Le fédéralisme en Belgique et au Canada: comparaison sociopolitique [1 ed.] 9782804104658

En Belgique et au Canada, les remises en question et la défense du fédéralisme sont au coeur de la vie politique. Ces de

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French Pages 287 [292] Year 2009

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Le fédéralisme en Belgique et au Canada: comparaison sociopolitique [1 ed.]
 9782804104658

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Le fédéralisme en Belgique et au Canada Comparaison sociopolitique

TL LIT.

Ouvertures sociologiques Collection dirigée par Olgierd Kuty Conseil éditorial de Didier Vrancken ALBARELLO Luc, Sfratifier le social

Bayoir Guy, Dienerre Françoise, Jasparo Jean-Marie, NOLLET DE BRAUWERE Quentin (Éds), Jeunesse et société. La socialisation des jeunes dans un monde en mutation

BASTENIER Albert, DAssETro Felice (Éds), Immigrations et nouveaux pluralismes. Une confrontation de sociétés BAwN-LecRoS Bernadette, Voÿé Liliane, Dossecarre Karel, ELcHARDUS Mark (sous la direction de), Belge toujours. Fidélité, stabilité, tolérance. Les valeurs des Belges en l'an 2000 BAwIN-LecRos Bernadette (Éds), Familles, modes d'emploi. Étude sociologique des ménages belges

BAWN-LEGROS Bernadette, Sociologie de la famille. Le lien familial sous questions BEUN Emmanuel,

Une sociologie des espaces potentiels. Logique dispositive et expérience ordinaire

De Coster Michel, BAwiN-LEGROs Bernadette, Poncezer Marc,

Introduction à la sociologie, 6° édition

De Cosrer Michel, Sociologie de la iberté. Mise en perspective d'un discours voilé

De Cosrer Michel, PichauLr François, Traité de sociologie du travail, 2 édition Deuèce Robert, Anthropologie sociale et culturelle De Muncxk Jean, VERHOEVEN Marie (Éds), Les mutations du rapport à la norme. Un changement dans la modernité ? Durano Claude, PICHON Alain (sous la coordination de), Temps de fravail et temps libre

FOUCART Jean, Sociologie de la souffrance FOURNIER Bernard, REuCHAMPS Min (sous la direction de), Le fédéralisme en Belgique et au Canada Comparaison sociopolitique Javeau Claude, La société au jour le jour. Écrits sur la vie quotidienne

Kury Olgierd, La négociation des valeurs. Introduction à la sociologie Mercure Daniel (sous la coordination de), Une société-monde? Les dynamiques sociales de la mondialisation

PicHauLT François, Le conflit informatique. Conduire l'informatisation dans l'entreprise

PRONOVOST Gilles, Sociologie du temps Remy Jean, VOYé Liliane, Servais Emile, Produire ou reproduire. Une sociologie de la vie quotidienne Volume 1 : Conflits et transaction sociale Volume 2 : fransaction sociale et dynamique culturelle RiGaux Natalie, Introduction à la sociologie par sept grands auteurs. Bourdieu, Durkheim,

Godbouf,Goffman, Sennett, Tünnies, Weber VAN HAECHT Anne, L'école à l'épreuve de la sociologie. La sociologie de l'éducation et ses évolutions, 3° édition VOYÉ Liliane, BAwN-LEGROS Bernadette, DogseLaere Karel, KERKHOFS Jan, Belges, heureux et satisfaits. Les valeurs des Belges dans les années 90 (épuisé)

Voÿé Liliane, Sociologie. Construction du monde. Construction d'une discipline VoYé Liliane, Figures des dieux. Rites et mouvements religieux. Hommage à Jean Remy VRANCKEN Didier, Kury Oigierd, La sociologie et l'intervention. Enjeux et perspectives

VRANCKEN Didier Dusois Christophe, ScHoENAëRS Frédéric (sous la direction de), Penser la négociation. Mélanges en hommage à Olgierd Kuty Commission Travail et Non-Travail, Travail et non-travail. Vers la pleine participation

Ouvertures sociologiques Sous la direction de Bernard Fournier

Min Reuchamps

Le fédéralisme en Belgique et au Canada Comparaison sociopolitique

Licence

Doctorat

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de boeck

Publié avec l’aide du Centre d'Études québécoises de l'Université de Liège et du ministère des Relations internationales du Québec.

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com

Maquette de couverture : Cerise.be Mise en page : Microcompo

© Groupe De Boeck s.a., 2009 Editions De Boeck Université rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles

1"e édition

Tous droits réservés pour tous pays. Il'est interdit, sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique Dépôt légal: Bibliothèque nationale, Paris : mars 2009

Bibliothèque royale de Belgique : 2009/0074/186

ISSN 0777-5235

ISBN 978-2-8041-0465-8

Remerciements

Ce volume, Le fédéralisme en Belgique et au Canada: comparaison sociopolitique, est le fruit d’une collaboration fructueuse avec plusieurs personnes et organismes que nous tenons à remercier chaleureusement.

Une première version des textes réunis dans ce volume fut présentée le 5 mai 2008 à Liège lors d'un colloque international sur le fédéralisme en Belgique et au Canada organisé conjointement par le Département de sciences politiques et le Centre d’études québécoises de l’Université de Liège. Notre reconnaissance sincère va aux membres de ces deux institutions et notamment à leur président respectif, Quentin Michel et Jean-Pierre Bertrand. Pour l’organisation de ce colloque et la publication de cet ouvrage, nous avons recu le soutien de l'Association internationale des études québécoises (AIÉQ), de la Délégation générale du Québec à Bruxelles, du Ministère des Relations

internationales du gouvernement du Québec et de l'Université de Liège. Que ces organismes soient vivement remerciés pour leur contribution.

Le jour du colloque, nos collèques du Département de sciences politiques ont assuré la présidence des différentes sessions et doivent en être salués. Nous remercions également nos étudiants pour leur présence au colloque ainsi que pour leurs nombreuses et intéressantes réflexions sur le fédéralisme. Notre gratitude va aussi au Cercle des Étudiants en Sciences Politiques & Administration

Publique (CESPAP)

de l'Université de Liège pour son aide

logistique.

Nous aimerions également exprimer notre reconnaissance à la maison d’édition et à toute l’équipe éditoriale de De Boeck Université, ainsi qu'au directeur de la collection «Ouvertures sociologiques», Olgierd Kuty, pour avoir permis et assuré la publication de ce volume. Que les évaluateurs externes

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

soient également remerciés pour leurs commentaires avisés et leur regard neuf sur ce projet collectif. Sans la collaboration précieuse et le travail minutieux de chaque auteur de cet ouvrage, l'étude du fédéralisme en Belgique et au Canada n'aurait pas pu être enrichie d’un nouvel effort de compréhension et d'analyse. Enfin, pour leur soutien inestimable, nos très vifs remerciements sont adressés à nos talentueux collègues, Elodie Flaba et Geoffrey Grandjean, et à nos rigoureux assistants de recherche, François Onclin et Jérémy Dodeigne.

Bernard Fournier et Min Reuchamps

Sommaire

Remerciements Introduction Le fédéralisme en Belgique et au Canada Bernard Fournier et Min Reuchamps

Les fédérations belge et canadienne Chapitre 1 La fédération belge Chapitre 2

Min Reuchamps et François Onclin La fédération canadienne Bernard Fournier

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada Chapitre 3 La dynamique fédérale en Belgique Kris Deschouwer Chapitre 4 La dynamique fédérale au Canada Réjean Pelletier Dialogue comparatif La dynamique fédérale en Belgique et au Canada Geoffroy Matagne Le partage des compétences et les relations intergouvernementales dans les fédérations belge et canadienne Chapitre 5 Le partage des compétences et les relations intergouvernementales : la situation en Belgique André Leton Chapitre 6 Le partage des compétences et les relations intergouvernementales : la situation au Canada Johanne Poirier Dialogue comparatif Le partage des compétences et les relations intergouvernementales dans les fédérations belge et canadienne Min Reuchamps et Jérémy Dodeigne La protection des minorités en Belgique et au Canada Chapitre 7 Bref survol de la Belgique comme «laboratoire des minorités» Jean-Claude Scholsem

La protection des minorités nationales dans le système fédéral canadien José Woehrling Dialogue comparatif Une comparaison entre les mesures de protection des minorités en Belgique et au Canada Jo Buelens

ÿ5 97

107

123

129 131

Chapitre 8

143

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

La paradiplomatie ou les relations internationales des entités fédérées belges et canadiennes Chapitre 9 Les entités fédérées belges: des relations internationales peu «paradiplomatiques » Françoise Massart-Piérard Chapitre 10 Le Québec et ses relations internationales : impacts sur le système fédéral et sur le système international Nelson Michaud Dialogue comparatif Fédéralisme et système de gouvernance à paliers multiples en matière de politique étrangère: une comparaison entre le Canada et la Belgique Stéphane Paquin Les futurs des fédérations belge et canadienne Chapitre 11 Futur(s) de la fédération belge: paradoxes fédéraux et paradoxes belges Dave Sinardet Chapitre 12 L'avenir de la fédération, l'avenir du fédéralisme: deux enjeux distincts au Canada François Rocher Dialogue comparatif Les futurs des fédérations belge et canadienne : un dialogue comparatif Éric Montpetit

T7

175

185

197

207 209

29

Perspectives

Compromis tragique où défense stérile des identités politiques Pierre Verjans Webographie — Belgique

267

Webographie — Canada

271

Index

245

Table des tableaux

219

Table des matières

281

Introduction Le fédéralisme en Belgique et au Canada Bernard Fournier* et Min Reuchamps**

En Belgique et au Canada, le fédéralisme constitue un sujet récurrent d’actualité. Dans ces deux pays, il ne se passe pas un jour sans que le sort du fédéralisme ne soit évoqué par les personnalités politiques, les médias ou même les citoyens. Le sujet a déjà fait couler beaucoup d'encre et cela ne semble pas prêt de s'arrêter. La question de l'avenir du pays («quel pays ?», pourrait-on même demander) suscite le débat dans l’ensemble de la société. Dans de nombreuses discussions ou pour appuyer une argumentation, on entend souvent

des citoyens ou des personnalités politiques faire référence à la situation de l’autre pays — voire de les comparer — à la situation de l’autre pays. Pourtant les différences entre les deux pays sont énormes. La Belgique entre quelque 300 fois dans le Canada et 50 fois dans le Québec ; quatre heures de voiture

suffisent pour relier les deux extrémités de la Belgique (Arlon et Ostende), il en faut cinq, en avion faut-il le préciser, pour gagner Vancouver en partant de Montréal et presque le double si l’on décolle de Saint-Jean de Terre-Neuve; avec 33 millions d'habitants, la population canadienne est trois fois plus nombreuse que la belge mais par contre la densité en Belgique (346 habitants/ km?) contraste largement avec celle du Canada (3,2 habitants/km°).

Malgré ces différences — et il en existe bien d’autres —, des similitudes existent, en particulier sur le plan politique :deux communautés linguistiques dis-

Chargé de cours au Département de sciences politiques de l'Université de Liège. “* _ Aspirant du Fonds de la Recherche Scientifique-FNRS au Département de sciences politiques de l'Université de Liège.

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

tinctes (dont une, la minoritaire, parle le français) cohabitent dans un système fédéral qui connaît parfois de graves tensions. Dès lors, analyser la façon

dont les deux sociétés ont réglé — ou non -— leurs conflits en adoptant un système fédéral, devrait s'avérer très instructif. Au cœur du fédéralisme se situe la question de la reconnaissance de la diversité — qu’elle soit culturelle, linguistique, économique ou encore démographique — tout en maintenant l'unité de l’ensemble. À n’en pas douter, la Belgique et le Canada constituent deux «beaux cas» de sociétés multinationales aux prises avec cette tension fondamentale et permanente. On ne sera donc pas surpris qu’un grand nombre de chercheurs belges, canadiens et étrangers aient consacré leurs travaux à explorer les arcanes du fédéralisme belge ou canadien. D’autres se sont lancés dans des investigations comparatives de grande ampleur étudiant simultanément plusieurs Etats fédéraux, régionalisés et unitaires. Cependant, rares sont les recherches qui mettent en perspective, d’un point de vue politologique, systématiquement et simultanément le fédéralisme en Belgique et au Canada. Certes, les recherches comparatives à propos du fédéralisme dans ces deux pays existent et mettent en lumière leur situation respective mais elles se concentrent généralement sur une thématique précise. Parmi les études récentes, pensons

notamment aux travaux de D. Béland et A. Lecours au sujet des politiques sociales (2007), de M. De Coster sur les conflits linguistiques (2007), de J. Erk à propos des nationalismes sous-étatiques (2002) et des liens entre le fédéralisme, le nationalisme et l'intégration des immigrés (2006), de J. Poirier sur les relations intergouvernementales (2002) ou au sujet de la protection des minorités (2006), de S. Paquin à propos de la paradiplomatie identitaire des entités fédérées belges et canadiennes (2004) ou encore, il V a quelques années, de G.-A. Beaudoin, d'A. De Decker et de F. Delpérée comparant les structures fédérales de ces deux pays (1999), de D. Karmis et d’A.-G. Gagnon à propos des identités collectives (1996) ou de S. Jaumain et de nombreux autres auteurs au sujet des débats constitutionnels et de leurs conséquences

es (1997).

I.

Un dialogue comparatif

Au-delà de ces recherches spécifiques comparant le fédéralisme et son impact en Belgique et au Canada, des études explorant en profondeur et systématiquement le fédéralisme dans ces deux pays autour de plusieurs thématiques semblent nécessaires et utiles car les points de rencontre sont nombreux particulièrement en termes, pour reprendre l'expression de J. Poirier, de «parallèles, dissonances et paradoxes» (2004). Ainsi, l'objectif du présent volume

est d'offrir, en mobilisant les concepts de la sociologie politique, un dialogue comparatif entre des spécialistes du fédéralisme belge et du fédéralisme

10

Le fédéralisme en Belgique et au Canada

canadien autour de cinq thématiques importantes offrant une perspective globale : la dynamique fédérale, le partage des compétences et les relations intergouvernementales, la protection des minorités, la paradiplomatie ou les relations internationales des entités fédérées, les futurs des fédérations belge et canadienne. Si, pour chacune de ces thématiques, une comparaison stricte

et directe des fédéralismes belge et canadien n’est pas possible (ni même souhaitable) au vu des différences importantes qui les séparent, un dialogue comparatif mettant en perspective ces deux systèmes fédéraux et éclairant

ainsi la compréhension de l’un grâce à l'étude de l’autre peut s'avérer fertile et intéressante.

Depuis plusieurs années, sous l'impulsion conjointe du Forum des fédérations et de l’Association internationale des centres d'étude du fédéralisme (IACFS),

un Dialogue mondial (ou en anglais Global Dialogue) anime la communauté des chercheurs étudiant le fédéralisme à travers le monde!. D'une envergure moindre en termes de pays étudiés mais avec un objectif similaire, le dialogue comparatif sociopolitique que nous proposons s'inscrit dans cette perspective

d'échanges scientifiques afin de produire une publication utile pour les chercheurs et les praticiens, mais également pour les étudiants de tous les niveaux et leurs enseignants ainsi que pour les citoyens. Ce faisant, il vise à nourrir le débat social et politique qui entoure l'avenir de la Belgique et du Canada. Dans cet effort d'échanges entre spécialistes du fédéralisme belge et canadien, il ne faut pas vouloir y trouver une volonté de comparatisme ou de comparativisme strict — ni une tentative de vérifier une théorie générale et ses sous-hypothèses sur le fédéralisme dans ces deux pays. Les différentes thématiques sont principalement abordées par les auteurs d’un point de vue «national» et non pas comparatif. Comme énoncé ci-dessus et au regard de notre objectif d'analyse simultanée et systématique du fédéralisme en Belgique et au Canada, entreprendre une comparaison terme à terme des deux fédéralismes et de leur situation fédérale ne nous semble ni possible ni souhaitable — ce qui n'empêche que l'exercice est pertinent lorsqu'on étudie une thématique précise selon un cadre d’analyse bien défini comme l'ont fait les nombreux chercheurs que nous avons évoqués. Il ne s’agit pas non plus de réfléchir sur l'exportation ou l'importation des — bonnes — pratiques d’un pays vers l’autre pays et vice-versa. Des recherches intéressantes ont déjà été menées sur ce sujet notamment par A. Lecours (2005), J. Poirier (2006) et J.-C. Scholsem (2005). Bien que l’on puisse parfois être tenté d'essayer l'exercice de transposition d’un contexte à l’autre, 1 À ce jour, sept thématiques ont été explorées dans le Dialogue mondial: les origines, structures et changements constitutionnels dans les pays fédéraux, la répartition des compétences et des responsabilités, la gouvernance législative, exécutive et judiciaire, la pratique du fédéralisme

fiscal: perspectives comparatives, les relations extérieures, les collectivités locales et les régions métropolitaines, et la diversité dans les systèmes fédéraux. Ces publications peuvent être consultées sur le site du Forum des fédérations repris dans la webographie à la fin de ce volume.

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Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

le présent ouvrage repose sur une «réflexion» comparative ou, comme nous

l'avons qualifié, sur un dialogue comparatif qui vise à suggérer, à partir de situations comparables- bien que parfois fort différentes — des idées pour mieux comprendre la situation de son propre pays. C’est pourquoi, les thématiques sont d’abord et avant tout présentées par un spécialiste de chaque pays. Le dialogue comparatif est ensuite lancé par un commentaire sur la base des deux exposés «nationaux». Les systèmes de partis et leurs conséquences sur la vie politique peuvent illustrer concrètement le dialogue comparatif proposé et les réflexions et questions qu’il peut engendrer. Au Canada, comme dans un grand nombre de fédérations, on trouve des partis fédéraux et des partis provinciaux distincts même s'ils existent des liens — mais non hiérarchiques — entre le parti fédéral et les partis provinciaux d’une même orientation politique, par exemple, les partis conservateurs, les partis libéraux, les partis socio-démocrates ou encore les partis verts. Dans d’autres cas, le parti politique n’a pas de contrepartie fédérale, comme c’est le cas du Saskatchewan Party depuis 1997 ou était le cas du British Columbia Social Credit Party jusqu’au début des années 1990, ou bien de contrepartie provinciale, comme dans le cas du Bloc québécois (BQ) dans une certaine mesure (bien qu'il existe des liens idéologiques évidents avec le Parti québécois). Mais surtout, aucun parti politique canadien ne présente des candidats aux élections des deux ordres de gouvernements. On peut même ajouter que la carrière des hommes et des femmes politiques est essentiellement, même s’il y a des exceptions, soit fédérale, soit provinciale. En Belgique, cette distinction entre partis actifs sur la scène fédérale et ceux animant la vie politique des entités fédérées n'existe guère. Seuls quelques partis, historiquement des partis régionalistes, comme la Volksunie, le Vlaams Blok devenu le Vlaams Belang ou le Rassemblement wallon et le Front démocratique des francophones, ne se présentent que dans une région — ou plutôt que devant une communauté — puisqu'ils sont généralement présents à Bruxelles néanmoins’. En effet, la plupart des partis présentent des candidats — et parfois les mêmes candidats — aux élections législatives fédérales et régionales. Cependant, une division existe au sein du système des partis entre les partis francophones et les partis néerlandophones. Depuis le début des années 1970, il n'y a plus de partis unitaires en Belgique et, sauf pour la circonscription controversée de Bruxelles-Hal-Vilvorde, plus aucun parti ne se présente devant les électeurs de l’autre communauté. Par ailleurs, et en contraste avec la situation canadienne, les allers-retours entre le fédéral, le communautaire et le régional, sont très fréquents dans la fédération belge: pensons à l’ex-premier ministre Yves Leterme qui après avoir été député (au 2 Cependant rien n'empêche un parti politique actif principalement dans une seule commu nauté de se présenter devant les électeurs de l'autre communauté. Ainsi, à plusieurs reprises, le Vlaams Belang a présenté des listes dans des circonscriptions électorales francophones et la Lijst Dedecker envisagerait de le faire dans le futur.

12

Le fédéralisme en Belgique et au Canada

fédéral, donc) de 1999 à 2004 a été élu parlementaire flamand avant de devenir ministre-président du gouvernement flamand pendant trois années pour finalement revenir au fédéral en tant que, d’abord sénateur, ensuite vicepremier ministre et enfin premier ministre.

Outre cette différence dans le système de partis, la Belgique et le Canada se distinguent également par leur mode de scrutin: les Belges élisent, à partir de listes de candidats, leurs représentants au scrutin proportionnel tandis que les Canadiens choisissent un représentant par circonscription au scrutin majoritaire à un tour*. En lien direct avec le mode de scrutin, les gouvernements belges fédéraux, communautaires

et régionaux reposent généralement sur une

coalition de plusieurs partis alors que les gouvernements canadiens peuvent être majoritaires ou minoritaires mais ne sont jamais de coalition*. Toutefois,

les deux systèmes politiques se fondent sur l'obligation, propre au parlementarisme, que le gouvernement reçoive la confiance du parlement.

Au vu de ces différences importantes entre les systèmes de partis et les dynamiques politiques qui les animent et qu'ils engendrent, il semble difficile de comparer utilement la Belgique et le Canada sur cette thématique. De même, vouloir appliquer la situation de l’un — qui pourrait a priori sembler meilleure — dans l’autre rencontre rapidement un illogisme politique et historique. Ainsi, l'existence de vrais partis fédéraux au Canada, c'est-à-dire de partis qui se présentent devant l’ensemble de l'électorat, retient inévitablement l’attention

de l'observateur belge qui peut déplorer l'absence de tels partis dans son pays. Cependant, vouloir à tout prix des partis fédéraux (en Belgique on parlerait plutôt de partis nationaux) semble peu envisageable dans la dynamique fédérale belge actuelle, qui s’est développée depuis les années 1970 et qui est principalement centrifuge et bipolaire. On se rend rapidement compte qu'une comparaison pure et simple des deux fédérations, tout comme l’exportation de l’une vers l’autre, est peu pertinente pour mieux comprendre celles-ci, ce qui constitue pourtant notre objectif. Pour atteindre ce dernier, nous proposons plutôt une approche reposant sur un dialogue comparatif qui permet de mieux comprendre la situation de chaque pays à partir d’une réflexion sur l’autre pays.

Reprenant l'exemple des systèmes de partis, un dialogue comparatif BelgiqueCanada permet de tirer plusieurs enseignements pour chaque contexte fédéral. Retenons-en trois. Premièrement, l'absence de vrais partis fédéraux en 3 À l'heure actuelle, en Belgique et au Canada, le mode de scrutin ne diffère pas d’un ordre de gouvernement à un autre. Toutefois, dans les deux pays, de temps en temps, des voix appellent

au changement de mode de scrutin, parfois dans certaines provinces uniquement. 4 Un projet de coalition entre les partis d'opposition pour remplacer le gouvernement minoritaire conservateur de Stephen Harper en décembre 2008, entre les partis libéral et néo-démocrate, avec l'appui du Bloc québécois, avait vu le jour, mais ne s’est jamais réalisé, la gouverneure générale ayant prorogé le parlement à la demande du premier ministre, empêchant ainsi la chute du gouvernement.

13

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

Belgique s'explique par des facteurs politiques et historiques, avons-nous dit. Sans vouloir copier la situation canadienne, on est cependant amené à réfléchir sur l'importance de mécanismes atténuant les forces centrifuges, tels qu'une circonscription fédérale offrant la possibilité aux électeurs de voter pour un représentant de l’autre communauté (Deschouwer et Van Parijs, 2007 : Sinardet, 2003). Deuxièmement, au Canada, malgré l'existence de partis fédéraux, on trouve au parlement fédéral un parti, le BQ, qui «ne joue pas le jeu fédéral» puisqu'il défend la sortie du Québec d’une manière ou d’une autre du système fédéral

canadien tel qu'il est présentement. L'étude de la situation belge offre des ressemblances et des dissemblances pertinentes pour mieux comprendre les enjeux d’une telle question. La transformation de la Belgique d’un Etat unitaire en un État fédéral s’est en effet réalisée sous l'impulsion de — petits — partis régionalistes, qualifiés par certains de nationalistes. Gardant à l'esprit les différences entre les enjeux belges et canadiens, on peut réfléchir sur les causes et les conséquences de la présence et du rôle de tels partis sur l’ensemble fédéral.

Troisièmement, la clarté du jeu politique canadien d’un point de vue gouvernemental, que le gouvernement soit minoritaire où majoritaire, peut susciter

des réflexions intéressantes à propos du système belge où l'obligation de former des coalitions semble alourdir toutes discussions. Cependant, jusqu’en 2007 et à quelques exceptions près, une symétrie linguistique caractérisait la composition du gouvernement fédéral facilitant les réformes institutionnelles ; en d’autres termes, bien que séparés, les partis partageant la même orientation politique participaient ensemble à l'exécutif”. On peut partiellement expliquer par ce facteur que la Belgique a constamment évolué constitutionnellement depuis la fin des années 1960 alors que, pendant la même période, le Canada n’a pas connu de bouleversements institutionnels réels — bien que référendums et propositions constitutionnelles se soient succédés, il ne faudrait pas l'oublier. La modification constitutionnelle de 1982, cependant, aura grandement marqué la vie politique.

Au-delà de la thématique précise des systèmes de partis et des questions qu'elle suscite, le dialogue comparatif dresse des pistes de réflexions plus générales touchant notamment au caractère bi- et/ou multipolaire des fédérations étudiées, aux dynamiques centrifuges et centripètes ou encore à l’intégration des entités fédérées et du niveau fédéral dans la structure fédérale. Mener à bien un tel dialogue nécessite une présentation détaillée des deux fédérations qui est l’objet des 12 chapitres de ce volume.

5 Une fédérées.

14

symétrie

a également

existé entre

les coalitions

gouvernementales

fédérales

et

Le fédéralisme en Belgique et au Canada

IL

Le fédéralisme en Belgique et au Canada en six thématiques

Dans la perspective de ce dialogue comparatif, nous proposons d'explorer le fédéralisme en Belgique et au Canada en six étapes. Afin de faciliter les réflexions comparatives, la première section regroupe deux chapitres généraux rappelant, dans les grandes lignes, les origines et l’évolution des fédérations belge et canadienne et présentant brièvement la structure fédérale ainsi que les institutions et les acteurs qui l’animent. Les cinq sections suivantes, développant chacune une thématique en profondeur, fournissent véritablement matière à réflexion pour le dialogue comparatif. Ainsi, sont tour à tour explorés la dynamique fédérale, le partage des compétences et les relations intergouvernementales, la protection des minorités, la paradiplomatie et les futurs des fédérations belge et canadienne. Chacune de ces thématiques est analysée par un spécialiste de chaque pays avant d’être l’objet d’un dialogue comparatif entre les situations belge et canadienne dans un troisième exposé. Au total, outre les deux chapitres sur la fédération belge et sur la fédération canadienne, dix chapitres et cinq dialogues comparatifs analysent systématiquement le fédéralisme en Belgique et au Canada en vue d'engager de riches réflexions comparatives.

Afin de traiter la thématique de la dynamique fédérale en Belgique et au Canada, K. Deschouwer et R. Pelletier reviennent, d'abord, sur les origines et l'évolution du fédéralisme dans ces deux contextes fort différents. Ensuite, ils adressent la question fondamentale des relations entre les deux grandes communautés politiques, les néerlandophones et les francophones en Belgique et les anglophones et les francophones — ou plutôt les Québécois — au Canada. Enfin, ils concluent en évoquant les caractéristiques actuelles de la dynamique fédérale dans les deux pays. Rebondissant sur ces deux exposés, G. Matagne offre un dialogue comparatif explorant les variables qui peuvent utilement servir de jalon à la comparaison notamment la nature centrifuge ou centripète des fédéralismes ainsi que le nombre et la nature des entités fédérées.

Poursuivant la réflexion, A. Leton et J. Poirier explorent la double thématique du partage des compétences et des relations intergouvernementales. D'une part, la répartition des compétences entre deux ordres — trois en Belgique — de gouvernement constitue le cœur de toute fédération puisque le fédéralisme est la combinaison — harmonieuse, si possible — entre le self-rule et le shared rule sur un même territoire. D'autre part, au-delà du partage des compétences, les acteurs politiques représentant des institutions animent la fédération et la font vivre au travers des relations intergouvernementales entre l'Autorité fédérale — le gouvernement fédéral au Canada — et les entités fédérées ou entre entités elles-mêmes. Le partage des compétences diffère largement entre les fédérations belge et canadienne, ce qui se répercute immanquablement sur les relations intergouvernementales. Ces dernières se déroulent à plusieurs niveaux :au niveau formel via des mécanismes instaurés 15

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

par la Constitution ou la loi, où à des niveaux informels. Ces relations peur vent être conflictuelles ou coopératives. L'étude comparée de ces deux cas, comme le proposent M. Reuchamps et J. Dodeigne, permet de mieux comprendre l'évolution du fédéralisme dans les deux pays et soulève des pistes de réflexion plus globales sur les relations fédérales dans un univers politique contemporain multi-niveaux.

Une des raisons principales d'adopter un système fédéral est la protection des minorités dans une société où cohabitent des groupes ethno-linguistiques

différents. J.-C. Scholsem et J. Woehrling étudient les mécanismes mis en œuvre au sein des fédérations belge et canadienne afin d'éviter la tyrannie de la majorité et de protéger les minorités. Le contexte géo-démographique propre au Canada et à la Belgique oblige ces deux auteurs à porter leur analyse bien au-delà d’une vision dichotomique entre respectivement la majorité anglophone et la minorité francophone, la majorité néerlandophone et la minorité francophone. Les tensions présentes dans les deux pays montrent une certaine ressemblance que J. Buelens ne manque pas d'explorer dans son dialogue comparatif. Le bilinguisme, le repli derrière une frontière linguistique que l’on voudrait parfaitement étanche, le sentiment de domination ou de minorité ou encore la multiculturalité sont autant de questions — souvent chaudement débattues en Belgique et au Canada -— qui suscitent une réflexion comparative passionnante.

