Études de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Ricketts à l'occasion de son 70ème anniversaire 2503516408, 9782503516400

" Honorary Professor " de Français à l'Université de Birmingham, et Professeur Emérite à Queen Mary and W

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Études de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Ricketts à l'occasion de son 70ème anniversaire
 2503516408, 9782503516400

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É tudes

d e l a n g u e e t d e l i t t é r a t u r e m é d ié v a l e s

OFFERTES À PETER T . RlCKETTS

À L’OCCASION DE SON 70**“ ANNIVERSAIRE

E tudes

de langue

ET DE LITTÉRATURE MÉDIÉVALES O F F E R T E S À P E T E R T . R lC K E T T S

À L ’ O C C A S I O N D E S O N 7 0 ème A N N I V E R S A I R E

éditées par Dominique Billy et Ann Buckley

BREPOLS

© 2005, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium.

All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2005/0095/111 ISBN 2-503-51640-8 Printed in the E.U. on acid-free paper

Table des matières

Introduction H

ath a w a y

John Peter Ricketts

xi

T. I : Perspectives sur le roman, l’épopée et la littérature religieuse au moyen âge 1. Études littéraires Anna Glyn S. K a y , Sarah

CORNAGLIOTTI, BURGESS,

LAFO NT,

Robert Lucia

LAZZERINI, PlCCAT,

Marco

Sc h ip p e r s , Se t o ,

Arie

Naohiko

T h i o l i e r -M ÉJEAN,

Suzanne

Les fragments occitans du Merlin de Robert de Boron Mockery, Insults and Humour in Wace’s Roman de Fou Contradiction and Abjection in the Tristan of Thomas and the Poetry of Marcabru Epopée d’oïl et épopée d’oc : la place de la rançon d’Antioca Une jalousie particulière : la « reina de Fransa » dans le roman de Flamenca La Chanson de sainte Foy : quelques notes pour l’interprétation Hispano-Arabie Literature and the Early Romance Literature Laus stultitiae de Peire Cardenal, édition et interprétation de la “fable” de la pluie merveilleuse Virgile et Prêtre Jean dans la nouvelle Frajre dejoy e Sor de Flaser

5 17 27

37 47 59 71 79 93

2. Littérature religieuse Ricardo Itinéraire de Terre Sainte, d’après le m s . inédit de la Bibliothèque Vaticane de 1 3 4 1 (Vat. lat. n° 3 1 3 6 ) CORRIGAN, Vincent Early Versions of Corpus Christi Office D e M a r c o , Barbara & St. Peter and the Development of Early Dominican CRADDOCK, J erry R. Hagiography H a r r i s , Marvyn Roy The Occitan Story of Susanna (Ms. BNF, £r. 2426) M ELIGA, Walter Les sept douleurs et les sept joies de la Vierge en occitan du ClERBID E,

1 09

125 141 153 163

É tu des de langue et de littérature m édiévales offertes à P eter T. R icketts

ms. London, British Library, Egerton 945 Van DER H o r s t , Traduction d’une homélie sur sainte Marie-Madeleine : Cornelis quelques traits linguistiques VATTERONI, Sergio La version occitane de lExercens attribué à Pierre Jean Olivi (Assise, Bibl. storico-francescana di Chiesa Nuova, ms. 9) W a l t e r s , Barbara R. O verge de droiture, k i deJessé eissis from the Mosan Psalters

177 187 197

3. Histoire et société Leslie Martin O t a k a , Yorio Bro ok ,

GOSM AN,

Illustrating Sallust : Jean Le Bègue and the JugurthanWar Claude de Seyssel’s Monarchie de France and France’s Future La valeur monétaire dans certaines œuvres littéraires du moyen âge

207 219 231

4. Connaissance et philosophie Pierre GASCONIANA. Un recueil de gasconnades de la fin du xvni' siècle ou la caricature ethnique traditionnelle du Gascon CROPP, Glynnis M. The Occitan Boeds, the Médiéval French Tradition of the Consolaûo Philosophiae and Philosophy’s Gown DEYERM OND, Alan The Marine Bestiary in Médiéval Spain LÉGLU, Catherine Memory, Teaching and Performance : the two versions of Peire de Corbian’s the^aur M O N SO N , Don Alfred ïmmoderatus in Andréas Capellanus’ Définition of Love Bec,

245

255 267 281

293

5. Études linguistiques Thomas T. The Gascon Gerund Revisited Maurizio Ane. franç. so(u)s(s)ir et la strophe 93 de la Vie de saint Alexis S k à RUP, Povl L’origine de l’occitan TUDEL et du français TUYAU et du danois TILLERUP TH IO LIER, Jean-Claude Interférences lexicales chez Pierre de Langtoft F lE L D ,

PERU G I,

305 319

331 337

6. Varia Maria Formalisation des variantes à des fins computationnelles : Sofia vérification de l’hypothèse expérimentale sur un texte occitan Pic, François À propos de la cote 11498 de la British Library

CORRADINI,

355

369

Table des m atières

T. II: La poésie des troubadours et leur héritage 1. Études littéraires BERTOLUCCI-

“ G a la n te r ie s ” r iq u ié rie n n e s e t m é la n g e d e g e n r e s

387

PlZZORUSSO, V a le ria

Miriam Wisdom for the Court : The Versesproverbials of Cerveri de 393 Girona L e e , Charmaine Guilhem de Montanhagol and the Romance of Jaufre 405 M ÉNARD, Philippe Les textes arthuriens connus des troubadours : la question 419 des lais bretons N o t o , Giuseppe Observations sur le syntagme du genre « je chante » dans la 429 lyrique des troubadours (à partir de BdT 392,22, w . 6971) CABRÉ,

2. Biographie et histoire Saverio Cyril M EN EG H ETTI, Maria Luisa PA D E N , William D. P f e f f e r , Wendy G

H

u id a ,

ersh o n ,

Bemart (de) Tot-lo-mon ou de Tolmon ? Matfre Ermengaud : an exercise in biography « Mon Esteve » : à propos du destinatairede Guilhem IX d’Aquitaine dans Pos vesçm de novelbflorir Troubadours and Jews More than One Singer at Home : All in the Troubadour Family

439 447 461 471 485

3. Édition de textes D

e

CONCA,

M a s s im ilia n o PULSONI, C a rlo

P o u r u n e n o u v e lle é d itio n d e

FadetJoglar : é tu d e s

s tr u c tu r a le s e t p is te s d e r e c h e r c h e s L es

vidas d e IK

e t le u r s s o u r c e s

495 509

4. Musicologie et Métrique Elizabeth Word Refrains and their Music: Considerations and Case Studies from the Troubadours B il l y , Dominique Remarques inédites sur les stramps catalans B u c k l e y , Ann Abelard’s Plandus virÿnum Israel superplia Iepte Galadite and U lais despuceles D UFFELL, Martin J. Syllable and Foot : The Influence of French Metrics on English Verse Aubrey,

519 531 545 571

vii

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5. Études linguistiques Ronald Aspects of Old Provençal (Old Occitan) Syntax : Relative Clauses in the Costuma d’Agen BLASCO F e r r e r , Medieval Occitan va(i) + Infinitive reconsidered Eduardo B o r g h i -C e d r i n i , Quelques problèmes de la langue des troubadours à la Luciana lumière de la COM1 K LINGEBIEL, Kathryn Lady Body-Dear and the Armed Pig of Cremona : Old Provençal Compounds in the COM PFISTER, Max La langue de Marcabru ROSENSTEIN , Roy Occitan Language and Troubadour Song in Renaissance France -.Jean Nicot (ca. 1525-1600) and the Tbresorde la languefrançoyse A k eh u rst,

587 595 603 615 631 645

6. L’héritage des troubadours William Is Pey de Garros the Occitan Ronsard ? A Reading of Poesias Gasconas (1567) G r ë STI, Paolo Gian Vincenzo Pinelli et les coblas de Percival Doria et Felip de Valenza (Milan, Biblioteca Ambrosiana, R 105 sup.) K e l l y , Douglas The Late Medieval Occitan Art of Poetry : the Evidence from At de Mons and Raimon de Comet K r e m n i t z , Georg Sur l’utilisation de la “matière occitane” dans la littérature contemporaine : Paul Löwinger, Das Ued des Troubadours (2000) M e n i c h e t t i , Aldo Chiaro Davanzati traducteur de Perdigon et Rigaut : Trop ai estât, Atressi con l’orifan\ et Troppo aggiofatto SPAGGIARI, Barbara Encore sur le thème de 1’ “aurd’ TOUBER, Anton L'importance des troubadours et des trouvères pour le Minnesang allemand CALIN,

659 671

681 693

703 717 727

Tabula gratulatoria Tabula gratulatoria

743

Peter Ricketts

S i monumentum requins, circumspice. La devise exprime adm irablem ent l’heureuse concordance (si j’ose employer ce terme) entre les articles qui contribuent à ce volum e et leur sujet. L’O ccitan domine, com m e il se doit, mais l’éventail des intérêts de Peter est entièrem ent reflété ici, et la provenance des articles est d ’une envergure géographique qui fera plaisir au voyageur et correspondant infatigable qu’est Peter. U n coup d ’œil sur la liste des organismes dont il fait partie rend com pte de la variété : par exemple, la Revue des Langues Rjomanes (dont il est M em bre du Comité d’H onneur), la Société Archéologique, Scientifique et Littéraire de Béziers, la Médié­ val Academy o f America, URA 1153 et le Centre de Recherche et d ’Expression des Musiques Médiévales. C’est dans le Midi que Peter a fait ses débuts dans la culture française, comme Assistant d ’Anglais à N îm es au cours de ses études supérieures. Plus tard, ses premiers pas dans le m onde académique ont dû lui paraître com m e les petits sauts d ’un oisillon : une année com m e Lecteur d ’Anglais à l’Université de M ontpellier, où il a beaucoup apprécié les conseils généreux de Charles Cam proux ; une année com me chargé de cours tem poraire à Victoria Collège de l’Université de T oronto ; et deux ans de service militaire, durant lesquels il a term iné son édition critique des poésies de M ontanhagol et passé son doctorat. C’est alors qu’il a pris son essor en passant trois ans com me Assistant Professor à Victoria College avant de retourner à l’Université de Birmingham pour enseigner la Philologie Romane, poste pour lequel il était singulièrement bien qualifié, possédant une solide base de recherches et une connaissance excellente de plusieurs langues romanes. Ses années au Canada devaient être pour lui heureuses à tous points de vue. D ’abord, l’Institut Pontifical d’Études Médiévales de T oronto lui ouvrit ses portes (et publia son Montanhagol en 1964). A joutons que ses séjours au Canada lui o nt offert des aperçus sur le m onde académique en A mérique du N ord, surtout dans les études médiévales, et lui o n t permis de nouer des relations fructueuses. E n effet, après son départ pour Birmingham, le Canada l’attira une fois de plus, en 1967-68, com m e Visiting Professor à l’Université de Colombie Britannique, où il rejoignit son ami Frank Hamlin. Ils s’étaient connus com m e étudiants à Birmingham. Frank était le puîné d ’un an, et jusqu’en 1992, date de sa m ort regrettée de tous, ils o nt travaillé en collaboration. Leur amitié justifiera peut-être u n m o t ici sur Frank Hamlin.

É tu des de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . R icketts

Frank se considérait avant tout com m e un toponym iste occitanisé : sa thèse de doctorat portait sur la toponym ie de l’H érault et ses intérêts se trouvaient presque exclusivement dans le Languedoc. Il entretenait d’ailleurs des relations riches et continues dans la région, notam m ent avec E rnest Nègre, qu’il révérait. Son travail était méticuleux, son enseignement, une inspiration. Q uiconque avait le bonheur de rencontrer Frank Hamlin, calme, généreux, d ’une amabilité inlassable, au débit grave mais pétillant d ’hum our, ne pouvait que se sentir son ami. A Birmingham, au cours des douze années qui suivirent deux projets d ’enver­ gure s’esquissèrent dans l’esprit de Peter Ricketts : une nouvelle édition critique du Breviari d ’A m or de M atfre Erm engau et, entreprise plus ambitieuse encore, une concordance électronique de l’O ccitan médiéval. C’est en travaillant sur les poèm es de M ontanhagol cités dans le Perilhos Tractat dA m or de Donas du Breviari que l’im portance du texte a saisi son imagination. La seule édition avait été rédigée par Gabriel Azaïs d ’après les quatre manuscrits disponibles à l’époque, et Peter jugeait que cette grande œuvre, de quelque 35.000 vers, m éritait une nouvelle édition, basée sur les douze manuscrits complets et dix fragments connus aujourd’hui. Il décida de publier d ’abord le Perilhos Tractat, de 8.000 vers, entité quasi indépendante, et d ’en faire le tom e V de l’entreprise entière. Paru en 1976 il a été suivi du tom e II (1989) et tom e III (1998, avec la collaboration de Cyril H ershon, encore un ami de Birmingham). La carrière universitaire de Peter Ricketts progresse par son élection à la Jam es Barrow Chair o f French de l’Université de Liverpool en 1980 et, trois ans après, à la Chair o f Rom ance Philology à W estfield College de l’Université de Londres, où les deux détenteurs précédents avaient été les médiévistes distingués, Ronald Johnston et Jo h n Marshall. A Westfield Peter devait passer une période d ’une activité intense, voire frénétique. E n 1981 les délégués au Congrès d ’Etudes d ’O c à Liège établirent l’Association Internationale d ’Etudes Occitanes et élurent Peter Ricketts pour Président. D epuis 1955 et jusqu’alors des chercheurs se réunissaient en congrès, au bénéfice de tous, mais sans organisation perm anente. Peter croyait avec passion à la valeur de tous les m ots du nom de l’Association : surtout peut-être au caractère international des études occitanes : d’une p art ces études ne pouvaient que profiter du travail de chercheurs d ’autres parties du m onde (le m ot “étrangers” ne convient pas) ; d’autre part, la douce invasion par l’O ccitan était bénéfique aux régions et aux pays récepteurs. P endant les deux quinquennats de sa présidence, non content de guider l’Associ­ ation avec une énergie et un enthousiasme sans bornes, il se jeta à corps perdu dans les publications de l’A IE O com m e Rédacteur Général, apprenant tous les procédés de l’inform atique utiles à la publication (et, par la suite, l’artisanat de la reliure). La fin des années quatre-vingt fut alourdie de tâches de plus en plus pesantes : l’A IE O , le Breviari, la chaire de Westfield, les fonctions de D oyen de la Faculté des Lettres à u n m om ent crucial où l’on négociait la fusion de W estfield avec Q ueen

xa

V eter R icketts

Mary College. C’était aussi le m om ent où il reprenait l’idée qu’il avait conçue à Birmingham et dont quelques mesures préliminaires avaient été entreprises : la Concordance de l’O ccitan Médiéval. Mais, par une ironie du sort, au m om ent où il avait la perspective très proche de se décharger des plus lourdes de ses responsabilités il tom ba gravem ent malade et se sentit obligé de prendre sa retraite anticipée. Il devait lui falloir trois ans pour récupérer sa santé et reconstituer la bibliothèque do n t il s’était débarrassé dans son désespoir de jamais reprendre ses travaux d ’érudition. Cette fois il n ’est pas question de sautillements d ’oisillon mais d’une reprise rapide de ses activités, stimulée par un brin d’impatience de rattraper le tem ps perdu : il reprit le Breviari et la CO M et il accepta de devenir Rédacteur G énéral des publications de l’A IÉ O au Royaume Uni. C’est une fonction qui convient parfaite­ m ent au bibliographe et au catalogue am bulant des œuvres en progrès qu’est Peter. C’est la C O M qui exige la plus grande attention : la création d ’une base de données réunissant tous les textes subsistants en O ccitan, des tout premiers jusqu’à la fin du quinzième siècle, et la fabrication du logiciel pour les exploiter. Sans jamais douter du succès de l’entreprise, Peter s’est engouffré dans le travail. T o u t en surveillant avec le plus grand tact l’encodage des textes fait par ses collègues, il encoda lui-même le plus grand nom bre. Il a aussi réédité b o n nom bre de textes, soit parce que d ’autres manuscrits ont été rendus accessibles, soit parce qu’une édition récente était sujette au copyright. Encore, tout problèm e qui se soulève l’irrite au point où il s’acharne à s’en débarrasser. Il a surtout su voir très clairement les besoins éventuels des usagers, et le logiciel d ’Alan Reed, D irecteur Technique, répond brillamment aux expositions de Peter. La COM 1, Poésie Lyrique est en quelque sorte un des fruits de ses séjours en Amérique du N ord. Ayant appris que son ami le Professeur Ronald A kehurst, de l’Université du Minnesota, avait encodé une grande partie du corpus des troubadours il proposa une collaboration. R on A kehurst a très généreusem ent mis à sa disposition les textes encodés (« sans lui il n ’y aurait pas de CD Rom » dit Peter), ils o n t été vérifiés et édités dans un form at conform e au logiciel de la COM , et la COM1 en est le résultat. COM 2, textes non-lyriques en vers, paraîtra prochaine­ m ent et COM 3 est bien avancée. P our COM 4, la plus ambitieuse de toutes (les chansonniers des troubadours) un nom bre im pressionnant de collaborateurs ont offert leur appui. Jalonnés sur le calendrier de Peter pour 2003 se trouvent sans doute quelques événem ents im portants : la parution de la COM 2, peut-être le tom e IV du Breviari et son soixante-dixième anniversaire. Le présent volum e lui accordera le plus grand plaisir de tous. A la fin de l’année il aura célébré soixante-dix anniversaires ; l’estime exprimée ici par tant d ’ém inents collègues et amis est rarissime. Il incom be enfin d ’exprim er de la part des contributeurs notre reconnaissance à A nn Buckley et Dom inique Billy, à qui nous devons cette belle entreprise et qui l’o n t conduite avec tant de finesse et d ’énergie à bon port. Jo h n Hathaway

Les fragments occitans du Merlin de Robert de Boron Anna Comagliotti

Publié il y a plus de cent ans par Paul Guillaum e1, les fragments retrouvés à Épines, dans l’arrondissement de Gap, où ils sont conservés auprès des Archives Départem entales, sont constitués par deux papiers de garde du manuscrit contenant les com ptes consulaires de la com m unauté d’Épines à partir de 1592 jusqu’à 1603. N ou s som m es donc débiteurs à Paul Guillaume d ’avoir fait cette trouvaille et d’en avoir préparé l ’editio princeps, qui néanm oins parut accom pagnée d’un commentaire m odeste et de quelques notes qui la liaient au Roman de Merlin,2 dépourvus des données qui auraient ultérieurement pu apporter une collocation précise au sein d ’une tradition littéraire en prose bien établie. Paul Guillaume observait que « Q uoi qu’il en soit, ce fragment form e un tout assez com plet et d’un véritable intérêt dramatique. Le sujet est, pour ainsi dire, partagé en deux actes, dont chacun est conservé par un feuillet. Entre le 1er et le 2e feuillet il y a évidem m ent une lacune, mais il est facile de la remplir. V oici un sommaire de ce petit drame, je l’ai subdivisé ou 24 scènes ou paragraphes... » E n réalité, com m e on le verra, il n ’y a absolum ent rien qui puisse faire penser à un drame. D ans la m êm e année Charles Chabaneau3 publiait à nouveau le texte, avec une lecture paléographique soignée, qui réparait en grande partie les nom breuses fautes de lecture de Guillaume, en n ’y laissant qu’un nombre très réduit. Après avoir dé­ ploré avec raison l’absence d ’une édition du Roman de Merlin, le philologue français se bornait à mettre les fragments en rapport avec la littérature arthurienne, en parti­ culier merlinienne, sans pouvoir les comparer avec des tém oins français semblables ; de nouveau il ajoutait quelques maigres renseignem ents sur la diffusion des thèm es courtois en langue d’oc. N otre but vise donc à donner une nouvelle édition du texte, sur la base de celle de Chabaneau, sans renoncer à un nouveau contrôle paléographique, à vérifier les relations avec le Roman de Merlin, dont nous disposons maintenant de quelques édi­ tions, en renvoyant à une autre occasion l’exam en de la localisation linguistique.

1 Cf. Guillaume 1882. 2 Pour laquelle on utilisa l’édition en ancien anglais ; cff. Guillaume 1882, p. 2, n.l. 3 Cf. Chabaneau 1882.

E tu des de langue e t de littérature m édiévales offertes à V eter T . 'R icketts

Le fragment en parchemin reproduit la version occitane de deux passages du texte de Robert de B oron, c ’est-à-dire les paragraphes 54-58 e 80-83 du R oman de Merlin, suivant la répartition que Micha en donna dans son édition de 1980, à la m oitié et à la fin du roman. L ’o n p e u t d éfinir la graphie co m m e u n e g othique française, d ’encre noire, très élégante et a p p a rte n a n t au XIIIe siècle, utilisée p o u r u n ms. d estiné à la h au te société, co m m e le p ro u v e n t le g ran d fo rm a t e t les espaces blancs à rem p lir p a r des m iniatures4. Les deux fragments transmettent un texte bien corrompu, riche en fautes, surtout de sauts du m êm e au m êm e, mais aussi de banalisations et de mauvaises interprétations ou de mauvaises lectures, qui en font en plusieurs occasions un tém oin douteux (même si quelques fois intéressant pour ses leçons), bien que ce soit l’unique, à m a connaissance, du dom aine linguistique occitan. L’aspect linguistique, qu’il n ’est pas possible d’aborder ici, faute de place, a suggéré une attitude conservatrice, en renonçant aux nom breuses interventions introduites par Chabaneau, coupables de déform er le texte tel qu’il nous est parvenu selon un m odèle littéraire idéal, surtout par un em ploi irréprochable de la flexion bicasuelle et par des caractéristiques typiques de la koiné des troubadours. Cela em ­ m ena Chabaneau à supprimer les particularités de la scripta, que déjà le philologue français avait vaguem ent rattachées à la G ascogne. Mais en effet les nombreux phénom ènes (échanges fréquents entre a et e en position atone finale, les issues Glissa, nasser, santiaris, treire, liege, les possessifs noster, voster, l’aboutissem ent CT > ch de alachat, bene^echa, facha, etc. op posé au traitement en position finale dans profieg, despieg, nueg, tug dig, dreg e dreit^fag e faig, les graphies espas^a, causas, gleis^a,pros^ome, cressff, etc., l’alternance vigplal vegilia, l’em ploi particulier de oc, la chute de quelques consonnes finales, etc.) mériteraient ion exam en attentif.. Le premier fragment du manuscrit (dont la version occitane sera appelée P) com m ence là où U ther Pendragon, jamais nom m é, tom bé passionném ent amoureux d ’Ygerna, tache de conquérir son amour.

54 (f. lr) bia,5 lo t’en covenria a morir ; et sapias ben6 no te selarai mais aquesta vegada. » E t Ulfins respon : « Aisso séria m ot a mi grans honors7 que hieu moris per m on senhor, ni anc mais dona non si defendet d ’aital causa que vos soanatz lo rei az amie, qu’el vos ama mais 4 À la brève description que Guillaume en fournissait, on peut ajouter : 51 lignes par colonne, avec des traces visibles de réglure, tant horizontale que verticale ; de nombreux espaces blancs pour les miniatures de la grandeur d’environ un quart de la colonne aux f. lv (2), 2r (1), 2v (1) et des espaces pour les lettres d’attente, huit en tout. L’écriture, bien régulière, présente une certaine tendance aux lignes courbes ; em­ ploi modéré d’abréviations ; seul signe de ponctuation le point, souvent préposé à e / et, si, quan, con, que, mais, aissi, adonex, ab aitant, etc., placé à la fin de la période dans deux seuls cas ; lettres bien séparées les unes des autres, y compris les monosyllabes (articles, pronoms, prépositions, etc. et conjonctions). D ’après un calcul approximatif entre les deux feuillets devaient s’en trouver 5 ou 6 : je pencherais plutôt pour 6, en supposant d’autres miniatures ou une de grand format et quelques unes petites. 5 Partie finale de sabia. 6 P insère, par rapport à G ’ (ms. Add. 10292, Britdsh Muséum, éd. Sommer 1908) et A (ms. f. fi. 747, B.N.F., éd. Micha 1980, avec les variantes des mss. signalés aux pp. XTV-1X), sapias ben ... mais. 1 Ms. : honoris, par attraction de moris suivant.

6

Fragm ents occitans du Merlin

que totas las causzas que puscon viure ni morir. Mais per aventura vos mi gabatz,8 Dona, per Dieu, aias merce9 ; en ver sapiatz que vos en veires enquaras gran mal avenir e far :101ni vos ni lo dux vostre senher non vos pot defendre contra la volontat del rei. » E t Ygerna respon e plora : « Si Dieu plas, hieu m ’en defenderai ben, que hieu non serai iamais en luec on el mi sapia ni mi veia. »n 55 Aissi son départit entre Ygema et Ulfin. E t Ulfins venc al rei, si li comta tôt quan Ygerna li ac12 dig ; e -1 reis dis que aissi deu13 bona dona respondre, « N i ia per aisso non la laisses a pregar, que bona dona non fon anc tantost enquista. » So fo a l’onzen iorn apres Pantacosta, que i reis sezia al maniar e 1 ducx de Tintanoilh sezia ab el, e i reis ténia .j. copa denant si m ot bella d’aur. E t Ulfins s’agenoilha denant el e li dieis : « Enviatz aquella copa a Ygema e digas al duc que el li manda14 que la prenga. » E -1reis respon : « M ot aves ben dig. » E t Ulfins si dreisset e i reis en fu molt alegres e dreissa la testa, si dis : « Vezes aissi una m ot bella copa, mandatz asz Ygema, vostre15 moilher, que la prenga e qu’en beva per amor de mi, et hieu la i enviarei tô t16 plena de bon vin per .j. de vostres messatges. » E 1 ducx li respon con17 aquel que negun mal non i entendia e dieis : « Senher, grans merces, ella la penra m ot volentiera, que hieu ho li mandatai. » E -1 ducx appela .j. de sos cavaliers, que m ot era ben d ’el, e dieis : « Bretel, prenes aquella copa,18 si la porta19 a vostra donna de part lo rei, et si li digas que hieu li manda20 qu’ella en beva per amor d’el. » Bretels pres la copa e venc en la cambra ont Ygerna maniava e s’agenoilha denant ella e li dieis : « Dona, lo reis vos envia aquesta copa et vos manda mosenher212que vos la prengatz e que en bevas per amor del rei. »-■ Q uant ella ho enten, si n’ac m ot gran virgonia et tom et vermelha e non auzit23 soanar lo commandanten del ducx, son senhor,24 e pres la copa e bec e la vole enviar areire per aquel mezeis que la portet. E Bretels dis : « Mosenher25 ha comandat que vos la retengatz, que l26 reis mezeis l’en preguet. » Cant ho auzi, si saup ben que a penre la ilh covenc. E Bretels s’en torna, si fes grassias al rei de part Ygerna que anc ren non ac dig. E -1 rei fon m ot alegres de so que Ygema ac la copa retenguda. E t Ulfins anet en la cambra ont Ygema maniava, si la trobet m ot pensiva et mot hirada per semblanssa, si la27 apellet que, / quan las taulas foron levadas, e si li dieis : « Ulfin,

8 A et alii mais espoir vosgabee,j, G ’ ... vous vousgabe% 5 Suit une lacune du même au même correspondante au texte français aie% merci dou roi et de vos meismes et de vostre seingnor ; car se est voirs que vos n ’en aies^ merci, vos en verreofigrant mal issir. '° A gran mal issir, CG g. m. avenir etfaire, G ’ g. m. avenir. 11 AG’ ou i l me voie, D G A ’B ou il me sache ne voie. 12 A avait. 13 A devait. 14 Chabaneau corrige mande. 15 Chabaneau corrige vostra. 16 Chabaneau intègre tota. 17 Habituellement Chabaneau transcrit corn, mais dans les formes non abrégées prévaut le type con. 18 Ms. colpa. 19 Chabaneau intègre portâtes 20 Chabaneau corrige mande. 21 Chabaneau mos senher. 22 A et alii de lui. 23 Chabaneau corrige auvpt. 24 A et alii om. son senhor. 25 Chabaneau mos senher. 26 A et alii om. que \i 21 Chabaneau corrige la > lo, mais en réalité, puisque il y a lacune de Ulfins ala en la chambre ou Egeme marnait par veoir le semblant au’ek fcroit et si la trouva molt pensive et molt iriee p a r semblant et ele, la pourrait être interprété comme forme aphérétique de ela.

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per gran trassion m ’a voster senher una copa enviada ; mais aitantz28 sapiatz vos ben qu’el non i gazanhara ia ren, que hieu l’en farai, deman enans lo iom , ancta29 e dirai a monsenher30 la traission que entre vos e e lo reis pensavatz e percassavas. »31 Ulfin32 respon : « Vos non es pas tan folia que vos non sapias ben que, pos femena dira a son senhor aital paraula, que ia pueis non la creira.33 E per aisso hieu sai que vos es tan savia que vos vos en gardaretz34 ben. » E t ella respon : « Mal aia qui s’en gardara. » Ab aitant si p[ar]ti35 Ulfins de36 Ygerna. E -1 reis ac maniat e sas mans lavadas, si fon m ot alegres e près lo duc per la man e dieis : « Anem vezer aquellas donas. » E -1 ducx dieis :37 « Volontiers. » Adoncx van en la cambra ont Ygerna ac maniat e totas las autras donas ab ella ;38 si anec lo reis per vezer e tug li autre cavalier,39 mais Ygerna saup ben qu’el reis non es vengutz mais per ella . 56 Aissi sufri40 Ygerna tôt lo iom entro la nueg, e la nueg s’en anet a son ostal. E t quant lo ducx venc, si la trobet plorant e gran dol fazent en sa cambra. Q uant lo ducx l’auvi41, s’en meravilhet molt et la près entre sos brases, aissi com aquel que m ot la amava, et li demandet que ella avia ; et ella li dieis qu’el42 voldria esser morta. E 1 ducx s’en meravilhet molt e li dieis :43 « Per que ? ». E t ella respon : « Hieu non vos ho selarai ia, quar non es ren en lo segle44 que hieu am tan com vos. Lo reis dieis qu’el mi ama, et totas aquestas cortz que vos vezes qu’el fa e totas aquestas donas qu’el fa venir, dis qu’el non fa si per mi oc,45 e per aver occaiszon que vos mi amenés. E t de l’autre46 ves47 ho sai hieu ben, et hieu m ’en distornava ben d’el, e48 de sos dons m ’era ben distomada tro aoras e gardada,49 ni anc ren non avia près ni volia penre,50 et aras vos m ’aves fag penre sa copa e mi mandes per Bretel que hieu ne begues per amor d’el, e, per aisso, volria esser morta, que hieu non pusc ab el guérir ni ab Ulfin son conseilher. Aras si sai ben, pueis que hieu vos ai dig, que non pot mais remaner sens mal far et hieu vos prec et requere aissi com ’al mieu senher51 que vos m ’en menes a 28 Chabanau aitant. 29 Ms. : deman ancta enans lo iom. L’inversion est suggérée par A et alii queje t'enferai ainq que soit demanijor, honte.

30 Chabaneau transcrit mon sehnor, en corrigeant. 31 A et alii porchacie% 32 Chabaneau Ulfins. 33 Ici P correspond à la leçon de D G A ’B’ mie siffle que vus ne sachés bien que puis quef i dirra a son s. telparole queja puis nel crera, tandis que A offre pa s si fiole, car onquespuis quefemme a dit a son seingnor telparole, ne la croit. 34 A gardes^ G ’ gardens. 35 Intervention déjà de Chabaneau. 36 Ms. : et ; la correction s’impose à cause du sens et s’appuie sur la leçon de A et alii A ta n t départi Ulfins de Egeme.

37 Discours indirect dans A et alii. 38 ab ella omis dans A et alii ; peut-être dans P par attraction A t per ella qui suit. 39 A et alii add.porveoir les dames, sauf dans A’B’G’. 40 A e alii nmest. 41 Chabaneau transcrit la(n) vi, mais l ’auvi (perfetto di auvir), constitue une leçon parfaitement convenable face à le vit de A et alii, et pourtant l’on juge superflu la correction. 42 Chabaneau transcrit que, en corrigeant. 43 A et alii li demande. 44 Dans A et alii om. en lo segle 45 A et alii »0 «, G ’ om. 46 Chabaneau corrige autra. 47 A fieste, G ’ court. 48 Chabaneau transcrit et. 49 A et alii portent etje m ’estoie de lui et de ses dons molt bien desfendue (D ...e tje me destomoie moût bien de lui et de ses dons m ’estoieja bien...) ',tro aoras est une adjonction de P. 50 A et alii om. ni voliapenre, ce qui semble une précision inutile de P. 51 Chabaneau corrige en senhor.

Fragm ents occitans du Merlin

Tintanoiih, que hieu non vueilh plus estar en aquesta vila. ». Q uant lo ducx ac aisso auzit et entendut, que m ot amava sa moilher,52 si.n fuz fort tant hirat53 com neguns hom 54 pot plus esser : si mandet sos cavaliers privadamen55 per la vila e quant ilh foron vengut a son conseilh,56 si conoisseron ben que el era hiratz et el lor dieis : « Apareilhatz vos tot privada­ men com per cavalgar, que neguns hom non o sapia quan seram mogut,57 / e no58 mi demandes per que tro que hieu vos ho diga ». E t ilh59 respondon : « Al voster comandamen. » E *1 ducx dieis : « Laisas totz vostres arnes,60 estiers vostras armes61 et vostras62 cavals, et ilh nos seguiran ben deman, que hieu non voilh pas que *1reis ho sapia ni neguns hom a cui selar ho pusca que hieu m ’en an. »63 Aissi com lo ducx64 ac comandat asz amenar son cavals65 per cavalgar et aquel d’Ygerna, si montet al plus seladamen qu’el poc, e s’en anet en sa terra et amenet sa moilher. 57 Al matin, que hom vi que s’en fon anatz, fon grans lo brutz en la vila de sas gens que foron remazudas ; et el s’en fon aissi anatz.66 Lo reis saup al matin que el fon aissi anatz, si n’ac m ot gran dol e m ot li grevet de so que ac menada Ygema : si mandet sos barons, si lor dis a conseilh67 e lor mostret l’ancta e *1 despiegz que 1 ducx li avia68 fag. E ilh respondon69 que ilh se meravilhon m ot e que el ha fag gran follia e que neguns d ’els non saubon70 con si ho pusc[a]71 mendar.72 E t ilh li dieisson : « Vos ho esmendares tot aissi con a vos plazera. »73 E *1rei74 lor comda so que ilh avion vist,75 que l’avia plus onrat e fag semblan d’amor76 que a

52 Chabaneau transcrit moilier. Les deux subordonnées se succèdent dans A suivant cet ordre A van t li dux qui moût amoit..., tandis que P correspond à G ’. 53 Chabaneau irat% 54 Pour les paroles suivantes à peu près illisibles, Chabaneau proposait no pot , mais à mon avis l’espace n’est suffisant que pour pot. On intervient donc en s’appuyant aussi sur A com nus homp o t plus estre. 55privadamen est une anticipation fautive de ce qui suit. 56 Da e a vengut n’est qu’en P. 57 quan seram mogut n’est qu’en P. Il suit A quarje m'en voil aler, absent au contraire dans CDG G ’. 58 Chabaneau non. 59 Chabaneau il 60 Je corrige, comme Chabaneau et comme le contexte l’impose, armes du ms. en âmes ; A et alii hamois. 61 Chabaneau corrige armas. 62 Chabaneau corrige vostres. 63 P add. que.. .an comme d’autres mss. non détaillés dans l’apparat critique. 64 Lacune du même au même : Einsi com li dux li comende. et il lefont. E t li dux ot comendé. 65 Chabaneau corrige cavals, mais le ms. porte cavals. 66 Ms. : anadas ; la correction de Chabaneau, avec qui je tombe d’accord, émende une faute due à l’attraction de ramaapdas qui précède ; et.. .anafy qui est absent dans A et alii, peut-être une anticipation erronée de anat^ qui suit. 67 A et alii si manda ses barons e tout son consoil, si lor dist, G ’ ses barons de son consel. 68 A *. 69 A dient. 70 Ici l’accord est avec els. A ne set. 71 Intervention déjà de Chabaneau. 72 Chabaneau corrige esmendar. 73 Lacune du même au même du passage correspondant à A et alii amander. Einsiparolent cil, qu aril ne sevent pour quoi il dux en est alesç. E t li rois lor a dit que il le conseillent cornent il le porroit amander. 74 Chabaneau reis. 75 Étant donné que BCD rapportent lor cont que li roi meimes avoit, il est évident qu’il s’agit de mss. à ne pas

utiliser pour le classement dans l’arbre généalogique de P (d’ailleurs très difficile), ms. qui dans ce cas est semblable à A e G ’, sauf pour l’omission de meimes. 76 Ici P s’éloigne de h , plus enoré que nus des autres barons, pour s’approcher d’autres mss. non détaillés honoré efet semblant d'amors que nul.

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negun de sos baros, et ilh dieisson77 que ben es vers e que m ot se meravilhon per que el auria78 ho fag tan gran outratge.79 E *1 reis lor dieis : « Si vos ho conseilhatz,80 hieu li81 mandarei qu’el venga esmendar lo forfag82 qu’el ha ves mi e tôt aissi con el anet, revenga areire per far dreg. » E tô t lo conseilla83 si acorda que ben ha dig lo reis.84 E n aquel ferm messatge aneron dui prozosme de part lo rei e cavalgueron tan per lor iomadas85 que ilh vengron a Tintanoilh86 e lai troberon lo duc. E quant ilh agron87 trobat, si li dieisseron lor88 messatge, aissi89 con lor fon enquargat. E quant lo ducx ho auzi que aissi l’on convenia a tornar areire com el s’en era vengut,90 si saup ben que lo li covenria amenar Ygerna. Si respondet als91 messatges : « Hieu non hirai pas areire en sa cort, ni en sa mercen92, ni hieu non parlarai autramen, mais hieu en trac Dieu a guiren, qu’El sap ben qu’el m’a tant fag a son poder, con aissel que hieu non deg / plus creire. »93 58 Aissi s’en pardron li messatge qu’ilh non hi pogron94 aire trobar.95 Q uant li messatgier s’en son anatz de Tintanoilhs,96 si amenet los proszomes de son privât97 conseilh,989si lor comdet e dieis per que el s’en era vengutz" de Carduilh e la desleialtz100 e la ancta que i reis li percassava, que li volia fer de sa moilher. Quant aquilh ho auziron, si s’en meravilheron m ot e dieisseron101 que aisso [no]102seria ia fag e que ben deuria aquell mal aver que aisso percas­ sava ves som home liege. Adoncx dieis lo ducx : « Hieu vos prec totz e requere, per Dieu merce e per vostras honors e per aquo que vos deves far, que vos m ’aiudes ma terra a 77 A dient. 78 Chabaneau suggère la correction aviafag et suppose une lacune après fag ; il est difficile d’expliquer le conditionnel, A et alii a, G ’ avoit. 79 Chabaneau outrage. 80 A et alii me loey. 81 A j ’en, mais dans d’autres témoinsj e li. 82 Semblable à G ’ qu’il viegne amender\ au lieu de A et alii que il ament. 83 Chabaneau corrige tot% lo conseilhs. 84 P add. que...reis. 85 Sauf A e chevauchèrent tantpar lorjomees qu ’il, comme dans P. 86 Ms. Tintavoilh. 87 Chabaneau intègre l ’agron. 88 A li, G ’ lor 89 Chabaneau lit aisi. 90 Chabaneau vengut 91 Ms. alas ; correction de Chabaneau. 92 Lacune due à un saut du même au même correspondant à A cort. qu’il m ’a tantfait et dit moi et as miens que je ne le doi croire ne moi mestre en sa cort ne en sa merci : n de mercen peut-être causé par attraction de guiren qui suit. 93 Nouvelle lacune due à un saut du même au même en correspondance avec a son pooir,\ comme cil qui mes sires estait, qu’il m ’est avis queje mu doi plus croire. La lacune est présente aussi dans G D G G ’A’B’. 94 Ms. : il s’ensuit la répétition de non. 95 A plus atandre, CDG autre chose trover. 96 Chabaneau corrige Tintanoilhs. 97 Ms. :prinat. 98 A cause d’une mauvaise compréhension d’un supposé si manda ; dans A on lit si manda li dux sesprodomes et son privé consoil, G ’ de son privé comme dans P. 99 Ms. : vendut^. A transmet venir 100 Chabaneau corrige desleialtat, mais puisque le copiste emploie deux fois cette graphie, je pense ne pas devoir intervenir. Formule synthétique, cfr. K e le mal e la honte que li rois li porchaçoit et la desloiauté qu’il vouloitfaire de sa femme, CDGA’B’ Carduel et la desloiauté et qu’il voloit ; P semble apparenté avec G ’ qui offre une leçon parallèle de Cardueil et la desloialté et la honte que li roisporcachoit qu’il le vaut honnir de sa feme, mais qui, au lieu de faire, présente honnir 101 P est incomplet et différent par rapport à A se a Dieu plasoit, ce ne seroitja soufert et que bien en devoroit... 102 Intégration déjà introduite par Chabaneau.

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defendre, si el m ’assailha de guerra. » E t üh respondon que si faran ilh et tôt quant ilh pogron mette entto la testa perdre. Aissi s’en conseilhet lo ducx ab sos hom s103. E li messagier s’en torneron a Carduilh, on ilh troberon a Carduilh104 lo rei e sos barons, si comderon al rei et a son conseilla so que 1 ducx lor105 avia respost. Adoncx dieisseron tug ensems que m ot se meravilhavon106 de la folüa del duc, que ilh cuiavon que el fos savis hom. E 1 reis parla ab -ls107 a conseilh,108 si lor prega e requer con a sos homes et a sos amix109 que ilh li aiudon110 la ancta de sa cort e 1 forfag esmendar que 1 ducx li ha fag.111 E t ilh dizon que aisso non li podon ilh pas vedar, mais ilh li pregon tug ensems, per sa lialtatz,112 que el lo fassa enans desfizar a -XL • ioms. E 1 reis ho fes e lor prega que, a cap de -XL • ioms, sion tug appareilhat con113 per osteiar la on el sera et ilh respondon que ho faran m ot volontiers.114 E quant lo duc115 auzi lo difizamen a LX • ioms, si respon se defendria si el podia.116 Aquilh que l’agron disfizat s’en aneron e 1 ducx mandet sos homes, si lor dis117 la defixzans[a] que 1 reis li avia fag,118 e lor preguet que ilh li aiudesson, qu’el avia gran mestter ; et ilh dieisseron que ilh li aiuderon m ot volontiers. Adoncx si conseilhet lo reis119 e dies120 qu’el non a mais aquel doas... 80 (f. 2r) Lendeman que 1 reis fon souterratz,121 s’asembleron li baron tug e tug li ministre de Sancta Gleisza e [proszome]122 de la cristiandat123 e prezeron conseilh consi lo régnés sia govematz e non si pogron acordar a negun. E adoncx dieisseron per cominal conseil que ilh s’aconseilh[ro]n124 ab Merlin, quar m ot era savis et de bon conseilh, ni anc non avion auzit125 qu’el agues mal conseilhat lo rei negun temps mais ben totz iom s.126 Aissi s’acordoron tug [a]127 Merlin e adoncx l’envion querre ; quant el [fon] vengut,128 si li dieisseron : « Merlin, nos sabem ben que tu hies m ot savis e tu as totz iom s amat lo rei d’aquest régné ;129 e tu vezes

103 Chabaneau homes. 104 Éclaircissement inutile qui semble exclusif de P. 105 P om. lor. 106 A et alii merveillent. 107 Chabaneau ah els. 108 CDG roisparole a son conseil, omis dans G ’. 109 CDG G ’A’B’ baumes et a ses amis, différemment de A qui omet a ses amis. 110 II suit de, avec e à peine tracé et exponctué. 111 A porte la honte et lafauture de sa cort a vengier et a amender, tandis que CDGB sont semblables à P. 112 Ms. lialtz ; correction de Chabaneau ; cfr. n. 100. 113 A que a 'X L 'jorq_ nseient il ensemble ausis corn... 114 P. om. E t lirais envoie ses messaiges po r desfier le duc, probablement à cause d’un saut du même au même. 115 Ms. duc lo. Chabaneau dux. 1,6 P omet se l ’en assailloitprésent dans A. 117 II suit d exponctué. 118 A que cil li avaientfaite, G ’ que li rois li avoit mandee. 119 Faute pour lo dur.^ peut-être à cause de l’attraction de celui qui suit. 120 Chabaneau corrige dieis par analogie avec les formes prévalentes du texte. 121 Chabaneau lit sonterrati.; 122 Lecture conjecturale même pour Chabaneau. 123 Dans le texte français, on lit à l’endroit correspondant de Sainte Eglise ou palais roial, par contre dans les mss. BCDG palais de la crestienté. G ’ om. 124 Chabaneau corrige s ’aconseilhesson, mais les mss. français emploient le futur ou le conditionnel 125 La leçon ausft écarte les mss. français CD qui transmettent qui veu. 126 P add. mais.. .ioms. 127 D e lecture incertaine ; Guillaume lisait de. ™ fon de lecture très douteuse ; Chabaneau intègre vengutç. 129 A et alii de ceste terre ; la leçon de P est peut-être due à attraction de régné successif.

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ben que la terra es sens eres130 e131 que terra sens senhor non val gaire.JPer so ti pregam nos per Dieu e ti requirem132 que tu nos aiudes asz elegir tal hom 133 que i regne pusca governar asz honor de Dieu et a profieg de Sancta Glizsa134 et a la salut del pobol. ». E Merlins respon : « Hieu non son tais que deia aital afar aconseilhar ni hieu eliege135 rei ni governador.136 Mais si vos acordavatz,137 hieu vos ho dirai, e non vos hi acordes pas, si hieu non ho diszia138 ben». E t ilh respondon : « Al ben et al profieg de la terra et al salvamen del pobol139 nos don Dieu totz acordar ». E Merlins respon : « Hieu ai m ot amat aquest regne e totas las gens d ’aquest regne ; e si hieu diszia que fezeses de Tun rei, hieu ne faria140 ben a creire e dreitz séria : mais lo vos es m ot bella aventura avenguda, si vos ho voles conoisser.141 Lo reis es mortz a la quinzena142 de saint Martin e d’aqui non a gaires tro a Nadal ; e si vos mon conseilh crezes,143 hieu lo vos don[ar]ai bon e liai, segon Dieu e segon lo segle. »144 Et ilh respondon tug asz un m ot : « Digas ben so que tu volras,145 que nos t’en creirem. » E t el dis : « Vos sabetz146 ben que la festa ven on lo reis nascquet que es Senher sobre totz los rei,147 governaires de totas las bonas cauzas et sosteneires de totas causzas e governaires de totz bens.148 E hieu vos soi tengut,149 si vos ho faitz autreiar150 ail pobol cominalmens, si corn cascuns ha mestier de bon governador, que el, per sa piatat e per sa grant bontat151 e per sa gran humilitat, az aquella festa que Nadal es apellada, on li pla[c]152 a nasser,153 que aissi veramen on el nasque154 reis e senhor de totas bonas cauzsas, que el a aquel iom nos elieia tal hom a rei155 et a senhor del pobol governar a son plazer et a sa voluntat far. E t aissi veramen con el sap que mestiers es e que el conois meilhs las gens qu’ilh non si conoisson, nos fassa el veramens demonstranssa az aquel iorn de ioi a son plazer et a sa voluntat, en tal maneira156 130 Les mss. français CDG G ’A ’B* omettent d’accord avec P se% bien que, à cause d’un bourdon. 131 Chabaneau et. 132 L’itération verbale est présente dans A et alii comme dans P, mais elle manque dans G ’. 133 Chabaneau home. 134 Chabaneau Gleis^a, conformément à la graphie constante du ms. On trouve la dittologie honor!profieg fractionnée dans la varia lectio ; dans A gouverner a l’anor. 135 Chabaneau proposait la correction eliega. 136 P concorde avec A et alii, G ’ hommegouvemeor. 137 A et alii add. a mon ans , G ’ a mon esgart. 138 A et alii disoie, G ’ dis. 139 A de la terre, G ’ delpueple, toutefois dans P il peut s’agir, comme dans G ’, d’attraction polygénétique de a la salut delpopol. 140 A servie, G ' feroie, à cause d’une simple méprise des deux graphèmes. 141 G ’ connoistre, A conoistre et croire, qui semble une dilatation abusive de A ( influence de croire qui précède). 142 Id P s’éloigne de A au cinquiesmejo r et s’approche de G ’ des la quinzaine. 143 A voulez mon consoil croire, G ’ se vous créés mon conseil comme dans P. 144 A’B’G ’ et selonc raison. 145 CGDA’B’ di ce que tu voudras, absent dans A. 146 II suit que, par anticipation erronée. 147 Chabaneau corrige ms.

148 La structure syntactique approche celle de CDG , mais le texte correspond plutôt à A, même si P élargit, peut-être en raison d’une tentative de correction, par rapport à ce dernier : gouvernables de toutes bonnes choses et soutenerres de tout£ biens. 149 Chabaneau corrige tengutç. A et alii pleges. 150 P, face k A se vous le requeres etfaites requerre, suit plutôt G ’ se vous lefaites otroier. 151 Quelques mss. français, comme P, au lieu de dingnitê de A, offrent bonté ou débonnaireté. 152 Correction déjà introduite par Chabaneau, par analogie avec ce qui précède. 153 Chabaneau corrige naisser. 154 Chabaneau corrige nasquet. 155 Comme G ’ tel homme a roy, mais A tel roi. 156 D e f a r k maneira omis dans CDA’B’, fait qui exclut automatiquement une parentèle directe avec P.

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qu’el pobols veia e conoisca157 que par sa elexion sia / reis e ses elexion d ’autre. E t hieu vos die veramen que, si vos ho faitz far al comun del pobol e vos hi assemblatz aissi los prozhom s158 e las bonas gens del regisme, hieu vos die que, si vos ho faitz aissi, vos veires de la elexion de Ihesu Crist significanssa». Adoncx respondo159 tug asz un m o t: «Aisso es lo plus bels conseillas e -1 meilheirs que neguns homs, fors Dieu, hi pogues160 mette». Adoncx dieisseron161 li un als autre : « Acordas vos tug asz aquest conseilla ? » E t ilh respondon tug ensems :162 « N on es homs terrenals que Dieu cresza que acordar non s’i deia ». Adoncx pregon tug ensems li barons als arsivesques et als avesques que163 ilh al comun del pobol fasson far orassion e preguieiras164 e per totas las gleiszas sia comandat que li preveire fasson « e fasson segurtat li uns als autres que nos entenrem lo comandamen de sancta Gleisza e la significanssa que Dieus nos en mostrata. » 81 Aissi son tug acordat al conseilla165 de Merlin. E Merlins pren comiat d’els, et ilh li pregueron,166 si li platz, que el hi venga a Nadal vezer si aisso sera vers qu’el lor ha ensenhat. E Merlins respon : « Hieu non hi hirai pas,167 ni no mi veires pas tro apres la elexion ». Aissi s’en anet Merlins a Blazi e li dis aquestas causzas, so que el saup que avenir n ’era, e per aquo qu’el dieis a Blazi en sabem nos enquaras168 so que nos en sabem. E li prozosme del regne e li maystre169 de Sancta Gleisza feiron aquesta causza170 per to t saber, et aquesta pre[g]ueira fair ;171 e feiron saber172 que tug li proszome del regne venguesson a Nadal a Logres per vezer la elexion. Aissi fon aquesta causza facha e saubuda et entenduda.173 E adoncx atenderon tro a Nadal. (f. 2v) [E t A ntor]174 que avia .j. enfant noirit [vi que] el era beis e grans,175 ni anc non avia tetat si del lag de sa moilher oc,176 e son filh avia alachat del lag d’un[a]177 garsa. E t A ntor no sabia gairei qu’el178 amava plus, ni ella non l’avia apellat anc si son filh oc, e aquel ho cuiava ben esser sens failha. A la Totz Sains avenc, denant la Nadal, que A ntor fes de son filh179 cavalier et a Nadal venc a Logres,180 aissi corn li autre cavalier181 de la terra et amenet

157 A conoisse, G ’ veoir et connoistre. 158 Chabaneau protéomes. 159 Chabaneau corrige respondon. 160 A et alii puisse. 161 G ’ dist, mais A et alii demandèrent. 162 tug ensems ne trouve pas de correspondance dans A et alii ; il pourrait s’agir d’une fausse anticipation des mots suivants. 163 D ès ce point Chabaneau croit devoir introduire le discours direct, mais il me semble qu’on peut le différer. 164 Dittologie de P. 165 Chabaneau conseil. 166 A prient. 167 A n ’i seraipas. 168 Chabaneau enquara. 169 A ministre, G ’ prélat. 170 A add. et testepriere, G ’ est lacuneux. 171 Chabaneau faire. 172 A manderont. 173 et entenduda est un élargissement de P. Dans G ’ il s’ensuit l’omission de A is s i.. .N adal 174 Lecture douteuse : Guillaume lisait un cavalier. 175 Lecture difficile : Guillaume lisait gailhars. ™ A et alii non ; peut-être P a mal compris un possible ot. Le phénomène se répète à la ligne suivante. 177 La correction a déjà été introduite par Chabaneau. Tous les témoins fiançais mentionnés dans l’édition de Micha réfèrent à ce point l’âge de Artù, 6, 9 ou 16 ans. 178 Chabaneau quai 179 Chabaneaufilhs. A fis t A n tor de Q e x sonf i l chevalier.

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ab se sos dos1801182 filhs. La vigila de Nadal foron assemblet183 tug li clergue e tug li baron de la encontrada que ren vallion e del regne,184 et agron m ot ben fag185 far so que Merlins lor ac comandat. E quant ilh foron tug vengut, si meneron m ot simpla vida e m ot honesta et atenderon186. 82 La vegilia de la festa, aissi com dreg fon, e foron a la messa de la mieia nueg e feiron m ot simplament lor orazons e lors preguieiras a N oster Segnor que el lor dones tal home que profechables fos a la Cristiandat mantener. Aissi foron187 a la premeira messa,188 si s’en aneron ; n’i ac ho189 lor hostals e tals n’ac que remasseron al moster. Aissi atenderon la messa del iorn, e si hi hac motz homes qui dieisseron que m ot eron190 fol que ilh cuiavon e crezion que N ostre Senhor messes entension de lor rei elegir. Aissi, con ilh parlavon, si avenc que la messa del iom sonet191 e si aneron tug al servizsa ;192 e quant ilh foron tug aiostatz193 per la messa auzir, si fon avalatz .j. del plus savis hom e194 de la terra per cantar la messa,195 et enans que el cantes, pariet al pobol e lor d is : « Vos es aissi aiostatz196 e deves hi esser per tres causzas de vostre profieg,197 e hieu las vos dirai. Per lo salvament de vostras armas e per la honor de vostras vidas e per lo meracle vezer198 e la bella vertut que noster Senhor fara entre nos, si li platz huei199 en aquest iorn que nos donara rei e captan per mantener Sancta Gleisza e Sancta Cristiandat200 e per gardar e per defendre la sustenenssa de to t l’autre pobol. N os em contrast201 d’elegir .j. de nos autres, ni nos non em tam savis202 que saubessem203 quals seria plus profechans de tot aquest pobol. Per aquo que nos n ’o204 sabem, si devem pregar al rei que es apellatz Ihesu Crist noster Salvador que vera demonstranssa nos en fassa huei en aquest iom per son plazer e per sa eleccion mezeissa, aissi veramen con el nasquet al iorn de huei, et en diga cascuns .v. Pater noster qui mieilhs non sabra dir ». Aissi ho feiro[n] ..............o 180 La présence de Londres dans A’B’G ’ exclut une fois de plus des rapports d’interdépendance avec P. 181 A sires. 182 Ms. : doas. 185 Chabaneau lit assemblai, mais la lecture assemblet est sûre. 184 P plus proche de D G G ’A ’B’C que de A, assamblé tut li clerc du reaume et U baron de la tere qui riens valoient et du régné.

185 Brève lacune de P, à cause d’un bourdon : A bienfa it etfaitfaire. 186 Dans le ms. il s’ensuit l’omission par haplographie de ce qui dans les mss. BCDG est également omis, c’est-à-dire la veille de lafeste. G ’ est encore plus lacuneux. 187 II s’ensuit pre, par anticipation erronée, non exponctué. 188 A add. doujour; par anticipation du suivant. 189 Chabaneau corrige ha. 190 A estoient. 191 II s’ensuit l’omission de et quant il orent oie. 192 Chabaneau servisse. 193 Chabaneau supprime £. 194 Chabaneau corrige homes. 195 A ’B’ chanter la messe, A om. la messe. 196 Chabaneau aiostat (cf. n. 193). 197 A p o r trois p ro fit G ’por.iij. choses de vosprofis. 198 A atendre, G ’ les miracles et les beles vertus, BCDGA’B’ le miracle et la bele vertu. 199 Ms. : hieu. Chabaneau intervient avec un hypothétique cug, mais dans A et alii (G’ om.) il y a hui ( < HÔDIE). Hieu est donc à considérer comme une forme métathétique pour huei, à moins qu’il ne soit dû à influence du pronom précédent ; la forme huei est encore attestée deux fois à la suite. 200 Ms. : cristinandat (?), adjonction de P. 201 Les témoins français donnent à cet endroit somes en contant^ et en poine ; Chabaneau supposait avec réserve une erreur pour contrait, mais contrast est une variante presque adiaphore par rapport à contrait. 202 Chabaneau supprime s final. 203 A saichons. 204 Chabaneau no.

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Fragm ents occitans du Merlin

pro[zosme] .............. et el anet cant[ar...can]tat tro a 1’avangeli, et......... et...sco ...q u e205 s’en issiron206 denant lo mostier et hi ac[una gran] piassa vueia. 83 E quant ilh s’en issiron denant lo mostier, si fon aiomada e adoncx viron denant la porta .j. peiron207 tot caira[t]208 e non saubron anc conoisser de qual peira el fos,209 e dieisseron que el era de marbre. E sobre aquel peiro avia en mieg loc .j. encluge de ferre largament un pe210 d’aut e per mei aquella encluge una espaza [fe]rida tro al peiron. E quant aquilh ho viron que premier yssiron del mostier, si agron m ot gran meravilha e vengron areire en lo mostier, si o dieisseron. E quant lo prozhom e211 que cantava la messa ho auzit, [que] era arsivesques de Logres, prezet l’aiga benezecha e is autres santiaris212 de la gleisza, si venc la tot devant213 el e tug li altre clergue apres, si vengron al peiron e totz lo pobols ; e l’esgarderon e viron l’espasza e dieisseron de N ostre Senhor so qu’ilh cuieron ben mais valgues214 e giteron desos de l’aiga benezecha. E adoncx si baisset215 l’arsivesques e vi las letras [d’a]zur216 que eron en l’espasza, si las legi, e dieisson217 aquestas letras que aquel que ostaria218 aquella espasza ni que tais séria que d’aquela part219 la poiria moure ni treire220 séria reis de la terra per la eleccion de Ihesu Crist. Q uant ilh221 ac legidas la letras d’una part222 e d’autre,223 si ho dis al pobol : adoncx fon lo perrons bailhatz a gardara .x. prozhomes et .v. clergues et224 a .v. laicx. E t adoncx dieisseron que gran significanssa lur avia Ihesu Cristz facha ; si s’en tom eron al mostier per dir225 la messa e rendre grassias e merces226 a noster Senhor e canteron Te Deum laudamus. E quant lo prozhom fon vengut227 a l’autar, si se tornet deves lo pobol e dis : « Bels senhors, aras podes saber e vezer et entendre que calque .j. de vos hi a que es bons, can per nostre228 preguieira e per nostras orasions a faig nostre Senhor aital demonstranssa. E hieu vos prec e requere e coman sobre totas las vertutz que Dieus nostre Senhor ha establida...

205 Ce qui précède correspond à A et alii E insis lefirent comme liprodom l ’ot conseillié et il ala chanter la messe ; et quant il l ’ot chanteejusques a l’evangile et il orent offert, s i..., G ’ si y ot telgent que... 2013A add. tiels i ot. 207 P concorde, partiellement, avec les mss. A ’B’ si virent un perron devant le mostier et ne soient, tandis que A offre et lors virent devant la maistre porte de l'eglise, en mi la place, un perron tôt quarré en quatre quarrés.

208 L’intégration a déjà été introduite par Chabaneau. 209 A estait. 2.0 A et alii de demipié. 2.1 Chabaneau prosfiom. 212 A saintuaires. 213 Chabaneau lit denant. 214 Leçon correspondante aux mss. CDG ce que il cuidoient que miau% vausist. 215 Ms. : hisset ; la correction a été déjà introduite par Chabaneau. 216 Le ms. A porte e vit les lettres qui estaient d ’or en l ’acier. 2,7 Ms. : dieission. 218 Mss. français non indiqués ostereit, A estait 219 Chabaneau édite p a rm i lieu de ar, mais la lecture pa rt n’est pas douteuse. 220 ni. ..treire omis dans ABC. 221 Chabaneau corrige el. 222 Cfr. n. 219. 223 Chabaneau corrige autra. 224 Chabaneau lit e. 225 A et alii oïr ; probable faute de traduction. 226 Dittologie de P. 227 Chabaneau intègre vengut£ 228 Chabaneau corrige nostra.

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E tu des de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T. R icketts

L ’édition de Micha qui a été em ployée pour la com paraison de P avec le texte français du Merlin de Robert de Boron reproduit une des cinq rédactions identifiées par le savant, la version (mss. A B C D G ) et deux de la version (A’B ’), à la suite d ’un choix parmi des rédactions extrêm em ent entrelacées et corrom pues, au point d’en em pêcher l’étalement d’un stemrna codicum. Mais l’ensem ble des problèm es qui se présentaient à Micha d’une continuelle fluctuation entre groupes de manuscrits chaque fois différents - excepté A et B qui sont apparentés - , fait qui rendait possible la reconstruction d’un archétype, se représente tel quel lorsque l’on veut tenter d’établir une collocation de P. D ’après les annotations au texte il apparaît clairement que le fragment occitan transmet un texte où les lacunes et les fautes de différent type sont nom breuses : nettem ent éloigné de AB, il m anifeste parfois une alliance avec C D G G ’A ’B ’, desquels il faut quand m êm e retrancher soit C D (cfr. nn. 1 25,156) soit A ’B ’G ’ (cfr. nn. 15 6 ,1 8 0 ) ; il n ’est par ailleurs pas possible de soutenir une étroite concom itance avec G G ’. P se distingue par ses lectiones singulares que l’extrême sélectivité de l’apparat critique de l’édition de référence ne perm et pas d’utiliser de façon profitable. En l’état actuel de la collation, on n ’a reconnu aucun tém oin français susceptible d’être considéré com m e l’exemplaire suivi pour la traduction occitane.

Bibliographie Guillaume, P. 1882. « Fragment d’un roman de chevalerie en langue vulgaire du XIIIe siècle », bulletin de la Société dÉtudes des Hautes-Alpes 2, pp. 89-100. Chabaneau, C. 1882. «Fragments d’une traduction provençale du roman de Merlin», Revue des langues romanes 8, pp. 105-15. Micha, A. éd. 1980. Robert de Boron, Merlin. Roman du XIIIe siècle. Paris-Genève : Droz. Sommer, H. O. 1908. The "Vulgate Version of the Arthurian Romances edited from manuscripts in the British Museum, vol. II : Lestoire de Merlin. Washington : The Carnegie Institution o f Washington.

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Mockery, Insults and Humour in Wace’s Roman de Rou Glyn S. Burgess

Whilst I was in the process of translating the Rjtman de Rou for the Société Jersiaise, I was asked by the editors of Speculum to write a review of John L. Grigsby’s book, The gab as a Tâtent genre in Medieval French literature.* Grigsby’s principal aim was to show that the gab was a recognisable genre of Old French literature, but he was also interested in the semantics of the terms gab, gaber and their derivatives and in the themes which these terms conveyed. Stemming from the Old Norse or Old Swedish gabb ‘mockery’ and gabba ‘make fun of, the Old French terms gab and gaber are said to be amongst the terms imported into France by the Vikings along with their violence and therefore to “hint at the Vikings’ tempestuous character” (p. 7). The point of entry of these terms into France was Neustria (p. 8) and their usage covered a broad semantic field, embracing the concepts of mockery, insults, (offensive) jokes, boasting, flirting with ladies, deception, and lies aimed at seduction (p. 9).12 A very important element within the terms was mockery, which “stands out as a feature of Scandinavian culture and temperamen” (p. 7). As I read Grigsby, I kept a look-out for examples from the Rou (there are two, pp. 10, 18), and whilst translating the Rou I noted the examples of gab and related terms. I was struck by Wace’s relatively frequent use of these terms and by the fact that the notion of the gab was central not only to many an episode or anecdote he was narrating but also, more generally, to his concept of humour. The first example of the term gaber in the Rou occurs in what is known as the Chronique Ascendante. In the opening lines Wace warns his patron Henry II that he is still under threat from the arrogance of the French (w. 5-7).3 A little later he comments that the French would love to send Henry back to England and leave him with nothing on their side of the Channel. He cites a specific example of French arrogance, the siege of Rouen of 1174, which must have been a very recent event at the time of writing. He tells us that on this occasion the French had fully

1 Cambridge, MA : The Medieval Academy of America, 2000. For my review see Speculum 77 (2002), pp. 925-26. 2 Grisby drew heavily on E. von Kraemer’s article, « Sémantique de l’ancien français gab et gaber comparée à celle des termes correspondants dans d’autres langues romanes », in Mélanges dephilologie et de linguistique offerts à Tauno Nurmela (Turku, 1967), pp. 73-90. 3 References are to the edition by A. J. Holden, he Roman de Rou de Wace, 3 vols (Paris : Picard, 1970-73). This edition was reprinted in G. S. Burgess, trans, Wace, The Roman de Rou (Société Jersiaise, 2002).

S t a d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . R i c k e t ts

expected to be able to mock the Normans (« Au siege de Roem le cuiderent gaber », v. 62). The act of gaber ‘mock, scorn’ was part of the contemporary culture of war. It derives from a conviction of superiority and the need to give verbal form to this superiority. The French were certain that the siege was but a prelude to success for them and disgrace for Henry. But Wace delights in stating that such arrogance was misplaced. When Henry arrived, courage deserted the French and they took flight, realising they could not remain there in safety (w. 65-66). The Normans had the last laugh. In the second example, which occurs in Part II of the narrative, Rou, leader of the Normans, has granted a three-month truce to the French, who were frightened by the presence of the pagans in Rouen. Rou himself had no objection to prolonging the truce, but the King of France was under pressure from his barons to drive out the Normans. So the French began to threaten Rou and Wace tells us twice that he felt mocked and insulted by them : « Moult Font, ce dit, gabe et moult Font eschami» (II, v. 735) ; « Mout Font, ce dit, Franchois escharni et gabe » (v. 737). As a result, the Normans launched an attack on the French. They entered France and performed “acts of great cruelty, destroying lands and killing people” (w. 740-41). As this and other examples clearly show, men in Wace’s day did not take kindly to being mocked or to thinking they had been mocked. They were likely to react with violence. In w . 735 and 737 the verb gaber is associated with eschamir ‘scorn, deride, insult’.4 Later in Part II Wace writes of the request which William of Poitiers, Count of Anjou, makes to Duke William Longsword for the hand of his sister Gerloc. In response the duke pretends that he is not going to give her to the count on the grounds that a Poitevin is mean and cowardly and cannot remain on his feet in battle : “Either the fever takes him or he takes to his heels” (II, v. 1579). The count blushes at this and feels ashamed, but the duke reassures him, saying he was just testing him and making a joke (« si m’aloie gabant», v. 1583).5 In spite of the fact that it initially caused shame, and even though there may have been an element of truth in it,6 Wace clearly expected his public to enjoy this witticism on the part of Richard. We can also note that the verb here is the relatively rare reflexive form se gaber. The verb gaber is often found when some form of victory has been secured and the victor wishes to make matters worse by taunting the defeated opponent. The Count of Flanders was anxious to rid himself of his enemy William Longsword, so he invited him to an island in the Somme, where he had him killed treacherously. For the deed to be performed, William had to be separated from his men. As he 4 Grigsby states that eschamir is another of the Old French terms which reflect the tempestuous character of the Vikings (p. 7). He also includes in this category the verb honnir. 5 Wace has used a similar technique a little earlier when he had William Longsword pretended to Botho that he had no intention of doing batde with Riulf and his men, who were besieging him in Rouen. When Botho accused him at length of cowardice and of fleeing liking a timorous woman, William replied that he was just testing him and speaking ‘par art’ (II, w . 1421-69). 6 On the poor reputation of the Poitevins, see P. Meyvaert, « Rmnaldus est malus scriptor Francigenus: Voicing National Antipathy in the Middle Ages », Speculum 66 (1991), pp. 743-63 (p. 748).

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and his men got into the boat for the return crossing to the mainland, William was recalled by the count to discuss an important matter. So he stayed behind and his men crossed to the shore. When the deed had been done, Arnulf s men laughed and joked («gabent et rient», II, v. 1990) at the inability of William’s men to help their lord. This episode is one of the most poignant in the entire text and Wace makes several personal interventions to stress its horror: e.g. “O God, why did William come amongst his enemies ?” (v. 1930) ; “Alas, what treachery ! O God, why did he go back ?” (v. 1980). Wace uses the act of gaber here, and the laughter of William’s enemies, as confirmation of the wickedness of the count and his men. There is no sign here of the element of good humour or playfulness. Laughter is linked to treachery and to a sense of triumph and superiority. In a similar fashion, King Louis IV of France jokes with his men when he thinks he has won a victory over the Normans. Whilst Richard I, Duke of Normandy, is still a young boy and thus unable to defend his territory, the king plots with Duke Hugh of Paris to conquer Normandy. Hugh is to have all of Normandy beyond the Seine and the king will have the land on the near side. The only hope for the Normans is to convince the king that Hugh will have both the greater and the better part of Normandy, and also that by acquiring these lands Hugh will be in a position to do harm to him. So King Louis is invited to Rouen by Bernard the Dane and offered the city without having to do battle for it. The king finds this pleasing and amusing and regards it as a great victory : « Grant joie et grant gabeiz en mainne entre ses drus » (II, v. 2607). But Wace points out that the laughter is ill-judged : “Now let the king beware of being deceived” .(v. 2608). The outcome of the story shows that to laugh too soon is dangerous. For the king ends up being captured by the Normans and languishing in prison in Rouen for a long time ; he is only released as a result of the determination of his wife Gerberga (w. 2986-3028). The merriment (mener gabei%) on the part of enemies of the Normans merely sets them up as even greater targets for the Normans. Wace delights in narrating their downfall and in showing that laughter created by an illusion of victory can be short­ lived. A similar usage recurs when Otto the German, on behalf of King Louis of France and Amulf of Flanders, sends an army led by his nephew to attack Normandy. When the battle is engaged outside Rouen, Otto’s nephew repeatedly mocks the Normans : « Et sovent lez aloit dez paroles gabant» (33, v. 3253). Richard, Duke of Normandy, reacts to this derision by riding towards him, striking him and throwing him down dead (w. 3254-59). When Otto finds his nephew dead, he weeps profusely and attributes the loss to Arnulf of Flanders. He tells his men that Amulf has deceived and mocked them : « Issi nos a Emouf deceus et gabez » (v. 3434).7 Mockery, linked here to deception, is clearly a dangerous and hostile act, and as in other cases it creates a desire for retribution. Otto wants to hand Amulf over to Richard and he is only prevented from doing so by his advisers, who say that it is wrong to hand over a companion to his death, even if he is a proven traitor (w. 3444-60). Such an act would make them traitors in their turn : «Ja por Ernouf 7 Cf. « De c’est gabez et de^euz » (Cliges, ed. A. Micha, Paris, 1957), v. 1840.

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ttaïr traîtres ne seron » (v. 3449). Hearing that he might be captured by Otto, Arnulf makes immediate plans to flee. He and his men cause such panic among the others warriors there that Wace comments that any witness to their feverish activities would have found the spectacle amusing : « Volentiers s’en risist » (v. 3506). Wace takes evident pleasure in narrating an episode which involves mockery and deception and concludes with laughter at the misfortune of an enemy of the Normans. A little later in Part II, during the conflict between the Normans and their opponents at the river Dieppe (now the Béthune), Richard I of Normandy becomes aware of the magnitude of the opposing forces. He makes a stirring speech to his men, telling them that if the French pursue them as far as the river “they will not, if it pleases God, make fun of us as they leave” (« “Ja de la, se Dex plest, n’en tomeront gabant” », II, v. 3814). Similarly, when the forces belonging to Theobald I, Count of Chartres, are attacked by the Normans outside Rouen, many of them are forced to flee to the woods. None of them, says Wace, is “in any mood to joke” (« Ne li un ne li autre n’ont talent de gaber », v. 4075). Joking is evidendy the normal reaction of a victorious army, and preventing one’s enemy from having the opportunity to indulge in the act of gaber is clearly a fundamental aim of warfare. Again Wace takes pleasure in telling us that the enemies of the Normans do not have the last laugh. After this batde at the river Dieppe, Richard finds himself attacked by his enemies on various fronts and he is forced to send for help from King Harold of England and his Danes. Wace comments that when Richard saw his towns being laid waste and the great losses he had sustained “it was no laughing matter ; he had no wish to jest or to go hunting” (« Ne/ tint mie a gabois, / Nen out talent de rire ne d’aler a gibois », II, w . 4147-48). He adds that Richard “spent no time on jokes or on composing serventeiff (« N’atendi mie a gas n’a fere serventois », v. 4149). The emphasis here is on not enjoying oneself by laughing and joking. These examples show that a gab does not have to involve mockery and derision. The term can convey happy times in which one has the leisure to write poetry and crack a good joke. When the Normans invite the Danes to come to relieve the pressure they are under, the pagan forces become such a threat to the French that the Bishop of Chartres informs Duke Richard that by handing Normandy over to them he has acted sinfully towards Christians. He persuades Richard to think of what his actions are doing to the poor. Richard confesses his sin to the bishop and grants the king a truce. But this truce has to take place in front of all the barons and the clergy, otherwise the entire situation would not be taken seriously : « Autrement tendroit tout a gap et a faintié » (II, v. 4335). A gap here is something intended to deceive, an act devoid of sincerity. The meaning of the term here could be “lie”.8 In the opening section of Part III we encounter an example of the term gaber used to convey a witticsm. Wace provides us with an explanation of the origin of 8 Grigsby writes of the ‘pejorative cast of lying and deception’, which figures amongst the meanings of the term gab (p. 9). On the tertu gab as ‘lie’ see pp. 14-15.

