Améliorer le leadership dans les services de santé au Canada: La preuve en oeuvre 9780773587526

How to train senior managers to make better use of evidence to transform health care.

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Améliorer le leadership dans les services de santé au Canada: La preuve en oeuvre
 9780773587526

Table of contents :
Couverture
Page légale
Table des matières
Avant-propos
Remerciements
Introduction - Évolution du programme forces
SECTION I - Pourquoi offrir le programme forces ?
1 - L’impératif de politique : Pourquoi de meilleures données probantes dans la prise de décision ?
2 - Les impératifs de gestion pour diriger le changement clinique
SECTION II - Les éléments du programme de formation
3 - Principes fondamentaux du programme forces
4 - Favoriser l’utilisation de la recherche dans les politiques et dans la gestion
5 - Renforcer le savoir de recherche des gestionnaires
6 - Compétences en leadership pour une prise de décision éclairée par les données probantes
7 - Gérer et maintenir le changement
8 - Le mentorat des adultes dans l’utilisation de la recherche
9 - Évaluation des premières années du programme forces
SECTION III - Ce que les leaders régionaux et les boursiers ont dit à propos de leur expérience
10 - Renforcer la capacité en matière de changement : Exemples de l’Office régional de la santé de Winnipeg
11 - L’expérience forces en Montérégie
12 - Vue d’ensemble : de nombreux points de vue et une transformation dans un district de santé de la Nouvelle-Écosse
Conclusion - Favoriser le développement d’agents de changement et l’adaptation des organismes au changement
Collaborateurs

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Améliorer le leadership dans les services de santé au Canada

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Améliorer le leadership dans les services de santé au Canada La preuve en œuvre Sous la direction de jean-louis denis et terrence sullivan

Publié pour La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé par McGill-Queen’s University Press Montréal & Kingston • London • Ithaca

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978-0-7735-8752-6 (PDF) Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier non acide qui ne provient pas de forêts anciennes % matériel post-consommation), non blanchi au chlore.

l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Améliorer le leadership dans les services de santé au Canada : la preuve en œuvre / sous la direction de Jean-Louis Denis et Terrence Sullivan. Traduction de : Building better health care leadership for Canada. Comprend des réf. bibliogr.

III. Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé

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Table des matières



Avant-propos Owen Adams et Jean Rochon  vii



Remerciements  ix



Introduction : Évolution du programme FORCES Jean-Louis Denis, Terrence Sullivan, Samuel B. Sheps, Nina Stipich et Jonathan Lomas  xi



Section I : Pourquoi offrir le programme FORCES ?  3

1 L’impératif de politique : Pourquoi de meilleures données probantes dans la prise de décision ? Paul A. Lamarche, Raynald Pineault, Jean Rochon et Terrence Sullivan  5 2 Les impératifs de gestion pour diriger le changement clinique Robert S. Bell  24

Section II : Les éléments du programme de formation  41

3 Principes fondamentaux du programme FORCES Terrence Sullivan, Jean-Louis Denis et Samuel B. Sheps  45 4 Favoriser l’utilisation de la recherche dans les politiques et dans la gestion John N. Lavis  51

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Table des matières

5 Renforcer le savoir de recherche des gestionnaires David L. Streiner, Paula N. Goering et Jeffrey S. Hoch

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6 Compétences en leadership pour une prise de décision éclairée par les données probantes Terrence Sullivan, Margo Orchard et Muriah Umoquit 77 7 Gérer et maintenir le changement Ann Langley, Karen Golden-Biddle, Jean-Louis Denis et Trish Reay 93 8 Le mentorat des adultes dans l’utilisation de la recherche Samuel B. Sheps 117 9 Évaluation des premières années du programme FORCES Malcolm Anderson pour l’équipe d’évaluation f o r c e s 134 Section III : Ce que les leaders régionaux et les boursiers ont dit à propos de leur expérience 167 10 Renforcer la capacité en matière de changement : Exemples de l’Office régional de la santé de Winnipeg Brian Postl 169 11 L’expérience FORCES en Montérégie Denis A. Roy, Sylvie Cantin et Stéphane Rivard

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12 Vue d’ensemble : De nombreux points de vue et une transformation dans un district de santé de la Nouvelle-Écosse Chris Power 197 Conclusion – Favoriser le développement d’agents de changement et l’adaptation des organismes au changement Ward Flemons, Andrea Seymour et Carl Taillon 210 Collaborateurs

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Avant-propos Au nom des partenaires du programme Formation en utilisation de la recherche pour cadres qui exercent dans la santé (forces ) : Le Collège canadien des leaders en santé, l’Association médicale canadienne, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, le Consortium québécois owen adams et jean rochon Depuis son établissement en 1997, la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) fait figure de pionnière dans la prise de décision éclairée par les données probantes en favorisant la collaboration entre les exécutants et les utilisateurs de la recherche sur les services de santé, partiellement au moyen de partenariats entre les chercheurs et les décideurs pour la conception et la réalisation de ses subventions de recherche, ce qui renforce la pertinence de la recherche et augmente les chances de la mettre en pratique. Le programme FORCES vient conforter cette approche en réunissant des décideurs des échelons supérieurs du domaine des services de santé et un groupe d’éminents chercheurs œuvrant dans ce domaine pour mener à bien un programme de formation sur l’application des données probantes de recherche à la prise de décision. Nous prévoyons que le programme FORCES présentera plusieurs avantages durables. En premier lieu, les projets FORCES dirigés par les boursiers contribueront à accroître l’application de la recherche

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Avant-propos

dans le système de prestation de services de santé. Deuxièmement, en autorisant la participation d’infirmiers, de médecins et de cadres exerçant dans la santé, FORCES favorise un travail d’équipe interdisciplinaire ; la récente sollicitation de projets d’équipe au sein des établissements intensifiera cette collaboration. Ensuite, nous nous attendons à ce que FORCES engendre une communauté de pratique pancanadienne qui continuera de favoriser l’échange de connaissances et le partage d’expériences et qui, en temps voulu, permettra d’atténuer la tendance canadienne à « réinventer la roue » dans chaque province et territoire. Enfin, les boursiers FORCES provenant de différents secteurs du système de prestation de services de santé (hôpitaux, centres communautaires, santé publique, ministères de la Santé) permettront d’harmoniser les programmes et de réduire l’effet de silo, déploré depuis si longtemps. Nous félicitons les boursiers FORCES et le corps enseignant pour leurs immenses efforts et leur profond engagement. En raison du nombre de demandes concurrentes et du vaste choix de programmes de formation en leadership offert dans le secteur de la santé, il n’est pas facile de recruter des candidats pour le programme. En revanche, ceux qui s’y sont joints sont remarquables. Le recrutement a exigé des efforts constants de la part de toutes les parties, mais, au dire de tous, il en vaut la peine. Nous espérons que le présent ouvrage rend bien toute l’essence de la richesse des échanges entre la communauté de la recherche et celle de la prise de décision et qu’il poussera d’autres personnes à adopter cette approche plus largement au Canada et ailleurs dans le monde.

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Remerciements

Nous désirons souligner la contribution de sept groupes de boursiers – ainsi que celle des groupes à venir – à l’évolution continue d’une importante expérience de formation. Ces boursiers apportent une vigueur nouvelle au leadership dans le système de prestation de services de santé. Nous tenons également à remercier les enseignants principaux et les enseignants invités qui ont joué un rôle actif et qui ont modelé et peaufiné le programme de formation initial et les méthodes d’enseignement. Les dirigeants et le personnel de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé ont depuis le début constitué le pivot organisationnel de cet important programme, particulièrement Nina Stipich et Jessie Checkley, qui en ont assumé le leadership, la coordination et la réalisation. Le formidable soutien qu’ont apporté Jennifer Verma, Jasmine Neeson, Kerrie Whitehurst et Beth Everson à la coordination et à la production du présent ouvrage mérite également d’être souligné. Nous désirons également remercier l’équipe de conception et de développement du programme FORCES de 2003 : Steven  Lewis, Lillian Bayne, Armand Boudreau, Jack Altman, David Rochefort, Jean-Louis Denis, Nina Stipich, Pierre Sauvé et Jonathan Lomas, pour leurs connaissances et leur expertise en conception ; les membres du conseil consultatif FORCES, présidé par le docteur Jean Rochon, pour leurs conseils stratégiques ; et nos partenaires clés de l’Association médicale canadienne, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, du Collège canadien des leaders en santé et du Consortium québécois pour leur soutien actif au programme. Nous sommes également reconnaissants envers les

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Remerciements

Presses universitaires McGill-Queen’s pour leur participation à la publication du livre. Jean-Louis Denis Terrence Sullivan

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Introduction Évolution du programme forces jean - louis denis , terrence sullivan , samuel r.  sheps , nina stipich et jonathan lomas

Le présent ouvrage porte sur l’évolution, le contenu et les premières répercussions d’un programme de bourses de recherche unique conçu pour améliorer la prise de décision dans les organismes de santé. Vouloir consacrer des efforts au renforcement des intrants de la recherche dans la gestion des systèmes de santé n’est pas nouveau, cela fait partie de l’utopie à laquelle aspirent les États éclairés. Au XVII e  siècle, Francis  Bacon prêchait une utopie éclairée gouvernée par la connaissance, la science et la médecine dans La Nouvelle Atlantide. Plus récemment, à la suite de l’attention considérable portée à la médecine clinique fondée sur les données probantes de l’Université McMaster dans les années 1980 et au début des années 1990, la gestion des services de santé ainsi que le domaine émergent que constituent la mesure et la gestion du rendement des services de santé, ont fait l’objet du même examen approfondi (Gray, 1977). Comme l’ont suggéré Pfeffer et Sutton (2006) ainsi que Rousseau et McCarthy (2007), la formation de cadres fondée sur les données probantes améliore la prise de décision en matière de gestion et favorise ainsi de meilleurs résultats sur le plan organisationnel. Les données probantes en matière de gestion permettent de réduire l’utilisation de pratiques de gestion inefficaces tout en diffusant plus largement des approches efficaces. Alors que la nature professionnelle et multidisciplinaire de la gestion est moins bien établie que celle de la médecine, elle est tout aussi nécessaire (Walshe et Rundall,

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Introduction

2001). Il semble même qu’elle soit indispensable compte tenu de la nécessité émergente de procéder à des réformes du système de santé fondées sur les données probantes comparatives portant sur les meilleurs rendements (Smith et coll., 2009). Toutefois, il est devenu évident au cours des dernières années que l’utilisation de la recherche pour éclairer la prise de décision en matière de gestion exige bien plus que de résumer des résultats sous forme d’ensembles plus compréhensibles et de trouver des moyens persuasifs de les communiquer. À l’extrémité réceptrice de ces messages persuasifs se trouvent des personnes, des cultures professionnelles et des organismes évoluant dans un contexte unique qui leur est propre – un contexte qui jusqu’ici n’a jamais été activement réceptif aux résultats de la recherche (Lomas, 2007). Qui plus est, le gestionnaire moyen d’un système de santé n’est pas très versé dans le repérage, l’évaluation et l’utilisation de données organisationnelles de recherche ou comparées, ces activités ne faisant pas partie de ses tâches quotidiennes. Un organisme moyen n’est ni conçu pour intégrer systématiquement la recherche à la prise de décision, ni encouragé à le faire. Ce n’est que récemment que nous reconnaissons ce rôle de « capacité réceptrice » des cadres comme une exigence pour l’utilisation efficace et continue des résultats de la recherche par les gestionnaires et leur organisme (Zahra et George, 2002 ; Lemieux et Champagne, 2004 ; Denis, 2005 ; Lomas et Brown, 2009). En 2003, lorsque la FCRSS a révisé le contenu des programmes de formation pour cadres exerçant dans la santé offerts au Canada, force a été de constater qu’aucun ne se concentrait sur les compétences requises pour acquérir, évaluer, adapter et appliquer les résultats de la recherche (Romilly, 2003). Il s’agissait clairement d’un maillon manquant important, voire indispensable, dans la chaîne des exigences à satisfaire pour une gestion éclairée par les données probantes et une amélioration du rendement dans les services de santé. Pour tenter de combler cette lacune, la FCRSS a mis sur pied le programme FORCES, un programme de bourses de recherche conçu pour améliorer la capacité réceptrice visant les données probantes de la recherche. En effet, le programme a été expressément conçu pour augmenter la capacité des organismes de santé au Canada à prendre de meilleures décisions et à améliorer leur rendement en se fondant sur les données probantes. L’extraction, l’assimilation et l’application des résultats de la recherche dans un contexte de prise de décision touchant la direction sont des compétences fondamentales nécessaires autant chez le cadre

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Introduction

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exerçant dans la santé que chez le fonctionnaire professionnel de la santé. La fonction publique du Royaume-Uni reconnaît dorénavant « l’analyse et l’utilisation de données probantes » comme l’une des quatre compétences de base du fonctionnaire, au même titre que la gestion financière, la gestion des ressources humaines et la gestion de programmes (Campbell et coll., 2007).

But et aperçu Le présent ouvrage présente l’historique du programme FORCES et de ses composantes selon trois perspectives faisant chacune l’objet d’une section. La section I expose les impératifs de politique et de gestion pour la réalisation d’un tel programme (chapitres 1 et 2 respectivement). La section  II décrit certains des éléments uniques et évolutifs du programme de formation (chapitres 3 à 9). La section III présente des commentaires sur les façons dont le programme a influé sur les boursiers et les organismes qui les ont accueillis et soutenus (chapitres 10 à 12). Chaque section débute par un bref éditorial qui présente les chapitres. Le livre couvre ainsi le programme de formation unique et les éléments de soutien de FORCES sous des perspectives différentes, notamment du corps enseignant, des boursiers, des gestionnaires et des responsables des politiques. Nous avons encouragé le principal auteur de chaque chapitre ainsi que les boursiers rédigeant des commentaires à revenir de façon éclairée sur l’expérience qu’ils ont vécue dans le cadre de FORCES. Nous espérons que le présent ouvrage sera lu par ceux qui ont à cœur l’amélioration du rendement dans les organismes de santé au moyen de la formation et par ceux qui veulent en apprendre davantage sur les éléments du programme nécessaires à la formation des cadres exerçant dans la santé. Au moment de la rédaction du présent ouvrage, FORCES évolue en tant que programme d’apprentissage. Au cours des sept  premières années, on constate un grand appétit pour une formation riche en connaissances à l’intention des cadres exerçant dans la santé et axée sur une meilleure application de diverses formes de données probantes. Les personnes ayant contribué à la rédaction du présent livre ont fait de nombreuses suggestions pour peaufiner et renforcer le contenu et la conception du programme, et l’importante évaluation actuellement en cours sur le terrain permettra certainement d’en accentuer l’évolution.

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Introduction

Nous sommes d’avis que FORCES a eu une influence favorable sur les personnes qui y ont participé (comme l’illustre le chapitre 9) en leur permettant d’utiliser les données probantes dans leur propre milieu de travail. Cependant, une évaluation plus récente visant à vérifier si les stagiaires des premiers groupes ont pu entreprendre d’importants changements dans la culture et le rendement organisationnel de leurs organismes, bien qu’elle soit encourageante à certains égards, semble moins concluante (Champagne et coll., 2010). Les premiers résultats d’une étude présentés par Scott et coll. (2003) suggèrent que la relation entre la culture organisationnelle et le rendement a été difficile à établir malgré certains éléments démontrant que cette relation existe. Ils recommandent de mieux préciser les définitions opérationnelles communes de culture et de rendement. Toutefois, il semble clair que les relations de travail collaboratives entre la gestion opérationnelle et les cliniciens représentent un facteur important dans l’amélioration du rendement des hôpitaux (Klopper-Kess et coll., 2010). Le programme FORCES évolue de façon à admettre un plus grand nombre d’équipes mixtes issues d’un seul établissement à la recherche d’habiletés pratiques pour des projets organisationnels particuliers visant l’amélioration du rendement. Si l’on se fonde en partie sur l’évaluation organisationnelle initiale, l’approche favorisant la formation d’équipes semble plus prometteuse en matière d’impact organisationnel sur la culture et, en fin de compte, sur le rendement. Alors que nous examinons les orientations à favoriser pour l’évolution du programme, deux impératifs se dégagent. Premièrement, il faut investir dans la science appliquée du rendement et de l’amélioration de la qualité pour aider les systèmes de santé à supporter les tensions de coûts croissantes au moyen d’une optique d’analyse fondée sur la qualité, c’est-à-dire pour déterminer ce qui fonctionne et comment. Sur ce point, les efforts sont actuellement insuffisants malgré l’intérêt naissant. Nous devons réinvestir dans notre corpus de connaissances, une approche insuffisamment privilégiée par les organismes subventionnaires en général. Qui plus est, à ce jour, l’investissement au Canada consacré aux initiatives visant directement la qualité a été assez maigre (Gagliardi et coll. 2010), et il provient en grande partie d’initiatives étrangères (Sullivan et coll., à venir). Il est également impératif de multiplier rapidement les activités de formation axées sur les compétences afin de créer un leadership contextuel et pratique fondé sur les données probantes à tous les échelons de la

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Introduction

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direction afin d’évoluer suffisamment rapidement dans le processus d’amélioration du rendement du système de santé. Le programme FORCES a commencé à favoriser cette accélération et continuera de raffiner ses éléments pour optimiser l’impact. Le programme jouit d’un important soutien de la FCRSS, de ses partenaires canadiens et des organismes d’attache des boursiers. Nous espérons que certains de ses éléments initiaux pourront être utiles dans le contexte d’autres systèmes de prestation de services de santé. Nous avons hâte de peaufiner et d’étendre l’application du programme de formation à l’échelle du pays et de favoriser une collaboration d’apprentissage internationale continue. Une partie de cette introduction a été publiée dans une édition spéciale du Journal of Health Services and Policy Research : Jean-Louis Denis, Jonathan Lomas et Nina Stipich (2008). « Creating receptor capacity for research in the health system : The Executive Training for Research Application (EXTRA) program in Canada », Journal of Health Services Research Policy, vol. 13 (supp. 1), 1–7.