En ce début de XXI° siècle, la paradiplomatie ou les relations internationales des entités fédérées représente un enjeu majeur du fédéralisme et des relations internationales. La diplomatie constitue un des éléments fondamentaux de la souveraineté d’un État. C’est pourquoi, expliquent F. Massart-Piérard et N. Michaud dans leurs contributions respectives, les entités fédérées tentent de développer leurs propres relations internationales et de se projeter au mieux sur la scène internationale. La situation des entités fédérées belges et canadiennes diffère: alors que ces dernières ne jouissent que de peu de liberté d'action à cet égard — bien que la situation évolue notamment sous l'impulsion du Québec —, les premières ont obtenu le droit de mener

leurs

propres relations internationales dans le champ de leurs compétences. Les deux auteurs ainsi que S. Paquin dans son dialogue comparatif explorent ces différentes situations et examinent leur impact sur le système fédéral et le système international. Tous trois concluent sur l'importance accrue de l’action extérieure des entités fédérées mais également du rôle — pas nécessairement oppositionnel — de l'Autorité fédérale dans ce processus. Logiquement le parcours comparatif s'achève avec la question des futurs de chaque fédération. D. Sinardet et F. Rocher étudient les défis et tensions au cœur des fédérations belge et canadienne. Les deux pays sont à la croisée de chemins différents. En Belgique, plusieurs scénarios sont évoqués bien que certains soient peu envisageables : le séparatisme sous toutes ses formes, le confédéralisme, je fédéralisme approfondi avec plus d'autonomie pour les 16

Le fédéralisme en Belgique et au Canada

entités fédérées, le renforcement du système fédéral ou encore le retour à une Belgique unitaire. Au Canada, on doit distinguer l'avenir de la fédération de l’avenir du fédéralisme car les perceptions sur ces deux questions divergent largement. Les deux auteurs éclairent les futurs de leur fédération respective avec une analyse minutieuse de résultats de sondages récents. À partir de ces réflexions, Ë. Montpetit explore certains des paradoxes inhérents au fédéralisme dont le célèbre «comment réaliser une fédération forte avec des entités fédérées fortes ?». À la façon de «mécaniciens du fédéralisme», ces trois chercheurs replacent ainsi les débats, parfois tendus, à propos de l’avenir de la Belgique et du Canada dans leur contexte politique global en tenant compte des différentes opinions politiques et publiques. Finalement, P. Verjans ouvre en fin d'ouvrage de nouvelles pistes de réflexions, s’éloignant des propos de nature constitutionnelle et institutionnelle au cœur des différentes sections, en soulevant la question — plus philosophique par essence — des compromis qui peuvent parfois s'avérer tragiques et des identités politiques, en bref du vivre ensemble démocratique dans une société divisée. Ces perspectives, rappelant le caractère nécessairement évolutif de toute fédération, contribuent ainsi à éveiller le dialogue comparatif sur de nouveaux espaces en (re)posant la question fondamentale du «qui sommes-nous?» et l'interrogation subséquente de «que voulons-nous faire ensemble ?». Le dialogue comparatif suscité par les spécialistes de ces six thématiques ne peut s'arrêter à la fin de ce volume. Pour poursuivre la réflexion, une courte webographie reprend à la fin de cet ouvrage un certain nombre de sites Internet permettant de continuer le dialogue en l’alimentant de références, de textes légaux et politiques ou encore de données et chiffres utiles. De nouvelles discussions et questions ne manqueront pas de naître à la lecture de cet ouvrage collectif consacré au fédéralisme en Belgique et au Canada. Un tel volume ne saurait conclure des débats politiques et intellectuels qui animent de nombreux cénacles depuis plusieurs dizaines d'années, mais vise à contribuer au dialogue comparatif. Ce dialogue — qui devrait certainement être élargi à d’autres systèmes politiques — peut enrichir la compréhension de chacun de ces deux fédéralismes grâce à l'étude de l’autre et ainsi venir nourrir le débat sociétal en Belgique et au Canada.

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17

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

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entre

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18

Les fédérations belge et canadienne

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Chapitre 1 La fédération belge Min Reuchamps* et François Onclin**

L'actuelle fédération belge est le produit d’un long et lent processus de fédéralisation qui a débuté dans les années 1960, mais qui trouve ses causes multiples dans des décennies encore antérieures, et principalement exprimé par l'émergence d’un mouvement flamand. L'Histoire paraît donc expliquer fort bien l'originalité — et la complexité — de la structure fédérale belge. Celle-ci se compose en effet d'une Autorité fédérale, de trois Communautés et de trois Régions. L'État fédéral belge est en perpétuelle évolution :on ne dénombre pas moins de cinq réformes de l'État en une trentaine d'années, et d’autres sont atten-

dues dans l’avenir plus ou moins proche. Traversée par des forces nettement centrifuges et essentiellement organisée sur le principe de territorialité linguistique, la fédération belge survivra-t-elle où succombera-t-elle aux tensions internes qui la traversent ? Quelle que soit la réponse à cette question spéculative, force est de constater que la fédération s’est dotée de moyens d'y faire face — du moins provisoirement — en alliant mécanismes de coopération et de protection des minorités. Dans ce chapitre, nous présentons les origines, la formation et l’évolution de la fédération belge, avant de traiter de sa structure, pour terminer par en exposer les diverses institutions et multiples acteurs. Aspirant du Fonds de la Recherche Scientifique-FNRS au Département de sciences politiques de l'Université de Liège.

“*

Étudiant au Master en sciences politiques et au Master en droit à l'Université de Liège.

21

Les fédérations belge et canadienne

IL

Origines de la fédération belge

A.

Avant la fédération

La Belgique existe en tant qu'État indépendant depuis 1830. Après plusieurs siècles de domination espagnole, autrichienne et française, le territoire formant la Belgique actuelle fut rattaché en 1815, suite au Traité de Vienne, au Royaume-Uni des Pays-Bas sous le règne du roi Guillaume I d'Orange. Les politiques linguistiques — pro-néerlandaises — et religieuses — pro-protestantes — de ce dernier ont rapidement poussé les habitants, catholiques comme libéraux, des provinces du Sud à s’unir contre le régime hollandais et à proclamer, en octobre 1830, l'indépendance de la Belgique rapidement reconnue par les grandes puissances européennes et en 1839 par les Pays-

Bas (Mabille, 2000: 83-97). Dans ce nouvel État, le français est l'unique langue officielle bien que la popurlation s'exprime dans des dialectes d’origine germanique au Nord, d’origine romane au Sud. En 1846, le premier recensement national «révèle la division de la population belge en trois groupes dont le plus important utilisait le plus souvent ‘le flamand ou le hollandais’ (57 %), le deuxième ‘le français ou le wallon’ (42%) et le troisième une autre langue, surtout l’allemand (1 %)» (Reuchamps, 2007 : 606). Ainsi, malgré le poids démographique des néerlan-

dophones et la liberté de l'emploi des langues consacrée par la Constitution, la Belgique est gouvernée en français d'Ostende à Arlon, d'Anvers à Dinant. Comme l’expliquent J.-C. Scholsem et J. Buelens dans leurs contributions, cette situation politique va créer un sentiment flamand de minorité qui se ren-

forcera au fil du temps suite à la lenteur des concessions accordées par l'État belge aux revendications flamandes. En réaction à cette domination linguistique sans partage, le mouvement flamand (de Vlaamse beweging) emmené par la «petite» bourgeoise catholique flamande va se développer, dès les lendemains de l'indépendance, et lutter pour obtenir le droit d'utiliser le néerlandais en toute affaire publique (enseignement, justice, service publique, armée, etc.), d’une part, et la protection de celui-ci face à la francisation, en particulier à Bruxelles et dans sa périphérie, d'autre part. Cette lutte linguistique mènera à l'adoption lente et progressive de législations assurant l'usage du néerlandais, en Flandre faut-il préciser, pour la justice (1873), l'administration (1878), l’enseignement secondaire à côté du français (1883) et finalement comme — deuxième — langue officielle (1898). Parallèlement à ces avancées linguistiques, le droit de vote est accordé à l'ensemble de la population masculine — quoique tempéré par le vote plural (1893) -— faisant «du poids démographique flamand [...] un élément politique déterminant» (Beaufays, 2001 : 25).

La Première Guerre mondiale n’apaise quère les tensions linguistiques et celles-ci s'en trouvent même ravivées suite notamment aux pertes subies sur 22

La fédération belge

le front liées à des problèmes de compréhension entre des officiers francophones et des soldats néerlandophones. Au sortir de la querre, les revendications d'autonomie linguistique et également culturelle pour la Flandre sont renouvelées (Deschouwer, 2005: 50). Les années 1920 et 1930 voient des avancées importantes en matière linguistique — et aussi démocratique avec l'adoption du suffrage universel masculin en 1921. Le néerlandais devient la seule langue officielle — et obligatoire — dans la région de langue néerlandaise pour tous les domaines de la vie publique. L'emploi des langues est ainsi réglé en Belgique sur une base territoriale. Le principe de territorialité sera consacré par le «bétonnage» de la frontière linguistique et la création de quatre régions linguistiques en 1963, lors de la dernière grande vague de législation linguistique. Au même

moment,

la situation économique

du pays connaît un tournant

majeur. Alors que la Wallonie avait été le moteur économique de la Belgique jusqu'alors, elle est «touchée de plein fouet par la crise économique structurelle qui va la ruiner» (Beaufays, 2001 : 25) au moment précis où l’économie flamande, nouvellement florissante, prend véritablement son essor. En réponse à la crise économique que connaît leur région, un mouvement wal-

lon se développe et plaide pour une certaine autonomie économique régionale afin de permettre à chaque région de répondre au mieux à ses besoins (Quévit, 1978). Ainsi, cette double demande autonomiste, l’une linguistique

et culturelle venant du Nord et l’autre économique venant du Sud, sonne la fin de l’État unitaire et anime sa transformation progressive en un État fédéral.

La première réforme de l'État de 1968 à 1971 jette les bases de la fédéralisation du pays en créant des Communautés culturelles et, théoriquement du moins, des Régions «dans le respect du principe d'équipollence de la loi nationale et du décret communautaire. L'État unitaire était un modèle révolu sans qu'il cède la place à un autre archétype bien précis » (Beaufays, 2001: 27). Les deux réformes suivantes, en 1980 et en 1988-1989, continuent la transformation entamée quelques années plus tôt en organisant les Régions et en augmentant les compétences des entités fédérées. C’est finalement en 1993 qu'une étape capitale et symbolique est franchie avec la proclamation de l’article premier de la Constitution : «La Belgique est un Etat fédéral qui se compose des communautés et des régions». Ainsi, sans le dire explicitement

1 Le principe d'une division territoriale de la Belgique en plusieurs régions linguistiques est très ancien et, selon K. Deschouwer, la frontière linguistique est plus vieille que l'Etat belge (Deschouwer, dans ce volume). Toutefois, son tracé a longtemps été flou et mouvant — au gré des recensements décennaux — pour ne se figer qu’en 1963 via le vote d’une loi et corollairement suite à l'abandon politique des recensements décennaux après le recensement de 1948 (Witte et Van Velthoven 2000).

23

Les fédérations belge et canadienne

et se différenciant d’autres structures fédérales, la Belgique est devenue une fédération’.

B.

Formation et évolution de la fédération

Dans la seconde moitié du siècle passé, en moins de trente ans, l'architecture

constitutionnelle et institutionnelle belge a été complètement refaçonnée afin de — tenter de — résoudre le problème récurrent de l'emploi des langues et d'accorder une plus grande autonomie linguistique, culturelle et économique à des entités nouvellement créées. Dans sa contribution, K. Deschouwer rappelle que les entités fédérées belges n’ont pas véritablement d'histoire et qu’elles ont été mises sur pied, à tâtons et par à-coups, sans aucun schéma global. Ainsi, selon cet auteur, le fédéralisme belge est un «fédéralisme par défaut» et d'ajouter que paradoxalement la notion même de fédéralisme était rejetée voire honnie par un grand nombre de décideurs politiques — francophones mais également néerlandophones — au début de la réforme de l'État. À cette époque, le fédéralisme rimait tout simplement avec séparatisme à plus ou moins longue échéance (de Stexhe, 1972). Pourtant, au fil

des réformes, le fédéralisme a été adopté et, depuis lors, est même défendu par ses anciens ennemis, les responsables politiques francophones et certains néerlandophoness. Comment la Belgique s’est-elle transformée d’un État unitaire en un État fédéral, une fédération? La réponse courte est en cinq réformes de l'État — 1968-1971, 1980, 1988-1989, 1993 et 2001 - et certainement d’autres encore à venir. Une réponse plus longue nécessite d'évoquer au moins trois

éléments au cœur de l’évolution fédérale belge: la gestion des conflits linguistiques et communautaires

par un processus top-down, le rôle des partis

politiques et les perceptions différentes — voire opposées — de la fédération et du fédéralisme. Nous l'avons déjà mentionné, une des raisons principales de la fédéralisation de la Belgique est la nécessité de gérer les conflits linguistiques dans un Etat initialement unilingue francophone. Néanmoins, ces conflits doivent être replacés dans le contexte politique belge qui a toujours connu des divisions ou clivages notamment religieux et socio-économiques (Deschouwer, dans ce volume; Mabille, 2000). Dans le règlement des conflits, le centre a joué un rôle de premier plan en tentant d'atteindre des compromis qui étaient ensuite imposés à toutes les parties, notamment

aux Communautés

et aux

2 Le terme de fédération est peu employé dans le contexte belge — on parlera plus souvent et non sans ambiguïté de l'État fédéral confondant ainsi le niveau fédéral de l'État qui est fédéral — et est d'ailleurs parfois contesté politiquement et/ou juridiquement (Beaufays, 2001). Néanmoins, pour nombre de théoriciens du fédéralisme, la Belgique constitue bel et bien une fédération (Deschouwer, 2005 ;Watts, 2008).

3 Pour plus de détails sur les opinions politiques et publiques sur le fédéralisme en Belgique, voyez la contribution de D. Sinardet dans cet ouvrage.

24

La fédération belge

Régions, d’une manière top-down (Swenden et Jans, 2006 : 881-882). Ainsi la pacification communautaire s'est réalisée par des réformes successives

votées au Parlement national devenu fédéral sous l'impulsion du gouvernement national/fédéral où sont représentées les deux grandes communautés qui disposent chacune d’un droit de veto et d’un nombre égal de ministres (Reuchamps, 2007). Dans ce processus de résolution des conflits, le rôle des partis politiques et en particulier celui de ses dirigeants — le, la ou les président(e)(s), les ministres aux portefeuilles importants ou encore les parlementaires aquerris — est important. Le système proportionnel obligeant, à de rares exceptions près, la formation de coalitions gouvernementales, les partis politiques agissent en tant que moteur du gouvernement et tentent de dégager des compromis.

À

côté des trois partis traditionnels — le parti catholique, le parti libéral et le parti socialiste — qui alternent à la tête du gouvernement, des partis régionalistes apparaissent le long du clivage linguistique-communautaire dans les années 1960 et 1970. Au Nord, la Volksunie (VÜ) et par la suite le Vlaams Blok — devenu en 2004 le Vlaams Belang (VB) — revendiquent plus d'autonomie pour la Flandre tandis qu'au Sud le Rassemblement wallon (RW) souhaite la régionalisation de certains instruments économiques pour mieux les adapter aux besoins de la région. À Bruxelles et dans sa périphérie, le Front démocratique des francophones (FDF) défend les intérêts des francophones en particulier ceux qui vivent dans la région linguistique de langue néerlandaise. L'émergence des partis régionalistes durcit les débats communautaires en mobilisant certains électeurs derrière leurs causes qui sont opposées. Dans ce contexte, les trois partis politiques traditionnels connaissent rapidement de fortes tensions internes et finiront par se diviser selon le clivage linguistique entre 1968 et 1978, ne laissant ainsi plus aucun parti national sur la scène politique. Toutefois, malgré la scission des partis, les coalitions gouvernementales regroupent généralement les deux partis d’une même famille politique (démocrate-chrétienne, écologique, libérale et socialiste). Ainsi, depuis les années 1970, les gouvernements sont composés de ministres représentant au moins quatre partis, deux néerlandophones, deux francophones. Jusqu'en 2007 une symétrie quasi-parfaite avait toujours était adoptée“. Outre cette symétrie au niveau fédéral que l’on peut qualifier d’horizontale, pendant de nombreuses années, on retrouvait une symétrie — verticale, cette fois — entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des entités fédérées. Ainsi, les mêmes

4 En ne prenant pas en compte les partis qui n'ont pas de «pendant» dans l’autre munauté comme ce fut le cas, par exemple, de la VU et le RW. En décembre 2007, le socialiste (PS) sans le sp. a, le parti socialiste flamand, accepte de monter dans le troisième vernement, qualifié de provisoire, de Guy Verhofstadt. Cette asymétrie sera reproduite lors formation du gouvernement d'Yves Leterme quelques mois plus tard en mars 2008.

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25

Les fédérations belge et canadienne

partis, ou à tout le moins les partis des mêmes familles politiques, formaient les coalitions dans les différents gouvernements fédérés. Cependant, cette symétrie verticale connaissait et connaît de plus en plus des exceptions notables. Premièrement, à Bruxelles, le poids électoral du VB en combinaison avec la fragmentation de l'électorat néerlandophone renforcée par sa petite taille, a souvent obligé la présence des partis démocrate-chrétien (CVP devenu CD&V)), libéral (VLD devenu Open Vild) et socialiste (sp. a)

néerlandophones pour former la coalition gouvernementale de la Région. Deuxièmement, depuis 2004 en Flandre, la même combinaison de facteurs électoraux a poussé l’association gouvernementale du CD&V, de l'Open Vid et du sp. a, parfois associés en cartel avec un plus petit parti. Troisièmement,

les formations de majorité en Communauté germanophone ont toujours été décidées sans tenir compte des autres entités fédérées et du niveau fédéral. Enfin, à la suite des élections régionales de 2004, le PS a préféré le Centre Démocrate Humaniste (cdH), le parti démocrate-chrétien francophone, pour former la coalition gouvernementale à la Communauté française et à la Région wallonne, reléguant son ancien partenaire, le Mouvement Réformateur (MR), le parti libéral francophone dans l'opposition — bien que ce parti était son partenaire au gouvernement fédéral®.

Bien que contrastant avec la pratique dans d’autres fédérations, cette double symétrie — au sein du gouvernement fédéral et entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des entités fédérées — a facilité la transformation fédéraie du pays puisque tous les gouvernements étaient dirigés par des représentants des mêmes partis. Ainsi, un seul compromis global pouvait satisfaire tous les partis au pouvoir. Néanmoins, en dépit de la symétrie horizontale, au niveau fédéral, il n’y a pas un mais deux systèmes de partis. En effet, suite à la scission des trois partis traditionnels, plus aucun parti ne présente de candidats sur l’ensemble du territoire lors des élections fédérales. Certes, certains partis agissent de concert comme ECOLO et AGALEV, devenu Groen!, dont les députés ont pris l'habitude de se regrouper au sein d’un même groupe parlementaire. K. Deschouwer et D. Sinardet, dans leur contribution respective, discutent les conséquences de l'existence de deux systèmes de partis — et donc de deux sphères publiques et politiques — sur la dynamique et le(s) futur(s) de la fédération belge.

Enfin, la formation et l’évolution de la fédération belge sont largement influencées par les différentes perceptions des acteurs politiques à son égard. Au moins trois grandes conceptions s'affrontent — avec de larges nuances en leur sein. Côté flamand, c'est la vision des deux communautés, l’une francophone, l’autre flamande, qui prédomine. Côté francophone, si tous s'accordent pour 2 Les sites répertoriés dans la webographie à la fin de ce volume offrent des données utiles sur l’évolution politique récente en Belgique — et au Canada. On consultera notamment le site du Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP).

26

La fédération belge

une configuration à trois régions, les Wallons souhaitent une régionalisation économique avant tout pour le bénéfice de leur région tandis que les Bruxellois demandent la création d’une région bruxelloise «à part entière» afin de garantir un statut particulier à Bruxelles et à sa majorité de Francophones sans ingérence de la Flandre et de la Wallonie (Leton, 2001 : 112-114: Swenden et Jans, 2006:880-881). Ces différentes perceptions et revendications se

répercutent dans la structure fédérale belge en trois Communautés et en trois Régions qui sera décrite plus en détails dans les deuxième et troisième sections, mêlant ainsi fédéralisme territorial et fédéralisme non territorial, le tout influencé par un fédéralisme centrifuge et essentiellement bipolaire. Ces différentes dynamiques expliquent la formation et l’évolution au coup par coup de la fédération belge. Au début des années 1990, la reconnaissance constitutionnelle du caractère fédéral de la Belgique marquait un pas symbolique de la fédéralisation. Depuis lors, les revendications pour plus d’autonomie n’ont toutefois pas cessé même si certains partis régionalistes, la VU et le RW, ont été victimes de leur propre succès (van Haute et Pilet, 2006). La dynamique politique a cependant changé après la réforme de l'État de 2001 qui a permis le refinancement de la Communauté française presque exsangue en échange du transfert de compétences aux entités fédérées, à la demande des responsables flamands — notamment l’agriculture et la pêche ainsi que l’organisation et la tutelle des collectivités locales (provinces et communes) avec des exceptions principalement pour les communes à facilitést. Cette réforme a marqué la fin des revendications du sud du pays dont les représentants s'opposent désormais généralement aux demandes venant du nord du pays. Ces tensions montrent ainsi que les structures institutionnelles du fédéralisme belge constituent à la fois des aires de jeux et des enjeux politiques qui par essence sont appelées à évoluer (Reuchamps, à paraître).

I.

La structure fédérale belge

A.

Une Autorité fédérale, trois Communautés et trois Régions

En 1993, la Belgique est officiellement devenue un État fédéral, à la suite

d’un processus composé de plusieurs réformes de l'Etat qui se sont suivies à intervalles — de plus en plus — rapprochés depuis 1970. La fédération belge 6 Les communes à facilités sont des communes où une partie — parfois plus de la moitié — de la population a pour première langue une autre langue officielle que la langue de la région linguistique — unilingue — dans laquelle cette commune est située. Six communes situées dans la périphérie bruxelloise mais en Région flamande (et donc en région linguistique néerlandaise) sont habitées par une minorité — et, dans certains cas, majorité — de francophones et jouissent donc du statut de «communes à facilités» qui permet à ses habitants de recevoir certains services administratifs dans leur langue. Cette thématique constitue un point de divergence important entre néerlandophones et francophones (Janssens, 2001).

27

Les fédérations belge et canadienne

est teintée d’une originalité toute particulière: outre l'Autorité fédérale, on dénombre deux catégories d’entités fédérées, non hiérarchisées et qui se superposent. La Belgique se compose en effet de trois Communautés — la Communauté flamande, la Communauté française et la Communauté germanophone (art. 2 Const.) - et de trois Régions — la Région de BruxellesCapitale, la Région flamande et la Région wallonne (art. 3 Const.). En réalité, pour tenter de résoudre des conflits communautaires, la fédération belge s’est construite sur la base de quatre régions linguistiques: trois régions unilingues — la région de langue allemande à l’est, la région de langue française au sud et la région de langue néerländaise au nord — et d’une région bilingue — la région de Bruxelles-Capitale au centre du pays et enclavée dans la région de langue néerlandaise (art. 4, al. 1 Const.). La frontière linguistique, fixée en 1963, va devenir le fondement du fédéralisme belge. De fait, cette frontière, régulièrement contestée mais inchangée à ce jour, marque la ligne de séparation entre les deux principales communautés de la fédération, les Flamands au nord et les Francophones au sud. Le territoire des Communautés et des Régions se calque ainsi en grande partie sur ces régions linguistiques. D'une part, les trois Régions correspondent aux régions linguistiques — exception faite pour la région de langue allemande située en Région wallonne. D'autre part, les trois Communautés correspondent également aux régions linguistiques — exception faite pour la région bilingue de Bruxelles-Capitale dans laquelle les Communautés flamande et française se prolongent. Cette double division territoriale s'explique par l'intensité du clivage linguistique. La prégnance de ce dernier a d’ailleurs provoqué la création des Communautés, en réponse aux demandes d'autonomie culturelle et linguistique de la Flandre avant celle des Régions, en réponse aux volontés d'autonomie économique de la Wallonie (Swenden et Jans, 2006 : 880). En

bref, le fédéralisme belge, fortement dualiste et centrifuge, a engendré, au gré des réformes, une fédération bipolaire composée des Communautés et des Régions, visant à maintenir ensemble deux communautés linguistiques et culturelles (Reuchamps, à paraître). Cette structure fédérale très symétrique en apparence, Communautés

et trois Régions,

ne peut masquer

organisée en trois

plusieurs asymétries.

R.

L. Watts distingue l’asymétrie politique de l’asymétrie constitutionnelle: la première englobe des variables démographiques, géographiques, politiques, ou encore économiques tandis que la seconde concerne des variables institutionnelles et constitutionnelles’ (2008 :125-130). En Belgique, l'asymétrie politique peut se décliner sous trois facteurs. Premièrement, le facteur démographique: depuis 1830, en Belgique, une majorité de la population

7 Notons toutefois que chaque fédération présente toujours un certain degré d’asymétrie. Ne fut-ce que parce que les entités n'afficheront jamais des chiffres de population identiques, voire une taille égale. L'asymétrie doit donc être évaluée de manière globale et large.

28

La fédération belge

s'exprime en néerlandais (environ 60%) et une minorité s'exprime en français (environ 40%). La Communauté germanophone n'atteint, quant à elle, approximativement que 70,000 habitants. À Bruxelles, le rapport de force est inversé : les francophones v représentent au moins 80% de la population pour 20% de néerlandophones. Deuxièmement, le facteur économique: si depuis la création de la Belgique le produit intérieur brut (PIB) de la Wallonie a longtemps dépassé celui de la Flandre, à partir du milieu des années 1960, le rapport de force économique s’est inversé (Capron, 2007 : 12). Troisièmement, le facteur politique: les forces politiques n’ont pas la même importance au nord et au sud du pays. Historiquement, la famille démocratechrétienne domine le paysage politique flamand, alors que la famille socialiste

domine celui de la Wallonie”. La Région de Bruxelles-Capitale illustre fort bien l’asymétrie constitutionnelle présente dans la fédération belge. Le désaccord entre les communautés quant au statut de Bruxelles est profond!°. Au moins trois visions de la fédération s'affrontent sur ce sujet. Côté flamand, on privilégie une fédération basée sur deux communautés linguistico-culturelles. Côté wallon, on souhaite davantage une fédération basée sur les Régions, en relation avec les besoins écono-

miques de la Wallonie. Côté bruxellois francophone, on privilégie plutôt une configuration de la fédération à trois Régions — Bruxelles jouissant dès lors d’un statut de Région à part entière. Ce désaccord sur la Région au centre du pays explique sa création tardive, en 1989 — presque dix ans après la création des deux autres Régions. Bien qu'elle jouisse des prérogatives régionales, l’asymétrie se retrouve dans le statut légèrement et symboliquement inférieur dont est frappée l’ordonnance bruxelloise. Celle-ci peut subir un contrôle politique effectué par l'Autorité fédérale (art. 45 et 46, loi spéciale du 12 janvier 1989) ainsi qu'un contrôle juridique accru (art. 9, loi spéciale du 12 janvier 1989). En outre, la Région de Bruxelles-Capitale ne jouit pas, comme la Communauté germanophone, de l'autonomie constitutive accordée aux autres entités fédérées (art. 118 et 123 Const.). Cette autonomie — limitée, faut-il le préciser — permet aux entités fédérées d'adapter et d'adopter cer-

taines règles liées à l'élection, la composition et au fonctionnement de leurs Parlement et Gouvernement.

8 En 2005, pour une moyenne nationale de 100, le PIB de la Flandre atteignait 99 contre 72 pour la Wallonie, seulement. La Région de Bruxelles-Capitale domine largement l’espace économique belge avec un PIB de 197. 9 Depuis plusieurs années, on constate néanmoins des évolutions (Delwit, 2007 ;Tréfois et Faniel, 2007a: Tréfois et Faniel, 2007b).

10 La problématique du nom à accorder à cette Région illustre déjà les divergences de vues quant au statut de la capitale. Théoriquement et sur demande flamande, son appellation est «Région de Bruxelles-Capitale»; mais l’article 3 de la Constitution reprend la vision francophone et l’intitule «Région bruxelloise ».

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Les fédérations belge et canadienne

La fusion entre la Communauté flamande et la Région flamande — le jour même de la création de cette dernière — illustre tant l’asymétrie de la fédération que la vision flamande de cette fédération. La Flandre défend en effet la vision d’un «État flamand» au sein de l'État belge lui-même (Leton, 2001 :104). Cette «nouvelle» Communauté flamande exerce à la fois les compétences communautaires et régionales. Par ailleurs, mentionnons le cas de la Communauté germanophone qui, malgré sa petite taille, récupère certaines compétences régionales (comme par exemple, le pouvoir de tutelle sur les communes). Outre cette structure fédérale proprement dite, subsistent les collectivités locales décentralisées. Celles-ci sont des circonscriptions administratives héritées de l’État unitaire — voire des régimes antérieurs. La Belgique est ainsi composée de dix provinces: cinq en Région waïlonne (Brabant wallon, Hainaut, Liège, Luxembourg et Namur) et cinq en Région flamande (Anvers, Brabant flamand, Flandre occidentale, Flandre orientale et Limbourg). La Région de Bruxelles-Capitale ne forme pas une province, mais ses institutions en exercent toutefois les compétences. La fédération belge est également subdivisée en 589 communes, parmi lesquelles 19 - seulement - constituent la Région de Bruxelles-Capitale, et neuf constituent la Communauté germanophone.

La Constitution belge opère par une répartition exclusive des compétences entre l'Autorité fédérale, les Communautés et les Régions. Si une telle division du pouvoir clarifie la situation, elle n'exclut pas pour autant d'inévitables chevauchements de compétence (Watts, 2008:87). Théoriquement, l’article 35 de la Constitution octroie le pouvoir résiduel aux entités fédérées. Pratiquement,

toutefois, cet article n’a pas — encore

— été mis en œuvre,

laissant ainsi le pouvoir résiduel à l'Autorité fédérale. Les Communautés sont compétentes dans les matières culturelles (comme le tourisme, les sports et la jeunesse), personnalisables (c'est-à-dire, liées aux personnes), l'enseignement, à trois exceptions près!!, et l'emploi des langues dans les matières administratives, l’enseignement et les relations sociales (Leton, 2001 : 108-109).

Les Régions, quant à elles, sont compétentes, selon l’article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980, dans des matières susceptibles d’être organisées d'une

manière territoriale et/ou à teneur économique. On y dénombre les domaines suivants : l'aménagement du territoire et l'urbanisme, l’environnement et la politique de l’eau, la rénovation rurale et la conservation de la nature, le logement, la politique agricole et la pêche, l'économie et le commerce extérieur, la politique de l'énergie, les pouvoirs subordonnés et la tutelle administrative, la politique de l'emploi, les travaux publics et le transport et la coopération au développement. Signalons aussi que les entités fédérées belges, aussi bien les 11 Trois compétences sont en effet restées dévolues, dans ce domaine, à l'Autorité fédérale. Il s’agit de la fixation du début et de la fin de l'obligation scolaire, des conditions minimales pour la délivrance des diplômes et du régime des pensions du personnel employé dans le secteur de l'enseignement.

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La fédération belge

Communautés que les Régions, jouissent d’une large compétence en matière de relations internationales. Concrétisant la formule in foro interno, in foro externo, les entités fédérées peuvent prolonger, sur le plan externe, les compétences qu'elles détiennent sur le plan interne (Massart-Piérard, dans ce volume).

Le caractère double de la fédération belge ainsi que la fréquence des négociations communautaires expliquent en grande partie les modalités de financement des Communautés et des Régions. Depuis la réforme de 2001, les Communautés et les Régions disposent d'un pouvoir fiscal propre (art. 170 et 173 Const.), exception faite pour les matières déjà imposées par l’État (Pâques et Olivier, 2007 :67). Cette capacité fiscale accrue était cependant subordonnée à la conclusion d’un accord de coopération, illustrant la crainte francophone face à la compétition fiscale (Poirier, 2002:37). Toutefois, la capacité fiscale des Communautés est mise à mal, étant donné leur caractère non exclusivement territorial. Dès lors, celles-ci bénéficient principalement de transferts qui correspondent à une distribution annuelle d’une partie des revenus de l'impôt des personnes physiques, morales et des sociétés ainsi que de la TVA, en fonction de la clé de répartition des transferts adaptée selon l’évolution de l'indice des prix et du nombre d'étudiants. En outre, les Communautés et Régions jouissent des revenus obtenus de la vente de leurs biens et des fruits générés par ceux-ci, ainsi que d’une capacité propre d’emprunt, quoique limitée. La structure fédérale, telle que nous venons de la présenter, est organisée par la Constitution et les lois spéciales prévues au dernier alinéa de l’article 4 de la Constitution. Ces deux types de normes sont difficilement modifiables puisqu'elles exigent la majorité des deux-tiers des suffrages exprimés afin d’être adoptées. Au surplus, les lois spéciales, traduisant une protection accordée à la minorité francophone, requièrent une majorité absolue des suffrages au sein de chacun des deux groupes linguistiques présents au Parlement!?. Viennent ensuite la loi et le décret, deux normes équipollentes en droit (art. 127 8 2 Const.). La première est la norme législative ordinaire de l'Autorité fédérale : la seconde est la norme législative ordinaire des Communautés et Régions — sauf pour la Région de Bruxelles-Capitale. On ne peut conclure cette section à propos de la structure fédérale sans mentionner un niveau qui sans faire partie de la fédération belge influence directement les décisions qui y sont prises. Il s’agit bien évidemment du niveau supranational, en particulier européen, et dans une moindre mesure le niveau 12 Notons toutefois que la révision de la Constitution doit suivre une procédure toute particulière prévue à l’article 195 de la Constitution. Les dispositions à réviser doivent être comprises dans une «déclaration de révision» adoptée par le Parlement. L'adoption d'une telle déclaration entraîne ipso facto la dissolution des deux chambres. En pratique, cette déclaration est adoptée quelques jours avant la fin de la législature, et contient de nombreuses dispositions constitutionnelles.