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the term Norman^ telling us that they are men from the North. Normendie is therefore the land of the Northmen. He observes, however, that the French have a different explanation for the term Normendie. For them it represents the phrase north mendie, a land of beggars from the north : « Franceis dient que Normendie / Ceo est la gent de north mendie » (III, w . 75-76). This joke on the part of the French (« ceo dient en gabant», v. 77) fits in with Wace’s interest in questions of language and also with his frequent references to the hostility between the French and the Normans. Naturally the French interpretation of the term Normendie shows the Normans in a bad light, as beggars who “came begging from the north, because they came from another land for gain and conquest” (w. 78-80). Wace’s more accurate explanation is in no way harmful to the reputation of the Normans as a people. The alternative explanation has a barbed edge to i t ; it is a form of sneer. It sets up the French for the various defeats they will suffer during the course of Wace’s narrative.9 Nothing could be clearer in the Ron titan the fact that Wace loves a good yarn. He recounts several anecdotes with regard to Duke Richard I, one of them being the well-known story of the sacristan who falls off the plank when crossing a stream in order to visit his beloved. This lengthy tale (III, w . 337-510) involves the serious issues of the nature of sin and the struggle for the human soul between the angel and the devil. But Wace concludes his story with a witticism : “Lord monk, go quietly and mind how you cross the plank !” (« Sire muine, suef alez, / A1 passer planche vus gardez !», III, w . 509-10). He himself identifies this observation as a joke (gaberie, v. 508). In Wace’s eyes the story has illustrated the origin of what had come by his time to be a well-known phrase, and it again fits in with his interest in the origin of words and expressions. The gaberie also provides an excellent conclusion for the episode, and no doubt it would have raised a smile from his audience. Another story involving the notion of gaber concerns Duke Richard I and Gunnor. The issue at stake relates to the vulnerability of women outside marriage. Initially Richard’s concubine, Gunnor became his wife. When merely the concubine, she was clearly under an obligation to offer herself sexually to Richard on demand. But after their marriage, she considered that she had the freedom to please herself to a much greater extent. This is recounted through an anecdote relating to their wedding-night. Gunnor lies down next to her new husband, but she does so “in a different way and a different manner from her usual one, as if she were resisting him” (III, w. 624-26). Instead of turning towards him, she turns her back on him and pushes him with her shoulders. When questioned about this by Richard, she replies that she used to lie in his bed, but now she is lying in their bed : “I am a married woman and lying in my own bed ; I will lie for my own pleasure. Hitherto the bed was yours, but now it is mine and yours. I never lay in it with confidence and was never with you without fear. Now I have some security” (w. 639-45). One 9 The opening lines of Part III are apparently a revised version of Wace’s original beginning to his text. He seems to have added the idea that the French remark was a joke, as the verb gaber is absent from the original version (see Appendix, w . 119-22, Holden, vol. 2, p. 312).

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might have anticipated an angry reaction to this from Duke Richard, but when Gunnor does turn round to face him the two of them laugh and joke about the : matter : « Si unt gabe e ris » (v. 648). Laughter here, conveyed by the verbs gaber and !i rire, diffuses a potentially dangerous situation for Gunnor. Wace uses this anecdote to add humour to his narrative and provoke another smile from his public. ; Richard’s capacity to laugh in such a delicate situation also serves to show him in a good light. The verb gaber here implies no mockery or aggressive intent; it is used to convey the enjoyment of a humorous situation and a positive reaction to a cleverlyworded remark. So it has now become clear that, if mockery or laughter is directed at someone, it is interpreted as an act of hostility and may well lead to violence and to the defeat of the perpetrator(s). But if the act of. gaber is shared with someone, it can diffuse a situation and bring pleasure. Wace recounts an anecdote about one of Duke Richard IPs knights. Richard was at dinner in Bayeux with a number of his knights. One of the knights, who had served Richard for a long time and is described as “noble” and “vaillant” (III, v. 1871), spent his time during the meal joking with his companions (« Sis/ al disner, suvent gabant», v. 1872). When spoons were passed round for one of the courses, this knight secreted one in his sleeve. The spoon is later discovered, and to escape the consequences of his act the knight rides off in shame. But Richard has him brought back and given sufficient money to live on without resorting to theft. This lengthy episode (w. 1863-974) again shows Richard in a good light, but it also shows that light-hearted behaviour, conveyed through the verb gaber, can conceal personal unhappiness ; appearances can be deceptive. It is some time before Wace narrates another joke. The next one concerns Duke Robert I of Normandy, who is making a visit to the Holy Land. When he arrives in Rome, Robert sees the copper statue of Constantine, and noting that the statue is naked he has a cloak put around it, joking (“gabant”, III, v. 3054) that because of Constantine’s power and honour he feels obliged to dress it. The local barons, he states, have not only left their lord without a cloak in winter or summer, but they should in fact have given him a new one each year (w. 3043-58). This light-hearted act prepares the way for a further story concerning Robert’s cloak. From Rome Robert travels on to Constantinople. When meeting the emperor there, he places his cloak on the ground, according to custom, and sits down on it. However, on leaving, he did not deign to pick up the cloak. When one of the Greeks calls to him and reminds him to pick up his cloak and put it back round his shoulders, he replies : “I do not carry my seat with me” (III, v. 3080). Wit in this episode acts as compensation for lack of power. When his character is faced with the superiority of the Emperor of Constantinople, Wace can redress the balance by illustrating the duke’s cleverness with words. This story also paves the way for two more examples of humour in the same episode. The emperor gives orders that during his stay the duke should be generously provided for. But the duke refuses to take anything, saying that he has plenty of money to spend. The emperor reacts to this by sending out a proclamation to merchants aimed at preventing the duke from getting hold of firewood with which to cook his food. The duke, for his part, counters by buying all the nuts he can find and cooking his

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food with them. When the emperor hears this, his reaction is to laugh a great deal (« asez s’en rist», v. 3109). He tells his men with a laugh (« en riant», v. 3110) that the duke is a very courtly man (w. 3088-112). Laughter and jokes, whether conveyed by the verbs gaber or rire, can have a beneficial effect on the relationship between two potentially hostile rulers. Robert manages to win a victory and still make his host laugh. But laughter can sometimes contain a destructive and vindictive element. When the castle of Tillieres is handed over to the Duke of Normandy, he immediately passes it on to King Henry of France. The latter merely has it destroyed and returns to Paris, “joking with his friends” (« s’en vait a ses amis gabant», III, v. 3344). Wace uses this example of joking to contrast the arrogance and cruelty of the French with the more restrained and appropriate reaction of the Normans to the handing over of the castle : “You would have seen many Normans in tears” (w. 3341-42). The French attitude to the destruction of the castle thus justifies any future attack against them, particularly when coupled with the additional information that the King of France soon forgot the promise he had made to the Normans not to rebuild the castle within four years (w. 3347-50). The act of gaber conveys the scorn of the French for the feelings of the Normans and their disregard for proper behaviour. Again it sets them up for defeat and humiliation. There follows shortly afterwards an account of the important and savage battle of Val-es-Dunes fought between the Normans and the French. In the closing stages of the battle, a Norman knocks down the king and Wace concludes his account by recalling what he describes as an on-going joke about the lance which struck down the king coming from the Cotentin : De ceo distrent li pai'sant, E dient encore en gabant: « De Costentin issi la lance Quz abati le rei de France. » (III, w. 3987-90)

Wace adds that the perpetrator of this blow against the king would have been able, had he managed to make his escape, to joke about his action (« Bien s’en peiist aler gabant», v. 3992). But, as he tries to get away, he is knocked down by a knight who comes up and attacks him. It clearly appeals to Wace to end a scene with a joke and also to know that he has again provided the explanation for a contemporary saying or witticism. Indeed, this saying clearly attracted him, for even in the brief Chronique Ascendante he found room to mention i t : “People still talk of this, saying that from the Cotentin came the lance which felled the king who ruled France” (w. 162-63). The episode concerning the defence of Domfront (III, w . 4371-495) contains an example of the verb gaber. William the Bastard, who was besieging Domfront, sent three of his men to Geoffrey Martel, who was intending to dispatch troops to rescue those inside the town. Showing great confidence in his own ability, Geoffrey told William’s men that he intended to go to Domfront and would see who would wait for him there. He added that he would be easily recognized by his white horse and golden shield. William’s men reacted scornfully to this (« Cil respondirent en gabant», v. 4433), saying that Geoffrey would be tormenting himself to no purpose

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if he went, and that when he left he would know the true state of things. In the event, Geoffrey Martel does not come to the aid of Domfront, because he is deceived by Geoffrey of Mayenne into thinking that the inhabitants had already handed it over to William. But the episode shows once more that men feel they can mock an opponent when they consider them to be overestimating their ability. It helps Wace’s narrative for him to be able to demonstrate that when the Normans mock their enemies they are shown to be right to do so, but when the enemy mocks the Normans they are shown to be wrong. This situation is confirmed in the account of the battle of Hastings, where we encounter just one case of the use of mockery and insult. As the Normans embark on their feigned flight, aimed at making the English disperse and thus become an easier target, the English mock the Normans and hurl insults at them, calling them cowards : « Engleis les aloent gabant / E de paroles laidissant» (III, w . 8217-18).10 The resulting victory for the Normans demonstrates yet again the danger of mockery. Wace’s allusion to the act of gaber on the part of the English would no doubt have raised a smile on the faces of his public. Like other enemies of the Normans, the English laughed too soon. Jokes made against someone are interpreted by the victim as mockery or scorn. In the episode which relating the conflict between Henry I and his brother Robert the former had nearly been nearly knocked off his horse, but he just managed to cling on by grabbing hold of his saddle. For this he was greatly mocked by those who rescued him : « Pois ont le rei assez gabe / De la sele qu’il deffendeit» (w. 9564-65). To this the king replied jokingly (« en riant», v. 9567) that he was merely protecting his belongings, as it was shameful to lose something one could protect (w. 9568-70). Through this quip Henry turns mockery into humour and he succeeds in rescuing himself from the humiliation to which he was being subjected. By doing so, he prevents the act of gaber from having harmful consequences. This anecdote shows once more Wace’s liking for humour and repartee and his recognition of their value within his work. Wace’s ability to include a humorous element within a tense war situation is well illustrated by his account of the capture of Le Mans by Helias. When the news reaches William Rufus in London that Helias has entered Le Mans, he asks his men to indicate to him the straightest route to Le Mans. The men point to one of the palace walls, so the king has this wall knocked down and his vassals pass through the resulting hole on horseback (w. 9814-32). William’s determination not to deviate from the straightest possible route to Le Mans thus becomes humorous, and this humour is later enhanced when he actually does deviate from his route. The reason he does is so linguistic rather than military. When he reachs two rivers in Maine called the Cul and the Con, he refuses to cross them because of the “vilte” of their names (v. 9877); he is therefore forced to make a detour. Something which,

10 This is one of the examples cited by Grigsby, who attributes to the verb gaber here the meanings “taunt, jeer at, tease, deride, ridicule” (p. 10). He also points out that the insulting words are transferred here to the person who acts as the direct object and that this state of affairs is confirmed by the phrase “de paroles laidissent” (v. 8242).

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says Wace, had originally been intended as a joke (the rivers had been named « por deduit e por gaberie », v. 9879) has unexpected consequences for the king, who because of their names feels the need to abandon « sa dreite veie » (v. 9880). The king’s plans have thus been thwarted by words rather than deeds. When narrating the episode of the intense fighting which breaks out when William Rufus eventually arrives in Maine, Wace incorporates an anecdote concerning the siege of Mayet, a small castle in which the inhabitants of Le Mans have taken refuge. Mayet is surrounded by a ditch and the king decides that for military purposes it should be filled with debris. He entrusts this task to Robert of Belleme, who points out to the king that debris is in short supply. To this William replies jokingly (« en gabant», III, v. 9931) that a packhorse, mule or palfrey should be required of each knight by way of transport and that everything Robert could lay his hands on should be thrown into the ditch. The text then reads : Robert departed with a laugh and he jokingly (“gabant”, v. 9938) told members of the army that the king had commanded that everything should be thrown into the ditch, whatever came into the servants’ hands, even the horses and peasants. The look on his face and his words thoroughly alarmed everyone. Everyone fled the siege and many went around crying out jokingly (“par gab”, v. 9946): “Sons of whores, get away, get away ! You will all be dead if you dawdle here at all. If you can be captured here, you will all be thrown into the ditch” (w. 9937-50).

As in the case of the naming of the two rivers, this joke had a serious consequence. Because of it the siege failed.11 As we have seen above, jokes aimed at others can end up having unpleasant consequences for the joker. Wace tells a story of how, as a youth, King Henry had been subjected by Count William II of Warenne to jokes about his love of hunting. Count William used to laugh at Henry (« le gabout», v. 10535) because he spent so much time hunting for stags and searching the forests. As a joke (“par gap”, v. 10536) William called Henry “Stag’s Foot” («Pie de Cers»), and as a further joke (“par gap”, v. 10538) he used to say that Henry had the ability to determine from a stag’s tracks how many anders it had (w. 10538-40). When Henry became king, he remembered these old jokes (« vielz gabeis », v. 10548) with which the count used to mock him («le soleit gaber », v. 10549) and he therefore dispossessed him of his lands (w. 10510-12). As a result, William went to Henry’s brother Robert in Normandy to complain of the way he had been treated. At this point Wace introduces another of the alternative explanations he likes to offer. It was generally thought, he says, that William was dispossessed because of the king’s hatred for him, but it was also possible that William’s dispossession was an act of cunning on Henry’s part aimed at provoking Robert into coming to England, where he could be captured (w. 10555-74). Both explanations derives ultimately from the hostility engendered within the victim of the act of gaber.

11 In the variant to v. 9925 there is a further example of the term oigab / gap. In Holden’s text, Robert of Belleme is said to be an expert in wicked games (‘felons gieus’), whereas in MS B he is described as an expert in felons gas ‘wicked jokes’.

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Wace’s final reference to mockery also occurs within the conflict between Henry and his brother Robert, the episode with which the Rou, as we have it, concludes. When those who support Duke Robert’s claim to Normandy put their arguments to Henry, the latter rejects them and repeatedly blames the duke for having mocked him gready («1’aveit mult gabe», v. 10808). He is presumably alluding to all Robert’s actions since his return from Jerusalem thinking that he should have had the throne of England instead of Henry. Henry tells the supporters that he will never make peace with Robert and that, when he can, he will get what is rightfully his (w. 10807-10). Henry’s reaction here is reminiscent of that of Rou who, as we saw above, also reacted strongly to the feeling that he had been gabe (II, w . 735-42). Robert reacts to Henry’s rejection of peace by proclaiming throughout Normandy that no one holding land from Henry should cross over to England and that all land in Normandy should be held from himself. This leads to the final battles related in Wace’s chronicle and to the capture and imprisonment of Robert in Cardiff. There could be no clearer indication of the importance of mockery at this time and of the danger of mocking or appearing to mock someone whose power one under­ estimates. In the course of the Rou Wace uses the verb gaber twenty-two times, nine times as a transitive verb ‘mock, make fun of, laugh at’, eleven times as an intransitive verb ‘joke, jest, laugh’ and once as a reflexive verb (II, v. 1583, ‘joke’). He also uses the substantives gab / gap ‘joke’ four times (two are examples of the expression par gab ‘jokingly’, III, w . 9946, 10536), gabeis / gabei%/ gabois ‘joke, fun, merriment’ three times (II, v. 4148, III, v 10548; mener grant gabei% ‘indulge in merriment’, II, 2608) and gaberie ‘joke’ twice (III, w . 508, 9879).12 Grisgby tells us (p. 8) that the meaning ‘boast’ is widely regarded as the principal meaning of the terms gab and gaber. But Wace does not use the term in this sense, with the possible exception of the example in III, v. 1872, when the impoverished knight, who is soon to become a thief, is said to gaber^mRa his friends at dinner. Whether it was to communicate to the reader the act of mocking or jeering at an opponent, or just light-hearted humour and wit, Wace could draw on the range of meanings conveyed by the terms gab, gaber and derivatives. These terms helped him to reflect an important aspect of the military culture of his day and also to indulge his predilection for a good joke and a nice turn of phrase. Wace was a serious man, much given to commenting on the sadder aspects of human existence, but it is evident from his work that whenever an opportunity to record a joke or a witticism arose he seized it with relish. He seems in particular to have liked a joke which created a new expression in the language. Perhaps above all he was delighted by the anecdote which allowed him to conclude with a new way of saying “Keep out of mischief!” : “Lord monk, go quietly and mind how you cross the plank !” (Ill, w. 509-10). 12 For gaberie the Old Frencb-English Dictionary by A. Hindley, F.W. Langley and B.J. Levy (Cambridge : Cambridge University Press, 2000) gives only ‘mocker/. However, there is dearly no mockery involved in the examples found in the Rou. As substantival derivatives of gab Grigsby lists gabe, gabel, gabeles, gabelet, gabekte, guaberete, gabet, gabete, gaballe, gabement, gabace, gabeis, gaberie and gaberise (p. 8). In the Rou Wace uses only gabeis and gaberie.

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Contradiction and Abjection in the Tristan of Thomas and the Poetry of Marcabru Sarah Kay

This essay is about the relationship between Marcabru and the Tristan material. It draws on the recent edition o f Marcabru, a troubadour whose thought Peter Ricketts did so much to illumine in his numerous editions and studies o f individual poems (see Gaunt et al. 2000).1 A connection between Marcabru and the Tristan legend has long formed a theme o f Marcabru criticism. Marcabru may, with Cercamon, be one of the earliest commentators on the Tristan story.2 Certainly he persistently condemns the kind o f lover Tristan has become by the end of the earliest romance at all to which we have an ending, namely Thomas’s : a married man pursuing an affair with another man’s wife. Marcabru’s call to resist the pervasiveness o f love’s deceits similarly chimes with the Douce fragment of the Thomas Tristan, which begins with Brengain’s vengeful manipulation o f King Mark and ends with Isolt’s lie about the colour o f the sails. I think my essay is the first to use the recently discovered Carlisle fragment, which preserves the scene in Thomas’s romance where the lovers drink the potion, to explore further the connection between Marcabru and the Tristan3 The focus o f the comparison ventured here is, however, not thematic but intellectual. I argue that both Marcabru and Thomas share an idiosyncractic position in relation to the twelfth-century science of logic. Both poets are at once keenly rational, and acutely sensitive to the pathology o f desire. Thus they represent dialectical discrimination as serving chiefly to iUumine the debasement of which we are capable ; no sooner has it revealed these depths than it collapses, abandoning us to them.4 Reasoning thus leads directly to its own impasse, where nothing remains but abjection. The formal operations on which discrimination relies, and in which it fails, are those of contradiction. By abjection, then, I mean both “debasement” and also the sense of falling away from the symbolic order which arises from the failure to maintain distinctions ; this is the sense explored by Julia Kristeva in her famous Pouvoirs de rhorreur (Kristeva 1980). The peculiar relationship to contradiction o f both 1 O f the poem s discussed in this essay, X IX (.D oas cuidas ai) was am ong the poem s w h ose difficulties Ricketts helped to resolve. See Ricketts 1978. 2 See G aunt et al. 2000, song X I, 62-4, and the editors’ note to line 62. 3 See Benskin, H unt & Short 1992. Other references to the T hom as’s Tristan are in W ind 1960. 4 This approach to Thom as shares com m on ground w ith H unt 1981.

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Marcabru and Thomas -will emerge more clearly if the practices of their contemporaries are first briefly outlined.5 In the twelfth century the discipline o f logic, or dialectic as it was also called, enjoyed unparalleled prestige and influence. Anyone with any level o f education would be familiar with the central role played by contradiction in the construction and testing o f argument. For Aristotle, the most certain principle o f all is that regarding which it is impossible to be mistaken, for such a principle must be both the best known [...] and nonhypothetical. [...] It is, that the same attribute cannot at the same time belong and not to belong at the same time to the same subject in the same respect. {Metaphysics 1005b 11 ff.)6 In his De interpretations, which became a basic textbook for medieval scholars, Aristotle identified various sources o f contradiction, the most significant of which are negation and contrariety. The negation o f “just” is “not just”, whereas its contrary is “unjust”. Using the relations o f contrariety and negation, Aristotle constructs the “square o f opposition”, an elementary logical cell on which to plot the validity of basic argumentative moves. For example, if a man is unjust, this implies he is not ju s t; but if he is not just, this does not mean he is positively unjust. But for Aristotle he cannot possibly be both just and unjust; that is, the principle of non-contradiction applies especially strongly to contrariety : For contraries are those which enclose their opposites ; and while these latter may possibly be said truly by the same person, it is not possible for contraries to hold o f the same thing at the same time. {De interpretations, 24b 7-9)7 Figures o f speech and thought involving contraries dominate vernacular Romance literature around the middle of the twelfth century, but the influence of Aristotle operates differently in different genres. Broadly speaking, hagiography and the Occitan love lyric maintain a non- or anti-Aristotelian stance, insisting that contraries can co-occur, and thereby staking out a claim for a domain beyond everyday rationality. Lives of the saints flout the principle of non-contradiction by asserting again and again that poverty is wealth, renunciation gain, humiliation triumph, and death the means to life. Among the troubadours, the coalescence of contraries such as folor-saber, cortes-vilan, viu-mort, joi-dolor provides the vibrant substance o f the lyric world. Pierre Bee (1971) has demonstrated how, for instance, the polar opposites jo i and dolor govern Bernart de Ventadorn’s entire corpus. The lover can be at once joyful and downcast, and as a result o f this clash the rational

5 This essay expands the discussion o f Marcabru and Thom as presented in Kay 2001, and it is on this study that the follow ing outline o f twelfth-century practice is based. 6 A risto tle , II, pp. 1587-88. 7 A risto tle , I, p. 38.

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C ontradiction and A bjection

opposition between wisdom and foolishness is suspended or redefined (Bernard de Ventadour, XIII, 19-27) : Amors, aissi m faitz trassalhir : del joi qu’eu ai, no vei ni au, ni no sai que m die ni que m fau. Cen vetz trobi, can m’o cossir, Qu’eu degr’aver sen e mezura si m’ai adoncs, mas pauc me dura c’al reduire m toma -1jois en error. Pero be sai c’uzatges es d’amor C’om c’ama be non a gaire de sen. Love, yo u m ake me trem ble so violently w ith the jo y th a t l fe e l th a t I can neither see nor hear nor do I know w hat I say or do. A hundred tim es, when I reflect, I fin d th a t I should have sense and m oderation — and I do have it, — bu t it doesn’t la st longfo r mefo r when I contemplate i t m yjcy turns to pain . B u t I know th a t it is the custom in love th a t the man who loves w ell has little sense.

This stanza describes how the lover’s jo i is so intense that to become aware o f it is to realise how painful it is. It cuts him off from reason and moderation, yet he has to accept this as a consequence o f love’s law. The point is even more pungent in Song X V : «car, qui en amor quer sen, cel non a sen ni mezura» (31-2 : “for whoever looks for sense in love has neither sense nor moderation”). The superimposing of contraries in a troubling and unstable union remains a feature of troubadour poetry to the end of the twelfth century and beyond. Likewise composed around the middle o f the twelfth century, in the period ca. 1150-1170, the romans antiques also feature a rhetoric of paired contraries, but they do so altogether differently. The prologue o f the Troie is typical in emphasising not the collision of opposite terms but, in a manner obedient to the prescriptions of dialectic, the requirement to keep them separate. It would be wrong o f the learned to keep their knowledge quiet, says Benoit (Le roman de Troie, 11-16) : Se fussent teu, vehement vesquist li siegles folement: come bestes eussons vie ; que fust saveirs ne que folie ne seiissons sol esguarder, ne l’un de l’autre desevrer. I f they had k e p t silent, truly the w orld would live fo o lish ly: our lives would be lik e those o f the b easts; we would not even know how to see w hat was wisdom an d w h atfolly, or how to separate onefrom the other.

Benoit’s determination here to put mental discrimination at the service o f moral understanding reads like an illustration o f John o f Salisbury’s contention in his Metalogcon that « [Logic] provides a mastery o f invention and judgement, as well as supplies ability to divide, define, and prove with conviction » (Metalogicon II, 6, p. 84). This conscientious policing o f the frontier between contraries characterises all o f the romans antiques. The 'Eneas poet, for example, uses Dido’s love for Aeneas to warn his listeners of the dire consequences o f confusing sense and folly. His account o f her feelings shuns antitheses o f the kind cultivated by the troubadours,

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the rare exceptions inciting not sympathy with rapture but wry condemnation : «A m or l’a fait de sage foie» (Eneas, 1408 : « Love has turned her from a -wise person to a fool ») and « tel dent Ten sage qui est foie » (Eneas, 1592 : « You maythink someone wise when they are a fool »). Even the instruction in love given by Lavinia’s mother to her daughter later in the same poem, though rehearsing love’s traditional dichotomies, situates them in alternation : love’s pleasures come from its pains (7957 ff.), it wounds and later heals (7976 f£). The romans antiques are thus strikingly reluctant to be drawn into the spiritualising or passionate relation with contraries attested in mid-twelfth-century hagiography and lyric poetry. Marcabru, whose poetry is now dated between the 1130s and the 1150s, stands out among the early troubadours by the way he spurns their delight in contrariety. Instead, he aspires to the cool discrimination o f the romans antiques, sharing their sense o f the ethical urgency o f distinguishing sense from folly. At the same time, however, Marcabru’s poetry concedes the strength of the “irrationalist” position of his fellow troubadours by constantly admitting the difficulty o f disentangling one contrary from the other. A good example is provided by stanza ii o f song XIX, 1018 which voices both the necessity, and the impossibility, of distinguishing “whole” from “broken” th o u g h t: En dos cuiars ai consirer a triar lo fraich del entier : be -1teing per devin naturau qi de cuit conoisser es guiz. De folleiar no tn sai gardar, que s’ieu cuich esser de bon fiz e 1 fols m’enbruig, long los auziz : e m tornaran d’amon d’avau. In these two ways o f thinking, I am concerned to distinguish the wholefrom the broken : the man who can act as a guide in how to th in k certainly has, in m y view, a g iftfo r divination. Personally I don’t know how to protect m yselffrom fo lly, fo r i f I im agine I am sure o f w h at is the right [way o f thinking) an d then the fo o l distracts me w ith his noise,yo u can hear both o f them a long way o ff: an d both w ill m ake me turn iopsy tu n y?

As subsequent stanzas o f this song admit, it is the pressure o f desire on understanding that makes rational discrimination so hard to achieve. The point is formulated succinctly in Marcabru’s song XTV, 35-36 : Qu’amors adoncx entrebresca enginhos desentrebresc. F or th a t which love tangles up it takes a clever man to disentangle? 98

8 T he translations o f Marcabru generally follow those given in Gaunt, Harvey and Paterson, but I depart from theirs for the sake o f emphasis or clarity. Ricketts points out the impossibility o f assigning a consistent positive or negative value to cuiar in this text. G iven the difficulty that Marcabru concedes in dividing one from the other, the first person verbal form in line on e o f the song, given by Ricketts but edited out in favour o f the impersonal a .i by Gaunt et aL seem s perfectly acceptable. 9 G aunt et aL do not include Ricketts in their list o f previous editors o f this p oem , but he did in fact give a paper at a British Occitan conference in w hich h e edited and com m ented o n this difficult text.

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Contradiction and A bjection

This distortion of judgement by desire is most keenly felt when the matter under consideration is love. Consequently, the opposition which Marcabru works hardest to maintain, but simultaneously finds most labile, is that between good and bad love. The latter seems often to be referred to by the term amar, which can be an adjective (“bitter”), a noun (“loving”, “bitterness”), or an infinitive (“to love”). But in Marcabru’s poetry love is so frequently condemned that is hard to identify passages unambiguously praising any love as good. The word amor tends to collapse into synonymy with amar.; rather than being differentiated from it, as in this stanza from song XXXI, 38-45: Bon’ amors porta meizina per guerir son compagno ; amar los senz disciplina e is met a perdicio. Ai! Tan can l’avers dura, fai Al fol semblan d’amor jai, Hoc! E cant Favers fail, camina. G ood love brings a remedy to cure its com panion; b itter/lu stin g torm ents the senses and casts them into perdition. —A y ! —A s long as the money lasts, i t m akes love look lik e jo y to the fo o l — Y es — and when the m a n y runs out, i t m akes off.

In the opening line o f this stanza “good love” occupies a theoretical position of superiority which, however, is eroded as the stanza proceeds. The phonetic similarities between amor, amar and aver confuse people’s ears, just as the corrupting effects o f wealth blind their eyes and, as these confusions take hold, the distinction between “good love” and “bad love” slips from their grasp. Some listeners might assume that amar in the third line o f this passage means “bitter love” (or “lust”, as Gaunt etc. translate it), and thus construe it as the contrary of amor in the first line. They will then be disconcerted, however, by the fact that amorvsy line 43 refers to a love that a person is lured into by possession, and which soon evaporates. The opposition trumpeted at the beginning o f the stanza has collapsed as the term amor, previously designating love that was “good”, now refers to a false or deceitful emotion. The positive term amor has assumed the same value as the negative one amar, and with this slippage the category o f the “good” has slid out o f view under that o f the “bad”. Furthermore such listeners (and indeed the editors too) may already have gone too fast in positing amar as the contrary of bon amor. For amar, while of course it means “bitter”, also means “to love”, as an activity, and thus its relation to amor can be read as one o f verb to noun. This might imply that as soon as amor stops being an abstract category and becomes a form o f behaviour it forfeits its moral status ; that it is impossible, in reality, for love to remain untainted. The “good”, in other words, may be conceptualised, but it cannot be practised. Again, it evaporates leaving only corruption in its place.

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Exactly the same wordplay occurs in the Carlisle fragment o f Thomas’s Tristan, where Isolt speaks o f the effects o f the potion and Tristan is confused by her words (Carlisle fragment, 39-43, 46-52) : « Si vus ne f[u]ss[e]z, ja ne fusse, ne de l’amer rien [ne] sëusse. Merveille est k’om la mer ne het qui si amer mal en mer set, et qui languisse est si amere ! » Tristan ad noté [ch]escun dit, mes el l’ad issi forsvëé par “l’amer” que ele ad tant changé que ne set si cele dulur ad de la mer ou de l’amur, ou s’el dit “amer“ de “la mer” ou pur “l’amur” dïet “amer”. « I f it were n o tfo r yo u , then never w ould I be as I am ; and nor w ould I know anything o f loving! bitter! the sea. I t is surprising th a t one does n ot hate the se a (/ etc:), when one know th a t there is such bitter harm in loving ( l the sea, etc.), the anguish o f which is so b itte r... » Tristan took note o f everything she said, hut she confused him so with her lam er on which she rung the changes so th a t he does n ot know i f she suffers th is pa in from the sea (! loving etc.) or from love, and whether she says “b itter” as p a r t o f "the sea (/loving)", or whether she w ould say “loving ( / b itter)" for "love”.

The continuation o f the commentary in this vein for another 20 lines only deepens the sense of gloom that drinking the potion on the sea [la mer) has brought to Isolt a kind o f loving (l’amer) in which love (l’amur) is no sooner born than it is indistinguishable from bitterness (amer). This coincidence o f finding the same despondent pun in both Marcabru and Thomas forms part o f a wider picture o f similarity in the two authors’ treatment of contradiction. Thomas, like Marcabru, repeatedly endeavours to discriminate contraries (in the manner o f the romans antiques), and then allows his characters to get caught up in their convergence, or rather, in the collapse o f the positive pole as it becomes contaminated by its opposite. In this passage from much later in the romance, Tristan is regretting that his failure to consummate his marriage with the second Isolt will cause her love to turn to hatred (Sneyd1, 517-24) : Ço ere a dreit qu’en haür m’ait quant m’astienc del naturel fait ki nos deit lier en amur. Del astenir vient la haür : issi cum l’amur vient del faire, si vient la haür del retraite ; si cum l’amur del ovre vient, e la haür ki s’en astient. I t w ill he righ tfor her to hate me, given th a t I abstain from the sexu al act which ought to hind us together in love. H atred comesfrom abstaining :ju s t as love comesfrom doing the act, so hatred com esfrom its w ithdraw al ;ju s t as love comesfrom the deed, so hatred comes to whoever abstains.

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Contradiction and A bjection

This passage starts by applying a standard topical argument known as the argument from contraries. If love, says Tristan, comes from the act o f love, then hatred, love’s contrary, will follows from the contrary of that act, its withholding. Hatred, moreover, brings countless other undesirable consequences in its wake (suffering, unhappiness, the decline o f nobility, the collapse o f everything he values). This argument should lead to Tristan embracing the more reasonable option, and deciding to love his wife. Desire, however, dictates otherwise. In following his desire (to abstain), Tristan thwarts his new wife’s desire (for consummation), and so it follows that he desires hatred more than he desires love. The lucidity with which he draws distinctions enables him to chart the consequences o f his behaviour with excruciating precision, but not to change it. The more Tristan seeks to divide one alternative from the other the more inevitable is the corruption o f Isolt’s love by hatred, just as in the passage quoted the word amur is repeatedly replaced in the second line o f each couplet by hour. The fact that this passage expresses a dilemma contrary to the one in the Carlisle fragment underlines the fact that in this version o f the Tristan there is never a right answer. The category of right judgement is foreclosed. In the remainder o f this paper I should like to strengthen the case for a similarity between Marcabru and Thomas by looking at the way each treats the contraries o f “high” and “low”, an opposition which is fundamental to literature of this period. In saints’ lives abasement is the means to exaltation, a typical figure being St Alexis whose wretched existence under the staircase in his parents’ home is at once the correlate, and the cause, o f his spiritual elevation. Troubadour love lyrics likewise play on correspondence between low and high, since the lover’s service o f his lady manifests the supreme worth o f his love and enjoins the ecstatic reward that awaits him ; allusions to martyrdom in troubadour songs point to the similarity between the genres while also admitting the incongruity and opportunism o f the lover’s pretensions. Both Thomas and Marcabru, by contrast, while they explicitly invoke this polarity of “high” and “low”, refuse to use the “low” as a means of leverage to engineer a corresponding “high”. Instead they collapse the opposition downwards so that only the category o f the “low” remains. Rational discrimination founders, literally, in abjection. I pick up the Tristan story in the Douce fragment at the point where Tristan and Kaherdin depart from a furtive and abortive visit to see the first Isolt, but Tristan, desperate to see her, steals back disguised as a leper. Isolt recognizes him and wants to give him her ring ; Brengain, however, recognises him too and quickly intervenes to prevent it. Desolate, Tristan slinks away and huddles under a stair. There he suffers horribly from cold and hunger so that his assumed illness becomes real and he wants nothing but to die (Douce, 603-6). Several scholars have identified an allusion to the legend o f St Alexis in this tale o f a protagonist who travels to die as an outcast under a stair near the people to whom he is closest. As though to urge the connection the phrase “under the stair” recurs repeatedly in Thomas’s text, as it does in the Old French S t Alexis. But how are we to read this allusion ? Critics agree that Tristan’s “lowliness” lacks any corresponding spiritual elevation; here, for instance, is Mathilda Bruckner’s verdict on this scene.

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Tristan as martyr of love may play Saint Alexis under the staircase but he does not project a view o f joyous union in Paradise, nor does Thomas’s narrative suggest any such extrapolation beyond death (Bruckner 1993, p. 50)10 Thomas does not even suggest that, as a lover, Tristan is rewarded in a degree at all proportional to his sufferings. Brengain takes him to Isolt’s chamber where he finds a brief moment of consolation with her before departing, but there is no hint o f ecstasy in the narrative o f their reunion, no projection from the depths o f his anguish into a compensatory “high”. Brengain escorts Tristan (Douce, 720-6) : suz en une chambre marbrine. Acordent sei par grant amur, e puis confortent lur dolur. Tristan a Ysolt se déduit. Apres grant pose de la nuit prent le congé a le enjumee e si s’en vet vers sa cuntree. high in to a m arble chamber. W ith great love they are reconciled and then th y console th eir suffering. T ristan takes pleasure w ith Isolt. A fte r a long p a r t o f the night; when day is breaking he takes his leave and departs in the direction o f his land.

I assume that my translation o f line 720 is correct since the expression « sus en une chambre » is a common one. There is, then, a purely spatial elevation when Tristan goes “up” to the chamber which, as the most private part o f the interior o f a residence, is the contrary o f the outdoor stairway at its entrance which previously he was “under”. The scribe, however, has written not sus (“up”) but sut,? (“under”) exactly as in the phrase sutj k degré (“under the stair”). So even the spatial “high” is written out o f the text ; while emotionally all the lovers are said to achieve is some pleasure and redress o f their sufferings. There are no literal stairways under which abject figures cower in Marcabru’s songs. Song VII, however, provides a close parallel with the Douce fragment episode, even including the motif o f Tristan’s disguise as a leper since Marcabru represents all those who suffer from love as plunged into disease and destitution (VII, 5-8) : A nuill home que dompnei no quier peior malavei. Be mor de fam e de frei qui d’amor es en destrei. F or any man who goes courting I could n ot a sk fo r a worse sickness. A nyone in love's grip is certainly starving and freezin g to death.

Tristan under the stair is likewise colder than ice (Douce, 645), while his feigned leprosy has become actual infirmity leaving him (Douce, 704-5): pale de vis, de cors endeble, megre de char, de colur teint. pale-faced, hisfram e sickly, h isflesh skinny, h is complexion discoloured.

10. Similarities betw een The V ie de S a in t A le x is and the T hom as’s T ristan are also m ooted in Cazelles 1990.

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Contradiction and A bjection

Marcabru goes on to speak o f love’s folly as a weight which drags the lover “low” (VII, 21-4) : Ben es cargatz de fol fais qui d’amor es en pantais. Senher Deus, quan mala nais, qui d’aital foudat se pais! The man torm ented by love is certainly loaded w ith a foolish burden. L o rd G od, how the man who fin d s nourishm ent in suchfoolishness should regret the hour o f his b irth !

Subsequendy his imbecility turns him from the cabbage o f life down to its stalk (48). Instances o f “lowliness” accumulate as these physical images o f intellectual and moral decline also invoke social degradation to the condition o f peasants or even of beasts. Is there a “high” to match this “low” ? Only one which has been annulled (VII, 25-8) : C’amors es plena d’enguan per aver, s’o vai camjan, e Is plus pros tom’ en soan que -1malvatz l’aura enan. Love is fu ll o f deceit because o f money, and everfick le, and i t despises the m ost w orthy! the bravest so th a t the base! b a d / cowardly man w ill have i t [love] sooner.

In love’s toils the good end up worse than the bad, so their elevation proves illusory. Moreover, although Marcabru’s own sense o f social exclusion may occasionally be harnessed to justify the moral authority of his voice, Marcabru does not speak here from the position o f one whose “lowliness” supports a claim to “height”. The vocabulary o f falling, declining, and degenerating runs through his poetry, and typically he is as much compromised by the downward tug as others. Here in song VII he speaks as an angry and disappointed lover, and as one who has only just escaped the thrall of what he now denounces (VII, 11-16) : per aiso vos ho vueill dir c’anc d’amor no m puec jauzir. Tan Ten vueill mal e l’en azir can m’en membra me fai languir. Fals fui per amor servir, mas vengut em al partir. I w ant to te ll yo u th is fo r th is reason: th a t I could n everfin d anyjo y in love. I hate and detest i t so much fo r th at, th a t when I th in k o f it, it m akes me sick. I was oncefa lse as a result o f serving love bu t now we have come to a partin g o f the ways.

Even for the poet himself the dichotomy o f high and low collapses downwards, the negative term prevailing. I have been speaking o f a similarity between Marcabru and Thomas. If there is a relationship o f influence, then given what is known o f their dates its most likely direction runs from Marcabru to Thomas rather than the other way round.

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Whatever version o f the Tristan legend Marcabru may have known, his attitudes provide a proleptic commentary on Thomas’s text ; while Thomas, like Chrétien shortly after him, may well had some knowledge of the troubadours in general and o f Marcabru specifically. More certain, to my mind, than influence from one author to the other is the intellectual kinship between them, which I assume is born of similar cultural heritage. Both are familiar with the tradition of fin ’amors and the way it plays with the tropes of religious literature. Both are also influenced by the prestige o f dialectic and its claims to deploy the principle of non-contradiction as the basis for sound argument. Putting the two together, both poets have the pessimist’s knack o f getting the worst o f both worlds. For both o f them, the power o f desire undermines our pretension to rationality, and thus deprives us o f the capacity for reasoned ethical self-determination. But at the same time their attachment to rationality deflates the aspirations o f passion, and robs us o f the hope that its contradictions will touch our lives with the blush of paradise. For both poets the light o f reason shines just far enough to illumine its own limitations. The logic o f contradiction succeeds only in establishing that the category o f the good is permanently unavailable and that there is a depth to which we will sink. With dismal lucidity, dialectic points the way to its own undoing : to the collapse o f moral distinction and our inevitable, abysmal abjection.

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Epopée d’oïl et épopée d’oc : la place de la cançon d’A.ntioca Robert Lafont

Paris, Meyer, Grôber et le Fierabras Sur les rapports d’antériorité de la production épique (chanson de geste, chanson d’histoire, chanson de croisade) française et de l’occitane, il faut toujours commencer par lever le rideau initial de l’idéologie (SC, 452-64). Il a été tiré en 1865 par Gaston Paris dans l’édition de sa thèse Histoirepoétique de Charlemagne. Y apparaît la tentation de traiter les gestes guillaumienne et rolandienne comme “l’épopée nationale de la France”. Intention transformée en affirmation péremptoire dans l’article de Paul Meyer en 1867, Recherches sur l’épopéefrançaise. Les deux compères, jeunes et brillants philologues, sont en train de compenser l’avance prise par les Allemands dans la connaissance du Moyen Age roman. Ils le font avec une grande énergie, profitant de la direction qu’ils prennent en 1866 de la Revue critique d'histoire et de littérature. En cette lice, ils rencontrent l’argument que les deux ensembles épiques concernent (principalement pour la veine guillaumienne) des lieux qui ne sont pas de langue française, mais occitane. Or leur nationalisme français, bien inséré dans son époque, se double d’un préjugé anti-méridional (même chez Meyer, qui est pourtant l’ami de Mistral). Il leur interdit une solution additionnelle du genre qui eut cours dans la seconde partie du XXe siècle : France = Nord + Midi. Meyer, refusant un doute né chez son collègue, verrouille : « Or il se trouve que l’épopée provençale n’a point laissé de traces, que rien ne justifie sa complète disparition, qu’enfïn, l’hypothèse de son existence étant mise de côté on n’aperçoit aucune solution de continuité dans le développement littéraire du Moyen Age. C’est donc une hypothèse qu’il faut abandonner. » Meyer transforme là les ignorances de son époque en assurances négatives. Il ne sait pas que l’ignorance mise au service de l’idéologie vient de lui faire énoncer ce que nous pouvons considérer aujourd’hui comme trois bourdes. Les traces : on les a retrouvées en partie. La justification de la disparition : il suffit de poser, à l’inverse de Meyer, que les manuscrits d’oïl sont postérieurs aux occitans pour que l’évidence apparaisse qu’ils les ont remplacés ; à quoi s’ajoute la raison historique de l’inexistence aux XIIIe et XIVe siècles, à l’“époque-sas” (SC, 25761) de la transmission manuscrite, de grands mécènes d’oc capables des

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commandes. La solution de continuité : tout notre travail personnel depuis quinze ans environ a consisté à la détecter et à la remplir de preuves occitanes. Parlons-en rapidement. Le “coup dur” pour la thèse parisienne (qu’on nous permette de mettre sous ce jeu de mots le lieu et le grand prêtre de l'Institution) survient vite. En 1869, un autre jeune homme, de l’École allemande celui-là, Gustav Grôber, démontre l’antériorité du manuscrit occitan du Fierabras, poème pourtant sandionysien, sur le français. C’est une première : l’application de la méthode lachmannienne à un texte médiéval. Paris réagit avec hâte dans la R£vue critique. Il verrouille lui aussi, mais par anticipation : « Sur aucun de ces points je ne partage l’opinion de M. Gr. et je compte dire ailleurs pourquoi ; j’espère que l’ingénieux auteur se rendra aux preuves qu’il m’a lui-même aidé à rassembler contre lui... » Le malheur est que Paris ne dit jamais rien de plus ailleurs. On peut en accuser les événements historiques (la guerre de 70), mais aussi conclure avec R. Mehnert (SC, 262) de cette absence de conclusion que le débat restait ouvert. Plus récemment L. Formisano est revenu à la question, mais sans contourner l’opinion de Paris (SC, 436). Notre propre examen du problème s’est appuyé sur trois faits de nature seulement textuelle : - la longueur relative des manuscrits : 5084 vers pour P (l’occitan), 6214 pour H (le français). Or H élimine le premier épisode de P : 610 vers. Le raccourcissement dans la filiation des manuscrits est chose anormale. On en trouve un exemple dans notre cas particulier, mais il est entre P et H : trois laisses réduites à une (SC, 44446). Par contre l’allongement, et des laisses et de leur nombre, suit la dérivation dans le temps. C’est bien ce “bavardage” qui distingue H de P (SC, 438) ; - le système périodique (sur lequel nous allons avoir à revenir au sujet de Sainte Foi-Roland) de 11 laisses, procédé de composition épique que nous pouvons main­ tenant dire largement attesté, repérable dans P ; mis à mal dans H (SC,438-39) ; - la rime, signe de l’écriture narrative d’oc depuis le Boecis, dont on suit par simple comparaison juxtalinéaire des textes l’application maladroite en français (SC, 440-42). La cause nous semble jugée et le procès clos. Le seul élément qui pourrait faire naître le doute est que l’occitan soit premier dans un thème si étroitement lié à Saint-Denis et à la cour de Paris. Mais sur ce point, évitons la naïveté qui placerait la langue d’un texte médiéval en correspondance automatique avec une aire dialectale. Le motif peut être dynastique. Et sur ce point le Girart de Boussillon nous a instruit d’un événement qui domine toute la production épique du XIIe siècle : le passage du texte au service de la cause cistercienne-capétienne dans l’épisode vézelien du prêche de la deuxième croisade (SC, 377-78). La seule conséquence de cette démonstration est de placer Fierabras avec quelque probabilité après 1146 ou dans sa préparation.

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Meyer, Pfister, Hackett et autres : Girart de 'Roussillon La question est donc reposée à propos de cette chanson si hérissée de problèmes qu’est le Girart de Roussillon. Deux manuscrits (deux langues) sont en concurrence : P et O (éventuellement N). Or Meyer écrivait en 1861 (avant le blitz académique anti-occitan): «Le manuscrit de Paris doit leur (à O et N) être préféré, parce qu’il a sur eux l’immense avantage d’avoir été écrit par un méridional ; c’est celui-là qui doit servir de base à toute édition du poème base. » En 1884, les jeux étaient autrement faits. Il disait de P : « C’est le plus anciennement connu de nos mss., mais non le meilleur. » Et il éditait O (SC, 322-23). En 1953, Mary Hackett publie le même O, et écrit pourtant que P « mériterait d’être publié en entier ». Plus récemment deux romanistes occitans. Gouiran et M. de Combarieu du Grès ne s’interrogent plus sur P et reprennent le texte Hackett. Or, si P ne présente aucun problème linguistique majeur, O en fait un énorme aux chercheurs : il serait écrit en une “langue mêlée” Suivant l’habitude naïve, jamais corrigée, prise par les médiévistes, de chercher à identifier la langue d’un texte médiéval, soumis aux avatars de la transmission manuscrite, selon une dialectologie (moderne) de terrain, elle a balancé sur la limite oc-o'ü, du domaine francoprovençal au Poitou. A son examen, M. Pfister a consacré une thèse et des “Obser­ vations” (SC, 325), d’une très large information. M. Hackett lui avait consacré 102 pages, se contentant de 45 lignes pour celle de P, dont elle avait écrit : « Nous regrettons qu’il ne soit pas possible de donner son texte en face de celui de O ». Que ne l’a-t-elle fait ! Elle aurait évité à la philologie la plus étrange cavalcade dans l’impasse. La langue de O, c’est la “lettre volée”. On ne la voit pas, parce qu’elle crève les yeux. Pour la découvrir, il suffit d’appliquer à un texte non l’érudition étymologique vocable par vocable, mais la simple lecture textuelle. Ce que nous avons fait (328-31 et 397-422). On peut alors suivre le travail d’un scribe traducteur qui, comme pour le Fierabras, doit faire passer au français un système rimique occitan et qui bute aux obstacles : - l’obstacle majeur : la laisse tout entière nouée sur ses rimes non transférables, comme la DXXXII (SC, 408) en -as; le traducteur renonce et la redonne, à l’exception d’un fait dans le corps d’un vers ; - le faux obstacle inverse (SC, 329) : toutes les rimes occitanes sont transférables : ainsi dans XXXVIII -ada, qui pourrait être -ée. Pourtant le scribe renonce et se contente de -ade. Sa compétence ou son application sont bien faibles ! - l’obstacle ponctuel d’une seule forme non transférable comme civada, ou diada, qui suffit à garder -ade pour toute la laisse (LXXX) ou à jongler avec des formes fausses :prediche et giche pour predica etgica (VIII). On ajoute bien des cas de désarroi. On ajoute aussi que l’examen des rimes nous met en état de découvrir une véritable dynamique de l’incompétence : souvent la laisse française s’arrache du modèle occitan, mais y retombe ; En général ce sont les

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vers tout entiers des fins de laisses qui conservent l’occitan : se d’aiquesteparaula non desdisse^ = si d’aquestaparaula nos desdiset% Il ne nous restait plus qu’à opérer ce vis-à-vis que M. Hackett regrettait de ne pas faire. Au moins pour quelques laisses (SC, 411-17). La preuve était donnée. Preuve textuelle qui signifie en diachronie textuelle que, pour de grands textes témoins, l’oc a précédé le français, qui courait derrière lui, et bronchait souvent à le suivre. Cela pour une période qui dépasse le milieu du XIIe siècle, période où le français, fixé à l’assonance, n’a pas encore la rime. On remarque que c’est la période de l’essor de la lyrique occitane. Le français n’a pas encore eu ses trouvères.

Les philologues, la langue mêlée et l’auteur fantôme : le fragment d’Alexandre (fa,159-207) Une épave textuelle de 105 octosyllabes aura longuement occupé la philologie : le Fragment d’un poème sur Alexandre inséré dans un Codex de la Biblioteca Laurenziana de Florence. Personne ne met en doute sa haute antiquité. Le problème n’est plus là de l’antériorité du français sur l’occitan, mais, comme pour le Girart de Roussillon, de l’identité de cette langue mêlée. Problème qui a télescopé celui de l’auteur, désigné par un successeur germanique, le curé Lamprecht. La succession comporte aussi un texte en décasyllabe, en oïl, et l’énorme roman de Lambert le Tort. Le roi macédonien a été l’objet d’une production littéraire médiévale de première importance. Il est plus qu’irritant de ne pas savoir qui en a donné le branle et en quelle langue. Nous voilà de nouveau embarqués sur les bateaux errants de la philologie, et bien obligés de constater que leur errance tient souvent à la naïveté du nocher. Elle est ici triple. D’abord sur la langue. Langue mêlée, cela engage à l’habituelle quête des formes sur les données dialectologiques. Personne n’aurait identifié la langue comme textuelle, justiciable d’une analyse textuelle, et on aurait continué à balancer entre franco-provemçal et Poitou si G. Tuaillon, maître des études franco-pro­ vençales, n’avait pas en 1970 mis à l’ancre : le Fragment est écrit très majoritaire­ ment en occitan méridional. Ce qui trompe, ce sont des “salissures” franco-proven­ çales. Mais il ne réussit pas à convaincre le commun des indécis. Seconde naïveté : sur l’auteur. Lamprecht nomme Elberich von Bisewçun qui avait « in walischen gerihtit », “walischen” désignant toute langue romane. Et de chercher sur la carte entre Besançon et divers Pisançon. Seul Giusto Grion avait vu juste en 1872, mais dans une démonstration confuse que le féroce Meyer n’avait pas eu de mal à démolir. Et tout le monde continuait à ne pas lire une note de Kinzel, l’éditeur de Lamprecht, qui renvoyait à “von Bisenze maister Albrîch” cité par un anonyme du XVe siècle. Il n’y a pas de doute : cet Albéric est de Byzance, By^aniion, ce qui naturellement ne dit rien de précis sur son origine ni sur sa langue, qui n’est pas le grec. Troisième naïveté : sur la forme poétique, qui offrirait la particularité d’admettre l’assonance dans un ensemble rimé et des strophes, ou laisses de longueur inégale.

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Or, il suffit de lire le texte comme il est, pour s’apercevoir que sur les 15 strophes 9 sont de six vers monorimes, en particulier les 4 extérieures à la première période de 11 laisses. Les strophes aberrantes (I, II, III, VI, VII, XI) le sont par un excès de vers. Dès lors on peut tenter de les réduire à 6 vers, ce qui élimine la plupart des difficultés linguistiques ou sémantiques. Fait marquant, la première laisse, qui contient une contradiction que les éditeurs se sont efforcés de réduire, devient toute simple : L’Ecclésiaste dit bien que tout est vanité mais l’exemple d’Alexandre le Grand fait exception. Nous voici devant un débris textuel qui a souffert d’ajouts incongrus, d’inter­ ventions linguistiques diverses : toscan, français, peut-être même franco-provençal, mais dont il est facile de reconstruire l’authenticité. Celle-ci est occitane, Tuaillon est d’ailleurs revenu sur sa démonstration pour la confirmer. Fierabras, Girart de ’Roussillon, la lyrique, maintenant le Roman d’Alexandre : c’est un même milieu occitan, certainement aquitain qui a inventé les diverses formes du poème roman. L’oïl n’a fait que suivre, recouvrir, occulter.

Plongeon dans l’histoire et le texte : de Sainte Foi à Roland Sur la pièce maîtresse de l’“épopée nationale de la France”, le Roland, la philologie s’est lourdement trompée. Par aveuglement idéologique et en toute connaissance de cause, pourrait-on dire. Passons sur les tentatives aussi maladroites qu’osées pour rapatrier le texte anglo-normand (pourquoi ne dit-on pas simplement normand ?) chez les Capétiens. Il reste que le manuscrit reconnu le plus ancien et qui a servi de pivot à la généalogie textuelle comporte, outre la langue, un certain nombre de repères fondamentaux. Le principal est l’évocation de la France, précisément, au moment où meurt le héros. C’est un quadrilatère dont les sommets sont Saint-Michel-du-Péril, le port flamand de Wissant, Besançon, et les Saints (probablement Cologne) : la Neustrie (GR, I, 316), chère aux Normands qui en avaient hérité de l’Empire. Saint-Michel, la grande abbaye dynastique normande, est présente en des lieux multiples du poème. Le Saint du Péril lui-même est présent pour recueillir l’âme du preux. Un autre repère est Laon, la capitale des derniers Carolingiens. Le poème la choisit comme capitale de “notre Emperaire maigne”. La symbolique impériale culmine avec l’âge de celui-ci : deux cents ans, parce que l’usurpation de Hugues Capet borne l’Empire à deux siècles. Comment ne pas conclure avec Mireaux que l’épopée rolandienne est impériale légitimiste (GR, I, 318) ? Et cela suffit à placer l’épopée nationale française dans le camp anti-capétien ! Mais Roland lui-même n’est-il pas normand ? La confusion qui de lui est faite avec Rollon parle d’elle-même (GR, I, 308-12). Faire du héros d’une cause qui ne reconnaît pas le pouvoir capétien et qui ne cesse de lutter contre lui, le héros du royaume ennemi, c’est procéder à un singulier raccourci d’histoire : prendre la

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“douce France” sur sa frontière pyrénéenne pour une construction politique moderne. Mais sur cette frontière, si Roland est normand, qü’y font donc les Normands ? C’est sur ce point que l’histoire se resserre et que le titre bien abusif de M. Defourneaux, les Français en Espagne, doit être corrigé. Si l’on suit les grandes car­ rières normandes, de Roger de Toéni à Rotrou du Perche, il faut bien reconnaître que les intervenants normands ont tenu l’Espagne en main du XIe au milieu du XIIe siècle. Et puisque le poème rolandien a pour thème la croisade pour Saragosse et la prise de la cité sur l’Ebre, comment ne pas faire de ce Rotrou, qui reçut la moitié de la ville et en outre, un peu plus tard Tudèle, le visage d’histoire dans lequel Roland pouvait se mouler ? Mais les Normands ne sont pas seuls en ces lieux qu’ils conquièrent. A partager le nom de Francs, ou Français, qui fait pour nous confusion, il y a des Occitans, comme nous disons aujourd’hui. On sait bien maintenant que ces colons importés en Navarre, dits Franci ou Frandgenœ, étaient de langue d’oc méridionale, toulousaine majoritairement, et qu’ils l’ont installée dans les usages véhiculaires d’un pays dont le vernaculaire restait l’euskarien. Leurs textes civils ont été publiés. On connaît leur histoire depuis leur installation dans le quartier de Saint-Sernin à Pampelune, jusqu’à leur prise de parti pour la cause du roi de France qui alluma une terrible guerre anti­ basque dans la capitale navarraise. Pour ce qui est des guerriers, la fraternité d’armes des Occitans et des Normands, n’est pas que sur l’Ebre. Elle est aussi en Palestine, devant Antioche. La grande figure de Gaston de Béarn, dit le Croisé, accompagne ainsi celle de Rotrou, ce Gaston qui participa lui aussi à la prise de Saragosse et en eut l’autre moitié. Faut-il suivre Boissonnade jusqu’à voir dans le couple de Roland et d’Olivier la transfiguration héroïque de Gasron et Rotrou ? Nous ne saurions dire qu’elle n’a pas traversé l’élaboration du Roland. Un autre grand Occitan est à prendre en compte. Pierre d’Andouque, homme de Conques, a successivement occupé les sièges épiscopaux de Roda en Aragon et de Pampelune. Il a accompagné dans sa carrière l’essor de la maison navarraise sur le Chemin de Saint-Jacques et entretenu d’étroites relations avec son collègue Gelmlrez de Compostelle. C’est lui qui a fait consacrer la Navarre toute entière à la sainte de Conques et qui a installé à Pampelune les fameux “Francs”, qui étaient de sa langue. C’est aussi lui qui se porte témoin dans la cession qui est faite de l’hôtellerie de Burguete, sous Roncevaux, à son abbaye mère. Ainsi les preuves s’articulent entre elles pour placer derrière le texte normand du Roland une conjonction de Normands et d’Occitans sur les lieux mêmes de l’épopée, ainsi qu’une relation privilégiée de Conques, Pampelune et Roncevaux. Pour trouver les origines du poème oxonien, la critique a longtemps battu la campagne. Que ne s’est-elle préoccupé de l’histoire de la Reconquista et du monde clunisien ? Que ne s’est-elle placée tout entière sous cette localisation indubitable d’une genèse qu’est la fameuse Nota de San Millân de la Cogolla, abbaye dynastique navarraise, qui contient, à la fin du XIe siècle, le légendaire de Roncevaux, avec les noms de six des douze preux, dont Roland et Olivier (GR, 1,196-200). Reste à compléter la Nota par la preuve du nom de l’auteur non du poème, mais des gesta latins dont il se réclame. On l’a en identifiant le Turoldus du dernier vers de

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ce poème: Ci fait la geste que Turoldus declinet. On le trouve à Tudèle en 1128, chanoine de l’entourage de Rotrou (GR, I, 230). Preuves derrière le texte, Mais dans le texte, y en a-t-il ? C’est par là que notre recherche a commencé. Nous n’allons pas redonner ici une longue analyse (GR, I, 17-84). Disons simplement qu’en allant interroger à Conques le texte de la Chanson de Sainte Foi, nous y découvrions la preuve d’existence d’un poème doublon, héroïque et non plus religieux, désigné du nom d’un arbre symbolique, le pin, de thème espagnol et non pas aquitain, dansé en forme de tresca, connue celle-ci comme francesca sur le Chemin de Sant-Jacques. Les Francs de Navarre étaient au rendez-vous de Conques et du poème de Conques avec le texte perdu d’un UrRoland. Texte vraiment perdu ? La question est posée par le poème occitan de Ronsasvals découvert à Apt en 1911 dans un registre d’actes notariés de l’année 1398. Trop tard pour être inclus dans les ramifications du stemma où la méthode philologique avait déjà inscrit les autres textes rolandiens, fussent-ils gallois ou Scandinaves. Pas trop tard quand même pour Bédier, et surtout pas pour C. Segre qui donne en 1971 une édition monumentale qui reprend la recherche de Bédier. Curieuse tentative que cette édition. Elle complète systématiquement le texte d’Oxford par le texte du V4, pourtant si différent par la langue et l’époque. Mais un tel court-circuit textuel n’autorise pas la prise en considération par l’audacieux romaniste du Ronsasvals qui aurait bien d’autres raisons à l’être. Ainsi est effacé le lent travail que fit entre autres, Rita Lejeune sur les traces de lecture du poème qu’on croyait perdu, chez les troubadours, dans le Fragment d’Antioche et dans la Chanson de la Croisade albigeoise signé Guilhem de Tudèle. Ce n’est qu’en 1998 que Segre consent à s’intéresser au Ronsasvals (ScC, 520) mais c’est pour l’intégrer à une textualité essentiellement française, sans prêter attention à une ligne directe de descendance que les traces suggéraient. Rebondissement bien tardif du préjugé anti-occitan ? Ronsasvals ne peut qu’être “una propaggine” d’un Roland français rimé. Nous avons pour notre part analysé ce texte, qui nous est apparu capital pour atteindre le sens premier de ce que nous appelons la “cérémonie rolandienne” (GR, II, 185-203). Car il y eut cérémonie rolandienne, au moins projetée, parallèle à celle de Conques, et la preuve en est dans le fait que le tronc du texte d’Oxford, l’épisode de Roncevaux, est la triplication arithmétique du schéma de Sainte Foi (GR, I, 23156). A cela Segre lui-même nous conduisait : c’est lui qui a découvert la composition périodique undécimale dans le texte de Conques, mais il a buté sur une inadéquation du découpage narratif, a dérivé vers une interprétation symbolico-mystique et a ainsi “manqué” la tresca même, que nous avons reconnue présente dans l’architecture du sanctuaire comme dans celle du poème (GR, I, 61-84). Un Ur-Roland doublant Sainte Foi, les traces de transmission qu’il laisse, parmi lesquelles celles de Guilhem de Tudèle, l’hypothèse “forte” de la tresca rebâtie, le Ronsasvals ; tout cela doublé des enseignements d’une histoire précise, en des lieux précis, avec des personnages attestés conduit à faire de la Tudèle de Rotrou le lieu où le texte premier, qui, une fois de plus, est occitan, se triple et se recompose en

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langue d’oïl, qui est ici non français de France, mais langue normande. Saint-Denis pourra ensuite en faire sa chose (GR, 11,158-64). Entre le Roland d’Oxford et la Chanson de Guilhem de Tudèle il y a environ trois quarts de siècle, un retour à la langue occitane, si jamais elle a été abandonnée (l’absence de témoins n’est pas obligatoirement déperdition). Il y a très certaine­ ment, à l’intérieur d’une “école de Tudèle” occitano-normande de la narrativité poétique échanges entre deux traditions. Il est facile de voir formellement, ce qu’est la première, celle des clunisiens d’oc. Depuis la date ancienne du Boecis limousin elle choisit la laisse et la rime. Elle hésite entre le décasyllabe (Boecis) et l’octosyllabe (Sainte Foi) La seconde, bien peu documentée, a choisi au niveau de la Vie de Saint Alexis la strophe et l’assonance (GR, I, 56), ainsi que le décasyllabe. Sainte Foi et Saint Alexis marquent ainsi une divergence stylistique autant que linguistique de la fin du XIe siècle, qui sert de socle double à une création du XIIe. S’il faut mettre en dialogue Sainte Foi et le Rasland., il faut reconnaître un changement en déséquilibre. Sainte Foi garde sa laisse, la rime, et se structure dans un moule d’octosyllabes. Saint Alexis garde l’assonance dans un moule conservé de décasyllabes. Mais il adopte la laisse et reconduit la structure de Sainte Foi. La comparaison suffit à prouver dans quel sens est la dérivation. Le seul élément qui s’ajoute à cette dérivation et la complique, est cet Ur-Roland, dont nous croyons cependant l’existence “en blanc” bien prouvée. Mais l’analyse récente du Fragment dAlexandre nous prouve en outre qu’un autre modèle entre en fonctionnement en occitan : la strophe rimée de six vers, le Saint Alexis en a cinq), cependant que la période undécimale affirme sa présence.

Dernière preuve occitane : le fragment d’une chanson d’Antioche Un autre texte nous sollicite : le fragment d’une Chanson dAntioche, que nous avions analysé en 1991 (GR, II, 111-29), mais qu’une publication récente, celle de Linda Paterson nous engage à reconsidérer. Pour une fois, voici que les conditions et la date d’élaboration se précisent : Un chevalier, Gregorius Bechada, a composé sur le siège d’Antioche, à la demande de l’évêque Eustorge de Limoges et sous le regard du fameux croisé normand Golfier de Lastours un “énorme volume” dans sa langue, en “ritmo vulgari”, ce dernier terme désignant la prosodie accentuelle, et non quantitative qui est apparue en latin et règne en roman. Les dates de l’épiscopat d’Eustorge (1106-1137), servent de repère. Carol Sweetenham (CA, 2) suppose que c’est à la suite du pèlerinage que Bohémond (libéré par les Musulmans trois ans avant) fit en 1106 précisément à Saint Léonard de Noblat que l’œuvre fut entreprise. On est avant l’offensive finale contre Saragosse, l’installation de Rotrou à Tudèle, avant Turoldus, dans le moment, pouvons-nous penser où le Roland normand n’a pas encore été écrit. Dans ces conditions, nous noterons, sans nous en étonner outre mesure, que normalement la structure périodique pouvait passer à cette œuvre

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nouvelle (le Fragment le prouve, GR, II, 124-25). Si l’œuvre était aussi énorme que le dit Geoffroy de Vigeois, il faut imaginer que Bechada y ait travaillé plusieurs années et que son travail nous rapproche du temps de la normandisation rolandienne : Eustorge était toujours évêque quand Rotrou reçut Tudèle et Turoldus une mosquée. Mais il y a une preuve de plus d’un pont entre Roland et Antioche. Le poème de Bechada fait allusion à Olivier et Roland. Or celui-ci est nommé à l’occitane Rotlan. En un autre lieu du poème il cite dix noms parmi ceux des douze pairs, où Turpin est intégré et Ogier absent. Il est question de la trahison, non de Ganelon, mais d’un “vieux Aquilan”, qui pourrait être YAguilan de Guilhem de Tudèle et du Ronsasvals, le Guilan de ce même Ronsasvak. Si Bechada et le Normand réfecteur du Roland occitan travaillent en contemporanéité, il ne semble pas qu’ils usent d’une même fidélité à un même texte. Nous n’accumulerons pas les arguments. Antioche et Roland se ressemblent et divergent. Le premier doit s’inscrire dans une continuité de création occitane. Le second innove tout en imitant. Mais il y a la question des rimes françaises. Nous avons été le premier à faire remarquer que la prétendue francisation de la langue épique d’oc était une autre étourderie que les philologues ont reprise, de l’un à l’autre. Nous appuyant sur des textes divers nous avons montré qu’il s’agit de rimes, et de rimes seulement. C’est en somme l’inverse du phénomène détecté dans le Fierabras et le Girart de Roussillon, où le français rhabille l’occitan à partir de la rime que celui-ci lui fournit. Ici, c’est un occitan conservé qui se permet des rimes françaises, selon un mécanisme d’emprunt qui n’a rien à voir avec un phénomène de traduction juxtalinéaire : dans un espace de création. Mais notre analyse a sans doute été insuffisante pour Antioche. Que sont ces rimes en définitive ? gamimans, dans (dents), guirans, aisamans, sans (cens), groupées dans la laisse XVII, curieusement au moment de l’évocation de Roland. Rien de plus. A cela s’oppose l’énorme laisse XI (75 vers) où tous les mots à la rime sont en -en et authentiquement occitans (à part peut-être le sanglent du v. 335). Il est difficile de dire ce que pouvait être la francisation rimique dans un long poème, sur la foi d’un fragment de 707 vers. Mais reconnaissons que le procédé est donné par le fragment. Donné, sans plus. Si nous comparons au poème de Guilhem de Tudèle, la différence est grande : la francisation -ant pour -en(t) dévore véritablement les laisses IV, XXHI, LXXII, XCIII, CIX de celui-ci. Son caractère arbitraire se détecte à la permanence et la soli­ dité par plaques de -ent. Il s’agit bien de ce que nous avions repéré : une facilité apportée à la rime dans un cadre d’ensemble qui demeure occitan. Mais à -ant, Guilhem ajoute de nombreuses autres francisations : -eti^ pour -ats, -er pour -ar et le désordre -ea, -eya, -ia pour -ada, fabriquant des monstres comme vegea, vegeia, vegia pour vegada. C’est sans doute qu’entre la rédaction de YAntioche et la sienne, les décennies écoulées ont assuré le succès du texte normand du Roland, à Tudèle spécialement, où il se formait, et que la mode s’était installée de ces rimes d’oïl, dont l’épique occitane allait faire un tel usage que le francisme devenait caractéristique d’un métier

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d’oc. Il faut tenir compte aussi de l’espacement temporel entre création et transmission manuscrite. Le Fragment d’Antioche, passé par Roda, est de la fin du XIIe siècle (Meyer) ou du début du XIIIe (Paterson). Assez tard pour qu’il ait enre­ gistré une mode que peut-être Bechada ne connaissait pas. Linda Paterson tire argument du phénomène pour supposer une, ou même deux chansons d’Antioche en français. Il ne nous semble pas qu’il l’y autorise à lui seul. Elle s’appuie aussi sur la dérivation qu’on signale ordinairement et qui mène de l’œuvre en latin d’un clerc “provencel” à l’Archevêque de Dol et à Graindor de Douai, en passant par un Richard le Pèlerin. Nous avons, comme d’autres, étudié cette filiation complexe où les chroniques croisent les poèmes (GR, II, 113-23). Je persiste à penser tout cela géographiquement comme linguistiquement étranger à une ligne directe qui va de Sainte Foi à Roland, à la Chanson de la croisade et à la Chanson de la Guerre de Navarre. Sur cette ligne, loin de nous faire dériver, le Fragment d’Antioche est le jalon manquant, une jointure essentielle où se confirme de nouvelle preuve que l’école de Tudèle-Aquitaine a bien inventé la poésie narrative et héroïque romane. Il faut en tout cas remercier Linda Paterson de sa conclusion : « Tout ceci n’enlève absolument rien à l’originalité et à la précocité de la poésie historiogra­ phique occitane —au contraire. C’est Bechada le premier auteur connu d’une œuvre d’histoire médiévale en langue vulgaire. » Quand on pense que S. Duparc-Quioc dans son édition de la chanson française, faisait en 1977-78, en toute innocence ethnocentrique, de la Cançon d’Antioche occitane une simple dérivation du poème français !