Références Campbell, S., S. Benita, E. Coates, P. Davies et G. Penn (2007). Analysis for policy : Evidence-based policy in practice, Londres, gouvernement du Royaume-Uni, Social Research Unit. Champagne, F., L. Lemieux-Charles, G. MacKean, T. Reay, J.C. Suárez Herrera, M. Anderson, N. Dubois et M.F. Duranceau (2010). Knowledge Creation in Healthcare Organizations as a Result of Individuals’ Participation in the e x t r a and se a r c h Programs, Rapport préliminaire (non publié). Denis, J.-L. (2005). Linking knowledge and health care organizations more tightly, Présenté à la 6e conférence internationale sur les fondements scientifiques des services de santé. Montréal, Canada, du 18 au 20 septembre. Gagliardi, A., C. Majewski, J. Victor et R. Baker (2010). « Quality improvement capacity : a survey of hospital quality managers », Quality Safety in Health Care, vol. 19, 27–30. Gray, J.M. (1997). Evidence based healthcare : How to make health policy and management decisions, New York, Churchill Livingston. Klopper-Kes, A., N. Meerdink, C. Wilderom et W. van Harten (2010). « Effective cooperation influencing performance : a study in Dutch

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Introduction

hospitals », International Journal for Quality in Health Care, 10.1093/ intqhc/mzq070 Lemieux-Charles, L. et F. Champagne (2004). Using knowledge and evidence in healthcare : Multidisciplinary perspectives, Toronto, University of Toronto Press. Lomas, J. (2007). « The in-between work of knowledge brokering », British Medical Journal, vol. 334, no 129, 129–32. Lomas, J. et A. Brown (2009). « Research and advice-giving : A functional view of evidence informed policy advice in a Canadian ministry of health », Milbank Quarterly, vol. 87, no 4, 903–26. Pfeffer, J. et R.I. Sutton (2006). « Evidence-based management », Harvard Business Review, vol. 84 (janvier), 1–13. Romilly, L. (2003). Environmental scan of management training programs for health systems managers, Rapport non publié préparé pour le processus de planification de FORCES. Rousseau, D.M. et S. McCarthy (2007). « Evidence-based management : Educating managers from an evidence-based perspective », Academy of Management Learning and Education, vol. 6, 94–101. Scott, T., R. Mannion, M. Marshall et H. Davies (2003). « Does 0rganisational culture influence health care performance ? A review of the evidence », Journal of Health Services Research & Policy, vol. 8, 105–17. Smith, P., E. Mossialos, I. Papanicolas et S. Leatherman (2009). Performance measurement for health system improvement : Experiences, challenges and prospects, Cambridge, Cambridge University Press. Sullivan, T., F. Ashbury, J. Pun, B. Pitts, N. Stipich et J. Neeson (2011). « Responsibility for Canada’s Healthcare Quality Agenda : Interviews with Canadian Health Leaders », HealthCare Papers, à paraître. Walshe K. et T. Rundall (2001). « Evidence-based management : From theory to practice in health care », Milbank Quarterly, vol. 79, no 3, 429–57. Zahra, A. S. et G. George (2002). « Absorptive capacity : A review, reconceptualization and extension », Academy of Management Review, vol. 27, no 2, 185–203.

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section i

Pourquoi offrir le programme forces ? Dans le chapitre 1, Paul Lamarche et ses collaborateurs tentent d’établir le contexte politique requis pour l’utilisation des données probantes dans l’affectation des ressources en santé et dans la prise de décision en gestion. Ils précisent que le point de vue actuel sur les données probantes, particulièrement sur leur efficacité et leur efficience, ne constitue qu’une parmi plusieurs autres formes concurrentes et valables dont peuvent tenir compte les cadres dans la prise de décision en matière de gestion des services de santé. Le premier chapitre explique comment diverses influences, comme la faisabilité, l’acceptabilité et l’efficacité, jouent des rôles essentiels dans l’évaluation des décisions, au même titre que la méthode d’engagement et de diffusion, de même que la valeur de différentes formes de connaissances. Selon les auteurs, une meilleure utilisation des données probantes exigerait la participation des chercheurs et des décideurs, ce qui aurait comme effet de démocratiser l’utilisation de telles connaissances. Ils soutiennent que la définition et l’organisation des services de santé devraient évoluer de façons nouvelles et souhaitables en raison d’une meilleure utilisation des données probantes, un souhait démocratique très louable. Dans le chapitre 2, Robert Bell présente l’impératif de gestion en matière de formation du point de vue d’un directeur général médecin travaillant dans un grand hôpital universitaire. Il montre clairement le besoin d’intégrer la science de la gestion et la science médicale dans l’exploitation de grands organismes de santé. Il souligne la nature complémentaire de ces deux ensembles de connaissances et la nécessité de faire appel aux deux pour favoriser une amélioration de la prestation des services de santé et des résultats

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Pourquoi offrir le programme forces ?

cliniques. Il aborde cette question avec style, en relatant la mise en œuvre par étapes de systèmes automatisés d’enregistrement des prescriptions des médecins dans son hôpital.

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1 L’impératif de politique Pourquoi de meilleures données probantes dans la prise de décision ? paul a . lamarche , raynald pineault , jean rochon et terrence sullivan

Introduction Ce chapitre décrit de façon succincte l’impératif de politique en déterminant les facteurs qui suscitent une plus grande utilisation des données probantes dans la prise de décision. Il met également en relief un certain nombre de restrictions faisant obstacle à une utilisation accrue des données probantes dans les organismes et dans la prestation des services de santé. On y examine cinq volets : le besoin croissant de données probantes, la nature des données probantes, la relativité des données probantes, les utilisateurs des données probantes et des suggestions pour en augmenter l’utilisation.

Le besoin croissant de données probantes Plusieurs facteurs viennent influer sur une utilisation accrue des données probantes dans la prise de décision en matière d’organisation et de prestation des services de santé : la nature des décisions, la disponibilité et l’accessibilité des données probantes, ainsi que la perception, de la part des observateurs, du bien-fondé de la décision et de la crédibilité des décideurs. Une part importante des décisions en matière d’organisation et de prestation des services de santé consiste à choisir les mesures à prendre pour résoudre un problème, améliorer une situation ou atteindre

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Pourquoi offrir le programme forces ?

un objectif (Pressman et Wildavsky, 1973 ; Heclo, 1974 ; Majone, 1980). Les mesures prises pour améliorer l’accessibilité, la continuité et la qualité des services, de même que l’objectif de contrôler les coûts du système de santé, en sont des illustrations concrètes. Chacune de ces décisions repose, implicitement ou explicitement, sur une approche d’intervention qui associe le problème, à savoir la situation et l’objectif visé, aux mesures proposées et aux résultats escomptés. Les décideurs et leurs organismes ont tout intérêt à ce que l’approche pour la résolution de problème repose sur l’assise la plus solide possible. Or, les données scientifiques constituent une telle assise. On tend de plus en plus à améliorer le rendement des systèmes de santé dans leur globalité pour mieux répondre aux besoins de la population en matière de services (OCDE, 2004). On s’efforce de mesurer et de comparer le rendement des systèmes et de leurs composantes (Conseil canadien de la santé, 2007 ; The Commonwealth Fund, 2008). L’un des défis à relever au cours des prochaines années sera de déterminer les facteurs qui influent sur ce rendement et d’apporter les changements nécessaires. Les données scientifiques représentent un bon moyen d’aborder ces difficultés, et des initiatives sont déjà en cours à cet effet (Connor-Spady et coll., 2007 ; Sullivan et coll., 2008 ; Commissaire à la santé et au bien-être, 2009). Qui plus est, la disponibilité et l’accessibilité des données scientifiques ont déjà considérablement augmenté au cours des dernières années. L’organisation des services de santé et la recherche en politiques ont longtemps été perçues comme les parents pauvres de la recherche en santé et peut-être le sont-elles encore. En revanche, il est évident que jamais auparavant on n’a mené autant d’études pour explorer les divers aspects de la politique, de l’organisation et de la prestation des services de santé. De nombreuses revues scientifiques publient les résultats de recherche dans ce domaine, notamment Health Affairs, Journal of Health Politics, Policy and Law et Evaluation aux États-Unis ; Healthcare Quarterly, Healthcare Papers et Politiques de Santé au Canada ; et Pratiques et Organisation des Soins en France. Internet assure la dissémination à l’échelle mondiale des connaissances dans ce domaine, et les bibliothèques électroniques donnent accès à des comptes rendus complets des publications sur un sujet donné – tout cela sans avoir à quitter le bureau. Certains groupes se sont donné comme mandat de faire la synthèse des données de recherche [par exemple, À bas les mythes (http://www.fcrss.

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L’impératif de politique

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ca/publicationsandresourcesmythbusters.aspx) et les Synthèses de politiques (http://www.fcrss.ca/programs/pastprograms/decision supportsynthesisprograms.aspx) de la FCRSS] et donnent accès aux résumés de leurs méta-analyses sur le Web [par exemple, Cochrane Collaboration (http://www.cochrane.org/reviews/) et Campbell Collaboration of Systematic Research Reviews (http://www.camp bellcollaboration.org/]. Il n’y pas si longtemps, ces données scientifiques provenaient principalement des pays anglophones, notamment les États-Unis et l’Angleterre, et dans une moindre mesure, de la Scandinavie. Aujourd’hui, elles proviennent d’un peu partout, y compris de pays émergents comme la Chine, Taïwan et Singapour. Les attentes en matière d’utilisation des données scientifiques augmentent considérablement, ce que confirme le nombre croissant de documents publiés sur la prise de décision fondée sur les données probantes dans le secteur de la santé. L’utilisation de données probantes influe désormais sur la confiance qu’ont les observateurs en l’approche d’intervention et les mesures proposées par les décideurs ainsi que sur la crédibilité de ces derniers. Prenons comme exemple le débat actuel au Québec au sujet des partenariats public-privé (PPP) préconisés par le gouvernement actuel pour la construction de centres médicaux universitaires. Les opposants citent les expériences vécues à l’étranger pour justifier l’abandon de cette formule (Vadeboncœur et Goulet, 2009). Quant à l’agence gouvernementale responsable de la promotion du PPP, elle ne fournit aucune donnée étayant les avantages escomptés. Pour cette raison, un éditorialiste bien connu a dénoncé l’absence totale de crédibilité de l’agence (Sansfaçon, 2009). Les épithètes « arbitraire » et « politique » sont souvent employées pour qualifier les décisions perçues comme étant non fondées sur les données probantes (Peterson, 1995).

La nature des données probantes Les décisions qui doivent être fondées sur les données probantes sont celles qui se rapportent au choix des interventions dans l’organisation et la prestation des services de santé. Nous souhaitons que ce choix soit fondé sur la capacité démontrée de ces interventions à résoudre un problème, à améliorer une situation ou le rendement d’un système et à atteindre un objectif ; en d’autres termes, que ce choix repose sur l’efficacité de l’intervention (Klein, 2003), qui doit

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préférablement être confirmée au moyen d’études scientifiques. L’efficacité ainsi démontrée constitue alors ce qu’on nomme en général les « données probantes » et les « données scientifiques ». Comme il a été mentionné dans l’introduction, l’approche favorisant la prise de décision fondée sur les données probantes provient de la médecine clinique, qui vise à baser le choix d’une intervention et, en particulier, d’un médicament ou d’une autre intervention médicale, sur son efficacité démontrée à traiter le problème de santé. Alors que nous reconnaissons qu’il est souhaitable d’adopter cette approche dans la prise de décision associée à l’organisation des services de santé, sa généralisation est limitée par, entre autres, la nature même des décisions à prendre, par la multitude des résultats escomptés ainsi que par l’influence du contexte et des intervenants sur l’efficacité des interventions. En outre, mise à part l’efficacité, d’autres critères sont pris en compte dans la prise de décision en santé. Même si ces critères ne diminuent en rien l’importance d’utiliser les données probantes dans la prise de décision, il est néanmoins nécessaire d’adapter leur définition, de même que les façons dont ils sont obtenus et utilisés, à la nature particulière du type de décision et du processus en question. Ces critères exigent également une diversification des sources de connaissances. Les interventions dans l’organisation et la prestation de services de santé sont de plus en plus complexes (Pineault et coll., 2010). Elles comprennent en général plusieurs éléments interdépendants faisant participer de nombreux intervenants et sont établies dans divers contextes, comme les programmes de soins pour personnes âgées en perte d’autonomie, les PPP et la décentralisation des pouvoirs aux autorités régionales et locales. Chacune de ces interventions comporte plusieurs éléments qui influent simultanément sur la gouvernance, l’allocation des ressources et les rôles et pouvoirs des différents intervenants. En outre, ces interventions sont établies dans des cadres de travail non expérimentaux. Les responsables de la mise en œuvre des cadres de travail et ceux qui les utilisent apprennent par expérience et modifient ou adaptent l’intervention selon les enseignements tirés. Par conséquent, la plupart des interventions sont difficiles à définir avec précision. Elles diffèrent ainsi considérablement des interventions contrôlées et des observations des études cliniques. Il est particulièrement difficile dans ce cas d’associer les résultats observés à leurs divers éléments : sont-ils associés à des éléments en particulier, à tous les éléments, ou à la cohérence qui relie une intervention à la suivante (Meyer et coll., 1993) ?

