, 179

Redford 1992 : 225, 243

180

Dothan M. 1989 : 64

181

Singer 1985 : 110 ; Cifola 1994 : 4

182

Singer 1988 : 241

183

Vandersleyen 1985 : 53

185

Finkelstein 1996 a, 1996 b ; Mazar 1997 a

184

"Israélites" ou "proto-Israélites" sont ici employés en tant que

186

Ahlström, Edelman 1985 ; Coote 1990 : 72-75 ; Hasel 1994

terme technique identifiant les populations des hautes collines en

187

Hasel 1994 : 47

cours d'établissement, cf Finkelstein 1988 a : 28

188

Coote 1990 : 86

33

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

plus célébres sont G. E. Wright, E. Lapp, A. Malamat ou Y. Yadin193. Cette école repose sur une lecture attentive de l'Ancien Testament, où la conquête de Canaan par Josué fait suite à la sortie d'Egypte et à la traversée du désert du Sinaï. Ce récit ne connut de leur part aucune remise en question. Cette école illustre ainsi parfaitement la pratique de l'archéologie biblique, où l'archéologie s'accorde en tous points avec l'Ancien Testament, jusqu'à servir à l'illustrer. La fouille "la Bible à la main" a connu ses grandes heures avec la fouille d'un site comme Hazor par Y. Yadin dans les années 1950. Les évidences sont pourtant nombreuses d'un conflit entre l'Ancien Testament et les donnée archéologiques pour cette période de la conquête. Ces évidences se sont accumulées avec en particulier l'absence de muraille à Jéricho au Bronze Récent II, ou l'inoccupation des sites de Aï ou de Tell el Ful/Gibeon à cette même période. L'absence supposée d'occupation à Yarmouth au Bronze Récent II a constitué pendant longtemps194 un indice supplémentaire de la mise en doute de l'historicité du texte biblique. L'hypothèse d'une conquête militaire unifiée, dont le processus serait décrit dans l'Ancien Testament, a été actuellement écartée par l'ensemble des chercheurs195. On constate par exemple que les destructions des villes de Palestine s'étendent au cours d'une période comprise entre le milieu du XIIIème siècle et le dernier tiers du XIIème. Aucune preuve ne vient donc à l'appui d'une conquête rapide par des populations "israélites" ou autres. De plus, si les proto-Israélites avaient détruit ces centres urbains, pourquoi ne s'y seraient-ils pas installés ? Il est apparu que les établissements pouvant éventuellement faire l'objet de l'appellation "protoisraélites" se situent dans les hautes collines de Palestine. Or la culture matérielle isolée dans cette région, en dehors de toute attribution ethnique, demeure des plus locales. La réalité d'une irruption de populations extérieures à la Palestine opérant une conquête du pays se révèle donc démentie par les données archéologiques.

b. Les différentes écoles : Différentes écoles se distinguent par la façon dont elles réussissent à résoudre un double problème. Le premier, le plus complexe, consiste à déterminer l'origine des populations qui peuplent les hautes collines de Palestine à partir du XIIIème siècle. Ce processus de peuplement s'effectue au cours des XIIème et XIème siècles, et certainement aussi durant le Xème siècle, avant de former la monarchie israélite. Les recherches les plus récentes et novatrices189 tendent à placer l'aboutissement de ce processus de formation au cours du IXème siècle. Le second problème concerne l'identification ethnique de ces populations occupant les hautes collines. Le terme de "proto-Israélites" correspond-til à une notion ethnique, culturelle ou politique ? A quel type d'entité est-on confronté au XIIème siècle, au XIème puis au Xème siècle, avant qu'au IXème siècle on puisse enfin parler de monarchie ? Les données archéologiques et historiques sont pour l'instant insuffisantes pour permettre de répondre d'une manière catégorique à la question des origines des proto-Israélites. Globalement, les hypothèses sont au nombre de deux, selon qu'elles envisagent le peuplement des hautes collines à partir d'une population locale, que cette dernière ait reposé sur une base urbaine, villageoise, nomade ou mixte, ou que le peuplement se soit au contraire effectué à partir de populations provenant hors de la Palestine. Les recherches actuelles montrent que l'émergence des proto-Israélites repose sur des changements socio-économiques dans la population locale, nomade comme sédentaire, et non sur des invasions, ceci n'excluant pas un apport de population extérieure190. Toutefois, l'étude de la culture matérielle des hautes collines et de la céramique particulièrement, montre une forte continuité avec celle de la Palestine du Bronze Récent II191. Cet élément indique que les protoIsraélites n'ont pas pu être totalement étrangers à la Palestine. L'étude de la culture matérielle exhumée dans les établissements villageois des hautes collines est donc primordiale pour déterminer l'origine de sa population.

L'école d'Alt et de Noth : l'infiltration pacifique La théorie d'une infiltration pacifique et non d'une invasion, a été émise par Alt en 1925196. Elle envisage le peuplement israélite sous la forme d'établissement de groupes nomades dans les régions peu habitées de Palestine. Cette approche a

L'école d'Albright : la conquête militaire unifiée Cette première école date des années 1920-1930. W. F. Albright192 en fut l'un des principaux artisans avant d'être suivi par de nombreux autres dont les 189

Finkelstein 1996 a, b ; 2001

193

Finkelstein 1988 a : 295

190

Dever 1993 b : 22*

194

Finkelstein 1988 a : 297 ; Na'aman 1994 : 223

191

Gnuse 1991 : 58 ; Finkelstein 1988 a : 338

195

Briend 1978

192

Albright 1939

196

Alt 1925 (trad. 1966)

34

LE FER I

de peuplement des hautes collines avec la baisse du nombre de nomades. Rappelons que les Hapiru et les Shoshu disparaissent des documents égyptiens vers le XIIème siècle. Il faut ainsi rester prudent, car mise à part cette absence de documents écrits, aucune donnée archéologique ne permet d'avancer que les nomades se soient alors tous sédentarisés. Selon W.G. Dever206, les populations des hautes collines se composent de groupes humains hétéroclites, constitués de Hapiru, de Shoshu, de nomades se sédentarisant, de populations issues du milieu urbain et surtout villageois, de groupes, en petit nombre, d'origines diverses tels que Hittites, Jébusites, ou Hivites. Pour Dever, la majorité du peuplement de cette région s'effectue toutefois à la suite de l'abandon des villages sous le contrôle des cités-états. Bien qu'une telle hypothèse soit vraisemblable, rien ne vient cependant la confirmer. S'il est possible que la population des hautes collines repose sur une telle hétérogénéité sociale et culturelle, elle demeure cependant à majorité cananéenne.

été développée ensuite par Noth dans les annes 1950 et reprise plus récemment, entre autres par A. Zertal et V. Fritz197. Pour ces derniers, le peuplement s'effectue à partir de populations nomades et semi-nomades venues en Palestine au cours du Bronze Récent. V. Fritz fait reposer son hypothèse sur les données issues des fouilles de Tel Masos, qui est selon lui un site israélite. Il développe la théorie d'une symbiose. Les populations nomades ont dû passer par un stade sédentaire durant lequel elles ont adopté la culture cananéenne avant d'aller peupler les hautes collines198. D'autres développements ont eu lieu avec par exemple Gnuse qui avance ce qu'il appelle un "processus interne pacifique"199. L'approche novatrice de I. Finkelstein concernant l'origine des proto-Israélites repose également sur l' idée d'un processus interne à la Palestine200. Pour I. Finkesltein, la population des hautes collines trouve majoritairement son origine dans les groupes nomades et non dans les établissements urbains. Le peuplement de cette région serait donc strictement un processus interne à la Palestine, reposant sur une population indigène. Si une partie de cette dernière a quitté les villes, ce serait vers la fin du XVIème siècle pour nomadiser durant l'ensemble du Bronze Récent, avant de se resédentariser au XIIème siècle201. Cette hypothèse pose le problème de l'existence archéologique des nomades au Bronze Récent II. Or les données restent pour le moins limitées. Des sanctuaires isolés attestent éventuellement pour I. Finkelstein l'existence de ces groupes avant leur sédentarisation202. Une autre question essentielle revient à se demander quelles sont les raisons expliquant la sédentarisation soudaine des groupes pastoraux vers la fin du XIIIème siècle203. Pour Finkelstein, ce seraient les périodes de sécheresse à cette époque, s'ajoutant à l'exploitation égyptienne des centres urbains. Ces deux facteurs ont pu affecter les possibilités des populations sédentaires d'échanger du grain avec les nomades. Ces derniers ont alors dû se sédentariser pour suffire à leurs besoins204. Vers la fin du XIème siècle, l'ensemble de la population serait ainsi sédentarisé205. Comme on l'a vu, I. Finkelstein met en parallèle le processus

L'école sociologique de Gottwald et Mendenhall : la révolution sociale L'école sociologique a été développée à partir de 1962 par G. Mendenhall. Ce sont essentiellement des historiens et non des archéologues qui ont repris cette hypothèse. Ainsi dans les années 1970 et 1980, N. K. Gottwald, G. W. Ahlström, N. P. Lemche ou Coote et Whitelam ont amplifié cette approche. Ils font reposer l'origine des proto-Israélites et le peuplement des haute collines sur une même hypothèse : les populations exploitées de la société cananéenne se sont révoltées contre la classe dirigeante puis ont quitté la société urbaine pour aller peupler les hautes collines. Pour Mendenhall et Gottwald, la naissance d'Israël est perçue comme un phénomène interne à la Palestine207. reposant toutefois, dans ce cas précis, uniquement sur une population issue du monde urbain. Pour ces derniers, le conflit au sein de la société du Bronze Récent concerne surtout les villes et les villages. Le Bronze Récent au Fer I correspondrait donc au passage d'un système hiérarchique urbain à un système tribal autonome208. Par ailleurs, Coote et Whitelam209, comme Lemche, récusent l'emploi de l'Ancien Testament comme support historique pour déterminer les origines d'Israël210.

197

Finkelstein 1988 a : 305 ; Fritz 1981, 1987, 1992

198

Fritz 1987 : 98

199

Gnuse 1991 : 59

200

Finkelstein 1988 a

201

Finkelstein 1988 a : 348

206

Dever 1998

202

Finkelstein 1988 a : 343-344

207

Lemaire 1990 : 258

203

Finkelstein 1990 b : 685

208

Gottwald 1978 : 6

204

Finkelstein 1990 b : 685

209

Coote, Whitelam 1986 ; 1987

205

Finkelstein 1988 a : 346-347

210

Bimson 1991 : 16

35

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

Tel Sukas, site sur la côte à la bordure sud du royaume d'Ugarit, propose un cas assez identique avec une occupation continue du Bronze Récent au Fer I avec la présence de poterie Mycénienne IIIC:1b214. Concernant Ugarit, un problème n'a pas été entièrement éclairci, il s'agit de la présence sur le site de poterie Mycénienne IIIC215, de fabrication non locale. Cet élément semble indiquer que cette céramique apparaît et se développe à partir du début du XIIème siècle, avant les destrutions des Peuples de la Mer. Il n'a en revanche pas été exhumé de poterie Mycénienne IIIC:1b à Ugarit216. La destruction de la ville a dû avoir lieu, pour M. Yon, vers 1190, entre 1195 et 1185217. Les mouvements des Peuples de la Mer culminent au début du XIIème siècle entre 1190 et 1175, pour l'ensemble du Levant. La théorie de deux vagues de peuplement a pendant longtemps été évoquée218. Ces deux vagues étaient censées correspondre aux phases de production céramique monochrome puis bichrome philistine. Cette interprétation est actuellement abandonnée puisqu'il est clairement démontré que la seconde procède de la première et que ces deux catégories de céramique se suivent dans une seule et même perspective chrono-typologique.

c. La datation du processus de peuplement : Le processus de peuplement des hautes collines s'opère à partir de la fin du Bronze Récent dans des territoires inoccupés, ou occupés par des populations non sédentarisées à cette période211. Très peu de données archéologiques existent cependant pour le XIIIème siècle, permettant de dater avec précision le début du processus. Celui-ci commence alors que les centres urbains cananéens sont encore bien implantés dans les basses terres. Ce processus peut ainsi s'effectuer du milieu du XIIIème au milieu du XIIème siècle212. Il est en cours, de manière certaine, au XIIème siècle. L'étude de l'expression matérielle céramique avec les fortes continuités par rapport au Bronze Récent II mais l'absence systématique des poteries importées du Bronze Récent II, constitue le fort indice d'une datation au XIIème siècle. Au XIIIème siècle les centres urbains tels que Jérusalem ou Khirbet Rabud, ou des tombes comme celles découvertes à Tell Judur attestent de la présence de poteries chypriotes et mycéniennes comme dans les basses terres. La relative pauvreté économique de ces petits établissements des hautes collines ne permet d'expliquer à elle seule l'absence de ces importations, il faut alors envisager que ces sites n'existaient pas encore à la fin du Bronze Récent II.

b. De sérieux problèmes chronologiques : Les dates proposées par les tenants des diverses chronologies s'apparentent à un débat que le manque de données historiques ne permet actuellement pas de clore. Les tenants de la haute chronologie ont pour principal défenseur Trude et Moshe Dothan pour lesquels la céramique Mycénienne IIIC:1b est produite dès le début du XIIème siècle. Une telle hypothèse est toutefois difficilement tenable. Un site comme Tel Miqne propose en effet une séquence stratigraphique comportant une couche entre le niveau de la fin de la céramique Mycénienne IIIB et celui lié au développement de la Mycénienne IIIC:1b219. T. Dothan défend ainsi l'idée d'une coexistence relativement pacifique entre les différents groupes culturels au cours du XIIème

2. LES PEUPLES DE LA MER ET LES PHILISTINS a. Les Peuples de la Mer en Syrie Bien que le Levant ait particulièrement souffert de destructions occasionnées par les Peuples de la Mer, il a également largement souffert du "syndrome de Pompéi" : les destructions auraient été totales, il s'agirait d'une véritable table rase. Mais si les destructions sur la côte sont indéniables et doivent être mises sur le compte de Peuples de la Mer, il n'en va pas de même pour les sites détruits à l'intérieur du pays comme Emar, où les responsables peuvent être des groupes locaux. Des traces archéologiques attestent de la violence des combats s'étant déroulés lors de la prise et du pillage de la ville d'Ugarit tandis qu'aucune preuve de réoccupation immédiate de la ville ne semble exister213. Toutefois à Ras Ibn Hani, non loin d'Ugarit, le site présente une autre séquence. On y constate l'établissement de populations produisant de la céramique Mycénienne IIIC:1b. Les fouilles de

214

Caubet 1992 : 128

215

Monchambert 1996 : 45-46

216

Yon 1992 : 119

217

Yon 1992 : 120

218

Singer 1985 : 110 ; Dothan M. 1989 : 59

219

Le qualificatif de céramique Mycénienne IIIC:1b regroupe en

fait un groupe plus vaste appartenant à la catégorie White Painted 211

Fritz 1987 : 98

Wheel-made. Le terme de céramique monochrome philistine

212

Finkelstein 1988 a : 320-321

évoque dans notre propos une unique et même réalité matérielle

213

Yon 1992 : 117-118

que la poterie Mycénienne IIIC:1b.

36

LE FER I

s'étend sur une courte période entre approximativement 1135 et 1100. - La quatrième phase équivaut au développement de la céramique bichrome philistine à partir de la fin du XIIème ou du début du XIème siècle. I. Finkelstein propose l'interruption de l'occupation des sites de Tel Sippor, Ashdod, Tel Batash et Tel Halif durant la phase 2, et l'inoccupation des sites de Jaffa, Tel Mor, Tel Batash, Lachish, Tell Jemme, Tel Sera, Tel Halif à la phase 3. La phase 4 voit la réoccupation des sites de Aphek ou de Tel Halif227. Cette interprétation pose plusieurs problèmes. Tout d'abord un nombre très limité de sites fournissent une séquence stratigraphique d'une telle exemplarité. Tel Miqne situé dans la plaine côtière en serait l'exemple type. Ensuite la nécessité de devoir faire intervenir des interruptions répétées pour un nombre important de sites, durant les deuxième ou troisième phases révèle selon nous l'inadéquation d'un tel schéma. Ce recourt systématique à l'utilisation de périodes d'inocupations pour faire coïncider les séquences des sites ne repose sur aucune base archéologique et procéde de manière trop hypothétique. Il nous semble donc nécessaire de réduire les phases 2 et 3 en une seule, comme A. Mazar le propose228. Ce choix, raisonné, repose sur l'analyse de la stratigraphie de l'ensemble des sites du sud de la Palestine où il apparaît que les établissements de l'intérieur des terres proposent des séquences stratigraphiques n'équivalent pas strictement à celles des sites de la plaine côtière. La chronologie proposée par I. Finkelstein fonctionne essentiellement pour les sites de la Philistie. Les bouleversements que cette région subit au cours du XIIème siècle ne saurait dicter la séquence de tous les sites du sud de la Palestine. Il y a ainsi une non coïncidence des périodisations entre les diverses régions. Il est donc important, comme le souligne N. Na'aman229, de se garder d'effectuer de strictes parallèles entre des sites de zones, en particulier entre le nord et le sud de la Palestine, qui au Fer I ne présentent pas des séquences chronostratigraphiques identiques.

siècle220. Ainsi les Cananéens, les Egyptiens, les Philistins et les proto-Israélites occuperaient chacun une zone donnée de la Palestine à cette époque. Il a dû effectivement exister une période, au minimum après la 8ème année de Ramsès III, plutôt entre le milieu du XIIème siècle et Ramsès VI, où coexistaient des établissements occupés par les Peuples de la Mer sur la côte et les régions voisines avec des centres sous contrôle égyptien dans des sites comme Lachish221. La chronologie moyenne est défendue principalement par A. Mazar222, qui considère que les Peuples de la Mer s'établissent sur les côtes de la Palestine à la suite de la bataille contre Ramsès III, soit vers 1175. La céramique Mycénienne IIIC:1b est, selon cette interprétation, contemporaine du niveau VI de Lachish. La chronologie basse a pour principal avocat I. Finkelstein. Son point de départ repose sur une interprétation de D. Ussishkin223 quant à la destruction du niveau VI de Lachish intervenant vers 1135. I. Finkelstein distingue une séquence en quatre phases depuis la fin du XIIIème jusqu'au début du XIème siècle224. L'élément le plus important réside dans l'apparition de la céramique Mycénienne IIIC:1b, qu'il ne date pas avant Ramsès VI et le départ de l'Egypte de Palestine, soit vers 1135225. Pour cela, il reprend et développe l'ancienne hypothèse des deux vagues des Peuples de la Mer, qu'il replace toutefois dans une chronologie différente. La première se déroule sous Ramsès III. Les Peuples de la Mer sont vaincus et établis dans des garnisons dans le delta en Egypte. Une deuxième vague, pour laquelle aucune documentation historique n'existe, intervient dans la deuxième moitié du XIIème siècle. C'est elle qui met un terme à la présence égyptienne en Palestine, détruisant Lachish et Tel Sera, avant de s'établir dans la plaine côtière226. - La première phase correspond à la céramique Mycénienne IIIB jusqu'à la fin du XIIIème, début du XIIème siècle. - La seconde phase est post-Mycénienne IIIB et prémonochrome et dure pendant près des deux premiers tiers du XIIème siècle. - La troisième phase correspond à l'apparition de la poterie monochrome/ Mycénienne IIIC:1b et

Pour éclaircir cette succession complexe de phases il est nécessaire de reprendre le déroulement des événements. La destruction des centres producteurs de la céramique Mycénienne IIIB, au début du XIIème siècle, mène à la cessation du commerce entre les différents royaumes de Méditerranée orientale et leurs palais. Puis les

220

Dothan T. 1998 : 148

221

Mazar 1997 a : 158

222

Mazar 1985, 1990 ; Singer 1985 ; Oren 1985 ; Stager 1985 b

223

Ussishkin 1985 : 223

224

Finkelstein 1995 c : 229-232 ; Finkelstein 1998 a : 144-145

227

Finkelstein 1998 a : 144-145

225

Finkelstein 1998 a : 142-143

228

Mazar 1997 a : 159

226

Finkelstein 1998 a : 143

229

Na'aman 2000 : 5

37

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

déplacements des Peuples de la Mer vers le Levant suivis par une destruction des sites, d'abord au Levant nord ensuite au Levant sud, se prolongent par l'installation des Peuples de la Mer et la réalisation de la poterie Mycénienne IIIC:1b. Un laps de temps entre la fin de la production de la IIIB et le développement de la IIIC:1b nécessite quelques décennies230. Cette catégorie se développe donc pleinement vers le milieu du XIIème siècle. La présence à Deir Alla de céramique Mycénienne IIIB dans un niveau ayant livré un vase contemporain de la reine Tawsert, soit vers 1186-1185231, est considérée comme fournisant un terminus post quem pour la disparition de cette poterie. Ce constat n'indique pourtant rien d'autre que le fait que cette céramique soit encore utilisée à cette période à Deir Alla. Il faut reconnaître que cette poterie luxueuse a pu faire l'objet d'une utilisation prolongée dans un site éloigné de la côte alors que des destructions d'établissements côtiers y étaient déjà intervenues.

E. L'éthnicité clé de la compréhension du Fer I ? Avant de clore ce premier chapitre, il importe de poser les bases théoriques de l'ethnicité et de ses rapports avec l'archéologie en relation avec la culture matérielle. Du fait du caractère historique particulier de la période du Fer I, pour laquelle la Bible offre un récit, la production céramique a en effet fait l'objet d'interprétations ethniques diverses. Il est donc nécessaire d'entrer dans le détail des théories de l'ethnicité pour en mesurer les enjeux et les appliquer à cette période qui se caractérise par une approche spécifique de ses expressions matérielles, et surtout de la céramique. On aborde là un sujet difficile et polémique de l'archéologie, à savoir la relation entre la culture matérielle et les groupes ethniques. Cette relation a toujours été au cœur du débat archéologique pour la Palestine du Fer I. L'impasse ne pouvait être donc faite sur un tel sujet, et ce d'autant moins que cette période reste dans l'archéologie levantine un laboratoire unique de confrontation entre les données matérielles et d'éventuels groupes ethniques.

c. La périodisation choisie : Nous insistons sur une périodisation en trois phases, qui en l'état actuel des connaissances permet de régler les problèmes chronostratigraphiques en les intégrant dans une perspective historique plus large. Cette séquence est principalement valable pour les sites cananéens de l'intérieur des terres et principalement de Shéphéla. 1. Le Bronze Récent II, jusqu'à la fin de l'utilisation de la céramique Mycénienne IIIB, soit jusqu'en c.1175. 2. Le Bronze Récent III, qui équivaut au Fer IA pour les sites de Philistie. Cette période de transition correspondant à la XXème dynastie et comprend, mais d'une manière non exclusive le développement de la céramique Mycénienne IIIC:1b. Cette phase est bien illustrée archéologiquement par les niveaux de Lachish VI, Tel Yarmouth Acr. V, Tel Sera IX et sur la côte Tel Ashdod XIII, ou Tel Miqne VIIIA-VII. Chronologiquement il est possible de placer cette phase entre 1175 et 1125. 3. Le Fer IB, dont la phase de la céramique bichrome philistine correspondant à la fin du XIIème et au XIème siècles, soit de 1125 jusqu'à la fin du XIème siècle, au moins.

230 231

1. L'ETHNICITE Les travaux de Barth232 dans le domaine de l'ethnicité sont considérés comme fondateurs d'une nouvelle perspective anthropologique. D'autres approches, plus récentes, reposent sur les fondements mis en place par ce chercheur. S. Jones233 et G. Emberling234 en particulier ont mené des recherches sur la notion d'ethnicité en archéologie.

a. Race, culture, ethnicité : une question de vocabulaire Les sciences, dès le XVIIIème siècle, dans une volonté de classification universaliste, ont cherché à établir une catégorisation des groupes humains et donc de l'organisation sociale. Ce besoin classificateur de mieux définir et mieux se définir, répond à la nécessité de mettre un nom sur "l'autre". Des termes divers ont alors tenté, plus ou moins efficacement et pertinemment, de nommer ces groupes. Du XIXème jusqu'à la fin du XXème siècle, se sont ainsi succédés les termes de "race", "culture" puis "ethnicité". Ces changements de vocable ne proposent en fait que peu d'évolution dans la perception des processus permettant de définir le 232

Barth 1995 (1969)

Sherratt 1998 : 293

233

Jones 1997

Yurco 1986 : 215 ; Mazar 1988 : 255

234

Emberling 1997

38

LE FER I

constituant une catégorie que l'on peut distinguer des autres catégories de même ordre ». A cela, Dever ajoute238 que le groupe ethnique : « s'attache au sens de son identité séparée, en développant des règles pour maintenir des "frontières ethniques" ainsi que pour participer à des échanges sociaux avec d'autres groupes ethniques ». L'un des éléments fondamentaux rappelés par Barth réside dans le fait que les groupes ethniques organisent eux-mêmes leur propre code de représentation vis-à-vis de l'autre. Cet "autre" est fondamental dans la construction de chaque identité culturelle. Cette distinction essentielle entre le "Nous / Eux" se retrouve couramment dans la littérature sociologique et anthropologique. La perception du groupe ethnique par lui-même, l'amène à se positionner constamment, voire à se redéfinir, par rapport aux groupes avec lesquels il est en contact. De l'extérieur, l'isolement de la langue ou d'éléments culturels ne suffit plus à définir un groupe ethnique. Il serait par ailleurs faux de croire que l'expression de caractères ethniques passe par l'immobilisme, le repli sur soi de ces groupes, ou l'absence et le refus d'échange avec d'autres. Les « processus sociaux d'exclusion et d'incorporation »239 permettent au contraire au groupe de se constituer, d'apparaître et d'exister dans la continuité, au delà des simples histoires individuelles.

groupe : les transformations concernent les mots plus que les concepts. L'évolution dans l'emploi des mots235 est entre autres due à la nécessité de trouver des termes alternatifs après l'usage, devenu trop connoté, de certains d'entre eux, en l'occurrence "race". Son remplacement par un autre mot n'entraîne pas, pour autant, de redéfinition de la notion. Le "langage" et la "culture" prennent ainsi la relève de la "race". Mais la vision du XXème siècle reste directement héritée de celle du XIXème siècle. La perception archéologique, et plus gobalement anthropologique, de la culture et de la société correspond donc à une vision du monde composée de cultures compartimentées et homogènes. Les ressemblances culturelles dans une même zone permettent selon une telle théorie, de définir un groupe humain comme étant porteur d'une culture propre et d'une identité marquée. On a ici affaire à une perception traditionnelle des cultures associées à des frontières politiques et historiques déterminées et stables. Une telle vision, couramment rencontrée, est appliquée tant aux Etats européens contemporains qu'aux populations passées. La notion de culture repose explicitement, dans un tel cas, sur des concepts d'homogénéité, d'ordre, de borne ou de limite. Une adéquation simple permet alors de répartir les différentes cultures en autant de "tribus" distinctes.

b. Caractérisation et reconnaissance d'un groupe ethnique

Reconnaissance d'un groupe ethnique Aucune régle ne permet de déterminer des traits distinctifs, il n'existe en la matière que des cas particuliers qui demandent un traitement spécifique. La reconnaissance d'un groupe ethnique passe cependant par l'attribution de caractéristiques attributives et distinctives propre à ce groupe. L'expression de ces critères permet au groupe de se distinguer, d'apparaître par lui même. L'existence de ces distinctions repose sur leur pérennité dans le temps et donc sur le maintien d'une frontière. Cette reconnaissance reste toutefois très variable. Elle dépend en premier lieu de celui qui définit le groupe : lui-même, un groupe extérieur en relation avec ce dernier ou même un groupe extérieur sans contact avec ce premier groupe. Reprenant des travaux préalables, R. Cohen240 différencie le groupe ethnique de l'identité ethnique et de la catégorie ethnique. Le groupe ethnique repose sur le partage de valeurs communes au sein du groupe. L'identité ethnique concerne le

Définition d'un groupe ethnique Actuellement, le groupe social ne peut plus se définir selon quelques vagues notions de langue, de culture ou d'autonomie politique. Ces sphères qui ont permis de caractériser, jusqu'aux travaux de Barth, l'expression ethnique des divers groupes culturels, ne sont plus valables aujourd'hui. L'identité ethnique fait en effet partie d'un processus social dynamique236. Pour F. Barth, le vocable de groupe ethnique permet de caractériser une population qui 237 : « - se perpétue biologiquement dans une large mesure, - a en commun des valeurs culturelles fondamentales, réalisées dans des formes culturelles ayant une unité manifeste, - constitue un espace de communication et d'interaction, - est composée d'un ensemble de membres qui s'identifient et sont identifiés par les autres comme 235

Jones 1997 : 41-44

238

Dever 1995 : 201

236

Emberling 1997 : 299

239

Barth 1995 : 204

237

Barth 1995 : 206

240

Cohen 1978 : 386

39

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

En définitive, le groupe ethnique ne saurait se définir uniquement d'après ses frontières, même si ces dernières possèdent une grande importance dans la formulation de son identité. D'autre part, aucune raison spécifique ne permet d'avancer que les frontières des systèmes sociaux puissent être accolées aux frontières culturelles244. Il peut toutefois arriver, et c'est souvent le cas, que des frontières sociales coïncident avec des limites politiques de territoire.

processus par lequel les membres d'un groupe sont identifiés et rattachés à tel ou tel groupe. Enfin, la catégorie ethnique correspond à une catégorisation de traits culturels pouvant ne pas correspondre à un groupe ethnique, puisqu'il s'agit d'une vision plaquée par des groupes extérieurs.

c. Fonctionnement d'un groupe ethnique Les problèmes des frontières La frontière géo-politique allait souvent de pair avec la détermination de "zones culturelles". La définition de ces espaces reposait sur l'identification de caractéristiques communément partagées par une population au sein d'un environnement donné. Cette vision appréhendait des groupes uniquement perçus depuis l'extérieur, sans chercher à déterminer leurs propres signes distinctifs. La frontière est, pour F. Barth, l'un des éléments essentiels permettant la définition du groupe ethnique, qui existe par elle. G. Emberling critique toutefois cette approche qui limite l'étude des groupes ethniques « aux frontières ethniques qui définissent le groupe, non aux matériaux qu'il renferme »241. C'est là l'une des faiblesses de la théorie de Barth, qui s'attache surtout à déterminer le sens des frontières plutôt qu'à traiter les expressions internes à ces groupes. L'entretien des frontières242, au travers de signes distincts, devient alors le principal objet d'attention du groupe. Ce dernier se distingue de l'autre par l'affirmation de critères sociaux qui déterminent l'appartenance ou l'exclusion au groupe. La notion de frontière fait le plus souvent référence à un élément physique stable, donc simple à appréhender, supposé fixe dans le temps comme dans l'espace. Si la frontière reste tributaire des contingences humaines, bien souvent sa nature séculaire lui permet de les transcender. Mais les frontières ici évoquées ne sauraient entrer dans un tel schéma. Le sens physique de la frontière possède en effet dans le domaine ethnique une dimension réductrice : comme elle isole, elle tend à interdire au groupe des relations de tout ordre avec d'autres groupes. La frontière pose alors une ligne trop rigide délimitant l'extension de pratiques sociales. Les membres d'un groupe, pour des raisons très diverses d'ordre politique, économique ou autre, peuvent à tout moment quitter les frontières culturelles auxquelles ils se rattachaient pour acquérir celles d'un nouveau groupe243.

Formes organisationnelles Le fonctionnement du groupe ethnique passe par son mode organisationnel. Tout d'abord, « les groupes ethniques sont une forme d'organisation sociale »245, une parmi d'autre. La sphère ethnique ne constitue donc pas la seule identité sociale d'une personne. Le lien social, tout comme le lien ethnique, est vivant donc variable. L'organisation d'un groupe repose ainsi sur des valeurs partagées. Au sein d'un groupe ethnique existe d'ailleurs souvent une perception commune concernant un même ancêtre. Par ailleurs, la force de la distinction ethnique peut être inversement proportionnelle à l'organisation politique du groupe. Ainsi un groupe ethnique atteignant une forme d'organisation étatique tendra à perdre ses marques ethniques distinctives. Barth conçoit une règle d'intégration culturelle reposant sur le fait que l'adoption par un groupe d'un sous-ensemble, par exemple comme la sphère politique ou économique du système social d'un autre groupe, amène à l'adoption complète de ce système246. Les groupes ethniques possèdent donc des appartenances sociales variées, dont l'expression ethnique est soumise comme les autres domaines, économique ou politique, à des changements. La forme organisationelle des groupes est donc fondamentalement changeante. Les contacts et les échanges avec d'autres groupes ne signifient pas forcément une acculturation ou une perte des traits ethniques définissant le groupe. Le choix d'un mode de subsistance nouveau peut en revanche provoquer des changements dans la sphère ethnique et voir l'adoption de nouveaux critères ethnique définissant le groupe247. Par ailleurs le groupe ethnique, dans certaines situations particulières, de stress économique ou social, connaît un développement marqué des signes ou

244

Jones 1997 : 52

Emberling 1997 : 299

245

Barth 1997 : 210

242

Barth 1995 : 213

246

Barth 1997 : 227

243

Barth 1995 : 227

247

Barth 1997 : 205

241

40

LE FER I

leurs modalités d'expression dans la sphère matérielle. Alors que le groupe ethnique se définit par ses frontières, en archéologie, la perception du groupe, en particulier ethnique, passe par l'étude de la culture matérielle censée l'exprimer. Il existe donc dès le départ un problème d'interprétation archéologique des traces matérielles. Si certains traits dépendent d'un critère économique, d'autres sont cultuels, alors que les derniers constituent effectivement l'expression de la sphère ethnique. Le style d'une céramique est-il alors le produit passif du milieu culturel dont elle provient ? Qu'estil capable de révéler ? Les modes d'expression du groupe ethnique peuvent s'effectuer au travers de différents domaines, parmi lesquels, la culture matérielle. Aucun systématisme ne saurait donc être adopté en la matière. L'étude de la culture matérielle doit prendre en compte les différentes étapes de la chaîne opératoire dans laquelle elle s'intègre : la production, la distribution, l'utilisation, avec une attention particulière à porter aux acteurs de ces étapes et le sens qu'ils attribuent à la culture matérielle. Chacune de ces étapes se développe dans un contexte social précis. Emberling distingue toutefois des domaines plus propices que d'autres à livrer des indices sur l'ethnicité des groupes, tels en particulier la structure domestique, la cuisine, les pratiques rituelles et funéraires251.

des limites ethniques248. Les phénomènes ethniques possèdent des rôles variables, pouvant être aussi bien le fait de minorités au sein de populations données que de groupes plus larges devant nécessairement se définir vis-à-vis de voisins. Le groupe ethnique est ainsi dépendant de ses expressions culturelles spécifiques, puisqu'il existe au travers de comportements marqués. Les situations de contact exigent que l'identité ethnique soit suffisamment développée et marquée afin que le groupe soit reconnu comme tel. Ces rapports reposent donc sur « une structuration de l'interaction qui permet la persistance des différences culturelles »249.

2. ETHNICITE ET ARCHEOLOGIE a. Ethnicité et culture matérielle : des problèmes de méthodes récurrents La volonté d'adéquation entre la culture matérielle et le groupe ethnique qui l'aurait produite repose sur des schémas de pensées bien intégrés. Or cette vision des peuples antiques en termes de groupes culturels monolithiques est presque aussi pesante que la perception en séquences de l'histoire, découpage "fonctionnel" mais dépourvu de toute réalité historique. L'homogénéité des cultures étant un leurre, les groupes ethniques ne peuvent donc faire l'objet d'une stricte adéquation avec les cultures archéologiques repérées. Cette tentation de corréler la céramique avec un groupe donné, de faire de la culture matérielle, et de la céramique en particulier, un marqueur ethnique, a pourtant longtemps dominé les interprétations archéologiques. Encore actuellement, subsiste la tendance et la tentation de projeter dans l'artifact le condensé d'une culture donnée. La variation de sens de la culture matérielle peut être considérable, suivant les pratiques sociales dont elle est investie et suivant son contexte d'utilisation. La culture matérielle « est une dimension active de la pratique sociale, en ce qu'elle structure l'agencement humain tout en étant un produit de cet agencement »250. A chaque situation sociale particulière, la céramique revêt un sens distinct qui doit être étudié comme tel. La grande difficulté revient donc à distinguer les traits matériels porteurs d'un sens social, de ceux qui sont insignifiants. Au problème de la détermination de critères ayant une valeur ethnique, s'ajoute celui de

248 249 250

b. Culture matérielle et distribution archéologique Les interprétations ethniques de la culture matérielle reposent en grande partie sur la nature de sa distribution archéologique. La répartition géographique de certains types de céramique serait censée indiquer les frontières de ces groupes ethniques. Or la distribution de la culture matérielle ne saurait strictement correspondre avec la délimitation de zones culturelles et donc de groupes ethniques. La "zone culturelle" ainsi définie se fonde généralement sur le concept de "sites-types". Le domaine d'extension du groupe devient assimilable à une zone culturelle composée de "sites-types" dont chacun propose une culture matérielle caractéristique, expression exclusive du groupe ethnique. La détermination des "sites-types" repose alors sur l'isolement des continuités et similarités matérielles entre ces sites. Mais une telle opération s'effectue au détriment des distinctions et discontinuités pouvant également caractériser ces mêmes sites, puisque le "site-type" se doit d'entrer dans une catégorie préconçue.

Jones 1997 : 124 Barth 1995 : 214 Jones 1997 : 117

251

41

Emberling 1997 : 325

CHAPITRE 1. LE CADRE HISTORIQUE

Les sens variés attribuables à la culture matérielle amènent, on l'a vu, à refuser l'équivalence rigide entre un groupe culturel et une expression matérielle. Plus couramment doit être envisagé le chevauchement de distribution de cultures matérielles multiples. La répartition d'un style céramique peut exprimer des limites politiques ou sociales, ou simplement coïncider avec une diffusion commerciale et non révéler des frontières ethniques. Par ailleurs, le contexte social de production peut amener à la représentation de signes distinctifs ayant une valeur ethnique pour les producteurs, alors que le contexte social de consommation ne reprendra pas à son actif ces traits précis252. L'inverse est aussi vrai : « les zones de styles peuvent simplement représenter des marchés ou des zones de diffusion de communauté de potiers qui n'ont pas de signification en terme d'identité des consommateurs »253. Ces différents contextes sociaux doivent donc être perçus distinctement. L'utilisation de la céramique répondant à des motivations diverses, l'expression ethnique dont elle est éventuellement porteuse lors de sa production n'est pas forcément reprise en dehors d'une sphère d'utilisateur déterminée. Il est ainsi nécessaire de distinguer plusieurs catégories de frontières comportant chacune des acteurs aux rôles et motivations différents. En bref, les différents groupes sociaux ne se distinguent pas de manière systématique au travers de la céramique. Voici donc posés quelques uns des principaux problèmes concernant la relation entre la culture matérielle et les groupes ethniques. Au cours de la présentation des données archéologiques il importera de garder à l'esprit dans quelle mesure la caractérisation du Fer I repose ou non sur des critères ethniques.

252

Dietler, Herbich 1994 : 461

253

Dietler, Herbich 1994 : 469

42

PREAMBULE

orientale de la Méditerranée. Ou pour le dire différemment, à l'extrémité occidentale du continent asiatique (voir planche n°1). Elle s'intègre au Levant, cette étroite bande de terre située sur la façade maritime, composée des domaines de SyriePalestine. Avant d'aborder la terre ferme, nous allons traiter de la présence méditerranéenne. L'importance de cette mer réside dans la dimension de frontière qu'elle peut représenter, aussi bien que dans son influence sur le climat et les hommes.

CHAPITRE II. LE CADRE GEOGRAPHIQUE ACTUEL ET ANTIQUE

Un peuplement humain ne saurait être étudié ni même compris sans une description du territoire qu'il occupe. L'approche globale d'une région passe par la compréhension profonde de ses constituants. Pareillement, on ne peut saisir les relations, nombreuses et complexes, entretenues avec les régions limitrophes et au-delà, sans tenter de comprendre leurs ressources. Ainsi se dessine le besoin d'élargir le plus possible l'horizon géographique, afin de mesurer pleinement dans l'espace, comme dans le temps, les nombreux aspects de cette région. On définira donc la région par ses caractéristiques propres autant que par rapport aux zones qui la bordent. Les données présentées portent dans un premier temps sur la géographie actuelle du pays. Les trois derniers millénaires d'évolution que le milieu a subis, sous l'effet de l'action climatique comme anthropique, sont toutefois loin d'être insignifiants. Il n'est donc pas suffisant d'étudier le paysage actuel pour appréhender l'environnement d'antan, sauf à se limiter à ses grandes lignes. Aussi la deuxième partie de ce chapitre entend-elle traiter dans le détail de la géographie antique du sud de la Palestine.

1. LA MEDITERRANEE Le voyage en haute mer n'est devenu chose courante pratiquement qu'à la période contemporaine. Comment imaginer alors que ce soit le cas au second millénaire avant l'ère chrétienne, quand au XVIème siècle de notre ère254, on ne se hasarde encore que prudemment sur cet espace bien trop vaste ? Que la possibilité existe durant nos périodes, n'induit nullement qu'elle devienne la règle. Pour la Palestine, cette masse immense, bien qu'ouvrant sur des routes maritimes parcourues, n'en constitue pas moins une barrière difficilement franchissable, le plus souvent longée qu'affrontée. La côte est ainsi "adossée" à la mer, comme elle l'est aux montagnes proches. La Palestine possède en effet une bande de terre fertile bien étroite. Nous insistons volontairement sur ce point : cette mer contre laquelle on vient presque buter. Le nombre de ports en Palestine est assez limité. Combien de sites côtiers ouverts sur le commerce maritime pour au moins deux cent cinquante kilomètres de côte palestinienne ? Quatre, cinq ? Précisons cependant quelles sont ces routes maritimes. Une route principale, pour ne pas dire unique, s'impose d'elle même. Celle qui depuis le delta du Nil, remonte le long de la côte levantine jusqu'à la latitude de Chypre et de la péninsule anatolienne.

PREAMBULE : ESPACE GEOGRAPHIQUE ET DEPLACEMENTS HUMAINS Avant d'aborder le cadre physique de la Shéphéla, il nous semble opportun de présenter plus globalement le monde dans lequel elle s'inscrit et surtout de rappeler qu'il s'agit d'un monde anciennement humanisé. L'espace géographique de la Méditerranée orientale a de tout temps été parcouru, par mer comme par terre. Ces déplacements humains y sont primordiaux, de telle sorte que les relations commerciales constituent la parfaite démarche introductive. Ce serait par ailleurs manquer de reconnaissance à son rôle que de commencer un tel propos sans évoquer ce vaste monde évocateur, ce "grand ancien" qu'est la Mer Méditerranée.

2. LE COMMERCE MEDITERRANEE

MARITIME

EN

Les divers acteurs du commerce au second millénaire, dans cette zone de la Méditerranée, se reconnaissent facilement aux marchandises exportées. Durant tout le Bronze Récent un incessant commerce s'effectue dans toute cette zone orientale méditerranéenne. Les denrées et objets qui circulent, les céramiques par exemple, sont d'origines chypriote, mycénienne, crétoise, égéenne. Elles "inondent" littéralement le Proche-Orient. De nombreuses autres denrées voyagent mais ne possèdent pas toujours les qualités de conservation

La Palestine se situe le long de la bordure 254

43

Braudel 1966 : 94-95

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

part de Tell Abu Hawam serait liée à son statut de comptoir mycénien ou de base navale 261 égyptienne . Le Levant sud, bien qu'ouvert au commerce et y participant, semble rester, en quelque sorte, le parent pauvre de la région dans le domaine de la navigation. A cela des raisons multiples : la situation géographique, la structure de ses côtes, la présence d'un voisin "encombrant" imposant ses relations commerciales et surtout une grande absence, celle de matières premières, dont l'existence aurait certainement éclipsé les autres critères devenus secondaires. Tous ces facteurs jouent de telle sorte que la Palestine ne possède pas de tradition maritime, contrairement au Liban par exemple, dont les Phéniciens illustreront brillamment la capacité maritime. Point n'est besoin de parler de Chypre, qui de par son insularité ne peut que se tourner vers le monde maritime, et dont les richesses du sous-sol ont joué un grand rôle. On peut donc considérer que l'ouverture de la Palestine sur la mer reste une réalité physique, mais ne lui a pas pour autant fourni, à ces périodes, la possibilité de se positionner comme une entité maritime. Elle s'est, par certains aspects, contentée d'une route commerciale importante, passant le long de ses côtes, présence dont elle a pu et su profiter. La réalité des jarres cananéennes exportées témoigne cependant d'un investissement méditerranéen. Que dire, en revanche, des distances plus courtes, parcourues aisément avec des embarcations légères, des barques même, de faible capacité, mais correspondant certainement à l'immense majorité de ce qui peut flotter le long des côtes palestiniennes ? Ces routes maritimes qui suivent de si près la côte ne le font pas pour cause de limitations techniques des bateaux, ou de l'impossibilité de se hasarder en haute mer. La principale raison réside dans la profonde adaptation de ces routes au type de commerce méditerranéen262. Certes, le compartimentage que l'on trouve en Méditerranée occidentale est très inégalement présent en Méditerranée orientale, presque absent tellement la côte levantine apparaît comme largement ouverte et nue face à la mer. De l'Egypte à l'Anatolie, pas de côtes découpées, mais bien peu de ports, et des récifs par endroits. Les bateaux chargés de denrées vont ainsi de place en place, vendant au fur et à mesure leur cargaison, faisant des échanges, achetant ce dont ils ont besoin pour leur voyage, avant de repartir avec les objets issus de leurs ventes et trocs. Les quantités qui transitent sont assurément très importantes mais bien difficiles à évaluer. Les fouilles dirigées par G. Bass sur les épaves devenues fameuses de Cape

adéquates. On reste parfois dans l'interrogative pour déterminer ce qui était échangé contre ces vaisselles de luxe. Le nombre des parties en jeu dans ces complexes relations commerciales ne doit cependant pas faire croire à la multiplication des routes maritimes. Dans la plupart des cas on longe les côtes et point n'est besoin de plus pour mener les marchandises à bon port. Les sources iconographiques en particulier apportent des renseignements sur les possiblités maritimes des navires de l'Âge du Bronze255. Divers types de bateaux existent à l'époque, mais les navires syriens apparaissent comme les plus appropriés pour la navigation commerciale. Des représentations de ces derniers montrent une particularité nouvelle : un nid de pie associé à une vigie256. Cet élément, selon Basch, permettait à ces navires de s'éloigner des côtes et donc vraisemblablement d'affronter la haute mer, peutêtre plus de manière circonstancielle que systématique. Selon des données épigraphiques, certains bâtiments pouvaient embarquer de grandes quantités : « 450 tonnes métriques »257. Si l'on ajoute que le vocabulaire d'Ugarit comprend 28 types de bateaux différents258, on saisit l'importance que le commerce maritime a revêtu dans l'économie, et même dans la vie quotidienne de cette cité palatiale commerçante. Ainsi les diverses caractéristiques techniques des bateaux au Bronze Récent en Méditerranée orientale montrent la maîtrise atteinte dans la navigation en particulier par les ports de la côte syrienne. Les diverses données textuelles et la connaissance de sites portuaires importants comme Ugarit/Minet el Bheida, Byblos ou Sidon259, amènent à opérer une distinction entre le Levant nord et le sud. Le premier a, semble-t-il, toujours été davantage tourné vers le commerce maritime que le Levant sud. Le nombre élevé de ports naturels dans cette dernière partie de la côte levantine y est pour beaucoup. Durant le Bronze Récent, la Palestine profite dans une large mesure de ce commerce issu de Chypre et de Mycènes essentiellement. Un site comme Tell Abu Hawam est là pour le rappeler260. Mais combien de ports de la sorte existent-ils en Palestine ? Ce site semble fournir un cas d'exception. Jaffa, Ashdod ou Ashkelon ont-ils connu à cette période une telle ampleur dans leurs relations commerciales ? Pour certains, la place à

255

Basch 1987 : 62-70

256

Basch 1987 : 63, 65

257

Basch 1987 : 70

258

Basch 1987 : 70

259

Na'aman 1997 : 609

261

Harif 1974 ; Weinstein 1980

260

Balensi 1980

262

Braudel 1966 : 97-8

44

PREAMBULE

4.

D'AUTRES TERRESTRES

Gelidonya et d'Ulu Burun aux abords des côtes turques, ont livré des informations uniques sur le commerce maritime263. Cette vision du Levant sud, "coupé" de la Méditerranée, si elle a parfois cours dans nos schémas historique et géographique actuels, nécessite toutefois d'être nuancée. L'histoire de cette étroite bande de terre, au cours des millénaires, s'est trouvée si dense, que l'histoire de cette mer qui la jouxte en a été presque systématiquement négligée. On peut en voir la cause dans une habitude de pensée liée à certaines approches textuelles ayant influencée l'archéologie de cette région. On sait le poids du récit biblique dans la façon dont il a pu modeler l'archéologie du Levant sud.

Il est admis que le Croissant Fertile vient achever sa course en Palestine en butant contre la frange nord du désert du Néguev. On tient peutêtre une vérité géographique dans cette vision du Levant sud. Mais on peut se demander dans quelle mesure le Néguev constitue une barrière marquant un point d'arrêt pour des marchandises et des idées venant d'aussi loin que de Mésopotamie. Comment opérer une dichotomie entre deux mondes qui furent si liés durant tant de périodes, comment séparer la Palestine de l'Egypte ? De la même manière, le détroit de Gibraltar a représenté plus qu'une simple liaison entre l'Afrique et l'Espagne. Il « n'est pas, dans la masse continentale des mondes ibérique et nord africain, une barrière, mais une rivière qui unit plus qu'elle ne sépare, qui fait de l'Afrique du Nord et de l'Ibérie un seul monde, un "bi-continent" »264. La frontière d'ordre purement politique que représente le Sinaï, ne doit pas faire oublier que ce lieu fut surtout un pont et non une limite entre deux mondes, l'Egypte et le Croissant Fertile, ce qu'on ne peut ignorer, bien qu'on ne puisse parler, dans le cas présent, de «bicontinent ». Le trajet demande une dizaine de jours de marche265 pour relier le Delta à la plaine côtière du Néguev. Ces premières constatations semblent aller de soi. Leur portée est pourtant considérable. Ces quelques observations conditionnent en effet l'ensemble des déplacements humains dans cette zone, à la jonction de trois mondes bordant la Méditerranée : l'Europe, l'Afrique et l'Asie.

Bass 1996 avec une bibliogaphie antérieure.

264

Braudel 1966 : 108-9

265

Oren 1987: 70

COMMERCIALES

En ce second millénaire avant notre ère, le commerce sur de grandes distances existe depuis longtemps mais il doit se restreindre à des espaces de circulation connus, codifiés, et surtout ne pas s'en éloigner. La véritable révolution terrestre dans ce domaine se fera vers la fin du second millénaire et plus largement au premier millénaire, avec l'irruption du dromadaire dans le commerce à longue distance266. Celui-ci permettra la traversée de ces autres mers que sont les zones désertiques jusqu'alors interdites aux hommes, en particulier une liaison facilitée au travers du plateau arabique. Au nord, point n'est besoin de dromadaire pour se déplacer : la Palestine se relie naturellement aux contrées du Levant nord. Vers l'Est les voies de passage sont plus limitées. Elles mènent vers Amman, Damas, rarement au delà, du fait de la présence du désert. La Palestine reste trop étroite, trop compartimentée pour réellement posséder les aptitudes à un développement "international". Elle demeure une zone de passage et une impasse, épousant de force les décisions de voisins plus ou moins lointains mais aux visées expansionnistes souvent irrépressibles. Au deuxième millénaire, la Palestine suit le mouvement, profite du vaste commerce en Méditeranée orientale, mais l'ensemble du pays, mis à part un site comme Hazor peut-être, subit plus qu'il n'innove ou ne dirige.

3. A LA JONCTION DES CONTINENTS : L'EGYPTE ET LA PALESTINE

263

ROUTES

266

45

Finkelstein 1988 : 246-7 ; Jasmin 1999

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

l'absence relative de relief ne doit pas induire en erreur : la géologie et la géomorphologie de cette plaine restent complexes. On note un élargissement important de la plaine côtière vers le sud, dû au sable rejeté dans la mer par le Nil271. Ainsi, au nord de la Shéphéla, celle-ci s'étend sur une quinzaine de kilomètres de large pour atteindre une quarantaine au sud de Gaza. Dans la plaine côtière, mais surtout plus au nord, se rencontrent plus communément les marais. Leur disparition récente, au cours du XXème siècle à la suite de grands travaux d'assèchement, a rendu cette plaine fertile et hospitalière. Doutons qu'elle l'ait toujours été dans de telles proportions.

I- LA GEOGRAPHIE ACTUELLE A. La situation géographique 1. LA SHEPHELA La Shéphéla signifie littéralement le "Pays-Bas" en hébreu267, terme que l'on retrouve dans la Bible (Deut. 1 : 7 ; Jos. 9 : 1, 10 : 40). Cette zone de piémont marquait la limite de la frontière politique orientale d'Israël d'avant la guerre de 1967. Cette ligne de séparation entre la Shéphéla et les monts de Judée a conservé, depuis cette guerre, un sens administratif et démographique marqué268 (voir planche n°2). Des quatres bandes parallèles, à la géographie très relativement homogène, qui forment la Palestine, la Shéphéla269 est généralement rattachée à la seconde : le massif des monts de Judée. Ce massif se divise en trois espaces, dont chacun se distingue par la morphologie, les roches, les sols et le climat270 : d'une zone de piémont (Shéphéla), de monts (hautes collines de Judée) et un plateau (désert de Judée). Le découpage en quatre bandes de l'ensemble de la Palestine ne reflète donc qu'une partie de la réalité et pas forcément la plus précise. La plaine côtière est bordée à l'est par une première zone de collines peu élevées correspondant à la Basse Shéphéla puis on distingue une seconde zone de hautes collines, appelée également Shéphéla intérieure ou Haute Shéphéla. Plus à l'est, la séparation entre la Shéphéla et les monts de Judée se marque généralement par une rupture assez nette, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Une vallée, souvent large constitue cette limite. Ces deux espaces, que tout oppose, se distinguent aisément : l'allure générale mais surtout la topographie, les altitudes ou la formation géologique. La Shéphéla est donc une zone de piémont s'articulant entre la plaine côtière et les hautes collines de Judée. Une faille au nord de la vallée d'Ayalon marque la limite nord de la Shéphéla, le nord du Néguev constitue sa bordure sud.

b. Les monts de Judée : Une vallée orientée nord-sud, qui s'apparente parfois à une dépression, indique que l'on quitte la Shéphéla pour atteindre les monts de Judée. L'altitude de ces derniers au bord de la vallée est souvent de peu supérieure à celle des ultimes collines de Shéphéla. Les monts de Judée atteignent 800 mètres couramment et 1000 mètres pour quelques sommets exceptionnels. Ces hautes collines sont formées de monts élevés, séparés par des vallées profondes et encaissées. Les pentes peuvent être sévères au point de rendre la construction de murs de terrasse, au mieux une nécessité, au pire un effort trop important.

c. Le Néguev : Le Néguev, tout du moins dans sa partie nord la seule qui nous intéresse ici- présente un relief peu accentué, se fondant naturellement avec la plaine côtière du Néguev vers l'est. Les perturbations du paysage les plus importantes doivent être attribuées aux pluies hivernales s'écoulant dans les wadis, dont l'action érosive est particulièrement marquée dans cette région. Le paysage est ainsi parcouru par de vastes canaux, le plus souvent asséchés, de dimensions plus grandes qu'en Shéphéla.

B. La géologie

2. LES REGIONS LIMITROPHES DE LA SHEPHELA :

1. LA FORMATION GEOLOGIQUE DE LA SHEPHELA Il faut remonter à l'ère secondaire pour qu'une partie importante de la Palestine devienne terre ferme. Cette émergence s'effectue en plusieurs étapes272. Au Mésozoïque tout d'abord puis à l'ère Tertiaire, durant l'Eocène et le Néogène. A la suite d'importantes transgressions et régressions marines,

a. La plaine côtière : La plaine côtière offre un espace assez homogène, mais sur le seul plan géographique, car 267

Abel 1967 : 414

268

Orni, Efrat 1980 : 61

269

Avnimelech 1936 ; Bullard 1969 ; Stern-Urman 1988 (en

hébreu) 270

Orni, Efrat 1980 : 61

46

271

Kouchy 1989 : 10

272

Atlas of Israel 1985 : 16

LA GEOGRAPHIE ACTUELLE

gagnent en âge, et ce jusqu'au point le plus élevé des montagnes. Sur la coupe il s'agit de Jérusalem, or cette dernière correspond à la limite du partage des eaux entre Méditerranée et Mer Morte. Cette ligne de crête explique l'aspect du relief, d'autant plus érodé de part et d'autre de la ligne, que ce point élevé fut le premier hors des eaux. Du point de vue pétrologique, les roches les plus communément rencontrées sont la craie, le calcaire et des marnes. Ce sont des roches tendres qui résistent mal à l'action érosive des eaux. Il existe également des craies et calcaires à silex. Ces formations diffèrent de celles de la plaine côtière, caractérisée par une présence massive et quasi exclusive, de dépôts quaternaires du Pléistocène279. Précisons qu'il en existe trois types (voir planche n°4). Près du rivage se concentrent des dunes de sables possédant jusqu'à sept à huit kilomètres de largeur, puis se trouvent disséminées plus à l'intérieur de la plaine les formations de kurkar. Il s'agit de sables calcairisés durant le quaternaire. Le reste de la plaine se trouve indifféremment recouvert par des alluvions, récentes comme anciennes. La zone des montagnes se range sous l'appellation de "groupe de Judée". Celui-ci possède assez uniformément des formations du CénonienTuronien, du secondaire, roches résistantes composées essentiellement de calcaire et dolomie. Elles représentent les roches les plus dures de la région. Les surfaces de ces roches sont rarement visibles, à l'exception de quelques sommets de collines et de pentes où l'érosion a emporté l'ensemble des sols en place, révélant la roche mère ou plus couramment le nari. Les formations géologiques de la Shéphéla tendent à s'organiser, les unes par rapport aux autres, en grandes masses parallèles orientées selon un axe nord-ouest/sud-est. Trois vastes zones se répartissent du nord au sud sur l'ensemble de la région (voir planche n°3).

le paysage de la Palestine se forme lentement. Tout d'abord les montagnes comme celles de Judée. Quant à la zone des collines de Shéphéla, c'est durant le Néogène qu'elle va connaître sa formation. Pendant la transgression du Néogène inférieure (Miocène Moyen), la mer possédait son rivage à la limite entre la Shéphéla et les monts de Judée273, ces derniers émergés. La Haute Shéphéla se forme à l'époque tel un plateau légèrement incliné sous les eaux. S'ensuit une régression au Miocène final274. L'émergence de la Haute Shéphéla s'opère à cette phase tandis que débute l'action de l'érosion, incisant le plateau pour donner naissance aux collines. La deuxième transgression marine se déroule durant le Néogène supérieur275 (Pliocène Moyen) et concerne la Basse Shéphéla. Elle sera suivie par une régression au Pliocène final qui verra la sortie des eaux de cette dernière. L'émergence de la plaine côtière ne remonte qu'à la période du quaternaire. Quant aux vallées, issues de l'action de l'érosion, elles révèlent plusieurs phases distinctes de formation. Les parties sommitales, en forme caractéristique arrondie remontent à une phase ancienne276. Les parties plus basses des vallées, à l'aspect encaissé, sont les plus récentes et datent du quaternaire (voir planche n°3).

2. LA GEOLOGIE DU SUD DE LA PALESTINE Une coupe géologique des collines de la Shéphéla offre une structure synclinale277. Les monts de Judée correspondent eux à un anticlinal. Il est par ailleurs possible de caractériser la Shéphéla d'après les roches de l'Eocène la composant, critère qui la distingue des formations géologiques environnantes278. Mais les dépôts ne se limitent pas à cette unique période du tertiaire et chaque âge est représenté : un peu du secondaire, du tertiaire surtout et du quaternaire dans les fonds de vallées (voir planche n°2). La coupe montre schématiquement que chaque région a procédé d'un âge : quaternaire pour la plaine côtière, tertiaire pour la Shéphéla, secondaire pour les monts de Judée. D'ouest en est on constate que les roches 273

Nir 1975 : 89

274

Horowitz 1979 : 78

275

Nir 1975 : 20

276

Nir 1985 : 17 - Atlas of Israel

277

Orni, Efrat 1980 : 65

278

b. Le Nari : Une formation "rocheuse", liée au climat, mérite que l'on s'y attarde particulièrement, il s'agit du nari, provenant de l'arabe "le feu". Il représente un problème auquel les géologues280 se trouvent souvent confrontés lors de leur étude de la Shéphéla. Le nari consiste en une croûte relativement dure qui se forme sur les différentes roches de la région, d'où un problème de détermination des roches sous-jacentes, celles-là même qui font l'enjeu des recherches. Insistons sur le fait que le nari ne constitue pas une roche issue

L'existence de cartes géologiques au 1: 20.000 couvrant une

partie de la région et dues à une étude de Buchbinder (1969), permettent de dresser un état détaillé de la répartition des roches. Les autres cartes, à plus grande échelle, 1: 500.000, obligent à un traitement général des données sans possibilité de

279

Nir 1975 : 48

prise en compte des détails.

280

Avnimelech 1936 : 114 ; Buchbinder 1969 : 1

47

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

posséder une épaisseur de plus de trois mètres dans des cas extrêmes comme sur le site de Gezer288, mais plus généralement elle atteint un mètre ou deux. Toute tentative de creusement de la roche se heurte dans un premier temps à la croûte de nari, bien plus dure que les roches inférieures, friables ou tendres. La réalisation de citerne en est un bon exemple. Un puits souvent étroit débouche, dès les roches moins dures atteintes, sur un élargissement de la citerne proprement dite.

d'une formation sédimentaire. Le terme s'applique à un processus surtout chimique. Il est donc une résultante du climat. Le nari se développe ainsi plus particulièrement sous un climat chaud et sec de type semi-aride, ne recevant pas moins de 100 mm, ni plus de 600 mm de pluies annuelles281, 300 - 400 mm étant une moyenne appréciée. Il s'opère dans la couche superficielle - les deux premiers mètres - une remontée d'humidité282. Cette dernière est chargée de minéraux peu solubles, les autres atteignant avec les pluies des profondeurs plus importantes. Le réchauffement de la partie supérieure de la roche mène à l'évaporation de l'eau et au maintien des minéraux qui par accumulation forment cette croûte solide : le nari. Plusieurs horizons constituent généralement le profil du nari283. La répartition du nari n'est pas homogène en Shéphéla, bien qu'elle concerne l'ensemble des roches des groupes Shéphéla et Saqiye284 c'est-àdire du secondaire et du tertiaire, soit presque toute la région. La datation du nari montre d'après des analyses285 une formation durant le Wurm final à l'extrême fin du Pléistocène, entre 20.000 et 13.000 B.P. C'est dire sa jeunesse. Les roches crayeuses et marneuses semblent constituer des zones de choix pour un recouvrement par le nari286. Il s'en rencontre peu dans la plaine côtière, bien qu'il arrive, concernant le kurkar, que l'on parle de "narification"287. Mais il s'agit davantage d'une référence au processus que d'un type de formation identique à celui de la Shéphéla. Il s'en trouve particulièrement près des monts de Judée recouvrant la formation de Ghareb. Le nari a toujours revêtu une importance dans l'histoire de la présence de l'occupation humaine dans la région. La conséquence la plus directe de la formation de cette croûte résulte en effet dans l'érosion qui tend à altérer les couches inférieures, bien moins dures, en conservant plus ou moins intacte la partie supérieure de nari. Cette croûte va alors former un surplomb, une anfractuosité, que les hommes pouront utiliser comme abri ou, par un élargissement menant à une grotte artificielle, comme lieu de sépultures. Cette particularité a servi à de nombreuses époques, au Chalcolithique, durant l'ensemble de l'âge du Bronze, à l'âge du Fer et par la suite, offrant l'espace nécessaire à des inhumations secondaires. Cette croûte peut

C. Le relief Les basses collines de Shéphéla s'étendent sur une largeur de 15 à 20 kilomètres. La Basse et la Haute Shéphéla font chacune entre 5 et 10 kilomètres. Elles apparaissent comme deux bandes relativement parallèles, d'orientation nord-est/sudouest, aspect qui s'explique par leur formation géologique. Le relief est le principal élément permettant de distinguer ces deux entités. Concernant leur altitude, l'étagement des diverses entités géographiques est regroupé dans un tableau (voir dessous). D'une manière générale289, on constate que du nord vers le sud la plaine côtière se fait plus large. La jonction entre la plaine et la Shéphéla s'effectue ainsi à des altitudes en continuelle augmentation. Quant aux monts de Judée, il faut passer la barre des 500 mètres pour entrer dans leur domaine. Ils peuvent pour leur part atteindre 1000 mètres près de Hébron. A ces altitudes absolues il convient d'ajouter que les altitudes relatives tendent à minimiser la hauteur réelle des collines. La Shéphéla s'articule avec la plaine tel un plateau surélevé en pente. Ainsi les hauteurs de 200 à 300 mètres dans la basse Shéphéla sont presque trompeuses : rares sont les sommets surplombant de plus de 100 mètres les plaines avoisinantes. Peut-on par ailleurs mener une distinction de nature, non seulement entre la basse et la haute Shéphéla, mais entre une Shéphéla du nord ou du sud ? Il est possible de reconnaître quelques critères physiques menant à une telle distinction. Tout d'abord le point qui vient d'être soulevé, à savoir la largeur variable des différentes vallées. Un second élément repose sur la jonction entre Haute et Basse Shéphéla, qui ne s'effectue pas d'une manière identique au nord et au sud. Ces données physiques devront cependant être confrontées aux implantations humaines afin de voir si les différenciations observées possèdent une

281

Horowitz 1979 : 168

282

Avnimelech 1936 : 115-6

283

Horowitz 1979 : 168

284

Buchbinder 1969 : 1-2

288

Bullard 1988 : 120

285

Horowitz 1979 : 168

289

Ces données reposent sur des observations de terrain et non

286

Nir 1975 : 93

d'après les seules cartes topographiques qui peuvent induire en

287

Picard 1943 : 132

erreur.

48

LA GEOGRAPHIE ACTUELLE

quelconque influence sur le mode de répartition des sites.

zones de jonction entre les diverses entités géographiques :

Altitude moyenne des points les plus élevés aux

Altitudes

Plaine côtière

Nord Shéphéla (Batash)

0 120 0 130 0 180 0 200 0 240

Ligne le long de Tel Safit Ligne le long de Tel Erani Ligne le long de Lachish Ligne le long de Tel Nagila

Basse Shéphéla

-> 150 250 -> 150 - 200 >280 -> 210 >300 -> 230 - 240 290 -> 260 350

-> 270 - 310 400 - 350 420 - 390 460 -> 320 460 -> 360 + 470

Monts Judée -> + 400

de

-> + 440 -> + 480 -> +490 (=vallée) -> + 500

E. Le climat

D. La géomorphologie

a. Un climat à dominante méditerranéene

La Shéphéla se distingue assez clairement des régions limitrophes tout en présentant une certaine unité. On isole plusieurs zones géomorphologiques, mais deux particulièrement se distinguent. La majorité de la Shéphéla apparaît comme formée de calcaire tendre et de craie, quant aux vallées qui la traversent, elles sont composées d'alluvions récentes. Vers l'est la Shéphéla est bordée de craie, marne et schiste puis la limite avec les monts de Judée se caractérise par du calcaire en sédimentation fine. Ces types de roches réagissent chacun différemment à l'action géomorphologique, c'est-à-dire surtout à l'action érosive des pluies. L'ensemble de la région présente une forte propension à se couvrir de nari. La limite entre la Basse et la Haute Shéphéla se marque par une ligne d'escarpement s'étendant depuis le nord de la région jusqu'au sud de Bet Guvrin. L'ensemble de la région se trouve bordé par des alluvions anciennes puis plus récentes en se rapprochant de la côte (voir planche n°5). Une zone particulièrement intéressante près de la bordure de la Shéphéla, entre cette dernière et Gaza, correspond à une vaste étendue de loess qui, géomorphologiquement, entre dans une catégorie considérée comme badlands290. L'érosion y est spécialement importante, ravinant fortement et en de nombreux endroits les plates étendues. Le loess se rencontre plus abondamment vers le sud et surtout autour de Beer-Sheva.

290

Haute Shéphéla

La Palestine possède une palette climatique relativement large, que son étendue limitée ne laisserait pas supposer. Par sa présence constante et sa masse imposante, la mer Méditerranée serait en droit de revendiquer une emprise écrasante sur les terres la bordant, au point de laisser croire que le climat dépendrait entièrement d'elle. Certes, la façade maritime fait partie des régions qu'elle domine mais toutes les régions de Palestine ne lui obéissent pas pour autant. Qu'on se dirige vers le nord, vers l'est, ou vers le sud et malgré le peu de distance parcourue on ne peut qu'être frappé par la diversité des paysages, de la végétation, se succédant sur des distances à ce point réduites. Assurément la Palestine est multiple dans ses expressions régionales. Or ces paysages sont le résultat de l'action géologique et climatique conjointe, le climat restant le premier facteur explicatif de la diversité de ces régions. La Palestine ne se laisse donc pas enfermer dans un schéma dicté par un climat unique. On distingue trois grandes régions climatiques : méditerranéenne, steppique et désertique. Le climat méditerranéen porte sur l'ensemble de la Palestine. Les variations du climat peuvent être limitées dans leur influence et se faire ressentir surtout dans la répartition de la flore, par exemple. Aussi n'est-il pas nécessaire de détailler toutes les formes de climat. On ne s'étendra que sur les deux grands types, qui à eux seuls permettent d'expliquer la Palestine comme il se doit : le climat méditerranéen et le climat semi-aride (voir planche n°6).

Nir 1985 : 16

49

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

Le critère le plus évident car cyclique, s'exprime dans l'alternance de deux saisons rythmant profondément l'année comme la vie des hommes ou leurs desseins politiques : point de campagne militaire durant la saison chaude. Deux saisons donc, une sèche et une pluvieuse, un été et un hiver. La saison sèche s'installe rapidement après les dernières pluies, tombées généralement vers avril-mai. Après, plus de précipitations avant octobre, voire novembre. Parler d'été au Levant et particulièrement en Palestine signifie sécheresse, en tout cas pénurie d'eau avant les prochaines pluies, pour qui ne se préoccupe pas d'effectuer des réserves. Concernant l'hiver, c'est une nécessité que de rappeler qu'il peut pleuvoir autant à Jérusalem, situé en lisière du désert de Judée, qu'à Paris, situé aux portes de la Beauce. La différence concerne bien sûr le nombre de mois pendant lesquels la pluie peut tomber, ou plutôt le nombre de jours, pour la Palestine. Nous éprouvons la nécessité de revenir plus en détail sur ces éléments liés au climat : décrire "la pluie et le beau temps" en Palestine permet souvent la compréhension de bien des phénomènes. Ces éléments se révèlent d'une importance capitale pour appréhender les modes de vie dans une région dont le climat est l'un des plus tranchés en Méditerranée. Les effets climatiques touchent autant les populations sédentaires que nomades. La nature des sols et donc leur potentiel pour l'agriculture ou le pastoralisme se trouvent directement dépendre des pluies. Nous ne tenons pas à faire du climat la raison explicative de tous les phénomènes, physiques comme humains, mais il faut bien lui reconnaître une action influente, voire déterminante. Quels facteurs expliquent le climat méditerranéen ? Tout laisse à penser que la mer en est l'unique origine. D'autres facteurs sont pourtant à chercher ailleurs.

comme méditerranéen mais la région constitue une zone limite, bordée de près au sud par le Néguev qui lui, est résolument sous l'emprise d'un climat semi-aride pour sa partie nord et aride pour sa partie sud, ainsi que pour le Sinaï. Par sa position en extrême bordure de la zone climatique méditerranéenne, la Shéphéla présente un exemple intéressant. Cette région outre son appartenance globale à un type de climat, subit l'influence de climats limitrophes avec une acuité toute particulière, au point que l'on peut s'interroger sur les modalités de cette présence méditerranénne. Dans quelle mesure la Shéphéla et même la Palestine seraient-elles levantines avant d'être méditerranéennes, sans considérer la première comme un épiphénomène climatique issu de la seconde ?

F. L'hydrographie La Palestine subit l'influence de deux zones morphoclimatiques différentes, dont les pluies constituent l'agent déterminant. La première correspond à la région méditerranéenne, la seconde à la région aride. Ces deux ensembles se définissent selon des facteurs variés. Le domaine méditerranéen comprend des phénomènes que Dov Nir définit par des « processus karstiques, processus d'altération météorique, glissement de terrain, écoulement pérenne, développement des sols »291, éléments qui se déroulent en Palestine, surtout durant la saison des pluies. Le domaine aride se limite à l'expression de deux éléments, la déflation et les crues subites dans les wadis. Il s'agit de processus géomorphologiques, différents de ceux agissant en milieu méditerranéen, où le vent, par transport du sable et des poussières, altère et transforme le paysage. Quant aux crues, elles ne peuvent être considérées d'une manière identique à celles du domaine méditerranéen. Les cours d'eau y sont certes saisonniers mais d'une durée d'existence limitée à quelques jours et d'une force bien plus grande292. La rapidité de l'écoulements des eaux est augmentée par des sols rendus presque imperméables par de nombreux mois d'aridité. Les torrents se forment ainsi d'autant plus rapidement. Par divers modes d'écoulement les eaux rejoindront la Méditerranée, clôturant ainsi le cycle commencé avec l'évaporation. Ce cycle se déroule sur une surface relativement limitée d'une cinquantaine de kilomètres depuis la côte jusqu'aux sommets les plus élevés des monts de Judée. Etroite, cette bande de terre pourrait

b. Les acteurs du climat C'est en Méditerranée que se joue l'incessante revanche des deux seuls acteurs, l'Atlantique et le désert. Au fil des saisons l'un succède à l'autre. La saison des pluies voit l'irruption en Méditerranée des dépressions atlantiques ; et la saison sèche, règne sans partage de la chaleur provenant du désert. On l'a vu, la Palestine n'est pas toute méditerranéenne. Face à la mer existe cet autre espace qui répond à un tout autre climat, le Sahara. L'étroite bande levantine est ainsi bordée par des zones désertiques qui lui insufflent parfois leurs volontés. Leur extension est écrasante à la vue de ce que constitue l'infime bande côtière. Qu'en est-il de la région qui nous intéresse, située au sein de ces vastes domaines ? La Shéphéla possède un climat considéré

291

Nir 1975 : 15

292

L'expression de "crue subite" est la plus adéquate pour rendre

celle de flash-flood.

50

LA GEOGRAPHIE ACTUELLE

conquête de ces espaces par l'homme, avant de les rendre habitables ou exploitables. Cela a pu être le cas, au moins en partie au Bronze Moyen295. Le nombre élevé de site et l'importance relative de la population dans cette zone font pencher pour cette éventualité. Ces établissements ont toutefois très bien pu s'accommoder du paludisme, avec une population largement touchée par cette maladie. Mais les preuves, trop rares, rendent difficile l'apport de pièces au dossier. Précisons que le processus de formation des marécages peut être un phénomène assez récent, tout comme dans ce cas la malaria.

laisser penser qu'elle est généreuse dans l'écoulement des eaux. Or ce n'est pas forcément le cas. Diverses causes permettent d'expliquer cet état de fait. L'absence notable de rivières pérennes dans le pays, en dehors du Jourdain et du Yarkon, n'est pas sans conférer un rôle principal aux sources existantes, d'autant que les cours d'eau se limitent actuellement le plus souvent à de minces rivières, dont le flot grossi par les pluies ne tarde pas à se réduire, pour se tarir ensuite jusqu'au prochain hiver. La compréhension de ces limitations en eau exige de prendre en compte les divers modes d'écoulements des eaux. Car une fois les pluies tombées, une grande partie est perdue par évaporation et une autre non négligeable se trouve absorbée par la terre. Les eaux souterraines peuvent circuler sans jamais créer une source ni une rivière. Les sources sont également très dépendantes de la géologie. La nature calcaire des roches dans les monts de Judée se prête particulièrement à des processus karstiques importants, dont les eaux de pluies sont les responsables directes293. En Palestine le calcaire de la montagne palestinienne, les marnes du Gor et le grès marin côtier ont la caractéristique de laisser les eaux pluviales s'infiltrer en quantité mais aussi en profondeur. Or, si la profondeur est trop importante, le creusement de puits demanderait un travail trop long. Ces eaux peuvent demeurer de la sorte inaccessibles, se jettant dans la mer par des sorties sous-marines. Si les sources manquent parfois d'eau c'est également à cause de la nature souterraine des sols, car une région qui aurait de vastes couches impérméables peu profondes, conserverait l'eau beaucoup plus longtemps que ne le fait la Palestine. Les sources se révèlent inégales dans leur nombre et leur débit. Elles varient suivant les régions et tendent à être plus abondantes vers le nord, sans que le sud en soit pour autant privé. En ce qui concerne la répartition des sources au sein de la Palestine294 la moyenne est de 6 à 7 par 100 km carrés, mais ici encore les variations sont nettes. En Haute Galilée où il pleut le plus, les sources sont plus nombreuses : 9 pour 100 km carrés. En Samarie, on en trouve de 7 à 8 et en Judée de 2 à 3 pour 100 km carrés. Ce chiffre baisse encore dans de désert du Néguev. Une bande allant du sud au nord comme la Judée et la Samarie comporte près de 200 sources, régulièrement réparties. Abordons maintenant le problème des zones gorgées d'eau comme les marais dans la plaine côtière et de son corollaire : la malaria. L'assainissement de ces milieux passe par une réelle 293

Abel 1967 : 136

294

Abel 1967 : 137

1. LE RESEAU HYDROGRAPHIQUE Ce réseau, trait fort du paysage, résulte du lent travail d'érosion mené par les eaux vives. Les principales vallées, dans la zone nous concernant, au nombre de cinq, se répartissent à égale distance les unes des autres. Le Yarkon forme la limite nord du domaine de la Shéphéla. Il n'est donc pas intégré à notre zone. Plus au sud se trouvent, dans l'ordre, le Nahal Soreq, le Nahal Ha'Ela, le Nahal Guvrin, le Nahal Lachish, et enfin le Nahal Shiqma. La limite sud est constituée par la vaste zone du Nahal Besor dont l'affluent le plus au nord est le Nahal Gerar, à peu de distance du Nahal Shiqma. Ces vallées correspondent à autant de cours d'eau, aux affluents nombreux sur leur parcours. Actuellement, les wadis sont d'une taille réduite et d'une faible profondeur. Des cinq cours d'eau majeurs que nous distinguons, ils ne sont plus que trois à leur débouché dans la mer. Les aires de captage apparaissent vastes à l'échelle du pays. Cette étendue reste cependant très relative, puisque leur parcours s'étend sur une profondeur dans le territoire d'une cinquantaine de kilomètres seulement. La ligne de partage des eaux se situe à cette distance, une fois passée cette ligne on se trouve pris dans la zone de captage des eaux de la Mer Morte (voir planche n°7). Malgré une répartition nord-sud de ces rivières, la notion "d'échelle du Levant" ne peut leur être appliquée avec la même pertinence ou ampleur que dans le nord de la Palestine ou du Levant nord. Les eaux descendent généralement en ligne droite des montagnes. Or ces dernières sont proches de la mer, ainsi la pente y est plus forte et le trajet plus direct. En Shéphéla les méandres existent, les montagnes sont relativement lointaines et peu élevées. Ces vallées bordées de collines parfois hautes, représentent autant d'avancées du domaine côtier dans celui des collines. Cette large ouverture doublée d'une facilité d'accès en fait des voies de 295

51

Gophna et Beck 1981 : 78

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

d'aridité avec des pluies entre 200 et 300 mm, constitue un espace particulièrement sensible à l'érosion, d'autant plus fortement subie que la végétation en est clairsemée. Cette zone où les sols se situent dans une position très instable, correspond à ce que l'on nomme badlands. La conjonction problématique de la nature des sols, des pluies et de l'érosion constitue un phénomène propre surtout au sud de la Palestine, bien qu'on le retrouve près de la Mer Morte. S'il ne semble pas concerner la Shéphéla directement, il la menace pourtant, puisque le sud de la région se trouve en proche bordure de la zone frontière. La Shéphéla de par son relief, ses sols ou ses roches, offre moins de prise à ce type de phénomène.

passage privilégiées permettant une jonction aisée de la plaine vers les monts de Judée. Ceci se révèle particulièrement vrai pour les vallées au nord du Soreq et de la 'Ela. Les vallées situées au sud présentent une étroitesse plus marquée. Elles n'en sont pas moins des axes de circulation naturelle évidents.

2. LA PLUVIOMETRIE Les pluies restent très diversement réparties sur le territoire, puisque le nord peut en recevoir 900 mm., soit davantage que Paris alors que Beer-Sheva, moins de 300 kilomètres au sud, se place dans la zone semi-aride. Le critère principal reste sans conteste la barre de l'isohyète des 200-300 mm ou limite d'aridité. Passée cette frontière des 200 mm les cultures ne peuvent, par manque d'eau, se développer. Ainsi les errements de cette courbe à l'allure pour le moins fluctuante, entre Jérusalem dans des années d'une rare sécheresse- et le sud de Beer-Sheva - dans des années d'une pluvieuse allégresse -, déterminent à eux seuls bien des éléments, qu'ils soient humains, végétaux ou comme nous allons le voir, environnementaux. Plus généralement, la frontière des 200 mm se place un peu au nord de Beer-Sheva, comme l'indique la carte de pluviométrie. Concernant la Shéphéla, le point capital réside dans les quantités qu'elle peut recevoir. La région se place en effet dans une moyenne entre 300 et 500 mm, ce qui demeure suffisant sans être excessif, mais surtout la limite des 200 mm au sud borde de près la région (voir planche n°8). Les pluies constituent le facteur déterminant dans les transformations subies par l'environnement. Par leur abondance et leur force, les pluies sont à même de transformer rapidement et durablement les éléments du milieu. L'érosion qui en résulte n'est pas, comme on pourrait le penser, proportionnelle à la quantité des pluies. Il se trouve en effet que la limite entre les deux zones morphoclimatiques constitue la zone subissant l'action érosive la plus forte 296. Au delà de 300 mm de pluies par an, les précipitations sont suffisamment abondantes pour que la végétation se développe; celle-ci assure une stabilité des sols en les retenant en place lors des pluies, réduisant ainsi l'érosion. En deçà de 300 mm la végétation diminue rapidement pour disparaître presque complètement en milieu désertique. Mais les pluies qui se font plus rares, limitent par là même l'érosion potentielle. Ainsi le désert profond, bien que dépourvu de végétation, se trouve également à l'abri de l'érosion fluviale. Mais non éolienne. La zone de limite 296

G. Pédologie et végétation 1. TYPES DE SOLS : Les sols de Shéphéla sont de deux types, les rendzines et les grumusols. Bien que des variations révèlent des combinaisons de sols plus complexes297, il serait hors de propos de se livrer à une telle étude. Nous nous limiterons donc à des caractéristiques générales, suffisantes pour éclairer les types de culture qu'il est possible de mener en Shéphéla. La Terra Rossa, terre du milieu méditerranéen par excellence, tout au moins telle qu'on se l'imagine, est bien mal représentée en Shéphéla ou dans la plaine côtière. Elle se rencontre dans le sud de la Palestine, dans la région des monts de Judée. Elle est caractéristique des zones où le calcaire apparaît à la surface298 (voir planche n°9).

a. Les rendzines : sur calcaires éocènes Que les rendzines soient pâles ou foncées, elles forment la majorité des sols disponibles en Shéphéla, la recouvrant de manière presque homogène. Ces sols résultent de la dégradation du calcaire tendre, de craie et de la croûte de nari, présente localement presque partout. Leur fort pourcentage en chaux, de 30 à 80 %299, les distingue nettement de la terra rossa, tout en lui donnant une couleur grise caractéristique. Le profil de ces sols est variable mais le plus couramment il comporte une couche supérieure "A" riche en humus, une couche intermédiaire "B" riche en calcaire et plâtre, et enfin une couche inférieure "C" reposant sur la roche crayeuse. Il peut ne subsister, du fait de l'érosion, que l'horizon C. De même un espace forestier peut

Nir 1975 : 15 ; Nir 1985 : 16

52

297

Goldberg 1988 : 107, 111

298

Orni, Efrat 1980 : 57

299

Horowitz 1979 : 24 ; Hopkins 1985 : 128

LA GEOGRAPHIE ACTUELLE

permettre un profil plus développé de type A, B, C mais le cas reste relativement rare. Les rendzines se prêtent plus particulièrement à la culture des arbres fruitiers, tels l'olivier et la vigne300. Il s'agit donc de sols fertiles plus faciles à travailler que la terra rossa.

la flore désertique et la flore tropicale303. On rencontre en Shéphéla principalement les flores méditerranéennes et mixtes, qui sont des espèces méditerranéennes moins communes. La flore méditerranéenne consacre l'importance des conifères avec des pins pignon et des cyprès, mais surtout des arbres et arbustes toujours verts avec le chêne vert, l'olivier, le caroubier. Les arbrisseaux les plus caractéristiques sont le laurier, le lentisque, le myrte et le genêt304. La flore mixte propose des chênes à feuilles caduques, le térébinthe, le saule305. En Shéphéla se mêlent couramment le maquis et les arbres à feuilles persistantes306, principalement une association de caroubier et de térébinthe307, comprenant de place en place du lentisque (Pistacia lentiscus). La forêt actuelle a connu une reconstitution artificielle et récente. Précédemment, tout au moins au début du siècle, l'environnement de la Shéphéla présentait un caractère de grande nudité où l'érosion avait loisir d'attaquer l'ensemble des pentes. Les massifs forestiers ne pouvant se reformer d'eux-mêmes, la région ne proposait qu'une succession de collines pelées. Cela reste encore vrai pour de nombreuses zones, particulièrement en Haute Shéphéla et surtout vers le sud.

b. Les grumosols : Ils sont formés à partir de sédiments alluviaux ou éoliens301. On les associe aux grandes vallées comme le Nahal Soreq ou le Nahal Ha'Ela, mais également à la plaine côtière quelque peu au nord du débouché de cette dernière vallée. Une activité agricole se prête assez bien à ce type de sol.

c. Les sols marron foncé : Ils se composent d'éléments divers comprenant des sédiments éoliens et alluviaux, du sable et du kurkar302. Extensivement présents dans la plaine côtière, ils se trouvent également en Shéphéla, particulièrement au sud de la vallée de la 'Ela. Leurs fortes potentialités de fertilité les disposent à la pratique de l'agriculture.

2. UTILISATION DES RESSOURCES : Les sols utilisés pour l'agriculture se concentrent plus généralement dans les larges vallées, mais également sur les étendues relativement planes offertes entre les collines de Basse Shéphéla. L'horticulture et le pastoralisme représentent deux activités qui sont loin d'être négligeables dans cette région. Elles s'effectuent de préférence en Haute Shéphéla et hors du cadre des vallées, la première concernant surtout la culture de l'olivier ; quant à la seconde il peut s'agir de troupeaux venus du nord Néguev séjourner en Shéphéla pendant la saison sèche. Actuellement, la pratique d'aménagement de murs en terrasse ne se rencontre que rarement dans cette région et se limite surtout au domaine des hautes collines de Judée. Les sommets des collines ainsi que la partie haute des pentes ont parfois subi une telle érosion que malgré la présence d'un sol, leur profil se révèle trop faible pour permettre toute pratique agricole. L'absence de végétation et en particulier de forêts, explique cette situation en Shéphéla.

H. Synthèse géographique Malgré les particularismes locaux, il faut convenir que la Shéphéla propose, sous divers aspects géographique, climatique, géologique et géomorphologique, une singularité et une correspondance des éléments entre eux. C'est une région vallonnée, entre 200 et 500 mètres d'altitude d'ouest en est, aux basses collines constituées de craie et de calcaire tendre de période éocène, qui profite d'un climat méditerranéen s'exprimant dans le régime annuel des pluies, de 300 à 500 mm et d'une érosion fluviale saisonnière. Les conditions écosystémiques de la Shéphéla, en particulier les possibilités de subsistance, y paraissent relativement équilibrées. Sa situation géographique et les espaces qu'elle offre, permettent de pratiquer aussi bien l'agriculture que l'horticulture ou le pastoralisme. La possibilité de supporter les activités de subsistance des divers groupes, sédentaires comme nomades correspond à l'une des composantes de cet équilibre. L'agriculture est limitée par la topographie dans les monts de

3. LA VEGETATION La végétation de Palestine présente quatre types de flore. La flore méditerranénenne, la flore mixte,

303

Abel 1967 : 204-213

304

Abel 1967 : 205-206

300

Dan, Yaalon, Koyumdjiskky et Raz 1976 : 6

305

Abel 1967 : 208

301

Dan, Yaalon, Koyumdjiskky et Raz 1976 : 9

306

Horowitz 1979 : 28

302

Dan, Yaalon, Koyumdjiskky et Raz 1976 : 10

307

Goldberg 1988 : 106 ; Nodet 1988 : 21

53

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

Judée, l'horticulture et le pastoralisme sont des activités moins développées dans la plaine côtière. Seule la Shéphéla peut combiner ces éléments, sans opposer de contrainte aux autres activités. Les points négatifs ou simplement sensibles existent

cependant car la Shéphéla n'en est pas pour autant une région riche. Mais aucune région de Palestine ne l'est. Ce domaine apparaît comme exempt de toute richesse, dans son sous sol en particulier. différent. A fortiori ce point de vue s'est appliqué au climat. Deux écoles de chercheurs peuvent ainsi être distinguées : l'une considère que durant les cinq derniers millénaires il n'est pas intervenu de changement climatique majeur ou portant à conséquence. L'autre école pense le contraire : certains changements ont eu lieu, modifiant plus ou moins fortement ou durablement les sociétés humaines.

II- RECONSTITUTION DU CLIMAT ET DE L'ENVIRONNEMENT ANTIQUE On considère que le climat actuel du Levant n'a que peu varié durant l'ensemble de l'Holocène308. Cette période, qui dure encore, débute voici une douzaine de millénaires. Il est néanmoins nécessaire de préciser ce que l'on entend par référence à un climat "ayant peu varié". La formulation reste en effet trompeuse car elle repose sur une comparaison avec la période précédant l'Holocène : le Pléistocène. Les deux se distinguent effectivement, d'abord par leur durée, le seul Pléistocène ayant duré près d'un million et demi d'années. Ce dernier a connu des alternances marquées entre périodes pluviales (humides et froides) et interpluviales (sèches et chaudes). L'amplitude des variations du niveau des mers du globe durant la période exprime les changements climatiques importants alors survenus. Par rapport au niveau actuel des mers, elles ont été de l'ordre de +80 mètres au dessus et atteignent leur niveau le plus bas vers 20.000-18.000 BP (19500 BC), vers -120, -130 mètres309. Avec des amplitudes infiniment plus limitées pour l'ensemble de l'Holocène, on peut proportionnellement parler de climat "ayant peu varié". Plusieurs périodes froides et plus chaudes alternent durant la fin du Pléistocène. L'Holocène débute pour sa part vers 10.000 BP (9200 BC), par une rapide remontée des eaux due à un réchauffement. L'océan Mondial atteint le niveau actuel vers 6000 BP310 (4900 BC). Ce qui suit tente de mettre en évidence les traces de ces perturbations. Mais avant de traiter en détails les divers éléments du paléoclimat et du paléoenvironnement, abordons les problèmes méthodologiques propres à ce domaine.

1. LE PALEOCLIMAT : Comprendre les hommes dans la diversité des milieux habités nécessite de se pencher sur le paléoclimat et la paléogéographie. Ces reconstitutions doivent permettre de préciser les variations de paramètres non anthropiques. Il importe surtout de comprendre le cadre environnemental dans lequel les sites anciens s'inscrivent et dont ils tirent leur subsistance. Plusieurs problèmes méthodologiques se posent dans cette recherche. Concernant le climat tout d'abord, les données accessibles découlent indirectement de ses effets. Il est donc nécessaire d'opérer une séparation entre l'histoire du climat qui relève principalement de données indirectes311, et d'autre part la relation complexe qui s'établit entre les effets climatiques et les groupes humains. Les observations dans ce domaine ne peuvent aboutir qu'à des hypothèses. Seule la conjonction de diverses approches peut fournir des indices fiables permettant de restituer de manière plus sûre le climat.

2. LE PALEOENVIRONNEMENT: Au-delà d'une reconstitution du paléoclimat, il s'agit de considérer le paléoenvironnement. Le problème méthodologique réside ici dans la difficulté d'interprétation des données. Les variations que l'environnement a pu connaître durant le IIème millénaire peuvent en effet découler d'épiphénomènes climatiques non moins que dépendre de l'action humaine. Ainsi se dévoile la véritable problématique : il ne s'agit pas tant de déterminer des variations du climat, que d'interpréter des changements survenus dans l'environnement pour saisir la relation existant entre l'homme et le milieu. Il importe surtout de ne pas s'empresser de fournir une grille explicative des

Préambule méthodologique La période nous séparant du IIème millénaire est apparue pendant longtemps aux archéologues comme suffisamment courte pour qu'ils n'aient pas jugé nécessaire de devoir considérer l'environnement comme fondamentalement 308

Nir 1985 : 16 -Atlas of Israel

309

Sanlaville 1996 : 8

310

Sanlaville 1996 : 9

311

54

Ces données sont également appelées "proxy-data".

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

A. Les éléments à notre disposition pour reconstituer le milieu

choix humains en fonction de seules données climatiques sur lesquelles ils n'ont aucun pouvoir, deus ex machina trop simpliste. La compréhension des paléoclimats ne cherche pas tant à trouver dans les variations climatiques, des causes explicatives aux nouvelles orientations humaines, qu'à introduire et développer, dans l'étude des sociétés, l'importance de relier les sites à leur environnement, les deux étant aussi dynamiques l'une que l'autre, de faire ressortir dans les choix humains la dimension du milieu naturel, et de restituer à ces choix la place qu'ils occupent, entre adaptation et exploitation. Qu'il existe par ailleurs des périodes culturelles où des variations climatiques ont pu jouer un rôle important voire crucial, comme à la fin du Bronze Ancien dans l'ensemble du monde proche-oriental, relève d'une autre logique explicative.

Les différentes méthodes passées en revue tentent toutes de reformuler les évolutions du climat au travers de données indirectes, ou proxydata. Il est entendu que le climat n'a pas laissé de trace physique directe. La nécessité d'étudier ce qui est considéré comme relevant de ses expressions, ou de ses répercussions parfois lointaines, n'est pas sans poser de problèmes puisque les données peuvent être parasitées par des éléments divers non issus du climat. Chaque méthode propose une approche différente au moyen de supports d'une diversité souvent surprenante. Toutes ces approches ne visent qu'un seul et même but : caractériser le climat. Les recherches restent pourtant attachées à deux constantes : se prononcer sur la quantité des pluies et fournir une base chronologique. Un fort lien les unit puisque les pluies sont censées exprimer le climat ancien. L'ordre suivi pour la présentation des diverses méthodes, repose sur une appréciation de la valeur chronologique proposée par chacun des modes d'analyse. Les courbes isotopiques, les premières abordées, fournissent ainsi les datations les plus fiables et les plus précises313. On connaît aujourd'hui les problèmes qui se posent pour les corrélations entre dates en années radiocarbones et en années réelles pour l'Holocène. Ils sont particulièrement délicats314. Les années radiocarbones ne coïncident pas avec les années solaires. Les premières durent en fait plus longtemps que les secondes ne l'indiquent, un millénaire radiocarbone pouvant durer 1500 années réelles315, la différence se creusant avec le temps316. Les évolutions climatiques ne peuvent être perçues que sur de longues durées, de l'ordre de plusieurs siècles, souvent du millénaire. Si la chronologie est l'expression de différents systèmes sans réelle corrélation, un semblant d'unité s'avérera bien difficile à atteindre. Les résultats de ces recherches sont déjà suffisamment vagues, chronologiquement, pour ne pas devoir ajouter à la confusion en

3. LA PALEOGEOGRAPHIE : Les éléments physiques décrits précédemment appartiennent à la sphère géographique actuelle. Il convient de s'interroger sur le degré d'adéquation entre ces données géographiques présentes et bien connues, et celles, anciennes, dont la connaissance est proportionnelle au degré de similitude avec le milieu actuel. Tâchons ainsi de déterminer, parmi les divers facteurs constituant l'écosystème, ceux qui sont les plus sensibles aux variations et qui ont vraisemblablement fait l'objet de transformations. La géologie et le relief ne sont pas ici en cause, leur immuabilité au cours des quatre derniers millénaires va de soi. Seules quelques activités sismiques ont pu entraîner des changements localisés. Le climat et la pluviométrie, qui en dépendent directement, ont en revanche pu faire l'objet de variations. Nombre d'autres éléments ont dû être sensibles aux changements : la topographie par l'action géomorphologique érosive, l'alluvionnement et le colluvionnement ; les cours d'eau et les sources, leur débit, voire leur parcours ; la pédologie ; la végétation, ses espèces, et sa répartition ; la faune enfin312. Des changements environnementaux sont donc survenus de manière certaine. Reste à mesurer leur ampleur depuis le IIème millénaire. Il s'agit également de déterminer dans quelle mesure ils dépendent du climat ou bien de la main de l'homme.

313

Geyh 1994 : 131

314

Evin 1995

315

Evin 1995 : 13

316

Ainsi l'écart est déjà d'un millénaire vers le IVème millénaire,

c'est-à-dire que 5000 BP correspondent à 4000 BC. Pour les périodes nous concernant, soit la fin du IIème millénaire, on constate une variation de l'ordre d'au moins 300 ans. Une date radiocarbone de 3000 BP indique en fait en années réelles 1300 BC. Ce problème de corrélation est d'autant plus gênant que l'ensemble des recherches paléoenvironnementales emploie des 312

Rappelons la mention d'ours, lion, tigre, autruche, et crocodile

dates le plus souvent exprimées en années BP, et ce encore dans

dans l'Ancien Testament : Orni, Efrat 1980 : 178

des publications récentes.

55

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

ancien à partir de la présence d'escargots, par une méthode pour le moins indirecte. Les informations obtenues semblent pourtant posséder une réelle valeur dans l'appréciation des variations géographiques des pluies. La démarche s'emploie d'abord à caractériser la répartition actuelle de différentes plantes. L'étude se porte ensuite sur les périodes archéologiques. Au départ donc on considére la répartition dans le nord du Néguev de différentes espèces de buissons. On constate que les zones recevant plus de 300 mm de précipitations possèdent des plantes ne contenant que du C3, tandis que les zones avec moins de 230 mm présentent des buissons de la famille des Chénopodes ou Chénopodiacées, avec une teneur uniquement en C4 ; la zone intermédiaire comprend des plantes présentant soit du C3 soit du C3 et C4. Apparaît ainsi une carte de la répartition actuelle des différentes espèces en fonction de la présence de C3 ou C4. Or les escargots se nourrissent précisément de ces plantes. Se pencher sur leurs habitudes alimentaires, et plus concrètement sur leur coquille et leur teneur en isotope 13C, permet donc de préciser la répartition de ces plantes. En effet la composition de leur coquille exprime une trace matérielle de leur régime nutritif. Le point primordial de cette étude repose donc sur le fait que les escargots voyagent peu. Ils vont "chercher" leur nourriture dans un rayon de quelques dizaine de mètres, aussi deviennent-ils des marqueurs fossiles d'une grande précision quant aux emplacements des divers buissons, riches en C3 ou en C4. La planche 10.B indique clairement la corrélation entre les pluies et la teneur des plantes en C3 ou C4. Des indications concernant l'analyse d'escargots actuels sont précisées321 afin de relier taux en C3 et C4 des plantes et teneur en δ13C des coquilles. Ces

fournissant des dates non seulement imprécises mais trompeuses si elles ne sont pas recalibrées317.

1. DONNEES ISOTOPIQUES : COQUILLES D'ESCARGOTS, STALAGMITES ET VARIATIONS DES PLUIES

a. Les coquilles de mollusques de la côte méditerranéenne : On considère que les variations dans la composition isotopique des eaux marines expriment des changements dans les précipitations et l'évaporation. L'étude porte sur des coquilles de mollusques provenant d'une trentaine de lieux situés sur la côte méditerranéenne d'Israël a pour but de déterminer la composition en oxygène isotopique des coquilles318. Ces dernières enregistrent lors de leur croissance le taux ambiant. Est mise en perspective la relation entre la valeur319 en δ18O et les mesures 14C (voir planche n°10.A). On considère qu'une teneur haute en δ18O révèle une période plus sèche, une teneur basse et négative une période plus humide, l'augmentation des pluies entraînant une baisse de la salinité des eaux de mer, au moins en bordure de la côte, ce qu'enregistrent les mollusques. On possède d'après cette courbe isotopique deux phases plus humides avec des maxima négatifs vers 4000 et 3000 BP (2450 - 1250 BC), puis un période plus sèche culminant vers 2600 BP (800 BC).

b. Les coquilles d'escargots du Néguev : Glenn Goodfriend a spécialement étudié les coquilles d'escargots terrestres, dans le nord du Néguev320. L'approche tente de restituer le climat 317

remarques, valables et testées pour la période actuelle, le sont également pour les escargots d'antan. Le régime des pluies s'en déduira donc logiquement. Ajoutons que les coquilles recueillies font en outre l'objet des analyses isotopiques en 13C, d'une datation 14C, à partir du carbone qu'elles

On ne peut se limiter à soustraire 1950 années aux dates non

calibrées pour obtenir une date B.C. Ainsi nous proposons pour toutes les dates radiocarbones rencontrées, les dates corrigées en années réelles. Ces corrections ont été effectuées grace au logiciel

contiennent. Le résultat majeur (voir planche n°11) indique que la ligne d'aridité des 300 mm, se place vingt kilomètres plus au sud qu'actuellement. Géographiquement, une variation d'une vingtaine de kilomètres sur plusieurs milliers d'années peut sembler mineure, pourtant la zone du nord Néguev est d'une grande importance climatique puisqu'elle marque la transition entre les climats méditerranéen et irano-touranien. Chronologiquement on ne constate pas de variation entre 6500 et 2800 BP (5435

Calib. Les dates en années BP sont généralement données dans les articles sans la marge d'erreur. Ainsi avons-nous décidé arbitrairement d'attribuer + ou - 100 années aux dates antérieures à 5000 BP, et + ou - 50 années aux dates depuis 5000 BP. Pour les dates BP récentes, soit durant l'Holocène, seront données les marges d'erreur. Pour ne pas alourdir inutilement le texte par une abondance de dates (BP, BC arrondies et BC avec marge d'erreur), il est précisé une date BC arrondie à la centaine d'année la plus proche. Pour toute explication complémentaire il est souhaitable de se référer à Evin 1995. 318

Kaufman et Magaritz 1980

319

"delta" : δ correspond à la teneur isotopique mesurée.