Références CA = L. Paterson, « La “Canso d’Antioca” occitane : gallicismes phonologiques et histoire textuelle », communication au Colloque de IA .I.E .O ., L’Aquila, juin 2001 (non encore publiée) Duparc-Quioc, S. 1977-78. La Chanson d’Antioche, 2 vol., Paris: Geuthner. FA = R. Lafont, « Nouveau regard sur le “Fragment d’Alexandre” », Revue de Linguistique Romane 66 (2002), pp. 159-207 GR = R. Lafont, La Geste de Roland, 2 vol., Paris : L’Harmattan, 1991 SC = R. Lafont, La Source sur le Chemin, Paris : L’Harmattan, 2002

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Une jalousie particulière : la “reina de Fransa” dans le roman de Flamenca Lucia Lazzerini

1. L’identité de la reine de France et le “calendrier” de Flamenca Sur l’identité du couple royal de France qui, dans le roman de Vlamenca, prend part aux fêtes organisées par Archimbaut de Bourbon à l’occasion de son mariage avec la jolie fille du comte Gui de Nemurs, les savants qui ont étudié les problèmes de la chronologie et des rapports entre fiction et histoire dans le récit ne sont pas d’accord. L’hypothèse la plus récente1 y voit Philippe II Auguste et sa femme : mais cette solution, comme nous le constaterons tout de suite, n’est pas satisfaisante. Selon Alberto Limentani, au contraire, les personnages du roi et de la reine seraient fictifs et non historiques (« ... nella posizione elevata che loro compete, il re e la regina : riduzioni realistiche di Artù e Ginevra, perô in un anonimato che eredita 0 carattere astratto e simbolico délia funzione monarchica ») :2 mais cette opinion aussi est à repousser. L’anonymat présumé n’existe qu’aux yeux des lecteurs modernes, qui n’ont pas eu, jusqu’à présent, une vue assez perçante pour découvrir, sous l’apparence “abstraite et symbolique”, la physionomie réelle des souverains et en même temps la satire piquante, bien que dissimulée, de l’auteur. Le problème s’avère d’autant plus intéressant que de l’identification correcte de la “reina de Fransa” découle la bonne interprétation de quelques énigmes proposées par cet extraordinaire texte occitan ; on verra d’autre part que les vers ne présentant ainsi

1 Cf. Liemacher Riebold 1997, p. 89, à propos des w . 369-76, où l’auteur nous dit de l’invitation à la fête de mariage adressée au roi par Archimbaut avec la prière d’accompagner Flamenca à Bourbon (« Messages mand’al rei de Franza / e prega i fort que il faza onranza / ques a sa cort venga dese / e la reina i ame : / e, si i plazia ques ânes / dreg per Nemurs et amenés / Flamencha, bon grat l’en sabria : / per tostems gazanat l’auria ») : «... vers la fin du X IIe siècle (époque à laquelle l’on suppose que se déroule l’action décrite), Philippe-Auguste dut souvent se déplacer pour aller mater quelque grand vassal ou quelque ville rebelle, et on le trouve en particulier dans l’Artois et dans d’autres régions du Nord. Ceci dit, si le personnage du roi se référait au roi Philippe-Auguste, il se peut qu’il se soit trouvé dans une région septentrionale lorsqu’il reçut la requête d’Archimbaut ». Les passages de Flamenca sont tirés de l’édition critique préparée par Roberta Manetti pour la Concordance de l’occitan médiéval (COM) de P. T. Ricketts et pour le site Rialto (www. rialto.unina.it). 2 Cfr. Limentani 1965, p. xxx.

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plus de mystères confirment les données historiques et la chronologie interne du j récit. 1 Les événements de Flamenca (en particulier en ce qui concerne Yaventura des deux amants) suivent un calendrier minutieusement exposé, avec une correspondance j constante entre les rencontres amoureuses et les fêtes religieuses. Depuis ' longtemps —à partir de l’article où Charles-Jules Revillout3 mettait en évidence la rigueur avec laquelle l’auteur date les étapes du domnei et appelait l’attention des lecteurs sur la fête de Pâques, qui s’avère tomber, dans le roman, le 23 avril —les . occitanistes ont vu dans cette date de Pascha, qui n’est sûrement pas attribuable au ; hasard, le point de départ pour la reconstruction d’une chronologie interne. Il s’agit en effet d’un élément précis fixant la datation possible des rendez-vous liturgiques/érotiques des deux amants aux années 1139 (époque manifestement trop archaïque), 1223, 1234 : mais c’est la dernière hypothèse, celle du dimanche 23 avril ' de l’année 1234, qu’il faut privilégier, et qui nous permet de faire remonter l’histoire de Flamenca aux années 1232-1235. Philippe II Auguste est évidemment hors cause : c’était bien saint Louis qui régnait sur la France à cette époque. Mais si le mariage d’Axchimbaut et Flamenca ! et, par conséquent, la scène de jalousie de la reine de France ont lieu en 1232, nous avons à faire avec un roi célibataire (les noces de Louis IX avec Marguerite de : Provence ne seront célébrées qu’en 1234). Quelle est donc la solution du rébus ?

2. Un vers énigmatique : « .. .d’una enfors » N ’Archimbaut, comme nous le savons, n’a pas lésiné sur les dépenses : la cour réunie à Bourbon est magnifique. Après le somptueux repas, les spectacles des jongleurs et les danses, les hommes s’arment pour la joute, tandis que les dames s’assoient aux fenêtres : de là-haut, elles verront leurs soupirants s’affronter et lutter âprement. Parmi les chevaliers qui vont croiser le fer, le roi de France se distingue par sa prestance : il a fixé, au haut de sa lance, une manche d’une dame inconnue. Un gage d’amour ? La reine en est troublée, la jalousie qui s’insinue dans son esprit donne un corps à ses fantasmes, et c’est le corps souple et charmant de Flamenca (w. 805-22) : Cel jorn portet armas le reis, et die vos ben non foron treis que mieilz las portesson de lui. Una marcha de non sai cui ac lassat el som de la lanza : li reïna non fes semblanza que mal li fos, pero ben sap que la manega no i es [per] gap, car senhals es de drudaria. Suavet dis que, s’il sabia 3 Revillout 1875.

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En cejour le roiporta les armes, etje vous assure qu’on n’eûtpas trouvé trois chevaliers qui lesportassent de meilleur air que lui. Il avait ajusté au bout de sa lance me manche deje ne sais qui : la reine nefit pointparaître qu ’elle enfû t affligée, pourtant elle savait bien que la manche n 'étaitpoint làpar badinage, puisque c’est une enseigne amoureuse. Tout bas elle se dit que si elle savait

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don l’avia le reis aüda, caramen séria venduda a tota dona, d’una en fors. De Flamenca li di se cors qu’il Fagues la mamga donada. No *s pesset ver cella vegada li reïna, pero si manda a n’Archimbaut qu’il lo demanda.

qui l'a donnée au roi, elle laferait bienpayer à n'importe quelle dame, excepté une. Son cœur lui disait que c'était Flamenca qui avait offert sa manche. Elle se trompait en cette occasion, la reine :pourtant ellefit dire à Arckambaut qu'elle désirait luiparler.4

Dans son tête-à-tête avec Archimbaut la reine exprime toute sa colère (w. 85763) : Jes li reïna non s’oblida,5 anz fon dolenta e marrida e dis : « N’Archimbaut, bels amix, non fai le reis mout ques enix quan, vesen mi, porta seinal de drudaria ? trop i fail vaus mi e vaus vos eissamen ».

La reine neperditpas de temps. Toute dolente et d'un air marri : « SeigneurArchimbaut, dit elle, bel ami, le roi n 'agit-ilpas bien mal quand ilporte ainsi, sous mesyeux, une enseigne d'amour ? C'est manquergrandement à vous comme à moi »

Archimbaut a beau défendre l’innocence du roi en soutenant, d’accord avec l’auteur,6 son interprétation ludique et courtoise : « qu’el fai per joia mostrar » (v. 876) e « qu’alres non es mais plas deportz » (v. 877), pur divertissement, jeu galant ; elle instillera le poison du doute dans le cœur du nouvel époux. Selon toute apparence, la reine parle en épouse aigrie par le soupçon du cocuage : la correspondance semblerait parfaite entre les deux couples, d’un côté le roi qui s’amuse avec Flamenca d’un déport ambigu, moitié badin moitié érotique, et sa femme qui scrute dolenta e marrida ces galanteries : de l’autre Flamenca, qui semble jouer le jeu du souverain, et Archimbaut, mari vraisemblablement trompé. Le parallèle se révèle encore plus évident aux w . 939-44, où c’est le geste un peu trop confidentiel, pour ainsi dire, du roi qui attise la crainte de l’adultère : le reis s’en eis e men’ap se Flamenc’e 1 ten la man el se cais per vesadura privada ; li reïna fon mout irada e N’Archimbaut ben atretan, mais noca n fes autre semblan.

le rot sortit, reconduisant Flamenca, et, commepar habitudefamilière, il lui mit la main au sein. Fa reine enfu t très irritée, etArchimbautpour le moins autant, mais à aucun moment il ne lefit autrementparaître.

4 Trad. Lavaud et Nelli 1960. 5 L’hypothèse d’un souvenir marcabrunien (X XV I, Ges l’estomels non s’ublida) est faible, car il s’agit d’une formule usuelle (cf. Flamenca, w . 795, 3107, 5987). 6 Cf. w . 979-89: « Al vinten jom s’en départi / le reis e l’autre atressi. / Li reïna non volgra jes / li cortz dures ancar u mes, / car be -s cuja certanamen / li reis am Flamenca per sen : / mas el non l’ama per amor, / anz cujet far moût gran onor [ms. : amor, rime identique] / a N’Archimbaut quan l’abrassava / vezen sos ueils e la baisava, / car negun mal el no i enten » [Au vingtième jour le roi /et les autres invités se retirèrent. / La reine n’eût pas voulu / que la cour durât encore un mois, / car elle était bien persua­ dée / que le roi était sérieusement amoureux de Flamenca. / Pourtant il ne l’aimait point d’amour : / au contraire, il croyait faire un très grand honneur / au seigneur Archambaut, quand, en sa présence, / il pressait dans ses bras sa femme et lui donnait un baiser : / il n’y entendait aucun mal. (Lavaud et Nelli)].

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Cette jalousie conjugale a paru tellement sûre et incontestable que certains traducteurs n’ont pas hésité à manipuler par conséquent la lettre du texte. Voici l’épisode des nouveaux chevaliers, adoubés par Archimbaut à l’occasion des fêtes nuptiales, qui se présentent au roi pour lui rendre hommage (w. 795-804) : e -1reis donet lur per estrena qu’en amor fus lur majer pena, et li reïna confermet lo dig del rei : als non lur det. (w. 801-804) Traduction de Lavaud/Nelli : « [le roi] pour étrenne leur souhaita / qu’en amour fut leur plus grande peine. / Et la reine ne leur fit d’autre don / que de confirmer la parole de son époux », où le roi est devenu “époux” pour un très respectable motif, à savoir pour éviter la répétition du mot roi : malheureusement, le soin de l’élégance stylistique l’a emporté sur celui de l’exactitude. Mais revenons aux w . 816-17 et au menaçant propos de la reine de faire bien chèrement payer la manche incriminée « a tota dona, d’una en fors ». Il faut reconnaître à Lavaud/Nelli le mérite d’avoir signalé la difficulté interprétative concernant d’una en fors : « elle même, au cas où à son insu le roi aurait pris la manche d’un de ses vêtements (?). La suite ne nous apprendra rien sur la ‘provenance et l’intention’ de cette manche, qui n’est sans doute pour le roi que le symbole ‘gratuit’ de la joie d’amour » (p. 686). On conviendra que l’hypothèse de la manche prise en cachette par le roi du garde-robe de sa (présumée) femme et que la légitime propriétaire ne reconnaît pas tout de suite paraît assez bizarre, bien que pleinement acceptée par Jean-Charles Huchet (« La reine murmura à voix basse que, si elle parvenait à connaître la provenance de cette manche, elle la ferait chèrement payer à toute dame, à l’exception d’une seule : elle même »)7 et par Luciana Cocito.8 D ’autre part, si la solution du problème n’est pas brillante, néanmoins le raisonnement est impeccable : quelle épouse serait jamais disposée à faire une exception en cas d’adultère, à tolérer une rivale ? A quelle dame donnerait-elle licence de lui faire porter des cornes ? Il n’y a qu’une réponse acceptable : la “reina de Fransa” n’est pas l’épouse du roi : elle est sa mère (on sait du reste que pendant la période où il y eut trois reines en France, Ingeburge {alias Isambour)9 - la Danoise veuve de Philippe Auguste -, Blanche de Castille et Marguerite de Provence, seule Blanche fut appelée la reine tout court, tandis qu’Ingeburge était la reine d’Orléans et Marguerite lajeune reine ;10 mais en 1232 cette dernière n’était pas encore entrée dans la famille capétienne). Le couple royal de Flamenca n’est donc que “l’étrange couple royal”11 formé par Saint Louis et sa mère Blanche, une femme forte et courageuse qui avait su tenir tête et surmonter

7 Huchet 1988. 8 « Mormora a bassa voce che, se riesce a sapere da chi il re l’ha ricevuta, la farà pagare cara a qualunque donna che non sia se stessa» (Cocito 1988, p. 39). Gschwind 1976, vol. Il, p. 88, se borne à citer l’interprétation de Lavaud et Nelli 1960. 5 Voir, à ce propos, Pernoud 1972, p. 24. 10LeGoff 1996, p. 95. n Md., p. 517.

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les dangers de sa difficile condition de veuve avec un fils mineur menacé par la révolte des grands vassaux déloyaux. Dans le personnage de la reina nous décou­ vrons le caractère de la veuve de Louis VIII tel que les chroniqueurs contemporains l’ont peint : c’est bien le portrait de l’autoritaire, envahissante “Espagnole” à laquelle des calomniateurs aguerris n’ont épargné ni leurs traits empoisonnés ni leurs cancans. En cette année que nous avons indiquée comme la date la plus probable du mariage de Flamenca avec le seigneur de Bourbon, le roi a dix-huit ans, sa future épouse, Marguerite de Provence, à peine onze, « et c’est peut-être aussi une raison du mariage relativement tardif de Louis qui aurait attendu que l’épouse convoitée soit en état d’être physiquement apte au mariage ».12 Mais les murmures de cour accusaient la reine de retarder le mariage de son fils pour mieux garder son ascendant sur lui et son pouvoir dans les affaires du royaume (ce qu’on a défini une sorte de “coroyauté”, ou “monarchie bicéphale”) ; on jasait aussi de son affection morbide pour Louis. Plusieurs historiens ont attribué à Blanche de Castille le projet des noces avec la belle Provençale :13 même s’ils ont tort, comme le soutient Gérard Sivéry,14 il est intéressant de constater que l’Anonyme de Flamenca non seulement partage leur opinion, mais il fait remonter le dessein de la reine à 1232 ; car ce doit être la fille de Raymond Bérenger V et de Béatrice de Savoie (fiancée in pectore dans le plan politico-dynastique de la reine mère) la seule amie autorisée à donner sa manche au roi : en un mot, Vuna dont il est question au v. 817. La réaction furieuse de la reina à la vue de la manche et des tendresses (que Flamenca semble ne pas dédaigner) nous évoque “l’histoire singulière” d’un amour maternel passionné, excessif, obsédant : En ces dures années [de la régence de Blancbë\ se noua un lien intime et profond entre la mère et le fils. Au lendemain même de la mort de Louis VIII, elle emmena l’enfant pour être sacré à Reims dans un voyage en charrette pénible et risqué dont une miniature du début du xrvc siècle nous a laissé l’image. Louis a gardé le souvenir de sa mère et lui pleins de crainte, terrés dans le château de Montlhéry, jusqu’à ce que les Parisiens en armes viennent les chercher et les accompagnent jusqu’à la capitale au milieu des encouragements du peuple se pressant sur leur passage. De tels souvenirs créent des liens indissolubles. Ils renforcèrent l’éducation assidue donnée par Blanche à son fils, et firent accepter la pratique de confier le gouvernement du royaume à la mère, en accord avec son fils. Ainsi a débuté l’histoire singulière, unique dans les annales de la France, d’un tel amour entre le roi et sa mère : d’une telle puissance, aussi, de la mère, même après la majorité de son fils.15

12Ibid., p. 131. 13 « Ci vous disons du Roi de France qui était en l’âge de vingt ans. La reine eut conseil de le marier et il prit à femme la fille du comte de Provence », écrit, par exemple, le Ménestrel de Reims. Cfr. Le Goff, 1996, p. 379. 14 Sivéry 1987, chap. II. 15 Le Goff 1996, pp. 713-14.

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3. « ... rivala e sogra » La figure de la reina de Fransa dans le roman de Flamenca n’est pas agréable. Elle apparaît méchante, acharnée à exciter en Archimbaut la même jalousie qui la dévore. Or, nous savons que pour Blanche de Castille les chroniqueurs médiévaux ne montrent généralement aucune sympathie. C’est le cas de Matthieu Paris, qui se fait volontiers l’écho des calomnies répandues sur la reine par la noblesse française ;16 Joinville non plus ne semble pas porter la reine mère dans son cœur, alors qu’il exprime une admiration et une affection inconditionnées à l’égard de Louis et de Marguerite. Même dans les louanges de Geoffroy de Beaulieu on entrevoit quelque chose d’ambigu : en effet, si Blanche a fait preuve de force, de courage, de rectitude pendant sa régence, c’est parce qu’elle est douée d’un masculinum animum : en tant que tota virago, ses vertus sont inséparables d’une certaine dureté. Les durte% juste­ ment, dont parle Joinville,17 qui n’a pas hésité à raconter ce qui se passait dans le palais royal et à révéler des épisodes qui nous éclairent sur les mauvais rapports entre Blanche et sa bru : [606] La royne Blanche ne vouloit soufrir a son pooir que son filz feust en la compaingnie sa femme ne mez que le soir quant il aloit coucher avec li. Les hostiex la ou il plesoit miex a demourer, c’estoit a Pontoise, entre le roy et la royne, pour ce que la chambre le roy estoit desus et la chambre la royne estoit desous. [607] Et avoient ainsi acordé leur besoigne que il tenoient leur parlement en une viz qui descendoit de l’une chambre en l’autre : et avoient leur besoignes si atirees que quant les huissiers veoient venir la royne en la chambre le roy son filz, il batoient les huis de leur verges, et le roy s’en venoit courant en sa chambre pour ce que sa mere l’i trouvast : et ainsi refesoient les huissiers de la chambre la royne Marguerite, quand la royne Blanche y venoit, pour ce qu’elle y trouvast la royne Marguerite. Mais il y a encore pire : [608] Une foiz estoit le roy decoste la royne sa femme, et estoit en trop grant péril de mort pour ce qu’elle estoit bleciee d’un enfant qu’elle avoit eu. La vint la royne Blanche, et prist son filz par la main et li dit : « Venés vous en, vous ne fetes riens ci ». Quant la royne Marguerite vit que la mere en menoit le roy, elle s’escria : « Helas ! Vous ne me lairés veoir mon seigneur ne morte ne vive ! ». Et lors elle se pasma, et cuida l’en qu’elle feust morte : et le roy, qui cuida qu’elle se mourut, retourna, et a grant peinne la remist l’en a point. Blanche de Castille, « agressive et insupportable dans l’anecdote précédente, ... est ici méchante, franchement odieuse »,18 On pourrait s’interroger sur les raisons de ces cruautés, sans trouver d’explications vraiment satisfaisantes : «Jalousie d’une mère pour l’étrangère qui avait pris le cœur de son fils ? Crainte que la Provençale ne prît trop d’empire sur son mari, si celui-ci l’entretenait des affaires du royaume ? Méfiance envers une jeune femme fort séduisante, mais dont elle n’appréciait pas

16 Le Goff 1996, p. 437. 17 Éd. Monfrin 1998, p. 300 (§ 606). 18 Le Goff 1996, p. 718.

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pleinement le caractère ? »19 Quant à Joinville, il n’avait pas, lui non plus, le cœur très tendre, s’il en arriva à reprocher au roi accablé par la mort de sa mère la mani­ festation de son affliction : « A sénéchal, j’ai perdue ma mere ». Etje luy respondi : « [604] Sire, je ne m’en merveille pas, fis je, que a mourir avoit elle. Mes je me merveille que vous, qui estes un sage home, avez mené si grant deul. Car vous savez que le Sage dit que mesaise que l’omme ait ou cuer ne li doit paroir au visage ». Bien entendu, ayant vu Marguerite en larmes après l’annonce du décès de la reine Blanche, 0 ne put se passer d’exprimer sa surprise : [605] je la trovai que elle plouroit : et je li dis que voir dit celi qui dit que l’en ne doit femme croire, « car ce estoit la femme que vous plus haiés qui est morte et vous en menez tel deul ». Et elle me dit que ce n’estoit pas pour li que elle ploroit, mes pour la mesaise que le roy avoit du deul que il menoit. Une constatation s’impose : « Le conflit entre les deux femmes était donc de notoriété publique ».20 Personne, jusqu’à présent, n’a observé que dans Flamenca aussi il y a une allusion à la mésentente qui s’était installée entre Marguerite et sa belle-mère. Voici le passage où Flamenca, emprisonnée par Archimbaut et déjà courtisée par Guillem de Nivers déguisé en clerc, se plaint de sa piètre condition (w. 4166-78 ; trad. Lavaud/Nelli) : «... Sanglot e sospir e badaill, caitivers, destrechas e plors, tristors de cor et amarors so mei vezi e mei privât, e n’Archimbautz, c’ap mi -s combat, non sap per que, la nug e 1 dia, e per mon vol morta m’auria. Be m fora melz esclava fos ab Erminis o ab Grifos, en Corsega o en Sardeina, e que tires peira o leina, car per rem pejurar no m pogra, s’agues neis rivala e sogra ».

« ... Sanglots, soupirs, bâillements énervés, afflictions, angoisses etpleurs, tristesse de cœur et amertume sont mes voisins et mes compagnons, avec le seigneurArchambaut qui toujours mefait la guerre, sans savoirpourquoi, la nuit et lejour, et qui devrait m’avoir tuée si mes vaux étaient exaucés. Mieux vaudraitpour moi être esclave parmi les Arméniens ou les Grecs, en Corse ou en Sardaigne, condamnée à traîner despierres ou du bois : mon sort nepourrait êtrepire que ce qu’il est, eussêje même une rivale et une belle-mire ! »

“Une rivale et une belle-mère” (expression dont il n’est pas aisé de saisir la signification, étant donné que presque toutes les jeunes femmes mariées ont une belle-mère)21 ou plutôt - cela oui, véritable comble de malheur —“une rivale dans

19 Richard 1983, p. 126. Pemoud 1972, pp. 215-16, a fait des observations intelligentes sur ce point : « Blanche, épouse et mère parfaite, est de toute évidence une belle-mère difficile. L’explication qui vient tout naturellement à la pensée, en notre époque formée par la psychanalyse, se trouve écartée le plus simplement du monde par la remarque de Joinville qui a le génie des vérités abruptes [...]. Blanche n’en veut nullement à Marguerite d’être la femme de Louis : elle lui en veut du temps que son fils dérobe pour elle —simple fillette sans compétence - à ses devoirs de roi ». 20 Richard 1983, p. 126. 21 Mais personne ne s’est posé la question de l’étrange binôme rivala-sogra. Infidèle au texte, la traduction « a rival or a mother-in-law » (Blodgett 1995, p. 217) ne résout aucun problème.

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ma belle-mère” (e ne représenterait pas et, mais un en où n instable est tombé), comme il était arrivé à la pauvre Marguerite de Provence ? Deux mots foudroyants, une flèche empoisonnée qui insinue même un soupçon d’inceste ; une malveillance évidente, bien que demeurée jusqu’ici inaperçue, qui nous apparaît être un docu­ ment historique d’un intérêt insoupçonné. Elle nous autorise à relire certains passages de Flamenca à la lumière d’un esprit hostile dont la reine mère est la cible privilégiée, mais qui probablement effleure le roi aussi (et qui n’a rien d’étonnant dans l’Occitanie francophobe de l’époque post-albigeoise). Une ironie perçante transpire à travers les w . 801-4 : le couple royal n’y brille pas par sa générosité. La seule estrena donnée par le souverain français aux nouveaux chevaliers est, comme nous l’avons déjà vu, le peu dispendieux souhait « qu’en amor fus lur majer pena » : quant à la reine, elle se montre aussi munificente que le roi en confirmant « lo dig del rei : als non lur det ». Où est-elle passée la larguera d’antan, l’une des valeurs courtoises les plus exaltées par les troubadours ? Il est vrai qu’on ne pourrait pas taxer le roi d’avarice. Les chroniqueurs contemporains nous énumèrent avec admiration ses œuvres de miséricorde : la distribution de viande ou de poisson aux malades de l’abbaye de Royaumont ; la construction à ses frais de l’hôpital de Vernon ; la fondation à Paris d’un hospice pour les aveugles (« Domum vero magnam caecorum pauperum Parisius construi fecit, ubi plusquam trecenti quinquaginta caeci pauperes commorantur »).22 Ci at chantei nete et pure, aurait dit Rutebeuf :23 mais c’est justement de la caritas, vertu chrétienne, pas de la largue^a, vertu courtoise. « Tu n’est que le roi des frères », cria un jour à saint Louis (l’anec­ dote est racontée par Guillaume de Saint-Pathus) une femme appelée Sarrete.24 Selon les biographes (ou, pour mieux dire, les hagiographes) du benoiet roi, la générosité des aumônes25 ne portait pas préjudice à la magnificence de la cour («Ja pour les grans despens que le roy fesoit en aumosne ne lessoit il pas a faire grans despens en son hostel chascun jour. Largement et liberalment se contenoit le roy aus parlemens et aus assemblées des barons et des chevaliers... »).26 Mais ils parlent aussi de “familiers” qui « groussoient de ce que il fesoit si larges aumosnes et que il y despendoit moult » ;27 signe qu’il avait du mécontentement entre les gens de la cour et que sans doute Louis n’était pas si munificent à leur égard qu’il l’était envers les pauvres et les frères. Le Louis dissimulé dans l’anonymat de Flamenca, n’ayant 22 Vie de Saint "Louispar Guillaume de Nangis (Daunou et Naudet 1840, p. 406) : Le Goff 1996, pp. 877-81. 23 Les Ordres de "Paris, XI (éd. Zink, 1.1, p. 234). 24 Vie de Saint Louispar le confesseurde la reineMarguerite : «... et une foiz quant le parlement se seoit a Paris, et li benoiez rois fust descendu de sa chambre, ladite femme qui fu el pié des degrez, li dist : Fi I fi ! deusses tu estre roi de France ? moût miex fust que un autre fust roi que tu : car tu es tant seulement des freres Meneurs, des freres Preescheurs et des prestres et des clers : grant damage est que tu es roi de France, et c’est grant merveille que tu n’es bouté hors du royaume. Et comme les serganz du benoiet roy la vosissent batre et bouter hors, il dist et commanda que il ne la touchassent ne boutassent : et quant il l’ot bien escoutee et diligaument, il dist et respondi en souriant : Certes vos dites voir, je ne sui pas digne d’estre roi : et se il eust pieu a Nostre Seigneur, ce eust esté miex que un autre eust esté roy que je, qui miex seust gouverner le toiaume : et lors commande K benoiez roi a un de ses chambellens que il li donast de l’argent... » (Daunou et Naudet. 1840, p. 106). Cf. Le Goff 1996, p. 823. 25Joinville, Vie de saint Louis (éd. Monfrin 1998, §§ 720-25). 26 Ibid, § 726. 27 Ibid., § 726 : voir aussi Guillaume de Nangis, Gesta Ludovici regis (Daunou et Naudet. 1840, p. 406).

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que dix-huit ans, ne semble pas trempé de pietas comme il le sera dans son âge mûr : mais on peut déjà lire entre les lignes une moquerie voilée (à nos yeux, bien en­ tendu, tandis que le public de l’auteur devait saisir du premier coup les allusions aux personnages réels) autant que mordante qui vise à la piètre ladrerie du couple royal. Le jeune et charmant roi du roman occitan n’a plus rien du grand seigneur féodal qui se complaît à combler de biens ses vassaux ; cependant il n’est pas encore le saint roi, le roi-moine. Nous avons vu, au contraire, son attitude désinvolte à l’égard de Flamenca : « ...e 1 ten la man el se / cais per vesadura privada », ‘comme par habitude familière’ (Lavaud/Nelli), ‘comme si une grande intimité régnait entre eux’ (Huchet). Un geste innocent ? Archimbaut est d’un avis tout à fait différent (w. 1077-86) : Bastit avem aissi domnei : per tems o comenset le rei(s) ; avan que de Nemur issis mi euh eu be que la sentis : asaborada la s’avia, per so tam private s’en fazia. Mais de lui en re no m’o tengra : ben la il gardera quan sa vengra : mais ara ve qui -s vol e vai, e per son grat ja venrion mai.

Nous avons nous-même ourdi cette affaire amoureuse [en demandant au roi de la conduire à Bourbon]. Le roi l’a entamée de bonne heure ; avant departir de Namur [ou Nemours ?|, je crois bien qu’il en avait tâté. Il l’avait savourée, voilàpourquoi il seprenait avec elle tant defamiliarités. Mais de luije me moqueraispas mal : je sourds bien lapréserver de ses atteintes, s’il devdt revenirà ma cour; lepire c’est que maintenant ici va et tient qui veut, et à songré [de Flamenca] il en viendrait encore davantage,28

Ces soupçons ne sont-ils que le délire d’un mari désormais fou de jalousie ? Nous avons vu la position indulgente de l’auteur ; mais, à vrai dire, tous les torts ne sont pas du côté d’Archimbaut. A moins que la man ne soit celle de Flamenca et le sen celui du roi, qui porterait la main de sa jeune amie à sa poitrine en signe d’affection ou de dévotion amoureuse dépourvue de toute connotation lubrique (interprétation ‘innocente’ théoriquement possible —honni soit qui maly pense ! —, mais qui me paraît assez improbable), le geste de vesadura privada du roi s’avère d’une hardiesse qui provoque en général l’indignation de l’intéressée non consentante : telle est, par exemple, la réaction de la jeune soeur Marie aux avances importunes d’un prieur âgé, vilain et vicieux : Quant il [leprieur] se trouva seul avecq seur Marie, commencea à luy lever le voille, et luy commander qu’elle le regardast. Elle luy respondit que sa reigle luy defendoit de regarder les hommes. « C’est bien dict, ma fille, luy dist-il, mais il ne fault pas que vous estimiez qu’entre nous religieux soyons hommes ». Parquoy, seur Marie, craingnant faillir par désobéissance, le regarda au visaige : elle le trouva si laid, qu’elle pensa faire plus de penitence que de péché à le regarder. Le beau pere, après luy avoir 28 Toutes les éditions ont savia, ayant rejeté ou négligé l’excellente suggestion s’avia (Chabaneau 1876). Traductions : «Il la connaissait pour un friand morceau» (Lavaud/Nelli) : « il la savait appétissante » (Huchet). Le v. 1079 est traduit «Je n’aurais jamais soupçonné cela de lui» par Lavaud/Nelli (interprétation accueillie par Huchet). Au v. 1077 les éditeurs ajoutent un improbable -s final à domnei : mais rei en fonction de cas sujet est attesté à la rime au v. 7327 (« - Fag o, Guillems —, so dis le rei : / — mais ill o vol, eu [o] autrei »), tandis que je n’ai trouvé aucun exemple de domneis cas régime pluriel.

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dict plusieurs propos de la grande amityé qu’il luy portait, luy voulut mectre la main au tetin : qui fut par elle repoulsé comme elle debvoit : et fut si courroucé qu’il lui dist : « Faut-il que une religieuse sçaiche qu’elle ait des tetins ? ». Elle luy dist : «Je sçay que j’en ay, et certainement, que vous ny autre n’y toucherez poinct : car je ne suis pas si jeune et ignorante que je n’entende bien ce qui est péché de ce qui ne l’est pas ».29 Il est en effet surprenant de voir un roi de France - d’autant plus si son identité non déclarée laisse entrevoir en filigrane la vénérable effigie de saint Louis — se conduire en Panurge (« En un’aultre |poche], il avoit tout plein de euphorbe pulvérisé bien subtilement, et là dedans mettoit un mouschenez beau et bien ouvré qu’il avoit desrobé à la belle lingere du palays, en luy oustant un poul dessus son sein, lequel toutesfoys il y avoit mis ; et, quand il se trouvoit en compaignie de quelques bonnes dames, il leur mettoit sus le propos de lingerie et leur mettoit la main au sein, demandant : — Et cest ouvraige, est il de Flandres, ou de Haynault ? >>)30 ou franchement en diable (« Il [Satan] a dit que la grande estime, qu’il avait pour un en­ nemi si noble [le Créateur], s’était envolée de son imagination, et qu’il préférait porter la main sur le sein d’une jeune fille, quoique cela soit un acte de méchanceté exé­ crable, que de cracher sur ma figure, recouverte de trois couches de sang et de sperme mêlés, afin de ne pas salir son crachat baveux » ; Lautréamont, Les Chants de Maldoror). Finalement, si derrière ce jeune homme qui ne dédaigne pas la mondanité31 se cache en réalité un insoupçonnable Louis IX, force nous est de rappeler les bruits qui couraient, et que Geoffroy de Beaulieu a rapporté dans sa l'Cita Ludovici, à pro­ pos de la virginité prénuptiale du saint souverain.32 On jasait qu’avant son mariage il avait eu des concubines avec qui il pêchait quelquefois, sa mère le sachant ou fei­ gnant de l’ignorer. A ces ragots la reine Blanche avait opposé un démenti tranchant : Nec praetereundum de quodam religioso, qui a falsis relatoribus audierat, quod dominus rex ante matrimonium suum concubinas habebat, cum quibus quandoque peccabat, conscia vel dissimulante matre sua. Quod cum ille religiosus cum multa admiratione, quasi eam redarguendo, dominae reginae dixisset, ilia super hac falsitate se et filium humiliter excusavit, verbum laudabile subinferens, videlicet, quod si dictas filius suus rex, quem super omnes creaturas mortales diligebat, infirmaretur ad mortem, et diceretar ei quod sanaretur, semel peccando cum muiiere non sua ; prius permitteret ipsum mori, quam semel peccando mortaiiter suum offendere Creatorem.33 29 Marguerite de Navarre, Heptaméron, 3e journée, nouvelle X X II. 30 François Rabelais, Pantagruel\ c h a p . X VI. 31 Nous le retrouverons à Bourbon, vers la fin du roman (w. 7315-59), à l’occasion du tournoi organisé par Archimbaut (qui est redevenu le gentilhomme libéral et bien élevé d’antan après avoir fait passer sa jalousie) : cette fois —trois ans se sont écoulés —il n’y a rien, dans les discours et dans la conduite du roi, qui ne soit pas parfaitement conforme aux règles du canon courtois. 32 Le Goff 1996, pp. 710-11. 33 Gaufridus de Belloloco, Vita et sancta conversatio piae memoriae 'Ludovici quondam Regis Erancorum, cf. Daunou & Naudet 1840, p. 4. Geoffroy souligne, en savant rhétoriqueur, la solennité de la réponse de la reine, et il ome sa prose de cursus velox (humiliter excusavit, permitteret ipsum môri, offéndere Creatorem), planus (inffrmarétur ad môrtem), tardas (peccando mortalités).

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Nous ne pouvons pas savoir si ces bruits étaient seulement des méchancetés gratuites ou si vraiment il y avait eu une ‘période libertine’, censurée par tous les biographes, dans l’adolescence de Louis. Mais, une fois de plus, l’auteur de Flamenca se révèle fort au courant des affaires (et surtout des médisances) concernant la famille royale. Il sait bien les dissimuler entre fantaisie et symbolisme, en amalga­ mant le tout par son ironie subtile et piquante. Des personnages historiques de son temps, camouflés en figures fictives, sa plume spirituelle et parfois corrosive nous a transmis des portraits autant inattendus que précieux.

Bibliographie Blodgett, E. D. éd. 1995. The Romance ofFlamenca. New York —London. Chabaneau, C. 1876. «Notes critiques sur quelques textes provençaux. III. Le roman de Flamenca», Revue de Linguistique Romane 9, pp. 24-35 et 259. Cocito, L. éd. 1988. Il romança di Flamenca. Milano. COM = Concordance de l’Ocâtan Médiéval, dir. P. T. Ricketts et A. Reed, avec la collab. de F. R. P. Akehurst, J. Hathaway, C. van der Horst, Tumhout : Brepols, 2001. Daunou, P.-C.-F. et J. Naudet. 1840. Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XX. Paris. Gschwind, U. 1976. Le Roman de Flamenca, nouvelle occitane du XUIe siècle, 2 vol. Berne («Romanica Helvetica », 86A-86B) Huchet, J.-Ch. éd. 1988. Flamenca. Roman occitan du XIIIe siècle. Paris. Lavaud, R. et R. Nelli éd. 1960. Les troubadours. Jaujre, Flamenca, Parlaam etJosaphat. Paris (2e édition). Le Goff, J. 1996. Saint Louis. Paris. Liemacher Riebold, U. 1997. Entre “novas’*et "romani*. Pour l'interprétation de 'Flamenca'3. Alessandria. Limentani, A. éd. 1965. Las novas di Guillem de Nivers 'Flamenca", introduzione, scelta e glossario. Padova. Monfrin,J. éd. 1998. Joinville, Vie de Saint Louis. Paris. Pernoud, R. 1972. La reine Planche. Paris. Revillout, Ch. 1875. « De la date possible du roman de “Flamenca” », Revue de Linguistique Romane 8, pp. 5-18. Richard, J. 1983. Saint Louis. Paris. Rutebeuf. Œuvres complètes, éd. de M. Zink, 2 t. Paris 1989-1990. Sivéry, G. 1987. Marguerite de Provence. Paris.

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La Chanson de sainte Foy : quelques notes pour l’interprétation Marco Piccat

En 1901, la Chanson de sainte Foy, l’un des premiers textes littéraires en langue d’oc,1 fut retrouvée grâce à J. Leite de Vasconcellos à la Bibliothèque Universitaire de Leyde : depuis cette date, le texte conservé par ce seul manuscrit a été l’objet de plusieurs éditions et de nombreuses études. Pour les premières, nous rappelons, après la première édition, par A. Thomas, en 1925, celle d’E. Hoepffner - P. Alfaric l’année suivante, puis celle d’A. Fabre, en 1940. Plus récemment ont vu le jour les éditions de 1985, par Cantalausa, et enfin, en 1998, celle de R. Lafont. La grande majorité des études effectuées jusqu’à ce jour se sont principalement intéressées au problème relatif à la localisation et à la composition linguistique du texte ;2 problème qui est d’ailleurs encore ouvert comme le démontre un simple rappel des différentes hypothèses explorées jusqu’à ce jour : pour G. Grôber, en effet, il s’agirait de la région de Toulouse,3 pour A. Thomas « sous toutes réserves » de 1’« Aude, région de Narbonne » ;4 pour E. Hoepffner, tenant compte d’une aire comprise « dans le Roussillonnais ou dans la Cerdagne » , « la langue dans laquelle elle est écrite n’en reste pas moins celle de la région narbonnaise, peut-être plus exactement celle qui était parlée entre Narbonne et les Pyrénées » ;5 pour C. Brunei, en revanche, de la zone comprise « entre Rodez et Albi, ou Castres et SaintAntonin » ;6 selon A. Santou du « provençal rouergat » ;7 tandis que pour E. Nègre il devrait plutôt s’agir de la langue « d’une zone intermédiaire, une simple frange qui d’Agen à l’ouest, jusqu’à Martrin (Aveyron) et Saint-Pons (Hérault) à l’est. Elle recouvre une partie du Lot-et-Garonne, le sud du Lot, presque toute la partie languedocienne du Tarn-et-Garonne, le coin nord-est de la Haute-Garonne, tout le Tarn, sauf une étroite bande au nord, et la région de Saint-Pons (Hérault) » ;8 pour

1Cf. Salvat 1964. 2 Parmi les rares exceptions, cf. Segre 1970. 3 Cf. Grôber 1907. 4 Cf. Thomas 1925, p. xxxvm. 5 Cf. Hoepffner 1926, p. 208. 6 Cf. Brunei 1926, p. 407. 7 Cf. Soutou 1970, p. 118. 8 Nègre 1984, p. 88.

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R. Lafont,9 la clé pour la compréhension linguistique serait à rechercher ailleurs : la langue du texte ne serait pas, en effet, « celle d’un lieu, ou même d’une région dialectale, mais comme une langue textuelle qui coïncide avec une première aire d’influence vers le Sud de l’abbaye de Conques. C’est une langue du Chemin... » Toutes ces mises au point, auxquelles d’autres s’ajoutent, mais quantitativement moins nombreuses et relatives à l’auteur et au lieu de composition,10 ont, en réalité, eu pour effet de focaliser l’attention sur le problème de la connotation du texte, parmi des phénomènes appartenant à une aire qui ne coïncide pas toujours et aux contours controversés, laissant de côté quelques épisodes du contexte où s’inscrit l’interprétation de la Chanson ; épisodes parfois signalés comme difficiles par les premiers éditeurs déjà, et qu’à travers cet essai, nous entendons commencer à récupérer pour proposer, rapidement, un nouveau tableau, plus complet et mis à jour, de tous les problèmes liés à une tradition textuelle très particulière.11 Pour cette heureuse occasion, nous n’avons choisi que deux exemples utiles, à mon avis, pour montrer comment la recherche de l’exégèse textuelle, à l’intérieur de la Chanson, peut encore être développée et approfondie. En parlant de la méchanceté et de la férocité des persécuteurs de sainte Foy, l’auteur du texte rappelle, parmi nombre d’autres méfaits que ceux-ci ont commis dans une période postérieure au sacrifice de la jeune fille, que : v. 460

C’est desfeirun Castel Emaus e czô qe fez saintz Nicolaus.12

A propos de ces deux vers, selon l’éditeur le plus récent, R. Lafont, « Les références sont obscures >>.13 Le problème d’interprétation que met en évidence ce distique ne concerne certainement pas le renvoi évangélique au lieu d’Emmaüs, contenu dans le premier vers, mais plutôt le c%o qefe^ saints^ Nicolaus qui figure dans le deuxième des vers cités. En poursuivant un examen rapide des commentaires antérieurs, on lit que pour A. Thomas déjà, « Le Château d’Emmaus, à 11 km environ de Jérusalem, est célèbre par l’apparition de Jésus ressuscité à deux de ses disciples, mais il n’a aucun rapport ni avec les “persécuteurs” dont notre auteur déclare vouloir raconter l’histoire, ni avec la légende de saint Nicolas, évêque de Myre au commencement du quatrième siècle ».14 Ainsi, tandis que dans l’édition d’E. Hoepffner le vers n’est pas signalé d’une manière particulière, dans la traduction d’Alfaric figurant avec cette édition, un simple commentaire apposé est réservé au vers, où l’on souligne de manière évidente la permanence d’un mystère : « Ce Castel Emmaüs ne peut être que le 9 Cf. Lafont 1998, p. 18. 10Cf. la revue bibliographique pratique de Salvat 1964, pp. 248-49. " Je prépare actuellement une nouvelle édition de la Chanson de sainte Foy avec mise au point de tous les éléments qui viennent d’être indiqués. 12Toutes les citations du texte sont tirées de Lafont 1998. n Ibid., p. 138. 14 Cf. Thomas 1925, p. 62.

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“castellum nomine Emmaus” dans lequel le Christ ressuscité rompit le pain avec les deux disciples à qui il venait d’apparaître... L’œuvre de saint Nicolas est assez mystérieuse. Ce saint a été connu en Occident par une biographie latine que rédigea vers 880 un diacre de Naples du nom de Jean (Falconius 1751, pp. 112-16). On y lit qu’il fut arrêté et gardé en prison sous Dioclétien et Maximien, ce qui donne à entendre que son œuvre pastorale fut alors ruinée. Mais notre chansonnier paraît avoir en vue quelque chose de plus concret, un monument semblable à “Castel Emmaüs”, et particulièrement vénérable, puisque sa destruction a été “un si grand crime”.15 Selon l’auteur, il pourrait s’agir d’une référence à l’édifice de 1’« église de la sainte Sion, bâtie par le saint en sa ville de Myre sur le modèle vu par lui à Jérusalem au cours d’un pèlerinage : il aura confondu la copie avec la construction première ». La source de cette information pourrait avoir été « quelque autre tradition de pèlerins... ». Pour A. Fabre16, les vers, peu clairs, doivent être intégrés et expliqués comme «tout ce que fit saint Nicolas et les autres avec lui au nom de Jésus... ». Pour Cantalausa encore, tandis que la traduction fait apparaître : « Château Emmaüs ? Ecroulé / Saint Nicolas ont attaqué ! », il est précisé dans la note que « Ces deux dernières allusions n’ont rien d’historique... ».1718Pour en revenir à l’édition de R. Lafont, enfin, la paraphrase est évidente : « Ils détruisirent le château d’Emmaüs — et l’œuvre de saint Nicolas ». Le site d’Emmaüs, en Judée, lieu de l’apparition du Christ après la résurrection, rappelle encore R. Lafont, « ne coïncide pas avec une destruction attribuée à des païens ou des persécuteurs ». De plus, reprenant l’hypothèse difficile déjà formulée par P. Alfaric, R. Lafont essaie de suggérer une explication semblable : « On ne voit pas le rapport avec Nicolas, Evêque de Myre, patron de Bari... à moins que ‘que czô que fes’ fasse allusion à l’église de la Sainte Sion, qu’il fit bâtir à Myre, sur le modèle de Jérusalem... ».1SL’indication contenue dans le texte de la Chanson semble plutôt importante et non fortuite, se référant précisément à un lieu exclusif de la Terre Sainte, et —mais secondairement —à une tradition relative à un “Nicolas”. Pour reprendre YEvangle selon saint Ymc,19 nous lisons « Et ecce duo ex illi ibant ipsa die in castellum, quod erat in spatio stadiorum sexaginta ab Ierusalem, nomine Emmaus. Ei ipsi loquebantur ad invicem de his omnibus quae acciderant. Et factum est, dum fabularentur, et secum quaererent : et ipse Jésus appropinquans ibat cum illis : oculi autem illorum tenebantur ne eum agnoscerent. Et ait ad illos : Qui sunt hi sermones, quos confertis ad invicem ambulantes, et estis tristes ? Et respondens unus, cui nomen Cleop'has, dixit ei : Tu solus peregrinus es in Ierusalem, et non cognovisti quae facta sunt potens in opéré et sermone coram deo et omni populo. Et quommodo... » et encore « Et appropinquaverunt castello quo ibant : et ipse se 15 Cf. Alfaric 1926, pp. 150-51. 16 Fabre 1940, p. 31. 17 Cf. Cantalausa 1985, p. 31. 18 Cf. Lafont 1998, pp. 138-39. 19 Cf. Chap. XXTV, p. 13 sqq.

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finxit longius ire...».20 Selon G. Dalman,21 les franciscains localisèrent vite l’Emmaiis dont parle l'Evangile selon saint Eue à al-Qubeibeh, à quatre kilomètres et demi au nord-ouest de Jérusalem, distance qui toutefois ne correspond pas du tout aux “stadiorum sexaginta ab Ierusalem”, autrement dit aux soixante stades du texte de l’évangéliste. Selon d’autres chercheurs, cependant, la localité indiquée pourrait être en fait identifiée autrement et peut-être avec Qaloniyeh, à six kilomètres seulement au nord-ouest de Jérusalem : pour la gagner et en revenir, on atteint exactement une mesure de soixante stades, comme le signale apparemment la source antique.22 Toutefois, selon la note particulière et détaillée que fournit Eusèbe de Césarée, l’Emmaüs de l’Evangile ne se trouvait pas à soixante, mais à cent vingt stades de Jérusalem. Il y avait eu en cet endroit, avec une certitude absolue, une agglomération ancienne et très importante qui encore aujourd’hui est signalée par le nom d’Amwas.23 Pour Dalman, ce site est justement celui où avait lieu un marché au bétail très fréquenté. L’eau y était jugée bonne et le séjour agréable, l’endroit étant entouré de montagnes et de collines. C’est là qu’habitaient les familles des flûtistes de l’époque. Mais son importance était due surtout à sa position de carrefour. C’est la raison qui, toujours selon l’auteur, fit entrer, depuis l’époque des Maccabées, l’Amwas actuel dans l’histoire. Bien sûr, poursuit-il, même plus tard, on ne connaissait aucun autre Emmaüs dans les environs de Jérusalem tandis que son ancien nom s’explique par la présence de sources d’eau tiède.24 Le même auteur rappelle plus loin qu’à Amwas Emmaüs, on a retrouvé les ruines d’une église, peut-être byzantine, restaurée, mais de dimensions réduites, dès le temps des croisades. Enfin, selon L. H. Vincent et F. M. Abel, l’Emmaüs primitif fut complètement détruit du temps de l’empereur Hadrien (132-135).25 Le rappel de cette discussion concernant les données de la géographie réelle et virtuelle de l’ancienne Palestine, n’est pas fortuit : la donnée essentielle à récupérer dans le cadre de notre note, au-delà de l’évidence d’une double tradition antique sur le lieu cité dans les vers en question, est plutôt de rappeler que l’on donna, au moment de leur transformation en colonies romaines, aussi bien à l’Emmaüs de la plaine (Amwas) qu’au plus ancien Emmaüs (celui-ci fut détruit par Hadrien) le deuxième nom de Nicopolis : celui-ci fut conféré officiellement à Emmaüs Amwas par Elagabal en 222, tandis qu’il le fut au plus ancien Emmaüs par Vespasien en souvenir de la conquête romaine de la Judée. Pour cette raison, du IIIe au IVe siècle, les écrivains ecclésiastiques comme Origène ou Eusèbe de Césarée ne connurent qu’un seul Emmaüs, la ville des Manichéens dans la plaine, appelée du deuxième nom de Nicopolis. Ils crurent alors qu’il s’agissait à proprement parler de l’Emmaüs de l’Évangile. Puisque cet Emmaüs 20 L’indication du

lieu n’apparaît pas dans les autres évangiles canoniques. 21 Cf. Dalman 1924. 22 Cf. « Emmaüs », in DEB, p. 408. 23 Cf. M. Halbwachs 1941, p. 17 sqq. 24 Cf. « Emmaüs », in DEB, p. 408. 25 Cf. Guillemot 1887 ; Domenichelli 1889.

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- Nicopoüs de la plaine se trouve non à soixante, mais à cent soixante-cinq stades, autrement dit à trente-deux kilomètres26 de Jérusalem, il se répandit, dans les copies des Évangiles qu’ils firent transcrire, la variante du chiffre évangélique de la distance, passant de soixante à cent soixante stades.27 Il convient alors de supposer que dans FEmmaüs de la Chanson il est fait explicitement référence à cette localisation ancienne et particulière : le “saintz Nicolaus” pourrait vouloir rappeler simplement la dénomination romaine du lieu anciennement détruit, et cela même à travers une “relecture” de celle-ci soutenue dans des milieux religieux du XIIe siècle. Il ne s’agit pas, en fait, à mon avis, de deux localités ou “constructions” différentes, mais d’une seule, désignée de deux manières différentes mais concordantes. La simple dénomination de “Nicopolis” aurait facilement pu entraîner ainsi, par fausse étymologie, un c%p qefe^ saints^ Nicolaus, c’est-à-dire constituer le support d’un renvoi à un saint populaire que le nom, de toute évidence, rappelait phonétiquement. La leçon du texte suggérerait à la fois l’appartenance de celle-ci, associée au souvenir de la tradition de l’identification de l’Emmaüs des Évangiles avec Amwas, à une période historique décidément plutôt antérieure à celles qui furent suggérées pour al-Qubeibeh ou Qaloniyeh, répandues d’abord selon la proposition franciscaine et ensuite par d’autres, élément qui par ailleurs vient confirmer la datation antique du texte. Avec l’exemple suivant, nous entendons suggérer encore une autre indication concernant le cadre culturel complexe auquel il est nécessaire de se référer pour essayer de récupérer pleinement le contexte des connotations précises et différentes que contient le texte de la Chanson. Le discours qu’adressent les païens à l’envoyé de Dioclétien met en évidence sous un jour sombre le danger que l’exemple et la leçon de la jeune Foy pourraient faire courir au peuple. Pour ces raisons, ils invitent le “Dôn” qui en a les compétences territoriales à une vengeance à la fois rapide et décisive : w . 169-171

E vos estz mortz e totz auniz, si no’ll se sagnan las cerviz si qon fezestz far saint FeJiz.28

Concernant ce passage, selon l’éditeur le plus récent du texte, R. Lafont, la référence à la passion d’un saint particulier est obligatoire : « saint Félix, martyr de Gérone »,29 dont la célébration liturgique tombe le premier août. Le choix qu’adopte Lafont dans son interprétation suit une longue tradition qui ne présente pas de solution de continuité. Déjà, pour A. Thomas, en effet, la référence au supplice cité doit être expliquée en référence à celui qu’endura Félix « martyr à Gérone, supplicié sous le règne de Dioclétien et de Maximilien, par l’ordre de Dacien et de son 26 Pour les témoignages de Tatien (IIe s.), d’Ethérie (rve s.), de saint Augustin, d’un moine du mont des Oliviers (Ve s.) et de Bède le Vénérable, en faveur de l’Emmaüs à une distance de soixante stades et pour les différentes considérations de Dalman, cf. Halbwachs 1998, pp. 44-45. 27 Le Codex Sinaiticus présente déjà en effet cent soixante stades comme mesure de la distance. 28 Lafont 1998, p. 70. 29 Ibid., p. 182.

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subordonné Rufin (Acta Sanctorum, t. I d’août, p. 26 sqq.) ».30 Selon P. Alfaric également, le « martyr auquel il est fait allusion est saint Félix de Gérone ». La diffusion du culte d’un saint “catalan” serait « d’autant plus naturelle dans un poème composé en Cerdagne, que son culte était très répandu dans toute la région Pyrénéenne ». L’auteur rappelle de plus que déjà du temps de Grégoire de Tours, Félix était particulièrement vénéré à Narbonne, tandis que, à l’époque de la composition de la Chanson de notre note, quelques-unes de ses reliques étaient conservées au « monastère cerdan de Cuxa ». Alfaric supposait aussi que la connaissance, par l’auteur de la Chanson, de la Passio de saint Félix de Gérone aurait été permise grâce à la connaissance et à la lecture des « Leçons de son Office, qui se lisaient en sa fête, le 1er août, comme celles de sainte Foy au 6 octobre... ».31 Aucun problème d’identification pour A. Fabre qui résume : « saint Félix, martyr de Gérone »,32 La même annotation est reprise par Cantalausa qui, toujours à propos du vers cité, écrit : « Saint Félix de Gérone, très populaire non seulement en Espagne, mais aussi en Narbonnaise et en Aquitaine...».33 Or, en lisant attentivement les vers dont le renvoi à la passion cruelle est un simple épisode, tandis que la situation décrite dans ces vers semble attentivement élaborée, on ne trouve pas en effet d’éléments suffisants pour confirmer, sans vérification, l’interprétation avancée jusqu’ici. Laissant ouvert, pour le moment, le problème de la région d’origine de la composition, comprise en tout cas dans une région beaucoup plus vaste que la supposée Cerdagne, les renvois aux citations de teneur hagiographique que renferme la Chanson, appartiennent généralement à un cadre double et spécifique : celui de la tradition catholique médiévale, universellement répandue, et celui, spécifique et territorial, propre et typique de la légende de sainte Foy. D’un côté, nous trouvons ainsi des noms de saints comme Adrians (v. 112), Daunis (v. 401), Johan (v. 390), Laurentz (v. 290), Maurizis (v. 524) ou Nicolaus (v. 461), et de l’autre en revanche les seuls noms de Caprasis (v. 353, 371, ...) et de Dulcidis (v. 426). Par ailleurs, le but de l’auteur est évident : la citation du saint connu rappelle non seulement des moments et des épisodes présents dans la mémoire commune mais tend à expliquer une attitude, pour relier, en quelque sorte, l’histoire de la petite vierge d’Agen à celles des Vitae Sanctorum, plus connues. Liée directement en quelque sorte à l’histoire du martyre de Foy d’Agen ou du transport du corps à Conques, l’indication du religieux rend plutôt compte de l’enracinement territorial particulier de l’Histoire ; dans le premier cas, de toute évidence, le tout s’inscrivant dans un discours de support culturel à la légende de la sainte en titre et ne visant pas à rappeler l’existence d’un culte local. Il est donc évident que le renvoi à un martyr qui, bien qu’appartenant au calendrier de l’usage liturgique romain, se reconnaît comme lié à une dévotion principalement et essentiellement de type local ou régional, comme justement « saint 30 Cf. Thomas 1925, p. 56. 31 Cf. Alfaric 1926, p. 107. 32 Cf. Fabre 1940, p. 74. 33 Cf. Cantalausa 1985, p. 125.

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Félix, martyr de Gérone », semble se placer au moins improprement dans ce contexte, lequel ne participe à aucune des deux aires indiquées. De la difficulté d’expliquer le renvoi curieux font par ailleurs foi les attestations des éditeurs antérieurs qui, fut-ce de différentes manières, ont essayé d’étayer l’hypothèse en rappelant la présence de reliques de “Félix” en Cerdagne, l’une des régions où l’on avait situé initialement l’origine du texte - plus précisément au « monastère cerdan de Cuxa »34 —ou, à l’opposé, en essayant de justifier un culte comme étendu « non seulement en Espagne, mais aussi en Narbonnaise et en Aquitaine...».35 La première explication probable de l’indication est à voir, à mon avis, dans la tentative, élaborée d’abord par A. Thomas, puis acceptée sans réserve, de suggérer, parmi tous les “Félix” possibles, un martyr “logistiquement” proche sinon de la région la plus probable quant à la composition du texte, du moins à celle qui est limitrophe à une bonne partie des événements consignés. Toutefois, avec les années et l’accumulation des études qui tendent à ramener la composition de la Chanson à une connotation “romane” originaire plus étendue, la recherche d’une identité différente du personnage en question nous a paru intéressante. Il convient ensuite de remarquer que dans le texte de la Chanson sont reportés, dans les vers que nous avons extrapolés, comme l’expression la plus forte exprimée dans l’intervention des païens, le souhait et l’espérance de voir bientôt “sagna(r) las cerviz” de la jeune Foy, le même supplice “final” déjà infligé, après différentes tortures, selon la même source, à un autre jeune homme tenu pour tout aussi “dangereux”, “saint Feliz” justement.36 Le supplice final évoqué ici est, de toute évidence, la décapitation : le renvoi à la sortie du sang de la nuque du condamné apparaît comme une image parlante et qui n’autorise pas d’interprétation différente. Par ailleurs, l’épisode veut évidemment anticiper le développement de l’Histoire de la jeune martyre bientôt appelée à endurer la même et dure épreuve : ce n’est pas un hasard si les vers consacrés à la décapitation de Foy vont en répéter, un peu plus loin, une structure identique, en reprenant aussi le mode de la citation d’un autre supplice célèbre et semblable, en l’occurrence celui de Jean Baptiste à la cour du roi Hérode : w . 388-390

Tal li donèd el cab del bran tota la tèsta’n môg taillan, con fez Héros far saint Johan.3738

Le témoignage de l’“auctoritas” citée en conclusion du sacrifice, celle de saint Denis de Paris, puissant et célébré, autor vos en trag saint Daunis,3&rentre dans ce projet et sert à l’auteur de la Chanson à compléter le cadre des références qu’il 34 Cf. Alfaric 1926, p. 107. 35 Cf. Cantalausa 1985, p. 125. 36 Cf. pour les développements du thème de la vengeance contre les païens, le traité De mortibus persecutorum de Lactance, ds Hoepffner 1926, p. 28 sqq. et renvois relatifs. 37 Cf. Lafont 1985, p. 84. 38 Sur le personnage de saint Denis, cf. « Le Tombeau des Coips saints », dans Trésor de SaintDenis, pp. 16-22 ; Gregorius Episcopus Turonensis, éd. 1937-1951, L. 71, 23-5 et L. X, p. 525 ; Loemetz 1951.

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rassemble pour un excursus d’histoire du martyr, lointaine et récente, sous le signe de la décapitation. Feliz comme Johan, Foy comme Daunis apparaissent donc comme les victimes immolées pour un sacrifice cruel et répété dans le temps : le sang qui coule sur la terre, promesse non seulement de vengeance divine mais aussi de resserrement du groupe des disciples. Or, la raison essentielle pour laquelle, à mon avis, il n’est pas possible d’accueillir l’identification de “Félix” avec le saint martyr de Gérone est simple : dans les textes relatifs à sa Passio figurant dans les Acta Sanctorump on peut tirer toute la suite des différentes tortures endurées, jusqu’au supplice extrême, qui n’est pas, toutefois, la décapitation. En effet, déjà dans le texte du Martyrologe d’Adon, la série des violences sur le corps du saint de Gérone s’achève sur l’ordre de « cutem ejus ungulis detrai ac deinde usque ad ossa lanieri, et tamdiu vulnera vulneribus instaurari, usque dum invictum Cristo spiritum reddidit ». De même, la leçon de l’ancien hymne In natale S. Felicis martyrispatroni nostri Gerundae, bréviaire mozarabe,3 94041présente les vers suivants : Omnia tromenta fond paercurrit pectore, postque poenas et catenas, ungulas ac verbera, carnea claustra relinquens, migrât ad caelestia...

Suivant ensuite les histoires de la véritable Passif1 du martyr, nous retrouvons la série complète des sévices subis par le martyr de Gérone comme punition aux réponses donnés à ses interlocuteurs païens, à commencer par la première et simple fustigation, « Audiens hac Rufinus, considerans quod cum tanta fiducia responderet, jussit eum fustibus caedi, et in carceris ima recludi... », pour passer aux tortures suivantes aux mains et aux pieds, « Rufinus ait circumstantibus revocetur celeriter, et manibus pedibusque ligatis, in loco squallido collocetur, ut cibi potusque negata substantia, possit animam exhalare... », et poursuivre encore avec de nouveaux tourments cruels infligés sur les places publiques « Audiens haec Rufinus jussit eum catenis gravioribus alligari et ab indomitis mulis per totas platea trahi, ut corpus beatissimi Felicis laceratum in frusta redigerent... ». Ultérieurement, le corps déjà rudement tourmenté, sur le commandement de Rufin lui-même, Félix est livré à ses bourreaux et pendu tête en bas « ut eum exungularent, et carnem a cute discerperent » ; et puis encore « manibus post tergum ligatis, in maris profundum demergi... ». Enfin, et c’est le dernier acte, « eum usque ad ossa exungularent et longiqui itineris labore consumèrent ut, renovatis vulneribus, acriori dolore percussus, animam exhalaret». En conclusion, le long récit de la Passio du martyre de Félix de Gérone nous montre les phases d’un supplice prolongé, avec la description d’actes de violence répétés et infligés sur les chairs d’un corps pendu, traîné, jeté dans la mer et encore exhumé pour de 39 Cf. « De S. Felice Martyre Gerundae in Catalaunia, item de S. Romano ibidem etiam mart. », in Acta Sanctorum Augusti, Venetiis, J. B. Albrizzi et S. Coleti, 1734, coll. 22-29. 40 Cf. ibid., coll. 25. 41 Cf. ibid., coU. 27-28.

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nouveaux sévices ; ce qui est à “sagnar”, c’est tout un corps décharné et non, comme pour l’exécution par décollation, “las cerviz”.42 Tenant compte de tout ce qui est rappelé ici et reprenant la teneur de fond de la légende de sainte Foy, qui veut être celle de l’aventure d’une jeune vierge chrétienne en lutte contre le monde païen romain, martyrisée et presque aussitôt vénérée par les pèlerins se dirigeant vers Saint-Jacques-de-Compostelle,43 il nous a semblé opportun d’élargir l’enquête dans ce cadre justement Nous avons retrouvé, parmi les différents homonymes, Félix, martyrisé à Rome pendant la persécution de Dioclétien et enseveli sur la via Ostiense, rappelé dans les plus anciens sacramentaires latins comme l’image même du premier martyr chrétien,44 avec célébration liturgique le 30 août. La plus ancienne attestation de sa légende, de la main du pape Damase, renseigne sur le soin avec lequel les chrétiens entretenaient son tombeau, pratique que les pèlerins de Rome ne cessaient de noter au VIIe siècle encore. La teneur de son histoire, répandue dans tout le Moyen Age grâce au texte de la LegendaAurea de Iacopo da Varagine, entre autres, a conservé avec suffisamment de détails le déroulement de l’ancienne Passlo, qui, par ailleurs, renferme des motifs narratifs décidément proches de ceux qui sont développés dans la légende de sainte Foy.45 Dans la rédaction d’origine de la légende, laquelle nous est fournie par le Martyrologe d’Usuard,46 l’on raconte que Félix, presbyter, « sub Diocletiano et Maximiano imperatoribus, post equulei vexationem » fut condamné et conduit saignant au supplice, « decollatus est ». Les mêmes détails sont contenus dans le texte du Martyrologe Romain qui précise que «... suspensus est in equuleum, et de patibolo vivens depositus, jussus est decollari... ».47 La raison du supplice cruel fut que, plusieurs fois, devant les statues de quelques dieux, lors de la vénération et du sacrifice publics, non seulement le jeune homme s’était toujours abstenu, mais qu’il était parvenu, avec le simple souffle de son haleine, à faire tomber par terre les simulacres de pierre. Le Martyrologe que nous venons de citer rapporte à ce sujet que « Hic Félix cum ad diversorum deorum imagines duceretur compellendus sacrificare, Serapis, Mercurii et Dianae, exsufflans statuas dejecit... »48 Dans celui d’Adon, encore plus complet pour ce qui concerne ces détails, nous lisons que «Félix... perductus juxta templum Serapis, dum cogeretur ad sacrificandum, exsufflavit in faciès statuae aereae, et statim cecidit.

42 Aucune référence directe aux “cervices” (REW 1848) (“nuque”), ou semblable, n’apparaît dans les chapitres concernant les sévices infligés au saint. 43 Cf. la relecture, très récente, vivante et intelligente, de l’histoire et des miracles de sainte Foy, de D. M. Dauzet. 44 Farmer 1978, p. 148 : « They must be among the most solidly attested of all Roman martyrs... ». 45 Cf. Jacopo da Varazze 1998, p. 886. Pour l’antique Passio, cf. « De SS. Felice Presbytero et Adaucto martyribus Romae via Ostiensi, die trigesima Augusti », in Acta Sanctorum Augusti, op. cit., VI, coll. 544-549. Pour un commentaire, cf. « Felice e Adautto », in Bibliotheca Sanctorum, VI, Roma, Città Nuova, 1964, coll. 582 sqq. 46 Cf. ibid., coll. 547. 47 Cf. ibid. 48 Cf. ibid., con. 546.

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Item ductus ad Mercurii statuam in aliam aediculam, simili modo in illam insufflavit, et mox cecidit. Item ad simtdacrum Dianae, quo, pari modo, dejecit ». II convient de remarquer alors que le texte de la Chanson présente justement les accusateurs de sainte Foy dans leur qualité d’idolâtres convaincus : w . 141-143

Con audun q’intra Dacians, aqô granz gauz als pagans: ydôlas erzon sobre’ls fans.. .49,

et que la jeune fille est conduite devant les statues de quelques divinités romaines justement, parmi lesquelles figure Diane elle-même, citée à plusieurs reprises : w . 208-211

Vai, gent la pren per’l dèstre man, e mena-la entré al fan. Profeira’ncens al Dèu Selvan, e èrèg Diana e’1Deu Jan... 50,

divinité que cite la martyre elle-même en plusieurs occasions : w . 250-252

Diana côlgrun tei parent e’11hômen tuit de nostra gent.. .51

w . 266-268

Diana ne Jôvi non voil, ne Minerva gens non acôill, ne nun lai mesèstz aital escôill.. ,52

w . 274-275

Si son malaveda ni sana, non pregarèi vôstra Diana.. .53

Mais sous d’autres aspects l’histoire de Félix de Rome peut encore rappeler celle de Foy : selon la même Passio citée, quand le jeune “presbyter” allait être conduit au lieu du supplice, l’une des personnes présentes, dont le nom était inconnu et fut de ce fait appelé “Adauctus”, “Ajouté”,54 s’associa à lui dans sa confession de foi et il s’ensuivit, pour cette raison et en même temps, le supplice.55 De la même manière, l’évêque “saintz Caprasis”, auquel se réfère les vers célèbres de la Chanson : w . 370-371

Czè non vi jovens ni canuz fo(r)s saintz Caprasis, lo sèu druz, qu’anc sempre s’es ab Dèu teguz.. .56

49 Cf. Lafont 1985, p. 68. 50 Cf. ibid., p. 72. 51 Cf. ibid., p. 74. 52 Cf. ibid., p. 76. 53 Cf. ibid. 54 Cf. « eo quod sancto Felici auctus sit ad coronam martyrii » et commentaire relatif ds « Felice e Adautto », ds Bibliotheca Sanctorum, VI, Roma, Città Nuova ed., 1964, coll. 582 sqq. 55 Butler 2001, p. 879, avec bibliographie de renvoi. 56 Cf. Lafont 1985, p. 74.

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à la vue des tourments endurés par la jeune vierge et de l’aide angélique arrivée du ciel au moment du supplice du feu, selon la rédaction de l’ancienne Passio Sanctorum Fidis et Caprasiij57 décida de faire lui-même une confession de foi immédiate et publique, s’exposant à endurer les mêmes souffrances que la sainte : Hoc miraculo vir sanctus de grada Dei se martyrio dignum sperans, vultu hilaris, spiritus alacre, corde intrepidus, caeteris ignorantibus, ad locum ubi gloriosissima Virgo et Martyr Fides flammarum patibula sustinebat, improvisus advenit, Christum publica voce praedicans.

Encore, après le sacrifice de saint Caprasis, le même texte rappelle la mort de deux autres jeunes gens, eux aussi “ajoutés”, décidés à conquérir sur l’exemple de Foy, la gloire immédiate des deux « duo frates nomine et meritis Primis et Felicianus admirantes. Tarn fide quam opéré continuo huic se sociarunt mortisque periculis se alacriter injecerunt... ». D’autres confrontations utiles, comme celles sur le mode de sépulture, ou sur le lieu choisi pour la dévotion des personnes présentes (et puis des pèlerins) au saint, motifs présents également dans d’autres légendes hagiographiques mais rarement mis en une unique séquence au point de ressortir comme des épisodes d’une trame commune à la légende de saint Félix “presbyter” de Rome et à celle de sainte Foy à Conques, pourraient facilement être faites. Pour cette occasion et en raison de la mesure de la note, qu’il suffise d’avoir rappelé comment, bien qu’à travers deux seuls et courts exemples, l’interprétation de la Chanson de sainte Foy présente encore des passages douteux sur lesquels la discussion critique est encore ouverte. Pour compléter le discours sur la localisation linguistique du texte, il conviendra de souligner aussi, à mon avis, le cadre des références culturelles encore partiellement “cachées”, qui, liant le texte à différentes cultures du monde roman, saura en souligner les différentes valences. Seulement dans un second temps, compte tenu des acquisitions et des communications du domaine purement linguistique et dialectal et des notes historiques et critiques, l’on pourra examiner dans le détail le cadre d’un territoire, ou d’une marge frontalière, et d’une époque historique, les possibilités de focaliser non seulement l’exégèse de l’histoire, mais jusqu’à la paternité de l’auteur, questions d’importance primaire pour tous les spécialistes et les amoureux de la civilisation provençale.

57 Pour la Passio Sanctorum Fidis et Caprasii (B. H. L., n° 2930; Fides v., Caprasius, Primus et Felicianus mm. Aginni, n. 2930 in M W , Bibliotheca Hagiographica Latina, antiquae et mediae aetatis, I, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1898-1899, p. 441), transmise avec deux rédactions différentes, l’un avec ms datables à partir du Xe siècle et publiée par Bouillet et Servières 1900, pp. 701-11, et une deuxième plusieurs fois éditée (Acta Sanctorum Octobris, t. DI, pp. 288-89), cf. Alfaric 1926, p. 50 sqq.

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"Etudes de langue et de littérature m édiévales offertes à P eter T . R icketts

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Hispano-Arabic Literature and the Early Romance Literature Arie Schippers

One of the genres of the medieval Arabic literature of Europe is the HispanoArabic muwashshah (‘girdle poem1), a type of strophic poetry which originated in tenth-century Muslim Spain. It is characterized by its five strophes and its special rhyme scheme [ZZ]/ aaaZZ/ bbbZZ/ ... eeeZZ. This genre sometimes has Romance elements in the refrain - the khaija (‘exit’) - at the end of the fifth and last strophe. Especially muwashshahs with a love or a wine theme can have a Romance or vernacular Arabic khaija: a girl suffering from love passion who speaks to her beloved or her mother, or a drunkard who asks the way to the tavern. Especially the love themes of the muwashshah and the khaija are important in comparing the themes of Arabic Andalusian strophic poetry with the Romance love poetry as expressed in the cansos of the troubadours. In academic circles, however, there is no consensus whether one can speak only of some thematic and formal parallels between Arabic and Romance love poetry in general and the love lyrics of the troubadours in particular, or whether Arabic strophic literature had a real influence on the troubadour poetry. In this article I want to sketch the present state of the “influence” question against the background of recent secondary literature on the question. The above topics will be dealt with in the light of recent standard works containing contributions from many scholars such as Jayyusi and Menocal and of monographs by, for example, Federico Corriente, Jareer Abu-Haidar and Cynthia Robinson. To get an idea of the structure of a muwashshah and its themes I will first comment on the leading motifs of the individual strophes of a specimen of a muwashshah and put the results of this discussion in the light of the analogy with themes of the cansos of the troubadours. A well-known muwashshah with a Romance khaija at the end of the fifth strophe goes as follows : Ayya ‘ayshin yalidhdhu mahzunu Salabat qalba-hu’l-huru-‘mu

H ow can I live when I suffer / and the beautiful

Ayyuha’l-la’imuna fi wajdi In amut wahshatan ik Hindi Shahidat admu‘i ‘ala khaddi

0 myfriends, who reproach mefo r my love When I die out o f lovefo r H ind! The tears of my cheeks are testimonies,

ladies have snatched m y heartfro m m y breast?