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La même intervention peut entraîner différents résultats, selon le contexte de la mise en œuvre ou les intervenants à l’origine de celleci. Les résultats ne sont pas uniquement ou même principalement dépendants des composantes des interventions, mais plutôt de leur interaction avec le contexte et des intervenants concernés (Meyer et coll., 1993). Quelques-unes de nos propres études sur les soins de santé primaires suggèrent également qu’un modèle d’organisation peut produire différents résultats selon le contexte (Lamarche et coll., 2009 ; Pineault et coll. 2008). Des modèles semblent mieux convenir à certains contextes plutôt qu’à d’autres. Les synthèses de recherche tiennent rarement compte des interactions entre les interventions et les contextes. Le peu d’importance accordée à ces interactions augmente le risque écologique, qui consiste à attribuer à chaque intervenant les caractéristiques observées dans le groupe pris dans son ensemble. Ce risque d’erreur est souvent critiqué dans les lignes directrices de pratique clinique. Dans la plupart des cas, les interventions dans les services de santé visent simultanément plusieurs objectifs, et aucune ne peut les réaliser tous en même temps. Par conséquent, le choix des objectifs ne peut reposer uniquement sur leur efficacité relative. Un objectif pouvant être aussi souhaitable qu’un autre, on doit par conséquent les classer par ordre de priorité. L’établissement des priorités est souvent réalisé à l’extérieur de la zone d’influence des données scientifiques. Les débats sur la protection de l’environnement, le développement économique et la sécurité énergétique (Sabatier, 1993), l’organisation des soins de santé primaires (Lamarche et coll., 2003) et les mesures pour favoriser l’accessibilité et la continuité des services (Pineault et coll., 2005) sont tous des exemples courants de cette réalité. La mesure de l’efficacité des interventions ne peut être fondée uniquement sur les résultats globaux. Elle doit également tenir compte des écarts, ces derniers permettant d’évaluer les répercussions extrêmes, ou seuils, associés à ces interventions. Une évaluation globale positive d’une intervention peut faire écran et dissimuler des situations inacceptables sur le plan social et politique. Ces cas, souvent isolés, que certains qualifieraient d’anecdotiques, peuvent faire en sorte que soit contestée la valeur de l’intervention qui, dans son ensemble, a produit des résultats positifs. Prenons l’exemple d’un patient qui est décédé sur une civière dans la salle d’urgence après une attente de 48 heures sans avoir été examiné par un médecin. Ce cas peut mettre en doute tout un plan qui s’avère habituellement

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efficace dans la prestation rapide des soins nécessaires aux patients. Pour que l’efficacité démontrée devienne le critère de choix dans les politiques et dans l’organisation des services de santé, on doit accorder autant de poids aux résultats observés dans une mise en œuvre à grande échelle, ce que l’on appelle aujourd’hui la recherche comparative sur l’efficacité. L’efficacité des interventions est rarement le seul critère qui influe sur les décisions ; leur faisabilité et leur acceptabilité doivent aussi être prises en compte (Klein, 2003). On entend par « faisabilité » la facilité de mise en œuvre dans un contexte donné, ce qui comprend, entre autres, la disponibilité des ressources financières, humaines et technologies requises ou l’expertise en gestion nécessaire pour la mise en œuvre. L’« acceptabilité » désigne les réactions que les interventions susciteront probablement au sein de la population, dans les médias et dans les groupes d’intérêt. Alors que l’efficacité des interventions permet de lever ce que Peterson (1995) appelait l’incertitude programmatique (l’incertitude en matière de répercussions associées aux interventions), la faisabilité et l’acceptabilité visent à éliminer l’incertitude politique liée au choix de l’intervention. L’évaluation des interventions selon ces trois critères exige la diversification des sources de connaissances. Peterson (1995) en a relevé trois. Tout d’abord, les connaissances acquises selon des méthodes scientifiques sont généralement considérées comme rationnelles, impartiales et moins faillibles que d’autres sources de connaissances et désignées comme « données probantes ». La FCRSS encourage l’utilisation de ces connaissances dans la prise de décision. En deuxième lieu, les connaissances populaires ou expérientielles, obtenues par l’expérience, l’observation et les interactions quotidiennes, proviennent de l’expérience personnelle, d’échanges quotidiens et de l’analyse des publications dans les médias. Elles donnent un aperçu du fonctionnement des systèmes de santé, de la cause des perturbations qui les secouent et des éventuelles solutions. Toutefois, ces connaissances sont perçues comme non rationnelles, partiales et extrêmement faillibles. Enfin, les connaissances distributionnelles tiennent compte des intérêts des intervenants qui seront vraisemblablement touchés par une décision, de même que du type et de l’intensité des réactions possibles. Ces connaissances revêtent une grande importance pour la mise en œuvre de mesures qui dépendent du soutien des groupes d’intervenants ou d’intérêt comptant souvent dans leurs rangs des gagnants et

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des perdants pour les diverses options. Alors que les données scientifiques permettent surtout de mesurer l’efficacité des interventions, les connaissances expérientielles et distributionnelles permettent d’en évaluer la faisabilité et l’acceptabilité.

La synergie des données probantes Les données scientifiques ne sont ni la seule prémisse reconnue de la prise de décision, ni les seules données ayant du poids. L’intuition, le courant de pensée dominant ou l’idéologie et les demandes des groupes d’intervenants en constituent d’autres. Ces prémisses sont souvent perçues comme antagonistes dans la prise de décision, se neutralisant mutuellement, et ayant pour résultat que si l’influence d’une d’entre elles est grande, celle des autres sera nécessairement moindre. Selon nous, cela ne semble pas toujours vrai. Au contraire, ces prémisses peuvent être utilisées de façon synergétique avec les données scientifiques pour accroître l’influence dans la prise de décision. D’ailleurs, selon une opinion très répandue, il faut encourager l’intuition dans la prise de décision (Cyr, 2008 ; Gladwell, 2005). L’intuition est définie comme un sixième sens ou notre petite voix intérieure qui nous guide presque toujours vers la bonne décision. Elle serait en fait le GPS des décideurs. Pour augmenter son efficacité, les décideurs doivent croire en cette intuition et lui faire confiance. Les limites des données scientifiques sont le principal argument en faveur de son utilisation. En effet, les données scientifiques ne sont pas disponibles sur tous les sujets, et lorsqu’elles le sont, elles sont souvent contradictoires. En outre, les données probantes concernent nécessairement des interventions en vigueur depuis assez longtemps pour permettre la collecte de données à leur sujet. Elles sont par conséquent axées sur le passé plutôt que sur l’avenir. De nouvelles interventions, souvent perçues comme originales et prometteuses, ne peuvent donc s’appuyer sur des données probantes. Selon ce point de vue, la créativité et l’innovation ne peuvent s’appuyer sur des données scientifiques et doivent davantage compter sur l’intuition. Un livre à succès des années 1980 (Peters et Waterman, 1984) fournit des arguments en faveur de cette opinion, implicitement du moins. Les auteurs ont relevé les principales caractéristiques des entreprises les plus prospères de leur époque. Une de ces caractéristiques était que l’entreprise privilégiait des actions reposant dans une large mesure sur l’intuition. En revanche, dans Theory U (2007),

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qui gagne toujours en popularité, Scharmer présente les données probantes comme l’une des premières étapes de la prise de décision. L’appropriation des données probantes par les décideurs et leur projection dans le temps et dans l’espace en fonction de ce qu’elles inspirent en eux constituent des étapes essentielles et complémentaires dans la prise de décisions créatives et novatrices. Une autre prémisse de la prise de décision est le « courant de pensée dominant », alimenté par des personnes reconnues comme des experts dans un domaine et considéré comme vrai en raison de la crédibilité de ces personnes et pas nécessairement parce qu’il est fondé sur des données probantes. Plus un courant de pensée dominant est accepté et alimenté par des gens sérieux, plus il est considéré comme vrai, peu importe sa validité sur le plan scientifique. L’importance de ce facteur est illustrée dans la série À bas les mythes de la FCRSS, qui a tenté d’influencer le courant de pensée dominant au moyen de données scientifiques sur divers sujets associés aux politiques et à l’organisation des services de santé. Cette série aborde, entre autres, l’influence de l’augmentation des dépenses, des frais modérateurs, des fusions institutionnelles et des organismes sans but lucratif sur le rendement du système de santé. L’importance de ce facteur a également été soulignée dans les années  1990 par Andersen Consulting, qui a interrogé près de 100 gestionnaires de systèmes de santé européens pour repérer les stratégies qui marqueront très probablement leur évolution. L’introduction de frais modérateurs représente l’une des stratégies les plus citées parce qu’elle s’accorde avec le courant de pensée dominant, même si les gestionnaires demeuraient convaincus de ses répercussions négatives sur les utilisateurs et les systèmes de santé. L’importance de cette prémisse est surtout mise en relief dans la théorie institutionnelle selon laquelle les organismes dans un domaine doivent tous suivre un même modèle homogène préconisé par des organismes considérés comme exemplaires dans ce domaine (mimétisme), en dépit des données scientifiques (DiMaggio et Powell, 1991). Son importance est également reconnue par Paul Krugman (1998), lauréat du prix Nobel en sciences économiques (2008), dans ses analyses de la mondialisation et des décisions politiques qui en résultent. L’idéologie, qui joue également un rôle clé dans la prise de décisions associées aux pouvoirs publics, peut être définie comme un ensemble de convictions plus ou moins rationnelles qui établit les objectifs à atteindre dans un domaine donné, permet de comprendre

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le fonctionnement de ce dernier et la cause des perturbations qui le secouent, et propose des solutions. L’idéologie repose sur des assises autres que les données scientifiques. Les convictions et les données probantes peuvent coïncider, mais elles peuvent également entrer en conflit, voire être opposées. Si elles coïncident, les défenseurs de ces convictions peuvent devenir ceux des données probantes. Si elles entrent en conflit, un débat sur leur primauté respective est inévitable. Les tensions entre les convictions et les données probantes existent depuis longtemps dans des sphères qui dépassent largement les systèmes de santé. Copernic et Galilée se sont exposés à la colère de l’Église catholique romaine lorsqu’ils ont proposé leur théorie héliocentrique du monde comme une possibilité autre que la vision géocentrique défendue par l’Église. On retrouve les mêmes tensions dans le débat en cours aux États-Unis opposant le créationnisme (théorie de la création intelligente) et la théorie de l’évolution de Darwin. La déclaration récente du chef de l’Église catholique romaine sur la relation entre les préservatifs et la propagation du sida en est un autre exemple. La volonté de Barack  Obama, président des États-Unis (2009), de redonner à la science la place qui lui est due dans l’élaboration des politiques publiques est un signe irréfutable de la présence et de l’influence considérables de l’idéologie dans ce domaine. Enfin, les intérêts des intervenants en cause jouent un rôle décisif dans la prise de décision associée aux politiques et à l’organisation des services de santé. La prise en compte de ces intérêts est intrinsèquement liée aux décisions associées aux pouvoirs publics (Moran, 1995), qui sont souvent le résultat de compromis entre les intérêts conflictuels de différents groupes (Sabatier, 1993). Certains auteurs vont même jusqu’à croire que ce qui détermine la validité d’une décision dans des domaines aussi complexes que la santé n’est pas le lien entre la fin et les moyens, parfois difficile à établir, mais plutôt le consensus qui se crée autour de la nécessité des moyens (Lindblom, 1959). La Commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux (Rochon, 1988) a décrit le système de santé comme étant prisonnier des groupes d’intervenants, les intérêts de ces derniers ayant préséance sur ceux du bien commun. Leur rôle et leur influence dans l’évolution des systèmes de santé ont également été démontrés dans un certain nombre de pays (Peterson, 1995 ; Tuohy, 1999 ; Moran, 1999 ; Hacker et Marmor, 2004). Il faut toutefois préciser que les données scientifiques et les groupes d’intérêt ne sont pas toujours en opposition. Ces groupes utilisent en

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effet les données scientifiques pour évaluer la contribution de diverses mesures à l’atteinte d’un certain nombre d’objectifs. En revanche, ce qui les caractérise, c’est qu’ils accordent davantage d’importance aux données scientifiques qui appuient les intérêts qu’ils défendent alors qu’ils peuvent réfuter et contester les données scientifiques les plus solides si elles ne servent pas leurs intérêts. Voilà pourquoi certains observateurs affirment que la valeur des données probantes réside, non pas dans leur vérité scientifique, mais principalement dans le nombre d’intervenants qu’elles parviennent à rassembler et dans l’influence de ces derniers (Jordan et Maloney, 1997).

Les utilisateurs des données probantes Notre notion de prise de décision en matière de services de santé détermine qui doit être sensibilisé aux données scientifiques pour en augmenter l’utilisation. La notion la plus courante est celle du « triangle de fer » (Jordan et Maloney, 1997), selon laquelle la plupart des décisions découlent de l’interaction d’un groupe restreint d’intervenants essentiellement composé du responsable législatif, de ses principaux adjoints ou administrateurs et des représentants de quelques groupes d’intérêt. La participation de ces groupes est jugée nécessaire en raison de leur expertise et aussi pour justifier le processus décisionnel aux yeux de ceux qui seront très probablement touchés par les décisions, et ainsi limiter les critiques et les éventuels conflits. Cette approche suggère que le public cible pour les données scientifiques n’est pas uniquement composé d’administrateurs du système de santé, mais également de ceux qui les appuient, de même que des représentants de groupes d’intervenants très écoutés dans les différents secteurs comme les associations de médecins et d’infirmières et infirmiers. Cette vision de la prise de décision liée à l’organisation des services de santé ne correspond plus à la réalité actuelle. Dans de nombreux cas, ce « triangle de fer » fait appel à de l’aide extérieure, créant ainsi une communauté d’influence (Sabatier, 1993). Au cours des dernières décennies, les gouvernements fédéral et provinciaux ont fait appel à des personnes à l’extérieur du triangle de fer, ayant une grande expertise dans le domaine ou dans l’élaboration de politiques publiques en général. Mentionnons au niveau fédéral, le Forum national sur la santé (1997) et la Commission Romanow (2002), et au niveau provincial, les groupes de travail et les commissions d’étude

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présidés par Duncan Sinclair (2000) en Ontario, Jean Rochon (1988), Michel  Clair (2000) et Claude  Castonguay (2008) au Québec, Don  Mazankowski (2001) en Alberta et Ken  Fyke (2001) en Saskatchewan. Les membres de ces groupes ou commissions, de même que leurs adjoints, forment une partie de la communauté d’influence. Presque tous les quotidiens publient des articles traitant d’un aspect ou l’autre de l’organisation des services de santé. Nombre de ces articles ne font que transmettre des nouvelles, mais certains présentent des analyses du fonctionnement du système ou d’une de ces composantes, des problèmes à résoudre et de leurs causes ainsi que des solutions possibles. Ces analyses ont une influence certaine non seulement sur les connaissances populaires, mais aussi sur les responsables législatifs et les décideurs du secteur de la santé. L’influence des médias est tellement grande de nos jours que ces derniers sont considérés comme un nouveau pouvoir dans la société. Les journalistes et les analystes qui se spécialisent en santé font également partie intégrante de cette communauté d’influence sur les politiques et l’organisation des services de santé. Le public cible peut s’élargir davantage pour inclure des intervenants potentiels dans l’organisation des services de santé : ceux qui ont un intérêt pour le secteur et qui, au moyen des données appropriées, deviendront fort probablement des participants actifs. La participation de ces intervenants représente un objectif stratégique reconnu dans la création de coalitions ainsi qu’un véhicule important pour la transmission et l’utilisation des données scientifiques pour influer sur les décisions. Ces coalitions peuvent inclure des associations de patients, des organismes communautaires, des coopératives de santé, voire des municipalités ; tous ces groupes portant un intérêt croissant à l’organisation des services de santé dans leur région.

Solutions d’avenir La figure 1.1 résume les différentes composantes du processus d’utilisation des données probantes. La prise en compte de ces composantes, une meilleure compréhension de leur influence et la reconnaissance de leur importance sont toutes susceptibles d’influer sur l’utilisation des données probantes dans les années à venir. Cinq approches possibles se dégagent en particulier de cette analyse. Elles forment la base sur laquelle la FCRSS et le programme FORCES s’appuient pour orienter leurs activités au cours des prochaines années.