320

Goodfriend 1988, 1990

321

56

Goodfriend 1988 : 758

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

espèces végétales. Ces dernières répondent aux perturbations climatiques de manière bien plus lente que les hommes, le délai pouvant atteindre plusieurs siècles. Arad et le Bronze Ancien II seraient alors l'exception et quelques années de sécheresse ne peuvent expliquer la non-occupation de la zone pendant les phases ultérieures325, particulièrement au Bronze Moyen et au Bronze Récent. L'autre critique repose sur la faible variabilité exprimée par les résultats : l'absence de graphe permettant d'introduire des nuances dans l'évolution des changements entraîne cette vision en terme de précipitations soit plus, soit moins abondantes. Il est fait remarquer avec justesse326, que les dates 14C proposées se regroupent autour de trois époques ca. 6200 BP (ca. 5200-5100 BC), ca. 4800 BP (3600 BC), ca. 3100 BP (ca.1350 BC). Ainsi les périodes situées entre 6000-5100 (4900-3900 BC) et 4400-3600 BP (ca. 3000-2000 BC) restent quelque peu dans l'ombre et de légères variations survenues pendant ces dernières n'apparaîtront pas. Des pluies plus abondantes connaissent généralement une répartition plus importante au cours de l'année.

et 922 BC). L'Holocène Moyen dans le nord du Néguev semble avoir présenté un climat plus humide marqué par des pluies plus abondantes, en l'occurrence près du double de celles d'aujourd'hui, puisque l'isohyète ancien des 260 mm se place sur celui des 150 mm présent. Ce que ces résultats indiquent de manière assurée, serait-on tenté d'avancer, c'est que les coquilles soulignent l'immobilisme d'espèces végétales pendant l'Holocène Moyen. Notons que le climat n'est pas le seul facteur pouvant opérer une variation dans la répartition de ces espèces : Goodfriend fait remarquer que les troupeaux d'animaux domestiques aux périodes anciennes322 ont pu représenter un tel agent de variation. La mise en rapport de ces résultats avec les phases culturelles se limite aux périodes Chalcolithiques avec le peuplement du bassin de Beer-Sheva, au Bronze Ancien I et II avec un site comme Arad, puis au début de l'âge du Fer, où l'on constate une période nouvelle d'occupation de la zone. Toutes ces époques sont comprises dans les limites temporelles englobées par la présente étude, du Vème à l'extrême fin du IIème millénaire. Toutes auraient donc profité d'un même taux de précipitations. Toutes, comme le Bronze Moyen et le Bronze Récent, quand ces zones ne connaissent pas d'occupation sédentaire, peuvent se prévaloir d'un climat plus clément que l'actuel. Une telle conclusion tend à montrer, sur le mode négatif, que les implantations humaines dans le nord Néguev sont principalement à mettre en relation avec des choix humains et non avec des changements climatiques. Pour conclure, insistons sur le fait que cette méthode possède néanmoins des qualités incontestables, comme le souligne l'investigateur de ces recherches : «Un des avantages majeurs des δ13C des coquilles d'escargots dans les études

c. Les stalagmites de la grotte du Soreq : Des recherches récentes327 ont porté sur une grotte encore active actuellement près de BetShemesh, la grotte du Soreq, aux abords de la vallée du même nom. L'intérêt de cette grotte se situe non dans la recherche de traces d'une occupation humaine, mais dans les valeurs isotopiques de ses stalagmites. L'étude repose sur l'analyse de plusieurs d'entre elles dont une section longitudinale a été réalisée. Des datations 14C

s'échelonnant sur les vingt-cinq derniers millénaires permettent de dresser un panorama étendu et surtout continu de l'évolution du paléoclimat. Les résultats en δ18O et δ13C sont tirés à partir de 400

paléoclimatiques, est qu'elles reflètent strictement les conditions environnementales locales et donc permettent une reconstruction du paléoclimat à une échelle géographique fine »323. Des critiques subsistent pourtant, et la principale, que Goodfriend n'ignore pas324, concerne la possibilité réelle de variations des précipitations sur une échelle de temps limitée à quelques dizaines d'années. Suffisante pour affecter durablement l'implantation des agglomérations, en particulier dans l'abandon du site d'Arad à la fin du Bronze Ancien II, elle reste cependant trop négligeable pour laisser des traces dans la répartition des différentes

échantillons. Un découpage en six groupes temporels a été effectué afin de pouvoir isoler sur les différents graphes des ensembles signifiants (voir planche n°12). Parmi ceux-ci le dernier groupe concerne notre propos. Il englobe une période de 7000 à 1000 BP (5800 BC- 1000 AD). Les résultats avancés se révèlent un peu maigres néanmoins. La composition isotopique indique pour les δ18O une

teneur entre -5 et -6 ‰ et pour les δ13C entre -9,5 et -12 ‰. Cette composition informe l'observateur sur la quantité des pluies par la teneur en isotope de l'eau dans la grotte. Malgré l'échelle nettement insuffisante de la résolution des graphes, on peut

322

Goodfriend 1990 : 193

325

Goodfriend 1988 : 758

323

Goodfriend 1988 : 759

326

Frumkin et al. 1994 : 328

324

Goodfriend 1988 : 759

327

Bar-Matthews, Ayalon et Kaufman 1997

57

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

isoler quelques pics. Pour les δ18O le plus notable se place à -4,5 entre 6000 et 5000 BP328 (4900-3800 BC), puis entre 3300 et 2800 BP (1500-900 BC) les variations se tiennent entre -5,5 et -5,8 ‰ ; et entre 9,5 et -11,1‰ pour les δ13C, avec un pic à 9,5. La

2.DONNEES GEOMORPHOLOGIQUES Cette approche de la reconstitution des paléoclimats diffère des précédentes comme des suivantes, en ce qu'elle repose non pas sur des analyses physico-chimiques mais sur des observations in situ de couches d'alluvionnement. Les techniques employées sont issues de la géologie pour la lecture stratigraphique, de la géomorphologie pour la compréhension des processus dynamiques et enfin de l'archéologie pour l'identification chronologique des traces matérielles. Toutes les autres démarches s'articulent autour de l'étude de micro-traces observables uniquement au travers de certaines techniques et dépendantes, pour leur datation, d'analyses 14C.

marge d'incertitude chronologique est cependant suffisamment élevée, de l'ordre de plusieurs siècles, pour que toute approximation se révèle vouée à l'erreur. La conclusion qui s'impose aux chercheurs se résume donc à celle-ci : le climat d'alors est identique à l'actuel. On reste sur sa faim après de telles analyses physico-chimiques. Que peut-on raisonnablement tirer de ces résultats ? Au regard des périodes précédentes, le dernier groupe présente un climat plus chaud et sec. Ainsi l'Holocène se distingue-t-il assez nettement du Pléistocène. Ces résultats ne sont pas nouveaux, mais du moins ne contredisent-ils pas les précédents pour ces périodes récentes.

Dans le cas présent, les datations absolues sont rares et les datations relatives plus courantes. Les recherches géomorphologiques reposent sur l'étude des coupes dans les wadis actuels. Il est admis qu'ils subissent une alternance régulière de deux phénomènes, soit un processus d'érosion, soit un de déposition. La période sèche actuelle correspond à une phase d'érosion des terrasses antérieurement déposées lors de différentes époques alluviales. Ce phénomène se produit sous un régime de pluies moyennes voire faibles, mais dont les crues subites possèdent un grand pouvoir érosif malgré leur brièveté. La lecture des coupes des wadis traduit la succession des phases de déposition et d'érosion, histoire de périodes ayant connu des précipitations plus ou moins importantes, dont il devient possible d'extraire des informations sur les variations des climats. Les phases pluviales, par leur forte humidité, se caractérisaient par des fleuves au large débit et par des phénomènes karstiques nettement plus actifs. Les dépôts alluviaux de ces périodes possèdent une grande ampleur et forment les principales terrasses visibles dans les vallées (voir planche n°14.A).

d. Quelques stalagmites de Galilée : Des études de stalagmites issues de plusieurs grottes dans le nord du pays, ont fourni des dates radiocarbones et des données isotopiques329. Le graphe réalisé à partir des dates 14C (voir planche

n°13.A) fait ressortir une différence notable entre le Pléistocène et l'Holocène, cette première période ayant connu des précipitations plus abondantes. Pour l'Holocène le graphe manque de finesse, il est donc délicat de se prononcer. Les courbes isotopiques sont tirées de l'analyse de 19 stalagmites provenant de six grottes. Deux pics sont isolables un peu après 4000 BP (ca. 2500 BC) et vers 2000 BP (12 AD). Geyh effectue également une intéressante mise en rapport de la courbe reprise des études de mollusques marins de Kaufman et Magaritz avec celle des isotopes de stalagmites. On obtient un parallélisme certain, teinté d'un léger décalage de l'ordre de 500 ans (voir planche n°10.A), entre les deux courbes. Ce décalage visible doit être tempéré par ce que l'on appelle "l'effet réservoir". En effet les écoulements d'eau dans la grotte ne répondent pas immédiatement à toute variation climatique, du fait de réserves présentes dans le sous-sol. C'est ainsi qu'une correction de 400 ans doit être prise en compte pour la courbe330. Quoi qu'il en soit, on note des phases de plus grande humidité vers 4000, 3000 et 700 BP (2500, 1200 BC et 1300 AD), ce qui exprimerait un climat plus sec vers 2500 BP (600 BC) et durant le dernier millénaire.

a. Les wadis du sud de la Shéphéla : L'essentiel des travaux dans ce domaine a été mené par Arlene Miller Rosen. Ses données géomorphologiques proviennent de plusieurs recherches menées dans le sud de la Shéphéla, aux abords des wadis Shiqma et Adorayim331 avec les sites de Tel Hesi, Tel Qeshet, Tel Nagila et Tel Milha, puis le long du wadi Lachish près du site de Tel Lachish332 et enfin à proximité de Tel Erani333 (voir planches n°14.B, 15).

328

Bar-Matthews, Ayalon et Kaufman 1997 : 161

331

Rosen 1986 b

329

Geyh 1994

332

Rosen 1986 a

330

Geyh 1994 : 137

333

Rosen 1991

58

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

paléoclimat. Mais une phase d'incision peut aussi bien correspondre à des précipitations de grande intensité gonflant la rivière et lui donnant un ouvoir érosif, que le contraire : un climat sec connaissant une répartition limitée des pluies entraînant des crues subites fortement érosives. La situation actuelle sèche, liée à une phase d'érosion semble conduire, dans cette zone géographique, à associer les deux. Les processus d'alluvionnement ne peuvent s'effectuer, en revanche, que durant une période humide. Le tableau ci-après résume les différentes phases isolables.

Les wadis Shiqma et Adorayim : Asséchés la plus grande partie de l'année, les wadis possèdent une profondeur de plusieurs mètres. L'entaillement des dépôts anciens fait apparaître dans les coupes la succession des périodes de fort alluvionnement. L'étude de nombreuses coupes permet d'isoler plusieurs phases distinctes, au nombre de six. Cette séquence de déposition, alternant avec des phases d'incision ne se trouve nulle part d'un seul tenant, cette stratigraphie n'apparaissant que de manière fragmentaire. Nous n'aborderons, parmi les six phases isolées pour l'ensemble du quartenaire334, que les trois dernières s'étendant depuis la fin du Pléistocène. Différencier des dépôts ne présente pas de difficulté majeure. Il s'agit surtout de pouvoir les dater. La présence de charbon de bois est un phénomène suffisamment rare pour ne pas pouvoir être souvent exploité. La méthode de datation repose donc sur les traces archéologiques visibles dans les coupes. Silex pour les périodes préhistoriques - Pléistocène et Holocène Ancien -, poterie pour l'Holocène Moyen et Final. Il est apparu sur le terrain que la méthode s'avère fiable335 : un dépôt ne comportant que des tessons du Bronze Ancien, même en petit nombre, est considéré comme datant de cette période. Il est également constaté qu'une couche supérieure présentant des tessons byzantins en nombre n'opérait pas de contamination des couches inférieures. Il n'existe pas de relation directe entre un processus de déposition et le climat ancien. L'interprétation de tels phénomènes est des plus délicates car les paramètres qui entrent en compte dans l'écoulement des eaux sont nombreux : le taux des précipitations et leur distribution dans l'année, leur force, le niveau de la nappe phréatique, la température et l'évaporation, le couvert végétal, le type de sédiments transportés336. L'érosion comme la déposition dépendent de ces facteurs. Pourtant, il faut bien qu'il existe une certaine adéquation entre l'un de ces deux types de phénomène et le Nom des dépôts / Terrasse de Lachish / Terrasse d'Erani / Terrasse de Shiqma /

334

Rosen 1986 a : 22-23

335

Rosen 1986 a : 58

336

Rosen 1986 b : 26

Type de phase Incision Déposition Incision Déposition Incision Déposition Incision

Tel Lachish et Tel Erani : L'étude des coupes dans le wadi Lachish aux abords du tell va dans le sens des résultats préalablement acquis, tout en faisant porter la recherche sur les phases de dépositions récentes (voir planche n°14.B). Les coupes présentent une succession d"unités", avec quatre périodes historiques isolables. L'érosion a entamé sur une hauteur allant jusqu'à cinq mètres le fond de la vallée, où par endroit le rocher est atteint. L'unité 4, la plus ancienne, est datée par des tessons du Bronze Ancien. Les périodes du Chalcolithique et du Bronze Ancien ont profité d'un climat plus humide, avec des précipitations plus abondantes et mieux réparties. La déforestation, encore peu importante, empêchait un fort colluvionnement. L'activité fluviale plus constante dans son débit a entraîné des dépôts alluviaux et surtout permis aux abords des sites une agriculture dans des plaines profitant de crues337. L'unité 3 semble s'être déposée durant la courte période du Bronze Ancien IV/Bronze Moyen I. Il s'ensuit une période d'incision, exprimant un climat plus aride pendant près d'un millénaire et demi. Aucun dépôt n'apparaît pour le Bronze Moyen, le Bronze Récent, et ce, jusqu'à la fin du Fer II. Pour l'unité 2, l'aspect des sédiments et des dépôts colluviaux indiquerait une provenance peu lointaine. A.M. Rosen admet qu'il est tentant de

Périodes Post-Byzantin Byzantin BM, BR, Fer, Romain Chalco. / BA / Epipaléolithique /

337

59

Rosen 1991 : 196

Epaisseur / 1- 2 m. / 2 - 6 m. / 8 - 10 m. /

Climat Sec Humide Sec Humide Sec Humide Sec

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

des failles et se creuse un parcours au travers d'une masse très sensible à l'érosion. Au cours des millénaires des réseaux complexes de galeries ont été incisés. La plus grande grotte de sel connue au monde s'y trouve, avec une extension de 5,5 kilomètres. Ces galeries, nombreuses, possèdent au détour de leurs couloirs des morceaux de bois charriés par les pluies, qui s'y sont déposés. Du fait de leur isolement, ces grottes se prêtent particulièrement à une étude sur les paléoclimats. En effet l'intervention de l'homme peut y être considérée comme négligeable. Le creusement des galeries devient donc l'expression directe des précipitations. Deux présupposés conditionnent la recherche. D'une part l'hypothèse que les morceaux de bois, dont on tire les datations 14C, sont contemporains

mettre en rapport cette phase de déposition - datée de la fin du Fer II - avec la destruction du site de Lachish. L'abandon des champs et l'absence d'entretien les ayant rendu d'autant plus sensibles aux pluies et à l'érosion. Cette unité résulterait donc non de quelques changements climatiques mais serait le fait d'actions anthropiques. Une période d'érosion de près d'un millénaire succède à ce dépôt. L'unité 1 est difficile à caractériser. Par la poterie présente elle se rattache à la période byzantine. La présence de colluvions sous-tend le fait que l'érosion des sols a été importante. Ces constatations doivent être mises en rapport avec des pratiques agricoles, mais des traces indiquent que le niveau de la nappe phréatique était élevé338. Les précipitations ont donc pu être plus importantes. Depuis la période byzantine, l'érosion a repris son cours sous un climat plus sec. L'étude de trois coupes provenant du wadi Lachish près de Tel Erani apporte donc une certaine concordance. Deux unités ont pu être isolées : elles sont interprétées comme appartenant au Chalcolithique/ Bronze Ancien et à la période byzantine. Bruins a étudié l'Holocène Final dans le Néguev central et le nord-est du Sinaï339. Dans cette dernière zone, plus précisément dans le wadi elGudeirat, il propose pour les deux derniers millénaires une séquence assez complète, dans laquelle il incorpore quatre périodes340. La première phase correspond à des dépôts de période romaine. Mais les datations restent peu précises concernant l'étendue exacte de la période. La deuxième phase voit l'incision des wadis du VIIème à la fin du XIIème siècle AD. Une troisième phase de près d'un demi siècle, de 1200 à 1700 AD, consiste en un impportant alluvionnement se déposant dans le fond de la vallée sur une épaisseur de près de quatre mètres. La dernière phase depuis 1700 AD a érodé sur une hauteur égale le lit du wadi.

de l'incision de la galerie d'où ils proviennent ; d'autre part que la largeur des passages est indicatrice de l'importance des précipitations. Donnons quelques éléments pour apprécier la vitesse de creusement de ces galeries par les eaux vives. Des vitesses de 0,2 mm par seconde ont pu être repérées, avec des moyennes de 0,88 cm par an342. Les morceaux de bois récoltés dans les galeries peuvent avoir passé un certain temps à la surface avant leur entraînement par les eaux ; qui plus est, les couloirs ont pu connaître leur phase d'incision longtemps avant la déposition des bois. Cette double interrogation des chercheurs343 appelle cependant des réponses se voulant rassurantes. Les résultats issus de trente-trois échantillons de bois provenant de douze grottes donnent des datations 14C de 7100 à 200 BP (6000 BC à 1800 AD). Une périodisation en dix phases est proposée (voir planches n°16-17). La phase la plus humide dans ces grottes, pour l'Holocène Moyen et Final, équivaut à celle dénommée "3". Elle correspond culturellement à l'ensemble du Bronze Ancien. Le pic est atteint vers 4200 BP (2800 BC), puis il est suivi d'une baisse rapide. Le minimum se situe vers 3300 BP (1500 BC), soit vers la fin du Bronze Moyen II. Vers 3000 BP (ca.1250 BC), un regain de précipitations se perçoit, concernant le Bronze Récent et le Fer I. Deux autres pics se situent vers 1800 BP (200 AD) puis 700 BP (1300 AD), soit les époques romaines durant les quatre premiers siècles de notre ère et du Xème au XIVème siècle. L'ensemble offre ainsi un système très sensible pour évaluer les variations des pluies.

b. Les grottes de sel du mont Sodome : Cette recherche, originale, a porté sur les changements climatiques de l'Holocène Moyen, perceptibles au travers des effets de l'érosion sur les grottes de sel du sud de la Mer Morte. D'une longueur de 11 km sur 1,5 km de large, le plateau du Mont Sodome domine de 250 mètres la Mer Morte341. L'eau qui y circule s'introduit dans

338

Rosen 1986 a : 67

339

Bruins 1990

340

Bruins 1990 : 94, 96

342

Frumkin et al. 1994 : 317

341

Frumkin et al. 1994 : 315

343

Frumkin et al. 1994 : 320

60

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

durant tout le Bronze Ancien III, le niveau baisse, ainsi indiquerait-il, bien que la période reste humide, un climat s'asséchant progressivement349. Le niveau le plus bas de la Mer Morte, en dessous de -400 mètres, dure pendant l'ensemble du Bronze Moyen. Le Bronze Récent voit le niveau remonter à -375 mètres, probabilité d'une phase humide s'installant jusqu'à la fin du Fer I. Bruins fait le rapprochement avec les sites trouvés par E. Oren dans le nord Sinaï et l'exploitation des mines de cuivre à Timna dans le sud du Néguev350. Assurément, il peut être tentant d'effectuer une telle corrélation. Ces deux exemples sont cependant bien plus sûrement l'expression de décisions politiques et économiques dues à la volonté égyptienne de contrôler économiquement ces zones, que le fait de conditions climatiques, certes éventuellement favorables mais n'affectant que dans une faible mesure les choix humains, pour ces périodes et en ces lieux précis. Deux autres périodes humides se distinguent, durant la période romaine puis durant la première période musulmane au VIIIème siècle jusqu'à la fin de la période croisée au XIIIème. On saisit à quel point l'adéquation entre le niveau de la Mer Morte et la périodisation archéologique peut être trompeuse : s'il semble en découler une relation naturelle, il faut néanmoins se garder de déduire trop rigoureusement la seconde du premier.

3. LES FLUCTUATIONS DU NIVEAU DE LA MER MORTE La Mer Morte possède des caractéristiques pour le moins particulières de par sa position dans une profonde cuvette, son altitude moyenne largement en dessous du niveau de la mer et la grande aridité du climat qui y règne. Avec sa vaste aire de captage des eaux344, elle fournit un bon exemple de zone endoréique345, expression, en l'occurrence, du relief autant que du climat. Elle se révèle particulièrement sensible à tout changement. Des éléments variés, tels les précipitations strictement locales comme plus lointaines, provenant des cours d'eau qui l'alimentent - notamment le Jourdain - la végétation à ses abords, ainsi que les diverses interventions humaines, se conjuguent pour déterminer l'altitude des rives. La multiplicité des paramètres et la situation particulière de la cuvette empêchent cependant le rapport d'être toujours des plus directs entre le niveau de la mer et le climat. Pour Bruins, le rapport entre précipitation et évaporation lui permet de rendre compte d'autant mieux du paléoclimat346. Les variations du niveau de la Mer Morte sont proprement considérables puisqu'elles ont oscillé durant les quelques millénaires de la fin du Pléistocène entre -200 et -700 mètres347 (voir planche n°18.A). Le niveau le plus élevé fut atteint vers 13.000 BP (13500 BC), avec le lac Lisan, qui donnera place par la suite à la Mer Morte. Quant au plus bas il exprime certainement la période froide du Dryas Récent vers 11.000 BP (11000 BC). Durant l'Holocène les oscillations sont plus limitées, mais restent importantes puisqu'elles se situent entre -300 et environ -400 mètres. Le niveau actuel se place à - 410 mètres348. Bruins tente, parfois de manière trop systématique, de corréler la courbe du niveau des eaux avec les phases culturelles. Une telle mise en perspective (voir planche n°18.B), confronte les deux domaines, au risque d'établir une relation de cause à effet trop directe. Pourtant le graphe proposé possède le grand mérite de détailler précisément les phases de l'Holocène Moyen et Final. La fin du Chalcolithique profiterait d'une période plus humide atteignant un niveau de -330 mètres. Ces précipitations importantes continuent durant l'ensemble du Bronze Ancien I où le niveau de la Mer Morte culmine à -300 mètres, point le plus élevé depuis l'Holocène Ancien. A partir du Bronze Ancien II et

4. DONNEES POLLINIQUES Si les courbes polliniques se trouvent être les données les plus courantes, elles ne représentent pas pour autant les données les plus fiables dans les domaines chronologique et géographique. Plusieurs problèmes inhérents à ce type de recherche, touchant aux carottages et aux données polliniques, doivent être soulignés. Le plus important concerne la source même d'analyse et les trajets que les pollens peuvent parcourir dans les airs, emportés par les vents, avant de se déposer. Il s'agit lors de tempêtes de poussière de centaines de kilomètres351. Les cas plus courants du transport des pollens posent des problèmes identiques. La présence de pollens d'olea indique-t-elle des cultures d'oliviers à proximité du lac, d'un site proche, ou bien l'existence d'arbres situés à quelques dizaines de kilomètres ? La différence reste de taille, et inférer d'après tel ou tel pollen le milieu environnant, peut mener à des interprétations et des reconstitutions trop globalisantes, voire erronées. Ajoutons de plus que

344

Horowitz 1979 : 20, fig. 2.29

345

Derruau 1988 : 88

346

Bruins 1994 : 301

349

Bruins 1994 : 304

347

Geyh 1994 : 133

350

Bruins 1994 : 305

348

Frumkin et al. 1994 : 315

351

Horowitz 1979 : 186, fig. 6.3, 6.4, 6.5

61

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

forment l'indication la plus fiable de la présence de forêt, davantage que le Pistacia, qui offre peu de variations. Les espèces Olea, Vinus, Juglans (oliviers, vignes et noyer), quand leur présence n'est plus marginale, constituent des types révélateurs d'une action anthropique au sein du milieu. Une source d'information particulière est représentée par le Plantago lanceolata. Son existence doit être mise en relation avec des pratiques anthropiques, puisque malgré sa nature sauvage elle est une espèce généralement liée au milieu agricole353. Sa seule présence et a fortiori son développement indiqueraient l'augmentation, au détriment de la forêt, de champs, lieux de culture ou pâturages354. Les Chénopodiacées, celles-là mêmes des coquilles d'escargots, appartiennent à une espèce révélatrice des zones arides, avec des précipitations inférieures à 230 mm. D'une utilité rare pour le Levant durant l'Holocène, lors de phases anciennes plus arides, elle se révèle un facteur d'identification très caractéristique de ce type de période.

certains pollens voyagent mieux que d'autres, le diagramme révèle ainsi des espèces qui viennent de plus loin. Les diagrammes proposent donc une image régionale, s'étendant à plusieurs, voire quelques dizaines de kilomètres, plutôt que des données strictement locales sur les espèces végétales. Or l'approximation est demi-sœur de l'erreur … Deux zones ont produit des résultats en quantité plus importante, l'Anatolie et le Levant sud352. Puisque les pollens voyagent, les chercheurs n'hésitent pas à corréler des données issues du Levant sud avec l'Anatolie, la Grèce, ou l'Iran (voir planche n°19.A). Les diagrammes polliniques doivent être appréhendés comme porteurs d'informations qui, dans la durée, parviennent à bien transcrire les variations majeures. Les datations par 14C s'opèrent à partir d'éléments provenant des carottes. La démarche est aléatoire, puisque largement dépendante de ce qu'il est possible d'isoler. Aussi n'est-il pas rare de posséder peu voire pas de datation lors d'un prélèvement. Situation critique mais également problématique lorsque des phases importantes du diagramme ne peuvent faire l'objet d'une chronologie précise. Il faut alors faire confiance à la régularité des dépôts polliniques au cours des siècles et inférer une date approximative. On le voit, les pièges ne sont pas rares et les interprétations délicates. Par ailleurs les carottes doivent être prélevées en milieu extrême, très humide ou très sec, seuls lieux où les pollens se conservent bien. Les lacs ou marais représentent des endroits privilégiés. Dans le domaine palestinien, seul le lac de Galilée/Kinneret avec le Hulé offre de tels emplacements. Des tentatives ont été faites près de la Mer Morte, mais les résultats ne sont pas encore concluants.

a. Les données polliniques concernant la fin du Pléistocène et l'Holocène Ancien en Méditerranée orientale Durant l'Allerød vers 12.000-11.000 BP (12.00011.000 BC) les pollens de Quercus - expression des espaces forestiers - atteignent leur maximum d'extension (voir planche n°19.B). Cette phase est suivie par un événement de grande portée de 11.000 à 10.000 BP (11.000-9200 BC), qui correspond au Dryas Récent, avec une valeur faible pour les pollens arboréals, Quercus en particulier, et une valeur importante des pollens de Chenopodiaceae (voir planche n°20). Un tel phénomène se retrouve dans l'ensemble des carottes de la Méditerranée. Il s'ensuit une période de rapides changements, aboutissant en un millénaire à des précipitations de l'ordre de 650 mm355. On le perçoit dans l'augmentation importante des pollens arboréals. Ceci est particulièrement visible sur des diagrammes provenant de Grèce, de Ioannina et de Xinias356, où le Quercus répercute cette évolution. Le Pistacia, arbre du domaine méditerranéen est présent de 9000 à 6000 BP (8000-4900 BC), après quoi il tend à diminuer. Le diagramme du Ghab en Syrie, fournit des données identiques (voir planche n°21). On note après le Dryas Récent, reconnaissable à la forte valeur des pollens de Chénopodiacées, le début d'une phase de plusieurs millénaires

Les diagrammes polliniques sur le pourtour de la Méditerranée orientale et comprenant l'Holocène, au nombre de quelques dizaines, sont très dispersés géographiquement. Nous utiliserons de préférence les plus caractéristiques, les plus précis et les plus récents. Parmi les différentes espèces végétales, seules certaines font l'objet d'une attention particulière. Le premier élément à prendre en compte concerne la proportion entre le pollen arboréal (AP) et le pollen herbacé, ou pollen non arboréal (NAP). Leur valeur indique une importance des étendues forestières ou de la steppe, étant généralement entendu que l'un croît au détriment de l'autre. Au sein des espèces d'arbres, le Quercus et le Pinus (chênes et pins) 352

Baruch 1994 : 103

62

353

Stiller, Ehrlich, Pollingher, Baruch et Kaufman 1984 : 84

354

Bottema, Woldring 1990 : 253

355

Rossignol-Strick 1993 : 150

356

Rossignol-Strick 1993 : 142, 146

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

des espaces pour la culture d'autres espèces. Une corrélation naturelle semble se faire entre les éléments caractéristiques de cette phase et la réurbanisation que connaît la Palestine en général et la région en particulier durant le Bronze Moyen II et l'ensemble du Bronze Récent. Le diagramme nécessiterait donc une correction chronologique d'une centaine d'années pour assurer une correspondance du début de la phase X2 avec 1900 BC. • La phase Y ( 2300-1400 BP / 350 BC - 550 AD): L'ensemble de cette période se place sous le signe d'un développement sans précédent de l'Olea, en parallèle avec le pollen arboréal des types Quercus qui atteint son niveau le plus bas vers 2000 BP (12 AD). Cet épisode doit être interprété comme une pratique de l'horticulture reposant sur l'olivier dont le pic se place durant l'époque romaine. Par la suite, la forêt reprend une importance notable alors que l'Olea redevient négligeable. En définitive, ce diagramme s'avère particulièrement intéressant. Le point le plus probant s'exprime dans la nature anthropique, et non climatique, des variations survenues durant ces cinq derniers milliers d'années. A cette période le couvert végétal semble avoir été relativement intact. Il faut toutefois reconnaître que si des changements climatiques ont eu lieu, le lac du Kinneret ne semble pas le meilleur endroit pour tenter de les mettre en valeur. La présence humaine sur les bords du lac depuis le Bronze Ancien, est bien trop massive sur le milieu naturel, pour que son action n'obscurcisse pas toute influence climatique éventuelle. L'image que donne le diagramme n'en demeure pas moins valable pour l'histoire locale, car les proportions d'Olea atteignent rarement de tels pics. La culture de l'olivier à des périodes précises, interprétation raisonnable d'un tel graphe, se fait à grande échelle et, semble-t-il, au net détriment de l'espace forestier. Les autres diagrammes polliniques pour la Palestine peuvent prêter à confusion. Ceux provenant de Sodome et Ein Gedi360 sont en cours d'étude et ne possèdent pas encore de datations 14C. Ceux du lac Hulé, analysés par Horowitz361,

correspondant à l'Holocène Ancien, avec une plus grande abondance de pollens d'arbres : Quercus, Pistacia, Olea, Pinus. La remarque faite précédemment pour les pollens de Pistacia, reste valable. Ce diagramme palynologique est le seul disponible pour le Levant nord, ce qui n'est pas sans poser problème. Baruch insiste sur le manque de corrélation et même l'opposition avec les résultats issus du Hulé357. Par ailleurs, les périodes plus récentes, Holocène Moyen et Final, s'isolent assez mal sur le diagramme en l'absence de toute datation 14C, entraînant un certain flottement.

b. L'Holocène Moyen et Final dans le Levant sud Le lac de Tibériade ou lac du Kinneret : L'un des diagrammes les plus précis, étudié par U. Baruch358, portant sur les 5300 dernières années, provient d'une carotte de cinq mètres extraite du lac du Kinneret. Il constitue l'une des analyses palynologiques les plus fiables pour le Levant sud, pour les périodes de l'Holocène Moyen et Final. Divisé en trois phases, le diagramme est ponctué de dates 14C (voir planche n°22).

• La phase X1 ( 5300-3500 BP (4200 - 1800 BC)) : En 5248 ± 220 BP (4000 BC) , les valeurs en AP atteignent plus de 60 %. On considère que la forêt, avec les types de Quercus, est à son extension maximale pour ces cinq derniers millénaires. Une baisse des espèces de chênes s'opère durant le IIIème millénaire en parallèle avec l'augmentation de l'Olea. Il est bien sûr très tentant de mettre en rapport ces variations durant le Bronze Ancien II et III 359, avec le développement de la culture de l'olivier et la production d'huile par des sites près des bords du lac, comme Khirbet Yerah. L'abandon de ces premiers centres urbains après le Bronze Ancien III, entraînerait alors le redéploiement de la forêt, avec une baisse significative de l'Olea. • La phase X2 (3500-2400 BP (1800-400 BC)) : Sur l'ensemble de la phase on note une constante baisse des types Quercus avec les pollens arboréals passant de 45 à 20 %. Vers 2955± 220 BP (ca. 1150 BC) soit vers la fin du Bronze Récent II, intervient une augmentation légère des pollens d'Olea. C'est vers cette période qu'apparaît le Plantago lanceolata, dont la présence sera par la suite continue jusqu'à nos jours. Ceci peut indiquer une action volontaire de déforestation, afin de libérer

357

Baruch 1994 : 110

358

Stiller, Ehrlich, Pollingher, Baruch et Kaufman 1984 ; Baruch

comprennent des données anciennes où les échantillons possèdent peu de datations. Drori et Horowitz ont mené une étude des pollens et de graines provenant de briques crues de différentes périodes excavées lors des fouilles de Tel Lachish362. Ils en déduisent l'environnement naturel du site au Bronze Moyen, Bronze Récent et Fer I. Cette approche, peu employée, considère plusieurs

1986 ; Baruch 1990 359

Baruch 1986 : 45

63

360

Baruch 1990

361

Horowitz 1979

362

Drori, Horowitz 1989

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

éléments : d'une part que la fabrication des briques se concentre vers le printemps, d'autre part que l'importante activité pollinique à cette période rend les sources d'argile particulièrement sensibles aux différents pollens locaux, qu'elles capturent. Il en résulte que les briques extraites à partir de ces sources, si c'est le cas, sont censées représenter avec fiabilité ce que les carottes permettent d'exprimer. Une recherche récente de J.-Cl. Margueron363 montre l'étonnante concentration de céramiques et d'objets de périodes et de tailles variées dans les briques. Si les pollens connaissent un tel mélange, il faut alors se défier au plus haut point des résultats proposés. Il ressort de l'étude que durant le IIème millénaire et la première partie du Ier, les pollens d'espèces forestières tendent à augmenter, notamment celui du Pinus, Quercus restant stable. Quant aux zones ouvertes destinées à l'agriculture ou aux pâturages, elles varient peu, ainsi que le montrent les plantes cultivées. Ces données polliniques indiqueraient, selon les auteurs, une tendance climatique générale plus humide qu'actuellement pour ces périodes364. La région autour de Lachish était un peu moins aride pour le Bronze Moyen et beaucoup moins aride pour le Bronze Récent et l'âge du Fer. Tel Sera propose également des données avec la présence de pollen d'olea europea pour le Bronze Récent365, qui signifierait pour cette période des précipitations au minimum de 400 mm, soit une phase plus humide qu'actuellement.

fabrication de sirop367, ainsi qu'une augmentation de Quercus, Juglans, Castanea et Plantago lanceolata. Ces éléments se retrouvent sur d'autres diagrammes comme ceux de Sögüt Gölü avec l'Olea, le Fraxinus ornus, le Juglans, le Vitis. Une datation 14C indique

2885±35 BP, soit 1030 BC. Plantago lanceolata apparaît sur nombre de diagrammes vers le milieu ou la fin du second millénaire, Beysehir, Sögüt Gölü, Köycegiz Gölü, Khimaditis III, Edessa368. On en déduit la mise en œuvre rapide de pratiques agricoles, de l'horticulture et de la fruticulture durant cette phase, l'existence de disparités entre certaines zones ne devant pas faire douter du phénomène dans sa globalité (voir planche n°23). Danin369 a par ailleurs mené une étude sur les répartitions des micro-organismes existant sur les roches. L'étude repose sur le fait que ceux-ci de par leur diversité dépendante du climat, laissent des empreintes variées sur les pierres qu'ils habitent. Ces blocs une fois séparés de leur substrat géologique, c'est-à-dire employés dans un mur ou recouverts de terre, entraînent la mort de ces microorganismes. Leurs marques par contre, demeurent. L'étude porte sur vingt-six sites répartis sur l'ensemble de la Palestine et à différentes périodes. Les résultats proposés par Danin se limitent à une division de l'Holocène en trois périodes. La phase avant le néolithique a été plus sèche qu'actuellement. Durant le néolithique le climat était plus humide, et depuis le Chalcolithique il est équivalent à l'actuel ! On ressent pour le moins un certain manque de finesse. Dans quelle mesure ces micro-organismes répondent-ils aux fluctuations climatiques légères ?

L'Anatolie, la Grèce et l'Iran durant l'Holocène Moyen et Final Bottema et Woldring ont mené des recherches sur les 4000 dernières années et isolé sur le diagramme de Beysehir une phase caractéristique. Dénommée phase de Beysehir (Beysehir Occupation phase ou B.O.), elle est considérée comme particulièrement représentative du phénomène anthropique au Proche-Orient durant l'Holocène Moyen et Final. Cette séquence se retrouve dans la majeure partie de la zone étudiée. L'analyse du diagramme de Beysehir (voir planche n°20) lac situé à une altitude de 1120 mètres avec près de 500 mm de pluies, montre un changement à partir de 34003200 BP (1700-1400 BC), soit vers la fin du Bronze Moyen - début du Bronze Récent. On note l'apparition ou le développement net de plusieurs espèces366, l'Olea, le Fraxinus ornus utilisé pour la

Quelques données comparatives en dehors du monde Méditerranéen Il importe maintenant de déterminer si les résultats précédents relèvent de phénomènes climatiques originaux ou participent à une sphère plus globale. En un mot, la Méditerranée orientale a-t-elle joui de paléoclimats particuliers ? Perçoit-on des corrélations, des décalages géographiques ou chronologiques avec les espaces proches tels que l'Asie et surtout le Sahara, dont il est inutile de rappeler l'influence déterminante, tant actuelle qu'ancienne, sur le climat méditerranéen ? Présentons pour répondre à ces questions les périodes isolées par Muzzolini370 :

363

Margueron 1995

367

Bottema, Woldring 1990 : 236

364

Drori, Horowitz 1989 : 210

368

Bottema, Woldring 1990

365

Oren, comm. pers.

369

Danin 1985

366

Bottema, Woldring 1990 : 243

370

Muzzolini 1985

64

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

(transition IIIème-IIème millénaire), elle avance l'hypothèse de transformations climatiques importantes et subites vers la fin du IIIème millénaire à mettre en relation avec une éruption volcanique376. Le bien-fondé de cette hypothèse ne sera pas discuté ici. Il l'a été par d'autres377. Ce qu'il faut préciser, c'est la non-similarité des variations climatiques entre le Haut-Khabur et le Levant sud où, pour l'instant, aucune trace rattachable à ce type de phénomène n'a pu être distinguée. Courty oppose particulièrement ce phénomène climatique rapide de la fin du IIIème millénaire à la longue séquence d'aridification qu'elle discerne au cours de la phase 4 (ca. 5000-3800 BP) (IIIème millénaire). Cette zone du nord de la Syrie subirait donc deux phénomènes distincts et c'est essentiellement au second que l'abandon des sites du Bronze Ancien III doit être rattaché. Pour la phase 6 (de 3500 BP jusqu'à aujourd'hui) (depuis 1800 BC) il apparaît à Courty que la paléogéographie est assez semblable à l'actuelle. Mais de son propre aveu378, l'absence de sol enterré limite la connaissance de cette longue période. En définitive, bien que des corrélations existent dans la succession des phases climatiques, il apparaît difficile d'effectuer un synchronisme précis. Dans ses grandes séquences le nord du continent africain, le Proche-Orient et une partie de l'Asie subissent, avec des similitudes certaines, d'importantes variations climatiques. Mais vouloir plaquer la réalité d'un climat unique rendant compte d'une évolution indifférenciée peut se révéler dangereux. On gomme alors les disparités géographiques au prix d'une compréhension globale mais inadéquate.

Données de Muzzolini : Corrections de Geyh 1994: 16.000 - 12.000 BP : «Hyperaride Postatérien » 12.000 - 5500 ± 500 BP : «Grand Humide » =12000-7500 BP (12000-6300 BC) 5500 - 4500 ± 500 BP : «Grand Aride » mi- Holocène = 7500-6500 BP (6300-5400 BC) 4500 - 2500 ± 500 BC : « Humide néolithique » = 6000-4500 BP (4900-3200 BC) 2500 - 1000 BC ± 500 : «Aride » postnéolithique = ca. 4500-4000 BP (3200-2500 BC) Vers 1000 BC ± 500 : « troisième humide Holocène ou humide postnéolithique » L'«Aride » actuel. La fin du Pléistocène dans le Sahara correspond à l'«Hyperaride Postatérien » s'achevant vers 12.000 BP (12.000 BC)371. Le Dryas Récent, climat froid et sec en Méditerranée orientale, ne se retrouve pas de manière si tranchée dans le Sahara, on note toutefois que la fin du Pléistocène s'y marque par une phase aride aggravée372. Il est possible de faire correspondre ces deux phases, le phénomène étant identique dans sa nature, seules les dates diffèrent quelque peu. Ce processus se retrouve dans le nordouest de l'Inde avec une régression des lacs373. Il s'opère ensuite un lent retour des pluies durant deux milliers d'années puis de 10.000 à 7500 BP (9200-6300 BC) le «Grand Humide » de l'Holocène Ancien touche l'ensemble du Sahara. La phase aride suivante de 7500 à 6500 BP (6300-5400 BC) concerne aussi bien le Sahara que l'Inde, également touchés par ce phénomène374. Une phase humide de 6000 à 4500 BP (4900-3200 BC) au Sahara, correspond à une augmentation des précipitations à la fin du Chalcolithique et durant le Bronze Ancien I en Palestine. La phase «Aride post-néolithique » commençant vers 4500-4000 BP (4900-2500 BC) peut être mise en relation avec la baisse d'humidité débutant en Palestine au Bronze Ancien II-III. Elle se retrouve en Mésopotamie, Iran, au Penjab. L'«humide postnéolithique », censé se placer vers la fin du IIème millénaire, n'apparaît pas très clairement en Palestine. Une étude géomorphologique menée dans le nord-est de la Syrie375, permet à M.A. Courty d'isoler six séquences pour les dix derniers millénaires. Pour la phase 5 (3800-3500 BP)

371

5. SYNTHESE PALEOCLIMATIQUE DURANT L'HOLOCENE a. Echelle de temps, échelle de climat Climat et préhistoire font "bon ménage" car tous deux utilisent le millénaire comme mesure du temps - mesure approximative mais suffisante -, tous deux possèdent des variations, des rythmes qui peuvent se calquer l'un sur l'autre. L'Holocène témoigne en revanche d'une accélération du champ des expériences humaines, faisant du millénaire une échelle inadaptée, bientôt remplacée par le siècle puis par des règnes qui introduisent un décompte en années. Or les effets du climat ne sauraient évoluer de la sorte et tout le problème s'inscrit dans

Les datations présentées dans le texte correspondent à celles

de Geyh et non de Muzzolini qui effectue un mélange entre dates BP (notées bc) et BC, n'inspirant qu'une confiance limitée. 372

Muzzolini 1985 : 16

373

Geyh 1994 : 139

376

Courty 1994 : 51-53

374

Geyh 1994 : 139

377

Cleuziou 1994 ; Weiss, Courty 1994

375

Courty 1994

378

Courty 1994 : 53

65

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

ce rapport inégal. Pour cette raison, il est important d'insister sur les modes d'appréciation dont nous disposons concernant les données climatiques pour l'Holocène. Distinguons pour cela trois échelles temporelles en relation avec les effets du climat379. Considérons, de manière arbitraire, ces effets selon leur amplitude et leur durée : changements, variations et fluctuations. Les changements climatiques s'opèrent dans la longue durée : celle des millénaires ; les variations climatiques s'expriment en siècles ; quant aux fluctuations, elles sont d'échelle décennale, elles varient au cours d'une vie humaine. Pour l'Holocène Moyen et Final, ce qui est en jeu ne concerne pas la détermination de changements climatiques mais bien ces variations et ces fluctuations. Il est donc nécessaire d'adapter les recherches paléoclimatiques à la périodisation "partielle" et surtout précise de l'Holocène Moyen et Final. Ainsi, tenter d'isoler des changements importants ou globaux dans le climat apparaît inadapté pour ces périodes, car ceux-ci ne permettent pas de cerner des évolutions précises. Admettons donc que l'Holocène ne connaîsse pas de changements climatiques majeurs. En revanche les variations et les fluctuations survenues doivent être étudiées avec la plus grande attention. Pour cette période de temps courte, les modèles climatiques nécessitent une approche adéquate, prenant en compte ce besoin de résultats corrélables avec les phases culturelles.

b. Changements et variations du climat durant l'Holocène Les changements paléoclimatiques : Dryas Récent et Holocène Ancien Le Dryas Récent de 11.000 à 10.000 BP (11.0009200 BC) est un événement froid touchant vraisemblablement l'ensemble de la planète381. La phase suivante ou optimum Holocène, concerne la période de 10.000 à 6000 BP (9200-4900 BC). Le Levant dans son ensemble profite de conditions climatiques plus favorables, dont la tendance générale s'exprime par une humidité plus importante. Le climat aurait été chaud et humide en été et plus doux en hiver382, ce qui se serait traduit par une augmentation de la température comme des précipitations. Un interlude au climat plus sec et plus froid en hiver aurait eu lieu entre 8000-7600 BP (7000-6400 BC). Il semblerait que le climat se fixe vers la fin de l'Holocène Ancien après avoir été sujet à des variations importantes. Les évolutions ultérieures seraient négligeables, le climat pouvant être considéré comme équivalent à l'actuel, avec une tendance générale sèche. Les millénaires suivants, concernant l'Holocène Moyen et Final, sont souvent considérés comme ayant été peu affectés par des changements climatiques mais bien plus par l'intervention humaine. Qu'en est-il en revanche d'éventuelles variations climatiques ? Les variations climatiques : Holocène Moyen et Final Malgré la difficulté d'effectuer des recoupements systématiques et précis entre les dates, on note de réelles correspondances entre nombre d'entre elles. Un schéma global de l'évolution du climat, ou du moins des variations notables des précipitations, peut ainsi être proposé383 (voir planche n° 24). La fin du Chalcolithique et le Bronze Ancien I connaissent un climat nettement plus humide qu'actuellement (des pics suivis d'une baisse rapide se situent vers 3800-

La phase actuelle de la recherche paléoenvironnementale consiste encore en une accumulation des données. Leur analyse aboutit parfois à des résultats contradictoires, bien que l'on y décèle également de fortes conjonctions. Ces problèmes peuvent avoir des causes diverses380 : - le manque de précision chronologique ou géographique des résultats paléoclimatiques. - la possibilité de variations climatiques régionales ou de phases plus humides dans des périodes globalement sèches, et vice-versa. - des problèmes méthodologiques peuvent également se poser. Enfin pour les périodes de l'Holocène Moyen et Final, la difficulté de distinguer dans les résultats, entre l'expression d'influences climatiques et de l'action de l'homme est bien réelle. Bref, en ce qui concerne les évolutions climatiques, manquent des preuves qui emporteraient une adhésion décisive.

381

Sanlaville 1996 : 8

382

Sanlaville 1996 : 23

383

Ces variations se rencontrent principalement vers :

• 2450 BC et 1250 BC (Kaufman, Magaritz 1980) • 3600 BC et 1350 BC (Goodfriend 1988, 1990) • 4900-3800 BC et 1500-900 BC (Bar Matthews et al. 1997) • 2500 BC, 12 AD et 2500 BC, 1200 BC et 1300 AD (Geyh 1994) • Au Chalcolithique-Bronze Ancien et à la période Byzantine (Rosen 1986, 1991) • 2800 BC, 1250 BC puis 200 AD et 1300 AD (Frumkin et al. 1994) • A la fin du Chalcolithique-Bronze Ancien I et Bronze Récent-

379

Hopkins 1985 : 100

Fer I, à la période romaine puis du VIIIème jusqu'au XIIIème

380

Finkelstein 1995 a : 33

siècle (Bruins 1994).

66

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

3600 BC et surtout 2800-2500 BC), puis durant le Bronze Ancien II-III une dessication s'opère. Le Bronze Ancien IV et le Bronze Moyen I-II sont plus secs, tout en restant plus humides qu'aujourd'hui. Puis les précipitations sont de nouveau plus importantes durant le Bronze Récent et culminent vers 1250 jusque vers la fin du Fer I, voire un peu plus avant dans le Ier millénaire. Le retour d'une phase sèche s'effectue durant le Fer II. Les premiers siècles de notre ère semblent connaître des précipitations plus abondantes, suivies par une certaine baisse de ces dernières, culminant vers 600 AD. Puis on note vers le XIIIème siècle une phase plus humide. Enfin, on constate jusqu'à nos jours un climat plus sec, avec deux saisons très marquées. Dans cette alternance continue de séquences humides et sèches, il est possible d'isoler deux périodes plus humides. La première durant une partie du Bronze Ancien, est suivie par une phase d'aridité. On note que cette dernière a fait l'objet de recherches spécifiques384 puisqu'il lui est imputé un certain rôle causal dans la fin de la société du Bronze Ancien III. La seconde phase connaissant un regain de précipitations aurait culminé vers la fin du Bronze Récent et au Fer I. Ce point est problématique, car il est difficile de le rattacher à des phases culturelles. De plus, certains textes tendent à infirmer cette hypothèse, en relatant des périodes de famine essentiellement durant le Bronze Récent II385. Au total, les dates proposées représentent des tendances générales du climat pour lesquelles il ne faut pas chercher de corrélations systématiques avec les phases culturelles. La détermination de la nature des variations climatiques est suffisamment délicate pour ne pas tenter d'y voir en plus et à tout prix des résultantes directes et immédiates dans la sphère humaine. Ces dates restent l'expression de graphes issus de méthodes diverses, parfois sujets à caution, dont les résultats ne concordent que rarement ou partiellement. Le schéma climatique présenté, bien qu'il soit le fruit de résultats se recoupant, n'en reste pas moins hypothétique dans son déroulement et quelque peu muet sur l'amplitude des variations des précipitations d'une phase à l'autre ou entre deux phases considérées comme plus humides.

384 385

B. Reconstitution de l'environnement de la Shéphéla 1. LA SITUATION ENVIRONNEMENTALE DURANT L'HOLOCENE MOYEN ET FINAL Il s'agit, pour cette deuxième grande phase de l'Holocène, de pratiquer une distinction nette entre paléoclimat et paléoenvironnement. Jusqu'à l'Holocène Moyen, si la corrélation entre les deux se doit naturellement d'être effectuée, les actions anthropiques sont encore suffisamment limitées pour ne pas affecter de manière durable le milieu. A partir de l'Holocène Moyen en revanche, le critère décisif devient l'intervention humaine dans les transformations de l'environnement386, comme tend à l'illustrer le diagramme pollinique du Kinneret387 (voir planche n°22). Ce qu'il importe de préciser concerne la nature de la relation entre l'homme et l'environnement, dans les réponses que l'homme est en mesure de donner à des variations climatiques et même plus simplement au climat. D'une adaptation à un milieu à sa transformation, le champ d'action est large et les critères à prendre en compte sont aussi bien politiques que climatiques. Quelques exemples permettent d'illustrer ce propos. Les recherches menées par Arlene Miller Rosen autour de Tel Lachish montrent les évolutions notables que l'environnement a subies vraisemblablement par l'action de variations climatiques à la fin du Bronze Ancien ; il a également pu faire l'objet d'actions anthropiques au Fer II. Ces éléments donnent à voir un espace naturel humanisé, sujet à des fluctuations dans son aspect et ses exploitations. Un autre exemple, celui d'une recherche sur la vallée de l'Euphrate syrien388 durant les périodes néolithique et Chalcolithique, prouve à quel point une reconstruction environnementale, en l'occurrence les variations de l'Euphrate, ajoute à la compréhension de l'occupation humaine. Dans ce cas précis, les sociétés s'adaptent à des changements environnementaux et non uniquement climatiques. Le cadre de l'Holocène présente de grandes séquences se dessinant avec une certaine rigueur et selon des axes qu'il faut désormais approfondir, en particulier l'Holocène Moyen et Récent, qu'il importe d'aborder avec une attention particulière. Une relecture des différentes études précitées permet d'isoler plusieurs phases climatiques. Ces dernières peuvent être l'expression de variations légères, dans les précipitations par exemple. Bien 386

Goldberg, Bar-Yosef 1990 : 71

Rosen 1995

387

Baruch 1986

Na'aman 1994 : 243-245

388

Geyer et Besançon 1996

67

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

que l'ampleur de ces changements ne soit pas comparable avec ceux de la fin du Pléistocène, ils demeurent suffisamment importants à l'échelle humaine pour entraîner des modifications dans les modes de subsistance, voire dans les choix effectués par l'ensemble de la société.

sites. Dans quel type de situation l'homme se trouve-t-il au IIème millénaire : sa dépendance envers le milieu le force-t-elle à s'adapter ? Ou l'exploitation qu'il mène lui permet-elle dans une certaine mesure de surmonter l'impondérable, telles les périodes de sècheresse ? L'Holocène Final ne constitue qu'une longue phase dans la continuité de ce qui a été entrepris durant le Bronze Ancien. Le problème de ressources limitées et donc d'exploitation entraînant des disparitions d'espèces se pose, mais il n'est pas nouveau.

a. Le développement de l'exploitation humaine de l'environnement au cours de l'Holocène L'Holocène est le témoin du passage d'une influence prépondérante du climat sur l'environnement à une situation où l'exploitation humaine devient la principale source de modifications. On considère généralement qu'il s'agit d'un processus graduel. Mais les tenants et aboutissants de ce phénomène sont aussi peu définis que mal repérés chronologiquement. Comment qualifier une telle phase : doit-on l'aborder dans la longue durée, ou peut-on envisager une rupture dans la période qui devrait être isolée ? Quand cette rupture s'opère-t-elle, au Néolithique, au Chalcolithique ou au Bronze Ancien ? La compréhension des paléoenvironnements et toute tentative de restitution pour l'Holocène Moyen et Final passent par une appréciation quantifiable et qualitative de l'impact humain. Les trois phases de l'Holocène sont chacune exemplaires dans la nature de la relation hommemilieu qu'elles proposent. L'Holocène Ancien constitue l'âge des premières manipulations des céréales. Le développement de la sédentarité qui va de pair marque un tournant décisif dans le rapport de l'homme au milieu. La nature de ce changement est proprement qualitative. L'Holocène Moyen et l'apparition des centres urbains marquent également un réel bouleversement dans ce rapport. Une relation d'exploitation et de transformation limitée de l'environnement prévalait à la période précédente. La situation nouvelle repose indéniablement sur l'exploitation des denrées existantes et la mise en place de pratiques agricoles et horticoles mais à une nouvelle échelle. L'un des axes de la recherche paléoenvironnementale devra porter sur la nature exacte de ce changement vis-àvis de l'environnement. Avec l'apparition des premières villes en Palestine au Bronze Ancien, s'introduit une donnée nouvelle : celle d'une "révolution environnementale" centrée autour des agglomérations. Le rapport de l'homme à la nature passe alors d'une action de puisage encore souvent sans conséquence à une réelle exploitation du milieu. Le second millénaire a pu connaître des variations climatiques, même légères, ayant pour effet des réajustements des groupes humains, dans leurs choix de subsistance comme d'implantation de

b. L'environnement au second millénaire : esquisse d'une reconstruction paléogéographique Le climat doit être considéré au second millénaire comme globalement identique à l'actuel, c'est-à-dire de type Méditerranéen avec deux saisons prédominantes. Il est cependant possible que la séparation très nette entre les deux moments de l'année ait été moins marquée qu'aujourd'hui, en particulier dans la répartition annuelle des pluies. La possibilité de pluies en été constitue un facteur de grande importance pour les différentes cultures389. Les recherches de Goodfriend390 sur les escargots du Néguev, montrent que l'isohyète des 300 mm se place une vingtaine de kilomètres plus au sud qu'actuellement. Bien que la différence ne soit pas énorme, cet indice est suffisamment révélateur pour que l'on puisse envisager des pluies plus abondantes à différentes périodes de l'année, particulièrement en Shéphéla, alors nettement plus au nord de cette limite. Des pluies plus généreuses ont un corollaire fréquent, celui de forêts plus importantes. La relation unissant les deux reste valable tant que l'intervention humaine est limitée. La végétation plus abondante, par la rétention des eaux de pluies qu'elle opère, limite le ruissellement et augmente le niveau de la nappe phréatique. Les cours d'eaux profitent ainsi d'un écoulement plus constant et durable. Les sources ont pu être plus nombreuses et surtout avec un débit plus important. Les sommets et les pentes des collines étaient moins dénudés. La végétation profitait d'un substrat pédologique encore peu dégradé, qu'elle tendait à maintenir en place. L'érosion et en particulier le colluvionnement s'en trouvaient limités. La topographie pouvait présenter un aspect légèrement plus marqué, dans la forme générale des collines, avec leurs bases moins chargées de colluvions. Des espèces, végétales comme animales, actuellement disparues, profitaient d'une diversité et d'une répartition autre.

68

389

Horowitz 1974 : 413

390

Goodfriend 1988, 1990

LA GEOGRAPHIE ANTIQUE

L'hypothèse repose sur le fait qu'il n'existe pas de données indiquant la présence massive de forêts après cette période. Raisonnement trop hypothétique pour être suivi. Il nous semble que jusqu'à la fin du premier millénaire av. J. C., les zones arables étaient regroupées autour des sites, laissant au couvert forestier une possibilité importante de développement régional. Qu'il ait été entamé n'en reste pas moins une certitude. Son ampleur en revanche peut faire l'objet de nombreux débats, le manque de données empêchant de fixer pour l'instant de dates précises à l'évolution de la déforestation. On peut caractériser l'évolution du phénomène en Shéphéla dans ses grandes lignes. Les larges vallées alluviales, lieux initiaux de l'agriculture, aux abords des sites, sont touchées en premier par l'effort de déboisement, constituant autant de terrains pris sur la forêt, dont la pratique continue de l'agriculture dans ces zones a empêché le retour. La déforestation a par la suite porté sur les zones environnantes, mais toujours centrée sur les établissements urbains. Il est estimé393 qu'au Bronze Moyen, 25% de la plaine côtière centrale étaient affectés par les diverses pratiques humaines : agriculture, pâturage, déforestation. Deux points principaux conditionnent cependant l'étude mentionnée, nous empêchant d'en accepter tous les résultats, concernant les époques autant que la zone d'étude choisie. La plaine côtière ne semble pas fournir un espace de prédilection pour l'abondance de forêts. Elle fut certainement l'une des premières zones à souffrir de la déforestation, car son aspect actuel est des plus dégradés quant à son couvert végétal. L'agriculture plus intensive ici qu'ailleurs, a pu aboutir à cet état de fait. Avec le Bronze Moyen s'ouvre un long millénaire de déforestation. Aussi est-il nécessaire d'étudier la répartition des nouveaux sites à chaque période pour déceler les zones ayant dû faire l'objet de ces pratiques. Le Bronze Moyen constitue assurément une telle phase, au dynamisme certain dans la création de sites urbains comme de villages. On peut également concevoir que vers la fin du Bronze Récent et au cours du Fer I en haute Shéphéla près des monts de Judée, des établissements aient joué un rôle de cet ordre. La Shéphéla à la fin du second millénaire était, sans aucun doute, beaucoup plus boisée394. La question de la déforestation est d'une grande importance pour la compréhension du rapport des

La forêt constitue un domaine particulièrement sensible aux différentes transformations, d'origine humaine ou climatique. L'évolution du couvert forestier demande donc un traitement particulier.

c. Un historique de la déforestation Le Dryas Récent voit la disparition des pollens d'arbres dans les diagrammes polliniques, mais le froid sec qui règne alors est suivi par une phase de régénération des forêts sans comparaison dans l'Holocène. Lentement, en un ou plusieurs millénaires suivant les régions, l'ensemble du pourtour méditerranéen se couvre de forêts. Durant l'Holocène Ancien, la majeure partie de l'espace levantin présente un couverture dense. Il se met alors en place une situation particulière avec l'augmentation des hommes, comme de la forêt, sur un espace limité. La déforestation n'est pas nouvelle à cette période mais doit être considérée comme de peu d'ampleur. Le Bronze Ancien marque une nouvelle étape dans la déforestation. Mais quelle que soit son étendue durant le Bronze Ancien II-III, la période de plusieurs siècles du Bronze Ancien IV est considérée comme une phase de recouvrement pour les arbres391. Ainsi, le domaine forestier entre dans le second millénaire relativement bien conservé. L'image que l'on possède à la fin de ce même millénaire est partielle mais le milieu a forcément évolué dans le sens d'une réduction du couvert forestier. Ce millénaire comprenant les Bronze Moyen et Récent est une période charnière dans la longue histoire de l'exploitation forestière. La mise en place au Bronze Moyen d'une société fortement urbanisée s'effectue en effet sur des sites dont l'occupation sera plus ou moins continue jusqu'à la fin du Fer II, voire l'époque byzantine. Les phases de répit pour les forêts sont dès lors de courte durée, s'il y en eut. Les périodes d'intense déforestation en Palestine se déroulent pendant le Fer II et culminent avec les époques romaines et byzantines. Le processus de déforestation en Shéphéla au cours du second millénaire : Le second millénaire peut être considéré comme la première longue phase de déforestation qui porte à conséquence. Ce sont les périodes suivantes qui déterminent la perception de ce phénomène comme tel puisqu'elles persévèrent, à une échelle plus importante, dans l'exploitation du domaine forestier. Selon Currid392, l'essentiel du phénomène de déforestation en Shéphéla date d'avant le Fer II.

393 394

Gophna, Liphschitz, Lev-Yadun 1987 : 81 Peut-on tenter une estimation de la superficie de la région

couverte par les forêts ? Avançons un ordre d'idée d'au 391

Gophna, Liphschitz, Lev-Yadun 1987 : 81

minimum la moitié de la Shéphéla se trouvant à l'ombre de

392

Currid 1984 : 7

chênes et de pins ?

69

CHAPITRE 2. LE CADRE GEOGRAPHIQUE

correspond aux besoins réguliers en bois, besoins moins importants en quantité sur le court terme, mais dont la régularité porte davantage à conséquence. La constance de telles pratiques sur plusieurs siècles peut entraîner la disparition d'un environnement forestier. Les besoins en bois se répartissent entre la construction et les opérations liées à une "industrie" : installation de charbon de bois aux abords de Yarmouth par exemple à la pour toutes les période Mamelouke398 transformations nécessitant des températures élevées, fours de potiers, métallurgie, artisanat du verre qui demandent des quantités importantes de bois ; chaux399 pour des activités aussi diverses que les fours, la fonderie et l'agriculture. Au XIXème siècle Schubert400 note que l'industrie du verre à Hebron consume lentement les quelques rares forêts encore existantes à ses abords. Cette activité doit être mise en relation avec les archives d'El-Amarna et les demandes du pharaon aux dirigeants des cités vassales du sud de la Palestine de lui fournir du verre (EA n° 323, 331). Ces lettres sont envoyées à des sites comme Ashkelon, pour lequel on imagine mal des forêts à proximité. La situation au Bronze Récent était donc différente, soit que l'environnement ait été boisé à proximité du tell, soit que la ville se soit procurée du bois, par exemple depuis la Shéphéla. J. Currid insiste sur le rôle des guerres dans la déforestation401. Des destructions ont pu entraîner des perturbations mais limitées, pour l'essentiel, aux abords des sites. Il faut enfin rappeler la grande consommation de bois aux époques historiques avec la construction des navires puis l'avènement du chemin de fer. S'ajoutent à la déforestation des effets indirects au moins aussi importants que les besoins en combustibles, tels ceux représentés par les ravages qu'occasionnent les troupeaux de chèvres et de moutons. Leur passage en des zones antérieurement plantées d'arbres empêche toute régénération402, de même que des lieux utilisés pour l'agriculture puis abandonnés ne peuvent se reboiser.

établissements urbains ou villageois avec l'environnement. Des études précises sur l'évolution du couvert végétal et forestier en particulier, seraient des plus intéressantes. L'attention doit également se porter sur l'évolution des zones boisées au cours des siècles récents. L'homme contre la forêt : causes et raisons de la déforestation La déforestation n'a pas pour seule cause la volonté de se procurer du bois. Les premières "attaques" contre l'environnement forestier, ne furent pas portées par l'homme. La responsabilité en revient aux incendies naturels, certainement nombreux durant des étés secs méditerranéens, malgré un climat plus humide. Or la régénérescence des diverses espèces d'arbres ne se fait pas naturellement. Après des feux de forêts, les broussailles repoussent facilement d'elles mêmes, pouvant remplacer les espèces arboréales395. Ainsi le maquis tend à prendre la place de la forêt, surtout dans le cadre d'une période de dessication du climat. Sans pluies suffisantes, les forêts sont les premières touchées par la sécheresse dans leur développement ou leur renouvellement. Les causes de la déforestation s'expliquent non par des seuls besoins en bois mais par d'autres nécessités. La première finalité de l'intervention humaine correspond à la volonté d'obtenir des terrains arables. Chaque poussée démographique entraîne l'homme à la conquête de nouvelles terres396, phénomène passant par le déboisement de zones jusque-là sauvages car le plus souvent boisées397. Des périodes précises de déboisement intensif peuvent être mises en rapport avec des phases de peuplement courtes, de l'ordre d'un siècle, mais de forte ampleur. La seconde finalité 395 396

Hopkins 1985 : 115 Les essartages durant le Moyen Age en France en sont de

parfaits exemples. Bien analysés, ils montrent comment la création de nouveaux villages associée à une population grandissante débouche sur une déforestation lente mais consciencieuse, qui en un siècle ou deux, aura transformé radicalement l'environnement. La réduction importante des forêts se double de l'augmentation des cultures, selon un schéma que les remembrements napoléoniens et récents n'ont pas entièrement fait disparaître. 397

Il est des plus intéressants d'appréhender l'environnement tel

qu'il est vécu. A ce propos la forêt offre un exemple hors pair. La perception de la forêt, durant les périodes concernées et jusque Hopkins 1985 : 116 ; Dagan et al. (Uri Baruch) 1998 : 116

voici encore récemment, s'est toujours exprimée dans l'image

398

d'un monde sauvage, dangereux, inhospitalier. Depuis peu la

399

campagne et la forêt sont devenus synonymes de monde

400

bucolique, calme, reposant. Et la ville a pris la place de la forêt,

401

Currid 1984 : 6

elle serait même devenue une "jungle" …

402

Currid 1984 : 6-7 ; Hopkins 1985 : 116

70

Currid 1984 : 6 Margalit 1963 : 220

Remarques préliminaires : Concernant l'étendue des sites, une division en six tailles est effectuée : a : 0,1 - 0,3 hectare b : 0,31 - 1 hectare c : 1,1 - 3 hectares d : 3,1 - 5 hectares e : 5,1 - 10 hectares f : + de 10 hectares Les distances indiquées entre les sites correspondent à des lignes droites. La distance réelle en suivant les routes est naturellement plus importante, surtout pour les sites placés dans des zones de collines. La présentation des sites s'effectue selon une logique double reposant : - d'abord sur les territoires politiques, avec les citésétats puis les établissements sous leur dépendance. - ensuite sur les zones géographiques avec le nord de la Shéphéla puis le sud et dans une même logique, les sites de la Basse Shéphéla puis de la Haute Shéphéla. A la suite de la Shéphéla, seront abordés les établissements de la plaine côtière (Ashdod, Tel Mor et une tombe à Khirbet Hassa), de la plaine côtière du nord Néguev (Tell Jemme, Tell el-Ajjul, Deir elBalah, Tel Ridan, Qubur el-Walaida, Tel Sera, Tel Haror, Tel Ma'aravim, Tell el-Far'ah (sud), Ein Sharuhen), puis du nord du Néguev proprement dit (Tel Beer-Sheva et Tel Masos).

DEUXIEME PARTIE LA SHEPHELA : REPARTITION ET ETUDE DES SITES CHAPITRE III- ETUDE DES SITES DU SUD DE LA PALESTINE A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE L'étude des établissements de la Shéphéla et des zones limitrophes ne se limite pas à un simple catalogue de sites. Ces données archéologiques restent en effet fondamentales pour caractériser les processus régionaux de la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer. Aussi les informations proposées sont-elles issues d'un tri. Pour chaque site ont été privilégiées les données portant sur la séquence stratigraphique, l'évolution du site et son dynamisme architectural du XIIIème au XIème siècle et, quand le cas se présente, les problématiques archéologiques auxquelles le site a été confronté, qu'il s'agisse de problèmes chronologiques ou matériels. Ces données diverses visent à résoudre plusieurs problèmes : le principal d'entre eux concerne la chronologie de la fin du second millénaire dans le sud de la Palestine. Alors que certains sites proposent des séquences stratigraphiques et des processus communs, d'autres sites apportent des données distinctes ou plus précises ne coïncidant pas nécessairement avec un schéma chronologique classique. Un autre problème concerne la culture matérielle issue de chaque site. Cette base matérielle permet de caractériser les évolutions politiques et socioculturelles des différentes régions. Ce chapitre regroupe donc des informations constituant le préalable à toute tentative de synthèse chronologique pour la fin du second millénaire. La mise en place d'une telle périodisation doit reposer sur les séquences stratigraphiques de chaque site. Ces dernières feront ainsi l'objet d'une attention particulière afin d'élaborer un tableau synthétique (voir planches n°25-26) regroupant les principales données archéologiques de l'ensemble des sites fouillés. Rappelons qu'aucune synthèse reposant sur l'analyse des séquences de tous les sites fouillés du sud de la Palestine n'avait été jusqu'à maintenant effectuée.

LES TERRITOIRES DU NORD DE LA SHEPHELA: GEZER ET TEL SAFIT Parmi les sites de la Shéphéla, le territoire de Gezer sera le premier traité, il comprend ce site et celui de Tel Malot, tous deux en Basse Shéphéla. Le territoire de Tel Safit regroupe un nombre important de sites avec Tel Miqne, Tel Batash, Tel Harassim en Basse Shéphéla et Bet-Shemesh, Azekah et Tel Yarmouth en Haute Shéphéla. Tous ces établissements sont situés dans la Shéphéla du nord. Certains sites comme Tel Miqne, Tel Harassim ou Tel Sippor, bien qu'appartenant géographiquement à la plaine côtière, sont traités au même titre que les établissements de la Shéphéla. Ce choix s'explique par le fait qu'ils se rattachent durant le Bronze Récent II au domaine politique des cités-états de cette région. Bien que cela ne soit plus vrai au Fer I, il apparaît qu'une bonne compréhension des processus socio-historiques se déroulant à la fin du second millénaire en Shéphéla passe par une description précise des sites des régions limitrophes.

71

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

efficace et aisé des sites proches. Le site commande plusieurs voies de communication à l'intersection de deux routes principales, l'une nord-sud longeant la Basse Shéphéla, l'autre est-ouest, reliant la côte aux monts de Judée et menant en particulier à Jérusalem, en suivant la vallée d'Ayalon. Cet emplacement remarquable, partagé par quelques rares sites tel Megiddo, explique qu'à de nombreuses époques Gezer ait joui d'une importance considérable.

GEZER

Tell el-Jazari, Tall al Gisr Coordonnées : 1422-9.1406-9 Références concernant le site : - Fouilles : Macalister 1907 Dever et al. 1970 ; 1974 ; 1986 Seger et al. 1988 Dever 1993 c

Connaissance du site et identification

- Etudes : Myres 1907 Ross 1967 Bullard 1969 ; 1970 ; 1988 Thompson 1979 : 320 ( n° 1414.08) Dever 1982 Singer 1986 Bunimovitz 1988-89 Maier 1988-89 Finkelstein 1994 c Yanaï 1994

C. Clermont-Ganneau en 1870 identifie l'antique site de Gezer à l'emplacement de Tell el-Jazari. Au début du siècle, R.A.S. Macalister dirige entre 1902 et 1909 les premières fouilles, pour le compte du Palestine Exploration Fund, rapidement publiées sous la forme de trois importants volumes en 1911 et 1912. Si l'ampleur des fouilles est impressionnante, les restitutions architecturales proposées constituent souvent, cependant, un enchevêtrement inextricable de plusieurs couches. L'apport de ces recherches reste donc, au mieux très limité, au pire inutilisable. Des fouilles sont effectuées par Rowe en 1934, dans une zone réduite. C'est véritablement W. G. Dever entre 1964 et 1971, puis en 1984 et enfin en 1990, qui par des méthodes archéologiques scientifiques permet d'accéder à une connaissance plus poussée du site. Parmi les nombreux chantiers ouverts, tous n'ont pas mis au jour des niveaux du Bronze Récent et du Fer I, et malgré la fiabilité des données présentées, ces époques sont dégagées sur des superficies assez faibles. Des prospections récentes menées par Alon Shavit403 dans les environs de Gezer ont permis de révéler à l'est du site, aux abords de l'abondante source à laquelle s'alimentait la population du tell, deux petits établissements (n° 166, 167 sur les cartes de répartition des sites) occupés au Bronze Récent et au Fer I. Les sources écrites font références à Gezer de manière récurrente au cours de l'ensemble du Bronze Récent404. La plupart font partie de textes officiels égyptiens, sous forme d'inscriptions. Au XVème siècle on note en particulier deux d'entre elles, la première de Touthmosis III sur le temple d'Amon à Karnak, la seconde sur le temple mortuaire de Touthmosis IV à Thèbes. Ces références mentionnent des captifs provenant de Gezer lors des conquêtes asiatiques des pharaons. Au XIVème siècle, les archives amarniennes comptent dix lettres provenant de Gezer et rédigées par trois rois locaux : Milkilu, Balu-Shipti et

Situation géographique : Basse Shéphéla Rattachement politique au BR II : Shéphéla Distance du site à la côte : 22 km ; Distance du site le plus proche : Tel Malot : 5 km Tel Hamid (24) : 6 km ; Tel Sha'alavim (29) : 6,5 km Batash : 7,5 km ; Bet-Shemesh : 12 km ; Tel Safit : 18 km Superficie : e - 8 ha

Situation géographique et topographique La colline sur laquelle est installé Gezer culmine à 225 mètres. Cette hauteur limitée est néanmoins palliée par une topographie locale spécifique, le sommet se détachant par endroits de manière abrupte de la plaine environnante. Le wadi Gezer se trouve à 500 mètres à l'est du tell, et la large vallée d'Ayalon à trois kilomètres vers le nord-est. Des sources existent non loin, à 800 mètres à l'est, offrant à l'établissement un accès aisé à des ressources abondantes en eau. Les plaines fertiles environnantes permettent d'importantes pratiques agricoles, ayant certainement joué un grand rôle dans la prospérité de l'établissement. La situation régionale, dans le nord de la Basse Shéphéla, en bordure de cette dernière et de la plaine côtière, assure au site un contrôle sur les collines et le domaine de la côte. Sa superficie maximale atteint une quinzaine d'hectares. La position de Gezer sur le sommet d'une petite colline, entouré de vastes étendues, lui assure un rôle stratégique, militaire et commercial sans partage, sa vue panoramique lui permettant un contrôle 72

403

Shavit 1992

404

Dever 1993 : 496

GEZER

atteintes au Bronze Moyen II-III. On peut estimer qu'elles sont réduites de près de moitié, passant de 13 à 7 ou 8 hectares. Les aires fouillées ne permettent toutefois pas de déterminer avec la précision désirée les variations de l'extension du site. Or cet élément apparaît comme essentiel pour comprendre les dynamiques de peuplement au cours des XIIIème-XIIème siècles dans le nord de la Shéphéla. Les changements se déroulant à Gezer, plus peut-être qu'à Lachish, seraient à même de fournir des réponses régionales aux processus démographiques de ces périodes. Trois problèmes principaux restent en partie non résolus. Peut-on estimer les variations de taille du site au Bronze Récent II, au Bronze Récent III et au Fer I ? Comment caractériser le type d'occupation au sein de l'établissement à chacune de ces périodes ? Enfin peut-on se prononcer de manière sûre concernant l'existence d'une muraille au Bronze Récent II ? Trois chantiers contribuent à la constitution des données archéologiques : les zones I, II et VI (acropole).

Yapahu405. Au XIIIème siècle enfin, la célèbre stèle de Merneptah mentionnant "Israel", indique la prise de la ville par les Egyptiens en c.1207. Ces références montrent que Gezer, au cours du Bronze Récent, apparaît depuis l'Egypte comme un site stratégique d'importance réelle en Palestine, dont la prise reste un événement notifiable sur les monuments royaux. Il est donc logique de considérer que durant l'ensemble de cette période, Gezer est le siège d'une cité-état régionale, contrôlant le nord de la Shéphéla.

Historique de l'occupation du site Les fouilles anciennes, de par les méthodes appliquées à l'époque, ne permettent pas de reconstituer une stratigraphie cohérente pour les différentes périodes d'occupation. A l'inverse les recherches récentes ont livré, pour chaque chantier, une stratigraphie précise. Il n'en demeure pas moins que la précision des reconstitutions historiques diverge suivant les époques concernées. Pour la fin du Bronze Récent, chaque chantier fait apparaître une image différente, rendant la compréhension de l'ensemble confuse. Il est donc difficile de donner une vision synthétique des processus affectant le site vers la fin du XIIIème et le début du XIIème siècle. Pour le Fer IB, la perception des phénomènes est en revanche plus cohérente.

STRATIGRAPHIE GENERALE : A une stratigraphie générale s'ajoute celle de chacun des chantiers. La première occupation du site remonte au chalcolithique (XXVI) et dure jusqu'à la période romaine. On trouve cependant des tombes jusqu'à la période mamelouke. Gezer fait partie de ces tells palestiniens auxquels chaque période de l'histoire a laissé des traces. Au Bronze Moyen (XXI-XVIII) l'ensemble du site est occupé, couvrant une superficie d'un peu plus de 13 hectares. Il est fortifié au Bronze Moyen III avec un vaste rempart délimitant tout le tell. Le Bronze Récent IB est pour sa part mal représenté, mise à part une citerne réaménagée en tombe (grotte I.10A)406. L'occupation est alors continue pendant le Bronze Récent II et le Fer I. Le site semble toutefois avoir varié de taille pendant ces différentes périodes. Il est possible que la destruction de Gezer au début du XVème siècle ait été perpétrée par Thoutmosis III vers 1468 (Bronze Récent IA) puis suivie d'une réoccupation lâche407. Au Bronze Récent II, Gezer ne possède plus les dimensions 405

Dever et al. 1974 : 4

406

Seger 1988

407

Dever 1993 : 502

73

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux Périodes Aire I Aire II Aire VI

XV XIIIème s. 5B–C 13 8A–B

XIV Début XIIème s. 5A? 12 7

XIII Fin XIIème s. 4 11 A - B 6A-C

XII Début XIème s. 4 10 5A-B

LES FOUILLES : rien ne sera réutilisé dans la couche suivante. Le niveau 11B-A représente une nouvelle phase architecturale. L'espace sur lequel il repose est nivelé et des murs sont édifiés selon un plan nouveau. Cet habitat domestique est daté de la fin du XIIème siècle, du fait de l'apparition de la céramique bichrome. Le niveau 10, du début du XIème siècle, voit la construction de nouveaux murs dont le plan ne variera pas pour les niveaux 10 et 9. La couche 10 correspond à une seconde phase de la poterie bichrome philistine voyant l'apparition, encore timide, de la céramique à engobe rouge lustré411 ou "red slip-burnished".

Chantier I : Le niveau 5 pour le XIIIème siècle comporte deux couches, 5B et 5C. L'élément le plus important réside dans le fait qu'aucune destruction massive n'est notable à la fin du XIIIème siècle408. La couche suivante 5A date du début du XIIème siècle. Les murs du niveau précédant sont recouverts par les sols de ce niveau. Malgré l'absence de destruction de 5B, un changement important intervient dans l'aménagement architectural de la zone. Une destruction complète clôt ensuite 5A, de telle façon qu'aucune réutilisation des murs n'a lieu dans la couche suivante. Le niveau 4, de la fin du XIIème siècle, se caractérise principalement par l'apparition de la céramique bichrome.

Chantier VI, "l'acropole" : Au niveau 9 du Bronze Récent IIA comportant un large ensemble appelé "palais" succède, à la suite d'un nivellement de la zone, une grande cour à sol plâtrée mesurant 10 mètres sur 15 et dépourvue d'architecture. Cette absence de structure forme l'une des caractéristiques du niveau 8 dans le chantier VI. Il est difficile d'expliquer les profonds changements d'organisation survenus dans cette zone. La fonction de la nouvelle structure reste en effet problématique. La construction de la cour estelle à attribuer à ceux qui ont "détruit" le palais ? D'ampleur limitée, ces changements sont certainement à mettre au compte de transformations locales. Dever propose pour cette zone une fonction liée au pressage de l'olive ou du raisin412. Daté du Bronze Récent IIB, le niveau 8 s'achève à la fin du XIIIe siècle par un abandon de cette aire et non par sa destruction. Le niveau 7 voit pour sa part des perturbations importantes se produire. Des fosses et tranchées sont creusées et remplies en tous lieux de la zone, peut-être pour piller les pierres des murs, perturbant l'architecture des niveaux précédents mais n'aidant pas à comprendre le type d'occupation du niveau 7. Ce dernier a livré peu de céramique stratifiée mais l'absence de bichrome et la présence d'un assemblage dans la tradition du Bronze Récent II indiquent que l'on se situe dans la

Chantier II : La zone fouillée correspond à une longue tranchée sur une surface réduite. Le fond du sondage a permis la mise au jour de niveaux du Bronze Récent II. Le niveau 13 daté de la fin du XIIIème siècle est détruit par un incendie409. W.G. Dever considère que cet événement peut être mis en relation avec la mention de la prise de la ville par Merneptah en c.1207 dans la "stèle d'Israel"410. Le matériel céramique comporte quelques caractéristiques intéressantes : son rattachement à la production céramique du XIIIème siècle, une quasiabsence de poteries chypriotes et autres importations, un assemblage dans la tradition du second millénaire et quelques types distinctifs que l'on retrouvera au Fer I. Ces traits ne sont pas sans rappeler les caractéristiques de répertoires du début du XIIème siècle. Or Dever date cette couche de la fin du XIIIème siècle. On ne note pas de rupture entre les niveaux 13 et 12 puisque des murs continuent à être utilisés. L'occupation apparaît à W.G. Dever éphémère, peut-être liée à une période de "squattage". Bien que ce niveau du début du XIIème siècle ne soit pas détruit,

408

Dever et al. 1970 : 23

409

Dever et al. 1974 : 48-50

411

Dever et al. 1974 : 56

410

Dever et al. 1974 : 50

412

Dever et al. 1986 : 48

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GEZER

première moitié du XIIe siècle413. Dever y voit l'activité de "squatters" ou un hiatus dans le secteur. Les éléments d'une occupation humaine restent par ailleurs limités. Le niveau 6 ouvre sur une nouvelle phase architecturale s'articulant autour d'un complexe public. La couche 6C correspond à une phase "pré-grenier" où la céramique bichrome n'est pas encore présente, et pouvant équivaloir à la phase de la céramique mycénienne IIIC:1b sur d'autres sites. Dans la couche 6B, coÎncident la fondation du grenier et l'apparition de la céramique bichrome. Pour W. G. Dever, l'ensemble est trop vaste pour constituer un bâtiment domestique et trop réduit pour représenter un palais. Sa fonction de bâtiment public utilitaire semble en revanche établie. Une activité liée au traitement du grain et à son stockage est notamment envisagée414. La couche 6A propose un assemblage céramique bien établi dans le Fer I, de la fin du XIIème siècle. Le grenier est détruit à la fin de la phase.

l'identification de Singer mais propose qu'un autre bâtiment, également dégagé par Macalister, puisse être interprété comme "résidence de gouverneur". Cette hypothèse apparaît plus plausible que celle de Singer : les critères topographiques invoquées quant à l'emplacement des bâtiments sont des critères valables pour confirmer l'une ou l'autre hypothèse. Bunimovitz considère qu'une importante bâtisse en brique, de forme carrée de 15 mètres sur 15, peut être identifiée avec l'un des lieux de résidence de l'autorité égyptienne. Il souligne que cet édifice ne représente peut-être qu'un lieu parmi d'autres sur le tell, lié à cette présence égyptienne. La découverte dans l'un des angles d'une pièce d'un dépôt de fondation, autorise une datation du bâtiment vers les XIIIème-XIIème siècles. Il n'est cependant pas possible d'être beaucoup plus précis. Si l'on peut émettre l'hypothèse que ce bâtiment coïncide avec une phase de contrôle direct du pouvoir égyptien durant la première moitié du XIIème siècle, elle n'en demeure pas moins invérifiable.

Les "résidences de gouverneur" retrouvées à Gezer : Itamar Singer fut le premier à réinterpréter415 un bâtiment dégagé par Macalister comme une "résidence de gouverneur". Cette interprétation est d'une grande importance car elle repose sur l'hypothèse que le niveau XIV du début du XIIème siècle voit l'établissement, à la suite de la campagne de Merneptah, d'un contrôle égyptien direct sur Gezer. Le chercheur en prend pour preuve les objets datant de l'époque des pharaons Merneptah, Ramses III et Ramses IX mis au jour par Macalister. Il en conclut que de tels objets, d'une rareté certaine, peuvent être difficilement attribués à une population de "squatters"416 telle que l'envisage W.G. Dever. La présence d'un tel bâtiment pour la première moitié du XIIème siècle entraîne une révision importante du type d'occupation du site à cette période. S'agit-il d'un hiatus comme le pense W.G. Dever, ou bien d'une occupation égyptienne comme le croit I. Singer ? D'un tel choix découle la détermination du rôle politique et administratif de Gezer pour l'ensemble du Bronze Récent III. A. Maeir417 rejette pour sa part l'hypothèse de Singer, pour des raisons stratigraphiques et topographiques. Le débat a été enrichi par S. Bunimovitz418, qui non seulement s'oppose à

Une muraille au Bronze Récent ? Le problème de la présence d'un rempart au Bronze Récent II reste l'un des points de discorde principaux entre les chercheurs. W.G. Dever s'est fait l'ardent défenseur de son existence, I. Finkelstein l'un de ses adversaire les plus tenaces. Dever est retourné sur le terrain en 1984 puis en 1990 pour tenter de mettre un terme à la polémique419. Aucune preuve suffisante n'a cependant pu être apportée au dossier, permettant de trancher ou d'accorder les chercheurs. La dernière contribution en date est celle de I. Finkelstein420, pour lequel il ne fait pas de doute que le rempart doit être daté du Fer II. Si aucun matériel n'a été trouvé en relation directe avec la base de l'enceinte, les tranchées de fondation contenaient en revanche de la céramique du Fer II421. La contribution de E. Yanai422 porte sur la datation de la porte extérieure et le mur d'enceinte adjoint. Le chercheur rejoint Dever en attribuant à ces éléments architecturaux une phase de construction au Bronze Récent. Yanai date la porte extérieure ainsi que la muraille extérieure entre le Bronze Récent II, qu'il situe stratigraphiquement en

413

Dever et al . 1986 : 58

414

Dever et al . 1986 : 73

419

415

Singer 1986-1987

289 : 33-54.

416

Singer 1986-1987 : 27

420

Finkelstein 1994 c

417

Maier 1988-1989

421

Finkelstein 1994 c : 277

418

Bunimovitz 1988-1989

422

Yanai 1994

75

Dever 1986 et hors bibliographie : BASOR 262 : 9-34 ; BASOR

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

niveau XIV, du début du XIIème siècle, et les hypothèses avancées par d'autres chercheurs pour la même période. Tandis que Dever considère que Gezer connaît un hiatus ou une présence de "squatters", Singer ou Yanai voient la construction d'une "résidence de gouverneur" ou du rempart et de la porte extérieure. On comprend bien que ces deux hypothèses ne peuvent coexister. La phase de passage du Bronze Récent II au Fer I est caractérisée par du matériel archéologique dans la continuité du Bronze Récent II. Une présence égyptienne accrue, comme elle l'est dans le sud de la Palestine, à Lachish par exemple, ne peut être déduite à Gezer qu'au travers d'objets trouvés par Macalister, et que les fouilles récentes ne tendent pas à confirmer. La conquête de Gezer par Merneptah a-t-elle constitué le préalable à un contrôle direct égyptien au siècle suivant, ou bien n'a-t-elle débouché que sur une période de fort déclin du site ? Ce dernier n'aurait pas retrouvé son statut politique perdu. On doit considérer que Gezer est occupé au Bronze Récent III, mais sa taille est réduite ainsi que son pouvoir politique. L'arrivée des Peuples de la Mer ne se marque donc pas par une destruction du site. Bien représenté sur plusieurs chantiers du site, le Fer I débute véritablement à Gezer avec l'apparition de la céramique bichrome. Les phases de construction, reprenant parfois des éléments architecturaux de la période précédente, indiquent, tout autant que la céramique, la réalité des continuités au cours du XIIème siècle à Gezer. Durant le Fer IB, on constate un dynamisme d'édification entrecoupé par des destructions, qui se révèlent nombreuses et fréquentes, comme dans le chantier VI. La présence de la céramique bichrome pose le problème de la présence philistine sur le site à partir de la fin du XIIème et au cours du XIème siècle. Dever considère que des Philistins ou groupes affiliés aux Peuples de la Mer s'installent, sans violence, à Gezer. Des analyses pétrographiques425 montrent que la céramique bichrome est de fabrication locale, tout en conservant des techniques issues du Bronze Récent. Leur pourcentage sur le site est faible, moins de 5% de la céramique exhumée426. Il est donc très possible que des groupes non cananéens se mèlent à la populations locale. Pour autant, avancer que le site se retrouve sous le contrôle de ces groupes nous paraît une hypothèse hasardeuse. On peut supposer que les phases de construction du Fer I correspondent à une période où le site se restructure, gagnant en taille. Son pouvoir local n'a

dessous, et la période philistine423. Ce qui revient à avancer une construction durant la première moitié du XIIème siècle. Une telle hypothèse paraît surprenante et contradictoire avec la vision que donnent les fouilles des zones d'habitation (chantiers I, II et VI). Concernant ce problème, A. Mazar adopte une prise de position raisonnable424. Il date le rempart extérieur de Gezer du Fer II. Son argumentation repose sur le fait que cette enceinte entraîne une augmentation de la superficie du site à une époque où les établissements de Palestine connaissent généralement une réduction de leur taille. Gezer présenterait alors un cas inhabituel, voire inexplicable sauf à considérer que l'absence de muraille sur la grande majorité des sites du Bronze Récent II ne détermine en rien une "règle" à laquelle Gezer devrait se plier. Il nous semble pourtant que les éléments stratigraphiques et matériels indiquent une édification de cette muraille au Fer II. Ces indices n'ont pas valeur de preuves et demeurent insuffisants pour déterminer avec assurance la datation du rempart. Alors que Gezer connaît un certain déclin et une réduction de sa taille au Bronze Récent II, il apparaît douteux que le pouvoir local ait réussi à mobiliser une main-d'œuvre abondante afin de réaliser une telle enceinte, d'autant que les problèmes liés au manque de ressources humaines à cette période touchent en premier lieu les cités-états.

Synthèse archéologique et historique Gezer présente une histoire mouvementée à la fin du second millénaire. Le Bronze Récent IIB correspond à un déclin urbain après la période d'ElAmarna, où le site jouit d'une certaine prospérité. Gezer ne connaît pas de destruction majeure à la fin du XIIIème siècle. La zone II subit un incendie mais les secteurs I et VI sont abandonnés sans être détruits. Le début du XIIème siècle est plus difficile à caractériser. En chaque zone on note une présence humaine, parfois avec une réutilisation des murs de la période précédente. Le site n'est pas abandonné durant cette période, même si l'occupation est peu dense. Vers le milieu du XIIème siècle, seule la zone I est détruite, les autres sont simplement abandonnées. Cet apparent ralentissement de la vie urbaine au cours de la première moitié du XIIème siècle est difficile à interpréter sur le plan historique. On constate une forte opposition entre les interprétations proposées par Dever à la suite de fouille des différents secteurs d'habitation pour le

423

Yanai 1994 : 286

425

Hughes-Smith 1986

424

Mazar 1997 : 252

426

Dever et al. 1986 : 87

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GEZER

cependant pas dû égaler l'importance de la cité-état du Bronze Récent II.

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CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

TEL MALOT Tell el-Malat - Tel Gibbethon / Gibbaton

Connaissance du site et identification Le site est mentionné par Thompson427, qui décrit des prospections et un sondage ayant révélé une occupation pour le Bronze Moyen II et le Bronze Récent. Plus récemment, des fouilles de sauvetage d'étendue restreinte sur la pente ouest du tell ont été menées en 1991 par le Département des Antiquités sous la direction d'Alon Shavit428. La fouille fait connaître une stratigraphie comportant quatre niveaux qui attestent une occupation depuis le Fer I jusqu'à la période byzantine. Des ramassages de surface ont permis la collecte de tessons du chalcolithique, du Bronze Ancien et du Bronze Récent. Il est impossible de savoir pour l'instant si ces périodes sont représentées par des niveaux en place sur le site, comme Thompson le prétend. A. Shavit considère pour sa part que le site peut être rapproché de la Gibbethon biblique, telle que Von Rad l'a identifiée.

Coordonnées : 1374.1404 Références concernant le site : - Fouilles : Shavit 1993 : 49- 50 - Etudes : Thompson 1979 : 319 (n° 1314.7) Dorsey 1991 : 185, map 13, n° 37 Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla Côte : 17,5 km ; Gezer : 5 km Superficie : b - 0,7 ha

Situation géographique et topographique Tel Malot occupe la partie sommitale d'une petite colline de 60 x 120 mètres, située dans la plaine côtière à proximité de la Basse Shéphéla. Son altitude ne dépasse pas le seuil des 100 mètres au dessus du niveau de la mer. Deux wadis proches limitent le site au nord et au sud : le wadi Abu Gummeza est à 250 mètres au nord, le wadi Ekron à 200 mètres au sud. Ils ont dû fournir au site son approvisionnement en eau. L'ensemble de la zone aux abords du site ne se place donc pas au débouché des principaux wadis de Shéphéla. La quantité des dépôts alluviaux doit y être considérée comme moins importante que celle des établissements plus au sud tels que les numéros 47, 48, 50. Tel Malot apparaît comme un établissement villageois typique, profitant d'une installation dans la plaine côtière pour développer des pratiques agricoles importantes. Il a pu jouir d'un rôle stratégique, certes secondaire mais néanmoins réel, lié à son emplacement proche de la jonction entre la plaine et la Basse Shéphéla. Le seul site à vue situé à cinq kilomètres à l'est est Gezer. Depuis la côte, il constitue le dernier établissement avant le domaine des collines de Shéphéla. Si l'on accepte l'existence d'une route de quelque importance reliant la côte à Gezer, cette dernière passe vraisemblablement par Tel Malot. Cet axe de passage offre au site, en particulier au Bronze Récent, l'opportunité de profiter des denrées transitant par cette route.

Historique de l'occupation du site LA STRATIGRAPHIE GENERALE: Le niveau 4 est le plus ancien fouillé. Un sol de terre battue associé à des murs en brique crue a été dégagé. La céramique retrouvée en place sur le sol est datable du Fer I. L'indication de tessons philistins permet de dater l'occupation du Fer IB. Les niveaux 3 et 2 datent du Fer II. Le premier comporte un sol avec de la céramique lustrée rouge typique du Xème siècle. Le niveau 2 date du VIIème siècle.

Synthèse archéologique et historique Tel Malot, établissement d'une taille moyenne pour un site villageois, propose une séquence stratigraphique qui prend tout son sens par la mise en relation de la période du Bronze Récent reconnue lors des ramassages de tessons avec l'occupation attestée au Fer I. On ne peut cependant préciser si le site est occupé jusqu'à la fin du Bronze Récent II, ou bien détruit ou abandonné au Bronze Récent III lors des troubles affectant la plaine côtière. Durant le Bronze Récent, il se trouve sous le contrôle direct de Gezer. A la fin du XIIème siècle, au Fer I il connaît une réoccupation. Il se retrouve alors dans la zone d'influence culturelle philistine, ou bien fait partie du domaine d'extension politique de la Philistie. La présence de tessons de céramique bichrome 427 428

78

Thompson 1979 : 319 (n°1314.7) Shavit 1993 : 49-50

TEL MALOT

philistine est insuffisante pour distinguer de simples relations commerciales avec les centres urbains de Philistie, d'un contrôle politique par ces derniers. L'établissement fait partie de ces rares villages de la plaine côtière philistine dont la gestion du territoire agricole devait constituer la fonction principale. Tel Malot soutenait ainsi le centre de Tel Miqne/Ekron. Il connaît par la suite une relative continuité d'occupation durant le Fer II jusqu'à la période perse429.

429

Shavit 1993 : 50

79

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

cela se révèle le cas pour Gezer. Tel Safit se place au croisement de deux voies principales, lui attribuant un rôle central dans l'organisation des routes du sud de la Palestine. L'axe parallèle à la Via Maris longeant la Basse Shéphéla croise, devant le site, la route permettant depuis la plaine côtière de rejoindre les monts de Judée et Jérusalem, en empruntant la vallée de la 'Ela. Du sommet du tell, aucune colline proche ne vient gêner la vision, aussi la vue commande-t-elle un vaste territoire depuis la plaine côtière, des abords de la mer jusqu'aux premières collines de Haute Shéphéla. La vue porte suffisamment loin pour qu'un site comme Tel Goded à une dizaine de kilomètres soit bien visible.

TEL SAFIT Tell es Safi

Coordonnées: 1356.1233

Références concernant le site : - Fouilles : Stern 1993 : 1552-1554 - Etudes : Rainey 1975 Thompson 1979 : 356 (n° 1312.05) Schniedewind 1998 Situation géographique : Basse Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 23 km ; Est Tel Safit (170) : 1,5 km Nord Tel Safit (169) : 4,4 km ; Tel Harassim : 4,5 km ; Kh. Shaha (171) : 4,7 km Kh. Rugm ad-Darbi (91) : 6,8 km ; Tell el-Turmus (72) : 7,5 km ; Azekah : 8,7 km Cités-états de Shéphéla : Lachish : 15 km ; Gezer : 18 km Superficie : d/f - 10 à 15 ha

Connaissance du site et identification Tel Safit fait partie de ces importants tells du sud de la Palestine sur lesquels on possède particulièrement peu d'informations. Le site a rapidement été assimilé à l'emplacement d'une antique cité. Son identification fait en revanche, encore actuellement, l'objet de controverses. Plus d'un siècle de débats de géographie historique n'a pas permis d'arriver à un plein accord sur l'emplacement de l'ancienne cité de Gath. Cette dernière est mentionnée dans les archives d'ElAmarna comme lieu de résidence de Shuwardata, roi de la ville. Il s'agit d'une des principales citésétats du sud de la Palestine, au même titre que Lachish, Gezer, Ashkelon, Yurza ou Jérusalem. L'hypothèse proposée par J. L. Porter en 1877, concernant l'identification de Tel Safit avec Gath, est cependant lentement acceptée. A. Rainey puis N. Na'aman430 l'ont défendue. La localisation de Gath s'est en l'occurence effectuée par élimination. Une lettre amarnéenne envoyée par Shuwardata évoque une coalition de trente villes contre lui. Il en a été conclu que Gath ne pouvait se trouver que dans une zone peuplée. Or les monts de Judée au Bronze Récent II ne possèdent qu'un nombre limité d'établissements. La Shéphéla apparaît donc comme toute désignée pour être la région où se trouve Gath. Stager431 a récemment proposé d'associer la Gath de Shuwardata à Tel Haror dans la plaine côtière du nord Néguev. Une telle identification, pour surprenante qu'elle puisse paraître, a surtout permis de relancer le débat sur ce problème épineux. Une recherche récente menée par Schniedewind432 montre, sans lever pour autant

Situation géographique et topographique Tel Safit constitue sans aucun doute l'un des tell les plus impressionnants du sud de la Palestine, se situant à la rencontre de la Basse Shéphéla et de la plaine côtière. Un vaste massif rocheux, s'élevant au milieu de la plaine environnante, constitue la base sur laquelle les différentes cités se sont développées. Cet imposant promontoire présente une topographie accidentée. Il culmine à 213 mètres d'altitude et surplombe la plaine d'une centaine de mètres. Sur certains de ses côtés, au nord et à l'est, il offre à la vue des parois blanches crayeuses à pic, conférant au site une position naturelle défensive hors pair dans la région. Vers l'ouest et au sud, des terrasses en pente relient moins abruptement le sommet à la plaine. Ces terrasses, diversement étagées, reflètent les occupations au cours de différentes périodes. La vallée de la 'Ela jouxte le site au nord. Elle possède en cet endroit une largeur et une platitude s'expliquant par son débouché dans la plaine côtière. Le lit actuel du wadi a certainement varié, et ce qui est aujourd'hui une piètre rivière a connu des changements dans son tracé et son débit. Ses méandres anciens seraient à mettre en relation avec des extensions du site à certaines périodes en dehors des strictes limites topographiques du tell. L'alimentation en eau repose sur le wadi ainsi que sur des sources se trouvant à près d'un kilomètre au nord-est. Un petit établissement s'est développé en cet endroit, comme

430

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Rainey 1975 ; Na'aman 1979

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Stager 1995 : 343

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Schniedewind 1998

TEL SAFIT

tous les doutes433, que Tel Safit et Gath peuvent très raisonnablement être associés. La connaissance fort limitée du site repose sur le fait que les premières fouilles dirigées par Bliss et Macalister en 1899 pour le compte du Palestine Exploration Fund, n'ont été suivies par aucune autre depuis près d'un siècle. A. Maeir et T. Schneider ont repris l'étude archéologique du tell et des fouilles y sont réalisées depuis 1997.

Synthèse archéologique et historique Le tableau historique que l'on peut brosser se restreint à de grandes lignes. Le Bronze Récent II a dû représenter une période de prospérité politique et certainement économique. Tel Safit est un centre régional contrôlant une région moins étendue en surface que les cités-états voisines, mais avec une densité de sites plus importante. La destinée du site ne s'apparente à celle d'aucune autre cité-état de Shéphéla, Gezer ou Lachish. Il faut voir en Ashkelon ou en Ashdod des cas plus proches. Le territoire de Tel Safit-Gath forme en Palestine, au Bronze Récent II, la zone la plus peuplée en nombre de sites et certainement en densité de population436. L'apparition de la céramique mycénienne IIIC:1b marque l'installation de populations philistines sur le site durant la première moitié du XIIème siècle. Alors que Tel Miqne passe de 3 à 20 hectares avec un apport de population philistine peut-être important, Tel Safit possède déjà une grande superficie au Bronze Récent II, de l'ordre d'une dizaine d'hectares. Il est estimé qu'il en atteint 15 au Fer I437. Il s'agit pourtant là d'estimations purement spéculatives. L'évolution du site au cours du Fer I, le passage au Fer II, restent des questions sans réponses et lors de son extension maximale, peutêtre au cours du Fer II, il a pu couvrir une superficie d'une trentaine d'hectares438. La proximité du site avec Tel Miqne a, pour certains, pris l'allure d'un dilemme empêchant l'identification de Tel Safit avec Gath439. En effet, seuls huit kilomètres séparent ces deux cités philistines. Des établissements de cette importance, au Fer I et à d'autres périodes, impliquent des interrelations étroites mais différenciées. On considère ainsi que les deux sites ont connu des développements distincts440 : Gath se serait développé au Bronze Récent II et au début du Fer I puis au début du Fer II, quant à Tel Miqne, son développement maximum se situerait au VIIème siècle avec la gestion de l'établissement par les Assyriens. Cette absence de parallélisme entre les deux sites, ne constitue cependant qu'une hypothèse sans fondement. Ce postulat n'est pas conforté par le fait qu'au Fer I, les deux sites atteignent leur plus grande étendue, preuve d'un dynamisme commun et parallèle à cette période.

Historique de l'occupation du site Le tell présente une complexité réelle dans son occupation. Il est très difficile pour l'instant de se prononcer sur les zones occupées à certaines périodes plutôt qu'à d'autres. Bliss et Macalister ont mené des fouilles dans cinq zones, A à E, réparties sur l'ensemble du tell. La stratigraphie rencontre des couches en place dont la puissance peut atteindre une dizaine de mètres au dessus du rocher434. Trois grandes périodes ont été isolées et nommées Early Pre-Israelite, Late PreIsraelite et Jewish. Les fouilles anciennes ont livré des céramiques importées mycéniennes et des objets égyptiens du Bronze Récent II se rattachant au niveau Late Pre-Israelite. Des ramassages de surface435 indiquent une présence importante au cours du Bronze Ancien II-III, du Bronze Récent II, du Fer I et du Fer II. De la céramique philistine monochrome ainsi que bichrome sont les témoins d'une occupation au cours du Fer IA et IB. Mais seule une distinction entre des périodes grossièrement déterminées peut être effectuée. La stratigraphie issue des fouilles du XIXème siècle ne saurait livrer des éléments plus précis permettant d'identifier la succession des couches d'un niveau à l'autre, et surtout de distinguer les destructions des continuités. On pourrait être tenté, pour remédier au manque de données, de plaquer la chronostratigraphie de Tel Miqne ou d'Ashdod sur celle de Tel Safit avec laquelle il est envisageable qu'elle présente de nombreux points communs. Quant aux fouilles en cours, elles sont encore trop récentes mais ne manqueront pas d'apporter des informations capitales sur ces périodes.