É tu d es de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . R icketts

Innani fi-hawa-ka maftunu Ma li-qalbi’l-hanini tahninu Ayyu sabrin li-kuUi muftatan BaTan nafsa-hu bi-la thamani Fi rida kulli shadinin hasard Sulibat-i’l-‘aqlu min-hu wa’l-dinu Fa-hwa fi’l-ba’i‘ina maghbunu Qui li-man hayyajat tabarihi : « Wayka bi ‘ajjili bi-tasrihi Innani mayyitun wa-fi ruhi Bi-sihami’l-jufuni mat'unu Fi thiyabi’l-nuhuli madfunu » Ghusnu banin ‘uliqtu-hu shaghafa Yazdari’l-arda tahta-hu salafa Yukhjilu’l-ghusna kulla-ma-n‘atafa Fumu-hu’l-durru fi-hi maknunu ‘Urriqat fawqa lahzi-hi nunu Talama bi’l-jufuni qad fatakat Wa-ma‘ani’l-hawa qad-ishtarakat Hina ghannat li-wahshati wa-bakat

That I loveyou continuously, [o Hind!] What comfort can there befor my moaning heart? W hatpatience is therefo r the infatuated lover W ho sells h is so u l cheaply In order to conquer his adoredgavplle? A lover who has lost his reason and h is belief Everybody cheats him a t the m arket. Say to the woman, who revived m y sufferance « M a k e haste to heal m y sorrow I am dead, I do n ot have any life left I am w ounded by the arrows o f y o u r eyes A n d buried in the clothes o f leanness » . A branch o f a w illow to whom I was attached by love W ho shows disdain fo r the earth on which she w alks She covers the other branches w ith shame, when she bows H e r m outh has hidden pearls A n d black in k w elled to her glance. W ith her y e s she atta cks continuously A n d because she understands everything o f love She has sung m y passion w eeping:

KOMO SI FILYOLO ALYENO,

« A s i f aforeign son

N O N MASH ADORMESH A MEW SENO.1

D oes n ot sleep anymore a t m y bosom. »

The prologue and the first strophe of this poem describe the sufferings of the poet-lover after the beautiful ladies have stolen his heart. In the first strophe the poet also addresses one of the obstacles to love : the reproachers. But his love for Hind is sincere : the tears on his cheeks are evidence of this. In the second strophe, he depicts the impossible situation in which the lover finds himself after he has lost his reason. In the third strophe he sends a message to his beloved, beseeching her to put an end to his amorous sufferings. The fourth strophe is a description of the beloved woman. The fifth strophe does not belong to the love story of the first four strophes, in which the poet recounts his love for Hind, an Arab lady ; on the contrary, he evokes a Christian lady who speaks Romance and loves an Arab­ speaking foreigner. The poet-lover of the first four strophes compares his passion for Hind with the passion of the Christian lady for the Filyolo Alyeno. This poem contains some motifs present in the love lyrics of the troubadours. Perhaps these are universal love motifs. Other motifs are peculiar to the genre of the muwashshah and are not found in the troubadour poetry. For instance, the motif of “beautiful ladies have snatched my heart from my breast”2 and that of the “I am wounded by the arrows of your eyes”3 are universal love motifs, and frequently 1 Comente 1997, pp. 288 (A 18); 312 (H 7); Jones 1988, pp. 101-05 (no. 12) ; Jones 1992, poem no. 260 ; Stern 1974, pp. 118,135 ; Yehudah ha-Lewi 1904, voL I, pp. 168-69. 2 Cf. Schippers 1994, p. 172; Ecker 1934, pp. 57-58 with examples from Bemart de Ventadom and Amaut Daniel. 3 Cf. Schippers 1994, p. 176, with an example from Raimbaut d’Aurengua, see Riquer 1975, p. 446.

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occur also in the troubadours’ cansos. Such other motifs as the comparison in the fifth strophe of the poet-lover’s passion with that of an infatuated woman, perhaps are not to be found in the poetry by the troubadours. Also the description of the beloved in the fourth strophe is different from the conventional description of the domna of the troubadours. Much has been written about the question of the relationship or non­ relationship between Arabic and Romance poetry, also in connection with the troubadours. In dealing with recent secondary literature on the influence question and making an evaluation of this literature, we cannot leave unmentioned the book by Otto Zwartjes (1997)4. The book presents an accurate account of all the problems involved with the Hispano-Arabic muwashshah and its possible relationship with Romance literatures. The author concludes that the kharjas —even Romance kharjas — belong to the Arabic prosodic system. He presents a list of analogous ^zZ-like5 strophic poems in Late Latin and various Romance languages. Another list, for instance, gives thematic parallels between Romance and Arabic. Many of the recent standard works on Arabic Andalusian literature deal with aspects of the influence theories, such as Salma Khadra Jayyusi’s The legacy ofMuslim Spain (Leiden : Brill 1992), where among the many contributions there are articles about Arabic literature and its influence. In the case of the strophic poetry James Monroe6 even postulates that the zajal was earlier than the muwashshah and that there was a musical tradition of Christian Iberian origin, based largely on muwashshahs and %ajals, which has survived to the present day in North Africa. Monroe’s opinion is that the direction of the musical influence was from medieval Romance to Arabic music. He also assumes possible Iberian influence on Andalusian Arabic notions of courtly love. Lois A. Giffen7 deals with the Tawq al-Hamama (“Ring of the Dove”) by Ibn Hazm (994-1063), and tries to demonstrate that the origin of the courtly love of the troubadours lies in Arabic love poetry. She indicates some parallels between the themes of the Tawq and the troubadouresque courtly love. The article by Roger Boase8 on Arabic influences on European love poetry affirms that courtly love may be seen “as a comprehensive cultural phenomenon” which arose in an aristocratic Christian environment exposed to Hispano-Arabic influences. He considers the beloved’s sovereignty and the lover’s fidelity and submission as essential features of this concept of courtly love. He provides examples from both Provençal and Arabic poetry illustrating this concept. He sees the tradition of chaste love expressed in the Tawq al-Hamama. At the end he enumerates a variety of slave girls of Christian origin at Muslim courts and Muslim slave girls who became lute playing singers and concubines at Christian courts to illustrate how Provençal troubadours may have been influenced by Arabic poetry and treatises of love. It is 4 Zwartjes 1997, which is based on his earlier dissertation ‘The Andalusian Xarja-s : poetry at the crossroads of two systems?’, Nijmegen 1995. 5 Z a ja l (Sp. Cêjel, sjjel) refers to popular strophic Arabic poetry, written in vernacular, with sometimes more strophes than the five of the m uwashshah. 6 Monroe 1992, pp. 398-419. 7 Giffen 1992, pp. 420-42. 8 Boase 1992, pp. 457-82.

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obvious that the arguments of Monroe, Giffen and Boase are exactly the ones Abu- [ Haidar (2001) wanted to be refuted (see below). Another recent standard work is The literature of Al-Andalus, a volume in The Cambridge History of Arabic Literature series edited by Maria Rosa Menocal, 1 Raymond P. Scheindlin and Michael Sells (2000). This volume is not a “normal” one in the series because it deals not only with the Arabic literature of al-Andalus, but also with the Hebrew, Latin and Romance literatures of al-Andalus. It is an 1 integrated study of the medieval literatures of Spain and other southern European regions. Moreover, after almost every chapter, there is a digression on architectural objects which refer to court life. This perhaps reflects the holistic approach em­ ployed by the editors. This book certainly fills a gap in the sense that it is the first written history of Andalusian literature to deal with the Arabic Andalusian literature in connection with other Andalusian literatures, such as Hebrew Andalusian literature, some Romance literature and medieval Iberian Latin literature ; also the references to the courtly setting of literature by means of the many architectural digressions are both original and useful. My impression is that the concept behind this book is a worthy one, but that this procedure has led to many lacunae. When dealing with Romance literatures, it would have been equally important to mention Occitan literature, since the troubadours lived not only in Provence, but also in northern Spain and even in Toledo After dealing with the standard works, we will look at three monographs written by Corriente (1997), Abu-Haidar (2001) and Robinson (2002), respectively. Corriente’s work deals with Arabic dialectal poetry as manifested in muwashshahs, %ajals (popular strophic poems in dialect) and khaijas. The book is of interest because of the Romance khafas and their place within Arabic and Hebrew poems and there­ fore in connection with the question of the relationship between Arabic and Roman lyrics in general. The muwashshah originated in Andalusia and then spread throughout the Arabic world ; it was known by Arab intellectuals, though not equally appreciated by everyone. Important questions are whether the origin of the strophic poetry is Eastern Arabic or native Hispanic, taking into account metrical and strophic charac­ teristics, the question of the nature of the kharja and tire genetic relationship between muwashshah and %ajal, and some minor questions about metre and music. Perhaps the genres of muwashshah and ^ajal are related to the oriental strophic musammat structures. Its “discovery” in Western Europe during the nineteenth century was only so for European orientalists, who until then had not known about it. We should not forget that tytjal and muwashshah appeared in the tenth century in al-Andalus and ripened there in the eleventh century, and in the twelfth century the first echo of it was to be found in an anthology composed by Ibn Bassam of Santarem, and then in many other works. In the West, the kharja% was first discovered at the end of the nineteenth century - as Corriente says in a note namely by Menendez Pelayo, who discovered Romance khatjas in 1894 in the Hebrew poetry by Yehuda ha-Levi. The rediscovery of kharjas in Arabic and Hebrew poetry in the twentieth century was made by Samuel Myklos Stern in 1948 and followed by Garcia Gomez in 1952, which prompted a huge number of publi-

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cations, as illustrated by Hitchcock’s Bibliography (1977) amplified by Hitchcock / Lopez Morillas (1996) and Heijkoop / Zwartjes (1998).9 Andalusi strophic poetry was developed earlier than the other West European strophic genres. According to Corriente, the Romance language used in the khajas fits in with and was orientated towards the Khalilian Arabic metre, and the Romance used in the bilingual texts already had been very weakened. However, according to Garcia Gômez, the metrics of the Andalusi strophic poetry were identical with and derived from Hispanic strophic poetry : they were accentual with a tonic accent on certain syllables of the verse. The opposition to Garcia Gomez’ Hispanic metrical theory came from England in the 1970s and 1980s, starting with reflections on the Romance elements of the kharjas, made by T. Gorton, J. Abu-Haidar, A. Jones and R. Hitchcock. Corriente presents a refutation of Garcia Gomez’ and Monroe’s theory of “rhythmic Ro­ mance parallels” and stresses the Khalilian Arabic origin of the metre of Andalusi strophic poetry, but with special prosodic characteristics resulting from the special accentual nature of the Andalusi Arabic dialect vis-à-vis Oriental Arabic dialects and standard Arabic where syllabic length played a dominant role. Corriente’s book is the ultimate reconfirmation of the tendency against the influence theories which at an earlier date inspired Romanicists such as Hilty to see parallels between literary motifs in the kharjas and those in the cansos of the troubadours, because he based himself on interpretations by Garcia Gomez. At a later stage Hilty reversed his earlier position. Emilio Garcia Gomez (1906-1995) was not happy with the criticism of his scholarly activities expressed by his former pupil Corriente and by the members of the “English school”. Some years before his death at the age of 89, he wrote a polemic pamphlet entitled E l escândalo de lasjarchas de Oxford with criticisms levelled at Alan Jones. In one part of his book (“No Arabic Echoes in the Provençal Lyrics”10), AbuHaidar deals with the lack of affinity between Hispano-Arabic poetry and the early Provençal lyrics. Arabic literature —including Arabic Andalusian strophic poetry — does not have any features in common with troubadour poetry. By comparing the terminology, language and poetic motives used in the two literatures, it is easy to demonstrate that the two worlds have a different concept of love : Provençal poetry treats love as something which ennobles, whereas Arabic poetry presents a much more realistic view. The wine theme, so much used in muwashshahs, does not occur in the songs of the troubadours. The flora and fauna as reflected in both literatures are enormously different, because Arabic Andalusian poetry likes to refer to the desert of the Arabian peninsula, where there is hardly any Andalusian fauna or flora present. Moreover, classical Arabic poetry is a highly elevated language within a great literary tradition, whereas the Provençal poems are written in a simple, every­ day language which has no substantial literary tradition. As for the Tan>q al-Hamama, this work cannot be regarded as a treatise on courtly

| 9 Heijkoop et Zwartjes 1998 will be compiled into a book, to be published at Brill, Leiden, j 10 One chapter of this part was delivered as a lecture at the Madrid Congress on strophic poetry; see | Abu-Haidar 1991, pp. 11-21.

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or Platonic love, as some have tried to demonstrate on the basis of fragments taken out of context. Ibn Hazm presents realistic descriptions of several manifestations of love, heterosexual as well as homosexual, refined as well as passionate. There is no j mention of TJdhri love, nor of the troubadours’ concept of love. Cynthia Robinson (2002) relates architectural space to court culture, and deals ! with courtly models of good behaviour and courdy love at the courts of tenth-/ i eleventh-century Muslim Andalusian kings, and considers the courts as sites of ' interaction between Arabic Andalusian and Occitan poetry. She says the following about the influence question (p. 279) : It is, in fact, as Menocal remarks on numerous occasions, the lack o f any known translation o f a specific Arabic lyric - whether in classical or dialectical register - into Provençal which has proved the greatest impediment to broad scholarly acceptance o f the “Arabist theory” [...] Since translations (or the lack thereof) have proved such a sticking point, perhaps it is time to find another word. I would propose, instead o f “translation”, something like “adaptation”, or perhaps “transposition”. The entire phenom enon o f Provençal court culture, which everyone agrees to have been a very “courtly”, o f the earlier (of this fact, the reader has hopefully been convinced by this study) Andalusi “courtly” phenomenon into another key or register (in this case, into another language).

It is not easy to reach a conclusion about the degree to which Romance love poems and more particularly troubadour cansos were influenced by Arabic strophic lyrics, and by Arabic love poetry and love theory (as found in “theoretical” works, such as the Tawq al-Hamama) in general. It might be clear from the foregoing that there is a negative current, which perhaps nowadays is centred more or less on Europe, and an optimistic positive current, which is now developing especially in the United States. Abu-Haidar’s book should be seen as an exponent of the sceptics of what Corriente called the “English school” (consisting of Hitchcock, Gorton, Jones and others) who do not want to connect the Romance and Arabic traditions but to study each in its own right. He has said many valuable things about the nature of Ibn Hazm’s treatise and the difference between the tradition of the Arabic poetry and that of the poetic movement of the troubadours. But his refutation is perhaps too Popperian given the fact that he refutes any possible influence of Arabic culture on that of the troubadours on the basis of the falsification of some basic ideas the supporters of the influence theory had about Arabic poetry’s possible relation to Romance poetry. In the eyes of Abu-Haidar, the thematic and formal similarity of the two poetries, as seen for instance by Nykl (1946), were sometimes not very accurately presented ; the idea of “courtly love” which the supporters of the influence theory wanted to discover in Arabic poetry led in many cases to a wrong general perception of Arabic love which is often rather realistic and not “courtly” (whatever this expression may mean when its meaning is overextended) ; themes such as drinking wine and loving boys which occur so many times in Arabic poetry were ignored by the influence theory people who only saw the similarities and not the differences. Abu-Haidar’s ideas about lacking similarities between the fauna and

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j flora or the lack of metaphorical affinity in both poetries was reason for him to

reject any influence theory. In certain aspects, Abu-Haidar’s reaction goes too far. Flora and fauna in Arabic Andalusian poetry are in many cases Andalusian and not Arabian, as is the case in ; Ibn Khafaja’s garden poetry. Moreover, a poet is not a botanical or zoological expert, and the only reason for certain poets to mention Arabian desert fauna and flora is because they add an air of nostalgia to their poetry. In translating such poetry into another language or culture, one would have to look for fauna and flora with a similar nostalgic connotation. While the nightingale plays a certain role in Persian and in troubadour poetry, in Arabic poetry the role is played by the dove. Translating an Arabic poem into Occitan would entail replacing all “doves in gardens” with “nightingales in gardens”. Moreover, comparing Romance love poetry with Arabic love poetry (instead of studying each in isolation within its own tradition) provides an insight into the simi­ larities and differences between the two, increases our understanding of both, and prompts us to give an account of their characteristics. It has also been demonstrated that the literatures of Spain, Provence and Italy were not isolated from each other. The Hebrew poets of Provence considered their Spanish Hebrew colleagues their models. The Spanish Hebrew poets employed the themes and metres of the classical Arabic poetry. Abraham Bedersi - a Hebrew poet from Beziers - mentions in his catalogue of poets not only Hebrew poets, but also Arabic poets and troubadours. He was involved with three literatures. The same applies later to Dante Alighieri’s contemporary, Immanuele da Roma (alias Manollo Guideo), who wrote Hebrew poetry which still was under the influence of Arabic tradition, but also Italian poetry with themes which could easily be borrowed from Arabic. In the passage quoted from Cynthia Robinson’s book, Maria Rosa Menocal is mentioned as some sort of leading supporter of the influence theory. The holistic approach of relating architecture to literature which dominates Cynthia Robinson’s book was also a leading device in Menocal’s literature of al-Andalus.. The American supporters of the influence theory might have been in dose contact with each other, and they form a group with an almost religious zeal to prove the cross-pollination of all these cultures and literatures in Spain, Italy and the Provence. Their beliefs and their zeal are stimulating the development of an integrated study of medieval southern European literatures. Nevertheless, one should always keep an eye open for not only the similarities but also the differences between Arabic and Romance love poetry and love theory.

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Laus stultitiae de Peire Cardenal, édition et interprétation de la “fable” de la pluie merveilleuse Naohiko Seto

Suivant la vida rédigée par l’auvergnat Michel de la Tour, Peire Cardenal, issu de famille noble, s’était fait clerc dans sa jeunesse et mena une vie de chanoine ; il se sentit joyeux, beau et jeune, “trouva” des chansons. Mais il finit par critiquer fort la folie de ce monde en composant des sirventes. Quand il quitta cette vie, il avait bien environ cent ans1. René Lavaud a recueilli dans l’édition de ce troubadour 96 pièces parmi lesquelles on peut compter 88 sirventes. Le nombre considérable de ses pièces virulentes, d’ordre politique et clérical ainsi que d’ordre personnel, se prêtent souvent par leurs détails à des datations tant soit peu précises. Cependant, en même temps, il est à retenir que certaines pièces de ce genre ne permettent pas toujours aux lecteurs modernes de déterminer la nature de l’attaque : on se demande à qui la critique s’adresse, de quel sujet l’auteur s’in­ digne. C’est ainsi que la vida a signalé : en los cals sirventes [Peire Cardenal] demonstrava molt de bellas rayons e de bels exetnples, qui ben los enten. La dernière proposition relative « si on les comprend bien », n’exprime-t-elle pas une condition indispensable à l’intelligence de ses textes ? Mais la “fable” qui nous occupe, qui regrette le sort du monde d’ici-bas où le mensonge et la cupidité ont pris la place de l’amour et de l’honneur, se montre exempte de “l’historicité” de ce genre. Parmi les œuvres abondantes de ce poète, cette pièce brille par l’originalité d’images inoubliables et par la vigueur de l’expres­ sion. Elle est compréhensible même à ceux qui ignorent les situations politicoreligieuses du Midi de l’époque. La date de 1250-1265, présumée par Lavaud, d’après l’atmosphère générale2, et la versification relativement simple de la pièce, par rapport au “sermon” commençant par Jhesus Crists^ placé entre 1265-1270, semble bien loin d’être assurée.

1 Éd. Boutière et Schutz 1964, pp. 335-37. 2 « ... le ton objectif du récit et de son application allégorique - pessimiste au fond mais sans ironie ni amertume apparentes... » (éd. Lavaud, p. 534).

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I. Texte et traduction Son abondante production poétique a retardé l’établissement de l’édition : déjà en 1874, Paul Meyer avait annoncé un projet d’édition mais qui ne s’était finalement pas réalisé. Sans doute toute une série d’allusions politiques ainsi que la présence d’ hapax assez nombreux avaient-elles rendu le travail ardu et compliqué. C’est en 1957 qu’on vit enfin paraître, sous les auspices de René Nelli et Jean Seguy, une édition monumentale mais posthume de René Lavaud, décédé en avril 19553. La pièce qui nous occupe a été éditée et annotée par lui d’une manière assez complète4. Et pourtant, malgré le nombre des manuscrits, qui se monte à 6, signalé déjà par la bibliographie de Pillet-Carstens, Lavaud n’en a utilisé que 5, négligeant le texte conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal 5991 (en parchemin, daté du début du XIVe siècle)56 . En outre, son texte éclectique, tant sur l’établissement que sur l’ortho­ graphe5, mériterait examen aujourd’hui. Cela dit, nous nous proposons ici d’en présenter une édition nouvelle basée sur un chansonnier K, avec l’apparat critique tenant compte des variantes fournies par le manuscrit de l’Arsenal (abrégé désormais sous le sigle An.). Pour alléger l’apparat, nous avons omis les leçons de d (en papier, daté de la fin du XVIe siècle) qui n’est qu’une copie des pièces absentes de D).

Texte

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I | [

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j i

Six manuscrits : I 174r-v, K 159v, R 135v-136r, T 89r, d 337r, Bibliothèque de l’Arsenal 5991 : fol.5r-v Base : K I

I 4

Una ciutas fo, no sai cals, on cazet una ploia tais que tuit l’ome de la ciutat que tochet foron forsenat. Tug desseneron mas sol us :

3 Estimant qu’il reste à résoudre bien des problèmes concernant la constitution du texte et l’interprétation détaillée de plusieurs passages, S. Vatteroni en a annoncé une édition renouvelée en 1987. Il a d’ailleurs commencé à publier successivement des textes nouveaux dans Studi Mediolatini e Volgari 36 (1990), 39 (1993), 40 (1994), 41 (1995), 42 (1996), mais il n’a pas encore proposé une édition de notre «fable». 4 Lavaud 1957, pp. 530-39. 5 Le manuscrit, consitant en un cahier de 4 feuilles ou feuillets doubles (soit, en 8 feuillets), vient sans doute de la bibliothèque de M. de Paulmy. Ce cahier, composé originairement de 6 feuillets, contient des textes occitans : la Prise de Damiette (fragment) (fol.1-4) ; laporphétie de Haman,jils dlssac (fol.4 ; incomplet de la fin) ; fin de la lettre duprêtre Jean (fol. 5r) ; Peire Cardenalfaula (divisée en 5 par pieds de mouche : au début des vers 21, 43, 45, 49 ; fol. 5) ; Provincial, ou liste des évêchés du monde chrétien (fol. 5 v). Il a été déposé à l’Arsenal par les mains de Lacurne de Sainte-Palaye. Ce philologue du XVIIIe siècle a écrit au fol 5 (feuillet de la «fable») une note indiquant qu’il faut voir une autre copie du chansonnier R (voir Martin 1885-1899, t. 5, pp. 478-79 ; Meyer 1877, pp. 497-99). 6 Cf. éd. Lavaud, pp. VII-VIII.

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aquel n’escapet e non plus, que era dins una maisso e dormia quant aisso fo. Aquel levet cant ac dormit, e fo si de ploure gequit, e venc foras entre las gens, e tug feron dessenamens : luns a roquet, l’autre fon nus, e l’autre escopit ves sus, luns trais peiras, l’autre astella, l’autre esquintet sa gonella, e luns feri, l’autre enpeis, e l’autre cuget esser reis, e tenc se ricamen pels flancs, e l’autre sautet per los bancx, luns menasset, l’autre maldis, l’autre juret, e l’autre ris, l’autre parlet e non sap que, l’autre fes meinas dese. Et aquel c’avia son sen meravilhet se molt fortmen, e vi ben qe dessenat son e garda aval et amon si negun savi n’i veira, e negun savi non i ha. Grans meraveilhas ac de lor, mas molt l’an ilh de lui major, que 1 vezon estar suaumen, cuian c’aia perdut son sen car so que ill fan no il vezon faire, a cascun de lor es vejaire : que ilh son savi e sénat, mas lui tenon per dessenat qui 1 fer en gauta, qui en col, el no pot mudar no -s degol, luns Fenpenh e l’autre lo bota, el cuia eissir de la rota, luns l’esquinta, l’autre l’atrai, el prent colps e leva e chai, cazen levan, a grans gabautz, s’en fug a sa maison de sautz, fangos e batutz e mes mortz et ac gaug, car lor fon estortz.

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Cist fabla es az aquest mon, semblan et a tug silh que i son ; aquest segles es la ciutatz qe ies totz plens de forsenatz. Qe 1 major sens c’on pot aver es amar Dieu fort e temer, e gardar sos comandamen, mas ar es perdutz aquel sens ; li plueia sai es cazeguda, e si es cobeitatz venguda, uns orgueills et una malesza que tota la gens ha perpresza. E si Deus n’a alcuns gardat, l’autre -1tenon per dessenat e menon lo de tom en bilh, car non es del sen que son ilh, que '1sens de Dieu lur par folia, e l’amics de Dieu, on que sia, conois que dessenat son tut, car lo sen de Dieu an perdut, et ilh an lui per dessenat, car lo sen del mon an laissât.

VARIA LECTIO : 1. siuta(t)s KIT, cieutat R - 2. cazec(=t ?) ... c(=t ?)als Ars - 3 siutatz IK - 4. forsenat ] des(s)senat T(R) - 5. us ] uns IKT ; mas sol ] leuat R ; mas ] mais Ars. - 6. A. ne escapet ses pus R ; A. en e. ses plus T ; Et a.escapet ses pus Ars. - 7. Q.e.enl .i. a. maso R - 8. e ] on RT, que Ars. ; aisso ] aco R - 9-15 (et 17, 65). La coupure nous empêche de lire quelques lettres de chaque vers : Ars. - 9. Aquel manqueArs. ; leuet ] levec(=t ?) Ars. - 10. E f. s. d. ] E. se fon R, E fo s... manque Ars. —11. E uen... manque Ars. —12. E ] On RT , E tu... manqueArs. —13.a roquet 1. f. n. ] fo uestis e(?) autre n. R, arroquet 1. f. n. TArs. , Luns manqueArs. - 14. escopit ] escorpit IK, esc(=t ?)upit Ars. ; Lautr escupi uas lo cel sus R ; E lautre escupi(?) T ; u.s. ] uersus Ars., E la... manque Ars. - 15. astella] estelas Ars; Lautre p. 1. astelas R; L. t. peira lautrastlla (-st-suscrits) T , Lun... manqueArs—16. esquisset sas (esquissec las) gonelas R (Ars.) —17. manque R ; 1. f. e 1. T , E 1... manqueArs.—18. manque R —19. Lautre t. ricamens p. f. R 20. sautet ] sautée Ars. ; e manque R - 21. E lus menasec Ars. —22. iuret ] ploret R, plorec Ars. ; e manque R - 23. parlée Ars. ; saup TArs. - 24. meinas ] metoas RT, meteys Ars. ; desse R - 25. Aquel que Ars. - 26. mot TR ; meraullha Ars. —27. ui ] uet IK, ue Ars. ; dessatz Ars. 28. E garda ad aual et amon Ars. —29-30. manquent TArs. - 29. saui y uelria R - 30. E nulh autre noy uezla R - 31. ac ] a Ars ; G. m. a. ] E ac m. R - 32. lan ilh ] la sailh IK, lan il T, lan els R ; Mos T - 33. Quel ] Que T ; saulamen Ars. ; Car el esta sauiamen R —34. Culo que ala Ars. —35-38. manquent R - 36. Que a. c. Ars. ; uejaire ] uîlaire T - 37. Qui] s. s. e ben s. T - 38. tenon ] ten T —40. no pot ] nos pot R ; Nos pot m. que n. d. Ars. —41. e manque K ; lo bota ] li tral T —42-43. manquent T - 42. eissir ] ensir IK, issir R - 43-44. manquent R - 43. lesquxnsa lautre 11 tray Ars —44. El ] E Ars. ; chai ] quaiT - 45. Cazen ] Cascul Ars. ; gabautz ] sabautz IK, ga.*zbautz R ; a. g. s. ] gra#z escallauz T - 46. El fuy Ars. ; de s. ] a s. R ; fug ] fugit R - 47. F. b. e dimiez m. T - 48. car ] can TRArs. - 49. Sist IK ; Aquist faura (fama ?) T ; Aquesta faula es el m. R ; Sest fabla es en a. m. Ars. — 50. es ] et IK; S. e. a. t. s. ] Semblanz es al

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Laus stultitiae

homes T ; Semblan ad homes R; Semblans als homes Ars. - 51. setgles es la siutatz IK ; cieutatz R ; E a. s. T —52. pies Ars. ; forsenatz ] dessenatz RT —54. Si (So) es amar d. e temer RT(Ars.) - 55-60. manquent R - 57. La p. s. e. casuda Ars. ; gazeguda IK - 58. E si es c. ] C. e si es IK ; Unna c. es u . T ; Vna c. ques u. Ars. —59. Et erguheiliz e grans m. T —61. alcun RT ; gardat ] gadat T, onrat R - 62. Lautra t. p. deszsinat IK ; Autril t. R - 63. menan T ; tom en bilh ] trop en bilh IK, top en bil T, tomp en vilh Ars. - 64. no son R ; Car non e (+ lettres illisibles) que son il T (ef. éd. Ravaud : no (+2 lettres illisiblespuispeut-être 1) sen «il (sic)) —65. par ] per IK, folia : deux dernières lettres manquent Ars. - 66. lamie R - 69. Et ilh ] Eels Ars. ; Ils teno« luy R ; E il ab lui T - 70. an ] a RT ; del e mon an 1. IK, de dieu an layss (+ une lettre illisiblej at

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Il y avait une fois je ne sais quelle cité où tomba une pluie telle que tous les hommes de la cité qu’elle toucha furent insensés. Tous perdirent le bon sens sauf un : celui-là, entre autres, en échappa, car il était dans une maison où il dormait quand cela se passa. Celui-là se leva quand il eut dormi et que l’averse eut fini, et il vint dehors parmi les gens, et tous agissaient comme des déments : l’un portait une chemise courte, l’autre était nu, et l’autre crachait vers le haut, l’un lançait une pierre, l’autre un morceau de bois, l’autre déchirait sa tunique, et l’un frappait et l’autre poussait, et l’un se croyait roi, se tenait fièrement les mains sur les hanches, et l’autre sautait par-dessus les bancs, l’un menaçait, l’autre injuriait, l’autre jurait et l’autre riait, l’autre parlait sans savoir ce qu’il disait, l’autre faisait volontiers des mines bizarres. Et celui qui avait gardé sa raison s’émerveilla très fort et il réalisa bien qu’ils étaient insensés, et regarda au bas et en haut s’il n’en voyait là aucun de sage, mais de sage, il n’y en a point. Il fut grandement surpris par eux, mais eux le furent plus encore par lui, car ils le voient rester tranquillement ; ils croient qu’il a perdu le sens, puisqu’ils ne le voient pas faire ce qu’ils font ; à chacun d’eux il semble qu’ils sont sages et bien sensés, mais lui, ils le tiennent pour insensé ; l’un le frappe à la joue, l’autre au col ; il ne peut s’empêcher de tomber,

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l’un le presse, l'autre le heurte ; il tente de se sauver de la cohue, mais l'un le lacère, l'autre l’entraîne, il reçoit des coups, se relève, mais retombe, tombant et relevant, à grandes enjambées, il s’enfuit à sa maison précipitamment, fangeux, battu et à moitié mort, mais heureux de leur avoir échappé. Cette fable désigne le monde d’ici-bas, elle est l’image des hommes qui y vivent ; ce siècle est la cité qui est toute pleine de forcenés ; la plus grande sagesse qu’on puisse avoir, c’est d’aimer Dieu et de le craindre et d’observer ses commandements ; mais aujourd’hui cette sagesse est perdue ; la pluie est tombée ici-bas : et ainsi est advenue Convoitise, un orgueil et une méchanceté qui ont atteint tous les gens. Et si quelqu’un en a gardé Dieu, les autres le tiennent pour insensé et ils le mènent en lui donnant des coups, parce que sa sagesse n’est pas la leur, car la sagesse de Dieu leur paraît folie ; cependant l’ami de Dieu, où qu’il se trouve, comprend qu’ils sont tous insensés, parce qu’ils ont perdu la sagesse de Dieu, et pourtant eux le prennent pour insensé, parce qu’il a renoncé à la sagesse du monde..

IL Commentaires Ayant divisé les témoins en trois (IKd-R-T), Lavaud a établi le texte par l’accord de deux groupes, car selon lui, il est difficile de décider lequel est le meilleur. A défaut d’accord, il a considéré les leçons de T comme préférables, en se référant aux vers 8, 17 et 59. Quant aux deux premiers, si l’on examine attentivement les leçons, on comprendra d’emblée qu’il n’y a pas de différence fondamentale de sens (au v. 8 : conjonction e (IKd) / relatif on (RT) ; au v. 17 : place de e : e lunsferi, l’autre enpeis (IKd) / lunsferit e l’autre enpeis (T)). Le vers 59, restitué par quelque acrobatie de la part de Lavaud, souffre contestation, semble-t-il. Nous y reviendrons plus loin. Nous avons pris le chansonnier K, manuscrit presque jumeau de I, comme base. Les leçons de ce témoin seront gardées autant que possible. R, qui propose un texte défectueux, ne peut pas servir de base (w. 17-18, 35-38, 43-44 et 55-60 manquent). Les vers 29-30 manquent dans T (Lavaud a eu recours ici au texte de IK). Le manus­ crit de l’Arsenal, dont le haut des feuillets est rogné en forme de triangle renversé, ne présente plus quelques lettres des vers 9-15, 17 et 65. D’ailleurs, de même que T, il ne conserve pas les vers 29-30. Les leçons d’Ars. peuvent être classées de la façon suivante :

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L aus stultitiae

- accords possibles avec R : 6, 22 - accords avec T : 13, 23 (saup), 29-30 (lacune) —accords avec RT : 48 (can) —accords possibles avec RT : 14,16, 22, 24, 50, 54, 63 -leçons isolées : 15 (graphique : estelas), 25, 26, 27 (ué), 31 (d), 33 (sauiamen), 36 (Qui), 40, 43, 44,45, 46, 49, 57 (la, casuda), 58, 70 (erreur) De ces données, on pourra conclure aça’Ars. s’assimile de temps en temps aux manuscrits RT, mais eu égard aux leçons isolées assez nombreuses, il n’en occupe pas moins une position particulière. Or, il est à préciser que dans ce manuscrit, les -c et -t finales sont souvent difficiles à distinguer. La discrimination nettement faite, on eût pu judicieusement supprimer certaines variantes. Dans ce qui suit, nous voudrions examiner brièvement quelques vers épineux. v. 13 : a roquet (arroquet T Aïs ., fo uestis R). Ayant adopté une correction proposée par Appel, Lavaud l’a corrigé en ac roquet. SW 8, 380 voulait y voir le verbe arrouca (Mistral : ‘jeter une pierre’), mais cela rend le sens de ces quatre syllabes redondant sur le vers 15. Comme Lavaud l’indique avec raison, la leçon de R étant selon toute apparence une lectio facilior, il vaudrait mieux y supposer un verbe signifiant ‘s’ha­ biller d’une manière excentrique’ par opposition à nus. Le substantif roquet veut dire en effet soit ‘un surplis à manches étroites porté par les évêques’, soit ‘un manteau très court, blouse, jupon court’ (FEW 16, 249a ; Alibert : roquet ‘rochet, camail des évêques et des chanoines ; colletin de pèlerin à coquilles ; petit manteau en forme de camail’). On peut relever en ancien français : Le frere du suppliant vint tout nu en roquet ou chemise (TL 8, 1362; cf. Godef. 7, 214a; 10, 581a), d’où le sens deuxième conviendrait mieux ici. v. 14 : escopit (escorpit IK / escupit Ars. / escupi RT). La leçon de IK ne se compre­ nant pas, nous l’avons rectifiée en escopit, 3e pers. sg du passé simple de escopir (REW3 8014: *SKUPPIRE (onomatopée), cf. FEW 12, 215a: SPUTARE). L’ac­ cord de deux groupes (R / T) contre IKd a amené Lavaud à prendre escupi. v. 15 : astella ‘morceau de bois, petit éclat de bois’. Sur l’emploi de ce terme au sens d’ arme, voir FEW 1, 163-164 ; 25, 593b-605b (notamment 594a) (cf. LR 2, 136b ; Alibert : estèla~astèla). Il est à noter que seulyîw. prend la forme estela. v. 22 :juret (IK / T) tandis que ploret (R), plorec (Ars.). Lavaud a pu choisir juret grâce à l’accord de deux groupes (IK / T). v. 24 : meinas (IK) tandis que metoas RT / meteys Ars. Lavaud a corrigé metoas en metolas (< metûla < métula < METUS ‘horreur’). Cependant metolas n’est attesté par aucun document. Nous avons pris meinas, forme diphtonguée (plurielle) de mena, mina (SW 5, 181). L’expression faire mines en ancien français se trouve dans TL 6, 59 : faisant mine [mss. mines, forme plurielle] en grinçant les dens, exemple choisi aussi par FEW 20, 12a (et 14, n. 1) «faire des grimaces» (cf. SW 5, 181 (faire minas) ; Mistral, 341 d :faire la mino). Pour dese, que Lavaud interprète par ‘continuellement’ suivant une conjecture de Levy qui l’a glosé avec un point d’interrogation : ‘toujours’. Le sens généralement admis ‘sur le champ, immédiatement’ ne conviendra sans doute pas ici. En effet pour ce qui concerne ce mot dont l’étymologie a été controversée, on peut consulter

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les études sérieuses qui y ont été consacrées successivement par Kurt Lewent, Max Pfïster et German Colon78. Lewent y a proposé une étymologie DE SE, d’où son interprétation ‘de soi-même, volontiers’. Ayant distingué dese de desse, Pfister a soutenu l’avis de Lewent pour le premier, alors que pour desse, qu’il comprend : ‘sur le champ’, il a conseillé de ne pas le confondre avec ancse, ancsempre, jassé, jasempre ‘toujours’ [ < UN QUAM, JAM + SEMPER]. Colon, de son côté, critiquant l’éty­ mologie avancée par Lewent, estime que dese, ancse etjassé sont tout simplement des formes raccourcies de de sempre, anc sempre, ja sempre. Et pourtant, notre texte, ici appuyé par tous les témoins (desse R), quelques étymologies qu’on puisse y proposer, se prêtera bien à l’interprétation de Lewent. Le sens choisi par Lavaud n’est pas attesté. w . 58-59 : le texte de IK ne peut être pris tel quel en considération de l’absence de l’accord grammatical, (uenguda / uns orgueills). Certes, on peut choisir les leçons de T ou d’Ars., mais elles se montrent apparemment rifacimento des copistes. Face à cette difficulté, qu’est-ce que Lavaud a fait ? Modifiant orgueills en adjectif erguelho^ja) et profitant du texte de T, il a refait une leçon : Cobeitat% e si es venguda Dn’erguelho^e granx malesça : « c’est Convoitise ; aussi est-il advenu une grande et orgueilleuse méchanceté [qui (...)] ». Il s’agit d’une rectification astucieuse que les éditeurs posté­ rieurs des anthologies ont adoptée, sauf Pierre Bec qui suit IK malgré l’empêche­ ment grammatical (comme l’ont fait Appel et Bartsch). Pour notre part, nous avons choisi le changement des mots : les leçons de TArs., qui paraissent certainement lectiofacilior, n’indiquent-elles pas le contexte original « et ainsi est advenue Convoi­ tise »? A notre avis, cette opération, aussi hasardeuse soit-elle, restera moins nocive à l’original que le tour acrobatique de Lavaud. v. 63 : tom R (trop IK / top T / tomp Ars.). A propos de ce vers, on peut relever dans une pièce satirique composée par le père de Raimon de Cornet, poète de l’école toulousaine du début du XIVe siècle : De tums en bilhs nos mena ajssils cossolat% crufi “ces consulats cruels nous mènent de chute en relèvement (de culbute en saut)”. A la manière cardenalienne, ce sirventes jette un anathème contre les clercs. Cela nous amène à choisir la leçon de R au détriment de IK (cf. SW 1, 145), parce qu’il y a lieu de croire que Fauteur du sirventes a utilisé une expression employée par Peire. Lavaud, tout en adoptant cette hypothèse, a inventé une leçon tomp (= tomb, catal.), affirmant qu’il gardait le p, attesté par deux groupes IKd et T. Ce -p lui a paru résulter d’une dissimilation avec le -b suivant (au lieu de tomb en bilh). Il avait finalement raison : la leçon de YArs. l’atteste bien ! Le sens de ce vers reprend en somme le v. 45. Sur le tom, voir FEW 17, 384b-386b (*TUMON : tam ‘action de frapper de la corne’) ; TL 10,722-23 : tumer.

1 Lewent 1961 ; Pfister 1962 ; G. Colon, FEW 11, 442-44. 8 Éd. Noulet et Chabaneau 1888, p. 79 (n° XXXIX, v. 56) et p. 245 (note).

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III. “Fable” et poésie lyrique Comme on l’a vu, Peire Cardenal a produit de nombreuses pièces contre la société de son temps, exerçant une critique violente sur les puissants riches et les barons cupides ainsi que sur les clergés en décadence et les femmes dévergondées. Il a condamné leur injustice criante comme foldat. Parmi ces diatribes, outre notre “fable”, se trouvent des vers qui dénoncent la folie de ceux qui se croient sensés : prenons par exemple w . 27-36 d’une pièce commençant par De paraulas es grans mercat.^ : D ’autres n’i a que •s fan sénat c’an de repenre voluntat et an so enpres per aital que diguas ben o diguas mal qu’enanz ora seres représ, cais qu’el es savis e cortés et es parlans e sap ganre. Mas denguns homps non au ni vé que mantas ves a mais de sén lo repres qu’aquel que reprén :

Ily en a d’autres qui se donnentpour sensés, qui ont intention de critiquer et ils ontpris cela à tâche de cette sorte — dussie^vous dire bien ou mal— qu’avant un instant vous sere\ blâmés, presque commesi cet autre était sage et courtois et était bienparlant et savait beaucoup. Mais nul homme n'entendni ne voit que souvent le blâméaplus de sens que celui qui le blâme :9

À cela s’ajoute une accusation formulée dans le contexte religieux à l’intérieur de la pièce suivante : Totz lo sabers del segle es foudatz ; e Dieus dis o e trobam o ligen ; et ieu cre ben sos ditz veraiamen : qu’ieu vei que 1 ricx es savis apellatz e 1 paupres es fols e caitius clarmatz. Al tic parée, del segle traspassan, et al Lazer, cal mes Dieus en soan.

Tout le savoir du siècle estfolie ; Dieu a dit cela et nous le trouvons à lire ; etje crois bien sesparoles en vérité : carje vois que le riche est appelésage et que lepauvre estproclaméfou et misérable. Mais ilparut, d’après le riche quittant le monde, et d’après leLazare, qui des deux Dieu tint en [ mépris.10

On peut relever encore des passages de ce genre, mais ce qui spécifie notre “fable”, c’en est la forme poétique. Pillet-Carstens, l’ayant considérée comme non lyrique, ne lui a pas donné de numéro de référence et l’a classée avec De paraulas qu’on vient d’examiner, après les pièces autorisées comme lyriques. On observe bien en effet que la poésie «non lyrique» peut être définie comme n’étant pas composée de strophes. Et pourtant, Lavaud a interprété que cette pièce était constituée de 17 strophes de 4 vers et d’un “retour” de 2 vers, soit 70 vers sur des rimes nouvelles à chaque strophe (8a8a8b8b). Il a suivi la position de F. W. Maus, qui en avait tenu la forme métrique pour une des plus anciennes formules de la poésie lyrique occidentale11. Istvân Frank l’avait cependant classée parmi les poésies non lyriques dans son 9 Éd. Lavaud, pp. 288-91 (Pillet-Carstens, ayant considéré la forme de cette pièce comme non lyrique, ne lui a pas fourni le numéro d’enregistrement). 10 Éd. Lavaud, pp. 524-25 (PC 335, 34). 11 Maus 1884, p. 100, n° 120.

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répertoire12. Paul Meyer, en effet, dans son magistral article sur la rime plate, s’était déjà référé à notre “fable”, affirmant à son sujet qu’une unité de sens s’y forme à l’intérieur de chaque couplet de deux vers (aa, bb, cc, opinion à laquelle nous donnons notre pleine adhésion. En effet un sirventes de Marcabru (PC 293,9) allégué par Maus comme modèle de la forme (lO’alO’alO’blO’b) a pu être classé par Frank au-dedans d’une autre formule (190,1 : 10’al0’a4b6’c4b6’c). Une forme de quatrain si brève (aabb), tout en étant incluse au numéro 130 par le répertoire, ren­ ferme 4 fragments sans strophes, dont 3 sont anonymes. Gageons qu’elle n’est pas susceptible de constituer une forme lyrique bien établie. D’ailleurs, si l’on prend les deux derniers vers (w. 69-70) pour un envoi, comme le fait Lavaud, cela ne sera pas soumis à une règle de tomaâa : elle doit reproduire, avec leur disposition, les rimes de la dernière partie du couplet précédent14. Dans les manuscrits, quelle est la disposition des vers ? Nous constatons que les copistes les ont écrits d’une façon variée. Les chansonniers IK ont mis à chaque quatrain un pied de mouche. Le manus­ crit de l’Arsenal a noté ce signe aux début des vers 21, 43, 45 et 48. En outre IK, ayant dépeint une lettre ornée assez grande au début des vers 1 et 25, de côté audessus de laquelle se trouve l’annotation suivante : Peire cardinal (sic), sermons, viij, Peire cardinal, sermons, viiij (K) (I : vÿ viij). Nous voudrions examiner avec minutie l’arrangement des pièces voisines dans le cas de K : après 44 sirventes viennent les

j |

j

1

J

huit pièces suivantes : fol. 157r. : fol. 157v : fol. 158r : fol. 159r :

Peire Cardinal, i. Peire Cardinal, ij. Peire Cardinal, iij. Peire Cardinal, iiij. Peire Cardinal, v. Peire Cardinal, sermons, vj. Peire Cardinal, sermons, vij

= PC 335,18 = PC 335,66 = PC 335,3 = PC 335,21 = PC 335,1 = PC 335,27 = PC 335,42

À quoi s’ajoute notre “fable” divisée en deux (viij, viiij), précédant une section de Bertran de Bom (commencée par la vida). Dans la table des matières placée au début du chansonnier, deux index (répartis en canson et tensos) précédent un index de sirventes. A la tête de ce troisième index est occupée une partie de Peire Cardenal, où les incipit de 49 sirventes sont notés successivement. Et puis viennent avec une rubrique : Peire Cardinal sermons, 4 incipit des pièces notées à l’intérieur du texte après 158r, c’est-à-dire : PC 335,27, 42, et les deux parties de «fable». Nous ne pouvons pas éclaircir la raison pour laquelle le copiste l’a divisée au v. 25, bien qu’on puisse y discerner deux situations : spectacle épouvantable des conduites insensées des autres (jusqu’au v. 24) et étonnement extrême du «sage» (du v. 25). En ce qui concerne le chansonnier T, constitué de 4 parties, on conçoit bien que Lavaud en ait fait grand cas des leçons, car la troisième partie en a été consacrée aux 12 Frank 1953-1957, t. 2, p. 200. 13 Meyer 1894, p. 29. 14Jeanroy 1934, t. 2, p. 93 (cf. p. 191, n. 4).

j

J

Laus stultitiae

œuvres de Peire Cardenal : cette partie (fol. 89-110) représente, si l’on peut dire, un recueil propre à ce troubadour (voir le compte-rendu de Chambers sur l’édition de Lavaud). C’est la seule partie qui ait été notée en deux colonnes, par une main du XIVe siècle (les autres parties, dont chaque page est composée par une colonne, sont du XVe siècle). La “fable” est notée ici sans être fragmentée en strophes, mais elle est divisée en deux au v. 49 qui commence par une lettre ornée. Cette coupure est convaincante au contraire de celle de IK. De fait c’est notre “fable” qui occupe le premier ce recueil : fol. 89r fol. 91v fol. 92v fol. 93r

“fable” PC 335,27 PC 335,42 PC 335,1 PC 335,54

Le chansonnier R présente un texte divisé en quatrains par les pieds de mouche qui vont néanmoins manquer dès le milieu du texte. On y constate bien au v. 49 un signe un peu plus grand que les autres. Au dedans de ce manuscrit gigantesque, le troubadour est conservé deux fois : à la première, parmi les poètes classiques, entre fol. 67 et 73, en sont notées les 55 pièces. A la deuxième, principalement parmi les troubadours de l’époque décadente, entre fol.136 et 137, apparaissent les 4 pièces suivantes : ma ciutat^Jo no sai Jhesus Crist%nostre salvaire selqesfes tôt cant es un estribotfarai

“fable” PC 335,27 PC 335,14 PC 335,64

Tel est en gros l’arrangement de la “fable” dans les manuscrits. On peut y voir la confirmation de ce que certaines pièces de Peire, y compris notre “fable”, ont été considérées par les copistes comme différentes des autres sirventes du même auteur. Tous les témoins (sauf Ars) ont recueilli la pièce qui nous occupe avec une pièce très longue (329 vers) : Je^u Crist, nostre salvaire (PC 335,27) appelée “sermon” par IK Ou peut y ajouter Predicator (PC 335,42) intitulé aussi “sermon” par ces chanson­ niers jumeaux. Depuis Lacume de Sainte-Palaye15, les chercheurs ont qualifié notre pièce de “fable”, se fondant sur cistfabla au v. 49. Cette appellation ne paraît être sans fonde­ ment selon la rubrique de YArs. \jssi comensa lafaula de laplueia. Mais d’après la tradi­ tion IK on est autorisé à la prendre pour un sermon, une « sorte de sermo ou de poésie didactique moralisante », titre indiqué par F. Pirot16.

15 Sainte-Palaye 1774, t. 3, pp. 264-65 [w. 1-16,18-19, 25-35, 39-52, 58-6, traduction seule]. 16 Pirot 1972, p. 210.

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IV. Le conte de la pluie et de l’idiot Deux motifs sont superposés dans cette pièce : la pluie soudaine qui a rendu fous tous les citoyens, et le seul rescapé, qui a subi des persécutions de tous les autres rendus insensés. Les sources n’en sont pas encore précisées, mais des motifs analogues ont été signalés depuis longtemps. En effet dans une chanson (PC 225-8) de Guilhem de Montanhagol (avant 1233-après 1268) se retrouve le même thème. Le troubadour toulousain, se plai­ gnant des puissants qui abandonnent Amour, se voue ici à la défense d’Amour pour en obtenir la joie. En voici la troisième strophe (w. 19-27), que nous citons de l’édition magistrale de Peter. T. Ricketts : Mas d’amor tem q 1 si’a far aissi, per malvastat qe vei part pretz prezar, com al savi fo ja qe -s saup triar de la ploia qe -ls autres enfolli, per qe lui sol tenio 1 fol per fat, tro qe viret son sen ab lur foldat e anet s’en en l’aiga ad enfollir ; c’aitals temps cor qe mais es a falhir, q’estiers non vei on pretz trobe gandia.

Maisj’ai bienpeur, à cause de laperversité qui est honoréeplus que l’honneurmême, qu’il en soit de l’amour commejadis de cesage qui sut se mettre à l’abri de cettepluie qui renditfous les autres. / C’est lui seul que lesfous trouvaient sot, jusqu’au moment où ilperdit sa raison au contact de leurfolie / et s’en alla sous l’eau qui rendaitfou. Dans l’état où sont les choses, ilfaut que le mal dispa­ raisse, / autrement,je ne voispas où l’honneurpuisse [ trouver un abri»17

Selon l’éditeur, le nom propre de la tomada permet de supposer que la date de la composition se situe entre 1242 et 1250. E est à noter que le sage de Guilhem de Montanhagol se laisse finalement aller à la folie au contraire du héros de Peire Cardenal. Or “le sage” (v. 21) déterminé par l’article défini ne suggère-t-il pas une certaine notoriété de l’anecdote à cette époque (« le sage que l’on connaît bien ») ? A la fin du XIXe siècle, A. Roque-Ferrier en a signalé la source dans une homélie de saint Jean Chrysostome (la 39e, sur la 1èr6 Bp. aux Corinthiens, cf. Migne, PL, t. 61, col. 343) (2e moitié du IVe siècle), indication démentie entièrement par Karl Vossler et A. Jeanroy18. En 1920, Santorre Debenedetti a découvert une anecdote similaire au dedans d’une version chinoise du Tri-Pitaka indien (“Trois corbeilles” : canon bouddhique des écoles du Sud) : un pays a été arrosé par une averse horrible. Le roi sage, évitant la pluie, garde le sens, tandis que les vassaux, assoiffés, ayant bu de l’eau, deviennent insensés pendant une semaine. Eux, fangeux et tout nus, com­ mencent à se déchirer les vêtements. Ils traitent le roi de fou, parce qu’il ne se comporte pas comme eux. Au bout de sept jours, lorsqu’ils reviennent à soi, le roi prudent leur fait reconnaître leur faute. Selon Debenedetti, on s’est servi de ce conte comme exemplum, qui serait introduit en Occident par transmission orale. Les deux troubadours ont pu utiliser cette anecdote édifiante pour créer leur propre version. Nous ne pouvons affirmer, comme l’a dit le savant italien, qu’il s’agit d’une anecdote ayant une relation si étroite avec notre “fable” qu’il ne faut plus mener 17 Éd. Ricketts 1964, pp. 93-101 (cf. c.-r. Branciforti 1968, pp. 384-39). 18 Roque-Ferrier 1893-1894, p. 282 ; Vossler 1916, p. 149, n. 1 (cf. éd. Lavaud, p. 674, n. 1) ; Jeanroy 1934, t. 2, p. 192, n. 1 (« il n’y a entre les deux textes qu’un rapport des plus lointains »).

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d’enquête. Mais en tout état de cause, la “fable”, appelée par IK “sermon”, dispose de deux parties (d’abord, une fable et puis un sermon, c’est-à-dire une leçon) : raison de plus pour insister sur le fait que ce motif était susceptible de s’employer comme sermon religieux des prédicateurs. Debenedetti s’est référé encore à quelques versions dérivées du conte indien : Rosarium Sermonum (en 1498), 2e partie, chap. 6 ; Johannes Pauli, Schimpjf und Emsi (Strasbourg, 1552), von Schimpff das xxxiiii19 ; textes variés du XVP siècle rédigés par Piovano Arlotto, Antonio Fileremo Fregoso, Ludovico Guicciardini, etc. Dans Grundriss der Romanischen Philologie, Theophilo Braga a avancé que la fable de la pluie de mai reportée par l’écrivain portugais Sa de Miranda (1495-1558) n’était qu’une imitation de celle de Peire Cardenal20, ce que Lavaud a réfuté en signalant qu’il n’était pas sûr que Miranda ait connu le texte de Peire : d’ailleurs la version portugaise se montre beaucoup plus proche de celle de Guilhem de Montanhagol. Quoi qu’il en soit, Lavaud avait certainement raison de dire qu’il faut voir dans cette “fable” une fiction traditionnelle dont on ne sait encore quelle est la source21. Cependant, nous tenons à dire, pour notre part, que le motif des « insensés condam­ nant à l’unanimité le sage » était solidement ancré dans la tradition chrétienne, étant donné que Jésus-Christ lui-même, pour avoir professé la vérité, était victime des moqueries et des violences des autres comme prophète et fou. Dans ce contexte, le fou, révélant ce qu’on ne doit pas dire à l’intérieur du monde, peut servir de critique sévère contre le pouvoir mondain. Il est intéressant de rappeler que dans les chan­ sonniers, notre “fable” occupe une place privilégiée, toujours accompagnée d’un autre “sermon” commençant par Jhesus Cristiç. nostre salvaire, pièce démesurément longue. Nous pouvons nous rappeler les sages de ce type, depuis Démocrite dans l’Antiquité, en passant par les saints martyrisés et les pères de l’Eglise maltraités, jusqu’à Didier Érasme. Pour enseigner la vérité évangélique, l’humaniste hollandais, “sage” représentatif de la Renaissance, a largement exploité la possibilité rhétorique de l’alternance entre le “fou” et le “sage”, surtout dans son Raus stultitiae ou Eloge de la jolie. En ce sens, avertissant le monde et y dispensant des enseignements de l’Évangile, Peire Cardenal a devancé Érasme de plus de deux cent cinquante ans.

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19 Éd. Ôsterley 1866, pp. 35-36. Thompson 1966 a rapproché le motif de la pluie merveilleuse de ce religieux alsacien de Tordre franciscain dans son répertoire des motifs folkloriques (J 1714, 2 : The Waise man and the Rain of fools). 20 Éd. GKPHII-2, 289, n. 4 ; éd. de Vasconcellos 1885, pp. 165-66 et p. 777 (Egloga II, Basto, w . 26190) ; éd. Lavaud, pp. 538-39. 21 Éd. Lavaud, p. 538.

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Virgile et Prêtre Jean dans la nouvelle Frayre de Joy et S or de F laser Suzanne Thiolier-Méjean

Si le thèm e principal de la nouvelle en vers de Frayre de Joy et Sor de Plaser1 est celui de la Belle au Bois dorm ant et de l’oiseau messager, deux personnages semblent plus inattendus : Virgile, qui est vu, selon la tradition médiévale, comme un m aître magicien , 2 et Prêtre Jean, d ont la présence donne au récit une échappée orientale, ainsi qu’un vague ancrage historique ou, à tout le moins, savant. O n sait que, durant le m oyen âge, Virgile a partagé avec A ristote la réputation d ’enchan­ teur . 3 « Vergilis l’encantayre », selon les termes de Cerveri de Girona, est donc une figure de légende bien connue des troubadours .4 O n savait déjà la subtilité du poète latin, mise en relation chez A m aut de Mareuil avec la sagesse de Platon : « N i -1 saber de Platon / N i l’engeinz de Virgili » . 5 L’adjectif engeim5 , qui est nettem ent distingué de la science philosophique platonicienne (son saber), nous évoque précisém ent le subtilis in naturis rerum de Jean de Galles, si bien com m enté par Jacques Berlioz .6 La personnalité de Virgile est au cœur du débat sur les rapports entre l’art et la nature. Depuis V incent de Beauvais le Virgile magicien s’est doublé d ’u n Virgile alchimiste, suivant en cela le m odèle de Merlin . 7 C’est dire com bien cette problém atique fut centrale pour les scolastiques et les érudits . 8 Ceci nous amène à penser que, com m e on doit s’y attendre de sa part, l’auteur de cette nova n ’ignorait pas, sinon l’œuvre elle-même de Virgile, au m oins sa réputation d’érudit qui s’ajoutait à la légende du magicien et, mieux encore la

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1 Ce texte nous est parvenu par deux manuscrits catalans. Fa, Paris, B.N., esp. 487, fut édité par Meyer 1884 ; E, de Palma (Bibliothèque d’Estanislau Aguilô), a été glosé par Masso Torrents 1932, pp. 516-24. Nous en avons donné deux éditions, Tune succincte (Thiolier-Méjean 1997, pp. 206-59), l’autre complétée d’une analyse littéraire et linguistique (Thiolier-Méjean 1996). 2 Cf. Thiolier-Méjean 1995, pp. 39-56. Du Méril 1850, pp. 425-78, avait déjà donné de larges extraits des textes médiévaux représentant Virgile en magicien. Voir aussi Spargo 1934. 3 Pour Aristote incendiaire, voir Berthelot 1893,1 .1, p. 98 et pp. 105-07. 4 Cf. Roncaglia 1985, p. 273, citation du quatrain 996 des Proverbes. Cf. aussi, pour les mentions de Virgile chez les troubadours, Chambers 1971, p. 266, et Pirot 1972, p. 593. 5 Cf. Eusebi 1969, pp. 14-30. 6 Berlioz 1985, p. 84. 7 Kahn 1995, p. 237, n. 2. 8 Cf. Pereira 1992.

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renforçait. Quelques paroles révèlent ce double aspect de la personnalité virgilienne lorsque l’auteur évoque la force de la nature : E per ço dizon li liguador :9 « Natura mays que ensenyar mostra, Natura toyll, natura força, E fay pauca gran criatura » 10 C’est le cursus natura ; la natura sagax contient en elle tous les savoirs et le principe de toute science11. D ans un texte qui fait la part belle à Virgile magicien cette allusion à ceux qui pratiquent la magie n ’est pas totalem ent incongrue. Mais on y retrouve aussi la trace du poète subtilis in naturis rerum et pratiquant la naturalis scientia.12Comme A lbert H enry l’a dit à propos d ’A denet le Roi, Virgile n ’est pas seulement magicien, il est aussi « le savant qui connaît la nature et pénètre des secrets que le com m un des hom m es ne peut com prendre : grans clers fu, sages et soutieus. » 13 La sagesse et le grand savoir qu’on lui a prêtés très tôt, ainsi que la tendance à interpréter ses œuvres de façon allégorique o n t facilité cette transform ation du poète en magicien . 14 Il est vrai que, dans notre nouvelle, la sagesse est plutôt celle du bon sens, tel qu’il s’exprime dans la littérature proverbiale. Le Proverbe au Vilain dit bien : « N ature passe norreture » : elle est plus forte que l’éducation, ou encore : « plus trait nature que cent beufs » . 15 Ce rôle de la nature qui pousse l’enfant à grandir, ce principe vital évoque enfin le Rjoman de la Rose : N ature favorise la survie de l’espèce . 16 D ans les Gesta Romanorum est rapportée la légende de la Salvatio Roma, ce palais merveilleux dont les statues avaient le pouvoir de se tourner vers la région insou­ mise et d ’agiter en avertissement les clochettes d ont elles étaient ornées . 17 O r la présence à Rom e de Virgile s’explique là aussi par la tradition médiévale : «... les tém oins de la légende virgilienne au treizième siècle placent de plus en plus à Rome l’activité de Virgile magicien et thaumaturge » . 18 Elle était bien connue de notre auteur : E anet se’n tôt sol en Roma A VirgUi que ladoncs vivia, E-z ac son acort que apendria D ’encantaments, e que passes

9 Le seul sens qui paraisse satisfaisant est : ‘jeteurs de sort’ (cf. TDF: liaire, gascon ligaire (< lia, liga) ‘celui qui jette des sorts’, et le substantif liaduro ou ligaduro ‘espèce de maléfice’) ; il pourrait donc s’agir de ceux qui nouent l’aiguillette. 10 Vv. 273-276. 11 Pereira 1992, pp. 123-28. 12 Cf. Berlioz 1985, p. 84. 13 Op. cit., p. 673. 14 Cf. Wood 1983, pp. 91-104. 15 Schulze-Busacker 1985, n° 1328, pp. 252 et n° 1655, p. 270. 16 Cf. w . 19514-19520, éd. Poirion 1974, p. 517. Voir aussi Payen 1976, p. 132. 17 Berlioz 1985, p. 95 et s.v. Voir aussi la description d’A. Henry 1971, pp. 662-74. 18 Henry 1971, p. 664.

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Lo pont e qu’en la tor entres19 O n pourrait mêm e se dem ander s’il n ’y a pas dans la m ention du p o n t magique de la nouvelle, en plus des allusions littéraires déjà évoquées, le souvenir de Virgile constructeur, lui aussi, d ’un p o n t merveilleux, le plus grand jamais construit, et qui semblait tenir sans aucun point d ’appui .20 Virgile est certes magicien, mais on voit qu’il n ’hésite pas à partager son savoir et à aider le héros dans sa juste entreprise : réveiller la dame aimée. Ce magicien-là n ’est pas un sorcier diabolique, mais un être sage et bénéfique. Son image n ’est pas négative, encore moins satanique .21 Au reste le m oyen âge le présente plutôt com m e le protecteur de Rome ou de Naples, le mathém aticien fabricant de merveilleux autom ates .22 Seulement un tel talent ne saurait être gratuit ! L’allusion à la cupidité de Virgile, ou à tout le m oins à son intérêt p o u r les biens matériels, semble avoir frappé les esprits médiévaux ; ainsi en est-il du troubadour G uilhem Augier Novella d’après l’étude d’Aurelio Roncaglia .23 ........................................... pus C’Aristotils, sobre is prims dus, Près don dels ries e Virgils la ribeira De Napol jus : mais am donar que quieira.24 O n sait que, pour renforcer le droit de Virgile sur N aples, « on supposa qu’Auguste lui en avait donné le sol en récom pense du plaisir que lui avaient fait ses vers » , 25 Mais à bien regarder les textes, il apparaît qu’en fait Virgile se contentait plutôt d ’accepter les cadeaux des grands de ce m onde en échange de ses services. Frayre de Joy, conform ém ent à l’usage, dépense une fortune pou r acquérir quelque talent de magicien auprès de Virgile. Il se m et aussi à son service, tel un jeune écuyer au service du chevalier : Tant servit e tant donet d’or A VirgUi, son mostrador,26 Que Virgili li ensenyet Tant que en un jorn s’en entret Lay on la donseyla jasia,27

19 Vv. 126-130. 20 Voir l’Image du monde cité par Du Méril 1850, pp. 429-30. 21 Cf. Henry 1971, p. 674 : «Virgile, magicien et sorcier, pratique l’art de la nigromancie, qu’Adenet luimême qualifie de merveilleuse clergie ». 22 Cf. Oldoni 1985, p. 368. Pour les automates, cf. Thiolier-Méjean 1970, pp. 392-99. 23 Op. cit., p. 275. 24 In Guillem, prims test, éd. Calzolari 1986, str. III, w . 19-21, p. 123 ; cf. note aux vv. 20-21, pp. 130-31. 25 Du Méril 1850, p. 476. 26 Cette allusion médiévale à la cupidité de Virgile se trouve aussi chez le troubadour Guilhem Augier Novella. 27 Vv. 137-141.

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O n apprend m êm e que le jeune prince a renoncé à son héritage ; le geai am bassadeur de son m aître saura dire à la belle que le jeune prince s’est ruiné pour elle en leçons auprès de Virgile : Tôt un regisme que val may Que ceyl de Fransa ha donat Per vos garir ...28 Le m aître n’est donc pas totalem ent désintéressé. E t on pourrait bien voir une note à tout le m oins hum oristique dans la peinture d’un Virgile heureux au mariage du héros : E j fo alegre e payats / V irg .lt... Si payais a, certes, le sens de ‘satisfait’, le m ot n’est pas choisi au hasard : Virgile a été fort bien payé en effet pour ses services ! Mais le magicien n ’a rien d ’un grippe-sou. G énéreusem ent payé p o u r ses leçons, le m aître témoigne de son amitié envers le prince en lui donnant en retour un oiseau qui, lui, n ’a évidem m ent pas de prix, puisque, grâce à ses merveilles, Frayre de Joy possédera à nouveau Flotianda et épousera la Belle. Il s’agit là littéralement du guemdon, du “don en retour” selon l’étymologie. Virgile joint à ses talents de magicien celui de dresseur d’oiseau ; mais il n’est pas question, on s’en doute, d ’un vulgaire faucon destiné à la chasse ! Le maître a dressé un oiseau merveilleux, chamarré com m e un perroquet, doué de la parole, excellent messager de surcroît. P our ajouter au féerique ce geai ressemble to u t à fait aux geais des Indes, tel un mainate multicolore : Vergili, que d’aicella29 faysos Avia noyrit un bon jay, Qu’era verts e30 vermeils, so say, blanc, neyre,31 groc, indis ho blaus, E y avia32 cresta com a paus, E i bec vermeils, si com cells an De la terra de Pestre Johan, Car aytalls son tots cells de lay.33 Cet oiseau fabuleux sera le messager de Frayre de Joy et, plus encore, son conseiller, son avocat aussi dans un rôle que reprendra plus tard le fameux Chat botté. C’est pourquoi le prince apprécie le cadeau à sa juste valeur : E car Vergili molt amava Frayre de Joy, e car ténia, Dits per amor que li daria Lo pus rie don que anc fos dats, E det li l’auzell. don payats Fo mays que si li des Yelanda.34

28 Vv. 502-504. 29 Corr. que aicella. 30 E ajouté pour le mètre. 31 Corr. neye te. 32 Corr. j ava. 33 Vv. 327-334.

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Ce geai n ’est pas le seul oiseau prodigieux de nos textes d’oc. Il semble bien proche de l’oiseau de feu qu’est le perroquet de la Nouvelle du Perroquet, composée par A rnaut de Carcassès . 3435 Mais, s’il partage avec lui le don de la parole et un com portem ent humain, il n ’a pas l’aspect un tantinet satanique du perroquet dévastateur et incendiaire imaginé par Arnaut. Si donc Virgile n ’est pas tout à fait l’être cupide qu’on trouve ailleurs, Frayre de Joy, pour ne pas être en reste, lui a offert son futur royaume : E cell li donet Florianda, E -1régné tôt apres son payre : « Pus volets que sia emperaire —dix ell —eu vull que siau reys »,36 L’auteur de la nouvelle conclut le passage par quelques vers à la gloire du jeune héros et à l’imitation du poète de l’Enéide : Per so dix l’actor37 que dompeys38 Sap39 mays de donar que larguesa, E d’enseyament que franquesa, E d’armes trop mays qu’ ardiments.40 Mais Virgile n’est pas le seul personnage étonnant de cette histoire, puisqu’il est associé deux fois au célèbre Prêtre Jean, la première grâce à l’oiseau magique, le geai venu du royaume du roi Jean, la deuxième au m om ent du mariage des héros. S’agitil sim plem ent de susciter l’intérêt des auditeurs et lecteurs p o u r un personnage aussi exotique que ce Prêtre Jean ? Sans doute, et il suffit de se rappeler que le geai magique de Virgile venait, d ’après l’auteur, des terres lointaines de ce souverain des Indes. Cette figure légendaire d ’un roi chrétien est nom m ée pour la prem ière fois en 1145 par l’évêque de Djebel (Gabala en Syrie), qui lui attribue une victoire sur les Seldjoukides d ’Asie centrale .41 O n a dit aussi que le titre tçan, porté par le roi d’Ethiopie, roi chrétien qui plus est, avait peut-être été utilisé p o u r désigner le Prêtre, devenu Jean d’autant plus facilement que c’était l’un des prénom s les plus

34 Vv. 343-348. Yekmda est une variante de Ilanda, Irlanda ; cf. anc. fr. aussi lerlande. Mais cette forme suggère aussi un rapprochement avec le royaume de Zelanda du Perceforest. La comparaison avec le royaume d’Irlande est fréquente, par exemple Arnaut de Maruelh (in A issi cum selh, str. 5, v. 31) présente Jules César comme un homme de modeste origine, qui n’était point reis dïrlanda (éd. Riquer 1975, t. II, p. 655). 35 Cf. notre éd. de Las Notas del Papagai 1997, pp. 186-205. Voir aussi Thiolier-Méjean 1998, pp. 1355-75. 36 Vv. 349-352. 37 « ... l’acteur, c’est-à-dire le faiseur de ce livre », selon la définition de l’A rs Amatoria d’Ovide, trad. Roy 1974, p. 68. 38 Pour cette forme, voir notre analyse linguistique (Thiolier-Méjean 1996, pp. 145-46) et notre présentation littéraire (ib id pp. 85-87). 39 Forme catalane (oc : sauf). 40 Allusion évidente au début de l’Énéide. Ces qualités sont celles du parfait chevalier : généreux, sage et courageux. 41 Cf. Gosman 1982, p. 1 : il s’agirait d’une « relation, faite à la cour d’Eugène III réunie à Viterbe, par l’évêque de Dsjebel ».

