Le Détour de valeur 2717811524, 9782717811520

Table of contents :
Le Détour de Valeur
Introduction
1. Des questions qui ne se posaient pas
2. Des réponses qui n'apparaissaient pas
3. Des problèmes dissimulés derrière leurs formulations
I Le rôle des théories scolastiques du juste prix dans la formation des théories classiques de la valeur
1 La conception thomiste du juste prix
1.1 Une compréhension de l'organisation sociale
1.2 Un modèle culturel : justice distributive et justice commutative
1.3 L'esquisse d'une approche individualiste chez Thomas d'Aquin
2 Juste prix et prix de marché : les rendez-vous manqués
2.1 Contre le thomisme
2.2 A côté du thomisme
2.3 La perspective juridique
2.4 Situations du juste prix
3 La dissolution du juste prix
3.1 La rencontre du juste prix et du prix de marché
3.2 Le juste prix et la formation des théories du droit naturel
4 A l'intersection des scolastiques et des classiques : les théories smithiennes sur la valeur
4.1 Structure de la théorie de la valeur dans les Lectures
4.2 La Richesse des Nations : le sens d'un détour
II Valeur absolue et valeur relative : une enquête sur la problématique ricardienne
5 En amont des Principes
5.1 Evaluation et répartition dans le contexte de l'Essay
5.2 L'ébauche d'une théorie de l'évaluation à l'époque des théories monétaires
6 Valeur absolue, valeur relative et invariant
6.1 Les champs d'évaluation absolue et relative
6.2 Les rapports entre les champs d’évaluation
6.3 Les problématiques de l'invariant dans l'évaluation relative
6.4 Le statut de la marchandise moyenne
III Le problème et la conjecture : transformer les valeurs en prix
7 La transformation des valeurs-travail en prix de production : fonctionnement d'une hypothèque
7.1 Récit fictif sur la transformation
7.2 L'hypothèque de la conjecture marxienne
7.3 La levée de l'hypothèque
7.3.1 Sur les caractéristiques structurelles de l'économie et le point d'origine
7.3.2 Sur les relations conservatoires
7.3.3 Sur la révision du mode de calcul de la solution
8 Les dépassements de la conjecture
8.1 Les modifications des informations constitutives des champs d'évaluation
8.2 L'étude des propriétés qualitatives comparées de grandeurs relevant de champs d'évaluation distincts
8.3 La multiplicité des concepts d'évaluation au sein d'un même champ
8.4 Système intégré et normes d'évaluation
Bibliographie
Index des noms propres cités
Table des matières

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ANDRE LAPIDUS

LE DETOUR DE VALEUR

ECONOMICA 49, rue Héricart, 75015 Paris

Introduction I

es traditions académiques offrent aux économistes qui en sont friands

l’opportunité de satisfaire un penchant plutot sinistre : celui des commemorations.

ll y a ainsi de grandes années, comme celle qui permit de célébrer 5 la fois la mort de Marx et la naissance de Keynes, de Schumpeter et de von Thunen. D’autres sont plus paisibles, qui obligent a déterrer quelque obscur precurseur des physiocrates. Le temps pourrait s’écouler ainsi, rythmé comme celui d’un croyant par les représentations rituelles des oeuvres fondatrices, oi] l’on reste partagé entre la tentation d’en restituer l’intensité dramatique et celle d’en reconnaitre le

caractere aujourd’hui dérisoire.

Ce serait la une facon de faire de l’Histoire, de déceler le présent dans ce qui est passé. Dans ce livre, ce ne sera pas la notre. Et pourtant. On conviendra volontiers de cette identité de matiere entre le passé et le présent. Mais 4 \ ce ne sera pas pour sacrifier a la quéte du precurseur ou ouvrir les procés en recherche de paternité. On ne cherchera pas ici -— pour donner un exemple étranger au sujet de ce livre — dans l’allégorie, chez Gérard de Malynes, de saint Georges et du dragon, les racines lointaines de l’incitation 5 investir. On ne tentera pas de débusquer les idées contemporaines derriere des mots qui n’ont plus cours, pas plus qu’on ne forcera les mots que la langue a conservé intacts dans leur forme, a épouser un sens qui n’était pas encore le leur: non que la rétrospective théorique ou la chronique raisonnée soient stériles; mais leur fécondité n’est pas celle que l’on recherche — on y reviendra. C’est, sans doute, chez Keynes que le probleme fut le mieux posé. Chez Keynes rapprochant les économistes de ces géometres imprégnés par l’axiomatique euclidienne, plongés rudement dans un monde ou les paralleles se coupent, ou la ligne droite n’est plus le chemin le plus court entre deux points. ll serait vain de s’en indigner, voire de proposer une axiomatique alternative; ce qu’il faut alors, c’est se soumettre a l’exigence d’un détour.