433

Ils ne le pourraient que par une découverte identique à celle

faite à Tel Miqne, d'une inscription précisant le nom du site. Gitin

436

Finkelstein 1996 d : 223

S., Dothan T., Naveh J. 1997 "A royal dedicatory inscription from

437

Finkelstein 1996 c : 241-242

Ekron". Israel Exploration Journal 47 : 1-16

438

Schniedewind 1998 : 70

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Stern 1993 : 1522

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Stager 1995

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Meir, comm. pers.

440

Schniedewind 1998 : 70

81

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

TEL MIQNE

SITUATION ENVIRONNEMENTALE : La situation géographique de Miqne, avec des plaines à ses abords semble le prédisposer à l'agriculture. Sans mettre en doute cette activité, il est possible de nuancer le propos en prenant pour exemple la situation du site au Fer II. Les habitants de Miqne développent à cette époque un quartier industriel entièrement lié à la fabrication de l'huile d'olive. Plus d'une centaine d'installations de pressage ont été exhumées441. La mise en place d'une telle activité nécessite-t-elle que les oliviers se situent tous à proximité ? On peut penser qu'un nombre important d'entre eux appartenaient aux villages sous la dépendance du centre de Tel Miqne.

Khirbet el-Muqanna' Coordonnées : 1356.1315 Références concernant le site : - Fouilles : Dothan, Gitin 1986 ; 1987 a-b ; 1988 ; 1993 - Etudes : Naveh 1958 Thompson 1979: 337 (n° 1313.06) Dothan T. 1990 ; 1993 b ; 1995 ; 1997 ; 1998 Gittlen 1992 Gitin, Dothan, Naveh 1997 Killebrew 1998 a-b

Connaissance du site et identification Tel Miqne, de par sa topographie peu marquée, a pendant longtemps fait l'objet de controverses et d'un repérage limité. Dès la fin du XIXe siècle, la partie "haute" du tell est identifiée comme site antique dans les publications du Palestine Exploration Fund en 1882 et de Clermont-Ganneau en 1896, mais son étendue totale ne sera repérée de manière assurée qu'en 1957 par Naveh. Son identification porte alors à l'associer à l'Ekron qu'une inscription récemment biblique442, découverte sur le site a confirmé443. Que le site ne fasse l'objet d'aucune mention dans des textes ou archives du Bronze Récent peut constituer un indice quant au rôle mineur politique de l'établissement au cours du Bronze Récent II. Ce n'est qu'à partir du Fer II et des documents des VIIIème-VIIème siècles des rois assyriens que le site est clairement mentionné. Notons que l'Ancien Testament y fait référence à plusieurs reprises en particulier dans le livre de Josué444. Les premières prospections réalisées par Albright en 1924 puis par Naveh, ne furent suivies de fouilles qu'en 1981. Le déroulement d'un projet d'envergure internationale vient de permettre d'y achever des campagnes de fouilles régulières depuis 1981 jusqu'en 1996. Il s'agit d'un projet dirigé par Trude Dothan et Seymour Gitin. Les fouilles récentes n'ont pas encore été publiées. Des articles surtout généraux ont vu le jour, portant davantage sur les objets exhumés - qui par leurs affinités égéennes, tendent à nous renseigner sur l'identité ethnique des Philistins - que sur une description détaillée de la stratigraphie. La reprise des fouilles en 1995 et 1996 sur la partie haute du tell concernant

Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla puis plaine côtière Côte : 20 km ; n° 49 : 2,3 km ; n°50 : 2,9 km ; n°75 : 3,1km Tel Harassim : 4,5 km ; Batash : 6 km ; Safit : 8 km Superficie : c / e - 3 à 20 ha

Situation géographique et topographique Tel Miqne se situe dans la plaine côtière, à près de deux kilomètres des premières collines de Shéphéla. Entouré de plaines, il s'en distingue à peine. Des dépôts alluviaux de période byzantine ou même postérieurs ont augmenté le niveau de la plaine, masquant par endroit la réelle différence de hauteur entre cette dernière et le tell qui s'élève à une altitude de 108 mètres mais ne domine la plaine que de 7 mètres au maximum. On note deux zones distinctes avec une ville haute couvrant une superficie avoisinant les trois hectares, et une vaste ville basse d'une vingtaine d'hectares. Le site est directement bordé à l'est et au nord par le wadi Timna. Au Bronze Récent, l'importante route longeant la Shéphéla passe à proximité du site. La taille moyenne de l'établissement à cette époque l'a certainement conduit à assurer un contrôle sur les quelques établissements de dimension réduite situés dans un rayon de trois kilomètres aux alentours. Sous le contrôle visuel direct de Miqne ces derniers devaient dépendre politiquement de Tel Miqne, luimême sous la dépendance de Tel Safit.

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441

Dothan T., Gitin 1993 : 1057

442

Naveh 1958 : 166-170 ; Dothan T., Gitin 1993 : 1052

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Gitin, Dothan, Naveh 1997

444

Jos. 13 : 3 ; 15 : 11, 45-46 ; 19 : 43

TEL MIQNE

les niveaux de la fin du second millénaire reste encore totalement inédite.

de 48 mètres de longueur et de 5 mètres de largeur. On y distingue quatre grandes phases 11, 10, 9 et 8 respectivement datées du XIVème et XIIIème siècles, et les deux dernières du XIIème siècle. Cette tranchée constitue donc le seul secteur susceptible de fournir les éléments permettant de comprendre la transition du Bronze Récent II au Fer I. Une stratigraphie relativement précise est disponible. La phase 11A-C correspond à l'époque du Bronze Récent IIB. On trouve en 11B une tombe contenant des objets égyptiens datant de la XIXème dynastie446. La couche 11A, a livré des céramiques importées chypriotes et mycéniennes IIIB, le tout associé à de l'architecture. Une couche de destruction scelle cet habitat447. La phase 10, présenté sous l'aspect d'un seul niveau, comporte en fait quatre couches. On distingue donc, pour ce qui est considéré comme la fin du XIIIème siècle, deux grandes phases. La phase 10C comprend une activité artisanale liée à un travail du bronze. La phase 10A-B voit l'installation d'une zone d'habitations. Une découverte notable se situe en 10A. Il s'agit de tessons de cratères de céramique grise troyenne ou "Trojan Grey ware"448. Cette céramique, qui se place sur un horizon stratigraphique correspondant à Troie VIh-VIIa449, atteste des lointaines connections de Tel Miqne avec l'Anatolie. Mais de quand dater précisément ces relations ? De l'extrême fin du XIIIème ou du début du XIIème siècle ? Quant à l'ensemble de la phase 10 à Miqne est censé dater de la fin du XIIIème siècle. Une telle interprétation ne convient que partiellement. Comment expliquer, en effet, qu'une période de temps si limitée ait été l'objet de transformations architecturales dont l'ampleur a certainement demandé plus de temps ? La volonté de faire coïncider la stratigraphie du site avec la chronologie voulue nous semble ici quelque peu hasardeuse. Rappelons que la phase 10 a été isolée dans une zone réduite inférieure à un carré. En tirer des conclusions de grande portée se révèle donc risqué.

Historique de l'occupation du site L'occupation de Miqne au Bronze Récent II se limite au tell haut, soit un espace ne dépassant pas trois hectares. Une étude du matériel445 a montré que si les fouilles ont livré de la céramique du Bronze Récent sur l'ensemble du site, ce n'est que sur sa partie haute que de la poterie du Bronze Récent se retrouve en stratigraphie. Dans les autres chantiers, elle est contenue dans les murs en briques construits postérieurement. Au Fer I, l'arrivée des Peuples de la Mer dans la région et leur installation à Tel Miqne voient l'extension immédiate du tell. Le site retrouve ses dimensions du Bronze Moyen II, lorsqu'il était délimité par un rempart, certainement encore bien visible topographiquement au Fer I, encerclant une superficie d'une vingtaine d'hectares. L'ensemble du site se couvre alors de constructions, habitations et temples en un laps de temps apparemment assez court. L'impulsion donnée par les Philistins, dont le nombre et l'installation font l'objet de débats, apparaît comme bien réelle. Le nombre des Philistins a dû être limité, plusieurs centaines voire quelques milliers d'individus venant s'ajouter à une population majoritairement cananéenne. Comment expliquer que le site passe de trois à près de vingt hectares en une génération ? Y a-t-il eu, après la destruction par les Peuples de la Mer de nombreux sites voisins, une redistribution des populations locales se regroupant dans quelques sites urbains, tels Tel Miqne et Tel Safit ? Ainsi s'expliquerait le passage d'un site de taille et de statut secondaire à celui d'un centre régional, l'un des plus vaste au Fer I en Palestine.

STRATIGRAPHIE GENERALE : Les fouilles, quel que soit le chantier, se sont arrêtées sur le sommet des niveaux du Bronze Moyen II. En de nombreuses zones ont été trouvés, hors d'un contexte stratigraphique, des tessons de la fin du chalcolithique, du Bronze Ancien I et II, du Bronze Moyen II. La fouille s'est concentrée sur les niveaux de la fin du second millénaire, avec le Bronze Récent II et le Fer I. Puis elles ont porté sur le Fer II, en particulier sur les VIIIème-VIIème siècles.

LES FOUILLES : Chantier I : Il s'agit du seul chantier situé sur le tell haut. Il a livré la séquence stratigraphique la plus complète du site. Seule cette partie du site était occupée au Bronze Récent II. La fouille consiste en une tranchée 445

Gittlen 1992

83

446

Dothan T., Gitin 1986 : 105

447

Dothan T., Gitin 1987 : 64

448

Allen 1994 ; Na'aman 2000 b

449

Allen 1994 : 39-42

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux / Chantiers

IX

VIIIB

VIIIA

I

Xvème / XIVème siècle 12 A-C

XIVème / XIIIème siècle 11 A-C

III

/

IV

/

Périodes

Fin XIIIème (et début XIIème siècle) 10 A-D

VII Myc. IIIC:1b Début XIIème (milieu XIIème siècle) 9 A-D

VI Bichrome Fin XIIème siècle

V Bichrome XIème siècle

8 A- C

7, 6 A-B

/

/

/

5

4B

/

/

7 A-B

6 A- B

5 A- C

A. Killebrew a dirigé la fouille du chantier I. Pour la phase 10, correspondant au niveau VIII450, elle note qu'à un matériel majoritairement local aux formes peu nombreuses451, s'ajoutent des importations limitées à quelques tessons, ceux de céramique grise troienne et d'un bol chypriote de catégorie White Painted Wheel Made III452. On se situerait donc dans une phase ne comprenant plus les importations caractéristiques chypriotes et mycéniennes, et bien dans une nouvelle phase possédant un matériel local diminué, et située avant l'installation des Peuples de la Mer. Pour A. Killebrew, la phase 10 serait contemporaine du niveau VI de Lachish453. Le niveau 9A-D possède également une succession de plusieurs couches bien distinctes, mais 9D et 9C représentent surtout des phases de construction. La phase 9B constitue la première occupation réelle associée à un four de potier. Il est généralement précisé que la céramique monochrome fait son apparition dans ce niveau en 9D454. Ce n'est cependant qu'en 9B qu'on la trouve en quantités plus significatives455. Il est ainsi fait référence à l'étonnante proportion de la céramique mycénienne IIIC:1b dès son apparition (la céramique Mycénienne IIIC:1b correspond à un type particulier au sein de la catégorie plus large des White Painted Wheel Made III), pouvant représenter jusqu'à 60% de la poterie exhumée456, mais aux abords immédiat d'un four qui a pu produire cette céramique. Or les pourcentages ne sont pas précisés pour d'autres lieux. On constate par ailleurs dans ce secteur l'édification d'une enceinte en

450

brique de 3,25 mètres d'épaisseur457 et située près du four attribué à la réalisation de la céramique Mycénienne IIIC: 1b. L'enceinte est datée de la couche 9 D. Elle est mise en parallèle avec la première phase de l'installation des Peuples de la Mer à Tel Miqne. Les phases 8A-C marquent l'avènement de la céramique bichrome philistine. Notons que ce chantier montre une évolution intéressante, à savoir le passage graduel de la céramique monochrome à la céramique bichrome. Il n'y a pas de séparation tranchée mais bien une évolution selon des quantités inversement proportionnelles458. Ce niveau voit le remplacement de la zone artisanale par un habitat avec plusieurs phases architecturales aux plans différents. A partir de la phase 8C, la poterie monochrome diminue dans chaque couche et la bichrome devient prépondérante en 8A. Les niveaux 7 et 6 de la première moitié du XIème siècle et de la seconde période de la poterie bichrome voient un développement de l'architecture édifiée à la période précédente. Chantier III : Cette zone nous paraît primordiale pour caractériser avec précision le processus d'urbanisation affectant le site au cours du début du Fer I. Son emplacement, diamétralement opposé à la ville haute, donne à cette zone une place révélatrice de l'extension de l'occupation du site durant le XIIème siècle. Or il apparaît, bien que les fouilleurs n'insistent guère sur ce point, que cette partie du site n'est pas occupée durant la première phase de la présence philistine. Ce n'est qu'à la période suivante avec le niveau 5, correspondant à la phase de la céramique bichrome, qu'un rempart en brique crue est édifié, ainsi que des habitations. L'enceinte reprend le tracé des limites du site au Bronze Moyen II. Son étendue couvre alors l'ensemble de la superficie du tell. Quelle est l'étendue de l'occupation du site à chaque phase philistine, monochrome puis bichrome ? Comment s'effectue le

Killebrew, comm. pers., novembre 1998 : A. Killebrew

considère que la phase 10 correspond au niveau VIII dans l'aire I seulement et pas avec le niveau VIII des autres zones. 451

Killebrew 1998 : 391

452

Killebrew 1998 : 383

453

Killebrew, comm. pers., novembre 1998 ; Na'aman 2000 b : 3

454

Dothan et Gitin 1987 : 64

457

455

Killebrew 1998 : 383

initiale (monochrome) de l'installation des philistins ?

456

Dothan T. 1998 : 152

458

84

Est-ce que le rempart est limité au tell haut durant la phase Dothan, Gitin 1986 : 105

TEL MIQNE

redéveloppement du site ? S'opère-t-il lors d'une période brève ou bien s'étale-t-il durant l'ensemble de la seconde moitié du XIIème siècle ?

Synthèse archéologique et historique Tel Miqne constitue un site majeur pour la compréhension de l'installation des Peuples de la Mer en Palestine, dès leur arrivée à l'intérieur des terres. Les publications actuelles et le manque de données concernant la stratigraphie, l'architecture et la poterie, qui nécessiteraient une présentation articulée des domaines entre eux, empêchent de se prononcer avec toute l'assurance souhaitée sur ces sujets. La distinction importante entre la fin du Bronze Récent II et le début du Fer I se perçoit tant dans l'organisation urbaine de la ville que dans son plan ou sa culture matérielle. Le passage d'une période à l'autre, s'il est brutal comme on se plaît à l'imaginer en présentant deux phases successives avec le Bronze Récent II (VIII) débouchant directement sur le Fer I (VII), s'accompagne de deux éléments majeurs : l'apparition subite de la céramique mycénienne IIIC:1b et la construction d'un rempart en brique crue au moins sur la partie haute du tell. Le doute porte moins sur la datation relative que permet cette céramique que sur la couche précise où cette dernière apparaît. La séquence chronologique doit donc être très précise, afin de pouvoir dater le laps de temps entre la fin des importations chypriotes et mycéniennes à la fin du XIIIème et l'apparition de la céramique monochrome. Certaines couches, entre 10A (VIIIA) et 9B (VII) demandent une approche microstratigraphique. Les affirmations parfois rencontrées, quant à l'apparition de la céramique monochrome dans la couche 9D, sont trop peu précises lorsqu'on sait que ce n'est que dans la phase 9B qu'on la trouve en quantité significative. Ceci estil le signe d'un développement et d'une diffusion lente de ce type céramique, ou bien le résultat du déplacement des tessons d'une couche à l'autre, par érosion et autres effets mécaniques ? Il semble bien qu'il existe une couche entre la cessation des importations et la phase monochrome avec la phase 10 A. Qu'en est-il précisemment des phases 9 D-C ? La couche 10A possédant la céramique grise troyenne doit ainsi être datée du début du XIIème siècle463, phase postérieure à l'arrêt des importations des céramiques chypriotes et mycéniennes. L'extension de la cité au Fer I est un fait certain. On peut cependant émettre quelques réserves quant au fait de savoir si l'installation des Philistins entraîne une extension immédiate du site atteignant sa superficie maximale dès le niveau VII, ou bien si le processus s'étend, sur une génération au moins, pour culminer durant le niveau VI. La datation du rempart dans le chantier I est effectuée à partir de la

Chantier IV : Ce secteur se place au centre de la ville basse. Une étendue assez vaste a été dégagée. Sa réoccupation après le Bronze Moyen II s'effectue dès le début du Fer I, lors de la phase Mycénienne IIIC:1b. Cette zone a livré une architecture monumentale interprétée comme ayant une vocation cultuelle, avec un temple construit sur un sanctuaire. Des objets en bronze et en fer possédant des connotations cultuelles ont été exhumés dans ce lieu459. Le niveau 6 A-B correspond à la céramique bichrome et voit l'édification d'un bâtiment monumental. Le niveau 5 A-C du XIème siècle prolonge le caractère religieux de l'espace, avec des pièces identifiées comme cultuelles. L'élément considéré comme le plus représentatif de la culture égéenne par Trude Dothan correspond au large foyer de près de deux mètres de diamètre et recouvert de petits galets retrouvé à Miqne et qu'elle assimile à ceux des palais égéens. Il représente la signature des traditions culturelles et de la structure sociale des nouveaux arrivants460. Deux foyers ont été découverts, dans les chantiers III et IV. Ils possèdent un unique équivalent dans le temple de Leur forme prétendûment Tel Qasile461. "caractéristique" leur a valu une identification immédiate de foyer mis en rapport avec des exemples égéens. Or la fouille proprement dite de l'un des deux, en 1995, a révélé qu'il s'agissait en fait d'une structure de stockage du grain, vaste silo circulaire de 2,5 mètres de diamètre. La fouille du "foyer" du chantier IV a donné les mêmes résultats. En l'état actuel des recherches, il semble que l'hypothèse des "foyers égéens" pour ces deux structures circulaires doive être écartée. Il n'en est pas forcément de même pour les quelques dizaines de petits foyers ronds de près d'un mètre de diamètre, également recouverts de galets retrouvés en divers endroits sur le site462. Tous ces foyers connaissent une période d'utilisation depuis l'apparition de la céramique mycénienne IIIC:1b jusqu'à la céramique bichrome du milieu du XIème siècle.

459

Dothan T. 2002

460

Dothan T. 1995 : 42

461

Dothan T. 1998 : 158

462

Dothan T. 1998 : 156

463

85

Na'aman 2000 b : 3-4

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

céramique monochrome retrouvée en liaison avec lui. Si l'apparition de cette poterie n'est pas assurée, - 9D ou 9B -, comment déterminer de manière certaine que le rempart date du premier quart du XIIème siècle ? La construction du rempart ceinturant l'ensemble du site s'effectue durant le niveau VI. En est-il de même pour l'occupation du secteur III ? L'apparition d'un nouveau type de céramique tend par ailleurs à faire oublier la présence de la céramique locale de tradition cananéenne. Il serait nécessaire de posséder plus d'informations sur les continuités culturelles telles celles des dépôts de fondation 464. De tels dépôts existent aussi bien au Bronze Récent II que dans le niveau VI du Fer IB. Qu'en est-il pour le niveau VII ? S'agit-il d'un redéveloppement de pratiques culturelles cananéennes s'effectuant en parallèle avec l'assimilation de la population philistine, ou bien est-ce un trait culturel local persistant durant l'ensemble des périodes du Bronze Récent IIB et du Fer I, comme c'est le cas dans d'autres sites du sud de la Palestine ? Les recherches actuelles montrent à quel point T. Dothan oppose les données matérielles issues de Tel Miqne à celles de D. Ussishkin et d'I. Finkelstein pour Lachish. Ce débat entre les fouilleurs de ces deux sites revient pour chacun à vouloir imposer sa chronologie pour les XIIème-XIème siècles. I. Finkelstein abaisse la chronologie d'au minimum un demi-siècle, datant l'apparition de la céramique Mycénienne IIIC:1b de la fin du XIIème siècle, alors que T. Dothan la date du premier quart du XIIème siècle. Ce débat ne se limite pas seulement à la transition de l'Age du Bronze à l'Age du Fer, puisque l'abaissement du Fer I reste pour I. Finkelstein, la condition sine qua non de sa redéfinition du Fer II, et en particulier des X-IXème siècles. Ce qui est ici en jeu, et qu'illustre la chronologie de Tel Miqne, concerne l'ensemble de la chronologie de la Palestine. Pour T. Dothan et I. Finkelstein, il s'agit de conserver une chronologie considérée comme haute ou basse, donc d'accepter un glissement de plus d'un demi-siècle se répercutant au minimum sur les trois siècles suivants, donc jusqu'au IXème siècle.

464

Bunimovitz, Zimhoni 1993

86

TEL BATASH

Connaissance du site et identification

TEL BATASH Tell el-Batasheh

Le site est visité en 1871 par C. ClermontGanneau qui l'assimile à un camp romain du fait de sa forme rectangulaire. Il faut attendre les années 1940 avec les prospections de B. Mazar et J. Kaplan pour que l'importance du site pour les périodes protohistoriques soit reconnue. Des prospections plus récentes en 1976 par Z. Kallai et A. Mazar permettent la collecte de tessons du Bronze Récent et de l'Âge du Fer. Les premières fouilles débutent en 1977 pour s'achever après douze campagnes en 1989. Elles ont été dirigées par George L. Kelm et Amihai Mazar. Après une identification erronée du site avec Ekron, attribué par la suite à Tel Miqne, Tel Batash demeure le seul site possible pouvant être identifié avec la Timnah biblique. Le seul texte dans lequel Timnah est mentionnée est l'Ancien Testament465. Aucun document de la fin du second millénaire ne fait pour sa part référence au site de Tel Batash.

Coordonnées : 1416.1325

Références concernant le site : - Fouilles : Kelm, Mazar 1982 ; 1985 ; 1991 Mazar, Kelm 1993 Mazar 1997 c - Références : Thompson 1979 : 339 (n° 1413.07) Situation géographique : Basse Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 25 km ; Khirbet Man'an (n°75) : 4,6 km Tel Miqne : 6 km ; Bet-Shemesh : 7 km ; Gezer : 8 km Superficie : c - 2,5 ha

Situation géographique et topographique Tel Batash occupe une position peu courante, voire originale. Sa situation géographique globale le rattache à la Basse Shéphéla, près de la bordure avec la plaine. Mais sa position topographique à part, entourée de plaines au sein d'une large vallée à une altitude relativement peu élevée, place distinctement le site dans le domaine de la plaine côtière. Tel Batash se situe à un point stratégique dans la vallée du Soreq, ou wadi Sarar, l'une des principales vallées de la région. Le wadi borde l'établissement à près de 100 mètres à l'est et au nord. Il constitue une barrière naturelle mais aussi un lieu précieux pour ses ressources en eau. Le tell se distingue aisément de la plaine. Il est à 131 mètres d'altitude et son rempart du Bronze Moyen, encore bien visible dans la topographie, le fait surplomber la plaine de 13 mètres. Le tell possède une forme rectangulaire de 200 sur 200 mètres pour ses limites extérieures. La surface occupée à l'intérieur du rempart, une superficie de 2,25 hectares, s'étend sur 150 x 150 mètres. Sa position stratégique lui permet de commander tout passage utilisant la vallée depuis la plaine côtière en direction des monts de Judée. Peu de sites se trouvent en revanche directement visibles depuis le tell, puisque ce dernier est bordé par des collines plus hautes qui limitent sa vue.

Historique de l'occupation du site La première occupation du site remonte au Bronze Moyen IIB, lorsqu'est édifié, ce qui marquera pour l'ensemble des époques postérieures la topographie du tell, un vaste quadrilatère de 200 mètres de côté. Cette levée de terre constitue l'un des meilleur exemples en Palestine de ce type de défense pour le Bronze Moyen, dont Qatna ou Hazor représentent les plus impressionnants. Il est généralement considéré que la superficie de l'occupation du site a peu varié au cours du second millénaire. On ne distingue pas de ville haute, éventuel témoin d'une réduction de l'agglomération à une époque donnée.

STRATIGRAPHIE GENERALE : Les différents chantiers fouillés ont permis de déterminer une stratigraphie relativement homogène d'un secteur à l'autre. Deux niveaux du Bronze Moyen IIB précèdent une succession ininterrompue de cinq niveaux pour l'ensemble du Bronze Récent. Ce dernier est donc bien représenté et l'on constate que chacun s'achève, sauf le Bronze Récent II, par une importante destruction. Pour le Fer I, le niveau isolé est composé de plusieurs phases indiquant une occupation assez longue et continue.

465

87

Jos. 13 : 3 ; 15 : 11, 45-46 ; 19 : 43

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux Phases A B + autres chantiers

X

IX

VIII

VII

VI

V

BR IA Destruct. / X

BR IA-B Destruct. / IX

BR IB Destruct. 12 VIII

BR IIA Destruct. 11, 10, 9 VII

BR IIB

Fer I Bichrome 7?, 6 V

8? , 7? VIB, VIA

Chantier B : C'est dans ce secteur que l'on a dégagé sur la plus grande superficie les niveaux de la fin du second millénaire. Les couches du Bronze Récent I et II possèdent les éléments caractéristiques que l'on peut attendre de tels niveaux, avec en particulier des importations chypriotes. On constate une forte continuité architecturale depuis le niveau X (Bronze Récent IA) jusqu'à VII (Bronze Récent IIA) avec une réutilisation des principaux murs469. Un exemple intéressant est constitué par un imposant édifice du niveau VIII. Détruit à la fin de la période, il est reconstruit au niveau VII avec des transformations. Il devient alors un important bâtiment considéré comme la résidence d'un potentat local470. Les espaces y sont séparés par deux rangées de cinq piliers possédant des bases en pierre471. Son originalité réside dans l'utilisation de poteaux pour soutenir l'ensemble de l'espace couvert. Ce bâtiment présente une division tripartite que l'on retrouvera au Fer I. Il représenterait donc l'un des rares antécédents des fameuses maisons à quatre pièces, les four-room houses. Le chantier B voit la mise en place d'un système de protection assez similaire à celui d'une enceinte. Au niveau VII, la ville se dote non d'un rempart mais d'une succession continue des murs extérieurs des bâtiments situés en bordure de 472 l'agglomération . La levée de terre du Bronze Moyen IIB devait encore posséder à cette époque une part importante de son pouvoir défensif. A la différence du niveau VII bien conservé, le niveau VI l'est assez pauvrement. Ce fait s'explique entre autres par les destructions ayant scellé les niveaux du Bronze Récent I et II. Le niveau VI, de la fin du XIIIème siècle, n'a pas subi un tel sort. La reconnaissance et l'identification de cette couche demeurent plus délicates que celles des autres. L'un des problème en suspens est de savoir si le niveau VI se rattache entièrement à la fin du XIIIème siècle - et dans ce cas il pourrait y avoir un hiatus d'un

LES FOUILLES : Chantier A : Ce chantier se compose d'une longue tranchée. Les niveaux du Bronze Récent et du Fer I n'ont été dégagés que dans une partie restreinte de la zone. Une succession de couches a été isolée comportant un plan architectural structuré sur un même mur principal depuis la phase 12, rattaché au niveau VIII du chantier B et datant du Bronze Récent IB, jusqu'à la phase 8, du niveau VI, du Bronze Récent IIB. La phase 9 connaît une destruction violente qui clôt le Bronze Récent IIA et qui est associée à celle du niveau VII dans le chantier B. La phase 8 se rattache au niveau VI par déduction stratigraphique466, elle possède un matériel datant du Bronze Récent. La phase suivante 7 pose problème : elle correspond à une phase architecturale qui inaugure une nouvelle période de construction. Un mur d'1,30 mètre de large est édifié, considéré comme faisant office de mur extérieur défensif467 plutôt que de véritable rempart. L'absence de plusieurs couches pour ce niveau indique une durée d'occupation limitée. Il est ainsi possible, selon le fouilleur, que la phase 7 puisse être rattachée à un niveau V précédant l'apparition de la céramique bichrome, qui caractérise habituellement sur le site le début du Fer I. La phase 6 peut être datée par le matériel et sa position stratigraphique correspondant au niveau V du chantier B. L'architecture se limite à un mur reprenant un tracé légèrement similaire au mur extérieur de la phase 7 précédente468. La céramique bichrome atteste que l'on se situe vers la fin du XIIème siècle. Cette phase 7 peut être considérée comme contemporaine de la phase de transition entre le Bronze Récent II et le Fer I, vers le milieu du XIIème siècle.

469

Kelm, Mazar 1991 : 50

466

Mazar 1997 : 22-26

470

Kelm, Mazar 1982 : 13

467

Mazar 1997 : 26

471

Kelm, Mazar 1985 : 98

468

Mazar 1997 : 27-28

472

Kelm, Mazar 1985 : 54

88

TEL BATASH

de la céramique bichrome. Plusieurs phases composent ce niveau, indice d'une occupation relativement longue. Le point le plus intéressant se perçoit dans la réutilisation du bâtiment de la période VI avec quelques aménagements mineurs. Un tel phénomène, s'il n'est pas unique en Shéphéla, n'en acquiert pas moins une importance réelle pour la compréhension des continuités matérielles qui, à Tel Batash, tendent à être occultées par la céramique philistine, véritable nouveauté locale. Le bâtiment est entouré d'une zone ouverte possédant des installations de stockage, de préparation de nourriture et de fosses pour les déchets. La zone sera abandonnée sans connaître de destruction, au cours du XIème siècle.

demi-siècle avant la réoccupation du niveau V-, ou bien si dans certaines zones il est possible d'isoler au sein du niveau VI une phase postérieure au XIIIème siècle et précédant le Fer I. Une telle couche correspondrait ainsi à une phase de transition entre le Bronze Récent et le Fer I. L'analyse du matériel céramique devrait permettre de préciser une telle hypothèse. Bien que ce dernier demeure non publié, il a pu faire l'objet d'une discussion avec A. Mazar473. Il en ressort que les niveaux VIB, VIA et V peuvent être insérés dans la séquence chonologique suivante. La présence de céramiques importées dans le niveau VIB le situe vers la fin du XIIIème siècle. La céramique découverte dans le bâtiment 442 dans le niveau VIA ne comporte plus d'importations et ne présente pas encore de poteries bichromes philistine. Le niveau VIA peut être daté de la première moitié du XIIème siècle. Le niveau V avec l'apparition de la poterie bichrome, se rattache au Fer I sans ambiguïté possible. On date ce niveau de la fin du XIIème siècle. Quant à la céramique à engobe rouge lustré, elle apparaît sur le site vers le milieu du XIIème siècle474, soit dans le niveau VIA, soit en V. Le niveau VI de la fin du Bronze Récent II, se divise en deux phases que l'on peut suivre à travers l'évolution architecturale de deux bâtiments. En VIB, l'édifice 476 marque un changement important dans l'organisation de la zone. Les installations domestiques ou industrielles du niveau antérieur laissent place à un bâtiment unique. Le niveau VIA est identifié avec le bâtiment 442, de forme rectangulaire de 9,8 sur 8,5 mètres, tandis qu'il présente un nouveau plan au sol475. Il est construit avec un double parement bien conservé, la poterie en place se fait en revanche rare. Il est possible de rattacher cette dernière soit à l'extrême fin du XIIIème soit au début du XIIème siècle. Le bâtiment sera ensuite abandonné mais aucune destruction ne viendra abattre les constructions de ce niveau. Pour l'ensemble du niveau VI, on admet que les poteries retrouvées se placent vers la fin du XIIIème siècle476. Il est, en l'état actuel, assez difficile de distinguer des évolutions typologiques dans la poterie, évolutions qui se notent en revanche aisément dans l'architecture. Des problèmes stratigraphiques demeurent pour le passage du niveau VIA à V. Le peu d'architecture associée à des sols avec du matériel en place entraîne une fiabilité moyenne. Le niveau V rattaché au Fer I, se marque, dans ce secteur comme dans les autres, par l'apparition

Chantier C : Situé le long du rempart du tell, seul le fond du sondage mené dans cette zone a permis d'atteindre les niveaux du Bronze Récent. Le mur extérieur d'un bâtiment pouvant avoir rempli un rôle défensif se rattache certainement au niveau VI, car il se trouve stratigraphiquement situé juste sous le niveau V. Celui-ci a été dégagé sur une étendue limitée, car les structures du Fer II ont été conservées en place. Il en résulte des problèmes d'interprétation quant à l'identification des structures477. Pour Mazar, il s'agit d'une petite muraille associée à une tour rectangulaire. Concernant la poterie, son appartenance au Fer I, soit au niveau V, ne fait aucun doute. Chantiers D et E : Ces deux secteurs ont permis d'atteindre en quelques endroits le niveau V. Dans le chantier D, une place publique ou une grande cour a été découverte. Chaque carré fouillé dans ce secteur a livré de la poterie pour le Fer I, indice que le site connaît à cette période une occupation relativement dense. On constate en plusieurs endroits une absence de destruction et la présence d'un matériel en place, peu abondant sur les sols478. Chantiers J et H : La fouille s'est arrêtée sur les niveaux du Bronze Récent, livrant de la céramique datant de cette période, appartenant aux niveaux VII et VI. Quelques traces du niveau V ont pu y être dégagées479, sous la forme de poterie du Fer I associée à des murs.

473

Mazar, comm. pers., octobre 1998

474

Mazar, comm. pers., octobre 1998

477

Mazar 1997 : 98-102

475

Mazar 1997 : 76

478

Mazar 1997 : 175-180

476

Mazar 1997 : 75

479

Kelm, Mazar 1991 : 55 ; Mazar 1997 : 93-94

89

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Synthèse archéologique et historique

durant le début du XIIème siècle. La possibilité qu'au cours d'une courte période, le site ait été abandonné reste plausible mais n'est pas assurée. Les Philistins n'ont pas détruit le site mais l'ont-ils réoccupé ? L'absence de poterie monochrome philistine est notable. Le matériel de tradition locale est assez proche du répertoire de sites comme BetShemesh481 ou Yarmouth. Comment concilier le déclin de l'occupation à Gezer durant le niveau XIV, avec la construction à Tel Batash d'un petit mur défensif durant la phase 7 dans l'aire A, pouvant se rattacher chronologiquement au début du XIIème siècle ? Le renouveau de l'établissement est à mettre en relation avec l'extension politique de la Philistie à la fin du XIIème siècle. Cette implication repose en partie sur la proximité de Tel Miqne, situé à six kilomètres, dont le site serait devenu dépendant. Cette possibilité d'un contrôle politique philistin n'explique qu'en partie cependant les orientations matérielles prises par les habitants. Il est certain que la population demeure en majorité cananéenne, comme l'indiquent la poterie ou l'architecture, empreintes de traditions locales. L'enceinte du Fer I constitue un autre élément permettant de rattacher Tel Batash à un dynamisme architectural propre aux établissements de Philistie. Malgré son épaisseur modeste, elle fait de Tel Batash l'un des rares sites voyant l'édification d'un rempart au Fer I, comme pour les niveaux XII d'Ashdod XII ou VII-VI de Tel Miqne482. La continuité d'occupation du bâtiment 442 dans le chantier B du niveau VIA au V, n'est valable que dans la zone B. Dans les autres aires, le Fer I se caractérise par la construction de bâtiments en brique crue jaune et non seulement en pierre. A partir du Fer I, Tel Batash, par sa position géographique, doit être rattaché sur le plan politique à la plaine côtière. L'importance politique de Tel Miqne se double de l'impossibilité pour Gezer d'entretenir un pouvoir suffisamment fort pour maintenir un contrôle sur Tel Batash. Ce déclin de la cité-état régionale explique en partie le développement de nouveaux centres de pouvoir. Le niveau V du Fer I ne connaît pas de fin violente passant par une destruction, que ce soit dans les chantiers A, B, C ou D483.

Tel Batash semble présenter un cas particulier : peu de sites offrent une telle séquence de couches du Bronze Récent entrecoupées par de si flagrantes destructions. Le Bronze Récent y apparaît comme une période réellement troublée, beaucoup plus qu'en d'autres sites, plus petits ou plus vastes, tels Miqne ou Gezer. Il est possible d'y voir le résultat d'un statut politique particulier, celui de citéfrontière faisant de Batash un établissement particulièrement exposé aux conflits entre citésétats, en l'occurrence Gezer et Tel Safit. L'agglomération peut également avoir été sujette aux troubles sociaux occasionnés par les groupes marginaux en rupture avec les centres urbains, tels les Hapiru. Dans le cas de campagnes militaires égyptiennes, on saisit moins distinctement les raisons susceptibles de pousser à attaquer un centre secondaire plutôt que la cité-état dont il dépend. La situation géographique du site, au débouché d'une des principales vallées de Shéphéla et sa position à mi-chemin entre les deux cités-états, expliquent son rôle important sur les plans politique et économique. La présence d'un mur périphérique faisant office d'enceinte, réalité archéologique peu courante au Bronze Récent, doit être interprétée comme l'expression d'une nécessité pour les habitants de se protéger, mais sans construire de véritable enceinte. La présence égyptienne a pu décourager voire interdire la construction de rempart autour des sites. Les divers bâtiments fouillés pour les niveaux VII et VI du Bronze Récent II fournissent des renseignements importants sur les traditions architecturales et leur évolution au cours de la fin du second millénaire. Les perspectives architecturales offertes sont intéressantes à plus d'un titre. Les rapports qu'il est possible d'établir avec les autres sites proches permettent non seulement d'inscrire les pratiques architecturales dans le cadre régional de la Shéphéla, mais également de révéler pour des constructions du Fer I leurs antécédents au Bronze Récent. Plus précisément, dans le cas de réutilisation de bâtiments entre le Bronze Récent II et le Fer I, on retrouve ce type de pratique480 sur le site de Tell Beit Mirsim entre les niveaux C et B2. Ces éléments proprement architecturaux seront développés dans la partie concernant la culture matérielle autre que céramique, au chapitre VI. Il est malaisé de dater la fin du niveau VI. Il semble toutefois que la fin du XIIIème siècle ne clôt pas ce niveau et que VIA, en particulier la couche 7 dans le chantier A, puisse indiquer une occupation 480

Kelm, Mazar 1982 : 17 ; Mazar 1997 : 254

90

481

Mazar, comm. pers., octobre 98

482

Mazar 1997 : 254

483

Mazar 1997 : 28

TEL HARASSIM

site dont la répartition de l'habitat s'est effectuée de manière très lâche ? La surface occupée du site serait alors comprise entre 1 et 2 hectares. On ne peut trancher de manière assurée. Mais sa situation topographique faiblement stratégique et sa position proche d'établissements de dimensions imposantes, font douter que Tel Harassim ait pu atteindre de vastes dimensions au Bronze Récent. La situation topographique ne permet pas au site de posséder une position dominante. Pareillement, son rôle stratégique et commercial, reste d'importance secondaire. Bien que situé sur l'axe de passage principal longeant la Basse Shéphéla, à deux kilomètres des premières collines, il est limité par son emplacement, ne se positionnant pas à un nœud de communications mais entre les influences des cités-états de Gezer et Safit. Le problème des fortifications du Bronze Moyen II prend ici toute son importance. Les principaux tells de Palestine ont en effet connu durant cette période faste de leur développement, la construction d'une enceinte massive qui, pour des millénaires, a marqué leur topographie. Ce qui semble manquer pour Tel Harassim ne doit cependant pas constituer une limite de principe au développement ultérieur du site au Bronze Récent.

TEL HARASSIM Coordonnées : 1338.1279

Références concernant le site : - Fouilles : ESI 1991, 10: 144-5 Givon 1991 ; 1992 ; 1993 ; 1994 ; 1995 ; 1996 ; 1998, ESI 18 : 96-97 Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla Côte : 20 km ; Miqne et Tel Safit : 4,5 km Nord Tel Safit (169): 2,7 km Tel el-Turmus (72): 5,5 km Superficie : d - 3,5 ha ?

Situation géographique et topographique Tel Harassim est un tell peu élevé, aux pentes faiblement marquées, se démarquant assez peu de la plaine environnante. Deux wadis le bordent, le wadi Haruvit au nord et le wadi Barkai au sud, entaillant ses flancs. Les ressources en eau étaient assurées par plusieurs sources à proximité du site ainsi que par les deux wadis. Les plaines environnantes offrent la possibilité de pratiques agricoles extensives. Seul le sommet culminant à près de 98 mètres permet au regard de l'isoler. La topographie du site est constituée de deux éléments, une partie haute entre 95 et 97,5 mètres d'altitude, d'une superficie d'un demi hectare, et une partie basse, à l'aspect de terrasses, entre 84 et 95 mètres d'altitude, s'étendant sur près de seize hectares. Ni sa forme générale ni son élévation, atteignant difficilement 100 mètres d'altitude, ne lui confèrent l'aspect caractéristique des tells, mais plutôt celui d'un établissement villageois, n'ayant jamais possédé de fortifications. La comparaison avec les deux grands tells les plus proches n'est pas sans fournir quelque enseignement sur la topographie locale que les sites de la plaine côtière peuvent développer. Tel Safit, aux dimensions et à l'allure imposantes, s'oppose à Tel Miqne, tell très étendu mais très plat. En cela Tel Harassim, s'il devait être défini par sa topographie, serait classé comme un village dont la topographie peu marquée constitue la preuve d'une occupation peut-être constante mais jamais importante. Tel Miqne tend cependant à prouver qu'un tell de première importance peut s'avérer plat après quelques millénaires d'érosion et de cultures conjuguées. Le problème en suspens, posé par le site, concerne son étendue aux différentes périodes, et en particulier au Bronze Récent. Est-elle de 3,5 hectares comme le fouilleur le propose, voire 16 hectares (400x400 mètres) tels que la topographie du site tendraient à le montrer, ou bien a-t-on affaire à un

Connaissance du site et identification Tel Harassim est fouillé depuis 1990 par Shmuel Givon, au nom de l'université de Bar-Ilan. Des ramassages de surface permettent d'apprécier la longue occupation du site. Depuis le Bronze Ancien jusqu'à la période byzantine, avec quelques interruptions notables cependant, l'établissement a pratiquement connu une séquence complète. Aucune identification avec un établissement cité dans le texte biblique ne semble avoir été proposée jusqu'alors, ce qui peut surprendre au regard de cette séquence stratigraphique relativement importante généralement propre aux grands tells. Aucun article ou volume synthétique n'a encore été publié sur le site. Seuls sont disponibles des rapports préliminaires, à la diffusion limitée484, qui rendent compte des fouilles. Les fouilles ont jusqu'à ce jour principalement porté sur deux périodes, les mieux représentées sur le site, le Bronze Récent et le Fer II. Plusieurs chantiers sont en activité. Une longue tranchée de 38 mètres : le chantier B, porte sur le sommet du tell. Les chantiers C, D et E se concentrent sur la pente sud et sud-ouest, sur le tell bas. Le chantier C se trouve sur la pente sud-est, le chantier D se place

484

Givon 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 : rapports de fouilles

non publiés, sauf toutefois Givon 1998.

91

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

domaine cultuel, en l'occurrence l'offrande d'encens ou des rituels de libations. La taille du bâtiment et son mode de constrution soigné amènent également le fouilleur à proposer une identification avec un "palais", identification à laquelle il nous semble bien difficile de pouvoir souscrire. Un scarabée portant le nom de Thoutmosis III a été retrouvé dans la couche Va490. De tels scarabées comportant ce nom de pharaon ont été fabriqués pour certains d'entre eux plusieurs siècles après le règne de ce dernier491. Leur valeur chronologique devient dès lors des plus limitées.

dans la zone la plus élevée de la terrasse du tell485 et le chantier E non loin au sud. L'essentiel des informations issues de la fouille proviennent du chantier E, qu'elles concernent la stratigraphie, l'architecture ou le matériel. Les niveaux du Bronze Récent sont, dans cette zone, directement accessibles sous la couche de surface. On distingue donc la partie haute du tell intégrant l'ensemble des niveaux représentés sur le site, pour l'instant les niveaux V à I. Les terrasses basses, du moins celles au sud-ouest, ont connu une occupation continue durant une grande partie du second millénaire du Bronze Moyen II à la fin du Bronze Récent II. L'érosion semble toutefois, par endroits, avoir endommagé les niveaux récents autrefois en place.

Chantier E : L'image la plus complète du site, pour l'ensemble du Bronze Récent, est fournie par ce chantier. Le Bronze Moyen IIB y est représenté par le niveau VII et le Bronze Récent I par le niveau VI492 composé de trois couches a, b et c. Il en est de même pour le niveau V du Bronze Récent II.

Historique de l'occupation du site STRATIGRAPHIE GENERALE: Parmi les sept niveaux identifiables, un seul, le niveau V, concerne la fin du second millénaire. Le niveau V comporte trois couches couvrant les XIVème et XIIIème siècles. Il a été mis au jour dans plusieurs chantiers.

Niveau Vc : Il s'agit du niveau le plus ancien pour le Bronze Récent II. L'architecture dégagée consiste en quelques murs. Le bâtiment 320 du début du XIVème siècle possède des murs dont l'orientation nord-sud sera reprise au niveau suivant, mais le plan au sol diffère. L'établissement du début du Bronze Récent II ne subit pas de fin abrupte et le passage dans le niveau Vb se fait sans destruction.

Chantier B : La tranchée B permet de préciser la stratigraphie depuis la phase la plus tardive du niveau V : (Va), jusqu'aux périodes récentes. Chantier C : Le chantier C a permi de dégager les niveaux Vb-a à III. Pour le Bronze Récent il concerne surtout le XIVème siècle486. Chantier D : Le niveau Va est séparé de la terre de surface par quelques sols mal conservés appartenant à différentes périodes487. Le niveau Va a livré un vaste bâtiment associé à une cour (542), de 20 mètres de côté, qui par ses dimensions, est considéré par le fouilleur comme public. Il contenait sous l'angle d'un de ses murs un dépôt de fondation constitué d'un bol avec des traces de suie contenant une lampe488. Ces deux objets datent de la seconde moitié du XIVème siècle. La zone a également livré divers objets intéressants, une forme céramique peu commune "cup and saucer" et une figurine zoomorphe489. La fonction attribuée à ces objets, délicate à évaluer, a pu selon l'auteur concerner le 485

Givon 1992 : 6

486

Givon 1994 : 6

487

Givon 1992 : 6-7

490

Givon 1994 : 10

488

Givon 1995 : 2*, pl. 15 : 11-13 ; Givon 1998 : 97

491

Mazar 1990 : 269

489

Givon 1994 : 9

492

Givon 1993 : 9-10

92

TEL HARASSIM

Niveaux Phases

Chantiers

VII BM IIB 1ère moitié XVIème siècle E

VI BR I 2ème moitié XVIXVème siècle E

Niveau Vb : Des restes architecturaux non négligeables ont été mis au jour dans ce niveau. Ce sont les mieux conservés pour l'ensemble du Bronze Récent. Le bâtiment 305 respecte un plan rectangulaire de 8,5 sur 10 mètres493. Il possède trois pièces séparées par deux rangées de cinq piliers centraux. L'ouverture du bâtiment se situe vers le milieu du mur nord. Comme le reste de ce niveau, il est détruit à la fin du XIVème siècle. Ce bâtiment, original dans son plan, n'est pas sans rappeler celui des fameuses maisons à quatre pièces si largement représentées durant le Fer I. Nous aurions là un antécédent qui ne représente pourtant pas un cas unique puisque Tel Batash fournit un bâtiment à l'aspect proche494. Un scarabée de Thoutmosis III a été retrouvé dans les débris sur le sol de ce bâtiment495. Trois scarabées, dont deux de la XIXème dynastie, proviennent de cette couche496. L'interprétation du bâtiment 305, certes plus vaste qu'une simple maison villageoise, ne suffit pas à en faire un lieu public.

Givon 1993 : 7

494

Kelm, Mazar 1985 : 98 ; Ji 1997 : 404

495

Givon 1992 : 5

496

Givon 1993 : 9

497

Givon 1991 : 5-6

498

Givon 1993 : 5

B-C-D-E

chypriotes White Slip II, Base Ring II et mycéniennes (IIIA)499.

Synthèse archéologique et historique Tel Harassim atteint au Bronze Récent une superficie de 3 hectares environ. Mais à la différence de sites de dimension identique comme Tel Batash ou Bet-Shemesh, il ne possède pas l'importance stratégique qui fait de ces sites de bordure des centres sub-régionaux, susceptibles de jouer un rôle politique non négligeable. Pour Tel Harassim la proximité de Tel Safit et, dans une moindre mesure, de Tel Miqne, a certainement limité le développement propre du site. La destruction qu'il connaît au Bronze Récent IIB, au XIIIème siècle, le fera disparaître du paysage politique pour de nombreux siècles. Cet événement semble s'être déroulé dans le courant plutôt qu'à la fin du XIIIème siècle. Les repères chronologiques pour dater les différences phases du niveau V demandent à être précisés. Nous pensons que cette dernière phase peut correspondre à la fin du Bronze Récent IIB, comme la datation du phénomène des dépôts de fondation le suggère. Il est improbable que le site ait été habité au Bronze Récent III. Cette absence de réoccupation du site tranche avec le cas des emplacements proches, comme Tel Miqne et Tel Safit. Existe-il des éléments propres au Bronze Récent ayant joué en défaveur du site au Fer I, pour qu'une partie des populations nouvellement arrivées préfère tel site à tel autre ? A-t-on affaire à des raisons seulement matérielles, culturelles ou politiques ? Ou serait-ce plus simplement, pour des raisons de proximité géographique que Tel Harassim a été écarté, au profit de deux autres sites éloignés de moins d'une dizaine de kilomètres ?

Niveau Va : La zone a livré des installations artisanales497, dont des installations pour le stockage du grains et A peut-être des fours métallurgiques498. l'emplacement du bâtiment 305, un nouvel espace s'organise, sans que la position des murs ou leur tracé soit foncièrement différent. Les niveaux Vb et Va présentent donc les mêmes orientations de murs avec la réutilisation de certains d'entre eux. Le niveau Va subit vers la fin du XIIIème siècle une importante destruction. Le site restera inhabité jusqu'au Fer II, puis sera réoccupé entre le IXème et le VIIème siècle. La céramique retrouvée dans ce niveau est caractéristique du Bronze Récent II. Elle est interchangeable avec tout autre site de la région à cette période. On note la présence d'importations

493

V BR II XIV-XIIIème siècle

499

93

Givon 1991 : 7

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

les quelques zones laissées vacantes par les fouilles extensives des deux périodes antérieures. Elles sont menées par S. Bunimovitz et Z. Lederman, de l'Université de Tel Aviv. Les mentions du site dans des documents anciens sont rares et se limitent à l'Ancien Testament, qui le considère comme une cité frontière à la bordure du territoire de Juda500. Aucune référence à Bet-Shemesh n'est faite dans les archives d'El-Amarna.

TEL BET-SHEMESH Tell er Rumeileh, Aïn-Shems Coordonnées : 1477.1286

Références concernant le site : - Fouilles : Grant 1932 Grant, Wright 1938 ; 1939 Bunimovitz et Lederman 1993 : 249

Historique de l'occupation du site

- Références : Thompson 1979 : 358 (n° 1412.05)

L'occupation principale de Bet-Shemesh remonte au Bronze Ancien IV et s'étend jusqu'au Fer II suivi par une présence plus diffuse jusqu'à la période médiévale. Quelques interruptions ont toutefois longuement fragmenté cette séquence. Malgré les connaissances restreintes des techniques archéologiques de l'époque, Mackenzie a pu proposer une périodisation du site relativement juste. Il distingue trois villes501. La première s'achève avec l'arrêt des importations chypriotes et mycéniennes, donc avec la fin du Bronze Récent. La seconde cité est identifiable par la céramique bichrome philistine. Une couche de destruction très visible en coupe permet une reconnaissance aisée de ce niveau, qui date du Fer I. Enfin la dernière agglomération se rattache au Fer II.

Situation géographique : Haute Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 32 km ; Kh. el-'Alya : 3,8 km Tel Zanoah : 4,3 km ; Tel Yarmouth : 5 km ; Azekah : 6,5 km ; Batash : 7 km ; Gezer : 12 km ; Tel Safit : 13 km Superficie : c - 2,8 ha

Situation géographique et topographique Le tell de Bet-Shemesh est installé sur une colline, avancée de la Haute Shéphéla dans la Basse Shéphéla et à la jonction de deux vallées. Le site est enserré au nord par la vaste vallée du Soreq, et au sud et à l'ouest par le wadi 'Illin. Avec une superficie de 2,8 hectares, il culmine à 250 mètres d'altitude. L'établissement garde la vallée du Soreq à la jonction des hautes et basses collines de Shéphéla, tout comme Tel Batash contrôle la même vallée en aval, également à la jonction de deux régions. L'importance du site repose sur sa situation stratégique et commerciale. Deux routes passent en effet à son abord : d'abord l'axe menant aux monts de Judée en suivant la vallée du Soreq puis un axe nord-sud longeant la Haute Shéphéla, et permettant de rejoindre Tel Azekah. Il existe peu de sites visibles depuis le tell. L'importante vallée à proximité du site permet le développement de pratiques agricoles importantes.

STRATIGRAPHIE GENERALE : La stratigraphie actuellement proposable repose en grande partie sur les recherches anciennes. La reprise des fouilles n'a pas encore fait l'objet de publications récentes ou suffisamment précises, que ce soit pour la stratigraphie ou le matériel archéologique. Il est néanmoins possible d'avancer quelques pistes, qui devraient faire l'objet de publications futures502. A partir de la distinction entre trois villes proposée par Mackenzie, Grant et Wright ont affiné la séquence en définissant une périodisation reposant sur six niveaux. Le niveau V du Bronze Moyen II a révélé un imposant rempart. Le niveau IV concerne le Bronze Récent II et le niveau III, le Fer I. Le niveau IV présente deux phases, IVA pour le XVème siècle et IVB pour le XIVème-XIIIème siècle. Une destruction intervient entre les deux couches. IVB connaît également une destruction vers la fin du XIIIème, ou le début du

Connaissance du site et identification La première identification du site a été proposée par Eusède de Césarée. Puis E. Robinson, au XIXème siècle, visite et localise Bet-Shemesh à Rumeileh, à cette période près du village d'Ain Shems. Les premières fouilles ont lieu en 1911 et 1912 pour la Palestine Exploration Fund, sous la direction de D. Mackenzie. Une mission américaine dirigée par E. Grant reprit les recherches de 1928 à 1933, dont il assurera la publication avec G. E. Wright, en 1938 et 1939. Depuis 1990, une mission archéologique israélienne poursuit les fouilles dans

500

Jos. 15 : 10 ; 19 : 22 ; 21 : 16

501

Bunimovitz, Lederman 1993 : 250

502

Notre participation aux fouilles en été 1994 et au printemps

1995 sur le site, nous permet de préciser l'existence d'une stratification plus fine que celle actuellement connue, en particulier pour la période de la transition entre le BR II et le Fer I.

94

TEL BETH-SHEMESH

chronologiquement. Intervient-il à la fin du Fer IA, comme le pensent actuellement les fouilleurs, ou bien à la fin du Fer IB ? Dans le premier cas, il s'agit certainement d'une destinée locale que l'on ne retrouve pas sur d'autres sites proches. Dans le second cas, une telle destruction peut être mise en rapport avec celle de Tel Yarmouth à la même période, vers la fin du XIème siècle, ou de Tel Batash abandonné, semble-t-il, pour des raison de pressions politiques extérieures. La fin du Fer IB nous apparaît comme une datation plus conforme aux conflits que traversent certains des établissements de Shéphéla à cette époque.

XIIème siècle. Daviau503 propose une subdivision de cette séquence en IVA, B et C à partir de l'analyse des plans anciens et de listes d'objets, mais les résultats ne sont pas toujours très précis. Cette subdivision va pourtant dans le sens de la tentative de Wright pour déterminer une phase de transition précédant l'apparition de la poterie philistine bichrome, phase qu'il compare au niveau B1 de Tell Beit Mirsim. Le niveau suivant se caractérise par la présence de céramique bichrome philistine. L'architecture, comme la majorité du matériel, présente des caractéristiques locales cananéennes. Une destruction complète du site intervient, selon Wright, au cours du XIème siècle. Les fouilles récentes ont exhumé dans le chantier A un bâtiment important, dont la destruction associée à de la poterie bichrome, indique selon les fouilleurs une date vers la fin du XIIème ou le début du XIème siècle, c'est-à-dire antérieure à celle proposée par Wright pour le milieu du XIème siècle504.

Synthèse archéologique et historique Bet-Shemesh apparaît durant le Bronze Récent II comme un centre régional de seconde importance, certainement sous le contrôle de Gezer. Un certain nombre de parallèles peut être effectué avec Tel Batash. Les deux établissements possèdent un rôle équivalent de site-frontière entre deux cités-états, éventuel indice d'un contrôle par Gezer de l'ensemble de la vallée du Soreq, au travers de ces deux centres situés à des emplacements stratégiques. Les destructions, à la fin du niveau V ainsi qu'entre les niveaux IVA et IVB témoignent de la période politiquement troublée que traversent la région et le site en particulier, comme c'est également le cas pour Tel Batash. Doit-on y voir le résultat des luttes mentionnées par les lettres d'ElAmarna, entre les cités-états de Gezer et de Tel Safit ? La stratigraphie mise en place actuellement par les fouilles renouvelées nous autorise à penser que la transition entre le Bronze Récent II et le Fer I est marquée par une couche correspondant au Bronze Récent III. Il s'agit d'un passage de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer sans destruction, preuve d'une continuité d'occupation par des populations n'ayant pas varié dans leur composition culturelle. La destruction complète dont le site a souffert durant le Fer I, pour ne plus être occupé avant le Fer II, peut-elle être liée à l'expansion politique des proto-Israélites au cours de cette période ? Cet événement reste pourtant mal situé 503

Daviau 1993 : 339

504

Bunimovitz, Lederman 1993 : 253

95

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

sites de Tel Socoh et Tel Yarmouth sont également visibles. Cet élément était certainement important puisqu'il indique un type de relation de contrôle et donc de dépendance éventuelle entre ces trois sites. Dans un tel cas, Azekah devait constituer le centre principal dont les deux autres sites dépendaient. La situation du site lui permet d'avoir accès à des ressources variées. Tout d'abord, la présence d'une source au pied du site à 100 mètres au nord se double de la proximité du wadi. L'accès aux ressources en eau se trouve donc privilégié. Les zones environnantes permettent une pratique étendue de l'agriculture dans le fond de la vallée vers l'est et au nord, ainsi que de l'horticulture au sud et au sud-ouest. Le sommet du tell présente la caractéristique géologique d'être constitué d'une roche encore non érodée, contrairement aux autres sommets de collines. Un nombre important de cavités ont été repérées sur le sommet du tell, indiquant que la roche se laisse aisément creuser. Ces cavités datent le plus souvent de périodes postérieures au second millénaire. On peut pourtant penser que cette activité de creusement remonte à l'âge du Bronze. Elle aurait permis de se procurer un matériel de construction facile à extraire et d'aménager des installations diverses de stockage ou d'habitation.

TEL AZEKAH Tel Zakariya Coordonnées : 1440.1231 Références concernant le site : - Fouilles : Bliss, Macalister 1902 Stern 1993 - Etudes : Garstang 1931 : 360-1 Thompson 1979 : 359 (n° 1412.08) Situation géographique : Haute Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 30 km ; Socoh : 3,7 km ; Tel Yarmouth : 3,8 km Khirbet Shaha (171) : 4,5 km ; Bet-Shemesh : 6,5 km ; Tel Safit : 8,7 km Superficie : c - 3 ha ?

Situation géographique et topographique Tel Azekah est situé sur le sommet d'une haute colline qui constitue, en venant de l'ouest, le premier sommet de la Haute Shéphéla. Il se situe en bordure d'une zone plane vers l'ouest alors que vers l'est les collines atteignent 400 mètres. Le site culmine à une altitude de 347 mètres, tandis que plus de 110 mètres, en certains endroits abrupts, séparent le sommet du fond de la vallée. Ce dernier trait confère une allure sévère au sommet, tout en le rendant facile à défendre. La colline se place face à l'axe est-ouest de la vallée de la 'Ela qu'il domine et contrôle aisément. Cette dernière vient donc buter contre la colline puis la contourne au nord. Tel Azekah est un site de dimension moyenne, de l'ordre de trois hectares. De forme triangulaire il mesure 330 mètres sur 170. Le sommet est relativement plat. L'emplacement de Tel Azekah au cœur de la Shéphéla se trouve en dehors des principaux axes de communication traversant la région. Le site s'intègre à un réseau de circulation secondaire et ce, malgré son accès aisé. Il se place à égale distance de Gezer et de Lachish, mais au Bronze Récent, il se trouvait certainement sous le contrôle direct de Tel Safit. Sa position stratégique est liée au contrôle, au pied du site, d'un croisement d'une certaine importance : un axe nord-sud et un axe est-ouest, le plus important. Le site garde l'accès à la vallée de la 'Ela depuis la plaine côtière par Tel Safit et il clôt la vallée, constituant une barrière naturelle devant être contournée depuis la zone des hautes collines de Judée. Sa position élevée lui offre depuis le sommet une vue étendue sur la plaine côtière vers l'ouest et sur l'ensemble de la vallée de la 'Ela. En outre, les

Connaissance du site et identification Le site est repéré pour la première fois au XIXème siècle par J. Schwartz. Les premières fouilles eurent lieu entre 1898 et 1899, sous la direction de F.J. Bliss et R.A.S. Macalister dans le cadre du Palestine Exploration Fund. Ces derniers concentrèrent leurs travaux sur la fouille de trois sites de Shéphéla. Les deux autres sont Tel Safit et Tell Sandahanna (Tel Maresha). L'ensemble des recherches de terrain fut suivi par une publication en 1902505, présentant les diverses trouvailles. Mis à part une mention d'Azekah dans l'Ancien Testament, aucune autre ne figure dans des documents de la fin du second millénaire.

Historique de l'occupation du site Les données publiées, quoique abondantes, sont hélas difficilement exploitables, du fait des techniques de fouilles appliquées à cette époque. Le matériel ne peut être associé clairement à l'architecture retrouvée, et tout au plus est-il possible de distinguer quelques très vagues périodes d'occupation, non grâce à la stratigraphie, mais par l'identification de matériel étant apparu, à l'époque, caractéristique. 505

96

Bliss, Macalister 1902

AZEKAH

système politique de la Shéphéla. La dépendance du site vis-à-vis de Tel Safit permet peut-être d'expliquer sa destruction à la fin du Bronze Récent II, à la suite de l'établissement de populations philistines sur ce site, Azekah se retrouvant alors seul face aux cités-états de Lachish ou de Gezer. Privé de défense, la destruction a alors pu suivre rapidement.

STRATIGRAPHIE GENERALE : Quatre périodes ont été distinguées par les fouilleurs sur l'ensemble du tell. Elles ont été nommées à l'époque Early Pre-Israelite, Late PreIsraelite, Jewish, Seleucid. La plus ancienne se rattache certainement à une occcupation du Bronze Ancien, la deuxième correspond à une phase du Bronze Récent. Les deux suivantes appartiennent au Fer II et à la période romano-byzantine. Les datations fournies par les fouilleurs puis les réévalutions proposées par W. F. Albright demeurent pour le moins vagues506. La phase Late Pre-Israelite est placée dans une "fourchette" comprise entre c.1550 et 800 B.C. pour Bliss et Macalister, 1800-1000 B.C. pour Albright. L'existence de plusieurs niveaux peut être envisageable pour cette même phase, qui lors de la fouille, fut mal reconnue. Deux éléments doivent être pris en considération pour tenter de préciser la chronologie d'occupation du site à la fin du deuxième millénaire. D'une part, lors de la fouille d'une zone au centre du tell sur une surface de 30 mètres sur 20, le rocher a été atteint à seulement quatre mètres de profondeur. Il semblerait donc, à moins que l'érosion n'ait été très forte sur l'ensemble du sommet de la colline, que les périodes d'occupation ne puissent être très nombreuses. L'importance stratégique du site au Bronze Récent explique peut-être sa destruction à la fin de la période. Une réoccupation au Fer I pourrait cependant être envisageable. Des établissements situés à proximité comme Tel Yarmouth ou BetShemesh, connaissent pour leur part, malgré des destructions, une continuité d'occupation. D'autre part, en trois endroits le rocher a été atteint, mais en deux seulement, du matériel de la période Late PreIsraelite a été retrouvé.

Synthèse archéologique et historique Cet établissement forme à cette période un bon exemple de cité de dimension moyenne contrôlée par une cité-état régionale telle que Tel Safit. Pour appréhender la nature du site d'Azekah, il faut intégrer sa relative proximité de Tel Safit, ainsi que sa situation à la croisée de deux routes, même secondaires. Ces deux éléments ont certainement conféré au site un rôle de centre redistributeur de denrées provenant de la plaine côtière, ainsi que de centre sub-régional contrôlant quelques sites satellites comme Tel Socoh et Tel Yarmouth. Ce dernier rôle devait être politique. Azekah fait partie des quelques sites de taille moyenne placés relativement à l'est de leur centre, avant la zone des collines de Judée et se rattachant nettement au 506

Stern 1993 : 124

97

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

endroit au pied du site. Tel Yarmouth se situe en dehors des routes importantes. Une voie de communication reliant Bet-Shemesh à Azekah passe à proximité du site à quelques kilomètres à l'ouest. Pareillement, l'axe de passage permettant d'atteindre les monts de Judée depuis la plaine côtière en suivant la vallée de la 'Ela se place à trois kilomètres au sud de Yarmouth. Aucune route ne borde donc directement le site. Depuis le sommet de l'acropole, on possède une vue relativement étendue sur la région environnante et en particulier trois sites sont nettement visibles : Khirbet el-'Alya, Tel Socoh, Tel Azekah et au loin Tel Safit se distingue. A proximité du tell, l'étroite vallée du wadi Boulous n'encourage pas les pratiques agricoles en raison de son fond marécageux. Au Bronze Ancien, lorsque le site possédait une population importante, l'agriculture a certainement dû se pratiquer dans la vallée de la 'Ela, plus large et mieux approvisionnée en eau. L'horticulture a en revanche été pratiquée dès le Bronze Ancien sur les collines aux alentours du site qui s'y prêtent naturellement.

TEL YARMOUTH Khirbet el-Yarmûk Coordonnées : 1477.1240

Références concernant le site : - Fouilles : Ben-Tor 1975 Miroschedji 1988 a-b-c ; 1991 ; 1993 a ; 1997 ; 1999 Jasmin 2000. - Etudes : Thompson 1979 : 359 (n° 1412.07) Goldberg 1988 Nodet 1988 Situation géographique : Haute Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 34 km ; Khirbet el-Alya : 1,4 km ; Tel Zanoah : 2,6 km Tel Azekah : 3,8 km ; Socoh : 3 km ; Bet-Shemesh : 5 km ; Tel Safit : 12 km Superficie : b - 1 ha

Connaissance du site et identification Situation géographique et topographique

LA REDECOUVERTE ET LES FOUILLES DE YARMOUTH :

Tel Yarmouth fait partie de ces quelques sites bien ancrés géographiquement dans la Haute Shéphéla. Avec deux autres établissements, Tel Zanoah et Khirbet el-'Alya, il se place au centre d'une zone située entre les principales vallées du nord de la Shéphéla, le Nahal Soreq au nord et le Nahal 'Ela au sud. A l'ouest, les premières collines de Haute Shéphéla, le long d'une ligne reliant BetShemesh à Tel Azekah, isolent la zone de la Basse Shéphéla. A l'est, les premières collines des monts de Judée bordent la Haute Shéphéla, dont ils sont séparés par une vallée bien délimitée. La colline sur laquelle l'acropole de Tel Yarmouth s'est établie, quoiqu'un peu plus pentue que ses voisines, appartient à cette zone du nord de la Haute Shéphéla, où les nombreuses collines sont peu escarpées et d'une altitude relativement limitée. Tel Yarmouth se compose de deux entités topographiques. La plus grande superficie du site est couverte par une vaste ville basse de plus de douze hectares occupant de grandes terrasses planes s'étendant sur les flancs de la colline. L'acropole domine la ville basse depuis le sud-est et se limite à une surperficie de l'ordre d'un hectare. Le sommet couvre une petite colline qui s'élève à 405 mètres d'altitude, bien délimitée topographiquement par d'anciennes fortifications en particulier du Bronze Ancien. Au nord, le wadi Boulous borde la ville basse. Une source existe à cet

La première visite du site par Victor Guérin lui avait permis d'associer Khirbet Yarmouk avec l'acropole aisément identifiable. Mais l'antique cité du Bronze Ancien, se déroulant sur les terrasses au pied de cette dernière, lui était restée invisible. Des prospections datant de 1960 ont permis de découvrir l'importance du site au Bronze Ancien, débouchant sur une première campagne de fouilles en 1970 par A. Ben-Tor, de l'Université Hébraïque de Jérusalem507. En 1980, les fouilles ont été reprises par P. de Miroschedji. Depuis, de manière régulière, une mission archéologique menée sous sa direction y effectue des recherches sous les auspices conjoints de l'Institut d'Archéologie de l'Université Hébraïque de Jérusalem et du Ministère des Affaires Etrangères, portant sur la ville basse et son occupation durant le Bronze Ancien. A la suite de son abandon à la fin du Bronze Ancien III, celle-ci n'est plus réoccupée, sauf à la période byzantine avec la construction de murs de terrasses agricoles. L'occupation du site postérieurement au Bronze Ancien III se limite donc à la ville haute. Les fouilles de l'acropole ont débuté en 1986 par un sondage, suivi d'un deuxième en 1987. Ce chantier était supervisé par A. Lemaire jusqu'en 1990. Il a été repris et achevé lors de deux campagnes de fouilles 507

98

Miroschedji 1993 a : 661

TEL YARMOUTH

en 1996 et 1997 par l'auteur.

fouilles récentes menées par Y. Dagan avaient livré, en plus des grandes quantités de céramiques du Fer II, les traces d'une installation plus dense 514. Khirbet el-'Alya fournit des données matérielles trop ambiguës pour confirmer une telle hypothèse. Il est également possible d'envisager que les ruines de l'acropole de Yarmouth aient suscité, dans l'esprit de la population du Fer II, une relation entre une destruction survenue plusieurs siècles auparavant et l'histoire mythique de la conquête du territoire par les proto-Israélites telle qu'elle est décrite dans la Bible. Par ailleurs, la destruction du site à la fin du Fer I par des populations des hautes collines de Judée, d'éventuels proto-Israélites, reste plausible. La première tablette cunéiforme retrouvée en Palestine provient des fouilles menées par F. J. Bliss en 1892 à Tell el-Hesi. Il s'agit d'une lettre rédigée à Lachish et qui mentionne "la ville de Yaramu". W.F. Albright met en relation cette dernière avec le site de Khirbet Yarmouk qu'il associe à la Yarmouth biblique 515. La lettre date de la fin du règne d'Aménophis III ou du début d'Aménophis IV. Elle fait état des intrigues que mène Shipti-Balu, prince de Lachish, avec le potentat local d'un petit établissement situé certainement, comme Lachish, en Shéphéla. Rien ne prouve toutefois que l'établissement mentionné soit de manière certaine celui du site de Tel Yarmouth, "la ville de Yaramu" pourrait en effet être plus proche de Lachish, puisque la lettre en provient, que ne l'est Tel Yarmouth. Ce dernier se trouve à une trentaine de kilomètres de Lachish comme de Gezer. Il est cependant plus proche de Tel Safit / Gath, cité-état dont il dépendait probablement au Bronze Récent II. Remarquons néanmoins que l'établissement de Yarmouth est un candidat désigné comme site isolé dans une région de collines, qui plus est, à la bordure de territoires de plusieurs cités-états : Safit / Gath, Jérusalem, Gezer et Lachish, donc susceptible de profiter des troubles entre ces dernières. L'interprétation d'Albright concernant l'assimilation entre "Yaramu" et Yarmouth reste donc vraisemblable et semble pouvoir être acceptée en l'absence de données complémentaires. Les prospections répétées516 qui se sont déroulées sur le site montrent la prudence à conserver à la suite des opérations de collecte de tessons. Les nombreux passages sur l'acropole durant près d'un siècle de recherche, n'ont en effet pas permis, jusqu'aux fouilles récentes, de livrer une image précise concernant la possibilité d'une

L'IDENTIFICATION BIBLIQUE DU SITE : L'identification biblique du site de Yarmouth demeure très discutée. Le site est mentionné à plusieurs reprises dans la Bible où il apparaît parmi les villes prises par Josué lors de la "conquête" de Canaan par les proto-Israélites508, ainsi que parmi d'autres références509. De ces mentions, on peut déduire que la Yarmouth biblique a été occupée au Bronze Récent et au Fer II. Cela explique que le site de Khirbet Yarmouk ait été visité dès le XIXème siècle et identifié par V. Guérin avec la Yarmouth biblique510. Les prospections successives de l'acropole de Yarmouth511 n'ont guère contribué à confirmer une occupation au Bronze Récent, période présumée de la conquête et donc de l'occupation de l'acropole. Aussi Yarmouth est-il devenu l'un des arguments couramment utilisés pour démontrer l'opposition entre les données archéologiques et les sources bibliques, comme l'ont été l'absence de muraille à Jéricho au Bronze Récent II ou l'inoccupation de Aï à cette période, confirmant la non-historicité de l'Ancien Testament pour la fin de l'Âge du Bronze512. L'identification de matériel du Bronze Récent lors de la fouille remet bien évidemment en cause ces conclusions. Le problème de l'identification du site est en fait moins lié à une occupation durant la période supposée de la conquête de la Palestine par les proto-Israélites, qu'à celle de la rédaction du texte biblique. Or les résultats des fouilles actuelles ne permettent pas d'affirmer que l'acropole ait connu une occupation durant le deuxième âge du Fer, époque supposée de la rédaction de la Bible. Quelques tessons ont été exhumés pour cette période, mais ils n'ont pu être rattachés à aucune structure construite permettant d'envisager une occupation pour le Fer II. Si l'acropole de Yarmouth a connu un établissement au Fer II, peut-être faut-il chercher sa trace sur un autre versant de ses pentes ? Deux hypothèses peuvent toutefois être émises pour expliquer cette apparente absence d'occupation du site. L'établissement au Fer II a pu se déplacer de quelques centaines de mètres mais en conservant le même nom513. Khirbet el-'Alya situé à toute proximité de Yarmouth aurait pu convenir si les

508

Jos. 10: 3, 5, 23 ; 12: 11

509

Jos. 15: 35 ; 21: 29 ; Néh. 11: 29

510

Guérin 1869 : 371-374

514

Dagan et al. 1998 : 72-136

511

Miroschedji et al. 1988 : 24-25

515

Albright 1942

512

Finkelstein 1988 : 297 ; Na'aman 1994 : 223

516

Garstang 1931 : 171-172 ; Albright 1942 : 36 ; Ben Tor 1975 : 75 ;

513

Finkelstein, comm. pers.

Dagan dans Miroschedji 1988 et al. : 24

99

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

occupation au Bronze Récent II. Cet exemple incite donc à porter un regard critique sur les prospections anciennes et surtout sur les conclusions historiques qui ont pu parfois en être tirées.

indiquent une présence au Bronze Moyen II puis au Bronze Récent I. Il n'est cependant pas possible pour l'instant de la caractériser plus précisément. Au XIVème siècle, cette occupation est des plus problables ; elle est certaine au cours du XIIIème siècle. Aucune couche de destruction n'a été repérée lors de la fouille. Cette absence est notable car elle signifierait que le site n'est pas touché par d'éventuelles destructions vers la toute fin du XIIIème siècle, à la différence de nombreux autres sites dans la plaine côtière ou en Shéphéla.

Historique de l'occupation du site STRATIGRAPHIE GENERALE : Deux sondages ont été ouverts sur le chantier de l'acropole (voir planches n°27-28). Le premier, le sondage acropole 1, a mis au jour la muraille du Bronze Ancien III qui borde la base du sommet de la colline. Le deuxième sondage, acropole 2, a livré une succession de sept niveaux, Acr. I à VII (voir planches n°29-32), depuis le Bronze Ancien II qui repose sur le rocher, jusqu'aux périodes romaine et byzantine du niveau Acr. I, durant lesquelles un village existait sur le sommet. Ce sondage débute sur la partie sommitale du tell avec le carré BD 116 et se poursuit dans le sens de la pente jusqu'au carré AZ 116. La tranchée comporte donc cinq carrés consécutifs. Les niveaux de la fin du second millénaire correspondent aux niveaux Acr. VI à III. On possède ainsi quatre niveaux bien stratifiés qui se succèdent depuis la fin du XIIIème jusqu'à la fin du XIème siècle.

LES FOUILLES : Niveau Acr. VI : Le niveau Acr. VI a été mis au jour dans les carrés BA et BB 116 sur une superficie limitée d'une vingtaine de mètres carrés. Aucune architecture n'a pu être mise en relation avec les quelques surfaces dégagées. On note que le passage du niveau Acr. VII du Bronze Ancien II-III au niveau Acr. VI se fait d'une manière graduelle. Le matériel céramique y est en effet relativement mélangé. La quantité de céramique du Bronze Ancien au Bronze Récent est inversement proportionnelle l'une par rapport à l'autre. On constate également la présence de quelques tessons du Bronze Moyen II et du Bronze Récent I. Ce manque de netteté dans le passage d'une couche à l'autre s'explique par le fait qu'aucun des deux niveaux ne présente d'architecture en place dans cette zone réduite. Il est possible que l'on se trouve pour le Bronze Récent, soit dans une espace de terrain vague, soit en bordure du site. Le matériel ne serait pas en place car mélangé du fait de l'érosion. L'occupation du site pour le Bronze Récent I et II repose surtout sur la présence de céramiques importées, dont Mycéniennes IIIB et chypriotes de type White-Slip II ainsi que Base-Ring II. La fouille de ce niveau permet de faire plusieurs constatations concernant l'occupation de l'acropole au cours du second millénaire : les tessons retrouvés 100

TEL YARMOUTH

Niveaux Périodes

Acr. VI XIIIème siècle

Acr. V

Acr. IV

Début - milieu

Fin

XIIème siècle

XIIème siècle

Niveau Acr. V : Le niveau Acr. V, daté de la transition entre le Bronze Récent et le Fer I, a été dégagé dans les carrés BA et BB 116. Il est bien caractérisé stratigraphiquement. Deux couches ont été isolées, VB et VA. Ce niveau a livré des vestiges de constructions édifiées à l'emplacement de ce qui a pu être un terrain vague au niveau précédent. Il est possible que le site connaisse à cette période, durant la première moitié du XIIème siècle, une relative extension de ses limites. L'architecture exhumée et le matériel indiquent pour cette zone un caractère domestique. On note que la topographie, en cette partie du site en forte pente, dicte l'implantation des murs, dont l'installation se fait de manière à aménager la pente en terrasse. On possède là un élément structurant de l'organisation spatiale de l'établissement, qui se retrouvera par la suite pour chaque période. Le matériel présente des caractéristiques liées uniquement à la tradition cananéenne. Le niveau Acr. V doit être daté du milieu du XIIème siècle.

Acr. III XIème siècle

Plusieurs échantillons de bois carbonisé ont été fournis en 1998 à Israël Carmi de l'Institut des Sciences Weizmann (Rehovot, Israël) afin qu'il effectue des datations radiocarbones. Le tableau qui suit fournit l'ensemble des données et des résultats obtenus. Ces échantillons proviennent de plusieurs campagnes de fouilles, comprises entre 1987 et 1997. En considérant que les trois échantillons du niveau Acr. IIIA forment une entité chronologique commune, un calcul statistique permet d'attribuer à ce lot d'échantillon une datation de 2965 ± 15 années avant le présent, ce qui équivaut en âge calibré à une période comprise entre 1210 et 1130 BC avec 95% d'assurance517. Trois des quatre échantillons sont des morceaux de poutre provenant du niveau Acr. IIIA, dernier niveau d'occupation du Fer I, ayant connu une violente destruction par le feu. Etant donné qu'il s'agit de charbon de bois issus de poutres, ces dernières ont pu être réutilisées pendant plusieurs siècles. Ce problème, inhérent à ce type d'échantillon, nous semble toutefois pouvoir être contourné par les résultats des analyses. Les datations permettent moins d'envisager les périodes des niveaux Acr. IV ou Acr. IIIA, que le moment de l'abattage de l'arbre ayant servi aux poutres de la toiture. Ainsi pour le niveau Acr. IIIB, ce moment se situe entre 1310 et 1200 (échantillon RT-3031). D'après la stratigraphie et l'étude du matériel nous datons ce niveau du début du XIème siècle. Un certain décalage, bien que léger, se note donc. On peut l'estimer entre un et deux siècles. Ces résultats, sans aller à l'encontre de la datation relative fournie par la céramique, apportent des informations complémentaires mais qui ne permettent pas pour autant de préciser la datation de ce niveau. Remarquons qu'une utilisation d'une poutre datée de près d'un siècle n'a rien de surprenant. Elle indique cependant qu'au début du Fer IB, des poutres du Bronze Récent IIB, voire de la fin du XIIIème siècle, ont été récupérées. On peut y voir l'indice d'une continuité d'utilisation de matériaux entre le Bronze Récent et le Fer I.

Niveau Acr. IV : Le niveau Acr. IV a été dégagé dans les carrés BB-BC 116. Les murs 2333 et 2341 délimitent l'espace 1150 dont le sol correspond à la ligne d'arasement du mur 1151 du niveau Acr. V. Ces deux murs ne sont conservés que sur une ou deux assises, limitant la couche à une faible épaisseur. L'espace 1150 marque l'apparition de la céramique bichrome philistine, d'abord en petite quantité dans le niveau Acr. IV, pour ensuite augmenter dans le niveau Acr. III. Le matériel indique une datation vers la fin du XIIème siècle. Niveau Acr. III : Le niveau Acr. III est celui pour lequel le plus d'architecture a pu être exposé pour ces quatre niveaux de la fin du second millénaire. Cet état de conservation résulte de la destruction subie par ce niveau vers la fin du XIème siècle. Deux couches ont été exhumées : IIIB et IIIA. Ce dernier niveau a livré un matériel céramique particulièrement abondant. Les couches IIIB et IIIA couvrent l'ensemble du XIème siècle. Les datations radiocarbones provenant de l'acropole de Yarmouth :

517

101

I. Carmi, comm. pers., février 1999.

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

N° échantillon

Locus

N° Catalogue

Niveau

PMC (%)

δ13C(‰)

∆14C(‰)

Ypb (2)

Age calibré (BC) (3)

RT-3029

1127

9593

IIIA

69.0 ± 0.3

-22.2

-310.0 ± 3.0

2980 ± 35

1260 - 1120

RT-3030

1149-1

9641

IIIA

67.8 ± 0.3

-22.5

-322.4 ± 3.0

3125 ± 35

1430 - 1310

RT-3032

1149-1

10817

IIIA

69.6 ± 0.2

-23.5

-303.8 ± 1.9

2910 ± 20

1120 - 1040

RT-3031

1171

9716

IIIB

68.7 ± 0.2

-21.7

-313.2 ± 2.1

3020 ± 25

1310 - 1200

(1)

(1) Pourcentage de carbone moderne dans l'échantillon. (2) Âge radiocarbone conventionnel en années avant 1950. (3) Bronk-Ramsey Ch. 1995. Radiocarbon calibration and analysis of stratigraphy: the OxCal program. Radiocarbon 37 : 425-430

l'ordre d'un hectare, qui plus est, isolé, mais ayant traversé l'ensemble de l'âge du Bronze, soit près de deux millénaires, avec toutefois une interruption de plusieurs siècles durant le Bronze Ancien IV et une partie du Bronze Moyen. Une telle hypothèse pose une question essentielle sur la formation des villages, leur occupation sur de longues périodes et leur rapport avec le monde urbain. On considère en effet souvent que la continuité temporelle reste une caractéristique des centres urbains importants, une telle vision n'offrant aux petits établissements que le "droit" à des phases d'occupation courtes, à l'image de leur étendue. La présence d'importations chypriotes ainsi que mycéniennes prouve que Yarmouth profite pleinement du commerce international qui couvre l'ensemble du Levant de ses produits, en particulier les céramiques. De ces observations, on peut conclure que même un village relativement isolé et de petite taille, comme l'était Yarmouth à cette époque, avait accès au XIIIème siècle à toutes ces importations de céramiques fines. En ce qui concerne la situation géopolitique de Yarmouth à la fin du Bronze Récent, elle reste difficile à évaluer. Il s’agit certainement d’un village sous le contrôle d’une cité-état comme Gath/Safit ou Gezer. Gath/Safit semble une alternative plus crédible. En effet, cette cité-état étend son contrôle sur l'ensemble des sites placés le long de la vallée de la 'Ela. A l'inverse, Gezer contrôle plus particulièrement la vallée du Soreq où Bet-Shemesh constitue un site-frontière. Tel Yarmouth se situerait donc dans l'orbite de Tel Safit. Néanmoins, la situation topographique et géographique, la taille, l’isolement de Yarmouth nous apparaissent comme autant de critères susceptibles d'entraver la gestion du territoire par les cités-états au cours du XIIIème siècle. Yarmouth serait alors un site périphérique, ayant pu posséder une relative autonomie du fait d’un contrôle politique plus lâche. Les lettres d'ElAmarna montrent de manière récurrente le problème du contrôle par les cités-états des petits sites en bordure de leur territoire (EA 279, 280, 278, 289, 290). L'incapacité ou la difficulté des centres à

Concernant les trois échantillons du niveau Acr. IIIA (RT- 3029, 3030, 3032), les résultats nous apparaissent comme plus concluants. L'un d'entre eux (RT- 3030) donne une datation relativement haute, entre 1430 et 1310, ce qui sous entend la réutilisation d'une poutre datant d'au minimum plus de deux siècles. Les datations des échantillons RT- 3029 et 3032, perçus conjointement (1260-1120) et (1120-1040) respectivement, permettent d'envisager un abattage vers la fin du XIIème siècle. L'échantillon RT-3032, en particulier, fournit une datation en plein accord avec les datations relatives du matériel céramique, c'est-à-dire le XIème siècle. Ce dernier échantillon permet, selon nous, d'abaisser l'ensemble des autres datations pour dater la construction de la toiture des maisons du niveau Acr. IIIA.

Synthèse archéologique et historique Le niveau Acr. VI peut être daté du XIIIème siècle, mais sa nature ainsi que les phases chronologiques qu'il concerne n'en posent pas moins de réels problèmes. Il exige en particulier des réponses sur l'occupation du site au Bronze Moyen II, au Bronze Récent I et au Bronze Récent IIA. Comment doit-on expliquer la présence des tessons datables de ces périodes ? Peut-on estimer qu'une présence significative sur le site a perduré pendant l'ensemble du deuxième millénaire, et non plus seulement à partir du XIIIème siècle comme on le croyait jusqu'alors ? Se dégage l'image d'un site certes villageois, mais ayant connu une continuité d'occupation de l'ampleur de celle des grands sites régionaux. Il s'agirait là d'un exemple rare d'établissement aux dimensions modestes, de 102

TEL YARMOUTH

contrôler l'ensemble de leur domaine touchent en premier les sites les plus éloignés ou les plus isolés, comme Yarmouth. Le niveau Acr. V a pu marquer une phase d'extension du site, mais de là à parler de prospérité, on ne peut émettre que des hypothèses. Cette période de transition est marquée dans nombre d'autres sites de la région par une destruction ou un abandon. Or un tel phénomène ne concerne pas le site de Tel Yarmouth. Les établissements proches tels Khirbet el-'Alya, Tel Zanoah, Tel Azekah ou Tel Socoh semblent ne pas connaître d'occupation à cette période. Tel Yarmouth fait figure d'exception, ou bien l'ensemble des sites propose des séquences stratigraphiques relativement proches. Mais en l'absence de fouilles, rien ne permet de s'en assurer. Le niveau Acr. IV présente une occupation mal définie. L'usage précis des deux structures circulaires, concernant éventuellement la cuisson, reste cependant indéterminé. Le matériel céramique n'a pas été exhumé en grandes quantités ; quant à l'apparition sur le site de la poterie bichrome, certainement liée au commerce, elle indique une reprise d'échanges inter-régionaux avec la plaine côtière, mais ne nécessite aucunement la présence

d'une population philistine sur le site. Pour le niveau Acr. III, la position culturelle de Yarmouth durant le XIème siècle permet d'avancer que le site est habité par une population cananéenne qui n'a pas varié dans sa composition ni, semble-t-il fondamentalement, dans ses pratiques culturelles depuis le Bronze Récent. Du moins n'est-il pas possible de distinguer au travers de la culture matérielle de trait ethnique ou culturel nouveau. Le niveau Acr. III a été complètement détruit vers la fin du XIème siècle. Le site ne semble pas réoccupé pendant quelques siècles. Il le sera au Fer II vers les VIIIème-VIIème siècles d'après des indications fournies par le matériel céramique de cette période. Chaque pièce fouillée comportait plus d'un mètre de débris avec des traces importantes de destruction par le feu. Est-il possible de désigner les responsables de cette ruine? On peut imaginer que cette destruction est intervenue soit accidentellement, soit à l'occasion de troubles locaux, ou de luttes qui opposèrent les Philistins aux proto-Israelites. Il n'est pas pour l'instant possible de trancher.

103

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

du Fer I. Des tessons des XIVème-XIIIème siècles ont été recueillis, provenant certainement de niveaux antérieurs à ceux dégagés519.

TEL SIPPOR Coordonnées : 1248.1180

LES FOUILLES :

Références concernant le site : - Fouilles : Biran, Negbi 1964 ; 1965 ; 1966 Biran 1993

Le niveau III se compose de deux couches. Le niveau IIIB comprend une plate-forme en brique crue avec une fosse à proximité520. Le niveau IIIA possède un bâtiment associé à une grande cour plâtrée, où l'on retrouve, mais à un autre emplacement, une plate-forme en brique crue avec une fosse proche. Sur le sol de la cour, de nombreux objets ont été découverts, parmi lesquels des lampes, des importations chypriotes et 521 et surtout une figurine en bronze mycéniennes représentant un dieu assis, ainsi qu'une statuette en pierre. La figurine connaît des représentations comparables en Syrie-Palestine et à Chypre522. La statuette représente un dieu ou un roi cananéen assis sur un trône. Bien que la tête manque, la coiffe portée est de style égyptisant alors que son vêtement à galon est de type syrien, le personnage tient dans sa main une fleur de lotus. Les fouilleurs interprètent l'ensemble des objets associés aux installations architecturales comme un lieu de culte523. On note cependant que cette hypothèse, émise en 1964, n'est pas reprise dans la présentation, simplifiée, présentée en 1993524. Faut-il voir là le résultat d'un manque de place, ou bien l'abandon de cette hypothèse ? La poterie du niveau III apparaît comme caractéristique de la fin du Bronze Récent et du début du XIIème siècle525. Un autre bâtiment fouillé a livré, dans une pièce, une zone de stockage avec quatre cellules, pleines de restes de plantes carbonisées. Mis à part cet ensemble qui a subi le feu, on note pour le niveau III l'absence de toute destruction séparant la fin du Bronze Récent du Fer I. L'établissement cananéen ne connaît pas de fin tragique et la transition, selon toute apparence, se déroule paisiblement. Le niveau II scelle avec un sol plâtré le niveau précédent. Ce niveau II possède des installations de différents types : des murs en briques, de nombreuses citernes et un sol plâtré. De nombreuses fosses creusées dans le sol parsèment également le site. Un plan relativement équivalent et une plate-forme avec une fosse plâtrée ont été retrouvés. A-t-on, comme le soulignent les

- Etudes : Thompson 1979 : 363 (n° 1211.01) Dorsey 1991 : 191, map 13 n° 623 Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla ? Côte : 15,3 km ; Tel 'Erani : 6,7 km ; Kh. Rugm ad-Darbi (91) : 7,7 km Tel Safit : 12 km ; Ashdod : 13 km ; Lachish : 14,5 km ; Ashkelon : 16 km Superficie : a - 0,05 ha

Situation géographique et topographique Tel Sippor se trouve dans la plaine côtière à michemin entre la côte et la Basse Shéphéla. C'est l'un des rares sites à occuper cette zone peu densément peuplée. Le tell d'une superficie réduite, près de cinq cents mètres carrés, se place au centre d'un espace cerné par des wadis. Il surplombe de cinq mètres une terrasse environnante d'un demi hectare. Le wadi Lachish, à un kilomètre et demi vers l'ouest et une source à 750 mètres à l'est, permettent une alimentation en eau. Le site a dû profiter de son emplacement sur un axe de passage reliant Ashkelon ou Ashdod à Lachish.

Connaissance du site et identification La découverte du site remonte aux années 1950 par M. Bosheri. Les prospections qui suivent alors permettent de prendre conscience de l'étendue chronologique de l'occupation de l'établissement. A. Biran et O. Negbi y réalisent trois campagnes de fouilles de 1963 à 1965 pour le compte du Département des Antiquités et des Musées Israéliens518. Aucune identification du site n'a pu être effectuée.

Historique de l'occupation du site La première occupation du tell remonte au Bronze Moyen I. Mais les trois niveaux fouillés (I à III) formant la stratigraphie du site, concernent une période de temps limitée se concentrant sur près de deux siècles depuis le Bronze Récent II jusqu'à la fin 518

Biran 1993 : 1526-7

104

519

Biran, Negbi 1966 : 161

520

Biran, Negbi 1964 : 285

521

Biran, Negbi 1966 : 163, fig. 7: 10-11

522

Biran 1993 : 1527

523

Biran, Negbi 1964 : 285

524

Biran 1993

525

Biran, Negib 1966 : 163

TEL SIPPOR

paraît plus simple de considérer que la continuité d'occupation est réelle. La poterie philistine implique selon les fouilleurs une occupation philistine. Comme pour d'autres sites, la présence d'une telle poterie ne signifie pas nécessairement une présence philistine. En l'absence de données quantitatives précises sur cette poterie, on ne peut trancher la question. Le site a certainement été intégré au Fer IB dans le territoire politique de la Philistie. La plus grande originalité de Tel Sippor repose sur la continuité culturelle dont il fait preuve, traversant les vicissitudes d'une époque troublée, au milieu d'une zone convoitée. Sa taille réduite lui a peut-être permis d'éviter toute destruction lors de l'arrivée des Philistins. L'établissement sera abandonné à la fin du Fer I sans connaître, là non plus, de destruction.

fouilleurs526, des indices suffisants pour avancer que la population continue à attribuer à la zone une fonction cultuelle ? Le niveau II correspond à l'apparition de la poterie bichrome philistine sur le site. La qualité de cette céramique et sa grande quantité, à laquelle s'ajoute un assemblage non décoré dans la tradition du Bronze Récent, laissent supposer un établissement prospère à cette époque. Aucune destruction ne clôt cette couche. Le niveau I comporte des murs en briques, des citernes plâtrées et des fours. On retrouve de la céramique philistine tandis qu'apparaissent quelques exemples de poterie à engobe rouge lustré527 ou "Red-slip burnished". Ce niveau peut être daté de la seconde moitié du XIème siècle.

Synthèse archéologique et historique Tel Sippor offre l'image d'un site à plus d'un titre original. Un premier point problématique concerne sa position et son rattachement, au Bronze Récent II, à une cité-état de la côte ou de la Shéphéla. Bien que sa situation géographique de site de plaine le place sous la dépendance politique d'Ashkelon, il a pu être sous le contrôle de Lachish, comme Khirbet Shoraqa (102) ou Tel Sheqef (103), autres sites de plaine. On doit par ailleurs retenir qu'un tel isolement est plutôt rare au Bronze Récent dans le sud de la Palestine. Un second point réside dans la nature du site au regard de sa taille. Il a pu paraître surprenant qu'un hameau fournisse un tel groupe d'objets, dont la figurine et la statuette. Les éléments d'architecture n'apportent pas de preuves suffisantes pour affirmer qu'il s'agit d'un lieu à vocation cultuelle. L'hypothèse, pourtant, reste tentante : attribuer à un site de cette taille une telle fonction cultuelle, pose le cas d'un exemple trop rare pour qu'on évacue simplement le problème. Un troisième point concerne l'ensemble de la séquence d'occupation du site, depuis la fin du XIIIème siècle jusqu'à la fin du XIème ou le début du Xème siècle. Comment comprendre l'évolution culturelle de cette succession de trois niveaux, auxquels aucune destruction ne vient mettre fin ? La continuité entre les niveaux III et II, dans l'architecture ou la poterie, peut correspondre à une simple absence de rupture d'occupation. La population, quoi qu'il en soit, n'a pas dû beaucoup varier dans sa composante culturelle majeure. La possibilité d'un hiatus entre la fin du XIIIème et la deuxième moitié du XIIème siècles, avec l'apparition de la céramique bichrome, quoique envisageable, n'est pas à l'abri d'objections, puisqu'elle indique qu'après un abandon, les mêmes groupes reviennent s'installer dans leur hameau. Il 526

Biran, Negbi 1964 : 285

527

Biran 1993 : 1526 ; Biran, Negbi 1966 : 161, fig. 5: 1-6

105

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Fossé, comme à d'autres périodes, les habitants ont été amenés à s'installer en dehors des limites strictes du tell. L'établissement a pu alors couvrir une surface de l'ordre d'une vingtaine d'hectares. Le tell est bordé par le wadi Lachish à l'est et au nord. La principale voie de passage provient de la côte pour relier les monts de Judée. La route longeant la Basse Shéphéla passe à quelques kilomètres à l'ouest. Une route d'axe nord-sud devait permettre de relier Tel Goded puis Tel Azekah au nord, à Tel Halif au sud.

LE SUD DE LA SHEPHELA

Pour le sud de la Shéphéla, Lachish comprend sur son territoire deux groupes de sites : Tel 'Erani, Tell el-Hesi et Tel Nagila dans la plaine côtière et Tell Eitun, Tell Beit Mirsim et Tel Halif en Haute Shéphéla.

LACHISH Tell ed-Duweir

Connaissance du site et identification

Coordonnées : 1357.1082

En 1932 J. L. Starkey, à la tête d'une expédition britannique, mène les premières fouilles sur le site. Elles durent jusqu'en 1938, date de la mort de Starkey. Y. Aharoni effectue quelques travaux en 1966 et 1968. D. Ussishkin, de l'Université de TelAviv, reprend les fouilles entre 1973 et 1987. Concernant l'ancien nom de Tell ed-Duweir, W. F. Albright l'identifie en 1929 avec la cité de Lachish. Cette dernière avait été préalablement associée, par C. R. Conder en 1878, avec Tell el-Hesi. Les fouilles des deux sites ont permis de confirmer l'exactitude de l'identification de Tell ed-Duweir avec Lachish. Les archives d'El-Amarna contiennent cinq lettres envoyées aux pharaons par trois différents rois de Lachish : Zimreddi, Shipti Ba'la, Yabni-Ilu. D'importants cimetières, utilisés parallèlement aux périodes d'occupation du site existent à proximité du tell. Une tombe du Bronze Récent II à Qubeibeh528, à 350 mètres au nord de Lachish a en particulier été fouillée en 1984.

Références concernant le site : - Fouilles : Tufnell 1940 ; 1958 Aharoni 1975 Ussishkin 1978 ; 1983 ; 1985 ; 1993 ; 1996 - Etudes : Wright 1971 Thompson 1979 : 374 (site n° 1310.01) Drori, Horowitz 1988-89 Dagan 1992 : 57*-58* Situation géographique : Basse Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 29,5 km ; Tel Zeit (93) : 6,7 km Umm el-Baqar (107) : 7,2 km ; Tel Burna (92) : 7,4 km ; Tel 'Erani : 7,6 km Uza (173) : 8,1 km ; Tel Goded (96) : 9,5 km ; Kh. er Ras (114) : 10,3 km Tel Hesi 11 km ; Tel Nagila : 11,3 km ; Tel Eitun : 11,5 Keilah (98) : 15,6 km ; Tel Halif 21 km ; Tel Safit : 15 Superficie : e - 12,4 ha

Historique de l'occupation du site

Situation géographique et topographique

STRATIGRAPHIE GENERALE :

La situation géographique de Tel Lachish, sans être exceptionnelle est peu courante pour les grands sites de Shéphéla. Le site est en effet au cœur de la Basse Shéphéla, au milieu de nombreuses collines de hauteur moyenne. Rares sont les centres urbains importants du Bronze Récent se satisfaisant d'un tel emplacement. Gezer et Tel Safit en particulier, mais également Tel Batash, Bet-Shemesh ou Azekah, se plaçaient en des points stratégiques pour le contrôle d'axes de communication, tout spécialement à la bordure des différentes entités géographiques. La position géo-topographique de Lachish pourrait donc être qualifiée de "tranquille" au sein d'un environnement paisible. Ce serait un raccourci cependant schématique que d'insister sur le caractère isolé du site : il n'en est rien puisque des voies importantes le longent. Le tell lui même possède une superficie de 12,4 hectares, mais au Bronze Récent avec le Temple du

Du Bronze Ancien jusqu'à la période hellénistique, le site connaît une présence relativement continue. Le Bronze Ancien II marque une occupation importante sur le tell. A la suite d'une phase d'abandon après le Bronze Ancien III, la réoccupation est mal datée. Elle est assurée à partir du Bronze Moyen II-III, lorsque Lachish se trouve être l'une des principales cités du sud de la Palestine. Après une destruction à la fin du Bronze Moyen en c.1500, Lachish occupé durant l'ensemble du Bronze Récent. Ce dernier se divise en trois phases reconnues dans différents états du Temple du Fossé, I, II et III. Ces trois phases sont appelées Bronze Récent I, Bronze Récent II et Bronze Récent III par D. Ussishkin529. Ce niveau couvre les XVème, XIVème et XIIIème siècles. Il est détruit à la

106

528

Ben-Arieh, Ben-Tor, Godovitz 1993

529

Ussishkin 1993 : 898

LACHISH

fin du XIIIème siècle, puis est réoccupé immédiatement avec le niveau VI, daté de la première moitié du XIIème siècle. Une destruction complète de Lachish clôt le niveau VI. Une réinstallation ne se fera qu'à partir du Xème siècle.

habitations laissent la place à un bâtiment public. La continuité dans le matériel céramique est en revanche indéniable. Le temple sur l'acropole présente trois espaces, placés en enfilade sur un axe identique. Il se compose d'une entrée, d'un grand hall de 13,2 sur 16,5 mètres puis d'une cella. Une seule phase d'occupation a été identifiée dans le hall, tandis que deux phases architecturales531 sont identifiables d'après la pièce de stockage 3162. L'absence de restes matériels en quantité importante montre, selon le fouilleur, que le temple a été consciencieusement pillé avant sa destruction par le feu. Les quelques traces disponibles indiquent un culte cananéen. Certaines caractéristiques du temple présentent des parallèles avec d'autres temples de Syrie-Palestine comme à Alalakh, Hazor ou BetShean VI532. Le plan du temple présente quant à lui des similitudes avec des exemples égyptiens533. Dans le secteur S est construit un vaste bâtiment, fouillé en partie, d'au moins 5 mètres de large sur 17 à 20 mètres de long. Il a révélé un hall tout en longueur de 3,5 mètres de large pour 15 à 18 mètres, avec 5-6 piliers534. Le bâtiment a connu trois phases, dont la dernière correspond à une occupation domestique535.