31

Les fédérations belge et canadienne

international.

Comme

l’écrivent en

néerlandais

J. Bevers

et P. Bursens,

«ŒEuropa is geen buitenland», l'Europe n'est pas un pays étranger (2006a). Les règlements, directives et autres normes adoptées par les institutions européennes ont un impact direct ou indirect sur les citoyens, les institutions et

la vie politique belge. Inversement, les acteurs politiques belges, qu'ils soient représentant de l'Autorité fédérale ou des Communautés ou des Régions, participent à la prise de décision au niveau européen (Massart-Piérard, dans ce volume ; Bevyers et Bursens, 2006b). Ainsi, la structure fédérale belge est surplombée de la structure européenne et ces deux structures interagissent grandement.

B.

Coopération et conflits

«L'inévitabilité des chevauchements et interdépendances dans l'exercice de pouvoirs attribués dans les fédérations exige, en général, des niveaux différents de gouvernement qu'ils se traitent en partenaires» (Watts, 2008:117, notre traduction). En Belgique, malgré une répartition exclusive des compétences, il s'avère que les chevauchements de compétences entre les différentes entités sont inéluctables. Un exemple illustre fort bien la problématique : alors que la sécurité sociale (allocations de chômage, assurance maladie) est de compétence fédérale, la prévention des soins de santé demeure de compétence communautaire (Swenden et Jans, 2006 : 886). La coopération au sein de la fédération belge est principalement institutionnalisée ; et pour cause, dans un fédéralisme de dissociation, on peut craindre que la coopération ne soit pas spontanée... Il faut dès lors instituer des mécanismes formels de coopération. Les relations intergouvernementales au sens large se présentent sous différentes formes: tant verticales (entre les niveaux fédéral et fédérés)

qu’horizontales (entre les entités fédérées), tant formelles qu'informelles et tant bilatérales que multilatérales. Des conférences inter-ministérielles ont été instituées dans une vingtaine de domaines, tels que les affaires étrangères, l’agriculture et la recherche scientifique. D'autres mécanismes formels de coopération sont éparpillés dans des dispositions législatives spéciales. Sans être exhaustif, mentionnons des mécanismes de partage d’information, de simples consultations, des concertations et associations, des prises de décision commune, ainsi que des méca-

nismes de représentation (Poirier, 2002 : 32). Le respect de ces mécanismes de coopération est assuré par plusieurs juridictions. Les actes réglementaires et législatifs qui seraient adoptés en violation de ces mécanismes de coopération subiraient, respectivement, la censure de la section d'administration du

Conseil d'Etat et de la Cour Constitutionnelle. Le processus politique devient dès lors juridique. 13

Comme

le souligne J. Poirier, la tradition belge utilise la terminologie de «coopération»

plutôt que celle de «relations intergouvernementales» pourrait s'opposer à la coopération. ?

(2002:

24). Dès lors, ajoute-t-elle, qui

La fédération belge

Vu le caractère extrêmement fragmenté de la distribution du pouvoir au sein de la fédération, de simples mécanismes de coopération peuvent s'avérer insuffisants. Seuls de réels «accords de coopération» permettent une efficience maximale dans la mise en œuvre de certaines dispositions prévues à l’article 92 bis de la loi spéciale du 8 août 1980 ajouté en 1988 (Poirier, 2002:35-36). Notons que certains mécanismes — comme les conférences ministérielles — ont permis d'augmenter de manière substantielle le nombre d'accords de coopération. Par ailleurs, même si le domaine d’action de ces accords — qui peuvent être obligatoires ou non — demeure fort large, ceux-ci ne peuvent être utilisés afin de contourner la répartition des compétences ou de pallier une insuffisance fiscale. Quant au statut légal de tels accords, la doctrine et la jurisprudence font preuve d’un défaut de précision. Pour J. Poirier, il semble néanmoins qu'ils ne peuvent être unilatéralement et impunément rompus par une partie (2002 : 38-39).

Afin d'éviter d'éventuels conflits, la section de législation du Conseil d'État joue un rôle d’organe consultatif, tant sur les normes législatives que réglementaires. Elle assure donc une fonction préventive, mais n’est pas systématiquement suivie dans ses recommandations. Cependant, la coopération et la prévention ne permettent pas d'éviter totalement les conflits. Ceux-ci peuvent être de deux ordres: les conflits d’intérêt — de nature purement politique — sont réglés par le comité de concertation et les conflits de compétence -— de nature essentiellement juridique — sont réglés par la Cour constitutionnelle. Le Comité de concertation est certainement l'organe coopératif le plus formel et le mieux connu. Il réunit le Premier Ministre ainsi que cinq ministres fédéraux et six ministres fédérés; il constitue ainsi un organe purement politique. Notons également que ce comité est paritaire linguistiquement : il rassemble autant de francophones que de néerlandophones. Lorsqu'un conflit d'intérêt éclate entre communautés, le comité se doit de trouver un compromis par la voie du consensus, endéans un délai de 60 jours. A défaut d’accord, le dossier est transmis au Sénat, lequel doit rendre un avis dans les 30 jours; avant d'être de nouveau examiné par le comité dans un délai de 30 jours. Le comité de concertation est saisi soit par un exécutif, soit par une assemblée législative sur demande de trois quarts de ses membres, lorsque ceux-ci estiment qu’une décision pourrait léser les intérêts de leur communauté.

La Cour d'arbitrage, devenue Constitutionnelle en 2007, règle les différends qui surviennent entre l'Autorité fédérale, les Communautés et les Régions et vérifie le respect des normes législatives envers certaines dispositions de la Constitution. La Cour est composée, dans le respect d’une double parité linquistique (entre francophones et néerlandophones) et professionnelle (entre magistrats et non magistrats), de 12 juges nommés à vie par le Roi (Cerexhe, 2001 : 129). Elle constitue dès lors un organe mi-politique, mi-juridique, où l’on retrouve l'équilibre linguistique omniprésent dans la fédération belge.

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Les fédérations belge et canadienne

I.

Institutions et acteurs de la fédération belge

A.

Lesinstitutions et les acteurs de l’Autorité fédérale

Les institutions fédérales belges se composent de la Chambre des représentants, du Sénat, ainsi que du Conseil des ministres et du Roi (c’est-à-dire le gouvernement fédéral). La Belgique est une monarchie constitutionnelle par-

lementaire, où le gouvernement ment devant la Chambre depuis conjointement par la Chambre, est exercé par le gouvernement

est responsable devant le Parlement (unique1993). Le pouvoir législatif fédéral est exercé le Sénat et le Roi; le pouvoir exécutif fédéral fédéral ;et le pouvoir judiciaire est exercé par

les cours et tribunaux, avec à leur tête la Cour de Cassation.

La Chambre des représentants se compose de 150 membres élus directement et au scrutin proportionnel dans 11 circonscriptions. En principe, celles-ci correspondent aux provinces, sauf pour la circonscription de Bruxelles-HalVilvorde (BHV) qui rassemble la Région de Bruxelles-Capitale ainsi qu'une partie de la province du Brabant flamand. La Chambre est divisée en deux groupes linguistiques. Le groupe linguistique francophone comprend les élus des cinq circonscriptions wallonnes (42 sièges); le groupe linguistique néerlandophone comprend les élus des cinq circonscriptions flamandes (80 sièges). Restent alors 22 sièges dévolus à la circonscription de BHV: ses élus sont obligés de se rattacher à un des deux groupes linguistiques par leur prestation de serment. Il est donc impossible de rester linguistiquement neutre — sauf pour les éventuels élus germanophones et même dans ce cas ils peuvent être rattachés au groupe linguistique francophone (Reuchamps, 2007). Les élus néerlandophones constituent donc la majorité absolue de l'assemblée; cette majorité numérique est toutefois atténuée par les protections accordées

aux francophones: les lois à majorités spéciales et la sonnette d'alarme qui permet aux représentants d’une communauté de suspendre l'adoption d'une disposition législative qui serait «de nature à porter gravement atteinte aux relations entre communautés» (art. 54 Const.). Le Sénat constitue la deuxième chambre de la fédération. La réforme de 1993 a transformé le rôle du Sénat, d'une assemblée aux fonctions identiques à la Chambre en une chambre de réflexion, d’une part, et en un lieu de rencontre privilégié entre l'Autorité fédérale, les Communautés et les Régions, d'autre part (Brassine de la Buissière, 2001 :81). Depuis cette réforme, la fédération belge connaît donc un bicaméralisme inégalitaire puisque la Chambre est seule compétente pour certaines matières, conjointement avec le Sénat 14 La Chambre des représentants exerce une compétence exclusive dans cinq domaines: l'octroi des naturalisations, les lois relatives à la responsabilité civile et pénale des ministres, les budgets et les comptes de l'État, à l'exception de la dotation pour le fonctionnement du Sénat. la fixation du contingent de l’armée et le contrôle politique du gouvernement fédéral (art. 74 et lOtMIMIÉCONSE)

La fédération belge

pour d’autres!°, parfois en laissant à la Chambre le pouvoir du dernier moti£ et, enfin, en alternance entre les deux assemblées!?.

Actuellement, le Sénat réunit 71 sénateurs, regroupés en quatre catégories. Les premiers sont les sénateurs élus directs (40) parmi lesquels 25 sont élus par le collège électoral néerlandophone et 15 par le collège électoral francophone. Seuls les électeurs bruxellois gardent le choix de voter pour des candidats de l’une ou de l’autre communauté. Les deuxièmes sont les sénateurs de Communauté (21) qui sont désignés en leur sein par les Parlements de Communauté — dix pour la Communauté flamande, dix pour la Communauté française et un pour la Communauté germanophone.

Les troisièmes sont les

sénateurs cooptés (10) qui sont désignés par l’ensemble des sénateurs élus directement et de Communauté, dont six appartiennent au groupe linquistique néerlandophone et quatre au groupe linguistique francophone. Viennent enfin les sénateurs de droit qui sont les enfants du Roi, arrivés à leur majorité. Toutefois, ces derniers ne jouent aucun rôle politique. Le Conseil des ministres, composé de 15 membres au plus, exerce les pouvoirs législatif — par le dépôt de projets de loi — et exécutif — par l’adoption d’arrêtés royaux et ministériels. Dirigé par un Premier ministre généralement flamand, il se compose de ministres et de secrétaires d'État et est responsable devant la Chambre des représentants. L’organe exécutif fédéral est paritaire; en effet, il comprend autant de ministres d'expression française que d’expression néerlandaise, le Premier ministre éventuellement excepté (art. 99 Const.). En outre, il décide par la voie du consensus (Reuchamps, 2007). Enfin, étant donné le mode de scrutin proportionnel, le gouvernement fédéral repose toujours sur des coalitions. L'ensemble de ces éléments réunis, le

Conseil des ministres apparaît comme un des organes les plus importants en matière de coopération au sein de la fédération belge. La Monarchie

constitue une structure qui échappe par nature au caractère

bipolaire des autres institutions fédérales. Bien que les pouvoirs du Roi soient 15 La Constitution énumère dix domaines: la déclaration de révision de la Constitution et la révision de la Constitution, les matières qui doivent être réglées par les deux Chambres législatives en vertu de la Constitution notamment celles qui concernent les pouvoirs du Roi, la procédure de sonnette d'alarme et l'interprétation des lois par voie d'autorité, les lois ordinaires réglant l’organisation des Communautés et des Régions, les lois à majorités spéciales, les lois relatives aux institutions supranationales, les lois portant assentiment aux traités, les lois adoptées visant à garantir le respect des obligations internationales ou supranationales, les lois relatives au Conseil d'État, l’organisation des cours et tribunaux et enfin les lois portant approbation d'accords de coopération conclus entre l'État, les Communautés et les Régions (art. 77 Const.). 16 Dans les domaines non repris aux articles 74 et 77 de la Constitution qui viennent d’être énumérés. Dans ce cas, les projets de lois du gouvernement sont toujours déposés à la Chambre ;

le Sénat dispose, toutefois, d'un droit d’évocation selon la procédure prévue à l'article 78 de la Constitution. 17 Il s'agit essentiellement de la présentation de candidats à des fonctions dans la magistrature.

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Les fédérations belge et canadienne

depuis l’origine fort limités par la Constitution — tout acte politique, législatif, où même à caractère officiel devant être contresigné par un ministre — le souverain conserve un rôle symbolique et politique au sein de la fédération (Molitor, 2001). Après chaque scrutin législatif, le Roi désigne un informateur et un formateur en vue de la formation d’un gouvernement. Plus important encore semble être son rôle en cas de crise gouvernementale où il peut exer-

cer un certain «droit d'influence». B.

Lesinstitutions et les acteurs des entités fédérées

Chaque Communauté dispose d'une assemblée parlementaire : le Parlement de la Communauté française, le Parlement de la Communauté flamande (dénommé Parlement flamand) et le Parlement de la Communauté germanophone (art. 115 81 Const). Le Parlement de la Communauté française se compose de 92 membres, dont aucun n’est élu directement. En effet, 75 d’entre eux proviennent du Parlement wallon et 19 du groupe linguistique du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (voyez infra). Notons que les membres qui auraient prêté serment en allemand devront s'abstenir de voter. Le Parlement flamand exerce tant les compétences de la Communauté flamande que de la Région flamande. Il se compose quant à lui de 124 membres: 118 membres sont élus directement dans la Région flamande et 6 sont élus directement par les électeurs bruxellois qui ont choisi de voter pour un parti flamand au Parlement régional bruxellois — et qui dès lors deviennent des électeurs supposés néerlandophones appelés à se prononcer pour les six élus bruxellois au Parlement flamand'$. Le Parlement de la Communauté germanophone, qui exerce les compétences de la Communauté germanophone ainsi que certaines compétences régionales lui ayant été attribuées, se compose de 25 membres élus directement par les électeurs de la région de langue allemande!?. Chacune des Communautés dispose par ailleurs d’un exécutif/gouvernement (art 121 S1 Const.). Chaque Région — exception faite pour la Région flamande qui a fusionné avec la Communauté flamande — possède également son assemblée parlementaire :le Parlement de la Région wallonne et le Parlement bruxellois (art. 115 82 Const.). Le Parlement de la Région wallonne se compose de 75 membres, élus directement. Il exerce les compétences législatives dévolues à la Région wallonne. Le Parlement bruxellois comprend 89 membres. Il présente une spécificité: il se compose de deux groupes linguistiques. Les groupes linguis18 Mais ces électeurs supposés néerlandophones ne le sont pas nécessairement. En effet, un électeur francophone pourrait choisir de voter pour un parti flamand dans le cadre de l'élection régionale bruxelloise et donc participer automatiquement ensuite à l'élection des six membres bruxellois du Parlement flamand. En raison de la non-reconnaissance de sous-nationalités en

Belgique, personne ne peut être identifié a priori comme néerlandophone ou francophone. 19 Pour plus de détails sur la Communauté germanophone, on consultera utilement K. Stangherlin (2005) ainsi que C. Sägesser et D. Germani (2008).

[ee]O

La fédération belge

tiques français et néerlandais détiennent, respectivement et obligatoirement, 72 et 17 sièges. La quantité des votes qu’obtient une communauté ne modifie donc pas son nombre de sièges. Dès lors, la minorité flamande de Bruxelles se trouve protégée. Le Parlement bruxellois exerce les mêmes compétences législatives que les autres Régions. Sauf dans les matières relatives à l'organisation des communes, les ordonnances ne requièrent pas, en principe, des majorités au sein de chaque groupe linguistique. Les Régions possèdent par ailleurs chacune un gouvernement (art. 121 82 Const.). Ici aussi, la Région de Bruxelles-Capitale s'illustre par sa spécificité. Composé de cinq membres, le gouvernement se doit d’être paritaire linguistiquement, exception faite de son ministre-président (Reuchamps, 2008). En ce qui concerne le prolongement des compétences des Communautés flamande et française sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, quatre cas de figure peuvent se présenter. La Commission communautaire néer-

landaise (Cocon ou VGC pour Vlaamse Gemeenschapscommissie) exerce les compétences de la Communauté flamande: il s’agit des 17 membres du groupe linguistique du Parlement bruxellois. La Commission communautaire française (Cocof) exerce les compétences de la Communauté française’?; il s’agit des 72 membres du Parlement bruxellois. Une Commission communautaire commune (Cocom), rassemblant les deux autres commissions, exerce les matières bicommunautaires. Enfin, dans les matières biculturelles

(beaux-arts et opéra de la Monnaie), le législateur fédéral est compétent.

Conclusion Après quelque 140 ans de stabilité institutionnelle — mais non politique — le paysage institutionnel belge a fortement évolué au cours de ces quarante dernières années. La Belgique s’est transformée d'un État unitaire en un État fédéral, une fédération, en plusieurs réformes importantes afin d’apaiser les tensions communautaires et de répondre aux demandes d'autonomie linguistique, culturelle et économique venant du nord et du sud du pays. Dans ce chapitre, après avoir présenté le pourquoi et le comment de la fédéralisation du pays, nous avons présenté la structure fédérale actuelle composée d’une Autorité fédérale, de trois Communautés et de trois Régions ainsi que les institutions et les acteurs animant cette structure singulière.

On ne prendrait guère de risque en affirmant que la fédération belge est appelée à évoluer au cours des prochaines années. Les tensions et les reven-

20 Par ailleurs, la Cocof, à la différence de la Cocon, détient le pouvoir décrétal dans certaines matières. En effet, en 1993, la Communauté française en manque de moyens à transféré l'exercice de certaines compétences sans le financement équivalent à la Région wallonne et, à Bruxelles, via la Cocof (art. 138 Const.).

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dications y sont nombreuses ; les chapitres suivants reviennent plus en détails sur celles-ci. Si la fédération belge et ses institutions sont mises sous pression par les acteurs politiques, la remise en cause demeure une réalité pour la plupart des structures destinées à la gestion de la chose publique. Ainsi, en Belgique et ailleurs, que cela soit au niveau local — les communes et les provinces notamment — où au niveau européen, de nombreuses voix appellent au changement même si la nature même du changement divise. Cette remise en cause quasi permanente fait partie du jeu politique. Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la dynamique politique d’un pays, la comparaison peut nous V aider en étudiant la situation de plusieurs pays. Afin de favoriser ce dialogue comparatif, ce chapitre sur la fédération belge a tenté de dresser les contours du fédéralisme et de la fédération en Belgique en revenant sur les facteurs de la fédéralisation du pays et en offrant certains repères précis. Le dialogue comparatif peut ainsi démarrer!

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Chapitre 2 La fédération canadienne Bernard Fournier:

Parmi les grands moments qui ont marqué l'histoire constitutionnelle du Canada, le 1° juillet 1867 constitue certainement une date charnière. Ce que l’on a faussement qualifié de «confédération»! a durablement modelé la vie politique des régions septentrionales de l'Amérique du Nord. Toutefois, cette construction politique assez novatrice pour l'époque et adoptée par le Parlement de Londres dans le but d’unifier trois de ses colonies en quatre provinces ne peut se comprendre sans retours en arrière, à l’Acte d'Union entre le Haut et le Bas-Canada de 1840, à tout le moins, si ce n’est à la Conquête de 1759. Le retour aux origines de la colonisation européenne permet de mieux saisir comment

cette coexistence

progressive et souvent peu harmonieuse

entre plusieurs cultures — francophone, anglophone et même autochtones — marqua les principaux conflits politiques du pays. Toutefois, l'observation des décennies récentes montre aussi à quel point cette dynamique tend à s’estomper au profit d’un multiculturalisme fortement encouragé par les politiques du gouvernement fédéral canadien (Knopff et Sayers, 2005: 105). Chargé de cours au Département de sciences politiques de l'Université de Liège. Comme le rappelle R. Pelletier (2005a: 44), une confédération «résulte d’un traité ou d’une alliance conclue entre des États souverains, chacun déléguant une part de ses compéten1

ces (par exemple, en matière de défense ou de politique étrangère) à une autorité supérieure [...]». Chaque État membre conserve sa souveraineté et peut donc «reprendre les compétences attribuées à cette autorité supérieure». Ce n'est évidemment pas le cas dans le régime politique canadien, qui correspond bien — avec les nuances que nous ferons plus tard — à une fédération.

Au passage, soulignons avec L. Massicotte qu'officiellement, le Canada de 1867 s'est d'abord appelé Dominion of Canada, le vocable «royaume» avant pu paraître «provocateur» aux veux des Américains (2005 : 316). Ce terme, difficilement traduisible en français, est graduellement tombé en désuétude.

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Les fédérations belge et canadienne

Cette structure constitutionnelle adoptée en 1867, profondément asymétrique dès le départ (chaque colonie ayant leurs attentes et leurs réserves propres), a été ponctuée par des mouvements de centralisation et de décentralisation. Comme dans toute forme de fédéralisme, les forces de diversité et d'unité se sont exprimées (Watts, 2008: 83-84), mais sans que les revendications des provinces aient toujours été unanimes face à logique fédérale du gouvernement central d'Ottawa. Cette diversité a été au cœur de nombreuses évolutions politiques. L'objectif de ce chapitre est ainsi d'identifier, dans un premier temps, quelques éléments qui permettent de comprendre l’origine de la fédération canadienne et quatre événements qui ont marqué son évolution; puis, dans un deuxième temps, de préciser la structure et la nature des rapports entre le gouvernement fédéral et les gouvernements fédérés; finalement, dans un troisième et dernier temps, de présenter les institutions et acteurs fédéraux et provinciaux, tout en insistant sur les différents systèmes de partis propres à la fédération canadienne.

I.

Origines de la fédération canadienne

A.

Avant la fédération

Sur ce territoire de l'Est de l'Amérique du Nord d’abord occupé par diverses populations amérindiennes (dont nous parlerons peu — faute d'espace — dans ce texte introductif}, anglophones et francophones possèdent leur propre point de fondation : d'un côté, Giovanni Caboto, qui explora les côtes de Terre-Neuve au profit du roi anglais en 1497 et de l’autre, le malouin Jacques Cartier, qui explora le golfe du Saint-Laurent en 1534 et effectua deux autres voyages (Gagnon et Chokri, 2005: 18). De plus, pour les francophones, 1759 marque toujours une «conquête», celle de la perte de la Nouvelle-France. Ces symboles révèlent bien les problèmes de cohabitation entre francophones et anglophones sur ce nouveau territoire et structurent l’évolution du statut constitutionnel préfédératif. Avant la Loi constitutionnelle de 1867, ci-après L.C. 1867 (que l’on connaît plus généralement sous le vocable d’Acte de l'Amérique du Nord britannique où AANB), quatre régimes politiques différents ont en effet structuré le pays en cent ans. La cohabitation franco-britannique, mais aussi les luttes pour la souveraineté

parlementaire, expliquent ces changements de régime : les premières tentatives d'assimilation linguistique et religieuse de l’ancienne colonie française par l'autorité anglaise (1763 : Traité de Paris et Proclamation royale?) ont rapide2 Nous avons conservé ici les désignations traditionnelles qui sont souvent en usage, bien que la Loi constitutionnelle de 1982 (L.C. 1982) ait aboli ces termes au profit du vocable générique de «Loi constitutionnelle» suivi de l'année de proclamation (art. 53 L.C. 1982).

42

La fédération canadienne

ment été réévaluées, surtout au niveau de la liberté religieuse des catholiques francophones, pour éviter de perdre la loyauté de la population en cette période de troubles au sein des colonies voisines de Nouvelle-Angleterre (1774: Acte

de Québec). Ce ne fut vraiment qu'avec l’arrivée des sujets toujours fidèles au roi George III, après l'indépendance américaine, qu’une minorité anglophone organisée apparut: Londres décida alors de séparer la Province of Quebec en Haut et Bas-Canada (1791: Acte constitutionnel) tout en accordant une

première assemblée élue à ces deux entités (avec des pouvoirs toutefois fort limités)”. Cependant, à la suite de forts mécontentements politiques, de troubles dans les deux Canadas, et dans une volonté toujours présente d’assimiler les Canadiens français, le Rapport Durham recommanda l’union du Haut et du Bas-Canada dans un Canada-Uni et proposa une structure minorisant politiquement les francophones, en dépit du fait qu'ils étaient toujours majoritaires (Gagnon et Chokri, 2005:

15-17). Cette union fut cependant fort ins-

table et inefficace. C’est donc dans ce contexte que se sont tenues, de 1864 à 1867, diverses discussions entre les colonies britanniques.

B.

Causes profondes et immédiates de la fédération

Comme le rappelle plus longuement R. Pelletier dans ce volume, de nombreuses raisons favorisaient le remplacement du Canada-Uni par l'adoption d'une structure fédérale. Trois grandes catégories de causes peuvent être

identifiées. Premièrement,

des

causes

économiques

ou

commerciales

s'imposaient.

Les colonies britanniques subissaient la perte des tarifs préférentiels avec la Grande-Bretagne et plusieurs appelaient à la création d'un marché économique intégré afin d'assurer une plus grande prospérité et faire contrepoids au marché américain. Dans cette perspective, un projet ferroviaire reliant l'Est à l'Ouest canadien ne pouvait être réalisé sans une forme d'union des colonies. Deuxièmement, des causes militaires l'encourageaient également. À l'époque, les craintes étaient grandes — notamment suite à la victoire des États nordistes lors de la Guerre de sécession et à la «Manifest Destiny» — d'une invasion américaine (Knopff et Savers, 2005: 107). Troisièmement, les causes proprement politiques, nombreuses, ne sont pas à négliger. Tout d'abord, le Canada-Uni connaissait une grande instabilité politique. La structure inefficace de l’Acte d'Union ne répondait pas aux attentes démocrati-

ques de plus en plus grandes. Toutefois, le fort sentiment «régionaliste» des colonies et surtout les relations tendues entre Canadiens anglais et Canadiens 3 Le Haut-Canada correspond à ce qui deviendra l'Ontario et le Bas-Canada, le Québec. Les deux Canadas possédaient toutefois des territoires moins étendus.

4

Cette expression renvoie à la destinée manifeste ou au destin manifeste évoqué par certai-

nes personnalités politiques américaines de la seconde moitié du XIX siècle qui encourageaient

l'expansion des États-Unis vers l'Ouest — mais également vers le Sud et le Nord et donc le Canada — dans une mission démocratique et civilisatrice.

43

Les fédérations belge et canadienne

français tout au long de la période «préconfédérale» empêchaient de penser à une union pure et simple, en d’autres termes à la création d'un État unitaire. Le choix du fédéralisme est donc apparu dès la rencontre de Québec en 1864 afin de protéger la diversité des intérêts des provinces — notamment les identités culturelles et en particulier l'identité canadienne-française — et d'assurer l'efficacité, l'harmonie et la longévité du fonctionnement de l'Union (Ajzenstat et al., 2003: 465). Ce choix entre union et fédération fut cependant l’objet d’intenses discussions qui se sont exprimées dans deux tendances opposées au cours des débats qui ont mené au texte final soumis à Londres: ceux qui, à l'instar de John A. Macdonald, considéraient que la fédération devait être fort centralisée (le rôle des provinces étant donc réduit) et ceux qui, au contraire, favorisaient un plus grand régionalisme. Cette tension entre centralisation et décentralisation s'est reflétée dans la nature du fédéralisme qui en est ressortie et qui peut être qualifiée de quasi fédérale (Watts, 2008 : 9). La longue histoire constitutionnelle de ce jeune pays fera largement évoluer la nature de cette nouvelle Constitution — et surtout son interprétation.

C.

Formation et évolution de la fédération

En 1867, l'AANB unit, dans une fédération composée de quatre provinces, les trois colonies de l'Amérique du Nord britannique: la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Province unie du Canada qui se divise en deux nouvelles provinces, l'Ontario sur le territoire du Canada-Ouest et le Québec

dans les frontières de l’ancien Canada-Est. Par la suite, six autres provinces ont rejoint la fédération canadienne: le Manitoba en 1870, la ColombieBritannique en 1871, l’Île-du-Prince-Édouard en 1873, la Saskatchewan et

l'Alberta en 1905 et finalement Terre-Neuve en 1949. Outre ces dix provinces, trois territoires situés dans l'Arctique canadien complètent la fédération: il s’agit du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, ce dernier étant le dernier en date et constitue une partie séparée en 1999 des Territoires du Nord-Ouest. Le Canada, comme de nombreuses fédérations, repose donc sur deux ordres

de gouvernement : le gouvernement fédéral — parfois qualifié de central — et les provinces et territoires. À l’origine, cette fédération est une fédération «imparfaite», c'est-à-dire très centralisée puisque le gouvernement fédéral a finalement été «investi des compétences essentielles de l'époque et [s’est] vu attribuer un rôle puissant et paternaliste de surveillance à l'endroit des provinces» (Cameron, 2005: 158). Cependant, comme nous l’indiquerons ci-dessous, la pratique a fait fortement évoluer le partage de ces compétences.

9 Depuis 2001, un amendement constitutionnel a renommé la province du nom de TerreNeuve-et-Labrador.

44

La fédération canadienne

Pour comprendre cette évolution, il faut garder à l'esprit la dynamique des nationalismes qui tirent leurs origines des structures préfédérales et qui se sont toujours affrontés au sein de la fédération canadiennef. Cette dynamique s'exprime dans la vision même de l'entente de 1867: «la vie politique canadienne est marquée par un dialogue laborieux entre deux conceptions du pays: l’une majoritairement répandue chez les francophones et l’autre majoritairement acceptée chez les anglophones. La première pense le Canada comme l'union de deux (parfois trois) nations comme la création originale d’une nation» Ainsi, l’évolution de la fédération canadienne des deux «peuples» fondateurs, francophone solitudes »).

et la seconde imagine le Canada (Gagnon et Chokri, 2005: 12). est intimement liée aux discours et anglophone (voire des «deux

Avec A.-G. Gagnon et L.-M. Chokri (2005: 19), on peut identifier quatre moments de l’histoire fédérale canadienne qui illustrent cette dialectique entre fédéralisme et nationalismes. Parmi les dynamiques qui renforcent le sentiment d'appartenance au gouvernement central, il faut certainement citer, dès 1879, la politique dite nationale en matière de chemin de fer, d'immigration et de commerce. Au fil du temps, le rôle d'Ottawa grandit et au tournant du XX° siècle, le Canada devient «une véritable entité nationale» (Rémillard, 1985: 215). Dans les années 1940 et 1950, les politiques keynésiennes renforcent le poids et la taille des gouvernements, et donc du gouvernement central; toutefois, pour des raisons propres au partage des compétences dont nous reparlerons, ce fut aussi le cas des gouvernements provinciaux qui ont

pris de plus en plus de place dans la vie des citoyens. De plus, la décennie suivante est marquée par la «Révolution tranquille» (1960-1966) qui transforme le Québec en une société laïque combinée d’un fort État-providence, dans le contexte d’une prise de conscience nationale québécoise. C’est à ce moment que les Canadiens français du Québec deviennent des Québécois et

s’identifient à un territoire propre et un État «national». Parallèlement, sous l'impulsion du gouvernement fédéral notamment pendant le règne de Pierre Elliott Trudeau, une conscience nationale canadienne se développe — presque — d’un océan à l’autre, se substituant ainsi à l'appartenance britannique toujours forte. «La rencontre de ces deux consciences nationales nouvelles est l’une des explications principales des nombreux conflits constitutionnels de la fin du XX° siècle» (Gagnon et Chokri, 2005: 12)7. Depuis 1867, différents éléments ont donc favorisé l'identification des citoyens à l’ensemble canadien ou à une de ses composantes (en particulier au Québec).