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Intérêts des groupes Utilisation

Efficacité

Connaissances scientifiques

Données probantes

Acceptabilité

Diffusion

Faisabilité

Connaissances expérientielles Délibération

Figure 1.1

Processus d’utilisation des données probantes

La première approche – le développement des critères d’évaluation pour les interventions – occupe le centre de la figure 1.1. L’efficacité représente un critère fondamental. Son évaluation doit aller au-delà des conséquences moyennes associées aux interventions pour inclure les écarts observés par rapport à ces moyennes et tenir compte des effets médiateurs potentiels sur le contexte et les intervenants concernés (Sheldon, 2005). Les critères de faisabilité et d’acceptabilité doivent compléter celui d’efficacité des interventions, puisque leur influence sur la prise de décision est souvent interdépendante. Le fait qu’une intervention soit extrêmement efficace pourrait augmenter son acceptabilité, et une meilleure acceptabilité peut à son tour influer sur la faisabilité d’une intervention, du moins sur le plan des politiques. On peut facilement imaginer le degré d’influence que des données probantes coïncidentes peuvent avoir sur l’efficacité, la faisabilité et l’acceptabilité d’une intervention (Lavis et coll., 2004 ; Pineault et coll., 2005). La deuxième approche est illustrée dans la figure 1.1 par les éléments entourant le centre. Elle comprend la reconnaissance et l’utilisation de divers types de connaissances comme sources de données probantes : les connaissances scientifiques, les connaissances expérientielles et la connaissance des intérêts des groupes d’intervenants. Au cours d’études précédentes sur les soins de santé primaires, nous

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avons tenté de combiner les connaissances scientifiques aux connaissances acquises par l’expérience. L’objectif était d’évaluer la faisabilité et l’acceptabilité des interventions ou de déterminer la mesure dans laquelle les conséquences observées dans un contexte pouvaient l’être également dans des contextes particuliers. Les opinions de chercheurs et de praticiens partout au Canada ont donc été recueillies au moyen de la méthode Delphi pour découvrir dans quelle mesure ils croyaient que les répercussions associées à divers modèles organisationnels de soins de santé primaires – révélées au moyen d’un examen systématique des résultats dans 14 pays industrialisés – pouvaient également être observées dans un contexte canadien. Des nuances très intéressantes ont été mises en relief (Lamarche et coll., 2003, annexe 2 ; Pineault et coll., 2010). Une autre expérience, intitulée « Collectif de recherche sur l’organisation des services de santé de première ligne au Québec » (Pineault et coll., 2005, 2007), visait à synthétiser les résultats de 30  projets de recherche en cours ou récemment terminés sur l’organisation des soins de santé primaires et à trouver des solutions pour les améliorer. Des décideurs ayant participé à cette expérience, il a fallu clarifier certains des résultats de recherche ainsi que le contexte dans lequel ils ont été obtenus. Dans la foulée, d’autres résultats ont également été confirmés et renforcés. La troisième approche est liée au fait que les méta-analyses et les revues systématiques constituent les méthodes privilégiées de production de données probantes et sont donc celles qui influeront fort probablement sur la prise de décision (Sabatier, 1993 ; Lavis et coll., 2004). Cette approche n’est pas nouvelle, mais elle est de plus en plus reconnue et utilisée. Un signe de sa popularité croissante est le soutien financier accordé par les organismes de financement pour la production de telles synthèses. Un autre indice s’observe dans les efforts déployés par la FCRSS (Lomas et coll., 2005 ; FCRSS, 2005), d’autres organismes de financement de recherche (Birdsell et coll., 2005) et les IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada) pour déterminer les meilleurs moyens de produire ces données. La quatrième approche vise à prolonger la temporalité des données probantes et consiste à évaluer les nouvelles interventions. Toutefois, les innovations dans les politiques et dans l’organisation des services de santé qui n’ont aucun lien avec des interventions connues sont rarissimes. Les connaissances actuelles peuvent rendre explicite l’approche utilisée pour de nouvelles interventions et

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permettre de mesurer les résultats. Pour que ces expériences puissent devenir des données probantes, elles doivent être jumelées à un processus d’évaluation. Ce jumelage de l’expérimentation et de l’évaluation permettra très probablement d’atténuer les restrictions liées à la temporalité des données probantes. La cinquième approche concerne la diffusion des données probantes. Il s’agit d’élargir le groupe de personnes ayant accès aux données probantes pour l’organisation des services de santé et l’élaboration des politiques. Ce groupe doit être aussi grand et diversifié que celui des intervenants qui veulent influer sur les décisions dans ce domaine. Un exemple concret est le rôle que jouent les chercheurs dans le débat soulevé à la suite de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Chaouli, une décision qui ouvre la voie à la coexistence de l’assurance maladie privée et publique et à un rôle accru du secteur privé dans la prestation de services de santé à la population (Paradis et Robert, 2009). Dans le cadre de l’initiative du Réseau de recherche en santé des populations du Québec, les organismes de santé et les chercheurs qui se consacrent à la recherche sur les politiques ont publié une série d’articles sur ce jugement, ses causes et ses répercussions potentielles sur la population et le système de santé. Ils ont fourni des données probantes qui ont servi de base à trois  débats régionaux et à un débat à l’échelle du Québec en présence de citoyens s’intéressant aux raisons pouvant justifier un plus grand rôle du secteur privé dans le financement et dans la prestation des services de santé, et à ses répercussions potentielles. Selon les participants, l’information fournie par les chercheurs a influé et contrebalancé le courant d’idées dominant sur cette question. La contribution des chercheurs a culminé lorsqu’un livre publié sur le secteur privé dans les services de santé (Béland et coll., 2009) a été recommandé au grand public par un critique littéraire très connu comme une des quatre lectures estivales incontournables (Cornellier, 2009). Ces exemples montrent différentes utilisations des données probantes pour orienter les décisions sur les politiques et l’organisation des services de santé (Pelz, 1978), bien que les travaux de Lavis et ses collaborateurs pour créer un corpus de rapports dans ce domaine représentent une formule tout à fait inédite (Lavis et coll., 2004). Cette utilisation déterminante représente celle qui est généralement favorisée. Toutefois, elle repose sur une notion de la nature et du processus de la prise de décision dans ce domaine qui, comme nous avons tenté de le démontrer, ne semble pas correspondre tout à fait à la réalité (Black, 2001 ; Brouselle et coll., 2009).

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On peut également utiliser les données probantes pour éclairer et même définir les discussions sur les politiques et l’organisation des services de santé. Il s’agit de l’utilisation dite « conceptuelle » des données probantes. Dans les deux  exemples mentionnés ci-dessus, on fait une telle utilisation des données, utilisation qui continue d’être privilégiée pour influer sur les décisions, mais de façon moins précise et plus indirecte. Cette utilisation sert plutôt à influer sur la façon dont les membres de la communauté politique réfléchissent à un sujet donné et structurent le débat sur celui-ci. À cette fin, l’approche conceptuelle peut servir à définir le problème à régler, à déterminer les solutions les plus susceptibles de produire les résultats escomptés, à faire la lumière sur la validité de l’intervention sur laquelle ces solutions reposent, à préciser leur faisabilité et leur acceptabilité, à définir les conditions à respecter pour obtenir les retombées, et ainsi de suite. Elle peut aussi être utilisée pour évaluer la plausibilité théorique et empirique des autres solutions proposées. L’élargissement du groupe de personnes ayant accès aux données probantes, c’est-à-dire de la communauté politique du domaine, est encore plus pertinent si les données probantes doivent être utilisées dans une approche conceptuelle. Enfin, la sixième et dernière approche se rapporte aux délibérations souvent requises pour donner un sens aux données probantes et aux actions qui en résultent. La plupart du temps, les données probantes révèlent que les interventions engendrent des gagnants et des perdants et que les aspirations ne sont pas toutes réalisées dans la prise de décision. L’intervention oriente donc les actions dans différentes directions selon ce qui est considéré comme désirable, préférable ou prioritaire. La sixième approche consiste à créer un espace pour les délibérations visant à donner un sens aux données probantes en lien avec un ou plusieurs éléments souhaitables clairement définis. La définition de ces éléments souhaitables se retrouvera probablement au cœur de l’utilisation des données probantes dans les années à venir.

Conclusion Il est désormais considéré comme normal, voire souhaitable, de démocratiser la production de connaissances avec le concours des chercheurs et des utilisateurs. Il est considéré comme tout aussi normal et souhaitable de démocratiser l’accès aux données probantes en les diffusant à plus grande échelle à tous ceux qui démontrent un

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intérêt pour l’organisation et la prestation des services de santé. Selon nous, il est également normal et souhaitable de démocratiser la définition des systèmes de santé de demain. Ainsi, l’utilisation des données probantes pourra en dernier ressort être évaluée grâce à cette contribution, pour laquelle le besoin de données probantes semble actuellement le plus important selon nous.

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Peter Drucker aurait décrit l’hôpital moderne comme l’entité organisationnelle la plus complexe jamais créée (Seeman et Brown, 2006). Le volume élevé de patients, la complexité et les risques potentiels liés aux traitements administrés dans un environnement où le temps, l’espace et les ressources financières sont restreints, associés à un modèle inhabituel de gestion des ressources humaines qui donne aux médecins des « privilèges » pour utiliser les ressources hospitalières : tous ces éléments concourent à créer un milieu difficile et à risque potentiellement élevé. L’évolution rapide de la science médicale et de la technologie, la demande de traitements plus coûteux et des ressources financières limitées pour se doter des « meilleurs soins » posent des défis au personnel de gestion. Qui plus est, le public, en plus d’accroître sa demande pour de nouvelles générations de traitement, a pris hautement conscience que les hôpitaux peuvent être des endroits dangereux. Pour obtenir un rendement efficace du système de santé, il faut réussir à intégrer la science médicale et la science de la gestion. Cette relation ambiguë crée une tension névralgique dans le secteur des soins de courte durée ; elle exige que l’accent soit mis sur la formation et requiert un leadership capable d’administrer convenablement les deux sciences. Toutefois, il est rare qu’une personne possède une expertise dans ces deux domaines. Le rapport de l’Institute of Medecine (Kohn et coll., 2000) ainsi que d’autres témoignages semblables de complications et de mortalité hospitalières ont suscité un intérêt croissant pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité dans les hôpitaux. Les cadres qui

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exercent dans la santé reconnaissent que, compte tenu de la vitesse à laquelle les meilleures pratiques changent en matière de rentabilité et de sécurité, le leadership des systèmes de santé doit orienter l’évolution constante des soins cliniques en se fondant sur une interprétation des données probantes. Pour mener le changement dans les services de santé, il faut comprendre la distinction entre deux  aspects de la pratique fondée sur les données probantes : la médecine fondée sur les données probantes et la gestion fondée sur les données probantes (Guyatt et coll., 1992 ; Sackett et coll., 1996 ; Gray, 2001 ; Golden, 2006). L’interaction entre les deux est tantôt complémentaire, tantôt contradictoire, mais il faut comprendre ces deux aspects pour assurer un leadership efficace dans les services de santé. Les cliniciens de partout dans le monde ont fait leur le principe de la médecine fondée sur les données probantes, mis au point au Canada (et à l’échelle internationale) par Sackett et ses collaborateurs à l’Université McMaster (Guyatt et coll., 1992 ; Sackett et coll., 1996). Les avantages potentiels de la médecine fondée sur les données probantes ont d’abord été décrits par l’épidémiologiste écossais Archie Cochrane dans les années 1970. On a reconnu l’importance de ses travaux en donnant son nom à des centres de recherche en médecine fondée sur les données probantes, les Centres Cochrane, de même qu’à une ressource en ligne, la Cochrane Collaboration, qui effectue la codification des « meilleures données probantes » pour diverses affections médicales (Pfeffer et Sutton, 2006). En effet, comprendre l’utilisation des données probantes est non seulement essentiel pour choisir le meilleur traitement pour un patient, mais aussi pour assurer le leadership du système de santé. Il est effectivement nécessaire pour les leaders dans les services de santé de comprendre les données probantes, mais tout aussi important d’utiliser celles-ci de façon convaincante pour établir le bienfondé d’un changement dans le système de santé, pour concevoir des initiatives de changement fondées sur les données fiables de la littérature et pour ensuite mettre au point des processus d’évaluation qui analysent l’efficacité du changement. Lorsqu’on tente d’apporter un changement organisationnel dans le secteur des services de santé, les groupes de médecins sont souvent les plus réfractaires. L’utilisation efficace d’information et de données probantes peut favoriser l’acceptation. Il sera essentiel à l’avenir d’enseigner l’utilisation des données probantes dans les programmes conçus pour les leaders qui

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exercent dans la santé afin d’assurer la conception des modèles de services de santé de demain et d’y faire participer les médecins. Malgré le fait que les gestionnaires aient besoin de comprendre en quoi consiste la médecine fondée sur les données probantes, celle-ci est souvent utilisée pour faire obstacle au changement clinique, pourtant essentiel à l’amélioration de l’efficience ou de la qualité des services de santé. Comme on le verra ci-dessous, le Réseau universitaire de santé s’est initialement opposé au système automatisé d’enregistrement des prescriptions des médecins (Tamblyn et coll., 2003), faute de données probantes de niveau I qui auraient favorisé son adoption. Les gestionnaires doivent anticiper la résistance au changement et employer des techniques de gestion fondée sur les données probantes pour contrer les obstacles, notamment en utilisant de façon ingénieuse les données probantes et en faisant de petits essais du changement. Dans ce chapitre, j’utilise le modèle à huit étapes de Kotter (Kotter et Cohen, 2002) pour une gestion efficiente du changement et je décris comment la médecine et la gestion fondées sur les données probantes sont toutes deux essentielles à un leadership efficace dans les services de santé (Guyatt et coll., 1992 ; Sackett et coll., 1996 ; Golden, 2006). L’appréciation de la médecine fondée sur les données probantes est essentielle pour former une coalition du changement, créer une vision pour le changement et éliminer les obstacles au changement. D’autre part, la gestion fondée sur les données probantes est indispensable pour créer des gains à court terme et surtout pour instaurer le changement et le poursuivre. Toutefois, avant de décrire comment la médecine et la gestion fondées sur les données probantes peuvent être utilisées pour réussir un changement clinique, il faut connaître la signification de ces deux éléments.

La médecine fondée sur les données probantes Guyatt et coll. (1992) ont été les premiers à utiliser l’expression « médecine fondée sur les données probantes » dans la littérature. Au moyen de techniques statistiques, notamment les méta-analyses de la littérature médicale, les analyses risques-avantages et les essais cliniques randomisés, la médecine fondée sur les données probantes cherche à apprendre aux cliniciens à utiliser les meilleures données probantes disponibles dans la littérature médicale pour prodiguer les soins quotidiens aux patients.

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La médecine fondée sur les données probantes comprend trois principaux volets. Le premier est l’interprétation de la littérature pour comprendre le meilleur traitement à appliquer à un groupe de patients atteints d’une affection donnée et pour utiliser cette philosophie de traitement de façon cohérente. Le deuxième volet souligne l’importance d’une revue systématique de la littérature médicale pour relever les meilleures études sur des sujets précis. Cet examen peut être officieux (par exemple, un club de revues) ou faire appel à une technologie d’exploration informatisée de données. En effet, le recours aux technologies de l’information peut constituer la seule méthode rationnelle pour transformer la quantité importante d’études médicales en conseils éclairés et fiables à l’intention des cliniciens. Enfin, la médecine fondée sur les données probantes peut être perçue comme un « mouvement » médical au sein duquel œuvrent des partisans pour vulgariser la méthode et l’utilité de la pratique auprès du public, des communautés de patients et des établissements d’enseignement. Les gestionnaires et les leaders doivent être conscients de ce volet dans leur collaboration avec les médecins pour mettre au point des initiatives de changement dans l’hôpital. Les cliniciens ayant en général un grand respect à l’égard de la médecine fondée sur les données probantes, les gestionnaires peuvent exploiter ce sentiment pour recruter des cliniciens qui appuieront les initiatives de changement. En revanche, l’absence d’un tel respect envers la médecine fondée sur les données probantes dans un cadre d’élaboration d’initiatives de changement peut inciter les cliniciens à nuire aux tentatives d’amélioration de la qualité des soins. Les directives fondées sur les données probantes représentent la mise en pratique de la médecine fondée sur les données probantes à l’échelle du système de santé, ce qui comprend la production de directives, l’établissement de politiques et la prise de décision pour le financement de nouveaux médicaments ou de nouvelles interventions médicales. L’amélioration de la qualité des services dans un hôpital ou dans un système de santé repose souvent sur la mise en œuvre de services normalisés, comme les « forfaits » normalisés des protocoles de services de santé recommandés par l’Institute for Healthcare Improvement et dans le cadre de la campagne Soins de santé plus sécuritaires maintenant ! Les gestionnaires peuvent tirer parti du respect des cliniciens pour la gestion fondée sur les données probantes et les directives fondées sur les données probantes pour

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entreprendre des initiatives de changement qui préconisent la normalisation des services de santé afin d’améliorer la qualité. La médecine fondée sur les données probantes comprend l’examen de la littérature médicale afin de relever les données probantes auxquelles on peut se fier pour le développement des meilleures pratiques ainsi que les études et traitements à utiliser pour un problème de santé en particulier. Dans le système de santé, les directives fondées sur les données probantes sont utiles dans l’établissement de protocoles normalisés pour améliorer la qualité clinique et éliminer les erreurs et les omissions dans le traitement de problèmes de santé courants. La médecine fondée sur les données probantes et les directives fondées sur les données probantes jouent également un rôle essentiel dans le choix des études et des traitements à financer dans le système de santé public ou dans le choix des services que doivent couvrir les assureurs tiers. Il ne fait aucun doute qu’un leadership efficace du changement clinique exige une bonne compréhension des principes de la médecine fondée sur les données probantes.