LES FOUILLES : Durant l'ensemble du Bronze Récent, Lachish ne possède pas de fortification, tout au plus le mur extérieur des maisons placées en bordure du tell forme-t-il une protection. L'emplacement d'un temple au Bronze Récent, dans le fossé au pied du rempart, semble indiquer que ce dernier était en état de désaffection, quoique la muraille ait été encore en place, offrant une position surélevée et défensive non négligeable. Ce Temple du Fossé, édifié au XVème siècle sera reconstruit et agrandi lors d'une deuxième phase au XIVème siècle, puis connaît quelques changements mineurs au XIIIème siècle. Son utilisation se termine avec la destruction du niveau VII. Selon D. Ussishkin, la chronologie tripartite est largement acceptée. Les trois phases de développement du Temple du Fossé sont bien réelles. Elles s'étendent sur trois siècles, correspondant en fait au Bronze Récent IA, Bronze Récent IIA et Bronze Récent IIB. Les quelques changements architecturaux entre les différents états du temple ne nous semblent pas un élément suffisant pour fixer toute la chronologie du site. En particulier, l'appellation de Bronze Récent III pour définir une phase qui relève en fait du Bronze Récent IIB nous paraît inopportune. A l'échelle du site, les transformations opérées dans le temple sont mineures ; à l'échelle de la région les XIVèmeXIIIème siècles, soit le Bronze Récent II, forment un ensemble chronologique relativement cohérent, nécessitant une subdivision entre IIA et IIB, mais pas une "opposition" entre II et III. Le Bronze Récent III s'applique en revanche naturellement au niveau VI de Lachish. La dernière phase du Temple du Fossé, datée du XIIIème siècle, propose un matériel céramique important à vocation cultuelle, des importations chypriotes et mycéniennes ainsi que des objets en matière variée, scarabées, figurines, bijoux, objets en ivoire, albâtre, faïence et verre530. Provenant d'une fosse près du temple, une bague portant le nom de Ramsès II atteste de cette datation durant le XIIIème siècle. Le niveau VI voit la mise en place sur le site d'un plan différent. Deux zones connaissent des changements importants. Le Temple du Fossé après sa destruction n'est pas reconstruit, tandis qu'un temple sur l'acropole est édifié, avec pour rôle éventuel de le remplacer. Dans le chantier S, les

530

Ussishkin 1993 : 900

107

531

Ussishkin 1983 : 110

532

Ussishkin 1978 : 26

533

Ussishkin 1993 : 901

534

Ussishkin 1983 : 114

535

Ussishkin 1983 : 114

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux

VIII

VII

VI

Périodes

XIVème siècle

XIIIème siècle

1re moitié XIIème s.

Chantiers

Temple du Fossé II

Temple du Fossé III

Temple de l'acropole

Les objets provenant de ce niveau doivent certainement être rattachés aux deux premières phases du bâtiment public. Ils sont d'une certaine richesse fournissant les preuves d'une présence égyptienne ostentatoire, avec des objets, armes et bijoux en bronze, or et ivoire. On note l'absence de céramiques importées chypriotes et mycéniennes. Dans le secteur G, une cache contenant des objets en bronze a été découverte dans la couche de débris du niveau VI. On y trouve un morceau de plaque en bronze portant un cartouche de Ramsès III536. Des tessons de bols avec des inscriptions en hiératique, dont deux avec des années de règnes, sont autant d'éléments indiquant une présence égyptienne plus forte à cette période dans le sud de la Palestine. Le règne de Ramsès III, correspondant au niveau VI, semble avoir constitué un regain de l'occupation égyptienne, en particulier à Lachish. Ajoutons que selon N. Na'aman, de la céramique grise troienne proviendrait du niveau VI de Lachish537. Le niveau VI ne comporte enfin pas de poterie philistine. Lors de l'apparition de cette dernière, des sites plus à l'est de Lachish, comme Tell Eitun et Tell Beit Mirsim, ont eu accès à ces poteries. Si Lachish n'est pas occupé à cette période, cela signifie que le site a été détruit avant l'apparition de la céramique bichrome et surtout que ce répertoire céramique ne s'est développé qu'après la destruction de Lachish, donc pas avant le dernier tiers du XIIème siècle. Pour D. Ussishkin538, la destruction du niveau VI est à mettre en relation avec la fin de la présence égyptienne en Palestine, qui s'opère par un retrait progressif davantage que par une abandon subit et rapide. Concernant les fouilles de la tombe de Qubeibeh, l'abondant matériel céramique indique une datation durant le XIVème siècle, avec des importations chypriotes. Le niveau II du Temple du Fossé offre des parallèles avec l'assemblage céramique de cette tombe.

536

Synthèse archéologique et historique L'importance historique du site justifie la place occupée par Lachish parmi les autres établissements du sud de la Palestine. Ses dimensions en font l'une des principales cités-états de la région. Mais cette importance au Bronze Récent repose également sur la stratigraphie précise qu'il fournit, en particulier avec le niveau VI. Les conclusions qu'il est permis de tirer de l'occupation de ce niveau conduit à une nécessaire remise en question de la chronologie admise : l'absence de la céramique bichrome dans le niveau VI signifie en effet que cette dernière n'apparaît qu'à la suite de la destruction du site. Force est donc d'admettre l'apparition de cette poterie vers la fin du XIIème siècle. Il en résulte que la céramique monochrome apparaît vers le milieu du XIIème siècle539. Les trois sites qui suivent, Tel 'Erani, Tell el-Hesi et Tel Nagila présentent des caractéristiques communes. Tous appartiennent durant le Bronze Récent II au territoire de Lachish, mais leurs séquences stratigraphiques diffèrent sur de nombreux aspects. Leur point commun réside dans la connaissance actuelle, assez limitée, de ces trois établissements pour la fin du second millénaire. Tel 'Erani et Tell el-Hesi sont des sites qui connaissent leur période d'extension maximum au Bronze Ancien, Tel Nagila au Bronze Moyen II. Les recherches importantes dont ils ont fait l'objet portent surtout sur ces époques, mais laissent dans l'ombre certaines autres. Ces sites, placés dans une zone géographique identique, - la plaine côtière au nord-ouest, à l'ouest et au sud-ouest de Lachish forment peut-être pour cette période des sites secondaires, au pouvoir et à la superficie limités. Les restes archéologiques retrouvés semblent indiquer une faible occupation.

Ussishkin 1983 : 123 ; une cache de ce type a été découverte à

Tel Yarmouth (Goldwasser, à paraître). 537

Na'aman 2000 b, faisant référence à Tufnell 1958 : 132, 213-214

538

Ussishkin 1993 : 902

539

108

Finkelstein 1995 c ; 1998 a

TEL 'ERANI

périodes du Bronze Ancien et du Fer II. La reprise des fouilles s'est concentrée sur les premiers moments de l'occupation du site depuis le Bronze Ancien I jusqu'au Bronze Ancien III. Deux tombes du Bronze Récent II ont été mises au jour dans le chantier D, sur la haute terrasse. Cet élément implique qu'à cette période, l'occupation du site se limite à l'acropole. La situation reste la même pour le Fer I, où quelques tessons de cette époque ont été exhumés dans le chantier F541 au pied de l'acropole et lors de prospections effectuées par Albright542. Les niveaux de la fin du second millénaire donnent l'impression, au travers des fouilles, d'être très peu représentés sur le site. C'est surtout qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une attention particulière. Les recherches des différentes missions ont principalement été mené sur le Bronze Ancien qui revêt, à juste titre, une importance capitale dans l'histoire du site.

TEL 'ERANI Tell esh-Sheikh Ahmed el-'Areini Coordonnées : 1298.1134

Références concernant le site : - Fouilles : Kempinski et Yeivin 1993 - Etudes : Albright 1925 : 8 Thompson 1979 : 364 (n° 1211.03) Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla Côte : 22 km ; Uza (173) : 2,9 km ; Tel Zeit (93) : 4,4 km Kh. Rugm ad-Darbi (91) : 5 km ; Tel Sippor : 6,7 km ; Lachish : 7,7 km Superficie : c - 1,6 ha

Situation géographique et topographique

Synthèse archéologique et historique

Tel 'Erani se situe dans la plaine côtière. Il s'agit d'un vaste tell couvrant une superficie d'au moins 24 hectares mais dont l'extension précise demeure inconnue. Trois zones distinctes composent le tell : une acropole d'une surface de 1,6 hectare, dominant la plaine de 32 mètres, une terrasse haute de 16 hectares et une terrasse basse s'étendant sur 24 hectares au minimum et comprenant les deux précédentes 540. Le wadi Lachish longe le site au nord-est. Une route d'importance secondaire reliant Lachish à la côte passe certainement aux abords du site.

L'étendue du site durant le Bronze Ancien, avec une superficie de 16 hectares minimum, ne peut être comparée avec son occupation restreinte sur l'acropole, pour le Bronze Récent et le Fer I. Tel 'Erani peut être considéré comme un centre d'importance secondaire, dépendant de Lachish durant le Bronze Récent II. La carte de répartition des sites du Bronze Récent II montre clairement que Tel 'Erani appartient aux sites satellites de Lachish. Il s'intègre à une place précise, en tant que site frontière, au même titre que Tel Zeit, Tel Burna ou peut-être Tel Goded, tous sur la bordure nord partagée avec Tel Safit. Quant aux modalités du passage du Bronze Récent II au Fer I, elles demeurent inconnues. On ne saurait pourtant se satisfaire d'un tel manque de données. Pour tenter de saisir la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer, la situation de Tel 'Erani, à mi-chemin entre les sites de Tel Sippor et de Lachish, pour lesquels on possède des stratigraphies précises, permet d'envisager quelques hypothèses sur les processus traversés par le site. L'absence de céramique monochrome serait normalement suivie par l'apparition de la poterie bichrome vers la fin du XIIème siècle. La position du site, très engagé dans la plaine côtière et donc en Philistie, pourrait expliquer qu'il ne soit pas détruit, sans connaître de réoccupation au Fer I, comme l'ont été Lachish et nombre de sites sur son territoire.

Connaissance du site et identification Le site est visité par Victor Guérin en 1867. H. Guthe l'associe à la Gath philistine. Cette hypothèse sera repris par W. Albright. Les fouilles menées par S. Yeivin entre 1956 et 1961, pour le Département des Antiquités et des Musées Israéliens, invalident cependant cette thèse. Depuis, aucun site biblique ne lui est rattaché et l'identification de Tel 'Erani reste à déterminer. Il n'est nulle part fait mention du site dans les archives du Bronze Récent. A. Kempinski et I. Gilead, des universités de Tel Aviv et de Beer-Sheva, ont repris les fouilles de 1985 à 1988.

Historique de l'occupation du site Onze chantiers ont été ouverts sur le tell, répartis sur l'acropole et les deux terrasses. Les efforts ont porté surtout sur la compréhension des

540

Yeivin, Kempinski 1993 : 417

109

541

Kempinski, Yeivin 1993 : 419

542

Albright 1925 : 8

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

associer Tell el-Hesi à Eglon543. Rien ne permet actuellement de s'en assurer, et le nom antique du site demeure inconnu. Bien qu'une tablette en cunéiforme ait été trouvée sur le site, elle semble provenir de Lachish (EA 333).

TELL EL-HESI Coordonnées : 12445.10620

Références concernant le site : - Fouilles : Fargo 1993

Historique de l'occupation du site Le tell connaît une longue occupation s'étendant depuis le chalcolithique jusqu'à la période hellénistique. Bliss a déterminé huit villes superposées. La "ville II" date du Bronze Récent I du XVème siècle. La "ville III" peut être datée du XIVème siècle, une épaisse couche de cendres la recouvre. La datation de la "ville IV" pose problème. Elle semble pouvoir être rattachée au XIVème siècle ou plus vraisemblablement au XIIIème siècle. Un bâtiment du niveau "Sub IV" retient plus particulièrement l'attention. Les fouilleurs le définissent comme un édifice public de construction soignée. Il mesure 18 mètres de côté avec des murs en brique d'une épaisseur d'un mètre et demi. Le matériel indique une datation vers la fin du XIIIème siècle. Selon E. Oren544, ces caractéristiques permettent d'identifier le bâtiment à une résidence de gouverneur. Les fouilles récentes montrent que la ville basse s'est pleinement développée durant le Bronze Ancien. Le Bronze Moyen se limite à des tessons que l'on ne peut associer à de l'architecture. Les recherches sur l'acropole se sont arrêtées sur les niveaux du Fer I. Le Bronze Récent n'a donc pas fait l'objet de dégagement, mais la présence de tessons atteste une occupation dans le secteur. Le chantier V dans la ville basse a également livré de la poterie de cette époque. La présence de formes céramiques du Fer I, en particulier du XIIème siècle545, semble indiquer une occupation durant le Bronze Récent III. Pour le Fer I proprement dit, seul un sondage apporte la preuve d'un établissement avec de l'architecture associée à de la céramique du XIème siècle.

- Etudes : Wright 1971 Thompson 1979 : 372 (n° 1210.02) Koucky 1989

Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla Côte 20,5 : km ; Tel Sheqef (103) : 1,9 km Tel Qeset (105) : 3,2 km ; N-O Tel Nagila (175) : 3,7 km Kh. Shoraqa (102) : 4,7 km ; Tel 'Erani : 8,5 km Lachish : 11,4 km ; Ashkelon : 20 km Superficie : c - 1,6 ha

Situation géographique et topographique Tell el-Hesi est dans la plaine côtière. Il est bordé à l'est par le wadi Shiqma, avant qu'il ne rejoigne le wadi Adorayim, le long duquel de nombreux autres sites se sont établis. Le tell se compose d'une acropole de 1,6 hectare et d'une ville basse de 10 hectares. Cette partie haute possède des dépôts archéologiques atteignant 21 mètres d'épaisseur et culmine à une hauteur de 140 mètres. Dans la ville basse, les dépôts se limitent à trois mètres. L'eau était aisément accessible dans le wadi situé à une cinquantaine de mètres et par une source qui se trouve à 250 mètres au sud-est. Un axe de communication a pu longer le wadi, reliant la côte à l'intérieur des terres de Haute Shéphéla. Tell el-Hesi constitue le premier site d'importance sur cette voie de passage. Plusieurs petits établissements, à faible distance et visibles depuis ce dernier, devaient subir son contrôle direct.

Synthèse archéologique et historique

Connaissance du site et identification

Le renouvellement des fouilles - qui ont du moins le mérite d'être récentes - n'apporte, comme on peut le constater, qu'une moisson fort limitée d'informations sur le Bronze Récent et le Fer I. On est pourtant en droit de penser que Tell el-Hesi était au Bronze Récent II en mesure de posséder un statut de centre, secondaire mais au pouvoir réel. Nous en prendrons pour preuve les petits sites de Tel Sheqef (103), Tel Qeset (105) et de Khirbet Shoraqa (102),

Tell el-Hesi a connu les premières fouilles considérées comme scientifiques, par l'emploi de la méthode stratigraphique en 1890, et réalisées par W. M. F. Petrie pour le compte du Palestine Exploration Fund. De 1891 à 1893, Bliss poursuit les recherches archéologiques sur le site. Des fouilles récentes s'y sont déroulées de 1970 à 1983, durant huit campagnes. Elles ont porté aussi bien sur l'acropole que sur la ville basse. C. R. Conder le premier, assimile le site à Lachish. Cette hypothèse est reprise par Petrie puis Bliss. Mais l'identification assurée de Tell ed-Duweir avec Lachish porte Albright à 110

543

Fargo 1993 : 630

544

Oren 1984 : 46-47

545

Toombs 1989 : 126

TELL 'EL-HESI

situés respectivement à 1,9 , 3,2 et 4,7 kilomètres, qui devaient se trouver sous le contrôle de Tell el-Hesi. On ne peut cependant se prononcer sur les

processus politiques et culturels affectant le site au cours de la transition au XIIème siècle, ou sur le statut de l'établissement au Fer I.

111

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Historique de l'occupation du site

TEL NAGILA

Le site a connu une longue occupation depuis le Chalcolithique jusqu'à la période mamelouke, mais avec des interruptions s'étendant sur plusieurs siècles. Au Bronze Moyen IIB-C, correspondant aux niveaux XI à VII, le site atteint son expansion maximale avec des superficies de 4 hectares et la construction d'un rempart. Au Bronze Récent, il est plus raisonnable de penser qu'il occupe une superficie plus réduite de l'ordre de 3 hectares. Le niveau VI, dégagé dans un seul secteur, date du Bronze Récent I. Le niveau V du Bronze Récent II est marqué par quelques traces d'architecture et de la poterie, dont des importations chypriotes et mycéniennes547. Les fouilleurs y voient les éléments d'une occupation ayant pu être assez lâche548. A la fin du Bronze Récent, le site est soit abandonné, soit détruit.

Tell en Nejileh Coordonnées : 1270.1012

Références concernant le site : - Fouilles : Amiran, Eitan 1965 ; 1993 - Etudes : Albright 1924 : 7 Thompson 1979 : 373 (n° 1210.05) Situation géographique : plaine côtière Rattachement politique : Shéphéla Côte : 25,8 km ; O. Tel Nagila (176) : 1,3 km ; N-O Tel Nagila (175) : 2,8 km Tel Qeset (105) et Umm al Baqar (107) : 4,3 km ; Tel Milha (123) : 4,8 km Lachish : 11,5 km Superficie : c - 3 ? ha

Synthèse archéologique et historique Les données archéologiques fournies par la fouille pour le Bronze Récent sont d'une étonnante pauvreté. Comme pour Tel 'Erani et Tell el-Hesi, faut-il y voir l'indice d'une occupation de faible ampleur ? Le nombre de sites dans l'espace formé par Tell el-Hesi, Umm al Baqar (107) et Tel Nagila, avec un total de 7 établissements, semble indiquer une zone plutôt prospère. Tel Nagila y contrôle certainement les deux petits établissements (175 et 176) situés au nord-ouest du site, à une distance de 1,3 et 2,8 kilomètres. Comment interpréter les données propres au site dans une perspective régionale, où il apparaît en tant que centre secondaire contrôlant au moins deux autres sites ? La destruction de Tel Nagila à la fin du Bronze Récent doit pouvoir être mise en relation avec celle de Lachish. Le site ne fournit cependant pas de preuves tangibles d'une occupation durant le Bronze Récent III.

Situation géographique et topographique Tel Nagila se situe dans la plaine côtière, sur une petite colline aux abords des collines de Basse Shéphéla. Le wadi Shiqma passe à 200 mètres à l'est de l'établissement. Des ressources en eau sont également disponibles à deux sources, à 500 mètres au sud et 600-700 mètres au nord. Ce grand tell rectangulaire couvre une superficie de 4 hectares, pour une altitude de 200 mètres. Il domine les environs d'une hauteur de 6-7mètres. Il a pu revêtir une certaine importance de par sa position sur l'axe de passage longeant les premières collines de Shéphéla.

Connaissance du site et identification Les fouilles ont été menées par R. Amiran et A. Eitan pour le compte de l'Institute for Mediterranean Studies durant deux campagnes en 1962 et 1963. Le site était identifié avec la cité de Gath, mais les premières recherches de terrain ont vite révélé une absence d'occupation au Fer I, invalidant une telle l'hypothèse546.

546

Amiran, Eitan 1993 : 1079

112

547

Amiran, Eitan 1993 : 1081

548

Amiran, Eitan 1965 : 115

TEL EITUN

sur quatre carrés et n'ont permis de mettre au jour que deux niveaux du Fer II, des IXème-VIIIème siècles. Des couches sous-jacentes existent mais n'ont pu être dégagées550. Les fouilles du tell proprement dites n'apportent donc aucune information sur le Bronze Récent II ou le Fer I. Les tombes proches en revanche, qui fonctionnaient certainement en relation avec le site, permettent d'avancer l'hypothèse que le site était occupé durant l'ensemble de la deuxième moitié du second millénaire.

TEL EITUN Coordonnées : 1432.0998

Références concernant le site : - Fouilles : Ayalon 1985 Tzaferis, Hess 1992 (tombe du Bronze Récent) Edelstein, Aurant 1993 (tombe du Fer I) - Etudes : Thompson 1979 : 382 (n° 1409.01) Zimhoni 1985

Les tombes Deux tombes du Bronze Récent et du Fer I ont pu être fouillées. Les informations qu'elles apportent concernent essentiellement des assemblages céramiques. Pour cette raison, leur matériel sera mis en perspective de manière précise avec d'autres assemblages de même période dans le chapitre suivant consacré à la céramique. La tombe du Bronze Récent551 a été retrouvée avec deux phases d'inhumation mélangées. Elle possède plus d'une centaine de poteries dont un lot principal comprenant surtout des céramiques locales cananéenne telles que bols, cruches, cruchettes, flasques et lampes. S'y ajoutent des imitations locales de pyxides mycéniennes et de cruches chypriotes, et des importations chypriotes avec des cruches et cruchettes de type Base-Ring I et II, une flasque de type Base-Ring I, deux bouteilles dont une rappelant les fameuses bouteilles syriennes552. Un bol dont la présence reste difficilement explicable provient également de la tombe. Il s'agit d'un bol peint à profil sinueux553 dont les parallèles les plus proches relèvent de la céramique Mycénienne IIIC. Aucune analyse pétrographique n'a toutefois été menée, mais il s'agit certainement d'une importation. Quelques objets en verre et en bronze ont également été exhumés. L'ensemble est datable, d'après les importations, des Bronze Récent I et II. La dernière phase de dépôts doit être rattachée au début du XIIème siècle, du fait de la présence du bol "philistin". La tombe du Fer I554 comprend plusieurs pièces, dont certaines furent pillées. Le corpus céramique comporte plus d'une centaine de vases, répartis en plusieurs groupes. La céramique locale, la plus importante en nombre, présente l'ensemble des types existant à cette période avec des bols, cratères, calices, jarres, cruches, cruchettes, pyxides, flasques

Situation géographique : Haute Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 40,2 km ; Tell Beit Mirsim : 4,5 km Tel Agra (113) : 5,1 km ; Kh. Fuqeqis (130) : 5,2 km ; Kh. er Ras (114) : 8 km Kh. Rabud : 10,4 km ; Lachish : 11,5 km Superficie : c ou d - 3 ou 6 ? ha

Situation géographique et topographique Tel Eitun a une position clé en bordure de la Haute Shéphéla, face aux monts de Judée. Il occupe un sommet entouré de nombreuses collines de hauteur à peu près identique. Le tell couvre une surface de 6 hectares, son altitude est de 400 mètres. Le site est bordé par des vallées bien découpées, en particulier le Nahal Adorayim bordant Tel Eitun à l'est et au nord. L'approvisionnement en eau du site pouvait également s'effectuer à une source située à 200 mètres. Sa position le place au croisement de deux routes, l'une d'axe nord-sud qui longe la vallée séparant la Shéphéla des monts de Judée, l'autre d'axe est-ouest, reliant Lachish aux hautes collines de Judée en suivant le Nahal Adorayim.

Connaissance du site et identification Le site a fait l'objet de courtes fouilles de sauvetage en 1976 par D. Ussishkin et E. Ayalon, suite à des excavations illicites sur son sommet. La zone aux alentours du tell recèle de nombreuses tombes de différentes périodes, en particulier du Bronze Récent I-II, du Fer I-II et d'époque romaine549. Elles sont creusées dans le rocher et nombre d'entre elles ont été pillées. Le site n'est mentionné dans aucun document ou archive du Bronze Récent.

Historique de l'occupation du site Les fouilles, du fait de leur brièveté, ont porté 549

Ayalon 1985 : 54

113

550

Ayalon 1985 : 54

551

Tzaferis, Hess 1992

552

Tzaferis, Hess 1992 : 12

553

Tzaferis, Hess 1992 : 10, fig. 1 : 17

554

Edelstein, Aurant 1993

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

et lampes. La céramique locale se place dans la parfaite continuité des formes et techniques du Bronze Récent II et date du début du XIIème Les céramiques jusqu'au XIème siècle555. "importées" proviennent de la plaine côtière. Deux sous-groupes ont été isolés. On y trouve surtout des exemples de céramique bichrome philistine, avec des bols, des cratères, des cruches, auxquels s'ajoutent de nombreux autres objets en matériaux divers. Les objets en métal ne se limitent pas au bronze et certains sont en cuivre, en argent ainsi qu'en fer. Des sceaux et des scarabées font partie du lot, avec des perles, des pendentifs et des coquillages556. La grande variété d'objets ainsi que leur matériau ou leur provenance, soulèvent d'importantes questions sur la nature des relations commerciales se déroulant durant le Fer I. Aucune association entre les poteries et le caractère ethnique des individus enterrés ne semble devoir être effectuée.

Synthèse archéologique et historique Si l'on accepte l'hypothèse que le site est habité lorsque les tombes sont utilisées, alors Tel Eitun devait avoir une certaine importance au Bronze Récent II. La zone à laquelle il se rattache, à proximité de plusieurs autres sites à la limite de la Haute Shéphéla, lui a conféré, du fait de sa dépendance de Lachish, un rôle de cité frontière. Par sa proximité avec les monts de Judée, Tel Eitun a pu faire l'objet de conflits entre Lachish et Khirbet Rabud. La culture matérielle issue des tombes prouve que le site, au Bronze Récent comme au Fer I, n'a pas subi, malgré sa position en dehors des grandes voies commerciales, d'isolement économique ou culturel. Au contraire, la richesse des tombes, bien qu'elles représentent des cas exceptionnels, est porteuse d'enseignement. En effet, alors que le Fer I est généralement considéré comme une époque de repli sur soi dans les pratiques commerciales à plus ou moins longue distance, une tombe relativement isolée en Haute Shéphéla montre qu'il n'en est rien. Les objets proviennent surtout de la plaine côtière pour les céramiques, mais s'étendent jusqu'à l'Europe centrale pour des bijoux557.

555

Edelstein, Aurant 1993 : 25

556

Edelstein, Aurant 1993 : 28-30

557

Edelstein, Aurant 1993 : 31

114

TELL BEIT MIRSIM

TELL BEIT MIRSIM

Historique de l'occupation du site L'occupation de Tell Beit Mirsim remonte au Bronze Ancien III. Le Bronze Moyen II est une période d'occupation dense et voit la construction d'un rempart. Le Bronze Récent se divise en deux niveaux C1 et C2, datés respectivement du XIVème et du XIIIème siècle. Une couche de destruction les sépare. Aucune trace du Bronze Récent I et en particulier du XVème siècle n'a été trouvée sur le site, bien que l'occupation de cette époque semble attestée dans certaines tombes du cimetière. L'occupation du Bronze Récent possède une densité moindre qu'au Bronze Moyen II. Des traces de fortification existent toutefois560. Sans connaître l'ampleur de celles de la période précédente, on note dans une zone précise une véritable muraille de 2,5 mètres d'épaisseur, alors que le reste de l'ensemble du site profite plus simplement du mur extérieur des maisons, comme ce peut être le cas à Tel Batash. De nombreux silos à grain situés entre les maison laissent penser qu'il s'agit d'un habitat dispersé561. Le niveau C2 comporte de la céramique importée mycénienne IIIB. Le niveau B consiste en une occupation légère caractérisée par des silos à grain. Le niveau B2 est marqué par l'apparition de la céramique bichrome philistine. La reprise de l'étude du matériel céramique et de la stratigraphie par Greenberg permet de bien comprendre la succession des phases : là où Albright voyait la présence de groupes ethniques, Cananéens au Bronze Récent au niveau C2, Israélites en B1, Philistins en B2 puis à nouveau Israélites en B3, apparaît en effet une toute autre image. L'étude repose sur le matériel issu des silos. La céramique contenue dans les différents silos s'est révélée homogène, de sorte qu'elle peut servir à caractériser les phases. On note pour l'architecture du niveau B1 une réutilisation de certains murs du niveau C2, alors que d'autres connaissent un abandon. Les silos existant au Bronze Récent II deviennent des structures plus développées.

Coordonnées : 1415.0960

Références concernant le site : - Fouilles : Albright 1932 ; 1993 Greenberg 1993 - Etudes : Thompson 1979 : 383 (n° 1409.06) Zimhoni 1985 Greenberg 1987 Schaar 1991 Situation géographique : Monts de Judée Rattachement politique : Shéphéla ? Côte : 40,5 km ; Tel Eitun : 4,5 km ; Tel Halif : 9,5 km Kh. Rabud : 10,5 km ; Lachish : 14 km Superficie : c - 3 ha

Situation géographique et topographique Tell Beit Mirsim occupe le sommet d'une basse colline à la bordure des monts de Judée avec la Haute Shéphéla. Il est bordé de tous côtés par des wadis, et au nord par la large vallée de el-'Anaziya. Il couvre une superficie de trois hectares et son altitude est de 497 mètres. Un puits existe à 200 mètres du site. Tell Beit Mirsim est relativement isolé, puisqu'aucun axe de communication important ne passe à ses abords. Seule la voie de passage orientée nord-sud qui longe les monts de Judée se trouve à proximité.

Connaissance du site et identification W. F. Albright le premier, visite le site en 1924. Il y mène quatre campagnes de fouilles de 1926 à 1932. Il propose l'identification de Debir/KiriathSepher au site558. Aucune fouille n'a été menée depuis sur le tell, mais à la suite d'importants pillages de tombes appartenant au cimetière du site, des opérations de sauvetage ont eu lieu entre 1978 et 1982. D. Alon et B. Brandl ont fouillé une trentaine de tombes parmi les centaines répertoriées. Elles datent du Bronze Moyen I et II, du Bronze Récent I et II et du Fer II. Une étude récente, par R. Greenberg559, du matériel céramique de la fin du Bronze Récent et du début du Fer I, permet une analyse plus précise de la stratigraphie et des processus affectant le site à cette époque. Le site n'apparaît pas dans les textes du Bronze Récent.

558

Albright 1993 : 177

560

Albright 1993 : 179

559

Greenberg 1987

561

Albright 1993 : 178

115

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux Périodes

C1 XIVème

C2 XIIIème

B1 XIIème

R. Greenberg note un déclin de l'ensemble du site durant cette phase562. Quatre silos fournissent les principales données. Le matériel du silo 15 se rattache au niveau C2 du Bronze Récent II. Les silos 3 et 14 appartiennent au niveau B1. La céramique s'y caractérise par l'absence d'importations et de poterie philistine, et la forte présence des traditions du Bronze Récent. Le niveau B1 date de la première moitié du XIIème siècle. Le silo 6 est associé au niveau B2, il comprend de la céramique bichrome. Les silos 2 et 47 prouvent l'existence d'une phase, B2a, contenant un stade final de la céramique bichrome, datable du XIème siècle.

B2 XII-XIème

B3 Xème

présence égyptienne. La destruction du niveau VI de Lachish ne se marque cependant dans aucun des deux sites. Ils ont dû alors profiter d'une plus grande liberté d'action et, selon l'hypothèse de Greenberg, éventuellement d'un apport substantiel de population, celle-là même fuyant son agglomération détruite563. La rupture ne se produira qu'à la fin du XIème siècle entre les niveaux B2a et B3 qui se rattache au début du Fer II.

Synthèse archéologique et historique Tell Beit Mirsim présente une continuité d'occupation que l'on peut qualifier d'exemplaire, se reflétant dans la culture matérielle depuis le XIIIème jusqu'au XIème siècle. Le Bronze Récent III (niveau B1) présente un matériel céramique particulièrement bien isolé. Toute tentative de marquage ethnique des périodes est vouée à l'échec, en particulier le désir d'une présence de groupes israélites ou philistins sur le site. La poterie philistine est en effet limitée en nombre et reflète des pratiques commerciales, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir des populations venant s'établir pour contrôler le site. Concernant l'évolution du statut politique de l'établissement, la céramique fournit moins d'informations. Au Bronze Récent II, le site peut se rattacher aussi bien à Lachish qu'à Khirbet Rabud, situé à moindre distance. La proximité de Tell Eitun, de dimensions assez similaires, pose plus de questions qu'elle n'en résout cependant. Les deux sites ont-ils fait office d'établissement-frontière de deux cités-états en conflit ? Ou bien marquaient-ils, de part et d'autre de la séparation géographique entre la Haute Shéphéla et les monts de Judée, une même volonté de Lachish de protéger ses frontières ? Leur relatif isolement est également significatif. Peut-il s'agir de sites-frontières qui par leur isolement ont développé une relative autonomie politique vis-à-vis du centre dont ils dépendaient ? Durant la première moitié du XIIème siècle, Tell Eitun comme Tell Beit Mirsim restent sous le contrôle de Lachish, qui profite d'un regain de

562

B2a XIème

Greenberg 1987 : 61

563

116

Greenberg 1987 : 78

TEL HALIF

R. Gophna, A. Kloner et O. Borowski proposent par la suite Rimmon, alors que Na'aman l'identifie avec Hormah. Selon E. Oren, Ziklag est à relier avec Tel Sera. En somme, sans clore le débat, l'ancien nom de Tel Halif reste à déterminer564.

TEL HALIF Tell al-Huwelifa, Tell Khuweilifeh Coordonnées : 1373.0878

Historique de l'occupation du site

Références concernant le site : - Fouilles : Seger 1983 ; 1993 Seger et al. 1990

Le site a fait l'objet de recherches récentes par T. E. Levy, portant sur sa première occupation remontant à la fin du Chalcolithique et au Bronze Ancien I. On retrouve des traces de présence jusqu'à la période arabe et croisée. A la suite du Bronze Ancien III, une période d'abandon marque le Bronze Moyen. La réinstallation sur le tell se produit au Bronze Récent I et présente une grande continuité d'occupation durant l'ensemble de la seconde moitié du deuxième millénaire. Les niveaux du BR et du Fer I proviennent principalement du secteur I. Après la phase de transition du Bronze Récent IA, le niveau X du Bronze Récent IB connaît un développement architectural important. On note en particulier l'édification d'un bâtiment résidentiel centré autour d'une cour de 6,5 sur 6 mètres. Ce niveau s'achève par une destruction. Les murs du niveau IX du Bronze Récent IIA, reprennent en partie le tracé des murs précédents. Le niveau VIII, du Bronze Récent IIB, connaît une nouvelle phase architecturale. Une grande plate-forme est construite avec un remplissage de terre pouvant atteindre 2,5 mètres d'épaisseur, dans lequel sont creusés des silos à grain. L'ensemble est interprété comme un complexe de stockage565. Dans une autre zone, une occupation domestique a été mise au jour : elle consiste en une occupation relativement intense pour cette période. La céramique indique un matériel de la fin du XIIIème siècle. Le niveau VII, qui introduit la période du Fer I, a été exhumé dans les aires I, II et III. Quelques changements de faible importance s'opèrent dans l'architecture. Le meilleur exemple est fourni par l'utilisation, pendant le Fer I dans le secteur I, du mur extérieur nord de la plate-forme du niveau VIII. Le site ne semble pas connaître de destruction à la fin du Fer I.

- Références : Thompson 1979 : 390 (n° 1308.02) Situation géographique : Haute Shéphéla Rattachement politique : Shéphéla Côte : 42 km ; Kh. Magdalit (126) : 4 km ; Tell Beit Mirsim : 9,5 km Kh. Rabud : 15 km ; Tel Sera : 18 km ; Lachish : 21 km Superficie : c - 1,2(?) ha

Situation géographique et topographique Tel Halif se situe à la jonction de trois zones géographiques, à la limite sud de la Shéphéla, en bordure des monts de Judée et au nord du désert du Néguev. De par sa position au sommet d'une colline, il domine à l'est la large vallée du Rimmon, s'étendant aux pieds des monts de Judée. Son altitude est de 490 mètres et sa surface de 4,6 hectares (c.300x160m), au Bronze Récent cependant, il s'étend sur 1,2 hectare seulement. L'alimentation en eau du site repose sur le wadi proche ainsi que sur une source située à 450 mètres. L'emplacement de Tel Halif est stratégique à plus d'un titre. Il se place en effet à la croisée de plusieurs voies de communication. L'une, d'axe nord-sud permettant de relier le sud de la Shéphéla avec le Néguev, l'autre, depuis la côte vers les monts de Judée. Cet axe longe le nord Néguev, passant par Tel Haror et Tel Sera pour se diriger après Tel Halif vers Khirbet Rabud et Hébron. Du sommet du tell, la vue permet un contrôle aisé sur l'ensemble de la vallée et les monts de Judée lui faisant face.

Connaissance du site et identification

Synthèse archéologique et historique

Quelques fouilles de sauvetage en 1970 dirigées par A. Biran et R. Gophna sont les premières recherches de terrain réalisées sur le site. Elles sont suivies par d'autres en 1972 par R. Gophna, en 1974 par D. Alon. Entre 1976 et 1989, J. D. Seger développe un projet et mène des travaux extensifs. Enfin, Thomas E. Levy a poursuivi des fouilles localisées sur la terrasse basse de 1994 à 1996. La première identification de Tel Halif est effectuée en 1938 par F. M. Abel qui l'associe à Ziklag. A. Biran,

La stratigraphie de Tel Halif, quoique relativement complète dans la succession de ses phases, reste assez peu précise quant à la période de transition entre le Bronze Récent IIB et le Fer I. La situation de l'établissement à l'extrême sud de la Shéphéla, éloigné des autres centres urbains, a pu

117

564

Seger 1993 : 554

565

Seger 1993 : 556

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

lui conférer une relative autonomie. Le Bronze Récent II comme le Fer I marquent des périodes calmes et de relative prospérité. On note l'absence de destruction à la fin du XIIIème siècle et durant le XIIème siècle ou de rupture profonde dans l'utilisation des bâtiments. Selon toute vraisemblance, le site ne subit pas d'abandon entre la fin du Bronze Récent II et le Fer I, c'est-à-dire

Niveaux Périodes

XI BR IA XVIème siècle

X / destruction BR IB XVème siècle

entre les niveaux VIII et VII. Mais ni la stratigraphie, manquant de précision, ni le matériel céramique, non publié, ne permettent de se prononcer avec assurance sur le problème de l'existence d'une phase durant le Bronze Récent III. Le site ne connaît pas le destin de Lachish dont il devait dépendre. L'éloignement entre les deux explique peut-être leur destinée différente.

IX BR IIA XIVème siècle

118

VIII BR IIB XIIIème siècle

VII Fer I XII-XIème siècle

LES COLLINES DE JUDEE

Couches

LB4

LB3

LB2

LB1

A4

A3

Périodes

XIVème

XIVème

XIIIème

XIIIème

XIIème

Xème

d'expliquer cette situation. La fin du Bronze Récent avec le niveau LB1 ne présente pas de destruction. Le niveau A4 du Fer I repose donc directement sur celui du Bronze Récent II. Le matériel céramique indique une datation du XIIème siècle567. Il existe une nette continuité d'occupation du site entre les deux périodes. La couche A4 est associée à l'installation des proto-Israélites. Rien cependant, dans le matériel présenté, ne permet de l'assurer. Le cimetière du site, Uss es-Shaqrah, a fourni de nombreuses tombes, toutes pillées. La plupart appartiennent au Bronze Récent. Bien que le matériel date des XIVème-XIIIème siècle, on note la présence de nombreuses importations chypriotes, du XIVème siècle essentiellement568. Au Bronze Récent, le site appartient au monde des cités états du sud de la Palestine. Il est difficile de savoir s'il était, comme le pense I. Finkelstein569, sous la dépendance de Jérusalem, cité-état mentionnée dans les archives d'El-Amarna, ou si son autonomie était suffisante pour devenir une cité-état indépendante, comme l'affirment Na'aman ou Bunimovitz570.

LES REGIONS LIMITROPHES A LA SHEPHELA L'étude des sites de Shéphéla a imposé de traiter certains établissements situés dans la plaine côtière mais qui se rattachaient, politiquement du moins, à la Shéphéla. Tous les sites du sud de la Palestine n'ont pourtant pas été abordés, d'où le risque de lacune, car à trop vouloir isoler la culture matérielle et les processus socio-politiques d'une région, on se coupe des informations des zones limitrophes permettant de définir l'une par rapport à l'autre. Il apparaît donc nécessaire de présenter ces sites, en particulier leur stratigraphie, afin d'avoir la vision la plus complète possible des établissements fouillés dans le sud de la Palestine. Dans les monts de Judée, Khirbet Rabud, par sa proximité avec Tell Eitun et Tell Beit Mirsim, mérite d'être traité. Des sites de la plaine côtière à l'ouest de la Shéphéla, comme Tel Mor ou Ashdod, et surtout de la plaine côtière du nord Néguev, ont fait l'objet, pour leur part, d'une exploration relativement importante dont on ne peut faire l'économie d'une présentation.

LES COLLINES DE JUDEE KHIRBET RABUD

Le site est à 680 mètres d'altitude au sein des monts de Judée. Il est le seul établissement du Bronze Récent de cette taille au sud de Hébron, couvrant le sommet d'une colline sur une superficie de 6 hectares. Deux tranchées ont été réalisées en 1968 et 1969 par M. Kochavi. Khirbet Rabud est occupé pendant l'ensemble du Bronze Récent II, avec quatre couches distinctes, LB4 à LB1. Au sein des couches possédant de l'architecture, les murs montrent une continuité certaine, en particulier dans leur orientation. M. Kochavi interprète un large mur constitué de gros blocs comme un mur d'enceinte appartenant à l'établissement du Bronze Récent566. On connaît le nombre limité d'agglomérations en Shéphéla possédant de telles structures, mais la situation géographique particulière du site permet peut-être 566

Kochavi 1974 : 10

119

567

Kochavi 1974 : 12

568

Kochavi 1974 : 20-23

569

Finkelstein 1996 d : 228-229

570

Ofer 1994 : 100, 118

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux

8

7

6

5

4

3

Périodes

BR IIB XIIIème

BR IIB XIIIème/ Destruct.

BRIII Début XIIème

BR III / Fer IA Milieu XIIème

Fer IB XII-XIème

Fer IB XI-Xème

Le site indique par sa stratigraphie une datation basse pour leur arrivée et leur installation dans cette partie de la Palestine. Si la céramique bichrome n'apparaît pas avant le dernier tiers du XIIème siècle sur un site à seulement six kilomètres de l'un des principaux centres urbains de la Philistie, on est tenté de penser que la céramique monochrome n'apparaît pas avant le milieu du XIIème siècle. On constate ainsi que les données matérielles fournies par Tel Mor rejoignent celles de Lachish. M. Dothan donne des explications peu convaincantes572 lorsqu'il tente d'expliquer la non ressemblance des séquences stratigraphiques et chronologiques des deux sites voisins : Tel Mor et Ashdod.

LA PLAINE COTIERE TEL MOR Tel Mor est un petit site côtier de 0,6 hectare, à 6,5 km au nord-ouest d'Ashdod, auquel il servait de port. Il a été fouillé par M. Dothan en 1959 et 1960. Il présente une stratigraphie particulièrement fine pour la période des XIIIème-XIIème siècle. Créé à la fin du Bronze Moyen IIB, il est occupé de manière constante jusqu'à la fin du Fer I, puis épisodiquement, jusqu'à la période hellénistique. Au XIIIème siècle, avec les niveaux 8 et 7, une forteresse en brique de 23 mètres de côté est édifiée. Des céramiques égyptiennes, chypriotes et mycéniennes sont associées à ce bâtiment571. Le niveau 7, à dater de l'époque de Ramsès II, est détruit par un incendie. Aux niveaux 6 et 5, un fort construit à l'emplacement de la forteresse la remplace. Le matériel indique une continuité évidente avec les traditions céramiques du BR. Une présence égyptienne à l'époque de Ramsès III est attestée par de la poterie et des scarabées. Les niveaux 4 et 3 voient des transformations s'effectuer dans la nature de l'établissement auquel est associée la céramique bichrome philistine. Le niveau 3 est détruit vers le début du Xème siècle. La succession ininterrompue des niveaux au cours de la fin du second millénaire prouve le dynamisme de l'établissement. L'absence de destruction à la fin des niveaux 6 et 5 indique que la population ne varie pas dans sa composante, ni le site dans sa nature. Le niveau 5, bien que dénommé Fer I, ne peut lui être rattaché au travers de son matériel. La transition réelle s'effectue à la fin du XIIème siècle avec des changements dans l'organisation du site et l'apparition de la céramique philistine, n'indiquant pas forcément la présence d'un groupe ethnique s'y rattachant. La proximité d'Ashdod pose bien sûr le problème de l'arrivée des Peuples de la Mer. Aucune destruction ne semble permettre de placer l'événement durant la première moitié du XIIème siècle, à moins de considérer que Tel Mor ait été tenu en dehors des destructions que les Peuples de la Mer n'ont pas manqué d'occasionner sur l'ensemble de la côte Levantine. 571

Dothan M. 1993 b : 1073

572

120

Dothan M. 1981 : 82*

LA PLAINE COTIERE

Niveaux Chantier A

Chantier H

Chantier G

XIV Phase 14 BR IIB Destruction Phase 7 BR IIB Destruction BR IIB XIIIème siècle Destruction

XIIIB Phase 13 Début XIIème siècle Phase 6 Début-milieu XIIème siècle BR III / Fer IA Début XIIème siècle

XIIIA Phase 12 Milieu XIIème siècle Phase 6 Début-milieu XIIème siècle Fer IB Fin XIIème siècle

XII

Phase 5 Fin XIIème siècle Fer IB XIème siècle

XI

Fer IB Fin XI-Xème siècle

Chantier G : La stratigraphie du chantier G présente une séquence différente de celles des chantiers A et H. On y trouve un mur en brique ayant pu faire office de fortification. M. Dothan interprète un bâtiment comme le lieu de résidence d'un gouverneur égyptien575. La fin du niveau XIV est marquée par une destruction importante, on note dans le niveau XIIIB une réutilisation de certains des murs du niveau précédent576. Le niveau XIIIB semble voir l'apparition de la céramique mycénienne IIIC:1b. Ce niveau pourraît alors être mis en parallèle avec le VII de Tel Miqne, correspondant au Fer IA. Pour M. Dothan, ce niveau se place entre la fin du règne de Merneptah et celui de Ramsès III577. Malgré des nouveautés, le matériel présente des continuités évidentes et nombreuses avec le Bronze Récent II578. Le niveau XIIIA marque des changements importants dans l'architecture, pour le matériel céramique on note des continuités avec le niveau XIIIB et la poterie Mycénienne IIIC:1b, avec la présence de la céramique bichrome philistine579. Les transformations architecturales les plus importantes s'opèrent dans le niveau XII580 qui correspond à la période de plein épanouissement de la céramique bichrome, pouvant être mis en relation avec le niveau XI de Tel Qasile. L'analyse stratigraphique des différents chantiers amène M. Dothan à proposer des séquences quelque peu distinctes. D'après les chantiers A et H, il semble qu'une couche se place entre les destructions de la fin du Bronze Récent II (XIV) et l'apparition de la céramique Mycénienne IIIC: 1b. Le développement de la céramique bichrome s'y opère avec le niveau XII. Si on considère que XIIIB équivaut à l'apparition de la

TEL ASHDOD Tel Ashdod situé sur la Via Maris, est l'un des principaux centres urbains dans le sud de la Palestine, avec une acropole d'une superficie de 8 hectares pour le Bronze Récent et une ville basse de 28 hectares pour le Fer I. Fouillé par M. Dothan durant neuf campagnes entre 1962 et 1972, Ashdod a livré une séquence stratigraphique relativement complète concernant la transition du Bronze Récent au Fer I. Chantiers A et H : Au cours du Bronze Récent, soit les niveaux XVII à XIV, Ashdod apparaît comme un centre économique important dans le sud de la Palestine. Le niveau XIV connaît une destruction importante à la fin du XIIIème siècle dont peuvent être tenus pour responsables une campagne militaire égyptienne soit les Peuples de la Mer. Cette destruction à la fin du niveau XIV se retrouve sur l'ensemble des chantiers fouillés. Le niveau XIIIB dans le chantier A présente une couche comportant quelques tessons de céramiques importées ainsi que des tessons philistins. Ces derniers, selon l'avis du fouilleur, peuvent être intrusifs573. A la suite de sa destruction, le site est réoccupé immédiatement mais de manière courte et peu importante, par une population identique à une époque correspondant au règne de Ramsès III574. Dans les chantiers A et H, le niveau XIIIB correspond à une phase antérieure, ou contemporaine en partie seulement, à la céramique Mycénienne IIIC:1b. C'est le niveau XIIIA qui voit le développement de cette catégorie de poterie. Les niveaux XII et XI sont associés au développement de la poterie bichrome.

575

Dothan M. 1993 a : 96

576

Dothan M., Porath 1993 : 53

577

Dothan M., Porath 1993 : 13

578

Dothan M., Porath 1993 : 55-58

573

Dothan M. 1971 : 26

579

Dothan M., Porath 1993 : 62

574

Dothan M. 1971 : 25-26

580

Dothan M., Porath 1993 : 70

121

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

céramique monochrome philistine, alors il faut admettre l'existence d'une couche entre cette dernière et le niveau XIV de la fin du Bronze Récent II.

selon A. Rainey584, Yurza doit être associé à Tell elHesi. Le site a révélé une occupation remontant au Chalcolithique. Les traces matérielles s'avèrent limitées pour le Bronze Récent I. Au Bronze Récent II en revanche, le site connaît sa plus grande extension, de l'ordre de cinq hectares. Jusqu'à six mètres de débris correspondant à huit phases d'occupation ont pu être repérés pour cette seule période585. Le site possède des fortifications au XIIIème siècle, avec dans le chantier II une muraille en brique crue d'au moins trois mètres d'épaisseur586. Dans le chantier I, un vaste bâtiment de 19,2 sur 16,5 mètres a été dégagé. Il date du XIIIème siècle avec un matériel céramique comportant des importations chypriotes et mycéniennes587 et quelques scarabées du règne de Ramsès II. E. Oren l'identifie à une "résidence de gouverneur" et distingue dans ce bâtiment une deuxième couche, qu'il rattache au XIIème siècle588. Il y voit la preuve d'une grande continuité dans l'occupation ainsi que dans la culture matérielle égypto-cananéenne. Le Fer I est représenté par de la céramique bichrome philistine et des débris sur 2,5 mètres d'épaisseur. Il est difficile de déterminer l'extension du site à cette période. Peut-être n'a-t-il que peu diminué. L'établissement possédait une muraille au XIIème ou au XIème siècle589. La découverte la plus notable est la mise au jour d'un grand four pour la poterie590, associé à des tessons philistins. Tell Jemme apparaît comme l'un des principaux sites du nord Néguev. Au Bronze Récent son statut de cité-état, quoique inférieur sur le plan administratif et peut-être politique à celui de Gaza, ne l'empêche pas de connaître une situation prospère. Le site ne subit pas de destruction à la fin du Bronze Récent IIB, comme cela semble être le cas au cours du XIIème siècle. Pour le Fer I, les traces matérielles philistines doivent-elles être interprétées comme la preuve d'une présence active sur le site, ou comme de simples relations commerciales ? Tell Jemme a pu se retrouver intégré à la Philistie lors de son extension politique vers la fin du XIIème siècle. Mais comme pour nombre d'autres sites, la population y est restée majoritairement locale.

UNE TOMBE DU BRONZE RÉCENT III AU SUD DE KHIRBET HASSA ENTRE ASHDOD ET ASHKELON Une tombe, au sud de Khirbet Hassa, a été fouillée en 1968 par R. Gophna et D. Meron581 près de la côte, entre Ashdod et Ashkelon. Elle livre des informations capitales pour la compréhension des processus historiques de l'ensemble de la plaine côtière au début du XIIème siècle. Les comparaisons qu'il est possible d'effectuer entre son matériel et celui d'autres tombes ou sites de Palestine, indiquent une datation du début du XIIème siècle. On note un assemblage dans la tradition du Bronze Récent ainsi qu'une absence de céramique importée comme de céramique philistine. La tombe daterait, non pas du Fer I, comme l'identifient les fouilleurs582, mais bien d'un Bronze Récent III. Elle montre que cette zone, au cœur de ce qui va être la Philistie, n'a pas encore connu l'installation des Peuples de la Mer au début du XIIème siècle, ou du moins qu'une population locale conserve des pratiques du Bronze Récent.

LA PLAINE COTIERE DU NORD NEGUEV Pour la plaine côtière du nord du Néguev, Tell Jemme domine le territoire et contrôle des sites importants comme Tell el-Far'ah ou Deir el-Balah. Des établissements satellites ou secondaires se placent non loin d'eux comme Tell el-Ajjul, Tel Ridan, Qubur el-Walaida, Ein Sharuhen, Tel Haror, Tel Sera et Tel Ma'aravim.

TELL JEMME Tell Jemme se situe dans la plaine côtière du nord Néguev, au sud de Gaza. Fouillé au début du siècle par Phythian-Adams puis par W. F. Petrie dans les années 1920, il est repris par G. van Beek à partir de 1970. Maisler propose que Tel Jemme soit identifié avec Yurza583, cité-état régionale mentionnée dans les archives d'El-Amarna. Mais

584

Rainey 1993 : 185*

585

van Beek 1993 : 669

586

van Beek 1974 : 275

587

van Beek 1993 : 669

581

Gophna, Meron 1970

588

Oren 1984 : 46

582

Gophna, Meron 1970 : 1*

589

van Beek 1977 : 174

583

Maisler 1952

590

van Beek 1977 : 172-173 ; 1993 : 669

122

LA PLAINE COTIERE DU NORD NEGUEV

postes militaires et de lieu de ravitaillement. Les niveaux VI à IV correspondent au XIIIème siècle, principalement au règne de Ramsès II. Le fameux cimetière de sarcophages anthropomorphes retrouvé aux abords du site date de cette période. Deir el-Balah connaît alors des transformations profondes dans son organisation et sa fonction.

TELL EL-AJJUL Tell el-Ajjul, fouillé par Petrie dans les années 1930, a révélé une importante occupation au cours du Bronze Moyen. Après sa destruction par les armées de Ahmose à la fin du Bronze Moyen II, le site est réoccupé au Bronze Récent I, mais sur une échelle très réduite, moins d'un hectare. Le déclin est tel que seul un fort gardant la Via Maris demeure en place durant le Bronze Récent II. Deux niveaux, IV et V, correspondent respectivement pour A. Kempinski aux XIVème et XIIIème-XIIème siècles591. Une occupation au Bronze Récent III estelle envisageable, tout en sachant qu'il est certain que le site n'est pas occupé au Fer IB ? La fin de l'occupation de Tell el-Ajjul peut être mise sur le compte des destructions causées par les Peuples de la Mer. Il est ainsi possible que le site ait été occupé au début du XIIème siècle. Pour certains toutefois592, le site ne connaît pas d'occupation durant l'ensemble du Bronze Récent II et seul son fameux cimetière était alors en activité.

DEIR EL-BALAH Les fouilles de Deir el-Balah dirigées par T. Dothan entre 1972 et 1982 ont révélé une présence d'une grande continuité apparente pour l'ensemble du Bronze Récent II et du Fer I. La stratigraphie, relativement importante, atteste d'une occupation débutant au XIVème siècle avec le niveau IX. Cette couche comporte une vaste résidence édifiée à proximité d'un lac artificiel de vingt mètres de côté593. L'étendue du site couvre près de quatre hectares. Les deux éléments associés à de nombreux objets non locaux indiquent la présence d'une population égyptienne. On considère que le site était à cette période un centre administratif égyptien594. Après la destruction du niveau IX, le niveau VIII ne laisse que peu de traces. Il est rapidement suivi par une occupation plus importante. Le niveau VII voit la construction d'une forteresse imposante de 20 x 20 mètres avec des tours à chacun de ses angles. Le lac continue à être utilisé. La nature du site à cette période du début du XIIIème siècle, est à mettre en relation avec le renouveau d'intérêt de l'Egypte, en particulier sous Séti Ier, pour le domaine asiatique. Situé au débouché du désert, sur la "Voie d'Horus", Deir elBalah participe à l'aménagement de cet axe de passage avec la construction de stations servant de 591

Kempinski 1993 : 53

592

Tufnell 1993 : 52

593

Dothan T. 1993 a : 343

594

Dothan T. 1985 : 60

123

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Niveaux Epoques

IX XIVème

Périodes

BR IIA Destruction

VIII Fin XIVème BR IIA

VII Début XIIIème BR IIB

L'ensemble des structures de la période précédente, tel le lac qui est remblayé, n'est plus utilisé. Une zone artisanale spécialisée dans la fabrication de sarcophages et son quartier d'artisans attenant, les remplacent595. Les nombreux objets liés aux tombes indiquent qu'une partie de la population occupant le site était de culture égyptienne. Les structures retrouvées pour le niveau III se limitent à des fosses contenant de la poterie bichrome philistine associée à des tessons de céramique égyptienne. L'établissement de cette période n'a cependant pas été fouillé et l'on considère qu'il se trouve sous les dunes actuelles. Peut-on estimer qu'un hiatus se produit entre la fin du XIIIème siècle et le dernier tiers du XIIème siècle ? L'époque de la XIXème dynastie est clairement représentée avec les niveaux VI à IV, indiquant une présence durant le règne de Ramsès II, mais non celui de Ramsès III. Aucune trace précise n'assure sur le site d'une occupation au cours du début du XIIème siècle. Le niveau III avec la poterie philistine date de la fin du XIIème siècle. Quelles seraient les raisons d'un tel hiatus et à qui l'imputer ? L'irruption des Peuples de la Mer vient aussitôt à l'esprit. Mais ce hiatus coïncide mal avec l'idée du renouveau d'une présence égyptienne dans le sud de la Palestine durant la XXème dynastie. Du matériel (anneaux et sceaux) datant de Ramsès VI, soit vers 1130, qui provient du sud de Gaza, atteste des contacts avec l'Egypte au cours de cette période596.

595

Dothan T. 1993 a : 344

596

Giveon 1977

124

VI-V-IV Milieu - Fin XIIIème BRIIB BRIII ?

Hiatus XIIème

III Fin XIIèmeXIème

BR III

Fer IB

LA PLAINE COTIERE DU NORD NEGUEV

site du Bronze Moyen s'étend sur une superficie de 16 hectares. Au Bronze Récent il connaît un important déclin, pour ne plus couvrir qu'un à deux hectares600. La fin du XIIIème siècle a livré une architecture de faible ampleur avec un matériel céramique caractéristique de cette période, comportant des importations égyptiennes, chypriotes et mycéniennes. En B7 une destruction importante clôt ce niveau de la fin du Bronze Récent IIB. Les niveaux B6-5 indiquent une phase avant l'apparition de la céramique bichrome philistine. Elle est associée à un bâtiment de grande dimension très partiellement fouillé. Les niveaux B4-2 datent du XIIème et XIème siècle. On note sur le site la présence de tessons de céramique philistine monochrome puis bichrome. Cette existence de poterie mycénienne IIIC:1b, surprenante au premier abord, a mené L. Stager à identifier Tel Haror avec la Gath philistine601. Pour E. Oren, ces quelques tessons demeurent un indice trop aléatoire pour permettre d'avancer une telle hypothèse602 et il n'apparaît aucune évidence d'une éventuelle installation de Peuples de la Mer sur le site. L'architecture de cette période est bien construite, comprenant habitations et silos603.

TEL RIDAN Au sud de Deir el-Balah, le site de Tel Ridan, fouillé en 1973 par F. Vitto et G. Edelstein, est occupé durant le Bronze Récent. Il a cependant beaucoup souffert de l'érosion et seuls quelques tessons ont été retrouvés. Un cimetière de même période à proximité a livré huit tombes datant des XIVème-XIIIème siècles, qui comportaient entre autres des céramiques importées597.

QUBUR EL-WALAIDA Ce petit site au sud-est de Tell Jemme a été fouillé en 1977 par R. Cohen. Sa première occupation remonte au Bronze Récent II. Près du chantier D, des tessons du Bronze Récent II de poterie locale et quelques importations mycéniennes ont été récoltés. Aucune structure de cette période n'a été mise au jour. Au Fer I, l'établissement se développe pour atteindre une superficie d'un hectare598. Les fouilles ont porté sur quatre zones, dont chacune a livré des traces matérielles du Fer I. Dans les secteurs B, C et D, trois couches distinctes attestent une occupation non négligeable à cette période. Une présence sur le site durant le Fer I reste quelque peu confuse du fait du manque de données pour la fin du Bronze Récent II. Il est envisageable que la transition du Bronze Récent au Fer I s'opère sans destruction, mais aucune preuve n'existe. L'augmentation de taille du site au Fer I passe-t-elle inévitablement par un apport de population issue de la Philistie ? Tel Haror, Tel Sera et Tel Ma'aravim sont les trois derniers établissements se complétant. Fouillés par E. D. Oren, ils fournissent le tableau relativement précis d'une zone réduite.

TEL HAROR Tel Haror borde le Nahal Gerar dans la plaine côtière du nord Néguev. Des fouilles y ont été menées par E. Oren entre 1982 et 1990. Concernant son identification, Gerar est longtemps apparu comme le site antique de Tel Haror. Une nouvelle proposition a cependant été faite récemment par A. Rainey599. La cité de Sharuhen, assiégée trois années de suite par les armées du pharaon Ahmose au XVIème siècle, serait pour ce dernier Tel Haror. Le 600

Oren 1993 : 582

597

Vitto, Edelstein 1993 : 1283 ; Biran 1974 : 142

601

Stager 1995 : 342, 343

598

Cohen 1978 : 195

602

Oren, comm. pers., 1998

599

Rainey 1993

603

Oren 1993 : 582

125

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

Chantiers- Niveaux Périodes

L2 BR I-II XVIème-XIVème siècle

B7, K3 BR IIB Fin XIIIème siècle Destruction

B6-5 BR III Début XIIème siècle

B4-2 Fer IB XIIème siècle

des antécédents philistins607. Plus vraisemblablement, un tel plan trouve sa source parmi les traditions architecturales de la population locale cananéenne. Le passage du niveau VIII philistin au niveau VII qualifié d'israélite se déroule sans destruction, présentant une grande continuité dans l'architecture et le reste de la culture matérielle. La stratigraphie et la culture matérielle isolables pour chaque niveau sont exemplaires pour la compréhension du déroulement des processus socio-économiques et culturels dans le sud de la Palestine. La destruction du niveau IX de Tel Sera, à la fin du Bronze Récent III, marque l'arrêt de la présence égyptienne dans cette partie du pays. Pour le Fer I, selon E. Oren608, les sites de Tel Haror et Tel Sera attestent l'extension de l'influence culturelle et commerciale de la Philistie, dans la plaine côtière du nord Néguev.

TEL SERA Tel Sera situé sur les bords du Nahal Gerar, a été fouillé par E. Oren entre 1972 et 1979. L'identification du site avec la Ziklag biblique est généralement acceptée. Durant l'ensemble du Bronze Récent, l'établissement occupe une superficie comprise entre 1,5 et 2 hectares. Un bâtiment important, 1118, appartenant au niveau X, présente des caractéristiques de lieu de culte604. Cet édifice perdure dans le niveau suivant en conservant sa nature particulière. Le matériel céramique, outre la poterie locale, comporte des importations égyptiennes, chypriotes et mycéniennes. Pour le niveau IX, le bâtiment 906, identifié comme une "résidence de gouverneur", repose sur un édifice appartenant au niveau X, au plan identique, centré autour d'une cour. Il mesure 25 mètres sur 25, avec des murs en brique d'une épaisseur d'un et demi à deux mètres605. On note donc une grande continuité dans l'occupation et l'utilisation des édifices entre la fin du XIIIème (X) et le début du XIIème siècle (IX). Ce dernier niveau comporte une céramique locale avec les motifs cananéens se rattachant traditionnellement au Bronze Récent et de la poterie égyptienne, mais plus d'importations chypriotes et mycéniennes et pas encore de céramique philistine. La principale découverte provenant de cet édifice concerne onze bols et ostraca. Les bols portent des inscriptions en hiératique, fournissant des informations de première importance sur les taxes en grain dues par la population locale à l'autorité égyptienne, ici apparemment destinées à une institution religieuse606. Ces documents sont à dater du règne de Ramsès III. Le niveau VIII du Fer IB marque l'apparition de la céramique bichrome philistine. L'architecture comprend des "maisons à quatre pièces" (four-room houses) caractéristiques. Leur association avec la céramique philistine montre d'une part que ces bâtiments ne peuvent être invariablement mis en relation avec une présence israélite, d'autre part que ce plan, avant d'être repris par ces derniers, possède

604

Oren 1993 : 1331

605

Oren 1982 : 164-165 ; 1984 : 39

607

Oren 1982 : 163

606

Oren 1982 : 166 ; Goldwasser 1984 : 86

608

Oren 1993 : 583

126

LA PLAINE COTIERE DU NORD NEGUEV

Niveaux Périodes

XI BR IIA XIVème siècle

X BR IIB XIIIème siècle

IX BR III XIIème siècle Destruction

VIII Fer IB Fin XIIème XIème siècle

TEL MA'ARAVIM

XIIème siècle, le matériel présente une absence de céramiques importées et philistines qui n'apparaissent que dans l'occupation finale du bâtiment613. On note des caractéristiques assez semblables entre les résidences de Tell el-Far'ah (sud) et de Tell Jemme, où les deux édifices construits à la fin du Bronze Récent sont occupés durant une partie importante du Fer I. A cette période l'établissement possède, selon Yisraeli, un rempart614. Deux fragments de céramique portant des inscriptions en hiératique datant du règne de Ramsès III ont été retrouvés615. L'agglomération est bordée de nombreux cimetières. Plusieurs zones proposent des tombes du Bronze Récent II. Parmi les différents secteurs, 100, 500, 600 et 900, le dernier a fourni les tombes les plus riches. Les objets y datent surtout du XIIIème siècle jusqu'au milieu du XIIème siècle. Pour le Fer I, des sarcophages anthropomorphes sont attestés dans quelques tombes. Une céramique philistine en quantité relativemnt importante se retrouve associée à l'ensemble des tombes à partir de la fin du XIIème siècle.

TELL EL-FAR'AH (SUD)

EIN SHARUHEN Ein Sharuhen est un petit établissement situé sur le bord du Nahal Besor, 600 mètres à l'est de Tell elFar'ah (sud), de l'autre côté du wadi. Des fouilles récentes616 menées par D. Gazit mentionnent seulement une occupation au Fer I.

Tel Ma'aravim est un site satellite de Tel Sera, dont il est à 1,5 kilomètre de distance. Il a été fouillé par E. Oren durant une campagne en 1974. Quatre phases peuvent être distinguées, couvrant le Bronze Récent II et le Fer I609. La phase 4 date du XIVème siècle. La phase 3, mieux isolée durant la fouille, a livré un bâtiment domestique, dont l'absence de matériel sur le sol indique qu'il a été abandonné. Des tessons retrouvés le rattachent toutefois au XIIIème siècle. La phase 2 date du XIème siècle, avec de la céramique bichrome évoluée et à engobe rouge lustré ou "Red Slip Burnished". L'abandon du site à la fin du XIIIème siècle et durant l'ensemble du XIIème siècle, est révélateur d'une situation politique ou économique nouvelle. Tel Ma'aravim, sous la dépendance directe de Tel Sera, semble exprimer au travers de ses phases d'occupation les moments de crise traversés par la cité-mère. La réoccupation du site au XIème siècle seulement, et non dès l'apparition de la céramique bichrome philistine, est également l'expression de processus locaux liés à Tel Sera.

Tell el-Far'ah (sud) au bord du Nahal Besor, constitue au Bronze Récent le site le plus méridional en Palestine. Fouillé par W. F. Petrie en 1928 et 1929, il est identifié à Sharuhen, la vaste cité des Hyksos détruite à la fin du Bronze Moyen. Pour A. Rainey cependant, Sharuhen doit être associé à Tel Haror610. Le site semble avoir été fortifié au cours du Bronze Récent611. Sa superficie atteint 6,6 hectares au Bronze Moyen, mais elle a dû être un peu moins importante au Bronze Récent, de l'ordre de cinq hectares. Un bâtiment à l'architecture soignée a été exhumé pour la période du Bronze Récent II et du Fer I. Cet édifice de 22 mètres sur 25, avec des murs jusqu'à deux mètres d'épaisseur, possède un plan centré autour d'une cour612 et d'inspiration égyptienne. Il est interprété par E. Oren comme une "résidence de gouverneur". Sa construction date de la fin du XIIIème siècle et il ne sera détruit qu'au début du XIème siècle. Pour le

609

Oren, Mazar 1974 : 269-270

613

Oren 1984 : 47

610

Rainey 1993 : 185

614

Yisraeli 1993 : 442

611

Yisraeli 1993 : 441

615

Goldwasser, Wimmer 1999

612

Oren 1984 : 47

616

Gazit 1994

127

CHAPITRE 3. ETUDE DES SITES

siècle. Le niveau IIIB correspond à une première occupation de groupes semi-nomades vers la fin du Bronze Récent IIB. Le niveau IIIA est marqué par la construction d'un vaste bâtiment (480) de 15 mètres de côté, avec des murs de près d'un mètre et demi d'épaisseur620. L'absence de céramique bichrome philistine implique une occupation durant le Bronze Récent III. Bien qu'une destruction mette un terme au niveau III, certains édifices sont réutilisés, tel le bâtiment 480621. Le site atteint son apogée avec ce niveau II, datant de la fin du XIIème et du XIème siècles. Il se caractérise par l'apparition de "maisons à quatre pièces" et de poteries bichromes622. Ce premier élément avait entraîné l'hypothèse que le site est été occupé par une population israélite. Une réévaluation des données matérielles par G. Ahlström623 prouve qu'il n'est nul besoin de faire intervenir des groupes ethniques différents pour expliquer la présence de ces bâtiments. La population était simplement locale et cananéenne. On trouve également de la céramique peinte de Qurayya ou "midianite"624 ou provenant de la côte phénicienne, attestant la situation commerciale peu ordinaire que connaît Tel Masos à cette période, station caravanière reliant la côte levantine au nord du monde arabique. Le site est détruit vers la fin du XIème siècle.

LE NORD DU NEGUEV Deux sites viennent s'ajouter à ceux préalablement traités, ils sont occupés dans le nord du Néguev vers la fin du second millénaire : Tel Beer Sheva et Tel Masos.

BEER SHEVA Tel Beer Sheva situé dans le nord du Néguev, au bord de la vallée du même nom, a été fouillé entre 1969 et 1976 par Y. Aharoni puis par Z. Herzog. Après une occupation durant le Chalcolithique, le site est abandonné jusqu'au Fer I. Les niveaux IX à VI couvrent le Fer I. Pour le niveau IX, l'occupation se limite à des fosses creusées dans le rocher. Ces fosses ont servi soit d'habitation soit de structure pour le stockage du grain617. La présence de poterie bichrome philistine ainsi que de deux scarabées permet, selon Herzog, d'avancer une datation durant la seconde moitié du XIIème siècle. Toutefois, d'autres éléments, comme des tessons à engobe rouge lustré618, indiquent plutôt le XIème siècle. Le matériel du niveau IX619 permet de fixer un début d'occupation à partir du milieu du XIIème siècle jusqu'au milieu du XIème siècle. Le niveau VIII voit l'apparition des premiers bâtiments construits. Ils cohabitent avec les fosses dont l'usage perdure. Le niveau est daté de la fin du XIème siècle. Ce site présente des caractéristiques qui le rattachent à la fin du Fer IA, mais il présente peu de rapports avec les processus socio-économiques que traversent les autres sites plus au nord ou à l'ouest, durant le XIIème siècle. Les données archéologiques de Tel Beer Sheva témoignent d'un processus de sédentarisation de groupes nomades. Celle-ci s'effectue-t-elle en relation avec la mise en place d'un commerce à longue distance empruntant la vallée de Beer Sheva, comme ce fut le cas à Tel Masos ?

TEL MASOS Le site de Tel Masos se trouve dans la vallée de Beer Sheva, au bord du wadi du même nom. Des fouilles y ont été menées de 1972 à 1975 par Y. Aharoni, V. Fritz et A. Kempinski, puis en 1979 par ce dernier. Après une phase d'établissement durant le Chalcolithique et au Bronze Moyen II, le site est abandonné jusqu'à la fin du Bronze Récent II. Il couvre six hectares durant les XIIème et XIème

620

Oren 1984 : 48

621

Kenminski, Fritz 1977 : 150

617

Herzog 1993 : 169

622

Kempinski 1993 : 987-988

618

Herzog 1993 : fig. 17 p. 39, fig. 18 p. 41, fig. 19 p. 42

623

Ahlström 1984

619

Brandfon 1984 : 43

624

Aharoni, Fritz, Kempinski 1975 : 109

128

CHAPITRE IV. LE PEUPLEMENT DE

conquis par l'Egypte est divisé en trois grandes zones, chacune gérée par une ville : Gaza s'occupe du pays de Canaan, Sumur du territoire d'Amurru et Kumidu de la province de Apu627. Des fonctionnaires égyptiens y résident : nommés parfois « commissaire », ils peuvent être pris à témoin par les "roitelets" cananéens dans leurs lettres au pharaon (EA 272, 287), comme faire l'objet de litige avec ces derniers628. D'autre part les rois locaux appelés « maires », ceux-là mêmes qui envoient les lettres, dépendent hiérarchiquement de ces centres territoriaux et donc des « commissaires » (EA 225, 319, 328). Leur dépendance reste cependant plus administrative que politique. Les tributs qu'ils doivent verser au pharaon peuvent transiter par ces lieux, à moins qu'il ne s'agisse de denrées à préparer pour le passage de troupes égyptiennes (EA 226, 367). Ces rois locaux, parfois éduqués en Egypte (EA 296), contrôlent chacun les cités-états qui couvrent l'ensemble de la Palestine. On note que ces cités-états correspondent aux principaux sites palestiniens anciens : centres urbains du Bronze Ancien ou du Bronze Moyen. Chaque roi exerce un pouvoir politique sur sa cité et sur le territoire situé aux alentours. Ce système double fonctionne relativement séparément l'un de l'autre. Les commissaires, Egyptiens entièrement dévoués au pharaon se limitent, semble-t-il, à une gestion du pays selon les ordres émis par la chancellerie du monarque. Les lettres émanent rarement de ces personnages. Celles provenant des potentats locaux sont d'une toute autre nature. Des rivalités incessantes menant à des conflits parfois larvés mais le plus souvent ouverts agitent l'ensemble des cités-états de Palestine au XIVème siècle. Quoique chacune se vante de sa dévotion envers le pharaon, toutes se plaignent d'une situation intenable pour elles : les Hapiru sont aux portes de la ville, alliés avec tel roi de telle ville, prêts à le faire prisonnier, lui, ce si fidèle « serviteur, palefrenier de tes chevaux ». Tentons de résumer la situation politique : la soumission totale que les « maires » affectent envers le pharaon n'est pas feinte. Ceux-ci n'en tentent pas moins de s'arroger le plus de pouvoir et de territoire possibles par des alliances avec d'autres rois, tel que Lab'ayu roi de Shechem (EA 280, 287, 289). Ces visées expansionnistes se font forcément à l'encontre d'autres cités-états. Se greffe à cette situation confuse et changeante la présence des Hapiru. Ils exercent une réelle pression politique et militaire sur les cités-états, dont certaines peuvent leur être alliées dans une tentative de déstabilisation d'une autre cité-état (EA 246, 280, 288). Les lettres proviennent toutes de centres urbains dont elles

LA SHEPHELA A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE

Notre abordons, après avoir traité de la géographie physique, antique et actuelle, le peuplement humain de la région. L'étude du territoire de la Shéphéla présente un cadre physique à l'aspect rigide, dans lequel se disposent les établissements humains en constante interaction. Sur ce territoire viennent s'établir de nombreux établissements : cités-états, centres de moindre importance, villages, hameaux, tout un système qu'il s'agit d'apprécier pour saisir la logique qui sous-tend son organisation. Loin d'être issue d'un hasard incertain ou du simple bon vouloir d'un potentat local, cette répartition humaine sur un territoire obéit à des règles. L'objectif poursuivi sera donc la compréhension de l'évolution des modes de peuplement. Pour mener à bien cette recherche nous prendrons appui sur des cartes de répartition de sites. Par l'exploitation des informations apportées dans ce chapitre et celles mises en évidence dans le domaine géographique, nous souhaitons apporter notre contribution à certains travaux actuels625 qui tentent de rendre compte de la situation géopolitique de la Palestine de la fin du IIème millénaire.

I- L'ORGANISATION POLITIQUE DU SUD DE LA PALESTINE AU BRONZE RECENT A. Les sources disponibles 1. SOURCES HISTORIQUES Les lettres d'El-Amarna avaient été abordées dans le premier chapitre afin de considérer leur apport historique global. Il s'agit maintenant de réétudier ces archives et de livrer leurs informations au point de vue de l'organisation du territoire.

a. Les lettres d'El-Amarna : Ces documents font apparaître la structure politique du territoire sous contrôle égyptien au Levant626 : la présence égyptienne s'y exprime davantage, semble-t-il, par un contrôle administratif que politique. D'une part, l'ensemble des territoires 625

Na'aman 1988 ; Finkelstein 1996 c, d ; 1997 ; Galil 1997

627

Moran 1987 : 34-35

626

Na'aman 2000 a

628

Na'aman 2000 : 135-137

129

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

expriment les inquiétudes de l'élite dirigeante. Les demandes, très stéréotypées, s'emploient à ce que le pharaon, prenant conscience d'une situation à leur désavantage et donc au sien, leur envoie des troupes en renfort. Assurément, de telles troupes leur permettraient d'assouvir leur projet de conquête bien plus efficacement. Leurs demandes semblent cependant rester lettre morte, puisque le plus souvent ils réitérent les mêmes requêtes.

Finkelstein631. Ne seront donc pas pris en compte les maigres informations de ce récit dans notre reconstitution du territoire. Notons que N. Na'aman est récemment632 revenu sur sa position, reconnaissant l'argument de I. Finkelstein quant à l'aspect problématique de son approche. Cette confrontation de la Bible à l'archéologie, si elle reste un sujet inépuisable, a fait l'objet d'une motivante reprise633. La question de l'historicité de la Bible et de sa date de rédaction s'inscrivent par ailleurs dans un cadre polémique634 dans lequel nous nous garderons d'entrer.

b. La Bible : Les informations fournies par l'Ancien Testament sont pendant longtemps apparues comme étant d'une aide certaine pour la compréhension de la Palestine du Bronze Récent et du Fer I, en particulier au travers des sites qui y étaient mentionnés. Ainsi les listes de villes, qu'elles aient concerné des établissements cananéens ou "israélites" ont fourni une base à ce que devait être l'occupation du territoire à ces périodes. La reconstitution du territoire et l'occupation des sites au Bronze Récent a reposé en bonne partie sur ces données. Or il apparaît aujourd'hui que ce document apporte moins d'informations qu'il ne soulève de problèmes. La Bible ne peut donc être considérée pour le Bronze Récent comme un document historique fiable. On connaît les problèmes issus de la confrontation du texte biblique avec l'archéologie à propos du récit de la conquête de Josué629. L'arrivée des "Israélites" en Canaan est censée se dérouler à la fin du Bronze Récent II. Or cette période reste relativement peu décrite par le texte biblique, à la différence de l'Âge du Fer, plus largement abordée. Les quelques éléments de l'organisation politique du pays que l'on distingue au travers de la description du territoire ne sont que d'un apport très limité. Ainsi les sites du Bronze Récent sont principalement connus au travers de la conquête de Josué. Les quelques exemples précis mentionnés dans le texte biblique, comme les prises de Jéricho ou de Aï, prouvent le peu de crédit qu'il convient d'accorder au texte pour ces périodes. N. Na'aman fait remarquer que les limites politiques des territoires possèdent souvent une durée d'existence longue630. Celles décrites dans l'Ancien Testament, qui offre une documentation historique pour le Fer II, pourraient alors avoir été mises en place au Bronze Récent, voire au Bronze Moyen et en dériveraient directement. Séduisante, l'hypothèse permettrait d'accorder quelque crédit à la Bible pour cette période. Il demeure que le raisonnement s'épuise dans sa circularité, comme le souligne I.

2. SOURCES ARCHEOLOGIQUES La base documentaire archéologique a été présentée aussi n'est-il pas besoin d'y revenir dans le détail. Concernant son apport pour la compréhension de l'organisation du territoire, elle est essentielle mais de manière paradoxale fondamentalement limitée. Les sources archéologiques, qu'il s'agisse des données issues des fouilles ou des prospections, permettent de déterminer l'occupation d'un site aux différentes périodes, principalement grâce à son matériel céramique. Les sites fouillés fournissent les informations les plus précises sur le type d'occupation et l'extension de l'occupation. Mais plus le site est grand, plus les variations de son extension aux différentes périodes sont difficiles à déterminer. La marge d'erreur est ainsi proportionnelle à l'extension maximale potentielle du site. Tous les sites fouillés du sud de la Palestine, une quarantaine, ayant connu une occupation pour la période du Bronze Récent II et du Fer I participent à cette base archéologique. S'y ajoute l'ensemble des informations provenant des prospections635. Une centaine de sites sont connus par ce biais.

B. Les cités-états de Palestine 1. PROBLEMES DE DEFINITION La "cité-état" reste un terme vague, qualifiant 631

Finkelstein 1996 d : 223

632

Na'aman 1997 : 601

633

Finkelstein, Silberman 2001

634

Thompson 1992b, Long 1999, Grabbe 2001

635

Albright 1924, 1925 ; Tonneau 1929 ; Garstang 1931 ; Saarisalo

1931 ; Dothan M. 1952 ; Aharoni 1955 ; Kalai, Kleinmann 1955 ; North 1960 ; Rachmani 1960, 1964 ; Bar-Adon et al. 1972 ; Dagan

629

Briend 1978 ; Finkelstein, Silberman 2001 : 72-96

1986, 1991, 1992 a, 1993 ; Dorsey 1991 ; Shavit 1992 ; Ofer 1994 ;

630

Na'aman 1994 b : 414

Finkelstein 1996 c ; Dagan et al. 1998.

130

DU TERRITOIRE AU SITE

intégrante d'un tout, elle appartient à un système politique plus vaste composé d'autres centres du même type. Les cités-états correspondent ainsi à des entités politiques structurant un territoire. Elles possèdent une autonomie politique et représentent donc l'échelon le plus élevé de la structure de pouvoir local. Le contrôle qu'elles opèrent touche à l'ensemble des éléments de la société et s'exprime particulièrement dans les sphères politiques et administratives. De par leur taille, elles jouent également un rôle centralisateur dans la redistribution de denrées locales ou issues du commerce à plus ou moins longue distance. La citéétat est donc censée concentrer un ensemble de fonctions dont elle use pour exercer son pouvoir sur des établissements plus petits dépendant d'elle, ses principales fonctions se répartissant de manière variable entre les sphères politique, administrative, commerciale et religieuse. Une vision à l'échelle régionale fournit un système cohérent à analyser et permet de proposer une réponse adaptée à la situation des cités-états de la fin du Bronze Récent. La complexité de la situation socio-politique au cours du Bronze Récent et surtout son instabilité aident en premier lieu à comprendre qu'une entité politique évolue. N'y aurait-il pas d'une part plusieurs types de citésétats ? Parmi les sites importants du sud de la Palestine, on peut en effet distinguer des entités aux Certaines fonctionnements différenciées640. distinctions peuvent ainsi être faites, non dans la nature toujours urbaine du site, ni dans sa taille, toujours importante au vu des autres sites de la région, mais dans la fonction de ces sites. A quoi les utilise-t-on, comme centre ou comme relais ? Ont-ils un rôle politique, administratif, commercial ou uniquement militaire ? Autant de questions permettant d'aborder le problème non d'après la représentation que l'on se fait du site, en particulier de sa taille, mais en replaçant celui-ci au sein d'un réseau précis. Mais avant de s'attacher à une compréhension fonctionnelle des cités-états, il est nécessaire de se pencher avec rigueur sur l'apport des données textuelles les concernant.

une entité politique demeurant mal connue. Les villes de Mésopotamie au cours de la période protourbaine au IVème millénaire représente la première organisation urbaine pouvant recevoir ce qualificatif de cité-état, définit par son organisation entre autre urbaine636. Ce terme est cependant utilisé pour nommer tous centres urbains d'une taille suffisamment importante et ce pendant l'ensemble de l'Âge du Bronze. Nous serions ainsi confronté à une organisation du territoire qui n'aurait pas varié pendant plus de deux millénaires sur une zone couvrant le Proche et le Moyen Orient. Il n'a pu, bien sûr, en être ainsi. Cette connaissance imprécise de la "cité-état" repose tout d'abord sur une appellation n'ayant pas fait l'objet de définition précise. Il serait toutefois vain de trouver une seule définition ayant trait à cette entité politique, car cette dernière a varié au cours de son histoire et suivant les régions. Il n'y a donc pas une mais bien des cités-états. S. Bunimovitz évoque le problème637 de la non variabilité du concept de cité-état au cours de l'Âge du Bronze, mais il se borne à noter cet état sans qu'aucune proposition n'émerge de ses remarques. Les cités-états du sud de la Palestine à la fin du Bronze Récent présentent plusieurs caractéristiques originales. D'une part cette période marque les derniers siècles de l'existence de ce système politique dans cette région levantine. D'autre part le Bronze Récent II reste la période la mieux documentée, grace à des données historiques et archéologiques particulièrement abondantes, pour étudier ces structures de pouvoir. Enfin, l'étude archéologique de l'organisation politique du sud de la Palestine se révèle d'autant plus nécessaire qu'il s'agit de la plus proche de l'Egypte - constat évident mais souvent négligé - aussi le contrôle qu'elle y opère confère à cette zone un statut et une organisation particulière. Les premières cités-états de Palestine apparaissent au Bronze Ancien. Les sites de Megiddo ou Tel Yarmouth fournissent des exemples particulièrement éloquent de la manière avec laquelle ces centres urbains se mettent en place progressivement au cours du Bronze Ancien I à III638.

2. LA NOTION DE CITE-ETAT D'APRES LES ARCHIVES D'EL-AMARNA

Le terme de "cité-état" s'applique à des centres de pouvoir dont la complexité de l'organisation socio-politique se situe entre celle des "chefferies" et celle des "Etats"639. Une cité-état est partie

Le problème des cités-états du Bronze Récent en Palestine ne peut être raisonnablement traité sans une mise au point quant à leur principale source641. Le rôle des archives d'El-Amarna dépasse en effet

636

Vallet 1999 : 152, 163-164

637

Bunimovitz 1993 b : 142-144

638

Miroschedji 1999

640

Na'aman 2000 a : 138 ; Savage, Falconer 2003

639

Levy, Holl 1995 : 7

641

Cohen, Westbrook eds. 2000

131

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

pu chercher à profiter des troubles de l'époque pour s'affranchir de leur sujétion politique. Si certains des aspects figés de la société sont à comprendre au travers des sites de grandes tailles, d'autres types de changements peuvent en revanche s'exprimer avec plus de liberté dans ces établissements non assimilables aux cités-états.

largement le cadre historique, pour avoir influencé en profondeur et durablement toute la perception archéologique de ces périodes touchant aux phénomènes politique et urbain. Les cités-états de Palestine bénéficient d'une documentation particulièrement riche pour la période du Bronze Récent II du fait de l'existence des lettres d'ElAmarna. Elles revèlent pour l'ensemble du pays 13 entités urbaines642 considérées comme cités-états. Elles mentionnent également environ 25 autres établissements. Elles apportent donc des informations d'une grande valeur pour la compréhension des relations politiques entre les villes de Palestine. Le chercheur ne saurait cependant se contenter de ce qu'avancent ces archives : sans être nombreux, les points litigieux existent. Aussi quelques mises au point s'avèrentelles nécessaires.

b. Un éclairage particulier se limitant au paysage politique Les archives d'El-Amarna ont influencé notre perception du paysage urbain de la Palestine. L'image qu'elles donnent des villes pourrait apparaître comme l'expression du réseau de relations existant entre les cités de Palestine. Elles se limitent souvent au contraire à une situation révélatrice des seuls problèmes politiques. En ce sens ces archives peuvent induire en erreur, en offrant la vision partielle d'une situation autrement plus complexe. Elles donnent un aperçu des problèmes rencontrés par l'élite locale dans sa recherche de pouvoir. Cette situation politique informe également sur le fonctionnement administratif en vigueur à l'époque, mais celui-ci ne peut être qu'esquissé. Or, ce dernier est d'une grande importance. Du point de vue politique, les cités-états du Bronze Récent ne peuvent en effet être comparées à celles du Bronze Moyen. Si les premières ne disposent pas d'un pouvoir politique entièrement indépendant, le territoire que les secondes couvrent au Bronze Moyen est directement sous leur contrôle. Les forces humaines dont ces dernières disposent peuvent être employées aussi bien pour des constructions monumentales que pour guerroyer. Au Bronze Récent en revanche, ces cités-états, qui occupent souvent les mêmes emplacements, sont soumises à un contrôle. La présence égyptienne entraîne une dépossession d'une partie de l'emprise qu'elles assuraient auparavant. Les cités-états du Bronze Récent ne sont donc pas autonomes, tenues qu'elles sont de rendre des comptes à une instance supérieure. Or cet aspect est important pour appréhender la spécificité politique et administrative de ces cités-états. L'exemple le plus marquant est celui de Gaza. D'après les lettres d'ElAmarna, ce site n'est pas considéré comme une citéétat. Il est en revanche le siège de l'autorité administrative égyptienne assurant une gestion de l'ensemble du sud Levant. Centre urbain d'importance dans le sud de la Palestine, il apparaît néanmoins peu dans les archives. Les lettres ne sauraient donc, à elles seules, expliquer l'ensemble du paysage urbain et politique de la Palestine au Bronze Récent. Elles renseignent plus efficacement sur les relations politiques qu'administatives.

a. Les archives d'El-Amarna, des lettres du XIVème siècle avant notre ère. Le premier problème correspond au domaine chronologique couvert par ces lettres. Leur rédaction au cours du XIVème siècle jette une vive lumière sur un court laps de temps, une trentaine d'années environ. Or cette durée limitée est souvent apparue comme suffisante pour que l'ensemble du Bronze Récent soit considéré comme concerné d'une manière équivalente par ces informations. Certes, dans leurs grandes lignes, ces archives possèdent suffisamment de poids historique pour qu'elles puissent être perçues comme un bon indicateur d'une situation politique globalement sembable. Mais globalement seulement, dans la mesure où l'on peut réduire la situation de la Palestine au Bronze Récent à un ensemble de cités-états sous le contrôle de la puissante Egypte. Dans le détail néanmoins, la situation socio-politique des agglomérations palestiniennes a sans aucun doute varié avec les changements intervenus sous les XVIIIème, XIXème et XXème dynasties. Bref, la Palestine du début du XIVème siècle n'est pas identique en tout point à celle de la fin du XIIIème siècle. Le cadre de cette société relativement hiérarchisée n'offre pas aux cités-états les plus importantes, celles-là même en jeu dans les archives, un rempart suffisant contre les troubles que traverse le pays. Bien au contraire, de telles cités-états trahissent par divers signes, ceux-là mêmes que nous nous efforcerons de démontrer, un paysage socio-politique en pleine mutation vers la fin de l'Âge du Bronze. Il faut également s'attacher à comprendre ce que les sites de taille moyenne, voire petite, sont susceptibles d'apporter. Ces sites plus réduits, contrôlés par les grands établissements, ont 642

Finkelstein 1996 d : 231-240

132

DU TERRITOIRE AU SITE

répartition des sites, concerne-t-elle exclusivement les sites urbains ? La présence de murailles n'indique pas nécessairement une période politiquement troublée. Le problème de la nature de l'instabilité des sites urbains comme ruraux revient à se pencher sur l'ensemble des processus sociopolitiques, culturels et économiques du Bronze Récent. Les cités-états semblent les premières structures politiques touchées. Les textes d'ElAmarna apportent du moins des éléments allant dans ce sens. Les preuves archéologiques sont plus délicates à fournir. Une attention particulière sera portée aux couches de destruction dans les niveaux du Bronze Récent, ainsi qu'à la nature des sites détruits : type de site, situation géographique, périodisation. L'absence de fortifications au Bronze Récent demeure l'un des épineux problèmes des cités urbaines du Bronze Récent. Notons que les cités de Palestine ont été fortifiées surtout durant les périodes de prospérité urbaine : Bronze Ancien IIIII, Bronze Moyen II, Fer II. Il semble que l'on puisse esquisser une relation entre une augmentation de la population, la concentration urbaine et les constructions "défensives" rendues possibles par des ressources humaines qui en d'autres périodes tendent à manquer. On note des différences dans la teneur des lettres des différents rois cananéens. Les lettres des rois de Gezer : Milkilu et Yapahu (269-271, 298-300), de Gath avec Shuwardata (279-281, 366) ou de Jérusalem avec 'Abdi-Heba (286-290) concernent des messages à propos des Hapiru et divers problèmes avec d'autres cités-états. On ne retrouve pas en revanche ces demandes d'aide dans les lettres de cités comme Ashkelon et son roi Yidya (320-326) ou de Yurza (Tell Jemme ?) avec Pu-Ba'la (314-316). Les lettres tendent ainsi à montrer que les cités-états de Shéphéla connaissent des états de troubles politiques voire de conflits militaires récurrents. Les centres urbains de la plaine côtière : Yapu (Jaffa), Ashkelon, ou Yursa profitent éventuellement d'une présence égyptienne plus forte, apte à réguler les conflits, ce qui peut permettre d'expliquer la rareté des plaintes émanant de ces centres. La présence égyptienne effectue un contrôle dont le but principal est de maintenir le calme dans les régions traversées par les principales routes commerciales, avec le souci de relier Apu et Amurru (voir planche n° 33). Le commerce à longue distance semble avoir joué un rôle considérable dans la politique de gestion de la Palestine.

c. Le problème de l'extension des territoires : Le problème ici soulevé constitue le corollaire de la question abordée précédemment. Nombre de requêtes portées sur argile par les rois de ces agglomérations, cités-états ou non, font part de leurs plaintes ou peurs de cités qui se révoltent, leur portent ombrage ou se retrouvent aux mains d'une ville ennemie. Les villes ou villages ainsi incriminés se placent en bordure des territoires. Qiltu (Keilah) fait par exemple l'objet de conflits constants (279, 280, 287, 289, 290). Ces requêtes constituent davantage le reflet d'une situation troublée que la preuve de l'appartenance de tel site périphérique au domaine politique du plaignant ou du dominant. Cette situation du XIVème siècle semble s'exacerber au siècle suivant. Au XIIIème siècle, les relations entre les centres politiques établis et les sites périphériques sont d'autant plus conflictuelles. Aussi la détermination de l'extension de la zone de contrôle politique de ces centres pose-t-elle problème. Il est généralement considéré qu'au Bronze Récent, comme au Bronze Moyen, l'ensemble du territoire de la Palestine est couvert par les cités-états643 dont les frontières sont censées coïncider entre elles. Tout territoire serait donc sous contrôle. L'argument nous semble valable et ne contredit pas l'idée que les sites périphériques en particulier, ceux-là même situés sur les frontières communes, passent du contrôle d'une cité-état à l'autre, ou bien gagnent en autonomie, du fait de l'éloignement du centre qui le contrôle. Les manques en ressources humaines de ces cités644 ont pu les empêcher, ou du moins les limiter, dans leur volonté de mener des incursions guerrières contre ces villages. Leur pouvoir en pleine déliquescence a assisté, impuissant, à cette réalité (EA 246, 287, 288, 289).

d. Une situation politique changeante On peut toutefois accorder un crédit certain aux archives d'El-Amarna dans la mesure où elles donnent une vision assez exacte d'un aspect de la situation politique de cette période, à savoir qu'elle est fluctuante et changeante. Peu d'études ont porté sur la notion d'instabilité dans le domaine politique urbain. Les chercheurs645 s'accordent sur l'état de déclin urbain et sur la crise socio-politique touchant les cités-états durant le Bronze Récent. Mais comment caractériser l'instabilité politique ? L'instabilité peut-elle se percevoir dans la

e. Des recherches pétrographiques en cours : 643

Finkelstein 1996 d : 226

644

Bunimovitz 1994 b : 9-11

645

Gonen 1984

Un projet mené par Israel Finkelstein, Yuval Goren et Nadav Na'aman de l'université de Tel Aviv, porte sur l'identification pétrographique de 133

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

(EA 244, 280, 287), de mesurer l'ampleur de la compétition entre les cités-états.

l'argile des tablettes d'El-Amarna. Recherche pionnière et récente, elle n'a pas encore livré de résultats finaux. Ressortent néanmoins plusieurs éléments646. Tout d'abord la provenance des tablettes peut être déterminée avec une précision satisfaisante. L'argile provient le plus souvent d'une source à proximité du site où a été rédigée la tablette. Ce dernier point est certes dans l'ordre des choses, encore fallait-il s'en assurer. Il est également très intéressant de noter que pour un certain nombre d'entre elles, la source d'argile est issue de Gaza. Une telle situation s'explique soit par le fait que les doléances des cités n'étaient pas toutes transcrites sur place mais que l'on se déplaçait au centre administratif égyptien de Gaza pour y faire effectuer la lettre, soit que les tablettes en provenance des cités-états y étaient recopiées avant d'être envoyées au pharaon. Certaines tablettes proviennent des abords de petits sites autres que les cités-états considérées dans les archives et ayant également émis une lettre.

a. L'évolution historique d'un système politique au cours du second millénaire: Bien que les cités-états soient un mode d'organisation politique ayant perduré en Palestine depuis le Bronze Ancien jusqu'à la fin du Bronze Récent et du Fer I649, soit près de deux millénaires, il est difficile d'envisager des continuités directes entre les différentes périodes. On ne peut mettre sur un pied d'égalité les structures urbaines du IIIème millénaire avec celles de la fin du IIème, sous prétexte que dans les deux cas, la Palestine est contrôlée par un certain nombre de cités. Le premier point à déterminer concerne la différence existant entre les cités-états du Bronze Moyen et celles du Bronze Récent. Cette différence est-elle structurelle ou bien seulement quantitative, dans la taille du site ou de l'espace contrôlé ? Le Bronze Moyen constitue une période durant laquelle les cités-états atteignent un haut degré de maturité dans leur développement, l'ensemble de la Palestine subissant leur contrôle. Aussi ce système de gestion du territoire peut-il être considéré comme caractéristique. Or ce qui se révèle valable pour le Bronze Moyen, ne l'est pas ou ne l'est plus au Bronze Récent. Ont en particulier varié d'une période à l'autre, la taille des cités-états, la densité urbaine des territoires qu'elles contrôlaient ou le nombre de sites possédant des remparts et des palais. Bien qu'une réelle continuité d'occupation des sites existe pour certains grands sites entre le Bronze Moyen et le Bronze Récent, celle-ci ne présage en rien des changements profonds qui se produisent au sein de la société. Posons maintenant quelques jalons quant à la perception des processus étudiés. La présence égyptienne transforme l'organisation politique et administrative de la Palestine. Le système des citésétats, quoique inconnu en Egypte, n'est pas remplacé par un autre qui serait imposé par la nouvelle puissance conquérante. Mais le fait que la structure soit laissée en place n'empêche pas qu'elle subisse des transformations altérant le mode de fonctionnement et de gestion du territoire650. A la gestion politique locale qu'opèrent les cités-états, s'ajoute une gestion administrative plus globale concernant l'ensemble de la Palestine. Il faut considérer le Bronze Récent II comme une phase voyant la mise en place en Palestine d'un système ayant un double fonctionnement. Les centres administratifs et politiques diffèrent dans leur

3. LE SYSTEME DES CITES-ETATS Plusieurs caractéristiques fondent le fonctionnement et concernent l'extension spatiale et temporelle des cités-états. Une cité-état se distingue d'un royaume par l'étendue du territoire contrôlé. Ainsi Ugarit n'est pas une simple cité-état mais bien un royaume : de très nombreuses villes de la taille et de l'importance d'une cité-état ainsi que des villages, étaient sous sa dépendance. Estimés à 180200, ils couvraient une superficie de 3000 à 4000 km carrés647. Les cités-états opèrent donc un contrôle sur un territoire assez variable, de quelques centaines à quelques milliers de kilomètres carrés. Une moyenne se situerait vers 1500 kilomètres carrés648. Qualifier leur existence dans le temps est plus complexe. Il est possible d'y voir un système de gestion du territoire adapté aux conditions technoéconomiques et socio-politiques des zones procheorientales. On peut également considérer la compétition entre les cités-états, tant sur le plan politique qu'économique, comme un facteur prépondérant dans l'instabilité dont le système peut faire preuve. Le pouvoir d'une cité-état s'applique à un territoire donné et donc à une population. Des deux éléments, l'un possède-t-il une importance prépondérante ? Le rapport de force entre chaque centre doit rester équilibré, à moins de voir une cité développer un ascendant sur les autres, avant d'en prendre le contrôle. Il est cependant difficile, sauf des exemples comme celui de Lab'ayu et de ses fils 646

Yuval Goren, comm. pers. (avril 1998)

647

Bunimovitz 1994 b : 6

649

Fritz 2000 ; Strange 2000 a, b

648

Bunimovitz 1993 a : 447 ; Bunimovitz 1994 b : 3

650

Bunimovitz 1993 b : 147

134

DU TERRITOIRE AU SITE

nombre et leur répartition. Au Bronze Récent, la présence égyptienne entraîne de profonds changements dans cette situation. Le fait que les rois de chaque cité-état aient des comptes à rendre à la puissance occupante transforme l'équilibre sociopolitique de la Palestine. Les cités-états continuent de posséder un fort ascendant politique sur les sites qu'elles contrôlent, mais limité cependant par une instance supérieure lui réclamant un tribut651. La perte d'autonomie constitue donc un élément décisif propre à changer le système même des cités-états. Concernant les sphères politique et sociale, la citéétat continue à exploiter les sites satellites. Pour la sphère militaire, la présence égyptienne, même faible, induit une différence importante puisqu'elle met en place de petits centres militaires qu'elle gère directement. Les cités-états possèdent ainsi potentiellement une puissance locale non négligeable mais elles ne peuvent en faire un usage immodéré. Le contrôle égyptien veille, semble-t-il, à une répartition équitable des forces respectives de chaque cité-état, afin que ces dernières s'épuisent en lutte intestine sans porter pour autant ombrage à sa présence.

C. Les listes de sites en annexe La base de données regroupant les informations sur les sites est fournie en annexe (voir annexe n°2). Les sites sont regroupés en six catégories (de I à VI). Le critère principal présidant à la distinction entre sites reste leur taille, mais ce critère est modifié par l'importance politique ou stratégique de l'établissement. Ces catégories reflètent donc la répartition des sites par rapport à la cité-état et plus globalement l'organisation hiérarchique du territoire. I : Hameau : de 0,1 à 0,3 hectare. II : Village : de 0,4 à 1 hectare. III : Centre subrégional : de 1 à 3 hectares. Concerne les sites satellites dont l'emplacement stratégique est secondaire. IV : Centre régional de 2ème ordre : de 3,1 à 5 hectares. Concerne les centres secondaires dépendant directement des cités-états, les sites aux bordures géo-topographiques et les sites-frontières. V : Centre régional de 1er ordre : de 5 à 10 hectares ou plus, pour certaines cités-états. Concerne les cités-états.

4. LA GESTION DES TERRITOIRES PAR LES CITES-ETATS AU BRONZE RECENT II

VI : Centre interrégional : plus de 10 hectares. Seul Gaza gère, administrativement tout au moins, un territoire couvrant plusieurs cités-états.

En Palestine, la cité-état existe par le territoire qu'elle gère. Autrement dit, elle se définit et fonctionne par les sites qu'elle contrôle sur son territoire. Concernant les cités-états connues au travers des textes d'El-Amarna, on constate qu'il existe des entités urbaines dont le peuplement territorial diffère grandement d'une ville à l'autre. On distingue plusieurs types de centre, selon leur dimension territoriale et leur gestion des sites. Certains possèdent un territoire de taille moyenne avec une organisation hiérarchisée des sites. D'autres cités-états, telle Ashkelon, contrôlent un territoire de taille moyenne sans organisation particulière et comportant peu de sites. D'autres encore, comme Jérusalem, gèrent un large territoire mais ne contrôlent qu'un nombre limité de petits sites. L'étendue et le type du territoire contrôlé, la nature de la population, généralement sédentaire et villageoise mais parfois pastorale-nomade, constituent autant de facteurs de distinction qui interdisent d'envisager la gestion des territoires des différentes cités-états sur un même plan. Chacune des cités-états est une ville distincte par la région à laquelle elle appartient.

651

Goldwasser 1984 ; Bunimovitz 1993 a : 449 ; 1994 b : 10

135

pour le Bronze Récent, présente cependant une grande fiabilité.