6 Dans ce volume, R. Pelletier et J. Poirier reviennent plus en détails sur cette longue évolution. 7 Une dernière prise de conscience, plus récente, mériterait d’être mentionnée pour expliquer la dynamique politique canadienne :celle des autochtones (Cameron, 2005: 157).

45

Les fédérations belge et canadienne

C'est dans ce climat de prise de conscience identitaire® que le Canada est devenu pleinement souverain en 1982 avec le rapatriement de la constitution°, sans l'accord du Québec toutefois (ce qui n'empêchait pas son adoption). Les négociations constitutionnelles des 20 années suivantes ont tenté d'obtenir la signature de Québec au bas du nouvel accord constitutionnel canadien — sans succès. Le double échec de l'Accord du Lac Meech (1987-1990) et de l'Accord de Charlottetown (1992) a renforcé l’amertume d’une partie des Québécois qui ont été appelés, en 1995, à se prononcer sur la souveraineté du Québec assortie d'un partenariat avec le Canada. Pour la seconde fois en 15 ans, le camp du Non l'emporte, mais de‘justesse puisque 50,58% des électeurs ont voté «non» contre 49,42% pour le «oui» — dont 60% des Québécois francophones. Le séisme qu'ont provoqué le référendum et ses résultats très serrés s’est répercuté dans l’ensemble de la fédération canadienne et a conduit Ottawa à adopter une loi sur la «clarté référendaire»!°.

Si à l'heure actuelle les tensions entre les deux solitudes canadiennes semblent atténuées dans un contexte de multiculturalisme accru et l’arrivée au pouvoir d’un premier ministre de l'Ouest prônant le fédéralisme d'ouverture (Montpetit, 2007; Pelletier, dans ce volume)!{, la dialectique fédéralismenationalismes continuera à influencer l’évolution de la fédération canadienne. Afin de mieux comprendre le contexte général des futurs développements du système fédéral canadien, les deux prochaines parties présentent, d’une part, la structure fédérale et les relations intergouvernementales et, d'autre part, les institutions et acteurs ainsi que les systèmes de partis et les partis politiques.

8 Le 20 mai 19890, un prernier référendum sur la souveraineté du Québec est organisé, comme avait promis de le faire le Parti québécois lors de son premier mandat. Le Non l'emporte avec 59,56% des suffrages et s'en suivront de longues discussions constitutionnelles qui mèneront à la tenue d'un second référendum au Québec en 1995.

9 Le Canada, comme les autres colonies britanniques, n'est devenu indépendant de Londres qu'en 1931 avec le Statut de Westminster (qui accordait la pleine liberté juridique aux colonies). À l’époque, toutefois, le Canada décida de laisser au parlement britannique le droit d’amender sa constitution. Pendant des années, les acteurs politiques ont travaillé sur des projets de réforme. Ce n'est qu'en 1982 qu'Ottawa et les provinces (à l'exclusion du Québec) se sont entendus sur un texte constitutionnel (L.C. 1982) qui comprenait une Charte des droits et des libertés ainsi qu'une formule d'amendement. Les liens vers ces documents fondamentaux sont repris dans la webographie finale. 10 On s'en doute, de nombreux auteurs ont commenté ces événements de l’histoire canadienne récente. Il serait inopportun de proposer ici une liste exhaustive de ces réflexions, mais on pourra utilement consulter, entre autres, la collection The State of the Federation initiée par l'Institut des relations intergouvernementales de l'Université Queen's et qui regroupe annuellement des spécialistes francophones et anglophones sur des thématiques importantes liées au fédéralisme canadien. 11 Cette «ouverture» étant toujours tributaire des événements politiques, comme l’ont montré les débats autour de la prorogation du parlement par le gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper en décembre 2008.

46

La fédération canadienne

IL.

La structure fédérale canadienne

A.

Un gouvernement fédéral, dix provinces et trois territoires

Le Canada est une fédération composée d'un gouvernement fédéral, de dix provinces et de trois territoires!?. Dans la logique fédérale classique, ces deux ordres de gouvernements ne sont pas hiérarchisés — c’est pour cela qu’on préfère généralement parler d’ordres et non de niveaux de gouvernements — même si l'histoire du fédéralisme canadien est marquée par une forte dynamique entre la centralisation et la décentralisation des pouvoirs qui peut s’y apparenter. La fédération canadienne repose sur une division territoriale où chaque composante a un territoire bien défini, ce qui contraste avec la situa-

tion belge qui connaît des Communautés qui reposent sur un critère «personnel». Cependant, le partage des compétences n’est pas aussi clair que ce que laisse supposer la délimitation territoriale et a toujours été sujet à interprétation, comme le rappelle R. Pelletier et J. Poirier dans leurs contributions à cet ouvrage.

Le partage des compétences constitue le cœur de l'architecture fédérale canadienne. Les articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 répartissent les compétences entre les composantes de la fédération. La compétence résiduairel#, c’est-à-dire les pouvoirs qui n’ont pas été prévus explicitement dans la constitution, est attribuée au Parlement du Canada, et donc au gouvernement fédéral entendu au sens large. Par conséquent, les compétences attribuées aux provinces sont spécifiées et limitées. Toutefois, grâce à une interprétation large de la compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils, ces dernières jouissent également d’une certaine marge de manœuvre, voire même «un genre de compétence résiduelle particulière» (Cameron, 2005 : 159). Enfin, notons qu'il y a des compétences concurrentes (l’agriculture, l'immigration, l'exportation des ressources naturelles vers une autre province et les pensions de vieillesse) et des compétences «partagées» (on se référera au texte de J. Poirier, dans ce volume, pour plus de détails). Tout comme le font M. Reuchamps et F. Onclin dans leur présentation de la fédération belge, il semble également utile dans le cadre d'une description de la fédération canadienne d'évoquer les différentes asymétries qui la caractérisent, malgré l’apparence d'une structure plus symétrique — et également 12

Les compétences des territoires ne sont pas inscrites dans la constitution, mais dévolues par

le gouvernement fédéral, qui peut donc les modifier à sa guise. Ces compétences sont semblables à celles des provinces, sauf pour le contrôle des terres et des ressources naturelles — ce qui n'est pas marginal dans cette immense étendue. 13 Également appelée résiduelle. 14 Au Canada, la Cour suprême est compétente pour régler les litiges en matière constitutionnelle. Elle est composée de neuf juges nommés par le gouvernement fédéral.

47

Les fédérations belge et canadienne

d’une volonté politique partagée par un grand nombre de Canadiens pour un traitement symétrique ou égal de chaque province. Dans cette perspective, suivant la suggestion de R. L. Watts, distinguons les asymétries géographiques, politiques et constitutionnelles au Canada (2008: 125-130). Les asymétries géographiques sont nombreuses et ne manquent pas d'influencer la vie politique du pays. Pensons simplement à la taille et à la population des composantes de la fédération qui varient largement: de 5660 km? pour l’Île-du-Prince-Édouard à 2093190 km2 pour le Nunavut et 1542056 km? pour le Québec ou de 31 200 habitants pour le Nunavut à 12891 800 pour l'Ontario et 7 744500 au Québec. Ces différences géo démographiques se répercutent bien évidemment dans le poids politique de chaque entité et en particulier dans leur représentation au sein des institutions fédérales. Ainsi,

alors que l'Ontario et le Québec envoient respectivement à la Chambre des communes 106 et 75 députés (en 2008), chaque territoire n'élit qu’un seul représentant. Les autres provinces s'inscrivent entre ces deux extrêmes et reçoivent un nombre de représentants à peu près proportionnel à leur population : 36 pour la Colombie-Britannique, 28 pour l'Alberta, 14 pour la

Saskatchewan et pour le Manitoba, 11 pour la Nouvelle-Écosse, 10 pour le Nouveau-Brunswick, 7 pour Terre-Neuve-et-Labrador et enfin 4 pour l’Île-duPrince-Édouard. Par ailleurs, en 1867, l'AANB créait une structure fédérale paradoxale pour les Canadiens français!°. Ils se trouvaient ainsi majoritaires .dans une province et minoritaires dans l’ensemble canadien (J. Woehrling reviendra plus longuement sur cette dynamique dans sa contribution). La fédération canadienne visait donc à accommoder au sein d'un même système politique deux

(voire plusieurs) cultures différentes, soit une autre forme d’asymétrie. Cette question de l’accommodement de plusieurs identités au sein de la fédération canadienne fait débat depuis de nombreuses années et, en fait, transcende la question du vivre ensemble fédéral dans une fédération que l’on pourrait qualifier de multinationale — bien que cette notion soit justement contestée par de nombreux acteurs politiques et la majorité des citoyens à l'extérieur du Québec. En effet, si pour certains le Canada est formé de dix provinces — et dans une moindre mesure trois territoires — politiquement égaux, pour d’autres cette structure symétrique de principe peut être aménagée pour

accommoder les aspirations identitaires de ses différentes composantes — et particulièrement les Québécois et les autochtones. La question de l’asymétrie politique, voire constitutionnelle, pose problème à un grand nombre de Canadiens anglophones, mais aussi à certains francophones, comme ce fut le cas de l’ancien premier ministre (canadien) Pierre Elliott Trudeau qui a vivement combattu le fédéralisme asymétrique dans 15 Rappelons qu'il est important de ne pas parler de Québécois avant 1960, mais plutôt des Canadiens français.

48

La fédération canadienne

lequel il «décelait l’amorce d’une déchirure du tissu social canadien et l’implantation de privilèges exclusifs pour le Québec» (Gagnon, 2006: 293). Dans son esprit, tout fédéralisme asymétrique mènerait à la fin du fédéralisme tout court. L'intérêt d'une approche asymétrique dans les fédérations multinationales demeure néanmoins discuté dans de nombreux cénacles politiques et académiques (Gagnon, 2006: Watts, 2008: 125-130: Pelletier, 2008: 133-153).

L'importance et l'intensité de la question de l’asymétrie dans une fédération a priori symétrique rappelle enfin que le régionalisme est fort au Canada et qu'il ne se résume pas à la question des deux nations. Chaque province, dont la plupart auraient l'échelle de plusieurs pays en Europe, a une histoire qui lui est propre et dispose d’une structure politique forte — et d’autant plus si la province est fortement peuplée et au centre du pays comme l’'Ontario, économiquement florissante comme l’est devenu l'Alberta, située aux extrêmes et tournée vers un autre continent comme c'est le cas de la Colombie-Britannique, arrivée tardivement dans la fédération canadienne et revendiquant une identité particulière comme Terre-Neuve-et-Labrador ou encore animée par une autre culture et vision du vivre ensemble comme l'illustre bien le Québec, bien sûr.

B.

Les relations intergouvernementales

La dynamique d’une fédération s'exprime par la nature de ses relations intergouvernementales (RIG), c’est-à-dire par les relations entre les différents ordres de gouvernements qui la composent. Elles comprennent ainsi les relations dites «verticales», entre l’ordre fédéral — et les nombreuses institutions

qui en dépendent — et les provinces, mais également les relations dites «horizontales», entre les provinces elles-mêmes!f. La nature et la structure de ces relations peuvent varier considérablement au sein d’une même fédération, et en particulier au sein de la fédération canadienne, comme l'explique plus en détails J. Poirier dans ce volume en précisant que les RIG doivent être étudiées en parallèle avec le partage des compétences. Selon la typologie dressée par D. Cameron, de nombreux facteurs façonnent les relations entre les composantes d’une fédération: les facteurs démographiques et géographiques, les facteurs sociaux et culturels, les facteurs historiques, les facteurs constitutionnels et institutionnels, et enfin les facteurs politiques et les facteurs contextuels

(2001:

132-134).

Ces facteurs mar-

quent particulièrement de leur empreinte les RIG canadiennes et expliquent la dynamique fédérale du pays.

ue On ne doit pas oublier de mentionner le rôle des villes dans le système intergouvernemental (Turgeon, 2006).

49

Les fédérations belge et canadienne

Tout d’abord, comme

le souligne J. Poirier dans sa contribution,

les RIG

sont «omniprésentes et multiformes» au Canada. Aucun domaine de politique publique n'échappe aux relations entre les différents acteurs politiques ou administratifs — qu'ils soient fédéraux, provinciaux ou territoriaux. Celles-ci sont au cœur du fonctionnement journalier de la fédération canadienne et de toutes ses composantes. Ainsi, des relations intergouvernementales sont

engagées aussi bien pour régler des dossiers ponctuels ou précis, comme par exemple un accident industriel important à la limite de deux provinces ou la mobilité des travailleurs de certains secteurs, que pour gérer des défis de plus grande envergure, notamment les politiques sociales et de soins de santé (Fortin, 2006), le partage des ressources financières (Noël, 2006), ou pour tenter de résoudre les conflits constitutionnels.

Ensuite, si ces relations multiples et diverses prennent place au Canada dans une fédération multipolaire, il faut bien voir que dans de nombreux cas, les pierres d’achoppement au niveau des RIG se retrouvent souvent dans les relations Québec-gouvernement fédéral ou plus largement Québec-reste du Canada. R. Pelletier, dans son chapitre, revient plus longuement sur les relations du Québec avec les autres provinces (notamment via la constitution de

«fronts communs») et dégage quelques constantes de ces relations intergouvernementales particulières. Enfin, les relations entre le fédéral et les provinces, et entre les provinces elles-mêmes, ne cessent d'évoluer. L'évolution peut être le fruit de la ligne de conduite du gouvernement fédéral, qui sera, par exemple, plus centralisatrice ou plus décentralisatrice — suscitant ainsi l'enthousiasme ou les réticences de la part des partenaires —, mais elle peut également fluctuer selon le contexte politique du moment dans les relations interprovinciales ou encore, plus prosaïquement peut-être, selon le caractère des négociateurs autour de la table. Cette évolution incessante, combinée aux différences parfois profondes entre certains acteurs, appelle de plus en plus à l’organisation de systèmes intergouvernementaux asymétriques (Gagnon, 2006).

Pour conclure cette courte description des relations intergouvernementales dans la fédération canadienne, il est utile de mentionner des «organes» qui peuvent jouer un rôle important dans l’organisation de celles-ci!7. Ainsi, depuis le début du XX° siècle, les premiers ministres fédéraux rencontrent les premiers ministres provinciaux dans ce qu’on appelle communément la Conférence des premiers ministres. Toutefois, cette Conférence n’est mentionnée nulle part dans la Constitution, n’est convoquée qu'à la demande du premier ministre fédéral — qui, seul, décide de l’ordre du jour et la préside — Sur une base irrégulière et ad hoc et n’est soumise à aucune obligation de

17 Voyez à cet égard, la section «Coopération et conflits» dans la webographie à la fin de ce volume.

50

La fédération canadienne

résultats. Pour ces raisons, certains auteurs qualifient celle-ci de lien faible dans l’ensemble intergouvernemental canadien (Papillon et Simeon, 2004). Depuis 2003, afin de faire contrepoids à la prédominance d'Ottawa dans les RIG, le Conseil de la fédération regroupe les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux dans un organe de coordination où se discute la coopération interprovinciale et surtout des positions communes en vue des négociations avec le gouvernement fédéral (Watts, 2008: 120). Ce forum de discussions entre les composantes de la fédération est important dans un système fédéral où il n'existe pas d'Assemblée des entités fédérées comme c'est généralement le cas dans les fédérations. En effet, le Sénat canadien ne constitue pas une «chambre de la fédération» même si, dans la pratique, une représentation équilibrée des provinces est recherchée!$. Dans la perspective du dialogue comparatif, il est intéressant de noter que le Sénat belge ne constitue pas non plus — pas encore? — une chambre des entités fédérées. Un dernier lieu de rencontre mérite d’être mentionné — afin d'illustrer le caractère international que peut prendre les RIG — il s’agit de la Conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada (GNA/PMEC). Ce forum annuel vise à aborder les questions transfrontalières et d’autres sujets d'intérêt commun entre les six États américains

et les cinq provinces canadiennes

aux frontières et ses formalités, le commerce,

notamment

le passage

l'énergie ou la protection de

l’environnement.

Il.

Institutions et acteurs de ia fédération canadienne

A.

Lesinstitutions et les acteurs fédéraux, provinciaux et territoriaux

Le Canada repose à la fois sur le principe du parlementarisme et du fédéralisme (Pelletier et Tremblay, 2005). Tandis que le second vient d’être largement présenté et offre le contexte général du système politique canadien, le premier explique les institutions, le rôle des acteurs ainsi que leurs relations particulières au sein de la fédération canadienne. Comme toute démocratie parlementaire, trois «pouvoirs» gouvernent le Canada à l'échelon fédéral comme à l'échelon provincial: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Les relations entre ces pouvoirs respectent la tradition parlementaire britannique qui veut notamment que le gouvernement soit responsable devant le parlement, que les ministres soient membres de celui-ci et que les membres du pouvoir judiciaire soient choisis et nommés par le pouvoir exécutif. Ainsi le Canada connaît plutôt la «collaboration des pouvoirs» que la «séparation des pouvoirs» (Bernard, 1995: 14). 18

La question du Sénat sera discutée plus loin.

51

Les fédérations belge et canadienne

Bien que le pouvoir exécutif occupe la position la plus visible (la Couronne = même s’il s’agit d’un rôle symbolique -—, le premier ministre et le Cabinet), commençons notre description des institutions et acteurs par le pouvoir législatif, composé de la Chambre des communes et du Sénat. Au niveau provincial, le pouvoir législatif est exercé par une seule assemblée. «En raison du caractère électif de ses membres, la Chambre des communes constitue pour plusieurs le foyer le plus important de la vie démocratique canadienne {...]» (Montigny et Pelletier, 2005: 284). Dès 1867, la représentation à la Chambre des communes est fondée «sur le nombre d'habitants par province, les délimitations des circonscriptions se faisant province par province, conformément aux théories du fédéralisme» (Bernard, 1995: 37). À l'heure actuelle, 308 députés siègent à la Chambre des communes!° et sont élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour pour une période ne dépassant pas 5 ans. Ceux-ci remplissent quatre fonctions principales, identifiées par É. Montigny et R. Pelletier à partir de l'étude des travaux parlementaires: une fonction de représentation, une fonction législative, une fonction budgétaire et une fonction d’imputabilité administrative (2005 : 287-288). Si chaque député ne dispose que d’une seule voix, certaines fonctions donnent un statut privilégié au député qui l’exerce. Pensons notamment au président de la Chambre, au premier ministre et aux ministres, au chef de l’opposition officielle ainsi qu'aux whips et aux leaders parlementaires (Montigny et Pelletier, 2005 : 289).

À de nombreux égards, le fonctionnement des assemblées provinciales (qualifiées généralement d’assemblées législatives) ressemblent à celui de la Chambre des communes. Parmi ces assemblées, l’Assemblée nationale du Québec se démarque, toutefois, notamment

par son budget de fonctionne-

ment qui est le plus élevé — et de loin — de toutes les assemblées provinciales, par des règles de procédure particulières (par exemple, la formule dite des questions avec débats ou l'examen parlementaire des engagernents financiers), ou encore par l'importance symbolique que représente l'Assemblée nationale aux veux des Québécois (Bernard, 1995 : 58-63).

Par ailleurs, le gouvernement fédéral est bicaméral®?. Le Parlement du Canada est ainsi composé de la Chambre des communes qui vient d’être succinctement exposée et du Sénat. À la différence d’autres fédérations notamment les Etats-Unis ou l'Allemagne, la chambre haute canadienne n'est pas

une chambre fédérale où seraient représentées - d'une manière égalitaire ou quasi égalitaire — les provinces et les territoires (Watts, 2008: 147-155). En effet, les 105 sénateurs ne sont pas élus mais nommés jusqu’à 75 ans «par la Couronne, soit à l'heure actuelle par la gouverneure générale au nom de la 19 Dans la section «La structure fédérale canadienne», nous avons donné le poids proportionnel de la représentation de chaque province.

20

52

Le bicaméralisme existait aussi au niveau provincial, mais il a été progressivement éliminé.

La fédération canadienne

reine, qui agit selon les instructions reçues du premier ministre» (Montigny et Pelletier, 2005: 280). Dans cet exercice de nomination, le premier ministre

doit respecter une répartition territoriale équilibrée entre les provinces de l'Atlantique, le Québec, l'Ontario et les provinces de l'Ouest, entendues au sens large (Bernard, 1995: 28-29)°1, En théorie, le Sénat dispose des mêmes pouvoirs législatifs que la Chambre des communes sauf celui d’initier des projets de loi à caractère financier. En pratique, toutefois, les sénateurs tendent à exercer ces pouvoirs avec prudence et jouent surtout un rôle de révision de la législation et d'enquête sur de nombreux sujets socio-économiques ou juridiques (Montigny et Pelletier, 2005: 282-284). Cela étant, l'existence même de cette assemblée est régulièrement remise en cause, surtout dans l'Ouest du pays où l’on revendique un Sénat élu, égal et efficace. Cependant, aucun consensus ne se dégage à ce jour pour le réformer. Après ce tour d'horizon du pouvoir législatif, on peut maintenant se tourner vers les institutions et acteurs du pouvoir exécutif. Le Canada étant une monarchie constitutionnelle, le chef d'État est historiquement le monarque régnant du Royaume-Uni — qui, depuis 1953, porte le titre de «roi ou reine du Canada». Compte tenu de son absence du sol canadien, le souverain, actuellement la reine Elizabeth II, est représenté par un gouverneur général à Ottawa” et un lieutenant-gouverneur dans chaque capitale provinciale. Nommé officiellement par la reine, «le gouverneur général est, en fait, choisi par le premier ministre du Canada» (Bernard, 1995: 18). Le lieutenant-gouverneur, quant à lui, est nommé par le gouverneur général, «également sur recommandation du premier ministre du Canada et après diverses consultations» (Bernard, 1995: 52). Les pouvoirs et rôle du monarque et donc du gouverneur général — et par analogie celui du lieutenant-gouverneur — sont constitutionnellement grands mais politiquement très limités, comme c'est le cas dans la plupart des monarchies constitutionnelles. Ses fonctions vont de la désignation du premier ministre — qui est en fait liée aux résultats des élections —, à la dissolution de la Chambre des communes — à la demande du premier ministre — en passant par la présence aux cérémonies, la signature

de documents officiels ou encore la sanction des lois. Comme le souligne L. Massicotte, la Couronne joue donc un rêle essentiellement symbolique et le véritable pouvoir exécutif est exercé par le Conseil des ministres et surtout le premier ministre (2005 : 316).

Ce dernier, sans conteste, est l'acteur le plus en vue de la vie politique canadienne, même si sa fonction n'apparaît nulle part dans la constitution. Chef 21 Cette répartition a varié 22 À. Bernard précise que Un document, appelé ‘lettres l'avis des ministres canadiens, 23 Toutefois, cette fonction

avec l'entrée de nouvelles provinces. «le gouverneur général agit au nom de la reine, en son absence. patentes’, autorise le gouverneur général à exercer au Canada, sur tous les pouvoirs et prérogatives de la Couronne» (1995: 18). est souvent déléguée à un juge de haut niveau (Massicotte, 2005:

320).

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Les fédérations belge et canadienne

du parti qui remporte les élections, le premier ministre jouit tout d'abord d'une légitimité démocratique et est à la tête d’un cabinet, ou conseil des ministres2t, composé de ministres qu'il désigne lui-même à partir des élus de son parti en Chambre. C’est lui qui leur attribue leur portefeuille respectif. Cette équipe ministérielle, le gouvernement, doit toujours jouir de la confiance d’au moins une moitié des élus du peuple siégeant à la Chambre des communes, mais cette confiance ne lui est que très exceptionnellement retirée si son parti

est majoritaire en Chambre. Ce contrôle par la Chambre élue des activités gouvernementales est au cœur du principe de responsabilité ministérielle et c'est ce qui assure la légitimité démocratique du'système (Massicotte, 2005: 316). Le gouvernement préside aux destinées du pays en proposant des lois et en les appliquant. C’est également le premier ministre et ses ministres qui dirigent les relations internationales du Canada. Au niveau provincial, le même schéma est reproduit, avec ce rôle dominant de l'exécutif. Cette dominance des exécutifs tant fédéraux que provinciaux a justement conduit certains auteurs à parler de fédéralisme exécutif pour décrire le fédéralisme canadien (Cameron, 2005: 158; Knopff et Sayers, 2005: 123-124). Notre description des institutions et des acteurs de la fédération canadienne se conclut avec une brève présentation du pouvoir judiciaire. Le système judiciaire canadien est une hiérarchie composée de cours provinciales, de cours supérieures et de cours d'appel, à la tête desquelles se trouve la Cour suprême du Canada — cour de dernière instance, mais aussi cour constitutionnelle. Trois de ses neuf membres doivent être issus, par convention, du Québec, mais leur nomination relève tous du gouvernement fédéral. Enfin, notons que le Canada connaît une tradition bi-juridique puisque le droit civil s'applique au Québec, tandis que la common law s'applique dans les autres provinces et territoires (la contribution de J. Woehrling dans ce volume explique les conséquences juridiques et politiques de ce bi-juridisme).

24

L. Massicotte indique que ces «deux termes sont normalement interchangeables» (2005:

328). Par ailleurs, aucun de ces termes n'est mentionné dans la constitution. L'article 11 de la

L.C. 1867, explique le même auteur, «prévoit simplement l'existence d’un organe appelé le Conseil privé de la Reine pour le Canada, dont les membres sont nommés et éventuellement destitués par le gouverneur général, et cet organe est ‘chargé d'assister Sa Majesté dans le gouvernement du Canada et de lui donner des avis à cet égard’. Le Conseil privé se compose des ministres actuels et de leurs prédécesseurs encore vivants, auxquels s'ajoutent quelques personnalités choisies par le premier ministre du jour. En tant que tel, il ne se réunit pratiquement jamais» (2005: 328-329, italiques dans l'original). 25 Depuis quelques années, en raison de la fragmentation des partis à Ottawa, les gouvernements élus sont minoritaires en Chambre, ce qui entraîne une certaine instabilité.

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La fédération canadienne

B.

Les systèmes de partis et les partis politiques

Les spécificités régionales et l’histoire de cette fédération — parmi les plus vieilles du monde — obligent à parler de plusieurs systèmes de partis au Canada. Ainsi, dans une perspective géographique, comme il a été démontré dans l'introduction générale de ce volume, les systèmes de partis canadiens se divisent entre le système fédéral et les systèmes provinciaux de partis — division qui contraste avec les systèmes de partis belges où il n’y a pas de partis fédéraux distincts de partis «régionaux», à quelques exceptions près. Dans une perspective temporelle, selon la classification d’un grand nombre d'auteurs et habilement résumée par R. Pelletier (2005b), on a pu observer quatre systèmes de partis au Canada depuis 1867 : au bipartisme initial (1867-1917) a succédé l'émergence de leaders régionaux et de nouveaux partis (1921-1957), puis une «pancanadianisation» des partis (1963-1988) qui a laissé place, depuis 1993, à une régionalisation des partis. Les cinquante premières années du fédéralisme canadien sont marquées par un bipartisme entre deux grands partis: le Parti conservateur et le Parti libéral. Tous deux sont des partis de cadre, selon la terminologie de M. Duverger (1969), qui évoluent autour de politiciens locaux et qui ont une présence sur l’ensemble du territoire. Ces deux partis alternent au pouvoir et la figure de proue du parti, son chef, joue un rôle prédominant dans la vie politique — pensons notamment aux premiers ministres John À. Macdonald pour le Parti conservateur de 1867 à 1891 ou à Wilfrid Laurier de 1896 à 1911 à la tête d'un gouvernement libéral. Pendant cette période et jusqu'au milieu du XX° siècle, il n'existe véritablement qu'un seul système de partis car il n’y a pas encore de distinction entre un système fédéral et des systèmes provinciaux de partis (à ses débuts, le fédéralisme canadien est d’ailleurs encore très centralisé et le rôle des provinces est marginal). De 1921 à 1957, de nouveaux partis apparaissent sur la scène politique: le Parti progressiste et les Fermiers unis, dans les années 1920, ensuite le parti du Crédit social et le parti Co-operative Commonwealth Federation (CCF) au cours des années 1930. Ces partis se présentent en porte-à-faux avec les deux partis traditionnels et partagent «la vision d’un parti plus près de la population et représentent des courants populistes de protestation» (Pelletier, 2005b: 161). L'émergence de nouvelles formations renforce la compétition politique entre les différents partis en lice, même si l'appui massif et durable apporté au Parti libéral par les Canadiens français lui assure souvent la majorité sur l’ensemble du territoire. Enfin, cette phase voit également un rôle accru joué par les leaders régionaux qui cherchent à défendre les intérêts de leur région.

26 La webographie finale propose des liens vers des ressources informatiques présentant en détails les différents partis politiques existant ou avant existé sur la scène politique canadienne.

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Le «pancanadianisme», selon Pelletier, est au cœur de la troisième période qui s'étale de 1963 à 1988. Pendant ces deux décennies, l’État-providence se développe considérablement sur l’ensemble du territoire. Le développement des médias permettent aux partis de s'adresser rapidement à l'ensemble des Canadiens, alors que l'électorat se diversifie de plus en plus sur le plan ethnique. Dans ce contexte, les partis se réorientent, se réorganisent — notamment

d’un point de vue de démocratie interne — et s'ouvrent — plus ou moins fortement — aux femmes et aux groupes ethniques. La période qui voit une forte

compétition politique est caractérisée par «l'élection de nombreux gouvernements minoritaires (1957, 1962, 1963, 1965, 1972, 1979). Bien plus, depuis l'élection de 1953 jusqu'à celle de 1988, aucun gouvernement majoritaire ne réussit à obtenir deux mandats consécutifs comme gouvernement majoritaire» (Pelletier, 2005b: 163). Aucun gouvernement majoritaire, en

effet, n’a été possible sans un appui significatif dans l’ensemble des régions du pays. La période, à partir de 1968, est aussi marquée par le «French Power» et les gouvernements Trudeau (libéral) et Mulroney (conservateur).

Enfin, comme il a été rappelé plus haut, ces décennies connaissent des négociations constitutionnelles quasi permanentes dont les échecs répétés ouvriront la voie à l'apparition de nouveaux partis lors de la quatrième et actuelle phase du système des partis. Dans le paysage électoral canadien, l'élection de 1993 peut être vue comme une élection exceptionnelle, un «tremblement de terre électoral» (Pelletier, 2005b: 164), en raison de la forte volatilité de l'électorat et de la fragmen-

tation politique qui en résulte. Au début des années 1990, suite à l’éclatement du clan conservateur après deux tentatives de renouvellement de la constitution, deux partis sont créés, à côté du Parti progressiste-conservateur

lui-même : le Bloc québécois (BQ) qui vise uniquement l'électorat québécois et le Parti réformiste (après 2000, l'Alliance canadienne) qui s'adresse principalement à l'Ouest canadien. Bien que les libéraux reprennent le pouvoir des mains des conservateurs, ces deux nouveaux partis récoltent un grand nombre de voix et, avec 54 députés, le BQ forme l'opposition officielle à la Chambre des communes. Par la suite et jusqu'en 2006, les Libéraux, grâce au soutien de l'Ontario, gardent les rênes du pouvoir, parfois avec un gouvernement minoritaire (2004-2006), mais dans un paysage politique fortement régionalisé où le BQ domine au Québec, et le Parti conservateur du Canada — issu de la fusion entre l'Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur en 2003 -— dans l'Ouest et le Nouveau parti démocratique (NPD) dans les grands centres au Canada anglais et certaines régions des Maritimes.