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répandus de l’O ccident chrétien. Q u’on se souvienne des vers du troubadour Peirol : « Q uar s’ieu era en Proensa, d ’un an / N o m clamarian Sarrazis Johan » . 42 Ce prénom a suscité l’interrogation de l’éditeur de Peirol .43 O r, p o u r nous, il s’agit soit d ’un term e devenu générique - tant le prénom était banal - pour désigner les croisés et, surtout, les croisés du N ord, soit, hypothèse plus intéressante, d’une allusion à la foi profonde du croisé Peirol désigné du titre de 3 an par des païens à qui l’existence du roi légendaire n ’était pas inconnue . 44 Est-il impossible que Peirol ait aussi nom m é Prêtre Jean à la strophe suivante de sa poésie ? Il dit, en une for­ mule de bénédiction : « E i Espital e 1 Tem pl’ e 1 rey Jo h an / Com an a D ie u ... » . 45 “Roi Jean ” , 46 c’est ainsi que le désigne le franciscain voyageur Guillaume de R ubrouck : « A la m ort de Coir-Chan, ce nestorien se proclama roi ; les nestoriens l’appelaient le roi Jean et disaient de lui dix fois plus que la vérité. » 47 C’est aussi l’expression de Cerveri de G irona (rey Pestre Joari), et son éditeur n ’a pas m anqué de souligner com bien les croisés com ptaient sur son aide .48 Il n ’est pas absurde, dans ces conditions de voir dans le Johan de Peirol une allusion à ce personnage mythique. Son domaine s’étendait, selon la célèbre lettre adressée à Manuel Com nène , 49 de l’Inde ultérieure au désert de Babylone. India était un term e assez vague et Prêtre Jean, souverain chrétien, peut-être nestorien , 50 est censé régner au milieu des païens, sur un vaste territoire entre Inde et Asie , 51 n o n loin du Paradis terrestre. Pour Guillaume de Rubrouck, ses territoires sont voisins de ceux des Ouigours : « . . . et tout le pays du roi ou Prêtre Jean et de son frère Une entoure leurs terres » , 52 D ans sa belle étude sur l’histoire du Paradis, Jean Delum eau a consacré un chapitre fort détaillé au royaume de Prêtre Jean .53 Cette figure mythique avait vraim ent to u t pour

42 In Pus Flum Jordan ai vist e-l monimen, w . 6-7, éd. Aston 1953, p. 161. 43 Ibid., p. 186, XXXII, note 7 : «Johan = “infidel” ? (see note by Bartholomaris, loc. cit.). O r perhaps a generic term applied by the Saracens to the Crusading soldiers ? Cf. modem “Tommy”, “Fritz”, etc. ». 44 Les dates de Peirol retenues par son éditeur ne viennent pas contredire notre hypothèse : il serait né vers 1160 (pp. cit., p. 3) et serait mort après 1221 (ibid., pp. 16-17). Or la fausse lettre de Prêtre Jean est datée de 1165-1177. 45 Op. cit., str. II, w . 13-14, p. 161. 46 Aston a proposé avec prudence d’y voir une allusion à Jean de Brienne (n. 12, p. 186 : « =J. de B. ? »). 47 Voir Kappler et Kappler 1997, p. 112. 48 Coromines 1988,1.1, p. 134 : « Que el “Preste Joan” ajudaria els occidentals contra els musulmans fou una idea llargament persistent, com es veu encara en Tirant lo Blanc ; i en part descansava naturalment en la comunitat en la religio cristiana. En temps de les Croades es fundà en particular en el passatge de la Iie tra ... on fa vot de rescatar Palestina per a la Cristiandat... ». Voir aussi Gosman 1987, p. 221 : « Il y a eu des rumeurs au sujet du Prêtre et de sa possible intervention en faveur des fidèles en Terre Sainte, mais cette rumeur constituait déjà le motif principal de sa fameuse lettre ». 49 Lettre apocryphe de 1165 ; Zamcke 1879/1883, avait déjà recensé quatre-vingt-treize manuscrits de cette lettre dans sa vaste étude. 50 Voir Kappler et Kappler 1997, les notices PrêtreJean, pp. 272-73 et Nestoriens, pp. 268-71. 51 Cf. Richard 1957, pp. 225-42. Au XVe siècle l’idée que Prêtre Jean était éthiopien se renforça du fait des relations de l’Occident avec ce royaume lointain. 52 Kappler et Kappler 1997, p. 133. 53 Delumeau 1992, pp. 99-127.

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enchanter l’auditoire d ’un conte féerique : « L’Inde est alors pour les O ccidentaux le pays de l’insolite. » 54 O r les M éridionaux pouvaient d ’autant m oins ignorer cette légende que deux versions de la célèbre lettre apocryphe de 1165 existaient en provençal . 5556D e plus, au XIVe siècle circulent les Nouvelles de la terre de Prestre ]ehan.si Ils ne sont pourtant que trois troubadours à m entionner son nom , et de façon fort différente. Estève dans une tenso avec un nom m é Jutge, com pare l’am ant heureux à celui qui posséderait les richesses de Prêtre Jean : Can ve si dons, ni pot far sos comans, El cui’ aver mais que 1 Pestres Joans.57 Gaucelm Faidit se contente d ’une com paraison analogue pour m arquer son grand bonheur : Car mieills mi vai que a Prestre Johan Quan mi membra de lieis qe m’a conques.5859 A to u t prendre, ces deux troubadours eussent aussi bien pu, com m e Frayre de Joy le fait, se com parer au roi d’Irlande, tant le contexte de cette insertion semble banal. Mais la poésie de Cerverf de Girona, b Vers de la terra de Preste Johan,59 est d ’une autre nature. C’est toute la pièce qui est articulée autour de Jean, en tant qu’in­ carnation de la sagesse chrétienne. La première strophe nous apprend que Prêtre Jean m enait une vie d ’ascèse au milieu des richesses qu’il tenait p o u r peu de chose : Volgr’ aguesson li rey aytal usatge Com li ries reys Pestre Joan avia, C’un vaxel d’aur mirava, cascun dia, Plen de terra, pessan dins son coratge, Que l’aurs era vils e 1 terra prezans, E que no 1 des orgoyll nuylls fols talans E fos menbranz d’on fo e on iria.60 Cette magnifique image du roi m éditant sur l’inanité de ses richesses et sur l’hom m e né de la terre et retournant à la terre, est directem ent tirée de la hettre ; 61 elle avait suffisam m ent de force pour ne pas dem eurer ignorée . 62 La deuxième strophe développe l’enseignement m oral adressé aux rois :

54 Ibid., p. 116. 55 Paris, B.N. fr. 6115, du XVe siècle, et Paris, Arsenal 5991. 56 Delumeau 1992, p. 108. 57 Bartsch 1856, str. VI, w . 47-48, 132. Relevons au passage qu’Azaïs (1869), qui a édité cette tenson p. 118, a confondu le mot pestre (simple variante de prestre) avec le cas sujet de pestor, « le boulanger » : « il croit avoir plus que le boulanger Jean » ! 58 Éd. Mouzat 1965, in Ancno-mparti, str. V, w . 29-30, p. 518. 59 Éd. Coromines 1988, Volgr' aguesson li rey, 1.1, pp. 132-40. 60 Ibid., w . 1-7, p. 132. 61 Gosman 1982, v. 580 et s.v., p. 132 ; voir aussi pp. 370-72. 62 On pourra se reporter à l’analyse stylistique de la poésie de Cerveri, faite par Gosman 1987, pp. 21927.

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E volgra mays que is laixes heretatge De la terra de vertat, que ténia, On negus hom ne domna no mentia Ne -s pessava falimen ne oltratge ...6364 La légende attribue en effet à Prêtre Jean un royaume d’où le mal est exclu, une sorte de Paradis terrestre, com m e l’a écrit Jacques D elum eau : Il n’y a pas de pauvres parmi nous. Nous ne connaissons ni le vol, ni l’adulation, ni la cupidité, ni les divisions ». Le mensonge y est pareillement inconnu. « Aucun vice ne règne chez nous »M ... N ’y vivent que des fidèles chrétiens. Car dès qu’un hérétique ou un infidèle y entend parler de la doctrine chrétienne authentique, ou il se convertit aussitôt ou il tombe raide mort.65 O n com prend dès lors que l’O ccident ait rêvé de son aide face aux païens, et que Cerverf ait imaginé, lui aussi, des rois aussi désintéressés que celui-là ! O n ne m anquera pas de rapprocher la méditation attribuée par Cerveri à Prêtre Jean d ’après sa (fausse) lettre , 66 de la parabole des coffrets dans le rom an de Barlam et Jotçapbas,67 car l’esprit et l’intention sont identiques et tém oignent d ’une même dém arche spirituelle. E comandet que hom fezes .1111. escrins de fust, e los .II. que fossan bels e ben dauratz, e los autres .II. que fossan vilmens garnitz ; e -ls .II. que eran bels e dauratz, que om los humplis d’osses de mortz pudens, e que hom los serres an ricas serraduras, e -ls autres .II. que hom los hunplis de peyras preciozas e de bons unguens e de bonas odors.68 Le roi donne à ses chevaliers le sens de ce paradoxe apparent : car vos non gardas segon aquo que ha dedins, mas segon aquo deforas ... Enaysi aquels reys reprenia sos barons et ensenhava que non s’atendes hom ad aquo que pareys deforas, mays ad aquo que es dedins.69 La légende d ’un roi riche com m e Crésus, mais chrétien et aussi détaché des biens matériels qu’un vrai franciscain, n ’est certainem ent pas due au hasard. Ella a bien pu avoir de lointaines racines indiennes , 70 mais, au XIVe siècle, un tel apologue devait aussi évoquer l’ascétisme de Prêtre Jean. Il ne serait donc pas étonnant que l’auteur de notre nova ait connu, lui aussi, une version de la 'Lettre du roi Jean.

63 Op. cit., str. Il, w . 8-11, p. 132. 64 Delumeau 1992, p. 103. 65 Ibid., p. 100. 66 II y est dit que Prêtre Jean avait quatre coffrets pleins de terre et quatre coffrets pleins d’or : la terre symbolisait la destinée humaine, l’or la puissance temporelle. 67 Cf. Bonnier Pitts 1989, p. 189. 68 Ibid., p. 38 et trad. de l’éditeur p. 39. 69 Ibid., pp. 38-39 et 40-41. 70 Ibid., p. 188. Après avoir rappelé ces sources indiennes l’auteur conclut sagement à « une certaine ressemblance ».

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Mais pourquoi Virgile et Prêtre Jean se retrouvent-ils dans notre nouvelle et quels points com m uns les lient ? Le prem ier de ces liens est la magie. D e la m êm e façon que Virgile a créé un m iroir protecteur, de m êm e l’em pereur de ces Indes imaginaires a fait construire un m iroir magique juché sur un édifice incroyablem ent élevé et constitué d ’une succession de colonnes .71 D ’aucuns ont m êm e vu dans ce m iroir dressé sur ses colonnes un vague souvenir du phare d ’Alexandrie .72 Com m e l’histoire de Prêtre Jean était connue grâce à la fausse lettre adressée à Manuel Ier Com nène, em pereur de Byzance, et rédigée entre 1165 et 1177, on peut supposer que ce m o tif du m iroir protecteur a connu un grand succès. Mieux encore, c’est à Virgile que Prêtre Jean attribue la création de son m iroir qui perm ettait, lui aussi, de protéger le royaume : Item que devant la porte de nostre pallaiz a ung mirouer au milieu de la place, lequel VirgUle par son engin y mist. Et le voit on de .XV. journées de loing.73 D ans les deux cas, à Rome com m e aux Indes, le m iroir a une fonction bien précise qui est de faire voir tout ce qui se passe aux confins des provinces et de l’Em pire, y compris les m ouvem ents de troupes ennemies, afin de déjouer toute attaque surprise : « Ce m iroir perm et de voir tout ce qui se passe “pour et contre nous” dans le royaume et provinces adjacentes. » 74 O n rapprochera ce passage de Yexemplum Feminœ de Jean G obi le Jeune qui m et en scène le Virgile magicien et protecteur : Dans une autre partie de la ville Virgile érigea une colonne où il plaça un miroir qui reflétait toutes les tentatives de destruction de la ville. Or le roi de Sicile, en guerre avec la cité, ne pouvait s’imposer à cause de ce miroir.75 Voilà donc ces deux personnages mythiques et magiques réunis lors du mariage final des héros. Frayre de Joy a no n seulement fait inviter Virgile, l’artisan direct de son succès grâce au geai magique, mais aussi cette haute figure de l’exotisme médiéval qu’est le Prêtre Jean :76 « E y fo alegre e payats / Virgili ab Pestre J o h a n » . 77 L ’autre lien qui les unit pourrait être la religion. Le fait que Jean est représenté com m e un chrétien (peut-être de rite nestorien) ne s’oppose pas radica­ lem ent au cas de Virgile, qui aurait eu, com m e on sait, l’intuition du christianisme dans sa IVe Eglogue au vers « trop fameux » :78 ]am novaprogenies cœlo demittitur alto.

71 Dans son édition Gosman fait une brève allusion au miroir de Virgile, note 389-415, pp. 580-81, ainsi qu’au Roman des sept Sages de Rome : « La création du miroir par Virgile, à qui fait allusion P-2 (ligne 392) se trouve entre autres, relatée dans le Roman des sept Sages de Rome ». 72 Cf. Henry 1971, n. l,p . 667. 73 Cf. Gosman 1982, p. 490, manuscrits W et Y. 74 Delumeau 1992, p. 104. 75 Trad. Berlioz 1985, pp. 93-94. 76 Cf. Gosman 1982 ; pour une présentation générale cf. Delumeau 1992, pp. 99-127. 77 Vv. 803-804. 78 Pour reprendre l’expression de Lobrichon 1985, pp. 375-93 ; ici p. 375.

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D e plus, Virgile représente la tradition classique savante, et il est révélateur, à notre avis, que l’auteur, pourtant au fait de la matière bretonne, n ’ait pas porté son choix sur l’autre grand magicien qu’était Merlin. Peut-être a-t-il justem ent jugé trop païen ce représentant de la tradition celtique .79 E ntre Virgile et Prêtre Jean, le lien serait alors à la fois savant, chrétien et aussi méditerranéen. E t pourtant on convient généralem ent que l’aspect pré-chrétien de Virgile n ’a rien de bien évident, et qu’il a sans doute peu touché les écrivains laïques . 80 A u reste, dans notre texte com m e dans tant d ’autres, c’est l’engin du Virgile magicien qui est mis en relief. Mais l’intérêt de cette association de Virgile et de Prêtre Jean est qu’elle semble largem ent dépasser une simple coloration érudite ou exotique. Le geai magique de Virgile venait, d’après l’auteur, des terres lointaines de Prêtre Jean, d ont tous les habitants étaient chrétiens et devaient po rter la croix : N i ancaras en nostras terras non pot negun intrar si non porta davant si la cros.81 O r ce geai au com por­ tem ent hum ain s’en rem et souvent à Dieu. D ’abord p o u r persuader les parents de Sor de Plaserque seul D ieu a pu sauver leur fille : M as Deus ho ha fa ytp er t ’onor (Mais D ieu l’a fait p our vous honorer ) . 82 Ensuite pour persuader Sor de Plaser de pardonner la violence qui lui a été faite : Mas pus Deus perdonet sa mort E hom perdon’ al anamich, Be devets vos a vostr’ amich Perdonar ...83 Après sa mission diplomatique auprès des parents de la belle et l’organisation du mariage, le geai se soucie du baptêm e de l’enfant. Il s’en déclare le parrain, ce qui suppose en bonne logique qu’il est bien chrétien : E 1 gay dix que i faria anans Betejar qu’el d’aqui partis, Det li lo castell con peyris).84 Avait-il retenu la leçon de Prêtre Jean écrivant : Très destriadas personas en I Dieu finalement adoram humilment, loqual ensenha a cascun Crestian babtisme, si salvar si v o l... ?85 L’auteur précise que l’enfant, lorsque le geai se charge de son destin, paraît avoir cinq ans .86 Cette indication n ’a pas seulement pour bu t de m ettre en relief le mer-

79 Pour le rayonnement de la matière de Bretagne en Catalogne au XIVe siècle, voir Riquer 1993, t. 2, pp. 193-256. Cf. aussi le prologue de Frayn de Joy dans lequel l’auteur refuse de composer en français, op. cit., p. 156. 80 Lobrichon 1985, pp. 389-93. 81 Gosman 1982, p. 505. 82 Thiolier-Méjean 1996, v. 670. 83 Ibid., w . 439-441. 84 Ibid., w . 733-735. 85 Gosman 1982, p. 505. 86 Op. dt., w . 731-732.

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veiileux d ’une naissance et d’une enfance dérobées au regard de tous. À cinq ans, l’enfant avait de bonnes chances de survie ;87 c’est donc l’âge auquel on peut envisager son avenir. Mais n ’est-ce pas un peu tard pour être baptisé ? Certes l’âge du baptêm e a parfois été reculé, com m e aux tem ps carolingiens, les nourrissons ne pouvant prendre un engagement personnel ; 88 pour la m êm e raison les hérétiques n’adm ettaient pas le baptêm e des enfants .89 Mais l’hérésie n ’a rien à faire ici. Il faut plutôt se souvenir du fait que m ourir non baptisé ne condam nait pas systématique­ m ent l’enfant à un ensevelissement hors de la terre consacrée ;90 et son salut n ’était pas non plus menacé, l’innocence de son âge le protégeant et lui valant le séjour paisible des limbes .91 Selon l’usage du tem ps, c’est le parrain qui choisit le nom de l’enfant ;92 et le geai se plie à la coutum e : « E mes li nom Joy de Plaser, / D e que la d om n’ac bon saber » . 93 Se préoccupant aussi du mariage religieux des héros, le geai, après avoir obtenu le consentem ent de l’em pereur de G int Senay, n ’oublie pas d ’inviter le Pape en personne, sûrem ent chargé de bénir ce mariage : E l’Apostoli ab cort gran Y fo per mandament del jay Que venguesson a Jensenay (v. 805-807) A la festa de sent Simon, E ab gran benedicion Près Frayre de Joy Sor de Plaser

(v. 810-812).94

T o u t le clergé en ordre hiérarchique assiste à la cérémonie nuptiale : « Arsavesques, bisbes, prélats » (v. 802), et ce cortège clérical organisé par un papagai déci­ dém ent très papal95 rappelle celui des fausses obsèques de l’héroïne (v. 41-43). L’oiseau a ici un com portem ent qui le différencie nettem ent du perroquet de Las Novas del papagai : il réagit en parfait chrétien soucieux de la présence de l’Église et respectueux des sacrements. L’invitation faite au Pape et à toute la hiérarchie de l’Église trouve un écho dans certains passages de la Lettre de Prêtre Jean : E les Fraunceis nus diunt bons nuveles de la pape de Rome, nostre pere e nostre ami en Deu.96 ... Item sachez que en nostre table mengent chacun jour .XX. arcevesques,

87 « Un enfant sur trois en moyenne mourait avant d’avoir atteint l’âge de cinq ans », Riché et AlexandreBidon 1994, p. 85. 88 Ibid., p. 180. 89 Cf. Dossat 1968, p. 79, et Vicaire 1968, p. 113. 90 Cf. Riché et Alexandre-Bidon 1994, p. 88. 91 Ibid., p. 182. 92 Ibid., p. 184. 93 Op. cit., w . 742-743. 94 Pour le rite sacramentel du mariage, on pourra consulter Rouquette 1981, notamment son analyse des mariages dans les romans d’oc médiévaux, pp. 69-80. 95 Cf. le papegaux du Pantagruel, V, 2 ; le terme de papegay ( < papagali) ou chambre dupapegay désignait aussi une salle d’audience du palais pontifical, voir Lacurne de Sainte-Palaye 1880, VIII. 96 Gosman 1982, ms. B, p. 260.

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.XL. evesques et les deux patriarches de saint Thommas qui sieent a table dessur nous pour ce qu’ilz ont le povoir du pape de Romme.57 E nfin l’allusion à Prêtre Jean peut aussi nous donner une indication, parmi d ’autres, quant à la datation de l’œuvre.9798 E u égard à la fête de saint Simon Stock et aux jours frappés d’interdit pour une cérémonie de mariage, nous avions suggéré dans notre édition que les années possibles de com position étaient soit de la fin du XIIIe siècle (1285, 1296), soit du XIVe (1353, 1364).99 O r deux éléments pourraient nous inciter à privilégier la fin du XIIIe siècle ; d’une part le personnage central du perroquet beau parleur est com m un à notre texte et a. L a nouvelle du perroquet d ’Arnaut de Carcassès, com posée vers le milieu du XIIIe siècle ;100 d’autre part, et sur­ tout, u n événem ent n ’avait pu, en cette période, passer totalem ent inaperçu : en 1274 une ambassade des Tatars Gengis Khanides arrivait en France,101102et le mythe de Prêtre Jean a pu en être revivifié. U n peu plus tard, en 1289 les Mamelouks s’em paraient de Tripoli puis, en 1291, de Tyr ; là encore un tel fait a pu ém ouvoir l’Occident. N ous inclinons donc à penser que le caractère magique et féerique de Virgile et de Prêtre Jean n ’est pas le seul lien justifiant leur présence dans le cortège nuptial de Frayre de Joy. E n plaçant sa nouvelle sous Yauctoritas de deux célébrités, d o n t l’une n ’est pas tout à fait païenne et l’autre ém inem m ent chrétienne, notre auteur a mêlé, com m e dans la Lettre,m merveilleux et sentim ent religieux. Il est possible aussi que l’apparition de Prêtre Jean dans notre nouvelle ait été stimulée par les événements contem porains, to u t com m e ils suscitèrent au XIVe siècle un regain d ’intérêt pour la chanson de geste.

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97 Ibid., ms. Y, pp. 495-96 ; pour le ms. d’oc, cf. p. 527. 98 Elle est donnée par Riquer 1993, p. 256, avec prudence et circonspection, comme étant peut-être « de la seconde moitié du XIVe siècle ». 99 Thiolier-Méjean 1996, pp. 114-17. too Voit Thiolier-Méjean 1997, pp. 33 et 54-56. 101 On peut ajouter: 1253, voyage de Guillaume de Rubrouck en pays mongol, et printemps 1272, voyage de Marco Polo (voir Moule et PelJiot 1996). 102 Gosman 1982, p. 49.

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Itinéraire de Terre Sainte, d’après le ms. inédit de la Bibliothèque Vaticane de 1341 (Vat. lat. n° 3136) Ricardo Cierbide

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1. Les pèlerinages en Terre Sainte

Les premiers pèlerinages préconstantiniens en Terre Sainte, organisés par une i élite cultivée, datent de la destruction de Jérusalem par les légions de Tite l’année 70 ' après C. et l’édification d’Aelia Capitolina sur les ruines de la cité par l’empereur Adrien l’année 135 après C. Cette situation va changer à partir des édits de Galerio ! en 311 et de Constantin en 313, par lesquels l’empire octroyait aux chrétiens la i liberté de culte. A partir de ce m om ent-là de nom breux groupes de pèlerins ont : com m encé à arriver en Palestine. A vec l’intronisation de Constantin, le christianisme com m ença à jouir d ’un statut officiel et à être considéré com m e la religion de l’empire, et l’empereur initia la construction de basiliques et d ’églises afin de sacraliser les lieux les plus signalés de la vie du Christ. C’est ainsi que Constantin, suivant les conseils de sa mère sainte H élène, fit bâtir la basilique du Saint Sépulcre ou Anastasis, en l’an 326, consacrée un : peu plus tard en 336, sur l’em placem ent supposé, selon la tradition, où Jésus fut ; crucifié et enseveli. E n m êm e tem ps furent construites la basilique de l’A scension ; ou Eleona et celle de Bethléem . La légende de la découverte de la Sainte Croix est citée pour la première fois une : vingtaine d ’années après la V ita Constantini d’Eusèbe de Césarée,1 dans les écrits liturgiques de Cyrille de Jérusalem vers 350, d ’après lesquels Macaire, évêque de : Jérusalem, invita l’impératrice H élène à visiter la Cité Sainte, à l’occasion du concile ; de N icée l’année 325. Pendant son séjour fut découverte la Vraie Croix, juste à l’en1 droit où l’empereur Adrien avait fait bâtir le tem ple en honneur de Vénus-Astarté. Quelques années plus tard saint A m broise, évêque de Milan, se fait écho de tous ces tém oignages et ajoute dans son œuvre D e obitu Tbeodosii oratio une vie abrégée de sainte H élène, en comparant H élène avec Flaccilla, épouse de l’empereur T héodose. Selon ce récit, le Saint Esprit lui montra la place où était enterrée la croix et se

1 Eusèbe de Césarée raconte dans sa V ita Constantini écrite vers l’année 337 que Constantin eut la vision d’un étendard dans lequel figurait une croix avec l’inscription qui disait : « avec ce signe tu vaincras ». C’est ainsi, nous dit l’auteur, que Constantin obtint la victoire sur Maxence au Pont Milvio, et imposa grâce à celle-ci lapax christiana dans l’empire.

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trouvaient les clous. A u com m en cem ent du Ve siècle (402) Paulin de N o la raconte dans sa lettre 31 com m en t une fem m e sainte, Mélanie la Grande, lui apporta de Jérusalem un morceau de la sainte croix découverte par sainte H élène et com m ent la Croix ne diminuait jamais de poids, malgré les m orceaux qu’on en prenait. La fin de la dom ination byzantine en Terre Sainte date du début du VIL siècle avec l’occupation de D am as par les Perses en 613 et de la Galilée, Césarée et JéruSalem en 614. L ’empereur Héraclius les expulsa en 627 et il fit retourner la Sainte Croix au Saint Sépulcre en 629, obligeant les Juifs à quitter la ville. H uit ans plus tard, en 637, les Arabes se sont emparés du territoire, faisant preuve d ’une certaine tolérance envers les chrétiens. E n l’an 800 Charlemagne obtint le libre accès de la Cité Sainte du calife de Bagdad. E n 1009 le sultan fatimide de l’Égypte ordonna la destruction du Saint Sépulcre, et l’hostilité des Turc Séleucides provoqua la première croisade (1095-1099), ainsi que la création du royaume de Jérusalem (1099-1187) et sa conquête par Saladin. Les saints lieux sont tom bés entre les mains des grâce aux efforts de Frédéric II, mais en 1244 ils sont de nouveau passé au pouvoir des musulmans. E n 1333 lesdits lieux furent confiés aux Franciscains dont la garde fut confirm ée en 1342 par le pape Clém ent VI. Pendant la longue période com prise entre la perte du royaume de Jérusalem et 1341, date probable de notre Itinéraire, les récits chrétiens fon t allusion aux diffi­ cultés que les pèlerins trouvaient à leur arrivée en Terre Sainte et pendant le pèlerinage, com m e le prouvent quelques manuscrits de l’Ordre de Saint-Jean. Tel est le cas d ’un de ceux-ci, inédit qu’il vaut la peine de transcrire :2

Allora veneano molti pellegrini christiani/visitar il Santo Sepolcro e molli ne/ veneano de terra de Roma e d’altri Ion-/ tan paesi con gran travaglio e grande yspense, secondo le lor quaütade. Per lo quai / cosse se fustaveno li lor dinari et quando/ heran gionti ad Jherusalem non poteano tran- / sir per le porte délia cita, se prima non pagave/ lo trebuto. Et quelli che non poteano pagar/ heran batuti grandemente e con gran furore/ regitati adreto. Il perche molti per vegezza/ o per debillezza o per malizia adtrovandosse in cossi/ estraney locchi se morivano de famé o / di sede, di fredo o de caldo o chelli fudevano/ morti da quelli canni infideli. L’altri che/ poteano pagar lo trebuto entraveno per li paesi disabitati, moite volte si/ fudevano verberati e rubati e morti/ da quelli perfidi Sarrayni maledicti da Dio.

2. Description du texte La Bibliothèque Vaticane conserve dans ses fonds de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, connu aussi sous le nom de l’ordre des Hospitaliers, un manuscrit sur papier, le Vat. lat. n° 3136, rédigé en français et en catalan au XIVe siècle. La première partie com prend les rubriques (fols. lr.-5v.), suivi du récit de la légende de la fondation de l’Ordre (fols. 6r.-12r.), et la chronique des Maîtres jusqu’à H élion de V illeneuve (1341, fols. 15v.-21r.). D ans la deuxièm e partie le ms. com prend la

2 Cf. Ms. de la Bibliothèque Nationale de Malte, n° 501, XIV' s., fol. 6r.

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! confirmation de la Règle par le pape Boniface VIII, la Règle et les Statuts approuvés ; par les Chapitres Généraux jusqu’à l’année 1340 (fols. 21v.-75v.). ; T ou t ce texte fut rédigé en français par le m êm e copiste. D u fol. 77r. jusqu’au 105r. un autre copiste rédige en catalan la relation des Statuts approuvés sous le ! mandat des grands Maîtres H élion de V illeneuve (1345), D ord e de G o zo n (1346), ; Pierre de Corneillà (1354), Rouger de Pins (1357) et Raimond Berenger (1367). À i partir du feuillet 108r. jusqu’au 141v., le texte est rédigé en français et com prend les Esgarts ou dispositions juridiques com plém entaires des Statuts, ainsi que les Usages : et Coutumes. A u feuillet 141v.3 on lit : « Explicit stabula et usatica bona n e c n o n / ; régula sancte dom us H osp italis/ sancti Johannis Jerosolim itani/ qui hodie fratres d icti/ dom us ten en t/ [...] anno D om in i M. CCC. quadragesimo .1. ». D ans un carré il est ajouté : « Iste liber scriptus est ad honorem G ./ de Sancto [Stephano] . . . / i n anno D om ini M. C C C ./ quadragesimo .1. et die X X V II m ensis n ovem b ris/ apud civitatem [Rojtocensem in loquo vocato lo / Colac, in capite insuie R hodi ». : A partir du fol. 142r. jusqu’au 147v. ledit manuscrit com prend le texte de ! l’Itinéraire suivi par les pèlerins qui arrivaient en Terre Sainte. Ce récit fut écrit par ; le m êm e copiste qui avait rédigé ledit Explicit en 1341, dans une langue, sans doute française, très archaïsante et qui devait correspondre à celle em ployée par les ; mem bres de l’Ordre de Saint-Jean en Orient, au début en Terre Sainte (1099-1291), : après à Chypre (1310) et finalem ent à R hodes, et qui ressem ble à celle qui a été : em ployée dans la rédaction du m s. n° 6049 de la B .N .F ., rédigé à Chypre entre 1291 et 1310 par fr. G uglielm o di Santo Stephano. Bien qu’il n ’ait pas de relation directe avec le contenu juridique du m s., notre texte est cependant en relation avec la m ission confiée à l’Ordre de Saint-Jean, dont les mem bres se consacraient surtout à aider les pèlerins qui se rendaient en Terre , Sainte pour visiter spécialement la cité sainte de Jérusalem, où ils étaient accueillis dans le grand hôpital de l’Ordre ainsi qu’à Acre. Cette assistance hospitalière, les i m em bres de l’Ordre ont continuée à la porter aux pèlerins venant de V enise, ainsi : qu’aux com m erçants qui se rendaient à R hodes, grâce à l’hôpital qu’ils y ont construit et aux installations portuaires. Il paraît très raisonnable de penser que notre Itinéraire rédigé à Rhodes avait pour destinataires les pèlerins qui arrivaient audit port, où ils s’en procuraient sans doute des copies, à titre de guide informatif. Ses deux premiers feuillets (142r.-v.) nous sont arrivés en parfait état, mais pas le reste (143r.-147v.), avec une perte de papier à la partie inférieure gauche (r.) et droite (v.), particulièrement aux lignes 26 et 27. Les titres ou rubriques des différentes parties sont écrits à l’encre rouge, com m e on le voit au com m encem ent ; du fol. 142r. : « Ces sont les chamins qui droytem ent vu et/ aler de la cite d ’Acre en ; Jherusalem e les peleri-/nages de les sains e le s / luoqs qui sont e n / la droyte vie ». i Egalem ent au fol. 143v. : « Ces s o n t/ les intrees de la sain te/ cite de Jherusalem / e : les lu o q s/ sain s/ que l’on d o it/ suivre e t / adhorer». A ussi au feuillet 146v. : « Ce i est le chamin d e / Jherusalem por aler/ a la quaran-/ tene que D ie u s / jeu n e/ et as ; autres luoqs sayns/ près d ’aqui». E t finalem ent au feuillet 146v. : « Ce est le chamin | j 3 Et pas au fol. 147, comme l’affirme erronément Valvet 2000, p. 70.

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d’A cre a N asa ret/ e de los autres saintetat-/ ges d’entorn ilh ». Le reste a été rédigé à l’encre noire. Le récit finit avec le m o t A M E N . O n voit au fol. 146v. quelques essais de plum e. Les mesures des feuillets sont de 24 m m x 17 m m , et correspondent à la partie écrite, de 16 m m x 11 mm.

3. Structure du texte Le texte est structuré en quatre parties. D ans la première (fols. 142r.-143v.) sont cités les lieux par où devaient passer les pèlerins qui arrivaient en A cre4 à destination de Jérusalem. La première étape comprenait le voyage d’Acre à Hai'fa5 et pour y arriver ils devaient traverser le m ont Carmel,6 qu’il décrit m inutieusem ent en ce qui concerne le prophète Elies, N otre D am e, saint D en is, sainte Marguerite, les frères Carmélites et la beauté du lieu. La deuxièm e étape comprenait le trajet entre Haïfa et Château-Pèlerin. N otre récit dit à propos de la forteresse : « . . . est sur la mer e fu de la m aison dou Temple. E yqui gist madame Euphem ie virge e martir » (fol. 142v.).7 La troisième étape com prenait cinq lieues, entre Château-Pèlerin et Césarée.8 Les pèlerins y visitaient la

4 En hébreu on l’appela A kko. Il s’agit de la ville cananéenne, à 14 km de Haïfa, connue aujourd’hui sous le nom à ’A k k a , le port naturel le plus grand de la Palestine et un des plus anciens de la côte syrienne. Au temps des Grecs elle avait nom Ptolomaïde, en honneur de Ptolémée Philadèlphe, lequel l’avait agrandie entre 285 et 246 avant C. L’année 47 avant J.-Ch. elle fut incorporée à la province romaine de la Syrie sous le nom de Claudia Ptokmaida. L’Ordre de Saint-Jean y fit bâtir une forteresse (v. 1163) et après la perte de Jérusalem (1187) un hôpital. Ils durent quitter la ville en 1291 après de sanglants combats, pour se replier à Chypre, aux alentours de Limassol. Les bateaux vénitiens arrivaient à son port tout au long des XJIIC-XVCsiècles avec les pèlerins provenant d’Occident pour visiter la Terre Sainte (cf. Dicdonario, pp. 14-15). 5 L’Itinéraire l’appelle erronément Chaifas (fol. 142r.) 6 En hébreu Karmel ‘verger, jardin’. Il s’agit d’une montagne d’où on domine la Méditerranée à 550 m de hauteur. Notre texte fait allusion au récit biblique, d’après lequel le mont Carmel était l’image de la beauté et de la prospérité à cause de sa végétation (Cf. Cant. 7,6 ; Is. 35,2 ; Jer. 50, 19). C’est à cause de delà que notre texte dit : « . . . en cele meesme montaigne y a mot bien luoq e delitos... » (fol. 142r) ; « Et par tôt celuy luoq a grant plainte de bonnes aygues que ychent de la roche de la montaigne » (fol. 142v.) (cf. Dicdonario, p. 286). 7 Ladite forteresse fut construite par les Templiers et les chevaliers teutoniques avec l’aide des pèlerins autrichiens et hongrois. Elle se hissait sur un promontoire de la côte au sud de Haïfa pour protéger les voyageurs qui se rendaient à Jérusalem, ainsi que les vignobles, les fruitiers et les champs cultivés des attaques des musulmans. Le dominicain allemand Buchard de Monte Sion raconte que ses murs étaient si solides qu’ils rendaient la forteresse inexpugnable. Entre ses murs il y avait une petite église (cf. Barber 1993, p. 163). L’Itinéraire signale que dans cette église étaient vénérées les reliques de sainte Euphémie (fol. 142v. : « E yqui gist madama saint Euphemie virge et martir ») qui fut martyrisée le 16 septembre 303, comme l’attestent les Fasti Vindobonenses, rédigés en 387. Son culte était déjà connu à Milan au temps de saint Ambroise (vers 390) et à Rome (à partir de 590). Quatre basiliques lui étaient dédiées à Constantinople et c’est en 620 que ses restes furent amenés de Chalcédoine à Constantinople à cause des invasions perses (cf. Biblioiheca sanctorum, vol. V, Rome 1996, pp. 153-58). 8 En grec. Kaisareia, à 36 km au sud de Haïfa. Elle fut fondée au IVe siècle avant J.-Ch. par les Phéniciens et fut conquise par Pompée l’année 63 avant J.-Ch., comme faisant partie de la Syrie. Auguste la donna à Hérode, et elle finit par devenir le centre le plus important de la Palestine romaine, où le procureur avait

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chapelle de saint Cornélius et dans ladite chapelle on pouvait voir, selon Fltinéraite, une grande pièce en marbre, appelée, d ’après la tradition, “la table de N otre Seigneur”. T ou t proche de cette ville se trouvait, toujours selon l’Itinéraire, la ville de Pamperdu, aux alentours de laquelle il y avait un marais plein de crocodiles.9 La quatrième étape comprenait un trajet à travers les m ontagnes, situées près de la mer, où les bandits assaillaient les pèlerins.10 Arrivés à Arsus, les pèlerins continuaient la route jusqu’à Jaffa, après trois lieues. L’Itinéraire nous dit qu’en cette ville il y avait un château ainsi qu’une chapelle en honneur de saint Pierre, et juste à côté une grosse pierre dédiée à saint Jacques. L ’étape suivante comprenait le trajet entre Jaffa et Rames,11 de trois lieues. L’Itinéraire raconte que ladite ville était cité épiscopale et que dans sa plaine le roi Beaudouin IV avait vaincu Saladin.12 D e Rames les pèlerins continuaient jusqu’à D etenuble, qui était à cinq lieues, et de là jusqu’à M ontjoie à nouveau à cinq lieues, d’où ils contem plaient la cité de Jérusalem, située à trois lieues vers l’est. D euxièm e partie. Visite de Jérusalem. Elle constituait la partie la plus importante du pèlerinage. D ans ladite ville13 et aux alentours se trouvaient les lieux saints par excellence et particulièrement ceux

sa résidence. Saint Pierre y baptisa le centurion Cornélius (Act. 25,1-13), et au IVe siècle elle devint un centre d’études chrétien très important aux temps d’Origène et d’Eusèbe. Les croisés y bâtirent une forteresse (cf. Diccionario>pp. 311-12). 9 « . . . le marays ont ilh i a mot sain luoq, auquel marays y a m ot de cocatrix » (fol. 143r.) 10 L’Itinéraire dit à ce propos : «Auquel chamin par dessus si est roche taillee e [est] un mauvays pays e la se aubergent males gens » (fol. 143r.) 11 Selon la tradition, le prophète Samuel est né dans cette ville. On l’identifie avec er 'Ram, à 9 km de Jérusalem (cf. Diccionario, p. 1298). 12 L’Itinéraire exagère évidemment à propos de la bataille qui eut lieu le 25 nov. 1177, quand il affirme que le nombre des vaincus fut de 30.000 hommes et celui des vainqueurs 500. Les chroniques arabes citent comme vainqueur, non pas le roi Beaudouin, mais le noble Reginald de Châtillon (cf. Barber 1993, p. 93). L’Itinéraire se fait écho de l’apparition de saint Georges pendant le combat, lorsqu’il dit (fol. 143r.) : « E la fu veu saint Jorgi apertement en cele bataille ». Le culte dudit martyr de la Cappadoce date de l’époque constantinienne, et selon une ancienne légende, le saint est ressuscité comme “magister militum”, après avoir été coupé en deux. Son culte s’est propagé en Egypte et jouit d’une grande popularité jusqu’aux invasions arabes. Il est récupéré avec l’arrivée des croisés, juste au moment où sont nées les légendes racontées dans l’Irinéraire. Cf. l’apparition de saint Georges revêtu d’armures pendant la bataille de Richard Cœur-de-Lion contre Saladin et la mort du dragon. C’est à partir desdites légendes que les villes méditerranéennes de Gênes, Venise et Barcelone en ont fait leur patron, étant donné que de leurs ports partaient croisés, marchants et pèlerins pour la Terre Sainte (cf. Ribliotbeca sanctorum, vol. VI, pp. 512-20). 13 En hébreu Yerusalayîm ‘ville de Salem’ ou Ville de paix’. Elle était construite sur un plateau de 640 à 770 m. de hauteur, et elle était entourée au nord par le mont Scoppus et au sud par le Jabel-Mukkabi, à l’est par le mont des Oliviers et à l’ouest par des collines de 850 m. La ville est devenue la capitale du royaume au temps de David, et Salomon y construisit le temple (vers 930 avant J.-Ch.) pour y garder l’arche de l’Alliance, la loi de Moïse, l’huile pour la consécration des rois, le grand chandelier, etc. L’année 40 avant J.-Ch. Rome donna le titre de roi à Hérode et celui-ci reconstruisit le temple, en laissant la ville telle que Jésus a dû la connaître. L’année 70 après J.-Ch. eut lieu la révolte des juifs contre l’empire romain, et Titus détruisit la ville et son temple. Plus tard, en 132 après J.-Ch., une révolte éclata, et, après s’être emparé de la ville, l’empereur Adrien ordonna la construction d’un temple en l’honneur de Jupiter Capitolin, donnant à la ville le nom de Aelia Capitolina, formée de quatre quartiers. Plus tard, en 335 l’empereur Constantin entreprit la construction d’une basilique chrétienne - celle du Saint

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qui étaient en relation avec la passion, la m ort et la résurrection de Christ. Les pèlerins venant d ’Europe entraient dans la ville par la porte Saint-Étienne14 et se dirigeaient directem ent jusqu’au Saint Sépulcre pour visiter la place où eut lieu la descente de la croix, le M ont Calvaire et le G olgotha où s’élevait la croix. L’Itiné­ raire nous décrit tous ces lieux, très proches les uns des autres, très m inutieusement. C’est dans cet espace où l’arrestation, la condam nation et la m ort de Jésus se sont déroulées. O n montrait aux pèlerins la colonne où Jésus fut attaché, la place où il fut crucifié, l’endroit où il fut enseveli et la place où la croix fut trouvée, selon la tradition, par sainte H élène.15 D u côté est en direction du sud, une fois sortis de la basilique, ils se rendaient dans la chapelle dédiée au culte de sainte Marie l’Egyptienne, où fut gardée la sainte croix et où la sainte se convertit.16 T ou t près les pèlerins trouvaient l’église de Sainte Marie Latine,17 propriété des Bénédictins édifiée, selon la tradition, à la place où les saintes fem m es, Marie M adeleine et Marie Cléphas ont pleuré pour la m ort de Jésus. À ladite place était la M aison de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. N otre Itinénaire raconte différentes nouvelles en relation avec l’ancien tem ple d ’H érode et la scène où Jacob dut se battre avec un ange, ainsi que l’endroit où Y aveh lui montra l’échelle qui montait

Sépulcre - sur l’emplacement du temple païen. À partir de ce moment la Terre Sainte est devenue un lieu de pèlerinage pour toute la chrétienté. Cette basilique du IV' siècle fut détruite en 938 et 1009, cette fois-ci par le calife fatimide al-Hakim. En 1048 elle fut restaurée par l’empereur byzantin Constantin Manomaque et de nouveau par les croisés en 1149. Malgré de multiples réformes elle a conservé en quelque sorte la forme originaire. Quant aux remparts conservés, ils furent construits par le calife Soliman, l’année 1527. 14 L’Itinéraire fait allusion à quatre portes pour accéder à l’intérieur de la ville : 1. La Porte Spessiossa, qui se trouvait (fol. 144v.) : « A l’intree dou temple vers ponent est la Porta que l’ont dit Spessiossa ». ; 2. La Porte Saint-Etienne, qui était à l’ouest : « ... qui droytement vuet intrer en Jherusalem intre tôt droit par la Porte Saint Estienne... » (fol. 143v.) ; 3. La Porte de Jérusalem, par laquelle Jésus est entré triomphalement le jeudi de Pâques. Elle était à l’est du temple : « Au temple Domini vers levant est la Porta de Jherusalem » (fol. 144v.) ; 4. La Porte Dorée. L’Itinéraire signale qu’elle était à côté du Cédron : « Dessos portes aureas en la valee est le roisel que l’en apela Cedron » (foL 145r.) 15 L’Itinéraire nous dit que juste à l’église du Saint Sépulcre : « ... est le luoq ont madame sainte Helene trova la veraya croys » (fol. 143v.) 16 D ’Après la version de sa vie, attribuée à Sophronius au VII' siècle, la sainte avait vécu à Alexandrie pendant son enfance et sa jeunesse comme femme publique, et lors de la découverte de la sainte croix elle se rendit à Jérusalem avec des pèlerins dans un esprit libertin. Pendant la grande fête elle eut une vision et se retira dans le désert près du Jourdain, où elle vécut durant 46 ans. Un jour elle rencontra un saint homme appelé Zozimas qui lui donna la communion. L’Itinéraire nous parle aussi d’une autre sainte qui lui ressemble beaucoup, sainte Pélage, dont le culte s’est répandu spécialement en Syrie et en Palestine au V' siècle. Selon la légende elle fut une femme publique, douée d’une grande beauté, originaire d’Antioche, qui se convertit pour vivre à Jérusalem, derrière un mur, près du Mont des Oliviers. Après sa mort son corps fut trouvé par les moines, emmuré, et son culte se répandit dans la chrétienté, grâce à son ascétisme (cf. Coon 1997, pp. 77-83). L’Itinéraire situe les endroits où se trouvaient leurs reliques, très proches les unes des autres (fol. 145v.) : « Par dessus est une chapele ont gist sainte Pelage martyr». À propos de sainte Marie l’Égyptienne (fol. 144r.) : « . . . enlaque chapele soloyt esser la sainte croys qui fut trovee et la ymage qui parla a Maria Egipciaca e la converti ». 17 II s’agit d’une grande place, le Muritan, où se trouvait le forum aux temps des romains et que les croisés ont donnée à l’Ordre de Saint-Jean en 1099, lors de la conquête de la ville par Godefroi de Bouillon. Sur cette place était le célèbre hôpital capable d’héberger 400 chevaliers et 900 malades. Ledit hôpital fut abandonné en 1187 après la conquête du royaume par Saladin, mais la mémoire de son emplacement resta vivante, comme le montre notre Itinéraire.

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vers le ciel, l’autel où Abraham s’apprêta à sacrifier son fils et l’endroit où Jésus pardonna la fem m e qui avait péché d ’adultère.18 E n accord avec la société m édiévale qui croyait aux miracles de toutes sortes, l’Itinéraire signale l’endroit où, selon la tradition, restaient les traces de l’ânesse avec laquelle Jésus fit son entrée triomphale à Jérusalem le jour de Pâques.19 Les pèlerins visitaient aussi la Piscine Probatique et les églises de sainte A nne et sainte Marie Madeleine.20 A u sud de la ville les pèlerins arrivaient au M on t Sion, pour visiter la chapelle édifiée à la m ém oire de la condam nation de Jésus, du Prétoire et de la m aison de Caïphe. Ils continuaient jusqu’au Cénacle,21 où Jésus se réunit avec ses disciples quand il institua l’Eucharistie et où le Saint Esprit apparut le jour de la Pentecôte. T out proche, selon l’Itinéraire se trouvaient le lieu connu sous le nom d ’A cheldamat, la piscine de Siloé et l’endroit où les pèlerins étaient enterrés.22 D e l’autre côté de la Porte D orée (Porta Aurea) ils arrivaient au torrent Cédron, où l’Itinéraire signale l’endroit où D avid prit les cinq pierres pour abattre le géant Goliath.23 A ux alentours se trouvait la vallée de Josaphat et l’endroit où sainte Marie fut enterrée. A côté m êm e de celle-ci les pèlerins arrivaient à Gethsém ani, où Jésus pria avant d ’être em prisonné, et un peu plus au nord ils visitaient le M ont des Oliviers d’où Jésus m onta au ciel le jour de l’A scension.24 La visite des saints lieux situés dans la ville finissait avec le pèlerinage à la place où Jésus enseigna le “Pater noster” et à Béthanie où Jésus ressuscita son ami Lazare et pardonna à sa sœur, Madeleine. 18 L’Itinéraire signale aussi l’endroit où fut enseveli l’apôtre saint Jacques (fol. 144v.) : « La dessotz est le sépulcre de saint Jaque, le premier evesque de Jherusalem. Près d’yqui est lh’iglise de saint Jaque. » La presse internationale se fit l’écho de la découverte d’une arche en calcaire au mois de juin 2001, datée vers l’année 63 après J.-Ch., à Jérusalem avec une inscription en araméen et qui, peut-être, garda son corps (cf. E l Pais, octobre 2002). 19 Cf. fol. 144v. : «A u temple Domini vers levant est la porte de Jherusalem et la hors por cele ychue parent les pies de la beste que Nostre Sires chevaucha au jorn de Pasches flories. » 20 Marie Madeleine était originaire de Magdala, près du lac de Génésareth, où elle fut libérée par Jésus. D ’après saint Marc (16,9) la tradition l’identifie avec Marie de Béthanie et avec la femme qui parfuma Jésus chez Simon. Les légendes des XIe et XIIe siècles racontent que les trois frères, Marie, Marthe et Lazare se sont établis à Vézelay ou à Aix-en-Provence (cf. Diccionario, pp. 304-05). 21 L’Itinéraire dit à ce propos (fol. 144v.) : « Sur le grant yglise abatue est l’yglise dou Saint Esperit, illueques dischendi le Saint Esperit sus les apostles le jorn de la Pentecosta. » D ’après les Evangiles (Mc. 14,15 ; Le. 22,12 ; Jn. 20,19 ; Act. 1,15) il y avait une grande salle située dans la partie supérieure de la maison. On n’est pas sûr de son emplacement. On ne croit pas que celle-ci coïncide avec la mosquée de Nabi Daud, qui abrite, selon la tradition, la tombe du roi David. Aujourd’hui le Cénacle et ladite sépulture occupent le même bâtiment. L’église du moyen-âge bâtie par les Franciscains date de 1342 et la légende de l’existence de la tombe de David est du XIe siècle (cf. Diccionario, pp. 304-05). 22 « Puis amont sur la cite est Natathorie Siloe et près fu enfois saint Ysaias. Sur Natathorie est Acheldamat [...] e se est la sépulture ont met les pèlerins» (fol. 145r.). L’eau qui arrivait à la piscine venait d’une source nommée Guijon, en passant par un tunnel construit par Ezéchias, l’année 701 avant J.-Ch. Dans ladite piscine Jésus donna la vision à l’aveugle (Jn. 9, 1-12) et les Byzantins ont bâti d’abord une église sur ledit endroit, et plus tard les musulmans une mosquée (cf. Diccionario, p. 1441). 23 Fol. 145r. : « Dessos Portes Aureas en la valee est le roissel que l’en apela Cedron, illuoq culli David les .V. pierres de que ilh ossit Golias. » 24 F o l 145r. : «A u dessus vers levant est Monte Olivet, d’ou Nostre Sires monta au ciel le jour de la Ascenssion. »

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La troisièm e partie de notre Itinéraire décrit les lieux en relation avec la perm anence de Jésus au désert de Judée25 et le pèlerinage au M ont Sinaï. Premièrem ent est cité le M ont des Tentations, où Jésus jeûna pendant 40 jours et 40 nuits. D e là ils se dirigeaient jusqu’à Jéricho pour arriver au Jourdain, place vénérée des pèlerins à la m ém oire de l’endroit où Jean baptisa Jésus. A ux alentours il y avait beaucoup de m onastères.26 Les pèlerins qui avaient suffisam m ent d ’argent arrivaient jusqu’au M ont Sinaï, situé à huit journées de voyage, et là-bas ils visitaient le m onastère de sainte Catherine, où ses reliques étaient conservées dans une urne en marbre.27 Selon l’Itinéraire les pèlerins retournaient à Jérusalem, en s’arrêtant à Rames, où ils visitaient le puits et la sépulture de Rachel, mère de Joseph et de Benjamin.28 A deux lieues de Jérusalem les pèlerins visitaient la ville de Bethléem où Jésus est né.29 L’Itinéraire se fait écho du manque d’esprit critique, lorsqu’il nous dit qu’à la sortie de la basilique on pouvait voir le puits, où l’étoile qui guidait les Mages30 est tom bée, ainsi que l’endroit où les Innocents furent sacrifiés et la tom be de saint Jérôm e.31 D e Bethléem ils continuaient le pèlerinage jusqu’à H ébron.32 À l’est de la

25 Fol. 145v. : « Ce est le chamin de Jherusalem por aler a la quarantene que Dieus jeûna et as autres luoqs sains près d’aqui. » D e la même façon que Moïse, Élie et Jean-Baptiste, Jésus est entré dans le désert pour se purifier, comme dit l’Évangile (Mc. 4,1-3). L’exemple de ces quatre personnages bibliques fut suivi quatre siècles plus tard par des hommes et des femmes dans les déserts de la Syrie et de l’Égypte, à la recherche de la perfection (cf. Coon 1997, p. 71). 26 Cf. Dictionario, pp. 842-44. 27 Fol. 145v. : « En celuy Mont gist madame sainte Caterine en une vieille sépulture de marbre. » Les premiers témoignages chrétiens sont en relation avec Moïse et non avec sainte Catherine, comme le prouve la tour que sainte Hélène fit construire au pied de la montagne, l’année 327, et la chapelle entourée de murailles érigée par Justinien en 530. C’est seulement à partit du VIIe siècle que les sources chrétiennes nous parlent de sainte Catherine, lorsque ses reliques furent amenées, selon la légende, dans l’église-forteresse afin de les sauver des invasions arabes. Son culte s’est répandu en Occident à partir du VIIIe siècle (cf. Keller 1967, p. 142 ; Bibliotheca sanctomm, vol. III, pp. 954-68). 28 Cf. Dicdonario, pp. 1298-99. 29 L’Itinéraire nous dit (fol. 146r.) : « A .II. lievas de Jherusalem est la creche hont Nostre Senhor fu mis cant ilh fu nés e enveloppes de péris drapieus. Près d’yqui est le luoq de la Nativité. Et le luoq ont les très reys qui vendrent d’Orient adorèrent Nostre Seignor... » Le premier témoignage chrétien de la ville date de l’année 339, lorsque sainte Hélène ordonna la construction d’une chapelle octogonale sur l’endroit où, d’après la légende, Jésus est né, et ensuite une basilique. Celle-ci fut réédifiée au VIe siècle par Justinien, respectée par les Perses en 614 et restaurée par les croisés en 1169. Depuis lors elle s’est conservée intacte (cf. Kochav 1995, p. 262). 30 « Illueq au coste cuer, a mayn destre est le poys ou chay l’estela » (fol. 146r.). D ’après la tradition ils ont reçu le nom de Mages (en grec magoi ‘étrangers”). La légende les fait venir de Chaldée ou de Perse, où ils pratiquaient l’astrologie. D ’autres légendes disent qu’ils venaient d’Arabie ou d’Afrique, à cause des cadeaux qu’ils ont amenés d’Orient. D ’après un apocryphe araméen du VIe siècle on leur donna les noms de Melchon ou Melchior, Gaspard et Balthasar. Leurs prétendues reliques furent transportées de Milan à Cologne au XIIe siècle. 31 Fol. 146r. : « E l’encontre est la sépulture de saint Jeronime. » Saint Jérôme est né à Stridone, près d’Aquileia (340-345). Il acquit une formation très solide dans la culture gréco-latine à Rome sous le magistère du grammairien Donat. Il abandonna Rome pour pratiquer l’ascétisme en Orient l’année 379, et de retour à Rome il travailla aux ordres du pape saint Damas ; mais il quitta la ville de nouveau à la mort du pape pour s’installer à Bethléem, grâce à la générosité de Paule, une de ses élèves, pour se dédier à la traduction de la Bible. Il est mort à Bethléem l’année 420 dans un monastère qui était tout près de la basilique de la Nativité (cf. Bibliotheca sanctorum, vol. VI, pp. 1109-30).

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ville on montrait aux pèlerins l’endroit où sainte Marie salua sa cousine sainte Elisabeth, et où saint Jean-Baptiste est né. U n peu plus loin, à deux lieues seulement, ils pouvaient visiter la ville d ’Ém aüs,3233 où Jésus apparut à ses disciples Lucas et Cléophas. D e Bethléem les pèlerins se dirigeaient vers le nord en direction de la Samarie pour visiter le tom beau de saint Jean-Baptiste et le puits où Jésus parla avec la Samaritaine.34 D e Sébaste ils se dirigeaient vers le M ont Tabor, où Jésus s’est transfiguré. C’est ici que finissait la troisième partie du pèlerinage. La quatrième et dernière partie comprenait la visite des lieux saints situés au nord, en Galilée, y compris la ville de D am as en Syrie. Les pèlerins partaient cette fois-ci d ’Acre pour arriver à Nazareth, au terme de sept lieues de voyage, après avoir passé par Safran, où, selon la légende, saint Jacques le Grand est né. À Nazareth35 ils visitaient l’église construite où, selon la tradition, l’ange Gabriel est apparu à sainte Marie pour lui annoncer l’Incarnation du Fils de D ieu. Après ils continuaient jusqu’à Canaan de Galilée36 et aux alentours ils visitaient le village de N ain,37 où Jésus ressuscita le fils d’une veuve. Après ils continuaient jusqu’à la ville de Tibériade,38 aux rivages du lac, pour com m ém orer l’apparition de Jésus sur les eaux et pour visiter la ville de Capharnaüm,39 dont Jésus avait fait son centre de prédication en Galilée.

32 L’Itinéraire se fait écho d’une légende, d’après laquelle Yaveh créa Adam et Ève dans cette ville, où se trouvait aussi la maison de Chain et Abel (fol. 146r.) : « Et illueq fïst Nostre Sire Adam et Eva. Et illueq est la maisson de Chayn et d’Abel. » 33 L’Itinéraire qui est plein de références aux légendes miraculeuses si estimées des pèlerins de l’époque, nous dit que juste à côté se trouvait l’endroit où était l’arbre dont on fit la croix sur laquelle Jésus fut pendu : « Ad une lieua de Jherusalem si est l’albre de coy fu faite la veraye croys » (fol. 146r.) 34 Fol. 146r. : « Illueq parla Nostre Sire a la Samaritana au pos de Jacob. Illueques a .II. [lieuas est] la cite de Sebaste. Illueq saint Johan [...]» L’Itinéraire fait allusion à la ville de Sébaste construite par Hérode le Grand en honneur d’Auguste et qui s’est conservée sous le nom de Sabastijed, à 12 km de Nablus (cf. Dicàonario, pp. 1387-88). 35 Du grec Naspra. Il s’agit d’une ville située à 24 km au nord-ouest de Tibériade, où, d’après Mt. (2,23) ont vécu Marie, Joseph et Jésus à leur retour d’Égypte. Selon les Évangiles (cf. Mt. 21,11 ; Le. 1,9 ; Jn. 1,45) Jésus était originaire de cette ville où il commença sa prédication. Elle fut visitée par la nonne Egeria l’année 384 et les Byzantins ont construit au VIe siècle une église sur un bâtiment qui avait peutêtre été avant une synagogue. Elle fut réédifiée par un croisé appelé Tancrède, l’année 1099. La basilique actuelle fut consacrée en 1968 (cf. Dicàonario, p. 1080). 36 L’Itinéraire signale les endroits où ont lieu les noces, où se trouvaient les amphores et le puits d’où l’eau fut tirée pour être convertie en vin (fol. 146v.) : « Encores par le luoq ont les nosses furent faites et le luoq on les .VII. ydrias estoyent [...] ad .1. trait d’arc jusques au pois ont l’aygue fu prise. » Cette petite ville dont nous parle l’Itinéraire est probablement l’actuelle Kiirbiert Qana à 15’5 km au nord de Nazareth, dans un endroit marécageux (cf. Dicàonario, p. 267). 37 Act. Nen, à 10 km au sud-est de Nazareth. L’Itinéraire dit à ce propos : « Illueq ressussita Nostre Sire le filh a la fema veua devant la porte de la ville » (fol. 146v.) 38 En grec Tiberias et que l’Itinéraire appelle Tabarie. Il s’agit de la ville fondée par Hérode Antipas vers l’année 20 après J.-Ch. et à qui il donna ce nom en honneur de l’empereur Tibère. Actuellement elle est appelée et Tabariye, à 11 km au sud de Capharnaüm et à 24 au nord-est de Nazareth. D es fouilles ont permis d’en retrouver la porte principale et les fondations de ses remparts (cf. Dicàonario, pp. 1508-59). 39 En grec Kapbamaoum. Elle s’identifie avec l’actuelle Tell-Hwn, au nord-ouest du lac et à 4 km de l’embouchure du fleuve Jourdain dans le lac. Les fouilles archéologiques ont mis à jour les restes d’un

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À propos des alentours du lac, l’Itinéraire signale l’endroit où Jésus multiplia les pains et les poissons pour nourrir les gens et où il paya son tribut. D e Tibériade ils continuaient jusqu’à Safed, situé à trois lieues, pour vénérer une pierre placée sur un pont, où Jésus, selon la tradition, se reposa. D e retour en Acre ils passaient par Saint-Georges pour visiter une église animée par les Bénédictins. Le pèlerinage finissait à Tedernay, à trois journées de D am as, où ils vénéraient la table de N otre D am e et où ils se procuraient de l’huile miraculeuse pour soigner les malades.

4. Prétendus lieux saints qu’on montrait aux pèlerins C om m e on l’a vu, l’Itinéraire se fait l’écho de traditions pieuses en relation avec des endroits liés avec des passages de l’A ncien et du N ouveau Testam ent qui suscitaient la piété et la curiosité des pèlerins. Parmi les premières on pourrait signaler celle de la naissance d’Adam et E ve et celle de la m aison de Caïn et A bel à H ébron j40 l’enterrement de la tête d ’Adam , sur lequel fut érigée la croix41 et l’endroit où D avid ramassa les pierres pour abattre Goliath.42 Le reste est en relation avec la venue des rois Mages,43 soit avec l’enfance de Jésus,44 soit avec sa vie publique.45 Les plus nom breuses sont en relation avec la vie de Jésus : l’entrée triomphale dans Jérusalem,46 sa passion et sa mort, sa prise à G ethsém ani la nuit du jeudi saint,47 les clous avec lesquels il fut pendu sur la croix,48

bâtiment du IVe siècle après J.-Ch., décoré, et qui fut l’objet de pèlerinages, ainsi que les restes de deux synagogues (cf. Kochav 1995, p. 215). 40 « ... En Hebrom [...] illueq fist Nostre Sire Adam et Eva. Et illueq est la mayson de Chain et d’Abel” (fol. 145v.) ; cf. n. 34. 41 Fol. 143v. : « ... dessos est Golgota. Ce est le luoq ont le sanc Nostre Seignor pertusa la roche et chay sur la teste de Adam ». 42 Fol. 145r. : « . . . le roissel que l’en apela Cedron. Illuoq culli David les .V. pierres de que ilh ossit Goiias » ; cf. n. 25. 43 A propos de l’étoile qui guida les Mages pendant leur voyage jusqu’à Bethléem, l’Itinéraire nous dit (fol. 146r.) : « . . . au coste dou cuer a mayn destre est le poys on chay l’estela » ; cf. n. 32. 44 L’Itinéraire signale qu’à la sortie de Bethléem il y avait une chapelle qui rappelait l’endroit où sainte Marie donnait le lait à l’enfant Jésus (fol. 146r.) : «D essotz Bedeem i a une chapele dont Nostre Dame se repausa quand ele doit effanter Nostre Segnor. » 45 Cf. le signalement de l’endroit où se trouvaient les amphores qui contenaient de l’eau convertie en vin, ou celle du puits d’où on avait tiré de l’eau aux noces de Cana, ou celle de la pierre sur laquelle Jésus se reposa sur le pont de Safed (fol. 147r.) ; cf. n. 38. 46 Fol. 144v. : « Au temple Domini vers levant est la porte de Jherusalem et la hors par cele ychue parent les pies de la beste que Nostre Sires chevaucha au jom de Pasques Flories » ; cf. n. 21. 47 Fol. 145r. : « En apres d’aqui est Getsemani, le luoq on Dieus fu pris et illueq parent les dois de Nostre Sire en une pierre. » 48 L’Itinéraire signale qu’à la place d’Ame, située entre l’église de sainte Marguerite et l’ermitage des frères Carmélites, furent forgés lesdits clous (fol. 142v.) : « ... y a .1. luoq aval au playn entre sainte Margauarite e les freres dou Carme que a nom Ame. Illuoq si como l’en dit furent fais les clos dont Nostre Seignor fon cloes. Et encores par le luoq ont ilh furent forges. »

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Itinéraire de Terre S ainte

l’arbre dont la croix fut faite49 et finalem ent l’endroit où celle-ci fut découverte par sainte H élène et où elle fut gardée pour la vénération des pèlerins.50

5. Texte Ces sont les chamins qui droytament vuet/ aler de la cite d’Acre en Jherusalem. E les peleri-/ natges de los sains e les/ luoqs qui sont en/ la droyte vie. 5.1. Qui droytemant/ vuet aler en Jherusalem/ si voie en tele manieyra corne ilh/ est en cest escrit devise. Pri-/ merament l’on vait d’Acre a Cayphas. Auquel cha- / min ilh i a .1111. lievas. E si apres d’illueques [est] la mo»taig«e/ dou Carme, on le luoc mosser saint Danis est, ce est/ assavoir, la ont ilh fu nés ad une ville que l’on ape-/ le Franche Ville. Auquel luoq est una chapele sos/ Pautier ad une pierre valee. Au giet d’une pierre est/ la fontaine de mosser saint Danis, laquele ilh trova/ e la fist de sas propes mayns. E sachies que ilh i a mot bieu/ luoq et est le plus sayn luoq de toute le montanha a / cuer d’ome. En cele mees montaigne est l’abaye de ma-/ dame sainte Marguarite, laquele est de moines, ont ilh/ i a enssi bieu luoq. E dessos cele abaye au pendant/ est le luoq ont saint Helyas habita, auquel luoq est/ mot bele chapele en la roche. Apres de cele habaye/ de sainte Marguarite en el costieira en cele meesme/ montaigne y a mot bieu luoq e delitos, hont habitant/ les ermitans latins, que l’en apele freres dou Carme, ont ilh a / une mot bele petite yglise de Nostre Dame. E por tôt celuy/ luoq a grant playnte de bones aygues que ychent de la ro- / fol. 142v. che de la montaigne. Delaquele habaye de Grex jusques as/ hermitans a une lieua e dimie. Apres y a .1. luoq/ aval au play» en sus de la mer, entre sainte Margua-/ rite e les freres dou Carme que a nom Arne. Illueq si com/ l’en dit furent fais les clos dont Nostre Seignhor/ fon cloes. Et encores par le luoc ont ilh furent far-/ ges. Apres cele mo»taigne dou Carme a la partie des/ hermitans latins, a la costieira devers Chastieu Pelerin/ ssi a .1. luoq que l’on apela saint Johan de Tire, ont/ ilh i a .1. mostier de Grex, ont saint Johan fist motz/ de biaus miracles. Apres celuy luoq vers Chastieu Pele-/ rin y a une ville que l’on apele Caphamau», on furent fais les deniers desquais fu vendus Nostre Sire. De Caiphas a Chasteu Pelerin s’i a .111. lieuas, lequel/ chastieu si e[s]t su la mer e fu de la maisson dou/ Temple. E yqui gist madame saint Euphemie/ virge e martir. De Chastieu Pelerin a la cite de Ce-/ zaire si a .V. lieuas. Lequele cite est si la mer et/ est d’un baron dou roiaume. Dehors des murs de de cele/ cite est une chapele ont saint Comeli gist, que saint/ Pere babtiza e lequel fu apres messire saint Pere/ archivesque de cele cite. En près de cele chapele si a/ une mot bele pierre de marme, grant e longe, la-/ quele l’on apele la table de Nostre Seignor. E ssy i a .II./ autres pierres de cel marbre, corne la table qui sont/ toutes reondes groces de ssos et agues dessus que l’en / fol. 143r. dit les chandelices de Nostre Seignor. Apres a may» se-/ nestra près d’une ville que a nom Pan perdu, si est/ une chapele

49 En accord avec l’Itinéraire, ledit endroit se trouvait à une lieue de Jérusalem (fol. 146r.) : « Ad una lieva de Jherusalem si est l’albre de coy fu faite la veraye croys. » ; cf. n. 35. 50 L’Itinéraire signale que dans la basilique du Saint Sépulcre il y avait un escalier avec 40 gradins pour descendre jusqu’à l’endroit où sainte Hélène avait découvert la sainte croix (cf. fol. 143v.). L’Itinéraire nous dit aussi qu’à l’intérieur de la basilique il y avait une chapelle (fol. 144r.) : « ... en laquele chapele soloyt esser la sainte croys qui fù trovee. »

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É tu des de langue et de littérature m édiévales offertes à P eter T . Pàcketts

de Nostre Dame, qui si est sur le marays/ ont ilh i a mot sain luoq, auqual marays y a m ot/ de cocatrix. De Sezayre ad Arssus y a .II lieuas/ lequel chastieu set .1. petit près de la mer, sur .1./ tertre de sablon, lequel chastieu est de l’Ospital. A u-/ quel chamin par dessus si est roche tailiee et .1./ mauvays pays e la se aubergent males gens, aucune/ fois por talher le chamin a ceaus qui vont a Japhe. D e/ Arssus a Japhe qui est ville e chasteu si a .III. lieuas/ et si est le chasteu sur la mer et si est co«te a Japhe/ troue l’en sus au chastieu en l’yglise de saint Pierre le/ peron de saint Jaque l’apostle de Gualice. De Sezaire/ a Celone si a .VII. lieuas, lequele ville set sur la mer e / [de] Celone a Guadre si a .III. lieuas. Lequele ville set sur/ la mer que a nom Guadre. De Japhe a Rames si a .III. lie-/ vas. Rames si est cite et evesque. Au playn de Rames le/ roy Baldoyn roy de Jherusalem aveques .VC. homes a cheval/ descofist Saladin am tôt son ost, bien .XXXM. homes de/ cheval. E la fu portée la veraya croys ont NwAe Sire/ sofri mort en Jherusalem. E la fu veu saint Jorgi aperte-/ ment en cele batalle, qua»t ilh feri primerame«t sur les/ Sarrazins. Laquele batalle fu faite le jorn de sainte/ Katerine. De Rames a Detenuble si a .V. lieuas. Dete-/ nuble est une grant ville. De- tenuble a la [_]51/ si a .V. lieuas. Sur la Mo«tjoye est la glise de [...] / fol. 143v. Samuel et si a .III. lieuas jusqaes en Jherusalem. De la Most- / joye vait l’on tôt droit a la sainte Cite de Jherusalem/ par solhel levant, sans aler ni sa ni la. 5.2. Ces sont/ les intrees de la sainte/ Cite de Jherusalem/ e les luoqs sains/ que l’on doit suivre et/ adhorer. Primerament qui/ droytemant vuet intrer/ en Jherusalem intre tôt droit/ por la porte saint Estienne e doit querre/ les sains luoqs. Primerament/ le saint Sépulcre Nostre Seignor/ est illueques apres. C’est assavoir, au cuer/ ont est le compas de Nostre Seignor. Essi est enssi le luoq/ ont Nichodemus et Josep ab Aramacia miront son/ benoit cors, quant ilh fu encevelus apres la benoyta pa-/ssion. A la ysssue dou cuer, a la senestre mayn est M on-/ ticalvayre. Ce est le luoq ont Dieus fu mis en la croys/ e dessos est Golgota. Ce est le luoq ont le sanc Nostre/ Seignor pertusa la roche e chay sur la teste de Adam./ En apres deniers la tribune dou maistre autel de-/ sos Monticalvayre est la colonpne ont Nostre Seignor/ Jhesu Christ fu lies e batus. Et illueques de coste une di- / ssendue de .XL. degres est le luoq ont madame sainte/ Helena trova la veraya crois. En apres al ichue/ dou cuer près dou Sépulcre est la preisson de/ Nostre Seignor a mayn destre. Et illueques est la/ colopna dont ilh fu lies. De l’autre intree dou Sépulcre/ [...] degres contre aval jusques a la chapele des/ fol. 144r. Grex, en laquele chapele soloyt esser la sainte Croys/ qui fu trovee et la ymage qui parla a Maria Egipciaca/ e la converti. Apres par cele ychue dou Sépulcre por/ dehors, vers droite est l’yglise de saint Carico. E la au-/ssi est son cors. De l’autre part dou Sépulcre par de-/ va«t vers midy, près d’iiluoq est l’yglise de Narfre Dame/ de la Latine, la primera ygüse que unques fust de Latins/ en Jherusalem e por ce a nom la Latine. Et est de moines/ noyrs. Cest est le luoq on sainte Marie Macdalena et/ sainte Marie Cleophe detraistrent lur chaveus, cant Nostts/ Sire Jhesu Christ morut en la croys. Et illuequ’ es la/ maisson del Hospital de sant Johan. Deva«t le Sépulcre/ ta«t coms .1. arc puet traire a .III. fois vers levait/ est le Temple Domini ont sont .1111. intrees et .XII. por-/ tes. En my le Temple est la gran roche sacree, ont/ estoit l’arche Nostre Seignor au temps de David. E la ver-/ gua d’Aharo» e les tables dou vielh testament e les .VII./ chandeliers d’or e la uche ont estoit la manne que ve-/ noit dou ciel e le fuec qui soloit devorer le sacriffice/ que l’en faissaoit e l’oli que degotoit dont les roys e les prophetas/ Nostre Seignor estoient en oingnt. E illueques de coste/ sur l’arche fu les Fis de Dieu ufert et ilueques vi Ja-/ cob l’eschiela que tocoit jusqws au ciel. E la vi el les an-/ geles monter e 51 On ne peut pas lire le texte à cause de la perte du papier. Peut-être doit-on lire : montagne.