II- LES CARTES DE REPARTITION DE SITES Choix des sites

1. DELIMITATION DE LA ZONE D'ETUDE

Les cartes de répartition représentent un outil d'analyse des modes de peuplement, en permettant d'accéder à une vision relativement précise du paysage géopolitique de ces périodes. Le choix des sites portés sur les cartes s'est opéré à partir de tout site occupé pour ces périodes. Pour les sites fouillés - une trentaine pour la plaine côtière et la Shéphéla au cours des époques du Bronze Récent et du Fer I -, on sait de manière assez certaine si ces établissements étaient occupés ou non. Plus problématique, pour nombre d'entre eux, demeure l'étendue de cette occupation. Ce problème est particulièrement aigu pour les sites d'une taille supérieure à trois hectares (catégorie de taille 4 à 6). Pour les sites de petites taille (moins d'un hectare) la détermination de leur superficie peut varier éventuellement du simple au double. Mais leurs dimensions restent faibles et les interprétations qui en découlent ne seront guère faussées par une éventuelle erreur. Il est possible d'avancer sans trop de risque que tous les grands sites en Shéphéla sont connus et répertoriés, même s'ils n'ont pas tous été fouillés. La découverte de nouveaux sites de grande taille est improbable. Les sites moyens sont plus probablement connus aux trois-quarts, quant aux petits sites, leur indice de disparition peut être assez élevé, aussi l'évaluation de leur nombre demeure-telle difficile. Des recherches de terrain ultérieures révèleraient surtout des sites de dimensions réduites. La situation géographique de ces petits sites joue en effet un rôle important dans leur éventuelle découverte lors de prospections. L'épaisseur des alluvionnements récents depuis le second millénaire ne doit par exemple pas être sousestimée. Des recherches géoarchéologiques652 menées près de Tel Safit, dans la vallée de la 'Ela, à la jonction de la basse Shéphéla et de la plaine côtière, ont permis de mettre en évidence l'amplitude de ces alluvionnements. Des tranchées réalisées dans la vallée, à une centaine de mètres du cours du wadi actuel, ont révélé, à l'extérieur du site, du matériel en place constitué d'un muret et d'une jarre datée du Fer I. L'ensemble se trouvait sous 1,70 mètre d'alluvions. Lors du passage de la basse Shéphéla à la plaine côtière, l'élargissement de la vallée ralentit la force d'écoulement des eaux et entraîne une augmentation notable des dépôts alluvionnaires. Les petits sites qui se trouvent dans cette zone à proximité des wadis ont pu disparaître du paysage actuel sous un à deux mètres d'alluvions. Le paysage urbain proposé, surtout 652

Afin de mettre en évidence la logique soustendant la répartition des sites en Shéphéla, il est nécessaire d'élargir la zone traitée. La Shéphéla ne peut être abordée isolément. Une compréhension à l'échelle régionale passe par le traitement des régions limitrophes, aussi l'ensemble du sud de la Palestine est-il concerné. Les cartes présentent donc la plaine côtière, la partie ouest des collines de Judée et le nord du Néguev. Ces deux dernières régions possèdent une densité de sites relativement faible voire quasi nulle à certaines périodes : elles constituent des zones de bordures, situées à la frange de régions plus densément peuplées. La plaine côtière, en revanche, doit être traitée au même titre que la Shéphéla, de par son importance politique et commerciale aux périodes considérées. Sa présence offre l'avantage de mieux faire ressortir certains des aspects caratéristiques du mode de répartition des sites de la Shéphéla. La bordure nord de la Shéphéla est plus délicate à déterminer. Il a été choisi de borner la représentation des sites à une quinzaine de kilomètres au nord de Gezer, afin de présenter les limites du territoire que ce dernier contrôle. Nous considérons pour le Bronze Récent que les cités-états possèdent des territoires se jouxtant les uns aux autres.

2.

REPERES

ET

PROBLEMES

CHRONOLOGIQUES L'évolution de la répartition des sites suit un découpage chronologique en trois phases. • Le Bronze Récent IIB, soit la fin du XIIIème siècle Planches n°34-35. • Le Bronze Récent III /Fer IA, soit le milieu du XIIème siècle - Planche n°45. • Le début du Fer IB, soit la fin du XIIème siècle Planche n°49. Ce schéma a été préféré à celui couramment choisi dans les recherches récentes653, qui, limité à deux phases, oppose systématiquement le Bronze Récent au Fer I. Le XIIème siècle est en effet une phase chronologiquement complexe caractérisée par une succession de changements tant politiques que culturels rendant nécessaire un découpage affiné. Concernant le Fer I, la détermination chronologique est moins simple. L'absence de céramique importée pourrait se révéler un critère valide pour identifier la nouvelle période. Il serait possible d'y associer la présence de céramique monochrome philistine, chronologiquement bien

Rosen (comm. pers. 1998)

653

136

Finkelstein 1996 c ; Galil 1997

REPARTITION DES SITES

établie dans le XIIème siècle, mais la rareté des sites en ayant livré - quatre ou cinq seulement - ne permet pas d'en faire un indice valable. Cette dernière catégorie céramique ne peut donc servir, à elle seule, à identifier les sites du Fer I. La présence de céramique bichrome philistine, beaucoup plus répandue, peut en revanche fonctionner comme un critère plus raisonnable d'existence d'un site à cette période. Ce qui positionne néanmoins les sites représentés vers la fin du XIIème siècle, voire le début du XIème siècle. Envisagée de telle manière, une distinction entre "Bronze Récent" et "Fer I", équivaudrait à une période d'au moins un siècle, voire un siècle et demi. On comprend aisément qu'il n'est pas possible de se limiter à deux phases, sans en intégrer une troisième, correspondant à la période même de la transition. La définition chronologique de cette période demeure toutefois un problème épineux. Les variations régionales au cours du XIIème siècle empêchent en effet d'adopter une périodisation unique qui rendrait compte, sur l'ensemble de la Palestine, des changements survenus. Nous considérerons néanmoins que la seconde carte représente la situation vers le milieu du XIIème siècle, correspondant au niveau de Lachish VI et à la phase de la céramique philistine monochrome ou Mycénienne IIIC:1b. Suivant les régions, cette période du milieu du XIIème siècle correspond pour la plaine côtière au tout début du Fer I, pour l'intérieur de la Palestine au Bronze Récent III. A cette échelle d'analyse, il est délicat de se prononcer sur une micro-chronologie de l'occupation des sites, d'autant plus difficile à établir qu'une majorité d'entre eux ne sont connus qu'à travers la collecte de tessons.

3. CRITIQUE DE "DOCUMENTAIRES"

DEUX

cependant le véritable problème du crédit attribuable à des informations qui ne sont pas de première main, Thompson n'ayant pas vérifié sur le terrain la validité des informations qu'il avance. Pour sa part, Dorsey a surtout étudié les voies de communication de l'Âge du Fer. Il a dû, par la force des choses, considérer les différents sites existant le long de ces routes. Le nombre proposé est très important. Le cruel manque de données archéologiques venant confirmer l'existence des sites empêche toutefois d'accorder aux propositions de Dorsey tout le crédit désiré. Le fait qu'aucune des deux recherches ne soit le produit d'une recherche proprement archéologique ni le fait d'archéologues ne joue certes pas en leur faveur. Faut-il pour autant s'interdire de prendre en considération leurs données656 ? On doit constater, pour la défense de Thompson, que des sites redécouverts plus récemment par des prospections avaient déjà été répertoriés par lui. Il s'agit donc de demeurer extrêmement prudent à propos des établissements qu'il présente. Dans sa recherche sur les sites du Bronze Récent, I. Finkelstein657 ne prend pas en compte les travaux de Thompson ni ne les mentionne, ce qui indique que les doutes pesant sur eux lui apparaissent trop grands. Cette abstention le conduit néanmoins à négliger plus d'une quarantaine d'établissements. Notons que les sites visés par cette critique sont cependant pour la plupart de petite dimension, de taille 1 ou 2, soit moins d'un hectare. Nous proposons pour remédier à ce problème deux cartes : l'une mentionnant les sites de Thompson (voir planche n°34), l'autre sans ces sites (voir planche n°35).

A. Cartes de répartition des sites au Bronze Récent II

APPROCHES

1. CRITERES D'ETUDE DES SITES

Concernant nombre de petits sites issus de prospections, deux publications demandent une approche particulièrement critique : l'ouvrage de Thompson654 et celui de Dorsey655. Le premier a regroupé, sous forme d'inventaire, tous les sites de l'Âge du Bronze dont il a pu trouver trace dans les fichiers du Département des Antiquités ou dans les publications. La majorité des sites provienne de prospections parfois anciennes ou de simples ramassages de tessons épars. Ces sites ne sont bien souvent répertoriés que dans ces fichiers du Département des Antiquités. La démarche, méritoire, de collecter toutes les informations concernant les sites existants ou potentiels, pose

La compréhension de l'organistion du territoire passe par l'étude de la répartition des sites selon divers facteurs, comme les critères entrant dans l'implantation des sites, la délimitation des zones de peuplement, les voies de communication, la hiérarchisation des sites, et la détermination des territoires politiques658.

a. L'implantation des sites On

trois

critères

principaux

656

Finkelstein 1996 c ; Gonen 1984 : 70 ; Kallai 1981 : 261-263

657

Finkelstein 1996 c

654

Thompson 1979

658

655

Dorsey 1985

presse 3.

137

distinguera

Ce sous-chapitre est repris en anglais dans : Jasmin sous

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

ou sources. La proximité d'un point d'eau constituet-elle un facteur décisif dans le choix de l'emplacement d'un site ? Les sources se révèlent relativement nombreuses, particulièrement en Shéphéla où les deux-tiers des sites se trouvent à moins d'un kilomètre de l'une d'elles. Mais les informations qu'apportent les cartes modernes peuvent s'avérer trompeuses. Elles mentionnent en effet quantité de "sources" … qui n'en sont pas véritablement. Il s'agit en fait d'eau coulant de manière souterraine660, pouvant être atteinte à une faible profondeur par creusement, mais qui se tarit alors rapidement lors du puisage. Cette situation actuelle a cependant dû être assez différente durant l'Antiquité, lorsque la nappe phréatique possédait un niveau plus élevé. Nous considérerons néanmoins que les informations récentes sur les sources sont exploitables pour la fin du second millénaire.

conditionnant le choix de l'emplacement des sites : la topographie, la présence de points d'eau et enfin la géologie. La topographie Le rôle joué par la topographie dans le choix d'implantation des sites reste fortement lié à la zone géographique d'appartenance du site. On peut distinguer deux zones géotopographiques opposées : d'une part les espaces plats comme la côte ou la plaine côtière, dont les altitudes diffèrent mais non la topographie générale ; d'autre part les espaces de collines comme la Basse et la Haute Shéphéla. Dans chacun de ces domaines on trouve un type de répartition marqué. La grande majorité des établissements situés dans la première zone sont installés dans un espace topographique de "plaine" en accord avec le caractère plat de la zone géographique. Plutôt qu'un choix réel, il s'agit d'une nécessité dictée par l'absence de relief. Toutefois, bien que l'espace autour de ces sites soit relativement plat, les établissements occupent des positions proéminentes qui leur permettent de se distinguer dans le paysage. Cette position peut être due à la topographie locale (Tel Safit). Les sites occupent souvent de légères buttes ou bénéficient des constructions en terre du Bronze Moyen II, véritables collines artificielles. Tel Batash en fournit le meilleur exemple659. Pour la Shéphéla, la situation est toute autre. On trouve quelques établissements dans un cadre de "plaine" mais en Basse Shéphéla uniquement, où ces dernières peuvent être relativement larges. Les fonds de vallées, pourtant nombreux, ne semblent pas avoir fourni de lieux d'implantation. Quelques sites occupent les flancs de collines, mais la partie inférieure de ces dernières fournit nettement moins d'emplacements que leur partie supérieure. La Shéphéla, domaine de collines, offre une multitude d'emplacements en hauteur pour y installer des sites. Les sommets de collines y constituent donc un emplacement privilégié, presque systématique dans le choix de l'installation. Les sites plus petits se sont gardés, semble-t-il, de se risquer sur un emplacement mal défendable. Voir la planche n°36 et le tableau ci-dessous sur la position topographique des sites au Bronze Récent II suivant leur l'emplacement géographique. Voir également les informations rassemblées dans l'annexe n°2 en fin de volume. Proximité des points d'eau Un second critère dans l'emplacement d'un site correspond à la proximité de points d'eau, rivières 659

Mazar 1997 c

660

138

Dagan, comm. pers. (avril 1998)

REPARTITION DES SITES

Zones géographiques Côte Plaine côtière Basse Shéphéla Haute Shéphéla Nord du Negev Nombre de sites

Plaine

Fond de vallée 0 0 0 0 0 0

18 28 6 0 15 67

Sommet colline 0 0 10 15 0 25

trouve une vaste zone constituée d'alluvions récentes du Quaternaire. Elle s'étend indistinctement depuis les dunes jusqu'aux roches éocènes constituant le cœur de la Shéphéla. Cette zone d'alluvions recouvre donc l'ensemble de la plaine côtière et une partie de la Shéphéla. Seul "incident" dans cette étendue alluviale, des zones de kurkar, qui n'ont pas entraîné, semble-t-il, de présence particulière. La troisième entité géologique correspond aux roches de l'Eocène et dans une moindre mesure du Pliocène. Cette zone est homogène et relativement compacte. Les sites placés à des points de jonction entre des zones aux ressources variées, ont pu avoir accès à des ressources diversifiées. Il ne semble pourtant pas que le substrat géologique participe pour beaucoup dans le choix de l'emplacement des établissements. Les possibilités agricoles des zones environnantes ont dû représenter un critère plus déterminant.

Il s'agit par ailleurs de relativiser le constat de proximité des sites avec les sources. D'une part, très peu se trouvent à moins de 100 mètres du site. Tel Harassim, pour qui c'est le cas, fait figure d'exception. (voir annexe n°2). D'autre part, l'importance du critère du point d'eau est tempérée en Shéphéla par la situation topogaphique des sites : le site se doit d'abord d'être sur le sommet d'une colline, ce n'est qu'ensuite qu'intervient la présence de la source. L'influence de la présence de source sur la répartition des sites est néanmoins réelle, l'approvisionnement en eau demeurant un problème critique dans ces régions. Le mode d'alimentation le plus courant reste celui de la source à laquelle on se rend pour remplir des récipients. Les installations de stockage retrouvées sur les sites sont parfois peu nombreuses, aussi la présence d'un point d'eau se révèle-t-elle indispensable à proximité de l'établissement si c'est un village, a fortiori s'il s'agit d'un site urbain. Très peu de sources se trouvent le long de la mer dans la zone constituée de dunes de sables. En revanche la nappe phréatique y est plus haute, en particulier avant de se jeter dans la mer. Les sites côtiers peuvent donc compter sur de l'eau douce par le creusement de puits. Ces derniers peuvent atteindre la nappe à près d'une dizaine de mètres de profondeur. Les exemples archéologiques de tels puits661 pour le Bronze Récent sont cependant rares (Tel Abu Hawam, Tell el-Ajjul).

b. Les zones de peuplement La côte : Un chapelet de sites de taille variable se trouve disposé le long de la côte, selon un espacement assez régulier, tous les 10 à 20 kilomètres (voir planche n°35). Du nord au sud on note Jaffa, Yavne Yam (15), Tel Mor, Mispe Yona (37), Ashdod Yam (42), Ashdod, Shemourat Yam (68), Ashquelon, Gaza, Deir el-Balah et enfin Tel Ridan. Parmi ces sites, seuls Jaffa, Ashkelon, Gaza et Deir el-Balah possèdent une certaine importance. Au sein de ces établissements proches de la côte doivent être différenciés les sites de bord de mer de ceux qui se situent à l'intérieur des terres et ne peuvent donc faire office de port comme Ashdod ou Gaza. Les sites spécifiquement côtiers sont au nombre de neuf pour une centaine de kilomètres de côte. Parmi ces derniers pourtant, tous n'ont pas été des ports actifs. Seuls Jaffa, Tel Mor et Ashquelon l'étaient de manière assurée. Deir el-Balah ou Tel Ridan, établissements de taille raisonnable, ne semblent pas avoir été spécifiquement tournés vers le commerce en Méditerranée. Quant aux sites de Yavne Yam (15), Mispe Yona (37) et Shemourat Yam (68), leur taille très réduite indique qu'ils devaient former des hameaux vivant de la pêche, tout en

La géologie : Le substrat géologique semble conditionner dans une mesure bien moindre l'emplacement des sites. Il est cependant difficile de se prononcer sur son rôle exact. Peut-on, en fonction de la répartition des sols, déduire des emplacements privilégiés à certaine période ? On peut distinguer trois zones géologiques principales réparties selon la position des bandes longitudinales des zones géographiques. Les dunes de sable au sein de la bande côtière n'offrent pas d'emplacement privilégié pour les sites de ces époques, sans exclure pour autant l'installation d'établissements. Accolée à cette bande sableuse se 661

Flanc de colline 0 2 4 4 0 10

Balensi 1980 : 197-198

139

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

profitant du commerce maritime longeant la côte. Tel Mor et Ashdod Yam près d'Ashdod ont pu servir de lieu de débarquement de denrées liées au commerce maritime, pour l'approvisionnement d'Ashdod.

Ashquelon jusqu'à Gaza662 qui globalement à la bande de Gaza.

correspond

La Basse et la Haute Shéphéla : La région la plus intéressante se révèle être la Shéphéla. L'importance quantitative des sites répond en effet à une logique d'ensemble s'étendant à la totalité de la région. La première constatation porte sur la situation des établissements dont une majorité se trouve le long des wadis. Ce phénomène est particulièrement visible le long des principaux wadis dans l'est de la plaine côtière et dans la Basse et Haute Shéphéla avec le Nahal Soreq (sites n° 47, 48, 50, 51, 75, 80), le Nahal 'Ela (sites n° 79, 170, 171, 82, 84), le Nahal Guvrin (sites n° 93, 92, 96, 177), le Nahal Lakish (sites n°90, 109), le Nahal Shiqma (sites n° 108, 123, 126) et surtout le Nahal Adorayim (sites n° 102, 103, 104, 105, 107, 110, 113, 129). Ces "lignes" de sites s'établissent suivant un axe approximativement orienté est-ouest, correspondant au sens d'écoulement des wadis. L'ensemble de la Shéphéla, à la différence des autres zones, possède par ailleurs une répartition homogène des établissements sur son territoire. Il n'apparaît pas de différence fondamentale dans la répartition des sites entre la Basse et la Haute Shéphéla, si ce n'est que cette dernière, dans le sud de la Shéphéla, comporte un nombre relativement restreint de sites. On constate que les cités-états de Gezer, Safit et Lachish sont toutes établies en Basse Shéphéla à proximité de la plaine. La Haute Shéphéla est cependant pourvue d'établissements importants, de taille 3 et 4, soit de 1 à 5 hectares, en particulier Yalu, Bet-Shemesh, Azekah, Khirbet Yirha, Goded, Keilah, Tel Eitun ou Tel Halif.

L'intérieur de la plaine côtière : Cette zone, telle que nous la définissons topographiquement, s'étend depuis les dunes de sable de la côte jusqu'à la Shéphéla. Il faut y isoler deux espaces distincts pour bien comprendre le mode d'installation des groupes humains en ces lieux. Tout d'abord on distingue une zone vide de sites, qui apparaît distinctement sur la carte. Il s'agit d'une bande parallèle à la côte, large d'au minimum une dizaine de kilomètres et s'étendant depuis le nord de la carte jusqu'au nord du Néguev. On pourrait lui attribuer la fonction de zone frontière séparant les sites de la côte de ceux de la Shéphéla. A la limite est de la plaine côtière apparaît un espace de quelques kilomètres de large, qui par ses altitudes supérieures à 100 mètres pourrait laisser croire que les sites se rattachent à la Shéphéla, quoique la topographie ne laisse aucun doute sur l'appartenance de cette zone à la plaine côtière. Comment comprendre le mode de peuplement d'un tel espace ? Un nombre non négligeable de sites s'y trouve réparti dans quatre zones précises : autour de Tel Miqne (sites n° 51 et 47, 48, 49, 50) le long du Nahal Soreq, près de Tel Erani (sites n° 90 et 173) ; autour de Tel Nagila (sites n° 108 et 175, 176) le long du Nahal Shiqma et de petits affluents et autour de Tell el-Hesi (sites n° 104 et 102, 103, 105), le long du Nahal Adorayim, enfin. Cette série de sites apparaissant en bordure est de la plaine se rattache pourtant à la Shéphéla par sa répartition et son appartenance aux zones d'influence des grands sites de cette région. Doit-on faire l'hypothèse que ces sites géographiquement et politiquement situés dans la plaine côtière, jouent alors un rôle de cité frontière ? Leur proximité avec les agglomérations des collines basses de Shéphéla marquerait l'extension du territoire des grands sites de la côte. L'inverse paraît néanmoins plus vraisemblable. La sphère de pouvoir des cités-états de Shéphéla empiète nettement sur la plaine côtière. Cet état de fait s'explique en partie par la position géographique des centres politique dans des zones en bordure de la Basse Shéphéla, donc tournées vers la plaine, ce qui est particulièrement visible pour les sites de Gezer, Tel Batash et Tel Safit. Le nombre très réduit de sites vers le sud peut correspondre à l'absence de prospections et à la rareté de fouilles réalisées. Cet aspect lacunaire de la recherche concerne principalement la zone s'étendant depuis

Le nord du Néguev : Cette zone correspond pour le Bronze Récent à la plaine côtière du nord Néguev, c'est à dire la partie nord et occidentale du Néguev. L'est du nord Néguev, à l'extrême fin du Bronze Récent, ne comporte qu'un seul site : Tel Masos. Seule une partie du Néguev est représentée sur les cartes. Elle suffit cependant pour comprendre la répartition des sites dans cette région durant la période concernée. Dans l'ensemble, les sites les plus au sud se placent sur une ligne correspondant aux limites méridionales de la Shéphéla telle que l'indiquent les établissements de Tel Haroer, Tel Sera et Tel Halif. On constate que l'isohyète des 300 mm se situe précisement dans cette zone. Le nord du Néguev et 662

Cette zone correspond en partie à l'actuelle bande de Gaza.

Des raisons diverses peuvent expliquer ce manque de données archéologiques, en particulier l'importance du bâti actuel empêchant les fouilles.

140

REPARTITION DES SITES

le reste de ce désert ne connaissent donc pas d'occupation sédentaire significative au Bronze Récent663, si ce n'est le site de Timna près de la mer Rouge, qui remplit des fonctions économiques précises. Un mode de répartition spécifique semble avoir prévalu dans cette zone semi-désertique, recevant moins de 300 mm d'eau par an. La proximité des wadis conditionne l'emplacement des sites. A part les sites côtiers comme Gaza, Tell elAjjul, Deir el-Balah et Tel Ridan, tous les établissements se placent le long du cours des Nahal Gerar et Nahal Besor, les deux principaux réseaux de drainage du nord Néguev. Une telle répartition s'explique aisément par la nécessité d'approvisionnement en eau et les possibilités agricoles permises par la présence du wadi. La pratique d'une agriculture dépendant uniquement des précipitations semble cependant être restée trop aléatoire en cette région pour avoir été envisagée, tout du moins selon les conditions actuelles.

c. Les voies de communication L'état des routes : recherches et problématique: Les relations entre les sites, au travers des voies de communication, constituent un aspect du paysage construit peu étudié, situation en partie liée à un manque de connaissances. Ces lacunes empêchent a priori de se pencher sérieusement sur un élément primordial dans la manière dont hommes et marchandises circulent. L'importance des routes est depuis longtemps reconnue en géographie pour l'étude de la répartition des agglomérations665. Quelques recherches ont été menées dans le domaine archéologique, mais concernent d'autres périodes. Que les routes aient constitué dans l'Empire Romain un élément prépondérant de sa force et de ses possibilités effectives de contrôle de vastes territoires tient de l'évidence. Mais si les routes romaines sont connues de la sorte, c'est en partie parce qu'elles peuvent être fouillées et qu'il en reste des traces matérielles visibles. Concernant l'Âge du Bronze, l'entreprise apparaît en revanche difficile, voire impossible. Comment peut-on alors restituer le maillage des routes entre les différents établissements et quel enseignement en tirer ? Nous estimons que la connaissance des routes permet une meilleure compréhension non seulement des relations entre les sites, mais des sites eux-mêmes. Certaines reconstitutions proposées restent néanmoins hypothétiques, reposant dans ce cas sur une appréciation subjective de la situation. Pourtant, et c'est là le plus intéressant, même si la compréhension des voies de circulation n'est que partielle, elle permet de jeter un éclairage particulier sur des problématiques très précises, concernant les relations et la structuration des sites au sein d'un territoire. Les recherches récentes ont porté le plus souvent sur une échelle assez vaste. Sont alors étudiées les relations commerciales maritimes ou les grandes voies commerciales terrestres. Pour ces dernières, il est vrai que l'existence de textes666 permet de déterminer avec certitude le tracé emprunté par ces routes. Ainsi la Via Maris ou la voie d'Horus nous sont bien connues667. Elle constitue pour l'Egypte l'artère principale reliant le territoire égyptien au continent asiatique et en particulier à l'ensemble des sites du Levant. Elle longe la côte du nord Sinaï pour aboutir dans le sud de la Palestine puis remonte vers le nord, en

Des zones sans sites : Deux zones apparemment inhabitées peuvent être isolées. Ces larges espaces contigus apparaissent clairement sur la carte. Ils s'inscrivent dans deux triangles délimités l'un par les sites de Gaza, Ashkelon, Tel Erani d'autre part de Gaza, Tel Nagila, Tel Sera. Cette absence de sites, en particulier à l'ouest de l'axe formé par Tell el-Hesi et Tel Sera, s'explique par le fait que cette zone correspond à un espace de badlands664, soumises à une forte érosion et se prêtant donc particulièrement mal à l'agriculture. Pour conclure sur le mode de répartition et de peuplement du sud de la Palestine au Bronze Récent II, on peut isoler trois grands domaines relativement distincts : la côte, la Shéphéla et le nord Néguev. L'intérieur de la plaine côtière est divisée en deux zones : la première, vide d'établissements, se rattache à la côte et peut faire office de zone de transition avec les cités-états de l'intérieur. La seconde zone est occupée par des sites, petits et moyens uniquement, qui se rattachent au domaine politique des cités-états de Shéphéla. Il existe donc une zone de la plaine côtière qui se rattache distinctement par son mode de répartition aux sites de la Shéphéla.

665

Haggett 1969: 61-86

663

Finkelstein 1988 : 46

666

Oren 1987 : 70-71

664

Nir 1985 : 16

667

Oren 1987

141

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

économique. La grande taille et la prospérité de ces agglomérations demeure en partie liée à la présence de cette voie majeure.

longeant la côte. Des études plus précises ont porté sur les voies de circulation d'objets issus du commerce international au Bronze Récent II668, depuis la côte méditerranéenne jusqu'à la zone désertique syrienne. Cette recherche n'aborde cependant que les relations entre les sites majeurs, dont l'importance commerciale va de soi. Une étude plus précise concernant les routes en Palestine a été réalisée par Dorsey669 qui considère l'ensemble des sites bibliques et tente de restituer les routes reliant chaque établissement. Sa démarche demeure cependant problématique car il ne détermine pas de période précise. Les sites mis en relation peuvent ainsi être du Bronze Récent, du Fer I ou du Fer II. La restitution propose donc une telle quantité de liaisons par routes qu'elle perd beaucoup de sa valeur informative. L'étude présente cependant l'intérêt de montrer la richesse des possibilités de communication et leur importance dans la hiérarchisation des sites. Manque donc une étude tentant de résoudre le problème de la circulation des personnes et denrées à un niveau régional, qui prendrait en considération les sites comme les routes.

Une voie parallèle à la Via Maris : Traversant la Shéphéla du nord au sud et suivant un tracé assez semblable à celui de la route de la côte, se situe un deuxième axe de communication. Sans être comparable à la précédente, cette route des basses collines permet d'emprunter un itinéraire assez identique dans son tracé, puisque la distance les séparant n'est que de dix à trente kilomètres. Il est raisonnable d'estimer que cette voie longe la bordure des basses collines, à des altitudes peu élevées, entre 100 et 200 mètres. Elle profite ainsi d'un relief peu marqué et représente une voie de communication aisée. Cette route relie tous les sites importants de la Shéphéla de taille 5 et 6 et une partie de ceux de taille moyenne entre 1 et 5 hectares. Plus au sud, la route rejoint par Tell el-Far'ah (sud) la Via Maris. Elle fonctionne ainsi comme une route alternative pour traverser le sud de la Palestine sans subir de tracé sinueux du fait d'une topographie accidentée.

La Via Maris Une seule route majeure est représentée sur la carte (voir planche n°37). Elle correspond à la Via Maris. L'importance de cette voie de communication réside en partie dans sa longueur, plusieurs centaines de kilomètres, essentiellement en longeant la côte. Elle constitue ainsi le principal axe de communication parcourant le Levant d'un bout à l'autre670. Sa nature et son importance dépassent largement le cadre d'échanges commerciaux limités au sud de la Palestine, puisqu'elle est centrale à l'empire égyptien d'Asie. Cette route forme l'épine dorsale de la plaine côtière. Mais qu'en est-il de la nature des établissements situés sur son parcours ? La forme en longueur de cette région se retrouve dans cet axe de communication à valeur structurante évidente, les sites de la plaine côtière semblent même ne se disposer qu'en fonction de cette route. Les sites à l'est de cette voie se placent distinctement dans la zone d'influence des routes traversant la Shéphéla. Les établissements d'Ashkelon, Ashdod et Gaza, trois parmi les sept principaux du sud de la Palestine, donnent assurément à la route son sens, à savoir qu'elle passe par des places centrales : lieux d'échange, de redistribution, places fortes, sites à l'importance politique, administrative et 668

Knapp 1989 b : 145-147

669

Dorsey 1991

670

Redford 1992 : 193

Routes transversales et pratiques commerciales : Le vrai problème auquel nous sommes confronté est de parvenir à déterminer, aux extrémités de chaque route, les entités responsables des échanges. A l'ouest se trouvent les sites côtiers. A l'est, en revanche, il s'agit de trouver des centres suffisamment importants pour animer une dynamique commerciale. Or de tels centres semblent peu nombreux. Les régions situées à l'est du Jourdain possèdent des routes commerciales arrivant soit du sud de la Mer Morte, soit de routes plus au nord venant de Bet-Shan, en particulier671. Une route pouvait également provenir de Jérusalem. A l'ouest de la Mer Morte et du désert de Judée, se situent les hautes collines de Judée. Cette région demeure peu peuplée si ce n'est par des groupes de pasteurs-nomades, et surtout peu urbanisée durant l'ensemble du Bronze Récent. Les seuls sites d'importance se limitent à Jérusalem, Hébron et Khirbet Rabud (133). Une route de crête relie ces trois établissements. Elle rejoint Tel Halif vers le sud puis la plaine côtière. Jérusalem possède une route menant vers la côte mais qui passe plus au nord par Bet-Horon. Les rares voies en Shéphéla pouvant relier les hautes collines aux régions plus à l'ouest semblent donc se limiter à deux possibilités, soit par Bet-Shemesh (80), soit par Azekah (82) en 671

142

Knapp 1989 b : 145-147

REPARTITION DES SITES

siècle ont analysé l'organisation des territoires au travers de la répartition des sites. Les travaux de Christallen dès 1933673, de Thiessen et ses fameux polygones, représentent autant de méthodes plaquées sur divers territoires pour tenter de faire apparaître les éléments d'une organisation qui ne ressortent pas d'eux-mêmes. Ces méthodes, utilisées par d'autres pour la Palestine de l'Âge du Bronze674, n'offrent pas les résultats les plus probants auxquels il soit possible d'arriver. Nous n'avons pas négligé ces approches, mais les ayant testées, nous n'avons pas cru nécessaire de les présenter une nouvelle fois, car elles n'apportent aucun élément nouveau. C'est en particulier le cas des polygones de Thiessen qui schématisent à l'extrême des territoires qui ne possédaient pas un tel aspect à ces périodes. A la lumière des données actuellement disponibles, il est possible de formuler des hypothèses et de déterminer des territoires selon des tracés plus fiables, sans devoir s'enfermer dans des théories graphiques trop contraignantes.

suivant la vallée de la 'Ela. Ces deux routes permettaient surtout de rejoindre Jérusalem. De par son éloignement des grandes voies de communication, cette région de la Judée ne peut constituer l'une des extrémités de voies de communication. La conclusion logique est donc que les routes depuis les centres de la plaine côtière ont pour principal, voire unique destination, les établissements de Shéphéla. Les sites majeurs à relier sont Gezer, Tel Batash, Bet-Shemesh, Tel Safit, Lachish, Keilah et Tell Beit Mirsim. Ashdod et Ashquelon apparaissent comme particulièrement aptes à le faire. La nature des routes reliant la côte à la Shéphéla peut être considérée comme principalement commerciale. Les routes proposées sont censées longer les wadis. Ces derniers représentent des voies naturelles de circulation et les sites se trouvent généralement à proximité. En résumé, il est possible de distinguer trois types de routes structurant la région et ses sites. Le premier type correspond à la Via Maris dont la fonction est liée d'une part à l'expression du contrôle politique égyptien et d'autre part à un commerce terrestre. Alternent le long de cette voie des sites aux fonctions souvent multiples, rendant difficile une appréciation précise de la nature de cette route. Des établissements comme Jaffa, Tel Mor, Ashdod, Ashquelon, Gaza ou Deir el-Balah sont dans différentes mesures des places militaires ou administratives en rapport avec la présence égyptienne en Palestine, ainsi que des lieux commerciaux centralisant puis redistribuant les produits divers, enfin des centres politiques. La vocation de cette artère s'avère donc politique autant que militaire ou économique. Un deuxième type concerne la route des basses collines. Elle est d'une importance vitale pour les sites de Shéphéla, puisque c'est véritablement elle qui la relie aux autres régions par son axe nord-sud. Le fait qu'elle représente une alternative simple en coût de temps et de transport à la route de la côte augmente son intérêt et sa dimension interrégionale. Un troisième type correspond aux diverses routes transversales. Elles possèdent une vocation que l'on peut considérer comme commerciale. Elles permettent aux régions limitrophes d'échanger des denrées variées de provenances diverses.

L'étude de la hiérarchisation des sites participe d'une démarche plus large menant à la reconstitution des territoires des cités-états. A l'aide de cercles, appelés "cercles de répartition" et placés autour des principaux sites (voir planches n°38-40), nous tenterons de faire apparaître une logique d'implantation des sites autour des centres. Cette approche permet de mettre en valeur un système de hiérarchisation existant au sein d'un territoire et reposant sur la relation entre un centre et sa périphérie. Nous nous limitons dans ce cadre précis aux strictes données graphiques des cartes de répartition des sites. N'entrent donc pas en compte d'éventuelles données textuelles. Par ailleurs, l'usage des cercles de répartition ne doit pas induire en erreur. Il ne s'agit nullement d'une tentative de faire figurer les territoires gérés par les cités-états. Ces cercles ne représentent rien en eux-mêmes : ni espace de contrôle, ni domaine agricole autour des centres. Inutile donc de leur attribuer une importance excessive : ce sont de simples outils destinés à "rendre visible" les relations hiérarchiques entre les sites. La nature du terrain n'est pas prise en compte par ces cercles car le faible relief de la plaine côtière, du nord du Néguev et d'une partie de la Basse Shéphéla, ne le rend pas nécessaire. Concernant la Haute Shéphéla et les monts de Judée, le terrain entre en compte de manière plus directe et les espaces cerclés doivent être appréhendés avec plus de prudence. Des cercles de plusieurs dimensions ont été choisis : d'un rayon de 3 ; 6,5 ; 10 ou 15 kilomètres.

d. La hiérarchisation des sites Des théories en géographie672 au cours de ce 672

Haggett 1969 ; Haggett 1972 ; Hodder, Orton 1976 ; ces

différentes théories sont reprises dans Djindjian 1991 : 202-213

143

673

Christaller 1966

674

Bunimovitz 1995 : 328

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

Concernant Gezer, on note la présence de deux petits sites à l'est. Ces derniers ont été découverts récemment lors de prospections menées par Alon Shavit679. Malgré une activité archéologique importante depuis le début du siècle, les différentes missions n'avaient jamais porté leur attention au delà des murs de l'établissement. Ces deux sites, de taille réduite il est vrai (moins de 0,3 hectares), se trouvent judicieusement placés à proximité de la source où les habitants de Gezer venaient certainement s'approvisionner. Ainsi ces deux hameaux, du fait de leur taille et de leur emplacement, ne contredisent pas l'idée selon laquelle les grands sites opèrent un vide autour d'eux. Pour Ashdod, la présence de petits sites se trouvant à proximité peut être expliquée par la nature commerciale de la ville, ayant entraîné l'établissement de quelques sites. Pour Tel Safit, le problème semble lié à une situation différente propre à l'ensemble de ce territoire. Quelques sites, deux de taille moyenne (78, 171) et un petit (169) se situent tous à une distance de Tel Safit de près de cinq kilomètres. L'exiguïté du territoire contrôlé par cette cité-état peut jouer en faveur de distances légèrement inférieures à la moyenne. Quant au hameau (170) proche du site, il se trouve être dans une situation identique à celle rencontrée pour Gezer : la proximité de deux sources dont Be'er Safit à 1,2 kilomètre du tell, explique la présence d'un établissement à ses abords. Les cercles de répartition, particulièrement autour des cités-états de Gezer et Lachish, font apparaître plusieurs constats. On distingue grâce aux cercles de 6 et 10 km une répartition organisée des sites. Au sein du premier cercle, seuls quelques rares sites de petite taille se trouvent près du centre urbain. Dans la zone comprise entre les cercles de 6 et 10 km, des sites de taille moyenne, le plus souvent de taille 3, se répartissent autour du centre, chacun à une distance minimum de l'autre. Le phénomène est frappant autour de Lachish (sites 90, 92, 93, 96, 107 puis 114). La position des sites 92, 93 et 96 à mi-chemin entre Lachish et Tel Safit indique que leur contrôle pouvait s'opérer par chacun des deux sites. Le problème du contrôle politique lié aux territoires sera traité ultérieurement. Pourtant, quel que soit ce contrôle, ce qui importe ici est la juxtaposition de ces établissements formant une chaîne. Chaque site se trouve à une distance égale les uns des autres, comme le montrent les cercles de 3 km autour d'eux. Proches de la zone des 10 km et pouvant être rattachés au territoire de Lachish, doivent être considérés les sites 104, 108, 129. Cette organisation se retrouve pour Gezer avec les sites 24, 29, 56, 57, et proches du rayon de 10km les sites

Ces distances ne résultent pas d'un choix hasardeux. Des études en géographie humaine675 tendent à montrer que la distance maximale entre les places de marché et de redistribution varie de 3 à 7 kilomètres de rayon, 6,5 kilomètres présentant pour Dickinson676 un rayon de dimension courante dans de nombreuses sociétés. Selon Bunimovitz677 un rayon de 15 kilomètres correspond à l'extension moyenne du contrôle qu'opèrent les cités-états, chacune d'entre elles étant alors séparée des autres par une distance moyenne de 30 kilomètres. On note toutefois que l'application de cercles de 15 km de rayon aux principaux sites ne rend pas compte d'une organisation logique du territoire. Les aires ainsi englobées présentent des chevauchements entre les zones contrôlées par les cités-états. Le sud de la Palestine propose des spécificités dues entre autres à un territoire plus exigu, avec des cités-états s'étendant sur des dimensions plus réduites. Seront donc surtout utilisés les cercles de dimension inférieure ou égale à 10 km (voir planches n°39-40). La répartition des sites autour des grands centres : La superposition de cercles de 6,5 et 10 kilomètres sur les principaux centres permet d'effectuer des observations intéressantes. On constate tout d'abord que les établissements les plus grands, de taille 5 et 6 (soit plus de cinq hectares), sont bordés par très peu de sites, voire aucun. Ashquelon, Gaza, Lachish, Rabud ne possèdent aucun site jusque dans un rayon de six kilomètres. Si le phénomène peut surprendre, il est néanmoins possible de l'expliquer par le fait que ces centres urbains sont constitués en grande partie d'une population participant à des travaux agricoles se déroulant à proximité immédiate de la ville. Ce système de fonctionnement a été mis en lumière pour d'autres régions et à d'autres époques678, mais on retrouve ce mode de fonctionnement territorial pour la Palestine du Bronze Récent. Ces sites peuvent ainsi avoir besoin de contrôler un territoire agricole vide d'autres établissements. En dehors de ce premier espace se répartissent les sites de taille inférieure. De petits sites ont pu exister à proximité immédiate de ces centres, mais leur taille très réduite explique que les prospections ne les aient pas mis au jour, ou qu'ils aient disparu. Trois agglomérations semblent ne pas respecter ce schéma cependant : Gezer, Ashdod et Tel Safit. 675

Hodder et Orton 1976 : 57-58

676

Hodder 1976 : 58

677

Bunimovitz 1993 a : 447 ; Bunimovitz 1994 b : 3

678

Wilkinson et Tucker 1995 : 24-28 ; Miroschedji 1999 pour Tel

Yarmouth au Bronze Ancien

679

144

Shavit 1992

REPARTITION DES SITES

10, 51, 80. Cette disposition en couronne apparaît adaptée à un système de cités-états hiérarchisées. Cependant tous les sites importants ne suivent pas cette organisation exemplaire entre sites grands et moyens, particulièrement pour les établissements de la plaine côtière. Ashquelon, Gaza, Tel Jemme ou Tel el-Far'ah sont dépourvus de tout site de taille moyenne dans un rayon de 10 km. Le fait que le nord Néguev soit la première enclave politique et administrative de l'Egypte en Canaan, explique que les sites répondent dans cette zone à une organisation différente, d'autant que les wadis y jouent, on l'a vu, un rôle primordial dans leur répartition.

de 6 à 9 km, se situe un grand nombre de sites de taille moyenne et plus petits se répartissant idéalement en couronne. Ces centres subrégionaux dépendent directement de la cité-état, dont ils restent placés à faible distance. De ces centres dépendent des villages ou hameaux situés à moins de trois kilomètres. Le nord du Néguev et le territoire d'Ashkelon révèlent pour leur part une organisation différente de celle prévalant pour les cités-états de Shéphéla. Il ne fait donc pas de doute que les cités-états de Shéphéla s'organisent selon un système hiérarchisé, avec des établissements de taille différente s'intégrant à une logique globale de répartition, en partie héritée de l'organisation politique du Bronze Moyen. Les cités-états de Shéphéla proposent une organisation cohérente relativement analogue pour les trois centres qui s'y trouvent.

La répartition autour des centres de taille moyenne : Les sites de taille moyenne (entre un et cinq hectares) dépendent d'une cité-état et contrôlent eux-mêmes des sites plus petits. Ils s'organisent selon un système également hiérarchisé. Ces centres subrégionaux permettent de préciser deux éléments dans l'organisation des sites. On note tout d'abord une non contiguité de sites de dimension moyenne (de taille 3 et 4) (voir planches n°39-40). Une distance de trois à cinq kilomètres d'écart semble en la matière un minimum. La nécessité de posséder des terres agricoles autour de l'établissement apparaît là encore comme une hypothèse explicative envisageable. A ce motif premier s'en superpose un second : ces sites exerçant une aire de contrôle sur d'autres plus petits, évitent un contact direct avec des sites voisins, concurrents éventuels. En dehors du cas d'absence d'établissement dans un rayon de trois kilomètres, le cas le plus couramment rencontré indique qu'un ou plusieurs petits sites gravitent autour des centres subrégionaux. Le nombre de petits sites varie entre un et trois. Peu importe leur nombre, ces villages ou hameaux constituent la base d'un système hiérarchisé. Leur statut de satellite d'un établissement plus grand suffit à illustrer le système auquel ils s'intègrent et participent. Quelques sites de taille réduite apparaissent en dehors du contrôle de tout site moyen, mais ils forment une minorité et l'ensemble se trouve sous l'influence immédiate d'un centre subrégional.

e. Détermination des frontières politiques et des territoires L'établissement d'un territoire centré autour d'une cité-état relève de facteurs nombreux. Concernant le statut politique d'un site, il apparaît en grande partie lié à la taille de l'établissement. Les facteurs géographiques entrent naturellement en compte dans la délimitation du territoire. Chaque territoire est en effet le fruit d'une adaptation précise à son environnement naturel et politique : il en est dépendant comme il le manifeste. La compréhension d'une cité-état ne se limite pas à la seule perception d'une ville placée au centre de la région qu'elle contrôle. Une cité-état régit un espace cohérent dans son fonctionnement et son organisation. Les différents établissements dépendant de son autorité expriment ainsi une logique d'ensemble, qu'il faut maintenant déterminer. Les cités-états et la détermination de leur territoire : La détermination des différentes cités-états repose en fait sur celle de leur territoire. Pour le sud de la Palestine, différentes restitutions autorisent entre six et huit domaines. La Shéphéla, tout d'abord, pose quant à elle peu de problèmes : trois cités-états contrôlent la région et l'extension de leur contrôle dépend de la géographie comme de la répartition des sites (voir planche n°42). Pour la plaine côtière et le nord du Néguev, la situation est en revanche différente. Des quelques établissements situés le long de la côte et suffisamment importants pour avoir constitué le siège d'une cité-état, seul un nombre limité d'entre eux ont été de manière effective une cité-état. Jaffa, Ashdod, Ashkelon,

Les premiers éléments constitutifs des territoires apparaissent de manière évidente, une fois les cercles de répartition correctement placés. Une organisation "parfaite" du système hiérarchisé des cités-états peut ainsi être rendue visible (voir planche n°41). Le premier cercle d'un rayon inférieur à 6 km se caractérise par une relative absence de sites. Dans un deuxième cercle de rayon

145

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

Gaza, Tel Jemme, ou Tell el-Far'ah (sud), présentent les dimensions suffisantes d'une éventuelle cité-état. Mais si l'on considère que les territoires contrôlés par ces cités possèdent des superficies pratiquement équivalentes, il devient évident qu'un choix doit s'opérer parmi tous ces sites potentiels. Aucune proposition ne fait aujourd'hui l'unanimité chez les différents chercheurs680. La répartition des sites montre néanmoins que trois territoires se divisent l'ensemble de la plaine côtière. Nous proposons qu'ils soient centrés autour d'Ashkelon, Yurza/Tell Jemme et éventuellement Jaffa. Pour I. Finkelstein, les cités-états de Palestine correspondent naturellement aux seuls établissements ayant échangé des lettres diplomatiques avec le pharaon dans le cadre des archives d'El-Amarna681. Gaza par le fait de son statut politique et administratif particulier à cette période, ne peut être considéré au même titre que les autres cités-états du sud de la Palestine682. Concernant les superficies que l'on considère pouvoir affecter aux cités-états, 35 kilomètres correspondent, selon S. Bunimovitz683, à une distance moyenne entre des centres importants. Le territoire ainsi contrôlé peut être évalué à 1000 km2. Mais ces dimensions ne rendent pas compte de la situation politique ni de la répartition des sites du sud de la Palestine à cette période. Le choix d'un rayon de 10 à 12 km s'adapte mieux à la hiérarchisation réelle des sites. Les divers centres régionaux se trouvent ainsi à une distance moyenne de 20 à 25 kilomètres. Les cours des wadis constituent une frontière naturelle qui se trouve souvent insuffisamment prise en compte. Pour la détermination des limites de territoires entre les cités de Shéphéla, ce critère nous apparaît comme particulièrement révélateur d'une réalité sensible aux époques anciennes, mais devenue moins perceptible actuellement. Les limites des cités-états de Shéphéla s'établissent à l'est, selon des critères géographiques et topographiques puisqu'il est considéré que le début des hautes collines de Judée constitue une limite géologique autant qu'une barrière politique. La limite vers l'ouest de ces trois territoires apparaît d'elle même, de par l'absence de sites. Cette zone-frontière d'une dizaine de kilomètres de large, vide de tout établissement, sépare clairement les centres de la plaine côtière de ceux de la Shéphéla.

Jaffa : L'existence d'un territoire dans la plaine côtière centré autour de Jaffa reste problématique. Les restitutions de I. Finkelstein ou S. Bunimovitz684 placent en effet Jaffa sous le contrôle de la cité-état de Gezer. Sans nous opposer totalement à cette hypothèse, on peut faire remarquer qu'accorder à Jaffa un territoire s'inscrit en partie dans la continuité du Bronze Moyen où la cité-état d'Aphek jouxtait au nord celle de Gezer. Jaffa ferait ainsi perdurer une organisation du territoire dont il serait devenu au Bronze Récent IIB le centre privilégié. Durant les XIXème et XXème dynasties, le regain de la présence égyptienne trouve une expression matérielle à Jaffa avec une certaine abondance d'objets égyptiens, attestant d'un pouvoir administratif, voire politique. Une lettre d'ElAmarna (296) peut fournir des indications sur le statut administratif de Jaffa. Le fait qu'elle soit mentionnée conjointement avec Gaza, principal centre administratif en Canaan, peut indiquer un même statut administratif des deux cités pour l'Egypte. Les quelques sites satellites aux abords de Jaffa tendent également à l'inscrire comme un centre politique dont l'emprise s'étend aux sites alentours. Le territoire ne possédait pas d'arrière pays villageois de grande importance, tel celui de Gezer, mais sa situation stratégique sur la Via Maris et son statut portuaire étaient à même de lui conférer un rôle non négligeable. Il faut cependant distinguer entre le pouvoir administratif que Jaffa a pu posséder et son importance au sein de l'organisation politique des cités-états, qui reste hypothétique. Le lieu de résidence d'un gouverneur égyptien n'implique pas nécessairement, il est vrai, que le site soit forcément autre chose qu'un centre administratif égyptien, au même titre que Gaza et Bet-Shan685. Il est donc délicat de se prononcer sur le rôle et l'importance politique de Jaffa, particulièrement au XIIIème siècle, et d'en conclure à l'existence d'une cité-état. Les rôles économique et administratif liés au pouvoir égyptien sont en revanche relativement assurés. Le statut de Jaffa a donc pu être celui d'une enclave686, au moins administrative au XIVème siècle et XIIIème siècle, mais peut-être également politique au XIIIème siècle, au sein du territoire de Gezer. Ashkelon : Les données permettant d'accorder une prépondérance régionale à Ashkelon au détriment d'Ashdod en particulier, et faisant du site une cité-

680

Finkelstein 1996 d ; Dever 1993a : 102

681

Finkelstein 1996 d : 224

684

Finklestein 1996 d : 234, 255 ; Bunimovitz 1995 : 328

682

Finkelstein 1996 d: 225

685

Finkelstein 1996 d : 225

683

Bunimovitz 1995 : 326

686

Finkelstein 1996 d : 234

146

REPARTITION DES SITES

état, reposent habituellement sur la prise en compte d'un fait textuel : le fait que le site soit plusieurs fois mentionné dans les lettres d'El-Amarna ainsi que dans des listes de conquêtes égyptiennes687. Les fouilles actuelles d'Ashkelon n'ont pas encore publié les niveaux du Bronze Récent. L'importance du site repose donc actuellement davantage sur des considérations textuelles que matérielles. On peut par ailleurs être surpris par le faible nombre d'établissements à proximité du site. Cette cité-état ne peut alors tirer sa force que d'un contrôle établi sur Ashdod, site relais de taille importante sur la Via Maris. D'après la répartition des sites dans le territoire d'Ashkelon, on peut avancer l'hypothèse que le contrôle de cette voie de communication correspondait à l'une des principales fonction de cet établissement, au même titre que son rôle de site maritime ouvert au commerce à longue distance. Ashdod se voit ainsi relégué à une place de seconde zone, bien qu'il ait probablement joué un certain rôle commercial. L'attribution d'un statut de citéétat à Ashdod pose en revanche le problème de l'isolement d'Ashkelon. Il faut donc envisager les deux cités regroupées dans un même territoire. La proximité des deux établissements ne permet pas non plus d'envisager deux cités-états distinctes qui auraient alors possédé des territoires exigus avec un nombre très limité d'établissements pour les soutenir. La conclusion logique amène à envisager un centre unique contrôlant un territoire étroit et allongé.

état. Selon N. Na'aman aux grands royaumes que sont Gezer ou Ashkelon s'en ajoutent d'autres plus petits comme Yurza689. Cette dernière reste cependant mal identifiée. I. Finkelstein propose de la situer dans cette seule zone690, tout en précisant qu'il ne peut s'agir ni de Tell Jemme, ni de Deir elBalah ni de Tell el-Hesi. Selon lui, les dimensions de Tell Jemme sont trop réduites au Bronze Récent pour offrir un établissement acceptable. Les fouilles menées par van Beek ont toutefois exhumé une muraille pour le Bronze Récent qui atteste du statut particulier du site. Malgré que l'identification effectuée par Maisler de Yurza avec Tell Jemme ne repose sur aucune preuve archéologique691, elle reste envisageable. La situation centrale de Tell Jemme parmi les sites de la plaine côtière du nord Néguev à cette période a pu déboucher sur une importance politique. Que cette dernière soit l'emplacement d'une cité-état à l'autorité locale, ne limite en rien le rôle administratif de Gaza. L'organisation du territoire de cette cité-état est originale mais homogène. Les différences importantes par rapport aux autres espaces du sud de la Palestine, s'expliquent en grande partie par le cadre géographique très structurant de cette zone semi-désertique. On note un nombre restreint de sites, mais dotés de tailles des plus raisonnables, supérieures à la moyenne. Il s'agit donc d'une zone relativement urbanisée mais n'épousant pas entièrement l'organisation hiérarchique classique du système des cités-états, comme en Shéphéla.

Yurza /Tell Jemme ? : La plaine côtière du nord Néguev possède un site de grande importance en l'établissement de Gaza. Malgré des fouilles insuffisantes pour permettre une connaissance précise de l'étendue du site au Bronze Récent, les estimations688 proposent 20 hectares, ce qui en ferait le plus vaste établissement du sud de la Palestine. Cette région, au débouché du Sinaï, en fait un emplacement stratégique de première importance pour l'Egypte. Gaza (Hazzatu) est rarement mentionnée dans les lettres d'El-Amarna (EA 129, 287, 296). Concernant le statut de Gaza deux éléments non contradictoires sont indirectement fournis par les lettres. D'une part Gaza serait le lieu de résidence du commissaire en charge de Canaan. D'autre part elle n'y apparaît pas comme une cité-état. Elle disposerait ainsi d'un pouvoir surtout administratif. Quant au pouvoir politique dans la plaine côtière du nord Néguev il a pu revenir à Yurza (EA 314-315), qui serait une ville dont le statut a pu s'approcher de celui d'une cité-

Les cités-états de la Shéphéla sont connues par des fouilles extensives sur les sites de Gezer et Lachish. Les lettres d'El-Amarna concernent ces deux sites ainsi qu'un troisième, celui de Gath, résidence de Shuwardata, assimilé à Tel Safit, important établissement de la région. La reprise de fouilles692 devrait permettre de confirmer ce qui demeure encore de l'ordre de l'hypothèse, concernant l'importance de ce dernier site au Bronze Récent. Ces trois sites, les plus grands de Shéphéla, avec une taille comprise de 8 à 15 hectares et situés à une distance équivalente les uns des autres (une quinzaine de kilomètres) les rend naturellement aptes à constituer des cités-états régionales. Gezer et son territoire : Il est difficile d'assigner une limite précise au contrôle de Gezer au nord. Celle proposée par I. 689

Na'aman 1997 : 619

690

Finkelstein 1996 d : 231-232

691

Maisler 1952 Aren Maeir de l'université de Bar-Ilan a repris les fouilles de

687

Singer 1994 : 286

692

688

Finkelstein 1996 c : 241

Tel Safit depuis 1997.

147

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

Finkelstein nous semble trop étendue693. L'absence de sites au-delà d'une zone de quinze kilomètres autour de Gezer nous semble significative : elle marquerait la limite de l'extension de Gezer et permettrait à Jaffa de posséder éventuellement un territoire. A l'ouest, les établissements situés autour de Tel Mahoz (18) forment un ensemble cohérent s'agençant d'une manière courante dans le domaine côtier. Cet ensemble est constitué d'un site maritime avec Yavne Yam (15) et d'établissements satellites de petite taille (19, 20, 164) répartis autour de Tel Mahoz (18), site plus important au rôle centralisateur. Gezer devait en assurer le contrôle. La frontière entre Gezer et Safit peut être fixée le long d'un axe suivant les sites de Miqne (51) et BetShemesh (80), tous deux dépendant de Tel Safit. Le Nahal Soreq constitue au sud une frontière naturelle aisément identifiable aujourd'hui comme par le passé. Tel Batash, sur le bord nord du wadi, constitue un site-frontière à la limite du territoire de Gezer.

d'expliquer cette situation peu ordinaire, d'autant que la Shéphéla présente une organisation permettant d'envisager une répartition équilibrée des centres urbains et du contrôle qu'ils maintiennent.

Tel Safit et son territoire : La vallée de la 'Ela constitue l'axe central de répartition des sites du territoire contrôlé par Tel Safit. Le Nahal Soreq constitue la frontière nord. On constate que les principaux établissements, centres de taille 3 et 4, soit 1 et 5 hectares, se placent en des lieux stratégiques à la jonction de la plaine côtière et de la Basse Shéphéla avec Tel Miqne ou Tel Batash pour Gezer, et à la jonction de la Basse et de la Haute Shéphéla pour Bet-Shemesh, Tel Azekah ou Tel Goded. Au sud, le chapelet de sites de taille moyenne entre Safit et Lachish semble constituer une frontière stable, le long du wadi. Le problème demeure la détermination du centre auquel ceux-ci se rattachent. Leur position en couronne autour de Lachish laisserait volontiers croire qu'ils en sont les sites satellites. D'autres repères géographiques permettent cependant d'envisager la situation différemment. Tel Erani (90) se situe sur le bord sud du Nahal Lachish, alors que Khirbet Rugm (91) et Tel Burnat (92) sont au nord du Nahal Guvrin. Tel Zeit (93) se trouve juste au sud de ce dernier wadi. Où fixer alors la frontière ? Pouvait-elle être si nettement tranchée à cette période ? On peut estimer que Tel Safit étend son contrôle au moins jusqu'au Nahal Guvrin et que Safit contrôle Tel Goded. Les territoires suivraient ainsi les limites naturelles formées par les wadis. Pour I. Finkelstein, Tel Safit/Gath et son territoire, présenteraient une densité de population et une superficie totale de sites plus de deux fois supérieure à celle de n'importe quelle autre cité-état en Palestine. Or nous n'observons aucun élément susceptible

Les monts de Judée : Attenantes à la Shéphéla se trouvent les hautes collines de Judée, peu urbanisées au Bronze Récent694. Ce vaste territoire devait être essentiellement peuplé par des groupes nomades695. Jérusalem constitue la principale citéétat dominant cette région mais non forcément la seule696. Un autre centre paraît susceptible d'avoir exercé un pouvoir à cette période : Khirbet Rabud697. Il est envisageable que ce dernier ait étendu son contrôle sur la partie sud-ouest de ce territoire. La proximité de la Shéphéla et de Lachish, au territoire fortement organisé, peut expliquer que Khirbet Rabud et Tell Beit Mirsim s'inscrivent dans une logique organisationnelle se rapprochant de celle prévalant dans les basses collines, différente de celle de Jérusalem, située plus à l'est dans des zones de hautes collines et pouvant contrôler un vaste territoire mais dépourvu d'agglomérations urbaines.

693

Lachish : Les limites d'extension de Lachish sont plus importantes que celles des autres cités-états de Shéphéla. Au nord, le Nahal Guvrin constitue la limite de l'extension du contrôle de Lachish. Tel Zeit a pu constituer l'un de ces sites-frontières. On constate une grande différence entre la zone située au sud-ouest de Lachish et celle à l'est. Alors que la première comporte un grand nombre de sites, la seconde en est entièrement dépourvue jusqu'aux monts de Judée. Cet élément montre que le territoire de Lachish est surtout tourné vers la plaine côtière. Au sud, Tel Halif constitue le site le plus septentrional. Il se place aux limites définissant la Shéphéla en tant qu'entité géographique.

Khirbet Rabud : Les recherches ne s'accordent pas sur le statut qu'il convient d'affecter au site de Khirbet Rabud698, s'il s'agit bien de Debir. Cité-état régionale du sudouest des monts de Judée ou centre dépendant de Jérusalem ? Le problème se résume donc à celui de

Finkelstein 1996 c : 229

694

Ofer 1994

695

Finkelstein 1993 a : 122-123

696

Na'aman 1992 : 286-287

697

Na'aman 1992 : 283

698

Finkelstein 1994 b : 174 ; Ofer 1994 : 100, 118 ; Finkelstein 1996

d : 228-229

148

REPARTITION DES SITES

Les cités-états de la côte se différencient donc de celles de Shéphéla, autant que de celles des monts de Judée ou de la plaine côtière du Néguev. Si d'un point de vue global, une organisation sous forme de cités-états prédomine pour l'ensemble des zones concernées, dans le détail, le système présente néanmoins des adaptations particulières. La géographie ne constitue pas le modèle explicatif de tout domaine territorial mais une constatation s'impose cependant : les ensembles géographiques appellent chacun des répartitions de sites différentes. La géographie ne peut pour autant être tenue seule responsable d'une telle répartition et les divers critères à prendre en compte peuvent relever d'une certaine méconnaissance archéologique du terrain pour le sud de la plaine côtière, comme de facteurs naturels, tels l'érosion ou l'alluvionnement pour des zones au débouché des wadis de la Shéphéla. D'autres raisons, d'ordre économique, politique et militaire sont également à l'œuvre, si bien qu'un réseau d'interactions se tisse, rendant complexe toute tentative d'explication. Reprenons donc pour chaque région l'étude de son organisation politique afin d'éclairer ce faisceau croisé de facteurs et de données (voir planches n°4344).

savoir s'il s'agit d'un petit centre principal ou d'un large centre secondaire699. I. Finkelstein avance deux arguments700 destinés à prouver l'impossibilité pour Khirbet Rabud d'avoir été une cité-état : l'absence de ce site dans les archives amarniennes et le faible nombre de villages situés sous sa dépendance. Or ce faible nombre de sites correspond à un mode d'organisation propre aux monts de Judée que l'on retrouve également pour Jérusalem. L'absence de sites autour de Khirbet Rabud tend à indiquer le territoire d'une population non sédentaire. A une dizaine de kilomètres de ce centre, à la limite de la Haute Shéphéla, des sites comme Tell Beit Mirsim ou Tel Eitun ont pu subir l'influence de Khirbet Rabud. Par ailleurs, le fait que l'établissement ne soit pas mentionné dans les lettres d'El-Amarna ne nous paraît pas un élément suffisant ni déterminant pour lui dénier le statut éventuel de cité-état. Cette zone, au demeurant peu densément peuplée, abrite au Bronze Récent des populations principalement de pasteurs-nomades. Les traces laissées sont donc nécessairement fugaces. L'importance des cimetières à proximité du site atteste en revanche de la prospérité de Khirbet Rabud au Bronze Récent II. Sa situation aux abords de la Shéphéla très urbanisée et sa taille indiquent qu'il a dû jouer un rôle politique non négligable à cette période.

Les cités-états de Shéphéla : un système politique fortement hiérarchisé La Shéphéla représente une région privilégiée d'adaptation au système des cités-états. Le nombre de sites y est en effet important et leur organisation hiérarchisée. Au sommet de la pyramide de pouvoir se trouvent les centres dotés du statut politique de cité-état qui comprennent deux zones successives. La première se caractérise par une gestion directe, par le centre, des établissements urbains et villageois qui en dépendent et par une hiérarchisation des sites à trois niveaux : cité-état, centre secondaire (site satellite et périphérique), village (voir planche n°41). Ce premier cercle possède un rayon d'une dizaine de kilomètres lorsqu'il concerne un milieu de collines, une douzaine de kilomètres en plaine, comme pour Lod dépendant de Gezer, ou Tell el-Hesi et Tel Nagila qui dépendent de Lachish. Le second espace comprend un nombre limité d'établissements, situés entre dix et quinze kilomètres du centre, d'accessibilité cependant réduite car ils se placent tous soit en Haute Shéphéla, soit en bordure des monts de Judée. Une distinction s'avère donc nécessaire entre sites satellites et sites périphériques d'après le contrôle qu'effectue la cité-état sur ces deux types d'agglomération. On a vu pour cela que l'organisation du territoire s'effectue au travers d'une hiérarchisation des sites, où la taille constitue

Les sites périphériques dans l'organisation du territoire : Les luttes entre cités-états pour la possession d'établissements situés à leurs frontières, tendent à accréditer l'idée d'un système politique instable dans le contrôle des territoires, mais dont les troubles restent surtout limités aux zones de bordures. Seuls les sites périphériques posent donc problème.

2. INTERPRETATION a. Des entités géo-politiques bien différenciées L'étude des territoires des différentes cités-états du sud de la Palestine donne lieu à des constats surprenants. Chaque zone géographique possède un mode d'organisation et de répartition propre, permettant d'isoler des entités géo-politiques bien différenciées. Il n'existe pas pour l'ensemble de la Palestine, tout au moins dans sa partie sud, de système d'organisation unique. Le système politique mis en place connaît ainsi des adaptations locales relativement distinctes pour chaque région. 699

Na'aman 1992

700

Finkelstein 1996 d : 228-229

149

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

La présence égyptienne, ou en tout cas son influence, au Bronze Récent dans cette région apparaît comme particulièrement forte au travers d'objets égyptiens, de pratiques culturelles (dépôts de fondation) ou dans l'architecture (résidences de gouverneur) (voir chapitre VI). Cette influence concerne surtout les sphères politiques et culturelles, et ce, particulièrement à la fin du XIIIème siècle et au début du XIIème siècle. Le qualificatif de "petite Egypte" semble, pour ces raisons, pouvoir être appliqué à la plaine côtière du nord du Néguev. La région présente par ailleurs des particularités qui ne se retrouvent pas dans les territoires des autres cités-états, notamment l'existence de sites d'une taille relativement importante : Gaza, Tel Jemme, Deir el-Balah et Tell el-Far'ah (sud) totalisant une superficie de près de 35 hectares. Autour n'apparaissent que peu de sites à même de former un territoire villageois. Nous sommes donc confronté à une région fortement urbanisée, selon les critères de l'époque, avec un arrière pays non urbain très limité. Ce type de répartition est toutefois relativement cohérent, la géographie locale commandant aux sites une localisation à proximité des wadis, seule source abondante en eau.

un critère privilégié. Mais cette organisation comporte également une hiérarchisation d'emplacement ainsi qu'une hiérarchisation de fonction. Le premier critère, celui d'emplacement, concerne la distance de l'établissement secondaire par rapport à la cité-état. Le critère de fonction concerne le rôle joué par l'établissement secondaire dans l'organisation du territoire de la cité-état. Ainsi les termes de "sites satellites" et de "sites périphériques" possèdent-ils chacun un type d'emplacement et une fonction distincte. Un tel mode de contrôle du territoire s'apparente pleinement à celui qui a prévalu en Palestine durant l'ensemble du second millénaire. Les conclusions dégagées par R. Gonen701 concernant une vie urbaine gravement perturbée par la présence égyptienne doivent être nuancées. Le déclin urbain traversé par la Palestine ne signifie pas que les établissements du Bronze Récent se placent en dehors du système de gestion du territoire mis en place durant le Bronze Moyen. La Shéphéla offre certes l'image d'une région en proie à des luttes internes entre cités-états, mais fortement hiérarchisée néanmoins, comme l'attestent le nombre et la répartition des sites urbains et villageois. L'urbanisation de la Haute Shéphéla apparaît en revanche comme plus limitée que celle de la Basse Shéphéla. De même, les centres urbains comme Tell Eitun ou Tell Beit Mirsim y remplissent une fonction de site périphérique et de site-frontière au rôle plus difficile à déterminer que dans la Basse Shéphéla, où le site-frontière se place à quelques kilomètres du centre de pouvoir.

Les monts de Judée : La zone des hautes collines ne présente qu'un nombre très limité de sites, sans commune mesure avec ceux de la Shéphéla. Il ne faut pourtant pas se fier aveuglément à cet apparent dénuement en établissements. Cette vaste zone était en effet le siège de nombreuses tribus nomades dont les rares espaces urbains ont pu constitué les lieux d'habitation de leur élite702.

Les sites côtiers : une organisation hors du schéma classique des cités-états Le réseau hiérarchisé de places urbaines ne semble pas avoir été, au Bronze Récent, une réalité dans la zone proprement côtière : la répartition des sites dans cette région ne se retrouve en effet pas dans l'organisation "classique" des cités-états de Shéphéla. Les sites y sont répartis principalement le long de la côte et de la Via Maris, avec un arrière pays villageois limité, voire presque inexistant pour Ashkelon et d'où les centres secondaires sont relativement absents. Ces éléments tendent à indiquer que les cités-états du Bronze Récent ne se sont pas toutes organisées selon un même schéma. Les causes d'une telle organisation des sites côtiers ont pu reposer sur des nécessités liées à la sphère économique.

Le nord Néguev : désert de nomades ? La rareté quantitative des informations actuelles sur cette zone explique qu'il soit difficile d'émettre des affirmations solidement étayées. Le nord du Néguev, soit la zone au sud de Tel Halif, ne comporte pas d'établissements sédentaires au Bronze Récent II703. Le fait qu'au Fer I cette zone redevienne une région habitée permet d'attribuer au nord du Néguev une présence nomade potentielle sinon effective. Concernant l'occupation du nord Néguev, le site de Tel Masos constitue cependant une exception notoire, dont on mesure mal les motivations d'installation à l'extrême fin du Bronze Récent II ou au Bronze Récent III. L'établissement représente à l'évidence un site à part qui ne peut être rattaché au système des cités-états de l'époque.

La plaine côtière du nord Néguev : une petite Egypte ? 701

Gonen 1984 : 69 ; Bunimovitz 1995 : 324

150

702

Finkelstein 1993 a : 122, 126

703

Finkelstein 1995 : 101

REPARTITION DES SITES

niveau VI de Lachish. Ce dernier est détruit juste avant le développement de la céramique bichrome philistine, soit vers 1135704. Ce dernier point : l'absence de céramique bichrome philistine dans une couche du Bronze Récent III, est un postulat qui, s'il n'est pas nouveau705, n'en demeure pas moins sujet à controverses706 entre les tenants des diverses chronologies quant à la date à laquelle la céramique bichrome apparaît : entre le milieu du XIIème siècle et le début du XIème siècle. Le problème est ici qu'une séquence chronologique suffisamment fine permettrait d'isoler deux phases, là où il est parfois difficile d'en identifier une seule. L'exemple le plus explicite provient des fouilles récentes de Tel Miqne qui permettent de différencier trois niveaux pour le XIIème siècle : un premier niveau dépourvu d'importations et recelant de la céramique Trojan grey ware, un deuxième contenant de la céramique monochrome, enfin un troisième pour la fin du XIIème siècle avec la bichrome philistine. Cette séquence, apparemment idéale dans son déroulement s'effectuant selon un processus bien identifiable, se rencontre cependant sur un nombre trop limité de sites dans le sud de la Palestine pour être considérée comme exemplaire.

B. Cartes de répartition des sites au Bronze Récent III / Fer IA Dresser une carte de répartition des sites pour cette phase de transition, concernant les deux premiers tiers du XIIème siècle, n'est pas chose aisée. La connaissance des établissements de cette époque du Bronze Récent III / Fer IA reste souvent confuse, même pour des sites fouillés. Les fouilles récentes révèlent généralement une séquence chronologique suffisamment fine pour permettre d'isoler, dans les différents territoires, une époque de transition. Mais cette période demande en premier lieu une définition chrono-stratigraphique claire. Nous entendons par "deux premiers tiers du XIIème siècle" une période qui, dans le sud de la Palestine, se caractérise par trois critères formant une chronologie relative qui permet d'effectuer une périodisation suffisante. Ces trois "événements" historiques font encore l'objet, pour certains, d'âpres débats chronologiques. Rappelons que le premier critère se signale au début du XIIème siècle par l'arrêt des importations céramiques chypriotes et mycéniennes dans l'ensemble de la Méditerranée orientale. Une couche comportant un matériel du Bronze Récent sans importations se place donc postérieurement à la fin du XIIIème siècle, c'est à dire au Bronze Récent III. Cette donnée archéologique est pleinement acceptée par les différents chercheurs. On doit toutefois s'interroger sur la réalité matérielle d'un tel processus, l'arrêt des importations n'ayant pas entraîné l'abandon immédiat de l'usage de ces poteries dans le monde palestinien. Leur nonrenouvellement s'avère un fait, mais leur durée de vie en tant que céramiques fines peut être considérée comme plus élevée que la moyenne. Cet arrêt s'apparente-t-il à une véritable rupture ou bien faut-il accepter l'idée d'une relative continuité dans l'usage de ces poteries durant une partie du XIIème siècle ? Le deuxième critère chronologique concerne la fin de la période et se caractérise dans le territoire de la plaine côtière par l'arrivée des Peuples de la Mer, par des destructions de sites, non systématiques, puis par l'installation des Philistins dans la zone du sud de la côte palestinienne. En Shéphéla, cette période correspond au niveau VI de Lachish, bien daté par son matériel, qui perdure jusque vers la fin du deuxième tiers du XIIème siècle, lorsque le site connaît une destruction complète. Cette phase peut correspondre à l'apparition de la céramique Mycénienne IIIC: 1b, qui s'effectuerait vers le milieu du XIIème siècle, alors que Lachish est encore prospère. Le troisième critère repose également sur le

1. ANALYSE DESCRIPTIVE a. L'implantation des sites Le nombre de sites se réduit, mais leurs conditions d'implantation évoluent peu. On ne constate pas de création de nouveaux établissements, même si quelques-uns d'entre eux, les agglomérations philistines telles qu'Ashdod, Miqne, Safit et Ashkelon, augmentent fortement en taille (voir planche n°45). La topographie, l'emplacement par rapport aux sources ou wadis ne varient pas, ou du moins pas de manière notable. Ces observations ne sont valables, néanmoins, que pour les régions à l'ouest des monts de Judée, car dans ces dernières et surtout au nord de Jérusalem, des populations proto-Israélites s'installent alors. On y constate la création de centaines de nouveaux sites, mais ce processus, outre qu'il a déjà été précisément étudié707, se place géographiquement hors du cadre fixé par l'ouvrage.

b. Les zones de peuplement De puissantes dynamiques de peuplement sont

151

704

Ussishkin 1985 : 219, 222-223

705

Ussishkin 1985 : 219

706

Ussishkin 1985 : 223 ; Finkelstein 1998 : 141

707

Finkelstein 1988 a

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

à l'œuvre dans plusieurs régions de Palestine en cette première moitié du XIIème siècle. Deux régions sont particulièrement isolables. La plaine côtière d'une part, les monts de Judée d'autre part, connaissent des processus différenciés tant dans la nature, l'ampleur et les sens des mouvements de populations qui s'y déroulent que dans les populations concernées. La plaine côtière est en effet sujette à une irruption "massive" - certainement moins, cependant, qu'on ne veut bien le croire -, de populations venues par la mer, alors que les monts de Judée voient un afflux lent mais plus constant d'une population limitée.

La Shéphéla : La Shéphéla n'est, à première vue, pas affectée par une destruction brutale de l'ensemble de ses sites. Plus complexe qu'il n'y paraît cependant, la situation dépend apparemment étroitement des territoires des différentes cités-états, présentant des situations variées. Le territoire de Gezer, outre une réduction de la taille de son centre, connaît quelques destructions de sites placés dans la plaine côtière, mais presque aucune en Shéphéla. Peut-on parler d'enclave à Gezer, en faisant référence à la continuité d'une présence égyptienne ? La situation de Gezer durant la première moitié du XIIème siècle ne saurait profiter de l'éclairage de la Bible709, où Gezer est contrôlé par des Cananéens, avant d'être prise par Shishaq lors d'une campagne, puis donné en cadeau à sa fille qui épouse Salomon. Le territoire de Tel Safit est en revanche nettement plus touché par les destructions : tous les sites dans la plaine côtière ou en Basse Shéphéla sont détruits sauf Tel Miqne. Concernant la Haute Shéphéla définie précédemment, il est plus difficile de se prononcer. Tel Azekah et Tel Goded, si ce dernier est, comme nous le pensons, occupé, sont-ils détruits à la fin du Bronze Récent II ou du Bronze Récent III ? Qu'en est-il pour les petits sites près de Tel Yarmouth : Tel Zanoah et Khirbet Aliya ? BetShemesh traverse peut-être une phase d'abandon avant une réoccupation à la période suivante, bien qu'une telle situation paraisse surprenante. Les sites dans le territoire de Tel Safit ont pu connaître soit une destruction quasi complète - et dans ce cas ne demeurent durant cette phase que Tel Yarmouth et Bet-Shemesh - soit une destruction à la fin du Bronze Récent III. Cette ambiguïté quant à la période de destruction (représentée sur la carte par un point d'interrogation à côté du site concerné), révèle en fait le fonctionnement du système des cités-états : les troubles et destructions affectant la Shéphéla touchent en premier lieu les cités-états et leur territoire, les sites d'un même domaine politique tendant à subir et réagir d'une manière identique à un même processus socio-politique. Chacune des trois cités-états offre donc une situation différente. Concernant le territoire sous le contrôle de Lachish, on constate une forte continuité d'occupation des sites, peut-être imputable à la continuité marquée de la présence égyptienne sur ce site.

La plaine côtière : La division effectuée au Bronze Récent II entre la côte et l'intérieur de la plaine côtière n'a plus de réalité archéologique au Bronze Récent III/Fer IA. La côte comme la plaine côtière subissent des phénomènes relativement identiques. L'arrivée de nouvelles populations s'accompagne de destructions et d'une forte baisse du nombre de sites occupés. Cette région, dont le nombre d'établissements était faible au Bronze Récent II, diminue encore. Les sites deviennent plus rares mais ils gagnent en taille. Seuls sept sites sont assurés pour l'ensemble de la côte au sud de Jaffa. Mais parmi ces derniers, trois s'étendent sur une superficie de l'ordre de 20 à 30 hectares chacun. La répartition des sites évolue suivant une redistribution différente du peuplement. La population des Peuples de la Mer, en l'occurence les Philistins, doit être envisagée sur le plan numérique, de manière limitée708. Il ne s'agit pas d'un groupe remplaçant entièrement celui qui le précède après l'avoir décimé, mais plutôt d'un apport de population. Les Philistins, qui n'ont pas dû être majoritaire, au sein de la population cananéenne de la plaine côtière, doivent être estimés à quelques milliers. La population de ces deux régions, avec l'installation des Philistins, se redéploie apparemment dans cinq grands centres urbains de vastes dimensions, entre 15 et 30 hectares chacun. Quatre de ces sites constituaient déjà une partie des six cités-états dans le sud de la Palestine. Ashdod (de 8 à 28ha) et Ashkelon (de 10 à 30 ha) voient leur superficie tripler, celle de Tel Miqne quintupler (de 4 à 20ha). Pour Tel Safit et Gaza, l'absence de fouilles permet seulement d'avancer l'hypothèse qu'ils conservent au minimum leur taille du Bronze Récent avec respectivement quinze et une vingtaine d'hectares.

708

La plaine côtière du Néguev : La plaine côtière du Néguev présente une forte continuité avec la période précédente, au point de donner l'impression qu'aucun changement ne l'a

Finkelstein 1996 c : 236

709

152

Juges 1 : 29 ; 1 Rois 9 : 16 ; Singer 1994 : 307, 326

REPARTITION DES SITES

des monts de Judée au Bronze Récent III / Fer IA est encore trop restreinte pour susciter un basculement géopolitique de plusieurs sites dans la sphère d'influence des établissements judéens, même si un centre comme Khirbet Rabud possède un pouvoir encore important sur la zone.

affectée. Le nombre de sites ainsi que leur taille varient peu, sauf sur la côte même avec Tell el-Ajjul (119) et Tel Ridan (135) qui ne sont plus occupés : seul changement, de peu d'ampleur, au regard des processus de profondes transformations du paysage urbain et rural qui se déroulent quelque vingt kilomètres plus au nord. Si la région se maintient ainsi dans son peuplement et la répartition de ses sites, c'est grâce à la présence, toujours active, du pouvoir égyptien et de son influence dans cette partie de la Palestine. Un aspect plus problématique concerne les trois sites satellites (141, 178, 179) autour de Tel Haroer. Ce dernier subit une destruction à la fin du Bronze Récent IIB mais la réoccupation est immédiate. Les établissements principaux, comme Tel Haroer et Tel Sera présentent apparemment dans cette zone des séquences d'occupation différentes de celles de leurs sites satellites.

Les sites proto-Israélites : Le processus de peuplement des monts de Judée par les populations proto-Israélites s'opère à partir de la fin du XIIIème siècle. Il est possible d'affirmer que ce peuplement par des groupes pratiquant un mode de vie sédentaire s'échelonne de la seconde moitié du XIIIème jusqu'à la fin du XIIème siècle. Une poussée démographique712 plus nette se fait sentir durant la première moitié du XIIème siècle ; un établissement tel que Giloh incarne aussi bien le processus que la culture matérielle des sites fondés à cette époque dans les hautes collines. Comment donc caractériser le Fer I dans ce domaine géographique clé ? Est-ce le phénomène de création de nouveaux établissements dans cette région qui inaugure une nouvelle période pour la Palestine, nommée 1er âge du Fer, ou serait-ce plutôt la culture matérielle céramique qui permet de faire usage d'un tel vocable ? Ni l'un ni l'autre, serait-on tenté de répondre. La culture matérielle et la poterie en particulier, ne permettent guère d'isoler de marqueur ethnique ou culturel713 ni d'opérer de découpage chronologique. Dans ce cas présent, la céramique exprime, au contraire, une telle continuité avec le Bronze Récent qu'il paraît douteux de pouvoir envisager un nouvel âge. Que ce processus de peuplement soit nouveau dans cette région à la fin du Bronze Récent, le fait est indéniable, mais comme cela a été montré714, il a déjà affecté cette même région à des époques antérieures, au Bronze Moyen notamment, selon des modalités assez identiques. Ces mouvements de population ou de sédentarisation, n'ont donc pas marqué de changements d'âge à l'échelle de la Palestine. Mais dans ce cas précis, peut être est-ce le devenir politico-religieux de ces groupes qui en détermine, par "antériorité sélective", l'évolution, comme si le développement ultérieur était inscrit dès les prémisses. Une approche strictement archéologique dicterait donc de ne pouvoir accepter entièrement l'appellation de "Fer I" pour les monts de Judée715, car c'est bien l'ampleur des processus

Les monts de Judée : Les monts de Judée traversent une situation que l'on peut qualifier de confuse. Les sites du Bronze Récent II y perdurent, cotoyés par de nouveaux établissements, mais rares et de petite taille. Le processus de peuplement qui s'y effectue n'est pas sans poser de problèmes chronologiques. Le matériel céramique retrouvé lors des 710 est daté du XIIème siècle. Bien qu'il prospections soit dans la tradition du Bronze Récent, il est considéré qu'il caractérise le Fer I. Dans cette zone, on fait donc habituellement débuter le Fer I avec le XIIème siècle. Des changements non négligeables se produisent dans l'occupation du territoire des collines de Judée. Selon A. Ofer il s'opère à cette période, au sein des hautes collines de Judée, un déplacement du peuplement du nord vers le centre, dans une zone située entre Jérusalem et Hébron711. On constate sur la carte (planche n°45) un nombre relativement élevé de sites existant de part et d'autre de la bordure entre la Haute Shéphéla et les monts de Judée. Ils se répartissent à proximité de quatre sites principaux : Tel 'Eitun, Tell Beit Mirsim, Khirbet et-Tayibeh (117) et Khirbet Rabud. Quatre petits sites dont trois nouveaux, Idna (115), Khirbet el-Qom (116) et Khirbet el-Marajim (132) sont situés dans les hautes collines. Deux autres (124) et (127), sont en Haute Shéphéla. Cet ensemble forme-t-il une unité politique, reproduisant un système de cité-état ? Faut-il rattacher ces quelques sites du sud-est de la Shéphéla au domaine des hautes collines ? L'importance démographique et politique

712

Finkelstein 1994 b : 153-160

713

Dever 1993 b ; Finkelstein 1997 : 219-223

714

Finkelstein 1994 b : 177 ; Finkelstein 1995 b : 354-355, 359-361

715

Il faut rappeler que les processus n'ont rien de comparable

710

Bar-Adon et al. (Kochavi) 1972

dans leur ampleur entre le nord et le sud de la Palestine. Notre

711

Ofer 1994 : 102

approche concerne ici proprement les monts de Judée.

153

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

possède plus qu'une importance secondaire, sans commune mesure avec sa longue et ancienne splendeur. Le développement des centres urbains philistins dans la plaine côtière entraîne de nouvelles relations entre eux. Il s'agit de routes entre quelques cités importantes et non d'axes interrégionaux. La Philistie constitue une zone politique relativement repliée sur elle-même dans un premier temps et contrôlant une partie non négligeable de la Via Maris. Par ce contrôle, elle empêche toute utilisation de cette voie de passage, au mieux elle la détourne à son profit. L'ancien système des voies de communication connaît une profonde désorganisation. Seule la route de la plaine côtière du nord Néguev n'est pas affectée par ces changements. Des sites permettent néanmoins d'avancer l'hypothèse que tout commerce n'a pas disparu mais s'est réorienté au sein de la Palestine. La présence d'objets importés en plusieurs établissements, ou de bols inscrits en hiératique comme à Lachish, montre en effet une continuité de relations avec l'Egypte717. Celles-ci sont à mettre sur le compte d'un regain de présence ou d'influence égyptienne durant la XXème dynastie. Les provinces asiatiques ont en partie disparu, celles qui demeurent continuent à verser un tribut, ainsi les communications, bien que diminuées, fonctionnent toujours. L'empire égyptien se réduit et son emprise sur la Palestine décline, lentement, mais inexorablement.

socio-politiques qui permet de se prononcer sur l'évolution de l'ensemble de la société et non l'évolution régionale d'une population encore limitée numériquement716, par rapport à celle des basses collines et de la plaine côtière. Pour la seule zone des hautes collines, avec la Judée et la Samarie au nord de Jérusalem, on doit toutefois reconnaître que le processus de peuplement en cours, s'il est limité à l'échelle de la Palestine, n'en est pas moins réel et dynamique à l'échelle de cette région.

c. Les voies de communication De manière générale, les Peuples de la Mer perturbent en profondeur l'un des aspects primordiaux de la société du Bronze Récent en Méditerranée orientale, à savoir les intenses relations commerciales entre les palais des citésétats. Plus spécifiquement, dans le sud de la Palestine, des changements importants affectent alors les voies de communication (voir planche n°46). Par leur installation dans la plaine côtière jusqu'en bordure de la Basse Shéphéla, les Peuples de la Mer portent atteinte à la présence égyptienne dans cette zone et transforment fondamentalement les voies de communication qui y passaient. Plusieurs étapes sont ainsi distinguables dans le processus de disparition ou de réduction des grandes routes commerciales. L'arrêt des importations céramiques à la fin du XIIIème siècle est dû aux mouvements des Peuples de la Mer en Egée et dans le nord du Levant. Ces troubles ne touchent pas directement la Palestine, mais la concernent cependant puisque les lieux de production des céramiques importées du monde mycénien et de Chypre sont généralement détruits, rendant tout échange impossible faute de partenaire. Le commerce à longue distance s'interrompt, avec les retombées que l'on imagine. Le coup porté à la Palestine n'est donc pas dans un premier temps politique mais économique, car il fallait bien que la société cananéenne exporte des denrées en échange. La cessation relativement brusque des échanges à l'échelle de la Méditerranée orientale amène un arrêt partiel ou complet de l'utilisation des grands axes commerciaux. L'ensemble de la côte levantine avec la voie maritime, et la voie terrestre avec la Via Maris sont immédiatement affectés. Le processus touche alors de manière plus ou moins complète les routes transversales à l'échelle réduite des régions du Levant, allant de la côte vers l'intérieur des terres. L'installation des Peuples de la Mer sur l'ensemble du sud de la côte Levantine a porté un second coup d'arrêt à l'utilisation de la Via Maris. Cette voie ne 716

d. L'organisation des sites et des territoires La Philistie : Les changements géopolitiques en Philistie consécutifs à l'arrivée des Peuples de la Mer, portent un coup sévère à l'organisation des sites et des territoires. Le territoire de la Philistie s'organise autour de cinq grands centres philistins (voir planche n°47). Les relations unissant chaque centre restent mal connues. Au-delà d'une culture matérielle qui présente des points communs évidents, on ne peut se prononcer sur le mode de fonctionnement politique de l'ensemble. On ne peut parler pour ces centres urbains d'une reprise de l'organisation des cité-états avec un système de sites hiérarchisés. Ces centres philistins sont spécifiquement urbains, sans village connus sous leur dépendance, à l'exception de deux petits sites isolés avec Shafir (73) et Tel Sippor (89). Ce système diffère fondamentalement de celui des cités-états, on peut toutefois émettre l'hypothèse qu'il se rapproche du mode de fonctionnement de la plaine

Finkelstein 1996 c : 236

717

154

Ussishkin 1993 : 902

REPARTITION DES SITES

côtière au Bronze Récent II.

Shéphéla, opposant le territoire de Gezer et les sites de l'ancien domaine de Tel Safit à Lachish et la plaine côtière du Néguev. Bien qu'il faille considérer cet ensemble de lieux comme faisant partie du domaine égyptien, on ne peut les caractériser d'une manière similaire. La Shéphéla du nord a perdu de son pouvoir politique, le territoire de Gezer est contrôlé par une cité diminuée et au sud de BetShemesh, peu de sites prospèrent. Il n'en est pas de même pour le territoire de Lachish, dont l'ensemble du domaine manifeste une continuité d'occupation et une certaine stabilité politique, qui valent également pour la plaine côtière du Néguev. Si, sur le plan économique, l'ensemble de la Shéphéla partage le lot commun de toute la Palestine à la suite de l'arrêt des relations commerciales à longue distance, d'un point de vue politique la Shéphéla du nord et celle du sud présentent une image contrastée. L'ancien territoire de Tel Safit pose un problème de méthode. Comment envisager l'organisation de ses sites satellites après le contrôle que les Philistins effectuent sur leurs centres ? Deviennent-ils politiquement indépendants - ce qui serait surprenant dès lors que des sites proches, satellites de Lachish, restent sous son contrôle - sont-ils intégrés au territoire des cité-états limitrophes de Gezer et de Lachish ou disparaissent-ils avec la prise de leur centre par les Philistins et la fuite de leur population vers d'autres sites ? Le pouvoir politique des "roitelets" locaux de Gezer et de Lachish n'a pu manquer de se trouver sérieusement ébranlé par l'arrêt du commerce à longue distance, l'installation des Philistins et la volonté égyptienne de conserver ses territoires asiatiques. Bref, un repli sur soi des cités-états s'opère de manière irrémédiable. Ces centres urbains encore existants sont ainsi confrontés à des enjeux d'une autre échelle, auxquels ils sont dans l'incapacité de faire face isolément.

La Shéphéla et la plaine côtière du Néguev : La Shéphéla, avec les territoires de Gezer et Lachish et la plaine côtière du Néguev demeurent sous contrôle égyptien. Des deux cités-états se rattachant encore à la Shéphéla : Gezer et Lachish, seule cette dernière préserve entièrement son système hiérarchisé d'établissements. Gezer subit en revanche quelques changements. La réduction de sa taille ne semble pas pour autant résulter d'une modification profonde de la répartition des sites sur son territoire. Non affectée par l'installation des Philistins, la plaine côtière du Néguev ne présente pas non plus de transformations dans la répartition de ses sites. Cette zone reste vraisemblablement sous le contrôle politique de la cité-état de Yurza. Les monts de Judée : Les monts de Judée ne sont, durant la première moitié du XIIème siècle, qu'au début d'une phase de profonde transformation. Khirbet Rabud et le domaine au nord avec Jérusalem conservent les mêmes établissements, organisés de manière identique. Le fait pourrait surprendre si les sites proto-Israélites ne se placaient dans la partie centrale des monts de Judée, comme Giloh, à une plus grande proximité de Jérusalem que de la Shéphéla. Au Fer IA le peuplement de cette région est loin d'être homogène. On constate une coexistence s'établissant entre les anciens grands sites comme Khirbet Rabud et les nouveaux petits sites. Mais la nature exacte des relations entre les deux types de site reste difficile à déterminer. En l'absence de destruction de sites comme Tell Beit Mirsim, ou Khirbet Rabud, on est en mesure d'envisager une continuité dans l'occupation, ainsi que dans les sphères socio-politiques, culturelles et matérielles, à la différence des nouvaux petits établissements "proto-israélites", où seule se note une continuité matérielle.

b. La présence égyptienne dans le sud de la Palestine

2. INTERPRETATION

Il convient de s'interroger sur la nature exacte de la présence égyptienne. L'Egypte favorise une présence à Lachish, moins pour soutenir cette citéétat que pour poursuivre l'exploitation économique de ses territoires asiatiques en Palestine, dont la gestion administrative doit désormais être conduite à partir d'un nouveau centre administratif, puisque Gaza ne peut plus remplir un tel rôle. On peut alors avancer l'hypothèse qu'un des sites de la plaine côtière du Néguev ait rempli une telle fonction : Yurza/Tell Jemme par exemple. Par ailleurs, il est nécessaire pour l'Egypte de mettre en place une nouvelle voie lui permettant de relier le reste des

a. L'organisation du territoire Un espace politique complexe se met en place lors de la transition du Bronze Récent II au Fer I. On peut distinguer deux types de territoire et de structure antagonistes. D'une part l'opposition entre la zone de la plaine côtière, domaine politique des centres philistins, et les cités-états de Shéphéla, territoire cananéen sous le contrôle d'une Egypte, diminuée mais non nécessairement moribonde. D'autre part la frontière entre le nord et le sud de la 155

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

derniers ne possèdent pas systématiquement une occupation limitée à une seule période. Certains d'entre eux, comme Tel Sippor ou Tel Yarmouth, ont une séquence stratigraphique comparable à celles des principaux centres régionaux. Ces résultats montrent qu'une confiance limitée doit être accordée aux seules prospections, surtout quand elles ont été réalisées voici des dizaines d'années.

territoires qu'elle contrôle plus au nord, avec Aphek puis Megiddo et Bet-Shan. L'absence d'objets égyptiens en Philistie postérieurs à Ramsès III, soit après l'installation des Peuples de la Mer, marque l'arrêt de l'utilisation de la Via Maris par l'Egypte et plus vraisemblablement une impossibilité pour elle de traverser la Philistie. Cet état de fait entraîne soit un déplacement de l'axe de communication depuis la plaine côtière vers l'intérieur de la Shéphéla, soit l'utilisation par les égyptiens de la voie maritime jusqu'à Jaffa, ou plus au nord, s'ils veulent se rendre dans la vallée de Jezréel pour atteindre Megiddo, puis Beth-Shean.

a. Choix d'implantation des sites Les éléments ayant trait à l'emplacement des sites ont déjà été présentés pour les cartes de répartition du Bronze Récent II. Demeurant valables, ils ne demandent pas à être repris. Si de nouveaux sites voient cependant le jour dans des zones jusqu'alors peu peuplées, le type d'emplacement choisi ne diffère pas de ceux des périodes précédentes : le critère principal de choix reste topographique, ainsi qu'à proximité de sources.

C. Cartes de répartition des sites au Fer IB En cette fin du XIIème siècle, nous sommes de plain-pied dans le Fer I, la culture matérielle l'atteste par des changements typologiques significatifs. Qu'apporte la répartition des sites, et permet-elle d'envisager sous un éclairage nouveau ce dernier tiers du XIIème siècle comme la première époque d'un nouvel âge ?

b. Les zones de peuplement Cette période du Fer I marque un regain de peuplement dans plusieurs zones du sud de la Palestine (voir planche n°49). A l'encontre de certaines idées reçues, les hautes collines de Judée ne représentent pas le seul lieu d'installation de nouveaux villages. Trois régions principales se distinguent ainsi particulièrement : la plaine côtière, le nord du désert du Néguev et les monts de Judée et leurs abords.

1. ANALYSE DESCRIPTIVE Un problème général lié aux sites prospectés concerne la forte baisse de leur nombre au Fer I, telle que l'expriment les cartes de répartition. Précisons que certains sites, fouillés ou prospectés718, et clairement identifiés comme appartenant au Fer I, n'ont pas été retenus dès lors qu'ils appartiennent à la fin du Fer IB, étape postérieure à la première phase de la céramique bichrome philistine.

La plaine côtière : La plaine côtière reste peu densément peuplée en nombre de sites. Deux processus s'y laissent toutefois observer. Le premier touche à la continuité d'occupation de sites préexistants : Tel Mahoz, Tel Mor, Ashdod, Ashquelon, Gaza, Deir el-Balah pour la côte, Tel Hamid et Tel Miqne, plus à l'intérieur des terres, dans la plaine. Tel Safit, à la bordure de la Shéphéla, se rattache à cette période à la plaine philistine. Le second processus concerne la création de villages en divers lieux de la plaine côtière. Peu nombreux, ils viennent cependant s'ajouter à quelques autres dont l'existence, relativement isolée, n'est pas sans surprendre. Au sud-est d'Ashdod existent deux sites, Shafir (73) et Tel Sippor (89). En place depuis le Bronze Récent II, ils sont restés occupés pendant tout le XIIème siècle. Leur isolement explique éventuellement leur situation exceptionnelle, là où tous les autres sites ont connu des destructions.

Les tableau de la planche n°48) font clairement apparaître une forte différence dans la continuité d'occupation entre les sites fouillés et les sites non fouillés. 54 et 58% des sites fouillés dans la plaine côtière et la Shéphéla manifestent une continuité d'occupation, jusqu'à 80% dans la plaine côtière du nord Néguev. Pour les sites connus uniquement par des prospections, la continuité d'occupation n'est que de 20% pour l'ensemble de la plaine côtière, de 33% pour la Shéphéla et de 40% pour le nord Néguev, soit en moyenne, près de deux fois moins que pour les sites fouillés. Ce résultat doit être pondéré par le fait que les sites fouillés sont généralement des établissements d'une taille supérieure à la moyenne. Leur importance régionale explique qu'ils connaissent une continuité d'occupation plus marquée que des sites ruraux. La fouille de petits sites prouve cependant bien que ces 718

Gophna 1966

156

REPARTITION DES SITES

apparaissent au sud-ouest de Tell Beit Mirsim. Bien qu'ils se rattachent géographiquement à la Haute Shéphéla, peut-être sont-ils impliqués dans les processus de peuplement s'effectuant dans les monts de Judée et à leurs abords. Quant à Tel Halif, son éloignement du centre de Lachish permet d'expliquer sa continuité d'occupation. A cette période il semble se rattacher au domaine politique du nord du Néguev.

Le nord de la Shéphéla : Cette partie de la Shéphéla conserve un nombre de sites non négligeables par rapport aux autres zones. Trois établissements se distinguent par leur taille importante : Gezer, Tel Batash et Bet-Shemesh. Une continuité évidente dans l'occupation des sites existe, puisque aucun des principaux établissements du Bronze Récent n'est abandonné. On note toutefois la disparition d'un centre secondaire de Gezer, Tel Sha'alavim (29), et la création d'un hameau, Gimzo (26), au nord de Gezer en Basse Shéphéla, et d'un village, Zorah (56), au nord de Bet-Shemesh dans la Haute Shéphéla. Ce dernier a pu toutefois être créé au Fer IA. Cette région présente donc un peuplement relativement stable par rapport au Bronze Récent III. L'absence de toute nouvelle installation aux abords des monts de Judée doit être relevée : en cela la Shéphéla du nord se distingue de celle du sud.

Les monts de Judée : La culture matérielle de l'ensemble des sites du sud-est de la Shéphéla et du sud-ouest des monts de Judée présente de fortes similitudes avec des sites plus au nord comme Tel Yarmouth ou Gezer. Les importations de céramique bichrome philistine à Tel 'Eitun, Tell Beit Mirsim ou Tel Halif montrent que la situation socio-culturelle est complexe. Ces établissements sont de culture cananéenne. Les relations avec la plaine côtière reprennent de l'importance, mais se limitent à des échanges de produits. On peut parler de relations commerciales mais pas d'influence culturelle. Qu'en est-il des relations entretenues avec les sites proto-Israélites ? Un établissement comme Khirbet Rabud ne peut se rattacher à la sphère socio-économique de ces derniers. Il s'agit en effet d'un site dont la taille et la culture matérielle se place dans la directe continuité du Bronze Récent. A quelle entité, cananéenne ou "proto-israélite", les nouveaux villages doivent-ils donc être rattachés ? Les habitants des sites détruits du territoire de Lachish ont pu venir s'établir dans ces villages des monts de Judée.

Le sud de la Shéphéla : La zone sud de la Shéphéla, entre Tel Safit et Tel Halif, présente une image très différente de celles des périodes précédentes. La région la plus densément peuplée au Bronze Récent est à cette période vide de tout établissement. Seul Tell el-Hesi et deux sites satellites présentent une continuité d'occupation. Nous sommes donc ici confronté à une situation peu commune : la disparition d'une cité-état et de son territoire. La destruction de Lachish vers 1135 se marque pour les sites sous sa dépendance par une destruction ou un abandon. Est-il envisageable, à partir de cette absence de site au Fer I dans une zone très localisée, d'en tirer des conclusions sur le territoire contrôlé par Lachish à la fin du Bronze Récent ? Les sites les plus proches au Fer I de l'ancienne Lachish sont Tel Burna (92), Tell el-Hesi (104), Tel Eitun (129), Tell Beit Mirsim (131), et Tel Halif (146). La disparition des sites proches de Tel Erani et Tel Zeit peut être expliquée par leur rattachement à Lachish. On constate au sud-est d'Ashkelon un ensemble de sites plus compact comprenant Tell el-Hesi et ses deux sites satellites (103, 105), ainsi qu'un nouvel établissement (122) dont la création s'explique mal. La zone sud-est du territoire de Lachish n'a pas trop souffert de la destruction de son centre politique. Les centres secondaires périphériques demeurent stables avec Tel 'Eitun, Tell Beit Mirsim et Tel Halif. La distance est-elle le seul critère en jeu ou bien est-ce l'expression d'une certaine autonomie ayant permis aux sites périphériques de surmonter plus efficacement les difficultés de cette période ? Dans cette même région s'échelonnent du nord au sud des sites installés à une altitude supérieure à 400 mètres. Deux nouveaux hameaux (124, 127)

La plaine côtière du Néguev : Le retrait de la puissance égyptienne dans une zone où elle était très influente ne se marque que par de faibles changements dans la répartition des sites. Des établissements importants comme Deir elBalah et Tell Jemme subissent une réduction de leur taille. D'autre part, de petits sites se développent près de Tel el-Far'ah (sud) avec Urim (149) et Ein Sharuhen (151). Les continuités d'occupation s'effectuent en parallèle avec la présence de céramique bichrome philistine. Le nord du Néguev : La zone du nord du Néguev connaît un dynamisme d'implantation révélateur d'une situation nouvelle. Des zones jusqu'alors occupées par des nomades voient l'apparition d'établissements sédentaires. Ces hameaux et villages qui essaiment à travers la région se répartissent à intervalles plus ou moins réguliers le long d'un axe traversant le nord du Néguev. Beer-

157

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

Sheva (158) et Tel Masos constituent les plus vastes établissements de la région. Au cours du Fer IB, un nombre important de petits sites sont créés dans cette zone. Les prospections ne permettent cependant pas toujours de préciser s'il faut les rattacher au Fer IA ou au Fer IB. Dans le doute, il nous a semblé préférable de considérer que ce processus de peuplement s'opère d'une manière chronologique cohérente : les premiers établissements comme Beer-Sheva ou Tel Masos datent bien du XIIème siècle. Pour les autres petits sites répartis sur l'ensemble du nord Néguev, nous considérons qu'ils se développent en parallèle à partir du XIème siècle seulement. Il s'agit là d'un axe d'étude qui demanderait une recherche spécifique, concernant le peuplement de zones semi-désertiques suivant un processus lié à une sédentarisation de populations nomades. Les prospections ont permis pour certains des petits sites de s'assurer que leur installation ne s'est pas effectuée avant le XIème siècle. Comment faut-il interpréter ce phénomène ? A-t-on affaire à une seule courte période de création de sites ou bien s'est-elle étalée sur l'ensemble du Fer I ? Le "point d'interrogation" à côté des sites n° 149, 151, 154 et 159 reflète cette incertitude. Leur existence durant le Fer I est indéniable mais leur fondation se rattache peut-être à un phénomène unique durant la fin du Fer IB.