En 2006, le Parti conservateur remporte les élections, permettant ainsi à son chef, Stephen Harper, de s'installer à la tête d’un gouvernement minoïitaire qui sera reconduit lors de l'élection de 2008. Le paysage partisan canadien demeure cependant fortement fragmenté avec la répartition des sièges entre quatre partis.

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La fédération canadienne

Une analyse similaire devrait être faite pour les systèmes de parti des 10 provinces, qui possèdent chacun leur spécificité et leur histoire. L'observateur extérieur ne devrait pas s’y laisser prendre: le fait qu’un Parti libéral ou un Parti conservateur soit aussi présent dans une province ne signifie pas qu'ils

défendent les mêmes vues. Ces dernières années, les relations tendues entre le premier ministre terre-neuvien Danny Williams et le premier ministre canadien Stephen Harper, tous deux conservateurs, en sont parmi les meilleurs exemples : généralement, un parti provincial défendra avec force les intérêts de sa province contre le gouvernement fédéral, peu importe sa couleur politique. Il en va de même au Québec entre le Parti libéral fédéral et le Parti libéral du Québec.

Idéologiquement, les partis canadiens sont surtout de centre-gauche, comme le Parti libéral, ou de centre-droit, comme le Parti conservateur (bien que ce dernier, depuis ces dernières années, tende davantage vers la droite). Le clivage le plus prononcé, toutefois, réside certainement dans l'opposition entre les forces fédéralistes et souverainistes qui transparaît aussi bien dans le sys-

tème fédéral que dans le système québécois de partis. Au sein de ces deux systèmes partisans, un parti politique, le BQ dans le premier et le Parti québécois dans le second, défend une certaine vision du Québec et «de sa place dans

la fédération canadienne, en attendant que se réalise la souveraineté-partenariat» (Pelletier, 2005b: 177) tandis que d’autres partis, les partis libéraux en tête, défendent une vision fédéraliste du Canada’.

Par ailleurs, depuis

quelques années, un certain «parti pris provincialiste» (Gagnon, 2006: 301, italiques dans l'original) gagne du terrain notamment dans l'Ouest canadien. Sous l'influence des rapports et des jeux politiques, la double variable — espace et temps — et l'opposition fédéraliste-provincialiste voire souverainiste

continueront à façonner les différents systèmes de partis qui caractérisent la fédération canadienne et sa dynamique fédérale.

Conclusion Depuis 1867, la fédération canadienne a fortement évolué :d’une quasi-fédération où le rôle du gouvernement fédéral était central, elle s’est transformée

au gré des forces tantôt décentralisatrices tantôt centralisatrices en une fédération avec un gouvernement fédéral fort et des gouvernements provinciaux — et territoriaux — forts. Toutefois, les discussions sur la nature même

du

27 Le Parti québécois a été fondé en 1968 par René Lévesque et a accédé au pouvoir en 1976. C'est ce parti qui a initié les deux référendums de 1980 et 1995. Bien qu'il ait toujours regroupé un large éventail de positions idéologiques sous l'objectif de la souveraineté du Québec, il ne s’est jamais appuyé sur des positions xénophobes ou antidémocratiques (les lois faisant du français la seule langue officielle du Québec ont cependant été perçues comme telles par la majorité des Québécois non francophones — environ 20% de la population).

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Les fédérations belge et canadienne

fédéralisme canadien demeurent et continuent d'animer les réunions politiques de St. John's à Vancouver en passant par Québec, Montréal, Toronto et Edmonton. Au cours des cinquante dernières années, la vie politique canadienne a été largement déterminée par les conflits constitutionnels qui ont souvent placé les revendications des gouvernements québécois au devant de la scène. Les premiers ministres canadiens étaient d’ailleurs souvent — et paradoxalement peut-être dans la perspective d’un dialogue comparatif avec la Belgique — des Québécois’®.

Plus généralement toutefois, les nombreuses discussions sur l'avenir de la fédération canadienne reposent sur le refus ou la promotion de différentes formes d’asymétrisme, par la valorisation de l’union canadienne ou d’un Canada des régions. Dans ce débat, il est important de rappeler que dès l’origine, toutes les provinces avaient bien leurs spécificités. De plus, comme le remarque A.-G. Gagnon, les fédéralismes «multinationaux» (comme la Belgique ou le Canada, soit des fédéralismes basés sur la coexistence de nations), contrairement aux fédéralismes «territoriaux» (tel que l'Allemagne ou les États-Unis),

exigent «l'implantation d'un modèle asymétrique de gouvernance afin de permettre aux diverses communautés de donner à leurs citoyens la possibilité de se réaliser pleinement en misant sur des moyens adaptés pour enrichir les contextes de choix pour chacune des grandes communautés à l'origine du contrat de fondation» (2006 : 290). W. Kyumilicka, de son côté, croit que «[...] l'égalité des citoyens ne requiert pas que toutes les unités fédérales aient des pouvoirs égaux. Au contraire, le statut asymétrique des unités fondées sur la nationalité peut être considéré comme un moven de favoriser ce principe d'égalité morale sous-jacente, puisqu'il garantit que l'identité nationale des minorités recevra autant d'attention et de respect que la nation majoritaire» (2003 : 226). Si le Québec, avec son poids de plus en plus faible dans l’ensemble canadien, se doit de réclamer de plus en plus cet asymétrisme pour sa survie politique, il ne serait pas la seule province à le souhaiter : l'Alberta pourrait réclamer une certaine forme de relations asymétriques en vue de conserver — pour ellemême — ses ressources naturelles et leurs revenus; Terre-Neuve-et-Labrador le pratique avec ses ressources pétrolières offshore. Les pressions asymétriques sont donc fortes — et certains gouvernements fédéraux les ont euxmêmes encouragées avec le désengagement de l’État. Il n'en reste pas moins que la grande majorité des Canadiens — et même un

grand nombre de Québécois — demeurent attachés, dans le cadre fédéral 28 La présence majoritaire de Québécois à la tête du gouvernement fédéral au cours de ces trente dernières années s'explique par la combinaison de deux facteurs. D'une part, une règle non écrite du Parti libéral veut qu'il y ait alternance entre un anglophone et un francophone à la tête du parti. D'autre part, le premier ministre du gouvernement fédéral a été généralement un premier ministre libéral.

58

La fédération canadienne

actuel, à une vision canadienne du pays, à ses symboles et à l’universalité de ses programmes sociaux. Ainsi, de nombreux points de vue sur un possible fédéralisme asymétrique émergent aujourd’hui. Au Québec, où la question constitutionnelle réapparaît régulièrement, c'est la promotion d’une forme d'asymétrisme plus ou moins développé que proposent toutes les formations politiques québécoises non souverainistes — pour une formation comme

le

Parti québécois, évidemment, la souveraineté demeure la seule option (Gagnon 2006 ; Montpetit, 2007). Hors du Québec, des voix craignent toujours toute forme d'asymétrisme qui irait, par essence, à l'encontre d’une certaine vision de la nation canadienne, unie d’un océan à l’autre, et qui ne pourrait mener à terme qu à la fin de la fédération canadienne. D'autres. par contre, voient dans le fédéralisme asymétrique des qualités fonctionnelles, communautaires et démocratiques (Gagnon, 2006 : 294-297: Kumlicka, 2003).

Ces grands courants, au fil des débats, des occasions politiques et des tendances, se décomposent évidemment en une mosaïque de possibilités qu'il faudrait pouvoir décrire en détails pour mieux comprendre la dynamique fédérale verticale et horizontale au Canada. Cependant, ce bref texte ne visait qu à mettre en évidence les principales données de base permettant de comprendre les différences entre la Belgique et le Canada et à préparer ce «dialogue comparatif» entre les institutions et les enjeux politiques propres aux deux pays. Des perspectives plus précises seront maintenant présentées dans les textes suivants pour nous permettre de penser la situation canadienne à la lumière des différentes solutions politiques adoptées en Belgique — un exercice que l’on pourra également faire, évidemment, en sens inverse. Tel est bien l'objectif de cet ouvrage.

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La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

Chapitre 3 La dynamique fédérale en Belgique Kris Deschouwer

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Un fédéralisme par défaut

Expliquer et comprendre la nature de la fédération belge demandent une mise en perspective historique, des explications sur la manière dont l'État unitaire à été graduellement — mais à la fin assez radicalement — transformé en une fédération (Deschouwer, 2005 ; Deschouwer,

2006a ; Reuchamps et

Onclin, dans ce volume). Cependant, et c'est l'élément le plus important à souligner, le choix d’une solution fédérale ne fut pas délibéré. En effet, les

premières révisions de la Constitution en 1970 n'avaient d'être les premières étapes de la création d’un État fédéral. visaient à apaiser les conflits liés à l’organisation territoriale Belgique ;en procédant de la sorte, le fédéralisme pouvait

pas pour objectif Au contraire, elles — linguistique — en être évité.

Dans les années 1960, le terme «fédéralisme» — entendu comme un objectif à atteindre — était seulement utilisé par les partis régionalistes en Flandre, en

Wallonie et à Bruxelles. Quand en 1993 la Constitution révisée proclama que la Belgique était un État fédéral, cela reflétait un réel changement. Aujourd’hui, les mouvements et les partis revendiquant plus d'autonomie — pour la Flandre — n'emploient plus le terme fédéralisme pour qualifier l'objectif à atteindre mais réfèrent plutôt à une solution confédérale ou à l'indépendance. £

Professeur au Département de science politique de la Vrije Universiteit Brussel.

65

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

La réforme qui a mené au fédéralisme n’était donc pas un choix délibéré mais une longe série de compromis entre des visions différentes et ceci est un élément important à mentionner lorsqu'on essaye de comprendre la dynamique actuelle du système fédéral. Puisqu'il est le résultat de compromis institutionnels, aucun des acteurs importants — qu'ils soient les régions ou les communautés linguistiques — n’est satisfait de la situation. La nouvelle Belgique idéale n’a pas été réalisée. Tous les partenaires regardent la situation actuelle avec un certain degré de frustration. Ils ont tous perdu sur des points symboliques majeurs.

Par ailleurs, l'objectif final des réformes constitutionnelles n’a jamais été spécifié. Le futur reste donc ouvert. Avec un futur ouvert, les mouvements et les partis qui souhaitent voir l'État belge encore évoluer peuvent assez facilement encourager le changement.

Il.

Un fédéralisme de désunion

La fédération belge ne réunit pas des entités séparées dans un État. En fait, les entités fédérées ne sont pas des entités historiques, elles n’ont pas d’histoire antérieure à l'État fédéral. Les Régions et Communautés belges sont uniquement le résultat de la façon dont la Belgique a été créée en 1830 par une élite plutôt francophone. Les choix linguistiques faits à cette époque ont provoqué les évolutions qui ont conduit à l'adoption d’une solution territoriale (McRae, 1986: Murphy, 1995). Les premières revendications du mouvement flamand — protestant contre le choix du français comme unique langue officielle — étaient déjà empreintes d’une logique territoriale. Le mouvement flamand réclamait le droit d'utiliser le néerlandais, à côté du français, au nord du pays. La logique territoriale est aussi la conséquence évidente de l’ancienne division géographique bien définie — à l'exception de l'élite francophone vivant au Nord — au sein de la population entre les langues d’origine germanique et d'origine latine. La frontière linguistique divisant la Belgique en une région francophone et une région néerlandophone est bien plus vieille que l'Etat belge. Ainsi, la prévalence de la question linguistique sur laquelle se fonde les identités et les communautés est la conséquence des choix historiques posés dans les premiers jours de la Belgique.

Si la Belgique est aujourd’hui une fédération, c'est le résultat d’un conflit fondamental à propos de l'emploi des langues. Depuis les années 1920, et en réponse aux demandes du mouvement flamand, une solution territoriale a été adoptée en divisant le pays en régions linguistiques. Cette division a été précisée et renforcée par les législations linguistiques des années 1930 et encore plus par celles des années 1960. L'ancienne frontière linguistique devient alors une vraie frontière administrative. La solution territoriale à l'emploi des langues — non pas le bilinguisme sur l’ensemble du territoire mais l’utilisa66

La dynamique fédérale en Belgique

tion d'une seule langue au Nord et une autre au Sud — a jeté les bases des Régions et des Communautés qui constituent aujourd’hui les entités fédérées en Belgique. Ce fut un processus graduel et, comme mentionné ci-dessus, pas du tout destiné à la création d’un État fédéral. Cependant, en cours de route, il V a eu un certain nombre de décisions que l’on peut considérer comme des points de non-retour. Nous venons d'évoquer les législations linguistiques des années 1920, 1930 et 1960. Celles-ci reconnaissent le principe qu’une langue peut être protégée en définissant un territoire sur lequel son usage dans les affaires publiques ne peut plus être remis en question. Ainsi, le néerlandais — puisqu'il s’agit de protéger cette langue — devient la langue de la vie publique et de l’enseignement au nord de la Belgique. La fixation — freezing ou bétonnage — par la loi de la frontière linguistique constitue la garantie finale que la langue dominante ne peut continuer à reléguer une plus «petite» langue en termes de statut mais pas en termes démographiques. Une autre étape importante est la scission en 1960 de la radio et télévision belge. C’est un pas important car il va avoir des conséquences majeures sur la graduelle — mais assez radicale — division de l'opinion publique et des débats publics et politiques. La scission communautaire du ministère national de l’enseignement en 1965 constitue une autre étape dans la même direction. De plus, entre 1968 et 1978, tous les partis politiques se divisent en de nouveaux partis unilingues.

L'étape capitale est probablement la révision de la Constitution de 1970. Celle-ci consacre le compromis entre la division en Régions ou en Communautés,

comme

nous le détaillerons ci-dessous, et plus fondamenta-

lement elle organise la logique qui guidera les réformes suivantes. Il s’agit à nouveau de la logique reconnaissant et délimitant territorialement deux groupes linguistiques qui doivent ensuite gouverner ensemble. La reconnaissance des groupes linguistiques au Parlement, la parité linguistique, la procédure de sonnette d'alarme et l'exigence de doubles majorités — une majorité au sein de chaque groupe linguistique — caractérisent la nature même de la Belgique qui émergera des réformes futures.

Ill.

Une fédération double et bipolaire

De crise en crise et de compromis en compromis l'État unitaire fut donc transformé. Pour ce faire il a fallu constamment chercher un modus vivendi entre deux visions très différentes de l'État belge et de ses principes de base. Il y avait un accord unanime pour dire que la «Belgique de papa» ne pouvait continuer de la sorte, mais il y avait (et il y a encore) une différence majeure

entre la facon dont les néerlandophones Belgique «post-unitaire».

et les francophones voyaient la

67

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

Du côté néerlandophone, on préfère un pays composé de deux commu nautés linguistiques, avec Bruxelles — en raison de sa position géographique au nord du tracé historique de la frontière linguistique — faisant partie intégrale de la communauté flamande. Les néerlandophones souhaitaient également, comme nous l'avons expliqué ci-dessus, une frontière linguistique «étanche» afin de protéger le néerlandais et le territoire néerlandophone de la francisation.

Du côté francophone, on préfère un pays composé de trois Régions, avec Bruxelles comme une Région — francophone -— à part entière. Par ailleurs, la vision francophone de l'emploi des langues était et est aussi fondée sur la défense de la liberté individuelle. À l'inverse, les néerlandophones privilégient le «droit du sol» — qui défendent donc une logique «québécoise» de l'emploi des langues. Il s’agit donc de deux visions différentes que l’on a dû marier, ce qui a débouché sur le compromis — invraisemblable — de faire de la Belgique un État fédéral dédoublé, avec des Régions et des Communautés. Cela à permis de trouver une solution pour Bruxelles, qui est devenue une Région (volonté francophone) mais une région qui fait partie de la communauté flamande qui y est protégée comme la minorité francophone l’est au niveau belge (volonté néerlandophone).

Il n’y a jamais eu d’accord «définitif» entre ces deux visions de la Belgique, pour la simple raison que celui-ci est impossible. Il y a eu une série de réformes qui ont réalisé largement les demandes de chacun, mais en laissant au frigo une série de revendications qui refont surface régulièrement. Il n’y a donc pas d’accord sur la nature même du système et sur sa finalité. La stabilité n’est garantie que quand les grands débats sur le fond sont évités ou mis en veilleuse. On a très bien vu en 2007 que quand on essaye de trancher sur des grands principes qui touchent aux limites territoriales et aux principes qui gèrent l'emploi des langues, le système se bloque. Les frontières de Bruxelles, les facilités linguistiques ou les limites des arrondissements électoraux dans l’ancienne province du Brabant sont sources de frustration et de demandes de changement, alors qu'un accord sur le fond n’est pas possible. Ne pas en parler et ne pas y toucher paraît alors être la meilleure solution, mais elle n'est pas nécessairement la plus élégante ni la plus efficace.

Soulignons enfin que le fédéralisme belge est un fédéralisme foncièrement bipolaire. En effet, ce sont les deux communautés francophone et néerlandophone qui, lorsqu'un problème survient, se font face à face. Cette situation est la logique réelle du cas belge. Cela veut dire - même si ça ne plaît pas beaucoup aux Bruxellois — que la logique communautaire et non pas la logique régionale prime dans le débat politique. Les partis politiques sont des partis communautaires. L'opinion publique, les médias, l’enseignement sont tous organisés sur une base communautaire. Mais pour mettre d'accord les

68

La dynamique fédérale en Belgique

deux grandes communautés grand compromis belge.

IV.

linguistiques on a créé trois Régions. C'est le

Un fédéralisme centrifuge

Le fédéralisme belge — hybride et inachevé -— est de toute évidence un SYStème centrifuge. Un État unitaire et centralisé a été transformé en un État

fédéral. À chaque phase de la réforme, un bon nombre de compétences a été transféré du niveau central aux Régions et aux Communautés. On a en effet employé, comme technique de conflict management, l'évacuation de la table centrale de toutes les matières sur lesquelles on ne trouve plus de compromis sur la politique que l’on doit mener. Les communautés se mettent alors d'accord pour dire qu'elles ne sont pas d'accord (agree to disagree) pour sortir ensuite du «centre» — c’est-à-dire du niveau fédéral — les politiques conflictuelles (Covell, 1993). Cette manière de procéder a généralement permis de calmer le jeu entre les communautés, à quelques exceptions près (comme la gestion de l’aéroport de Zaventem).

Même sans accord sur assez satisfaisante. En et aux Communautés exemple) fonctionnent

le fond, le système fédéral a pu fonctionner d’une façon général, les matières qui ont été données aux Régions (comme l’enseignement ou les transports publics, par très bien.

Un bon indicateur de la stabilité — toujours relative — du système est la longévité des gouvernements. L’instabilité gouvernementale des années 1960, 1970 et 1980 fut révolue au profit d'une période plus stable depuis 1991. La réforme de l’État semble donc avoir rendu le centre un peu plus stable. Sauf que récemment — un peu par accident et comme conséquence d’une réforme du système électoral — la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et donc les frontières linguistiques et les limites de Bruxelles sont ressorties du frigo. Dans cette fédération centrifuge, le centre se retrouve quasiment sans défense. . La scission des partis politiques a créé deux élites séparées, qui ne communiquent qu'avec leur propre communauté et qui en défendent les intérêts. Ainsi, personne n'est là pour défendre le centre, défendre son financement,

défendre son bon fonctionnement, pour se soucier de sa capacité de gérer les tensions entre les communautés.

La Belgique est composée de deux «périphéries» (Lipset et Rokkan, 1967), qui chacune perçoit le centre comme

étant dominé par l’autre: soit un pays

où finalement ce sont toujours les Flamands qui ont raison (l’État belgo-flamand), soit un pays où ce sont finalement toujours les francophones qui ont raison. Ce manque de confiance et la présence, depuis le début du suffrage universel, de résultats et de majorités électorales très différents dans les deux commu69

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

nautés rendent une politique commune (nationale, unitaire, fédérale) souvent très difficile. La solution de la scission et de la décentralisation s’est alors imposée.

V.

Un fédéralisme consociatif

La démocratie consociative est un système qui permet aux sociétés profon-

dément divisées de sauvegarder la stabilité démocratique du régime (Lijphart, 1977 ; Lijphart, 1981). La Belgique a toujours été un exemple typique de la démocratie consociative pour la façon dont elle a pacifié les clivages religieux et économiques. Cette logique consociative est également présente dans la «solution» du clivage linguistique (Deschouwer, 2002 ;Deschouwer, 2006b). Il y a deux éléments-clés dans une démocratie consociative : le partage du pouvoir (et non pas la concentration du pouvoir dans les mains du gagnant ou de la majorité) et l'autonomie des segments. Le partage du pouvoir signifie que les entités de la fédération doivent gouverner ensemble. On gouverne ensemble ou on ne gouverne pas.

La Constitution de 1970 à ancré cette obligation du consensus dans les institutions. Depuis 1970 le pouvoir doit être partagé et chaque réforme de l'Etat nécessite donc également un accord mutuel. Les deux communautés ont chacune un droit de veto dans les instances où elles gouvernent ensemble, c’està-dire au niveau fédéral et à Bruxelles. L’autonomie des segments est l'outil principal pour éviter les conflits. C’est une technique classique de la démocratie consociative : on ne cherche pas l'impossible compromis qui est nécessaire à cause du veto mutuel, mais on sort du centre les politiques pour lesquelles les composantes de la société — les entités fédérées — ont une vision différente. La logique centrifuge du système fait donc partie de sa logique consociative. Ce système de fédéralisme consociatif est, toutefois, très dépendant de la volonté des décideurs d'atteindre des compromis et d'éviter les vetos mutuels. Ceci est la faiblesse principale du système belge. L'absence d'accord doit avoir des conséquences qui sont négatives pour tous les partenaires. Si non,

le non-accord et le blocage temporaire du système peuvent être plus attractif que l'obligation de trouver des compromis (Jans, 2001). La démocratie consociative a donc ses avantages et ses inconvénients.

Les

inconvénients sont liés au partage quasi permanent du pouvoir. Tout d'abord, le droit de veto est un instrument frustrant. Il est surtout frustrant pour ceux qui veulent changer, puisque le non de l’autre condamne le système au statu quo. La démocratie consociative est également frustrante pour la commu nauté qui est la majorité, puisque cette majorité ne peut pas être employée

pour imposer sa volonté. C'est le cas pour les francophones à Bruxelles, 70

La dynamique fédérale en Belgique

les francophones dans les communes à facilités et les néerlandophones en Belgique. Chaque communauté tend à défendre le droit d’avoir raison au nom de la majorité démocratique là où elle est majoritaire, mais défend en même temps la logique de l'équilibre et du partage du pouvoir dans les situations où elle est minoritaire. Le partage du pouvoir a encore d’autres inconvénients. La nécessité d’un consensus élitaire rend impossible l'alternance totale au pouvoir (ce qui est à l’inverse un phénomène classique des démocraties dites majoritaires). Ainsi, la nécessité de gouverner ensemble dégrade l'importance des élections.

En Belgique il y a un élément qui vient encore aggraver cette dégradation de l'importance et de la signification des élections: l'absence de partis fédéraux (Deschouwer, 1997). Pour les matières restées fédérales, il n'y a pas de dialogue entre d’une part les élites qui gouvernent et d’autre part la population. Il v a plutôt deux dialogues différents, de chacune de ces deux élites avec «sa» population, sa communauté. Les élites politiques — pourtant contraintes à gouverner ensemble — ne communiquent donc pas avec l’ensemble de la population. La population belge ne peut sanctionner que la moitié des partis politiques et ses représentants. Jusqu'à présent, des tentatives pour réduire le déficit démocratique — par exemple, en élisant un certain nombre de députés fédéraux dans une circonscription fédérale et donc couvrant l’ensemble du territoire — n’ont pas encore été mises en œuvre (Deschouwer et Van Parijs,

2007). On voit donc une tendance à l’unilatéralisme, car par manque de discussion

avec l’autre, on pense toujours avoir raison de son côté. Il n’est donc pas nécessaire d'essayer de comprendre l'argumentation de l’autre communauté. Or, dans une démocratie, personne ne peut avoir raison d'une manière unilatérale; ainsi, la frustration s’en trouve encore grandie. Le compromis — nécessaire — en bout de course est alors plus difficile à réaliser et prend beaucoup plus de temps. Il est également plus difficile à accepter, car il faut le trouver sans perdre la face, ce qui ne favorise par la légitimité démocratique du système.

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de Bruxelles, 1997, pp. 77-83.

71

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

Deschouwer, K., «Failing apart together. The changing nature of Belgian consociationalism, 1961-2000», in Steiner, J. et Ertman, T. (dir.), Consociationalism and corporatism in Western Europe. Still the Politics of Accommodation ?, numéro spécial de Acta Politica, vol. 37,

2002, pp.68-85. Deschouwer, K., «Kingdom of Belgium », in Kincaïd, J. et Tarr, G. A. (dir.),

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%

Inleiding in de eigentijdsé Belgische politiek (1945-2005), Anvers, Standaard Uitgeverij, 2006a, pp. 395-424. Deschouwer, K., «And the peace goes on? Consociational democracy and Belgian politics in the 21° century », West European Politics, vol. 29,

n°5, 2006b, pp.895-911. Deschouwer, K. et Van Parijs, P., «Une circonscription fédérale pour tous les Belges», La revue nouvelle, n°4, 2007, pp. 12-24. Jans, T. M., «Leveled Domestic Politics. Comparing Institutional Reform and Ethnonational Conflicts in Canada and Belgium (1960-89)», Res Publica, vol. 43, n° 1, 2001, pp. 37-58. Lijphart, À., Democracy in Plural Societies: À Comparative Exploration, New Haven, Yale University Press, 1977.

Lijphart, A. (dir.), Conflict and Coexistence in Belgium. The Dynamics of a Culturally Divided Society, Berkeley, Institute of International Studies, University of California, 1981. Lipset, S. M. et Rokkan, S., «Cleavage Structures, Party Systems, and Voter Alignments: An Introduction», in Lipset, S. M. et Rokkan, S. (dir.), Party Systems and Voter Alignments: Cross-national Perspectives, New York, Free Press, 1967, pp. 1-64. McRae, K., Conflict and Compromise in Multilingual Societies: Belgium, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 1986. Murphy, À., «Belgium's Regional Divergence : Along the Road to Federation», in Smith, G. (dir), Federalism: The Multiethnic Challenge, Londres, Longman, 1995, pp. 73-100.

72

Chapitre 4 La dynamique fédérale au Canada Réjean Pelletier:

Le fédéralisme repose sur l’idée d’une souveraineté partagée entre deux ordres de gouvernement, chacun avant pleine autonomie dans ses champs de compétence. L'adoption de la formule fédérale et du partage des compétences qui lui est associé permet ainsi de reconnaître la diversité déjà présente sur le territoire qu’on veut fédérer. Si le fédéralisme reconnaît la diversité, il ne peut faire abstraction du besoin d'unité par le partage de règles communes à l’ensemble de la fédération telles qu'une constitution et des institutions politiques centrales. De ce fait, concilier l'unité de l’ensemble et la diversité des entités fédérées constitue un défi majeur que toute fédération est appelée constamment à relever. Comment assurer une réelle autonomie des entités constitutives de la fédération sans qu'il v ait subordination d’un ordre de gouvernement par rapport à l’autre ? Comment assurer une réelle coordination et une réelle participation des entités fédérées à la prise de décision au niveau central, surtout dans une fédération multinationale comme le Canada où se trouve la nation minoritaire québécoise ? Quelle est la place reconnue à cette nation minoritaire au sein

de la fédération? Telles sont les questions qui serviront de toile de fond à l'analyse de la dynamique fédérale au Canada.

Mais il importe, d'entrée de jeu, de préciser ce

caractère multinational du Canada qui ne fait pas l’unanimité au pays. Une

$

Professeur titulaire au Département de science politique de l'Université Laval.

73

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

minorité nationale, selon W. Kymlicka (2003: 9) se définit comme «une société historique qui a sa langue et ses institutions propres et dont le territoire a été incorporé (souvent de façon involontaire, comme dans le cas du Québec) à un pays plus grand». Au Canada, c'est le cas non seulement des Québécois, mais aussi de toutes les nations autochtones. Cependant, selon W. Kymlicka (2003: 209-235), la conception territoriale du fédéralisme, reposant sur l’idée de la division du pays en provinces égales qui ont des pouvoirs législatifs égaux, domine dans l'esprit des Canadiens anglophones. Par contre, la conception multinationale du fédéralisme s'impose davantage chez les Québécois, surtout francophones, ce qui implique la reconnaissance d'une «société distincte» et d’un «statut particulier» pour le Québec, sinon d’une pleine souveraineté politique. Ces deux visions s'affrontent depuis longtemps dans la fédération canadienne, l’une au nom de l'unité du pays et de l'égalité des provinces, l’autre au nom de la diversité et de l'égalité des nations ou des peuples fondateurs. Il importe donc d’avoir à l'esprit ces deux visions qui sont au cœur des débats les plus profonds qui agitent actuellement la fédération canadienne.

L'analyse de la dynamique fédérale au Canada se décline en trois temps. Dans un premier temps, la tension entre l’autonomie et la subordination servira de fil conducteur à l’étude des origines et de l’évolution du fédéralisme canadien de 1867 à nos jours. Par la suite, c'est au regard de la participation de la minorité nationale québécoise à la vie politique du pays et de sa quête d'une plus grande autonomie que seront analysées les relations entre les deux grandes communautés qui composent le Canada, à l'exclusion des peuples autochtones qui nécessiteraient de trop longs développements. Ce sera également l’occasion de confronter les deux conceptions du fédéralisme qui ont cours au Canada. Finalement, il importe de faire le point sur les caractéristiques actuelles de la dynamique fédérale pour voir si se manifestent des signes d'ouverture à l'égard du Québec.

I.

Origine et évolution

Compte tenu de la situation qui prévalait à l'époque, le Canada est le résultat d'un fédéralisme par assemblage d'’entités politiques préexistantes, contrairement à la fédération belge qui s’est constituée par dissociation d’un État unitaire. Les facteurs qui ont favorisé l'unification des colonies britanniques en Amérique du Nord sont communs à plusieurs fédérations par assemblage. À des motifs d'ordre économique et militaire s'ajoutent des raisons politiques, cet ensemble de facteurs étant fortement marqué par la présence américaine à nos côtés.

Les facteurs économiques ont pesé lourdement dans les débats entourant l'unification des colonies (Ajzenstat et al., 2004) Les constituants, en effet, 74

La dynamique fédérale au Canada

souhaitaient créer un marché économique intégré et plus vaste pouvant faire

davantage contrepoids au marché américain. Pour ce faire, il était nécessaire d’avoir un système bancaire commun, un système postal commun et une monnaie commune : ces compétences seront donc confiées aux autorités

fédérales. Pour réunir les différentes parties de ce nouveau pays, il était impérieux de développer le secteur des communications, surtout le réseau ferroviaire (qui sera de juridiction fédérale) permettant de relier l'Est à l'Ouest du Canada. Ces moyens de communication devaient assurer le développement des échanges et du commerce (secteur qui sera confié au fédéral) entre les différentes parties du pays et favoriser le peuplement du territoire (l'immigration sera une juridiction concurrente). L'édification d'un nouveau pays, croyait-on, permettrait également de régler des difficultés économiques d'ordre structurel telles que la fin du régime économique équilibré dont avaient bénéficié jusque-là la région des Maritimes ainsi que les difficultés économiques du Canada-Uñni résultant de la perte progressive des tarifs préférentiels avec la Grande-Bretagne, de la fin du Traité de réciprocité avec les Etats-Unis en 1866 et d'une dette publique importante reliée à des investissements massifs dans le secteur des communications.