La gestion fondée sur les données probantes La gestion fondée sur les données probantes s’inscrit dans un mouvement émergent pour une utilisation explicite des meilleures données actuelles dans la prise de décision en gestion. La gestion fondée sur les données probantes permet de prendre des décisions de gestion et de créer des pratiques organisationnelles éclairées par les meilleures données scientifiques disponibles. À la différence du domaine médical, la gestion fondée sur les données probantes tient également compte des circonstances et des questions d’éthique. Les gestionnaires et les enseignants en gestion font un usage restreint des données probantes en science du comportement qui sont pertinentes aux pratiques de gestion efficientes, mais ces pratiques revêtent un intérêt particulier dans le domaine de la gestion et du leadership dans les services de santé, car de nombreux cliniciens sont beaucoup mieux formés en médecine qu’en science de la gestion. La promotion de la gestion fondée sur les données probantes dans le milieu des affaires est encore plus difficile que dans le secteur de la santé. Contrairement à la médecine, aux soins infirmiers et à l’enseignement, la gestion des services de santé n’est pas une profession. Les gestionnaires en tant que groupe ne partagent pas de caractéristiques du savoir, ce qui rend peu probable qu’une pression des pairs puisse

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être exercée pour promouvoir l’utilisation de données probantes sur tout gestionnaire réfractaire. La réussite en gestion peut être assurée en employant divers outils et techniques. Les techniques de gestion fondée sur les données probantes ne peuvent garantir cette réussite à moins d’être appuyées par l’utilisation d’autres styles et outils de gestion. Il existe relativement peu de terminologie de gestion fondée sur les données probantes. Il est donc difficile pour les gestionnaires d’avoir des discussions sur les données probantes ou les pratiques fondées sur les données probantes. Pour cette raison, l’adoption de pratiques fondées sur les données probantes se fera probablement à l’échelle de l’organisme dont les leaders prennent sciemment la décision de bâtir une culture fondée sur les données probantes (Pfeffer et Sutton, 2006). Les pratiques dans une culture organisationnelle fondée sur les données probantes comprennent la collecte et l’analyse systématiques des données sur l’organisme et sur son fonctionnement, l’examen de la réussite ou de l’échec d’interventions axées sur un problème, la discussion de sommaires de recherche par les gestionnaires et le personnel ainsi que la prise de décision éclairée par les meilleures données de recherche et organisationnelles disponibles. Les organismes ayant adopté avec succès la gestion fondée sur les données probantes accomplissent en général de nombreux cycles d’expérimentation et de reconception de leurs pratiques pour créer une culture fondée sur les données probantes qui s’harmonise avec leurs valeurs et leur mission. En effet, l’une des principales différences entre la médecine fondée sur les données probantes et la gestion fondée sur les données probantes est que la première interprète des données scientifiques dérivées de la littérature médicale pour formuler une meilleure pratique. La littérature de gestion, en revanche, n’offre pas la même abondance d’information décrivant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans une entreprise commerciale, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les initiatives commerciales sont rarement examinées avec la rigueur que l’on consacre aux observations scientifiques utilisées dans les études médicales. Une seule chose intéresse les entreprises lorsqu’elles lancent une nouvelle initiative commerciale : l’impact qu’elle aura sur la valeur actionnariale. Deuxièmement, si l’initiative se rapporte à un nouveau processus d’affaires ou à une nouvelle technique, il est probable que l’entreprise la gardera jalousement comme un secret d’affaires exclusif, plutôt que d’en publier les tenants et aboutissants.

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L’absence de littérature scientifique médicale sur la gestion fondée sur les données probantes signifie que les gestionnaires doivent en général développer leurs propres hypothèses, bases de données et interprétation des données pour comprendre comment mettre au point des initiatives de changement favorables. Le développement séquentiel des interventions, de la collecte de données et de l’interprétation des données est identique au cycle vertueux de l’amélioration de la qualité décrit par Deming et adopté par les praticiens de la qualité partout dans le monde, à savoir le cycle Plan-Do-StudyAct (PDSA). Pour mener un changement clinique, la gestion fondée sur les données probantes doit suivre un processus en trois étapes qui peut être harmonisé avec le modèle de changement à huit étapes de Kotter. 1 Que cherche-t-on à accomplir ? Cette question vise à aider les gestionnaires à bien énoncer les améliorations escomptées ainsi que les résultats qu’ils souhaitent obtenir. Une vision claire est essentielle. 2 Comment savoir si un changement constitue une amélioration ? Sans évaluation, il est impossible de savoir si les choses se sont améliorées. Il est fondamental de décider dans quelle mesure les choses seront différentes, lorsque le changement sera mis en œuvre et de s’entendre sur les données requises pour évaluer l’impact du changement. Les initiatives de changement types mesurent, par exemple, s’il y a amélioration des résultats pour la santé des patients ou si un processus plus rentable est offert. 3 Quelles initiatives entraîneront probablement une amélioration ? Il faut bien choisir les initiatives ou interventions qui serviront à améliorer la qualité. Des données probantes existent-elles ailleurs sur les interventions qui ont le plus de chances de fonctionner ? Quelles interventions l’équipe considère-t-elle comme de bonnes idées ? Quelles initiatives entreprises par d’autres personnes peuton également tenter ? Une fois un plan initial convenu, la gestion fondée sur les données probantes exige la mise en œuvre de petits essais. Les gestionnaires peuvent utiliser des cycles PDSA pour faire l’essai d’interventions ou d’initiatives mises au point en réponse à la troisième question : Quels changements apporter pour améliorer la situation ? L’utilité de ces cycles est d’abord de mettre à l’essai des initiatives de changement à

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petite échelle puis d’utiliser de nombreux cycles consécutifs pour recueillir des données sur l’efficience de l’intervention. Il est ainsi plus facile de mettre la machine en marche, d’obtenir des résultats rapidement et de réduire le risque d’un fonctionnement imprévu ayant un impact négatif important. Si l’essai ne se déroule pas aussi bien que prévu, les gestionnaires peuvent alors facilement reprendre leurs méthodes habituelles. Une fois que les gestionnaires disposent de suffisamment d’information pour avoir confiance en l’initiative de changement, celle-ci peut alors être intégrée au système. Pour déterminer la portée de l’essai, il faut élaborer un « petit » cycle PDSA. On peut vouloir, par exemple, planifier un cycle pour une journée, avec un intervenant ou dans une clinique. On peut également souhaiter faire le changement pour les 10 derniers patients vus par un médecin, les 20 derniers aiguillages ou les 12 prochains rapports. Durant l’examen du cycle, on a l’occasion de réfléchir aux résultats et aux leçons apprises et d’acquérir des connaissances en vue d’éventuelles améliorations. Enfin, on peut passer aux prochaines étapes : la mise en pratique du cycle. Doit-on refaire le même cycle pour recueillir davantage de données probantes ou faire des modifications en s’appuyant sur les nouvelles connaissances acquises ? Doit-on plutôt mettre au point d’autres cycles pour progresser dans le travail ? Actuellement, des initiatives dans plusieurs régions du monde, y compris au Canada avec la participation de la FCRSS, ont été amorcées pour bâtir des communautés qui font valoir la gestion fondée sur les données probantes. Dans cette même optique, le Center for Health Management Research s’est affilié avec le Health Research & Educational Trust de l’American Hospital Association. Fait notable, une fraction importante des leaders en gestion fondée sur les données probantes œuvrent dans le secteur de la santé.

La gestion du changement Dans The Heart of Change, Kotter et Cohen (2002) décrivent les huit étapes essentielles à la réussite d’un changement organisationnel : (1) créer un sentiment d’urgence, (2) former une coalition influente, (3) créer une vision du changement, (4) communiquer la vision, (5) éliminer les obstacles, (6) obtenir des réussites à court terme, (7) prendre appui sur les changements réussis et (8) ancrer le changement dans une culture organisationnelle. Nombre de ces

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étapes nécessaires peuvent être facilitées ou au contraire entravées par une gestion fondée sur les données probantes. Une connaissance des risques et des récompenses que présente chaque méthodologie peut aider le gestionnaire de la santé à élaborer un projet de changement prometteur. Pour décrire les processus de changement, j’utiliserai un exemple concret, soit une initiative importante de gestion du changement au Réseau universitaire de santé. En 2002, notre conseil d’administration a mis les leaders cliniciens et les gestionnaires au défi de mettre en œuvre pour le Réseau un système automatisé d’enregistrement des prescriptions des médecins (Tamblyn et coll., 2003). Il s’agissait d’un défi de taille en matière de gestion du changement. Créer un sentiment d’urgence Pour créer un besoin urgent de changer, on peut faire appel à la médecine fondée sur les données probantes pour déterminer si les meilleures pratiques sont utilisées et si les résultats sont conformes à ces pratiques. Pour trouver des arguments à l’appui du changement, il est utile de rechercher dans la littérature des données probantes de niveau  I, selon lesquelles certains établissements obtiennent de meilleurs résultats que d’autres. Dans le cas de notre projet d’automatisation d’enregistrement des prescriptions des médecins, il ne faisait nul doute que les erreurs de prescription ou d’administration des médicaments contribuaient au taux de morbidité et parfois de mortalité dans les hôpitaux. Toutefois, on ne disposait pas de données probantes de niveau  I montrant que l’automatisation d’enregistrement des prescriptions des médecins pouvait résoudre ces erreurs, malgré des études démontrant une réduction de celles-ci par l’automatisation. La médecine fondée sur les données probantes représentait donc un obstacle potentiel dont les médecins tiendraient compte, puisqu’on ne disposait pas de données probantes de niveau I démontrant que l’automatisation d’enregistrement des prescriptions des médecins améliorait les résultats pour la santé des patients. Toutefois, selon nous, le rapport de l’Institute of Medicine sur les risques hospitaliers pouvait être utilisé pour créer un sentiment d’urgence parmi les médecins (Kohn et coll., 2000). Il devenait essentiel de procéder ainsi, puisque le déroulement du travail des médecins changerait radicalement à la suite de la mise en œuvre du système automatisé.

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Former une coalition influente Pour réunir des partisans de la gestion du changement dans l’hôpital, les médecins jouent un rôle essentiel. Toutefois, ils forment le groupe le plus difficile à rallier à une cause. Les raisons sont évidentes. En général, les médecins ne reçoivent pas de rémunération de l’hôpital, et se joindre à une équipe de la qualité n’est pas rémunéré ou s’avère moins lucratif pour eux que de travailler au sein d’un cabinet. Par ailleurs, les médecins ont tendance à être conservateurs dans leurs habitudes de travail. Néanmoins, l’utilisation de techniques de gestion fondée sur les données probantes peut faciliter le recrutement des médecins dans l’équipe du changement. Une description du problème et du changement prévu en des termes qui soulignent la mesure et les données probantes aura souvent raison de la résistance des médecins en faisant appel à leur penchant scientifique pour les données. Si le changement clinique a déjà fait l’objet d’un essai clinique randomisé, une approche fondée sur les données probantes peut être utile pour rallier les médecins autour de l’initiative. Comme je l’ai mentionné, on ne disposait d’aucune donnée probante de niveau I pour convaincre les médecins de l’utilité du système automatisé. Toutefois, l’appui des médecins a été obtenu grâce au rapport de l’Institute of Medicine et à la volonté manifeste de notre conseil de réduire les erreurs de prescription ou d’administration de médicaments. L’évaluation des erreurs de prescription ou d’administration de médicaments à notre hôpital et la consignation de la proportion imputable à des erreurs d’interprétation de prescriptions rédigées à la main ont permis d’obtenir des données utiles pour la formation d’une forte coalition. Créer une vision du changement La vision du changement devrait reposer sur les valeurs qui sont chères aux cliniciens et que ces derniers sont prêts à améliorer. Par exemple, la présentation d’une initiative qui touche le déroulement du travail en s’appuyant sur une vision qui préconise une réduction du budget par des suppressions de lits ne plaira pas à beaucoup de cliniciens. Par contre, la présentation de la même initiative comme étant importante parce qu’elle permettra d’améliorer l’expérience du  patient sera fort probablement plus efficace. Dans le choix des mesures et des variables qui seront analysées dans l’initiative de

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changement, les praticiens de la gestion fondée sur les données probantes devraient décrire les résultats qui vont dans le sens des aspirations cliniques plutôt que des impératifs budgétaires. En ce qui concerne le système automatisé d’enregistrement des prescriptions des médecins, une vision de la sécurité des patients a été relativement facile à utiliser pour rallier les médecins. Dans l’approche PDSA qui a suivi, il était également primordial d’utiliser une étude pilote pour lever les difficultés et rallier les médecins à une vision du changement. Éliminer les obstacles Les praticiens chevronnés de la gestion fondée sur les données probantes savent que les obstacles sont souvent invoqués par le personnel clinique pour éviter de participer à une initiative de changement. Le personnel peut également tenter de faire dérailler l’initiative en la critiquant malicieusement. D’ailleurs, même les principes de la médecine fondée sur les données probantes sont fréquemment utilisés par les cliniciens pour faire échouer les initiatives de changement, le commentaire usuel étant « qu’aucune donnée probante de niveau I ne vient corroborer l’utilisation de cette initiative pour résoudre ce problème ». Il est essentiel que les praticiens de la gestion fondée sur des données probantes anticipent cet obstacle prévisible et rappellent aux cliniciens que les problèmes cliniques ne peuvent pas tous être traités au moyen de la médecine fondée sur les données probantes et que, parfois, en l’absence de données probantes de niveau I, on doit tenter un traitement. Dans le cas du système automatisé d’enregistrement des prescriptions des médecins, le recours à des objectifs inspirateurs comme l’amélioration de la sécurité des patients ainsi que la volonté de faire un essai dans le cadre d’une étude pilote ont réussi à éliminer les obstacles à la mise en œuvre du système. Obtenir des gains à court terme Le concept de gains à court terme correspond au concept de petits essais du changement popularisés par les praticiens de la gestion sans gaspillage ou minimaliste. Le praticien de la gestion fondée sur les données probantes doit former une équipe pour déterminer les changements requis, les mesures à utiliser pour évaluer le changement et

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les initiatives qui permettront de réaliser le changement requis. Le processus exige ensuite un cycle PDSA rapide qui mesure les répercussions de l’initiative au moyen d’un petit essai du changement. Le praticien de la médecine fondée sur les données probantes voudra souvent s’opposer à ce processus et réaliser une initiative plus importante qui prendra davantage de temps et coûtera plus cher afin de résoudre de façon définitive le problème en question dans sa globalité. Pour essayer d’examiner les améliorations à apporter au déroulement du travail, il pourrait suggérer, par exemple, plusieurs initiatives susceptibles d’améliorer le déroulement, mais qui devront également être mises simultanément en œuvre dans deux unités dont l’une servira d’unité de contrôle. En revanche, le praticien de la gestion fondée sur les données probantes mettra plutôt à l’essai une initiative de changement de petite envergure en la comparant au rendement précédent de l’unité pendant une courte période (étude de cohorte en série) plutôt que de la comparer au rendement d’une autre unité (essais contrôlés randomisés). Pour le système automatisé d’enregistrement des prescriptions des médecins, nous avons lancé un projet pilote dans une unité et nous nous sommes rapidement rendu compte que notre logiciel était lent et inadéquat et qu’il ne serait pas accepté par les médecins. Il a donc été salutaire de commencer par un petit essai de changement avec un petit groupe de médecins au service de la cause. Si nous avions commencé une étude de phase III dans plusieurs unités cliniques, nous aurions peut-être détruit tout espoir de mettre en œuvre le système automatisé. Grâce à ce petit essai de changement initial, nous avons modifié le logiciel et avons pu démontrer l’efficacité du changement. Prendre appui sur les changements réussis Rien ne ravit autant le praticien de la gestion fondée sur les données probantes que d’instaurer le changement au moyen de cycles PDSA successifs, cumulant les initiatives qui améliorent les résultats et rejetant rapidement celles qui ne produisent pas l’impact escompté. L’enthousiaste reconnaît que les données probantes de niveau I exigent la plus grande constance possible dans les variables afin de bien comprendre l’impact d’une initiative. Le praticien de la gestion fondée sur les données probantes sait que la gestion du changement consiste beaucoup plus à tenter de modifier le comportement organisationnel et humain que de démontrer un impact sur la biopathologie. Pour

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comprendre si une initiative organisationnelle est efficace, il faut évaluer son utilité par rapport à différents indicateurs des résultats, dont certains peuvent être qualitatifs. Pour le projet d’automatisation d’enregistrement des prescriptions des médecins, nous avons procédé une unité à la fois, modifiant le logiciel au besoin et mettant en œuvre des changements en fonction des leçons apprises dans chacune des unités. Parallèlement, nous avons mesuré la réduction des ordonnances étage par étage, favorisant l’appui au changement en montrant de quelle façon nous améliorions la sécurité des patients. Ancrer le changement dans une culture organisationnelle La gestion fondée sur les données probantes insiste sur le fait qu’il faut faire participer des équipes à l’analyse du problème, à l’élaboration des initiatives et aux essais de celles-ci dans le cadre d’un processus PDSA. La valeur du travail d’équipe réside en grande partie dans le développement de compétences et dans le gain d’autonomie des effectifs, en plus de l’amélioration suscitée par l’initiative de changement. Dans l’hôpital, les initiatives de gestion fondée sur les données probantes incitent le personnel, qu’il soit professionnel ou non, à contribuer à la gestion du changement et à évaluer d’un œil critique les processus de travail, puis à les améliorer. Les compétences analytiques que le personnel acquiert en pratiquant une gestion fondée sur les données probantes créent une culture organisationnelle qui prise et favorise les stratégies d’amélioration clinique. Dans notre hôpital, le système automatisé d’enregistrement des prescriptions des médecins est maintenant bien ancré dans une culture de sécurité des patients. Une fois qu’un changement important est réalisé dans les processus de travail et que les données ont montré que le changement est efficace, ce dernier peut servir à faciliter d’autres améliorations de la qualité.