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Itinéraire de Terre Sainte

dissendre. A destre de la roche apparut/ l’angel ad Zacarias lo propheta. La dessus est SÆffta Siwztorum./ Illueques pftdona Nwfte Sire a la fema qui fu prise [en ad-]/ ulteri. Illueques ftz anuncies saint Johan Bafptista]/ en celuy luoq adorent or endroit les [...]/ fol. 144 v. Auttressi dis l’on que illueques estoit .1. auder hont/ saint Habraam fist sacrifice a Dieu. La dessotz est le/ sépulcre saint Jaque, le primier evesque de Jherusalem./ Près d’yqui est lh’iglise saint Jaque. Hors dou T e«-/ pie est .1. autier ont Zacarias fis barachias su-/ ccis et ce est entre le Temple e l’autier. A l’intree/ dou Temple est la porta que l’on dit Spessiosa, vers pone»t/ e vers horient est le Temple Salamon. Par devers le-/ vant est le bay» Norire Seignor. Et illuoq fon son lit/ e de Nittfre Dame aussy. Au Temple Domkà vers levait est/ la porte de Jherusalem et la hors por cele ychue parent/ les pies de la beste que N astre Sires chavaucha au jorn/ de Pasches flories. E t la dessus sont portes aureas./ Au Te«ple vers cele ychue est Prcbatica pissina, en cele/ voye et illueques près est santa Anna e sso monument./ Sur sainte Anne est l’yglise de sainte Marie Macdalena./ Vers mydi sur la cite de Jherusalem est Monte Syon./ La est le luoq e la grant yglise qui est abatue, o nt/ Nostre Dame sainte Maria trespassa et d’illuoq la por-/ tarent a Josaphat. Illueques est une chapele,/ ont Nostre Sire fon jutgies e batus e flageles e d’es-/ pines corones. Et se fu le prétoire de Chaiphas et/ sa maisson. Sur le grant yglise abatue est l’ygli-/ se dou saint Esperit. Illueques dichendi le saint [Esperit] sus les aposdes le jorn de la Pentecosta. E t/ [...] a mayn destre est la table on Dieus cena avec/ fol. 145r. ses diciples. Et aqui dessotz est le luoq ont Nostre Sire/ lava les pies a ses aposdes et encore y est la pis[cin]e./ Illueq intra Dieus portes closes e dist a ses dissiples : «P as/ soit a vos ». E dist a Thomas : « Met yssi ton doit e ta may»/ en mon coste ». De sost monte Syon est une chapele que l’on/ apela Gualilea. Illueq aparec Nostre Sires as bones fe-/ mas et a Symeon. En Monte Syon fu oingt le roy/ Salamon. Puis amont sur la cite est Natathorie Siloe/ e la près fu enfois saint Ysaias. Sur Natathorie/ Siloe est Acheldemat. Se est le luoq qui fu achate des/ .XXX. dîners que fu vendus Nostre Seignor et se est la/ sépulture ont met les pèlerins. Dessos portes aureas/ en la valee est le roissel que l’en apela Cedron. Illuoq eu-/ lli "David les .V. pierres de que ilh ossit Golias. Et illuoq/ est Josaphat, le luoq on Nostre Dame sainte Maria fu en-/ terree et mise. En apres d’aqui est Getssemani, le/ luoq on Dieus fu pris et illuoq parent les dois de N o-/ stre Sire en une pierre. Illuoq laicha Dieus saint/ Per et saint Jaques et saint Joha» qua«t ilh ala orar./ Illuec tan corne le giet d’une pierra est le luoq/ on Dieus oret a son Pere e suet les gotes de sanc dego-/ tant por tierra. Illueq fu mis saint Jaques et/ saint Symeon et Zaquarias. Au pendant de cela/ valea est la sépulture dou roy Josaphat, dont la/ valee est enssi nomee. Audessus vers levant/ est Mo«te Olivet, d’on Nostre Sire mo«ta au ciel/ le jorn de la ascenssion. Et encores [...]/ fol. 145 v. sinestre. Illueq coma»da Nostre Sire a sses dissiples a / ad aler preycher l’eva«geli ad universse créature./ Par dessus est une chapele ont gist sainte Pe-/ lage martir. Près d’yqui vers mydi est une/ chapele ont Nostre Sire fist le patemoster. Entre/ Mo«t Oliveti et Betania est Betffage, hont Nostre/ Sire ma»da saint Pierre e saint Jaque por la / assnessa e por son polin le jorn de Pasque florie./ Près de Betanie est le luoq ont Dieus ressucita La-/ dre e pmiona les pechies a la Madalena. Ce est la may-/ son Symon le Lebros qui est ad une lieua de Jherusalem. 5.3. Ce est le chamin de/ Jherusalem por aler/ a la quarantene/ que Dieus jeune/ et as autres luoqs say«s/ près d’aqui. De Jherusalem a la ,XLe. a / .VII. lieuas et illueq jeûna/ Narfre Sire .XL. joms e .XL. nuogz./ Et apres d’aqui est Jerico. De Jerico/ au flum Jorday» a .III. lieuas, illueq fu/ Nostre. Sires babtises de saint Joha»/ Babtiste. Dou flum Jorday» a Monte Synay»/ si a .VIII. jomees. Yllueques dona Nostre/ Sires la loy a Moysen. Et en celuy Mo«t gist madame/ sainte Caterine en une vieille sépulture de marbre./ Ad une lieua de Jherusalem vers mydy est saint H e-/ lias. E près d’aqui .1. poy est le Cham Flori. En a-/ [...] .1. poy fors de cele voie est le sépulcre

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Raquel/ [...]. En contre celuy Mont d’autre part/ fol. 146 r. est la cite de Bedeem, ont nasci NwiSte Seignor./ A .II. lieuas de Jherusalem est la creche hont N ostre/ Senhor fu mis ca»t ilh fri nés et envolopes de pe-/ tis drappieus. Près d’yqui est le luoq de la Nativité./ Et le luoq ont les très reys qui vendrent d’Orie«t/ adorèrent Nostre Seignor, qua«t ilh l’oufrirent o r/ et ensses e mirre. Illueq au coste dou cuer, a may«/ destre est le poys on chay l’estela. Al senestre gissent/ les ignocens. E l’encontre est la sépulture de saint/ Jeronime. Dessotz Bedeem est une chapele o nt/ Nostre Dame se repausa quawt ele doit effanter/ Nostre Seignor. E pren l’on la via d’aqui ad aler a / saint Habram en Hébron. E t illueq fist Nostre Sire/ Adam et Eva. Ey illueq est la maisson de Chaym/ et d’Abel. Près d’aqui si demostra Nostre Sire en for-/ me de la Trinité a saint Habraam. Vers l’oriant/ est le luoq on Nostre Dame salua santa Helisabet. Il-/ lueq fu nés saint Johan Babtiste et Zaquarias, son/ pere. A .II. lieuas d’aqui est .1. chastel que l’on apela/ Hemaus. Illueq apparut Nostre Sire a saint Luc/ et a Cleophas apres la resurexion. Ad une lieua/ de Jherusalem si est l’albre de coy fu faite la veraye/ croys. De Jherusalem a Samarie que l’en apela Naples/ si a .XII. lieuas. Illueq parla Nostre Sire a la [samari]/tana au pos de Jacob. Illueques a .II. [lieuas est]/ la cite de Sebaste. Illueq saint Johan[...]/ fol. 146 v. De Sebaste a Monte Tabor si a .X. lieuas. Illueques si/ trasfigura Nostre Seignor delan de ses apostles. O r/ laycharem a parler de la Saint Terre de Jherusalem e dou/ pays entom Ihi. 5.4. Ce est le chamin d’Acre a Nasaret/ e de los autres saintetet-/ ges d’en tom lhi. Primerame«t l’on doit aler/ d’Acre a Nazaret, ont ilh i a / .VII. lieuas. En cest chamin est Safran, ont ilh/ i a .III. lieuas. En laquele mowtaigne est l’yglise de mostri saint Jaque quant ilh fii nés et encores i par le luoq./ De Safran a Safforte si a .III. lieuas. E d’illueq va l’o n / a Nasaret, ont ilh a una lieua. Et illuoq vint N os-/ tre Seignor en la Virgen Maria. De Nazaret a Cana Guali- / lea a .III. lieuas. A Cana Gualilee furent faites les no-/ sses dou roy Architiclin. E t en celes nosses fist de l’ay-/ gue vin. Encores par le luoq ont les nosses furent fai-/ tes et le luoq ont les .VII. ydrias estoyent. De Cana/ Gualilee ad .1. trait d’arc jusques au pois ont l’ay-/ gue fu prise. Illueques près est Mo«te Tabor. D e/ Mowte Thabor a Monte Hermon a una lieua et illueq/ est la cite de Nayn. Illueq ressussita Nostre Sire le/ filh a la fema veua devait la porte de la ville. Près/ de la cite a .III. lieuas si est la mer de Gualilee. E de/ coste su[r] la mer est Tabarie, ont Norfre Sire herberga/ [e mot] de miracles i fist. Et aqui fist Nante Sire gi- / [.. .]tet a la mer a saint Per et a saint Andres que/ [...] .1. batel sur cele mer a la nostre sire/ [...] et adonc ait/ fol. 147 r. moss«r saint Ver pahor cant ilh le vit venir a pie sur l’ay-/ gue, car ilh cuydoit que ce fust fantasme. Apres/ d’illueq de l’autre part si est Capharnaun. E d’au-/ tre part l’estang de Genezaret, a may« destre, a .1. mo»t que es play»/ de fen ont Nostre Sire preicha a la turba des gens./ Apres d’iqui si est le luoq ont Nostre Sire saola/ .Vc. homes de .V. pas d’orgi et de .III. peissos. Enssus/ près d’illueq est la prisson ont Nostre Sire fu mis/ jusques a tant que ilh horent paye le treutatge de son pa-/ satge. Ce fut adonc cant ilh coma«da a mosser saint Ver a / peschier .1. peisson e qua«t ilh l’ot pris Norire Sire coma«-/ da qu’ilh fus hubert e trestrent .1. diner, lequel fu pa-/ yes par le treotatge de son passatge. Molt de miracles/ furent faitz en cele enco«tree, que l’en non puet si bien/ savoir com l’en vodroyt. De Tabarie au Saphet a / .III. lievas. En cest chamin est le puis on Josep fu/ gites quant ilh fu vendus aus Esmaelitans. Sur le/ pont dou Saphet est la pierra ont Nostre Sire si/ repausa. Dou Saphet a SœVJorgi si a .V. lieuas e sy/ est une yglise de moines noyrs. De Saint Jorgi ad A -/ cre a .1111. lieuas. D ’Acre a Terdenay a .III. jornees/ e dimie e passa l’on par Domas, car ce est dimie [...]./ Autre saches que ilh i a une table de Nostre Da[me]./ degotoit holi molt de malades guérissent [...]/ tose est la primera [...]/ fol. 147v. faire les apostles a la semblance de cele de Nazaret./

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Itinéraire de Terre Sainte

[Conclusion] Ay«ssi fenissent les pelerinatges de Jherusalem et/ de sains luoqs entom. Or prions le autisme Peire/ que de sa filhe fist sa Mere, que Ilh nos don requerre les/ sains pelerinatges devan nomes, si que ilh soit au pro-/ fit de nos cors et ad esxaltation de nos armes. Dieus/ por sa sainte pitié nos le puisse otroyer. Amen./ AMEN.

Bibliographie Barber, M. 1993. The New Knighthood : A History of Order of the Temple. Cambridge : Cambridge University Press. Bibliotheca sanctorum. Roma : Istituto Giovanni XXIII della Pontificia Université Lateranense, Città Nuova Editrice, vol. Ill (1983), V (1983), VI (1988). Coon, L. L. 1997. Sacredfictions. Holy women and Hagiography in late Antiquity. Philadelphia : University o f Pennsylvania Press. Diccionario = Diccionario enciclopédico de la Biblia. Barcelona : Herder, 1933. Keller, W. 1967. La Biblia tenia rastfn. Barcelona : Omega. Kochav, S. 1995. Israel el esplendor de Tierra Santa. Barcelona : Folio. Valvet, A. 2000. Les Légendes de IH ôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Paris : Presse de l’Université de la Sorbonne.

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Early Versions of Corpus Christi Office Vincent Corrigan

; We know a great deal about the early history of Corpus Christi.1 The feast was h first celebrated in March 1247 in Liege, with an office composed especially for the occasion, Animarum cibus. In 1264 Urban IV mandated the feast for the universal t church, and two new offices appeared. The first was Sapientia edificavit., followed i shordy by another, Sacerdos in etemum, both of which are attributed to Thomas ; Aquinas. The second of these became, over the next decades, the standard service, j The first extant source for this office is the 13* century manuscript Paris, BNF lat. I 1143.2 This source is extraordinarily complete, containing music for all of the office I hours except Compline, the Mass for the day, and thirty readings for the days within j the octave.3 For the sake of future reference, I give the office contents of 1143 in ji Table 1 (see Annex). The antiphons and responsories are in modal order, and thus I ; assume, with Andrew Hughes, that this is the original version, and that versions j without this order are later reworkings.4 I have highlighted the responsories for the I sake of easy reference. : There is a pattern to the responsories beyond that of modal order. The 1 ! Vespers responsory is an invitation to the Cena domini, an appropriate gesture for the first responsory of the entire feast. In the first nocturn at Matins, Old Testament responsory texts describing the figurae of the sacramental elements alternate with i New Testament texts referring to their realization. In Nocturn 2 New Testament ' responsory texts centered on the consecration of bread and wine alternate with Old 1 Testament texts implying, in two cases, rejection of the sacrament. The same pattern is maintained in nocturn 3, but here the Old Testament verse texts reinforce the I New Testament responsory texts. j 1143 has three peculiarities that have excited comment. In the first place, all of the melodies are contrafacts of preexisting tunes in other services, and marginal j annotations tell us what the sources are. Memor sit Dominus, the first antiphon of ! Matins, Nocturn 2, may serve as an example. The remark in the margin reads Contra |

i

1 For the basic information, see Délaissé 1950, pp. 220-39 ; Gy 1980, pp. 491-507 ; Kern 1954, pp. 46-67 ; Lambot 1942, pp. 61-123 ; Lambot and Fransen 1946 ; Mathiesen 1983, pp. 13-44. 2The date may be as early as 1264. See Gy 1980, p. 500. 3 For a facsimile see Corrigan 2001. 4 Hughes 1983, p. 38.

é t u d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . P ic k e tts

In celis gaudent et cantant canticum. That is, the melody is that of In celts gaudent virgines from the Common of Virgins. Ex. 1 compares this antiphon with a version of In celis gaudent from the Worcester Antiphonary. E x. 1 Memor sit Dominus/In celis gaudent

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Secondly, the manuscript also contains marginal remarks for the readings within the octave. These indicate the origin of these readings in various patristic sources. In fact nearly all of them come from Gratian’s Decretals, Part III, dealing with the consecration at the Mass, or from Sentences of Peter Lombard. Finally, the service contains what the manuscript calls a “fourth nocturn” pro monachis. In some way the antiphons and responsories in this nocturn were to be used to construct a monastic service (or at least most of it - there is no antiphon for the canticles). The responsories stand apart from the pattern of responsory and verse texts described above. They do not alternate Old and New Testament, but use either one or the other. As mentioned above, this became the standard service, replacing all others. But the process was neither quick nor smooth. Four changes were made almost immediately. Of course, a monastic version of the service had to be constructed, and this was done by incorporating the three antiphons and responsories of 1143’s fourth nocturn into the other three nocturns, and by finding an antiphon for the canticles. It also often involved reordering the items in those nocturns. Secondly,

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C o r p u s C h r is ti O ffic e

the readings for Matins were heavily abbreviated. In some cases a single reading from 1143 served as the material for an entire nocturn in another manuscript. Third, the melodies of the Nocturn 2 antiphons Memor sit Dominus (Ex. 1) and Paratur nobis were discarded immediately. Perhaps the Commons of Virgins or of Martyrs were not considered appropriate sources. Finally the responsory order changed drasti­ cally. This would seem to have theological implications. When one, for instance, replaces a reference to Elijah, who was fortified with divine bread, with a text referring to Melchisedech, who was first to offer bread and wine, one is stressing, however subtly, the role of the priest in consecrating the Eucharist, and de-emphasizing the salvific function of the sacrament. The most remarkable source to come to light so far is Vatican Apostolic Library, Palatini latini 39, an 11th century psalter from St. Mary’s abbey near Heidelberg. Scholars have known this manuscript since Bannister published a facsimile of its last folio in 1913.5 The interesting feature of this source is that someone in the 13th century added a version of the readings and music of the standard Corpus Christi office. At the beginning of the manuscript, part of the calendarium was erased and replaced by readings. Antiphons and responsories for the office were placed at the end of the manuscript. Later, someone else inserted marginal notes to reorder the musical items and also added new pieces at the end. A third contributor added a final responsory and adjusted the order of the other responsories yet again. None of these orderings corresponds to the standard office. I will begin with the readings. In the complete text given below, the numbers in parentheses refer to the position of the readings in 1143. So, for instance, the first reading for Nocturn 2, Huius sacramentifigura, is item number 28 in 1143.

Matins Lections in Palat. lat. 39 Nocturn 1 [Lectio i = 1143 Lectio iii (#22), lines 1-5]

Convenit itaque devotioni fidelium sollempniter recolere institutionem tam salutifeti tamquam mirabilis sacramenti, ut ineffabilem modum divine presencie in sacramento visibili veneremur, et laudetur dei potencia que in sacramento eodem tot mirabilia operatur, nec non et de tam salubri tamquam suavi beneficio exsolvantur deo gratiarum debite actiones. Verum et si in die cene quando sacramentum predictum noscitur institutum inter missarum sollempnia de institutione ipsius specialis mentio habeatur, totum tarnen residuum eiusdem diei officium ad Christi passionem pertinet, circa cuius venerationem ecclesia Ulo tempore occupatur. Unde ut integro celebritatis officio institutionem tanti sacramenti sollempniter recoleret plebs fidelis, romanus Urbanus pontifex quartus huius sacramenti devotione affectus, pie statuit prefate institutionis memoriam prima feria quinta post octabas penthecostes a cunctis fidelibus celebrari, ut qui per totum anni circulum hoc sacramentuo utimur ad salutem, eius institutionem illo specialiter tempore recolamus, quo spiritus discipulorum corda edocuit ad plene 5 Bannister 1913. See Table 109.

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É lu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . R ic k e tts

cognoscenda huius misteria sacramenti. Nam et in eodem tempore cepit hoc sacramentum a fidelibus frequentari. Legitur enim in actibus apostolorum quod erant persévérantes in doctrina apostolorum et communicatione fractionis panis et orationibus, statim post spiritus sancti missionem. [Lectio ii = 1143 lectio iii (#22), Unes 6-10]

Ut autem predicta quinta feria, et post octavas sequentes salutaris institucionis honorificendus agatur memoria, et hoc celebrior habeatur, loco materialium que in ecclesiis kathedralibus largiuntur, existendbus canonicis horis noctumis pariterque diurnis prefams romanus pontifex eis qui huiusmodi horis in hac sollemnitate personaliter in ecclesiis intéressent, stipendia spiritualia apostolica largitione concessit, quatinus per hec fideles ad tanti festi celebritatem avidius et copiosius convenirent. Unde omnibus vere penitentibus et confessis qui matutinali officio huius festi, presentialiter ubi celebraretur adessent centum. Qui vero misse totidem. Illis autem qui intéressent in primis ipsius festi vesperis similiter centum. Qui vero in secundis totidem. [Lectio iii = 1143 lectio iii (#22), Unes 11-12]

Iis quoque qui prime, tercie, sexte, none, ac completorii adessent officiis pro qualibet horarum ipsarum quadraginta. Illis vero qui per ipsius festi octavas in matutinalibus, vespertinis, misse, ac predictarum horarum officiis présentes existèrent, singulis diebus octavarum ipsarum centum dierum indulgentiam misericorditer tribuit perpetuis temporibus duraturam. Noctum 2 [Lectio iv = 1143 lectio iv (#28), Unes 1-5] [Gratian, D e consecratione, Dist. II, can. 69, beginning]6

Huius sacramenti figura precessit, quando manna pluit deus patribus in deserto qui cottidiano celi pascebanmr alimento. Unde dictum est : Panem angelorum manducavit homo. Set tamen panem ilium qui manducaverunt, omnes in deserto mortui sunt. Ista autem esca quam accipitis, iste panis vivus qui de celo descendit, vite eterne substanciam ministrat. Et quicumque hune panem manducaverit non morietur in etemum, quia corpus Christi est. [Lectio v = 1143 lectio iv (#28), Unes 6-10 ; 13-18] [Gratian, D e consecratione Dist. II, can. 69 continued]

Considéra utxum nunc prestancior sit panis angelorum, an caro Christi que utique est corpus vite. Manna illud de celo, hoc super celum. Illud celi, hoc domini celorum. Illud corruptioni obnoxium, si in diem alterum servaretur, hoc alienum ab omni corruptione. Quicumque religiose gustaverit, mortem sentire non poterit. Iudeus bibit et sittit, m cum biberis sitire non poteris. Et illud in umbra, hoc in veritate. Si illud quod miraris umbra est, quantum illud cuius umbram miraris? Audi quia umbra est, quia apud patres. Bibebant inquit de spirituali conséquente eos petra, petra autem erat Christus. [Lectio vi = 1143 lectio primam infra octavas (#101), Unes 1-5] [Gratian D e consecratione Dist. II, can. 57]7

6 Based on Ambrosius, De mjsteriis, Ch. VIII, n. 47 et seq. (PL XVI, col. 404 ff.)

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C o r p u s C h r is ti O ffic e

Christus panis est, de quo qui manducat vivet in etemum. De ipsemet quo dixit: Et panis quem ego dabo caro mea est, pro mundi vita. Determinat quomodo sit panis, non solum secundum verbum quo vivunt omnia, sed secundum carnem assumptam pro mundi vita. Humana enim caro, que erat pro peccato mortua, cami munde unita et incorporata, unum cum ilia effecta, et vivit de spiritu eius, sicut vivit corpus de suo spiritu. Qui vero non est de corpore Christi, non vivit de spiritu Christi. Noctum 3 [Gospel] secundum Iohannem [Jo 6 : 55] = 1143 Gospel (#38)

In illo tempore. Dixit Ihesus discipulis suis, et turbis Iudeorum: Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus. Et. rel. [Lectio vii = 1143 lectio vii (#38), line 1] [Augustinus In Iohannem tr. XXVI]

Cum enim cibo et potu id appetant homines ut non esuriant necque siciant, hoc vere non prestat nisi iste cibus et potus, qui eos a quibus sumitur immortales et incorruptibiles facit, id est societas ipsorum sanctorum ubi pax erit et unitas plena atque perfecta. [Lectio viii = 1143 lectio vii (#38), line 2 ; lectio viii (#40), lines 3-4; lectio infra octavas (#104), line 3] [Augustinus In Iohannem tr. XXVI ]

Propterea quippe sicut etiam ante nos hoc intellexerunt homines dei, dominus noster Ihesus Christus corpus et sanguinem suum, in eis rebus commendavit, que ad unum aliquid rediguntur. Ex multis enim78 granis unus panis conficitur, et ex multis racemis vinum conduit. Ad iudicium sibi manducat et bibit, qui inmundus ad Christi presumpsit accedere sacramenta, que alius non indigne sumit, et nisi qui mundus est. De quibus dicitur : Bead mundo corde quoniam ipsi deum videbunt. [Gratian D e consecratione, Dist. II, can. 71]9 Non itaque sic accipiendum est donee Christi mors veniat, et quia iam ultra non morietur, sed donee ipse dominus veniat ad iudicium. [Lectio ix = 1143 Lectio in octavas (#101), lines 6-7] [Gratian D e consecratione, Dist. II, can 60]10

Corpus et sanguinem Christi dicimus illud, et quod ex fructu terre acceptum, et prece mystica consecratum, recte sumimus ad salutem spiritualem in memonam dominice passionis. Quod cum per manus hominis ad illam visibilem speciem perducatur, non sanctificatur ut sit tarn magnum sacramentum, nisi operante invisibiliter spiritu sancto, cum hec omnia que per corporales motus in illo opere Hunt deus operetur. Tu autem.

These readings fall at the very beginning of the manuscript, replacing what may have been the months of January and February in the Caleniarium. At first it looked to me like a collection of excerpts from the standard set of readings, extensively abbreviated and reordered. However, the clear gaps in the text —the empty spaces 7 From Augustinus In Iohannem tr. XXVI, n. 13. 8 Corrected in ms. to namque. 9 From Pascasius Radbertus, De corpore et sanguine Domini, Ch. IX, lines 4-19. 10 From Augustinus in lib. Ill de Trinitate.

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E tu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . R ic k e tts

between the end of one sentence and the beginning of another —show that the material is organized into the nine units, including the Gospel indication, needed for secular Matins. All of the items in Palat. lat. 39 derive from the same sources : Aquinas, Gratian, Augustine, Pascasius, and so forth. The first two readings from 1143 are absent, and the series begins with the third lesson, the last of the readings attributed to Aquinas. This lesson, a single reading in 1143, has been divided into three parts to fill the first nocturn in Palat. lat. 39. The second nocturn contains most of 1143’s fourth reading, but then leaps to the first 5 lines of the first reading within the octave. As Figure 1 shows, all are drawn from Gratians De consecratione. Nocturn three begins with the same excerpt from Augustine’s sermons on John that 1143 uses, but follows it with excerpts from a pair of readings from within the octave, both from Gratian. The music occupies ff. 228v to 232r, coming immediately after the 11th century entry of the Athanasian Creed, and replacing a portion of a litany originally filling this space. There appear to be at least three different hands for the music and text. Further, the hands that entered the material here are not identical to the hand that entered the readings earlier in the ms, but they are probably very close in time. There are in fact three different Corpus Christi offices here. Someone in the second half of the 13th century added the antiphons and responsories for Corpus Christi on f. 228v to f. 232r. By and large he left the antiphons alone ; the only difference is that the melodies for the first two antiphons of Nocturn 2 in 1143 have been replaced with other melodies. However he substantially changed the order of responsories (compare Tables 1 and 2 given as Annexes). Table 2 Vatican Apostolic Library, Palat. lat. 39 : Version A The responsories are the same as in 1143 (no new ones have been created), but they are in a completely different order. This reordering eliminates the modal pattern of the original version, and it also alters the narrative strategy of the respon­ sories. Here the first Vespers responsory of 1143, Homo quidam, has become the first Matins responsory, where its music is recorded.11 This emphasizes the aspect of a feast to which the faithful are invited. Nocturn 1 describes the preparation and invitation.,2 Nocturn 2 takes place at the feast itself, using Qui manducatjlHon est alia instead of 1143’s Fanis quern/Hocutus est. Finally, in Nocturn 3, Christ and Paul address the faithful through the two fourth nocturn responsories in 1143 using New Testament texts exclusively. This is version A in Palat. lat. 39, entered by Hand A. Later someone else (Hand B) altered the order of these responsories. He indicates that now Immolabit hedum is responsory one, and that Comedetis cames is responsory two. Respexit Helyas, which had not appeared in the original service, was*12 u The entry for 1 Vespers is in a different hand from Hand A, and presumably added later. The incipit carries no music. 12It also includes the aspect of sacrifice.

130

C o r p u s C h r is ti O ffic e

added as an addendum on f. 232 as responsorium tercium. He left the order in Nocturn 2 alone, but added the apparendy redundant descriptors responsorium quintum and responsorium sextum to Cenantibus illis and Accepit Ihesus. In Nocturn 3 he replaced Ego sum with Melchisedech vero, adding it on £ 232 as responsorium septimum, and altered the order of responsories eight and nine. Unus panis is called responsorium nonum, and three lines from the bottom, Calix benedictionis becomes responsorium octavum. Finally he added another version of the antiphon for the Benedictus at Lauds. His marginal notes on f. 232 show where these added items fall in the service (R. tercium, R. Septimum, A Super Benedictus). This new order is shown in Table 3. This makes the order in the first nocturn identical to 1143, but otherwise this office still differs from the standard service. Table 3 Vatican Apostolic Library, Palat. lat. 39 : Version B A third party (Hand C) added another responsory, Panis quern, at the bottom of f. 232, intending that it should replace Qui manducat in Nocturn 2. He indicates by comments in the right hand margin that Panis quern is the fourth responsory, and affirms that Cenantibus illis and Accepit Ihesus retain their positions as the fifth and sixth responsories. The same hand wrote the order of the third nocturn responsories at the bottom of f. 230v. The order for that nocturn was sufficiently muddled by this time that the clarification was necessary. There seem to be a good deal of desperation in the notation of Panis quern. It looks as though the text was added first, by someone unaware of the musical requirements. There was insufficient enough room for all of the text under the staff, and he had to complete it at the bottom of the page where there was no staff. He also omitted the word cibo on the first pass, and had to add it later. The music scribe was forced to make do as best he could. The notes are crammed together, and in some instances he must use lines to indicate the relationship of the pitches to the syllables. At the end he is forced to drift off into the open field, so to speak, where that pesky added word prohibits even heightening. Then the responsory order had to change yet again, as shown by a bank of marginal notes. I think he reordered the second version, since the marginalia reinforce that order, not the original order of the manuscript. Now the first two nocturns are identical to 1143, but the third still differs (See Table 4 in Annexes) Given the level of variability in the ordering of the responsories, it is surprising that any sort of uniformity in the responsories existed. Yet there are two respon­ sories that maintain the same position in all of the Palat. lat. 39 versions. These are Cenantibus illis and Accepit Ihesus, the second and third responsories in Nocturn 2, positions they also hold in 1143. In other manuscripts Accepit Ihesus can move about, but Cenantibus illis always occupies a central position. It is always in the second nocturn, and usually in the center of the nocturn. This is so because it contains the text that is central to the mystery of the feast: Hoc est corpus meum “This is my body”.

131

É tu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . P J c k e tts

The melody to this responsory has an interesting history. It began as the responsory Out cum audissent for the feast of St. Nicholas, where it is also in the middle of nocturn 213. It was also used in Paris at the Church of St. Jacques de la Boucherie for the feast of St. James with its text only slightly modified.1415Finally it was adapted to fit the scriptural text for Corpus Christi. Like most responsories, the melody concludes with a long melisma. The important words Hoc est corpus meum are arranged to fall on this melisma, giving the text striking emphasis (See Ex. 2, p. 134)d5 To summarize, Palat. lat 39 gives us three alternate versions of the standard service. Although some approach the order in 1143, none duplicates it. Further­ more, none of these orders appear in the other sources I have seen. All of this indicates to me the difficulty in establishing a uniform version of the office throughout the church. Certainly attempts were made in the 14th century under Clement V (1305-14) and John XXII (1316-34). But considerable variety existed well into the 15th century. I suspect that it was only with the post-Tridentine reform of the Breviary in 1568 under Pius V (rg. 1566-72) that the Corpus Christi Office achieved its final form.

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13 See Jones 1963, p. 29. Jones gives the Office in its monastic format, in which Qui cum audissent is the 3rd responsory in nocturn 2. 14 Ordo divini officii, f 63r-64v. 15 In the offices of both Nicholas and James, the melisma coincides with the word “clementiam” [mercy]. There are no prosae associated with this responsory, although Accepit Ihesus, the last responsory of the nocturn, did have one, Calix Christi dictus est. See Hofmann-Brant 1971, Band II, p. 20. 15Based on Ambrosius, De mysteriis, Ch. VIII, n. 47 et seq. (PL XVI, col. 404 ff.)

132

C o r p u s C h r is ti O ffic e

Ehrensberger, H. 1897. Biblioteca apostolica vaticana : Libri liturgjci Bibliothecae apostolicae Vaticanae manuscripti ; digessit et recensvit Hugo 'Ehrensberger. Friburgi Brisgoviae : Herder. Frere, Walter Howard. 1901-25. Antiphonale Sarisburiense: A Reproduction in Facsimile ofa Manuscript ofthe 13th Century. London: Plainsong and Mediaeval Music Society ; reprint, Farnborough, Hants., Eng. : Gregg International Publishers, 1966. [AS] Gratian. 1955. Corpus iuris canonici. Ed. by Emil Friedberg. Leipzig: Bemhardi Tauchnitz, 1879-81. Reprinted Graz : Akademische Druck- u. Verlagsanstalt. Gy, P.-M. 1980. «L’office du Corpus Christi et s. Thomas d’Aquin: État d’une recherche», Revue des sciencesphilosophiques et thëologjques 64, pp. 491-507. — 1999. « Office liégeois et office romain de la Fête-Dieu », in Fête-Dieu (1246-1996) : I. Actes du colloque de Liège, 12-14 Septembre 1996. Edited by André Haquin. Louvain-la-Neuve : Institute d’Études Médiévales de l’Université Catholique de Louvain. Hofmann-Brant, H. 1971. Die Tropen %u den Responsorien des Offiâums. Inaugural Dissertation, FriedrichAlexander-UIniversitât, Erlangen-Nürenberg. Hughes, A. 1983. « Modal Order and Disorder in the Rhymed Office », Musica disâplina 37, pp. 29-52. Jones, Ch. W. 1963. The Saint Nicholas Liturgy and Its Literary Relationships. Berkeley and Los Angeles : University of California Press,. Kern, A. 1954. « Das Offizium De Copore Christi in österreichischen Bibliotheken », Revue bénédictine 64, pp. 46-67. Lambot, C. 1942. « L’office de la Fête-Dieu : Aperçu nouveaux sur ses origines », Revue bénédictine 54, pp. 61-123. Lambot, C. and I. Fransen. 1946. L ’Office de la Fête-Dieu primitive. Textes et mélodies retrouvés. Maredsous : Editions de Maredsous. Mathiesen, Th. J. 1983. « The Office of the New Feast of Corpus Christi», in thCRegmen Animarum at Brigham Young University », TheJournal ofMusicology 2, pp. 13-44. Migne, J.-P. Patrologjae cursus completus. Series Latina. Paris, 1844-64 ; reprint, Turnhout : Brepols, 1969. [PL] Ordo divini officii Beati Jacobi ApostoU Maioris, patroni eccksieparrochialis eiusdem sancti Jacobi de Camificeria. Paris, 1581. [ODO] Pascasius Radbertus, Saint. De copore et sanguine Domini cum appendice Epistola ad Fredugardum. Ed. by Beda Paulus. Tumholt Brepols, 1969. Stevenson, Henricus. Codices Palatini Latini Bibliothecae Vaticanae. Rome : Typographeo Vaticano, 1886-...

133

1

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Ex. 2 Qui cum audissent/Qui cum audissent/ Cenantibus illis

134

C o r p u s C h r is ti O ffic e

Annexes Table 1 Paris: BNF f. lat. 1143 Index Title Sacerdos in etemum

Fol. lr

M s.# Service 1 1 Vesp

Type Mode A1 1

Miserator dominus

lr

2

1 Vesp

A2

2

Calicem salutaris

lr

3

1 Vesp

A3

3

135

E tu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . P d c k e tts

136

Sicut novelle

lv

4

1 Vesp

A4

4

Qui pacem ponit

lv

5

1 Vesp

A5

5

7

1 Vesp

R1

6

Homo quidam/Venite comedite/Gloria

lv

O quam suavis/Magnificat

2v

10

1 Vesp

A6

6

Christum regem/Venite

3r

12

Matins

Inv

4

Fructum salutiferum

4r

14

Matins Noct. 1

A7

1

A fructu frumenti

4r

15

Matins Noct. 1

A8

2

Communione caücis

4v

16

Matins Noct. 1

A9

3

Immolabit hedum/Pascha nostrum

5r

19

Matins Noct. 1

R2

1

Comedetis cam es/Non Moyses

6r

21

Matins Noct. 1

R3

2

Respexit Helyas/Si quis manducaverit/ [ Gloria Memor sit dominus

7r

23

Matins Noct. 1

R4

3

8r

24

Matins Noct. 2

A10

4

Paratur nobis

8r

25

Matins Noct. 2

A ll

5

In voce exultationis

8r

26

Matins Noct. 2

A12

6

Panis quem/Locutus est

9t

29

Matins Noct. 2 R5

4

Cenantibus illis/Dixerunt viri

lOr

31

Matins Noct. 2 R6

5

Accepit Ihesus/Memoria memor/Gloria

lOv

33

Matins Noct. 2 R7

6 7

Introibo ad altare Dei

l lr

34

Matins Noct 3

A13

Cibavit nos dominus

l lr

35

Matins Noct 3

A14

8

Ex altari tuo

1lv

36

Matins Noct 3

A15

6

39

Matins Noct. 3 R8

7 8

Qui manducat/Non est alia

12r

Misit me pater/Cibavit eum

12v

41

Matins Noct. 3 R9

Unus panis/Parasti in dulcedine/Gloria

13v

43

Matins Noct. 3 RIO

1

Sapiencia edificavit

14r

46

Lauds

A16

1

A17

2

Angelorum esca

14r

47

Lauds

Pinguis est panis

14v

48

Lauds

A18

3

Sacerdotes sancti

14v

49

Lauds

A19

4

Vincenti dabo

14v

50

Lauds

A20

5

Ego sum panis/Benedictus

15v

54

Lauds

A21

1

O sacrum convivium/Magnificat

16v

74

2 Vesp

A22

5

Memoriam fecit

23v

91

Matins Noct 4

A23

1

Memoria mea

23v

92

Matins Noct 4

A24

8

Qui habet aures

24r

93

Matins Noct. 4

A25

3

Melchisedech vero/Benedictus

24v

96

Matins Noct. 4 Rll

5

Calix benedictionis/Quoniam unus panis

2Sr

98

Matins Noct. 4 R12

1

Ego sum /Ego sum/Gloria

26r

100

Matins Noct. 4 R13

7

C o r p u s C h r is ti O ffic e

Table 2 Vatican Apostolic Library, Palat. lat. 39 Version A Tide Sacerdos in eternum

Fol. M s.# Service 228v 1 1 Vesp

Type Mode Concord. A1 1 1143 #1

Miserator dominus

228v

2

1 Vesp

A2

2

1143 #2

Calicem salutaris

228v

3

1 Vesp

A3

3

1143 #3

Sicut novelle

228v

4

1 Vesp

A4

4

1143 #4

Qui pacem ponit

228v

5

1 Vesp

A5

5

1143 #5

Homo quidam/Venite comedite

228v

6

1 Vesp

R

5

1143 #7

O quam suavis/Magnificat

229r

7

1 Vesp

A6

6

1143 #10

Fructum salutiferum

229r

9

Matins Noct. 1

A7

1

1143 #14

A fructu frumenti

229r

10

Matins Noct. 1

A8

2

1143 #15

Communione calicis

229r

11

Matins Noct. 1

A9

3

1143 #16

Homo quidam/Venite comedite

229v

13

Matins Noct. 1

R1

6

1143 #7

Immolabit hedum/Pascha nostrum

229v

14

Matins Noct. 1

R2

1

1143 #19

Conmedetis cam es/Non Moyses/Gloria

229v

IS

Matins Noct. 1

R3

2

1143 #21

Memor sit dominus

230r

16

Matins Noct. 2

A10

4

Paratur nobis

230r

17

Matins Noct. 2

A ll

5

In voce exultationis

230r

18

Matins Noct. 2

A12

6

1143 #26

Qui manducat/Non est alia

230r

20

Matins Noct. 2

R4

7

1143 #39

Cenantibus illis/Dixerunt viri

230r

21

Matins Noct. 2

R5

5

1143 #31

Accepit Ihesus/Memoria memor/Gloria

230v

22

Matins Noct. 2

R6

6

1143 #33

Introibo ad altare Dei

230v

23

Matins Noct. 3

A13

7

1143#34

Cibavit nos dominus

230v

24

Matins Noct. 3

A14

8

1143#35

Ex altari tuo

230v

25

Matins Noct. 3

A15

6

1143#36

Ego sum /Ego sum/Gloria

230v

27

Matins Noct. 3

R7

7

1143 #100 1143 #43

Unus panis/Parasti in dulcedine/Gloria

231r

28

Matins Noct. 3

R8

1

Calix benedictionis/Quoniam /Gloria

231r

29

Matins Noct. 3

R9

1

1143 #98

Sapienda edificavit

231r

30

Lauds

A16

1

1143 #46

Angelorum esca

231r

31

Lauds

A17

2

1143 #47

Pinguis est panis

231r

32

Lauds

A18

3

1143 #48

Sacerdotes sancti

231r

33

Lauds

A19

4

1143 #49

Vincenti dabo

231r

34

Lauds

A20

5

1143 #50

Ego sum panis/Benedictus

231r

35

Lauds

A21

1

1143 #54

O sacrum convivium/Magnificat

231v

36

2 Vesp

A22

5

1143 #74

É tu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . R ic k e tts

Table 3 Vatican Apostolic Library, Palat. lat. 39 :Version B Title Sacerdos in etemum

FoL M s.# Service 228v 1 1 Vesp

Type Mode Concord. A1 i 1143 #1

Miserator dominus

228v

2

Calicem salutaris

228v

3

1 Vesp

A3

3

1143 #3

Sicut novelle

228v

4

1 Vesp

A4

4

1143 #4

1 Vesp

A2

2

1143 #2

Qui pacem ponit

228v

5

1 Vesp

A5

5

1143 #5

Homo quidam/Venite comedite

229v

13

Matins Noct. 1

R1

6

1143 #7

O quam suavis/Magnificat

229r

7

1 Vesp

A6

6

1143 #10

Christum regem/Venite

229r

8

Matins

Inv

4

1143 #12

Fructum salutiferum

229r

9

Marins Noct. 1

A7

1

1143 #14

A fructu frumenti

229r

10

Matins Noct. 1

A8

2

1143 #15

Communione calicis

229r

11

Matins Noct. 1

A9

3

1143 #16

Immolabit hedum/Pascha nostrum

229v

14

Matins Noct. 1

R2

1

1143 #19

Conmedetis cam es/N on Moyses/Gloria

229v

IS

Matins Noct. 1

R3

2

1143 #21 1143 #23

Respexit Helyas/Si quis manducaverit

232r

37

Matins Noct. 1

RIO

3

Memor sit dominus

230r

16

Matins Noct. 2

A10

4

Paratur nobis

230r

17

Matins Noct. 2

A ll

5

In voce exultationis

230r

18

Matins Noct. 2

A12

6

1143#26

Qui manducat/Non est alia

230r

20

Matins Noct. 2

R4

7

1143 #39

Cenantibus illis/Dixerunt viri

230r

21

Matins Noct. 2

RS

5

1143 #31

Accepit Ihesus/Memoria memor/Gloria

230v

22

Matins Noct. 2

R6

6

1143 #33

Introibo ad altare Dei

230v

23

Matins Noct. 3

A13

7

1143#34

Cibavit nos dominus

230v

24

Matins Noct. 3

A14

8

1143 #35

Ex altari tuo

230v

25

Matins Noct. 3

A1S

6

1143 #36

Melchisedech vero/Benedictus

232r

38

Matins Noct. 3

Rll

5

1143 #96

Calix benedictionis/Quoniam /Gloria

231r

29

Matins Noct. 3

R9

1

1143 #98

Unus panis/Parasti in dulcedine/Gloria

231r

28

Matins Noct. 3

R8

1

1143 # 43

Sapiencia edificavit

231r

30

Lauds

A16

1

1143 #46

Angelorum esca

231r

31

Lauds

A17

2

1143 #47

Pinguis est panis

231r

32

Lauds

A18

3

1143 #48

Sacerdotes sancti

231r

33

Lauds

A19

4

1143 #49 1143 #50

Vincenti dabo

231r

34

Lauds

A20

5

Ego sum panis/Benedictus

231r

39

Lauds

A21

3?

O sacrum convivium/Magnificat

231v

36

2 Vesp

A22

5

138

1143#74

C o r p u s C h r is ti O ffic e

Table 4 Vatican Apostolic Library, Pakt. lat. 39 : Version C Tide Sacerdos in eternum

Fol. M s.# Service 228v 1 1 Vesp

Miserator dominus

228v

2

1 Vesp

A2

2

1143 #2

Calicem salutaris

228v

3

1 Vesp

A3

3

1143 #3

Sicut novelle

228v

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1 Vesp

A4

4

1143 #4

Qui pacem ponit

228v

5

1 Vesp

A5

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1143 #5

Homo quidam/Venite comedite

229v

13

Matins Noct. 1

R1

6

1143 #7

O quam suavis/Magnificat

229r

7

1 Vesp

A6

6

1143 #10

Christum regem/Venite

229r

8

Matins

Inv

4

1143 #12

Fructum salutiferum

229r

9

Matins Noct. 1

A7

1

1143 #14

Type Mode Concord. A1 i 1143 #1

A fructu frumenti

229r

10

Matins Noct 1

A8

2

1143 #15

Communione calids

229r

11

Matins Noct 1

A9

3

1143 #16

Immolabit hedum/Pascha nostrum

229v

14

Matins Noct. 1

R2

1

1143 #19

Conmedetis cam es/Non Moyses/Gloria

229v

15

Matins Noct. 1

R3

2

1143 #21

Respexit Helyas/Si quis manducaverit

232r

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Matins Noct. 1

RIO

3

1143 #23

Memor sit dominus

230r

16

Matins Noct 2

A10

4

Paratur nobis

230r

17

Matins Noct. 2

A ll

5

In voce exultationis

230r

18

Matins Noct. 2

A12

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1143 #26

Panis quem/Locutus est

232r

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Matins Noct. 2

R12

4

1143 #29

Cenantibus illis/Dixerunt viri

230r

21

Matins Noct. 2

R5

5

1143 #31

Accepit Ihesus/Memoria memor/Gloria

230v

22

Matins Noct. 2

R6

6

1143 #33

Introibo ad altare Dei

230v

23

Matins Noct. 3

A13

7

1143 #34

Cibavit nos dominus

230v

24

Matins Noct. 3

A14

8

1143 #35

Ex altari tuo

230v

25

Matins Noct. 3

A15

6

1143 #36

Melchisedech vero/Benedictus

232r

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Matins Noct. 3

Rll

5

1143 #96

Calix benedictionis/Quoniam /Gloria

231r

29

Matins Noct. 3

R9

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1143 #98

Unus panis/Parasti in dulcedine / Gloria

231r

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Matins Noct. 3

R8

1

1143 # 43

Sapiencia edificavit

231r

30

Lauds

A16

1

1143 #46

Angelorum esca

231r

31

Lauds

A17

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1143 #47

Pinguis est panis

231r

32

Lauds

A18

3

1143 #48

Sacerdotes sancti

231 r

33

Lauds

A19

4

1143 #49

Vincend dabo

231r

34

Lauds

A20

5

1143 #50

Ego sum panis/Benedictus

231r

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Lauds

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3?

O sacrum convivium/Magnificat

231v

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2 Vesp

A22

5

1143 #74

139

St. Peter Martyr and the Development of Early Dominican Hagiography Barbara D e M arco and Jerry R. Craddock

In an earlier Festschrift article, we published some preliminary notes on the legend o f St. Mary o f Egypt as transm itted in the begendae de sanctis, an extensive col­ lection o f saint’s lives compiled by the fourteenth-century D om inican hagiographer, Petrus Calo (Craddock and D e M arco 2001). T o honor our colleague Peter Ricketts, we again take up that same legendarium, focussing this time on early evidence o f the cult o f St. Peter M artyr at Montpellier. Peter Martyr, or P eter o f Verona, was a charismatic preacher w ho w on his palm o f m artyrdom as a consequence o f his opposition to the Cathar heresy, w hich had taken hold in northern Italy. His sainthood was proclaimed by Innocent IV in the bulla canoni^ationis «M agnis et crebris », issued on 24 M arch 1253, within a year o f the martyrdom itself, w hich occurred in the E aster season o f 1252.*1 T he legend o f St. Peter was developed in a succession o f D om inican hagiographic compilations : in addition to Gerald de Frachet’s Vitas bratrum2 and Jacobus a Voragine’s begenda Aurea, there is evidence that, quite early on, a collection o f miracles was compiled and consulted at Milan.3 Tom m aso Agni da Lentini w rote a begenda S. Petri Martyris The authors would like to express their gratitude to Simon Tugwell, O.P., and to Leena Lôfstedt, both of whom made numerous stylistic and substantive comments on a previous version of this article. 1The full text of the bulla canoni^atioms is included as an appendix to the legend of St. Peter Martyr in ! Maggioni’s 1998 edition of the Legenda Aurea, pp. 438-42. It is not included in Graesse’s 1890 edition of i the Legenda Aurea. According to Fr. Tugwell, the bull was edited by A. Bremond in the Bullarium Ordinis \ FF. Fraedicatorum I, pp. 228-30, no. CCXCVII (Rome 1729), a work we have not been able to consult. 2 On the title Vitas Fratrum, and not Vitae Fratrum, we follow Tugwell 1997, p. 29, n. 23 : « It has become : customary to refer to the compiler as ‘Gerard’ and to his compilation as Vitae Fratrum'-, but the ! manuscripts make it clear that the work’s title was ‘Vitas Fratrum’ and that its author’s name was | ‘Geraldus’... » On the compilation itself, Tugwell has written of the several versions submitted by Gérald j at the behest of the Master General, Humbert de Romans, and of Humbert’s subsequent revisions, ! concluding « il n’a jamais existé aucun texte définitif des Les Vitas Fratrum. Ce que l’on trouve dans les i mss de la tradition “vulgate” ... est un mélange de plusieurs tentatives de rédaction et des suggestions, des j corrections et des commentaires proposés par les lecteurs auxquels Humbert avait confié le texte » (2001, ü p. 417). 3 For a discussion of the Milan collection, and of the series of appeals issued from within the Dominican order for collections of miracles, with the express purpose of promulgating the cults of both Dominic and Peter Martyr, see Tugwell 1997, esp. pp. 31-33, 44-50, 55-60, 80-82, and 86-89.

E tu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe r te s à P e te r T . R ic k e tts

that drew on reports from as far away as Ireland to make the point that the cult had quickly spread beyond northern Italy.4 Early in the fourteenth century, another collection was com m issioned by Berengar o f Landorra, M aster G eneral o f the D om inican order.5 T hus by the time Petrus Calo was putting together his Legendae de sanctis (1324-1348),6 quite a few sources were at his disposal. Calo’s opus magnum contains the legends o f over 850 saints - a marvel o f ency­ clopedic diligence, even in that age o f encyclopedic works.7 T he w ork was described in detail by A lbert Poncelet in 1910. A 1997 m onograph by Simon Tugwell further elaborates on Poncelet’s catalog o f Calo manuscripts, and now serves as the essen­ tial point o f reference for any discussion o f Calo’s legendarium, his sources, and his w ritten legacy.8 W e do n o t dwell here on any o f those details, except to m ention that it is as true now as it was in 1910 that only a handful o f Calo’s legends have been published. W e take this opportunity to rem ark that, 750 years after the death (1252) and canonization (1253) o f Peter Martyr, it is appropriate that we publish these notes, preliminary to the publication o f a critical edition o f Calo’s legend o f Peter Martyr.

Petrus Calo’s legend of Peter Martyr and the Venice manuscript T he only witness to Calo’s legend is contained in a fourteenth-century copy, formerly belonging to the D om inican priory o f SS. Giovanni e Paolo in Venice : Biblioteca Nazionale Marciana, Venice, MS Latini, CL. IX, 17, fols. 156v-165r. The legend contains several miracle tales for w hich Calô is the only know n source. A m ong them are fifteen tales o f posthum ous miracles attested at M ontpellier (163r164v).9 G iven that these tales are unique to Calô, it is particularly unfortunate that the quality o f Venice m anuscript leaves m uch to be desired. D ondaine remarked that « nous ne possédons... qu’un seul manuscrit, de m édiocre qualité, à nous trans-

4 There is no published edition of the Latin text of Tommaso Agni da Lentini’s Legenda S. Petri Martyris. Stefano Orlandi, in his edition of the fourteenth-century Italian volgariyyamenio (1952:l-liii), concludes that the hegenda was completed by 1276, the date of the general chapter in Pisa, at which the Master General, John of Vercelli, ordered that copies of the Legenda be distributed to ail the convents. Carlo Delcorno 1980, pp. 87-98, offers valuable references to numerous sermons composed on Peter Martyr in the century following his martyrdom. 5 The relationship between Calo’s legendarium and the Berengarian collections are discussed in Tugwell 1997, pp. 86-89, and in Dondaine 1953, pp. 129-32. 6 Calo died in 1348 (see Poncelet 1910, p. 31). Dondaine 1953, p. 130, argues that Calo’s work must have been completed by 1340, since Cardinal Orsini, who died in that same year, had a copy in his library. 7 Dondaine 1953, p. 131, mistakenly reports the number of legends as 950. Poncelet 1910, p. 33, puts the number at « environ 850 ». The more detailed listing (pp. 48-108) of the legends in the Venice manu­ script gives a total of 863, including, however, a few repetitions. 8 Unfortunately, we did not have Tugwell’s 1997 monograph before us when we were preparing our article on Mary of Egypt (Craddock and De Marco 2001). To the list of extant manuscripts of Calo’s legendary given there, add Eton College 99 (see Tugwell 1997, p. 136); however, since it does not contain the legend of Mary of Egypt, the omission does not affect our edition. 9 On the Montpellier collection and its relation to the miracle tales assembled at the request of the Master General Berengar of Landorra, see Dondaine 1953, pp. 131-32 and Tugwell 1997, pp. 86-89.

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S t. P e te r M a r ty r

m ettre le chapitre de saint Pierre M artyr» (1953: 131). Poncelet described the Venice m anuscript in similarly unflattering term s, listing errors com m itted by both the rubricator and the copyist (1910 : 47). T he consequent im pression o f hasty w ork is strongly reinforced by the frequency o f misspellings and grammatically incoherent forms.

The legend of Peter Martyr in Taegio W ith no other extant m anuscript containing Calo’s version o f the Peter Martyr legend, and no other identifiable source text for Calo’s group o f M ontpellier mi­ racles, we have consulted the only other know n witness o f these same tales, viz., the legend o f Peter Martyr as compiled by the sixteenth-century Dom inican, Ambrosio Taegio. Taegio specifically m entions the four sources from w hich he drew the post­ hum ous tales o f miracles attributed to Peter Martyr : (a) T om m aso Agni da Lentini’s Lsgenda; (b) Gerald de Frachet’s V itas Frafrum ; (c) the Berengarian collection ; (d) the Calo legendarium (« ac etiam quae Venerabilis P. Fr. Petrus Calo Clugiensis Ordinis Praedicatorum in suo magno Legendario collegit»). W e owe to Simon Tugwell (letter o f 17 M arch 2003) certain details regarding the transmission o f the Taegio version : « the original m anuscript o f Taegio is lost, b ut we have two divergent transcriptions o f the section on Peter Martyr : one published in the A cta Sanctorum, A prilis III, A ntw erp 1675, 686-719, and one in the eighteenthcentury m anuscript copy o f Taegio (Rome, Santa Sabina, A[rchivum] G[enerale] 0[rdinis] P[raedicatorum] XTV 54 f£104r-126v). » As to the first o f those two transcriptions, we have consulted the newly available electronic version o f the 1675 edition o f the A cta Sanctorum (Acta Sanctorum Data­ base, as well as the printed 1866 edition. O u r citations o f Taegio follow the electro­ nic reproduction o f the 1675 version. W e were n o t able to consult the second o f the two transcriptions (the A G O P version) in time for this article.10

The Montpellier collection of miracles of St. Peter Martyr T he Venice m anuscript presents the M ontpellier tales as one block o f text (163a51-164d24), listed in chronological order, from 1305 to 1319 (no date is assigned to miracles I, II, IV, V, and VII). T he M ontpellier tales in Taegio are concentrated in paragraphs 75 to 83, though presented in a different order than in the Venice m anuscript (one tale is located in paragraph 106, at a far rem ove from the rest o f the collection) ; Taegio includes an additional tale in paragraph 83, and 10 Fr. Tugwell kindly pointed out several variant readings from the AGOP transcription; however, since we ourselves have not yet been able to consult that text, and since we can present in this article only a provisional edition of four of the fifteen Montpellier tales, we have not included those variants in the apparatus given here. We will include those readings in the full edition of the legend. Taegio’s legend of St. Peter Martyr is also discussed in detail in Dondaine 1953, pp. 107-62, which includes (p. 134) a schematic representation of Taegio’s source texts.

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E tu d e s d e la n g u e e t d e litté r a tu r e m é d ié v a le s o ffe rte s à P e te r T . P d c k e tts

inserts introductory or concluding remarks no t found in Venice. We offer here a summary o f the M ontpellier collection, followed by an edition o f four o f the fifteen tales. M ontpellier I (V163a51-b30 ; Taegio § 75) [no date] : A m uch longed-for son dies at the age o f five. W hen his m other gives voice to her displeasure at the altar o f St. Peter Martyr, a com m unity o f believers joins in the supplications. T he child is restored to life and him self gives witness that the healing was effected by the merits o f the saint. M ontpellier II (V 163b30-c 21 ; Taegio § 76) [no date] : A young child, tram pled by a runaway horse, dies from fractures to the skull. A t the altar o f Peter Martyr, the touch o f the saint’s relics to the skull heals the fractured b o n e s ; the m other then touches the relics to the child’s body, w hich restores him to life, completely healed. M ontpellier III (V163c21-d6 ; Taegio § 83[a], 11. 1-33) 1305 : A paralyzed w om an and her three deform ed children are restored to good health through prayers to Peter Martyr. She, the children, other relatives, and friends publicly testify to the miracle before the relics o f the saint. M ontpellier IV (V 163d6-21 ; Taegio § 83[b], 11. 33-47) [no date] : A n infant is born missing h alf his head. T he m other invokes Peter Martyr. Lying in bed with her son, she sees a D om inican enter the room (through closed doors) ; he blesses the child, then disappears. T he m other brings her child before the D om inican com m u­ nity to bear witness to the miracle o f her son made whole. M ontpellier V (V 163d22-40 ; Taegio § 77[a], 11. 1-15) [no date] : A young wife refuses to accept her husband’s death. She and the relatives pray to Peter Martyr, vowing that they will visit the saint’s altar on his feast day, if the man is restored to health. H e is, and they do. M ontpellier V I (V 163d 40-164a8 ; Taegio § 106[b], 11. 29-48) 1306 : A young wom an, w hose medical condition (possibly epilepsy) renders her unmarriageable, is brought to the altar o f Peter Martyr on the vigil o f his feastday. There she suffers an attack, but at the touch o f the relics o f the saint, she testifies that the saint has completely cured her. She marries, has children, and suffers no m ore from the illness. M ontpellier V II (V 164a8-24; Taegio § 77 [b], 11. 16-30) [no date] : A few days before the feast o f St. Peter, an infant dies. Knowing o f the saint’s reputation, the m other vows to bring shroud and wax image to his altar if her son is restored. A t that m om ent, the child, laughing and clapping his hands, begins to smile at his m other. She fulfils the vow within the octave. M ontpellier V III (V 164a24-39 ; Taegio § 78[a], 11. 1-14) 1307 : A young man dies o f an illness, and his relatives prepare for the burial. H is wife refuses to accept his death, b u t prays to Peter Martyr. T he young m an returns to life, and brings his shroud to the altar o f the saint, where the family also venerate the relics o f St. Peter. M ontpellier IX (V 164a40-b7 ; Taegio § 82[a], 11. 1-20) [1307] : A young m other (wife o f Johannis de Cabanis) undergoes a difficult birth : the infant is dead and she nearly so. In the night, after her relatives apply the aqua reliquiarutn o f St. Peter, the m other and child are both restored to life. T he next day, the young m other’s own

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j

j

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S t. P e te r M a r p }

m other (grandm other o f the infant), barefoot and tearful, fulfills her vow before the relics o f St. Peter. M ontpellier X (V 164b7-19 ; Taegio § 78[b], 11. 14-23) [1307] : A t twilight a young child dies. His m other prays to G od and St. Peter. A t dawn the child opens his eyes and asks for food. T he m other, in fulfillment o f her vow, brings the shroud to the saint’s altar and gives public witness to the miracle. M ontpellier X I (V 164bl9-45 ; Taegio § 82[b], 11. 20-43) [1307] : A nother difficult birth : the child lies dead in the m other’s womb. Relatives and friends, seeing that medical assistance is o f no avail, suggest that the m other pray to Peter Martyr. They vow that, if he will spare the m other’s life, they will go barefoot to venerate his relics. T he fetid corpus is expelled from the m other’s w om b, and she herself is delivered from death. Montpellier X II (V 164b45-c6 ; Taegio § 79[a], II. 1-14) [1312, in the season o f Pentecost] : A m other is distraught at the death o f her sick child. She and the child’s father pray to St. Peter. They make a v o w ; the child is restored to life ; w ith their relatives they go to the D om inican com m unity to relate the miracle and to venerate the saint’s relics. M ontpellier X III (V 164c6-27 ; Taegio § 79[b], 11. 14-32) [1312] : A young man dies from a grave illness. His m other, desolate at the death o f her only son, prays that a merciful St. Peter will restore her child, and vows to lay the shroud and candles before the relics o f the saint. T he child is restored to life and she fulfills her vow, thanking G od and the martyr. M ontpellier XTV (V 164c27-53 ; Taegio § 80) 1317 : T he infant son o f Petrus de G albato dies o f a grave illness. T he parents, seeing their neighbors celebrating the feast o f St. Peter, and hearing o f his miraculous cures, vow to bring shroud, wax image, and candles to his altar as soon as the child is restored to life. W hen the relatives question the delay in burying the child, the parents confess their belief that, through the merits o f St. Peter, G od will restore their son to them. T he friends and family add their prayers ; the child is brought back to life ; the parents fulfill their vow, placing their offerings before the relics at St. P eter’s altar on the vigil o f the Feast o f the Holy Cross. M ontpellier XV (V 164c53-d24 ; Taegio § 81) 1319 : A stillborn child is restored to life at the prayers o f his father and at the vow made by the grandm other that she will have the child baptized at the altar o f St. Peter.

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The edition of the Montpellier miracles

j Simon Tugwell’s 1997 discussion o f Taegio’s text centers on the legends o f St. ; D o m in ic ; nonetheless, his conclusions on textual transm ission are relevant here. ! Based on the several testimonies to Calo’s second legend o f St. Dom inic, Tugwell concludes that Taegio is « heir to an independent tradition o f Calo » (1997 : 204); his provisional stemma makes Taegio’s version a cousin, once rem oved, o f the Venice manuscript. Fully cognizant o f their different histories, we have nonetheless pressed Taegio into service to clarify Calo’s text as it was transm itted in V. W e have

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Ric k e tts

m ade use o f Taegio to correct grammatically inappropriate forms and to fill lacunae ; in V. We have tried to limit our interference to the barest minimum, for w hatever problem in V may be remedied by com parison o f the text to Taegio, it is none­ theless also the case that certain textual differences may well be attributed to their different traditions as well as to deliberate authorial changes that Taegio him self introduced. O u r intention is to maintain the distinction between authorial and scri­ bal variants, especially since it is clear th a t : (a) V could not have been the m odel text from w hich Taegio culled the miracle tales attributed to Calo, and (b), as we have already m entioned, V is too problem atic a text to be relied upon as a faithful copy o f Calo. Furtherm ore, Taegio’s text, as published in the A cta Sanctorum, and repro­ duced in the A cta Sanctorum Database, has been further subject to the twin dem ons o f editorial interference and scribal (or, rather, typographical and electronic) error. T o give just one example, the A cta Sanctorum Database reads post Mislam where the printed edition (1866) has the correct post Missam. It is quite likely that the mistake occurred in the electronic transfer o f the scanned file; the printed 1866 edition itself contains num erous typographical errors. T he summary o f the M ontpellier miracles reveals that all b u t three tales recount the miracle o f a dead person restored to life. T he three exceptions (III, VI, and IX) relate the restoration to health o f greviously sick persons. Discussing these miracles, Tugwell noted that « T he altar o f St. Peter Martyr in M ontpellier clearly acquired a reputation as a place w here miracles could be sought, and, thanks to Calo, we can glance at w hat appears to be the priory’s register o f miracles » (94). W hat figures in m ost o f the tales is either the altar or the relics o f the saint, w hich seem to have been housed at the altar. A variation o n the them e is presented in IX, in w hich it is j the aqua reliquiarum that effects the healing. T he notable exception is IV, in which the child is healed by a vision o f the saint, w ithout recourse to either the altar or the relics. N otw ithstanding a general sameness o f them e, each o f the Montpellier legends has som ething decidedly individual about it, something that sets it into mom entary relief. From the fifteen tales, we have chosen four—three that we found particularly am using (I) or gripping (XI) or revealing (XTV), and one that we included primarily because it was so strange (III). E ach o f the four edited texts is preceded by a brief com m entary and followed by the apparatus. j

Montpellier I (V fol. 163a51-b30; Taegio § 75) This appealing tale o f a m other w ho cannot reconcile herself to the death o f her five-year old son is told in an amusing fashion. H aving gone to great pains to enlist Peter Martyr’s assistance in securing a son, she is n o t about to let go o f the child w ithout a fight, and if the fight has to be picked with the very same saint w ho inter­ vened in his birth, so be it. H er tantrum at the altar o f Peter M artyr attracts a crowd, w hose curiosity quickly turns to com passion, and they join with her in praying that her son be restored to life. T he resurrected child runs to his m other and him self testifies to the intercession o f Peter Martyr.

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S t. P e te r M a r ty r

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T he beginning o f the tale in V is garbled; nothing in the text corresponds to ; Taegio’s « nobilis quidam uxorem habens per annos », and « de uxore » is distorted ' into « deuxit ». T he text offers supporting evidence to Tugwell’s assertion that ! Taegio’s im mediate source could n o t have been V. T he succinct fashion o f the i ending in V (« dicens se bead Petri martiris meritis suscitatum ») stands in contrast i to Taegio’s rhetorical flourish (« dicens : B. Petrus Martyr, vestris pulsatus precibus, 1! m e suscitari im petravit »); such variations betw een the tw o texts are n o t unusual.

511f In Monte Pesulano nobilis quidam uxorem habens per annos plurimos, fflios de uxore ! habere non poterat. Cum igimr ipse et uxor eius beato Petto martiri se humiliter [fol. 163b] 1 deuouissent, filium bead Petri martiris precibus impettarunt. Qui, cum ad etatem circiter ; annorum quinque uenisset, graui languore oppressus mortuus est. Pater autem ipsius strisricia plenus conuocata ciuium ac religiosorum et dericorum multitudine copiosa, corpus defuncti pueri ad ecclesiam frattum predicatorum deferri fedt, ubi fuerat tumulandum. Cumque j defuncti corpus iaceret in feretto et derus ,0qui conuenerat, funeris prosequeretur officium, ecce mater defuncti, mattonarum comitata caterua, contra patrie morem, nimia deuicta tristida et grandi de beato Petto martire spe concepta intrauit ecclesiam et ad 15beati Petri martiris altare accedens, lacrimosis precibus ipsum cepit interpellare, damans et obsecrans ut aut ei filium, quem a Deo impettauerat, redderet aut earn ex hac luce reuocaret, ne calamitatis !: que uirum suum 20opprimere ceperat, amplius testis esset. Ad damorem igitur eius frattum i omnium ordinum ibidem existentium multitudo conuenit et, eius superabundant! compassi j ttistide, genuflexerunt omnes, rogantes beatum Petrum martirem ut tan-25to dignaretur j subuenire dolori. Breui oratione compléta, puer qui mortuus iacebat, uidente multimdine ij magna, reuixit et statim surgens incolumis cucurtit ad mattem dicens se bead Petri martiris ! 30meritis susdtatum. | ! |: | i j | j! i j j ' j i

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51 Pesulano] Pessulano T nobilis... annos] om. V 52 de uxore] deuxit V poterat] poterant V 53 igitur om. T 1 deuouissent] dououissent V martiris] meritis T 1-2 precibus om. T 3 graui] graue V 3-4 languore oppressus] oppressus languore T 4 autem] vero T ipsius] quamvis T 5-6 conuocata... copiosa] avium, Religiosorum et Clericorum copiosa multitudine convocata T 9 iaceret in feretro] in feretro jaceret T

10 qui conuenerat om. T 15 altare accedens] accedens altare T 16 cepit interpellare] interpellare coepit T 20 ceperat] coepit T 22 existentium] emtium (with a sign of abbreviation over the first « m ») V 22-23 superabundant!] superbundanti V 23 genuflexerunt] genua flexerunt T 25 subuenire] succurrere T 26 compléta] facta T 27 multitudine magna] magna multitudine T 28 et om. T 29-30 dicens... susdtatum] dicens : B. Petrus Martyr, vestris pulsatus precibus, me susdtari impetravit T

Montpellier III (V fol. 163c21-d6; Taegio § 83,11. 1-33) A w om an o f M ontpellier is so severely paralyzed that for four years she cannot m ove from her bed w ithout assistance. N onetheless, in the course o f those four

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years she gives birth to three children, one m ore deform ed than the next. St. Peter heals all three o f their deformity, and cures the m other o f her paralysis. T he story as a whole stands so far outside the margins o f believability that it is hard to credit Calo’s introducing it into his collection. Taegio follows up this story, and the one o f the child born with half his head missing (Montpellier IV), by an even m ore bizarre account (§ 83,11. 47-54) n o t included in V : a w om an gives birth to a child « nullius animalis vel hominis similitudinem habens ». T he text o f M ontpellier III does at least have the virtue o f an amusing lapsus : in place o f the set phrase M ira res, V reads M ira rex. As strange a tale as this is, the ending is fairly conventional, including details o f the fulfillment o f a vow, the vene­ ration o f the relics, and the implied authentication bestow ed upon the publicly attested miracle by the D om inican com munity at Montpellier.

21 K Mulier quedam de Monte Pesulano per quatuor annos sic fuerat infirmata paralisi et contracta ab umbilico superius, quod de lecto 25surgere non poterat nec exire sine magno adiutorio. In quibus quatuor annis tres filios habuit. Et quando parere debuit primum filium, facta fuit nigra sicut pannus niger, ita quod a circumstantibus fuit mortua 30reputata. Cum ipsa in corde suo et tircumstantes inuocarent beatum Petrum martirem, peperit filium cum una sola manu. Que cum conualuisset, uoluit infantem uidere, et uidens eum unam solam manum habentem denuo 35inuocauit beatum Petrum martirem et eius suffragia cum maximis lacrimis. Mira res. Subito alia manus infanti data est ita pulcra et sana sicut alia. Eadem cum alium concepisset et appropinquasset tempus pariendi, fuit 40in eodem statu sicut prius fuerat. Cumque peperisset infantem sine oculis et eum sic orbatum uidisset, inuocato beato Petto martin, et facto ei uoto, subito infanti oculi pulcerrimi dati sunt. Tertio concepit et accidit 45sicut prius, et peperit filiam cum omnibus membris, sed sic macilentam, deformem et scabiosam, et quasi a natura totaliter alienam, ut etiam leprosa et monstrum horribile uideretur. Que inuocauit beatum Petrum martirem cum lacrimis 50et deuotione, et fuit ipsa mater ab infirmitate curata totaliter et filia eius pulcerrima est effecta et a precedenti statu in nouam creaturam mutata. Hec retulit dicta mulier anno [163d] MiU°.ccc°.v°. ueniens ad reliquias bead Petri martins cum tribus infantibus predictis et cum suis parentibus et amicis ut eas adoraret. Quod audientes frattes qui eis reliquias 5ostendebant, glorificauerunt Deum et sanctum Petrum martirem. 21 mulier] milier V 22 Monte Pesulano] Monte-Pessulano T per] que V 23 fuerat] fuit T 24 superius] supra V 25 poterat] potera V 26 In quibus quatuor annis] In quo tempore T 27 parere debuit primum] primum parere debuit T 28 pannus] pannis V 29-30 fuit mortua reputata] mortua fuit judicata T 30 suo om. T 31 inuocarent beatum Petrum martirem] B. Petrum Mart, invocarent T 32 peperit filium] Slum peperit T cum una sola manu] una manu carentem T

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33 cum conualuisset] cum ualuisset V uoluit infantem uidere] infantem uidere voluit T 35 inuocauit beatum Petrum martirem] B. Petrum Mart, invocavit T et om. T 36 cum maximis lacrimis] maximis cum lacrimis implorans T 37 res] rex V 38 pulcra et sana] sana et pulchra T 39 concepisset] cum cepisset V et appropinquasset tempus pariendi] et pariendi appropinquasset tempus T fuit om. T 40 sicut prius fuerat] fuerat sicut prius T 41 peperisset infantem sine oculis] infantem sine oculis peperisset T

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414243-

42 orbatum uidisset] vidisset orbatum T 43 et facto ei uoto] eique emisso voto T 44 oculi pulcerrimi dati sunt] pulcherrimi dati sunt oculi T 45 peperit filiam] filiam peperit T 46 sic om. T deformem et] deformemque ac T 48 et monstrum horribile] horribile monstrum T horribile] horibile V 48-49 Que inuocauit... cum lacrimis] Quae B. Petrum Mart, cum lacrymis invocavit T 50 et deuotione et fuit ipsa] et devotio maxima

|:

fecit quod T 51 curata totaliter] sua totaliter liberata T 52 est effecta] effecta est T a precedent statu om. T 52-53 creaturam mutata] mutata creaturam T 53 anno om. V 1 MiH°.ccc°.v°.] MCCCVT 2 infantibus] in santibus T 3-4 adoraret] adorarent T 5-6 glorificauerunt Deum et sanctum Petrum mandrem] Deum et Märtyrern sanctum glorificaverunt T

Montpellier XI (V fol. 164bl 9-45; Taegio § 82.20-43)

i! i j| | 1 ! , | ! |

1 j

:

Miracles V III to X I all date to 1307 (the date is m entioned explicitly at the beginning o f miracle V III and reiterated as « eodem anno » in IX and X). M ontpellier X I, the story o f a w om an with a stillborn fetus in the wom b, is an example o f how the inclusion o f particular details and turns o f phrase gives an individual cast to these miracle tales. A t the m om ent o f the miracle, the infant « qui putridus e r a t» is expelled from the w om b, but the stench is such that no one could bear to remain with the m other, no m atter how near or dear to them she may have been (« in cuius exitu tantus fetor fuit quod nulla persona potuit rem anere cum m atre quantum cum que illi esset familiaris et amicabilis et propinqua », 11. 37-40). T he text itself is not w ithout complications : at line 28, « nudius tertius » (‘the day before yesterday") is conceivably a reference to miracle IX, which also involves a difficult birth and a nocturnal appeal to the saint. A t 11. 31-37, presumably the « nocte profunda » refers to the time w hen the vow was made, as in miracle IX, and n o t to the time w hen it would be carried out. This interpretation justifies the awkwardly placed « m ane » ‘in the m orning’ for the occurrence o f the subsequent miracle. T he problem is to reconcile « m ane » with the adverb « statim » ‘forthw ith’ that introduces the clause; deletion o f one o r the other would leave us w ith a com prehensible time sequence. Taegio does no m ore than place mane m ore com fortably, immediately after the verb exivit.