Les raisons militaires ont joué également un rôle majeur dans la création du nouveau pays. À l’époque, la Grande-Bretagne souhaitait se dégager progressivement de sa responsabilité d'assurer la défense de ses colonies. Mais c'est avant tout la crainte du voisin américain qui a été largement exploitée par les constituants pour faire valoir leur projet politique. Cette crainte prend différents formes: elle résulte aussi bien de la menace des Féniens (soit des membres d’une organisation nationaliste irlandaise vivant aux Etats-Unis qui ont attaqué les colonies britanniques à différents endroits) que de la volonté expansionniste des Américains, non seulement vers le Sud (Texas, Nouveau-

Mexique) mais aussi vers l'Ouest peu habité, et de la fin de la Guerre de Sécession qui s’est terminée par la défaite du Sud appuyé par la GrandeBretagne.

Au total, la crainte de l'annexion aux États-Unis a été un puissant motif exploité par les acteurs politiques de l'époque, surtout au Bas-Canada francophone où on a utilisé abondamment le slogan «confédération ou annexion». Mais sans des facteurs politiques favorables, il n’y aurait probablement pas eu d’unification des colonies à l'époque. Il importe d’abord de souligner que, par suite de l'octroi de la responsabilité ministérielle en 1848, les colonies jouissaient d’une véritable autonomie

interne se traduisant par un moindre contrôle de la mère-patrie sur les finances publiques et sur la vie politique interne de ses colonies. Par ailleurs, on assiste aussi à une période d'instabilité politique chronique au Canada-Uni : de 1858 à 1864, six gouvernements vont se succéder en six ans

75

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

et on veut éviter qu'il y ait une troisième élection en trois ans en créant une grande coalition réunissant les conservateurs et les réformistes (libéraux) des deux sections du Canada-Uni, à l'exclusion des libéraux du Bas-Canada. Ce

qui réunit les membres de cette coalition, c’est la volonté de réaliser l'union des colonies. Si les États-Unis ont été présentés comme une menace, ils ont aussi servi d'exemple dans sa forme fédérative, mais d’un exemple de fédéralisme à modifier par une plus grande centralisation des pouvoirs (les constituants ont alors évoqué la Guerre de Sécession). Finalement, un facteur qu'il ne fat pas sous- estimer puisque les Canadiens de l’époque n'étaient nullement des révolutionnaires : la Grande-Bretagne ne s'est pas opposée à ce projet d’unification des colonies. Au contraire, elle y était plutôt favorable puisqu'elle voulait mettre fin à son régime protecteur, souhaitait que les colonies cessent d’être un fardeau financier et désirait fortement créer un contrepoids plus efficace face aux États-Unis. Si la GrandeBretagne s'était opposée à ce projet, il est peu probable que la population ait pris les armes pour le défendre. Tous ces facteurs militent donc en faveur de l'unification des colonies britanniques de l’époque. Mais pourquoi n’a-t-on pas opté alors pour un Etat unitaire plutôt que pour un système fédéral ? Deux grandes raisons peuvent expliquer ce choix. Tout d’abord — et c’est là la raison la plus fondamentale — les constituants se devaient de tenir compte de la diversité culturelle qui existait à l'époque par suite de la présence d’une forte majorité de francophones catholiques, déjà régis par leur propre droit civil d'inspiration française, qui sont concentrés au Bas-Canada ou au Québec d'aujourd'hui. Cette nation francophone est nettement différente de la majorité anglophone sur le plan linguistique, culturel et religieux et a résisté jusque-là à l'assimilation en dépit de ce qu’aurait souhaité Lord Durham en 1840. Mais il faut aussi tenir compte du régionalisme intense des colonies dans la région des Maritimes qui manifestent un profond attachement à leurs institutions politiques et sociales et qui craignent d’être absorbées par le CanadaUni. Tous ces facteurs, les uns jouant dans le sens de l’unification, les autres dans

le sens de la différenciation, indiquent clairement qu'il faut en arriver à un compromis. Le nouveau pays créé en 1867 va adopter la formule fédérale plutôt que de prendre la forme d’un État unitaire :on en arrivera également à un compromis entre des tendances fortement centralisatrices et des tendances décentralisatrices qui s’affrontaient chez les constituants pour le nouvel État fédéral (Ajzenstat et al., 2004). Mais c'est un compromis qui tendait davantage vers la centralisation que vers

la décentralisation: ce résultat ne repose pas tant sur le partage général des 76

La dynamique fédérale au Canada

compétences (qu'on pourrait considérer plutôt équilibré) que sur des compétences importantes de nature générale dont jouit le fédéral (pouvoirs résiduels, pouvoir déclaratoire, pouvoir de dépenser, etc.) et sur des instruments de contrôle sur les provinces (pouvoir de réserve et de désaveu, pouvoir de nomination des juges, des sénateurs, des lieutenants-gouverneurs, etc.). On comprend mieux pourquoi le constitutionnaliste britannique K. C. Wheare (1963) a utilisé le terme de quasi-fédéralisme pour caractériser la fédération canadienne. Qu'en est-il par la suite de l’évolution du fédéralisme canadien ? Garde-t-il

toujours les traces de ses origines ou s’en est-il complètement affranchi ? Pour répondre à cette question, nous allons diviser en deux parties les 141 ans d'évolution du fédéralisme canadien, soit de ses origines en 1867 jusqu'au rapatriement de 1982, puis du rapatriement jusqu'en 2008 (Pelletier, 2008).

La première grande période est caractérisée par le passage d’une volonté de subordination des provinces de la part des autorités centrales... à une domination sur les provinces. Au total, durant cette longue période, rien n’a vraiment changé. Il faut toutefois apporter certaines nuances pour mieux

saisir le sens de ce fédéralisme dominateur. En premier lieu, il importe de noter que certaines provinces ont manifesté leur opposition à cet esprit de subordination. Cette opposition est venue d’abord de l'Ontario au XIX° siècle, puis du Québec, surtout après la Deuxième Guerre mondiale. Par ailleurs, certains auteurs (Cody, 1977; Jackson et Jackson, 2006) ont parlé d’une oscillation constante entre des périodes de centralisation et des périodes de décentralisation. Cette thèse, qui s’est développée surtout en milieu anglophone, est contestable puisqu'il n'y à jamais eu de décentralisation, c’est-à-dire de transfert de compétences du fédéral vers les provinces, alors que l'inverse est vrai (assurance-emploi, pensions de vieillesse et prestations additionnelles). On assiste, par contre, à des moments d’arrêt, de

pause dans cet exercice d’un pouvoir central fort. Ces temps d'arrêt peuvent se manifester lors d'élection de gouvernements fédéraux plus favorables à l'autonomie des provinces. En réalité, ces cas sont peu nombreux (Wilfrid Laurier de 1896 à 1911 et Mackenzie King à ses débuts dans les années 1920). De telles pauses sont survenues également lorsque les provinces ont occupé davantage leurs propres champs de compétence: ce fut le cas dans les années 1920 avec le développement et l'exploitation des ressources naturelles de compétence provinciale et durant les années 1960 avec la mise sur pied de l’État-providence dont les principaux volets relèvent de la compétence des provinces. Toutefois, on ne peut oublier que le principal initiateur de l'État-providence sera le gouvernement fédéral qui va utiliser son pouvoir de dépenser pour

77

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

intervenir dans des champs qui relèvent exclusivement de la compétence provinciale tels que la santé, l’aide sociale ou l'éducation. Bien plus, les deux grandes guerres mondiales du XX° siècle sont considérées comme des périodes de très forte centralisation des pouvoirs entre les mains des autorités fédérales qui peuvent mobiliser toutes les ressources financières et humaines nécessaires pour atteindre leurs objectifs.

Finalement, cette longue période d'évolution du fédéralisme canadien se termine par la volonté des leaders fédéraux de créer une véritable identité natio-

nale aussi bien avec le conservateur John Diefenbaker élu en 1957 qu'avec le libéral Pierre Elliott Trudeau élu en 1968. Le premier se fera l’apôtre d'un One Canada, One Nation, le second le défenseur de l’unité canadienne par sa farouche opposition au nationalisme québécois. Pierre Elliott Trudeau sera également l'architecte d’une identité canadienne fondée sur les valeurs communes d'égalité des individus détenteurs des mêmes droits inscrits dans la Charte des droits et libertés, et d'égalité des provinces en vertu de la formule d'’amendement à la constitution, toutes deux incorporées au rapatriement de 1982. Il va ainsi contribuer à forger une identité canadienne et à créer un véritable nationalisme canadien axé sur l'identification à l'État central et à des valeurs communes par opposition au nationalisme québécois, ce qui va soulever des problèmes importants au Québec (McRoberts, 1999).

La seconde période, qui s'étend de l'élection du gouvernement conservateur de Brian Mulroney en 1984 jusqu'à ce jour, se caractérise globalement par une volonté de reprise en main de la part des autorités fédérales après l’intermède des conservateurs qui avaient voulu «rapatrier» le Québec dans la confédération canadienne : le Québec, en effet, était et est toujours la seule province, quel que soit le gouvernement au pouvoir, à n'avoir pas donné son adhésion au rapatriement de 1982. Les tentatives de Brian Mulronev de satisfaire aux demandes du Québec se sont soldées par deux échecs retentissants (Accords de Meech en 1987-1990 et de Charlottetown en 1992) qui ont mis fin depuis lors à toute volonté de renouvellement du fédéralisme canadien par des moyens d'ordre constitutionnel (Russell, 1993).

Le libéral Jean Chrétien accède au pouvoir en 1993 avec la promesse de ne pas toucher à la constitution (promesse qu'il a tenue) et reprend totalement l'initiative à la suite du deuxième échec référendaire au Québec en 1995. Renvoi devant la Cour suprême, loi fédérale sur la clarté, entente-cadre sur

l'union sociale, programme des commandites (qui donnera lieu à un scandale éclatant), bourses du millénaire et autres formes d'intervention, tout témoigne d’une reprise en main par le gouvernement fédéral d’un leadership qu'il semblait avoir momentanément perdu sous les conservateurs considérés trop accommodants envers les provinces. En somme,

la même volonté de domi-

nation des provinces se poursuit par delà l’intermède de Brian Mulroney: il appartient au gouvernement central — qui en a les moyens financiers — de fixer les grandes orientations politiques et d'élaborer les principaux program78

La dynamique fédérale au Canada

mes d'action en utilisant son pouvoir de dépenser, quitte à laisser aux provinces les modalités d'application de ces programmes.

Depuis 1867, on assiste ainsi à une évolution paradoxale des positions idéologiques des partis politiques. Au cours du XIX° siècle, le Parti conservateur au pouvoir s'est montré nettement plus centralisateur par sa volonté de construire un pays sous le leadership du gouvernement fédéral, alors que le Parti libéral s'est voulu plus respectueux de l'autonomie des provinces. Le XX: siècle a été celui du Parti libéral qui est demeuré au pouvoir durant 70 ans. Au cours de cette période, ce parti est devenu progressivement plus centralisateur, surtout à partir de 1930, alors que le Parti conservateur s’est

montré plus respectueux de l'autonomie des provinces depuis cinquante ans, soit depuis le choix de Robert Stanfield comme chef du parti en 1967.

Il.

Relations entre les deux grandes communautés

On a déjà qualifié les relations entre les deux grandes communautés qui forment la fédération canadienne par un terme qui résume bien leur position, celui des «deux solitudes » (MacLennan, 1957). À l’époque, cette notion s’appliquait, d’un côté, à la communauté anglophone, y compris celle qui vivait au Québec, et, de l’autre, à la communauté francophone, y compris celles qui vivaient à l'extérieur du Québec. Depuis lors, cette notion s'applique plutôt à la situation qui prévaut actuellement au Canada, soit celle de deux commurnautés qui vivent au sein de la même fédération, l’une étant concentrée et majoritaire sur le territoire québécois, l’autre étant concentrée et majoritaire dans le reste du Canada à l'extérieur du Québec. Ces deux communautés se connaissent finalement assez peu et s’ignorent pratiquement dans la vie

quotidienne. De ce fait, elles répondent bien à la notion de deux solitudes qui vivent côte à côte, sans partager la même langue, la même culture, le même mode de vie, mais qui partagent le même pays sans trop se parler. Peu de dialogues entre les deux communautés, mais beaucoup de monologues intérieurs fondés sur sa propre histoire, ses mythes, ses héros, son propre nationalisme. Il convient tout d’abord de dégager les caractéristiques de base de ces deux communautés afin d’en tracer un portrait global (Pelletier, 2008). Ces deux communautés se distinguent par la langue, la culture, le droit civil, leur mode de vie (plus latin au Québec), et par plusieurs institutions sociales et communautaires, entre autres par la présence d'institutions propres au Québec, certaines étant toutefois le pendant des mêmes institutions

canadiennes. Le fait français au Canada repose avant tout sur le Québec, la seule province où vit une majorité de francophones. En effet, 80% de la population du

79

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

Québec est de langue maternelle française (plus exactement 81,4% en 2001 et 79,6% en 2006, soit sous la barre des 80%, ce qui n’a pas été observé depuis 1931). En outre, selon le critère de la langue d'usage à la maison, 90% des francophones du Canada vivent au Québec, ce qui est le cas aussi bien en 2001 qu’en 2006 (années de recensement). À l'inverse, en utilisant le même critère de la langue d'usage, 96% des anglophones du Canada vivent à l'extérieur du Québec durant la même période. Une tendance se dessine donc très nettement: la concentration des deux groupes linguistiques dans deux espaces différents, ce que traduit bien la notion de deux solitudes. A l’extérieur de ces deux espaces vivent des minorités francophones hors Québec dont le poids démographique et politique varie selon les provinces, et une minorité anglophone au Québec qui possède une gamme complète d'institutions de langue anglaise en matière de santé, d'éducation et d'économie.

On assiste également à un phénomène de minorisation — qui va en s’accentuant — des francophones hors Québec. Seulement 4,1% des Canadiens hors Québec sont de langue maternelle française en 2006 et seulement 2,5% utilisent le français à la maison. Pour le dire autrement, à l'exception du Nouveau-Brunswick où vit une forte minorité acadienne, pour trois person-

nes de langue maternelle française, une seule parle le plus souvent le français à la maison. Ce phénomène de minorisation est relié non seulement à l’assimilation des francophones, mais aussi à l’immigration internationale puisque les immigrants hors Québec adoptent l'anglais comme langue de communication, sinon comme langue d'usage à la maison. On remarque

finalement un déclin constant du poids démographique

du

Québec dans l’ensemble canadien qui passe de 29% en 1941 à 24,1% en

2001 et 23,9% en 2006. Ce qui se traduit également par un déclin du poids économique du Québec et, surtout, de son poids politique au Canada : depuis 15 ans, il n’est plus nécessaire d'obtenir une majorité de sièges au Québec pour former le gouvernement — et même pour former un gouvernement majoritaire — à Ottawa.

Par delà ce portrait global plutôt sombre, je voudrais aborder les relations entre les deux grandes communautés sous trois angles différents, mais com-

plémentaires, soit les politiques linguistiques adoptées par les gouvernements fédéral et québécois, les relations intergouvernementales en regard de la situation particulière du Québec, et les partis politiques canadiens et québécois comme moyens d'intégration des deux communautés.

A.

Les politiques linguistiques

J. Laponce écrivait récemment: «Les langues et les communautés linguistiques les mieux à même de gérer l'effet Babel [soit le passage de l’unilinguisme au plurilinguisme] sont celles dont un gouvernement sera le champion» (2006 : 20). Qu'ont fait les gouvernements fédéraux et québécois à cet égard ? 80

La dynamique fédérale au Canada

Pour répondre à cette question, il importe de bien marquer les différences entre les deux gouvernements.

Au niveau fédéral, pour ce qui relève de la compétence de l'État central, comme les institutions politiques fédérales, l'administration fédérale, les sociétés d'Etat, les tribunaux, etc., c’est un principe d’individualité qui régit la politique linguistique. Il s’agit donc d'offrir, dans les organismes fédéraux, des services aux individus dans la langue officielle de leur choix (anglais ou français) où qu'ils soient sur le territoire canadien (si la demande est suffisante); ce droit de l'individu de recevoir des services dans la langue de son choix est transportable sur le territoire canadien s’il déménage. Cette politique de bilinguisme individuel repose sur le principe suivant: les francophones comme individus et non comme collectivité doivent se sentir chez eux partout au Canada en pouvant obtenir des services dans leur langue. Cette langue de service est toutefois l’objet du plus grand nombre de plaintes reçues année après année par le Commissaire aux langues officielles. Cette politique fédérale visait également à instaurer le français et l’anglais comme langues de travail dans l’administration centrale, surtout à Ottawa, ce qui a été plus difficile à réaliser jusqu’à ce jour. Au niveau provincial, la situation peut se résumer comme suit: e à l'exception du Nouveau-Brunswick (seule province canadienne officiellement bilingue selon la constitution), les autres provinces ont élaboré, selon des modalités très variables d’une province à l’autre, des politiques de service et d'éducation pour les francophones ; e

au Québec, depuis la loi 22 et, surtout, depuis la loi 101 appelée aussi

la Charte de la langue française, c’est un principe de territorialité qui prévaut : il s’agit de franciser tout un territoire. C’est ainsi que le français a été reconnu comme seule langue officielle du Québec, sans mettre fin aux droits des anglophones qui sont encore reconnus aussi bien en éducation, par des écoles de langue anglaise qui vont de là maternelle à l’université, qu’en santé et en aide sociale, par des institutions de langue anglaise dont des hôpitaux. Par contre, des restrictions sont imposées à l'usage de l'anglais dans l'affichage public, la langue de travail, le secteur du commerce et des affaires ou pour l'éducation des enfants des immigrants. Le préambule de la loi 101 traduit bien l'esprit général de cette loi: «langue distinctive d’un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d'exprimer son identité. L'Assemblée

nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la

qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle de travail, de l’enseignement, des communications,

du commerce et des affaires».

81

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

Au total, sur le plan linguistique, les deux communautés sont plus séparées que jamais. D'un côté, la politique linguistique fédérale n’a aucunement enravé le déclin de la francophonie canadienne, tout en créant un faux sentiment de sécurité. De l’autre, la législation québécoise a réussi jusqu'à maintenant à préserver les acquis en cherchant à franciser le territoire du Québec malgré les attaques dont elle a été et est encore l’objet (Pelletier, 2008).

B.

Les relations intergouvernementales

Comme foyer principal de la communauté francophone du Canada et foyer unique de la nation québécoise, le Québec a dû assurer lui-même la défense de ses intérêts non pas tant dans ses relations avec les autres provinces (encore que chaque gouvernement provincial entend défendre les intérêts de sa province) que dans ses relations avec les autorités centrales considérées comme un gouvernement à majorité anglophone qui cherche à satisfaire l'ensemble

de la fédération. Pour mieux défendre ses positions comme seul gouvernement à majorité francophone au pays, le gouvernement québécois a parfois senti le besoin de forger des fronts communs avec les autres provinces afin d’infléchir, si possible, les positions du gouvernement fédéral, sinon de s’y opposer totalement. L'expérience montre cependant que les fronts communs avec les autres provinces se sont effrités au dernier moment, les provinces à majorité

anglophone adoptant finalement la position du fédéral et läissant le Québec seul dans son refus. Tel fut le cas en 1980-1981 lors des négociations entourant le rapatriement de la constitution canadienne si bien que le Québec est la seule province qui n’a pas donné son consentement au rapatriement de 1982 assorti d’une Charte des droits et d’une formule d’amendement. Jusqu'à ce jour, aucun gouvernement québécois, qu'il soit d’allégeance péquiste ou libérale, n’a adhéré à ce rapatriement qui constitue pourtant la plus importante modification à la constitution depuis 1867 et qui est en vigueur dans toutes les provinces, y compris au Québec. Tel fut le cas également en 1998-1999 lors des négociations entourant l’entente-cadre sur l’union sociale élaborée par le fédéral dans un domaine de compétence provinciale. Le Québec est la seule province à ne pas avoir signé cette entente-cadre en invoquant le respect de ses compétences. Il ne fut toutefois pas pénalisé sur le plan financier par son refus de signer (Pelletier, 2008).

Jusqu'en 1982, le refus du Québec était habituellement suffisant pour empêcher certaines modifications constitutionnelles. On peut donner comme exemple le rejet de la formule Fulton-Favreau d'amendement à la constitution en 1964 où son opposition officielle à la Charte de Victoria en 1971 (prélude au rapatriement de 1982). Dans les deux cas, le gouvernement fédéral a retraité et refusé de procéder par suite du refus du Québec.

82

La dynamique fédérale au Canada

Par ailleurs, le gouvernement du Québec comme seul gouvernement à majo-

rité francophone a souvent adopté des positions que les autres provinces ne voulaient pas ou ne sentaient pas le besoin d'appuyer. On peut citer le coup de force du premier ministre Maurice Duplessis lors de la création d’un impôt provincial sur le revenu des particuliers en 1954. Il en est de même, en 1964-1965, du transfert de points d'impôt du fédéral vers le Québec qui souhaitait être entièrement responsable d’un certain nombre de programmes à frais partagés avec le fédéral dans des domaines relevant de la compétence provinciale. Les autres provinces n’ont pas voulu à cette époque suivre la voie tracée par le Québec, alors qu'elles pouvaient le faire si elles le souhaitaient.

Les ententes administratives signées entre le Québec et le fédéral en matière d'immigration (pouvoir concurrent où les deux ordres de gouvernement peur vent intervenir, mais avec prépondérance de la loi fédérale) témoignent également d'une situation asymétrique entre le Québec et les autres provinces. Ces ententes permettent au Québec de fixer ses critères de sélection des immigrants — dont celui de la langue— et ses modalités d'accueil des immigrants sur son territoire.

Bref, on peut dégager quelques constantes dans les relations du Québec avec les autres gouvernements (fédéral ou provinciaux) à majorité anglophone au Canada: e les relations entre le Québec et le fédéral ne sont pas toujours conflictuelles. De nombreuses ententes ont été signées entre les deux à la satisfaction des parties impliquées (souvent à la suite de compromis); e l'expérience des fronts communs du Québec et des autres provinces face au fédéral s’est soldée par des échecs pour le Québec qui s’est finalement retrouvé seul, les autres provinces ralliant le camp fédéral;

e

e

e

le Québec a réussi à négocier des ententes administratives particulières que les autres provinces n’ont pas négociées ou ne souhaitaient pas négocier. Il en est résulté une forme d’asymétrie administrative, non constitutionnalisée ; la constitution canadienne ne reconnaît pas d’une façon particulière la nation québécoise, ni en 1867, ni en 1982. On cite souvent le droit civil comme mesure de reconnaissance du Québec. Au contraire, la compétence sur le droit civil est strictement la même pour toutes les provinces, les modalités d'application étant différentes entre le Québec et les autres provinces. Par ailleurs, la constitution de 1867 impose des obligations supplémentaires au Québec pour protéger sa minorité anglophone, ce qui n’est habituellement pas le cas des autres provinces pour protéger leur minorité francophone; le Québec doit compter sur ses propres moyens ou mettre sur pied ses propres programmes sans attendre le fédéral pour assurer la protection et la promotion de sa communauté francophone. Ce qui inclut également ses actions en paradiplomatie (voyez les contributions de N. Michaud et S. Paquin dans cet ouvrage). 83

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

C.

Les partis politiques

On peut aussi vouloir accommoder les deux grandes communautés politiques du pays en les intégrant dans une même formation politique pour en faire un parti vraiment national (au sens canadien du terme). Cette formule d'un parti national a été élaborée au XIX° siècle durant la période du Canada-Uni. George-Étienne Cartier en fut l’ardent défenseur. Il estimait, en effet, qu'un parti politique devait réunir les anglophones et les francophones sous un même toit de façon à former un parti vraiment national, c’est-à-dire présent dans toutes les régions du Canaga. Une telle collaboration entre anglophones et francophones devait permettre d'éviter des affrontements trop profonds entre les deux communautés. On a ensuite étendu cette politique d’accommodement et de représentation aux clivages religieux, régionaux, ethniques qui caractérisent le Canada. Il fallait les intégrer dans les partis nationaux plutôt que de laisser à chacun d’entre eux le soin de représenter l’un de ces clivages, ce qui aurait conduit, dans le cas de la communauté francophone, à une situation toujours minoritaire au niveau fédéral.

Au cours du XIX° siècle, cette formule a bien réussi au Parti conservateur qui s'est maintenu au pouvoir presque continuellement après la confédération jusqu'au tournant du siècle. Par la suite, c'est le Parti libéral qui a le mieux intégré les deux communautés dans un même parti en choisissant le premier chef francophone du Québec à sa tête (Wilfrid Laurier) et en pratiquant ensuite une règle non écrite d’alternance entre un chef anglophone et un chef francophone, ce qu'il a fait jusqu’à ce jour (le cas récent de Paul Martin étant toutefois plus difficile à classer). Ce qui a valu également au Parti libéral un appui constant du Québec, sauf en de rares occasions, comme en 1984 et 1988 à la suite de l'élection d’un Québécois à la tête du Parti conservateur. Cet appui constant a permis aux libéraux de demeurer au pouvoir durant 70 ans au cours du XX° siècle.

À partir des années 1960 surtout, les partis politiques ont été appelés à définir davantage un véritable agenda national, à mobiliser l’ensemble des Canadiens autour de leurs politiques, à présenter un message cohérent à l’ensemble de l'électorat du pays, à élaborer des programmes vraiment nationaux. Ce faisant, ils devaient contribuer à façonner une véritable identité canadienne et à créer une nation canadienne. Ce pancanadianisme des partis va s’effriter en 1993 au moment où émergent deux nouveaux partis, aux appuis concentrés dans deux régions — le Bloc québécois (BQ) au Québec et le Parti réformiste dans l'Ouest — sans véritables agendas nationaux. Depuis 1993 jusqu’à la formation d’un nouveau Parti conservateur en 2004, on assiste à la régionalisation de la politique canadienne. Durant cette période et jusqu’à l'élection de 2008, la communauté francophone du Québec appuie davantage le BQ que les autres partis «nationaux» : le Bloc se présente d’ailleurs comme le seul vrai défenseur des intérêts du Québec au Parlement fédéral (Pelletier, 2005). Dans

84

La dynamique fédérale au Canada

l’avenir, il est probable que le BQ sera soumis à une concurrence plus vive au

Québec de la part des libéraux avec leur nouveau chef, Michael Ignatieff, et des conservateurs, s'ils atténuent certaines de leurs positions. Sur la scène provinciale, les partis politiques étaient traditionnellement de simples succursales du parti fédéral du même nom, partageant avec lui la même

organisation

et les mêmes

orientations

(avec quelques ajustements

pour la province). Au Québec, par contre, on mettra fin à cette situation, au cours du XX° siècle, avec la fondation de l'Union nationale en 1936, parti de tendance conservatrice qui va couper ses liens avec le Parti conservateur fédéral. De même,

durant les années

1950, le Parti libéral du Québec va

créer une organisation différente de celle du parti frère fédéral et se donner un programme différent. Cette affirmation de partis strictement provinciaux se manifeste avec plus de vigueur lors de la création du Bloc populaire en 1942, du Rassemblement pour l'indépendance nationale en 1963 et, surtout, du Parti québécois (PQ) en 1968 qui prône la souveraineté du Québec. Au total, une constante s'impose depuis trois quarts de siècle sur la scène provinciale :pour défendre les intérêts de la communauté québécoise à majorité francophone, il importe de mettre sur pied des partis politiques totalement autonomes, qui ne relèvent pas de partis fédéraux, qui sont capables de présenter des programmes d’action qui leur sont propres et, surtout, qui sont capables, lorsque c’est nécessaire, de s'opposer au gouvernement fédéral à majorité anglophone, même si (et certains diront surtout si) il est dirigé par un premier ministre francophone. L'indépendance des partis politiques qui œuvrent sur la scène provinciale québécoise apparaît ainsi comme un prérequis essentiel pour assurer l’autonomie de l’État québécois et la défense des intérêts de la communauté politique relevant de cet Etat.

Ill.

La dynamique fédérale actuelle

Les relations entre les deux grandes communautés qui composent la fédération canadienne portent toujours la marque de deux solitudes habituées à vivre côte à côte sans partager un amour profond, mais sans vouloir néces-

sairement la séparation. Il est vrai que le mouvement souverainiste semble manquer de souffle actuellement et représente une moindre menace depuis quelques années. Les sondages montrent, en effet, que la popularité de cette option stagne autour de 40% d’appuis, sinon moins à certains moments, parmi la population québécoise. Ce qui se traduit également dans le système de partis aussi bien au niveau central que sur la scène provinciale.

Durement frappés par le scandale des commandites, les libéraux fédéraux ont formé un gouvernement minoritaire en 2004 et sont remplacés par un autre gouvernement minoritaire en 2006, mais dirigé cette fois par le Parti

85

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

conservateur. Le «nouveau» Parti conservateur, résultant de la fusion consacrée en 2004 du Parti progressiste-conservateur et de l'Alliance canadienne, obtient des sièges dans les différentes provinces du Canada en 2006 et redevient ainsi un véritable parti national faisant suite au clivage régional profond qui caractérisait les deux partis de droite durant la décennie précédente. Le fédéralisme d'ouverture prôné par Stephen Harper le sert bien au Québec où il obtient dix sièges. En 2008, le gouvernement conservateur est réélu, mais toujours minoritaire, sans faire de gains au Québec alors qu'il comptait sur son fédéralisme d'ouverture pour y augmenter ses appuis. Malgré cette nouvelle donne politique, le BQ réus sit encore à obtenir la majorité absolue des sièges au Québec (51 sur 75 en 2006 et 49 sur 75 en 2008). Cependant, on se questionne de plus en plus sur le rôle de ce parti à Ottawa puisque la souveraineté du Québec, rejetée par la population lors de deux référendums (1980 et 1995), semble plus lointaine que jamais. D'une part, le PQ a été relégué au rang de deuxième parti d'opposition à l'élection provinciale de 2007 qui a conduit à la formation d’un gouvernement minoritaire pour la première fois depuis 1878. Il a cependant retrouvé son rang d'opposition officielle depuis l'élection du 8 décembre 2008 où il a obtenu 51 sièges sur 125, le Parti libéral formant à nouveau le gouvernement avec 66 sièges, ce qui lui assure une majorité. D'autre part, le PQ a modifié son programme de telle façon que la tenue d’un référendum sur la souveraineté-association où partenariat ne soit plus obligatoire au cours d’un premier mandat s’il est reporté au pouvoir. Dans un tel contexte, le BQ, sans renier pour autant ses

convictions souverainistes, doit se présenter de plus en plus comme le seul vrai défenseur des intérêts du Québec à Ottawa. De fait, il est le seul parti fédéral à n'être pas obligé de faire des compromis qui pourraient être défavorables au Québec en tenant compte de positions souvent divergentes dans les autres provinces canadiennes. Mais il est confronté actuellement à une concurrence plus vive des libéraux et des conservateurs.

Le fédéralisme d'ouverture préconisé par les conservateurs au pouvoir tranche davantage par son «esprit» d'ouverture que par ses propositions concrètes.