Évaluation des variations statistiques et des répercussions secondaires d’une gestion fondée sur les données probantes Tel que mentionné ci-dessus, les praticiens de la médecine fondée sur les données probantes qualifient souvent la gestion fondée sur les données probantes de « désordonnée », car les variables ne peuvent

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pas être aussi parfaitement contrôlées ou distribuées au hasard dans une initiative de gestion que dans un essai contrôlé randomisé. La gestion fondée sur les données probantes favorise des essais rapides de changement, et les cycles PDSA répétés créent un environnement plus souple pour améliorer la qualité dans un établissement hospitalier. Toutefois, bien que la gestion fondée sur les données probantes soit utile pour créer des processus d’amélioration de la qualité, le gestionnaire compétent doit être conscient des dangers d’un échantillon de taille insuffisante et des variations fortuites quand il évalue si une initiative a effectivement amélioré la qualité sur le plan clinique. Les praticiens de la médecine fondée sur les données probantes reconnaissent que l’évaluation de la réussite d’une intervention exige une analyse statistique rigoureuse afin de vérifier si un changement réel s’est produit. Cette évaluation comporte deux volets : analyser si le changement observé est significatif sur le plan clinique (si le changement a un impact clinique suffisant pour justifier la poursuite de l’initiative de changement) et analyser si le changement observé est significatif sur le plan statistique (si le changement est réellement lié à l’initiative ou alors peut être observé en raison d’une variation aléatoire de la variable). La réponse à ces questions exige l’utilisation d’estimations statistiques avant de commencer l’essai et d’effectuer un test statistique après la collecte des données. Les praticiens de la gestion fondée sur les données probantes soumettent rarement à des tests statistiques rigoureux leurs initiatives relatives à la qualité. Les résultats des initiatives sont évalués pour en mesurer l’effet en analysant les « lignes de tendance » dans la variable d’intérêt plutôt qu’en testant à un moment donné les résultats pour dégager des preuves de l’impact. Par exemple, les hôpitaux désignent souvent la baisse du taux de mortalité comme l’une de leurs principales initiatives d’amélioration de la qualité. Le taux de mortalité ajusté en fonction du risque a été vulgarisé comme un indicateur de la sécurité des patients dans les hôpitaux, et plusieurs initiatives ont été proposées pour baisser ce taux (par exemple, les initiatives de Soins de santé plus sécuritaires maintenant !). Un hôpital peut choisir une initiative d’amélioration de la qualité, comme la mise en place d’équipes de soins intensifs, pour tenter d’améliorer ses résultats en matière de mortalité. Tester la mise en œuvre de cette initiative nécessiterait une modélisation statistique rigoureuse, notamment pour déterminer l’étendue de la baisse de mortalité qui serait significative sur le plan clinique ainsi que la taille de l’échantillon, à

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savoir le nombre de patients qui devaient courir un risque en matière de mortalité avant et après le changement. Cette interprétation rigoureuse de l’impact des équipes de soins intensifs a fait l’objet d’une étude menée en Australie, qui n’a pu démontrer un effet important sur la réduction du taux de mortalité, probablement en raison de la taille insuffisante de l’échantillon (Hillman et coll., 2005). Malgré les résultats non concluants sur la réduction du taux de mortalité, les équipes de soins intensifs ont été adoptées à titre d’initiative d’amélioration de la qualité par de nombreux hôpitaux en raison de ses répercussions secondaires. Tout d’abord, beaucoup d’hôpitaux ont démontré que la mise en œuvre de ces équipes entraîne bel et bien une importante réduction du nombre d’arrêts cardiorespiratoires dans leurs unités. Deuxièmement, la présence d’un effectif spécialisé en soins intensifs dans les unités représente une formidable occasion d’apprentissage pour le personnel de la santé qui ne possède pas ce type de compétences. Ces répercussions secondaires peuvent être positives ou occasionnellement négatives. On peut constater une conséquence négative involontaire des améliorations apportées par une gestion fondée sur les données probantes dans diverses initiatives ciblant les temps d’attente dans les services d’urgence des hôpitaux. La gestion efficace des patients nécessitant une admission à partir du service d’urgence exige que ceux-ci soient admis dans tout lit disponible, même les lits de chirurgie. La conséquence involontaire de ce « protocole d’admission rapide » est que les lits de chirurgie risquent d’être occupés par des patients qui ne nécessitent pas de chirurgie, ce qui réduit la capacité de l’hôpital en matière de chirurgie et rallonge les temps d’attente pour ce type d’interventions. Ces conséquences involontaires potentielles signifient donc que les praticiens de la gestion fondée sur les données probantes doivent mesurer divers indicateurs en plus de la principale mesure d’intérêt. Nous avons vu que la gestion fondée sur les données probantes présente des lacunes en omettant (dans la plupart des cas) une approche rigoureuse de l’évaluation statistique de l’impact des initiatives sur les résultats. Ce défaut potentiel de la gestion fondée sur les données probantes montre à quel point il est important que les praticiens de ce type de gestion aient recours à différentes mesures selon le contexte dans l’évaluation de la réussite de leurs initiatives. En plus de la principale mesure d’intérêt (taux de mortalité normalisés ou temps d’attente pour l’admission à partir du service d’urgence), il

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est sage d’employer différentes mesures d’évaluation de l’impact des initiatives. Par exemple, des groupes échantillons d’infirmières du service qui croisent les équipes de soins intensifs, l’évaluation de la satisfaction des patients admis depuis le service d’urgence ou les taux d’annulation de chirurgies pour des initiatives visant à réduire les temps d’attente dans le service d’urgence.

Résumé La connaissance et la compréhension de la médecine et de la gestion fondées sur les données probantes servent à améliorer la qualité des soins et à amener un changement dans l’hôpital. La médecine fondée sur les données probantes est essentielle à la mise en place de directives sur les meilleures pratiques et à une normalisation des pratiques fondées sur des données probantes de niveau I. En revanche, les données de niveau I ne sont pas disponibles pour diriger bon nombre des améliorations de la qualité ciblées par les leaders en santé. En l’absence de ces données, la gestion fondée sur les données probantes est utile pour analyser le problème et orienter le processus de mise en œuvre par cycles rapides. Les leaders du système de santé canadien reconnaissent que le fait d’inciter nos gestionnaires et nos cadres à bien utiliser les données probantes pour comprendre un problème de gestion, à développer une coalition pour l’aborder, à analyser les initiatives susceptibles de le résoudre et à évaluer la réussite du changement est absolument nécessaire pour créer un système de santé durable et axé sur la qualité. Les programmes comme FORCES renforcent la capacité d’un leader à se servir des données probantes pour opérer un changement et connaîtront une importance croissante dans notre industrie complexe.

Références Golden, B. (2006). « Transforming Healthcare Organizations », Healthcare Quarterly, vol. 10 (supp.), 10–19. Gray, J. (2001). Evidence-based Healthcare : How to make Health Policy and Management Decisions. Édimbourg, Churchill Livingstone. Guyatt, G., J. Cairns, D. Churchill et coll. (1992). « Evidence-based medicine : A new approach to teaching the practice of medicine », Journal of the American Medical Association, vol. 268, no 17, 2420–5.

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Hillman, K., J. Chen, M. Cretikos et coll. (2005). « Introduction of the medical emergency team (MET) system : A cluster-randomised controlled trial », Lancet, vol. 365, no 9477, 2091–7. Kohn L., J. Corrigan et M. Donaldson (2000). To Err Is Human : Building a Safer Health System. Committee on Quality of Health Care in America, Institute of Medicine. Kotter, J.P. et D.S. Cohen (2002). The Heart of Change : Real life stories of how people changed their organizations. Cambridge, Harvard Business Press. Pfeffer J. et R. Sutton (2006). Hard facts, dangerous half-truths and total nonsense : Profiting from evidence-based management. Cambridge, Harvard Business Press. Sackett, D.L., W.M. Rosenberg, J.A. Gray, R.B. Haynes et W.S. Richardson (1996). « Evidence based medicine : What it is and what it isn’t », British Medical Journal, vol. 312, no 7023, 71–2. Seeman N. et A. Brown (2006). « Remembering Peter Drucker : Inspiring the quality revolution in healthcare », Healthcare Quarterly, vol. 9, no 1, 50–4. Tamblyn, R. et coll. (2003). « The medical office of the 21st century : Effectiveness of computerized decision-making support in reducing inappropriate prescribing in primary care », Canadian Medical Association Journal, vol. 169, no 6, 549–56.

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section ii

Les éléments du programme de formation La section II débute par le chapitre 3, qui donne un bref aperçu de l’approche globale du programme FORCES en matière de formation. Elle met l’accent sur le contenu obligatoire et sur les éléments dynamiques de l’accès à l’information sur la santé et du mentorat. Les chapitres suivants, de Lavis, Streiner et collaborateurs, couvrent la matière fondamentale du programme FORCES. Le chapitre 4 examine diverses stratégies pour intégrer les données probantes de la recherche au processus décisionnel. Une approche qui systématise l’utilisation des données probantes en tenant compte du contexte organisationnel est proposée. Une attention particulière est portée aux stratégies qui favorisent un partenariat plus efficace entre les chercheurs et les décideurs. Lavis souligne les défis que les praticiens doivent relever alors qu’ils tentent de créer une approche éclairée par les données probantes au sein de leur organisme. Le point de vue adopté pour ce travail a évolué et consiste désormais à définir le problème, à faire un choix parmi les options, à élaborer un plan et à créer une base durable pour l’utilisation des données de recherche. Les diverses sources et approches visant à trouver des données probantes que les gestionnaires et les responsables de politiques peuvent utiliser occupent une place prioritaire dans cette première tranche. Dans le chapitre 5, Streiner et ses collaborateurs examinent les types de recherche susceptibles d’éclairer la prise de décision dans les services de santé. Le contenu est personnalisé afin d’améliorer la connaissance de la recherche chez les cadres boursiers exerçant dans la santé, dont l’expérience dans ce domaine varie considérablement, n’allant d’aucune expérience à celle de chercheur actif. Il

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explore les questions de présentation des données de recherche et de recherche quantitative et qualitative. Streiner et ses collaborateurs se servent d’exemples concrets, intègrent la recherche en économie de la santé, illustrent la façon d’exploiter les données administratives et donnent des conseils sur l’évaluation de la qualité des travaux de recherche. Cette approche aide les boursiers à faire la triangulation des données probantes au moyen de différentes sources et méthodes de façon à respecter les besoins de résolution de problèmes complexes d’un organisme de gestion des services de santé. Le chapitre 6, de Sullivan et coll., porte sur le leadership et souligne plusieurs compétences et attributs clés pour les leaders exerçant dans la santé qui veulent promouvoir l’utilisation des données probantes. Le chapitre se concentre sur trois grands aspects du leadership : l’élaboration de stratégies, la gestion du personnel et l’exécution. Une liste restreinte de compétences indique les domaines de perfectionnement des capacités individuelles nécessaires pour que les boursiers puissent faire avancer l’utilisation des données probantes à l’échelle d’un programme, d’un établissement ou de divers ordres sociopolitiques. En outre, les boursiers apprennent à connaître les principaux points d’intervention stratégiques dont les leaders peuvent se servir pour motiver un changement organisationnel favorisant une qualité accrue et un meilleur rendement. Le chapitre 7, par Langley et coll., aborde la mise en œuvre et la durabilité d’un changement éclairé par les données probantes dans les organismes de santé. Il présente deux études de cas pour illustrer non pas la stratégie, mais plutôt le rôle des données probantes dans la mise en œuvre d’un changement. On y explore l’interface entre les données de recherche ou l’information rationnelle et les politiques relatives à la prise de décision. Comme Lamarche le mentionne dans le chapitre 1, les données probantes peuvent avoir toutes sortes de répercussions qui n’aboutissent pas nécessairement à des décisions soi-disant rationnelles. Dans le chapitre 8, Sheps présente l’un des « moyens d’action horizontaux » du programme de formation : le mentorat. Il passe en revue la littérature sur le mentorat avant de présenter en détail le modèle unique adopté pour le programme FORCES, faisant ressortir le contraste entre ce modèle à fort coefficient de ressources et l’approche conventionnelle prescrite dans la documentation. De plus, il illustre l’évolution du modèle de mentorat de FORCES sur le

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plan organique, en se fondant en grande partie sur les commentaires des boursiers (un des changements clés a été l’élaboration d’une structure régionale), et fournit une rétroaction sur l’expérience de mentorat selon le point de vue des boursiers. L’autre moyen d’action horizontale du programme – la gestion de l’information sur la santé – est effleuré dans le chapitre 3. Le chapitre 9, par Anderson et ses collaborateurs, porte sur les initiatives d’évaluation prises dans les cinq premiers groupes de boursiers du programme FORCES. Les auteurs évaluent l’utilité du programme du point de vue des boursiers, en se fiant aux commentaires recueillis dans des sondages individuels et des groupes de consultation. Le programme en soi comprend un grand nombre d’évaluations, dont celles des modules effectuées durant chaque étape d’enseignement et après le départ de chaque groupe. Cette approche d’évaluation continue au cours des cinq dernières années a contribué à faire évoluer FORCES de manière à ce qu’il réponde mieux aux besoins des boursiers. À ce jour, les évaluations ont porté sur les boursiers individuellement, sur leur acquisition de connaissances et sur leur appréciation des éléments et de la formule du programme. Dorénavant, on portera une plus grande attention à l’évaluation des impacts organisationnels du programme, qui deviendront plus évidents au fur et à mesure que le nombre de boursiers augmente dans chaque organisme, surtout grâce aux candidatures d’équipes de boursiers au sein d’un même organisme.

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3 Principes fondamentaux du programme forces terrence sullivan , jean - louis denis et samuel b . sheps

La promotion de FORCES, un programme pancanadien entièrement bilingue, repose sur des conseils stratégiques et sur la sélection annuelle de boursiers guidée par un éminent conseil consultatif présidé par un ancien ministre provincial de la santé. Denis et coll. (2008) donnent une description détaillée du programme FORCES et de ses activités de formation. Les objectifs du programme sont définis selon trois volets : le perfectionnement professionnel, le rendement organisationnel et les avantages pour le système de santé. •



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Perfectionnement professionnel (individuel). Le programme FORCES vise à améliorer les compétences des cadres exerçant dans la santé afin qu’ils comprennent, acquièrent, évaluent et utilisent les données probantes de la recherche dans la gestion des organismes de santé. Il encourage par ailleurs le travail d’équipes de gestion formées de médecins, d’infirmières et d’autres cadres en les recrutant explicitement pour participer au programme en nombre à peu près égal et en stimulant le travail d’équipe collaboratif au moyen de diverses activités de formation. Amélioration du rendement organisationnel. Le programme vise à promouvoir une culture de prise de décision éclairée par les données probantes dans chacun des organismes d’attache des participants afin de stimuler des améliorations du rendement. Il impose plusieurs exigences pour y parvenir, notamment la signature de l’accord sur la bourse de recherche et sur un projet de

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changement par le directeur général de l’établissement d’attache, la participation du directeur général à la dernière séance en résidence et à une présentation conjointe avec le boursier, et l’élaboration d’un forum des PDG pour chaque promotion de boursiers. Les critères d’admission ont récemment été élargis (2007) pour permettre aux organismes de participer en envoyant des candidatures d’équipes interdisciplinaires de deux ou trois cadres supérieurs visant une importante initiative de changement. En 2008, un nombre limité de boursiers provenant des milieux politiques gouvernementaux a été admis au programme. Avantages pour le système de santé. On prévoit que ces initiatives de programme augmenteront l’impact organisationnel global de la formation en matière d’utilisation de données probantes dans la prise de décision, ce qui favorisera les améliorations de nature organisationnelle et profitera au système de santé.