.| 19 U Eodem tempore et anno quedam domina cepit habere dolores partus fetus mortui quern in uentre habebat. Et uocatis obstetricibus et aliis feminis et medicis ac cyrugicis et aliis 1 plurimis a quibus sperabat auxilium, cum a nullo potuisset 25habere, domine assistentes ! parentibus et amicis dicte domine uidentes earn quasi mortuam dixerunt: Quare non recurritis ad beatum Petrum martirem quia nudius tercius, sicut scitis, quamdam a simili i periculo liberauit ? Quod audientes illi, ilia quasi 30mortua existente, sanctum Petrum cum j| lacrimis et suspiriis inuocarunt, nocte profunda ei uouentes quod si earn a mortis periculo I liberaret, omnibus postpositis statim cum uoto quod fecerant ad eius reliquias discalciatis | 35pedibus uenirent. Mira res. Statim infans mortuus, qui putridus erat, exiuit mane brachiis ( excoriatis, in cuius exitu tantus fetor fait quod nulla persona potuit remanere cum matre i quantumcumque illi esset fa-^miliaris et amicabilis et propinqua. Et sic infante edito a mortis

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est periculo liberata. Domine uero ille statdm post missam uotum quod fecerant, perfecerunt, ad reliquias martiris uenientes et miraculum ad Dei et sancd laudes 45narrantes. 20 cepit habere dolores partus] partus dolores 28 quia] qui T habere coepit T 29 audientes illi] illi audientes T 2122 Et uocatis] vocatisque T 31 inuocarunt] invocaverunt T 22 aliis] alii V 32 earn] ea V 2223 et medicis] medicisque T mortis] morte V 23 ac om. V 33 postpositis] posthabitis T cyrugicis] chirurgicis T 33-35 omnibus... uenirent] discalceatis pedibus plurimis] pluribus T omnibusque posthabitis, statim cum voto 24 a nullo] annullo V quod fecerant, ad ejus venirent reliquias T 2425 potuisset habere] habere potuisset T 34 fecerant] fecerat V 25 habere] haberi V 37 mane excoriatis brachiis] brachiis excoriatis et amicis om. T mane V 2526 parentibus et amicis dicte domine] dictae 3839 potuit remanere cum matre] cum matre dominae parentibus T remanere potuit T 26 uidentes earn quasi mortuam] earn quasi 3940 esset famUiaris et amicabilis et propinqua] mortuam cementes T familiaris, amicabilis et propinqua esset T 27 non recurritis ad beatum Petrum martirem] 42 ille om. T ad B. Petrum Mart, non accurritis T 43 martiris] B. Petri Mart. T recurritis] recurris V 44 et miraculum] miraculumque T post missam] post Mislam T [1675] post laudes] laudem T Missam T [1866] 45 narrantes] enarrantes T

Montpellier XIV (V fol 164c27-53; Taegio § 80) T he miracle o f the restoration o f Petrus de G albato’s infant son (1317) em pha­ sizes the com m unal nature o f worship : the grieving parents, seeing and hearing the m em bers o f the confraternity11 celebrating the feast o f Peter Martyr, decide to appeal to him as thaumaturge. T he tale also gives ample witness o f the material arti­ facts that are part o f the cult : the parents prom ise him the shroud, wax images, and candles if the saint brings their son back to life. T he altar at M ontpellier and the relics o f St. Peter Martyr also play their accustom ed role in the drama. A n unusual and compelling detail is added by the relatives o f the dead child : tired o f waiting, they express themselves w ith the kind o f startling insensitivity that only family can bring to such occasions : « W hy aren’t we moving ? W hy aren’t you bringing him to be buried ? W hat’s this all about ? » B ut w hen the parents explain that they are trusting in a miraculous intervention, the friends and family lose no time in adding their voices to the supplications to St. Peter.

27 U M°.ccc°.xiiij°., infans filius Petri de Galbato mercatoris infiimatus infirmitate est mortali, 30de. qua mortuus est finaliter. Pater igitur et mater propter festum sancti Petri martiris quod uiderant a confratribus et confratissis fieri, et miracula magna et infinita, que uiderant et audierant per eum fieri, eius suffragia cum magnis 35lacrimis inuocare ceperunt, uouentes 11 The word confratissis in 1. 32 is listed by du Cange, vol. 2, s.v. confratissa-. (« confratissa ut confratrissa »), citing this very passage from Taegio, and again s.v. confratrissa, citing a later (1393) confraternity statute: « confratris vel confratrissae ».

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eidem sudarium, ymaginem et candelas. Et cum statim fiJium non suscitasset, parentes patris et matris, extediad de tanta mora, ceperunt dicere patri et matri : Quare non 40expedimus nos ? Quare non portatur ad sepeliendum ? Quid uultis dicere ? Tune pater et mater adhuc lacrimantes et ôtantes pro suscitatione pueri beatum Petrum martirem dixerunt : Nos uere credimus et confidimus 45quod Deus eum nobis restituet per mérita beati Pétri martiris. Et cum essent in istris uerbis, cum parentibus et amicis non cessantes clamare et orare beatum Petrum martirem, subito predictus infans reuixit. Et pater et mater in 50uigilia sancte crucis eum, sicut uouerant, ad ipsias reliquias portauerunt offerentes ad eius altare que uouerant et refferentes Deo et beato Petto martiri gratias. 27-28 M°.ccc°.xiiij°.] Anno MCCCXIVT 29 infirmitate est] est aegritudine T 30 mortuus est finaliter] finaliter mortuus est T 31 sancti] beati T 33 et infinita] et om. V audierant] audierat V 34 cum magnis lacrimis] magnis cum lacrymis T 35 eidem] ei T 36-37 Et cum statim filium non suscitasset] et quod statim ut filium suscitasset V 38 extediati de tanta mora] de tanta mora extaediati T 39 dicere patri et matri] patri et matri dicere T 40-41 non portatur ad sepeliendum] ad sepelien­ dum non defertur ? T 41 dicere] facere T 42-43 et orantes.. martirem] pro filii suscitatione,

et orantes B. Petrum Mart. T 43 suscitatione pueri] filii suscitatione T 43-44 martirem dixerunt] martirem di dixerunt V 45-46 restituet per mérita beati Petri martiris] per mérita B. Petri Mart, restituet T 46 Et cum esent in istris uerbis] Et cum in istris versarentur verbis T essent] esset V 47 clamare] clamari V non cessantes clamare] lacrymari non ces­ santes T 48 et orare beatum Petrum martirem] et B. Pe­ trum Mart, deprecantes T 50 eum om. T 50-53 ad ipsias reliquias... gratias] ad ipsias Martyris reliquias filium detulerunt, quae voverant ad ejus tumulum offerentes, Deoque et beato Martyri gratias agentes T

Bibliography Acta Sanctorum. 1866. Aprilis Tomus III, pp. 694-727. Novissima ed. Paris : Victor Palme. Acta Sanctorum Database. 1643-1940. Electronic version of the complete printed text published in sixtyeight volumes by the Société des Bollandistes. [http://acta.chadwyck.com] Craddock, J. R., and B. De Marco. 2001. « The Legend of St. Mary of Egypt in Pietro Calô’s Legendae de sanctis », in Philologies Old and New: Essays in Honor of Peter Florian Dembowski, edd. Joan Tasker Grimbert and Carol J. Chase, Princeton University Department of Modem Languages and Linguistics, pp. 71-84. Delcomo, C. 1980. « Il racconto agiografico nella predicazione dei secoli XIII-XV », in Agografia neWoccidente cristiano secoli XIII-XV (Rama, 1-2 maryo 1979), Rome : Accademia Nazionale dei Lincei (« Atti dei Convegni Lincei », 48), pp. 79-114. Dondaine, A. O.P. 1953. « Saint Pierre Martyr », Archivum Fratrum Predicatorum 23, pp. 66-162. Du Cange, Ch. 1883. Glossarium mediae et infimae latinitatis. Vol. 2. Bologna : Fomi. Graesse, Th. ed. 1890. Jacobi a Voragne Legenda Aurea vulgo historia lombardica dicta. 3d ed. [Rpt. Osnabrück : Otto Zeller Verlag, 1969]. Maggioni, G. P., ed. 1998. Iacopo da Varazze, "Legenda Aurea, 2 vols. Florence : SISMEL, Edizioni del Galluzzo (« Millennio Medievale », 6 ; « Testi », 3).. Orlandi, S., O. P. ed. 1952. S. Pietro Martire da "Verona : leggenda difra Tommaso Agni da Lentini nel volgare trecentesco, con lettera difra Roderico deAtencia. Florence : II Rosario. Poncelet, A. 1910. « Le Légendier de Pierro Calo », Analecta Bollandiana 29, pp. 4-116.

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Tugwell, S., O.P. ed. 1997. Miracula sancti Dominici mandata magjstri Berengarii collecta. Pétri Calo Legendae sancti Dominici. Rome : apud Institutum Historicum Ordinis Fratrum Praedicatorum (« Monumenca Ordinis Fratrum Praedicatorum Historica », 26). — 2001. « L’évolution des Vitas fratrum. Résumé des conclusions provisoires », in L ’ordre des Prêcheurs et son histoire en France méridionale. Cahiers de Fanjeaux 36, pp. 415-18.

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The Occitan Story of Susanna (Ms. BNF, fr. 2426) Marvyn Roy Harris

I I; II 11 :; ;; ji i; jl I' I; !|

Ms. BNF, fr. 2426 contains a collection o f Old Testament historical books written in a Provençal dialect o f Occitan.*11By comparing short passages from the Occitan manuscript with French texts from three manuscripts, Samuel Berger demonstrated in 1890 that the Occitan texts derive from a French tradition, except for the books o f Tobias and Daniel which are not related to any known French version.2 Berger drew his proof mainly from mss. BNF, nouv. acq. fr. 1404 and Arsenal 5211, which recent scholarship has shown to be the two best French manuscripts. Since both were produced in the last half o f the thirteenth century in the scriptorium o f the NearEastern city o f Saint-Jean d’Acre, that family o f biblical texts has received the name

Bible dAcre? The original French prose text o f the Bible dAcre was never intended to be a faithful translation o f the historical books o f the Latin Vulgate.4 The French texts, as well as the

!! * I gratefully acknowledge research assistance from Pierre Nobel, Suzanne Thiolier-Méjean, Monika Tausend, j - and especially from our honoree, Peter T. Ricketts. 1, !: :: i 11 1, :| ;1 |! i! 11 !| !; ;j

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1Brunei 1935, num. 165, ascribes it broadly to fifteenth-century Provence. A short treatise on the temporal rights of the Roman Church, with the misleading title Soma de la Trinitat e de lafe catbolica, follows the biblical texts. A meager portion of the manuscript has been edited. Wollenberg published the story of Susanna (1860), the books of Esther (1861) and Tobias (1862). An edition of the Occitan book of Judges, with parallel French texts from four manuscripts, was published posthumously by the Marquis d’Albon. Wanono 2001 has recently reedited the texts of the books of Esther andjudith from BNF, fr. 2426 in a typewritten thesis on the edition of the Bible in French in the thirteenth century from eleven manuscripts, deposited in the library of the Centre d’Enseignement et de Recherche d’Oc. She provides a codicological description of the Occitan manuscript. 2 Berger 1890, pp. 548-57 on ms. BNF, fir. 2426, p. 553 f. on Tobias and Daniel, and p. 552«3 for an extract from Judges, his only text from BNF, fr. 6447. Berger mentions a lost manuscript, ending with the book of Esther, that was once in the library of Francesco Gonzaga of Mantua; see p. 557»2. A fourth extant manuscript, Chantilly, Musée Condé 3 (formerly 724), unknown to Berger, is but a servile copy of BNF, nouv. acq. fir. 1404; see Nobel 2001, p. 430 and fn. 7. 3 See Folda 1976; also Nobel 2001, pp. 429-30. Pierre Nobel believes that ms.1404 refleas the original text better than ms. 5211 and will offer proof of his conviction in his forthcoming edition of the first two books of the Pentateuch, La Bible d’Acre, Genèse et Exode. 4 Nobel 2002, p. 470. 51 have now transcribed the entire manuscript, though with no plans to edit it completely. I have prepared unpublished editions of Esther, Judith and Tobias. The story of Samson and Delilah (chapters 13-16 of Judges) is published; see M. Roy Harris 2003 where I incorrectly give in note 5 the fourteenth century as Brunei’s date for the manuscript.

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Occitan texts that derive from them, are replete with omissions, additions, and bad translations. Susanna, however, stands in stark contrast to m ost o f the texts in ms. 2426 in that it adheres fairly closely to Jerome’s Vulgate text. It bears repeating that Daniel is not translated from a known French Bible d’A cre text, and it is not known if our text was translated, though rather freely in places, directly from the Latin Vulgate or from an unknown French intermediary. We need not delve into the history o f Susanna prior to Jerome’s inclusion o f it in the Vulgate. Suffice it to say that he placed it and another apocryphal— or deuterocanonical— writing, Bel and the Dragon, at the end o f canonical Daniel, so that they have become chapters 13 and 14 respectively when found in modern Bibles. They correspond to chapters 18 and 19 in our manuscript. Susanna begins on folio 286v9 and ends on 289v23. The inadequacy o f Julius Wollenberg’s edition o f Susanna, cited in note 1, makes a new edition desirable. I trust that the publication o f this delightful story will bring to the attention o f Occitanists unaware o f its existence an interesting manuscript worthy o f a complete edition.5

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Editorial Remarks Square bracketed folio numbering and faces, recto or verso, are added within the text. Line numbers are also given for locations of words and phrases in references, e.g., 267r2 for folio 267 recto, line 2. Superscripted verse numbering, according to the Vulgate (Stuttgart edition), has been introduced into the text. EMENDATION : A mechanical error, the saut du même au même in sovenian for sojven] venian (267r2), points to a scribe who had before him an Occitan model. Wollenberg’s bad manuscript readings are cited in notes only when judged to be of interest. Editorial emendations appear within square brackets : [ ]. Suppressions, unmarked in the text, are footnoted. Interlinear and marginal corrections are in angle brackets : < >. ABBREVIATIONS : Abbreviations are silently expanded. The only rectilinear titulus occurs in ! the story’s title over ca in sea, resolved as sancta; cf. unabbreviated sancta in Tobias (258rl8) and Judith (302rl6,308vl9). The curvilinear titulus most commonly denotes n. Despite some scant manuscript evidence of -m > -n, I develop the titulus as customary -m in P4 prêt, correguem, cf. | ]oaquim (v. 64) versus usual Joaquin. Though we see préfixai com- written in full in comdampnest (289r7), I nonetheless resolve the titulus as « in the prefix of condampmron (288vl 7), since it is by far the most frequent nasal before homorganic [d], while resolving it as m before homorganic [p]. j I expand teps + titulus (287r21) as temps, cf. tostemps (289v22) written in full. I have opted here for the resolution of co + titulus as con for both the conjunction and the adverb based on my impression that it is more prevalent than com. In fact, unabbreviated com (288vl6) occurs only once in Susanna. Though the copyist occasionally writes con and com in full throughout the \ manuscript, all instances of the word con here are abbreviated. The notation q + titulus is resolved as que, never as elided ^»’before Roman numeral .1, vowels, and semivowels. P unctuation , capitalization , letter forms : Modem punctuation and capitalization have been introduced into the text. French guillemets set off direct discourse. The scribe’s lower case Roman numerals are rewritten as small capitals bracketed by periods. Read .1. as the indefinite article un. For uncapitalized sant spent, see the note in v. 45. Indented boldface capital U in v. 1 represents the large dropped initial followed in the manuscript by a small capital N

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marking the beginning of a chapter. The scribe’s i andj (actually a long i) are rewritten as i for vowels and semivowels and asj for consonants. The theoretical choice between i andj arises only forms.yin our ajustavan (286v21,287r4) and forms, i in our ertveja (287vl 6). I take the affricate as a given in the names Juda, Joaquim, Joaquin, and Juzieus. The choice of u and v presents no problem here. WORD separation : The scribe frequently separates linguistic elements that are written here as a single unit. That is especially true for en at the beginning of a word, as in en semps (287rl8, 289r22), en semps-mesclats (288v9), en clineron (287r9), en tre (287rl9), en veia (287vl6), and others. Ensemps-mesclats and non-nos^nt (289r20), calqued on Latin, are hyphenated to indicate the prefixal status of ensemps- and non- translating respectively com- and in- in Vg. commisceri (v. 38) and innocentem (v. 53). Ms. della (287v22) becomes de la rather than de lla in the adverbial locution de sa et de la. Conjoined miechdia (287r5) follows megdia in PD.

Daniel, chapter 13 [286v] Aysp es lo libre de l’estoria de la sancta Suzanna, e es lo .XVIII. capitol. 'Un baron era habitant en Babilonia, e lo nom d’el era Joaquin; 2e pres molher per nom Suzanna, la filha d’en Alquias, bella fortment, e tement lo Senhor, 3car los parents d’ell[a],a con els fossan just, ensenheron la lur filha segon la ley de Moyses. 4Mas Joaquin, lo marit de luy, era ric fortment, e vergier era a luy prop de la sieua mayson; e los Juzieus si ajustavan a luy meteys per ayso car el era plus honrat de tots. 5Mas dos vielhs juges foron adordenat en aquel an, dels quais lo Senher parlet : « Car la fellonia iysit de Babilonia dels plus vielhs juges, los [287r] quais eran vist govemar lo pobol. »b 6Aquestos sofven] venianc en la mayson de Joaquin, e tots aquels los quais avian los jujaments ajustavan si ad els. 7Mas con los pobols s’en fossan retornats aprop lo miechdia, Suzanna intrava e anava al vergier del sieu baron. 8E los vielhs vezent luy per cascun jort intrar e iysir, ar[d]erond en cobezissia d’ell[a];' 9e trastorneron hors sens e enclineron hors huelhs, que non vissan lo cel ni si recordessan del drechurier jujament. 10Adoncas amdos eran naffrats en Famor d’ell[a] ƒ e non demostravan la lur dolor lo un a 1’autre, "car els avian vergonha fortment de demostrar la lur nequicia, volent jasser

a d’eil[a]\ dellos (286vl6); d’ella^ with object pronoun ella>is well represented in Susanna, unlike Wollenberg’s de lets not found in this text. bThis quotation is found in no biblical text but Susanna; see Vg. 13:5 E t constitute sunt depopulo duo senes iudices in illo anno: de quibus locutus est Dominus :Quia egressa est iniquitas deBabylone a senioribusiudicibus, qui videbanturregere populum. c so[ven] veniati\ sovenian (287r2). W. keeps sovenian, presumably believing there to be a verb .ro^ff/rmeaning ‘to frequent’; cf. Vg. 13.7 istijrequentabant domumloachim. PD gives sovenir‘subvenir, secoutir’, meanings that do not fit here. For preverbal positioning of soven, see Judges elsoven demostretsaforsa (198v24-25). The lack of -^before v- in si enclinet soven ves els (159vl8-19) rules out its absorption before homorganic d- in demstret. d ar[d]eron\ arteron (287a8). c d’ell[a]\ del/los (287r8-9). f d’ell[a]\ dellos (287rl2).

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am luy. ^E l’un dis a l’autre : B« Annem a mayson, car hos es de manjar. » E els si departiron l’un de l’autre. 14E con fossan retomat, vengron ensemps, e enserquant entre ellos, demostreron l’un a l’autre la causa de la lur cobezissia; adoncas adordeneron temps covenhable que la poguessan trobar sola. ^Mas fon fach, e con els agardessan lo jort covenhable, Suzanna intret am sas doas donzellas al vergier del sieu baron, enaysi coma [287v] yer e a la vegada. Trespasset [lo] t[er]s dia, e vole esser lavada; certas calor fazia.h 16E hom non era aqui, si non los dos vielhs, los quais eran esconduts, regardant la. 17Ella dis a las donzellas : « Aportas mi l’oli e los onhements, que yeu sia lavada, e clauses la porta del vergier. » 18E feron enaysi con ella avia comandat ad ellas; e clauseron la porta del vergier, e iysiron per la posterla, que aportessan aquellas causas las quais avia comandadas. E non sabia[n] los dos vielhs, que fossan esconduts dedintsl 19Mas quant las donzellas foron iysidas, los dos vielhs si leveron e vengron ad ella, e diyseron : 20« Ve ti que la porta del vergier es claus[a],i e dengun non nos vey, e nos avem enveja de tu, per la quai causa tu concent a nos, e sies mesclada am nos. 21Mas < si> tu non voles, nos darem testimoni encontra tu, que .1. jovencel fon am tu, e per aquesta causa tramezist las donzellas foras de tu. » 22Suzanna si esbai't, e dis : « Engoysa es a mi de sa e de la,k car si yeu fauc ayso, mort es a mi; e si non o fauc, non escaparay de las vostras mans. 23Avant,*1 mielhs es a mi cazer en las vostras mans ses l’obra que peccar al regardament del Senhor. » [288r] 24Mas Suzanna cridet am grant vouts, e los vielhs escrideron encontra la vouts d’ella. ^ E .1. d’els correc e hubri la porta del vergier. 26Mas con los servents los quais eran en la mayson aguessan auzit lo crit del vergier, e embriveron si per la posterla, que vissan qualque causa.” 27Mas pueys que los vilhars parleron, los servents agron vergonha fortment, car hanc mays paraula d'aquesta

s W. saw ra (287al7) in the left margin; the manuscript is bound so tightly that r is not visible on my photocopy. h Trespasset [lo] t[er]sdia\ trespasset tres dia (287vl). Understand TBut it happened that when they were watching for the suitable day, Susanna entered, with her two damsels, her husband’s garden, as the day before and previously. Three days had passed, and she wanted to take her bath; it (i.e. the weather) was to be sure hot’. That renders rather well the account in Vg. Factum est autem, cum observarent diem aptum, ingressa estaliquando sicut heri et nudiustertius, cum duabus soilspuellis, voluitque lavari inpomario: aestus quippe erat, even if the translator has displaced inpomario and taken quippe for the conjunction meaning ‘to be sure’ instead of the adverb meaning ‘for’. I emend the manuscript reading because of singular trespasset and dia, incompatible with plural tres-, cf. W.’s traspasset tresdia (influenced by a Latin text with nudiustertius instead of nudius tertiusT). Cardinal tres can easily be a bad copy of ordinal tersli his model had abbreviated t*sin which my apostrophe represents the sign denoting either re, as in trtpasset here, or er. W.’s reading %oer, emended as qo [y]er (&6A5), is untenable. The reading^ is sure, despite the clumsy execution of the point overj; cf. 13:36jw(288v3). 1Ms. sabia (287vl 1) with the omission of a titulus for -n; cf. Vg. nesciebantque senes intus esse absconditos. i claus[a]\ claus (287vl5). k es... de la] aes... della (287v22). 1The manuscript almost certainly has auant for avant (287v24). Unconnected minims in u are not unusual; cf. auant (289vl7). Is unintelligible au ut (86,32) a typographical error in W.’s ... non escaparay de las vostras mans: au ut mielhs esami caster..? The meaning of avant is not absolutely certain, though it seems to mean ‘rather, on the contrary’. At best, the sentence is awkward. Avant-would pick up and repeat the alternative of falling into the elders’ hands without submitting to a sinful adulterous act for which she would be executed if found out. Avant apparently translates Vg. sed ‘but’ introducing v. 23 sed melius mihi est absque opere incidere in manus vestras, etc. mW. mistakenly suppressed ebefore embriveron (87.2) here and in v. 61 before leveron (88.30). Following a clause stating an action introduced by the temporal adverbs con and quant ‘when’, e can introduce, like si, the clause describing a resulting action.

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maniera non era stat dicha de Suzanna. Mas fon fach en l’endeman, 28con los pobols foron venguts [al] marit d’ella, Joaquin, losn dos preveyres vengron plens de las fellonias e cogitacions encontra Suzanna, que l’aucizessan. 29E diyseron filha d'Alquias, la molher de Joaquin, » < e hom li ttames vivassament ad ella>.° 30E venc am sos parents, e am sos filhs. 31E certas Suzanna era amorosa trop e bella per semblansa. 32Mas los fêlions comanderon que fos descuberta la cara d’ella, car cuberta era, que los huelhs non fossan sadollats de la beutat d’ella.P 33Adoncas los sieus ploravan, e tots aquels los quais Favian conoguda. 34Mas los dos preveyres, levant en miey del pobol, empauseron las lurs mans sobre-1 cap d’ella, 35la qual, plorant, [288v] regardet al cel, car lo sieu cors avia fiansa al Senhor. 36E los dos preveyres diyseron : « Con nos anavam sol yer al vergier, aquesta intret am sas donzellas e claus la porta del vergier e gitet las donzellas de si. 37E .1. jovencel, lo qual era escondut, venc e jac amb ella. 38 Mas con nos fossem al canton del vergier, vezent la fellonia, correguem ad els, e vim los ensemps-mesclats egalment.1 39E certas non lo poguem penre, car el era plus fort que nos, e hubrit las portas del vergier, e iysit s’en. ^Mas con nos aguessem aquesta presa, demandem li qual fon aquel jovencel, e non o vole dire a nos; nos em testimoni d'aquesta causa. » 41Mas la monteza del pobol crezet en els, enaysi com a vielhs del pobol e a juges, e condampneron la < a> mort. 42E Suzanna cridet am grant vos : « O Dieu durable, lo quai yest conoysent de las causas escondudas, lo quai conoguist totas las causas enants que sian fachas, 43tu sabes que fais testimoni parleron encontra mi; e ve ti que yeu mori, con yeu non ay fach alcuna d'aquestas causas las quais aquestos maliciozes compauseron encontra mi. » ^Mas lo Senhor eysausit la [s]ieuas vouts. 45E con ella fos menada a mort, lo Senhor suscitet lo [289r] sieu sant sperit a tozet jove,' lo nom del qual era Daniel. 46E crid[e]tu am grant n [al] marit d’ella, Joaquin, los[ marit della Joaquin vec los (288rl2), also W.’s emendation, though he misread enigmatic vec as vie. 0 The first omission has been added at the top of the page and the other, at the bottom, both referenced by symbols in line 15. Trametre a surely means ‘to send for’ and can be compared to mandate a in this medieval Italian translation : E dissero dinanq a tutto ilpopolo: mandate a Susanna,fighuola d’Elcia, moglie di Joachim. Efeciono venire Susanna in presence di tutto ilpopolo (Negroni); cf. Vg. E t dixerunt corampopulo: Mittite ad Susannamfiliam Helciae uxorem loakim. E t statim miserunt. Understand e hom li frames vivassament ad ella as ‘and they sent for her quickly’ where the feminine gender of the indirect object pronoun li, which W. discards, is made clear by ad ella. p W. emends as que los [lurs] huelhsfossan sadollats, which brings the text into line with Vg. ut vel sic satiarentur decore eius. Rather than understanding ‘so that their eyes might be satiated with her beaut/, the translator/adaptor problably understood ‘so that eyes might not be satiated’ in reference to all men present. ^ cor\ cors (288vl); cf. Vg. cor eius ‘her heart’ and here in v. 56 lo tieu cor. r The phrase e vim los ensemps-mesclats egalment follows rather closely Vg. et vidimus eosparitercommiscericontaining a euphemism for ‘to be engaged in sexual intercourse’. Oc. ensemps-mesclats ‘mixed together’ is calqued on the root commisc-. Egalment, translating Lat. pariter, probably conveys the notion ‘by mutual consent’, meaning that there can be no question of a rape that could absolve Susanna of guilt s [s]ieua\ mieua (288v26); cf. Vg. vocem eius. c The Lord aroused, not the Holy Spirit of the Trinity, but a young lad’s holy spirit; cf. Vg. Cumque ducereturad mortem, suscitavit Dominus spiritum sanctumpueri iunioris, cuius nomen Daniel. This is righteous Daniel’s spirit of holiness out of which arises his sense of justice. W.’s emended a [un] toyetjove (88.2) is unwarranted, since the boy is particularized by means of a relative pronoun in lo nom del qual era Daniel, cf. the absence of the indefinite article in texts from ms. BNF, fr. 2425 : John 1.6 Omsfon frames de Dieu, lo cal avia nom Johan; Apoc.l 2.5 E t enfantetfilh mascle lo calavia agovernorlasgens e vergadeferre\ Act 28 :11 Etapres .Hi. mes navejem en nau d'Alexandria, la calavia uvemat en la iUa. However, the use of the indefinite article is not excluded as seen in our

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vos : « Yeu suy [net]v d'aquest sanc just! » 47E tots los pobols, retomant ad el, di[y]s[eron] :w « Quai es aquesta paraula, la quai tu parliest? » 48E el dis ad els : « O filhs de Israël, est enaysi fols, non jujant ni conoysent ayso que es vers,** vos comdampnest la fHha de Israël? 49Retornas al jujament, car fais testimoni parleron encontra ella. » 50E tôt lo pobol retornet am cocha, e los vielhs diyseron a luy : « Ven e sey en miech de nos, e ensenha a nos, car Dieu donet a tu honor de vilheza. » 51E Daniel lur dis : « Départes los luenh l’un de l’autre, e yeu jujaray los. » 52E con fossan departits, apellet l’un d’ellos, e dis li : « O envelheït en mais jors/ aras son venguts los tieus peccats los quais tu as hobrats premierament, S3non jujant drechurier jujament, aprimant lo no[n]-nozentz e laysant lo nozent, lo Senher disent : “N on aussiras lo non-nozent e i just!” 54Doncas si vist els, digas aras sots quai albre vist els parlar ensemps; » lo quai dis : « .1. cerlier. »“ S5Mas Daniel dis : « Drechurierament as mentit en lo tieu cap; ve ti l’angel del Senhor, e receupuda sentencia de luy, [qu]e talharabb tu per miech. » 56[E] luy mogut, comandet [venir l’autre e li dis : « Semensa de Canaan] e no[n] de Juda, belleza ti deceup e la cobeesa transtornet lo tieu cor.cc 57Vos fazias enaysi a las filhas de Israël, e ellas, tement, parlavan a vos; mas la [289v] filha de Juda non sostenc la vostra fellonia. 58D onc digas a mi aras sots quai albre vist els? » E el dis : « Sots .. prunier. » 59E Daniel dis ad el : « Tu as mentit drechurierament al tieu cap, car ve ti l’angel del Senhor per man avent glazi, que partra tu per miech, e aussira vos. » 60E tôt lo pobol cridet am grant vos, e beneziron Dieu lo quai fa san[s] los sperants [en] si.dd 61Quant Daniel agues text in v. 37 1 jovencel lo qual era escondut. u crid[e]f\ cridant (289r2); cf. Vg. exclamavit. v [net]\ Ms. omits. The word was probably lost in passing from line-final suy (not W.’sfay) to daquest on the next line (289r2-3); cf. Vg. mundus egosum a sanguine huius. For net, cf. causa que non sia neta (197v5-6) translating Judges 13.7 aliquo... inmundo in our manuscript A Languedocian version of mundus sum a sanguine omnium in Acts 20.26 is nodes so del sanc de tot%(Cledat 250al3-14). wtiijy]s[eron]\ dis (289r4). *W. misread ms. es uers (289r7) as corners (88.6) and wrongly suppressed ayso before que (289r6). The reading ayso que es versis sure and supported by Vg. quod verum est. What he read as cowith a small, quite atypical, titulus is in fact an e followed by a poorly executed round -s. y Understand ‘Oh, one who has grown old in evil days’; see envelheit in Glossary. 2 no[n]-no%eni\ nom nozent (289rl9). “ Sots, which W. erroneously read as sot%(88.15), is added in the right margin and referenced by a symbol (289r22). Cerlier, q.v. in Glossary, is possibly a dialectal variant of W.’s emended eerier ‘cherry tree’. bb f # talharcr] e talhara (289r5); cf. v. 59 quepartra tu permieeb. cc Ms. A luy mogut comandet e nom defada belle!%a ti deceup e la cobeesa transtometlo tieu! cor (289r26-28). A probable original reading can be reconstructed from Vg. Et, amoto eo, iussit venire alium. et dixit e i: Semen Chanaan. et non luda, species decepit te, et concupiscentia subvertit cortuum: [Douay-Rheims And havingput him aside, be commanded that the other should come, and he said to him: 0 thou seed ofChanaan, and not ofJuda, beauty hath deceivedthee, and lust hathperverted thy heart:]. The loss of a line, corresponding to my underlined text, in the transmission of the manuscript probably explains the break in the thread of the narrative here and the further corruption resulting from the replacement of E by A and the change of non to nom (if the scribe understood ‘in the name of Juda^). W., recognizing that the shift from the first to the second elder is essential for understanding the narrative, made the same emendations (88.20-21), though I substitute Canaan, found in my transcriptions, for his Chanaan. 6ifa sanfs] los sperants [en] si\ fassan los sperants am si (289v9); cf. Vg. salvat sperantes in se. W. read fassau for fassan and emended it as fassan salus los sperants a si (88.29), solus being his spelling for salvs ‘safe, saved’. One expects the preposition en with (e)sperar, cf. Judith speransa en el (306vl9-20). The emendation fa san[s] is supported by sanas in Tobias 13.2 car tufares e sanas for Vg. quoniam tuflagellas et salvas. The locution far san means here ‘to make safe’. Tobias has two examples of P3 pr. ind.fa (256v25,257rl6) and two more of san .

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vencut els de la lur bocca aver dich fals testimoni, e leveron si encontra los dos preveyres, que fezessan ad els enaysi con els avian fach malament encontra lo pruesme. 62E aussiron los, e lo sane non-nozent fon salvat en aquel jom. 64E Daniel fon fach grant davant lo pobol en aquel jorn e d'aqui avant. 63Mas Alquias e la molher de luy lauzavan Dieu per Suzanna, la lur filha, am Joaquim, lo marit d’ella, car neguna causa de lageza non fon trobada en ella.ee Dieu depas e d'amorpermania tostemps en nostres corages, etc.ff

Glossary This highly selective list contains vocabulary that is either not given or inadequatedly treated in Levy’s PD. N ot included here are divergent spellings, such as concent (PD consent-) and enserquant (PD encerc-). Since a full linguistic study could not be accommodated in this publication, occasional linguistic commentaries are included as well as conjugated verbal forms and a declined pronoun that one would not expect to find in PD.

aprimant pr. p. of aprimar ‘to oppress’, not in PD. I see no reason to follow W. in changing ms. aprimant (289rl8) to oppriment, following Vg. innocentes opprimens (v. 53). PD has apremer ‘presser, opprimer’ with close e in its root. Of especial interest to us is the PD variant oprimir., s.v. opremer ‘opprimer’ with another variant, opremir. One can cite for the closure of close e to i in aprimar the parallel of esprimir, a variant of PD espremer, espremir ‘epreindre’. Though not of the -ar conjugation, PD apremer‘pxzssex, opprimer’ and related n. aprememen ‘detresse, affliction’ strongly support the reality of aprimar, which may have passed into the first conjugation by association with PD cpreisar‘pxesssx, tourmenter’; cf. also PD opresar, and the frequentative cprimejar ‘opprimer’. avant adv. ‘rather, on the contrary?’. See note 1 on the interpretation of v. 23. The editors of DOM assign to abans f. the meaning ‘plutot, au contraire’; the fascicule with avant is yet to appear. PD, s.v. avan, gives as one of the meanings of the locution avan que ‘plutoti, but defines the simple adverb only as ‘avant, en avant; auparavant’. cerlier m. n. ‘cherry tree’, notin PD. Though W. changed this presumed hapax to eerier(88.15),1 am reluctant to discard cerlier since in my experience phytonyms are notoriously prone to phonetic alteration. cobezissia £ n. ‘lust’, not in PD under that spelling or normalized cobe^cia. Vg. concupiscentia is translated once by popular cobeetp (v. 56) and twice by semi-learned cobezissia (w. 8,11), cognate with Sp. codicia < LLat. CUPIDITIA that Corominas knew from a tenth-century Latin document written in Italy; see DCELC, s.v. codicia. donzellas f. n. pi. ‘girls’ with z) PD has only donsela.

with that meaning; cf. san(s) e sal(s) translating Vg. salvus, -urn in 5.26 carlo nostrefilh san e salretomara a nos (Vg. salmspervenietfilius nosteret salvus reverteturad nos) and 10.10 e layset los annarsans e sals (Vg. et salvumatquegaudentem dimisiteum a se). “ Note the inversion of verses 64 and 63. Daniel 13 in the Stuttgart Vulgate ends at verse 13.65, the text of which is placed in ms. 2426 at the opening of chapter 19, modem 14, which relates the story of Bel and the Dragon. The verse reads thus : Estrugell lorey apausat al sieupayre, e Yssir lopersienes recoup [290r] lo regne de luy (289v24-290rl). The Vulgate names are rex Astyages and Cyrus Perses. ct This explicit is reminiscient of Paul’s exhortation in 2 Corinthians 13.11 de ceterofratres gaudetepetfecti estate exbortamini idem sopitepacem habete et Deus dilectionis etpads erit vobiscum.

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drechurierament adv. ‘assuredly; -without wavering?’, translating Vg. rede (w. 55, 59), is not in PD. Though the adverb can be inferred from Levy’s adj. drechurier; no definition leads to my gloss; cf. colloquial American English, “You have straight-out lied.” The Italian version (Negroni) has 13.55 ... veramente, che tu haimentitoper la gala.... embriveron P6 prêt, of embrivar‘to rush’, used xtQesiveijmembriveronsiperlaposterla (v. 26). PD lists only embriar, though adjacent to n. embrivamen ‘impétuosité’; cf. Greimas, s.v. embriver ‘s’élancer, se précipiter’. ensemps-mesclats m. p.p. pi. ‘joined in carnal union’. Though PD does have simple mesclar ‘avoir commerce charnel’ seen in our mesdada (v. 20), it lacks this caique on Latin; see Editorial Remarks under Word Separation. envelheït m. n. ‘man who has grown old’, the substantivized past participle of envelheir, a variant without not registered in PD, s.v. envelhevqr, cf. Vg. inveterate (v. 52) of which our O envelheïtis a precise translation. Ronjat documents the loss in Mediterranean and Alpine regions of southeastern Provence of intervocalic [z], not derived from Lat. -D-; cf. ram < *RACÏMU (I, § 293). W.’s reconstructed envelheir[e], based on the bad reading of -ras -t, is meaningless (88.12) and pure fantasy. est P5 pr. ind. of ester ‘to be’; Anglade, p. 313-14, gives only et%as the normal reflex of Lat. ESTIS. The Provençal form est, not among his variants, probably results from the reduction of the cluster -ST’S to -st instead of more usual [ts] (normative -1rj) in P5 verbal endings; see Zufferey, p. 213n28. Verse 48 has P5 prêt. comdampnest'm the same sentence as est. jassei intr. v. ‘to lie (down)’; PD only records jasper, -^zVwith [z]. My transcriptions show only forms with -ss-, surely pronounced [s], luy strong f. pron. ‘her’, in three constructions referring to Susanna : v. 4 lo marit de luy; v. 8 los vielhs vexent luj, v. 11 volentjosser am luy. Elsewhere, it has the traditional masculine gender. The weak indirect object li, traditionally both masculine and feminine, has come to be used in our text not only in the weak position (v. 29 horn li frames ‘she was sent for’; v. 56 B dis “he said to him’) but also in the strong position (v. 40 demandem li ‘we asked her’; v. 52 dis li “he said to him’). Once the dual use of li in strong and weak positions was accomplished, it probably brought about the ambigeneric use of strong luy. monteza f. n. ‘multitude’, not in PD, s.v. molteya, which has only a variant with mot-, cf. s.v. molt, both mon and mot. W. wrote moute^a, taking the curvilinear titulus to indicate u, a practice unknown to me in our manuscript; cf. the root mont- in Genesis 1.22 Cryses et montupücas las ayguas de mar e los aucelsj sian montiplicans sobre la terra (4r22-4vl) with n written out in montuplicas but noted by the titulus twice in mositiplicasxs (emend : montiplicaî). nequicia f. n. ‘wickedness’, not in PD, perhaps because it is but an Occitanized form of Lat. nequitia. permania P3 pr. subj. permania ‘that it may remain’. Anglade, p. 343, only knew remanha and one case of remanga (see his note 5). We could have here a partially leamèd calque on Lat. permaneat. sey P3 pr. ind. of se%er ‘to sit’; Anglade, p. 352, gives seu, sieu. sies P2 imprt. of ester ‘to be’; Anglade, p. 316, gives only P2 sia. The evolution sias > ties is not surprising in Provence. Unexpected -s in this imperative is probably patterned on P2 imprt. ajas, sapias, and vuelhas. tostemps adv. ‘always, at all times’, found in PD only as tot%temps, s.v. temps ‘toujours’, trames P3 prêt., trametes P5 imprt., found in the intransitive construction trametre a ‘to send for’ missing from PD; see note n. vey P3 pr. ind. of ve^er ‘to see’; Anglade, p. 352, has only ve; cf. sey above. vilhars m. n. pi. ‘old men’, with reduction -arts > -ars in the plural of PD velhart, for which no variant with pretonic vilh- is given; cf., however, vilhe^a in PD, s.v. velhe^a.

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The Occitan Story

vouts £ n. sg. ‘voice’. Vouts (288rl, 2; 288v26 ) is rivaled by synonymous vos (288vl8, 289r2, 289v8) in which -ts is reduced to -s. The digraph ou may represent the [u] heard in modern Nissard [vus] cited by Ronjat, I, § 33 (mislabeled 83). According to Zufferey, p. 305, the continuations of Lat. VOCE written with ou are apparendy attested only in texts from Provence.

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Abbreviations adv. = adverb f. —feminine imprt. = imperative ind. = indicative intr. = intransitive Lat —Latin LLat. = Late Latin m. = masculine

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n. = noun Oc. = Occitan P2 = 2nd person singular P3 = 3rd person singular P4 = 1st person plural P5 = 2nd person plural P6 = 3rd person plural pi. = plural

pp. = past participle pr. = present pret. = preterite pron. = pronoun sg. = singular subj. = subjunctive v. = verb, verse

Les sept douleurs et les sept joies de la Vierge en occitan du ms. London, British Library, Egerton 945 Walter Meliga

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Le manuscrit Egerton 945 de la British Library (n° 16 de Brunei 1935) est un recueil de textes de pitié, en vers et en prose, écrits en latin, occitan et français. Il a été décrit très minutieusement en 1881 par Paul Meyer (Meyer 1881),1 qui a distingué, numéroté et illustré les différentes parties qui composent le manuscrit ;*2 ensuite, des textes occitans on été publiés dans Motte 1902 {Scala divini amoris, soit le texte XII, en prose), Kastner 1907 (Prières à la Vierge, texte VIII, en vers) et Rothwell 1964 (Liber divini amoris, texte X, en prose). Après une longue période d’oubli, l’intérêt pour ce manuscrit a repris tout récemment grâce aux travaux de Geneviève Hasenohr (Hasenohr 2000, 2002 et à p.), qui a publié d’autres brefs textes occitans (sept Opuscules spirituels, texte XI, en prose) et a cherché d’en établir une localisation aussi bien linguistique que culturelle ; finalement, un autre texte est en ce moment sous presse dans Ricketts à par. (Prière de Théophile, n° VIII, en vers).3 Selon l’opinion de Meyer (1881 : 44-45), le recueil a été écrit au milieu ou dans la seconde moitié du XIVe siècle et le dialecte des pièces occitanes serait le limousin ; cette opinion a été maintenue par Kastner (1907 : 222-23) - bien qu’en observant que quelques traits linguistiques renverraient plutôt au « dialecte de Toulouse et de ses environs » - et a été finalement consacrée par Brunei 1935, n° 16, quoique avec plus de généralisation en ce qui concerne la date (« Écrit au XIVe siècle en Limousin»). En acceptant la localisation limousine de Meyer,4 Brunei n’avait cependant pas tenu compte des remarques linguistiques de Motte (1902 : II-X), qui concluait à une origine languedocienne du texte publié, dans les limites du département de l’Aude. Le problème a été posé d’une façon différente par les études de Geneviève Hasenohr, qui distingue,5 parmi les textes en langue d’oc, ceux qui ont 1 Le manuscrit est décrit aussi, très sommairement, dans le Catalogue oj Additions to the Manuscripts in the British Muséum in the Years M D C C C X U -M D C C C X LV , London, 1850, p. 106. 2 La numération des textes selon Meyer 1881, p. 45 comprend 16 unités textuelles, indiquées en chiffres romains (l’unité XVI comprenant les prières ajoutées plus tard et par une main différente au début et à la fin du manuscrit). 3Je remercie les collègues Geneviève Hasenohr et Peter Ricketts pour m’avoir communiqué leur travaux avant la parution. 4 Qui, à vrai dire, n’était pas définitive, comme Meyer 1881, p. 69 lui-même observe, en admettant qu’il faudrait une démonstration détaillée. 5 A partir d’une observation de Meyer 1881, p. 70.

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été originairement composés dans cette langue et ceux qui ont été traduits du français : les premiers - parmi lesquels on trouve le traité publié par Motte 1902 présentent une scripta languedocienne occidentale, bien qu’elle soit plus septentrionale que celle qu’indique Motte et qu’on pourrait situer dans le nord du Languedoc occidental, entre Agenais et Quercy, tandis que les autres pourraient bien avoir été réalisés en Limousin (Hasenohr 1995-96 : 121 ; 2000 : 222 ; 2002 : 493).6 Dans son dernier travail, Mme Hasenohr a aussi établi un tableau des différents traits linguistiques des deux groupes de textes, duquel la cohérence interne et les oppositions confrontées des scriptae respectives ressortent assez clairement (Hasenohr 1995 : 44-46). Comme on peut voir, on devrait poser premièrement la question sur l’origine de deux composants du ms. Egerton 945, qui découleraient des sources différentes et que le copiste se serait borné à copier en respectant les traits graphico-linguistiques respectifs, et deuxièmement sur le lieu de cet assemblage.7 Il faudra donc vérifier avec attention la qualité des traductions des textes indiqués par Meyer 1881 ;8 il faudra aussi vérifier la régularité de la division des textes dans les deux groupes définis d’un point de vue scriptologique, et c’est ce que nous allons commencer à faire ici avec le texte que nous publions et que nous comparons avec les textes déjà édités.9 Parmi les textes du ms. Egerton 945 certains sont restés inédits jusqu’à présent : c’est le cas de Les sept douleurs et les septjoies de la Vierge (soit le texte n° IX de Meyer 1881), renfermé dans les ff. 109r-113r; le même texte est répété, dans une version partielle un peu plus récente,10 aux ff. 322r-323y. Dans ce travail, nous donnerons l’édition critique des deux versions du texte ; ensuite nous ferons un bref commentaire accompagné de notes explicatives et d’une analyse de quelques traits de la scripta de la première version (confrontée le cas échéant avec celle de la seconde). Dans l’édition de la première version du texte, nous avons effectué les interventions suivantes : résolution des abréviations entre parenthèses, distinction u /v, uniformisation i/j, division des mots, insertion de la ponctuation, lettres majuscules selon l’usage moderne ; nos corrections et insertions sont entre crochets ; les formes et les phrase latines sont en caractères italiques ; l’apparat critique signale (en caractère souligné) les lettres exponctuées par le copiste et rend

Hasenohr 1995-96, p. 122 fait aussi observer que des indices extra-linguistiques contenus dans les prières latines (Meyer 1881, n° XIII : ff. 233-37) et dans l’un des trois traités mystiques occitans (Liber divini amoris) renverraient à une région entre le Périgord, l’Agenais et le Quercy. 7 Hasenohr 2000, p. 222 pense à une fabrication vraisemblablement toulousaine sur la base de la décoration. 8 Selon Meyer 1881, p. 70 les textes traduits du français sont le n° VIII (Prière de Théophile) et « probablement » le n° XTV (prières en verse et en prose) : en ce qui concerne la Prière de Théophile, cela est maintenant assuré par Ricketts à paraître, qui en a établi la source dans le texte de Gautier de Coincy. 9 Parmi ces textes il y a une traduction certaine (n° VIII, éd. Ricketts à p.) et quatre originaux (n° VII, éd. Kastner 1907 ; X, éd. Rothwell 1964 ; XI, éd. Hasenohr 2002 ; XII, éd. Motte 1902). 70 D ’une écriture probablement antérieure au XVe siècle selon Meyer 1881, p. 44 et Hasenohr 2000, p. 241 (note 4).

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raison de nos corrections et insertions ; nous avons introduit la numération des lignes à gauche. La seconde version est éditée de la même manière que la première et la numération porte un astérisque pour se distinguer de celle du texte précédent. i09r

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Las VII angoisas Nostra Dona.

Dossa domna sanhta Maria, per la engoissa que vos aguetz quant Ioseps vostre espos vos trobet grossa e vos pesset laechar privadamen per pietat, cofortatz me e totz cels qui vos sierven qui en angoicha son. A ve Maria. Dossa domna sanhta Maria, per la [pa]or que vos conceubetz quant sanhs Simeons vos dich que totz lo pobles contradiria a vostre beneite filh, cofortatz me e totz aqueus qui vos sierven qui en paor son. A ve Maria. Dossa domna sanhta Maria, p(er) las penas que vos suffritz VII ans en Egipte e tôt lo trabalh que vos aviatz en seguen vostre dos fih en sa penosa e paubra vita, de la hora qu’el nasquet de vos, si paubra que vos no aguetz ont colgar mas en la grepcha, duocha que fo pendutz en la crotz entre dos leiros devant vos e davant tos sos amicz, cofortatz me e 109, totz cels qui vos sierven | qui en pena e -n trebalh son. A ve M(ari)a. Or(ati)o. Dossa domna sanhta Maria, per la dolor que vos aviatz quant vitz pendre vostre dos filh en la crotz e vitz son sanc araiar, son cors beneit blaveiar enaguit cum de lebros, sas mas e ssos pes perforatz e eflar e ssos beus uoilhs lagremar e auvitz los escharnis e las maleicios e los repruopches que li iuieu e li paia (et) li lairo li disian e ssa paraula eschament auvitz quant el vos recoma(n)det a sen Iovan e sson pietos crit quant el enclinet la testa e rredet Fesperit, a cui tota la terra tremlava e tota creatura s’esbait, e puechas vitz son costat p(er)sar e p(er)tusar e départir sos draps, cofortatz me e totz cels qui vos sierven qui en dolor son. A ve Maria, gr(ati)aplena. Or(ati)o. Dossa domna sanhta Maria, per lo désir gran que vos aviatz d’ichir d’aquesta vita e de venir a vost(r)e dos filh, fors de la percussio que vos no, vitz | en santa esglieza, quant hom enpreisonet e batet los apostolis e aucis e lapidet los amicz vostre filh, cofortatz m(e) e totz cels qui vos sierven qui en enuoi son e desiren a vos venir, recomandatz nos, dossa domna, a Fangiel qui vos ac en garda sen Gabriel e preiatz lo Sanht Esperit qui vos cofortet en totas vostras engoichas que el nos coforte. A ve M(ari)a. Dossa domna sanhta Maria, vergena gl(or)iosa beneita, beneita maere de Dieu, en cui beneit ventre Die(us) denha far lo dos maridatge de sanhta deitat e de vostra humanitat per sa gra(n)t fina charitat, dossa domna, per aquel beneite iai de vostra dossa charitat e de vostra humanitat : A ve Maria, gr(ati)a plena, Domin(us) tecum, benedicta tu i(n) mulierib(us) (et) benedictusfructus ventris tui, sanhta Maria, ora pro nob(is). lesus

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Xr(istu)s dominus n(oste)r (et) benedictafilia tua, D(omï)ne, quia per tefructum vite communicavimus (et) cetera. \ D ossa domna sanhta Maria, reina gl(or)iosa, en la rremenbransa d’aquel beneite ioi don lo vostre dos cors s’alegret quan Dieus vos trames del cel sanh Guabriel qui dossame(n)t vos saluet e vos dich que lo Sanhs Esp(er)itz descendria en vos p(er) que cossebriatz Ie(s)u Crist nostre Salvador, domna, per aquel beneite alegrier de que vostra arma e vostre cors fo alegratz vos pregi, domna, que vos la mi’arma alegretz de la patz e de la dossor dal vostre filh e que am lui m ’achaptet merce e p(er)do ; en honor, domna, d’aquel ioi vos saludi ieo. A ve Maria, gracia plena. Oratios n[ost]ra dona. D ossa domna sanhta Maria, vergena gloriosa, maere de Dieu q(u)i portiest Ie(s)u Crist, nostra vita, nostra salutz, nostre ioi, nostra esperansa, n(ost)ra redempt(i)o, aquel, dossa domna, qui las armas enlumina e paech de dossas consolatios, per aquel beneite iai do(n) lo vostre cors s’alegret quant vos fos [ en la montanha e vos saludet sanhta Elisabet vostra cusina e l’effas s’alegretz en son cors quant ela auvit la sanhta paraula de vostre dos salut ; ela fo repleina dal Sanht Esperit e profetizet en vostre sanht aveniment e dich : Unde b(oc) michi ut veniat mater D(omi)ni mei ad m(e)? E vos chantetz : Magnificat anim(a) m(e)a D(omi)n(u)m (et) exultavit sp(iritu)[s] meus in Deo salutari meo ; en honor, domna, d’aquel glorios ioi vos saludi ieo. A ve Maria. Or(atio). Gloriosa puessela, vergena sagrada, rosa especials qui la bêla flor portetz en terra, de la quai grand(a) dossor son pagut li sanht angiel dal cel, d’aquel beneite effan Ie(s)u Crist, cela ioiosa beotat, cela p(er)fiecha savisa, [cela] amorosa charitat, cela tan clara lumnera, cela celestial autesa alachetz de vostras sagradas mamelas qui totas decorria(n) de dossor e de dossas amors de la dossor de paradis ; a! dossa domna, per lo beneite gai que vos aguetz quant lo dos filhs | de Dieu nasquet de vos, vos queri, do(m)na, que vos la mi’arma alegretz de l’amor dal vostre gl(or)ios char filh ; en honor d’aquel beneite ioi vos saludi ieo. A ve Maria, gr(ati)a plena. Magnificat. Gaude, Dei genitrix, virgo inmac(u)lata. Gaude, que gaudium ab ang(e)lis suscepisti. Gaude, que genuisti et(er)ni luminis claritatem. Gaude, mat(er). Gaude, s(an)c(t)a D ei genitrix mater. Tu sola mat(er) i(n)nupta, te laudat om(n)is creaturagenit(r)icem lucis, sisp(ro) nob(is) quesumusp(er)petua i(n)tervent(r)ix. Bêla dossa domna sanhta M(a)ria, maere de Dieu, maere de misericordia e de pietat, domna, per aquela ioia que vos aguetz quant lo filhs de Dieu nasquet de vos e vos lo vitz e -1 te(n)guetz entre vostres bratz e -1 banhetz e Fe[n]volopetz en viels draps e vitz los tres reis qui -1 venguen aorar e los pastors e lo glorios chant qu’il chanteren, lo ioi del cel e de la terra, bêla domna, en honor d’aquel beneite ioi que vos n’aguetz vos | queri, domna, que vos m’achaptez m(er)ce am lo vostre filh e que lo m’essenhetz amar i a sservir i a far las soas voluntaz ; en honor d’aquel beneite iai, domna, vos saludi ieo. A ve Maria. Oratio. Bela dossa domna sanhta Maria, maere de misericordia, maere de

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pietat, domna, p(er) aquel glorios iai que vos aguetz en vostras iassinas del vo[s]tre beneite filh quant aus vostres sanhs bratz lo portetz al temple e lo p(re)sentetz sobre l’autar i anplitz lo cor sen Simeon e son desier e v[itz] creicher la vostra humanitat, domna, aichi com sen Simeon fo 90 umplitz de la ssoa gracia quant el lo vit, vos queri ieo que vos innplatz la mi’arma de la gracia dal vostre beneite filh ; en honor d’aquel ioi vos saludi ieo. A ve Maria. Orat(i)o. Bêla dossa domna, maere de misericordia e de pietat, p(er) aquel gl(or)ios gai que vos aguetz en aquel iorr que vos vitz lo vostre beneite 95 U2„ filh resor [ ser de mort e puech vos l’en vitz poiar a la destra del seo Paere e puech lhi vitz trametre lo Sanht Esperit lo iorn de la Pantacosta sueus seus apostols, qui los fermet e los enluminet en la soa gracia, vos plassa que vos preietz lo vostre beneite filh qu’el enlumine de la gracia dal esperit la mi’arma. A ve Maria, graciaplena. Oratio. 100 Domna sanhta Maria, maere de Dieu, maere de misericordia, per aquel glorios gai que vos aguez en aquel iorn que lo filhs de D ieu vo n poiet en cors e -n arma glorificada e vos amoret com a sa filha e vos eschausset com a sa maere sobre los seos angiels e sobre los seus argchangiels e sobre totas vertutz del cel e de la terra, domna, aqui vos fo 105 donatz totz poders del vostre beneite filh quar totas las vostras voluntatz son complidas e fachas, dosso domna, per aquel beneite gai que vos ii3 , aguetz en aquel iorn | i avetz enq(ue)ra i auretz tostemps ses fi vos pregi, domna, que vos am lo vostre beneite filh m ’achaptetz merce e q(ue) vos me trametat en vita durabla q(ua)n del cors partira.

1 Nostra Dona ] n \ ...ostra \ ... \ do \ ... \ na (le titre est partagé entre les parties finales des lignes 1, 2, 7 et 13 du ms.) - 2 quant ] quaant — 6 paor ] ...or, par effacement de l’encre (l’intégration correspond à la copie du f. 322r [= 5*]) - 14 vos ] nos ou uos —35 sanhta ] sanhata —51 n[ost]ra ] nra, sans signe d’abréviation —61 sp(iritu)[s] ] spc —66 [cela] ] manque —73 luminis ] lumiints (?) —79 e l’e[n]volopet% ] ek11uolopet%- 87 vo[s]tre ] uoltre - 89 e ] eu..., par effacement de l’encre - 90 que ] queri — 98 vostre ] vostrae — 105 vostras ] uost/ms uostras, sans signe d’exponctuation

322,

5*

1 0 * 322,

D ossa domna s(an)c(t)a M(ari)a, per la engoyscha que vos aguetz ca(n)t Ioseph vostre espos vos trobet grossa e vos pesset layssar p(r)ivadamen, p(er) pietat cofortatz me e totz cels q(u)i vos sierven q(u)i en angoyscha son. A ve M(ari)agr(ati)a. D ossa domna s(an)c(t)a M(ari)a, per la paor que vos co(n)ceubetz cant saynh Simeon vos dichz que totz lo pobles (con)tradiria a vostre beneyte filh, cofortatz me e totz aqueus qui vos sierven q(u)i en paor son. A ve M(ari)a gr(ati)a. Dossa domna s(an)c(t)a M(ari)a, per las penas que vos sufffitz VII ans en Egipte e tot lo trebalh q(ue) vos aviatz en seguen vostre dos | filh

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en sa penosa e paubra vita de la hora qu’el nasquet de vos, si paubra que vos no aguetz ont co[l]gar mas en la grepcha, duescha qu’el fo pendutz en la crotz entre II layros davant vos e dava(n)t totz sos amicz, cofortatz me e totz cels qui vos sierven q(u)i en pena e en trebalh son. A ve M(ari)a. 15* D ossa domna s(an)c(t)a M(ari)a, per la dolor que vos aviatz quant vitz pendre vostre dos filh en la crotz e vitz son sanc arayar, son cors beneit blaveyar enaguit cum de lebros, sas mas e sos pes p(er)foratz e eflar e sos beus huels lagremar e auvit los escharnis e las maleycios e los 323, repruepches que li iuzieu e li paia e li layro li disian | e ssa paraula 20* ayschament auvitz qua[n] el vos recomandet a sayn Io(han) e son pietos crit qua(n)t el enclinet la testa e redet l’esperit, a cuy tota la t(er)ra tremblava e tota creatura s’esbait, e pueyhsas vitz son costat p(er)sar e pertusar e départir sos draps, cofortatz [me] e totz cels q(u)i vos sirven qui en dolor son. A ve M(ari)a. 25* D ossa domna s(an)c(t)a M(ari)a, per lo désir gran que vos aviatz d’ischir d’aquesta vita e de venir a vostre dos filh fors de la percussio que vos vitz en s(an)c(t)a glieyga, cant om enpreysonet e batet los apostolis e 323, aucis e lapidet los amicz vostre filh, cofortatz me e totz cels | qui vos sierven qui en enuey son e desiren a vos venir ; recomandatz nos, dossa 30* domna a l’angel qui vos ac en garda s(anctus) Gabriel e pregatz lo S(anctus) Esperit qui vos cofortet en totas vostras engoyshas que el nos coforte. AM EN.

1*, 5*, 9*, 15*, 25* Dossa] Ossa, avec d en lettre d’attente - 12* co[[jgar] cosgar — 20* qua[n] ] quai

Bien que le texte soit bref et très simple dans son intention pieuse, il pose néanmoins quelques problèmes d’interprétation. Tout d’abord il faut observer que, même si la rubrique parle seulement des sept douleurs (angoisas) de la Vierge, qui sont en effet présentées en premier lieu dans le texte, celles-ci ne sont que cinq, tandis que les joies, qui viennent après les douleurs et ne sont pas citées dans la rubrique, sont bien cette fois sept (ou peut-être même huit). Les cinq douleurs occupent les lignes 2 à 34 (engoissa 2, paor 6, penas 10 et trabalh 11, dolor 17, désirgran... d ’ichir d ’aquesta vita 27-28) ; elles se divisent en cinq paragraphes, indiqués très clairement dans le manuscrit par de petites vignettes sur les lettres initiales. Après un paragraphe de transition (1. 35-42), à la syntaxe elliptique, où cependant l’on trouve la première mention d’un iai (38), les sept joies occupent les lignes 43 à fin (ioi 44 et alegrierAl, iai 55, gai 68, ioia 77 et toi 81, iai 86, gai 94, gai 101) ; ici encore les vignettes marquent les débuts des paragraphes. D ’autres problèmes concernent l’interprétation de quelques formes ou de quelques passages. N ous restons très peu sûrs quant à enaguit (ainsi dans le

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manuscrit) 19 (= 17*), que nous proposons d’interpréter comme une variante gasconne - et plus précisément landaise et de l’Armagnac selon Ronjat (1930-41, § 349) - du participe passé de enaigrir ; selon TF s.v. « eneigri, enaigri », ce verbe en construction réflexive peut aussi signifier l’action d’une plaie qui s’envenime ou s’enflamme et cela pourrait bien se référer à l’aspect d’un lépreux, comme le texte nous dit à propos du corps du Christ sur la croix. N ous sommes conscients du caractère bien aléatoire de cette interprétation, qui, nous semble-t-il, reste sans documentation dans les dictionnaires gascons et béarnais,I11 mais nous ne sommes pas arrivés à trouver d’autres explications plus économiques ;12 d’autre part, la présence d’un trait linguistique propre à la Gascogne nous donnerait, si confirmé, une indication importante pour la localisation du texte. Dans le même paragraphe a cui (ms. acui) 23 (= a cuy 21*) est à interpréter comme un relatif se référant au Christ, sujet psychologique du discours, ou à la phrase qui précède (mais dans ce cas on aurait un usage neutre de la forme) ; il y exprimerait un complément de cause ou de relation, plus commun en français qu’en occitan.15 Le passage aux lignes 79-81 soulève un problème de concordance avec le récit des Evangiles de Mathieu et de Luc sur la naissance du Christ :14 ici la visite de Rois précède l’hommage des bergers et on ne comprend pas qui chante le Gloria (lo glorios chant..., lo loi del cel e de la terra), puisque le syntagme relatif qui suit {qu’i l ou bien qui i 80 ; ms. quil) semble attribuer cette action aux bergers tandis que les anges n’apparaissent pas.15 Finalement, le pronom atone datif Ihi 96 ajoute un caractère supplémentaire aux constructions formées par un verbe de perception et un pronom personnel datif (Jensen 1990, § 308 ; Rohlfs 1966-69, § 640) : ici le datif est employé avec un infi­ nitif indiquant une action (et non une qualité ou une particularité d’une personne),

i

|j Ij j! ;;

,j j! j| j! [| |; I; II |! i| j |

j

J

| ij

11 Le sens de enaigrir indiqué pat TF ne trouve pas même correspondance avec ceux mentionnés par F E W 24 [refonte du 1 .1], pp. 97b-98a et nous ne l’avons pas non plus trouvé dans d’autres dictionnaires romans. 12 II faut observer tout de suite que la forme est répétée telle quelle dans la seconde rédaction du texte, ce qui rend plus difficile l’hypothèse d’une faute du premier copiste. Nous avons écarté la solution d’une variante du verbe endi (s’) ‘s’affaiblir, dépérir’ (enregistré comme limousin par TF s.v.) et celle d’une expression de comparaison voisine à d’un aquit ‘gleichartig’ (registrée dans SW , I pp. 75-76) ; d’autres solutions, comme celle d’une forme composée à partir de agusit ‘appauvri’ (forme gasconne, selon TF s.v. agusi et enregistré aussi dans le FEW , 16 p. 99a) ou celle d’une forme déverbale de aguitâ Voir’ (forme cantalienne, selon le FEW , 17 p. 456b) nous ont parues encore moins probables. Nous traduisons donc la phrase intéressée : «vous vîtes... son corps bénît devenir livide, envenimé comme celui d’un lépreux» ; la locution com de ne fait pas de difficultés, bien que peu fréquente. 13 Cf. Jensen 1990, § 884 ; la phrase correspond au passage de M t 27.51-54 (E t ecce... terra mota est... ). Un autre usage de cui —connu en occitan mais, à ce qu’il semble, plus diffusé en français —est sa collocation entre une préposition et un nom pour indiquer la possession, comme à 36 (cf. Jensen 1990, § 432). 14 Cf. M t 2.1-12 et Le 2.6-14. Certainement, les sources du passage ne sont pas seulement les Evangiles, comme le prouve l’allusion au lavage de l’enfant Christ par la Vierge (79). 15 On pourrait bien supposer une faute dans la forme quil\ par ex. une contraction d’un *quangiel ou une chute plus considérable de texte, mais il s’agit de suppositions non vérifiables.

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comme dans les phrases italiennes « gli vide fare » ‘il le vit faire’, « gli senti dire » ‘il l’entendit dire’.16 L’analyse linguistique du texte présente des aspects qui pour la plupart se trouvent dans les autres textes publiés du manuscrit. Nous donnons ci-dessous un résumé des traits les plus intéressants, comparés avec ceux des autres textes publiés (notamment les Prières à la Vierge [Kastner 1907] et la Prière de Théophile [Ricketts à p.]) et du schéma de Hasenohr à p.

Graphie ae pour [aj] est une graphie presque exclusive : laechar 3 ; maere 36, 52, 76 (2 fois), 85 (2 fois), 93,100 (2 fois), 103 ; paech 55 ; Paere 95 (VS layssar2*) ; = Kastner (1907) : 223 ; = Ricketts à p. : maech 19, 39,43 ; maere et paere 57 ;fae 59 (app.) ; = Hasenohr à p. (Traductions). Il s’agit d’une graphie très rare, que Meyer (1881 : 69) considérait limousine sur la base de la forme paer de l’ancienne «Traduction de l’Évangile de Saint Jean». En tout cas, ces formes sont probablement à distinguer de l’évolution ai protonique > «, que nous trouvons dans leiros 14 (VS lai-/ layro(s) 21, 13*, 19*) et aussi dans les Prières à la Vierge (Kastner 1907 : leiros A 22 ; leironia B 16) : ce phénomène a une diffusion assez large, dans le Nord et l’Est du domaine d ’oc mais aussi dans l’Aquitaine (Ronjat 1930-41, § 173, 216 ; Pfister 1959, § 4 ; L R L , ch. 148 § 3.2.2). eo pour [ew] se trouve plusieurs fois : ieo 50, 62, 71, 84, 90, 92 ; heotat 65 ; seo(s) 95, 103 (VS Dieu(s) 36, 44, 52 etc. ; seus 97, 103); = Kastner (1907) : Dieo A 2 ; ieo A 14, 71 ; B 71, 73, 80 etc. ; seo A 42 ; B 166 ; teo A 51 ; greomen A 53 ; beos A 57 ; viore B 8 ; conceobet%B 32 ; meo B 144, 145, 293 ; sios B 113 (VS d’autres cas avec ti) ; = Ricketts à p. : teo 12 ; escriotlfl ; delhiora 51 (VS d’autres cas avec u) ; = Hasenohr à p. (Traductions). Il s’agit d’une graphie assez diffusée, en particulier en Languedoc, si elle est “plus ou moins souvent” présente dans les anciennes chartes du Quercy, du Toulousain et surtout de l’Albigeois (Dobelmann 1944 : 34-35 ; Grafstrôm 1958, § 16.2.a). L’écriture g i pour [gj est constante dans ; angj.el(s) 32, 64,103 ; argchanÿels 104 (VS angelZQ*) ; = Kastner (1907) : A 42, 51, 81, 82, B 35,255, 272 etc. ; = Ricketts à p. : 26. La notation de [T] et [nj est presque exclusivement17 faite par Ih (ilh) et nh : filh(s) 8, 18, 28, 30, 49, 69 etc. ; tra-/trebalh 11, 15, 10*, 14* ; uoilhs 20 ; Ihi 96 (< ILLI) ; filha 102 ; 16 Les constructions italiennes citées datent de l’époque de Dante et sont encore normalement usitées comme les constructions correspondantes avec l’accusatif (« lo vide fare », « lo senti dire ») 17 Nous trouvons avec la notation l seulement m is 79 et huels 18*.

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denha 36 ; montanha 56 ; banbeti1 79 ; essenheP.\ 83, qui sont également diffusés dans les autres textes du recueil.18 Ces graphies sont plus tardives que celles concurrentes (de type il/ill et in/gn),19 mais se trouvent à partir du XIVe siècle dans beaucoup de régions (LRL, ch. 148, § 3.1.2 ; 151, § 3.2.2). Nous y trouvons une seule exception intéressante: fih 11 (mais filh 10*), qui correspond à l’écriture soleh A 39 des Prières à la Vierge (Kastner 1907). Le résultat de l’évolution en sifflante de plusieurs groupes consonantiques latins (CJ, NTJ, STJ ; PS, X ; SC) est souvent représenté par les graphies ch (une fois chef) et sch (une fois hs) : dichfy 7, 45, 59, 6* ; ayscha-lèschament 22, 20* ; puech(as), pueyhsas 24, 95, 96, 22* ; ichir, ischir 27, 26* ; engoichas, engoyscha(s) 33, 1*, 31* ; paech 55 ; cracher 89 ; aéchi 89 ; eschausset 103 (VS an-/ engois(s)a(s) 1, 2; rremenbransa 43 ;plassa 97) ; = Kastner (1907 : 223) et dich B 255, 285, 313 ; = Ricketts à p. : 9,11,19, 39,43 (VS -assa 20, 37, 39-40 ; -ensa 44 ; -issa 57, 60) ; = Hasenohr à p. (Traductions). L’aire de diffusion de ces graphies est assez vaste et comprend une large partie du Languedoc (Toulousain, Albigeois, Rouergue, Narbonnais, Hérault), mais aussi la Corrèze et le Valentinois (Ronjat 1930-41, § 364 8 1 ; Grafstrôm 1958, § 45 ; Pfister 1959, § 54 ; Zufferey 1987 :116-17,145). Les redoublements de r- et s- derrière monosyllabes (il s’agit plus précisément d’un allongement en phonosyntaxe, généralement par assimilation) sont aussi présents : e rredetl3 ; la rremenbransa 43 (VS e r- 21*) ; e sson/-s 19 (2 fois), 22 \essa 21,19* ; a sserrir 83 ; la ssoa 90 (VS a s- 22,102,103,20* ; de s- 37 ; la s- 57-58, 91 \ es- 88,103,104,17*, 18*, 20*) ; = Kastner (1907) : lo sseo A 42 ; A sSenher A 57, 75, 79 ; la ssoa A 88 \ lo rrei A 100 etc. ;20 = Ricketts à p. : e ssanc 46, e ssagrada 62 ; = Hasenohr à p. (Traductions).21 Le phénomène est attesté dans les chartes languedociennes (Grafstrôm 1958, § 80) et rouergates (Kalman 1974, § 80), mais, étant donné son caractère phonosyn­ taxique, il aurait pu se développer presque partout.