Les libéraux fédéraux nous avaient habitués à une politique de confrontation avec les provinces reposant sur l’idée d’un gouvernement fédéral supérieur et de gouvernements provinciaux qui doivent se résoudre à accepter ce que propose le fédéral. Cette collaboration forcée sous le signe de rapports hiérarchiques plutôt qu'égalitaires conduit le plus souvent à la confrontation entre les autorités centrales et les gouvernements provinciaux. Mais c’est une confrontation qui se traduit finalement par l'acceptation des offres fédérales, soit par un urgent besoin de ressources financières supplémentaires fournies par les transferts fédéraux, soit par lassitude devant un gouvernement qui finit par s'imposer en maniant la carotte ou le bâton, ce qui peut alors laisser croire à

une certaine collaboration entre les deux ordres de gouvernement.

86

La dynamique fédérale au Canada

Dans un tel contexte de confrontation et de rapports hiérarchiques, l’idée d'une «ouverture» du gouvernement central à l'endroit des provinces ne pourvait apparaître que comme

un vent de fraîcheur par rapport à la décennie

précédente marquée par des relations plus tendues entre le fédéral et les provinces. Pour le Québec plus particulièrement, cette ouverture indiquait une voie nouvelle totalement différente de celle adoptée par le gouvernement libéral précédent qui avait posé une série de gestes témoignant d’une volonté de «reprendre en main» les relations fédérales-provinciales et surtout celles avec le Québec, comme je l’ai souligné antérieurement. Cette ouverture des conservateurs fédéraux reposait sur un ensemble d’engagements suffisamment larges et vagues pour permettre différentes interprétations : entretenir de meilleures relations avec les provinces, respecter les

compétences provinciales et encadrer le pouvoir fédéral de dépenser, régler le déséquilibre fiscal, entre autres en augmentant les transferts fédéraux, accorder une place au Québec au sein de l'UNESCO (Montpetit, 2007). Par delà ces engagements plus «concrets», c’est plutôt l'esprit d'ouverture et de collaboration avec les provinces qui a retenu l'attention des médias et de la population. Cet esprit d'ouverture devait toutefois caractériser les relations avec l’ensemble des provinces et non pas avec le seul Québec, si ce n'est d’une place particulière pour ce dernier au sein d'organisations internationales à vocation culturelle. Au total, les résultats les plus évidents de ce nouveau fédéralisme se sont traduits, d’une part par des transferts fédéraux accrus en matière de santé, d'aide sociale et d'éducation post-secondaire (ce que les gouvernements libéraux précédents avaient déjà commencé à faire) et, d'autre part, par une modification à la formule de péréquation et une augmentation des montants alloués à ce titre :toutes les provinces ont donc pu bénéficier de cette ouverture. Cependant, le Québec ne considère pas que le déséquilibre fiscal entre les provinces et le gouvernement central soit réglé pour autant. Pour le reste, le Québec n’a pas beaucoup recueilli les dividendes de ce fédéralisme d'ouverture, si ce n’est d’un strapontin pour le Québec au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO), laquelle ne peut parler que d’une seule voix définie par les autorités fédérales sans nécessairement suivre celle du Québec. Il en est de même de la reconnaissance purement symbolique de la nation québécoise par une motion du Parlement canadien qui n’entraîne aucun effet juridique contraignant. Finalement, l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser ris-

que de piéger le Québec pour l'avenir par une reconnaissance officielle de ce pouvoir et ne devrait concerner que les nouveaux programmes créés par

le fédéral, non pas ceux actuellement en vigueur qui sont les plus importants (santé, aide sociale, éducation postsecondaire).

Fédéralisme d'ouverture ou fédéralisme bloqué ? A l’heure actuelle, on ne perçoit aucune ouverture d'ordre constitutionnel: c'est une voie complètement bloquée. Par contre, on assiste à un certain déblocage sur le plan politique, 87

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

mais la porte n’est plutôt qu’entrebäillée et le gouvernement conservateur n'a certainement pas encore toutes les clés de la maison québécoise.

Bibliographie Ajzenstat, J., Romnev, P., Gentles, I. et Gairdner, W. D. (dir.), Débats sur la fondation du Canada, édition française préparée par S. Kelly et G. Laforest, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2004. Cody, H., «The Evolution of Federal-Provincial Relations in Canada», American Review of Canadian Studies, vol. 7, n°1, 1977, pp. 55-83. Jackson, R. J. et Jackson, D., Politics in Canada: Culture, Institutions, Behaviour and Public Policy, Toronto, Pearson Prentice Hall, 2006, 6° éd. Kymlicka, W., La voie canadienne. Repenser le multiculturalisme, Montréal, Boréal, 2003. Laponce, J., Loi de Babel et autres régularités des rapports entre langue et politique, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2006. MacLennan, H., Two Solitudes, Toronto, Macmillan, [1945] 1957. McRoberts, K., Un pays à refaire. L’échec des politiques constitutionnelles canadiennes, Montréal, Boréal, 1999. Montpetit, É., Le fédéralisme d'ouverture. La recherche d’une légitimité canadienne au Québec, Québec, Septentrion, 2007. Pelletier, R., «Les partis politiques fédéraux», in Pelletier, R. et Tremblay, M. (dir.), Le parlementarisme canadien, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 3° éd., pp. 151-196. Pelletier, R., Le Québec et le fédéralisme canadien. Un regard critique, Québec. Les Presses de l'Université Laval, 2008. Russell, P. H., Constitutional Odyssey. Can Canadians Become a Sovereign People ?, Toronto, University of Toronto Press, 1993, 2°6d. Wheare, K. C., Federal Government, Londres, Oxford University Press, 1963, 4° éd.

88

Dialogue comparatif La dynamique fédérale en Belgique et au Canada Geoffroy Matagne*

L'étude, mais aussi la pratique, du fédéralisme a connu un regain d'intérêt au cours des dernières décennies. Les développements internationaux et géopolitiques ont notamment permis l’essor de revendications subétatiques qui n'avaient pas accès jusque-là au débat public, qui étaient inaudibles, réprimées où proprement impensables selon les cas!. Le fédéralisme peut alors apparaître comme un mode d'organisation de l’État capable de s'adapter à des entités multinationales, multiethniques, multiculturelles ou caractérisées par l'existence d’une ou de plusieurs minorités dont l'existence est devenu politiquement signifiante?. Par ailleurs, le développement d’arrangements institutionnels de nature supra-étatique — ou qui en partagent certains traits —

impose de repenser les frontières du concept. Les débats sur le fédéralisme et la question des dynamiques fédérales débordent donc souvent la question de l’organisation de l'État (Gaudreault-Desbiens et Gélinas, 2005).

Politologue et maître de conférences à l'Université de Liège. 1 On citera notamment les anciennes colonies, dans les années 1960 et 1970 et les États issus de l’ex-URSS (ou jusque-là «satellites» d’un des deux «blocs») dans les années 1990. 2 Le fédéralisme n'est pas toujours une réponse à une diversité culturelle. Le fédéralisme

américain, pionnier historique des expériences fédératives modernes, constitue un exemple de fédéralisme ne répondant pas à de telles dynamiques multiculturelles (Sutton, 2002; Vergniolle de Chantal, 2005).

89

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

Ce bref rappel permet de comprendre pourquoi de nombreux auteurs francophones commencent où concluent leurs exposés sur le fédéralisme par un avertissement : le fédéralisme est un phénomène complexe et diversifié (par exemple, Delpérée, 2000: 124). C'est exact*. Si les phénomènes fédéraux partagent certains points communs,

certaines caractéristiques fondamenta-

les, si tout fédéralisme est marqué par un équilibre entre autonomie et participation (et solidarité) et répond notamment à une volonté de bénéficier des avantages de l’unité et de la diversité, les formes des réalités fédérales n'en sont pas moins multiples (Elazar, 1987 ; Delmartino et Deschouwer in Alen et al., 1994). Dans les faits, les éduilibres entre lés grands principes de participation et d'autonomie sont extrêmement variables d’une Fédération à l’autre. Les nombreux qualificatifs apposés au concept de fédéralisme sont des indicateurs, parmi d’autres, de cette diversité: fédéralisme dual ou coopératif, fédéralisme symétrique ou asymétrique, fédéralisme centrifuge ou centripète, fédéralisme par agrégation ou par désagrégation, fédéralisme concurrentiel ou solidaire, fédéralisme de pacification ou fédéralisme de confrontation, fédéralisme d'union ou de désunion, quasi-fédéralisme, etc. La création et l’évolution des structures fédérales sont liées au contexte sociopolitique général des systèmes politiques concernés. Les phénomènes fédéraux sont animés par des dynamiques «propres». Ceci est largement exact et il ne faudrait pas escamoter ou déformer des réalités singulières sous des catégories abstraites inadéquates. Néanmoins, le recours à l'argument sui generis ou idiosyncratique ne doit pas servir à limiter une ambition fondatrice des sciences sociales :dépasser l'étude du particulier, proposer des montées en généralité susceptibles d'éclairer des phénomènes éloignés dans le temps ou l’espace (Burgess, 2006). Décrire moins permet parfois d'expliquer davantage. L'examen des situations canadiennes et belges présentées par R. Pelletier et K. Deschouwer dans cet ouvrage permet de mettre en avant de nombreuses similitudes et différences. Certaines ont déjà été largement commentées, d’autres moins. Parmi les différences, citons: + les «âges» respectifs des Fédérations, leur genèse, leur histoire propre: le Canada est un fédéralisme ancien (1867), la Belgique un fédéralisme encore jeune (1970-1993/4). Quelle que soit la date arrêtée pour la naissance du fédéralisme belge, plus d’un siècle les sépare;

3

Mais ce n'est pas propre au fédéralisme. et de nombreux phénomènes loin d'être simples

et homogènes ne semblent pas appeler autant de prudence. 4 Sans compter les usages politiques ambigus des concepts; ambiguïté dont il est bon de

rappeler le caractère très souvent fonctionnel dans le jeu politique (Palier et Surel, 2005 : 18).

90

Dialogue comparatif

la Belgique est un fédéralisme «centrifuge», le Canada est un fédéralisme «centripète» (historiquement) mais il est également animé par des dynamiques centrifuges; le nombre des entités fédérées est différent. Il y a dix provinces et trois territoires au Canada; trois Communautés et trois Régions en Belgique; la nature et l’articulation des entités fédérées sont également différentes: des provinces (et des territoires) au Canada, des Communautés

et

des Régions en Belgique (sans parler, pour la Belgique, des commissions communautaires ou des fusions réalisées ou débattues entre les organes de certaines entités, ni des transferts de l'exercice de certaines compétences entre entités): les rapports démographiques entre les groupes en opposition sont également différents. Au Canada, il y a environ 75% d’anglophones et 25% de francophones. 80% des francophones canadiens vivent au Québec et

il y a 80% de francophones au Québec. En Belgique, il y a environ 60% : de néerlandophones et 40% de francophones. À Bruxelles, il y aurait 75% de francophones et 15% de néerlandophones (ces chiffres sont par ailleurs l’objet de nombreux débats politiques): les systèmes électoraux et partisans sont différents, avec les conséquences en terme de «dynamique» politique qui en découlent (ou n’en décourlent pas, les liens causaux doivent ici être interrogés) : existence de partis nationaux, stabilité gouvernementale, gouvernements asymétriques favorisés ou non, etc.

Parmi les similitudes, maintenant : au Canada et en Belgique, le fédéralisme est (devenu dans le cas du Canada) un instrument pour protéger des «groupes» culturels particuliers, des identités spécifiques, des intérêts propres; la diversité culturelle est l'argument principal d’une opposition récurrente entre deux grandes «communautés» linguistiques. Les principaux conflits opposent presque systématiquement les deux mêmes «groupes». Il s’agit

de fédéralismes que l’on pourrait qualifier de «bipolaires» ; plus précisément, c’est la langue qui constitue (ou est devenue) l'élément culturel discriminant,

le principal critère d'identification des entités (et

non la religion par exemple); dans les deux cas, la volonté de protéger une langue et une culture a conduit à la défense d’une logique territoriale. Pour celui qui a peur pour sa langue et sa culture, c’est la frontière qui protège semble-t-il, en Flandre comme au Québec.

L'usage du terme «communauté» pour désigner, en Belgique, à la fois une «communauté 5 d'appartenance» basée sur le partage d’une langue et un niveau de pouvoir fédéré constitue un

rappel utile de la nécessité d'éviter (ou de qualifier précisément) les vocabulaires indigènes, propres à un des cas traités.

91

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

On pourrait également évoquer d’autres dimensions qui ne sont pas abordées

telles quelles dans les deux chapitres de cette section: les différentiels de développement économique entre les États fédérés, les différentes structures économiques et industrielles, etc. Mais cette absence éclaire sans doute en creux une (la ?) similitude fondamentale entre les deux cas: la place centrale et structurante de la question identitaire, linguistique, de l'emploi des langues. Ces listes de différences et de similitudes peuvent constituer une étape importante du processus de recherche. Mais la question qui intéresse davantage le politologque comparatiste est la suivante: parmi les similitudes et différences identifiées, lesquelles sont explicatives des dynamiques fédérales observées, de ce qu'elles ont de commun ou, au contraire, de particulier ?Ce point peut être formulé différemment en choisissant une entrée par les cas plutôt que par les variables: quels aspects des dynamiques fédérales, la comparaison des fédéralismes canadien et belge pourrait-elle servir à éclairer? En résumé,

la comparaison entre la Belgique et le Canada n’a de sens du point de vue heuristique que par rapport à des questions de recherche précises, qu'il faut spécifier. Cette section porte sur les dynamiques fédérales. C’est donc sur cette dimension qu'il conviendrait de proposer des hypothèses spécifiques. Qu'entend-on par dynamiques fédérales tout d’abord? On peut proposer ici à titre provisoire une première définition: il s’agit des caractéristiques et des modalités de l'évolution et du fonctionnement d'un système fédéral (la dynamique, c'est à la fois le mouvement et les forces qui le provoquent). Une perspective de sociologie politique comparée implique donc de systématiser la comparaison à partir d'hypothèses concrètes et précises sur ces dynamiques politiques fédérales. Ces hypothèses pourraient assigner à des similitudes et des différences observées des rôles spécifiques, les transformant ainsi explicitement en variables de l'analyse. Quels acteurs, quelles structures institutionnelles, quels enjeux, etc. permettent d'expliquer quels aspects des dynamiques fédérales en cause?

Prenons deux exemples dans les similitudes et les différences énumérées cidessus afin de mettre en évidence le type de questions analytiques et méthodologiques que cette approche soulève: ° la nature centrifuge ou centripète des fédéralismes: l'origine du mouvement est-elle pertinente, en tant que telle, et en quoi? Quelle est son influence sur les mouvements et les revendications postérieurs? Sur ce point, si influence il y a, celle-ci est probablement canalisée par d’autres facteurs plus spécifiques, plus opérationnels, dont l'étude est sans doute plus utile (discours médiatiques, usages contemporains des symboles, etc.);

°__le nombre et la nature des entités fédérées: pour comprendre les dynamiques fédérales belges et canadiennes, l'élément fondamental n'est-il

92

Dialogue comparatif

pas davantage l'existence d’une opposition récurrente entre deux groupes, plutôt que le nombre absolu des entités? Quelles leçons en tirer au moment d'établir la cartographie des acteurs (individuels ou collectifs)

pertinents?

Deux remarques complémentaires pour contribuer au dialogue comparatif. Premièrement,

des questions circonscrites

constituent

sans doute des pis-

tes plus prometteuses que des questions très générales (‘Comment rendre compte des différences de trajectoire alors que les oppositions et les dunamiques identitaires répondent à des logiques proches ?»). Ces questions circonscrites pourraient porter par exemple sur les déterminants des cycles des «crises» institutionnelles, susceptibles d’ailleurs d'évoluer dans le temps pour chaque système fédéral. Deuxièmement, comparer les dynamiques fédérales au Canada et en Belgique, ce n'est pas nécessairement comparer les systèmes à un moment

identique

au sens strictement chronologique. Il est possible (sinon probable) que la comparaison des réalités canadiennes et belges à des moments différents du temps — les périodes des référendums québécois (1980 et 1995) et les périodes de négociation des réformes de l'État belge par exemple — se révèle plus fructueuse que la comparaison des deux systèmes en 2008. Il s’agit alors de penser la comparaison en termes de séquences animées par des dynamiques propres. Ici aussi, seule une problématique précise est susceptible de guider le chercheur dans l'identification des séquences pertinentes. Sans la construction d’un cadre comparatif explicite — sinon préalable, du moins parallèle au travail empirique d'étude des systèmes — la comparaison des dynamiques fédérales risque de se réduire en réalité à la juxtaposition d'études de cas (Burgess, 2006; Croisat, 1999). C’est en fonction de questions de recherche particulières que les éléments pertinents pourront être dégagés et que la comparaison entre les fédéralismes canadien et belge pourra apporter quelque chose de réellement neuf à l’état des savoirs sur les dynamiques fédérales, en Belgique, au Canada, ou ailleurs.

Bibliographie Alen, À. et al., Le fédéralisme. Approches politique, économique et juridique, Bruxelles, De Boeck Université, 1994. Burgess, M., Comparative Federalism. Theory and Practice, Londres, Routledge, 2006. Croisat, M., Le fédéralisme dans les démocraties contemporaines, Paris, Montchrestien, 1999, coll. «Clefs Politique». Delpérée, F, Le fédéralisme en Europe, Paris, PUF, 2000, coll. «Que sais-je ?».

93

La dynamique fédérale en Belgique et au Canada

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94

Le partage des compétences et les relations intergouvernementales dans les fédérations belge et canadienne

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Chapitre 5 Le partage des compétences et les relations intergouvernementales: la situation en Belgique André Leton:

Dans le cadre d’une comparaison du fédéralisme en Belgique et au Canada, il est certaines observations qui peuvent être utilement soulignées à propos de la répartition des compétences en Belgique entre le niveau de pouvoir fédéral et les Régions et Communautés!.

Ainsi, le partage des compétences entre les différentes entités de l'État belge est le fruit d'accords politiques négociés souvent durement en fonction des rapports de forces entre les partis politiques concernés. Il en résulte que la répartition des compétences ne semble pas toujours répondre à une logique parfaite car le rapport de forces entre les partenaires aux négociations ne le permettait pas à ce moment.

Le cas belge fait aussi apparaître que dans beaucoup de matières, le transfert de compétences vers les Régions ou les Communautés s’est opéré par étapes successives. Cette évolution par étapes peut s'expliquer par la nécessité Enseignant-chercheur à l’Institut d'Études Politiques de Lille et chargé d'enseignement à l'Université de Liège. 1 Les grandes lignes du partage des compétences entre les entités ont été abordées dans d’autres exposés, voyez notamment M. Reuchamps et F. Onclin dans cet ouvrage. Pour une liste complète de la répartition des compétences et son évolution progressive, on pourra consulter, par exemple, les travaux d'A. Leton (2001) et de W. Swenden et M. T. Jans (2006).

97

Le partage des compétences et les relations intergouvernementales

de prendre un certain temps pour que les esprits évoluent ou par un changement dans les rapports de force ou simplement parce que les nouvelles réformes sont perçues comme antérieurement.

une suite cohérente

à ce qui avait été fait

La répartition des compétences entre les diverses entités d’une structure fédérale est toujours liée aussi à des éléments historiques et culturels propres à chaque pays. Ainsi, en Belgique, l'éventualité d’une fédéralisation de la sécurité sociale est souvent présentée comme rendant inéluctable «la fin de la Belgique» alors qu’au Canada, les provinces ont d'importantes compétences dans ces domaines. © Pour rester dans les limites voulues par les coordinateurs de cet ouvrage, nous consacrerons la plus grande part du présent exposé à mettre en évidence un élément peu connu à l'étranger mais qui est essentiel pour bien analyser les relations entre les différentes entités de la Belgique fédérale. Les relations intergouvernementales entre les entités fédérale et fédérées sont un thème classique dans les études du fédéralisme. Pourtant, dans le cas de la Belgique, il faut tenir compte de certaines spécificités qui peuvent amener à reconsidérer l'approche de cette question. En effet, dans une première vision, il apparaît fondamental de s'interroger sur les relations qu’entretiennent entre elles les différentes entités, qu'il s'agisse des relations entre le niveau de pouvoir fédéral et les entités fédérées ou des relations entre les entités fédérées. Mais cette approche — qui a sa raison d'être, car dans tout système fédéral, les entités ont tendance à «jouer des coudes» entre elles — risquerait de faire passer à côté d'un élément essentiel pour bien analyser le système politique belge.

I.

Des tensions limitées par les partis

L'élément à ne pas perdre de vue est qu’en Belgique, à l’intérieur de chaque communauté, les partis politiques œuvrent à chaque niveau de pouvoir. En Belgique, à la différence du Canada, ce sont les mêmes partis politiques qui présentent des candidats aux élections municipales (villes et communes), aux élections provinciales, aux élections régionales, aux élections fédérales et aux élections européennes.

Le «Chef» du parti (pour parler comme au Canada) conduit son parti à la bataille aux différents niveaux de pouvoir et les résultats sont suivis avec la plus grande attention par tous les observateurs car les partis qui progresseront par rapport aux élections précédentes (même s’il ne s’agit pas du même niveau de pouvoir) auront politiquement le vent en poupe tandis que les partis qui connaîtront un tassement ou un recul seront politiquement affaiblis.

98

La situation en Belgique

Ceci explique par exemple l'importance des élections municipales: le résultat de chaque parti à ces élections est susceptible d’influencer le rapport de forces dans d’autres niveaux de pouvoir, surtout s'ils participent à une coalition gouvernementale. Un parti qui vient de progresser aux élections aura tendance à être ferme dans les négociations avec ses partenaires gouverne-

mentaux affaiblis.

Cet aspect des choses est même si important qu'il est d'usage, en Belgique, que la plupart des ministres, députés et sénateurs soient candidats aux élections

municipales,

car leur notoriété

et/ou

leur influence

est considérée

comme de nature à faire gagner des voix à leur parti. C’est aussi pour eux l’occasion de se construire un «fief» électoral, de se constituer un électorat fidèle qui sera le bienvenu au moment des élections régionales ou fédérales (Eraly, 2002). Dans les partis politiques belges, il y a donc une approche globale de la politique aux différents niveaux de pouvoir. Des problèmes qui apparaîtraient dans la gestion d’une grande ville pourraient avoir des conséquences néfastes pour le parti lors des élections fédérales ou régionales. Et si un parti du gouvernement fédéral est secoué aux élections régionales, sa position deviendra plus difficile au gouvernement. Cela conduit les partis, en Belgique, à envoyer aux élections ceux qui apparaissent comme leurs meilleurs «faiseurs de voix». Si dans une certaine mesure, il est permis de cumuler un mandat local avec un mandat régional ou fédéral, il faut par contre choisir entre le niveau régional et le niveau fédéral. Mais les retombées des résultats d’une élection sur les autres niveaux de pouvoirs sont telles que les partis ont tendance à envoyer à chaque élection leurs élus les plus populaires, même s'ils sont occupés à un autre niveau de pouvoir (Dandoy, De Decker et Pilet, 2008).

Par conséquent, il y a en permanence un glissement des personnalités politiques d’un niveau de pouvoir vers un autre. Si le parti dispose, au gouvernement fédéral, de ministres dont on pense qu'ils peuvent faire gagner des voix, le parti demandera à ces ministres d’être candidat aux prochaines élections, même s'il s’agit d'élections régionales.

Leur élection les amènera probablement à quitter le niveau de pouvoir fédéral pour rejoindre le niveau de pouvoir régional ou communautaire. Et inversement, si des personnalités du niveau de pouvoir régional ou communautaire peuvent apparaître comme des renforts utiles pour les élections fédérales, le parti leur demandera de se présenter à ces élections, ce qui peut les amener à quitter le niveau de pouvoir régional ou communautaire pour aller siéger au niveau de pouvoir fédéral. Mais ces changements ne sont pas irréversibles :après les élections fédérales, reviennent les élections régionales, et s’il apparaît que des personnalités poli-

99

Le partage des compétences et les relations intergouvernementales

tiques qui sont passées du niveau fédéral au niveau régional sont susceptibles de réaliser de bons résultats électoraux, il ne faut pas exclure que leur parti leur demande d'être à nouveau candidat au niveau fédéral, par exemple au Sénat. I y a donc, sous cet aspect, une grande porosité entre les niveaux de pouvoirs (d'autant que, même si elles concernent moins de candidats, les élections européennes amènent aussi, et pour la même raison, des changements de niveau de pouvoir). Nous pensons qu'il faut avoir cet élément à l'esprit pour analyser les relations entre les entités de la Belgique’ fédérale car il'est de nature à jouer un rôle modérateur dans les relations entre les différents niveaux de pouvoir. Nous pensons aussi qu’un autre élément joue dans le même sens: il semble difficile d’avoir en Belgique, tant pour les partis flamands que pour les partis francophones, un gouvernement fédéral composé de partis qui seraient tous dans l'opposition au niveau de pouvoir régional’. La dispersion des forces politiques favorisée en Belgique par les scrutins à la représentation proportionnelle, rend nécessaire la formation de coalitions entre plusieurs partis pour constituer une majorité qui puisse gouverner. Cette

nécessité de constituer des coalitions entre plusieurs partis dans chaque gouvernement, fait qu'il y a toujours des partis qui sont présents à la fois au niveau de pouvoir fédéral et au niveau de pouvoir régional et communautaire.

Présents à différents niveaux de pouvoir, ces partis doivent évidemment rendre des comptes aux électeurs pour, sur leur action à ces différents niveaux. Comme

un gouvernement de coalition ne peut fonctionner que par consen-

sus, et qu'il faut donc des solutions de compromis dans lesquelles aucun partenaire ne peut être complètement laissé pour compte, il n’est pas concevable de voir se produire en Belgique certains types de conflits comme il s’en produit parfois au Canada entre le «fédéral» et les provinces. En Belgique, si les partis au pouvoir au niveau fédéral se mettaient d'accord pour réduire substantiellement les moyens de financement des Régions, (ce qui, du reste, n’est pas politiquement dans l’air du temps...), il faudrait l’accord des dirigeants de partis qui sont aussi présents dans les gouvernements régionaux et communautaires et qui vont devoir un jour conduire leur parti à la bataille aux élections régionales en justifiant de leur bilan à ce niveau de pouvoir | Dès lors, nous pensons qu'en Belgique, les conflits entre les entités qui composent la Belgique fédérale sont amortis par le fait qu'ils engagent politi-

2 Cet élément de coordination entre les différents niveaux de pouvoirs grâce aux partis ne doit toutefois pas faire oublier l'existence des conflits communautaires sur lesquels nous reviendrons dans la seconde partie de cette contribution.

100

La situation en Belgique

quement les mêmes partis qui n’ont évidemment aucun intérêt à laisser la situation dégénérer. Si les conflits opposent des ministres de partis différents, les désaccords peuvent donner lieu à quelques échanges médiatisés qui permettent à chacun de faire sa publicité et de se donner un profil en vue des prochaines élections. Mais si le problème se pose entre ministres d’un même parti, le conflit restera vraisemblablement contenu dans certaines limites et si le désaccord subsiste, c'est probablement le chef du parti qui arbitrera discrètement.

Même s'il s’agit de conflits entre ministres de partis différents, la situation sera souvent plus aisée à gérer si les partis concernés sont partenaires aux

deux niveaux de pouvoir. Les responsables politiques disent d’ailleurs souvent qu'il est, en principe, plus aisé de gouverner avec les mêmes partis dans les gouvernements des différentes entités.

Prenons un exemple. Imaginons que le niveau de pouvoir fédéral cherche à avoir son budget en équilibre, voire en boni et que pour ce faire, il prenne des mesures avant pour effet de contraindre les entités fédérées à faire des restrictions budgétaires impopulaires. Cette situation s’est déjà rencontrée au Canada. Mais une telle politique ne paraît pas sérieusement envisageable en Belgique, car elle risquerait fort d’être suicidaire pour une formation politique qui agjirait ainsi. Le «chef» du parti s’exposerait même à être la victime d’un pronunciamiento au sein de son parti.

Il V a cependant un cas de figure dans lequel les conflits entre différentes entités peuvent être beaucoup plus vifs: c'est dans le cas de conflits communautaires.

Il.

Des tensions exacerbées par les contentieux communautaires

Dans le jargon politique belge, on parle de «conflits communautaires» pour désigner les oppositions entre forces politiques flamandes et francophones. Si certains conflits communautaires de la vie politique belge sont spectaculaires, beaucoup de ces conflits peuvent revêtir l'apparence d’un différend sans rapport avec les relations communautaires.

Mais il faut se méfier des apparences... Par exemple, si une décision prise au niveau de pouvoir fédéral est considérée comme inacceptable par une entité fédérée, l’on pourrait penser qu'il s’agit d’un conflit entre la Région ou Communauté — qui déclenche une procédure —

3

bou un Den

détaillé de cette question, voyez À. Leton et A. Miroir (1999).

101

Le partage des compétences et les relations intergouvernementales

et le niveau de pouvoir fédéral — qui a pris la mesure. Mais dans de nombreux cas de la vie politique belge, une telle lecture ne serait pas exacte. Certes, en apparence, on semble être en présence d’un conflit entre le niveau de pouvoir fédéral et une entité fédérée. Mais en réalité, souvent, une

telle situation en Belgique relève du cadre beaucoup plus vaste des «conflits communautaires» (conflits entre communautés linguistiques et culturelles). Cette situation particulière distingue la Belgique de nombreux autres Etats fédéraux. Il convient donc de ne pas tomber dans le piège. En cherchant des cas de figures dans lesquels on pourrait trouver dé purs conflits entre les entités fédérales et fédérées, sans que cela ne relève des conflits communautaires, on ne

trouverait pas grand-chose. Et les exemples que l’on pourrait trouver peuvent même se révéler fragiles. Ainsi, on pourrait citer l'exemple du dossier de la «Drève de Bonne Odeur». Il s’agit d’une petite route dans la Forêt de Soigne au sud de Bruxelles, qui croise une voie rapide extrêmement fréquentée entre Bruxelles et la Wallonie. Longtemps, la circulation dans ce carrefour a été réglée par des feux lumineux qui créaient des files d’attentes impressionnantes pour le trafic routier sur la voie rapide. Des aménagements étaient donc indispensables pour fluidifier le trafic routier entre Bruxelles et la Wallonie, mais ce carrefour est situé sur le territoire de la Flandre, pour qui cette question n'était pas prioritaire. Le problème a pu être résolu par des discussions discrètes entre les Régions durant une période caractérisée par un recul des tensions communautaires.

Ce serait donc l'illustration d’un cas de conflit entre Régions sur un sujet «non communautaire ».