Philosophie du programme Comme le mentionnent Lamarche et coll. ainsi que Bell dans les premiers chapitres, de nombreux défis sont associés à l’importation de données probantes dans un processus décisionnel au niveau de la direction dans les organismes de santé. En tenant compte de ces défis, le programme de formation FORCES s’articule autour de quatre  axes : des séances en résidence où les boursiers retenus développent la capacité de mettre en pratique et de promouvoir la gestion fondée sur les données probantes dans les établissements de santé ; l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet d’intervention permettant d’appliquer des approches de définition et de résolution de problèmes dans le contexte organisationnel des boursiers ; un élément de gestion de l’information dans tout le programme de formation, y compris un outil en ligne (le « bureau virtuel ») pour favoriser l’apprentissage des boursiers pendant les séances en résidence et entre celles-ci ; un système de mentorat pour encadrer les boursiers dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs projets d’intervention dans leur établissement d’attache. À la fin du programme, les boursiers peuvent compter sur des réseaux d’apprentissage et une communauté de pratique pour ne rien perdre des capacités acquises et communiquer leurs connaissances en gestion fondée sur les données probantes à leurs collègues travaillant au sein de leur organisme d’attache et dans d’autres établissements.

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Les composantes du programme reposent sur un concept élargi de l’utilisation des données de recherche pour appuyer la prise de décision dans les établissements de santé (Culyer et Lomas, 2006). Cette approche globale comprend l’efficacité des interventions organisationnelles et de gestion (qu’est-ce qui fonctionne ?), ainsi que l’efficacité probable des processus de changement organisationnels dans le contexte où ces interventions auront lieu (cela fonctionnera-t-il ici ?). Le programme FORCES est conçu pour intégrer ces deux  grandes catégories de données probantes en tant que fondement d’une amélioration de la gestion dans les systèmes et organismes de santé.

Contenu du programme Les boursiers du programme FORCES participent annuellement à des modules en résidence de deux semaines l’été et d’une semaine l’hiver pendant les deux ans du programme. Les modules de formation sont planifiés selon une séquence logique, de la compréhension de la recherche et des données probantes jusqu’à son application dans un changement organisationnel. Chaque module est dirigé par des professeurs expérimentés ayant recours à diverses approches d’enseignement aux adultes, notamment des conférences, des études de cas et des exercices jumelés. Bien que les boursiers acquièrent une base théorique solide, ils se concentrent sur l’application de la théorie dans le contexte de leur projet d’intervention. Les séances en résidence représentent la pierre angulaire d’une formation complète qui inclut le soutien de TI, du mentorat, l’accès à des conseillers pédagogiques, des exercices entre les séances et un projet d’intervention. Les chapitres 4 à 9 décrivent les modules initiaux du programme de formation, à l’exception du module 6 (le séminaire sur la synthèse) qui est consacré à la présentation des projets d’intervention par les boursiers avec la collaboration de leur directeur général. Les composantes du programme reflètent une approche pédagogique d’apprentissage pour adultes ou cadres ; les points de vue des boursiers sont décrits en détail dans la section III du présent volume. Le cursus met l’accent sur l’évaluation formative plutôt que sommative du rendement des boursiers dans le programme. À la fin du programme de formation (module 6), les boursiers présentent, avec la collaboration de leur directeur général, leurs projets d’intervention et reçoivent des commentaires devant un jury composé de cadres supérieurs et de décideurs d’échelon élevé.

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En plus du programme de mentorat mentionné dans l’introduction, un deuxième moyen d’action horizontal contenu dans chacun des modules est la gestion de l’information sur la santé. Cette partie du programme de formation comprend l’utilisation de ressources en ligne et d’un bureau virtuel intégré qui vient appuyer le programme dans sa totalité, avec son propre programme de formation et la présentation des ressources en ligne. Le programme de formation et le bureau virtuel sont gérés par des collègues du Centre for Health Evidence de l’Université de l’Alberta (http://www.cche.net/). La constatation que la capacité d’utiliser l’information sur la santé est dorénavant essentielle à la prestation et à la gestion de services de santé éclairées par les données probantes (Hayward et coll., 2006) se trouve au cœur du programme de formation sur la gestion de l’information sur la santé et du bureau virtuel. La gestion des services de santé s’appuie de plus en plus sur les systèmes et les technologies de communication et d’information, de même que sur Internet. Les gestionnaires doivent se familiariser avec les meilleurs outils de gestion de l’information pour acquérir les connaissances et les compétences techniques qui les aideront à prendre des décisions optimales et à favoriser une amélioration du rendement dans les services offerts aux patients. Alors que les boursiers évoluent dans le programme FORCES, ils sont exposés à de nouvelles façons de traiter l’information. Dans cet esprit, le cursus sur la gestion de l’information sur la santé favorise l’acquisition de capacités selon une méthode juste à temps, au point où elles peuvent être appliquées. Il fait donc partie intégrante des six  modules FORCES et est réalisé au moyen d’une combinaison d’activités d’apprentissage individualisé, autonome et de groupe. Le programme de formation comprend cinq sujets généraux : • • • • •

Technologies de communication de l’information Protection de la vie privée, confidentialité et sécurité Gestion des renseignements personnels Gestion des données probantes Gestion des données organisationnelles

Le bureau virtuel FORCES offre du contenu d’apprentissage et des ressources sur ces sujets et sert également de laboratoire aux boursiers pour mettre en pratique les capacités acquises et en développer de nouvelles. En effet, les boursiers continuent d’avoir accès au

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bureau virtuel et à ses ressources une fois qu’ils ont terminé le programme. Au fur et à mesure du passage des groupes dans le programme FORCES, le bureau virtuel devient un outil de réseautage social important pour les groupes émergents qui souhaitent poursuivre leurs échanges et obtenir du soutien. Une communauté de pratique officielle fait maintenant partie du bureau virtuel, gérée par un groupe de diplômés FORCES.

Projets d’intervention La principale tâche que doivent accomplir les boursiers durant le programme est le projet d’intervention (PI). Il leur donne l’occasion de cerner un problème principal dans leur établissement et de le résoudre. Le PI a deux principaux objectifs : permettre aux boursiers de mettre en pratique la gestion éclairée par les données probantes et développer la capacité de l’organisme à apporter un changement éclairé par les données probantes. Les PI sont étroitement liés au contenu des modules, car les séances en résidence utilisent les PI des boursiers comme cas ou illustrations. Pour s’assurer que les boursiers disposent d’un soutien adéquat pendant la réalisation de leur PI, un système de mentorat a été mis en place (consulter le chapitre 8) offrant de l’encadrement durant et entre les séances. Les mentors et les boursiers procèdent à l’élaboration des PI conformément à un document d’orientation détaillé. Le système de mentorat est essentiel au suivi et à l’encadrement appropriés durant le programme, et les boursiers reçoivent une rétroaction officielle au moyen de rapports d’étape de la part du corps enseignant associé aux centres de mentorat régionaux (CMR). Les boursiers retirent quatre principaux avantages des efforts qu’ils ont investis dans le programme : ils acquièrent des compétences et des connaissances en participant au programme ; ils améliorent leur capacité à collaborer à titre de décideurs éclairés par les données probantes dans divers domaines ; ils appliquent les compétences acquises et utilisent les données de recherche pour apporter un changement organisationnel ; les compétences requises pour améliorer l’utilisation des données de recherche sont partagées avec d’autres personnes que les boursiers ayant participé au programme FORCES. À la mi-2010, sept  groupes représentant 174  boursiers s’étaient inscrits au programme. Le chapitre 9 fournit une caractérisation plus individuelle des boursiers de chaque groupe, de leur

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présence régionale et de leurs antécédents. Comme on l’a mentionné dans l’introduction, une évaluation de l’impact organisationnel vient d’être terminée et fera l’objet d’un autre rapport. De nombreuses initiatives portant sur les systèmes de santé sont en cours pour permettre des échanges entre les gestionnaires, les décideurs et les chercheurs en exercice (le programme Service Delivery and Organisation R&D au Royaume-Uni ainsi que les divers exercices « d’écoute » dans ce pays et au Canada en sont des exemples). Les compagnons naturels de ces initiatives sont les programmes de formation comme FORCES qui développent les attitudes, les compétences et les habiletés requises pour apporter des améliorations éclairées par les données probantes à la qualité et au rendement dans nos systèmes de prestation de services.

Références Black, N. et N. Mays (1996). « What is “development” ? », J Health Serv Res Policy, vol. 1, 183–4. Culyer A. et J. Lomas (2006). « Deliberative processes and evidenceinformed decision making in health care : Do they work and how might we know ? », Evidence and Policy, vol. 2, 357–71. Denis, J.-L., J. Lomas et N. Stipich (2008). « Creating receptor capacity for research in the health system : The Executive Training for Research Application (EXTRA) program in Canada », JHSRP , vol. 13, no 1, 1–7. Hayward, R.S., M. El-Hajj, T.K. Voth et K. Deis (2006). « Patterns of use of decision support tools by clinicians », AMIA Annu Symp Proc., vol. 1, 329–33. Kovner, A.R. et T.G. Rundall (2006). « Evidence-based management reconsidered », Front Health Serv Manage, vol. 22, 3–22.

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4 Favoriser l’utilisation de la recherche dans les politiques et dans la gestion john n .  lavis

Que feriez-vous dans les situations suivantes ? •







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Vous ouvrez le journal le matin. La question du manque de médecins fait encore la une, et vous savez qu’en tant que ministre de la Santé, les journalistes vous interrogeront pour savoir pourquoi le problème persiste malgré des années d’intervention de la part du gouvernement. Votre chef des soins infirmiers vous annonce qu’une délégation de médecins de la région a demandé dans un forum public que votre hôpital adopte une politique de « rémunération au rendement » pour ses infirmières et infirmiers, soutenant qu’elle a fait ses preuves ailleurs. Le PDG de l’autorité sanitaire de votre région vous a demandé d’élaborer un plan de mise en œuvre pour un nouveau programme ciblant les patients diabétiques ainsi que les médecins en pratique solo et les équipes de santé multidisciplinaires qui leur prodiguent des soins. Votre sous-ministre adjoint a demandé qu’on lui suggère ce que le ministère provincial de la Santé pouvait répondre aux critiques d’une coalition de groupes de professionnels de la santé qui prétend que le ministère a recours à une politique du « deux poids deux mesures » : il exige des professionnels de la santé qu’ils fondent leurs décisions sur les meilleurs résultats de recherche, mais pour sa part, le ministère ne renvoie jamais à des données de recherche pour justifier ses décisions.

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Auparavant, peut-être que vous vous seriez débrouillé et auriez fait de votre mieux, en vous fiant aux résultats d’une recherche rapide sur Google, sur des idées échangées rapidement avec un collègue ou sur l’avis d’un ami expert en la matière que vous consultez parfois sur le plan professionnel. Le module 1 de FORCES a été conçu et est continuellement adapté pour aider les gestionnaires et les responsables de politiques du système de santé à comprendre pourquoi ces méthodes mènent parfois à des erreurs néfastes ou coûteuses et à prendre conscience que de plus en plus de ressources et d’outils sont à leur disposition pour les aider à trouver efficacement des données de recherche et à les utiliser comme intrant pour relever les défis immédiats en matière de santé. Le module ne prétend pas « tout régler ». Il s’efforce de décomposer une tâche complexe en étapes maîtrisables, de donner des conseils sur les sources de recherche et sur l’attitude à adopter avec les résultats, de favoriser à la fois une approche systématique et un compte rendu transparent des mesures prises et de rassurer les gestionnaires et les responsables de politiques sur le fait qu’ils peuvent, ainsi que leur personnel, intégrer cette approche à un concept de travail bien fait et non comme tâche supplémentaire. Comme l’a exprimé un haut fonctionnaire, « merci de m’avoir montré que ce n’est pas bien sorcier ».

Objectif du module 1 et réalisation Grâce au module 1, les boursiers, qui sont tous des gestionnaires et des responsables de politiques du système de santé, acquièrent des connaissances et des compétences pour trouver et utiliser de manière efficace les données de recherche dans des situations comme celles décrites ci-dessus. La première situation exige avant tout que les hauts fonctionnaires déterminent si le problème a été bien cerné, activité abordée le jour  1 (tableau 4.1). La deuxième exige que le personnel de l’hôpital détermine s’il a été prouvé que la rémunération au rendement a eu les effets souhaités dans un contexte semblable à celui de son établissement et, dans l’affirmative, qu’il s’informe sur les effets néfastes (ou conséquences involontaires) observés dans d’autres établissements, le coût et la rentabilité par rapport à d’autres options, ce qui est abordé le jour 2. La troisième situation exige du personnel de niveau intermédiaire de repérer les obstacles probables à la mise en œuvre et de recueillir l’information sur les avantages, les effets néfastes et les coûts relatifs aux stratégies requises pour déjouer ces obstacles, sujets prioritaires du jour 3.

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Tableau 4.1 Structure générale du module 1 Jour 1 Définition du problème

Jour 2

Jour 3

Jour 4

Choix d’une solution

Mise en œuvre de la solution

Synthèse

Jour 5 Promotion de l’utilisation des données issues de la recherche

Gestion de l’information sur la santé

Nota: Les flèches verticales dans la deuxième ligne représentent le couteau de base dispensé chaque jour, matin et après-midi. Les flèches horizontales dans la quatrième ligne représentent le couteau complémentaire qui concerne la gestion de l’information sur la santé et qui n’est donné qu’une seule fois au milieu de la journée.

Le jour 4 est l’occasion pour les boursiers de tirer des leçons des efforts déployés par un important hôpital d’enseignement pour cerner un problème (à savoir que le ministère finance certaines technologies et pas d’autres, sans raison apparente), de choisir une solution parmi plusieurs pour résoudre le problème, de mettre en œuvre cette solution tout en faisant connaître à d’autres boursiers la manière dont un « projet d’intervention » a été remanié à la lumière de l’information et des données de recherche disponibles pour définir le problème, de retenir une solution et de la mettre en œuvre. La quatrième situation exige qu’un analyste des politiques s’appuie sur un cadre de travail ou un outil existant pour évaluer la capacité du ministère à trouver et à utiliser de manière efficiente les données de recherche, ce qui représente l’activité du jour 5, et pour indiquer aux fonctionnaires des échelons supérieurs les façons de présenter les points forts et les points à améliorer que le sous-ministre adjoint pourrait prendre en considération. Une approche thématique transversale de la gestion de l’information sur la santé procure aux boursiers les connaissances et les capacités requises pour gérer les efforts qu’ils consacrent à la recherche et à l’utilisation des données. La définition du problème se fait en plusieurs étapes : déterminer le problème sous-jacent ; repérer les indicateurs pour en établir l’importance et mesurer les progrès de sa résolution ; établir des comparaisons pour évaluer si le problème se résorbe ou s’aggrave au fil du temps ou s’il est plus ou moins important dans d’autres contextes et,

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enfin, déterminer d’autres façons de présenter la question pour éveiller l’intérêt (et renforcer la motivation) de différents intervenants. Le problème sous-jacent est-il réellement une pénurie de médecins ou s’agit-il d’un problème de répartition de ces derniers sur le territoire, ou encore de la façon dont ils sont rémunérés (ce qui les incite à exercer dans des zones relativement bien desservies) ? Savoir utiliser les stratégies de recherche validées dans MedLine peut aider les gestionnaires et les responsables de politiques fort occupés à trouver des études de bases de données administratives et des enquêtes communautaires pour établir des comparaisons, de même qu’à trouver des études qualitatives pour mieux comprendre la façon dont différents intervenants perçoivent un problème et le vivent. Savoir définir un problème au moyen de données et de résultats de recherche est souvent le plus grand défi à relever pour les gestionnaires et les décideurs tournés vers l’action. Ils ont souvent déjà une solution en tête et trouvent difficile de prendre du recul pour bien cerner le problème qu’ils tentent de résoudre. Pour faire un choix parmi plusieurs solutions, il faut dégager celles qui sont viables en décrivant les aspects connus (et inconnus) des avantages, effets néfastes et coûts (ou rentabilité) de chacune d’entre elles, déterminer si les solutions adoptées dans d’autres contextes peuvent être adaptées et la façon dont ces adaptations peuvent influer sur les avantages, effets néfastes et coûts. Il faut aussi établir les points de vue et expériences des intervenants et leur influence sur l’acceptabilité d’une solution ou de ses avantages, effets néfastes et coûts. La politique de rémunération au rendement pour les infirmières et infirmiers des hôpitaux s’est-elle avérée efficace partout où elle a été appliquée et rigoureusement évaluée ? Dans l’affirmative, a-telle entraîné des conséquences involontaires ? Les gestionnaires et les responsables de politiques du système de santé peuvent répondre à de telles questions s’ils savent (1) comment faire une recherche des revues systématiques sur les mécanismes du système de santé dans la base de données Health Systems Evidence (http://www.health servicesevidence.org/) ; (2) comment faire la distinction entre les revues portant sur les avantages (examens des répercussions) et celles sur les effets néfastes (examens des études par observation), comment fonctionnent les solutions et pourquoi (examens des évaluations de processus) et quels sont les points de vue et les expériences des intervenants (examens des études qualitatives) ; (3) comment évaluer la qualité et l’applicabilité des revues sélectionnées à un contexte