A vrai dire, il s’agit d’un double détour détour historique, d’abord ; détour 1

© Ed.\ECONOMICA, 1986 Tous droits de reproduction, dc traduction, d’adaptation et d’exécution

réwvés

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arlalytlque’ ensum Du Pmmler» on aendra qu ll Offre deslalons qu ll mane 510"‘ C95 ePl5°‘ des marquants grace auxquels la compréhension du prix qui domina les Xlll‘ et XIV“ siécles ne conduit pas, de facon rectiligne, a une analyse moderne 3

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La Pfemiéfe idée est que 195 1’aPP°YT5 de PYiX des maf¢l"la11Cli595, 19$ Tap" ports que les hommes entretiennent avec elles, traduisent des rapports leur contenu Se 5°“ Profondémem bien qulau. fl] Cl“ ,tempsi soclauxi \ m°dlflé~ . . . . ., A. insi, aux conceptions medievales dans lesquelles le prix renvoit a un service mutuellement rendu ou 5 la dignité relative des partenaires d’une transaction

production et prix de marché, peuvent étre formellement rapprochées de cette rencontre, au XVII“ siécle (chapitre III) de l’héritage scolastique concernant le juste prix et des préoccupations juridiques relatives au droit des contrats (chapitres I et II). Pourtant, on doit convenir que la portée d’une telle procédure sur la comprehension de l’évaluation n’a que depuis peu de temps quelques chances de s’imposer. Déterminer de fagon précise certaines modalités de construction d’un champ d’évaluation exigeait en effet Fétablissement d’un consensus suffisamment large sur la procédure formelle permettant, au moins dans un cas simple et limité aux relations entre valeurs-travail et prix de production, de transformer » un systeme d’évaluation en un autre (chapitre VII). Car c’est au moment méme oil apparaissent nettement les limites de la conjecture de Marx sur la transformation que la question décisive de la signification d’une telle procédure et de Yinterprétation de ses résultats devient susceptible de passer au premier plan (chapitre VIII). L’imbrication de ces deux détours, dans le corps d’un meme texte, ne va pas sans mettre 5 jour des difficultés qu’une démarche plus spécifiquement Yétrospective eat Vralsemblablement éVltée$- Mals en méme tempselle nous fray‘? un chem") entre deux écueils celui’ Prédsément» de l’aPPr°‘ Che YétY°5Pe¢ti\/9 et celui de la ¢h1'°"lq11e Yai5°"né9- I-lune Comm‘? llal-me, Cependant» om 5 leur manlére "°¢atl°n 5 rendre lntelliglbles des °°ntYlbu' tions déj5 anciennes. Des manuels récents d’Histoire de la Pensée Economique (dont le Succés Pédagoglque "lest Plus 5 démontrer) comme celui de M- Blaug Ou de W- Splegel qui les lllustrent Yespedlvementi montrer“ que cette Vocation “lest pas démemla A llapproche rétrospecve dlldemler Ce processus complexe 5 l’aide duquel la science économique, dans son état présent, se reconnaitrait dans son origine et son evolution : il s’agit alors de génétique historique, et l’économiste contemporain se trouve convié 5 rechercher les sources de son propre patrimoine dans des caractéres héréditaires transmis , . . , , . . . d , , . e generation en generation A la chromque raisonnee au contraire de fournir .’ . . ’ , . . ', . , . , \ un recit createur a ce meme economiste contemporain : le recit qui organisera le présent en l’éclairant sur les filiations insoupgonnées dont il est l’aboutissement Entre l’une et l’autre le chenal est étroit hérissé de travaux composites melant les empmms aux deux approches’ de some que chacun Se Convain q ue que yéclectisme est parfois fécond pour autant, i] nrinterdit pas diexplorer ces

Soclaux dé' avec Smith’ les rappmts. entre Qmupes (chapme I) Se substltuenti . . . . 'j'§ par leur posmon dans le processus de productlon fchapme Iv)’ Ce demler element étant 5 son tour expliqué, chez Marx, par les transformations de cette in t erac tion en tre l es h ommes et a nature5 l aque ll eildonne le nom de travail »

autres passages que rend praticables le P rivilé 9 e d’un savoir accumulé. Car le choc entre l’état présent de la discipline et les contributions plus anciennes qui lui Ont donné naissance niengendre pas seulemem la rétrospective théorique at la chromque raisonnéa I] place 5 liavanpscéne Ce dont récho S=est

fchapmes V” et Wm" La seconde idée qui se profile est que le prix n’est pas un concept unique, monolithique, incontestable dans son évidence empirique, mais que coexistent plusieurs concepts d’évaluation, hiérarchisés, correspondant 5 des classes de problemes et 5 des niveaux d’information différents sur le fonctionnement d’un systéme économique. C’est ainsi que les distinctions, affinées par l’économie smithienne (chapitre IV) et ricardienne (chapitres V et VI) puis par Marx (chapitre VII), entre valeurs absolues et relatives, entre valeur-travail, prix de