Mais un tel exemple ne peut même pas servir dans d’autres cas. Ainsi, un problème techniquement similaire existe aussi à l’ouest de Bruxelles avec les carrefours de Hal, mais dans ce cas, les autorités flamandes ont manifesté

leur volonté de ne pas faciliter le passage entre Bruxelles et la Wallonie par un aménagement des carrefours: le conflit est donc ici devenu un vrai conflit communautaire et il n’y a pas d'issue en vue pour le moment. & Quand les conflits entre des entités qui composent l’État belge relèvent des conflits communautaires, durer fort longtemps. LA

les conflits peuvent alors être extrêmement vifs et

La raison en est que, en Belgique, les partis politiques sont organisés désormais sur une base communautaire. Ils ne s'adressent donc plus à l'ensemble des électeurs du pays mais seulement aux électeurs. Dès lors, aucun chef de parti n'a prise sur ce qui se passe dans l’autre communauté, ce qui complique évidemment la solution des conflits. Il ne peut donc pas imposer des solutions à des ministres des deux communautés. Dans les conflits communautaires, les entités de la Belgique fédérale vont plutôt apparaître comme un acteur éven-

102

La situation en Belgique

tuel d’un conflit politique qui, en principe, devra se régler par une négociation entre une majorité de partis flamands et francophones. Par exemple, la décision de nommer ou non dans des communes flamandes soumises à un régime de «facilités linguistiques» pour les francophones, des candidats bourgmestres qui ont envoyé des lettres de convocation aux élections rédigées en français pour les électeurs francophones alors que la consigne du gouvernement flamand était de les envoyer d’abord en néerlandais et d'attendre que les électeurs francophones fassent une demande officielle à l’administration communale pour obtenir la convocation en français, est un dossier qui relève juridiquement de la Flandre mais, politiquement, ce dossier constitue un différend communautaire dont l'usage est de le traiter dans une négociation communautaire globale entre une majorité de partis flamands et francophones. Il semble qu'aujourd'hui, du moment qu'un différend oppose des entités de part et d’autre de la frontière linguistique, le différend devient vite un conflit communautaire. Même un dossier comme celui d’une TVA sur les terrains à bâtir peut revêtir rapidement l’allure d’un conflit communautaire si une entité (la Flandre) estime qu'elle risque d'y perdre des recettes fiscales au profit du niveau de pouvoir fédéral. À partir d’un certain niveau de tension politique entre les communautés, les dossiers ont traditionnellement été appréhendés par les responsables politiques de la majorité fédérale. En cas de blocage, le dossier est tenu en suspens jusqu’à un accord politique global sur un ensemble de dossiers relevant du contentieux communautaire avec le soutien d’une majorité de partis flamands et francophones. La tradition pour les dossiers communautaires n’est pas celle du «passage en force» par lequel une communauté s’imposerait majorité à l’autre. La tradition est celle de la négociation dans laquelle personne n’obtient tout ce qu'il voudrait mais chacun obtient un minimum de satisfactions. Toutefois, même si le traitement du dossier de l'arrondissement de BruxellesHal-Vilvorde est apparu non conforme à la tradition de négociation, il ne faudrait pas en conclure que la négociation est la seule voie qui a été utilisée dans le contentieux communautaire (Brassine de la Buissière, 2002). Par

exemple, dans les années 1980, la question des aptitudes linguistiques pouvant être exigées pour être nommé bourgmestre à Fourons ou dans certaines communes «à facilités linguistiques» autour de Bruxelles, peut s’analyser comme une tentative du Mouvement flamand d'obtenir par une voie non négociée, grâce à la jurisprudence des chambres néerlandophones du Conseil d'État, une modification de l'équilibre communautaire sans l’accord des partis francophones. Dans les conflits communautaires, les acteurs peuvent s'inspirer des tactiques bien connues des militaires comme les «guerres de position» ou les «guerres de mouvement». Les acteurs peuvent chercher ainsi à prendre appui sur 103

Le partage des compétences et les relations intergouvernementales

quelque chose qui consolidera leur position. Les circonstances peuvent faire qu'une des entités de la Belgique fédérale soit, par les compétences juridiques dont elle dispose, en situation de servir leurs intérêts. Cette entité sera alors en conflit avec d’autres mais le problème étant communautaire, c'est une négociation globale entre les leaders politiques flamands et francophones qui est, à terme, l'issue la plus plausible.

Toutefois, des procédures juridiques existent pour encadrer différentes hypothèses de conflits. Les hypothèses potentiellement les plus graves ne sont d’ailleurs pas celles entre entités de la Belgique fédérale mais plutôt celles d’une division communautaire lors d’un vote Sür'‘un sujet sensible au sein du Parlement fédéral. Pour ce cas de figure, la Constitution prévoit la procédure dite «de la sonnette d'alarme». Des procédures sont aussi utilisables pour tenter de prévenir ou de freiner de tels actes, comme on l’a vu à la fin de 2007 sur le dossier de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Nous ne traiterons pas dans le présent exposé de ces procédures qui pour une large part rejoignent les exposés ultérieurs sur la protection des minorités (Scholsem, dans ce volume). Mais pour l’analyse de science politique, nous soulignerons que ces procédures ont généralement pour fonction de créer des occasions de dialogue tout en maintenant une certaine pression qui oblige à trouver une solution. Elles doivent donc favoriser une solution négociée en faisant tomber la pression grâce à l'octroi de certains délais mais elles ne permettent. pas d’évacuer le problème par une simple inaction.

Conclusion En conclusion, dans le cas de la Belgique, les problèmes inévitables de relations entre les entités de la Belgique fédérale se présentent avec un certain nombre de spécificités par rapport à de nombreux autres cas d'États fédéraux. Les conflits entre entités, comme il en existe dans tous les États fédéraux à travers le monde, sont généralement contenus par le fait que les partis politiques sont présents aux différents niveaux de pouvoirs et leur intensité sera dès lors assez limitée dans la plupart des cas. Par contre, sous les apparences d'un «pur» conflit entre entités dans une structure fédérale, peuvent se présenter des problèmes qui relèvent de véritables conflits communautaires. Ces conflits revêtent alors une toute autre dimension et deviennent éminemment plus difficile à gérer. Quand on se penche sur le fonctionnement du fédéralisme en Belgique, il importe donc de toujours bien analyser de quel cas de figure relève la question que l’on souhaite étudier.

104

La situation en Belgique

Bibliographie Brassine de la Buissière, J., «La circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et les réformes électorales de 2002», Courrier hebdomadaire du CRISP, n417792002 Dandov, R., De Decker, N. et Pilet, J.-B., «Le profil des candidats et des élus

francophones aux élections fédérales du 10 juin 2007», Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1981-1982, 2008. Eraly, A., Le pouvoir enchaîné. Être ministre en Belgique, Bruxelles, Labor, La Noria, 2002. Leton, A. (dir), La Belgique: un État fédéral en évolution, Bruxelles, Bruvlant, Paris, L.G.D.J., 2001.

Leton, À. et Miroir, A., Les Conflits communautaires en Belgique, Paris, PUF, 1999, coll. «Perspectives internationales». Swenden, W. et Jans, M. T., «‘Will It Stay or Will It Go ?’ Federalism and the Sustainability of Belgium», West European Politics, vol. 29, n°5, 2006, pp.877-894.

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Webographie — Belgique

Constitution et textes légaux La Constitution belge http://www.senate.be/doc/const_fr.html

Le Moniteur belge http://www.ejustice.just. fgov.be/cgi/welcome.pl

Institutions fédérales La Chancellerie du Premier ministre

http://chancellerie.belgium.be La Monarchie belge http://www.monarchie.be/fr

Le Parlement fédéral http://www.fed-parl.be/index.html Le portail fédéral http://www. belgium.be

Institutions fédérées La Communauté flamande http://www.vlaanderen.be La Communauté française http://www. cfwb.be La Communauté germanophone http://www. dglive.be La Région de Bruxelles-Capitale http://www.bruxelles.irisnet.be/fr/region.shtml

267

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

La Région wallonne http://www.wallonie.be/fr/index.html

Élections Le centre de recherche et d’études politiques http://www.crep.be/systemeelectoral.html Le centre de recherche et d’information socio- DE http://www. crisp.be La direction générale institutions et population http://www.ibz.rrn.fgov.be

Le Forum des fédérations http://www.forumfed.org/fr/index.php Le système électoral belge http://www.senaat.be/doc/parlementsverkiezingen_fr.html

Partis politiques Centre démocrate humaniste (cdH)

http://www.lecdh.be Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V) http://www.cdenv.be Ecolo http://web4.ecolo.be Front national (FN)

http://www. frontnational.be/frontnational-fn.htm Groen !

http://www.agalev.be Lijst Dedecker (LDD) http://www2 lijstdedecker.com Mouvement réformateur (MR) http://www.mr.be

Nieuw-vlaamse alliantie (N-VA)

http://www.n-va.be Parti socialiste (PS)

http://www. ps.be

268

Webographie - Belgique

Socialistische Partij Anders (sp.a) http://www.s-p-a.be Vlaams belang (VB)

http://www.vlaamsbelang.be Vlaamse Liberalen en Democraten (Open Vid)

http://www.vld.be

VlaamsProgressieven http://www.vlaamsprogressieven.be

Coopération et conflits Le Conseil d’État http://www.raadvst-consetat.be Les conflits de compétence et d'intérêts http://www. pcf.be/ROOT/PCF_2006/public/parlement/coniflits/index. html La Cour constitutionnelle

http://www.arbitrage.be

269

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Webographie - Canada

Constitution et textes légaux Les lois du Canada http://lois.justice.gc.ca/fr Les Lois constitutionnelles de 1867 et 1982 http://lois.justice.gc.ca/fr/const/index.html L’Accord du lac Meech 1987 http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amnord/cndconst

Meech_87.htm

L’Accord de Charlottetown 1992 http://www. parl.gc.ca/information/library/prbpubs/bp406-f.htm La Charte canadienne des droits et libertés

http://lois.justice.gc.ca/fr/charte/index.html La Charte des droits et libertés de la personne du Québec http://www.cdpdj.qc.ca/fr/commun/docs/charte.pdf

Institutions fédérales Les Institutions du gouvernement canadien http://www.gc.ca/depts/major/depind-fra.html La Monarchie britannique http://www.roval.gov.uk

Le Gouverneur général http://www.gg.ca Le Parlement du Canada

http://www. parl.gc.ca Le Premier ministre du Canada http://pm.gc.ca

271

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

Le Bureau du Conseil privé http://www.pco-bcp.gc.ca La Cour suprême du Canada http://www.scc-csc.gc.ca

Institutions fédérées Les Gouvernements provinciaux et territoriaux canadiens

http://www.forumfed.org/fr/federalisme/par._ pavs/canada.php L'Assemblée des Premières Nations

http://www.afn.ca L'Assemblée nationale du Québec

http://www.assnat.qc.ca Le Premier ministre du Québec

http://www.premier-ministre.gouv.qc.ca Le Conseil exécutif du Québec

http://www.mce.gouv.qc.ca

Élections Élections Canada http://www.elections.ca La loi électorale fédérale canadienne http://www. lois.justice.gc.ca/fr/E-2.01/index.html Le Directeur général des élections du Québec

http://www.dgeq.qc.ca/fr

Partis politiques fédéraux Bloc québécois http://www.blocquebecois.org/fr Nouveau parti démocratique du Canada http://www.npd.ca

Parti conservateur du Canada http://www.conservative.ca Parti libéral du Canada http://www liberal.ca 272

Webographie - Canada

Parti vert du Canada http://www.greenparty.ca/fr Autres partis politiques

http://www.forumfed.org/fr/federalisme/par_pays/canada.php

Coopération et conflits Les Affaires intergouvernementales du Canada http://www.pco-bcp.gc.ca/aia Le Conseil de la fédération http://www.conseildelafederation.ca

Le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes http://www.saic.gouv.qc.ca Le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes http://www.scics.qc.ca

273

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Index

A Accord de Charlottetown: 46, 78, 271 Accord de libre-échange nord-américain (ALENA): 191, 198, 202, 265 Accord du lac Meech: 46, 78, 271 Alberta: 48, 49, 58, 107, 114, 118, PSS SSH 24682508251 Alliance canadienne : 56, 86 autochtones : 41, 45, 48, 74, 111, 118, 145, ASS,

250

autonomie constitutive : 29

B bilinguisme : 16, 66, 81, 125, 151, 12 MES MS MERE T7AIES lEOMGT 210267 Bloc populaire: 85 Bloc québécois (BQ): 12, 13, 56, 57, Al, S6, SO. 27, 212872, 272 Bourassa, Robert: 189 British Columbia Social Credit Party: 12 Bavalles: 12, 22:26, 26, 27, 20) al. GE Ge, 69, 70/01 102 108 187 ISSMS PASS MS CSA 215.19;:264 Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV): 12, 34, 69, 103,104 137 C Cartier, George-Étienne: 84 Centre Démocrate Humaniste (cdH) : 201220 2252268 Crédit social (parti): 55 Chambre des représentants: 34, 35, SAS TRSOR 215216

Chambre des communes: 52, 53, 54, 56 AO OI 222 Charte canadienne des droits et libertés: LOIS SL EME MAIS IE: SMS S ME OM IEAR27T0) LA AO 7 Charte de la langue française (Loi 101): Sr ASS 184 15 MIO 20 Charte des droits et libertés de la personne du Québec: 161, 271 Chrétien, Jean: 78 Christen-Democratisch en Vlaams (CODEN) 26018 1621721107 DIN, 22D, 225,266 circonscription fédérale (Belgique): 14, TMC 222 DPLSNDDE DT, ESA Colombie-Britannique : 44, 48, 49, EM S 257162250825 comité de concertation: 33, 178 Commission communautaire commune

(Cocom): 3741724 Commission communautaire française (Cocot)}: 37,124 Commission communautaire néerlan-

daise (Cocon): 37, 124 Communauté flamande : 28, 30, 35, SO TAC AIT 2 0267

Communauté française: 26, 27, 28, 35, 36, 87, IS Was 1267 Communauté germanophone : 26, 28, 20. 0er 6, 186,186, 2646767 communes: 27, 30, 37, 38, 98, 214 communes à facilités: 27, 71, 103, ISSMSTMISS confédéralisme : 16, 178, 210, 215, PACA

275

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

Conférence interministérielle de politique étrangère (CIPE): 178 conflit de compétence (Belgique): 33, 1252269 conflit d'intérêt (Belgique): 33, 180, 269 Conseil des ministres (Belgique): 34, 35, 1274187 138 Conseil d'État: 32, 33, 35, 103, 138, 139269 Co-operative Commonwealth Federation: 55 Cour constitutionnelle :32, 33, 113, 196, 188,189 Cour de cassation: 34, 138 Cour suprême : 47, 54, 78, 107, 114, POMPES A7 SLSO TES ESS 162 1982215272

D déséquilibre fiscal: 87, 114, 204, 232 deux solitudes : 45, 46, 79, 80, 85 Diefenbaker, John: 78 doctrine Gérin-Lajoie : 177 Duplessis, Maurice : 83

5871: 718 1980/82/85)" 66 410 126-127 148 154458, 159 475; 176,187, 190 198199202205 204206 2152522867 2881200 243, 244, 245, 246, 248, 249, 250, DE, 257 gouverneur général: 13, 52, 53, 54, 10) 276 Groen !: 26, 220, 222, 268 groupes linguistiques :31, 34, 35, 36, 37: 6e 135.456. 157,168, 169; 22010 H Harper, Stephen: 13, 46, 56, 57, 86, 1MÉN2S2 I Ignatieff, Michael : 85 Île-du-Prince-Édouard: 44, 48

K King, Mackenzie: 77

L E ECOIO: 262202222268 Elizabeth Il: 53 (voir aussi Reine et Monarchie britannique)

a Fermiers unis: 55 Féndie 122232912027, 28029! 30, 007110722109 113 132 134, 135, 138, 140; 168, 201, 2107218 "216022122202 24 2269227 Front démocratique des francophones (FDPU2 2572716

Laurier, Wilfrid: 55, 77, 84 Leterme, Yves: 12, 25

Lévesque, René: 57 lieutenant-gouverneur : 53, 77 Lijst Dedecker (LDD): 12, 213, 216, 268 lois à majorité spéciale :31, 34, 35, ARS AU ns À ul Role+ Ua Se Lo eg27215 M Macdonald, John A.: 44, 55 237 Manitoba: 44, 48, 147, 151, 158, l'SSN2TSN246 250251 Martin, Paul: 84

Front national (FN): 268

Monarchie britannique : 271 (voir aussi Elizabeth II et Reine)

G gouvernement fédéral (Belgique): 14, 29220, 39 20026 127 1782176177/20272102206 2513258 gouvernement fédéral (Canada): 15, 41,

Mouvement Réformateur (MR): 26, IS 220822282638 Mulronev, Brian: 56, 78 multiculturalisme : 41, 46, 158

42, 44, 45, 47, 50, 51, 52, 54, 57, 276

N nationalisme : 10, 45, 46, 78, 79

Index

Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA): 213, 215, 2179220800 2329231225 1268 Nouveau-Brunswick : 44, 48, 80, 81, 125 MAO US US 7MLESMSOUISS Nouveau parti démocratique (NPD): 56, 2 Nouvelle-Écosse :44, 149 Nunavut : 44, 48

0403,60)01:910 110-112 116 118, 125,126, 127, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 155, 154:-155,456,.1575 159,460: 162, 163, 164, 168, 169, 185, 186, 188189, 190,191 1924193. 41094 199198 205,215, 2910232885 237, 238, 239, 240, 241, 245, 246, 2504254252 2257

O Ontario: 43, 44, 48, 49, 53, 77, 118, L2S 49"106 1571158 159; 245, 246, 250, 251 Ottawa : 42, 45, 46, 51, 53, 54, 80, 81, 60,109 110. 1141162117 118; 125, 17% 156,158,190;191194 2022042205 281251 P parité linguistique :33, 35, 67, 127, 157.188.:226 Parti conservateur du Canada (PCC): SÉNSONO TE NONSARESESRESC282) 272 Parti libéral du Canada (PLC): 55, 57, 5879; 84, 198,272 Parti libéral du Québec (PLQ): 57, 85, 86, 153 Parti progressiste: 55 Parti progressiste-conservateur (PPC): 56, 86 Parti québécois (PQ): 12, 46, 57, 59, SDASOMLSS 201282 Parti réformiste (PR): 56, 84 Parti socialiste (PS): 25, 26, 213, 220, 2LE, VDS, 008 Pelletier, Benoît: 190, 198 péréquation: 87, 121 peuple fondateur: 45, 74, 150, 187 pouvoir fédéral de dépenser: 87, 124, 191 provinces (Belgique): 22, 27, 30, 34, 38

Q

Québec : 9, 14, 16, 43, 44, 45, 46, 48, 10-50, 52 59%54 50,57, 56, 09, TV TÉMINIE MOREL ST, 82,8

R rapatriement (de la Constitution cana-

dienne) : 46, 77, 78, 82, 126, 240 Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN): 85 Rassemblement Wallonie-France (RWEF): ZA Rassemblement wallon (RW): 12, 25, 27 Région de Bruxelles-Capitale : 28, 29, SUNSINS ASC S 712021140267 Région flamande : 27, 28, 30, 36, 124, IS MIE 2259225 Région wallonne: 26, 28, 30, 36, 37, TANT A1225 268 Reine (Canada): 53, 54, 150 (voir aussi Elizabeth Il et Monarchie britannique) Révolution tranquille :45 Roi (Belgique): 33, 34, 35, 36, 136, LS IE 257

S Saskatchewan : 44, 48, 158, 245, 246, 250825 Saskatchewan Party: 12 Sénat (Belgique): 33, 34, 35, 51, 100, SMS 7189 Sénat (Canada): 51, 52, 53, 117, 149 Socialistische Partij Anders (sp. a): 25, LOC 225269 sonnette d'alarme: 34, 35, 67, 104, IS7MS52226 souveraineté (du Québec): 46, 57, 59, TANSASOC ME UMP O0 MOT 2154282 Stanfeld, Robert: 79

277

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

T Terre-Neuve-et-Labrador :44, 48, 49, 58 Territoires du Nord-Ouest: 44 Tindemans, Leo: 212 Trudeau, Pierre Elliott: 45, 48, 56, 78, 232

U Union européenne (UE): 126, 177, 179), 180, 1SIL, 26, 286, 265 Union nationale: 85 V Verhofstadt, Guy: 25, 218, 222, 257, 258

278

Vlaams Belang (VB): 12, 25, 26, 169, DIS 2214215269 Vlaamse Liberalen en Democraten (Open VId): 26, 216, 218, 222, 269 VlaamsProgressieven (VI.Pro): 216, 269 Volksunie (VU): 12, 25, 27, 216

W Wallonie : 23, 27, 28, 29, 65, 102, 155 1854158 Y Yukon : 44

Table des tableaux

Tableau 10.1 Tableau 10.2

Tableau 12.1

Tableau 12.2

Tableau 12.3

Tableau 12.4

Tableau 12.5

Tableau 12.6

Paramètres opérationnels de l’action internationale des entités fédérées

188

Les composantes des divers types de souveraineté selon S. Krasner (1999)

195

D'accord avec l’idée qu'il est souvent difficile de savoir quel ordre de gouvernement est responsable de quoi (en %)

242

Opinions sur le partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial (en %)

243

Opinions sur une modification éventuelle du partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux (en %)

244

Opinions sur une émission possible du passeport par le gouvernement provincial (en %)

245

Opinions sur une émission possible du passeport par le gouvernement provincial même s’il est une preuve de citoyenneté et sert à contrôler l'accès aux frontières (en %)

245

Opinions sur une émission possible de la carte d’assurance-maladie par le gouvernement fédéral (en %)

246

279

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

Tableau 12.7

Tableau 12.8

Tableau 12.9

Tableau 12.10

Tableau 12.11

Tableau 12.12

Tableau 12.13

Tableau 12.14

Opinions sur une émission possible de la carte d’assurance-maladie par le gouvernement fédéral même si elle sert à contrôler l'accès au système de santé provincial et à gérer la croissance des coûts (en %)

246

D'accord pour accorder la pleine autonomie des gouvernements provinciaux dans les domaines qui reflètent les besoins des provinces (en %)

248

D'accord pour que les provinces agissent dans les domaines de l'éducation: et de la santé sans l’ingérence du gouvernement fédéral (en %)

248

D'accord pour que le gouvernement fédéral joue un rôle de supervision ou de contrôle des provinces dans les domaines de l'éducation primaire et secondaire et de l'assurance automobile (en %)

249

D'accord pour que le gouvernement fédéral définisse des normes pour tout le pays (en %)

249

D'accord avec l'idée que le fédéralisme canadien vise à accommoder la diversité comme le Québec et les peuples autochtones (en%)

250

D'accord pour accorder plus d'autonomie pour le Québec à l'endroit du gouvernement fédéral (en %)

250

Opinions sur les ententes particulières entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec (en %)

280

201

Table des matières

Remerciements

5

Introduction Le fédéralisme en Belgique et au Canada

9

Bernard Fournier et Min Reuchamps

[L Un dialogue comparatif II. Le fédéralisme en Belgique et au Canada en six thématiques Bibliographie

10 15 17

LES FÉDÉRATIONS BELGE ET CANADIENNE

19

Chapitre 1 La fédération belge Min Reuchamps et François Onclin [L.- Origines de la fédération belge A. Avant la fédération B. Formation et évolution de la fédération IL. La structure fédérale belge A. Une Autorité fédérale, trois Communautés et trois Régions B. Coopération et conflits III. Institutions et acteurs de la fédération belge A. Les institutions et les acteurs de l'Autorité fédérale B. Les institutions et les acteurs des entités fédérées Conclusion Bibliographie

2

Chapitre 2 La fédération canadienne Bernard Fournier [L Origines de la fédération canadienne A. Avant la fédération B. Causes profondes et immédiates de la fédération C. Formation et évolution de la fédération Il. La structure fédérale canadienne A. Un gouvernement fédéral, dix provinces et trois territoires B. Les relations intergouvernementales

22 22 24 21 27

32 34 34 36 OÙ 38 41 42 42 43 44 47 47 49

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

I. Institutions et acteurs de la fédération canadienne A. Les institutions et les acteurs fédéraux, provinciaux et territoriaux B. Les systèmes de partis et les partis politiques Conclusion Bibliographie



LA DYNAMIQUE FÉDÉRALE EN BELGIQUE ET AU CANADA

63

Chapitre 3 La dynamique fédérale en Belgique Kris Deschouwer I. Un fédéralisme par défaut

65

II. Un fédéralisme II. Une fédération IV. Un fédéralisme V. Un fédéralisme Bibliographie

de désunion double et bipolaire centrifuge consociatif

Chapitre 4 La dynamique fédérale au Canada Réjean Pelletier L Origine et évolution IL. Relations entre les deux grandes communautés A. Les politiques linguistiques B. Les relations intergouvernementales C. Les partis politiques II. La dynamique fédérale actuelle Bibliographie Dialogue comparatif La dynamique fédérale en Belgique et au Canada Geoffroy Matagne Bibliographie

JL 89) Ly 59

65 66 67 69 70 71 73 74 pe. 80 82 84 85 88

89 93

LE PARTAGE DES COMPÉTENCES ET LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES

DANS LES FÉDÉRATIONS BELGE ET CANADIENNE Le partage des compétences et les relations intergouvernementales: la situation en Belgique André Leton [L Des tensions limitées par les partis I. Des tensions exacerbées par les contentieux communautaires

95

Chapitre 5

282

9% 98 101

Table des matières

Conclusion

Bibliographie Le partage des compétences et les relations intergouvernementales: la situation au Canada Johanne Poirier F La répartition des compétences ou «qui fait quoi? …

104 105

Chapitre 6

en principe...»

À. B.

Quelques principes d'attribution des compétences Une tentative de catalogue 1 Les compétences «exclusivement» fédérales 2 Les compétences «exclusivement» provinciales 3 Les compétences concurrentes 4 Les compétences «partagées» C. Une pratique qui rend les frontières poreuses D. La valse à trois temps de la justice constitutionnelle E. La répartition des compétences: un objet identitaire?

107

108 109 110 110 LH LtZ Kt2 LS 114 ITS

IL. Les relations intergouvernementales (RIG) ou «comment les acteurs fédéraux s'entendent... ou non...

Les RIG au Canada: omniprésentes et multiformes Un fédéralisme interétatique et «non juridique » Des relations à géométrie variable

Les «professionnels» des RIG fédérale dualiste… et une pratique «enchevêtrée » Conclusions Bibliographie Une architecture myunow>

Dialogue comparatif Le partage des compétences et les relations intergouvernementales dans les fédérations belge et canadienne Min Reuchamps et Jérémy Dodeigne Bibliographie

LA PROTECTION DES MINORITÉS EN BELGIQUE ET AU CANADA Chapitre 7

116 116 LL 118 118 UE) 120 124

125 128

129

Bref survol de la Belgique comme

«laboratoire des minorités» Jean-Claude Scholsem

JÉs.

[. Origine du phénomène minoritaire II. Premières avancées du mouvement flamand

132 152 283

Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

II. IV. V. VI. VII.

Montée en puissance du principe de territorialité Le cœur de la réforme institutionnelle de 1970 Les lois à majorité spéciale Autres mécanismes de protection de la minorité francophone La reconnaissance, en 1970, des minorités idéologiques et philosophiques Conclusion : l'avenir de la protection des minorités linguistiques en Belgique

Chapitre 8

138 140

La protection des minorités nationales

dans le système fédéral canadien José Woehrling IL La protection des minorités par les aménagements institutionnels À. La structure fédérale du Canada et la protection des minorités 1 Les effets de la structure fédérale sur la situation des francophones du Québec (minoritaires au Canada mais majoritaires au Québec) 2 Les effets de la structure fédérale sur la situation des francophones en dehors du Québec (minoritaires au niveau national et au niveau provincial) B. Les mécanismes destinés à garantir la représentation de la minorité dans les organes politiques et sa participation effective aux décisions prises par ceux-ci II. La protection des minorités par des droits spécifiques (ou protections spéciales) A. La politique linguistique du Québec B. La politique linguistique des autorités fédérales C. Les politiques linguistiques des provinces anglophones 1 Le Nouveau-Brunswick et l'Ontario 2 Les sept autres provinces II. La protection des minorités par les droits de l’homme (ou droits fondamentaux de la personne) Conclusion Bibliographie Dialogue comparatif Une comparaison entre les mesures de protection des minorités en Belgique et au Canada Jo Buelens

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167

Table des matières

LA PARADIPLOMATIE OU LES RELATIONS INTERNATIONALES DES ENTITÉS FÉDÉRÉES BELGES ET CANADIENNES Chapitre 9

Les entités fédérées belges: des relations internationales peu «paradiplomatiques»

171 1738

Françoise Massart-Piérard [Les entités fédérées belges, «des acteurs de droit international» ?174

II.

Le modèle belge de fédéralisme, ce déterminant des relations internationales en Belgique III. La diplomatie régionale et communautaire entre projection internationale des entités fédérées et politique étrangère de l’État : quelles limites? A. Les régulations à travers les organes de concertation B. Les limites sui generis du principe du parallélisme des compétences 1 Le jus tractatis 2 Le jus legationis C. Les confins de l’application du principe du parallélisme des compétences IV. Le fédéralisme coopératif comme antidote Conclusion Bibliographie Chapitre 10 Le Québec et ses relations internationales : impacts sur le système fédéral et sur le système international Nelson Michaud I. Fédéralisme et relations internationales IL. Impact sur le système fédéral IT. Impact sur le système international IV. Une influence diffuse? Bibliographie

Dialogue comparatif Fédéralisme et système de gouvernance à paliers multiples en matière de politique étrangère : une comparaison entre le Canada et la Belgique Stéphane Paquin LL Fédéralisme et système de gouvernance à paliers multiples en matière de politique étrangère IL Analyse comparative des cas canadien et belge Conclusion Bibliographie

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Le fédéralisme en Belgique et au Canada : comparaison sociopolitique

LES FUTURS DES FÉDÉRATIONS BELGE ET CANADIENNE Chapitre 11 Futur(s) de la fédération belge: paradoxes fédéraux et paradoxes belges Dave Sinardet L: Paradoxe fédéral, représentations du présent et (donc) du futur

IE. Les options institutionnelles pour la Belgique A. Scénario 1 : le séparatisme (sous ses différentes formes: sécession, rattachisme, etc.) 1 Opinion politique 2 Opinion publique 3 Faisabilité Scénario 2: le confédéralisme 1 Opinion politique 2 Opinion publique 3 Faisabilité Scénario 3: le fédéralisme approfondi avec plus d'autonomie pour les entités fédérées 1 Opinion politique 2 Opinion publique 3 Faisabilité Scénario 4: le statu quo 1 Opinion politique 2 Opinion publique 3 Faisabilité Scénario 5: le renforcement du système fédéral 1 Opinion politique 2 Opinion publique 3 Faisabilité Scénario 6: le retour à une Belgique unitaire 1 Opinion politique 2 Opinion publique 3 Faisabilité II. Quelques paradoxes belges et quelques conclusions Bibliographie

Chapitre 12 L'avenir de la fédération, l’avenir du fédéralisme: deux enjeux distincts au Canada François Rocher

[. La culture politique fédérale IL. Des lectures différentes III. Des citoyens fédéraux? A. Comprendre la fédération B: Comprendre le fédéralisme 286

Table des matières

Conclusion Bibliographie Dialogue comparatif Les futurs des fédérations belge et canadienne: un dialogue comparatif Eric Montpetit

259 202

259

PERSPECTIVES

259

Compromis tragique ou défense stérile des identités politiques... Pierre Verjans Bibliographie

261

265

Webographie — Belgique Constitution et textes légaux Institutions fédérales Institutions fédérées Elections Partis politiques Coopération et conflits

267 267 267 267 268 268 269

Webographie - Canada Constitution et textes légaux Institutions fédérales Institutions fédérées Elections Partis politiques fédéraux Coopération et conflits

272 DTA | 2721 2712 272 22 215

Index

LYS

Table des tableaux

279

Table des matières

281

287

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Diplômé en science politique de l'Université Laval (Québec), docteur de l'Institu politiques de Paris, a séjourné aux États-Unis et a enseigné au Qu Canada anglais. Il est actuellement professeur à l'Université de Liège (Belgique).

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Diplômé en science politique de l'Université de Liège (Belgique), titulaire d'un Bi? science politique de Boston University (USA), est chercheur à l'Un = : ‘x S N SZ 2 2 + . Pt Liège où il consacre sa thèse à l'étude des fédéralismes belge et canadien. N = OQO\—= NN Pt

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FEBECA ISBN 978-2-8041-0465-8 ISSN 0777-5235