Le devenir des nouvelles routes : Le faible nombre d'établissements dans les monts de Judée au Bronze Récent rendait inutile toute route importante menant à cette région, au Fer IB en revanche la situation a évolué. Cette région gagne en effet en importance dans le paysage politique et démographique de la Palestine. Des routes peu ou pas utilisées précédemment ont pu donc se développer, en particulier celle qui relie la plaine côtière du nord Néguev aux hautes collines de Judée. A l'axe déjà existant s'ajoute par ailleurs la route qui mène de Beersheva à Jérusalem en longeant les crêtes, passant par Khirbet Rabud, Hebron et Bethlehem. Une autre voie nouvelle se met en place, d'importance secondaire ; il s'agit d'un axe de circulation correspondant à la voie naturelle bordant les monts de Judée. Cette route a pu permettre de relier les nombreux sites répartis de part et d'autre de cette vallée. Une troisième route se développe à cette période : elle traverse le nord du Néguev, venant du sud de la Jordanie pour rejoindre la côte Levantine à Gaza, après avoir traversé les sites de Tel Masos, Beer-Sheva, puis Tell el-Far'ah (sud). Le début d'un processus de peuplement s'effectue à cette période en parallèle avec cette nouvelle route commerciale. Au Bronze Récent III / Fer IA s'établissent les principaux établissements comme Beer-Sheva ou Tel Masos. A la fin du XIIème siècle, ce dernier est devenu le centre le plus important du nord Néguev, principal arrêt sur cette nouvelle voie de communication. Vers la fin du Fer IB, de nombreux petits sites se positionnent en divers endroits aux abords de cette route, profitant de la richesse occasionnée par la proximité de cet axe. Cette voie commerciale possède une ampleur qui a été rattachée à l'émergence de la route de l'encens719. Une telle hypothèse demande à être confirmée720. Le Fer I se caractérise donc par la mise en place d'axes de communication interrégionaux structurés d'ouest en est avec la Philistie, la Shéphéla, puis les monts de Judée. Un tel phénomène concurrence les grandes voies commerciales du Bronze Récent, de sens nord-sud, avec le Levant nord, le Levant sud, puis l'Egypte.

c. Les voies de communication Le repli régional qui touche la Shéphéla et les régions adjacentes durant le Fer I n'est qu'apparent. Des relations commerciales entre la plaine côtière et la Shéphéla, attestées par la présence de la céramique bichrome philistine, montrent bien que d'anciennes routes transversales ont repris leur activité, reliant la plaine philistine, riche en produits à exporter, aux sites de l'intérieur des terres et de la Shéphéla (voir planche n° 50). La disparition de partenaires commerciaux comme l'Egypte, qui traverse une phase de déclin, ou les établissement du territoire de Lachish, entraîne l'arrêt de l'utilisation de certaines routes, mais d'autres sont utilisées, les remplacent ou se créent.

d. L'organisation des sites

L'avenir des anciennes routes : La Via Maris demeure potentiellement une voie essentielle pour longer la côte levantine. Elle connaît cependant une désaffection à cette période et son rôle se limite alors à relier trois des principales villes philistines : Ashdod, Ashquelon et Gaza. Son utilisation perdure au sein de la Philistie, mais la voie perd sa vocation de grand axe.

L'ancien mode d'organisation du territoire reposait sur un système hiérarchisé des sites. Il n'en reste que peu de traces au Fer I. Seul demeurent quelques reliquats des structures des cités-états, dont Gezer et son territoire forment le meilleur mais

158

719

Finkelstein 1988 b

720

Jasmin 1999, 2002, sous presse 2, sous presse 4.

REPARTITION DES SITES

XIIème siècle sur l'ensemble de son territoire une profonde parcellisation socio-politique. Il est ainsi possible d'isoler cinq zones pour la Shéphéla, qui connaissent des fortunes diverses. Le nord de la Shéphéla propose trois espaces distincts. La Basse Shéphéla, avec des sites comme Tel Safit et Tel Batash subit vraisemblablement un contrôle philistin direct. Gezer et une partie de son ancien territoire conservent une certaine autonomie, bien que l'influence de la Philistie y soit également présente. La Haute Shéphéla, avec des sites comme Bet-Shemesh ou Tel Yarmouth, possède une certaine autonomie politique. Le sud de la Shéphéla, quant à elle, présente deux espaces différents : la Basse Shéphéla est quasiment vide de tout établissement, et la Haute Shéphéla, mais uniquement aux abords des Monts de Judée, profiterait d'un certain équilibre et en ayant retrouvé une prospérité économique perdue. Son pouvoir politique reste en revanche diminué et cette zone passera sous le contrôle des établissements des monts de Judée au Fer II.

dernier exemple. Gezer représente un îlot politique ne s'intégrant à aucun schéma organisationnel plus large. Il constitue la preuve du désagrègement du territoire antique, l'écho d'une période révolue. Tell el-Hesi et ses deux sites satellites fournissent peutêtre également une telle image. Rares sont donc les lieux où l'on retrouve encore ce système. Les sites du Fer I répondent à une organisation différente pour laquelle aucune unité n'existe dans le sud de la Palestine. On distingue la plaine côtière avec les grands centres philistins possédant des villages agricoles répartis de manière lâche quoique cohérente, puisque placés de préférence à près de six kilomètres du centre le plus proche (voir planche n°51). Ces villages ont pu répondre au besoin des cités de gérer l'ensemble du domaine agricole de la plaine. Leur répartition reste toutefois très clairsemée. Pour les monts de Judée, une autre organisation prévaut721. On y trouve un certain nombre de sites de taille réduite pour lesquels il est difficile de déceler une organisation précise. On constate le nombre proportionnellement élevé de petits sites de moins d'un hectare. La seule "logique" qu'il soit possible d'isoler correspond à une répartition de ces derniers en Haute Shéphéla à la jonction des monts de Judée et sur leurs contreforts, suivant "une ligne" bordant approximativement la vallée séparant ces deux régions.

Les anciens territoires : Cités-états du Fer I ? Peut-on encore parler de cités-états à l'âge du Fer I ? Gezer fournit un semblant de réponse par son territoire relativement calqué sur celui du Bronze Récent II. Il serait pourtant faux de croire qu'il demeure inchangé. Le système hiérarchisé des sites satellites est en partie conservé mais la proximité de la Philistie, en tant que territoire politique, représente une puissance encore plus pressante que l'égyptienne. Durant le Fer I, le nord de la Shéphéla jouit d'une autonomie politique plus importante, qu'elle ne connaissait pas au Bronze Récent II. L'occupation du territoire se répartit entre des îlots urbains relativement conservés et denses autour de Gezer, tandis que dans le sud ne subsistent que des lambeaux de zones encore urbanisées. A l'est on rencontre un réseau discontinu de sites. Aucune entité politique ne semble contrôler ces différentes zones. La répartition des sites autour de Gezer exprime donc moins le retour à une prospérité politique et économique qu'une force d'inertie de continuité, due entre autres à une absence de destructions régionales. Dever met en parallèle la présence de céramique bichrome à Gezer avec celle de population philistine sur le site722. Il considère d'une même manière l'influence égyptienne puis philistine dont Gezer fait l'objet. La présence ou l'absence de céramique philistine permettrait-elle d'apprécier l'étendue du

e. Détermination des territoires Le changement fondamental apparu avec la transition du Bronze Récent au Fer I concerne la disparition des territoires politiques au profit de territoires "géographiques". Ainsi les cités-états laissent-elles place à deux entités géopolitiques : la Philistie et les hautes collines de Judée. Au Fer IA, il est encore impossible de se prononcer sur le devenir de ces structures. Après une phase d'installation de nouvelles populations, de redéploiement de groupes humains à la suite de destructions de sites et de peuplement de nouvelles zones, s'établissent, rapidement dans la plaine côtière et progressivement dans les monts de Judée, de nouvelles entités socio-politiques. La difficulté pour déterminer les territoires du Fer I tient au fait que leurs limites ne sont pas clairement fixées. En effet, les divers groupes en présence ne présentent pas tous de frontières communes. Le sud de la Shéphéla, par exemple, ne semble être sous le contrôle d'aucune entité politique. On constate que le territoire de la Shéphéla, dont l'organisation et la répartition des sites présentaient une grande cohérence durant le Bronze Récent II, a perdu cette caractéristique. Cette région a subi au cours du 721

Ofer 1994 : 100, 102, 118

722

159

Dever 1986 : 87

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

contrôle politique philistin ? L'adéquation paraît parfois si totale que le fait de trouver ce type de céramique semble constituer la preuve du rattachement politique de l'établissement aux cités de la plaine côtière. Or il est bien évident que ces céramiques ont également fait l'objet de commerce, d'échanges et que leur présence ne préjuge en rien de l'appartenance culturelle ou politique du site, particulièrement durant une période où l'absence de céramique fine importée rendait d'autant plus attrayante la céramique philistine aux yeux des populations locales. Que celle-ci ait constitué un marqueur social et culturel reste vraisemblable, mais ce marquage a varié suivant les sites et les régions.

Un second problème concerne le sort des habitants du territoire de Lachish. Que sont-ils devenus ? Il est peu probable d'envisager qu'ils aient tous été tués. Du fait de l'abandon de la région, les populations ont pu revenir à un mode de vie de pasteurs-nomades tout en continuant à occuper la zone. Une telle hypothèse souffre néanmoins d'une absence de preuves, d'autant que les monts de Judée connaissent à la même époque un processus opposé de sédentarisation de populations autrefois composées de pasteursnomades. Plus vraisemblablement, on peut penser que la population du territoire de Lachish, estimable à plusieurs milliers de personnes, est allée grossir les quelques nouveaux établissements des monts de Judée et du sud-est de la Shéphéla.

La destruction du territoire de Lachish : La destruction d'une cité-état et de l'ensemble des établissements de son territoire, l'abandon quasi total de cette région et sa non réoccupation constituent un phénomène suffisamment rare pour que l'on tente d'en comprendre le déroulement et les causes, d'autant que les régions limitrophes ne subissent pas de modifications profondes à cette même période. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour expliquer ce phénomène, de grande portée pour l'ensemble du sud de la Shéphéla. Le premier point consiste à déterminer les modalités de la fin de l'emprise égyptienne sur le sud de la Palestine dont est susceptible de dépendre la destruction de Lachish. Il peut s'agir d'un abandon de ces zones pour des raisons internes à l'Egypte et liées à son déclin, ou bien du résultat d'une pression politique et militaire de la Philistie, qui met un terme à sa présence. Les proto-Israélites ne peuvent en revanche être tenus pour reponsables d'une telle ruine : leur importance numérique, et donc militaire, est en effet trop réduite à cette période pour qu'ils aient pu envisager de s'attaquer à la plus puissante cité-état du sud de la Palestine. Les Philistins peuvent au contraire être rendus responsables de cette destruction. Il s'agirait alors davantage d'une tentative militaire destinée à détruite l'ensemble du territoire de Lachish, que d'un projet d'extension des limites de leur domaine, puisque les Philistins n'y effectuent aucune réoccupation. On note que le territoire de Gezer n'a pour sa part pas connu une telle destinée, même si certaines destructions peuvent également y être imputées aux Philistins. Il est également possible que Lachish, laissée à elle-même, n'ait pu faire face aux cités rivales voisines qui auraient détruit éventuellement la ville ainsi que les autres établissements sous sa dépendance. Il faut toutefois reconnaître que le problème ne peut être pour l'instant résolu du fait du manque de données matérielles ou textuelles.

La plaine côtière du Néguev : des lambeaux de présence égyptienne La disparition de la présence égyptienne a pour effet une réduction de la taille des principaux sites. Mais aucune destruction systématique telle celle touchant le territoire de Lachish n'est à constater. Les établissements de la plaine côtière du Néguev ont pu profiter, à partir de cette période, du développement de la route commerciale débouchant sur la côte. Les nouveaux territoires : La Philistie : Un domaine s'impose de lui-même par son importance démographique et urbaine : il s'agit de la Philistie. Dès le Fer IA, ce territoire, à la différence de tous les autres, affiche une force politique certaine. Premier domaine à avoir été perturbé, il est également le premier à trouver un équilibre politique nouveau. Après une première phase matérielle, celle de la céramique monochrome, caractérisée par une recomposition du peuplement de la région, une seconde phase se marque par le dynamisme de son processus d'extension territoriale vers le nord, culturelle et surtout commerciale, manifestée par la présence de la céramique bichrome. Le système politique de la Philistie revêt pour Singer des formes issues des cités-états cananéennes723. La Bible offre pour sa part l'image de cinq cités philistines formant une ligue et contrôlant un territoire unique. Cette vision demeure aujourd'hui largement acceptée sans qu'aucune remise en question n'en ait été proposée. On est pourtant en droit de se demander si le tableau ainsi décrit s'accorde réellement aux données archéologiques et, en particulier, à l'organisation du territoire telle que 723

160

Singer 1993

REPARTITION DES SITES

la répartition des sites la fait apparaître. Si le schéma d'une Pentapole philistine correspond plus certainement à une réalité du Fer II, qu'en est-il pour le Fer I, juste après l'afflux et l'établissement de nouvelles populations ?

nouvelles structures politiques. Pour une part importante, la continuité de la présence égyptienne dans le sud de la Palestine bloquait toute initiative et autonomie politique. A la fin du XIIème siècle, une relative stabilité s'installe dans le paysage politique du sud de la Palestine. Les Philistins possèdent un territoire aux limites fixées, bien qu'il faille effectuer une distinction entre le territoire qu'ils contrôlent d'un point de vue politique et leur influence commerciale voire culturelle plus étendue. Il est également considéré que les proto-Israélites jouissent dans les zones des hautes collines d'un territoire géographique relativement délimité. La Shéphéla se retrouve donc au milieu de ces nouvelles entités aux expressions économique, sociale et culturelle différentes. Quant au contrôle de la Shéphéla par la Philistie, il demeure délicat de se prononcer sur sa nature exacte : emprise politique, influence culturelle ou simples relations commerciales. Les sites de Shéphéla connaissent par ailleurs des évolutions diverses suivant leur emplacement. Il est ainsi très possible que dans le nord de la Shéphéla, Tel Batash, Gezer ou des établissements plus à l'est aient subi des évolutions distinctes les unes des autres. L'absence de pouvoir centralisateur dans cette région, livrée à elle même autant qu'à ses voisines, débouche ainsi sur sa fragmentation politique. Nous ne possédons, pour la Pentapole philistine, de données archéologiques réellement exploitables724 que pour les sites d'Ashdod et de Tel Miqne. La Pentapole philistine ne s'est pourtant pas créée ex nihilo. Qu'en est-il d'influences égyptiennes ou cananéennes ayant pu perdurer dans l'organisation de ce territoire ? Les Peuples de la Mer ne peuvent être tenus pour seuls responsables d'un tel système de centres urbains. Dans quelle mesure les cités philistines reprennent-elles un schéma urbain et une organisation politique dérivés du Bronze Récent725 ? Le modèle d'organisation peut globalement rappeler celui des cités-états du Bronze Récent, avec un territoire contrôlé par des établissements à la taille et au pouvoir relativement équivalents, ce qui semble être le cas pour la Philistie au Fer I. On ne retrouve cependant pas dans l'organisation du territoire de système de sites hiérarchisés. Les antécédents ne sont pas à chercher

Les monts de Judée: une lente gestation Aucune cohérence culturelle ou politique n'est en place au sein des hautes collines de Judée à la fin du XIIème siècle. Il faut attendre le XIème siècle, et même plus tard, pour qu'une unité se développe. On constate par ailleurs que les sites importants au Bronze Récent II dans le sud de la région, comme Khirbet Rabud, Tel Eitun, Tell Beit Mirsim ou même Tel Halif, n'ont pas diminué de taille. Peu de nouveaux sites viennent au Fer IB s'ajouter à ceux nouvellement créés vers le début du XIIème siècle dans cette zone (115, 116, 124, 127, 132). Les sites du sud-ouest des monts de Judée se rattachent de toute évidence, à cette période, à ceux du sud-est de la Shéphéla. Ces deux zones rassemblent de nombreux sites à la répartition relativement cohérente, malgré la diversité des établissements concernés : ancienne cité-état (Khirbet Rabud), centres périphériques de Lachish (Tell Eitun, Tell Beit Mirsim ?, Tel Halif), nouveaux petits villages "proto-israélites".

2. INTERPRETATION a. Une logique nouvelle de répartition des sites ? Une logique nouvelle de répartition des sites est perceptible en Philistie où, dans un premier temps, un processus de disparition du paysage rural s'effectue au profit de grandes entités urbaines. Dans un second temps, vers la fin du XIIème siècle, se réalise un redéveloppement des petits sites ruraux, profitant d'une sécurité retrouvée. Leur nombre reste toutefois limité. Ces nouveaux villages de la plaine côtière attestent davantage d'une prospérité économique à laquelle ils contribuent de ce fait, qu'ils ne permettent de comprendre une nouvelle logique de répartition. Malgré le relatif dynamisme architectural de Gezer, la Shéphéla repose pour sa part sur un système d'organisation régional ayant peu varié. La Shéphéla du nord donne notamment l'image d'une région conservatrice des traditions et d'un peuplement issus du Bronze Récent II.

724

Bliss et Macalister ont fouillé le site de Tel Safit au début du

XXème siècle. Les méthodes de fouilles employées à l'époque ne permettent pas de se fonder sur leurs travaux pour établir la

b. Une redéfinition du paysage géopolitique :

chronologie précise de l'occupation du site. Tout au plus est-il possible de savoir si le site possède tel ou tel type de céramique

Une redéfinition du paysage géopolitique à cette période reposait sur la disparition des citésétats en place et de la présence égyptienne. Ce préalable était nécessaire au développement de

peinte pour des périodes précises. En particulier de la céramique importée pour le Bronze Récent et de la céramique philistine monochrome et bichrome pour le Fer I. 725

161

Singer 1993 : 135

CHAPITRE 4. LE PEUPLEMENT DE LA SHEPHELA

XIIème et au XIème siècles, ces hautes collines demeurent une région encore périphérique et peu prospère économiquement, au regard de ce qu'offre la plaine côtière. Ainsi, chacune des régions du sud de la Palestine développe des particularismes. Ce nouvel âge est en fin de compte déterminé par une profonde régionalisation des processus sociopolitiques.

en dehors du monde levantin, en particulier dans le monde égéen, comme cela a pu être suggéré726. Un rapprochement avec l'organisation territoriale de la plaine côtière du Néguev durant le Bronze Récent peut sembler plus pertinent, bien qu'il demeure hypothétique. Cette région est au Bronze Récent II la plus urbanisée de la Palestine, et ne reproduit pas le système classique des cités-états. Son organisation repose sur des centres urbains relativement importants possédant un arrière-pays villageois réduit. Pour expliquer le dynamisme urbain dans cette région, Bunimovitz avance avec raison727 que le renouveau urbain repose pour beaucoup sur l'arrêt du contrôle égyptien ainsi que sur l'adaptabilité culturelle de la société cananéenne.

c. Un nouvel âge ? La perception du territoire politique en terme de cités-états n'a à l'époque du Fer IB plus de signification : un tel système a vécu. Son incapacité à se maintenir au Fer IB tient à son isolement géographique et démographique et surtout à la faiblesse du pouvoir politique de chaque cité, alors que sont en train de naître des puissances régionales, qui par la suite, pour certaines, auront des visées nationales. Le départ de la présence égyptienne rend la Shéphéla d'autant plus vulnérable politiquement. Le dynamisme démographique ou commercial de certaines régions offre à l'évidence l'exemple d'une situation sans rapport avec celle qui prévalait au Bronze Récent. Les différentes régions étudiées affichent chacune au Fer I des dynamismes distincts. La carte de répartition des sites du Fer IB permet-elle au final de caractériser le sud de la Palestine de cette période comme la première phase d'un nouvel âge ? Cette zone est en quelque sorte le creuset de différents processus, qui iront en s'accentuant pour certains, disparaîtront pour d'autres. Cette période voit la coexistence de plusieurs systèmes de gestion du territoire. Aucune nouvelle répartition des sites ou nouvelle organisation du territoire ne ressort suffisamment distinctement pour permettre de caractériser ce "nouvel âge" selon un critère unique. La Philistie traverse une phase économique, politique et culturelle prospère qui dure l'ensemble du Fer IB, soit jusqu'à la fin du XIème siècle. La Shéphéla, en relation commerciale avec la Philistie, profite globalement d'un dynamisme qu'elle n'a pas su créer. Les monts de Judée commencent une lente évolution qui les mène vers le IXème siècles à l'avènement de la monarchie israélite. Mais au 726

Dothan 1995 ; Stager 1995

727

Bunimovitz 1998 : 108

162

morpho-fonctionnelles et de leur utilisation. En d'autres termes, comment s'expriment ces répercutions socio-politiques dans la culture matérielle : sous la forme de ruptures, de continuités, d'évolutions ou de nouveautés ? Toute réponse à ces questions dépend de la nature des groupes humains concernés. Nous considérons que la population de la Shéphéla à la fin du second millénaire ne connaît pas de variations majeures, c'est-à-dire qu'elle conserve sa base culturelle cananéenne. On peut envisager dès lors qu'une population n'ayant pas fondamentalement variée dans son peuplement, connaisse des besoins et donc des demandes céramiques identiques d'une période à l'autre. Les pratiques sont-elles alors toutes héritées des traditions céramiques antérieures et locales ? De réels changements sont cependant survenus et la réponse à ces besoins nouveaux débouche sur des pratiques nouvelles. La perception du Fer I repose bien souvent sur une opposition un peu simpliste par rapport aux caractéristiques du Bronze Récent II. Le Fer I se définirait en partie par l'apparition de nouvelles catégories céramiques. Un problème considérable revient à s'interroger sur la raison de l'apparition de ces nouvelles catégories, en l'occurrence de la poterie Mycénienne IIIC:1b puis de la céramique bichrome philistine. Leur développement répond à des besoins et des motivations distincts sur lesquels nous serons amenés à revenir. La présence, au Bronze Récent II, d'un système de cités-états, de céramiques importées et d'un matériel local dans une tradition cananéenne est censé permettre de caractériser le Fer I sur la base d'une opposition logique voire évidente. A l'inverse, l'absence d'importations, en dehors du système des cités-états et l'abandon partiel ou complet des traditions céramiques cananéennes avec son remplacement par des catégories nouvelles, suffiraient à indiquer que l'on se trouve dans le Fer I. Cette approche, bien qu'ici simplifiée, reste parfois implicitement utilisée pour définir ces deux périodes. Un tel raisonnement n'est certes pas entièrement faux, mais se révèle en revanche tout à fait insuffisant pour caractériser le Fer I. Le problème demeure ainsi lié à la question suivante : La transition, phénomène essentiellement sociopolitique et les transformations qui l'accompagnent, s'inscrivent-elles matériellement dans la production céramique ?

TROISIEME PARTIE ÉTUDE DE LA CULTURE MATERIELLE EN PALESTINE MERIDIONALE A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE

CHAPITRE V - LES ASSEMBLAGES CERAMIQUES DE LA FIN DU SECOND MILLENAIRE EN PALESTINE A. Sphère matérielle

socio-politique

et

culture

Replacer le matériel céramique dans la sphère des transformations politiques ou historiques n'est pas chose aisée. La céramique reste un support matériel évoluant lentement, d'une génération à l'autre et réagissant moins aux événements historiques subits qu'aux changements de plus ample durée, qu'ils soient culturels ou relevant de l'ordre des mentalités. L'une des problématiques essentielles de cette transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer concerne pourtant la sphère politique qu'il s'agit de percevoir, entre autres, au travers de ses éventuelles influences sur la culture matérielle et en particulier la céramique. La société dans son ensemble connaît, durant le Bronze Récent II, des problèmes sociaux internes considérables qui mettent aux prises, entre autres, le monde urbain et son élite face au monde rural, le premier devant répondre aux demandes d'une puissance égyptienne à l'emprise parfois lourde. La sphère sociale voit également se développer une lutte profonde entre les mondes sédentaire et non sédentaire, qu'ils soient nomades ou opposés aux cités-états avec les Hapiru. On imagine sans peine que ces changements considérables, qui vont ébranler durablement la société, ont des effets sur une autre sphère, celle des modes de production céramique, et notamment sur les assemblages. Il faut alors se demander si ces transformations politiques et économiques engendrent des changements directs des catégories

B. Les assemblages de poterie publiés L'étude de la céramique du sud de la Palestine pour cette période repose sur quelques sites clés, moins nombreux qu'on ne l'imagine, surtout pour qui attend du matériel céramique publié qu'il soit issu de fouilles récentes et donc

163

CHAPITRE 5. LA CULTURE MATERIELLE CERAMIQUE

stratigraphiquement fiable. En effet le sud de la Palestine a fait l'objet de recherches particulièrement importantes au début du XXème siècle sur des sites comme Tel Safit, Tel Azekah, Tel Goded, puis plus avant dans le siècle, dans les années 1920-1930 avec Tel Bet-Shemesh et Tell Beit Mirsim en particulier. Mais si ces fouilles peuvent apporter, dans le meilleur de cas, quelques renseignements sur les phases d'occupation, il serait illusoire de vouloir en tirer des informations pertinentes sur les aspects chrono-typologiques des assemblages céramiques : seules les publications récentes sont à même de supporter des comparaisons entre matériels stratigraphiés. Ces dernières se limitent pour le Bronze Récent II aux sites de Gezer, Tell Beit Mirsim, Khirbet Rabud, Tel Masos et aux tombes de Tel Eitun. La poterie de Tel Lachish n'a été que très partiellement publiée. On constate que seuls deux sites parmi ceux mentionnés se situent effectivement en Shéphéla : Gezer et Tell Beit Mirsim. Les autres se placent dans les régions limitrophes et proposent des assemblages surtout durant la fin du Bronze Récent IIB, à Tel Ashdod ou Tel Masos. Pour le Fer I, aux même établissements s'ajoute Tel Qasile sur la côte. Mentionnons l'existence de sites du sud de la Palestine, fouillés récemment mais dont la poterie n'a pas été encore extensivement publiée, comme Tel Miqne, Tel Batash, Ashkelon ou Tel Sera. Les informations que ces derniers sites détiennent apparaissent essentielles pour une bonne compréhension des phénomènes culturels se déroulant à la fin du IIème millénaire.

bénéficient les importations. L'étude de la céramique repose encore actuellement sur des critères d'appréciation stylistique, pour une poterie qui n'a manifestement développé cet aspect que dans une mesure limitée. La poterie locale ne présente qu'un intérêt réduit, pour un "historien d'art". La céramique du Bronze Récent demande au contraire une approche technologique et morphofonctionnelle précise autant que complète, afin de livrer des informations concernant son mode de production. Il est possible d'isoler au sein du matériel des invariants d'un assemblage à l'autre, permettant de caractériser cette céramique locale : - la couleur de la pâte (brun-rose/ rouge clair : 2.5 YR 6/6). - les dégraissants utilisés qui sont majoritairement de type minéral. - les traits saillants propres aux catégories typologiques. - la fixité des types avec une répartition constante au sein des assemblages. - des motifs puisant dans un répertoire traditionnel.

1.

UNE CERAMIQUE CANANEENNE

DE

TRADITION

Le répertoire céramique du Bronze Récent en Palestine s'intègre à la production globale de l'ensemble de la Palestine au cours du deuxième millénaire, caractérisée par un corpus typologique bien connu et relativement fixé. Ce répertoire constitue une expression matérielle propre à la culture cananéenne. L'existence de continuités durant ce millénaire ne saurait toutefois gommer la part prépondérante des spécificités du Bronze Récent. Ces dernières sont aussi bien technologiques, dans les techniques de montage principalement, que géographiques. Le répertoire du Bronze Récent n'a que peu à voir avec celui du Bronze Moyen, quoiqu'il en soit issu. Nous tenterons de préciser ces aspects en cherchant, sans systématisme cependant, les évolutions typologiques qui peuvent s'y rattacher. A ces changements temporels, faut-il en ajouter d'autres, géographiques ? Comment s'expriment dans les assemblages des sites de la Shéphéla, les spécifités régionales vis-à-vis des zones limitrophes ?

I- LE CORPUS CERAMIQUE DU BRONZE RECENT II

Les sites du sud de la Palestine proposent, durant le Bronze Récent II, deux grandes catégories de céramique. Un premier grand groupe est constitué d'une poterie locale, le plus souvent de qualité commune. Le second groupe comporte des poteries fines importées de provenances diverses, mais essentiellement des mondes chypriote et mycénien.

A. La céramique locale La céramique locale est majoritairement non peinte et comprend des formes relativement standardisées. S'y ajoute une céramique peinte, à la fréquence variable suivant les types, et utilisant des motifs caractéristiques. Une relation précise existe entre les catégories morphologiques et les types de traitement des surfaces. Le fait que la céramique domestique soit rarement peinte explique qu'elle ait fait l'objet d'une attention moindre que celle dont

a. La production de poteries dans le sud de la Palestine au Bronze Récent II : Un aspect peu abordé dans la littérature archéologique sur la poterie palestinienne concerne les lieux et le caractère de la production céramique. Peut-on caractériser le type de production et son

164

LE CORPUS CERAMIQUE DU BRONZE RECENT II

lieux de production, les quantités produites, donc le degré de standardisation et les capacités de distribution.

fonctionnement ? Il s'agit d'une étape préalable à toute étude des modalités de distribution de la poterie. On peut en effet s'interroger sur l'existence de productions différentes suivant des types céramiques : toutes les jarres d'un site sont-elles nécessairement réalisées sur place ? Quel lien unit un type précis avec des lieux de production spécialisés ? Faut-il simplement considérer que toute la production céramique en Palestine procède d'un type de production unique ? On envisage ainsi généralement que l'assemblage d'un site résulte d'une production limitée au site même. L'assemblage serait dans ce cas local au sens strict. La notion de céramique "locale" reste cependant trompeuse et englobe aussi bien une origine de production sur le site même, avec des sources d'approvisionnement en matériaux à proximité directe de ce dernier (argiles, dégraissants, voire combustibles dans le cadre de fouilles de structures de cuisson) qu'une origine plus lointaine mais restant limitée à un cadre régional. Cette différence est cruciale car elle peut aider à distinguer entre différents modes de production. Quel est alors le rôle et l'importance quantitative des types communs résultant d'échanges et provenant de sites proches ou simplement d'une région limitrophe ? Le terme d'importation est dans ce cas réservé pour des céramiques n'étant pas issues de Palestine. Aucune étude ne s'est réellement penchée sur ce problème. Les études pétrographiques se limitent souvent à déterminer ce qui résulte d'une importation. On retiendra toutefois l'intéressante étude menée par l'équipe de I. Finkelstein pour les jarres de Shiloh728. Il est possible de suggérer quelques hypothèses. L'une d'entre elles concerne la nécessité d'étudier le degré de standardisation des types céramiques. Il est généralement considéré que son augmentation reflète une intégration politique et économique729 plus importante. Des analyses pétrographiques de la céramique commune locale permettraient de répondre à certaines questions concernant les lieux de fabrication de certains groupes de poteries, les jarres par exemple.

1. Production domestique limitée 2. Production domestique artisanale / atelier de potier 3. Production villageoise spécialisée / ateliers de potiers spécialisés 4. Production industrielle à grande échelle. Le début d'une production standardisée s'opère à partir de la "production villageoise spécialisée". Les sources archéologiques permettent d'avancer que la Palestine connaît au cours du Bronze Récent II les trois premières catégories de production. Les fouilles apportent des informations sur les productions susceptibles de laisser des traces de quelque importance. Or il semble que seules les catégories 2 et 3 entrent dans ce cas. Les fouilles ont livré des lieux de production artisanale sur les sites de Hazor732 pour le Bronze Récent II, et de Lachish pour le Bronze Récent III, avec un atelier de potier733 particulièrement complet. Megiddo ou Sarepta fournissent pour le Bronze Récent des exemples d'une concentration d'ateliers de potiers dans ce qui s'apparente à un véritable quartier d'artisans spécialisés734. Les centres urbains principaux admettent aussi bien des ateliers de potiers qu'une production domestique limitée, fruit de besoins personnels. L'inverse n'est pas vrai et un village isolé ne peut atteindre de production spécialisée destinée à une distribution considérable. Concernant le Bronze Récent, jusque dans quelle mesure la production a-t-elle pu être locale, et a-telle indifféremment concerné l'ensemble des types de céramique ? Il faudrait pour répondre à ces questions obtenir des renseignements sur les modes de production non seulement d'après la fouille des lieux de fabrication, mais à partir de l'étude du produit fini. L'homogénéité des formes au Bronze Récent concerne certains types plutôt que d'autres. Cette variabilité est particulièrement visible pour les jarres ou les cruches. Les différents types ont donc fait l'objet de productions adaptées aux demandes locales comme régionales.

b. Les catégories de production et leur évolution :

L'évolution des demandes et de la production au cours de la période de transition apparaît évidente, logique même. Il s'agira d'en éclairer les modalités. A cet égard, la production céramique du Fer I en Philistie offre un objet de choix à l'étude.

Les différentes catégories utilisées reprennent celles proposées par Esse730 et Sinopoli731 à la suite de Sander van der Leeuw. Elles renseignent sur les

728

Glass, Goren, Bunimovitz, Finkelstein 1993 : 279-282

729

Esse 1989 a : 92

732

Wood 1990 : 34

730

Esse 1989 a ; Sinopoli 1991 : 90-103

733

Magrill, Middleton 1997

731

Sinopoli 1991 : 99-100

734

Wood 1990 : 38-41

165

CHAPITRE 5. LA CULTURE MATERIELLE CERAMIQUE

qualité, alliée à une meilleure cuisson. Les bols et les cratères offrent à cet égard des points de comparaison intéressants entre des catégories morpho-fonctionnelles proches mais aux qualités techniques différentes. Différentes argiles sont présentes en Palestine, on trouve en particulier la kaolinite, l'illite, la montmorillonite, la palygorskite et la sepiolite737. Selon Bullard qui a mené des recherches aux abords de Gezer, les argiles disponibles y possédaient une plasticité importante nécessitant des potiers qu'ils y ajoutent un dégraissant. L'utilisation d'un dégraissant organique se limite généralement à des catégories précises telles que les briques crues, les sarcophages, les fours ou plus couramment les anses de jarres738, pratique que l'on retrouve ordinairement sur l'ensemble des sites de cette période. L'étude récente d'un atelier de potier du niveau VI de Lachish739 fouillé dans les années 1930, éclaire ces différents problèmes liés aux sources des matériaux. Les analyses pétrographiques de tessons cuits et crus, montrent l'existence de deux pâtes différentes. La provenance de l'argile est identique dans les deux cas : du loess déposé par le vent à proximité du site740. La pâte se compose de fins grains de quartz associés à des fragments de calcaire pouvant atteindre 1 mm. Le deuxième type de pâte possède en plus des morceaux de coquillage jusqu'à 3 mm de large. Cette pâte particulière n'est associée qu'à la seule catégorie des marmites. Ce constat est valable également pour les marmites du Bronze Récent II de Tel Miqne741. Ajoutons un autre exemple avec l'étude pétrographique d'un matériel provenant d'une tombe du Fer I à Tell Eitun, apportant des données caractéristiques pour cette période742. Trois groupes de pâtes céramiques sont distingués : le premier, local, comporte comme matériaux non plastiques principaux, des morceaux de carbonate de calcium (CaCO3) issus de wadis proches, pouvant atteindre 2 mm, un peu de quartz peut également se trouver présent dans la pâte. Le deuxième groupe, localisé dans la plaine côtière, possède comme principal élément du quartz, de dimension entre 0,5 et 1 mm, de rares ajouts de carbonate de calcium pouvant y être effectués. Le troisième groupe, considéré comme un sous-groupe de la côte, est reconnaissable à une pâte rougemarron.

Une différence de première importance entre la céramique monochrome et bichrome philistine correspond aux quantités produites. Cette remarque, évidente en soi, a des implications considérables. Il s'agit là d'une production standardisée qui a été réalisée dans un cadre urbain. Cette production n'est pas simplement due à quelques potiers d'origine égéenne ou anatolienne fraîchement débarqués sur les côtes levantines, mais résulte bien d'une volonté d'intégrer une situation socio-économique nouvelle, avec ses besoins nouveaux. Comment ne pas voir dans l'importance des centres urbains en Philistie la condition préalable et nécessaire à la production standardisée de la céramique bichrome philistine ?

2. DES TRADITIONS TECHNIQUES a. Les sources et les types de matériaux : Les matériaux primordiaux entrant dans la fabrication des céramiques se composent tout d'abord de la pâte, qui lors de son extraction contient aussi bien de l'argile que des ingrédients non plastiques. Y sont généralement ajoutés d'autres éléments non plastiques appelés couramment dégraissants. Les matériaux liés à la cuisson n'entrent pas directement en compte dans la constitution de la poterie, bien qu'ils constituent une denrée essentielle dans le processus de fabrication au sens large. Le choix d'une argile n'est pas lié au seul critère de proximité du site, chaque argile possédant ses qualités plastiques propres. L'utilisation de plusieurs argiles est courante pour répondre à des besoins variés, suivant les catégories morpho-fonctionnelles recherchées : forme de la poterie ou bien pour différentes parties de la poterie, comme la base ou les anses735 des jarres. Les argiles employées varient également suivant la technique de montage utilisée. Une argile plutôt plastique sera en effet préférée pour des poteries destinées à être tournées, alors qu'une argile moins plastique ou maigre est habituellement gardée pour un montage au tour lent736. Le choix d'ajout de matériaux non plastiques constitue une réponse spécifique à des impératifs techniques mais aussi culturels. Un exemple classique est fourni au Bronze Récent II, comme pour d'autres périodes, par les marmites nécessitant une résistance à des cuissons répétées pour lesquelles l'ajout d'un dégraissant minéral souvent grossier permet une meilleur résistance aux chocs thermiques. D'autres types céramiques, qu'il s'agira d'isoler, proposent de manière plus ou moins systématique une argile de

737

Bullard 1970 : 106

738

Bullard 1970 : 106

739

Magrill, Middleton 1997

740

Magrill, Middleton 1997 : 68-70

735

Matson 1995 : 16

741

Killebrew 1998 a : 400 ; 1999

736

Franken 1992 : 149

742

Edelstein, Aurant 1993 : 24-25

166

LE CORPUS CERAMIQUE DU BRONZE RECENT II

Notons en définitive que l'éventail des possibilités se limite essentiellement, dans la Palestine de la fin du second millénaire, à l'ajout d'un dégraissant minéral : calcaire, cailloux broyés divers, graviers de wadi ou quartz. A cette large catégorie minérale s'ajoute l'emploi de morceaux de tessons broyés ou chamotte, ou parfois, mais rarement, d'un dégraissant végétal.

circonstanciés ? Cette production est-elle nécessairement limitée ? Le Fer I propose à ce titre une évolution, une transformation même, des modes de production, qui ne s'exprime pas dans les formes courantes, mais peut se lire dans les productions régionales, avec des catégories morpho-fonctionnelles différentes. Certains groupes socio-culturels du Fer I innovent, en ce sens qu'ils ne reproduisent pas à l'identique les procédés et techniques traditionnels, quoique leur démarcation vis-à-vis de ces derniers ne soit pas totale. L'importance de l'utilisation du tour tel qu'il apparaît également dans notre étude de la poterie, peut s'expliquer par deux raisons mettant en jeu des éléments de perception en partie biaisés. D'une part les fouilles mettent au jour des tessons pour lesquels il est difficile, au vu de leur taille réduite, de se prononcer sur la technique employée, et dans un tel cas, quelques lignes parallèles amènent à classer la poterie dans la catégorie tournée. D'autre part les études technologiques restent parfois cantonnées à des généralités, avec des catégories de techniques de montage se limitant à une distinction entre céramique tournée ou faite à la main, c'est à dire sans la prise en compte d'une pratique double avec un montage au colombin et une reprise au tour.

b. Le montage : Les modes de montage en Palestine au Bronze Récent : Etape essentielle dans la fabrication de vases, les techniques de montage en Palestine au Bronze Récent II demeurent souvent méconnues. On distingue pour ces périodes des modes de façonnages très classiques, concernant principalement l'usage du tour rapide, du tour lent, du colombin ou uniquement à la main. Le tour est toutefois la principale technique employée en Palestine. Il est par ailleurs communément admis qu'il existe une relation implicite entre un montage au tour omniprésent et la standardisation de formes dont les poteries font preuve à cette période. La technique du tour rapide fait cependant appel à des procédés n'ayant rien de commun avec ceux du tour lent. Franken précise que le type de tour employé est lié au type d'argile utilisé743.

Tour lent ou tour rapide ? Le tour rapide apparaît en Palestine au Bronze Moyen II745. Cette technique disparaît globalement au cours du Bronze Récent pour ne réapparaître qu'au Fer II. On constate durant le Bronze Récent un retour à l'utilisation du tour lent746. Selon A. Killebrew, l'emploi d'une argile moins plastique par les potiers du Bronze Récent rend nécessaire le tour lent après un montage au colombin ou simplement à la main747. Notons toutefois que la distinction entre les deux reste souvent difficile à effectuer. L'usage du tour peut se voir quand les parois des poteries sont assez larges pour qu'une force centrifuge s'y applique748. Toutefois les lignes parallèles présentes sur les poteries auxquelles on se réfère couramment pour confirmer l'utilisation du tour, peuvent offrir des marques équivalentes selon que le tour lent ou rapide a été employé. L'utilisation du tour rapide peut être déterminé au moyen d'analyses radiographiques. L'utilisation de cette méthode pour des poteries provenant de l'atelier de Lachish montre que l'ensemble des vases du Bronze Récent III a fait l'objet d'un tournage, et que seule la catégorie des marmites a été réalisée à

Problème d'identification : V. Roux744 a montré que l'un des principaux problèmes de la détermination du mode de façonnage concerne l'utilisation du tournage et du colombin, de manière séparée ou conjointe. Roux indique clairement l'ambiguité qui demeure dans l'usage de ces deux méthodes, nullement exclusives. Leur complémentarité s'effectue cependant à sens unique. La poterie peut être en effet dans un premier temps montée au colombin, ou par d'autres méthodes manuelles, puis une opération d'amincissement s'effectue au tour. L'autre cas implique un montage uniquement au tour. Cette ambiguïté des traces laissées par le tour lent sur l'ensemble des poteries est très courante pour les vases du Bronze Récent, les marques de colombin ayant pu disparaître lors de l'utilisation ultérieure d'autres techniques. Le mode de fabrication au tour reste à cette période l'expression d'une production relativement spécialisée, excluant ce qui est de l'ordre de l'initiative locale. La production domestique n'a-telle répondu qu'à des besoins précis et

745

Wood 1990 : 18

746

Franken 1992 : 149

743

Franken 1992 : 149

747

Killebrew 1998 : 399-400

744

Roux 1994

748

Franken 1992 : 151

167

CHAPITRE 5. LA CULTURE MATERIELLE CERAMIQUE

partir de l'aspect des éléments non plastiques contenus dans les tessons, et de leur degré variable de cuisson ou de fusion. La détermination du type de cuisson, oxydante ou réductrice, dépend de l'aspect des tranches des tessons ; quant au temps de cuisson, on pourrait tout au plus tenter de s'en approcher par une évaluation du mode de chauffe, à l'air libre ou dans un four. Il dépend cependant beaucoup de la température atteinte. Bref, de ces quatres éléments, bien peu distincts les uns des autres, seule la température pourrait éventuellement renseigner sur les techniques employées. Or O. Gosselain met en garde contre l'adéquation souvent effectuée entre des températures de cuisson élevées et un mode de cuisson au four754. On ne peut en effet établir de lien de causalité directe entre l'un et l'autre. De hautes températures, jusqu'à 900° C, n'impliquent nullement que les poteries aient été nécessairement cuites dans un four. Un feu ouvert, s'il induit une cuisson de durée plus courte et plus difficile à manier, n'empêche pas pour autant d'atteindre des températures importantes. La cuisson à feu ouvert755 connaît des températures de chauffe très rapides, de 20-30 minutes, pour une minute à la température maximale. Les températures se répartissent entre 500 et 900°, avec une concentration entre 600 et 800°. Pour un four756, le temps de chauffe est plus long, de l'ordre de quatre à cinq heures minimum757, avec de 30 à 60 minutes à la température maximale. L'écart des températures atteintes se place entre 600 et 1000°, avec une concentration entre 750 et 950°. Un four permet de gérer plus aisément le type de cuisson, selon que l'on désire qu'elle soit oxydante ou réductrice. Un feu ouvert nécessite pour obtenir ces résultats des pratiques spécifiques, telle celle de mettre les vases à l'air libre dès que la cuisson s'achève. On le voit, les deux modes de cuisson possèdent des températures qui se chevauchent entre 600 et 900°758. Un même vase peut faire l'objet de températures de cuisson variant jusqu'à 300° pour des parois différentes, jusqu'à 200° pour la paroi externe759. Vouloir déterminer la température de cuisson d'une poterie d'après un seul tesson relève en conséquence d'une méthode bien trop approximative pour pouvoir être suivie. L'œil nu ne saurait suffire à déterminer la température de

la main749. Il n'est cependant pas précisé si une distinction peut être faite entre les vases entièrement tournés et ceux montés à la main (main, colombin ou autres) et dont la finition s'opère au tour. En considérant les modes de montage dans la Palestine du Bronze Récent, il est important de garder à l'esprit que l'usage du tour lent n'est pas unique et que le tour rapide n'a pas forcément entièrement disparu. Il peut être utilisé pour des formes précises telles les flasques750, alors qu'il ne le sera pas pour les marmites ou les bols. Le passage de l'usage du tour rapide au tour lent entraîne un emploi de techniques mixtes où ce dernier joue un rôle essentiel. Rappelons également qu'un montage à la main n'induit nullement une céramique "dégénérée" ou une régression technologique. Franken le fait justement remarquer, en insistant sur le fait qu'une production standardisée induite par l'emploi du tour rapide et débouchant sur une production au tour lent ne constitue pas en soi la preuve d'une détérioration technique751. Il précise toutefois qu'à ce changement peuvent s'en ajouter d'autres, d'ordre réellement qualitatif tels que le traitement des surfaces ou l'usage de dégraissants plus grossiers, c'est-à-dire autant éléments résultant d'une baisse dans le soin apporté à la réalisation des poteries.

c. La cuisson : La cuisson reste une étape délicate à interpréter. Plusieurs éléments indépendants doivent être pris en compte : le mode et le type de cuisson, la température et le temps de cuisson. Le mode de cuisson comporte deux grands groupes, les foyers à l'air libre et les fours. La première catégorie comprend également des structures aménagées telle une fosse creusée mais dont la cuisson se fait à l'air libre. On distingue deux groupes de fours, suivant qu'ils possèdent ou non une sole. Au Bronze Récent, les structures de chauffe les plus courantes sont des fours construits. Les exemples ne manquent pas, Hazor, Deir el-Balah, dans le nord Sinaï752. Pour le Fer I, des fours ont été exhumés à Tel Miqne753 et peut-être à Tel Yarmouth. Il existe en revanche peu de zones de cuissons à l'air libre retrouvées pour le Bronze Récent. Concernant le mode de cuisson, on considère qu'il peut être déduit de la température de chauffe maximale atteinte, elle-même décelable à

754

Gosselain 1992

Magrill, Middleton 1997 : 70, 73

755

Tite 1995 : 39

750

Killebrew, comm. pers., novembre 1998

756

Tite 1995 : 39

751

Franken 1992 : 151

757

Gosselain 1992 : 246

752

Killebrew 1996

758

Gosselain 1992 : 257

753

Killebrew 1996

759

Gosselain 1992 : 256

749

168

LE CORPUS CERAMIQUE DU BRONZE RECENT II

poteries chypriotes et mycéniennes. Mais au sein de ces deux productions, existent des expressions variées, constituées de nombreux types différents. On retiendra trois grands groupes, les plus courants à cette période : les importations White-Slip II et Base-Ring II d'origine chypriote et la céramique Mycénienne IIIB. Au-delà de l'attrait esthétique qu'elles ont exercé sur les populations de ces époques, elles ont fonctionné pour les archéologues comme des marqueurs chronologiques relativement précis et fiables, et de plus, aisément reconnaissables. Toutes ces importations, mises à part les imitations locales de ces céramiques, se distinguent facilement de la céramique locale par leur forme, pâte et qualité, sans commune mesure avec les productions cananéennes. Les importations des mondes chypriote et mycénien atteignent au cours du Bronze Récent II tout particulièrement, une ampleur considérable. Le marché levantin a constitué un débouché sûr et constant à ces céramiques fines, recherchées pour leur qualité esthétique intrinsèque. Les centres producteurs se sont efforcés de répondre à une demande relativement invariable. Les formes exportées évoluent relativement peu au cours du Bronze Récent. On note en revanche que le répertoire céramique chypriote destiné à un usage local diffère de celui destiné à l'exportation. Pour ce dernier domaine, les formes sont réduites à un nombre limité et standardisé. La production, qu'elle soit chypriote ou mycénienne, apparaît comme très adaptée à un marché bien connu763. Mais jusque dans quelle mesure ces productions, en offrant une céramique de qualité, disponible en quantité, ontelles entraîné une baisse qualitative de la céramique locale cananéenne ?

cuisson subie par une poterie. Le facteur temps joue donc un rôle aussi déterminant que la température. Des recherches récentes menées par Nissenbaum et Killebrew760 et portant sur l'analyse des isotopes de carbone et d'oxygène, permettent selon eux d'obtenir des estimations plus fiables pour les températures de cuisson. La méthode demande toutefois des expérimentations nouvelles pour faire la preuve de son efficacité.

3. DES TRADITIONS STYLISTIQUES : On distingue deux grands types de traitements de surfaces pour la fin du Bronze Récent : l'engobe et les décors peints. Les incisions et les décors appliqués, pratiques courantes au Bronze Moyen, disparaissent du répertoire céramique au Bronze Récent. L'engobe, le plus souvent de couleur beige-clair, recouvre des parties distinctes de poteries. La pose d'un engobe concerne la majorité des céramiques sauf, en de rares cas, les marmites, les cruchettes et les lampes. Elle correspond à une méthode relativement courante pour donner à la poterie un caractère plus soigné que celui d'origine de la seule argile cuite. Ce point possède son importance, car la céramique palestinienne du Bronze Récent est souvent considérée comme appauvrie. La variabilité morphologique considérée par Wood comme dégénérative par nature761 pourrait être étendue aux domaines technique et stylistique. L'engobe doit alors être perçu comme une volonté réelle de distinguer, au sein de types morphologiquement identiques, une poterie plutôt fine, tout au moins dans son aspect. La céramique peinte offre pour sa part des motifs relativement standardisés, s'inscrivant dans le répertoire traditionnel cananéen. Deux grands types de motifs se retrouvent régulièrement sur les poteries. Le palmier et les ibex forment l'essentiel des décors, souvent associés à des triglyphes et des métopes. Ces quatre éléments constituent la base du répertoire stylistique peint recontré sur les céramiques au Bronze Récent II. Les catégories stylistiques Bichrome et Chocolate-on-White ne couvrent que le Bronze Récent I et le début du Bronze Récent II762. On ne distingue pas au Bronze Récent IIB de catégories assimilables à ces dernières, dans la qualité ou la spécificité des styles.

1. LES IMPORTATIONS CHYPRIOTES Parmi les nombreuses catégories identifiées764 au sein de la production chypriote, seules les deux groupes les plus fréquents en Palestine sont abordées ici.

a. White-Slip II : Cette céramique est faite à la main, elle possède un engobe clair, blanc-gris, associé à une peinture marron foncé ou noire765. La forme la plus répandue au Levant correspond à un bol hémisphérique à anses ogivales, également appelé "bol à lait" ou milk-bowl. La forme générale de la

B. La céramique importée : La grande majorité des céramiques importées au Bronze Récent II en Palestine se limite aux 760

Nissenbaum, Killebrew 1995

763

Gittlen 1981 : 55

761

Wood 1990 : 87

764

Amiran 1970 : 173

762

Amiran 1970 : 152-160

765

Courtois 1971 : 134

169

CHAPITRE 5. LA CULTURE MATERIELLE CERAMIQUE

la céramique cananéenne, est issu d'une production locale, utilisant des sources d'argile proches. La production de cette poterie égyptisante peut en revanche être liée à la présence d'habitants originaires d'Egypte. Une situation assez similaire prévaut à Bet-Shean. Parmi les formes égyptiennes certaines sont importées d'Egypte mais la plupart sont réalisées localement selon des techniques de montage identiques à celles usitées en Egypte771. Des analyses pétrographiques montrent que ces céramiques, ainsi que les formes locales, suivant les ateliers, utilisent une même argile. Comme pour Deir el-Balah ces potiers ont pu être égyptiens.

poterie et les motifs peints recouvrant l'extérieur de ces bols évoluent peu. Cette catégorie existe au Bronze Récent I mais sa véritable et pleine expansion en Palestine date du Bronze Récent II766. On constate toutefois une évolution dans le sens d'une simplification de l'application du décor au cours du Bronze Récent767.

b. Base-Ring II: Cette céramique réalisée également à la main, se caractérise par la finesse de ses parois ainsi que par une couleur gris-noir et une sonorité métallique dues à une haute cuisson768. La forme la plus courante en Palestine se résume à de petites cruches à la base en anneau propre à cette catégorie de poterie. Le commerce dont elles ont fait l'objet, semble avoir surtout concerné leur contenu. Gittlen s'oppose à l'hypothèse de leur fonction de récipient à opium769.

4. AUTRES IMPORTATIONS : Les bouteilles syriennes correspondent à une catégorie précise dont la forme et le traitement extérieur rouge lustré sont caractéristiques du type red-lustrous bottle. Leur production s'effectue dans le domaine syrien, ce qui leur confère un caractère de céramique non locale et la nécessité d'un commerce à relativement longue distance pour les acheminer jusque dans le sud de la Palestine.

2. LES IMPORTATIONS MYCENIENNES a. Poterie Mycénienne III B : Cette poterie de qualité très fine est faite au tour. La pâte, lavée avec soin, est constituée d'un dégraissant très fin. Les décors peints se composent de cercles concentriques ou de scènes composées. Les formes présentes en Palestine, à la différence des importations chypriotes, s'avèrent plus nombreuses, cratère, vase à étrier, gourde, etc. Cette catégorie se développe surtout au Bronze Récent IIB.

3. LES IMPORTATIONS EGYPTIENNES : La Palestine du Bronze Récent connaît cette situation paradoxale, à savoir que la présence égyptienne n'entraîne pas ou peu celle de céramiques importées d'Egypte. Ces dernières se trouvent être relativement rares, à la différence d'autres catégories de matériel tels les scarabées, ou bien de certaines influences architecturales et pratiques culturelles comme les dépôts de fondation. La céramique exhumée à Deir el-Balah propose un assemblage dont près de 80% se rattache au style égyptien. Son étude montre toutefois que l'ensemble du matériel, que ce soit celui considéré comme égyptien770, égyptisant, ou 766

Amiran 1970 : 172

767

Aström 1972 : 447-456, fig. 52-55

768

Courtois 1971 : 130, 176

769

Gittlen 1981 : 55

770

Goldberg, Gould, Killebrew, Yellin 1986 : 343

771

170

Cohen-Weinberger 1998 : 406-412

LE CORPUS CERAMIQUE DU FER I

d'une manière si tranchée. Les céramiques fines du XIIIème siècle ont pu continuer à être utilisées en bien des lieux durant le début du XIIème siècle. Une réévalution chronologique de la période passe donc par une prise en compte de ce phénomène. La présence de quelques céramiques importées ne constitue pas une preuve certaine de datation au XIIIème siècle. Il faudrait quantifier les céramiques importées au cours du XIIIème et au tout début du XIIème siècle. Une chute quantitative de ces dernières, certaine au cours de la période, n'équivaut pas à une disparition totale.

II- LE CORPUS CERAMIQUE DU FER I La caractérisation des poteries du Fer I n'est pas sans poser de problèmes. L'un d'eux, et non des moindres, concerne leur appellation. Il n'est plus possible de distinguer entre des groupes locaux et d'autres non locaux. Comment nommer dès lors des répertoires de poteries qui sont tous de fabrication locale ? La dénomination habituelle repose sur une distinction entre groupes ethniques. Plutôt que de reprendre une qualification des assemblages céramiques au travers de populations caractérisées sur le plan ethnique, il semble préférable d'aborder la production céramique selon un découpage géographique. Pour le sud de la Palestine, on peut isoler des productions issues de Philistie, de Shéphéla et des monts de Judée. Ce découpage est bien plus fonctionnel que "réel", il ne saurait en effet y avoir trois assemblages céramiques distincts et autonomes en Palestine au Fer I. Des particularismes régionaux existent, mais les variations isolables concernent des fréquences de type et non des poteries intrinsèquement différentes. Les assemblages exhumés en Shéphéla se distinguent ainsi de ceux des monts de Judée, par la différente fréquence de certaines catégories morpho-fonctionnelles, à la base identiques dans les deux régions. Perçoit-on une évolution séparée ou bien parallèle, entre les types céramiques de la poterie locale de Shéphéla et ceux des monts de Judée ? Doit-on considérer que l'on se trouve face à deux zones géographiques et culturelles distinctes ?

B. Une poterie de tradition cananéenne dans les monts de Judée : la poterie "proto-israélite" Telle qu'elle a pu être définie par le passé, la céramique "israélite" ne possède pas de caractéristiques propres, à savoir non partagée dans d'autres zones. Elle ne se distingue ni par ses formes ni par sa technologie de la poterie locale cananéenne, pour la simple raison qu'elle s'y rattache par sa typologie comme par son mode de fabrication. Il est cependant possible de qualifier la céramique exhumée dans les hautes collines selon des critères distincts. Elle se caractérise par un nombre très restreint de catégories morphofonctionnelles, deux essentiellement : pour le stockage, les jarres et les pithoi et pour la cuisson, les marmites. Il serait pourtant faux de croire que ces deux types représentent, comme on a souvent tendance à le dire de manière schématique, les seules catégories disponibles. Les fouilles de Giloh772 dans les monts de Judée attestent également de la présence de bols (8,9%), cratères (0,5%), cruches et cruchettes (11,8%). La majorité des formes y est effectivement représentée par les pithoi (33,7%), jarres (16,6%) puis les marmites (26,6%), soit 76,9% du matériel total. Tous ces types se situent dans la continuité des formes cananéennes du Bronze Récent IIB. Ces assemblages aux formes limitées se rencontrent plus généralement dans les établissements des XIIème-XIème siècles, situés géographiquement dans le domaine des hautes collines de Palestine : la Judée et la Samarie.

A. Une poterie de tradition cananéenne en Shéphéla Cette vaste catégorie regroupe un matériel se caractérisant en premier lieu par de fortes continuités entre le Bronze Récent II et le Fer I. La continuité des traditions cananéennes caractérise fortement le matériel de tradition locale durant le Fer I. Des évolutions se produisent cependant, les plus notables concernant la typologie. Les changements socio-politiques et culturels touchant la Shéphéla au cours du XIIème siècle affectent également les modes de fabrication. L'ensemble des types connaît pourtant des évolutions notables qu'il sera nécessaire de replacer dans un cadre élargi afin de distinguer les aspects dus à une évolution typologique normale des divers types au cours du second millénaire, de ceux liés aux changements propres au Fer I. La définition de la fin du Bronze Récent par l'arrêt des importations pose un problème réel dans le cadre de l'étude de la céramique. Si ce constat n'est pas entièrement faux, il ne se produit pas

C. La production céramique en Philistie de tradition non cananéenne Avant tout, il est nécessaire de noter les mérites, partagés et particuliers, des céramiques présentes

772

171

Mazar 1981

CHAPITRE 5. LA CULTURE MATERIELLE CERAMIQUE

Cette poterie présente des caratéristiques précises. Pour l'aspect technologique, l'analyse pétrographique de poteries Mycénienne IIIC:1b réalisée par A. Killebrew, révèle l'arrêt de l'emploi d'une argile provenant des wadis, naturellement riche en quartz, correspondant à une pratique du Bronze Récent. Pour cette nouvelle catégorie céramique, l'argile a pu être composée à partir d'un mélange de marne et de loess. Lui était ajoutée une quantité importante de calcite broyé, lui donnant un aspect pâle rappelant la céramique Mycénienne778. Pour le montage de cette céramique, l'une des principales distinctions avec la poterie cananéenne se marque dans l'usage du tour rapide. Concernant les décors, ils sont constitués de traits parallèles, de spirales ainsi que d'autres motifs fortement inspirés par la tradition égéenne. Les études menées pour la détermination des températures de cuisson donnent des résultats ambigus779 : soit la poterie a été cuite à des températures basses, moins de c. 600°, soit hautes, à plus de 850°. La cuisson, souvent réductrice pour les céramiques du Bronze Récent, apparaît comme oxydante pour la catégorie étudiée. Tous ces éléments : le choix de l'argile, les dégraissants utilisés, le montage, les températures de cuisson, vont dans une même direction, difficile à contester, d'un mode de fabrication réellement nouveau pour la Palestine du XIIème siècle, sur bien des points non comparable avec les techniques de production locales cananéennes. Rappelons cependant que ces caractéristiques se limitent, jusqu'à plus ample étude, à une partie seulement du matériel de Tel Miqne, pour le Fer IA. L'un des principaux arguments en faveur de la fabrication de la céramique monochrome philistine par des potiers non cananéens repose sur la comparaison avec la céramique cananéenne du Bronze Récent II ou du Bronze Récent III. Il apparaît d'une manière évidente que les potiers locaux ne sont pas à même de pouvoir réaliser une céramique d'une telle qualité. Prenons, à l'appui de cet argument, l'exemple des imitations locales des céramiques chypriotes ou mycéniennes réalisées au Bronze Récent II. Nous avons affaire à des céramiques pauvrement imitées, dont la qualité n'est pas comparable avec celle des originaux chypriotes, pourtant réalisés à la main. Nous sommes en présence de deux traditions céramiques nécessitant des savoirs et des compétences techniques différentes. Manifestement cette maîtrise n'est pas possédée par les potiers palestiniens du Bronze Récent II, pas plus qu'au Fer I.

sur les sites du Fer I en Philistie, soit la plaine côtière du sud de la Palestine. L'ensemble des grands sites "philistins" ne propose pas de répertoire céramique strictement monochrome ou bichrome. Les poteries s'inscrivant directement dans les traditions cananéennes sont certes en nombre réduit, mais elles existent. Elles rappellent ainsi, on tend parfois à l'oublier, que la production céramique du Fer I en Philistie ne saurait se limiter à une seule catégorie de poterie, trop facilement assimilable à un groupe humain précis. Deux catégories de poterie, à la base de l'identification matérielle comme "ethnique" des Philistins, sont présentées. Constater leur présence équivaut à accepter, sur ces sites de la plaine côtière, la marque du Fer I.

1.

LA

CERAMIQUE MONOCHROME PHILISTINE OU MYCENIENNE IIIC : 1B OU WHITE PAINTED WHEELMADE III La poterie Mycénienne IIIC:1b, appartenant à la catégorie plus étendue White painted whell-made III, correspond à un groupe céramique qui apparaît durant la première moitié du XIIème siècle dans un vaste domaine géographique, à Chypre, Rhodes, sur la côte occidentale de l'Anatolie773 et en SyriePalestine, sur des sites côtiers. Sa principale caractéristique en Palestine est d'être une production locale. Les analyses archéométriques, en particulier pétrographiques, réalisées à Ashdod montrent que la poterie est bien issue d'une fabrication locale774. Ses formes et ses motifs la rattachent à une tradition chypriote et égéenne775. A Tel Miqne, où une étude récente, stratigraphique et technologique de cette poterie, vient d'être menée, l'apparition de la céramique Mycénienne IIIC:1b comprend notamment des bols et des cratères en forme de cloche, des cruches-marmites ou cruches pour la cuisson (cooking-jugs) et quelques formes fermées comme des cruches, des bouteilles ou des cruches à étrier776. Ces formes constituent un choix limité parmi l'assemblage beaucoup plus vaste existant dans le monde égéen777. On y constate l'absence de contenants de grande capacité. Cette dernière fonction est en effet remplie sur le site par des types locaux, comme les jarres cananéennes. D'autres types existent, ils se placent dans le répertoire des formes locales, on y trouve des flasques, des marmites et des lampes. 773

Killebrew 1998 b : 166

774

Asaro, Perlman 1973 : 223-224

775

Killebrew 1998 a : 393

776

Killebrew 1998 a : 385

778

Killebrew 1998 a : 400

777

Killebrew 1998 a : 397

779

Killebrew 1998 a : 401

172

LE CORPUS CERAMIQUE DU FER I

rapidement apportées et accumulées par différentes études. La production de la céramique monochrome philistine s'effectue bien en Philistie. Il a été admis qu'il en était de même pour la céramique bichrome. L'emploi du terme de céramique "locale" pour qualifier cette dernière fait-il donc référence à une réalité propre au site, ou bien n'est-elle qu'une appellation commune pour signifier une "localisation" propre à la Palestine ? ll s'agira d'éclairer ce problème. La céramique bichrome se distingue de la céramique de tradition cananéenne par des caractéristiques bien définies. T. Dothan rattache cette poterie aux Philistins sur une triple base typologique, stratigraphique et géographique785. Il y a, au travers de cette démarche, une évidente volonté d'effectuer une liaison entre un groupe occupant un espace géographique et un assemblage céramique défini. On aborde ici le problème du caractère "ethnique" du groupe, point ultérieurement traité. Pour l'instant, nous désirons simplement aborder l'aspect céramologique de la poterie bichrome philistine. L'usage de cette dénomination de notre part ne fait référence à aucune notion ethnique précise, mais bien davantage à une catégorie de céramique identifiable par des critères reconnus. Parmi ces derniers, quatre points précis doivent être isolés. Mais seuls deux d'entre eux, la technologie et la typologie, s'avèrent nécessaires à l'identification de cette poterie : une technique de fabrication propre et des types morphologiques particuliers. Le décor reste un élément facultatif, puisque toutes les céramiques bichromes n'en sont pas systématiquement pourvues.

2. LA CERAMIQUE BICHROME PHILISTINE Chronologiquement, la céramique bichrome apparaît dans la seconde moitié du XIIème siècle, vers le dernier tiers, voire même, selon I. Finkelstein780, au début du XIème siècle. Elle connaît une phase initiale correspondant au début du Fer IB, puis évolue en perdant de ses traits distinctifs. On considère que ce phénomène reflète l'assimilation culturelle des potiers et la disparition de leurs pratiques spécifiques. Ce processus d'assimilation est toutefois mis en doute par les recherches récentes de Stone781 qui y voit plutôt un phénomène d'acculturation des Philistins occupant la Philistie. Cette seconde phase date du Fer IB durant le XIème siècle. Cette catégorie disparaît vers la fin du XIème siècle, au profit de la céramique à engobe rouge lustré ou red-slip burnished, de production locale et connaissant une diffusion de plus en plus large. On constate toutefois que dès le XIIème siècle, on rencontre au sein des assemblages de sites du sud de la Palestine ces deux catégories de céramique : bichrome philistine et à engobe rouge lustré, non exclusives entre elles. Mazar insiste sur la présence de la céramique rouge lustré à Tel Qasile dès le niveau XII, datant de la fin du XIIème siècle782. Le remplacement de l'une par l'autre s'effectue de manière graduelle et il semble qu'il s'opère dès le XIème siècle. Comme la céramique Mycénienne IIIC:1b, la poterie bichrome philistine est de fabrication locale. Une mise au point concernant cette notion de "fabrication locale" pour ces poteries est nécessaire car elle pourrait induire en erreur. Le lieu de fabrication exprime une localisation en Palestine mais il semble, quoique les études manquent sur ce point, que la Philistie et peut-être même des centres précis en cette région, tel Ashkelon, soient à la source de cette production. Certaines poteries appartenant à la catégorie bichrome ont été réalisées en dehors de la Philistie, en des centres urbains comme Gezer. Des analyses par activation neutronique sur des tessons de catégories locales et bichrome du Fer I, montrent que la production s'avère dans les deux cas identique et locale783. Les recherches pétrographiques, pour le Fer I, ont porté le plus souvent sur la céramique Mycénienne IIIC:1b, pour laquelle il s'agissait de s'assurer de sa production locale et non d'une provenance chypriote ou mycénienne784. Ces preuves ont été

a. La technologie : La pâte de la céramique de couleur beige-jaune comporte souvent un dégraissant constitué de sable. L'ensemble des poteries bichrome propose une céramique de qualité plutôt fine ou fine que ne posséde pas, c'est du domaine de l'évidence à cette époque, le répertoire local cananéen. Le dégraissant utilisé se différencie de celui de la poterie Mycénienne IIIC:1b. On note un retour à des pratiques traditionnelles locales avec une argile associée à un dégraissant pouvant provenir des wadis786, pratique, rappelons-le, qui tend à caractériser la production cananéenne.

780

Finkelstein 1995 c ; 1998 : 145

781

Stone 1995

782

Mazar 1998 : 368

783

Hughes, Smith 1986 : 274

785

Dothan 1982 : 94

784

Asaro, Perlman 1973

786

Killebrew 1998 a : 400

173

CHAPITRE 5. LA CULTURE MATERIELLE CERAMIQUE

évolution naturelle, teintée d'influences locales et non locales. En définitive, la céramique bichrome ne peut être considérée comme le fruit d'une entité, ethnique ou culturelle, unique. Seule peut-être, sa technique de fabrication permet de l'isoler en tant que groupe matériel relativement clos. On possède là une catégorie céramique certes bien caractérisable mais qui n'en demeure pas moins le produit d'influences morphologiques, stylistiques et culturelles diverses. Une caractéristique importante de la céramique bichrome concerne sa production. Sa diffusion, par le commerce principalement, reflête une production conséquente. Rappelons que cette catégorie céramique ne dépasse pas 5% des assemblages exhumés sur un site comme Gezer ou Tel Yarmouth792. Or il n'a pas été tiré toutes les conséquences de cette évidence. La poterie bichrome a fait l'objet d'un commerce florissant dans un contexte socio-économique très particulier, mais privilégié puisque lié au dynamisme de la Philistie au Fer I. Cela signifie que dès la fin du XIIème, ou le tout début du XIème siècle, c'est-àdire au sein d'une période considérée comme troublée et instable sur le plan socio-politique, - un véritable "âge sombre" comme on se plaît parfois à l'imaginer -, une région développe une production standardisée à même de répondre à la demande de l'ensemble de la Palestine. La production dans son mode de distribution, dans l'usage qui en est fait, renoue clairement avec la tradition des importations du Bronze Récent. La céramique bichrome remplace les importations du XIIIème siècle, selon un schéma, semble-t-il, étonnamment conforme à l'ancien, et ce, après une interruption de moins d'un siècle. Là encore, il s'agit d'un domaine devant être investi par notre recherche afin de lui faire bénéficier d'un éclairage particulier. La raison d'être de la poterie bichrome philistine exprime-t-elle un seul souci économique, le désir de répondre à une demande commerciale ? Quelle est par ailleurs sa dimension politique, sociale ou culturelle ? Les rôles et les fonctions des deux groupes céramiques demeurent de ce point de vue mal connus et particulièrement mal appréciés. La céramique Mycénienne IIIC:1b reste une expression culturelle locale. Elle n'a pas, dans l'état actuel de notre connaissance sur sa répartition, fait l'objet de commerce. Rappelons prudemment que seuls deux sites fouillés ont livré cette poterie en abondance : Ashdod et Tel Miqne. Ashkelon et Tel Safit devraient en posséder également en quantité, mais on ne peut l'affirmer catégoriquement pour l'instant, ni caractériser stratigraphiquement les

b. La typologie : Des études globales787 ou plus précises788 de cette céramique expliquent la bonne connaissance morphologique et stylistique acquise. Des typologies détaillées ont en effet été effectuées. Parmi les six grands groupes distingués par T. Dothan, comprenant dix-huit types différents, seuls cinq groupes concernent directement notre propos789 : Groupe 1 à 8 : prototypes mycéniens Groupe 9 à 11 : prototypes chypriotes Groupe 12 : prototypes égyptiens Groupe 13 à 16 : prototypes dérivés de la poterie locale cananéenne Groupe 17 et 18 : prototypes de la dernière phase philistine datant de la fin du Fer I. Ces groupes comprennent des catégories morpho-fonctionnelles très distinctes, qu'il ne serait pas approprié de détailler ici. On distingue des bols, des cratères, des cruches de dimensions et de type variés avec des cruches à étrier, à bec verseur, etc, ainsi que des cruchettes, des pyxides, des bouteilles cylindriques principalement790.

c. Un répertoire stylistique aux influences complexes : Les décors peints, s'ils permettent une reconnaissance immédiate de la céramique bichrome, n'en demeurent pas moins le résultat d'une évolution où se mêlent des interactions multiples. L'unité du répertoire stylistique, en tant que groupe de motifs propres à une catégorie céramique précise, encore valable pour la céramique monochrome, disparait pour la bichrome. Il peut arriver qu'un même vase concentre sur ses différentes parties des influences stylistiques, mais également morphologiques diverses avec, par exemple, une cruche de forme égyptienne, des motifs égéens et une panse de forme cananéenne791.

d. Une continuité directe avec la céramique monochrome : Bien qu'elle se distingue de la poterie Mycénienne IIIC:1b, la céramique bichrome se place de manière évidente dans la continuité de cette dernière, tant dans les domaines technologique que typologique ou stylistique. Elle en constitue une 787

Dothan 1982

788

Mazar 1985 a

789

Dothan 1982 : 96

790

Mazar 1985 : 87-105

791

Dothan 1982 : 185 , 189

792

174

Dever et al. 1986 : 87

LE CORPUS CERAMIQUE DU FER I

modalités de son apparition sur ces sites, que l'on considère comme devant être identiques pour ces quatre sites. Tel Haroer a livré quelques tessons isolés de cette catégorie. Une telle découverte surprend et demeure mal expliquée. Il est possible d'y ajouter deux autres sites du sud de la Palestine : Tell el-Hesi et une tombe à Tel Eitun. Ces deux derniers sites auraient chacun livré un bol à paroi sinueuse de type Mycénien793. Pour Tell el-Hesi la découverte est ancienne puisque effectuée par Petrie à la fin du XIXème siècle. Aucune analyse précise n'a porté sur ces deux bols. Pour la tombe de Tell Eitun, le bol provient d'un contexte daté du XIIIème siècle, il est donc possible qu'il se rattache simplement à la catégorie Mycénienne IIIC. Statuer sur la répartition de cette catégorie est délicat. Seuls les cinq grands sites philistins sont censés avoir produit et utilisé de la céramique Mycénienne IIIC:1b. Le schéma habituel est ici quelque peu bousculé. On se rend ainsi compte que les modalités de la production de la céramique monochrome et en particulier de son utilisation restent mal cernées. Une nouvelle compréhension du rôle de cette poterie est peut-être sur le point d'émerger avec la découverte hors des limites de la Philistie de cette céramique. Il n'est en tout cas pas impossible qu'elle ait fait l'objet d'une diffusion, certes restreinte, hors des frontières de la plaine côtière philistine.

793

Bunimovitz et Zimhoni 1993 : 111-112

175

importants a de quoi surprendre, d'autant qu'elle concerne aussi bien les villages étendus, où une telle absence peut être considérée comme normale, que les cités-états, où le fait s'explique moins aisément. La compréhension d'un tel phénomène nécessite la prise en compte des divers facteurs sociopolitiques de l'époque. Une telle situation est en effet assez paradoxale, car à l'évidence, la période du Bronze Récent II voit des troubles mettant aux prises les cités-états entre elles ou avec les Hapiru. Il s'agit d'un climat politiquement trouble et instable, mais sans que pour autant, les guerres et les conquêtes de vaste échelle soient courantes. Deux hypothèses ont été proposées pour expliquer cette absence de fortifications. La première considère que la mainmise égyptienne doit être tenue pour responsable de cette situation. Une interdiction visant à empêcher les "roitelets" locaux d'entourer leurs établissements d'une muraille les rend plus vulnérables, les incitant par là-même à ne pas se révolter contre la présence égyptienne. La seconde hypothèse repose sur les manques en ressources humaines des villes de Palestine794. Les cités-états auraient contrôlé une population numériquement trop faible pour lui faire construire des installations "publiques" dont la muraille est d'une ampleur autrement plus importante qu'un palais. On le constate, ces deux hypothèses ne sont pas exclusives. Il est toutefois important d'évoquer quelques points de méthode. Tout d'abord aucun systématisme ne doit être affiché. L'absence de fortifications ne saurait constituer une règle parmi les sites du Bronze Récent II. Des contre-exemples existent en effet. Ensuite, bien que les hypothèses précédentes puissent se justifier, rien n'indique que les établissements n'aient pu contourner l'interdiction et l'on note que certains d'entre eux présentent une ceinture de bâtiments entourant l'établissement comme s'il s'agissait d'un rempart. La présence égyptienne a certainement joué un rôle modérateur dans les attitudes belliqueuses des cités-états entre elles. Quant à la menace que représentent les Hapiru, quoique bien réelle, elle reste moins dangereuse qu'une armée en campagne, quant aux destructions qu'éventuellement occasionnées. L'étude préalable des sites a en effet permis de montrer que les couches de destructions dans les niveaux du Bronze Récent restent limitées à certains sites. Ceux-ci semblent de ce point de vue avoir été davantage sujet à des destructions que d'autres. Rappelons qu'à Tel Batash de tels indices de violences se retrouvent dans chacun des niveaux du Bronze Récent.

CHAPITRE VI - LA CULTURE MATERIELLE (NON CERAMIQUE) AU BRONZE RECENT II ET AU FER I Le présent chapitre sur la culture matérielle non céramique regroupe deux grands domaines. Le premier englobe les multiples pratiques architecturales, qu'elles concernent les diverses formes de construction usitées dans le monde des vivants (fortifications, temples, palais ou demeures plus humbles) ou dans celui des morts avec les pratiques architecturales liées aux coutumes funéraires. Le second domaine concerne les métallurgies du bronze et du fer. La maîtrise de la métallurgie du fer constitue en effet un thème important pour cette phase de transition. Ce chapitre ne prétend pas effectuer une présentation exhaustive de ces domaines variés, ni répondre à l'ensemble des problèmes qu'ils posent - et ils sont nombreux. Il s'agit plus simplement de présenter de façon synthétique ces données et surtout d'isoler les éléments à même d'intéresser et d'alimenter notre recherche. Seront donc mis en avant, dans ces expressions matérielles non céramiques, les facteurs permettant d'éclairer la compréhension de la transition du Bronze Récent II au Fer I. Nous étudierons en particulier les continuités et les ruptures au sein de ces divers domaines.

I- L'ARCHITECTURE A. L'architecture publique Quelques questions simples représenteront autant de jalons auxquels il faudra confronter les données afin d'éclairer les processus de la transition entre les deux âges. Il importe tout d'abord de replacer les éléments ayant trait aux divers domaines de la construction dans le cadre des pratiques architecturales du second millénaire. Quelle est la place au Bronze Récent des innovations réalisées au Bronze Moyen ? Quelle est l'importance des nouveautés au Bronze Récent II ? Les techniques et choix du Bronze Récent ou du Fer I, s'intègrent-ils aux traditions, architecturales ou culturelles existantes ?

1. LES FORTIFICATIONS

Il faut replacer les fortifications au sein des pratiques défensives du second millénaire.

Les fouilles d'établissement du Bronze Récent II n'ont révélé qu'un faible nombre de sites fortifiés. Cette relative absence de remparts autour des sites

794

176

Bunimovitz 1994 b

L'ARCHITECTURE

Rappelons que les établissements du Bronze Moyen s'entourent le plus souvent de fortifications de dimensions impressionnantes, qu'il s'agisse de levées de terre ou de remparts proprement dits. Dans un cas comme dans l'autre et quelle qu'ait été leur fonction, ces éléments atteignent une telle ampleur qu'ils en sont devenus l'un des traits caractéristiques des établissements de cette période. La situation au Bronze Récent présente dans ce domaine peu de similitudes. L'abandon des murailles de la période précédente est courante, alors que leur aspect massif les rendait parfaitement aptes, par un entretien régulier, à jouer le rôle de remparts à moindre coût. La pratique d'une continuité d'utilisation de fortifications du Bronze Moyen au Bronze Récent se retrouve pourtant rarement, et des sites comme Hazor ou Shechem font figure de cas à part795. Le Bronze Récent voit donc non seulement l'abandon des structures existantes mais également un faible nombre de constructions de murailles nouvelles. L'inutilité d'un rempart peut constituer l'une des raisons de l'absence d'entretien des anciennes structures, comme l'impossibilité des villes à effectuer des constructions longues et coûteuses peut en représenter une autre. La caractérisation des murailles du Bronze Récent s'exprime ainsi moins par la continuité des modes de construction que par une rupture marquée vis-à-vis du Bronze Moyen, avec une quasi-disparition des fortifications du paysage architectural des villes. Le "réflexe défensif" qu'a pu représenter le rempart au Bronze Moyen a donc en partie disparu au Bronze Récent.

b. Typologie des fortifications au Bronze Récent II - III Les divers types de fortifications se distinguent par une classification simple, reposant sur les trois formes de constructions défensives qui coexistent en Palestine au Bronze Récent II. Les fortifications indépendantes : • Ashdod - niveau XIV (Bronze Récent II) • Gaza - (Bronze Récent I et II ?) • Tell Jemme - (Bronze Récent IIB) • Tell el-Far'ah (sud) - (Bronze Récent I et II ?) • Khirbet Rabud - (Bronze Récent I et II ?) L'enceinte indépendante reste le mode de défense le plus courant au Bronze Récent. Il est directement hérité de pratiques du Bronze Moyen. Il s'agit de fortifications reposant sur le système classique d'une muraille associée à des portes également fortifiées. Généralement construite en pierres sèches, la muraille peut l'être également en brique crue. Ce type d'enceinte se trouve dans la plupart des cas sur des sites d'une certaine importance politique. Concernant le site de Gezer, la présence de fortifications repose sur des preuves insuffisantes pour que leur existence au Bronze Récent soit acceptée. Nombre d'autres sites, en revanche, présentent des indices matériels plus concrets permettant d'envisager pour ces derniers un système de défense cohérent et planifié. Dans le sud de la Palestine, on constate qu'un nombre de sites non négligeable possédait un rempart : Ashdod au niveau XIV daté du XIIIème siècle, Khirbet Rabud dans les monts de Judée et d'autres établissements parmi les principaux de la plaine côtière du nord Néguev comme Gaza, Tell Jemme ou Tell el-Far'ah (sud), et peut être Ashkelon. Ashdod a livré un rempart en brique durant la dernière phase du Bronze Récent II798. Pour Khirbet Rabud, M. Kochavi interprète un mur de large épaisseur comme étant une muraille ceinturant le site du Bronze Récent799. Si la fouille n'a dégagé ce mur que sur une surface limitée, il est néanmoins possible que l'importance et l'isolement de l'établissement puissent expliquer une structure défensive à cette période. A Tell Jemme, une enceinte en brique crue d'au moins trois mètres d'épaisseur entoure le site au cours du XIIIème siècle800. On note qu'une résidence de gouverneur a été dégagée pour le même niveau et qu'elle perdure au XIIème siècle. Tell el-Far'ah (sud), posséderait également une

a. Les portes des villes L'existence de portes fortifiées, second élément défensif caractéristique du Bronze Moyen ne disparaît pas totalement de la scène urbaine. Les portes du Bronze Récent ont pour la plupart été construites au Bronze Moyen796 (Hazor, Megiddo, Shechem) (voir planche n°52) connaissant une continuité d'utilisation comme à Tell el Far'ah (sud)797. L'aspect des portes de villes est bien défini au Bronze Récent, avec les fameuses "portes en tenaille" dont la tradition remonte au Bronze Moyen. Il s'agit d'un élément architectural caractéristique des cités fortifiées du second millénaire. Cet élément perdurera pendant de nombreux siècles encore puisqu'on le retrouve au cours du Fer II. L'évolution dont les portes font preuve au cours du Bronze Récent est donc très réduite. 795

Mazar 1992 : 136, 138

798

Dothan M. 1993 a : 96

796

Kempinski 1992 : 136

799

Kochavi 1974 : 10

797

Yisraeli 1993 : 441

800

van Beek 1974 : 275 ; 1977 : 174

177

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

enceinte durant le Bronze Récent II801. Comme pour Tel Jemme, une résidence de gouverneur était présente à cette même période. Concernant Gaza, il paraît vraisemblable pour A. Kempinski que cette place centrale dans le contrôle de la Palestine par l'Egypte au Bronze Récent ait été fortifiée durant l'ensemble de cette période802.

satellites en bordure de territoire, plus exposés que d'autres aux conflits divers, étaient-ils plus enclins à se ceinturer d'une manière plus ou moins efficace, sans pour autant aller à l'encontre des interdictions du pouvoir égyptien. L'existence d'un mode de défense "alternatif" reste le meilleur moyen pour comprendre ces constructions.

Les murs extérieurs des maisons formant une protection continue : • Tel Batash - niveau VII, VI (BR II) • Tell Beit Mirsim - (BR)

Les forts et forteresses : • Haruvit - (BR) • Deir el-Balah - (BR IIB) • Tel Mor - (BR IIB - BR III) • Jaffa - (BR IIB, BR III ?) • Bet-Shan ? (BR IIB) Voir planche n°53.

On ne peut parler d'enceinte fortifiée pour ces constructions. Le système mis en place offre une protection réelle, mais son mode de construction ne s'apparente pas à celui d'un véritable rempart. Il s'agit d'une ligne défensive formée par les murs extérieurs des maisons situées sur le pourtour du site. Seuls des sites de taille moyenne proposent, semble-t-il, ce type de défense. Les exemples, il est vrai, restent encore rares en dehors de deux cas bien identifiés dans le sud de la Palestine à Tel Batash et à Tell Beit Mirsim. Peut-être ne s'agit-il que de cas isolés. A Tel Batash, le niveau VII et peut-être VI dans le chantier B, est marqué par l'établissement d'un mur continu constitué des parois extérieures des bâtiments, de plus grande épaisseur803. Les passages entre les maisons peuvent éventuellement être bouchés, on note par ailleurs qu'aucune porte n'a été retrouvée lors des fouilles804. Ces murs périphériques sont établis sur la levée de terre du Bronze Moyen, qui devait encore jouer à cette période un rôle non négligeable, en présentant au moins l'aspect d'un talus défensif. A Tell Beit Mirsim, une muraille d'une épaisseur de près de 2,5 mètres sur une longueur limitée, est associée aux murs extérieurs des maisons. La capacité défensive était certes réduite mais suffisante pour offrir au site un semblant de muraille805. Qu'un site isolé dans les monts de Judée possède une fortification semble signifier qu'il s'agit d'une nécessité face à des dangers locaux potentiels ou réels, plutôt que d'une volonté de faire face au siège d'une armée aguerrie. Comment comprendre ces constructions ? Leur fonction défensive ne peut induire en erreur, mais il est possible qu'elle reste liée à la situation géopolitique de ces établissements. Ainsi les sites

Les lettres d'El-Amarna permettent une connaissance de la gestion administrative et politique de la Palestine par l'Egypte. La présence militaire de la puissance conquérante est parfois évoquée par l'existence de garnisons dans certaines cités du pays, comme Bet-Shan ou Jérusalem. Mais dans l'ensemble, les données historiques livrent peu d'informations sur cet aspect. Les fouilles ont en revanche exhumé des éléments matériels qui abondent dans ce sens, donnant une image précise du mode de fonctionnement de la présence militaire égyptienne. On constate par ailleurs que l'ensemble de l'architecture défensive palestinienne a profité des méthodes et influences issues d'Egypte. On retrouvera ces influences au Fer I dans des modes de construction, qui par la suite connaîtront un large développement. Le pouvoir égyptien ne s'en est pas tenu à une interdiction pure et simple pour tout site de construire des murailles. Dans les cas nécessaires, la puissance égyptienne s'est en effet chargée de fortifier certains établissements. Cette pratique répond à des besoins circonstanciés, concerne des sites précis et s'est effectuée selon des règles définies. Il s'agit de forts ou forteresses situés sur la Via Marris. Les premiers établissements défendus de cette manière remontent au Bronze Moyen806. On n'a pas affaire à des villes fortifiées mais bien à des établissements de petite taille pouvant se limiter à la forteresse, ou en tout cas centrés autour de celle-ci. Le fort comporte en ses murs une garnison sous le contrôle direct égyptien qui assure sa force militaire. Son autonomie politique et militaire semble importante. On peut envisager pour ces établissements une position les plaçant sous la dépendance directe de Gaza, de laquelle les ordres leur parvenaient. Leur mode de subsistance a pu en

801

Yisraeli 1993 : 441

802

Kempinski 1992 a : 138

803

Mazar, Kelm 1985 : 54

804

Mazar 1997 : 252

806

805

Albright 1993 : 179

pl. XLVIII ; Kempinski 1974 : 148-149

178

Mazar 1992 : 140. Pour le cas de Tell el Ajjul : Petrie 1932 : 2-5 :

L'ARCHITECTURE

c. Les fortifications au Fer I

revanche reposer sur le tribut versé par les cité-états cananéennes. On possède ici un système au fonctionnement original, bien que "classique" pour toute force occupante, dont les besoins quotidiens sont assurés par la population locale. Les troupes en garnison ne devaient pas avoir à subvenir à leur besoins par elles-mêmes. Les forts de la fin du Bronze Récent sont connus à travers plusieurs exemples, avec des édifices défensifs à Haruvit dans le nord du Sinaï807, à Deir el-Balah pour le début-milieu du XIIIème siècle808, à Tel Mor durant les XIII-XIIème siècles809, à Jaffa au Bronze Récent II810 et peut-être au Bronze Récent III, et enfin éventuellement à Bet-Shan avec un fort dans le niveau VII, au XIIIème siècle811 (voir planche n°53). Ces bâtiments n'ont pas tous été édifiés et occupés en même temps, on constate toutefois que le XIIIème siècle et dans une moindre mesure le début du XIIème siècle, représente la grande période de construction de ces forteresses. Une corrélation évidente se manifeste ainsi à la fin du Bronze Récent II : la construction de structures défensives est étroitement liée à la présence égyptienne. Les différentes situations géopolitiques des sites induisent des fortifications aux fonctions distinctes, mais la présence égyptienne reste le moteur principal d'édification de fortifications. La distinction principale à effectuer entre les modes de défense concerne le type de fortification et sa durée d'utilisation. Les grands sites possédant un rempart sur une période de plusieurs siècles ne peuvent être envisagés sur un même plan que les forteresses établies par le pouvoir égyptien, répondant à des besoins politiques et commerciaux souvent durant la seule XIXème dynastie, au XIIIème siècle. Pour conclure on observe ainsi deux expressions défensives bien distinctes, avec d'une part de rares remparts construits autour de sites selon un schéma fortement ancré dans une tradition cananéenne, et d'autre part des forts édifiés selon une tradition égyptienne et répondant à des préoccupations précises. Quant à la pratique des murs extérieurs de maisons servant de "rempart", elle reste isolée, mais participe néanmoins à une meilleure compréhension de la manière dont des sites d'importance politique moindre ont répondu à la nécessité de se protéger.

807

Oren 1992 : 141

808

Dothan T. 1993 a

809

Dothan M. 1993 b

810

Kaplan, Ritter Kaplan 1993 : 656

811

Rowe 1930 : 21, fig. 2 ; Higginbotham 2000 : 284-286

Les fortifications exhumées durant le Fer I restent peu nombreuses et en ce sens, elles dénotent peu par rapport à la période précédente. Mais si la construction d'enceinte reste globalement une pratique rare, certaine zones présentent un dynamisme dans le domaine de la réalisation de remparts. On rencontre communément deux cas de figure, selon qu'il s'agit d'une continuité d'utilisation des remparts datant du Bronze Récent, ou de constructions nouvelles sur des sites ayant pu en posséder à la période précédente. Au cours du XIIème siècle, les cités fortifiées au Bronze Récent II placées dans des zones encore sous contrôle égyptien offrent une continuité d'utilisation de leurs remparts. La plaine côtière du nord Néguev est principalement concernée par cette situation. Quant à la Shéphéla, les importantes transformations du contexte socio-politique, à la suite de la disparition du pouvoir égyptien vers la fin du XIIème siècle, ne semblent pas entraîner de modifications profondes dans les pratiques de défense, mais peut-être les établissements n'ont-ils pas connu au XIIème siècle de phase de prospérité économique ou démographique leur permettant de construire des remparts. L'absence de fortifications au cours du Bronze Récent sur ces sites demeure la norme au Fer I. On peut toutefois imaginer que l'absence de pouvoir centralisé, celui des cités-états, ou même de la présence égyptienne, n'ait pas accru la sécurité du territoire. La continuité d'utilisation des remparts : Dans la plaine côtière du nord Néguev, les deux établissements anciennement défendus, Tell Jemme et Tell el-Far'ah, continuent à s'abriter derrière le même système de défense. La continuité d'utilisation de certaines structures urbaines telles les fortifications ou les résidences de gouverneur sur ces deux sites, couvrent, semble-t-il, l'ensemble du XIIème siècle. Des fortifications nouvelles en Philistie : • Tel Ashdod - (Fer IB) • Tel Miqne - niveau VII - VI - V (Fer IA - IB) • Tel Batash - niveau V (Fer IB) Tel Miqne offre un bon exemple de cette nouvelle dynamique de construction en Philistie. L'installation des Peuples de la Mer y voit l'augmentation de la population comme l'agrandissement du site, qui s'entoure alors d'une vaste muraille en briques crues de 3,25 mètres d'épaisseur couvrant tout le site, au moins à partir du niveau VI. Cette muraille resterait édifiée jusque

179

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

vers la fin du Fer I812. Ashdod propose un cas assez similaire. La présence philistine mène à l'édification d'un nouveau rempart au niveau XII s'établissant précisément sur les ruines de celui du Bronze Récent II813, du niveau XIV. Cette construction s'opère durant la phase de la céramique bichrome philistine et non dès l'installation des Peuples de la Mer sur le site, comme cela semble être le cas à Miqne. Ces deux sites, les seuls centres urbains de Philistie fouillés et suffisamment connus pour cette période, possèdent des caractéristiques communes, tant dans la planification urbaine que dans l'édification d'imposants remparts. On serait tenté de généraliser en avançant qu'une muraille entourait certainement chacun des cinq grands établissements de Philistie. Cette possibilité, quoique réelle, demande à être confirmée par les fouilles déjà avancées à Ashkelon et celles, encore à leurs débuts, à Tel Safit. Pour l'instant, Ashdod et Tel Miqne font figure d'exception parmi les établissements fortifiés au Fer I dans le sud de la Palestine. Ashkelon a toutefois certainement profité d'une fortification au cours du Fer I. Tel Batash au niveau V présente dans le chantier C des traces évidences d'enceinte. S'y ajoute une structure qui, pour A. Mazar, pourrait être un rempart accolé à une tour rectangulaire814. Le site possèderait dans ce cas une muraille d'une toute autre nature que celle du Bronze Récent. Tel Batash est certainement sous le contrôle politique direct de Tel Miqne donc en territoire philistin, à partir de la fin du XIIème siècle. Son importance reste secondaire mais sa situation géopolitique, avec la persistance d'un statut de cité frontière, permet d'expliquer la construction d'une telle fortification.

défense et d'observation comme à Giloh820.

2. LES TEMPLES Les temples du Bronze Récent livrent un riche mais difficile domaine d'étude, qu'il est nécessaire de détailler afin d'isoler les multiples influences s'y exprimant. Les temples forment une entité architecturale relativement courante au Bronze Récent et un nombre non négligeable d'entre eux ont été exhumés pour le Bronze Récent et le Fer I : Hazor, Megiddo, Bet-Shan, Tel Mevorakh, Lachish, Amman821, auxquels s'ajoutent ceux de Tell Kitan, Tell Deir Alla, Tell el-Far'ah (nord), Shechem, Timna822 ou bien Jérusalem823. Coogan définit l'usage cultuel d'un lieu au Bronze Récent en Palestine selon quatre critères824. Le premier concerne l'isolement dont le bâtiment fait souvent l'objet, qu'il se trouve dans un établissement urbain ou qu'il soit éloigné de tout site. Le deuxième critère repose sur la présence de matériaux exotiques parmi le matériel exhumé dans l'espace cultuel. Un troisième critère indique que les lieux d'implantation des temples témoignent souvent d'une continuité d'occupation. Selon Coogan, il s'agit d'un facteur indiquant la nature particulière du lieu. Un dernier critère repose sur les parallèles pouvant être effectués avec d'autres plans de temples ou d'autres objets cultuels. On constate d'ailleurs que la nature cultuelle d'un bâtiment ne pose généralement pas de problème majeur quant à son interprétation. G.H.R. Wright fait toutefois remarquer825 que le plan des temples en Palestine ne permet pas d'identifier les divinités auxquelles ils étaient dédiés. Pour cela, seules les traces matérielles présentes à l'intérieur du bâtiment peuvent livrer des informations. Les temples proposent souvent un plan avec des éléments architecturaux bien définis. Il est en revanche difficile de savoir si ces différences sont liées à des pratiques issues de populations aux croyances variées, adorant des divinités distinctes. A la différence des palais généralement uniques sur un site, il n'en va pas de même pour les temples du Bronze Récent : un établissement urbain peut en posséder plusieurs. Quatre sanctuaires fonctionnent en même temps à Hazor826 et deux à Lachish. Les temples du Bronze Récent II se distinguent

La construction de murs d'enceinte dans les monts de Judée : Certains sites des monts de Judée présentent des enceintes, en particulier Giloh815 avec un large mur d'une épaisseur d'1,90 mètre. Il s'agit toutefois plus d'un double mur qu'à proprement parler d'un mur à casemate816. Une tour du Fer I a également été mise au jour sur ce même site817. C'est en revanche surtout à partir du Fer II que cette pratique de défense se développera, au moyen de rempart à Tell el-Ful818 ou Gibeon819, mais également de tours de 812

Dothan T. 1998 : 152

813

Dothan M. 1993a : 97

820

Mazar 1990 b : 96-101

814

Mazar 1997 : 254

821

Mazar 1990 : 248

815

Mazar 1981 : 12-17

822

Stern 1984 : 31

816

Mazar 1981 : 14

823

Barkaï 1996

817

Mazar 1990 b : 79-84

824

Coogan 1987 : 2-3

818

Lapp 1993 : 446-447

825

819

Pritchard 1964 : 39 ; 1993 : 513

826

180

Wright 1985 : 245 Stern 1984 : 31

L'ARCHITECTURE

également des palais par des fondations remontant au Bronze Moyen II, comme pour Hazor ou Megiddo827. De longues périodes d'utilisation caractérisent donc les temples du Bronze Récent.

• Hazor - temples des chantiers A et H (BR II)835 Ces temples sont ceux dont le plan est le plus solidement ancré dans la tradition cananéenne. Ce type de temple n'apparaît pourtant en Palestine qu'à partir de la fin du Bronze Moyen et possède une origine nord syrienne, nord mésopotamienne. A. Mazar les fait entrer dans une tradition architecturale remontant au IIIème millénaire836. Leur plan est ainsi relativement fixé, évoluant peu durant le Bronze Récent. Ces bâtiments cultuels offrent une grande continuité d'occupation durant le Bronze Récent, puisqu'ils sont généralement établis à l'emplacement de leurs antécédents du Bronze Moyen, ce qui ne les empêche pas de faire l'objet de transformations intérieures et d'aménagements nombreux. Ces temples s'organisent selon un plan bien défini avec un porche précédant une salle principale donnant sur une pièce plus petite faisant office de cella. Cette symétrie axiale est scrupuleusement respectée, la divinité se trouvant ainsi précisément dans l'axe de l'entrée.

a. Typologie des temples E. Stern opère une classification des lieux cultuels selon huit groupes828, là où A. Mazar se limite à six829. Nous reprendrons cette dernière typologie. Voir planche n°54. 1. Les lieux de culte ouverts : • Hazor - chantier F (BR II) • Le "site du taureau" ou Bull Site - (BR II) Selon A. Mazar, Hazor830 fournit le seul exemple de ce type de lieu pour le Bronze Récent. Situé dans le chantier F, il date des XIVème et XIIIème siècles. Des pierres dressées ou masseboth et un autel sacrificiel organisent l'espace de rassemblement. Gezer avec le "haut lieu" au Bronze Moyen831 fournit de ce point de vue un bon exemple d'endroit de culte aménagé en aire ouverte. Ce type d'espace sacré peut se trouver aussi bien au centre d'un établissement urbain que dans un endroit isolé, et servir, selon toute probabilité, de lieu de culte et de rassemblement à des populations nomades d'un territoire donné. Le "site du taureau" du Bronze Récent II en Samarie s'apparente à cette catégorie832. Les lieux ouverts conçus pour la pratique de culte existent en Palestine durant l'ensemble du second millénaire. Ils sont peu nombreux et on ne saurait pour cette raison les assimiler systématiquement à des populations ethniquement ou socialement marquées, telles que des nomades. Il apparaît en revanche qu'un lieu comme celui du "site du taureau" est bien destiné à ce type de population. La période d'utilisation du site semble toutefois avoir été assez réduite, limitée au seul début du XIIème siècle. On serait pourtant tenté de rapprocher ces lieux, de croyances et pratiques perdurant sur plusieurs siècles.

3. Les temples avec une cella surélevée : • Bet-Shan - temple des niveaux VII et VI (BR II-III) • Lachish - temple du niveau VI (BR III) La distinction architecturale avec une cella surélevée qu'opère A. Mazar pour ce type de temple est judicieuse. Leur plan pourrait en effet par certains aspects s'apparenter au type précédent, dont ils constitueraient une simple variante. Il est cependant justifié de faire ressortir leurs spécificités plutôt que de les gommer au profit d'une classification plus générale. Ne sont concernés par ce groupe que deux temples exhumés à Bet-Shan et à Lachish. Ils offrent une certaine symétrie dans leur plan, mais les parallèles s'arrêtent là. La cella est précédée par un hall ou une cour, décalée par rapport à l'axe des deux espaces principaux. Dans la cella se trouvent deux colonnes avec des chapiteaux comportant un décor égyptien. Les colonnes ne sauraient constituer en soi un critère particulier, car elles se retrouvent couramment dans nombre d'autres temples. La principale distinction repose toutefois sur la cella qui présente la caractéristique d'être intégré à un espace architectural distinct, accessible depuis la pièce centrale par plusieurs marches. Les temples de Bet-Shan, des niveaux VII et VI, présentent un plan quasi identique, auxquels étaient associés des éléments architecturaux

2. Les temples à plan symétrique : • Shechem - temple 2a (BR II), 2b (BR II - Fer IA)833 • Megiddo - temple 2048 (BR- Fer I)834 827

Mazar 1992 : 170 ; Dever 1987 : 231

828

Stern 1984 : 32

829

Mazar 1992 : 169-183

830

Yadin et al. 1960 : 160 ; Yadin 1972 : 100-101 ; Mazar 1992 : 169

831

Mazar 1992 : 162

834

Loud 1948 : 103-105

832

Mazar 1982

835

Yadin 1972 : 102-104, 83-95

833

Campbell 1993 : 1352

836

Mazar 1992 : 164, 169

181

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

regroupe des temples au plan plus complexe avec une pièce centrale et des pièces attenantes ou accolées (Lachish avec le temple du fossé845, BetShan niveau V avec le temple sud846). Les "temples du fossé", I à III à Lachish, sont ceux faisant preuve de la plus longue séquence chronologique. Leur847 construction s'effectue au Bronze Récent I et s'achève par une destruction totale à la fin du XIIIème siècle, mettant un terme au cycle de transformations dont le bâtiment fait l'objet au cours de cette période de plusieurs siècles. Le temple de Tel Mevorakh présente des caractéristiques intéressantes, en particulier son lieu d'installation ainsi que son utilisation. Il se place le long d'une route longeant la côte au sud de Tel Dor et se trouve éloigné de tout établissement. Son rôle semble avoir été celui d'un "sanctuaire de route"848 tel que E. Stern l'envisage. Sa période d'utilisation s'étend sur l'ensemble du Bronze Récent, depuis le milieu du XVIème jusqu'au début du XIIème siècle849. Il est par ailleurs possible de le rapprocher du site de Tel Sippor, si l'on envisage pour ce dernier l'éventualité d'une activité cultuelle. Les deux sites proposeraient alors des sanctuaires isolés et situés le long de route. On posséderait là des exemples de lieux de culte, au plan peut-être différent, mais à la fonction, semble-t-il, assez similaire. Les autres temples connaissent une édification plus tardive, au XIIIème siècle (Tel Sippor850 ?), au cours du XIIème siècle (Tell Abu Hawam ?, Jaffa ?). Les autres le seront au XIème siècle (Bet-Shan niveau V, Tel Qasile XI et X : voir planches n° 55.2-3 et n°56). Le temple nord du niveau V à Bet-Shan, daté du XIème siècle, a livré une stèle égyptienne851 dédiée à la divinité cananéenne Anat852. Pour le temple sud de Bet-Shan, au plan sans parallèle, il est en revanche difficile de préciser l'organisation de l'espace intérieur. Quant à Tell Abu Hawam et Jaffa, ils présentent des bâtiments dont la nature cultuelle n'est pas assurée.