aujourd’hui estompé, les contraintes tant analytiques que sociologiques qui pesaient sur les processus d’argumentation et que l’analyse contemporaine a écartées de son horizon bien qu’elle s’en trouve expliquée, tout autant que par ce qu’elle a retenu. L’investigation qui en découle, l’artifice de cette communication imposée entre le passé et le présent, semble alors relever beaucoup moins de l’Histoire — au sens de l’histoire rétrospective ou de la chronique raisonnée — que de la reconstruction d’une mémoire. Une mémoire qui permettra de cerner:

du prix de marché fondée sur les comportements individuels. Car tout l’intérét de cette trajectoire sinueuse réside dans les audaces dégues dont elle se fit l’expression, dans cette multitude de tentatives avortées dirigées vers un autre savoir que celui qui prévaut aujourd’hui. ll en est resté — il en reste encore — une problématique toujours ouverte, dont aucun argument analytique ne justifie l’abandon. De ce fait, c’est celle-ci que l’on poursuit 5 travers ces grands moments d’une théorie de la valeur qui (Premiére Partie) prend son origine dans les conceptions scolastiques du juste prix, se développe chez les théoriciens du droit naturel du XVIF siécle au moyen de ces découpages méticuleux d’un prix sanctionné par un contrat, réalise, avec Adam Smith, la mutation sur laquelle allaient se greffer (Deuxiéme Partie) la quéte typiquement ricardienne d’une mesure invariable des valeurs et les débats classiques du XIX° siécle pour (Troisiéme Partie) resurgir chez Marx et constituer l’horizon des questions techniques débattues aujourd’hui encore sur le theme de la transformation des valeurs-travail en prix de production. Rien de mystérieux,biensf1r,dansce parcours : malgré quelques dQmini_ cains espagnols dont les écrits n’avaient que tres marginalement attiré l’attention des économistes, chaque étape s’attache 5 des oeuvres exposées en pleine lumiere soit que leur auteur ait d’ores et déj5 été consacré par l’Histoire, soit qu’5 défaut de la caution de l’Histoire, elles bénéficient encore de celle de yactua|ité_ Comme dans un cliché surexposéy pourtant, la mmiére Hop puis_

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sante a écrasé les paysages, et si l’on s’est attaché 5 en restituer les ombres et les reliefs, c’était sans autre parti-pris que celui de montrer que la théorie de la valeur dont les grandes lignes s’inscrivent dans ce détour historique invite, également’ 5 un détour analyqua Un détour analytique suggérant non que les prix seraient susceptibles d’étre autres que ce que l’on croit, mais qu’ils pourraient étre connus autrement , , s , , La singularite de ce detour tient a larticulation de deux registres repondant, chacun, 5 une idée simple. _

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qlll Per" mll aux docllllles scolasllqllesi pllllclpalemelll a llavels l°el*lVle_ dAlb‘?rl le Gland el Cle 5°“ dlsclple Thomas d’Aq“ln* de plolongel les wllcepllons ans‘ totéliciennes sur la valeur et l’échange — conceptions qui prennent leur source dalls quelques ‘ales llagmellls ‘le la Pollllquei °u de lllflhlque 5 Nlcomaqua ll faut, toutefois, se garder de se laisser abuser par la minceur des matériaux ll“’°q'~lé5- Slll est Vlal que lloellvle cllAll5l°le esl Vlelge de lolll plolel global dlanalyse 颰"°mlql1e1 elle lmP°59 Cependalll 5 595 wmmelllalellls une com‘ préhension de la société, organiciste et téléologiquel qui saura se fondre avec les d°¢lYlne5 enseignées Pal’ l’EQll5e> el a¢°°YdeYa 5a spéclllcllé aux lhémles du lusle PllX-

I I I I I Une comprehensmn de lorgamsatmn 5061319 9

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C’est ainsi que le principe d’une hiérarchie naturelle o l’homme est le premier des etres vivants, juste en dessous de l’etre divin, est commun 5 Aristote et Thomas d’Aquin. ll conduit 5 comprendre chaque échelon de la hiérarchie 1. Celle-ci n’est nulle part mieux affirmée que dans cette profession de toi du premier chapitre de la Politique d’Arist0te : c Par nature donc, la cité est antérieure 5 la famille et 5 chacun de nous, car le tout est nécessairement antérieur 5 la partie ; si le corps entier est anéanti, il n’y aura plus ni pied ni main, si ce n’est par analogie verbale, comme on dit une main de pl8ff€Z telle sera, en effet, la main une fois morte ; toutes choses se définissent par leur acte et par leur puissance ; par consequent des qu’elles n’ont plus le meme caractere, on ne doit plus dire que ce sont les memes choses: elles n'ont que le meme nom ». (Politique: l.2.12-13).

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vn function des exigences de l’échelon supérieur ; ainsi, examinant le souci de la nourriture et de son acquisition », Artistote conclut-il qu’