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local ; et (4) comment faire une recherche des évaluations économiques dans la NHS Economic Evaluation Database. Pour la plupart des gestionnaires et des responsables de politiques du système de santé, savoir évaluer les solutions potentielles est une seconde nature. Ce qui est plus ardu est de savoir faire correspondre le bon type de données de recherche à la bonne partie de leur évaluation et de savoir évaluer les résultats de leurs recherches, surtout leur portée dans le contexte donné. La mise en œuvre d’une solution exige d’en repérer les obstacles, qui peuvent être associés aux patients ou aux citoyens, aux fournisseurs de services, aux organismes ou systèmes, puis de décrire les éléments connus (et inconnus) des avantages, effets néfastes et coûts (rentabilité) des stratégies de mise en œuvre possibles. Comment et pourquoi les patients diabétiques ainsi que les médecins en pratique solo et les équipes multidisciplinaires qui leur offrent des soins s’opposent-ils à un nouveau programme et quelles stratégies pourraient lever ces obstacles ? Savoir comment trouver et utiliser les revues systématiques d’études qualitatives ou d’études par observation aide les gestionnaires et les responsables de politiques à cerner les obstacles, alors que de savoir comment trouver et évaluer les revues systématiques et les évaluations économiques comme l’explique le paragraphe précédent aide à décrire les éléments connus des stratégies de mise en œuvre. Une grande partie du travail des gestionnaires et des responsables de politiques consiste à essayer de changer les comportements des patients et des fournisseurs. Une mine de données de recherche existe et peut les aider dans cette tâche. En revanche, la promotion de l’utilisation des données de recherche exige une évaluation holistique des bons et moins bons résultats de l’organisme ou du système, ainsi que des points où les investissements stratégiques produiront le meilleur rendement. Les gestionnaires et les responsables de politiques du système de santé ont-ils soumis les professionnels de la santé à des normes différentes ? Ou faut-il plutôt comprendre que, jusqu’à très récemment, aucune ressource ni aucun outil ne permettaient aux gestionnaires et responsables de politiques de faire sérieusement appel aux données de recherche pour aborder leurs difficultés, évaluer les solutions et mettre en œuvre les plans qu’ils élaboraient, et par conséquent de décider si des données de recherche pouvaient éclairer ces étapes ? Savoir qu’il existe maintenant des cadres de travail pour évaluer si un organisme ou un système possède le soutien nécessaire pour ce type de

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tâche ainsi que des outils pour évaluer un type important de soutien en particulier (la capacité d’acquérir, d’évaluer, d’adapter et d’appliquer les données de recherche) ne peut qu’aider les gestionnaires et les responsables de politiques à repérer les points forts et les points à améliorer à l’échelle de l’organisme et du système. La personne, comme le boursier, ne peut contribuer que jusqu’à un certain point. L’organisme ou le système a également sa part de responsabilité. Le module  1 présente aux boursiers de nombreuses occasions d’agir en fonction des nouvelles connaissances recueillies et d’améliorer les nouvelles capacités acquises. Des exemples de définition de problème sont présentés dans les séances plénières pour provoquer des discussions. Des exercices, comme des évaluations – toujours ardues – de l’applicabilité locale d’une revue systématique, sont exécutés en petits groupes. Les obstacles à la mise en œuvre sont repérés dans le cadre de séances de remue-méninges. Tout au long du programme, les boursiers appliquent leurs nouvelles habiletés à leur projet d’intervention. Vers la fin de la semaine, tous les boursiers évaluent la capacité de leur organisme à acquérir, évaluer, adapter et appliquer les données de recherche, et les modèles qui se dégagent de leurs évaluations servent à amorcer les discussions qui se tiendront au sein de grands groupes au cours de la dernière journée. Un modèle réussi signifie que chaque boursier a trouvé les données et les résultats de recherche requis pour établir une approche éclairée par les données probantes pour son projet d’intervention (le problème qu’il tente de résoudre, les solutions et le plan de mise en œuvre qu’il envisage) ainsi qu’une approche appuyant l’utilisation des données de recherche à une échelle plus grande dans leur organisme ou système.

Évolution du module 1 et intention La description de la section précédente donne l’impression que le module  1 était tracé d’avance et qu’il a suivi un parcours de type « essai et preuve » durant les cinq  premières années. Bien que les boursiers du premier groupe puissent reconnaître certains éléments du module, celui-ci a beaucoup changé au fil du temps depuis leur participation au programme. En effet, les changements sont considérables, notamment la position du module 1 dans le programme de formation général, ses principaux éléments (et leur présentation) et l’interaction entre le module et les boursiers. Les besoins des

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boursiers (et en général ceux des gestionnaires et des responsables de politiques du système de santé) nous ont même encouragés à développer des ressources sur mesure. Au cours de la première séance en résidence (c’est-à-dire l’exécution des modules  1 et 2 initiaux), un consensus s’est imposé : ces deux premiers modules devaient être inversés. Les boursiers appréciaient l’ambiance détendue du module 1 initial où l’on démystifiait la recherche à leur intention, tandis que leur degré d’anxiété était palpable dès les premiers jours du module 2. On attendait soudainement d’eux qu’ils trouvent et utilisent des données de recherche pour établir une approche éclairée par les données probantes et l’appliquer à leur projet d’intervention (soit le problème qu’ils tentaient de résoudre, les solutions et le plan de mise en œuvre qu’ils envisageaient). Il ne leur restait que quelques jours pour y parvenir avant d’avoir à affronter seuls les six mois qui les séparaient de la séance en résidence suivante. Le module 2 initial (faisant la promotion de l’utilisation des données de recherche dans la gestion et la prise de décision, objet du présent chapitre) est donc devenu le module 1, et le module 1 initial (démystifiant les données de recherche, sujet abordé dans le prochain chapitre) est devenu le module 2. Le changement a fonctionné : le degré d’anxiété dans le deuxième groupe de boursiers avait baissé et ceux-ci ont retiré beaucoup plus du nouveau module 1 et ont pu profiter d’un plus grand nombre de connaissances du nouveau module 2 directement liées à leur projet d’intervention. L’importance relative accordée au contenu du module et à sa présentation a également changé au fil du temps. Tout d’abord, le ton du module 1 est devenu de plus en plus pragmatique. Inconsciemment ou non, le contenu avait d’abord été présenté aux gestionnaires et aux responsables de politiques déjà fort occupés comme une tâche de plus, au lieu d’être une façon de mieux accomplir leurs tâches. Certes, Google, les collègues et les amis experts peuvent aider les boursiers à accomplir leurs tâches en partie. Mais ils ne peuvent les appuyer de façon utile pendant une réunion avec un groupe d’intérêt bien informé ou une entrevue avec un journaliste engagé. Nous avons appris à présenter les évaluations de l’applicabilité locale d’une revue systématique comme une occasion d’essayer de comprendre (et ainsi de défendre avec cohérence) ce que l’on pouvait retirer des expériences dans d’autres contextes. Nous ne les présentons plus comme ce qui semblait être, dans les premières années, un exercice d’évaluation critique.

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Deuxièmement, avec le temps, le module 1 a prêté plus d’attention à la définition du problème. Le contenu portant sur les problèmes était modeste dans le module 1 à ses débuts, mais on s’est aperçu au fil du temps que, pour tout le reste du programme, il était essentiel que les boursiers comprennent bien cette partie de leur projet d’intervention ; le contenu a donc été modifié progressivement pour être plus axé sur leurs besoins. Troisièmement, le module 1 s’est également concentré au fil du temps sur les revues systématiques, en grande partie en raison d’un plus grand nombre de revues systématiques portant sur toutes les facettes de la définition d’un problème, du choix d’une solution et de sa mise en œuvre, et aussi du développement de la base de données Health Systems Evidence, qui facilitait grandement la recherche de revues pertinentes. Quatrièmement, le module 1 s’est progressivement centré sur les données (et pas seulement sur les résultats de recherche). Cette transition s’est produite en partie parce qu’on a reconnu que les données locales étaient essentielles à une bonne définition du problème et en partie grâce aux interactions avec les professeurs dans d’autres modules qui accordaient une priorité absolue à l’utilisation des données sur le rendement. Le module 1 a réagi aux boursiers et ceux-ci ont réagi au module. Chaque nouveau groupe crée de nouvelles attentes. Une année, le programme a accueilli un nombre exceptionnel de boursiers du secteur public de la santé ; les ressources pertinentes ont donc été repérées et intégrées au module. Une autre année, les équipes sont devenues admissibles au programme FORCES. Il a donc fallu intégrer le travail d’équipe au module pour permettre aux boursiers à la fois d’appliquer leurs nouvelles connaissances et capacités à leur projet d’intervention et d’être exposés à de nouvelles idées dans de petits groupes de discussion regroupant des boursiers ne faisant pas partie de leur équipe. Les responsables de politiques ont récemment été invités à participer au programme. La terminologie et les ressources ont donc été adaptées pour mieux répondre à leurs besoins. L’impact inverse s’est avéré plus amusant. Au fil des années, nous avons commencé à remarquer que les présentations finales des boursiers du module 6 étaient devenues rébarbatives. On aurait cru entendre des chercheurs. Depuis, nous avons mis l’accent sur le recours aux anecdotes dans le module 1 pour nous assurer que l’élément humain qui avait initialement motivé les boursiers (et qui motiverait probablement les autres) n’était pas oublié parmi les données et les résultats de recherche.

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Dernière évolution du module 1 digne d’être mentionnée : des ressources sur mesure pour mieux répondre aux besoins des boursiers (en général ceux des gestionnaires et des responsables de politiques). Au cours des premières années d’existence du programme FORCES, le module 1 s’accommodait du matériel de formation produit pour d’autres auditoires cibles. Tout au long du programme, nous avons ajouté des notes rédactionnelles pour accompagner ce matériel. Nous avons finalement, avec la collaboration d’autres intervenants, commencé à produire des documents spécialement rédigés à l’intention des gestionnaires et des responsables de politiques du système de santé (voir les Outils du projet Support de la FCRSS, en français et en anglais à la fin du présent chapitre, ainsi que Lavis et coll., 2009). De la même façon, un outil d’auto-évaluation, initialement présenté comme exercice exigeant que les boursiers évaluent la capacité de leur organisme à trouver et à utiliser les données de recherche, est désormais une ressource à laquelle les boursiers peuvent recourir pour encourager la discussion, appuyer le changement et surveiller les améliorations au sein de leur organisme.

Quels sont les points à améliorer ? Le module 1 demeure un ouvrage en cours. Nous continuons à expérimenter de nouvelles façons d’aider les boursiers à relever leur plus grand défi : la définition du problème. Mais un défi encore plus grand consiste à étendre le renforcement des capacités au-delà des quelque 24 gestionnaires et responsables de politiques du système de santé choisis chaque année. Un certain nombre d’initiatives ont émergé au cours des dernières années, du programme menant à un diplôme de l’Université Royal Roads aux séances et ateliers à caractère moins officiel organisés pour les fonctionnaires des ministères fédéral et provinciaux de la Santé, les organismes internationaux et (bientôt) les analystes et les gestionnaires d’associations d’intervenants, au Canada et ailleurs dans le monde. Toutefois, compte tenu du renouvellement rapide des responsables de politiques et du nombre considérable de gestionnaires dans le système de santé, nous devons multiplier les formules de formation, notamment 1,5 heure pour les fonctionnaires à l’échelon du sous-ministre adjoint qui définissent les attentes liées à leur personnel et une journée pour les analystes et les conseillers en matière de politiques. Nous devons également adopter une approche beaucoup plus axée sur les établissements

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pour tirer pleinement parti des avantages de ces efforts de renforcement des capacités. La formation de 240 champions et praticiens de la gestion et de l’élaboration de politiques éclairées par les données probantes représentent un formidable accomplissement. Mais il reste encore beaucoup à faire. Les systèmes de santé éclairés par les données probantes doivent faire appel à un processus dynamique pour repérer et utiliser de nombreux types de données de recherche afin de faire face aux défis émergents et perpétuels qu’ils affrontent. Les cadres supérieurs doivent faire preuve d’un solide leadership et le module  1 contribue modestement à exposer la prochaine génération de leaders aux connaissances et compétences requises pour jouer ce rôle important. Mais les systèmes de santé éclairés par les données probantes exigent également un programme de perfectionnement professionnel continu dynamique pour le personnel ainsi qu’un programme de développement et d’amélioration des ressources et des outils pour les gestionnaires et les responsables de politiques. À ce chapitre, le module 1 ne peut guère faire plus que de représenter un laboratoire dans ces domaines, rôle qu’il a rempli avec succès au cours des cinq premières années du programme.

Références Lavis, J.N., A.D. Oxman, S. Lewin et A. Fretheim (2009). « Support tools for evidence-informed health policy making (STP). Introduction », Health Research Policy and Systems, 7 (Suppl. 1) : I1doi : 10.1186/ 1478-4505-7-S1-I1. Outils du projet SUPPORT, FCRSS. Consulté au http ://www.fcrss.ca/ PublicationsAndResources/ResearchReports/Support_Tools_for_PolicyMaking.aspx.

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5 Renforcer le savoir de recherche des gestionnaires david l .  streiner, paula n .  goering et jeffrey s .  hoch

Formation sur le savoir de recherche pour les cadres exerçant dans la santé Par définition, les gestionnaires gèrent. À de rares exceptions près, ils n’effectuent pas eux-mêmes de recherche et il est également peu probable qu’ils consultent la littérature spécialisée pour trouver réponse à une question. Ils demanderont plutôt à un membre de leur personnel de trouver des données de recherche et de leur en résumer l’essentiel. Par conséquent, on est en droit de s’interroger sur le besoin des gestionnaires d’en savoir davantage sur les statistiques, les méthodes de recherche, l’analyse des politiques et l’économie de la santé. Les gestionnaires ne sont pas nécessairement des chercheurs, ou même des consommateurs d’études de recherche spécialisées, mais pour un certain nombre de raisons, ils doivent se familiariser avec le langage et les méthodes utilisées en recherche. Paradoxalement, une des principales raisons de fournir de la formation en recherche aux gestionnaires est de démystifier la recherche. Nous avons souvent entendu les publicités télévisées utiliser des phrases comme « Des études ont démontré… » ou celle plus impressionnante, « Des études menées par une autorité dans le domaine de la santé ont prouvé… », pour ensuite poursuivre en vantant les nouveaux mérites d’une quelconque panacée. Une personne à l’air sérieux, vêtue d’un sarrau de laboratoire et un stéthoscope au cou, bien en vue, apporte encore plus de crédibilité au message. L’hypothèse est donc qu’une affirmation sera d’emblée acceptée comme « vraie » si elle est appuyée par la

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« recherche ». Toutefois, comme le savent tous les chercheurs, certaines études publiées appartiennent clairement au New England Journal of Medicine ou au Journal of the American Medical Association, alors que d’autres conviennent peut-être mieux au « Journal des résultats non reproductibles ». Les études ne se valent pas toutes et les gestionnaires doivent donc aborder la recherche avec prudence, mais non d’un mauvais œil. Une deuxième raison justifiant une formation sur le savoir de recherche est qu’il faut préparer les gestionnaires à ces occasions où ils se verront contraints d’ouvrir ou de fermer des unités d’hôpital. Souvent, de telles demandes s’accompagnent d’articles démontrant le besoin d’un nouveau programme ou d’arguments convaincants voulant que les fonds soient mieux utilisés s’ils étaient alloués à un service ou une intervention en particulier plutôt qu’à un autre. Ces articles foisonnent d’expressions comme p