égyptiens837. Le temple du niveau VI de Lachish, situé sur la partie haute du site838, partage également les caractéristiques précitées. Lachish et Bet-Shan durant les XIIIème et XIIème siècles, correspondant aux XIXème-XXème dynasties, voient la construction de temples aux caractéristiques communes : périodes d'édification et d'utilisation, similitude de plan, présence d'éléments architecturaux suffisamment rares pour devoir être notés, tels les chapiteaux égyptiens. Ces deux temples, semble-t-il, doivent être mis en relation avec la forte présence égyptienne sur ces deux sites. La nature du culte rendu dans ces temples était sans aucun doute cananéenne, quoique certains des éléments isolés témoignent de l'influence égyptienne dans le domaine de l'architecture. 4. Les temples à plan irrégulier : • Lachish - temples du fossé (BR I - II) • Tel Mevorakh - temple (BR I - II) • Bet-Shan - temple du niveau IX (BR IIA)839 - temple nord et temple sud du niveau V (Fer IB)840 • Tel Sippor - sanctuaire ? (BR II - Fer I) • Tel Qasile - temples des niveaux XI et X (Fer IB) • Tell Abu Hawam - bâtiment 30 ? (Fer I) • Jaffa - "temple du lion" ? (BR II / Fer I ?) Ces temples partagent des éléments communs dont les deux principaux sont le plan irrégulier et l'entrée indirecte. Ce "plan irrégulier" pour les exemples retenus ne signifie nullement que l'ensemble des cas présente un plan identique dans son irrégularité. L'assymétrie y est aussi variable que l'agencement de l'espace intérieur. Cette catégorie tend à regrouper tous les plans n'entrant pas dans les autres types. Pour remédier à cette imprécision, on peut distinguer deux grandes catégories de plan. La première concerne des temples dont l'espace intérieur s'organise dans un rectangle constitué par les quatre principaux murs extérieurs (Tel Mevorakh841, Bet-Shan niveau V avec le temple nord842, Tell Abu Hawam niveau IV843, Tel Qasile XI et X844). La seconde catégorie 837

L'ensemble des temples du type 4, bien que regroupés dans une catégorie commune, présente des différences marquées, qu'elles soient d'ordre architectural ou plus spécifiquement cultuel. Parmi les critères isolés et censés caractériser les temples

Pour le niveau VII : Rowe 1930 : 19, pl. 24:1 ; Rowe 1940 : 6-10,

pl. VI-VIII ; pour le niveau VI : Rowe 1940 : 13-20, pl. VIII-IX ; 845

Tufnell et al. 1940 : 19-45

Ussishkin 1978 : 10-25

846

Rowe 1940 : 22-29

839

Rowe 1930 : 10-17

847

Kaplan 1972 : 83-84 ; Kaplan, Ritter Kaplan 1993 : 656, 658

840

Rowe 1940 : 22-35, pl. X-XIII ; James 1966 : 140-148

848

Stern 1984 : 36

841

Stern 1984 : 4-39

849

Stern 1984 : 38

842

Rowe 1940 : 31-34

850

Biran, Negbi 1964 : 285

843

Hamilton 1935 : 10-11, plate IV

851

Mazar 1992 : 181

844

Mazar 1980 : 21-49

852

Vaturi-Dunn, comm. pers.

James 1966 : 14-17 838

182

L'ARCHITECTURE

de cette catégorie, certains éléments, comme les poteaux ou les bancs sur le pourtour de l'espace central, se retrouvent dans nombre d'autres temples. Ils ne sauraient donc constituer des critères cohérents et surtout exclusifs. Pareillement, le plan irrégulier subit de fortes distinctions suivant les temples. On peut considérer que la variété des plans de temples au Bronze Récent II en Palestine est l'indicateur d'une population hétérogène. Le type 4, plus que tout autre, offre en effet des éléments pouvant être interprétés dans ce sens. Il serait en revanche erroné de penser que les temples au plan symétrique soent les seuls qui s'intègrent à la tradition cananéenne. Diverses interprétations tentent de regrouper différemment ces temples. Les "temples du fossé" à Lachish et le temple de Tel Mevorakh présentent la caractéristique commune de ne pas être directement intégrés à l'espace urbain. Le premier se place effectivement en dehors, au pied de la ville ; le second se trouve à l'écart de tout établissement, isolé sur une route. Tel Sippor, dans le cas de l'existence d'un sanctuaire, pourrait appartenir à cette même catégorie d'édifice. Toutefois les preuves manquent. La continuité d'occupation dont le site fait preuve peut-elle être mise en parallèle avec la nature cultuelle de l'établissement ? Par ailleurs, les temples de Tel Qasile s'intègrent entièrement au tissu urbain au point de ne pas se dissocier de l'architecture environnante, alors que l'isolement des temples au sein de l'espace urbain est souvent une constante dans le domaine palestinien.

6. Les temples à plan carré : • Amman. • Hazor ? - chantier F ; Mont Gerizim ? Selon A. Mazar856, les bâtiments du Mont Gérizim pour le Bronze Moyen et de Hazor dans le chantier F au Bronze Récent I857, ne peuvent soutenir une identification comme édifice cultuel. L'édifice d'Amman en revanche, isolé de tout établissement urbain858, présente des critères bien définissables : de forme carrée de 15 mètres de côté, il est agencé autour d'une pièce centrale également carrée, avec des pièces allongées placées autour de cet espace. Ce plan original, nullement comparable à ceux des autres temples de Palestine, semble également présenter des pratiques cultuelles inconnues dans cette région. De nombreuses hypothèses ont tenté d'expliquer la présence au sein du temple de traces de crémation, essentiellement des restes d'enfants, mais également d'adultes. Là encore se pose le problème de l'identification de tels rites, s'il est possible bien sûr d'établir une relation entre ces éléments et la nature cultuelle du lieu. Pour certains on aurait affaire à une population indo-européenne pratiquant un culte évidemment non local859, d'origine iranienne. La singularité de l'exemple d'Amman ne milite certes pas en faveur de son rattachement au corpus des temples de Palestine de la fin du second millénaire. On ne peut toutefois, en raison d'un plan original, occulter sa nature apparemment cultuelle. 7. Autres temples : • Un temple égyptien du Bronze Récent II à Jérusalem ? Un réexamen récent par G. Barkay860 de divers éléments mobiliers de facture ou d'influence égyptiennes le mène à une réinterprétation intéressante. Son étude repose sur des objets provenant exclusivement des fouilles effectuées par le Père Lagrange vers la fin du XIXème siècle sur l'ensemble du terrain de l'Ecole Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, et plus précisément près de l'emplacement de l'église byzantine Saint-Etienne861. Cette provenance surprenante ne l'est pas moins que l'interprétation proposée. Elle ne peut néanmoins être écartée pour la seule raison qu'elle est originale. G. Barkay, pour

5. Les temples à une seule pièce : • Hazor - temple du chantier C (BR II) • Timna - (BR II-III) • Tel Qasile - temple du niveau XII (Fer IB) Ces temples présentent la caractéristique d'être de petite taille avec une pièce unique dont l'entrée se situe face à la divinité. Des différences apparaissent toutefois dans l'organisation interne de la pièce. Le temple de Timna (voir planche n° 57.1) présente des éléments architecturaux d'influence égyptienne853 et "midianite" alors que le temple du niveau XII de Tel Qasile constitue un lieu de culte philistin854 (voir planche n° 55.1). Mis à part des pratiques cultuelles qui ont dû être assez distinctes, on doit admettre que les temples de Hazor855 et Tel Qasile offrent un plan général équivalent. Dans de tels cas, l'agencement des murs extérieurs des temples peut-il suffir à opérer des catégorisations ?

856

Mazar 1992 : 183

857

Yadin 1972 : 98-100

858

Hennessy 1966

853

Rothenberg 1999 : 170-173

859

Mazar 1992 : 183

854

Mazar 1980 : 13-20

860

Barkay 1996

861

Barkay 1996 : 23

855

Yadin et al. 1958 : 83-92 ; Yadin 1972 : 67-74

183

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

argumenter son propos, met en parallèle une série d'objets, dont peu d'entre eux ont été retrouvés insitu et pour lesquels aucune structure architecturale ne saurait être mise en rapport. L'élément principal consiste en une stèle fragmentaire portant des hiéroglyphes égyptiens. S'ajoutent une structure à offrandes égyptienne retrouvée in-situ, un bloc en pierre compartimenté, deux vases en albâtre, une statuette égyptienne en serpentine et enfin des chapiteaux de style égyptien. G. Barkay invite à penser qu'un temple égyptien existait au nord de Jérusalem, hors la ville, vers la fin du XIIIème siècle, lorsque Merneptah porta un certain intérêt, au moins militaire semble-t-il, à la région des hautes collines de Judée862. Il rappelle également que les lettres d'El-Amarna indiquent qu'au XIVème siècle une garnison égyptienne stationnait certainement à Jérusalem863. Des indices supplémentaires seraient toutefois nécessaires afin de confirmer une telle hypothèse. La présence d'une garnison égyptienne ne suffit pas, en effet, à expliquer la construction d'un temple au culte égyptien. Les temples "égyptiens", rares au Bronze Récent, se trouvent généralement dans des lieux ayant revêtu pour le pouvoir égyptien une importance stratégique ou commerciale, comme à Bet-Shan. Le domaine des hautes collines, surtout celles de Judée, reste au Bronze Récent II une zone d'importance mineure, et Jérusalem une cité-état au rôle secondaire par rapport à celles de la côte comme Ashkelon.

davantage sur les éléments matériels867 provenant de l'intérieur d'une pièce que d'après le plan, pour lequel aucun parallèle ne semble pouvoir être trouvé. Une plateforme surélevée ou bamah dans l'angle d'une pièce apparaît comme un élément proprement cananéen. La présence de poteaux au centre de la plus longue pièce est mise en relation avec le temple de Tel Qasile où l'on trouve un agencement identique de poteaux centraux, permettant ainsi à T. Dothan868 d'effectuer un parallèle entre les deux seules structures religieuses exhumées dans des sites philistins.

b. Conclusion : des influences architecturales diverses associées à des pratiques cultuelles variées La typologie proposé par A. Mazar permet d'isoler plusieurs groupes de temples aux caractéristiques bien définies, en particulier avec les catégories n° 2, 3, 5 et 6. Les exemples sont néanmoins en nombre réduit, rarement plus de deux. Les temples à plan irrégulier, la catégorie 4, sont presque en plus grand nombre que les autres groupes réunis, ce qui souligne les insuffisances d'un tel classement. Il ressort de ce panorama que le Bronze Récent II et le Fer I proposent une grande richesse dans la variété des édifices à vocation cultuelle. Mais cette richesse concerne-t-elle surtout leur plan ou bien les pratiques qui s'y déroulaient ? L'organisation des murs reste le principal élément classificateur. Il serait également nécessaire de se pencher sur le mobilier présent dans ces édifices pour mesurer l'homogénéité ou l'hétérogénéité de ces édifices. La variabilité des cultes est en effet plus réduite que ne semble l'indiquer le plan des bâtiments. Il est également important de prendre en considération les périodes d'utilisation de ces temples. On distingue pour ce faire une classification reposant sur trois groupes : - Des temples de tradition et de culte cananéen : types 1, 2 et 5 - Des temples au culte cananéen, au plan ou aux influences diverses : types 3, 4. - Des temples de plan et culte non local : 6 ?

• Un temple au plan original à Tel Miqne au Fer I Les fouilles de Tel Miqne ont livré au centre du site, dans le chantier IV, ce que T. Dothan nomme un "édifice public monumental" associé à un large foyer864 (voir planche n° 57.2). La référence à des pratiques cultuelles pose le fait qu'il s'agit d'un bâtiment à usage religieux et que sa construction introduit pour la première fois en Palestine des pratiques architecturales égéennes dont les foyers seraient la plus explicite expression865. Notons que les foyers de plusieurs mètres de diamètre se trouvent en Egée plus généralement dans les zones palatiales que dans les temples. Par ailleurs, l'hypothèse de grands foyers d'origine égéenne doit être en partie revue puisque ces derniers s'avèrent être de grands silos. Il reste alors un bâtiment pour lequel on isole un espace central bordé par trois pièces parallèles allongées866 (voir planche n°57.2). L'interprétation cultuelle du bâtiment repose

L'évolution chronologique des temples apporte des éléments intéressants. On note tout d'abord que les lieux de culte les plus ancrés dans la tradition sont les espaces ouverts et les temples au plan symétrique. Pour ces deux catégories, il s'agit de pratiques architecturales remontant au moins au Bronze Moyen. A cette période, ces pratiques ne

862

Barkay 1996 : 41-42

863

Redford 1990 : 32

864

Dothan T. 1995 : 42

865

Dothan T. 1995 : 48

867

Dothan T. 2002

866

Dothan T. 1995, fig. 3.13 ; Dothan T. 1998 : 155- 158, fig. 7

868

Dothan T. 1998 : 155

184

L'ARCHITECTURE

sont pas spécifiquement cananéennes puisque influencées par le domaine syro-mésopotamien. Au Bronze Récent en revanche, ce type de plan a été intégré à la tradition locale et fait pleinement partie de l'expression architecturale cananéenne. Ces temples caractérisent au mieux l'espace religieux cananéen du second millénaire et en particulier le Bronze Moyen. Ce plan ne concerne toutefois qu'un nombre réduit de bâtiments, dont l'organisation reste simple : de plan rectangulaire, plus ou moins allongé, la divinité faisant face à l'entrée. La catégorie 2 des temples au plan symétrique illustre le plus naturellement cette catégorie. Il est cependant possible d'y ajouter les deux temples de la catégorie 5 aux dimensions réduites, mais dont la simplicité d'organisation intérieure peut s'apparenter à celle des temples aux plans symétriques. Il peut en aller de même pour certains temples rattachés à la catégorie 4 : ceux au plan simplement rectangulaire comme à Tel Mevorakh, à Bet-Shan avec le temple nord du niveau V, ou à Tel Abu Hawam. La continuité d'utilisation d'un tel plan reste un élément ne pouvant être négligé dans l'appréciation du culte rendu en ces lieux. En dernière instance toutefois, le culte pratiqué, s'il peut être identifié, reste le facteur déterminant de distinction entre les différents temples. E. Stern rattache ainsi le temple de Tel Mevorakh à la tradition cananéennne, au même titre que les temples à plan symétrique869. Tous ces temples n'entrent cependant pas dans cette catégorie. L'isolement du sanctuaire de Tel Mevorakh ou la situation extra-muros des divers "temples du fossé" à Lachish, doivent-ils nécessairement être identifiées comme la preuve de cultes dédiés à des divinités non cananéennes ? Cela ne semble pas être systématiquement le cas. La raison d'un tel isolement peut reposer sur des éléments déterminés, dont religieux. Les temples du Bronze Récent comme du Fer I indiquent que des cultes divers étaient rendus à des divinités majoritairement mais pas uniquement locales. Il importe donc de dissocier, ou du moins de ne pas associer mécaniquement, un type de plan à un culte déterminé. Au Bronze Récent II se développent des temples aux particularités marquées, qui expriment une variabilité dans le plan comme dans le culte. Ce sont les catégories 3 et 4 qui proposent les exemples les plus difficile à classer. On y constate un mélange des traditions architecturales surtout cananéennes et égyptiennes870 comme à Lachish, Bet-Shan et peut-être Jérusalem. Un tel syncrétisme se retrouve

dans des objets cultuels871 comme dans certaines pratiques liées au domaine des croyances avec les dépôts de fondation. Ces temples du Bronze Récent aux plans distincts, indiquent des pratiques différentes résultant d'une population hétérogène, aux croyances et aux coutumes propres se reflétant dans une architecture cultuelle diversifiée. La catégorie 6, avec un temple au plan carré mais à l'organisation interne tout autre, forme une catégorie à part, tant par son plan que par l'origine du culte. Quant aux temples construits au début du Fer I, ils ne présentent pas de spécificités marquées et s'intègrent au schéma classique des édifices religieux du Bronze Récent. Ces divers éléments ne permettent pas de mettre en avant des particularités propres aux temples du Fer I. Cette absence de spécificité architecturale pour cette période est en soi notable. Elle reflète la continuité des pratiques de construction issues du Bronze Récent. Concernant la diversité des populations rencontrées en Palestine au Bronze Récent II, elle semble avoir été importante mais relativement répartie sur l'ensemble du territoire. Quant à la nature hétérogène de la population de la Palestine, sa variété n'a pas été, semble-t-il, plus marquée au Fer I qu'au Bronze Récent II. On remarque en effet que les groupes culturels isolés au Fer I n'ont pas développé d'expression spécifique dans le domaine de l'architecture des temples. Pour ce qui est des croyances, il est en revanche difficile de se prononcer pour l'instant. La population n'aurait donc pas profondément évolué dans sa composante principale, qui reste cananéenne.

B. L'architecture palatiale et domestique 1. LES L'ELITE

BATIMENTS

RESIDENTIELS

DE

Parmi les expressions architecturales possédant une fonction de résidence mais ne se rattachant pas à l'architecture domestique, il est possible d'isoler durant le Bronze Récent trois types de bâtiment. On ne peut parler d'édifices publics puisqu'il s'agit de lieux de résidence destinés à diverses élites urbaines. Les maisons patriciennes et les résidences de gouverneur forment, avec les palais, des types de bâtiment aux critères plus ou moins bien définis pour chacun d'entre eux. On considère que le palais représente sur un site l'édifice aux dimensions les plus vastes872. Les résidences de gouverneur représentent une catégorie bien définie, quant aux maisons patriciennes, elles se distinguent aisément

869

Stern 1984 : 33

871

Mazar 1990 : 253

870

Mazar 1990 : 252

872

Oren 1992 : 115

185

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

• Ta'anach, Gezer, Bet-Shemesh, Tel Batash (BR I) • Ashdod, niveau XV (BR IIA) • Tel Halif (BR IB)

par leurs dimensions des habitations domestiques communes, mais sans que l'on puisse pour autant parler de palais. Par ailleurs, plusieurs caractéristiques sont communément partagées par ces trois types de bâtiments, telles que des murs à l'épaisseur marquée, un mode de construction reposant sur l'emploi de matériaux de qualité ou un emplacement privilégié, aux abords des portes de la ville ou de temple, par exemple.

Comme pour les palais, les maison patriciennes restent assez peu représentées au Bronze Récent II. Elles proviennent majoritairement de niveaux datés de la fin du Bronze Moyen ou du début du Bronze Récent I, comme à Tell el-Ajjul avec le "Palais II" ou le bâtiment "AM"877, à Tell Beit Mirsim dans le niveau D878, à Ta'anach pour le XVème siècle, à Gezer, à Bet-Shemesh (niveau IVB) et enfin à Tel Batash avec le bâtiment 315/475 (niveau VIII)879 (voir planche n°60). Les maisons patriciennes offrent, au sein des trois types répertoriés, les bâtiments aux dimensions les plus réduites. Les édifices isolés à Ta'anach, Gezer, Bet-Shemesh et Tel Batash, datent du Bronze Récent I et partagent des éléments architecturaux. On retrouve la présence d'une cour mais dont l'emplacement n'est plus central. S'agit-il d'un indice de la moindre importance de cette dernière dans l'organisation du bâtiment ? Quelques édifices se démarquent au Bronze Récent II par leur dimension, leur plan ou leur mode de construction de l'architecture domestique classique. Au Bronze Récent II, Tel Ashdod possède un édifice des niveaux du XIVème siècle, qui sans atteindre les dimensions d'un palais, ne saurait être considéré comme un bâtiment commun (voir planche n°60.2). Un autre édifice aux dimensions importantes provient du niveau XV d'Ashdod du Bronze Récent IIA880. M. Dothan propose une reconstitution volontaire pour ce bâtiment à partir des quelques murs fragmentaires existants. A Tel Halif, les niveaux du Bronze Récent et du Fer I proviennent principalement du chantier I. Après le Bronze Récent IA consistant surtout en une phase de transition, le niveau X du Bronze Récent IB connaît un développement architectural important. On note en particulier l'édification d'un bâtiment considéré comme résidentiel, centré autour d'une cour de 6,5 sur 6 mètres. Ce niveau s'achève sur une destruction881. Le niveau IX, du Bronze Récent IIA, constitué de deux couches, reprend en partie les murs précédents.

a. Les palais Seul un nombre restreint de sites offre des constructions palatiales ayant été utilisées durant l'ensemble du Bronze Récent. Ces rares édifices aux pièces nombreuses offrent une cour aux dimensions imposantes, proportionnellement à la surface couverte par l'ensemble du palais. Mais si tous les palais présentent une cour centrale autour de laquelle les espaces s'organisent, leur plan est en revanche rarement similaire. Durant le Bronze Moyen le palais était souvent construit aux abords des temples. A la fin de la période le palais vient se placer près de la porte de la ville873. Les vastes bâtiments identifiés comme des palais à Tell elAjjul874, à Tel Sera pour le niveau XII et peut-être à Lachish du niveau VIII, ont des périodes d'utilisation qui s'achèvent, semble-t-il, vers la fin du Bronze Moyen ou au début du Bronze Récent I (voir planche n° 58). Seul le palais de Megiddo dans le chantier AA propose une séquence couvrant l'ensemble du Bronze Récent avec une destruction survenant au cours du XIIème siècle875. Un autre palais à Megiddo dans le chantier DD date du XIIIème siècle. Cette grande continuité architecturale n'est partagée apparemment par aucun autre site de Palestine (voir planche n° 59). Les palais palestiniens font preuve dans leur organisation interne d'une composante aux fortes influences syro-mésopotamiennes876. Ces édifices en Palestine sont tous de dimensions plus réduites que leurs homologues syro-mésopotamiens. On distingue également un cheminement dans l'évolution des pratiques architecturales, depuis le nord de la Palestine où ils apparaissent en premier, avant que le sud de la Palestine, à sa suite, ne les reprenne à son compte.

c. Les "résidences de gouverneur"

b. Les maisons patriciennes

• Bet-Shan - bâtiment 1500 et 1700, niveau VI (BR III

• Tell el-Ajjul, Tell Beit Mirsim (fin BM, BR I ?)

877

Petrie 1932, pl. XLVI

Oren 1992 : 105

878

Albright 1932 : 35-9, pl. 55.

874

Petrie 1932 : 2-5

879

Oren 1992 : 115-117 ; Mazar 1997 : 252

875

Oren 1992 : 108-111

880

Dothan M. 1993 a : 10-11, 41-43

876

Oren 1992 : 115

881

Seger 1993 : 556

873

186

L'ARCHITECTURE

- Fer IB)882 • Tell es-Saidiyeh883 • Aphek - bâtiment 1104, niveau X-12 (BR II)884 • Gezer ? (BR III)885 • Tell Hesi - "Ville sub IV" (BR II)886 • Tel Jemme - bâtiment JF, niveau JK (BR II ? - BR III - Fer IB)887 • Tel Sera - bâtiment 906, niveau IX (BR III)888 • Tell el-Far'ah (sud) - bâtiment ZR puis YR. (BR II ? - BR III - Fer IB)889 • Tel Masos - bâtiment 480, niveau IIIA (BR III, Fer IB)890

(sud)892, avec des fondations souvent réalisées en brique crue selon une tradition égyptienne. De nombreux objets égyptiens ont été découverts dans ces bâtiments : éléments d'architecture à Bet-Shan, cartouches de pharaon à Tell el-Far'ah (sud) et Aphek, fameux bols inscrits en hiératiques provenant de Tel Sera. Les "résidences de gouverneur" se distinguent fortement de la tradition architecturale des palais par leur plan d'ensemble ou leurs matériaux de construction. L'ensemble de ces résidences a connu une destruction vers la fin du XIIIème ou au cours du XIIème siècle, correspondant généralement à la fin de la présence égyptienne en Palestine.

Des caractéristiques architecturales marquées : Parmi les bâtiments occupés par l'élite, ces édifices sont de loin les mieux connus et ceux que l'on rencontre les plus fréquemment au Bronze Récent II. Ils possèdent des caractéristiques bien identifiées891. La présence d'une cour ou d'un hall au centre de ces résidences reste un élément constant, bien que proportionnellement de petite taille. La description de la plupart de ces bâtiments a déjà été effectuée dans le chapitre III traitant des sites. S'il n'est pas nécessaire de revenir sur les détails de ces édifices, nous reprendrons en revanche les éléments partagés par ces derniers. De forme relativement carrée ils mesurent près d'une vingtaine de mètres de côté, caractéristique partagée par les forts. La surface occupée par ces résidences varie toutefois du simple au double, de 225 mètres carrés pour les bâtiments de Tell Hesi, Tell Jemme ou Tel Masos, à 550 mètres carrés pour ceux de BetShan, Tel Sera ou Tell el-Far'ah (sud) (voir planche n°61). On constate qu'il ne semble pas exister de relation entre l'importance politique du site et la taille des résidences de gouverneur qui s'y trouvent : Tell Jemme serait une cité-état avec une résidence de "petite" taille et Tell el-Far'ah (sud) sous sa dépendance, propose une résidence aux dimensions imposantes. Les murs de ces bâtiments peuvent atteindre jusqu'à deux mètres d'épaisseur comme à Bet-Shan, Tel Sera ou Tell el-Far'ah

882

James 1966 : 8-11

883

Tubb 1990 : 26-29

884

Kochavi 1981 : 78-79

885

Singer 1986-1987 ; Maier 1988-1989 ; Bunimovitz 1988-1989

886

Bliss 1894 : 72 ; Oren 1984 : 46-47

887

Petrie 1928 : 5-6, pl. VI ; van Beek 1993 : 669

888

Oren 1982 : 164-165 ; 1984 : 39

889

Petrie 1930 : 17-18, pl. LII, LIV ; MacDonald et al. 1932 : 27-29,

Des bâtiments à la répartition privilégiée : La répartition de ces résidences fait ressortir deux éléments. Le premier concerne leur répartition géographique. On remarque que le sud de la Palestine, en particulier la plaine côtière du nord Néguev apparaît comme une région privilégiée. Le deuxième élément concerne le type de sites dans lesquels on retrouve ces résidences. Avec une certaine surprise, on constate que les cités-états ne représentent pas systématiquement le lieu d'édification de ces bâtiments, sauf dans quelques cas avec Tell Jemme et peut-être Gezer. Les établissements à l'importance politique "secondaire", les sites satellites des cités-états, semblent tout spécialement concernés par l'édification de ces résidences, avec Tel Aphek, Tell Hesi, Tel Sera, Tell el-Far'ah (sud). Tel Masos représente un cas à part puisqu'il ne saurait dépendre, du fait de son isolement, d'aucune citéétat. Cette zone du sud de la Palestine peut toutefois se trouver sous le contrôle administratif direct de Gaza. Cette présence accrue de l'administration égyptienne dans cette région expliquerait le nombre de résidences de gouverneur dans des sites secondaires. La fonction des résidences de gouverneur : Ces bâtiments seraient-ils seulement un lieu de résidence de l'élite locale, cananéenne ou d'origine égyptienne comme à Bet-Shan, ou destinés à servir de relais administratif dans la gestion et la collecte des taxes imposées par la puissance égyptienne893 ? La présence égyptienne est particulièrement marquée dans les sites de la plaine côtière du nord Néguev durant les XIXème et XXème dynasties. L'importance des résidences de gouverneur s'y explique différemment selon que l'on a affaire au développement d'une présence ou bien à une

pl. LXIX 890

Oren 1984 : 48 ; Fritz, Kempinski 1983 : 61-67

892

Oren 1984 : 39, 47, 49

891

Higginbotham 2000 : 264-281

893

Oren 1984 : 53

187

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

politique n'est toutefois peut-être pas à négliger.

simple influence égyptienne. Il peut ainsi s'agir d'une volonté de la puissance égyptienne de mettre en place l'exploitation accrue d'une zone déjà bien contrôlée et soumise. Pour des sites comme BethShan, Deir el-Balah ou Timna, la culture matérielle exhumée semble bien indiquer une expression directe894 de la présence égyptienne plutôt qu'une simple reprise à son compte, par l'élite locale, d'éléments architecturaux égyptiens. Pour d'autres sites possédant des résidences de gouverneur, le modèle développé par C. Higginbotham mérite d'être pris en compte.

2. L'ARCHITECTURE DOMESTIQUE L'architecture domestique du Bronze Récent reste relativement mal connue. Des caractéristiques communes émergent entre certains bâtiments mais globalement, l'habitat domestique du Bronze Récent n'a pas fait l'objet d'étude exhaustive ou systématique comme ce peut être le cas pour les fameuses maisons à quatre pièces du Fer I895. Au Bronze Récent, l'habitat domestique reprend un plan très fréquent basé sur une partie couverte associée à une cour. Il s'agit d'une organisation classique au Proche-Orient qui ne concerne évidemment pas seulement la Palestine du Bronze Récent.

Evaluation chronologique : Les lieux de résidence de l'élite entrent selon leur plan dans deux grandes catégories : une première regroupe les palais et les maisons patriciennes. Ces deux types de bâtiment présentent la caractéristique de connaître des périodes de développement relativement parallèles avec une phase prospère durant le Bronze Moyen, et pour certaines, jusqu'au début du Bronze Récent I. Puis on note ce qui semble s'apparenter à leur disparition au sein de l'espace urbain au cours du Bronze Récent II. Mais peut-être s'agit-il d'une fausse impression reposant sur le hasard des fouilles. La seconde catégorie architecturale concerne les résidences de gouverneur. Au Bronze Récent IIB, ces dernières se développent jusqu'à devenir un élément courant du paysage urbain, en particulier pour les sites du sud de la Palestine. Leur utilisation en fait les demeures d'une élite au rôle peut-être plus administratif et économique que politique. Il semble par ailleurs que les résidences de gouverneur aient surtout été implantées dans des sites "secondaires" plutôt qu'au sein des cités-états. On peut se demander ce que sont devenus les lieux de résidence de l'élite locale. Si cette dernière séjourne dans les résidences de gouverneur, alors la présence égyptienne aura fortement ébranlé le fonctionnement politico-administratif de l'élite, en accaparant par une gestion économique une partie du pouvoir politique. Auparavant le palais regroupait de nombreuses fonctions distinctes : officielle (réception), résidentielle, administrative (lieu de conservation des archives), commerciale (centre de stockage), etc. Or on constate une forte réduction de ces fonctions dans les résidences de gouverneur. Il s'agit d'un lieu de résidence avant tout, avec un espace limité pour la réception. Certaines résidences possédaient des pièces de stockage comme à Aphek, mais toutes semblent avoir eu pour principal objectif la gestion administrative de la zone alentour. Leur rôle 894

a. Les maisons à trois pièces du Bronze Récent : des antécédents des maisons à quatre pièces du Fer I ? • Tel Batash - bâtiment 315, chantier B, niveau VII (BR II)896 • Tel Harassim - bâtiment 305, chantier E, niveau Vb (BR IIA) Nous retiendrons pour le Bronze Récent une catégorie de bâtiments appelés "à trois pièces", présentant des éléments communs les prêtant à un regroupement naturel. Ces maisons sont de dimension moyenne, c'est-à-dire ni modeste ou commune, ni suffisamment étendue pour en faire des bâtiments publics (voir planche n°60.5-6). L'exemple de la bâtisse de Tel Harassim couvre ainsi une surface de 85 mètres carrés897. (voir planche n°60.6) Ces maisons proposent un plan rectangulaire avec une subdivision tripartite longitudinale composée de trois espaces parallèles séparés par deux rangées de piliers. Ce plan relativement simple dans son aménagement apparaît comme très caractéristique, en grande partie du fait de l'utilisation d'un système de poteaux pour couvrir le vaste espace intérieur, problème technique généralement éludé dans l'architecture domestique par la construction de pièces aux dimensions réduites. Puisqu'il ne saurait s'agir d'une simple maison de village, certains ont vu pour ce type de bâtiments le lieu de résidence du chef local898. Rien ne permet cependant de l'indiquer.

Higginbotham 2000 : 128

188

895

Braemer 1982 ; Shiloh 1970 ; Ji 1997

896

Kelm, Mazar 1985 : 98

897

Givon 1993 : 7

898

Kelm, Mazar 1982 : 13

L'ARCHITECTURE

connaît une longue diffusion. Les maisons à quatre pièces ne peuvent toutefois être restreintes à cette seule zone géographique, et il en a été retrouvé dans l'ensemble de la Palestine comme en Jordanie904.

La division tripartite de ces bâtiments se retrouve au Fer I dans les maisons à quatre pièces. La relation unissant les deux semble bien réelle, aussi posséderait-on dans le sud de la Palestine, au Bronze Récent II, les premiers antécédents d'un modèle repris surtout à partir du XIIème siècle dans les hautes collines, avec la postérité qu'on lui connaît. Ji ajoute899 d'autres exemples de bâtiments à plan tripartite pour le Bronze Récent pouvant faire office d'antécédents aux maison à quatre pièces, comme à Bethel, Bet-Shemesh, Lachish ou Tell elFar'ah (nord). On note que la Shéphéla regroupe un nombre important de sites où cette tradition tripartite se serait développée au cours du Bronze Récent II.

b. Les maisons à quatre pièces au Fer I Au Fer I, divers types de bâtiments reprennent plus ou moins directement cette division tripartite. A. Mazar isole plusieurs groupes d'édifices900. Les premiers sont des lieux destinés au stockage comme à Tell Abu Hawam, Tel Qasile ou Tel Hadar au XIème siècle. Un second groupe comprend une architecture domestique reprenant ce trait architectural avec les maisons à trois pièces et à quatre pièces, pour lesquelles les exemples sont nombreux901. La présence de piliers ne constitue pas le critère décisif pour l'identification des maisons à quatre pièces, toutes n'en possédant pas. La division de l'espace permet en revanche de suivre assez distinctement les évolutions qui s'effectuent au cours du Bronze Récent et du Fer I. Le plan à quatre pièces s'organise selon trois espaces parallèles venant se placer ortogonalement contre un espace allongé, l'ensemble étant contenu dans un rectangle (voir planche n°62). Il ne s'agit pas de détailler ici l'évolution et la répartition de ces bâtiments sur lesquels a longtemps reposé, avec les jarres à collier902, l'identification matérielle d'un groupe ethnique, celui des proto-Israélites. La preuve a été apportée que les maisons à quatre pièces ne constituent pas une invention des populations proto-israélites, dont le développement s'effectuerait en parallèle. Les antécédents à trois pièces montrent qu'il s'agit plus certainement d'un plan remontant au moins au Bronze Récent II903. Il doit être considéré comme de tradition cananéenne une fois repris et adapté, entre autres, par les populations des hautes collines, où il

899

Ji 1997 b : 400-405

900

Mazar 1997 : 253

901

Ji 1997 b : 387-391

902

Finkelstein 1988 : 270-276

903

Mazar 1997 : 253

904

189

Ji 1997 b : 392, 400

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

établissements plus petits, puis elle quitte le seul domaine côtier pour des vallées qui lui sont transversales908. Les tombes en fosse présentent des particularités marquées, suivant qu'il s'agit de fosse simple, dans 90% des cas, de tombe à ciste, dans près de 10% des cas, ou de modes plus rares comme les huit tombes à dromos de Tell el-Ajjul909 (voir planche n°63.2), dont le passage d'accès menait à plusieurs inhumations. Cette pratique apparaît au Bronze Récent I910. Ces évolutions multiples concernent les modes de construction suivant les techniques et les matériaux utilisés pour les parois ou le toit911. Selon R. Gonen, la présence égyptienne a eu une influence importante sur les inhumations en fosse de la côte912. Alors que les tombes en grotte constituent une pratique inconnue en Egypte, les tombes en fosse de Palestine proposent souvent une orientation vers l'ouest. Il s'agirait selon R. Gonen d'un indice de l'influence égyptienne sur l'évolution des coutumes locales. Les tombes en fosse ne sont pas reprises par les grands sites comme Megiddo, Gezer ou Lachish913, qui connaissent pourtant une influence égyptienne réelle.

II- LES COUTUMES FUNERAIRES On distingue en Palestine au cours du second millénaire deux grands modes de sépultures : les tombes en grotte et les inhumations en fosse. Durant le Bronze Moyen, plusieurs modes d'inhumation coexistent en Palestine. Les inhumations en grotte représentent la pratique la plus répandue. Les inhumations en fosse pour leur part, apparaissent au Bronze Moyen II et sont strictement limitées à la plaine côtière. Au début de cette période apparaît en milieu urbain la pratique d'inhumer les individus sous le sol à l'intérieur des maisons. A la fin du Bronze Moyen, cette pratique connaît une forte baisse pour disparaître lentement mais définitivement au cours du Bronze Récent I905. On constate qu'au Bronze Moyen, les coutumes funéraires sont relativement homogènes, l'inhumation en grotte prévalant sur les autres et ce, sur l'ensemble du pays.

A. Le Bronze Récent II : des pratiques funéraires variées Les deux principaux modes d'inhumation pratiqués en Palestine évoluent du Bronze Moyen au Bronze Récent II dans leur répartition comme dans leurs caractéristiques. La situation telle qu'elle se donne à voir est apparemment simple : on peut isoler, voire opposer des pratiques locales majoritaires, aux expressions funéraires bien définies et à la répartition géographique marquée, à des pratiques non locales, en nombre limité, aux expressions matérielles variées et à la répartition disparate. Dualité de pratiques tranchées selon un schéma à l'organisation simple ?

b. Les inhumations en grotte du domaine des collines : Les tombes en grotte sont soit creusées, soit effectuées dans des cavités naturelles aménagées. Dans la plupart des cas au Bronze Récent II, il s'agit de la réutilisation de tombes en grotte du Bronze Moyen914. Il existe quelques rares exemples de citernes réaménagées faisant office de lieux de sépulture comme à Gezer. Ces inhumations sont majoritairement multiples comme au Bronze Moyen. L'aire de répartition de cette coutume concerne, de manière précise, la zone des basses et des hautes collines915 de Palestine. Elle y demeure durant l'ensemble du Bronze Récent la pratique de prédilection. La Shéphéla se rattache à cette zone et Gezer et Lachish inhument nombre de leurs morts selon ce mode. Les populations des hautes collines se distinguent toutefois de celles des basses collines, par le conservatisme dont elles font preuve avec la coutume unique des inhumations multiples en grotte, sans que s'y mélangent d'autres pratiques non locales.

1. LES INHUMATIONS DE TRADITION LOCALE

a. Les inhumations en fosse sur la côte : Les inhumations en fosse sont creusées à même le sol, indifféremment dans la terre, le rocher ou le sable. Elles concernent dans leur grande majorité (95% des cas), un seul individu906. Au Bronze Récent II, cette pratique devient la plus courante sur le domaine côtier. Sa répartition s'effectue surtout le long de la côte plutôt que dans l'ensemble de la plaine côtière907. Pratique surtout urbaine à l'origine, elle évolue pour être associée à des

908

Gonen 1992 a : 34

909

Gonen 1992 b : 152

910

Steibing 1970 a : 149

911

Gonen 1992 b : 151

912

Gonen 1992 a : 37

905

Gonen 1992 a : 39

913

Gonen 1992 a : 149

906

Gonen 1985 : 71

914

Gonen 1985 : 70 ; Gonen 1992 a : 13

907

Gonen 1992 a : 16, fig. 2

915

Gonen 1992 a : 11, fig. 1

190

LES COUTUMES FUNERAIRES

lointaines origines remontant au néolithique en Egée, particulièrement en Crète et en Syrie du Nord et en Mésopotamie elles connaissent une longue tradition920. En Palestine des tombes à encorbellement construites en pierre ont été exhumées dans plusieurs sites du Bronze Moyen : à Megiddo (trois tombes) (voir planche n°63.1), à Dan, à Aphek921 et à Kabri. Elles possèdent un accès pouvant être rapproché de celui de la tombe à dromos de Tell el-Ajjul. Alors que Gonen propose une influence égéenne, le rééxamen de ces dernières par Gilmour l'amène à s'opposer à cette interprétation922. Il considère que les importations mycéniennes présentes dans ces tombes ne reflêtent ni l'origine des personnes enterrés ni l'origine de ce type de tombe, pour laquelle il distingue une influence syrienne.

Une relation évidente semble donc devoir être établie entre les pratiques funéraires de la plaine et des collines et les zones géographiques auxquelles elles se rattachent. Cette adéquation simple est pourtant trompeuse : les coutumes reposent avant tout sur des croyances et non sur la seule perception des possibilités et des facilités qu'offre la géologie locale.

2.

LES

INHUMATIONS PRATIQUES NON LOCALES

ISSUES

DE

Un grand nombre de modes d'inhumation se distingue plus ou moins nettement des deux grandes pratiques précédentes. On leur assigne communément des origines non locales, qui restent toutefois délicates à déterminer avec précision. Il semble que l'ensemble des différents domaines géographiques de la méditerranée orientale ait été concerné916.

c. Les larnax : L'origine de la tradition des larnax provient sans doute possible de la Crète minoénne. En Palestine au Bronze Récent, seuls deux sites, Akko et Gezer, ont fourni ce type d'inhumation. Ces tombes sont généralement interprétées comme une preuve de la présence de population égéenne dans le pays à cette période. Il n'existe cependant pas, pour Gilmour923, de relation certaine ou nécessaire entre l'individu inhumé dans le cercueil en larnax et une origine égéenne. Ces deux exemples, surtout celui de Gezer, fournissent en effet des indices problématiques rendant, dans ces cas précis, l'hypothèse de groupes égéens séjournant en Palestine, pour le moins incertaine.

a. Les tombes en grotte à banquettes, à niches et bilobate Les deux premiers modes d'inhumation, à banquette et à niche ou loculi, se distinguent par l'aménagement d'un espace destiné à y faire reposer le corps (voir planche n°64). Les tombes à banquette se retrouvent sur l'ensemble de la Palestine, bien que le sud du pays en ait fourni le plus grand nombre avec des exemples provenant de Gezer, Lachish, Tel Eitun, Tell el-Ajjul et Tell el-Far'ah (sud)917. A l'intérieur de la tombe, les banquettes destinées à recevoir l'inhumation peuvent être creusées ou bien construites. Selon R. Gonen, ce mode de sépulture est à mettre en relation non pas avec l'Egée mais avec le monde chypriote918. Les tombes à loculi connaissent une répartition surtout limitée à Megiddo, Lachish et Tell el-Ajjul. Des influences partagées semblent converger dans ce type de sépulture, avec une provenance de Grèce et de Chypre919. Plusieurs sites ont fourni des tombes bilobates, Palmahim, Jérusalem, Lachish, Tell elAjjul, Tell el-Far'ah (sud). Le sud de la Palestine semble correspondre au domaine de répartition principal de cette pratique. R. Gonen y voit une origine également chypriote.

d. Les sarcophages anthropomorphes : En plusieurs sites de Palestine, principalement à Deir-el Balah, Lachish et Bet-Shan, ont été exhumés pour le XIIIème et le début du XIIème siècles, de massifs sarcophages d'argile à figure humaine. Pendant longtemps ils ont bénéficié d'une interprétation liant leur origine à l'installation des Peuples de la Mer, jusqu'à ce que l'apparition de ce mode d'inhumation ait été datée à une période antérieure : le Bronze Récent II, et rattachée à des pratiques d'influence égyptienne.

b. Les tombes construites en encorbellement :

e. Les inhumations en jarres :

Les tombes en encorbellement possèdent de

L'association de deux jarres, épaule contre

916

Gonen 1992 a : 39

920

Gilmour 1995 : 164

917

Gonen 1992 a : 22, fig. 3

921

Gonen 1992 b : 154-155

918

Gonen 1992 a : 24

922

Gilmour 1995 : 163-165

919

Gonen 1992 a : 25

923

Gilmour 1995 : 167

191

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

épaule, afin d'y placer le corps du défunt, se retrouve dans le monde Anatolien924 où les Hittites pratiquèrent ce mode d'inhumation vers la fin du XIIIème siècle. Les exemples en Palestine datent de la fin du Bronze Récent II et du Bronze Récent III. L'origine de la pratique doit être considérée comme anatolienne. Gonen voit dans la présence de ces pratiques en Palestine le résultat d'une migration de populations Hittites925.

a. Les inhumations aux abords d'établissements: Les cimetières se trouvent le plus généralement aux abords des établissements, quelle que soit leur nature. Les cimetières des centres urbains livrent bien sûr plus de tombes que les villages, pour les raisons évidentes que l'on imagine. Les cimetières fouillés se limitent à trois sites urbains : Megiddo, Gezer, et Lachish928. Ces lieux montrent un mélange de pratiques, qu'elles soient en grotte, en fosse ou non locales. C'est toutefois la pratique héritée du Bronze Moyen avec les inhumations en grotte qui y reste la plus répandue. Les tombes en fosse, bien qu'existant dans ces cimetières y est nettement minoritaire. Cette pratique, issue de la plaine côtière, n'a donc pas connu de développements chez les populations urbaines de l'intérieur des terres.

f. La crémation : Des preuves de crémation ont été retrouvées pour le Bronze Récent II en de rares sites à Tell Beit Mirsim, Jéricho et Amman. Ces découvertes restent très isolées et chacune correspond à des modes de crémation distincts, indiquant vraisemblablement l'absence de pratique commune. En Anatolie la crémation est une coutume, non majoritaire, pratiquée par les Hittites. Elle a ainsi pu fournir l'origine d'une influence jusqu'alors convenue, censée provenir une fois de plus du monde égéen ou attribuable aux Peuples de la Mer926. G. Gilmour rappelle par ailleurs avec justesse que la crémation peut répondre à des buts cironstanciés divers927, n'étant pas du domaine des croyances ou de la religion, dans le cas par exemple de maladies contagieuses, de personnes hors caste ou bien à l'opposé, d'individus de haut statut social. Les exemples palestiniens peuvent s'apparenter à ce type de pratique. Seul le temple d'Amman avec ses nombreux individus ayant subi la pratique de la crémation, apporte des éléments tangibles quant à l'éventualité d'une influence non locale, en l'occurence anatolienne via la Syrie du nord.

3. LES EMPLACEMENTS D'INHUMATION

DES

b. Les inhumations isolées : Pour ce qui est de cimetières, plus ou moins vastes, en des lieux éloignés de centres urbains, un tel phénomène se retrouve aussi bien à la limite du Néguev à Tell el-Ajjul, que sur la côte à Palmahim, plus au nord à Safed, ou dans les monts de Judée à Tell Judur. Ce type de "cimetière" isolé se retrouve donc dans l'ensemble de la Palestine, dont un nombre important dans la plaine côtière. Selon A. Mazar et R. Gonen929, l'existence de cimetières en dehors des établissements serait à mettre en parallèle avec des populations nomades ou seminomades venant enterrer leurs morts en ces lieux distincts. On constate alors que ces cimetières, selon qu'ils se trouvent sur la côte ou dans les zones de hautes collines, adoptent les coutumes spécifiquement locales. Ces groupes de populations se seraient ainsi adaptés aux pratiques locales dominantes930. Une telle hypothèse ne repose selon nous sur aucune preuve. On serait au contraire tenté d'envisager l'inverse, à savoir que les nomades possèdent des coutumes funéraires propres, que l'on retrouverait sur l'ensemble de la Palestine.

LIEUX

Il est nécessaire de bien distinguer quelques tombes isolées de ce qui s'apparente à de véritables cimetières. Les seconds restent moins bien connus. Par ailleurs, les cimetières ne se trouvent pas tous à proximité des sites. On distingue ainsi deux grands cas de figure selon que les lieux d'inhumation sont à proximité ou non des établissements urbains ou villageois. Ces lieux, dans un cas comme dans l'autre, peuvent ne comporter que quelques tombes ou posséder une vaste extension avec des centaines d'inhumations.

B. Le Fer I : continuités des pratiques ou pratiques nouvelles ? Au cours du Fer I en Shéphéla, les pratiques changent peu. Les exemples restent cependant assez rares. On constate des évolutions intéressantes à Tell Eitun dans les modes d'inhumation entre une tombe du Bronze Récent931 et une autre du Fer I932.

924

Gonen 1985 : 73

928

Gonen 1992 a : 33

925

Gonen 1992 a : 30

929

Mazar 1990 : 279 ; Gonen 1992 a : 148

926

Gilmour 1995 : 167

930

Gonen 1992 a : 149

927

Gilmour 1995 : 169

931

Tzaferis, Hess 1992

192

LES COUTUMES FUNERAIRES

d'entre elles ont profité pendant longtemps d'interprétations leur affectant une origine supposée issue du monde égéen. Il semble en fait que seul un nombre restreint d'entre elles soit concerné par cette provenance (comme par exemple le Persian Garden près de St Jean d'Acre938). Chypre en revanche, suscite des influences multiples s'exerçant au travers de plusieurs modes d'inhumation, en particulier dans les tombes aménagées : à banquettes, influence partielle pour celles à loculi et tombes bilobates. Une origine anatolienne peut être distinguée pour les inhumations en jarres, ainsi que pour la pratique rare et mal assurée de la crémation. Les pratiques non locales ne proviennent donc que rarement du monde égéen, avec les civilisations mycénienne et minoénne. On note donc la coexistence de différentes pratiques funéraires se côtoyant dans l'architecture d'une même tombe, sans pour autant se mélanger. Ces influences aux origines multiples proviennent principalement d'Egée, de Chypre, d'Anatolie, de Syrie, ou d'Egypte. Le matériel céramique exhumé dans les tombes propose deux caractéristiques. D'une part, et quel que soit le mode d'inhumation, les assemblages sont constitués de types précis associés au défunts, avec des proportions souvent constantes entre les poteries locales et non locales. D'autre part les céramiques, ainsi que les objets importés, montrent une vaste aire de provenance : l'Egée, Chypre, la Syrie du nord, l'Egypte et plus rarement le nord de l'Arabie ou l'Europe centrale. Ces origines variées doivent bien sûr être mises en rapport avec les influences, également multiples, décrites pour l'architecture des tombes. On ne peut s'empêcher, pour les modes d'inhumation, d'effectuer un rapprochement avec les temples et les différentes influences dans les pratiques architecturales employées. Chacun des espaces géographiques de la Méditerranée orientale s'exprime, presque à part égale, dans les pratiques cultuelles ou la culture matérielle, que ce soit au travers d'influences ou bien par le passage ou la présence de populations non cananéennes en Palestine. Cette dernière propose au Bronze Récent II des coutumes funéraires aux expressions multiples. Cette coexistence semble indiquer une fois de plus des groupes de population aux origines diverses, aux croyances et pratiques distinctes.

Celle du Bronze Récent II s'effectue dans une grotte naturelle aménagée pour servir de sépulture, elle comporte un matériel céramique local avec des importations chypriotes. Celle du Fer I présente toutes les caractéristiques d'une tombe à loculi, qui au Bronze Récent se rattachait à un type non local ; quant au matériel il propose un assemblage céramique majoritairement local auquel s'ajoutent quelques poteries philistines. Des objets originaires, semble-t-il, d'Europe centrale (de Yougoslavie de la région du Danube et de Roumanie), se trouvaient également présents dans la tombe sous la forme de bracelets en bronze de section rectangulaire portant des motifs de losanges933. Ces objets attestent de contacts vers le XIIème-XIème siècle entre l'Europe et le Levant soit par le commerce, soit par les Peuples de la Mer. On a par ailleurs cherché dès le début du siècle934 à assigner des pratiques funéraires spécifiques aux Philistins. Ces tentatives, auxquelles ont pu se rattacher, entre autres, les interprétations des sarcophages anthropomorphes, n'ont plus cours aujourd'hui. Aucune trace architecturale distincte ne peut pour l'instant être assignée aux Peuples de la Mer, s'il en a existé. Notons toutefois que les cimetières du Fer I en Philistie demeurent encore inconnus. Les tombes à banquette apparues au Bronze Récent connaissent un grand développement pour devenir au Fer II le mode d'inhumation le plus courant935. Quant aux inhumations dans des jarres, elles baissent en nombre au cours de l'âge du Fer936.

C. Synthèse sur les coutumes funéraires La grande diversité des pratiques funéraires appelle une séparation marquée entre les deux domaines de la plaine côtière avec les tombes en fosse, et les zones de basses et hautes collines, comme la Shéphéla et les monts de Judée, avec principalement des inhumations multiples en grotte937. Ce dualisme repose, en partie seulement, sur un contexte géographique et géologique qui ne saurait cependant expliquer des coutumes complexes. Ces dernières sont issues d'un choix entre des pratiques s'inscrivant soit dans une continuité des traditions, soit dans une ouverture vers des nouveautés. Concernant les origines variées des pratiques funéraires non locales, on remarque que nombre

932

Edelstein, Aurant 1993

933

Edelstein, Aurant 1993 : 29

934

Macalister 1907 ; Myres 1907

935

Gonen 1992 a : 149

936

Abercrombie 1979 : 23

937

Mazar 1990 : 278-279

938

193

Gonen 1992 a : 84-85, 142

CHAPITRE 6. LA CULTURE MATERIELLE NON CERAMIQUE

distinction entre invention et innovation943. La première équivaut à la découverte d'un nouveau procédé, la seconde à l'adoption répandue de ce nouveau précédé. Ainsi pour McNutt, la métallurgie du fer reposant sur sa carbonisation, ne s'opère en Palestine qu'aux XIIème-XIème siècles (phase d'invention) et son développement n'intervient pas avant la fin du Xème siècle (phase d'innovation).

III- LES METALLURGIES DU BRONZE ET DU FER A LA FIN DU SECOND MILLENAIRE Le cuivre et l'étain, à la base de la fabrication du bronze, font l'objet d'un vaste commerce dans l'ensemble de la Méditerrranée orientale au Bronze Récent. Des lingots de ces deux matériaux ont été retrouvés en nombre dans les cargaisons de plusieurs épaves. Les mines de cuivre à Timna, dans le sud du Néguev, connaissent une exploitation importante par les Egyptiens sous les Ramessides aux XIIIème et XIIème siècles. Des objets en fer existent dès le IVème millénaire mais ce n'est pas avant le Bronze Récent qu'ils connaissent une légère hausse dans leur fréquence. A ces hautes périodes, le fer météorite a pu servir à confectionner des objets de ce métal. Ceux-ci restent toutefois limités en nombre et s'apparentent à des découvertes exceptionnelles939. Ils proviennent de tombes royales, telles la lame en fer trouvée dans la tombe de Toutankhamon940, de palais ou de temples, autant d'indications d'une nature et d'un emploi, à cette période encore, rare et spécifique.

B. Un monopole philistin du fer ? Pendant longtemps, la perception de la métallurgie du fer est restée sujette à ce qu'en disait l'Ancien Testament944, à savoir l'existence d'un monopole philistin sur ce domaine. Cette supériorité technologique et donc militaire des Philistins sur les Israélites reposait sur des procédés gardés secrets par les premiers. Or ces textes bibliques sont de plusieurs siècles postérieurs à la situation qu'ils sont censés décrire, ils ne peuvent donc pas servir de base historique sur ce sujet. L'étude d'objets en métal pour la fin du second millénaire amène O. Negbi à envisager un monopole des Philistins sur la métallurgie du fer mais non sur celle du bronze. Elle constate une nette continuité des traditions métallurgiques cananéennes au Fer I, avec une grande ressemblance des objets en bronze entre les productions des XIIè-XIème siècles et celles des XIVème-XIIIème siècles945. Pour Mulhy également, les Philistins possèdent un certain monopole sur la métallurgie du fer. Ce monopole aurait cependant été plus politique que technologique946. Pour ce qui est de l'origine de la technique métallurgique du fer, il considère qu'elle provient d'Egée via la Philistie. Des découvertes et réévaluations plus récentes remettent toutefois en question ce monopole philistin. A la suite des découvertes réalisées à Tel Yin'am, Liebowitz estime qu'il existe en Palestine dès le Bronze Récent II des tentatives, même si infructueuses, de maîtriser cette métallurgie. Cette antériorité d'une tentative technologique à l'installation des Peuples de la Mer indique selon lui que la technique ne vient pas d'Egée mais de Syrie et de l'Anatolie947. Brug s'oppose à l'hypothèse d'un monopole du fer par les Philistins, ou même d'une innovation dont ils pourraient être responsables948. C'est McNutt, qui au travers d'une réévaluation

A. L'apparition et le développement de la métallurgie du fer : Les modalités de l'apparition et du développement de la métallurgie du fer peuvent se décomposer en trois phases941. McNutt isole tout d'abord un début de l'utilisation du fer avec des objets ornementaux. Il n'y a pas alors d'utilisation pratique de ce métal mais uniquement la réalisation d'objets cultuels et votifs. Une seconde phase voit le développement du travail du fer mais sans que ce dernier prédomine. Ce passage correspond à un changement technologique. Cette phase est considérée comme transitionnelle. C'est durant une troisième phase que le fer devient le matériau le plus courant, avec son utilisation pour des objets fonctionnels. Le passage correspond ici à un changement économique. Ainsi la transition pour la métallurgie du fer est datée de 1200 à 900. Villard situe la technique de carbonisation du fer vers les XIVème-XIIIème siècles aux abords de l'empire hittite ou mitanien. Il cite à l'appui l'exemple de Tikulti-Ninurta Ier faisant réaliser des tablettes en fer comme dépôts de fondation pour un bâtiment942. McNutt introduit avec justesse une

943

McNutt 1990 : 156

944

I Sam. 13

939

McNutt 1990 : 123

945

Negbi 1974 : 160

940

Villard 1996 : 59

946

Mulhy 1982 : 54

941

McNutt 1990 : 154-155 ; Villard 1996 : 58

947

Liebowitz, Folk 1984 : 265

942

Villard 1996 : 59

948

Brug 1985 : 165

194

LA METALLURGIE

globale des objets en fer aux XIIème-XIème siècles, renouvelle la question. Rien ne permet selon lui d'attester un tel monopole technologique par les Philistins, ni cette notion de "secrets", héritée du texte biblique. Son étude fait ressortir trois points949. Tout d'abord au Fer I, les sites philistins n'ont fournis qu'un peu plus d'objets en fer que les sites non philistins. Ensuite, les établissements non philistins présentent des objets ou des armes en fer au spectre d'utilisation plus varié que les sites philistins. Enfin, les objets en fer proviennent dans les sites philistins majoritairement de contextes cérémoniel et rituel. Les sites philistins réunissent 57,5% d'objets en fer contre 42,5% pour les sites non philistins. Pour les premiers, près de 59% de ces objets proviennent de tombes et de temples, pour les seconds seulement 12% proviennent de tels contextes. T. Dothan indique que les premiers objets en fer à Tel Miqne sont cultuels950. Durant le XIème siècle, le bronze reste majoritairement employé mais l'utilisation du fer progresse. Au Fer I, les continuités issues de traditions cananéennes sont particulièrement présentes dans les métaux utilisés. Le bronze reste largement le métal dominant, quel que soit le type d'objet réalisé. Les techniques métallurgiques s'inscrivent 951 également dans la tradition cananéenne . Certains objets présentent toutefois des particularités non locales, telles que des influences mycéniennes et chypriotes952. C'est donc vers le Xème siècle que le fer devient un matériau plus communément utilisé, et pas avant la fin du IXème siècle que sa production est réellement maîtrisée953.

949

McNutt 1990 : 200-201

950

Dothan T. 1997 : 101

951

Mazar 1990 : 360

952

McNutt 1990 : 160-192

953

McNutt 1990 : 146

195

les colonies égyptiennes durant le Bronze Ancien I. Une seconde période pour laquelle des interpétations ethniques sont proposées correspond au Fer I955. Aucune interprétation de ce type n'est en revanche proposée pour le Bronze Récent II. Cela signifie-t-il que la culture matérielle de cette période ne se prête pas à de telles interprétations ou que, plus prosaïquement, aucun élément dans le matériel ne permet d'attribuer de caractère ethnique aux populations l'ayant produit ? L'adéquation entre objet et culture demeure complexe. Considérer que l'objet reflète la culture dont il provient n'est pas sans réel fondement956. Mais l'interprétation systématique de la culture matérielle en terme ethnique, comme c'est le cas au Fer I en Palestine, relève d'une lecture trop minutieuse du texte biblique. Si le vecteur de l'ethnicité constitue donc un piège dont il faut se garder, il est toutefois important de ne pas enfermer la culture matérielle, et la céramique en particulier, dans une étude uniquement typologique et technologique. Les interprétations archéologiques de la poterie de la fin du second millénaire en Palestine, davantage que d'autres périodes ou d'autres lieux, concernent donc directement la notion d'ethnicité. La volonté d'opérer des distinctions tranchées entre les différents groupes socio-politiques de cette époque a conduit à voir dans les différentes productions matérielles et tout particulièrement celle de la poterie, l'expression directe du caractère ethnique de ces populations. L'identification de "zones culturelles" a connu de grandes heures dans l'archéologie de la Palestine, constituant le mode de compréhension et de définition le plus couramment rencontré. Ces zones équivalent généralement à des régions précises, plaine côtière ou hautes collines, occupées par des populations déterminées. Chaque zone possèderait ainsi sa culture propre. Ce paradigme de compréhension des populations de la Palestine du Fer I, est en partie encore valable aujourd'hui, avec la délimitation de deux grands groupes ethniques ayant profité de cette vision : les Israélites et les Philistins. On continue actuellement à envisager ces populations et leur culture matérielle en ces termes. Les groupes humains de ces deux périodes ne sont pas qu'imparfaitement connus. Ils sont surtout diamétralement envisagés et interprétés. Cet état de fait repose-t-il sur des éléments matériels avérés ou bien dépend-il de critères interprétatifs objectivement non fondés ?

CHAPITRE VII- LES INTERPRETATIONS ETHNIQUES DE LA CULTURE MATERIELLE : LA PALESTINE DE LA FIN DU SECOND MILLENAIRE, UN CHAMP D'ETUDE PRIVILEGIE

L'étude des principaux éléments de la production matérielle du Bronze Récent et du Fer I, appelle une mise en perspective de celle-ci avec l'ethnicité. La caractérisation des populations en termes ethniques est en effet l'une des spécificités de la perception du Fer I. Mais jusqu'à quel point les assemblages céramiques du Fer I sont-ils l'expression de groupes ethniques présents en Palestine à partir du XIIème siècle ? Il faut rappeler que l'importance de l'ethnicité et sa mise en relation avec la culture matérielle ont toujours été au cœur du débat archéologique pour cette période. Les frontières peuvent être l'expression de nombreuses situations : politique, sociale, Ces économique, culturelle, ethnique954. nombreuses sphères d'influence ont chacune leur propre frontière, dont la perméabilité et l'adéquation sont très variables. Le mode d'appréciation de ces frontières est toujours inévitablement passé, dans le domaine archéologique, par l'isolement d'aires de répartition contenant des éléments matériels similaires. Cette diffusion d'objets permet de cartographier, dans le meilleur des cas, des frontières, or nous avons précédemment mis en garde contre l'adéquation souvent faite entre cette cartographie et l'interprétation ethnique qui en était proposée. Si une telle démarche est critiquable, toute approche interprétative concernant l'existence de frontière d'un ordre autre qu'ethnique ne l'est pas, cependant. C'est donc moins l'interprétation de ces aires de diffusion en terme ethnique qu'il faut privilégier, que l'étude précise de leur existence.

I- LA PERCEPTION DES GROUPES HUMAINS AU BRONZE RECENT II ET AU FER I

Les interprétations à caractère ethnique de la culture matérielle n'ont porté que sur quelque rares périodes dans l'histoire de la Palestine, par exemple 954

Bunimovitz, Faust 2000

955

Finkelstein 1997 : 218

956

Pour une bibliographie plus développée sur cet aspect : Jones

1997 ; Emberling 1997

196

INTERPRETATIONS ETHNIQUES

A. Un double héritage à la base d'une vision naïve des groupes humains

B. La société du Bronze homogénéité ethnique et culturelle ?

La vision d'un pays divisé en groupes culturels monolithiques est en premier lieu héritée de la Bible. Ce découpage de la Palestine date de l'antiquité et repose donc sur une réalité antique. L'archéologie biblique telle qu'elle a été pratiquée fut largement influencée par de tels schémas de pensée. L'Ancien Testament, document "historique", renseignait, pensait-on, de manière précise sur le caractère ethnique des populations présentes en Palestine à la fin du IIème millénaire. La pratique de la fouille "la Bible à la main" s'est souvent poursuivie jusque dans les interprétations de la céramique. La corrélation systématique entre les groupes de population et la culture matérielle n'a laissé que peu de place à l'expression d'autres entités culturelles. Il serait cependant faux de croire qu'il a été repris uniquement durant l'archéologie biblique et qu'il n'est plus rencontré actuellement. La recherche archéologique, au cours du XXème siècle, n'a généralement fait que perpétuer des traditions de pensée issues du siècle précédent, avec en particulier la tentative plus ou moins constante d'identifier dans la culture matérielle des traits susceptibles d'isoler des groupes ethniques. Ces deux aspects ont donc profondément influencé et marqué le découpage de la Palestine en différentes régions ou "zones culturelles" aux populations à la culture spécifique957. Pour s'en rendre compte, il suffit d'étudier la situation culturelle de la Palestine au XIIème siècle : dès que l'on parle de l'Âge du Fer, les entités culturelles évoquées se voient réduites aux Israélites et aux Philistins, qui seraient désormais devenus les principaux et seuls acteurs de la scène politique et culturelle. Les Cananéens, lorsqu'ils sont mentionnés, viennent s'ajouter au tableau sous forme de quelques vagues continuités matérielles. Nous tenons à montrer, au contraire, que leur présence est loin de s'être limitée à des traits matériels isolés et que de toute évidence les Cananéens ont maintenu en Palestine, plusieurs siècles après la fin du Bronze Récent, une position culturelle considérable, comparable dans son importance, au moins en terme de population, avec les groupes nouvellement constitués : les Philistins et les proto-israélites.

Avant d'aborder le Fer I, période privilégiée des interprétations ethniques, il se révèle intéressant de qualifier le Bronze Récent en évoquant l'entité cananéenne, sa population et son territoire. La société du Bronze Récent présente en effet une situation paradoxale. D'une part, l'ensemble de la population semble posséder une relative unité culturelle, s'exprimant au travers d'une composante cananéenne principale. D'autre part, nombre d'éléments matériels indiquent une hétérogénéité de la population, avec des groupements humains, pouvant être de dimensions réduites, mais se distinguant par des pratiques et des coutumes différentes. Or ces pratiques sont essentiellement d'ordre culturel. Sont-elles pour autant issues de sphères sociales permettant de les rattacher à des groupes ethniques ? A. DES CANANEENS EN CANAAN : Des textes montrent selon A. Rainey que la conscience d'être Cananéen et de vivre en un lieu se nommant "Canaan" a bien existé au Bronze Récent958. Ce sentiment d'appartenance perdurerait durant l'ensemble de l'âge du Fer avec les Phéniciens et ce, jusqu'à la période hellenistique. Pour N. Na'aman, cette zone correspond territorialement à l'espace contrôlé par l'Egypte au Bronze Récent959. Canaan peut donc être considéré comme une entité politique territoriale définie et peuplée de "Cananéens", ce qui va à l'encontre des hypothèses avancées par Lemche960. B. L'IDENTIFICATION DE SOCIAUX : HAPIRU ET SOSHU

GROUPES

Des textes permettent de connaître l'existence de groupes sociaux qui sont invisibles au travers des traces archéologiques. Cette absence de données matérielles les concernant est également valable pour les Shoshu, groupes de populations nomades cités dans les textes égyptiens (voir le chapitre I). Les lettres d'El-Amarna, documents rédigés par l'élite urbaine, montrent que les Hapiru961 sont perçus par cette dernière comme un groupe social 958

Rainey 1996 : 12

959

Na'aman 1994 b : 413

960

Lemche 1991 a ; Thompson 1992 b ; Lemche 1994 ; Long ed.

1999 ; Grabbe ed. 2001 957

Récent : mosaïque

Long 1999 ; Grabbe 2001

961

197

Rainey 1995 avec la bibliographie antérieure

CHAPITRE 7. LES INTERPRETATIONS ETHNIQUES DE LA CULTURE MATERIELLE

propre : ils auraient adopté l'ensemble des traits matériels cananéens, comme les marchands assyriens ont pu le faire en Cappadoce au XVIIIème siècle ; soit leurs caractéristiques matérielles n'ont pu être mises en évidence pour l'instant. Le problème réside dans leur mode de vie, qu'ils se soient mélangés à la population locale dans les mêmes établissements, ou qu'ils aient occupé des sites distinctifs. Le mirage du "site-type" réapparaît ainsi avec la recherche d'une expression matérielle facilitant l'interprétation ethnique des groupes. L'Ancien Testament mentionne la présence de Hittites, des Hivvites, des Perizzites, des Girgashites, des Amorites et des Jébuséens963. Aucun de ces groupes, à l'origine non locale, n'a pu être isolé archéologiquement. Il est légitime d'envisager pour ces derniers, à défaut d'une assimilation culturelle totale, des spécificités culturelles voire ethniques, sans qu'une expression matérielle en ait forcément découlé. Des "zones culturelles", reposant sur la présence de "site-type", telles qu'elles sont définies au Fer I, ne peuvent être déterminées pour le Bronze Récent. Les "assemblages-types" qu'il est possible d'isoler pour le Bronze Récent présentent un matériel local complété par des importations en faible pourcentage. Aucun caractère ethnique n'intervient dans une telle situation qui répond uniquement à un contexte socio-économique donné. La céramique comme l'architecture ou les pratiques alimentaires ne permettent pas d'isoler de caractéristique ethnique attribuable à des groupes précis. Aucune frontière ethnique ne peut donc être dressée en Palestine au Bronze Récent. On peut considérer que la Palestine du Bronze Récent possède une certaine homogénéité ethnique, même si les données textuelles et archéologiques donnent à voir une mosaïque socio-culturelle complexe.

particulier et surtout exclusif. L'un des fondement de l'appartenance aux Hapiru repose d'ailleurs sur la volonté de s'exclure de la société urbaine. Les pratiques qu'ils développent et leur mode de vie les situent à part de la société. Les Hapiru partagent des traits communs, surtout dans la sphère sociale, mais rien n'indique des origines partagées, qu'elles soient sociales, politiques, culturelles, ou même géographiques. Il semble au contraire que la diversité d'origine ait été l'une des caractéristiques des Hapiru, où chaque membre possède sa propre histoire individuelle : point de groupe ethnique se perpétuant biologiquement, premier critère selon Barth pour identifier un groupe ethnique, bien que les Hapiru soient cependant liés par l'état de rupture vis-à-vis du monde urbain, dont ils peuvent être issus, sans systématicité. Les modalités d'appartenance aux Hapiru restent donc un problème loin d'être résolu. Les lettres d'El-Amarna abordent ce problème en mentionnant des villes dont les habitants rejoignent les Hapiru. Cela peut signifier qu'une partie de la population rejoigne effectivement les Hapiru quittant ainsi leur établissement. Mais aussi, et plus simplement, que la ville passe du côté des Hapiru, devenant ennemie du roi local ayant fait écrire la lettre, mais sans que rien ne soit changé au mode de vie des habitants. D'autres textes égyptiens du XIIIème siècle renseignent sur l'extension des Shoshu, groupes nomades présents dans le domaine des hautes collines de Palestine ou d'autres zones supportant un mode de vie pastoral962. Il n'est cependant pas non plus possible pour ces derniers de statuer sur une appartenance ethnique, leur mode de vie, le nomadisme, semblant avoir été le critère déterminant partagé par ces divers groupes. Ces différents textes viennent certes de manière heureuse en aide à l'archéologue pour lui apprendre l'existence de groupes sociaux. Il demeure cependant difficile de déterminer pour ceux-ci, en l'absence d'autres données, d'éventuels traits ethniques.

II- GROUPES ETHNIQUES ET ZONES CULTURELLES AU FER I

C. LES FRONTIERES ETHNIQUES AU BRONZE RECENT : ABSENCE REELLE OU SUPPOSEE ?

Selon R. Drews, on n'assiste pas, entre le Bronze Récent II et le Fer I, à la disparition des Cananéens et à leur remplacement par des Philistins, mais plus simplement à un changement de terme, pour une population qui reste globalement identique964. S'il accepte l'hypothèse de l'installation de population émigrée de langue grecque dans le sud de la Palestine au XIIème siècle, leur nombre reste

D'après les textes, le Bronze Récent voit l'établissement, selon des modes plus ou moins sédentaires, de nombreuses populations non locales en Palestine. Aucune d'entre elles n'apparaît toutefois archéologiquement. Soit ces groupes humains ne se sont pas distingués de la population locale au travers d'une expression matérielle

962

Rainey 1995 : 496 ; Giveon 1971

198

963

Jos. 3 : 10

964

Drews 1998 : 39

INTERPRETATIONS ETHNIQUES

prennent en compte un certain nombre d'éléments auxquels a été attribuée une origine non locale, reposant sur un double constat : leur absence en Palestine avant l'installation des Peuples de la Mer et l'isolement de ces traits matériels, jusqu'à aujourd'hui, aux établissements de Philistie. L'interprétation de ces éléments est orientée et d'après T. Dothan, vise à définir une culture philistine d'après la céramique, la métallurgie, la glyptique ou les pratiques cultuelles968. Les assemblages exhumés dans les centres urbains philistins comportant de la céramique Mycénienne IIIc: 1b sont donc considérés comme une expression directe de la culture des Peuples de la Mer.

néanmoins limité965. Le terme de "Canaan" peut, selon lui, être mis en rapport avec la notion d'un territoire contrôlé. La main-mise égyptienne sur cette vaste région aurait ainsi donné un nom à cette région, que les populations auraient conservé966. L'emploi du terme de "Philistins" dans l'Ancien Testament revient à désigner ainsi toutes les populations non Israélites. Drews envisage donc une origine commune pour ce qu'il nomme les "Palestiniens" (Philistins) et "Israélites". Chacun de ces groupes humains n'indiquerait donc pas de populations émigrées puisque que toutes seraient issues d'une origine locale commune : le pays de Canaan du Bronze Récent. Seul un changement de nom se serait donc opéré pour une même La tentative classique de population967. caractérisation du Fer I au travers de groupes ethniques serait selon Drews une vue de l'esprit sans réalité historique ni démographique. La volonté de percevoir certaines populations du Fer I comme des groupes ethniques à l'origine non locale et fraîchement arrivés, amène en effet à ce que la composante culturelle ancienne soit systématiquement minorée. Le caractère intrusif et subi des éléments nouveaux semble alors apporter la preuve de cette origine extérieure à la culture matérielle locale. Il est pourtant plus raisonnable de penser qu'au Fer I la population a dû rester assez identique à celle du Bronze Récent II. Ce qu'il importe en revanche de mettre en lumière sont les processus par lesquels, Philistins et proto-Israélites, vont être amenés, au cours du Fer I, par des choix et pratiques diverses à se distinguer l'un de l'autre. Comment s'opère en particulier le processus d'ethnogénèse ?

LA CERAMIQUE A. PHILISTINE :

MONOCHROME

L'apparition de la céramique Mycénienne IIIC:1b marque l'installation de Peuples de la Mer en Philistie. Cette céramique constitue la principale nouveauté matérielle par la quantité produite, malgré une distribution relativement limitée. Les cruches-marmites ou cooking-jug correspondent pour A. Killebrew à l'apparition d'un type céramique nouveau répondant à des pratiques culinaires nouvelles. B. LES PRATIQUES ALIMENTAIRES : Les pratiques alimentaires reposent sur une utilisation importante du cochon dans l'alimentation. On constate en effet sur plusieurs sites de Philistie, comme Tel Miqne, une augmentation du pourcentage des os de cochon parmi les divers animaux consommés. P. Wapnish et B. Hesse rappellent toutefois que le cochon est un animal souvent développé dans le cadre d'économies nouvelles ayant besoin rapidement d'une base nutritive importante969.

A. Les Philistins Pour accréditer la thèse de mouvements de populations venant s'installer sur les côtes de la Palestine au début du XIIème siècle, il est nécessaire d'identifier dans la culture matérielle des données spécifiques permettant une telle interprétation. Un premier postulat concerne la culture matérielle exhumée. Elle doit présenter des particularités visà-vis de la culture matérielle locale. Il s'agit alors de tracer soit son lieu de provenance, soit les influences dont elle a fait l'objet si cette dernière est de facture locale.

C. AUTRES DONNEES MATERIELLES : Une production matérielle plus vaste apporte des informations complémentaires. Le matériel lithique semble ainsi montrer des traces de fabrication nouvelles970. Des morceaux d'argile non cuite de forme biconique ou ronde utilisés comme poids de métier à tisser attestent d'une activité de filage. De tels exemplaires sont connus à Miqne, Ashkelon et sont liés à Chypre et au monde

Les données archéologiques servant à distinguer la population occupant les centres urbains de Philistie de celle du reste de la Palestine, 965

Drews 1998 : 44-46

968

Dothan T. 1998 : 148

966

Drews 1998 : 48

969

Wapnish, Hesse 1997 : 246, 248

967

Drews 1998 : 56-57

970

Stone 1995 : 19

199

CHAPITRE 7. LES INTERPRETATIONS ETHNIQUES DE LA CULTURE MATERIELLE

éléments "égéens" se sont révélés être des silos. Il importe ainsi de ne pas systématiser l'interprétation des données archéologiques exhumées en Philistie afin de n'y voir que l'expression d'une population non locale et homogène. La continuité des traditions cananéennes est réduite à la portion congrue des interprétations, alors que cette dernière a joué un rôle important à cette période dans cette même région. Rappelons qu'il existe des expressions de la culture matérielle de la Philistie du Fer I encore inconnues, telles les coutumes funéraires. Celles-ci pourraient permettre de distinguer entre les continuités de traditions locales, de repérer l'irruption de pratiques nouvelles et de mieux isoler leur origine. Pour Brug, la culture philistine est composite mais repose sur une prédominance d'éléments cananéens976. Sa conclusion repose cependant sur une approche erronée puisqu'il ne dissocie pas la culture matérielle de Philistie de celle provenant de la Shéphéla et du nord du Néguev977. La diffusion de la céramique bichrome ne saurait en effet donner des informations valables pour caractériser ces différents domaines géo-politiques. L'hétérogénéité des expressions matérielles présentes en Philistie est étonnante. On peut y isoler des aspects cananéens, prépondérants dans l'architecture, alors que d'autres sphères proposent des objets multiples indiquant des influences non cananéennes. Il n'existe toutefois pas de sphère, qu'elle soit cultuelle ou domestique, pouvant être rattachée à une origine unique. L'appréciation ethnique la plus sage impose donc de rester prudent : on ne peut isoler de dominante ethnique égéenne au sein de la population. La culture matérielle indique que la population est constituée de divers groupes culturels dont certains ont possédé un caractère ethnique d'origine égéenne. La question principale revient à se demander si la Philistie forme, dès le XIIème siècle, à la suite de l'installation de populations nouvelles, une entité ethnique différente, se revendiquant et perçue comme telle. Il est vraisemblable que cela a été le cas, sans que cela signifie qu'elle ait développé une culture matérielle exclusivement non cananéenne. On peut au contraire affirmer que la population a conservé une base majoritairement cananéenne.

Egéen971. Le travail de l'ivoire montre également une influence égéenne avec des motifs d'animaux combattant, des lions, griffons et taureaux972. Des sceaux pyramidaux ou en forme d'ancre, comme les figurines de type "Ashdoda" trouvées à Ashdod ou Tel Qasile, sont censés refléter des traditions artistiques égéennes973. Une étude de ces sceaux par O. Keel pour la période du Fer I-IIA aboutit toutefois à une interprétation opposée, ces derniers portant selon lui surtout des décors traditionnels cananéens, seul l'un d'entre eux, un joueur de lyre, pouvant être rapproché d'un thème philistin974. Enfin concernant des objets cultuels, certains ont été retrouvés à Tel Miqne975. Des scapula de bovidés, utilisées pour la divination, ou pour servir d'instrument de musique, indiqueraient un lien avec la sphère cultuelle. D. L'ARCHITECTURE : Au sein de l'architecture, peu de bâtiments témoignent de manière éloquente de pratiques de construction non locales. L'architecture domestique ne propose aucune nouveauté marquante, quant aux édifices publics ils restent assez peu nombreux. Les temples de Tel Qasile se rattachent distinctement à une tradition cananéenne et le "temple" de Tel Miqne possède un plan peu ordinaire, qu'il est difficile de relier à une tradition précise. Des murailles en brique crue se retrouvent sur plusieurs sites philistins du Fer I à Ashdod, Tel Miqne, Ashkelon et sur le site satellite de Tel Batash. Ces fortifications ne sauraient être considérées comme un élément ethnique. Le fait que les sites philistins se soient entourés d'un rempart a répondu à une nécessité de défense. Cet élément se rattache donc à la sphère politique. Les éléments matériels précédents tendent à fournir des preuves multiples de l'installation d'une population dont l'origine serait principalement égéenne. Les fouilleurs des sites de Philistie comme Tel Miqne, Ashkelon ou Ashdod ont pour préoccupation de prouver l'origine non locale de la nouvelle population. On constate que les données matérielles se prêtent relativement à cette tentative. Mais ces données recueillies restent partielles et certaines d'entre elles, comme les larges foyers considérés au départ comme l'un des principaux

E. LES "SITES-TYPES" Le concept du "site-type" a été largement utilisé en Philistie. Il repose sur la fouille de trois sites : Ashdod, Miqne et Ashkelon, mais ce sont surtout les deux premiers qui ont fourni à l'heure actuelle

971

Finkelstein 1997 : 225 ; Dothan T. 1998 : 154-155

972

Dothan T. 1998 : 159

973

Singer 1994 : 302

974

Keel 1994 : 34

976

Brug 1985 : 201

975

Dothan T. 1997 : 100-101

977

Brug 1985 : 204

200

INTERPRETATIONS ETHNIQUES

les données archéologiques les plus exploitables concernant l'interprétation des données ethniques. Des éléments matériels ont été retrouvés conjointement sur l'ensemble de ces sites. Il leur a été attribué une valeur culturelle et ethnique. L'étude de ces sites de Philistie pour le Fer I présente un exemple frappant de démarche où sont particulièrement recherchées les similarités et les continuités de la culture matérielle entre "sitestypes", autant que les différences et les discontinuités978 socio-politiques et culturelles avec la période précédente. Par ailleurs, force est de constater que le territoire des Philistins a faiblement varié entre ce qu'on en envisageait avant les fouilles, et ce qu'il s'est révélé être à la suite des fouilles. Les frontières proposées avant ou après les fouilles et celles tirées de l'Ancien Testament ne s'avèrent pas très éloignées les unes des autres. Si les données récentes permettent d'isoler des "sites-types" à la culture matérielle bien définie, elles n'en fournissent pas pour autant une frontière bien délimitée. L'existence de frontières politiques, sociales, culturelles, ou ethniques est des plus envisageables mais leur positionnement exact reste encore sujet à controverse, comme le montre la présence de quelques tessons de céramique Mycénienne IIIC:1b à Tel Haroer.

économiques980. Mais s'il arrive à opérer distinctions socio-politiques, il n'en va pas même, de son propre avis981, pour ce qui est frontières ethniques. Cette approche n'a donc permis d'obtenir les résultats escomptés.

des de des pas

B. LA CERAMIQUE : Les jarres à collier connaissent d'une part une diffusion qui ne se restreint pas au simple domaine des hautes collines, d'autre part, leurs caractéristiques morphologiques, que ce soit la forme générale ou le collier en particulier, les inscrivent distinctement dans une tradition cananéenne. Aucun marqueur ethnique ne peut donc leur être assimilé. La fréquence des jarres à collier au sein des assemblages des sites des hautes collines au cours du XIIème siècle, semble caractériser ces sites, même si elle ne permettent pas d'identifier les proto-israélites. L'ensemble des interprétations de la céramique relève plus sûrement de traits issus des sphères sociales, économiques ou environnementales. La poterie y propose un répertoire relativement limité, à la différence des assemblages des basses terres de la Shéphéla ou de la côte. Cette céramique tend à montrer que la population installée dans les hautes collines au Fer I est globalement une société agraire pauvre982.

B. Les proto-Israélites

C. L'ARCHITECTURE :

La détermination de "site-type" pour les protoIsraélites a longtemps reposé sur l'identification de deux éléments matériels allant de pair : les jarres à collier et les maisons à quatre pièces. Leur présence en des sites de taille réduite, situés dans une aire géographique correspondant au domaine de hautes collines, a généralement suffi à les identifier comme des établissements proto-Israélites. W.G. Dever constate en effet l'existence au XIIème siècle dans les hautes collines d'un groupe ethnique nouveau979.

Les sites des hautes collines présentent généralement des caractéristiques communes telles que la taille réduite des villages : 0,5 hectare pour la majorité, les plus grands atteignant 1 hectare. L'architecture ne présente pas de bâtiments publics, mais en revanche une abondance de silos pour la conservation du grain983. L'absence de fortifications est également notable au Fer I dans ces régions, sauf en quelques sites exceptionnels comme Giloh984. I. Finkelstein voit dans l'architecture, en particulier dans la forme et la disposition des maisons des villages, une influence du pastoralisme985. Les maisons à quatre pièces constituent le seul élément architectural récurrent dans les établissements des hautes collines. Mais pas plus que les jarres à collier, il n'offre de marqueur ethnique avéré. Des antécédents architecturaux s'ancrent en effet dans la tradition locale.

A. DES QUESTIONS FORT DEBATTUES : LA CERAMIQUE "ISRAELITE" ET LES MAISONS A QUATRE PIECES C'était s'attaquer là à l'un des piliers de l'archéologie biblique, telle qu'elle a pu être menée durant des dizaines d'années - jusqu'aux années 1980 - que de soulever ce problème. I. Finkelstein a tenté de délimiter les frontières ethniques des protoIsraélites d'après les aspects territoriaux et socio-

980

Finkelstein 1998 a : 27-33

981

Finkesltein 1997 : 221

982

Finkelstein 1988 a : 356

983

Finkelstein 1988 a : 29-30, 264-269 ; Coote 1990 : 131-134

978

Jones 1997 : 49

984

Finkelstein 1988 a : 262

979

Dever 1993 b : 24*

985

Finkelstein 1988 a : 347

201

CHAPITRE 7. LES INTERPRETATIONS ETHNIQUES DE LA CULTURE MATERIELLE

exploitables dans une telle démarche. Ces populations se distinguent cependant des autres groupes habitant la Palestine. Les travaux récents de Ji sur les maisons à quatre pièces ainsi que les jarres à collier, amènent à une réévaluation de ces données archéologiques. Prenons l'exemple de la céramique bichrome philistine. Il est nécessaire de distinguer entre sa fonction et son utilisation en Philistie et en dehors de cette zone, correspondant à sa distribution commerciale. Le caractère ethnique ou culturel qu'elle a pu revêtir en Philistie ne peut être étendu à l'ensemble des utilisateurs en Palestine. Il peut ainsi en aller de même pour les jarres à collier et les maisons à quatre pièces : il est nécessaire de distinguer entre une zone d'utilisation centrale où cette dernière est relativement systématique et une répartition plus vaste de ces mêmes traits matériels. Il ne s'agit toutefois pas dans ce cas de diffusion commerciale comme pour la céramique bichrome. La culture matérielle que l'on isole en revanche en Philistie au Fer I révèle l'origine étrangère, mais d'une partie seulement, de la population occupant cette région. Elle s'apparente à un cas avéré où les changements dans la poterie sont dus à des mouvements de populations, phénomène comme il en existe d'autres dans l'histoire989. La Palestine du Fer I offre toutefois un terrain de recherche ne permettant qu'un soutien ambigu aux théories diffusionistes. En particulier, l'étude de diverses catégories céramiques dans le sud de la Palestine au cours du Fer I indique plutôt des frontières géopolitiques et culturelles marquées990 que des frontières strictement ethniques. Elle pose en revanche de manière aiguë le problème de l'ethnogénèse et la façon dont des groupes humains sont amenés à se distinguer.

D. LES PRATIQUES ALIMENTAIRES : Ces dernières représentent pour I. Finkelstein des symboles conservateurs de l'ethnicité986. On distingue dans les sites des hautes collines des pourcentages de consommation du porc de 0,1% à Shiloh et 0% au Mont Ebal ou à Khirbet Raddana. Cette consommation atteint 18% à Tel Miqne, 10% à Ahskelon et 8% à Tel Batash. Il y aurait ici la forte présemption d'un tabou du porc dans les hautes collines dès le Fer I, fonctionnant comme un marqueur ethnique efficace pour distinguer les groupes proto-Israélites des Philistins987. B. Hesse et P. Wapnish concluent sur une note reconnaissant aux os de porc la possibilité de servir de marqueur ethnique988. Ils ajoutent toutefois qu'une simple présence / absence de ces derniers sur un site ne saurait permettre de conclure sur l'identité ethnique de la population considérée. Chaque contexte de découverte d'os de porc devant faire l'objet pour eux d'une étude détaillée afin de livrer les raisons précises expliquant ses modes d'utilisation au sein de la société. Le fait que la population des hautes collines au Fer I soit majoritairement issue d'un substrat local cananéen, où l'élevage et la consommation de la chèvre et du mouton étaient prépondérante au Bronze Récent, explique en partie que ceux-ci aient conservé leurs pratiques alimentaires. A cela se serait rajouté au cours du Fer I le tabou du porc en "réponse" aux modes alimentaires des Philistins.

C. La caractérisation ethnique Philistins et proto-Israélites

des

La recherche actuelle oppose donc deux "cas d'écoles". Concernant les proto-Israélites, les éléments matériels à valeur ethnique qui leur étaient associés ont été réfutés les uns après les autres. Il n'est pas possible aujourd'hui de caractériser ethniquement la production matérielle exhumée dans les hautes collines. Pareillement pour les zones culturelles mises en place, qui ne permettent pas de distinguer des frontières attribuables à un groupe ethnique. Ces établissements reflètent en revanche de toute évidence au XIIème siècle une zone bien délimitée, mais selon des critères socio-économiques et environnementaux. Nous sommes donc face à un groupe humain que l'on a toujours désiré percevoir selon des termes ethniques, mais dont bien peu d'éléments dans la culture matérielle se révèlent 986

Finkelstein 1997 : 227-230

987

Finkelstein 1997 : 230

989

Brug 1985 : 52

988

Hesse, Wapnish 1997 : 263

990

Mazar 1997 a : 158

202

1. LES CONTEXTES SOCIO-ECONOMIQUES AU BRONZE RECENT II

QUATRIEME PARTIE SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE

a. Les contextes de production : Les deux grandes catégories de céramique constituant les assemblages du Bronze Récent II regroupent une production locale majoritaire, à laquelle vient s'ajouter une production non locale, aux provenances multiples et dans des proportions faibles, de l'ordre de 1 %. La poterie locale cananéenne concerne une production relativement homogène sur l'ensemble de la Palestine. Il n'existe en effet pas de profondes variations entre les différentes régions. Des distinctions existent toutefois, mais sont peu marquées : elles se limitent à des variations typologiques réelles mais mineures, principalement entre le nord et le sud du pays. Une unité typologique et technologique prévaut donc globalement entre les divers assemblages de cette période. Par rapport aux productions antérieures du Bronze Moyen, celle du Bronze Récent II montrent une baisse qualitative notable. Le fonctionnement des centres de fabrication reste cependant mal connu. Il est vraisemblable que les principaux sites, telles les cités-états, aient été des centres producteurs avec des ateliers de potiers spécialisés, comme celui de Lachish991. Les établissements plus petits ont dû également répondre à une partie de leurs besoins en produisant certains types morphofonctionnels, mais non l'ensemble du répertoire céramique.

CHAPITRE VIII- SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE La synthèse archéologique s'organise selon trois axes reprenant l'ensemble de la documentation archéologique précédemment traitée. Les processus de la transition seront étudiés au travers des éléments les plus pertinents de la culture matérielle : d'abord la céramique et l'architecture, puis l'organisation des territoires, enfin la détermination de sphères d'influence permettront de caractériser dans le détail et de manière séquentielle l'évolution des processus affectant l'ensemble de la société.

I- LES PROCESSUS DE LA TRANSITION A TRAVERS LA CERAMIQUE ET

b. Les contextes de diffusion :

L'ARCHITECTURE

La diffusion de la poterie locale, du fait qu'elle repose sur les centres de production, est problématique. La société cananéenne est la principale destinataire de cette production. Les jarres cananéennes représentent à ce titre une exception puisqu'elles ont été exportées en grand nombre dans l'ensemble de la Méditerranée orientale, non pour leur qualité intrinsèque mais pour leur contenu, huile et vin vraisemblablement. Mis à part ce cas particulier, la production de céramique locale semble avoir fait l'objet d'une faible diffusion. Cette production céramique des centres urbains était-elle destinée à alimenter l'ensemble des établissements satellites en dépendant ? On peut estimer qu'un marché intrarégional ai correspondu au territoire des citésétats. Rappelons que les études archéométriques et en particulier pétrographiques, restent peu nombreuses dans le domaine de la céramique cananéenne. Seules les catégories non locales possèdent une vaste aire de diffusion. La présence

A. Les contextes socio-économiques à la fin du deuxième millénaire : production, diffusion et utilisation des catégories céramiques Il importe de s'interroger dans quelle mesure les productions céramiques reflètent les changements socio-politiques de la fin du deuxième millénaire, ainsi que la manière dont les processus de la transition et en particulier le processus de régionalisation politique s'expriment dans les productions céramiques. Enfin, la céramique évolue-t-elle selon des critères propres, se limitant à des aspects typologique et technologique, ou reprend-elle les grands axes des sphères politiques et économiques ?

991

203

Magrill, Middleton 1997

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

continuités typologiques, il est cependant possible de distinguer une certaine baisse de la maîtrise technologique. Ces éléments doivent être mis en relation avec la sphère politique ou la continuité de la présence égyptienne, cette dernière connaissant un déclin. Les assemblages céramiques exhumés sur les sites du nord du Néguev présentent également de fortes continuités permettant d'associer la situation régionale à celle de la Shéphéla.

de ces importations sur tout site occupé de cette période ne doit pas induire en erreur cependant : l'obtention de ces céramiques fines doit être mise sur le compte d'une bonne circulation des denrées ainsi que d'une forte demande locale plutôt que sur celui d'une prospérité exceptionnelle du monde urbain et villageois en Palestine.

c. Les contextes d'utilisation : Les multiples catégories morpho-fonctionnelles se répartissent suivant les divers domaines d'utilisation : principalement domestique, cultuel et funéraire. Certains types connaissent des utilisations spécifiques mais globalement les divers types ne possèdent pas d'utilisation unique : les bols, et les jarres, par exemple, se retrouvent aussi bien dans des contextes domestiques que funéraires. Seuls les types les moins courants comme les calices, les gobelets, sont liés à des activités, cultuelles généralement, plus systématiques. Quant aux céramiques importées, leur utilisation concerne aussi bien les contextes domestiques que funéraires. Les céramiques au sein de la culture matérielle connaissent donc à cette période des répartitions et des utilisations relativement équivalentes entre les diverses régions réparties selon un axe est-ouest. Il en va pareillement dans une même région pour les différences que l'on peut noter entre les centres urbains et villageois.

b. Les contextes de diffusion : Chacun de ces assemblages connaît globalement une diffusion à une échelle intrarégionale. Il semble en être de même avec la céramique Mycénienne IIIC:1b. Son étude repose d'ailleurs sur le présupposé que sa diffusion se restreint aux cinq grands sites philistins. Tel Haroer a toutefois livré quelques tessons de cette catégorie. Les évidences archéologiques restent cependant trop limitées, pour l'instant, pour conclure à une diffusion de cette catégorie céramique en dehors de sa zone de production. Durant la première moitié du XIIème siècle, le repli politique régional dans le sud de la Palestine concerne également la sphère économique. Chaque production céramique diffuse ainsi à une distance moindre. Cette échelle réduite a pu se limiter au seul site qui produit la poterie. Les assemblages céramiques des villages des hautes collines de Judée présentent une production céramique répondant aux besoins du site et dont la diffusion a, semble-t-il, été également très limitée.

2. LES CONTEXTES SOCIO-ECONOMIQUES AU BRONZE RECENT III / FER IA

c. Les contextes d'utilisation :

a. Les contextes de production :

Les contextes d'utilisation varient peu : la céramique locale se retrouve dans des contextes identiques, domestiques, cultuels ou funéraires. La céramique Mycénienne IIIC:1b n'a pu être retrouvée dans des sépultures puisqu'aucune tombe de cette période n'a été découverte en Philistie. Il serait néanmoins vraisemblable d'en trouver dans ce type de contexte, étant donné sa valeur socioéconomique. Une telle hypothèse est d'une grande portée. Elle doit être mise en perspective avec la tombe fouillée au sud de Khirbet Hassa entre Ashdod et Ashkelon993. Cet emplacement, aux abords immédiats des principaux établissements philistins, met en évidence l'existence d'une phase chronologique au début du XIIème siècle caractérisant le Bronze Récent III. La relative importance de la tombe n'aurait pas manqué de susciter la présence de céramiques fines déposées dans la tombe, si les céramiques Mycéniennes IIIB ou chypriotes avaient été encore disponibles, ce qui

Le développement de productions distinctes et géographiquement localisées apparaît comme un indicateur pertinent du processus de régionalisation politique. Cette existence de productions céramiques individualisées dans le sud de la Palestine, peut être isolée dans trois grandes zones. En Philistie tout d'abord, avec la production de la poterie Mycénienne IIIC:1b, catégorie nouvelle, aux influences non locales. Des fours ont été retrouvés à Ashdod et Tel Miqne et mis en parallèle avec la production de cette céramique particulière992. Dans les hautes collines de Judée ensuite, se développent des assemblages qui, s'ils s'intègrent à la tradition cananéenne, n'en forment pas moins une expression caractéristique adaptée à des conditions sociopolitiques nouvelles, propres aux villages qui se créent dans cette région. En Shéphéla enfin, les assemblages céramiques présentent de fortes

992

Dothan 1998 : 152, 154 ; Killebrew 1998 a : 383

993

204

Gophna et Meron 1970

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

la Philistie ou le nord de la Shéphéla. Quant à la poterie bichrome philistine, son extension correspond à une aire de diffusion commerciale d'un "style céramique" et non à une aire de contrôle politique. L'extension de cette aire reflète directement une importante production. Le XIème siècle marque le retour de la diffusion de catégories céramiques sur l'ensemble de la Palestine, telle la poterie à engobe rouge lustré, et non plus seulement entre les régions limitrophes.

n'est pas le cas. La tombe peut donc être considérée, si l'on désire être précis, comme postérieure à 1186 et antérieure à 1130 puisqu'on n'y trouve pas de céramique bichrome philistine. Mais l'absence de céramique Mycénienne IIIC:1b implique deux autres éléments. D'une part que la tombe serait antérieure à l'apparition et au développement de cette catégorie céramique. D'autre part que le centre de la Philistie traverse une période, courte certainement, entre les dernières importations de céramiques Mycéniennes IIIB et le développement de la céramique Mycénienne IIIC:1b. La tombe a vraisemblablement connu une utilisation entre 1186 et peut-être 1160. Il est possible d'objecter que cette tombe est contemporaine de la phase de la céramique Mycénienne IIIC:1b et que des individus strictement cananéens y ont été inhumés. Soucieux de conserver les traditions locales dans cette période troublée, les objets déposés n'auraient pas concerné cette nouvelle catégorie céramique philistine.

c. Les contextes d'utilisation : Les types céramiques appartenant à la tradition cananéenne connaissent des utilisations dont les contextes ont peu varié depuis le Bronze Récent. La céramique locale ne joue à elle seule qu'un rôle limité dans les distinctions socio-économiques au sein de chaque groupe peuplant la Palestine. Des distinctions sociales s'expriment en revanche dans la céramique bichrome philistine. Les tombes de Tel Eitun, avec des assemblages présentant une hétérogénéité marquée dans la provenance des objets et des céramiques, montrent bien la concentration de richesses que certaines habitants auraient regroupé996. Cette catégorie céramique renoue avec des pratiques, de production, de diffusion comme d'utilisation, s'apparentant à celles des poteries importées du Bronze Récent II, où l'on retrouve un schéma de diffusion s'opérant depuis la plaine côtière jusqu'aux hautes collines de Judée, non incluses au Fer I.

3. LES CONTEXTES SOCIO-ECONOMIQUES AU FER IB a. Les contextes de production : La production locale retrouve une qualité de fabrication qu'elle avait perdue au cours du Bronze Récent II. La principale nouveauté concerne toutefois la céramique bichrome philistine dont la production atteint des quantités sans commune mesure avec celle de la poterie monochrome philistine. Les centres de production se trouvent principalement en Philistie, mais certains sites, rares semble-t-il, comme Gezer en ont également produit994. Bien que la céramique bichrome philistine semble perpétuer l'existence d'une production spécialisée comme c'était le cas pour la poterie monochrome philistine, les ateliers, au moins en Philistie, ont-ils produit les deux catégories céramiques ? La céramique bichrome philistine n'a pas encore fait l'objet d'études technologiques détaillées comme c'est le cas pour la poterie Mycénienne IIIC:1b995. Le fonctionnement des centres de production de la céramique bichrome reste donc mal connu.

On constate donc que sur l'ensemble de la période de la transition du Bronze Récent II au Fer I, la céramique rend compte des évolutions socioéconomiques comme politiques d'une manière relativement cohérente et quantifiable. Cette sphère n'est pas, comme on aurait pu le penser, le seul réceptacle des continuités d'une période antérieure. La culture matérielle réagit au travers de changements typologiques, technologiques, dans la production ou sa diffusion, aux multiples influences des domaines économique et politique, des différents contextes sociaux et des diverses sphères de la société. On remarque par ailleurs que la production, la diffusion et l'utilisation des différentes catégories céramiques en viennent au cours de cette période à se distinguer selon un axe est-ouest. Les répertoires céramiques s'appauvrissent en quantité et en qualité depuis la plaine côtière (répertoire riche et varié) jusqu'aux hautes collines de Judée (répertoire limité et appauvri). Les différences entre les centres urbains et villageois au sein d'une même région sont en

b. Les contextes de diffusion : La céramique locale connaît une diffusion difficile à évaluer, dont on peut penser qu'elle correspond aux zones d'influence politique comme

994

Dever et al. 1986 : 87

995

Killebrew 1998 a

996

205

Edelstein, Aurant 1993

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

revanche difficile à évaluer, tout elles l'étaient durant le Bronze Récent.

militaires égyptiennes causant des destructions répétées au début du Bronze Récent, durant les XVIème et XVème siècles, ou sous Merneptah à la fin du XIIIème siècle, ont sans doute porté un coup à la vie urbaine. La puissance des villes au Bronze Moyen permettait de lever des hommes en quantité afin de réaliser des édifices publics, des murailles surtout, mais également des palais et des temples997. Le manque de ressources humaines a constitué l'un des freins majeurs au dynamisme urbain durant le Bronze Récent. Si ce dernier n'a pas entièrement disparu, il n'en demeure pas moins incomparablement réduit. La rareté des réalisations architecturales à cette période le prouve. Seul Hazor échappe à la règle. En tant que vaste cité, elle peut compter sur une population importante pour entretenir d'imposants remparts. Pour le reste des cités-états de Palestine, la situation correspond à un cercle vicieux : aux taxes et corvées exigées par l'élite s'ajoutent celles exigées en tribut par l'Egypte. La population ainsi lourdement contrôlée a alors réagi en quittant le monde urbain sédentaire998, aggravant par ce biais les carences en ressources humaines des centres urbains, où l'élite se trouvait engagée dans une spirale d'acquisition et d'échange d'objets de luxe obstentatoires.

B. Les pratiques architecturales, expression de la société cananéenne du Bronze Récent II-III Comment l'architecture répercute-t-elle les processus de la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer ? Parmi les nombreux domaines de l'architecture, certains sont davantage à même d'éclairer les évolutions traversées par la société cananéenne. Par ailleurs, la société cananéenne de la fin du Bronze Récent ne peut être comprise sans analyser précisément les tenants et aboutissants du contrôle égyptien. Les rapports entre l'Egypte et la Palestine concernent en effet à cette période l'ensemble des sphères de la société à savoir les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels.

1. LA NON-MONUMENTALITE DE L'ARCHITECTURE AU BRONZE RECENT II Le critère de non-monumentalité de l'architecture au cours du Bronze Récent est l'un des traits distinctifs de cette période. Ce critère est d'importance puisqu'il caractérise l'ensemble des constructions de cette époque, qu'il s'agisse des palais, des temples ou des tombes. Le Bronze Moyen modèle l'architecture du Bronze Récent, on note donc une forte continuité entre les deux époques. Des établissements comme Hazor, Megiddo ou Shechem peuvent ainsi être considérés comme des sites-répertoires de l'architecture, à travers la conservation et la réutilisation d'éléments de la période antérieure. Cette non-monumentalité permet également de caractériser la société du Bronze Récent. L'absence de rupture culturelle entre le Bronze Moyen et Récent se note particulièrement dans les temples qui conservent un même emplacement d'une période à l'autre. La réutilisation de tombes à partir de celles creusées au Bronze Moyen, représente la pratique la plus courante au Bronze Récent, qui en a peu creusées. Ce trait signifie donc une continuité architecturale et culturelle. Il est toutefois difficile de déterminer si cette pratique correspond à des raisons culturelles volontaires, ou si la réutilisation des tombes s'explique simplement par des choix de facilité ne nécessitant pas le creusement de nouveaux espaces. La taille, la quantité et la qualité des bâtiments édifiés au Bronze Récent, s'ils sont comparés avec ceux du Bronze Moyen, révèlent une réduction évidente de la société urbaine. Les campagnes

2. LE SUD DE LA PALESTINE ENTRE PRESENCE ET INFLUENCE EGYPTIENNE Il est parfois difficile de faire la part des choses au sein de la culture matérielle, entre ce qui dépend d'influences égyptiennes et ce qui est lié à une présence effective égyptienne. L'hypothèse d'une telle présence a reposé sur des éléments tels que les forts, les "résidences de gouverneur" ou des objets égyptiens comme la statuaire. Les influences égyptiennes quant à elles s'expriment principalement dans l'architecture et dans certains objets égyptisants. Les garnisons étaient directement sous le contrôle de l'Egypte, qu'elles aient regroupé des mercenaires ou des troupes égyptiennes. Les autres preuves demeurent encore souvent des hypothèses. Concernant les "résidences de gouverneur" rien ne prouve qu'un gouverneur égyptien y ait séjourné. Ces lieux ont fort bien pu servir de lieu de résidence au potentat local. Bien que ce dernier soit tenu de rendre des comptes au pharaon, il reste un personnage cananéen. Concernant cette présence égyptienne en Palestine durant les XIXème et XXème dynasties, le début du XIIIème siècle voit une grande activité militaire égyptienne avec

206

997

Bunimovitz 1994 : 7

998

Bunimovitz 1994 : 10

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

l'engagement armé contre l'empire hittite et la bataille de Qadesh. La fin du siècle correspond au déroulement de la campagne militaire menée par Merneptah en Palestine. Dans les deux cas, l'Egypte occupe ou opère un passage sur le territoire palestinien. Au Bronze Récent III, les données matérielles attestent un contrôle économique avec les bols inscrits en hiératique de Tel Sera, Lachish ou Tell elFar'ah (sud). Comme C. Higginbotham nous pensons que la présence de personnel égyptien a dû être limitée essentiellement aux quelques garnisons des forteresses999. Il est important de noter la relative absence de céramiques égytiennes importées dans des sites comme Deir el Balah, en revanche les poteries égyptisantes sont nombreuses et ont dû reposer sur la présence de potiers égyptiens. Il n'est ainsi pas possible d'isoler de groupes de population égyptienne en Palestine à cette période. Par ailleurs, aucune tombe ne semble pouvoir être attribuée, de par son matériel, à des fonctionnaires égyptiens en poste en Palestine. Le développement d'un contrôle plus efficace de la Palestine durant les XIIIème-XIIème siècles n'a pas nécessairement exigé l'envoi en nombre de fonctionnaires égyptiens. Il suffit qu'une partie de l'élite cananéenne soit éduquée en Egypte pour que cette dernière s'assure d'une loyauté plus grande des rois cananéens envers le pharaon, cette pratique étant avérée par une lettre d'El-Amarna (EA 296). On constate que l'influence égyptienne est plus forte au Bronze Récent II-III qu'aux périodes précédentes, soit entre les XVIIIème et les XIXème-XXèmes dynasties, comme l'indiquent par exemple les dépôts de fondation au XIIIème-XIIème siècles. Des objets nombreux et surtout l'architecture, tels les temples de Lachish et de Bet-Shan, l'attestent. L'influence culturelle égyptienne sur la Palestine ne s'est alors pas limitée à l'élite, mais a concerné une partie plus large de la population.

3.

LES

FORTIFICATIONS FORTERESSES

ET

vis-à-vis du Bronze Moyen. Le regain de présence égyptienne au Bronze Récent II-III en Palestine et en particulier dans le sud, se marque par la construction de forts1000 plutôt que de remparts autour des cités cananéennes. On constate que la nécessité de sécuriser un axe économique, vital ou d'importance pour l'Egypte, amène cette dernière à développer son propre système de défense plutôt qu'à emmurailler les cités. Cette pratique est moins longue et coûteuse qu'une enceinte à construire, et la concentration de force militaire y est plus dense. Elle permet également d'assurer la défense contre les rébellions locales éventuelles. L'existence des forteresses et des garnisons rappelle le rôle de gendarme joué par l'Egypte en Palestine. L'Egypte à travers ce système se repose en dernière instance sur ses forces militaires, présentes en faible nombre, davantage que sur la confiance, limitée faut-il croire, qu'elle accorde aux cités locales. Le problème plus complexe des sites fortifiés du nord Néguev appelle une explication différente. Dans cette perspective, il semble que l'on puisse effectuer une relation entre les sites avec un rempart et ceux possédant également une "résidence de gouverneur". La présence égyptienne, au travers d'un contrôle administratif et économique a pu autoriser dans certains sites la construction d'une enceinte. Une telle situation expliquerait les remparts à Tell Jemme ou Tell el Far'ah (sud). La fortification des sites ne repose pas sur une nécessaire adaptation à un environnement dangereux. Les établissements aux structures de défense développées se situent dans des zones précises. Alors que le statut politique de cité-état expliquait au Bronze Moyen que la ville se ceinture d'une enceinte, cette situation n'est plus valable au Bronze Récent. Ce ne sont pas les cités-états qui possèdent de manière privilégiée des murailles, ni par ailleurs forcément les sites les plus exposés aux conflits ou les plus isolés qui seraient les mieux défendus. La majorité des villes défendues par un rempart dans le sud de la Palestine, est édifiée au cours du XIIIème siècle, et le restent durant une partie du XIIème siècle. En ce sens, les remparts peuvent se rapprocher des forteresses. Les sites ainsi fortifiés, quelle que soit leur taille, possèdent une certaine importance aux yeux des Egyptiens. La route commerciale de la Via Maris constitue un axe essentiel qu'il s'agit de protéger efficacement. Pour cela, point n'est besoin de fortifier une ville entière, il suffit qu'un lieu stratégique soit tenu sur cette voie de passage. Les forts de Tel Mor, Tell el-Ajjul ou Deir el Balah répondent à l'évidence à une telle nécessité. Le

LES

Il existe une situation paradoxale dans le domaine des fortifications au cours du IIème millénaire en Palestine : d'une part on constate une forte discontinuité entre le Bronze Moyen et le Bronze Récent dans la pratique de ceinturer d'un rempart les établissements, comme c'est quasi systématiquement le cas au Bronze Moyen ; d'autre part aucune innovation n'intervient durant le Bronze Récent et les pratiques architecturales défensives se placent dans une continuité certaine 999

Higginbotham 1996 : 163

1000

207

Higginbotham 2000 : 284-290

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

Bet-Shan, ou à travers la fabrication de céramique égyptienne réalisée localement par des potiers certainement d'origine égyptienne1002.

rempart d'Ashdod, cité commerçante, peut également entrer dans de telles préoccupations. Quant à la plaine côtière du nord Néguev, dont le statut a pu s'apparenter à celui d'une "petite Egypte", elle possède une situation et un rôle privilégiés sous les XIXème et XXème dynasties pouvant expliquer que des sites importants de cette région se voient ainsi fortifiés.

II- L'ORGANISATION DES SITES ET DES TERRITOIRES DANS LE SUD DE LA

4. LES "RESIDENCES DE GOUVERNEUR"

PALESTINE

Les "résidences de gouverneur" ont possédé un rôle politique, économique et administratif lié, au moins pour certaines, à une gestion économique de la zone alentour, en partie pour le compte de l'Egypte. Cette fonction est primordiale dans la détermination de la nature de la présence égytienne. Son investissement dans les provinces asiatiques et dans le sud de la Palestine particulièrement, ne saurait être le fruit de simples visées militaires. L'exploitation par l'Egypte des ressources de la Palestine avec les mines de cuivre de Timna, l'huile et le vin, ne saurait être considérée comme négligeable au cours d'une période où les famines ont, semble-t-il, été relativement courantes1001. L'exploitation économique de la Palestine a donc représenté pour l'Egypte l'une des principales raisons expliquant le développement de son contrôle sous les XIXème et XXème dynasties, sans qu'elle ne nécessite une forte présence militaire de l'Egypte. Quelques sites stratégiques suffisent à une telle tâche.

A. Synthèse des séquences stratigraphiques : entre destructions et continuités Voir les planches n°24 et 25. Les abandons, les destructions ou les variations dans la taille des établissements, constituent les principaux phénomènes rythmant la vie des sites. Les séquences stratigraphiques et les niveaux qui les composent, tantôt résultent d'événements soudains et dramatiques, tantôt sont l'expression des contextes socio-politiques environnants. Pour comprendre la dynamique de destruction des sites, on doit distinguer entre les destructions isolées d'établissements, et les conquêtes qui s'apparentent le plus souvent à des destructions régionales. Parmi les sites fouillés, un nombre limité d'entre eux connaissent une destruction suivie d'un abandon, que ce soit vers la fin du Bronze Récent II ou du Bronze Récent III. Tel Harassim ou Lachish constituent des exceptions à la règle. Les principaux sites fouillés indiquent au contraire des continuités d'occupations entre le Bronze Récent II et le Fer I, que le site ait connu ou non des transformations dans sa nature ou dans sa population. La variabilité des séquences stratigraphiques au sein d'une même région constitue ainsi l'un des aspects de la régionalisation politique que traverse la Palestine durant l'ensemble du Fer I.

En conlusion au XIIIème siècle s'opère une organisation méticuleuse par l'Egypte de certains territoires de Palestine, ce qui n'équivaut pas forcément à une présence égyptienne accrue. L'élite cananéenne s'est vue influencée par ce puissant voisin. Il s'opère donc au cours des XIII-XIIème siècles un triple processus socio-politique comprenant : - une égyptianisation culturelle de la population, comme l'attestent les dépôts de fondation, mais surtout de l'élite locale, au travers d'objets de luxe égyptiens et égyptisants, ou d'influences architecturales dans les temples. - un contrôle administratif et économique, avec les collectes de tributs, de l'ensemble du territoire à partir du site central de Gaza et de centres locaux telles possiblement les "résidences de gouverneur". Ce contrôle s'opère particulièrement sur les axes de communication comme la Via Maris, le nord du Néguev ou la vallée de Jezréel et du Jourdain. - une présence égyptienne, réduite mais réelle avec les forts et les garnisons à Deir el Balah, Tel Mor et 1001

1. DES TROUBLES LOCAUX : La destruction d'une ville au Bronze Récent II, si elle s'opère de manière isolée, peut être le fait de troubles locaux ou résulter d'une campagne militaire égyptienne. La stèle de Merneptah mentionne la prise des villes d'Ashkelon ou Gezer1003. De tels événements ont pu entraîner une destruction complète ou seulement partielle de l'établissement. Les destructions liées aux conquêtes égyptiennes ont toutefois surtout concerné des sites

Na'aman 1994 : 243-245

208

1002

Cohen-Winderberger 1998 : 406, 411

1003

Singer 1988: 3

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

stratégiques comme Megiddo et Gezer, ou des sites le long des principales routes commerciales comme Ashkelon. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les petits sites ont été affectés lors de ces campagnes. Durant le Bronze Récent, les couches de destruction identifiées semblent donc surtout dues à des troubles locaux. Aucune région ne fait l'objet de destruction systématique ou totale. Des groupes comme les Hapiru, dans le cadre de conflits entre les cités-états, par exemple, peuvent être tenus pour responsable de certaines destructions. Tel Batash fournit le meilleur exemple d'une cité-frontière importante, placée entre les cités-états de Gezer et Tel Safit/Gath dont les destructions, nombreuses, peuvent s'expliquer par ces conflits locaux.

3. SYNTHESE DES STRATIGRAPHIQUES

SEQUENCES

Le tableau (voir planche n°24) synthétisant les données stratigraphiques et matérielles issues des fouilles apporte des éléments novateurs non négligeables quant à l'appréciation des séquences chronologiques. Il apparaît que le Bronze Récent IIB, grâce à la présence d'importations se laisse aisément isoler, de même que le Fer IB grâce à la céramique bichrome philistine retrouvée sur l'ensemble des sites du sud de la Palestine occupés à cette période. Il n'en va pas de même cependant pour le Bronze Récent III / Fer IA. Il est ainsi nécessaire d'opérer une distinction entre les sites du sud de la plaine côtière et les autres sites, c'est-àdire ceux situés à l'intérieur des terres, en Shéphéla, dans les monts de Judée, dans la plaine côtière du nord du Néguev et dans le nord du Néguev. Le XIIème siècle est marqué pour les établissements du sud de la plaine côtière par une séquence stratigraphique composée de deux niveaux. On constate en revanche que les sites de Shéphéla proposent des séquences stratigraphiques concordantes. Elles prouvent de manière indiscutable (au travers des niveaux de Lachish VI, de Gezer XIV, de Tel Yarmouth V, de Tel Beit Mirsim B1, ou de Tel Sera IX), qu'un laps de temps d'au moins un demi-siècle s'écoule entre la fin des importations mycéniennes IIIB, jusqu'à vers 1185, et les premières influences de la culture matérielle philistine dans le sud de la Palestine, en dehors de la Philistie. Cette influence se marque au travers de la céramique bichrome.

2. DES CONQUETES ET DESTRUCTIONS REGIONALES : A la fin du XIIIème et au cours du XIIème siècles, plusieurs destructions régionales peuvent être isolées. Une vague de destructions à la fin du Bronze Récent IIB touche l'ensemble des sites de la plaine côtière. Parmi les sites fouillés, un nombre important d'entre eux connaissent, dans le sud de la Palestine, une réoccupation immédiate à laquelle les Philistins sont liés : Tel Miqne, Ashdod, Ashkelon et Tel Safit très certainement. Ces destructions dont les Peuples de la Mer peuvent être tenus pour responsables, n'affectent pas les établissements situés à l'intérieur des terres, où aucune destruction systématique n'a pu être isolée lors des fouilles. La plaine côtière a dû connaître des destructions régionales s'apparentant à une conquête qui a été suivie par l'installation de populations. Vers la fin du XIIème siècle, le site de Lachish connaît une destruction totale qui, et c'est là l'élément le plus important, ne sera pas suivie d'une réoccupation. Or, peu de sites de cette taille connaissent ce destin. L'ensemble du territoire politique sous le contrôle de Lachish semble avoir subi une destruction ou du moins un abandon identique, que les sites aient été détruits ou que les populations aient simplement fui. Il ne s'agit pas d'une conquête véritable mais plutôt de destructions régionales. En Shéphéla enfin, vers la fin du XIème siècle, plusieurs sites comme Tel Yarmouth, Bet-Shemesh, Tel Batash sont détruits. Ces événements peuventils être mis en parallèles les uns avec les autres, et doit-on envisager un même responsable ? Il s'agirait dans un tel cas d'un processus de conquête et non de simples destructions isolées. Ces sites n'ont cependant pas été systématiquement réoccupés après avoir été détruits ou abandonnés.

B. La répartition des sites et l'organisation des territoires Chacune des régions du sud de la Palestine subit au cours du Fer I des changements sociopolitiques, de nature distincte.

1. LA PHILISTIE La Philistie traverse, au début du XIIème siècle, des processus d'une grande diversité. Les destructions opérées par les Peuples de la Mer auraient pu mener à un dépeuplement de cette région. Or la plaine côtière connaît à l'inverse un grand dynamisme avec un très net accroissement du peuplement urbain. Au cours de l'ensemble du XIIème siècle, la Philistie développe une concentration urbaine qu'aucune région du Bronze Récent n'avait alors atteinte. Le paysage rural semble quant à lui connaître une forte réduction, voire une disparition. Il faut cependant rappeler que 209

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

répartissent toutes dans cette zone. Les sites de la plaine côtière intérieure sont dépendants de ceux de la Basse Shéphéla. Cet état de fait contraste fortement avec la situation nouvelle qui se met en place dès le Fer IA et le rôle prépondérant joué par Tel Miqne et Tel Safit. Ces deux établissements donnent à la plaine côtière intérieure une influence politique et économique déterminante pour le devenir de la Shéphéla. Le développement de ces deux centres urbains s'opère au détriment d'un site comme Gezer, seule cité importante dans le nord de la Shéphéla au Fer IA. Le sud de la Shéphéla à cette même période semble quelque peu en retrait par rapport aux établissements des Peuples de la Mer. La destruction de Lachish, par ces derniers peutêtre, octroie aux Philistins, durant tout le Fer IB, une influence, mais non pour autant un contrôle, économique et politique incontestable, jusqu'aux hautes collines de Judée. L'absence de tout centre politique important en Shéphéla, sauf peut-être Gezer, à partir du Fer IB, entraîne la disparition du système des cités-états du Bronze Récent du paysage politique dans cette région. V. Fritz constate un renouveau culturel cananéen dans certaines zones du nord de la Palestine1005. Il note en effet, au XIème siècle, le développement de nouveaux établissements villageois dans la vallée de Jezréel et autour du lac de Galilée avec des sites comme Tel Qiri, Jokneam, Chinnereth ou Tel Hadar1006. Cette notion semble appropriée pour le nord de la Palestine, mais concernant la Shéphéla, la relative prospérité de cette région au XIème siècle repose moins sur la création de nouveaux établissements qu'au retour d'une situation socio-politique stable. La Shéphéla est témoin de la continuité de pratiques ancrées dans les traditions du Bronze Récent, plutôt que d'une "renaissance" culturelle cananéenne. Le Fer IB, et non le Fer IA, marque donc pour la Shéphéla la fin de la cohérence de son système politique comme de l'organisation de la région. Malgré les fortes continuités matérielles constatées sur les sites de Shéphéla durant l'ensemble des XIIème et XIème siècles, à l'échelle de l'organisation du territoire, les bouleversements sont réels. Cet état n'est pas subit : il s'opère sur plus d'un demisiècle. Une nouvelle situation politique et économique se met alors en place avec la dynamique que les Philistins développent dans quelques centres urbains, entraînant un bouleversement dans l'organisation de l'ensemble du territoire du sud de la Palestine, auquel s'ajoute un élément déstabilisateur pour les cités-états avec

les centres ruraux de Philistie sont particulièrement mal connus au Fer I. Les centres urbains apparaissent, dans cette perspective, comme les seuls éléments du paysage sédentaire. Ces établissements donnent de la Philistie une image d'unité politique. Le développement architectural de chaque site avec la construction de remparts, les divers éléments de la culture matérielle ou les séquences stratigraphiques, sont des éléments donnant une cohérence aux quelques grands sites fouillés en Philistie. Alors que les cités-états de la plaine côtière se placent toutes au Bronze Récent sur la côte (Ashkelon, Gaza), au Fer I la plaine intérieure, à la bordure avec la Shéphéla, prend une plus grande importance politique avec les établissements de Tel Miqne et Tel Safit. La côte étend son pouvoir politique vers l'intérieur des terres, mais également vers le nord avec Tel Qasile et peut-être vers le sud dans la plaine côtière du nord du Néguev. Aucun site ne semble toutefois y avoir fait l'objet d'une création ex nihilo comme c'est le cas pour Tel Qasile. Le regroupement dans les villes de la population de l'ensemble de la région et la disparition du monde villageois, constituent les deux grands processus que traverse la Philistie au cours du Fer I. La concentration urbaine y renoue, dans son ampleur, avec celle du Bronze Moyen.

2. LA SHEPHELA Les trois principaux sites de Shéphéla, Gezer, Tel Safit, Lachish, connaissent chacun, au cours du Fer I, des fortunes diverses. Le centre de Gezer diminue en taille et en pouvoir, alors que Tel Safit augmente en taille dès qu'il se rattache politiquement, au Fer IA, à la plaine côtière philistine. Quant à Lachish, sa destruction marque la fin de toute cohérence politique de la Shéphéla en tant qu'entité politique régionale. Ce processus participe pour beaucoup à l'émiettement sociopolitique de l'ensemble de la région. La basse Shéphala traverse une phase de dépeuplement prononcée alors que la haute Shéphéla tend à se rattacher, au travers de certains de ses sites villageois, au domaine des hautes collines de Judée. La Shéphéla possède au Bronze Récent un territoire urbain et rural particulièrement organisé et hiérarchisé selon le système des cités-états. Cette région représente, en Palestine, la région la plus densément peuplée1004. Elle traverse alors une crise sévère durant l'ensemble du XIIème siècle, à la suite de l'installation des Peuples de la Mer. Cette étape précise marque la fin de la puissance urbaine de la basse Shéphéla. Au Bronze Récent, les cités-états se 1004

Finkelstein 1996 d : 233

210

1005

Fritz 1999 ; Fritz 2000

1006

Fritz 1999 : 94-95 ; Fritz 2000 : 508-510

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

continuités dans l'organisation du territoire par rapport au Bronze Récent II. Aucune destruction régionale ne peut être isolée. On constate qu'à partir du XIème siècle, un nombre croissant de petits établissements villageois se développe. Ils engendrent une nouvelle répartition territoriale, surtout autour des principaux centres urbains ou le long des voies de communication orientées estouest. L'ensemble de ces établissements participe à une prospérité économique plus globale, que l'on peut estimer se développer en relation avec la plaine côtière philistine.

la fin de la domination égyptienne sur la Palestine. Les Philistins ne peuvent toutefois être tenus pour seuls responsables de l'ensemble des transformations affectant la Palestine au Fer I. Leur installation joue un rôle essentiel dans le devenir de certains centres urbains, mais l'effondrement du système des cités-états et de son mode de gestion du territoire advient au Fer I après avoir connu un déclin, lent mais continu, au cours du Bronze Récent. Ce système était donc déjà au bord de la rupture quand surviennent les Peuples de la Mer. Les Philistins induisent cependant un nouveau rapport de force, permettant à certains centres urbains de lancer une dynamique politique et économique, que l'ancien système n'a pas les moyens ni les possibilités d'affronter.

III- SPHERES ET FRONTIERES SOCIOPOLITIQUES, ECONOMIQUES, CULTURELLES ET ETHNIQUES

3. LES HAUTES COLLINES DE JUDEE Le Fer I ne marque pas, dans les collines de Judée, une période de bouleversements sociopolitiques d'amplitude similaire à ceux touchant les régions au nord de Jérusalem. Les sites villageois sont, en Judée, limités en nombre. Quant aux anciens centres urbains importants comme Tell Beit Mirsim ou Khirbet Rabud, ils semblent avoir conservé, pendant un temps, leur taille et leur pouvoir local. Ces derniers s'ancrent en effet dans une tradition cananéenne, perpétuant une culture matérielle qui se distingue en partie de celle développée par les villages proto-israélites. Les collines de Judée présentent un nombre relativement faible d'établissements pouvant être considérés comme "israélites" au Fer I. Leur nombre est selon I. Finkelstein dix fois moins important que dans les hautes collines d'Ephraïm au nord de Jérusalem1007. Celui-ci propose pour l'ensemble des établissements proto-israélites, vers la fin du XIème siècle, une population atteignant un peu plus de 40.000 personnes, ce qui reste relativement limité1008. Le poids démographique et urbain des collines de Judée est à la fin du XIème siècle encore relativement faible par rapport, par exemple, à celui de la Philistie. La région des collines de Judée ne présente en définitive pas de terrain privilégié pour appréhender, dans son ampleur, le processus de peuplement des proto-Israélites dans le domaine des hautes collines.

A. Le Bronze Récent IIB : la fin du XIIIème siècle La variété des contextes environnementaux et des zones géographiques en Palestine au Bronze Récent, comme aux autres périodes, conditionne des frontières de plusieurs ordres. Elles sont essentiellement politiques pour les bordures entre les cités-états, ou socio-économiques entre des zones connaissant des modes de vie sédentaires ou nomades-pastoraux. Des influences culturelles plus ou moins fortes se distinguent suivant la situation des régions, telle la plaine côtière du nord Néguev au débouché de la voie d'Horus, qui connaît au Bronze Récent une influence culturelle égyptienne plus marquée que dans d'autres régions plus au nord. L'ensemble des évolutions au sein des différentes régions est synthétisé sous forme d'un tableau (voir planche n°65).

1. LA SPHERE POLITIQUE L'unique frontière politique marquée au Levant divise cette zone entre la Syrie et la Palestine, respectivement sous contrôle hittite et égyptien. L'ensemble de la Palestine fait donc partie des provinces asiatiques jusque vers le dernier tiers du XIIème siècle. Dans ce vaste domaine les seules sphères politiques de moindre extension qu'il est possible d'isoler correspondent aux cités-états. Ce modèle d'organisation s'apparente au mode de fonctionnement politique caractéristique de l'Âge du Bronze. L'existence de frontières bien délimitées ne semble pas constituer la règle. Il ne faut donc pas envisager de cloisonnements trop marqués pour ces entités politiques. Certaines limites territoriales ont cependant pu être accentuées lors de conflits.

4. LA PLAINE COTIERE DU NORD DU NEGUEV Il s'agit de la région offrant le plus de

1007

Finkelstein 1988 a : 326

1008

Finkelstein 1988 a : 334 ; 1996 c : 236

211

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

céramique que les cités-états. Tel Yarmouth et Gezer par exemple offrent des assemblages de poterie similaires. Les nombreux groupes en rupture avec le monde urbain à la fin du Bronze Récent indiquent par ailleurs une sphère sociale perturbée.

2. LA SPHERE ECONOMIQUE Aux sphères politiques précédemment décrites, répond une sphère économique au fonctionnement tout autre. On peut isoler une double organisation. D'une part le vaste commerce du Bronze Récent couvrant l'ensemble de la Méditerranée orientale, concerne sans distinction les diverses structures politiques dont les limites ne sauraient constituer un frein à la diffusion de ces denrées. Ugarit en fournit le meilleur exemple avec l'importante présence d'objets égyptiens dans une cité vassale de l'empire Hittite. On distingue toutefois des différences entre les deux empires, soit entre le Levant nord et sud. La présence égyptienne et son contrôle de la Via Maris, ont, semble-t-il, joué un rôle non négligeable dans la bonne diffusion des denrées importées de Chypre et de Mycènes et ce, dans l'ensemble du monde palestinien. Rappelons que les importations chypriotes et mycéniennes se retrouvent dans la plupart des sites des collines de Judée à Jérusalem, Tell Judur, ou Khirbet Rabud. D'autre part à cette large diffusion, vient se superposer celle plus restreinte de la céramique locale. Cette production, proportionnellement bien plus importante, reste pourtant moins bien comprise dans les modalités de sa diffusion, ce qui n'est pas le cas pour sa consommation ou son utilisation. La céramique locale pose en particulier le problème de l'interaction entre les sphères politiques des cités-états et la distribution de cette catégorie de poterie.

4. LA SPHERE CULTURELLE La Palestine présente à cette période des sphères culturelles multiples. Si la céramique ne permet pas de distinguer de différences culturelles entre les villes ou les villages, elle indique en revanche des influences diverses. Il importe ainsi d'opérer des distinctions suivant les types d'objets exhumés. Il existe des objets de facture non locale en provenance de l'ensemble de la Méditerranée orientale et du Proche-Orient. S'y ajoutent des objets locaux subissant une influence principalement égyptienne, chypriote ou mycénienne, telles les imitations locales de ces céramiques importées. Ces influences peuvent également s'expliquer par la présence de populations non locales en Palestine. Enfin, la catégorie la plus nombreuse des objets au sein de la culture matérielle s'inscrit dans la tradition locale. D'autres domaines de la culture matérielle, comme l'architecture ou les coutumes funéraires, tendent à indiquer la présence en Palestine d'une population variée dont une partie possède des origines non locales. L'homogénéité relative de la culture matérielle céramique ne doit donc pas induire en erreur quant à l'hétérogénéité culturelle et socio-économique d'une population globalement cananéenne. Une culture cananéenne peut cependant être définie en terme généraux vis-à-vis des populations voisines hors de Palestine.

3. LA SPHERE SOCIALE On note en Palestine au Bronze Récent II une situation diversifiée, avec des groupes sociaux marqués, aux modes de vie distincts voire opposés, dont les Hapiru, population aux origines hétéroclites, constituent un bon exemple. Les données archéologiques ne permettent toutefois pas d'envisager de frontières physiques délimitées pour ces divers groupes sociaux, dont la coexistence constitue l'une des caractéristiques d'une société dimorphique. Les sédentaires se distinguent en effet des nomades et le monde urbain du monde villageois. Les différences sociales les plus marquées sont celles entre l'élite urbaine et le reste de la population. Sans doute l'élite accapare et cumule-t-elle les richesses et les objets luxueux. Ce qui est considéré comme de fortes différenciations sociales, se retrouve dans les tombes dont certaines dénotent une grande richessse. Mais des denrées semi-luxueuses comme les importations céramiques ne concernent pas uniquement l'élite, et le monde villageois y a également accès. Les petits sites présentent globalement la même culture matérielle

5. LA SPHERE ETHNIQUE Les groupes ethniques en Palestine au Bronze Récent restent un sujet sur lequel les chercheurs ne se prononcent habituellement pas. Les nombreuses distinctions opérables au sein de la société cananéenne reposent sur des critères économiques, sociaux, ou culturels mais pas ethniques. Il est cependant envisageable que la Palestine, peuplée de groupes socio-culturels divers, ait vu quelques-uns d'entre eux se distinguer ethniquement des autres. Les données archéologiques restent en tout cas muettes sur cet aspect. On ne peut donc rien affirmer sur la composition ethnique de la Palestine à cette période.

6. LES FRONTIERES EXISTANTES Le Bronze Récent offre des frontières peu marquées, que ce soit dans les domaines politique, 212

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

économique ou culturel, ce qui ne saurait pour autant signifier qu'elle n'existent pas. Les frontières sociales reposent sur des groupes sociaux distincts, mais ces derniers peuvent s'apparenter aux divers groupes culturels dont on note l'existence, sans qu'il soit cependant possible de cartographier précisément un territoire d'extension. Le Bronze Récent semble donc se caractériser par des frontières floues. Faut-il voir dans cette absence de marqueur fort un élément révélateur du déclin plus général affectant la société cananéenne ? Ou bien au contraire, la diffusion des hommes, des denrées, comme des idées, n'indiquent-t-elle pas une société relativement ouverte et confiante en ses valeurs ? Les frontières politiques et sociales sont perméables, et les mouvements de populations, qui pour un certain nombre s'établissent au cours du Bronze Récent en Palestine, sont absorbés par la société cananéenne, sans pour autant laisser d'expression matérielle spécifique. Ce processus signifie que le pouvoir politique et les structures socioéconomiques restent suffisamment forts pour englober ces populations.

stratégique ainsi que leur rôle politique et économique, privent l'Egypte d'un précieux axe de communication : la Via Maris. Mais l'installation des Peuples de la Mer n'ampute pas seulement l'Egypte de territoires, cette dernière est également ébranlée dans sa gestion de la Palestine, puisque le centre de Gaza, son siège administratif, n'est plus sous son contrôle. Les sphères politiques de la Palestine présentent une situation mixte, avec l'existence de territoires encore sous contrôle égyptien et d'autres qui ne le sont plus. Les nouvelles limites territoriales divisent en quelque sorte la Palestine en deux. Mais cela ne signifie pas qu'il faille isoler deux entités politiques seules : il en existe bien davantage, puisque les différents Peuples de la Mer s'installent en divers endroits et ne semblent pas avoir entretenu des relations politiques particulièrement développées. En ce qui concerne le processus de peuplement dans le domaine des hautes collines, son dynamisme certain n'implique pas pour autant l'existence d'une entité politique cohérente et suffisamment forte pour se placer hors de la sphère d'influence égyptienne, même si cette dernière ne montre qu'un intérêt fort limité pour cette région. Les provinces asiatiques n'en deviennent pas pour autant une mosaïque de petites entités politiques au pouvoir réduit, du moins pas dans les zones encore contrôlées par l'Egypte. Son pouvoir est certes entamé, mais ce qui s'apparente à un recul ou un repli territorial, ne signifie pas sa disparition de la sphère politique. L'Egypte conserve une présence militaire sur des sites stratégiques comme Megiddo1009 ou Bet-Shan. Les cités-états, en tant que système d'organisation politique unique, envisagent difficilement l'existence d'entités différentes : au Bronze Récent, les Hapiru, dont l'organisation s'oppose à celle des cités-états, leur posent des problèmes politiques réels. Il en est de même, en quelque sorte, au XIIème siècle. Les centres urbains de Gezer ou de Lachish indiquent sans doute que le système des cités-états perdure en Shéphéla mais qu'il est moribond. La présence dans leur région limitrophe des cités de Philistie constitue un élément perturbateur augmentant la désorganisation politique de la Shéphéla. Le pouvoir politique de la Philistie profite certainement de cette désorganisation politique qu'elle a suscitée dans les territoires attenants. Le pouvoir militaire, et donc politique, des Philistins, n'est donc pas négligeable, puisque ceux-ci réussissent à prendre le contrôle des principales cités-états du sud de la Palestine, Ashkelon et Tel Safit/Gath, ainsi que Gaza.

B. Le Bronze Récent III / Fer IA : le XIIème siècle jusque vers 1130 Cette période, cruciale dans l'histoire de la Palestine, est d'une grande importance pour les siècles qui vont suivre. Sur une période relativement courte, quelques décennies, s'opèrent en effet des transformations touchant l'ensemble des sphères de la société. Ces sphères sont cependant très diversement affectées. Bien que certains de ces changements s'avèrent durables, il est encore trop tôt, à cette époque, pour appréhender leur devenir. Ces nouvelles structures se mettent en place, mais sans suivre un chemin tracé selon un processus inéluctable. Il est possible d'opérer un découpage de la Palestine du Bronze Récent III/Fer IA entre les divers groupes socio-politiques : Cananéens, Egyptiens, Philistins, proto-Israélites. Il est cependant primordial de bien distinguer la nature de ces structures sans amalgamer l'extension de leurs différentes sphères.

1. LA SPHERE POLITIQUE Le Levant sud, auparavant contrôlé dans sa totalité par l'Egypte, connaît des changements profonds. L'installation des Peuples de la Mer en divers lieux côtiers de la Palestine, entame fortement le pouvoir égyptien. Si ces zones correspondent à des territoires réduits, se limitant le plus souvent à la plaine côtière, leur emplacement

1009

213

Ussishkin 1998 : 214-217

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

de Tel Sera, mentionnant les tributs versés. L'arrêt brusque des pratiques commerciales rend toutefois caduc pour l'Egypte le contrôle de voies commerciales vers des contrées au nord, en proie à une désorganisation socio-politique. Cet accès privilégié au monde mésopotamien que le contrôle du Levant sud lui permettait, n'est dès lors plus possible. Le contrôle des sites dans le nord de la Palestine par l'Egypte, peut en revanche s'ancrer dans une volonté de délimiter la zone philistine et de maintenir un axe de routes commerciales nordsud en dehors de la Philistie1011. Ces régions demeurant sous contrôle égyptien profitent ainsi d'une circulation d'objets provenant, pour quelques rares d'entre eux, d'Egypte. Les échanges baissent donc d'une manière significative, et même la sphère interrégionale tend à disparaître au profit de relations centrées sur la région. Il est toutefois difficile d'évaluer précisément le fonctionnement et l'organisation des échanges au sein de cette sphère. Ce repli sur soi marque la fin d'une économie ouverte et prospère mise en place et détenue par les palais. Les nouveaux établissements des hautes collines présentent de petits villages relativement pauvres, aux possibilités économiques limitées, au vu de leur culture matérielle. Le repli régional semble particulièrement marqué dans cette région. La zone du nord Néguev, à la différence des régions plus au nord telle la Shéphéla, présente une prospérité économique avec la création et le développement de sites comme celui de Tel Masos. Les autres centres urbains de cette zone ne connaissent ni destruction ni réduction de leur taille. Ces éléments sont suffisamment rares à cette période pour indiquer, non un renouveau économique ou culturel comme en Philistie, mais une forte continuité économique reposant sur une prospérité. Cette dernière peut être due au développement d'une nouvelle route commerciale entre l'Arabie et la côte Méditerranéenne.

Pour ce qui est des hautes collines, il est important de distinguer le nord du sud de la Palestine. Bien qu'un même phénomène de peuplement affecte ces deux régions, ce processus diffère dans son ampleur, ses modalités, ainsi que dans l'organisation politique à laquelle les nouveaux établissements s'intègrent. Les hautes collines du nord de la Palestine connaissent de ce point de vue un développement plus rapide, menant à une autonomie politique avant les hautes collines de Judée. L'ensemble de cette zone se trouve en partie encore intégrée, au XIIème siècle, au système politique hiérarchisé des cités-états. On note donc un processus de régionalisation politique dans l'ensemble de la Palestine, mais les régions possédant une autonomie politique sont limitées aux territoires conquis par les Peuples de la Mer. Seules ces zones quittent le vaste domaine des provinces asiatiques.

2. LA SPHERE ECONOMIQUE Les structures économiques correspondent à une sphère répondant de manière très sensible aux variations diverses. Or les entités présentes en Palestine développent des économies aux structures différentes. Le changement principal concerne la disparition du commerce à longue distance entre les entités politiques en Méditerranée orientale. Ce brusque arrêt ne signifie pas pour autant l'interruption de tout échange dans ce vaste monde, mais il s'opère une réduction rapide des échanges d'objets précis. Ce changement entraîne un repli sur soi prononcé et une régionalisation des sphères économiques. Celles-ci sont d'ailleurs plus prononcées que ne peuvent l'être les structures politiques, en gestation pour certaines. La Philistie présente, semble-t-il, une économie forte, tout au moins dynamique. C'est en ces termes qu'est interprétée la rapide construction d'un centre comme Tel Miqne dès l'installation des Peuples de la Mer. La ville fortifiée philistine est nettement plus grande que l'établissement cananéen précédent. Pour T. Dothan, l'habileté à construire cette nouvelle cité révèle une société bien organisée avec une structure économique solide1010. Mais cette situation ne serait-elle pas plutôt due à une importante concentration humaine permettant l'édification de ce centre urbain, ainsi qu'à une autonomie politique, plutôt qu'à la seule puissance économique ? L'exploitation économique de la Palestine par l'Egypte ne cesse pas durant le XIIème siècle. Peutêtre même augmente-t-elle, comme peuvent l'indiquer les bols inscrits en hiératiques provenant 1010

3. LA SPHERE SOCIALE Les troubles politiques ou économiques affectant la Palestine ne débouchent pas sur un éclatement de la sphère sociale. Celle-ci connaît au cours du Bronze Récent II des problèmes aigus, avec des groupes sociaux actifs participant à l'instabilité de la société cananéenne. Au XIIème siècle en revanche, l'absence de documents les concernant, qu'il s'agisse de textes ou de traces matérielles, peut laisser supposer que ces groupes évoluent pour se répartir différemment au sein de la société. Des distinctions sociales marquées se font jour, mais à la

Dothan T. 1992 : 97

1011

214

Weinstein 1992 : 146

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

permet pour les sites philistins d'isoler un groupe ethnique précis. Les établissements de Philistie développent en effet à cette période une production matérielle mais surtout céramique dont la diffusion reste, semble-t-il, strictement limitée à cette région. Il faut toutefois bien distinguer ce que permet d'avancer la culture matérielle. Elle permet de dire que les Peuples de la Mer qui s'installent dans la plaine côtière du sud de la Palestine, en l'occurence les Philistins, possèdent une origine non locale. Cet exemple force à reconnaître l'existence d'un des rares cas dans les annales archéologiques, d'une adéquation avérée entre un groupe ethnique et sa production matérielle. La population de la Philistie, pour une part importante, - majoritairement ?- reste cananéenne. Se pose alors le problème de l'interprétation de la production matérielle. Quelle dimension ethnique précise, expression d'un choix de la population, passe au travers de cette production ? Concernant les proto-Israélites, les évidences archéologiques révèlent, pour G. London, une dichotomie entre les mondes urbains et ruraux, entre les hautes collines et les basses terres, reposant sur des différences socio-économiques, plutôt que sur l'existence de deux groupes ethniques1015. On ne peut pour ces derniers, à la différence des Philistins, les caractériser comme un groupe ethnique se définissant et défini comme tel.

différence du Bronze Récent, où elles étaient exacerbées entre monde urbain et monde nomade, elles reposent dès lors sur une stricte répartition géographique. L'une des conclusions importantes qu'il est possible d'avancer, concerne donc la nature nouvelle de ces distinctions sociales qui vont donc devenir régionales. Elles émergent au Bronze Récent III/Fer I mais seront plus marquées au Fer IB. Les villages des hautes collines proposent, à cette période, des conditions socio-économiques qui leur sont propres. On peut même envisager une certaine égalité sociale pour les groupes peuplant cette région. Le processus de sédentarisation qui s'y déroule concerne essentiellement, selon I. Finkelstein1012, les populations nomades. Pour W. G. Dever1013, à ces derniers viennent s'ajouter de nombreux autres groupes issus du monde urbain, des villes comme des villages, ainsi que des Hapiru. Cette nouvelle répartition sociale accuse la dépendance des élites urbaines de Shéphéla vis-àvis du pouvoir égyptien1014. L'émergence de nouveaux pôles avec la Philistie, société relativement riche et prospère, par rapport à des régions comme la Shéphéla, annonce le creusement d'un fossé social accru entre les différentes régions de Palestine.

4. LA SPHERE CULTURELLE La culture matérielle indique de fortes continuités, tant dans l'architecture que dans la céramique et ce, pour l'ensemble de la Palestine, Philistie comprise. En ce qui concerne celle-ci, vient toutefois s'ajouter une expression matérielle particulière, aux origines, par certains aspects, non locales. La société cananéenne se transforme donc, et les expressions matérielles qu'elle développe conduiront, au Fer IB, à opérer des distinctions suivant les régions. Mais pour le milieu du XIIème siècle, seuls les sites de Philistie peuvent être considérés comme non strictement cananéens. Quant au reste de la société cananéenne, elle présente trop de continuité avec le Bronze Récent, même dans les hautes collines, pour que l'on puisse isoler des différences culturelles tranchées. Cette continuité de la culture cananéenne repose, rappelons-le, sur des évidences matérielles indéniables.

6. LES FRONTIERES EXISTANTES L'arrivée et l'installation des Peuples de la Mer sur les côtes de Palestine introduisent une fracture dans le mode d'organisation du pays. Des frontières nouvelles se dessinent. La Philistie principalement, illustre ce processus avec des expressions politiques, socio-économiques et ethniques distinctes. La structuration urbaine de la Philistie, en moins d'une génération, aboutit à une entité politique reposant sur cinq cités puissantes, considérées comme égales. Cette organisation n'est pas sans rappeler le système politique des cités-états cananéennes. Le territoire philistin est toutefois moins hiérarchisé. Au Fer IA, il semble qu'on puisse noter pour cette zone une adéquation entre les frontières politiques et ethniques. Pour les autres régions, les sphères multiples ne proposent pas de frontières marquées. Des différences existent mais elles ne sont pas suffisamment fortes pour permettre de caractériser chacune des régions. Ainsi la Shéphéla, les hautes collines de Judée ou le nord du Néguev, présententils des processus qui ne s'apparentent encore qu'à des tendances. Rappelons qu'une parcellisation

5. LA SPHERE ETHNIQUE L'interprétation des données archéologiques

1012

Finkelstein 1988 a : 338, 345-348

1013

Dever 1995 : 211

1014

Higginbotham 1996

1015

215

London 1989 : 51

CHAPITRE 8. SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

socio-économique existe déjà au Bronze Récent entre la plaine côtière, la Shéphéla et les monts de Judée. Le processus de régionalisation affectant l'ensemble de la Palestine est déjà bien engagé au Bronze Récent III/Fer IA. La recomposition du paysage humain amorce l'existence de nouvelles entités politiques. Ces changements concernent tout d'abord les sphères économique et politique avant qu'ils ne deviennent pleinement culturels et ethniques au Fer II.

seulement, l'existence d'une entité politique.

2. LA SPHERE ECONOMIQUE Une société à trois vitesses se met en place à cette période. On peut ainsi isoler des régions économiquement prospères et dynamiques, la Philistie et le nord du Néguev, des régions bénéficiant des échanges interrégionaux comme la Shéphéla, qui profite d'un renouveau commercial plus qu'elle ne l'initie, enfin des régions relativement pauvres en dehors des nouveaux axes d'échanges, comme les hautes collines de Judée. Les possibilités socio-économiques de ces trois zones sont en partie inhérentes à leur situation géographique. Notons qu'au Bronze Récent II ce découpage existait déjà partiellement. Au Fer I les échanges interrégionaux se redéveloppent avec la diffusion de la céramique bichrome, qui s'opère entre la Philistie et une partie importante de la Palestine, particulièrement avec la Shéphéla. L'échelle des échanges augmente et au XIème siècle, bien que les quantités et la qualité des produits ne retrouvent pas l'ampleur des objets commercés au Bronze Récent, elles prouvent cependant que la sphère économique s'est promptement rétablie. La fracture économique de la fin du Bronze Récent II, bien que brutale, s'avère avoir été d'une durée relativement courte.

C. Le Fer IB : la fin du XIIème et le XIème siècle 1. LA SPHERE POLITIQUE Les Philistins étendent leur territoire politique au cours du Fer IB. Un tel processus se note de manière certaine à Tel Qasile, demeure plausible à Tel Batash mais devient des plus discutables pour Gezer ou d'autres centres urbains de la plaine côtière du nord Néguev. Ce problème de l'extension politique philistine reste sujet à controverse puisqu'il repose sur l'interprétation de la présence de la céramique bichrome philistine sur ces sites. Si nous n'accordons pas à cette catégorie de poterie une valeur de marqueur politique, sa valeur commerciale est en revanche des plus vraisemblables. On constate que dans le territoire controlé par les Philistins, les frontières politiques, culturelles ou ethniques deviennent distinctes les unes des autres. Il est cependant nécessaire de séparer la sphère politique, qui gagne en taille, des autres sphères qui ne connaissent pas d'extension similaire. La société cananéenne, ou plutôt les cités-états cananéennes, connaissent une situation paradoxale : la fin de la présence égyptienne débouche pour ces dernières sur une autonomie politique, mais livrées à elles-mêmes, elles n'ont plus de poids politique. La Shéphéla traverse à cet égard une crise grave. Après l'émiettement du territoire à l'ouest à la suite de l'installation des Philistins, et après la disparition du territoire de Lachish, la Shéphéla devient une région disloquée politiquement et démographiquement. Son système politique de cités-états repose sur un territoire désorganisé, dont la base villageoise est presque entièrement absente. La présence de voisins qui gagnent en puissance représente à moyen terme un danger pour son autonomie politique. Quant aux proto-Israélites, ils ne constituent pas encore une entité politique cohérente et autonome à la fin du XIIème siècle. Au XIème siècle, la situation évolue et l'on peut envisager, pour le domaine au nord de Jérusalem

3. LA SPHERE SOCIALE On mesure mal les changements affectant la sphère sociale. Les régions développent des particularismes plus ou moins marqués. Mais que sont par exemple devenus les Hapiru ? Ont-ils disparu dans l'ensemble de la Palestine, se sont-ils sédentarisés dans certaines régions seulement ? Les données archéologiques les concernant sont aussi muettes au Fer IB qu'elles l'étaient au Bronze Récent II. On constate cependant que les processus de sédentarisation connaissent une nouvelle dynamique, avec les établissements dans le nord du Néguev dans la seconde moitié du XIème siècle. Par ailleurs, on pourrait être tenté de voir dans le repli politique de la Shéphéla, la disparition d'une élite urbaine n'ayant plus les moyens de se maintenir en place. Peut-on envisager pour les établissements de cette région, le retour à une société plus égalitaire, où les centres urbains ont diminué de taille et donc en pouvoir, et où les villages ont développé une plus grande autonomie ? Les fouilles des établissements des hautes collines fournissent peu d'éléments quant à une stratification sociale poussée, que ce soit au sein des villages ou entre eux.

216

SYNTHESE ARCHEOLOGIQUE

importantes entretenues avec la Philistie. Des frontières politiques ont pu être marquées entre les territoires sous le contrôle des Philistins et ceux rattachés à l'ancien système des cités-états cananéennes. Les hautes collines de Judée par rapport à la Shéphéla ne se définissent certainement pas à cette période par des frontières politiques. Des zones socio-économiques plus ou moins prospères peuvent en revanche être isolées. La sphère culturelle affiche pour sa part des limites moins tranchées. En définitive, la fragmentation politique et socio-économique de la Palestine au Fer I demeure indéniable.

4. LA SPHERE CULTURELLE La production matérielle de chacun des groupes humains peuplant la Palestine au XIème siècle, Philistins, Cananéens ou proto-Israélites, s'inscrit fortement dans la culture cananéenne du Bronze Récent. Ces continuités matérielles sont présentes aussi bien en Philistie, avec les dépôts de fondation retrouvés à Tel Miqne ou dans le plan des temples de Tel Qasile, création urbaine philistine, que dans les divers établissements de Shéphéla comme Gezer et Yarmouth, ou bien dans les plans des maisons à quatre pièces des hautes collines de Judée. Si la population de la Palestine conserve une culture globalement cananéenne durant le XIème siècle, c'est que cette sphère, plus conservatrice que les autres, évolue moins rapidement. Là où on isole de nouvelles entités politiques, la sphère culturelle a certes connu des changements mais s'ancre encore dans des pratiques traditionnelles, architecturales et céramiques principalement. En Philistie par ailleurs, la sphère culturelle se compose d'influences multiples. Il est difficile d'y isoler la prédominance d'une influence sur une autre. Il semble toutefois que s'opère un processus d'acculturation plutôt que d'assimilation1016.

5. LA SPHERE ETHNIQUE Les groupes ethniques n'ont pas profondément évolué entre le Fer IA et le Fer IB. Les populations des établissements de Philistie peuvent appartenir à un groupe ethnique mais il n'en est pas forcément de même avec les populations des régions limitrophes sous leur contrôle politique, comme c'est le cas pour Tel Qasile.

6. LES FRONTIERES EXISTANTES Le XIème siècle est moins marqué par des changements dans les différentes sphères, que par le développement ou la consolidation de ce qui pouvait s'apparenter à des tendances à la période précédente. La Philistie consolide ses sphères politiques au moyen de conquêtes de territoire, ainsi qu'économiques avec la diffusion de la céramique bichrome ou l'éventuelle participation à un commerce caravanier naissant provenant d'Arabie. La continuité de la culture cananéenne est particulièrement vivace dans cette région ainsi qu'en Shéphéla, quoique la destruction du territoire de Lachish marque la fin de l'importance urbaine et démographique de la Shéphéla, à l'isolement relatif, cependant, au vu des relations commerciales

1016

Stone 1995

217

ces régions en les soustrayant au contrôle égyptien, portant ainsi un coup d'arrêt à l'hégémonie de l'Egypte en Palestine. La thèse d'un effondrement rapide ne prend donc généralement pas en compte la perspective d'un déclin socio-politique interne à la Palestine durant l'ensemble du Bronze Récent II. Les troubles intérieurs concernent principalement le monde urbain mais ils affaiblissent également, bien qu'indirectement, le pouvoir égyptien, contrôlant des centres urbains aux faibles ressources humaines. Le processus de déclin interne, durant plusieurs siècles, dispute donc (ou se double d'un) à l'effondrement, externe, durant quelques décennies, les raisons de la fin de la civilisation palatiale levantine. La zone la plus directement concernée par l'effondrement de son système politique est la plaine côtière qui subit les destructions puis l'installation des Peuples de la Mer. On note sur certains sites côtiers une période, de quelques décennies peut-être, entre leur destruction à la fin du Bronze Récent II et l'installation des Philistins, associée au développement de la céramique Mycénienne IIIC:1b. Cette courte période correspond effectivement à une baisse rapide de la complexité socio-politique de l'organisation de l'ensemble du territoire. Cette situation ne se retrouve toutefois pas systématiquement sur l'ensemble des établissements de la plaine côtière. Il ne semble donc pas possible d'assimiler ces quelques décennies du début du XIIème siècle à un "âge sombre". Par ailleurs, bien que cette région connaisse des destructions, elle se distingue des autres, dès l'installation des Philistins, par l'augmentation de la complexité socio-politique de son organisation urbaine. Tout indique, dans les différentes expressions de la culture matérielle, un développement prospère et cohérent. Cette structuration urbaine et politique représente donc un élément primordial s'opposant à l'âge sombre censé être advenu après l'effondrement. La Shéphéla et les hautes collines proposent pour leur part des situations très différentes. Tout d'abord elles restent dans la sphère politique de l'Egypte. La Shéphéla tend à devenir un conservatoire des traditions cananéennes alors que les hautes collines, malgré un dynamisme de peuplement unique pour cette période, développent une structure villageoise démontrant une baisse de la complexité socio-économique et politique. Les destructions majeures sur les sites de Palestine sont rares à la fin du Bronze Récent II. Des destructions importantes mais localisées s'étendent du milieu du XIIIème siècle pour Hazor, au dernier tiers du XIIème siècle pour Lachish. Des destructions souvent mineures surviennent sur des établissements à la fin du Bronze Récent II. On peut isoler d'autres concentrations de destructions

CHAPITRE IX- SYNTHESE HISTORIQUE

I. L'EFFONDREMENT DE LA CIVILISATION CANANEENNE A LA FIN DU BRONZE RECENT II ? La fin du Bronze Récent II se marque-t-elle par un effondrement de civilisation ? La théorie des catastrophes, telle que C. Renfrew l'a adaptée à l'archéologie, procure-t-elle des éléments explicatifs adaptés à la modélisation des processus de la fin du Bronze Récent ? Pour C. Renfrew, une civilisation s'effondre quand survient un changement subit dans le niveau de complexité socio-politique de cette dernière. Mais la catastrophe n'arrive jamais seule, aussi estelle accompagnée, ou plutôt suivie, par des processus, eux aussi censés posséder un caractère récurrent. Jusqu'à quel point le déroulement des processus historiques du Bronze Récent II au Fer II s'organise-t-il selon un découpage en trois phases, distinctement isolables ? Les trois étapes proposées par P. de Miroschedji1017 reposent sur la succession d'un effondrement rapide, d'un âge sombre puis d'une période de recouvrement. Les régions inscrites en Méditerranée orientale ne suivent pas un schéma d'évolution unique. Que l'ensemble de la zone traverse une période de crise particulièrement aiguë à la fin du Bronze Récent IIB relève d'un constat indiscutable, mais des spécificités régionales demeurent, qui appellent des distinctions dans la nature et les modalités des processus. La Palestine ne connaît pas, vers la fin du XIIIème siècle, d'effondrement global de sa civilisation. Rappelons en effet que l'effondrement n'est que partiel : il varie dans sa nature comme dans son ampleur, suivant les régions concernées. Plus globalement, le rôle de facteurs extérieurs reste important et l'on ne peut nier que les changements les plus conséquents s'opèrent en grande partie sous leur influence. Il s'agit d'une part du contrôle exercé par une puissance étrangère, en l'occurrence l'Egypte menant une exploitation économique durant près de quatre siècles, d'autre part, des destructions occasionnées, sur la côte majoritairement, par les Peuples de la Mer. Leur installation dans la plaine côtière palestinienne insuffle cependant une dynamique socio-politique à

1017

Miroschedji 1993 b : 61-62

218

SYNTHESE HISTORIQUE

Fer IB ou concerne-t-elle l'ensemble du Fer I ? Le XIIème siècle voit l'apparition d'entités nouvelles et la lente disparition des anciennes structures. Les nouveaux pouvoirs, politiques ou économiques, ne succèdent pas directement aux précédents sur l'ensemble du territoire. La transition d'un âge à l'autre s'opère au travers d'un chevauchement des entités socio-politiques et culturelles, tout en engendrant une transformation de la nature même de ces entités. Les processus de la transition sont donc distincts les uns des autres, lents, diffus, mais en interactions. On ne peut isoler de strictes continuités ou des successions entre ces divers processus.

durant le début du XIIème siècle. Un siècle de destruction s'apparente donc à une période troublée politiquement, non à une conquête ou à un effondrement rapide. La fin du Bronze Récent II ne saurait en conséquence être rapprochée de celle du Bronze Ancien III ou de celle du Bronze Moyen II. La disparition de la civilisation urbaine du Bronze Ancien III est totale, alors qu'à la fin du Bronze Moyen II, il s'agit simplement d'une évolution du mode de gestion politique de la Palestine. Il est légitime de parler d'effondrement pour la Palestine du Bronze Ancien III, d'évolution pour le Bronze Moyen II et de déclin pour le Bronze Récent II. Concernant la phase d'un âge sombre, elle correspondrait ainsi au Fer I. Cette perception repose cependant sur la grande importance accordée à l'absence de textes. W.G. Dever voit pour sa part dans le Fer I, davantage une période féconde et le catalyseur d'un nouvel âge, qu'un "âge sombre" proprement dit1018. Les concepts "d'effondrement" pour la civilisation du Bronze Récent II ou "d'âge sombre" pour la période suivante ne se prêtent donc qu'en partie à la réalité historique : si l'évolution historique de l'ensemble de la Méditerranée orientale s'intègre dans ses grandes lignes au schéma décrit précédemment, d'autres aspects en amplifient la rigidité excessive. Les processus affectant l'empire hittite et les provinces asiatiques sous contrôle égyptien diffèrent en effet grandement dans leur déroulement. Le premier connaît un effondrement politique rapide. Les secondes au contraire subissent une diminution graduelle : le territoire et le pouvoir égyptien diminuent, avant que leur disparition de Palestine ne soit complète. La volonté de mettre en parallèle l'histoire des deux empires afin de les intégrer à un même moule s'avère donc par certains aspects simplificatrice, voire réductrice. Seules les destructions occasionnées par les Peuples de la Mer s'effectuent à une même période et à une vaste échelle. Les symétries s'arrêtent là. On peut tout de même au final voir dans ces éléments un résultat confirmant globalement la valeur heuristique de l'hypothèse.

A. Le Fer I : phase transitionnelle A. LES CONTINUITES MATERIELLES ENTRE LE BRONZE RECENT ET LE FER I Les expressions matérielles du Fer I s'inscrivent dans la continuité de la production du Bronze Récent II. Elles ne concernent pas seulement le début de la période, mais se retrouvent jusqu'à la fin du XIème siècle. Ainsi, des éléments architecturaux tels que les portes en tenaille issues du Bronze Moyen se retrouveront encore au Fer II. Notons que ces continuités s'expriment matériellement surtout dans la céramique et l'architecture. L'existence de ces continuités invalide la notion d'un nouvel âge pour le Fer I. Elles indiquent que les XIIème-XIème siècles restent des périodes culturellement liées à la période précédente. Elles rappellent également que les pratiques traditionnelles et les mentalités ont la vie longue, et ne sauraient être en totale adéquation avec d'autres sphères qui évoluent plus rapidement. B. LA LENTE DISPARITION DE LA SOCIETE CANANEENNE Au déclin de la société cananéenne durant le Bronze Récent II, répond une lente disparition de cette dernière au cours du Fer I. L'absence de continuité entre le Bronze Récent II et le Fer I aurait en revanche signifié une disparition totale de la société cananéenne, remplacée par des structures et des populations entièrement nouvelles, ce qui n'est pas le cas. La caractérisation des processus du Fer I pose le problème des éléments en jeu. S'agit-il de processus diffus affectant différents éléments de la société mais ne transformant pas cette dernière en profondeur, ou bien peut-on considérer que le Fer I marque la fin d'une civilisation cananéenne, ou simplement des structures de la société du Bronze

II. LES PROCESSUS DU FER I DANS UNE PERSPECTIVE HISTORIQUE Si une phase de transition peut être isolée à la fin du deuxième millénaire, quand se déroule-telle exactement ? Date-t-elle du Fer IA, de la fin du 1018

Dever 1992 : 99

219

CHAPITRE 9. SYNTHESE HISTORIQUE

Récent ? La civilisation cananéenne ne peut se définir par un groupe ethnique, non plus que le système politique auquel elle s'intègre n'est spécifiquement cananéen. Des éléments matériels permettent en revanche, pour la Syrie et la Palestine, de distinguer une entité culturelle et géographique relativement cohérente, reconnaissable, dans le sens où elle se distingue des entités socio-politiques voisines. L'installation des Philistins marque moins un coup d'arrêt à la société cananéenne, qu'elle n'opère un changement irrémédiable par l'instauration d'une entité politique reposant sur une organisation autonome. Leur installation rompt en effet brutalement avec la gestion socio-politique précédente. Tandis que les continuités matérielles dans l'ensemble de la Palestine du Fer I expriment un lent déclin, prenant parfois la forme d'une dissolution des éléments constituant la société cananéenne, les structures politiques évoluent quant à elles rapidement, tout en faisant preuve de conservatisme. On discerne ainsi au Fer IA une entité nouvelle en Philistie, alors qu'une région limitrophe comme la Shéphéla conserve une structure politique issue du Bronze Récent qui perdure plus d'un siècle, durant le Fer IB. La disparition du système des cités-états cananéens s'effectue donc durant l'ensemble du Fer I. Il en est de même avec un certain nombre de pratiques traditionnelles dans la sphère de la culture matérielle. C. DISPARITION COURS DU FER I

ET

RENOUVEAU

matérielle. En fait, la fin de la présence égyptienne entraîne un renouveau culturel cananéen mais de courte durée. Cet aspect est visible dans le nord de la Palestine avec la création de sites au XIème siècle autour du lac de Galilée1019 reprenant l'ensemble de la culture matérielle cananéenne. Ce renouveau s'inscrit surtout dans un cadre villageois et non plus urbain et lié au système des cités-états. Tous ces éléments n'aident pas à isoler précisément la phase de transition. Pour W. G. Dever1020, elle se place à la fin du XIème siècle et marque la disparition finale de l'hégémonie égyptienne, l'acculturation des Peuples de la Mer, l'assimilation de la population cananéenne dans d'autres groupes et la lente émergence des établissements des hautes collines sous une forme étatique. Chacun de ces points est cependant discutable. La fin de la présence égyptienne dans le nord du Néguev et le sud de la Shéphéla date de la fin du XIIème siècle. Les Philistins conservent une identité culturelle et ethnique ainsi qu'un territoire politique délimité au delà du XIème siècle. L'évolution de la Philistie, selon Stone1021, indique qu'il s'agit d'un processus d'acculturation et non d'assimilation, pour les populations cananéennes au Fer I : le phénomène de régionalisation entraîne des destinées différentes suivant les zones. Enfin il ne semble pas que l'on puisse envisager la formation d'une entité étatique dans les hautes collines avant le IXème siècle1022. Le XIème siècle n'est pas seulement une période de continuités, que ce soit par rapport au Fer IA comme au Bronze Récent II. Ce siècle marque également un passage vers une nouvelle période. En ce sens, le XIème siècle voit la disparition d'un nombre important d'éléments de la culture matérielle, expression de croyances et des mentalités de l'ancienne société cananéenne. Les dépôts de fondation, encore fréquents au XIIème siècle, se font plus rares au XIème siècle, avant de disparaître totalement des pratiques culturelles, tout au moins sous cette forme précise. Il faut voir dans ce phénomène une expression de l'évolution des mentalités. Cette disparition des dépôts de fondation, qui aurait pu survenir lors de la fin de la présence égyptienne en Palestine vers 1130, se produit près d'un siècle plus tard. Pour Bunimovitz et Zimhoni, ce trait culturel existe en Palestine jusque dans la première moitié du XIème siècle.

AU

Le Fer I marque, en un sens, la fin du déclin de la société cananéenne, puisqu'elle en accélére la disparition. Parallèlement à ce processus s'opère un renouveau à travers le développement d'autres entités. L'erreur serait d'y voir la fin d'une société remplacée par une autre. Les entités sociopolitiques du Bronze Récent II et du Fer I sont étroitement imbriquées et ce qui émerge au Fer I est en grande partie tributaire de ce qui existait précédemment. Le Fer I reste toutefois une période de profonds remaniements. S'agit-il alors d'une simple reformulation de la société cananéenne du Bronze Récent sous une forme nouvelle ? Les acteurs économiques du Bronze Récent, la présence égyptienne puis le système des cités-états disparaissent du paysage politique au cours du Fer I. De nouveaux acteurs économiques se développent au Fer IB, conservant en partie les modes d'échanges du Bronze Récent. Quant à la recomposition socio-culturelle, elle s'effectue graduellement sur une base régionale nouvelle, qui repose également sur des continuités dans la culture 220

1019

Fritz 1999 : 94, 114 ; Fritz 2000

1020

Dever 1995 : 206

1021

Stone 1995

1022

Finkelstein 1996 b : 184

SYNTHESE HISTORIQUE

Mais pouvait-il en être autrement ? Les processus historiques révèlent en effet que la société cananéenne, épuisée par l'exploitation économique égyptienne, ne pouvait que laisser place à de nouvelles entités. Une telle analyse ressort renforcée par le constat que les dynamiques du Fer I proviennent uniquement des régions ayant subi des changements importants. Qu'il s'agisse de la côte avec l'installation de nouvelles populations, du nord du Néguev développant peut-être dès le XIIIème siècle un nouvel axe commercial avec l'Arabie, ou bien de la sédentarisation des nomades dans les hautes collines, ces trois régions, avec des processus propres, concourent ensemble à la mise en place et à l'avènement d'une nouvelle période. Le renouveau urbain en Philistie fait intervenir plusieurs éléments : il est autant dû au retrait de la présence égyptienne, qu'aux éventuelles qualités de bâtisseurs des Peuples de la Mer1023. Le rôle des Cananéens dans la continuité de l'urbanisation en Philistie reste prépondérant et sans diminuer l'importance de l'apport de nouvelles populations, il indique que celles-ci ne sauraient être les seules responsables de ce renouveau.

B. Les spécificités du Fer I A. LA REGIONALISATION POLITIQUE

SOCIO-

Le XIIème siècle correspond à la mise en place des nouvelles entités socio-politiques, avec une plaine côtière riche, prospère et urbaine et des monts de Judée occupés par des établissements pauvres et principalement ruraux. Le développement économique et politique est rapide pour les Philistins ; lent et s'effectuant sur quelques siècles pour le domaine des hautes collines. Entre les deux se place la Shéphéla, à l'économie et au système politique désorganisés, ne se rattachant à aucune des deux entités limitrophes. La plaine côtière du nord Néguev serait la région dont l'organisation politique est la plus proche de celle de la Shéphéla. Mais la destruction du territoire de Lachish entraîne un dépeuplement important de l'ensemble du sud de la Shéphéla, augmentant l'isolement entre ces deux régions. Le processus de régionalisation politique qui touche l'ensemble de la Palestine au cours du Fer I n'est pas entièrement nouveau. Il puise en effet partie de ses racines au Bronze Récent II. L'organisation des cités-états cananéennes présentait déjà des particularismes régionaux marqués : la plaine côtière, la Shéphéla, les monts de Judée ou la plaine côtière du Néguev avaient développé une organisation de leur territoire quelque peu distincte. Ce phénomène de repli régional entraîne des développements économiques localisés, affectant surtout la Philistie mais également le nord du Néguev. Le Fer I se marque ainsi par des processus ambivalents, voire paradoxaux, puisque d'une situation de repli, certaines régions tirent une force. La Philistie reste cependant la seule région développant à cette période une expression céramique propre, et faisant preuve d'un dynamisme peu commun. Elle étend sa force économique et commerciale sur l'ensemble du nord du Néguev et jusqu'aux abords des monts de Judée.

III. LES DYNAMIQUES DE PEUPLEMENT, MOTEUR DE L'HISTOIRE Les problèmes démographiques rejoignent les sphères politique, culturelle, ou ethnique. Les crises démographiques et les dynamiques de peuplement représentent en effet l'un des facteurs les plus importants dans l'évolution du paysage socioéconomique et politique que traverse la Palestine au cours de la fin du IIème millénaire1024.

A. La crise démographique au Bronze Récent II La société cananéenne traverse au Bronze Récent II une crise démographique urbaine et plus largement sociale. La crise urbaine s'exprime sous des formes diverses. Le problème le plus crucial pour les cités-états est celui du manque de ressources humaines. Cette pénurie de main d'œuvre se note particulièrement dans les réalisations architecturales. Plus globalement, les problèmes rencontrés par les cités-états correspondent à une fracture entre l'élite urbaine et le reste de la population. Cette fracture, d'abord sociale, est devenue

B. LA "PERIPHERIE" AU CENTRE DU DYNAMISME DES PROCESSUS SOCIOPOLITIQUES Les cités-états de la fin du Bronze Récent II présentent l'image d'un système politique rigide, développant une dépendance vis-à-vis du contrôle égyptien, et essoufflé par les problèmes sociaux intérieurs, ainsi que par la présence égyptienne séculaire. Le renouveau, au Fer I, vient de la périphérie.

221

1023

Bunimovitz 1998 : 108

1024

Bunimovitz 1994 : 12

CHAPITRE 9. SYNTHESE HISTORIQUE

familles fuyant une situation critique et non d'une armée en campagne, comme Drews l'envisage1026. Ces mouvements durent entre un demi-siècle et un siècle. Les côtes sont les premières touchées. Les sites de l'intérieur des terres le sont plus tardivement, lorsqu'ils le sont. La Palestine connaît durant le Bronze Récent II des mouvement de populations constants, au sein de la société bien sûr, mais également avec de nouveaux groupes humains provenant des mondes égéen, chypriote, hittite, syrien qui viennent s'installer en Palestine. Ces déplacements couvrent le Bronze Récent II mais leur échelle est d'une ampleur limitée par rapport à ceux de la fin Bronze Récent II. Ces groupes migrent alors par voie terrestre. C'est à partir de la fin du XIIIème siècle que ces groupes gagneront en nombre et se déplaceront par la mer, pour devenir les "Peuples de la Mer". Les mouvements de population touchant l'ensemble du monde proche-oriental, auquel se rattachent les Peuples de la Mer, ont une influence directe sur le devenir des civilisations de ces régions. Les mouvements par mer ont pour corollaire les destructions de sites sur les côtes méditerranéennes, tandis que ceux s'effectuant sur terre et mettant en jeu vraisemblablement des groupes nomades, entraînent par endroits des destructions à l'intérieur des terres. Pour autant ces mouvements ne sont pas l'unique facteur expliquant la fin des civilisations, entre autres, cananéenne. Ils y participent, en représentent un élément déclencheur, mais leur plus grande influence s'exprime dans la période qui suit, avec la profonde recomposition du paysage humain qui s'effectue au cours de l'ensemble du Fer I.

démographique. Les territoires des cités-états du Bronze Récent possèdent généralement une superficie plus étendue que leurs prédécesseurs du Bronze Moyen. Mais les centres urbains y sont plus petits et les territoires connaissent une densité urbaine moindre. La Shéphéla offre, sur ce point spécifique, un contre-exemple, puisqu'elle propose l'une des région les plus urbanisées au Bronze Récent en Palestine, mais ce ne saurait être le cas pour les autres. Les centres urbains du Bronze Récent, à la grande différence de ceux du Bronze Moyen, ne révèlent ni augmentation de taille, ni dynamisme particulier. Malgré une certaine prospérité économique, la création de nouveaux sites est très réduite durant l'ensemble du Bronze Récent. On peut isoler un certain dynamisme en dehors des centres urbains, avec les Hapiru et les Shoshu qui concernent une part non négligeable de la population. Ils participent cependant à la crise démographique urbaine, en l'aggravant.

B. Les mouvements de population à grande échelle à la fin du Bronze Récent II : On ne peut fixer d'adéquation chronologique entre le Levant nord et sud pour les destructions occasionnées par les Peuples de la Mer : il s'agit de toute évidence de mouvements de populations d'une grande ampleur s'étendant dans le temps. Quelques groupes ont dû être plus importants numériquement que d'autres, mais avant d'être des vagues de conquérants1025 ce sont des groupes de populations, composés de familles fuyant leur région d'origine pour des raisons vraisemblablement d'ordre socio-politique. Avec le dernier tiers du XIIIème siècle, peut-être même à partir du milieu de ce siècle, débutent ces mouvements de populations par voie maritime, qui vont durer jusqu'au milieu du XIIème siècle. Si l'on envisage des vagues de Peuples de la Mer, il faut le faire sous la forme de périodes de quelques années avec des mouvements de plus grande amplitude. Toute coordination savamment agencée est cependant illusoire : rappelons qu'il s'agit de 1025

C. Les dynamiques de peuplement au Fer I La principale caractéristique des processus de peuplement du Fer I est qu'ils affectent, à divers degrés, toutes les régions de la Palestine. Deux phénomènes distincts, de développement urbain et de sédentarisation, participent à cette recomposition du paysage humain. Ces processus se distinguent dans leur nature, leur durée spécifique, et les régions qu'ils concernent, mais tous deux engendrent une nouvelle répartition des populations. Les régions connaissant des développements démographiques sont principalement au nombre de deux : la Philistie et

Le parallélisme souvent effectué avec les "vikings" au Haut

Moyen Âge et leurs attaques puis leur installations sur les côtes "normandes" est de ce point de vue trompeur. Il s'agissait alors de guerriers aguerris pratiquant des raids. La comparaison vaut en revanche pour la faiblesse du système politique et militaire auquel ils ont eu à s'opposer. L'absence, pendant une longue période, de résistance adéquate, explique qu'ils aient poursuivi

Peut-on vraisemblablement imaginer un "état" égéen ayant

leurs pratiques. La situation de grand trouble qu'ils ont

1026

provoquée repose en partie sur la surprise et la rapidité de leurs

armé une large flotte en vue d'une opération de conquête des

attaques.

côtes proche-orientales jusqu'à l'Egypte ? contre Drews 1993

222

SYNTHESE HISTORIQUE

les hautes collines. S'y ajoutent toutefois la Shéphéla et le nord du Néguev. Parmi ces quatre régions du sud de la Palestine, il faut isoler trois dynamiques de peuplement. La première concerne le monde urbain, la seconde touche le monde villageois et la troisième correspond aux zones subissant un processus inverse avec une forte baisse de leur peuplement.

d'une création de sites villageois d'une taille réduite, rarement plus d'un hectare et le plus souvent ex nihilo. Ce peuplement des hautes collines au cours du Fer I s'intègre à un double contexte : chronologique et géographique. Le mouvement s'inscrit en effet dans une perspective chronologique plus vaste. Le peuplement des hautes collines n'est pas en luimême un phénomène neuf ou unique. Au Bronze Moyen II déjà, le peuplement de cette zone s'était produit. Mais au Bronze Récent, cette région connaît une profonde crise démographique avec un retour au nomadisme des populations qui y séjournaient. Seuls quelques sites urbains sont occupés avec Shechem, Jérusalem et Khirbet Rabud. Les processus se déroulant dans les hautes collines s'inscrivent également dans un contexte géographique plus large puisque le XIIème siècle constitue une période de vastes mouvements et d'installation de populations dans l'ensemble du Proche-Orient. On peut faire remarquer que le dépeuplement du sud de la Shéphéla, après la destruction de Lachish et de son territoire, ne mène, semble-t-il, pas directement à un transfert de population dans les collines de Judée. Ces dernières connaissent au XIIème-XIème siècles la création de nouveaux villages mais en nombre très limité par rapport aux zones au nord de Jérusalem. Le nord du Néguev traverse pour sa part une période économique prospère, engendrant des processus de peuplement différents de ceux des hautes collines. Les anciennes cités ne disparaissent pas, preuve du maintien d'une population urbaine non négligeable. Quant à la prospérité économique, elle a pour principal résultat la sédentarisation de populations autrefois nomades. Ces derniers peuvent être tenus pour responsables de la création de nombreux petits sites villageois, parfois aux environs des centres urbains. Seul Tel Masos, créé vers la fin du XIIIème siècle, connaît une augmentation de taille, qui en fait le site le plus important du nord du Néguev. Il ne peut donc être apparenté aux villages nouvellement établis. Toutes ces régions profitent, d'une manière ou d'une autre, des changements démographiques qui surviennent au cours du Fer I dans le sud de la Palestine. Seule une région traverse en revanche une crise de peuplement. Il s'agit de la Shéphéla, qui entre au XIIème siècle dans une période de plusieurs siècles pendant laquelle elle va connaître un peuplement réduit : le nombre et la taille des sites y sont limités.

A. UNE DYNAMIQUE URBAINE Seule la Philistie est concernée par une dynamique de peuplement s'opérant dans un milieu strictement urbain. Le phénomène est relativement rapide puisqu'en près d'un demi-siècle, entre l'installation des Philistins et le développement de la céramique bichrome philistine, le peuplement cananéen dans la plaine côtière du sud de la Palestine a connu de profonds changements. S'effectue, dans ce qui devient la Philistie, un processus d'accroissement de l'urbanisation, avec des centres regroupant les fonctions politiques, économiques et administratives. Leur autonomie politique se double d'une concentration de population que la région n'avait pas connue depuis plusieurs siècles. Cinq grands sites, les plus vastes pour la Palestine de cette période, possèdent en leur sein, semble-t-il, l'ensemble de la population du territoire. Le regroupement humain en ces centres urbains est caractéristique du mode de peuplement de la Philistie. La plaine côtière s'organise au Bronze Récent au sein d'un ensemble plus vaste, dans une structure administrative et militaire égyptienne et dans le système politique des cités-états. Au Fer I, son autonomie contraste fortement avec la période précédente. La Philistie ne développe toutefois pas un mode de vie socio-économique autarcique, comme tendent à le faire les hautes collines. Elle s'ouvre vers l'extérieur, en participant à un commerce interrégional florissant. Ce tableau brossant un dynamisme urbain hors du commun à une période où le reste du pays traverse une crise démographique grave, s'établit cependant dans un cadre précis. La plaine côtière est une région possédant une tradition de prospérité économique et urbaine avérée durant tout le Bronze Moyen et le Bronze Récent. De même, la population y était déjà importante auparavant. B. UNE DYNAMIQUE VILLAGEOISE Le peuplement dans les hautes collines de la Palestine correspond à un phénomène de sédentarisation, avec un apport lent mais constant de population. Le Fer IA autant que le Fer IB sont concernés par ce processus, qui s'inscrit ainsi dans la durée. Ce phénomène s'effectue sous la forme

C. UN LARGE SPECTRE DE REPARTITION HUMAINE Parmi les grandes distinctions opérables entre le 223

CHAPITRE 9. SYNTHESE HISTORIQUE

Bronze Récent et le Fer I, la dynamique des peuplements apparaît comme un élément pertinent pour apprécier le rôle joué par des zones qui, au Fer I, restent périphériques. Les hautes collines ou le nord du Néguev développent à cette période des particularismes régionaux qui prendront toute leur ampleur au Fer II. De ce point de vue, le Fer I est une phase de formation. Ces dynamiques mènent à un nouveau paysage humain. Des régions, inoccupées au Bronze Récent ou tout au plus par des populations nomades, deviennent au Fer I de nouvelles zones habitées. Cet élargissement du spectre de répartition des groupes humains constitue l'une des caractéristiques du Fer I. Se met en place une situation paradoxale reposant sur une tendance au repli régional de certaines entités socio-économiques, et concurremment, à l'augmentation des zones occupées dans le monde proche-oriental. Ce processus concerne ainsi les hautes collines, le nord Néguev, mais plus globlement les plateaux arides ou le nord de l'Arabie1027. La mise en relation de ces régions engendre une redéfinition des réseaux de communication interrégionaux. Sans doute ce phénomène constitue-t-il un élément important de la fin du IIème millénaire. Ne peut-on voir dans ce processus un élément annonçant les empires du Ier millénaire ?

1027

Liverani 1996 : 33 ; Van Der Steen 1999

224

par les seuls Philistins. Selon toute probabilité, la population demeure majoritairement locale, c'est-àdire cananéenne, ce qui ne veut pas dire que l'ensemble de cette population ne développera pas, au cours du Fer I, des traits culturels propres, qui la distingueront, encore au Fer II, des autres groupes humains de Palestine. L'apport humain des Peuples de la Mer, s'il n'est pas négligeable, n'est certainement pas majoritaire en nombre. En revanche, le dynamisme et les choix urbains opérés par cette nouvelle élite restent fondamentaux pour comprendre le devenir de la région. A partir d'un groupe ethnique minoritaire, la Philistie s'est donc vue profondément transformée. Elle a acquis avec le temps, au cours du Fer I, une spécificité politique et culturelle tandis que sa population s'est forgée une nouvelle identité "ethnique". Il est ainsi indéniable que les Philistins ont influencé durablement la région. Au regard de ces observations sur le Fer I, la vision manichéenne de la population de la Palestine, prétendûment répartie en deux groupes ethniques monolithiques disposant chacun de sa sphère d'influence, ne peut qu'être rejetée. D'autres critères s'avèrent donc nécessaires pour caractériser le Fer I.

CONCLUSION Au terme de la présente recherche, il paraît désormais possible de caractériser avec davantage de précision la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer en Shéphéla1028. La perception de la période de transition du Bronze Récent II au Fer I en Palestine a pendant longtemps reposé sur l'idée qu'elle était due à des changements de population. Cette vision postulait que la société du Bronze Récent, constituée d'une population majoritairement cananéenne, laissait la place, au Fer I, à deux nouvelles populations : les Philistins et les Israélites. Ces groupes auraient provoqué en Palestine une modification profonde non seulement de la composante humaine, mais également des sphères socio-politique et culturelle. Ces deux nouveaux groupes se trouvaient définis par leur caractère ethnique, censé se trouver à l'origine de ces changements. La clé de la compréhension du Fer I, et plus largement du passage d'un âge à l'autre, reposait ainsi sur un critère ethnique. Or la pertinence de cette vision traditionnelle se révèle pour le moins discutable. Elle est notamment remise en cause par l'étude des données archéologiques effectuée dans le cadre de nos recherches. La caractérisation ethnique des groupes humains demeure certes une problématique pertinente pour la période des XIIème-XIème siècles, puisque l'arrivée et l'installation des Peuples de la Mer dans la plaine côtière de la Palestine demeurent une réalité historique. Il serait cependant erroné d'assimiler le caractère ethnique - avéré, semble-t-il - d'un groupe minoritaire, les Philistins, identifiables dans ce cas précis par leur production matérielle, avec l'ensemble de la population. Le cas de la Philistie, au Fer I, est révélateur d'une situation intéressante, où l'on s'aperçoit que le point de vue traditionnel n'est que partiellement vrai. Certes, les Philistins semblent bien représenter un cas d'école pour ce qui est de l'adéquation entre la culture matérielle et l'identification ethnique. Mais cette caractérisation ethnique ne vaut que pour les Philistins et non pour l'ensemble de la population de la Philistie. La coïncidence entre l'arrivée de population et la production matérielle identifiable en Philistie comporte donc encore des ambiguïtés, puisque cette production ne peut permettre de caractériser ethniquement l'ensemble de la population occupant la plaine côtière du sud de la Palestine, qui n'est pas peuplée, au XIIème siècle, 1028

1. LA RECOMPOSITION DU PAYSAGE HUMAIN Un premier trait constitutif du Fer I concerne la recomposition du paysage humain. D'une ampleur considérable, cette recomposition concerne l'ensemble de la Palestine. Les processus touchant les régions sont de nature et d'intensités diverses. Rappelons brièvement les régions concernées et la manière dont celles-ci sont affectées. La région la plus touchée par ce phénomène est, cela a été mis en évidence précédemment, la Philistie. Une urbanisation rapide s'y produit, près d'une génération après l'installation des Philistins et parallèlement à la céramique bichrome philistine, soit dans le dernier tiers du XIIème siècle. C'est toutefois le XIème siècle qui voit l'extension maximale des frontières de la Philistie, de son pouvoir économique et culturel et du dynamisme urbain et architectural des établissements placés sous son contrôle. Les niveaux XI-X de Tel Qasile offrent à cet égard un bon exemple. La concentration urbaine et la construction de remparts et d'édifices publics dans les établissements de Philistie renouent par certains aspects, notamment le dynamisme, avec les entités urbaines du Bronze Moyen. La nouvelle entité socio-politique se développant en Philistie se caractérise par trois aspects sur le plan démographique : un apport

Repris dans : Jasmin sous presse 1

225

CONCLUSION

dépeuplements régionaux. Seule la Shéphéla semble "souffrir" d'immobilisme. Quant aux populations nouvelles, elles se limitent à des apports certes signifiants mais proportionnellement restreints. On est loin, on le voit, des hypothèses envisageant l'installation massive de populations non locales, dans la plaine côtière ou les hautes collines.

substantiel de population, une redistribution régionale dans de grands centres urbains, enfin une importance numérique à l'échelle de chaque site, comme à celle de la région. Cette population fortement urbaine de Philistie est contemporaine d'une organisation fortement villageoise dans les hautes collines de Judée. Le processus de sédentarisation donnant naissance à de petits sites villageois isolés, s'opère dès le début du XIIème siècle. Un processus de nature identique se développe dans le nord du Néguev, mais plus d'un siècle plus tard, à partir du milieu du XIème siècle, soit dans la seconde phase du Fer IB. Cette sédentarisation de populations nomades s'effectue toutefois pour des raisons différentes que dans les hautes collines, et certainement liées à une certaine prospérité économique dans le nord du Néguev. Les destructions touchant le sud de la Shéphéla entraînent pour leur part un dépeuplement important de l'ensemble de cette région. Cette zone est la seule de Palestine connaissant un tel processus au Fer I. Quant au nord de la Shéphéla, il oscille entre un immobilisme politique, un conservatisme culturel et le retour à une certaine prospérité économique, mais son peuplement semble peu évoluer. Le Fer I pose ainsi le délicat problème de la nature d'ensemble de la population locale. Peut-elle être considérée comme cananéenne du fait de l'importance des continuités notamment dans la culture matérielle, ou doit-elle être envisagée comme différente du fait des nouveautés dans les sphères socio-politiques ? La réorganisation du paysage démographique continue de reposer sur le peuplement humain existant au Bronze Récent II. La composition de la population n'a que peu varié entre le Bronze Récent II et la fin du Fer I, soit entre la fin du XIIIème et la fin du XIème siècle. Les changements ont été sociopolitiques plus qu'éthniques, mais ils ont également porté sur les noms et les termes désignant les populations1029. Le substrat humain local n'a ainsi pas fondamentalement varié. Si les populations ont en fin de compte peu changé dans leur composition, les structures sociales ont en revanche évolué, tout comme les mentalités. Les variations portent donc sur la répartition et la nature, davantage que sur le renouvellement, des groupes humains suivant les régions considérées. Il s'agit d'une recomposition globale du paysage humain. L'ensemble de la population cananéenne se voit donc affecté sous une forme ou l'autre, qu'il s'agisse de processus de concentration urbaine, de sédentarisation ou de mouvements de population à la suite de 1029

2. LE RETOUR A L'AUTONOMIE PAR RAPPORT A L'EGYPTE Un second trait définitoire de la transition du Bronze Récent II au Fer I concerne l'autonomie des régions. On constate que les régions touchées les premières et le plus durement par les destructions occasionnées par les Peuples de la Mer, sont également les premières à connaître un redéveloppement économique. Les sites de la Shéphéla connaissent pour leur part des destructions vers la fin du XIIème siècle, soit près d'un demi-siècle après celles touchant les sites de la côte levantine. Mais le développement économique et politique rapide de la plaine côtière du sud de la Palestine est peut-être moins dû à la seule arrivée de populations nouvelles, qu'au retour à l'autonomie, tant politique qu'économique, après la fin du contrôle égyptien sur cette zone. La Philistie devient, au Fer IB, l'une des seules régions de Palestine entrant en concurrence active avec les autres. Elle dispose pour cela d'un territoire politique regroupant les cinq cités les plus vastes de Palestine à cette période, développant une puissance économique et une influence culturelle sur les régions limitrophes. La première grande nouveauté du Fer I - la seule qui ne peut être minimisée, l'autonomie - est ainsi liée au retrait égyptien de la côte, à la suite de l'installation des Peuples de la Mer. Cet événement est synonyme du développement d'une entité politique autonome, après plusieurs siècles de contrôle égyptien. Les autres cités-états de Palestine restent pour leur part sous le contrôle plus ou moins efficace de l'Egypte durant la première partie du XIIème siècle, correspondant au Fer IA. Quant aux villages des hautes collines, ils sont à l'époque du XIIème et encore du XIème siècles, trop peu développés pour représenter une force numérique importante à l'échelle de la Palestine. Leur autonomie ne les conduira à une puissance politique unitaire que par la suite. La fin de la présence égyptienne en Palestine initie donc une période de plusieurs siècles pendant laquelle la Palestine ne se trouvera sous le contrôle

Drews 1998

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CONCLUSION

généralement que Gezer est, au Fer I, le centre d'une enclave politique et culturelle cananéenne, étroitement encadrée par la Philistie et les hautes collines de Judée. Ces deux régions sont alors supposées développer une dynamique sociopolitique ne laissant qu'une liberté d'expression des plus réduites aux habitants des sites de Shéphéla. Or la culture matérielle de Tel Yarmouth, isolé en Haute Shéphéla non loin des collines de Judée, contredit en partie cette perception de la situation socio-politique du nord de la Shéphéla aux XIIème et XIème siècles. Il apparaît que ce qui était assimilé à une simple enclave se doit d'être considéré comme un territoire connaissant une véritable autonomie et une certaine prospérité économique au XIème siècle. Un éventuel contrôle politique opéré par la Philistie n'aurait donc porté que sur quelques sites de Basse Shéphéla comme Tel Batash. Alors que les sites du sud de la Shéphéla subissent une destruction vers la fin du XIIème siècle, ceux de la partie nord développent une réponse propre à la nouvelle situation sociopolitique, peu comparable aux processus affectant la Philistie ou les hautes collines de Judée. La Shéphéla privilégie ainsi des pratiques culturelles fortement ancrées dans les traditions du Bronze Récent II, ce qui constitue d'ailleurs l'une des causes de la difficulté de son adaptation au nouvel âge. Mais la notion "d'enclave de Gezer" n'est plus valide, du fait de l'existence de pratiques identiques dans plusieurs régions de Palestine. Chinnereth1032 et Tel Hadar1033 autour du lac de Galilée, Megiddo dans la vallée de Jezreel et Bet Shan pour le nord de la Palestine, le nord de la Shéphéla ainsi que l'ensemble de la Haute Shéphéla et la plaine côtière du nord du Néguev, présentent de fortes continuités avec le Bronze Récent II. L'absence de toute cohésion politique entre ces différentes régions est l'une de leurs autres caractéristiques. En revanche, une cohérence culturelle, observable au travers d'évolutions matérielles directement issues de la sphère cananéenne, est évidente durant le XIème siècle. De ce point de vue, une distinction peut être opérée entre les sites autour du lac de Galilée, qui connaissent un phénomène s'apparentant à un renouveau culturel cananéen, quand les établissements de Shéphéla se caractérisent par de simples continuités culturelles. La culture matérielle exhumée sur les sites de Gezer, Tel Yarmouth ou Tell Beit Mirsim qui apparaissaient auparavant comme des sites culturellement isolés, devient alors la partie émergée d'un ensemble régional. Au Bronze Récent, la Shéphéla présente donc

d'aucune grande puissance1030. Aucune entité politique ne sera du moins assez puissante pour imposer son contrôle à d'autres, en particulier à la Palestine. Seules les conquêtes assyriennes au VIIIème siècle mettront fin à cette autonomie politique, rare dans l'histoire de la Palestine. Fait notable, cette absence de contrôle au Fer I constitue le préalable au développement d'une entité politique au Fer II, la monarchie israélite réunissant le nord et le sud de la Palestine. Le retour à l'autonomie touche toute la Palestine, constituant un processus global, qui représente le principal facteur commun partagé par toutes les régions. L'autonomie les affecte cependant inégalement, puisque chacune d'entre elles en profite différemment.

3. LA REGIONALISATION Le processus de régionalisation apparaît comme le troisième processus, et le plus caractéristique, de la transition du Bronze Récent II au Fer I. La régionalisation, comme l'autonomie, concerne l'ensemble de la Palestine, qui se couvre d'une mosaïque d'entités socio-politiques distinctes. Cela a été mis en évidence précédemment lors de l'étude archéologique de l'organisation des territoires. A. LA PHILISTIE Au Fer I, la seule région connaissant un développement économique et politique est la Philistie, les proto-Israélites jouant un rôle encore mineur. C'est dans un tel contexte socio-politique que doivent être considérés les sites de la Shéphéla : au XIème siècle, leur rôle est loin d'être négligeable. Ils constituent, avec d'autres régions, des centres de peuplement encore importants, bien que diminués et parfois isolés. La Shéphéla subit toutefois, sans faire preuve d'initiative, les transformations touchant l'ensemble de la Palestine. B. LA SHEPHELA Concernant la Shéphéla en particulier, il apparaît nécessaire de repenser le terme "d'enclave de Gezer"1031 utilisé pour caractériser le nord de la Shéphéla, la seule région peuplée au Fer IB. Les données archéologiques récentes issues de fouilles comme celles de l'acropole de Tel Yarmouth amènent à reformuler ce problème historique, en lui ajoutant une nouvelle dimension. On considère 1030

Singer 1994 : 295

1032

Fritz 1999 : 94, 112

1031

Singer 1994 : 307

1033

Fritz 2000 : 508-510

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des particularités marquées : elle est la région la plus densément peuplée, et elle sera la plus profondément et la plus durablement affectée par la crise du XIIème siècle. La Shéphéla perd ainsi son importance politique pour devenir au Fer I le simple lieu de conservation des traditions culturelles du Bronze Récent, et une région plus faiblement peuplée qu'elle ne l'était. Mais la simple "enclave de Gezer" doit au minimum être considérée comme "l'enclave de la Shéphéla". La régionalisation s'exprime également dans le sud de la Palestine, mais par d'autres caractéristiques.

constate tout particulièrement le développement de régions d'importance mineure auparavant, surtout situées sur les bordures du monde sédentaire. Ces zones en marge, telles les hautes collines ou le nord du Néguev, sont parmi les plus dynamiques de Palestine au Fer IB, par les processus de sédentarisation ou de prospérité économique qui s'y déroulent. En revanche, une région comme la Shéphéla, dont l'organisation politique du territoire était la plus intégrée au système des cités-états cananéennes, n'arrive pas à surmonter ce qui devient pour elle un handicap au Fer I. Présentant les continuités les plus fortes, la Shéphéla devient de ce fait une zone conservatrice. Elle sera ainsi la dernière région touchée par les transformations du nouvel âge, et ce qui faisait sa force au Bronze Récent II, devient au Fer I une faiblesse qui causera sa perte. Profondément perturbée par les phénomènes de parcellisation qu'elle subit, elle est au Fer IB une région trop divisée pour être à même de se développer à nouveau. A l'échelle des régions du sud de la Palestine, le Fer I, comme le sera le Fer II, représente donc un déplacement important du centre politique. Un point particulier de la régionalisation touchant aux continuités territoriales d'une période à l'autre, mérite également enfin d'être abordé. La diversité des territoires du Fer I semble en effet liée à une situation antérieure. Rappelons que des distinctions régionales se notaient déjà au Bronze Récent dans le sud de la Palestine. Ces distinctions se fondaient entre autres sur l'organisation territoriale des sites. La régionalisation du Fer I traduit ainsi un héritage existant précédemment. Le fractionnement des régions durant le XIIème siècle s'établit donc selon des lignes issues de la répartition des territoires géo-politiques du Bronze Récent II. Dernière dimension de ce phénomène de régionalisation, le décalage chronologique qu'il induit entre les différentes sphères, politique, économique, sociale et culturelle, au sein de chaque région (voir tableau planche n° 112 =>NN° ), chaque région évoluant à sa vitesse propre et selon des modalités diversifiées. Cette absence d'unité est également caractéristique de la phase de transition du Bronze Récent au Fer I.

C. LE SUD DE LA PALESTINE Une réorganisation territoriale, à travers une répartition nouvelle des sites, de leur taille et parfois de leur nature, affecte donc chacune des régions. La répartition des sites s'opère au Bronze Récent autour de quelques grands sites centraux, s'organisant en territoires politiques. Le Fer I voit au contraire le développement de zones, relativement bien délimitées pour certaines comme la Philistie, dont l'organisation interne ne semble pas privilégier de centre précis unique. Il existerait alors une certaine égalité socio-politique au sein de chacune de ces régions. Cette situation égalitaire ne saurait en revanche exister entre les diverses régions, et se limite strictement à l'intérieur de chacune d'elles. Aucune région du sud de la Palestine ne parvient, durant l'ensemble du Fer I, à faire l'unité autour d'elle, ou à imposer son système socio-politique. La Philistie tente de le faire au XIème siècle, mais il semble qu'elle ait développé une force plus économique que strictement politique. Aucune unité politique ne rassemblera le nord et le sud de la Palestine avant le Xème siècle, et même plus vraisemblablement avant le IXème siècle, avec la monarchie israélite. Les troubles que connaît la Palestine à l'extrême fin du XIIIème siècle, s'ils s'apparentent à ceux de l'ensemble du Levant, ne sauraient pourtant leur être assimilés dans leur déroulement. Le nord et le sud de la Palestine proposent à cet égard des processus très différents, autant que le Levant nord se distingue du sud. Chaque région traverse ainsi la fin du second millénaire d'une manière propre. C'est pourquoi le processus de régionalisation sociopolitique constitue l'une des caractéristiques majeures de cette période. Ce phénomène persiste l'ensemble du XIIème siècle et culmine vers la fin du XIIème siècle et au XIème siècle, c'est-à-dire durant le Fer IB. Le Fer I est également marqué par un phénomène de "déplacement du centre" : affaiblissement de certaines régions, renforcement ou développement d'autres. On

4. LE FER I, "AGE SOMBRE" DE LA TRANSITION ? La transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer concerne, en Palestine, spécifiquement le Fer I. Il est tacitement admis que cette période de deux siècles

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CONCLUSION

correspondrait au "creux de la vague", à cet "âge sombre" qui, dans le monde égéen, serait particulièrement isolé du fait de son caractère dévastateur. Si âge sombre il y eu en Palestine, une telle phase concernerait non l'ensemble du Fer I mais seulement une partie du XIIème siècle. Le Fer I ne saurait cependant être considéré comme un âge sombre, du fait du retour à une autonomie concernant globalement l'ensemble des sphères de la société. Cette autonomie marque en effet la fin d'un déclin : déclin politique et urbain, exploitation économique par les Egyptiens, problèmes sociaux qui touchent la Palestine durant le Bronze Récent. L'autonomie retrouvée offre en revanche les conditions nécessaires, dans le long terme, à un développement fondé sur l'unification de l'ensemble de la population. Le Fer I marque également l'émergence d'entités mineures qui deviendront des entités politiques majeures au Fer II, tel le domaine des hautes collines : raison supplémentaire de ne pas réduire le Fer I au prétendu "âge sombre" qu'il est censé représenter.

Le Fer I n'est donc pas simplement une phase de transition. Les XIIème-XIème siècles sont également des phases de gestation, avec une redéfinition des groupes socio-politiques, à partir d'une nouvelle répartition des populations. En effet, le passage en Palestine du système des cités-états à l'Etat s'effectue sur une période de plusieurs siècles, ne se limitant pas au seul Fer I. Mais cette période prend toute sa dimension historique par une mise en perspective chronologique, qui va du Bronze Récent II au Fer II. Ce qui se met en place au Fer I concerne la longue durée et affecte la Palestine pour les siècles à venir : la Philistie et le domaine des hautes collines sont le lieu de lents processus transformant la société en profondeur, et concernant de toute évidence les mentalités. Quant au Fer II, il ouvre un "nouvel âge" pour l'ensemble de la Palestine, développant une culture relativement homogène. Le Fer I s'inscrit de ce point de vue dans des continuités tout en préservant son originalité. Résumons nous : la transition de l'Âge du Bronze à l'Âge du Fer en Palestine n'est pas marquée par des changements ethniques profonds. Elle connaît en revanche un processus de régionalisation, suivant des chronologies et des modalités différentes. Ce processus se double d'une profonde recomposition du paysage démographique au Fer I, héritée directement de la population cananéenne du Bronze Récent. Le retour à une autonomie politique et économique représente également l'une des caractéristiques majeures de cette période. Tous ces processus touchent l'ensemble des sphères de la société, mais à des degrés divers. En définitive, au cours du Fer I, les régions de Palestine développent un nouvel équilibre régional. Mais paradoxalement, ce dernier repose sur un déséquilibre entre chacune des régions concernées. Que retenir de cette tentative de synthèse ? On a l'habitude de caractériser la période des XIIèmeXIème siècles comme une phase de transition. Or, on pourrait substituer à cette dénomination peutêtre trop vague le terme de mutation, dans son sens biologique, c'est-à-dire l'apparition de caractéristiques nouvelles, éventuellement transmissibles aux générations suivantes. Nous l'entendons également dans le sens d'une parcellisation socio-politique, et en partie économique, du territoire, accentuant les particularismes locaux. Les recherches récentes permettent ainsi d'affiner la perception globale et les limites chronologiques de cet âge "trouble". Certaines zones d'ombre subsistent néanmoins, notamment la période de passage du Fer I au Fer II, phase essentielle mais encore mal comprise, dans l'émergence des futures entités étatiques.

5. LE PASSAGE DU BRONZE RECENT II AU FER I MARQUE-T-IL UNE PHASE DE TRANSITION ? Sur un plan strictement politique, lié à l'extension des territoires, le Fer I représente bien une période de transition entre le système politique des cités-états - mode unique de gestion du territoire unifiant au Bronze Récent l'ensemble de la Palestine - et le Fer II, qui voit l'édification d'un état gouverné par la monarchie israélite. Plus globalement, l'ensemble du Fer I, en tant que phase de transition, clôt certaines pratiques, en continue d'autres, en initie de nouvelles. En revanche, sur d'autres plans, la période des XIIème-XIème siècles présente suffisamment de traits originaux et spécifiques pour se voir attribuer une existence et une identité distinctives. Le Fer I ne doit donc pas être considéré comme la simple période de transition à laquelle tend à la réduire la recherche archéologique. Pendant longtemps, en effet, seul son caractère destructeur et ses conséquences négatives ont été mis en valeur, or c'est également une période productive puisqu'elle initie des dynamiques nombreuses, notamment par la création de nouveaux sites, processus quasi inexistant au Bronze Récent. Cette période fut certes un âge prospère, mais par certains aspects seulement, et surtout pour l'élite urbaine minoritaire. Le Fer I pose, quant à lui, des fondements nouveaux.

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