18 Bien qu’ici aussi avec quelques exceptions (dans les graphies l et gti) et quelques extensions dans des contextes non-palatalisés ou semi-palatalisés (Kastner 1907 : delhiore/-et K 17, 55, solhel/-Ihs A 35, B 131 ; Ricketts à p. : delhiora 51, Ihuoc 56). 19 Comme le démontre sa rareté dans les chartes languedociennes anciennes (cf. Grafstrôm 1958, § 74, 75) et sa présence massive, à l’intérieur de la tradition troubadouresque, seulement dans des chansonniers tardifs et d’origine autochtone (les languedociens CR et les provençaux ] /: cf. Zufferey 1987, pp. 120-21, 147-48,194, 216-17). 20 D e notre révision du texte sur le manuscrit. 21 Le redoublement est aussi présent dans les Prières à la Vierge (nous avons vérifié le texte de Kastner 1907 sur le manuscrit) et les Opuscules spirituels (Hasenohr 2002, p. 508: e sserada).

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Phonétique : Voyelles La diphtongaison de O ouvert est représentée par m et ue : uoilhs 20 ; repruopches 21 ; enuoi 31 ; puecb(as),puejhsas 24, 95, 96, 22* ; huels 18* ; enuey 29* ; = Kastner (1907) : puech(a) A 84, B 63, 97, 130, 175 etc. ; puoc B 95 ; uelhs B 227 ; orguelh B 228 ; melh B 261 ; acuelh B 265 \fuocP> 319 ; = Ricketts à p. : Ihuoc 56 ; = Hasenohr à p. (Traductions). La diphtongaison de E fermé > ei dans : replàna 58, généralement considérée trait limousin (Anglade 1921 : 52-53 ; LRL, ch. 148 § 3.2.1), pourrait-elle se déplacer davantage vers le sud, si on la trouve dans le «P oèm e sur l’hygiène» (Appel 1930, n° 114 v. 56 : plein) du ms. London, British Library, Harley 7403, écrit « au XIVe s. vers Narbonne » pour Brunei 1935, n° 21.22 Finalement, -A > -o dans la forme isolée : dosso 106 (VS dossa 2, 6,10,17 etc.), ne sert qu’à exclure les régions qui ont gardé -a jusque aujourd’hui (Ronjat 1930-41, § 119). Il s’agira d’une attestation assez précoce, étant donné que la graphie -o est encore rare au XVe siècle (L R L , ch. 151 § 3.1.3).

Phonétique : Consonnes CA- > cha- dans tous les cas : eschamis 20, 18* cbaritat'bl, 38, 66 ; achaptet/-(t)^49, 82, 108 ; chantets^ 60 ; charlQ ; chant 80 ; chanteren 80 ; = Kastner (1907) : 223 ; = Ricketts à p. : 6,14,19,23 etc. ; = Hasenohr à p. (Traductions). D (T) entre voyelles aboutit à trois résultats. Le premier est son effacement dans : beneitl-al-e 7, 18, 35 (2 fois), 36, 38 etc., 17* ; makiüos/ -ycios 20, 18* ; saluet 45 (VS 56), qui est un caractère septentrional (L R L , ch. 148 § 3.3.5 ; ch. 149 § 4). Le deuxième résultat présente l’insertion de v de transition : auvitfy 20, 22, 57,18*, 20* ; = Kastner (1907) : laouar A 11 ; = Ricketts à p. : auvir 4 ; = Hasenohr à p. (Traductions). qui est encore un trait septentrional (Limousin, Périgord, Dauphiné : Pfister 1959, § 37 ; L R L , cap. 148 § 3.3.5) mais qui connaît aussi des extensions vers le sud, dans le Quercy septentrional, jusqu’à toucher la scripta toulousaine du XVe siècle (Pfister 1970a : 274-76). Le troisième résultat est représenté par : 22 Selon les données de la COM, nous trouvons deux cas (suspects l’un et l’autre d’influence française) de plein dans la scripta troubadouresque : BdT 425.1 (chansonnier M) v. 20 e 461.231 (chansonnier H) v. 3.

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iuieu 21 (VS iuspeu 19*) ; = Kastner (1907) :jujeus B 188, qui pourrait être un caractère ancien du Rouergue (et du Limousin, de la Marche et de l’Auvergne modernes) selon Pfister (1972, § 1.2.2). L avant consonne ou -s flexionnel devient u : autesa 66 ; autar 88 ; eschausset 103 ; aqueus 8, 7* ; beus 20, 18* ; aus 87 ; sueus 96 (VS cels 4, 15, 25, 30, 3*, 14*, 23*, 28* ; viels 79) = Kastner (1907 : 222) ; = Ricketts à p. : autras 3 ; auta 5 ; = Hasenohr à p. (Traductions). L entre une voyelle vélaire et s (soit dans les formes issues de DULCE) s’efface : dossa(s) 2, 6, 10, 17, 27 etc., 1*, 5*, 9* etc. ; dos 11, 18, 28, 36, 44, 58, 69, 10*, 16*, 26* ; dossament 45 ; dossor 49, 64, 67, 68 ; = Kastner 1907 (avec MULTU) : mot K 44, 53, 62, 78, B 210 ; dossamen(t) A 64, B 337 ; dos A 75 ; dossa B 83 ; = Ricketts à p. : dossor 10,18, 24, 30 dossa 21, dos 46. Selon Ronjat (1930-41, § 333) il s’agirait «d e réductions après voy. vélaire..., donc peut-être d’absorptions en débit rapide, indépendantes du traitement -/- ~ -u- » ; on observe que dans la scripta troubadouresque ce caractère se trouve amplement dans le chansonnier R, probablement toulousain (Bernhard 1887 : XXVIII), et que parmi les dépouillements que nous avons pu faire, nous le trouvons dans des textes nonlyriques qui proviennent des régions du Bas-Languedoc (Albigeois, Narbonnais, Lodevois, Agde, Béziers). Le résultat du groupe CT est représenté par ch : petfiecha 65 ; alachet 67 ;fachas 106 ; = Kastner (1907) : tuch A 15, B 333 ; fruch A 17, B 47 ; tratuch A 18 ; kcht.%A 75 ; dich(pj) B 85, 141 ; fach B 86 ; cuch B 88 ; despiech B 143 ; maldicht^ B 178 (VS pieP.i B 144) -P* = Ricketts à p. : contradicha 31 ; escricha 32 et laga 13 (VS deleitosa 3) ; = Hasenohr (Traductions). On peut observer que la combinaison de ce trait avec l’évolution cha < CA indiquerait le Limousin comme région de provenance du texte, selon le schéma de Suchier. L’évolution du groupe NCT (SANCTU/-A) se partage en deux : sanhta 2, 6, 10, 17, 27, 35 etc. (VS santa 29) ; sanh(s)/-t 7, 32, 45, 46, 58 etc. ; sayn(h) 6*, 20* ; sen 22, 32, 88, 89 ; = Kastner (1907) : sanhtia) A 42 ; B 1, 3, 39, 51, 168, 291 ; sanh B 199 ; sans B 157 ; senh B 115 ; sen(t) A 79, 80, B 169, 220, 319, con sanhtetat A 23 ; —Ricketts à p. : sanh 29 (ms. sanhtimè), sanhta 24, 62, avec junhchas (< IUNCTAS) 53 ; = Hasenohr (Traductions). La forme sen(t) est très diffusée, du Limousin à la Gascogne et au Toulousain (Anglade 1921 : 51 ; Ronjat 1930-41, § 111 ; Grafstrôm 1958, § 72).234

23 Angiel(s) 32, 64,103 ; Salvador 47 ; especials 63 ; apostols 97 ; argcbangjels 104 sont des cultismes. 24 Dans d’autres graphies nous avons cugi B 71 et tuh A 102 \jreh B 173 ; contraht^ B 323 ; euh B 326.

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Morphologie La l “c pers. sing. de l’indicatif se termine en -i : preff 48,107 ; saludi 50, 62, 71, 84, 92 ; queri 69, 82, 90 ; = Kastner (1907) : cug B 71 ;fieriÉ 144 ; = Ricketts à p. : queri 38 (VSprec 53).25 L’extension du caractère est assez large : Ronjat 1930-41, § 554 nous dit que -i s’étend « sur une grande aire S.-O. qui comprend l’Aquitaine et la majeure partie du Languedoc », tandis que -e occupe « le reste de notre domaine » et surtout « la majeure partie du Rouergue et du Limousin ». En ce qui concerne le premier, qui se trouve seul dans notre texte, l’Albigeois est la région de diffusion la plus grande, avec le Toulousain et le Pays de St.-Pons, et avec incertitude pour le Rouergue, selon l’opinion de plusieurs érudits (Grafstrôm 1958, § 9.7.a ; Grafstrôm 1968, § 54 ; Pfister 1970b : 75 ; L R L , ch. 151 § 4.4). La S““ pers. du pluriel se termine en -en (< -UNT/-ANT) :26 rie-1sinon 4, 8,15, 25, 31, 3*, 7*, 14*, 23*, 29* ; venÿten 80 ; chanteren 80 ; desiren 31 ; = Kastner (1907 : 222-23). Selon l’opinion de Meyer 1880: 207-10, 213 -en < -UNT/-ANT se retrouve dans la Gascogne, le Béarn, la Dordogne et la Haute-Vienne. La 2ème pers. sing. du parfait se termine en -iest : portiest 53 ; = Kastner (1907 : 223), et iest A 3, B 245 ; = Ricketts à p. : iestl, 21, 49.27 La désinence pourrait bien être analogique ou métaphonique (Anglade 1921 : 273 ; Skârup 1997, § 3.4.1.2), et donc sans valeur de localisation.28 La conjonction z 83 (2 fois), 88,107 (2 fois); = Kastner (1907) : B 5, 87,111 ;29 = Hasenohr (Traductions) (toujours avant a-) est enregistrée par Grafstrôm 1958, § 9.4 et par Ronjat 1930-41, § 449 (en béarnais et landais), mais il s’agit d’un phénomène probablement plus diffusé, bien que surtout occidental et limousin (S W 2, 311).

25 Le trait est présent aussi dans les autres textes du recueil, comme la S cala divini amoris (Motte 1902 : pregui p. 1 L 6, p. 11 1. 15) et le U ber divini amoris (Rothwell 1964 : ff. 114,117», 128», 129» etc. et, avec -e, f. 115). 26 Sauf l’imparfait disian 21,19*. 27 Y est se trouve aussi dans le U ber divini amoris (Rothwell 1964 : f. 135) et les « Opuscules spirituels » (Hasenohr 2002, pp. 502, 503, 504, 507). 28 On pourrait supposer que denha 36 soit 3imc pers. sing. du parfait : dans ce cas nous aurions un aspect très intéressant du point de vue de la localisation, sur lequel on peut voir Ronjat 1930-41, § 578. 29 D e notre révision du texte sur le manuscrit.

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Bibliographie j,

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175

Traduction d’une homélie sur sainte Marie-Madeleine : quelques traits linguistiques Cornelis van der Horst

Brunei (1935: 79) mentionne sous Carpenttas : «Bibliothèque Municipale 60 (ancien L. 65). — Écrit au XVe siècle en Provence. — Officium de beata Magdaiena. » Le manuscrit en question contient l’office de sainte Madeleine en latin, suivi de la | traduction occitane d’une homélie latine sur la sainte, qui doit avoir joui d’une grande popularité au moyen âge. Chabaneau a publié la version occitane de ce texte (attribué faussement à Origène) en 1883 dans Homélie. L’éditeur présume que certains traits linguistiques du document «indiquent un copiste et probablement aussi un auteur de la Provence ». Nous voulons discuter ici les indications les plus importantes sur lesquelles Chabaneau base son opinion. Le texte encodé sur disquette nous permet de faire des recherches sytématiques à l’ordinateur.

Article f.sg. c.s. li

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j

Un premier trait caractéristique provençal serait l’emploi de li article f.sg. c.s. (Homélie, p. 124) : l’article f.sg. c.s. utilisé est sans exception li (29 exemples), tandis que la est toujours c.r. Nous devons constater cependant que la riche collection de documents de Brunei (1926 et 1952) ne fournit pas la moindre preuve de ce caractère provençal. Brunei (1926 : XXII), définit ainsi l’aire où li article f.sg. c.s. s’observe dans les textes qu’il publie : « le Valentinois, les pays d’Orange et de Nîmes, les environs de Millau, Rodez, Villefranche-de-Rouergue, Clermont-Ferrand». Brunei (1952), donne de nouveaux exemples et publie (à la fin du livre pp. 262-71) un tableau chronologique de tous les documents des Chartes et du Supplément avec indication des départements d’origine probables des copistes (cf. Supplément, p. XI). Nous pouvons en déduire que l’article li f.sg. (ou sa forme appuyée) a été attesté jusqu’à 1300, dans l’aire qui embrasse les départements Aveyron, Vaucluse, Drôme, Puy-de-Dôme. Pour l’énumération complète des exemples de li et var. nous renvoyons à Brunei (1926 : XXXV1 et 1952 : XX). Il faut se rendre compte pourtant que parmi les documents de Brunei le sud-est est peu représenté (voir encore Supplément, p. XI) : 1 151, 3 e/'dans le’ est incorrect dans cette série.

E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. R icketts

aucune mention pour les Hautes-Alpes, l’Isère, les Alpes-Maritimes et le Var, une seule pour les Bouches-du-Rhône, trois pour les Basses-Alpes, la Drôme et le Vaucluse. Grafstrôm (1968, § 4, a.) apporte quelques corrections aux données de Brunei. L’auteur n’a trouvé aucune trace de li dans les chartes nîmoises (p. 25, n. 1), ce qui est vrai : nous l’avons constaté en relisant les textes du Gard. Il croit aussi que Brunei oublie de citer le Lodevois et le Tricastin (p. 25), ce qui n’est pas vrai. Les documents en question, 221 et 540, sont bel et bien nommés dans le tableau chronologique avec mention des départements (Aveyron, Vaucluse) et n’ont pas été oubliés dans l’énumération des exemples. Les termes Lodévois, Tricastin sont même employés dans l’en-tête des documents. Borghi Cedrini 1978 donne d’autres précisions, sans citer d’exemples d’ailleurs. Hors des départements nommés, elle a rencontré li en Auvergne, dans le Dauphiné, dans les vallées vaudoises et dans la Provence proprement dite (Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Alpes-Maritimes). Borghi Cedrini renvoie pour les attestations à un compte-rendu sur lequel nous reviendrons plus loin. L’origine de li est fort débattue: voir Grafstrôm (1968: 26-29). Nous nous rangeons à l’opinion de Grafstrôm, qui, après tout, reste la plus probable : il et li au féminin doivent provenir tous les deux de illÏ, l’un par métaphonie, l’autre par aphérèse. Nous avons également encodé sur disquette certains documents qui nous permettent de pousser plus loin nos recherches : 1. Pansier = P. Pansier, Histoire de la langueprovençale à Avignon, 1.1, pp. 2-109 2. DocMarseiUe = L. Constans, « Les chapitres de paix et le statut maritime de Marseille » 3. MeyerDoc = P. Meyer, Documents linguistiques du Midi de la France : tous les documents des BassesAlpes et des Alpes-Maritimes qui vont jusqu’à 1450

Pour les détails bibliographiques voir à la fin de notre article. Chez Pansier nous découvrons aux pp. 8-9 plusieurs exemples de li dans un texte concernant la Commanderie de Richerence (daté vers 1160) et d’autres aux pp. 9-10 dans un partage fait par le Seigneur de Mondragon (document daté vers 1180). Nous ne les citerons pas en détail, mais ils confirment l’emploi de li dans le Vaucluse entre 1150 et 1200, déjà signalé par Brunei dans les textes 183, 404, 540, qui concernent également les Templiers de Richerence et le Seigneur de Mondragon. Pansier nous fournit en outre des attestations d’Avignon. Brunei (1935) men­ tionne, sous le numéro 69, une des traductions de la Régula sancti Benedicti, écrite au XIIIe siècle vers Avignon. Un extrait en a été publié par le Dr Pansier (pp. 11-17). Ce texte aurait été écrit au couvent des Bénédictines de Saint-Véran, qui était situé hors des remparts de la ville d’Avignon. Nous lisons dans cet extrait : li cals (14, 36), lical (14, 40, 42), licals (15, 28 ; 16, 5), li cal (16, 24).2 Le Dr Pansier a publié aussi Le procès du RJoône (pp. 27-32), écrit à Avignon à la fin du XIIIe siècle, mais dont il n’existe plus qu’une copie exécutée vers 1500 (Brunei 1935 : 68). On y rencontre li boca (32, 23). 2 Pour les exemples de Pansier nous donnons le numéro de la page de l’édition, suivi du numéro de la ligne ; de même pour DocMarseiUe et MeyerDoc.

178

Traduction d'une Homélie sur Sainte M arie-Madeleine

De nombreux exemples aussi dans MarseilleDoc : U dicha ciutat\ 510, 5 ; li quai 214, 25 ; li davant dichapas 214, 30 ; li cort 215, 20 ; li cavalcada 216, 18 ; li donna 216, 30 ; 217, 27 ; 218, 7 ; 218, 14 ; 220, 2, 12 ; 221, 10 ; li ciutat 217, 32 ; li magers partida 364, 6 ; li davant dichapena 366, 6 ; lipoestat 366, 8,12 ; 371, 6 ; li dicha naus 368, 23 ; li terssa partie o li quarta 369, 7, 7 ; li dichapegnora 375,12 ; li naus 379,11.

Dans les textes des Basses-Alpes de MeyerDoc nous relevons : Sisteron 1375 : li rasons 234, 11 ; li quais 234, 19, 33 ; lipodixsa 234, 31. Jamais la c.s. Manosque 1397 : li vila 378,1. Une fois la c.s. Seyne 1411 : li villa 209, 7 ; 219, 3 ; li canpano 213, 37 ; li vila 219, 21, 29, 29 ; 221, 21. Une fois la c.s.

;; En dehors de MeyerDoc, nous avons rencontré encore dans Forcalquier 1331 : li I! nota chez Ugo Teralh (p. 149). !: Nous n’avons rien des Hautes-Alpes de MeyerDoc sur disquette, mais jusqu’ici !1 nous avons noté : |: : ,;

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Embrun avant 1400 : li x if 441, 28 ; 443, 9,10, etc. ; li chascuna 443,12 ; lipel 443, 26 ; 444,1. Savines 1391-1394 : terra... li cal452,17 ; 1442 : li autra meyta 456,11 ; li qualreceta 456,16. Bertaut XIIe siècle : li ter^a 468, 13 ; li quarta 468, 13 ; li quinta 468, 14 ; li meita 468, 17 ; li autra 468,17, etc. ; lipartia 468,19.

Borghi Cedrini (1972) énumère les exemples de li découverts dans les départe!| ments des Alpes, mais on n’y trouve pas tous nos détails.3 [| Nous pouvons puiser aussi dans quelques textes littéraires que les savants ;! s’accordent à localiser en Provence et dont la composition remonte probablement au i; XIIIe siècle comme celle de YHomêlie : 'i | j; ii |: ;! i! II | Il

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1. S te Agnès. Il s’agit de Brunei 336, recueil écrit au XIVe siècle en Provence, qui retient un mystère de sainte Agnès. Édition A. Jeanroy, 1938. Cf. p. XTV : «Un grand nombre de traits nous oriente vers la Provence propre ». Il doit s’agir d’une copie du XIVe siècle qui révèle un état de langue antérieur.4 2. Ste Douceline. Brunei 184, manuscrit écrit au XIVe siècle en Provence : vie de sainte Douceline. Nous citons les traits caractéristiques d’après Wehowski (1910), qui admet que la composition date du dernier quart du XIIIe siècle (p. 17). 3.S t Honorât. Le manuscrit G (Brunei 232) sert de base à l’édition Suwe (1943). Le poème a été écrit à Roquesteron par le prieur Raimon Feraud, né vers 1245 dans le comté de Nice vers 1300 (p.CXXI).

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| | ; ; X

Voici des données supplémentaires glanées dans ces nouvelles sources : Ste Agnès : quatre exemples de li c.s. f.sg. w . 315, 316, 423, 509 ; jamais la. Il y a aussi un exemple de si (v. 1109) et trois de ci (w. 224, 413, 680) article c.s. f.sg. Ste Douceline (p. 91) : forme usuelle du c.s. f.sg. li ; moins souvent la. St Honorât (p. CIII) : le plus souvent £ c.s. f.sg., mais assez souvent la.

: L’exposé qui précède finit par nous montrer une vaste aire de l’emploi de li ! c.s. f.sg., aire qui embrasse en effet la Provence proprement dite. Selon Brunei elle comprend vers 1300 : Aveyron, Vaucluse, Drôme, Puy-de-Dôme. D ’après | Pansier au xme siècle : le Vaucluse et Avignon. MeyerDoc ajoute des exemples

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3 Nous lui empruntons le premier exemple de Savines que nous avions omis. * Voir van der Horst 1994, p. 828.

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E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. PJcketts

du XIVe siècle et même d’après 1400 des Hautes-Alpes et des Basses-Alpes. DocMarseille atteste l’emploi de li au x n f siècle dans les Bouches-du-Rhône. Les textes littéraires montrent que li se rencontre souvent au x n f siècle dans la Provence proprement dite.

Pronoms personnels et démonstratifs m.pl. c.s. en -i En provençal on se sert de l’article c.s. m.pl. li et du c.s. f.sg. li d’après Homélie, p. 124. Il en résulte un parallélisme li m.pl. c.s. / li f.sg. c.s. Au m.pl. c.s. li provient de Ïlli par aphérèse. Quant à li f.sg. c.s., nous avons déjà accepté la conclusion de Grafstrôm (1968, § 4, b), qui voit l’explication la plus probable de li f.sg. c.s. dans un nominatif féminin IllÏ, refait d’après qui, comme le supposent la plupart des manu­ els. D’autre part il y a en ancien occitan de curieux m.pl. en -i. Grafstrôm (1968, § 10, a et b) en cite des exemples de Brunei et voit leur origine dans une contami­ nation du substantif pluriel avec l’article m.pl. c.s. li. Grafstrôm n’exclut pas l’influ­ ence d’un changement de -e en -i en hiatus, par exemple dans lifraire devenu lijrairi devant voyelle. Nous reverrons ce changement de -e en -i en parlant de la 1 sg. du présent de l’indicatif. Des exemples de ces pluriels sont attestés pour le démonstratif aquel (jamais pour aquest) dans MeyerDoc : Manosque 1409 : aquilhi 378, 25. Seyne 1411 : aquiliïéA, 7 ; aquilli201,15 ; 206,16, 23 ; 210,18 ; 214,13,15. Digne 1431 : aquilhi de Barema 290, 7, mais aussi aquilh 289,13.

Pour l’alternance de la voyelle dans quel, quest voir Grafstrôm 1968 (§ 32a) : « Les masc. suj. plur. continuant isti et illi renforcés ont tantôt -e-, tantôt -i- (métaphonie). » Nos exemples montrent donc tous cette métaphonie. Il y a en outre l devenu ly,56développement qui s’explique par l’emploi antévocalique de ÏllÏ (Kjellman 1928 : 55). Nous avons des attestations du même pluriel pour le pronom personnel illi et var. ‘ils’ c.s. m.pl. : Sisteronl375 : illi 233,14. Seyne 1411 : ili 202, 29 ; illi 202, 31. Dignel427 : illi 248, 29 ; Dignel447 : /YÆ271,26 ; Dignel450 : 279, 34 Hug-Mander (p. 60) cite encore Permis (Vaucluse) 1397 : ilhi 396,12.

A côté de ces formes on voit paraître au c.r. m.pl. la désinence -os (Kjellman p. 57 ; exemples dans Borghi Cedrini 1972) : aquel(l)os, aquestos, ellos, formes qui deviendront de plus en plus fréquentes dans le bassin du Rhône et à l’est du fleuve. Nos premiers exemples de MeyerDoc sont de Manosque 1400.

5 Le document de Seyne se sert des graphies l et II pour marquer ly. 6 Le texte de Sisteron emploie II pour ly ; pour Seyne voir note précédente ; nous n’avons pas de preuves de 11= ly pour les scribes de Digne.

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Traduction d ’une Homélie sur Sainte M arie-Madeleine

Nous avons parlé de ces formes en -i et en -os au m.pl. pour mieux expliquer les pronoms féminins c.s. qui vont suivre. L’Homélie ne contient ni le m.pl. c.s. en -i ni le m.pl. c.r. en -os. C’est vrai aussi pour DocMarseille ; Pansier a une fois aquestos en 1356 (50, 31). Dans les textes littéraires on voit : Ste Agnès : quelquefois c.s. m.pl. en -i : autri (v. 683, etc.), nostri (v. 831), vostri (v. 981). S te Douceline : lx aquestos (p. 90). S t Honorât : aucun exemple, ni de -i ni de -os.

Au masculin pluriel c.s. Kjellman (p. 56) nomme aquilli, aquili, aquilhi, aquilly et le pronom personnel illi en disant que ces formes sont caractéristiques des HautesAlpes (Savines) et des Basses-Alpes. Il cite les exemples des démonstratifs à Seyne, Digne, Manosque, que nous venons de donner. Il ne mentionne pas d’exemple de Savines : le seul à signaler est aquillj. L’auteur ajoute que, dans le Mystère de St Eustacbe (Briançon), aquisti et aquilli sont aussi f.sg. c.s. « ce qui n’est pas fait pour nous surprendre vu l’identité ordinaire de ces deux cas. » Il fait allusion au paral­ lélisme entre le c.s. m.pl. li et la c.s. f.sg. IL Nous reverrons ces formes féminines en -i dans l’Homélie.

Pronom personnel f.sg. c.s. Nous trouvons dans l’Homélie des exemples du pronom personnel f.sg. c.s. en -i : ili ‘elle’ 256, illi ‘elle’ 67, 252, 254, 262,264, 292,298, 314, 319, 321, 326, 343, 354, 3567.

Mais aussi il 66, 111 ; ilh 11, 283 ; ella 332.8 Aucun exemple de ces formes dans Brunei, DocMarseille, MeyerDoc, Pansier. Nous les retrouvons d’abord dans nos textes littéraires d’origine provençale : Ste Agnès : illi ‘elle’ v. 490, v. 863 ; pas ella, passim ;7‘elle’. Ste Douceline (pp. 85-86) : illi ‘elle’ prédomine de loin ; ensuite vient ill ; var. plus rares : ille, ilh, illh. St Honorât (p. CXXXII) : iylli v. 3637, forme unique attribuée à l’auteur.

Cependant la COM 1 présente aussi des exemples de ilhi (3x), illi (2x), illy (lx). Pour les détails je renvoie au CD ROM et à la Bibliographie de la main de Peter T. Ricketts. La Bibliographie nous informe que les attestations proviennent toutes de Paul Meyer, Les derniers troubadours de la Provence, et qu’il faut les imputer à Bertran Albaric, Rostanh Berenguier de Marseille et Peire Trabustel que Meyer (p. 7) range parmi les auteurs de Provence. Les poèmes sont empruntés au chansonnierƒ, dit chansonnier Giraud, écrit au XIVe s. en Provence (Brunei 1935 : 178). Les textes appartiennent à la période comprise entre 1270 et 1310 environ d’après Paul Meyer (p. 6). Meyer (p. 20) croit pouvoir localiser le chansonnier à Aix. Zufferey — qui mentionne aussi ilhi (p. 220) — pense à la région d’Arles (p. 225).

7 Dans l’Homélie l et II sont employées pour ly. 8 Nous gardons en citant les exemples de l’Homélie la numérotation par lignes introduite par l’éditeur.

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E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. PJcketts

Démonstratifs f.sg. c.s. L'‘Homélie montre aussi des démonstratifs f.sg. en -i : aquisti 110, 116,155, 375 ; aquesti 317. Mais aussi aquist et aquista c.s. ; c.r. toujours aquesta.

De pareilles formes se voient uniquement dans nos textes littéraires proven­ çaux : S teAgnès : cisti (v. 137). S te Douceline (p. 90) : le plus souvent aquisti ; moins souvent aquist, aquesta ; de même le plus souvent aquilli à côté d'aquill. St Honorât (p. CXXXHI) : aquisti (deux fois v. 177, v. 302), graphies attribuées à l’auteur, mais aussi aquist, cist, cyst et aquesta. « Les formes en -i sont surtout caractéristiques des départements des Hautes-Alpes et des Basses-Alpes, bien qu’on les trouve aussi en d’autres endroits de la Provence propre ».

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1 sg. du présent de l’indicatif Brunei (1926 : XLIII), constate qu’à la 1 sg. sing. du présent de rindicatif, «la terminaison -e ou -i apparaît dès 1150 (doue, pregui). » La désinence -e « n’est en usage qu’en Auvergne et dans le Rouergue. La voyelle -i se relève quelquefois dans ce dernier pays et ordinairement dans l’Albigeois et la région de Toulouse ». Mais nulle part l’usage de la terminaison n’est de rigueur. Brunei, Supplément ajoute : -i dans l’Albigeois et quelquefois dans le sud du Rouergue ; dans ce dernier pays surtout -e, de même qu’en Dauphiné (p. XV). Grafstrôm (1968, § 54) trouve à la 1 sg. de la classe a : -0, -i, -e. En outre -i se rencontre dans la classe e, et s’est étendu à plusieurs verbes forts. Dans le paragraphe suivant le même auteur discute amplement les théories de Muller (1956). ( Il préfère voir dans -i une variante de -e de soutien en hiatus. Dans YHomêlie la voyelle d’appui est toujours -i : ami 115 ; defalli 223 ; parti 178 ; pion 212, 213, 252 ; queri 157, 162, 163, 252 ; renembri 204 ; vivi 217 ; volt (Chabaneau corr. vesi 165).

Mais comme dans les exemples de Grafstrôm dont nous venons de parler, il y a aussi d’autres formes à la 1 sg. : ai 141, etc. ; die 298 ; languisc 223 ; prec 215, près (Chabaneau zoti.prec) 222,promet 399, puesc 281, sai 89, etc. ; sui (254), trop (166) ; vul 157,158. Nous pouvons rapprocher -i provençal de Ronjat § 554 : « 1 sg. en -i Saint- , Sauveur-de-Tinée, niçard, méditerranéen » et un peu plus loin : « Les aires de -i et de -e semblent avoir peu varié avec le temps ». Au § 599 suivent des précisions pour -i : « dans l’E. du dép. Bouches-du-Rhône, dans le S. du dép. Basses-Alpes, dans presque tout le dép. Var et en pays de Cannes et de Grasse. Formes de transition entre Aix (méd.) et Arles (prov. litt.) : Salon et Eiguières 1. p.sg. -e (-i à Villelaure, à Gardanne, Martigues ;...) ».

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Traduction d'une Homélie sur Sainte Marie-Madeleine

Dans MeyerDoc et Pansier -e et -/ alternent, dans DocMarseille il n’y a aucune attestation. Regardons encore nos textes littéraires : Ste Agnès a deux fois une voyelle d’appui dans vulle (v. 22, v. 525), jamais -i. Ste Douceline (p. 99) r toujours -i dans le présent de l’ind. de I et parmi les verbes forts dans plannbi (p. 111). St Honorât : Suwe cite cresi (p. CDC) et deux exemples de requeri (CXXXIV ; passim requier). Ces formes seraient à imputer à l’auteur.

1 et 3 sg. du présent du subjonctif L’Homélie présente à la 1 sg. du subjonctif présent : plori 214 ; trobi 217 ; trahi (Chabaneau corr. trobi) 171 ; renenbri 204.

Et à la 3 sg. : abasti 135 ; abesti 144 ; deini 391 ; manifesti 344 ; monstri 398 ; nembri 121 ; porti 343 ; profiechi 1 ; renembri 138. Mais aussi pion 379; profieche 7 ; sadolla (Chabaneau corr. sadolle) 346; sene (Chabaneau corr. soné) 226.

Selon Brunei (1926 : XLIII), -e à la 1 et 3 sg. du présent du subjonctif se voit avant le milieu du XIIe siècle. Cet emploi n’est pas constant avant la fin du siècle, et ne semble propre à aucune région. Aucun exemple de -i n’est relevé. Brunei (1952) n’ajoute rien de nouveau. Le subjonctif présent en -i ne se voit nulle part dans DocMarseille, MeyerDoc, Pansier. Mais il apparaît dans un seul des textes littéraires : Ste Agnès : à la 1 sg. du subjonctif présent : -0 et une fois -e : done v. 768 ; à la 3 sg. : -0 et quatre exemples de -e : done v. 463 ; nembre v. 800 ; parle v. 7 (scène interpolée pp. 50-52) ; tome v. 33 (scène interpolée). Ste Douceline (p. 100) : la désinence -i à la 3 sg. du présent du subjonctif est caractéristique du texte, la 1. sg. n’est pas attestée. St Honorât (p. CXXXTV) : parmi les traits de la langue de l’auteur, Suwe mentionne un e d’appui dans coforte, leve, renegue, saluée, done (une fois, ailleurs don).

Chabaneau (Homélie, p.124) affirme qu’un trait important de notre texte à signaler est « la substitution à peu près constante de i à e au subjonctif présent de la première conjugaison, première et troisième personne du singulier, substitution que l’on constate aussi en d’autres textes anciens de la même région, (...) ». En éditant Paraphrase, il dira à la p. 216 : « Il y a quelques exemples de subj. prés, première personne en i ..., forme très commune dans les textes de la Provence du 14e siècle, comme j’ai déjà eu plus d’une occasion de le constater. Mais la forme en e s’y rencontre aussi. » Il s’agit de Brunei 1935, p. 70, texte écrit au XXVe s. en Provence. L’auteur doit être un franciscain aptésien : ibid., p. 209. Grafstrôm (1968 : 114-15, § 55) fait allusion à la possibilité d’un changement de -e en -i devant voyelle (notamment à la 1 et à la 3 sg.) dans ce subjonctif qui existe aussi en gascon et en catalan. Cette explication ne nous semble pas improbable.

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.E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. BJcketts

Prétérit 3 sg. en - e t Le prétérit 3 sg. de la conjugaison I est en -et (Ronjat § 571). Anglade (p. 272) dit que la désinence -ec était usuelle aux XIIIe et XIVe siècles dans le Toulousain (avec le pays de Foix) et l’Albigeois ; cité par Grafstrôm 1968 (§ 65). Ste Agnès, Ste Douceline (pp. 101-02), St. Honorât (p. CXIII) ont toujours -et, de même que l’Homélie. Le seul problème parmi les nombreux exemples en -et dans l’Homélie réside dans reviendec. Chabaneau corrige à tort revieudec en reviendec, car le verbe revieudar se lit dans St Trophime v. 591 : revieudet, précisément la forme à laquelle on s’attendrait dans Homélie. Le copiste s’est-il trompé comme il le fait souvent dans ce texte ? A-t-il pensé à une forme forte comme decl Une influence du toulousain paraît improbable.

Em ploi des pronoms me, te, se ou mi, ti, si et de tu régime L’emploi des pronoms personnels c.r. peut aider à localiser un texte. Selon Brunei (1926 : XXV), les pronoms accentués en Provence sont mi, ti, si, tandis qu’à Nîmes les formes en -e ou -i se mêlent. Les rares exemples de tu sont attestés en Ariège, Tarn. Pour les pronoms inaccentués mi, ti, si ou me, te, se, on voit un mélange de formes en Nîmois et en Provence. Cet état de choses diffère beaucoup des attestations de nos textes littéraires mi, ti, si inaccentués, mi, tu (moins souvent ti) et si accentués : Ste Agnès : pronoms c.r. inaccentués : mi, ti, si ; pronoms accentués c.r. ou après prép. : mi, tu, si. Ste Douceline (p. 86) : pronoms c.r. inaccentués : mi, ti, si ; pronoms accentuées c.r. ou après prép. : mi, tu, si. St Honorât (p. CIV) pronoms c.r. inaccentués mi, ti, si (une fois se) ; pronoms accentués c.r. mi, ti, si, mais après prép. constamment tu.

Dans l’Homélie nous relevons, parmi un très grand nombre de formes en -i, quatre pronoms inaccentués en -e-. me (177, 304), te (135), se (202) et également quatre pronoms accentués en -e : te (118, 137, 373), se (147). Et cela contre 5 X mi, 7 X ti, 38 x tu, 8 x si accentués. Et contre 33 x mi, 58 x ti, 26 x si inaccentués. Je dois ajouter que j’ai compté tous les cas douteux (comme les pronoms après les formes verbales) avec les pronom inaccentués. Sauf les quelques formes en -e, les pronoms sont employés comme dans Ste Agnès et Ste Douceline, et à une petite différence près (jamais tu sans préposition) dans St Honorât. Nous ne croyons pas qu’on doive voir les formes en -e comme des traces d’un parler languedocien ; nous avons vu ces formes en -e accentuées et inaccentuées dans les plus anciens textes de MeyerDoc et de Pansier. On les voit aussi dans DocMarseille, dont je cite quelques exemples : deffendre se 518, 23, 25 ; sepassa 522, 15 ; se contenon 50,22 ; per se 59,16, 26.

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Traduction d ’une Homélie sur Sainte M arie-Madeleine

Résultat

d e -A R I U , -A R I A

Les résultats de - a r iu , - a r ia dans l ’Homélie sont inattendus. Nous voyons d’abord : alegreir22(>, maneira 242, 397, 404 ;premieira \'ë>,premieiramen 2S,premiàrament 27. Ici alegreir et maneira sont des graphies d’avant la diphtongaison (cf. Grafstrôm 1968, § 6, 5), et premieér- témoigne de la diphtongaison de -eira. Mais d’autre part on trouve aussi : 9 X -ier ; 5 X -iera, à côté de la forme hybride : desireier 112. Ronjat (§ 144) donne comme traitement normal pour la Provence et générale­ ment pour les pays alpins : -ié, -iéra (plus tard -iéro). On y retrouve les résultats de DocMarseille, de MeyerDoc et même de nos textes littéraires du XIIIe siècle : S te Agnès : -ier, -iera. Ste DouceHne (p. 21) : -ier, -iera. S. Honorât (p. LYI) : -ier, -iera (sauf une fois rivieirà).

Les terminaison -eira, -ieira sont-elles des traces languedociennes ou est-ce qu’il ne faut pas exclure leur emploi en provençal ? Zufferey (p. 209) constate qu’on voit -ieira plus souvent que -iera dans le chansonnier f .

Quelques autres traits Nous ne faisons que mentionner assez rapidement quelques autres traits : 1. n mobile est écrit, les exceptions sont extrêmement rares (cf. Zufferey 304). 2. Le futur 1 sg. est en -ai (cf. Brunei 1926 : XLII). 3. Le verbe membar a presque toujours une forme commençant par n- : desnembrada 65 ; desnembrat 63, 64 ; desnenbrat 340, 341 ; membra 319 ; nembri 121 ; renembres 66 ; renembri 138 ; renenbri 204 (cf. Zufferey 304). 4. A la 3 pl. de la conjugaison I on voit -an (cf. Zufferey 304). Le seul exemple en -on que donne Chabaneau est un optatif (escuson 301), comme à la phrase qui suit. 5. Les nombreux possessifs du texte présentent peu de choses insolites. Parmi les formes pleines, il y en qui remontent à la période d’avant la diphtongaison (exemples meu, sa). La plupart des possessifs sont diphtongués (comme mieu, sia), mais on voit aussi la réduction de ieu à iu (comme dans miua, tiua, siuà). Nous avons relevé des formes en -iu- dans Ste Agnes : tiua (v. 302, v. 369) et ’Paraphrase : tiua (w. 36, 272, 367), tiuas (v. 143). Pour le reste les possessifs cadrent bien avec le tableau donné par Grandgent (§ 121).

Conclusion Nous croyons avoir montré dans ce qui précède qu’en Provence l’emploi de l’article f.sg. li n’est pas inhabituel au XIIIe siècle et qu’il pouvait se combiner avec le présent de l’indicatif 1. sg. en -i dans une grande partie du territoire provençal, comme dans l’Homélie. Les pronoms f.sg. en -i et le subjonctif présent en -i, qui se rencontrent dans 1Homélie, sont très rares et se laissent seulement constater dans des

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textes littéraires de la Provence. Les graphies des pronoms personnels et des résultats de - ajriu dans notre texte sont parfois irrégulières, mais ne semblent pas incompatibles avec son caractère provençal. Il en est de même des possessifs ayant -tua-. La conservation de n mobile est caractéristique de la Provence. Les formes de nembrar, la désince -et à la 3e du prétérit et la désinence -ai à la 1™ du futur y sont usuelles.

Bibliographie Anglade, J. 1921. Grammaire de l'ancienprovençal. Paris. Borghi Cedrini, L. 1972. Recensione a B. Horiot, « Recherches sur la morphologie de l’ancien franco! provençal », Cultura neolatina 32, pp. 262-75. — 1978. Appuntiper la localivga^ione linguistica di un testo letterario medievale : la cosidetta Tradu^ione di Beda3in lingua d'oc. Torino. Brunei, C. 1926. Lesplus anciennes chartes en langueprovençale, recueil des pièces originales antérieures au XXIIe siècle. Paris. — 1935. Bibliographie des manuscrits littéraires en anâenprovençal. Paris. — 1952. Lesplus anciennes chartes en langueprovençale, recueil des pièces originales antérieures au XIIIe siècle, Supplément. Paris. COM 1 = Concordance de l’Ocâtan Médiéval, dir. P. T. Ricketts et A. Reed, avec la collab. de F. R. P. Akehurst, J. Hathaway, C. van der Horst, Turnhout : Brepols, 2001. :j DocMarseille = L. Constans, « Les chapitres de paix et le statut maritime de Marseille, texte provençal , des XIIIe et XIVe siècles », Annales du Midi XIX (1907), pp. 509-27 ; XX (1908), pp. 45-61 ; pp. 204- ! 23 ;pp. 363-91. Grafström, Â. 1958. Étude sur la graphie des plus anciennes chartes languedociennes avec un essai d'interprétation : phonétique. Upssala. ! — 1968. Etude sur la morphologie desplus anciennes chartes languedociennes. Stockholm. | Grandgent, C. 1909. A n outline ofthephonolgy and morphology of oldprovençal. Boston. , Homélie = « Sainte Marie Madeleine dans la littérature provençale II », Revue des langues romanes 24 (1883), | pp. 53-63, et 25 (1884), pp. 122-32. | Hug-Mander, A. 1989. Die okyitanischen Urkunden im Departement Alpes-de-Haute-Provence. Bem-Frankfurt am Main-New York-Paris. Kjellman, H. 1928. Étude sur les termes démonstratifs enprovençal. Göteborg. MeyerDoc = P. Meyer, Documents linguistiques du Midi de la France, vol. 1. Paris 1909. Meyer, P. 1871. Les derniers troubadours de la Provence. Paris. ! Müller, B. 1956. Die Herkunft der Endung -i in der 1. Pers. Sing. Präs. Ind. desprovenyalischen Vollverbs. Munich. Paraphrase —C. Chabaneau, « Paraphrase des litanies en vers provençaux », Revue de Linguistique Romane 29 (1886), pp. 209-42. Pansier, P. 1924. Histoire de la langueprovençale à Avignon, vol. I. Avignon. Ronjat, J. 1930-1941. Grammaire istorique desparlersprovençaux modernes, 4 vol. Montpellier. Ste Agnès = A. Jeanroy, Lejeu de sainte Agnès, drame provençal du XIVe siècle. Paris 1931. S te Douceline —E. Wehowski, Die Sprache der Vida de la benaurada sancta Doucelina. Berlin 1910. St Honorât = I. Suwe, La vida de sant Honorât, poème provençal de Raimond Feraud. Upssala 1943. St Trophime = N. ZingareUi, « Le roman de saint Trophime », Annales du Midi 13 (1901), pp. 296-345. Ugo Teralh = P. Meyer, « Le livre-journal de maître Ugo Teralh, notaire et drapier à Forcalquier (13301332) », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres bibliothèques XXXVI (1894), j pp. 130-70. ! Van der Horst, C. 1994. «Le jeu de sainte Agnès, examen dialectologique», dans Actes du IV congrès | International de l’A IEO , Vitoria-Gasteiz, 22-28 août 1993, t. II, pp. 821-28. Zufferey, F. 1987. Recherches linguistiques sur les chansonniersprovençaux. Genève.

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La version occitane de l’Exercens attribué à Pierre J ean Olivi (Assise, Bibl. storico-francescana di Chiesa Nuova, ms. 9) Sergio Vatteroni

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Le texte que nous publions ici reproduit la version occitane d’un petit ouvrage attribué à Pierre Jean Olivi, YExercens*1, qui figure uniquement dans le ms. 9 de la Biblioteca di Chiesa Nuova d’Assise, foll. 85v-87v. Le manuscrit est bien connu des spécialistes et a été plusieurs fois décrit2*.Renvoyant à une étude ultérieure pour une nouvelle description de son contenu, avec mise à jour de la bibliographie, nous nous limitons ici à rappeler que le manuscrit a été rédigé vers le milieu du XIVe siècle et qu’il contient l’un des plus grands recueils de textes franciscains traduits en occitan. Les études conduites jusqu’à ce jour n’ont pas encore établi avec précision d’où pouvait provenir le manuscrit ni quel pouvait être le lieu d’origine du copiste. Il est certain, en revanche, que le manuscrit appartient au milieu des Spirituels : on en trouve une confirmation dans le fait que, outre l’Exercens, celui-ci contient la version occitane de quatre autres petits ouvrages ascétiques de Pierre Jean Olivi : le Tractatus de remediis contra temptationes spirituales, l’Informatio ad virtutum opéra, le Miles armatus, et le petit traité Quomodo quilibet potest referre gratias Deo de beneficiis ab eo receptit*. Par rapport à la version occitane des Remedia, qui suit d’assez près l’original latin4, la traduction de l’Exercens est extrêmement libre et tend à développer le texte original,

|1 1 La version occitane de YExercens est inédite, sauf pour ce qui est de la prière intitulée Oratio devota, au fol. 86r, 10-29, qui a été publiée dans Zorzi 1956, p. 269. En ce qui concerne Pierre Jean Olivi, nous renvoyons le lecteur à Manselli 1959 et 1976 ; Burr 1992 ; voir, en outre, les articles contenus dans le vol. XCI, fasc. 3-4 (1998) de r«Archivum Franciscanum Historicum ». Pour l’attribution de YExercens à ; Pierre Jean Olivi, voir Fussenegger 1954, p. 50. ; 2 Voir au moins Bigaroni 1978, pp. 17-8 ; Arthur 1955 ; Bianchi de Vecchi 1984 ; Harris 1984 ; Arthur ; 1992. I1 3 Outre les études citées à la note 2, sur le caractère spirituel et béguin du ms., voir Durieux 1975 ; j Peramau 1978, pp. 21-35. ! 4 Le texte occitan des Remédia, paru dans Bianchi de Vecchi 1984, pp. 89-99, correspond presque i exactement au texte latin, publié par Manselli 1959, pp. 282-87, d’après le ms. 5230 de la Biblioteca , Guarnacciana de Volterra. Les différences par rapport au texte latin sont minimes : par exemple, i l’expression « venire in illusiones et in deceptiones dyaboli » est traduite par venir en illusios del diable ; « veniunt seu procedunt » et « veniunt et procedunt » sont simplement traduites par veno ; on rencontre aussi la démarche inverse (un seul terme latin est traduit par une dittologie), comme dans l’expression « permittit potestatem dyabolo augmentandi predictam consolationem » qui devient laissapoder al diable de | creysser e de enantir la davant dita consolatio.

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que l’on ne peut par ailleurs consulter que dans les mss. puisque nous n’en possé­ dons pas encore d’édition critique. Les mss. où se trouve conservé le texte original sont les suivants : Basel, Universitätsbibliothek, ms. A. X. 115, foll. 242r-244v ; Capestrano, Bibi, del Convento di S. Giovanni, ms. 21, foll. 116r-117r ; Graz, Universitätsbibliothek, ms. 1226, foll. 125va-126ra ; Paris, Bibl. Arsenal, ms. 1097, fol. 155v ; Pesaro, Bibl. Oliveriana, ms. 1444, fol. 157va-vb ; Siena, Bibl. Comunale, ms. U. V. 5, foll. 47va-48ra ; Volterra, Bibl. Guamacciana, ms. 5230, foll. 138r-140r5.

Des sept mss. contenant le texte latin, nous avons collationné ceux de Volterra et de Sienne ; dans le cas du manuscrit siennois, nous avons également consulté la trans­ cription du Père Pacetti6. Le texte latin de YExercens que nous publions en appendice est celui du manuscrit de la Biblioteca Comunale de Sienne.

Texte Biblioteca di Chiesa Nuova d’Assise, ms. 97. 85v Qui se vol exercitar en estudis de sanctas oracios e medit. | Qui se vol exercitar en estudis de sanctas oracios e meditatios | [40] e de sanctas affectios, per so que puesca obtenir dons de vertutz | e de gracias de Ihesu Crist lo füh de Dieu, deu se esforsar de tôt | son cor que se aiuste ab Dieu en .vii. manieras. Primeramen 86r amor sobreardent. Segondament per temor de sobregran | reverencia. Terssament per zel sobrefort e fervent. Quartament [ per accios de gracias. Quintament per pura lausor de cor e de | boca. Sisenament, que sia de tota sa voluntat obedient a Dieu, | [5] so es que totz temps se présente a Ihesu Crist, que fassa del tôt e per tôt | tota sa voluntat, e que en re no li contraste. Setenament, que de | son poder se esforsse de sentir e de gostar continuament la 5 Ciceri 1999, p. 185. Sur le manuscrit de Pesaro, voir Recchia 1998; sur celui de Sienne, voir Pacetti 1936, pp. 231-41. 6 Elle est conservée dans les archives du Collegio S. Bonaventura, Grottaferrata (Rome), sous la cote S/123. L’indication de l’existence d’une série de feuillets contenant les transcriptions des manuscrits U.V.5, U.V.6 et U.V.7 de la Biblioteca Comunale de Sienne se trouve dans Bartoli 1998. Nous remercions les Pères du Collegio S. Bonaventura de nous avoir fait parvenir une copie de la transcription de l’Exercens. 1 Notre transcription suit très rigoureusement la graphie du manuscrit. Nous avons seulement rétabli la distinction entre la voyelle a et la consonne v ; les abréviations ont été résolues sans indication préalable ; les mots coupés pour passer à la ligne ont été retranscrits en entier comme s’ils faisaient partie de la première ligne. Les éléments que nous avons ajoutés ont été mis entre crochets droits à même le texte, alors que les suppressions n’ont pas été signalées à même le texte (dans ce cas, une note renvoie toutefois à l’apparat critique). Les crochets aigus ont été employés pour signaler les endroits où le manuscrit est dégradé : les lettres et les mots illisibles ont été rétablis là où il était possible de le faire, soit en fonction de nos conjectures, soit sur la base des indices relevés à la lampe de Wood.

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h a Version occitane de /Exercens

gran | suavesa de la dolsor de Ihesu Crist. E per empetrar aquestas .vii. | causas, no se deu cessar d’orar, et ab corals pregarias las deu demandar | [10] a Dieu, disent enayssi : Oratio devota. | Bon Ihesu e dois sobre tot quant es, fay me, Senhor, aquesta | gracia, que yeu te ame de tot mon cor e que sobiranament | te temia, e que te aia en sobregran reverencia, e que aia sobrefort | zel per tot so que es honor tua, enayssi que contra tot so que séria | [15] desonor tua me irasqua sobrefort, enayssi quo aquel qui es tôt [ gilos de la tua gloria, e maiorment si yeu per deguna via era causa | d’aquelas desonors que serian faitas contra la tua bontat. Doname, | Senhor, per ta gran bontat, que yeu reconosqua ta senhoria | e te adore sobrehumilment, car yeu son ta criatura, e que de | [20] totz tos beneficis te sia conoyssens e te renda gracias totz temps, | et aysso ab tôt mon entendement. Doname, Senhor, encaras | que yeu te benedisqua e te lause e te magnifique en totas causas ab | sobiran gaug et ab sobregran alegrier ; e que yeu, estan e sotzmes | et obedient a tu, complidament sia totz temps sadolatz de la | [25] tua sobredolsa suavesa, que es tan gran que no la poyria hom | dire, estan a la tua sancta taula, ab la tua sagrada Maire Verges | Dona mia, et ab los tieus santz angels et ab los tieus sans | apostols et ab tos amies. Empero yeu peccador de tot be | son endigne ; mais tu, Senhor, has bontat ses terme e ses fi. | [30] de .vii. bonas afectios. Encaras qui ha talent que sia en amor de Ihesu Crist, | deu se esforssar de aver en ssi .vii. bonas affectios. La | prima es vergonha, so es que no aia dolor tan solament mais encara | vergonha e gran confusio de totz sos vicis e de sos defalhimens. | La segonda es dolor, so es que fortment et [ab] amara dolor planga | [35] totz temps e plore sos peccatz, per los quais ha offendut Ihesu Crist | son criator et ha tacat e vilment desonrat si meteys. La | terssa es menespresament e desgitament8 de ssi meteys, so es que de | tôt son poder se menesprese e desire esser menespresat ayssi quo | causa vil e pudent e mal flairant. La quarta es rigor ses tota | [40] compassio, so es que turmente mot asprament son propri cors e que | desire esser per los autres menespresat e turmentat, ayssi quo | quel que es enlagesit e taquat per vilesa de peccatz, et enayssi 86v quant sentina o latrina de totas orresetatz, si doncs la bontat | de Ihesu no9 guardava per la sua pietat. La quinta es ira | no apagabla que totz temps dure, no tan solament contra totz sos | vicis, mais contra totas las rasitz e totas las enclinacios de | [5] totz peccatz. La .vi.a es gran vigor e viva forssa sobre | tôt si meteys, so es que totz temps e totas horas restrenga diligemment | et ab gran cura totz sos .v. cens corporals e totz sos | desiriers e totas sas obras, en tal maniera que sia be senhor de | si meteys, e complidament se tenga en estament plasent a Dieu : | [10] aysso es vida pura e vera ab pensamens esperitual. La | .vii.a es vera discrecio de complir atempradament sso que es en | totz sos faitz et en sos ditz et en tota sa vida. Serve e guarde ] sobrediscretament mesura e manera deguda entre so que es | trop e no trop ; so es que res no sia en el sobrier ni defalhent | [15] ni plus ni mens que no deu, mais que en totas causas s’esforsse de | régir se ab discretio sancta esperitual, la quai Ihesu Crist nos ensenhet | e nos mostret, non pas ab la discrecio del mon malvat | que las gens engana e lor defalh a lor maior obs. Pura | rayso ab veritat de consciencia mostra mot darament, qui s’en | [20] pren guarda, que platz a Dieu o que li desplatz. Totas peraulas | e totz faitz e totas cogitados que se adordenan ab la vera | fe de Ihesu Crist, et ab la sancta escriptura, et ab pura rayso, et ab | bonas e netas costumas, tôt es esperitual e platz a Dieu, | e tôt sso que séria contra cascuna d’aquestas .iiii. causas, deves | [25] fugir coma veri. Qui vol plaser a Dieu en .vii. manera. | Apres tôt sso que es dit dessobre, qui vol plaser a Dieu | complidament se deu exercitar et aver se vays son prosme | per .vii. maneras de vera 8 desgitament] desgirament 9 no] no no

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amistat. Primierament per vera | compassio, so es que -ls mais dels autres e las desconsolatios | [30] senta enayssi quant si eran suas prop[r]ias. La segonda es | per gran gaug e coral plaser del be dels autres, so es que se | alegre de totz los bes dels amix de Ihesu Crist enayssi quant | dels sieus propris. La terssa es per suau sostenement e perdonament | de cor verai, so es que las eniurias e las antas | [35] e-ls desplasers que hom li fa tôt o ssostenga pascientment | e de tôt bon cor liberalment o perdone. La .iiii.a es per familiar | benignitat, so es que a totz desire et ore tot be, et | en sos gestz et en sos senhals et en sas perauias se mostre | e sia ver amie de totz en Ihesu Crist. La .v.a es per humil | [40] reverencia, so es que porte honor a totz, e prese mais totz | los autres que si meteys, e volunder se sotzmeta a totz enayssi | quant a sos senhors, per amor del humil Ihesu Crist. 87r La ,vi.a es per vera concordia, so es que, quant es de ssi et aytant quant | poyras segon Dieu, se senta un ab totz, e totz ü sian ayssi | quant si meteys : en quai manera sia ab cascu d’una meteyssa voluntat, | ab que la voluntat sia bona e deguda. La .vii.a es [ [5] per offriment semblant a Ihesu Crist, so es que, segon lo exempli de | Ihesu Crist nostre Salvador, sia totz temps aparelhat pausar e perdre [ sa vida corporal per los autres, so es per lor salut esperitual, [ e non se cesse d’orar e de trebalhar fizelment que totz sian vers [ amix de Ihesu Crist e ben fermatz en la sua fe. Empero non | [10] deves creire que Is peccatz dels homes, quais que sian, non deias | fugir et esquivar, ans te deves penre guarda que no prengas | companhia ab homes mais e ses perfectio de vida ; ans tôt | perilh e tota occayso que te empaches o te retardes vida de | perfectio e fervor de las davant ditas vertutz deves fugir enayssi | [15] quant serpens o malas bestias. Car no es carbo | tan abrasat que no se refrege tôt estan en ayga. Lo contrari | es atressi que tart es carbo tan freg que no se escalfe quant | esta entre autres carbos ardens. Donquas fugir deu companhia | e familiaritatz de totz aquels que no temon offendre | [20] Dieu, qui vol esser amie de Ihesu Crist. Empero guarda te | d’aquest perilh ; deves viure en bona simplicitat, so es que no | deves trop guardar en veser los peccatz dels autres. | E quant s’es tal[s] que10 saubras mal de neguna persona aias | li gran compassio. E deves los autres portar en ton cor [ [25] per vera pietat, enayssi quant si los sieus mais eran tieus. | E per sso que a Nostre Senhor Ihesu Crist puesquas plaser complidament | et ab el esser en paradis, deves creire lo sieu sant concelh, | so es que menespreses tôt aquest mon. Car no pot hom ben | servir a dos senhors que son contraris, so es a Dieu et a la vanetat | [30] d’aquest mon. E si no podes bonament esquivar de tractar | causas temporals, almens .iiii. sentimens deves aver. | Primierament que tôt quant has et aver podes d’aquest mon | sentas enayssi quant non tieu11 et estrayn ; neys sa rauba e ssa | vestidura que portas sentas no esser tua, ayssi quo si l’avias | [35] manlevada d’un alaman o d’un breto. Totz temps aysso | sia en ton cor : que tu iest estrayn e peregri en aquest mon. | La segonda es que de sso que te es necessari a ton us aias | ne amesuradament e non trop, car tota abundancia e | tôt sso que es trop deves temer e fugir coma veri o perilh | [40] de mar. La terssa es que aias gaug e sentas plaser en [ besonha et en fraytura, per amor de sancta paupertat, car | ela es taula e arra et esquala de vida eternal, et es miralh 87v et ymage de la crotz de Ihesu Crist. La quarta es que sap[i]a[s]12 | que las grans riquezas dels ries homes d’aquest mon, e grans paramens | e la gran gloria, tot es contrari e dessemblant, 10 quant s’es tais que] quant ses tal uara que 11 tieu] tua 12 sapias] sepa (-pa lisible à la lampe de Wood Après sepa il semblepossible de distinguer la trace de trois autres lettres (est?)).

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L a Version occitane de /Exercens

entant que | quant o vezes o ve a ta memoria per res non ti puescas alegrar | [5] ni trobar degun plaser, o neys [si] pauc o estimavas, | tantost repensa que fora iest gitat de la sobregloriosa e sancta paupertat | de Ihesu Crist. Ad aysso se siec quant en esguardament | et en memoria dels paubres e que son plus despichatz te deves | tot alegrar et acompanhar ab els alegrament et ab reverencia | [10] ayssi quo ad aquels qui son dara ymage et expressa semblansa | del paubre Ihesu Crist. Aysso son tres causas en que nos devem exercitar. | En tres cauzas nos devem fortment exerdtar et enbrasar | totz nostres desiriers. Humilitat es dau et archa de totas | las vertutz. E neguna persona no ha veraya vertut d’umilitat | [15] si non li platz quant es humiliada e menespresada. Per que prindpalment | deu esser nostre prindpal desirier quo siam menespresatz | e greuiatz en tot menespresament et en tot desemparament, | et en totz greuges et en totz vituperis, al exempli | de Ihesu Crist, que, quo el fos Dieus e Senhor tot glorios e | [20] tot poderos en lo cel et en terra, que totz sos enemix pogra | soptament tornar a nient e totz vieus metre en yfern, | per nos salvar et ensenhar la via de salvatio vole esser | tant humiliat e menespresat, aunit e desgrasit e blasfemat | et escarnit et escupit e liurat a mort entre Is layros. | [25] Lo segon desirier es quo puesca[m] aver coral compassio de Ihesu Crist, | que es tot flagellat e gauteiat et espinat e davellat e romput | e plaguat et abeurat de fel e de amaror, et angostiat | de plor e de dolor e de mort, e pendut per nos e per nostres peccatz | a greu turment al dur lieyn de la crotz. Lo ters desirier | [30] que nos devem sobretot desirar es que Dieus nos fassa grada [ e nos o denhe aparelhar, quo nos puscam sofrir persecudos | e martiris e mort per la fe e per lo non de Ihesu Crist, | e per la veritat de la vida evangelical ampliar et exaussar e ] manifestar e perlevar las tenebras del mon, que 1 mon yssorbat | [35] conogues veritat.

Traduction [85v] Qui veut s’adonner à l’étude des saintes oraisons et des saintes méditations Qui veut s’adonner à l’étude des saintes oraisons, des saintes méditations et des saintes dispositions de l’âme, afin d’obtenir de Jésus-Christ fils de Dieu les dons de la vertu et de la grâce, doit s’efforcer de tout son cœur de se rapprocher de Dieu de sept manières différentes. En premier lieu, [86r] à travers un amour très ardent. En second lieu, à travers une crainte très révérencielle. En troisième lieu, à travers un zèle plein de force et de ferveur. En quatrième lieu, par des œuvres de charité. En cinquième lieu, à travers une louange pure dans le cœur et dans la parole. En sixième lieu, il faut que de toute sa volonté il obéisse à Dieu, c’est-à-dire que toujours il s’offfe à Jésus-Christ, qu’en tout et pour tout il fasse sa volonté, et qu’en rien il ne s’oppose à lui. En septième lieu, il faut que pour autant qu’il le peut, il s’efforce de sentir et de goûter sans cesse la grande suavité de la douceur de Jésus-Christ. Et pour obtenir ces sept vertus, il ne doit cesser de prier et de les demander sincèrement à Dieu par la prière en disant : Oratio devota Jésus bon et doux au-delà de tout ce qui existe, accorde-moi, Seigneur, cette grâce de t’aimer de tout mon cœur, de te craindre au plus haut point et de te révérer immensément, d’avoir un zèle plein de force pour tout ce qui existe en ton honneur, et, de la même façon, de m’élever avec force contre tout ce qui manquerait à ton honneur, comme quelqu’un de profondément jaloux de ta gloire, et ce, plus encore, s’il advenait que je fus moi-même de quelque façon la cause de ces manquements à ton honneur commis contre ta bonté. Accorde-moi, Seigneur, par ta grande bonté, de reconnaître ta souveraineté et de t’adorer très humblement, parce que tu m’as créé, de t’être reconnaissant pour tous tes bienfaits et de te

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rendre toujours grâce, et ce, de tout mon esprit. Accorde-moi encore, Seigneur, de te bénir, de te louer et de te magnifier en toutes choses avec une très grande joie et une immense allégresse, et d’être, en ta soumission et ton obéissance, toujours pleinement rassasié de ta très douce suavité - qui est si grande qu’on ne pourrait l’exprimer - en étant assis à ta sainte table, auprès de ta sainte mère, la Vierge Notre-Dame, et de tes saints anges, de tes saints apôtres et de tes amis. Pourtant, moi qui suis pécheur, je suis indigne de tout bien, mais toi, Seigneur, tu possèdes une bonté sans limite et sans fin. Des sept bonnes dispositions de l’âme

De plus, celui qui éprouve le désir d’aimer Jésus-Christ doit s’efforcer d’avoir en lui sept bonnes dispositions de l’âme. La première est la honte, ce qui signifie qu’il ne doit pas seulement ressentir de la douleur, mais aussi de la honte et une grande confusion pour tous ses vices et ses défauts. La seconde est la douleur, ce qui signifie qu’il doit toujours pleurer et déplorer intensément et d’une douleur amère ses péchés, par lesquels il a offensé Jésus-Christ son créateur, et a entaché et vilement déshonoré sa propre personne. La troisième est le mépris et l’humiliation de soi, ce qui signifie qu’il doit, autant qu’il le peut, mépriser sa personne et désirer être méprisé comme quelque chose de vil, de puant et de malodorant. La quatrième est la rigueur sans compassion aucune, ce qui signifie qu’il doit tourmenter très âprement son corps et désirer être méprisé et tourmenté par les autres, comme une personne salie et entachée par la bassesse du péché, et comme [86v] une sentine ou des latrines rem­ plies de toutes sortes de saletés, s’il lui arrivait de ne pas respecter la bonté de Jésus-Christ à travers sa propre piété. La cinquième est la colère sans apaisement qui doit toujours durer, non seulement contre tous ses vices, mais contre toutes les racines et tous les penchants de tous les péchés. La sixième consiste en une grande vigueur et une force intense sur tout son être, ce qui signifie que, toujours et en toute heure, il doit limiter avec précision et grand soin les cinq sens de son corps, ainsi que tous ses désirs et toutes ses actions, afin de bien se maîtriser et de demeurer entièrement dans la condition qui plaît à Dieu : telle est la vie pure et vraie, pleine de pensées spirituelles. La septième est le vrai discernement qui lui permet d’accomplir avec tempérance tout ce qui a trait à ses actions, à ses paroles et à toute sa vie. Qu’il observe et conserve avec une très grande capacité de jugement le juste sens de la mesure et la manière adéquate entre ce qui est trop et ce qui est trop peu ; c’est-à-dire que rien en lui ne soit excessif ou défaillant, ni plus ni moins que ce qu’il faut, mais qu’en toutes choses il s’efforce de se comporter avec un saint jugement spirituel, celui que Jésus-Christ nous a enseigné et nous a montré, et non en suivant le jugement d’un monde mauvais qui trompe les gens et leur fait manquer de ce dont ils ont le plus besoin. L’esprit pur animé d’une conscience vraie montre très clairement, si l’on y prend garde, ce qui plaît à Dieu ou ce qui lui déplaît. Tous les mots, toutes les actions et toutes les pensées qui se conforment à la vraie foi en Jésus-Christ, aux Saintes Ecritures, à la pureté de l’esprit et à des mœurs bonnes et pures, tout ceci est spirituel et plaît à Dieu ; et tout ce qui pourrait être contraire à chacun de ces quatre éléments, tu dois le fuir comme le poison. Qui veut plaire à Dieu de sept manières différentes

Après tout ce qui a été dit ci-dessus, celui qui veut plaire à Dieu de manière complète doit s’adonner à cette tâche et doit se comporter envers son prochain selon sept formes d’authen­ tique amitié. En premier lieu, en éprouvant une vraie compassion, ce qui signifie qu’il doit sentir les maux et la désolation des autres comme s’ils lui étaient propres. En second lieu, en éprouvant une grande joie et un plaisir sincère pour le bien d’autrui, ce qui signifie qu’il doit se réjouir de tous les biens des amis de Jésus-Christ comme des siens propres. En troisième lieu, en apportant aux autres son doux soutien et en les pardonnant d’un cœur sincère, ce qui signifie qu’il doit supporter patiemment et pardonner avec générosité et de bon cœur les

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La Version occitane de /Exercens

! injustices, les offenses et les désagréments que l’on commet contre lui. En quatrième lieu, à travers une bienveillance pleine d’amitié, ce qui signifie que pour tous il doit désirer et ; demander par la prière toutes sortes de biens, et que dans ses gestes, ses comportements et ses paroles, il doit se montrer et être le véritable ami de tous en Jésus-Christ. En cinquième : lieu, à travers un humble respect, ce qui signifie qu’il doit honorer tout le monde et estimer : les autres plus que lui-même, et se soumettre volontiers à tous comme à ses seigneurs, par ! amour de l’humble Jésus-Christ. [87r] En sixième lieu, à travers un véritable esprit de | concorde, ce qui signifie que, pour autant qu’il le peut et autant qu’il le pourra selon Dieu, il ne doit faire qu’un avec les autres et que tous doivent être à ses yeux aussi importants que lui! même : que, de cette manière, il partage avec chacun la même volonté, pourvu que cette j volonté soit bonne et adéquate. En septième lieu, à travers une offrande semblable à celle de 1 Jésus-Christ, ce qui signifie qu’à l’exemple de Jésus-Christ notre sauveur, il doit toujours être i prêt à laisser et à perdre sa vie corporelle pour les autres, c’est-à-dire pour le salut de leur âme, et qu’il ne doit cesser de prier et d’œuvrer avec ferveur pour qu’ils soient tous de vrais i amis de Jésus-Christ, et qu’ils soient bien fermes dans leur foi en lui. Ne crois pas toutefois 1 qu’il ne te faille pas fuir et éviter les péchés des hommes, quels qu’ils soient ; au contraire, tu ' dois prendre garde à ne pas te trouver en compagnie d’hommes mauvais et dont la vie n’est j pas parfaite ; tu dois même fuir comme un serpent ou un animal méchant tous les dangers et ! les occasions qui t’empêchent ou te retiennent de mener une vie parfaite et fervente selon les i vertus susdites. Car aucun charbon n’est si ardent qu’il ne puisse se refroidir dans l’eau. Et il j en va de même pour le contraire, qu’un charbon est rarement si froid qu’il ne puisse se i réchauffer quand il se trouve au milieu d’autres charbons ardents. Tu dois donc fuir la j compagnie et la fréquentation de tous ceux qui ne craignent pas d’offenser Dieu, si tu veux j être l’ami de Jésus-Christ. Prends donc garde à ce danger ; tu dois vivre en toute simplicité, i c’est-à-dire que tu ne dois pas trop t’occuper de considérer les péchés des autres. Et quand, j ; malgré cela, il t’arrive de connaître les méfaits d’une personne, tu dois éprouver pour elle une grande compassion. Et tu dois porter les autres dans ton cœur avec un véritable sentiment de : piété, comme si leurs péchés étaient les tiens. Et pour pouvoir plaire complètement à Notre ! Seigneur Jésus-Christ et être auprès de lui au Paradis, tu dois croire en son saint conseil, ce ; qui signifie que tu dois mépriser entièrement ce monde. Car on ne peut servir correctement ! deux seigneurs qui s’opposent l’un à l’autre, c’est-à-dire Dieu et la vanité de ce monde. Et si j, tu ne peux facilement éviter de t’occuper des affaires de ce monde, tu dois au moins éprouver I quatre sentiments. En premier lieu, tu dois considérer tout ce que tu as et peux avoir de ce ; monde comme ne t’appartenant pas et ne faisant pas partie de toi ; même le vêtement et les j ! habits que tu portes, tu ne dois pas les considérer comme tiens, comme si tu les avais : empruntés à un allemand ou à un breton. Que toujours il y ait ceci dans ton cœur : que tu es i un étranger et un pèlerin en ce monde. En deuxième lieu, tu dois posséder ce qui est nécessaire à ton usage avec mesure et sans excès, car tu dois craindre et fuir comme le poison : et le péril de la mer toute forme d’abondance et tout ce qui est excessif. En troisième lieu, tu ; dois éprouver de la joie et ressentir du plaisir dans le besoin et dans le dénuement, par amour ! de la sainte pauvreté, parce qu’elle est la table, le gage et l’échelle de la vie étemelle, et qu’elle ! est le miroir [87v] et l’image de la croix de Jésus-Christ. En quatrième lieu, il te faut savoir ; que les grandes richesses des riches de ce monde, les grandes parures et la grande gloire, tout j i ceci est nuisible et faux, si bien que lorsque tu les vois ou te les remémores, tu ne peux en i! rien te réjouir ou y trouver quelque plaisir, ou si même tu les estimais peu, rappelle-toi : aussitôt que tu es exclu de la très glorieuse et sainte pauvreté de Jésus-Christ. De cela il I s’ensuit que la vision et le souvenir des pauvres et de tous ceux qui sont le plus méprisés j doivent te réjouir, et que tu dois te joindre à eux avec joie et respect, comme à ceux qui sont | clairement et manifestement l’image et le reflet de la pauvreté de Jésus-Christ.

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E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. R icketts

Trois vertus que nous devons pratiquer

Nous devons pratiquer avec courage trois vertus au sein desquelles tous nos désirs doivent être compris. L’humilité est la clé et l’arche de toutes les vertus. Et personne ne possède la vraie vertu de l’humilité s’il n’aime être humilié et méprisé. C’est pourquoi notre principal désir doit être avant tout d’être méprisés et opprimés dans le mépris et l’abandon total, dans le préjudice et dans l’injure totale, à l’exemple de Jésus-Christ qui, bien qu’il fut Dieu et Seigneur de gloire, et tout-puissant dans les deux et sur la terre, au point qu’il pourrait immédiatement anéantir et envoyer vivants en enfer tous ses ennemis, voulut, pour nous sauver et nous montrer la voie du salut, être aussi humilié et méprisé, privé d’honneur et de gratitude, offensé et bafoué, couvert de crachats et mis à mort entre les larrons. Le second désir que nous pouvons éprouver est d’avoir une sincère compassion pour Jésus-Christ, flagellé et couvert de coups, couronné d’épines et transpercé par les clous, lacéré et blessé dans sa chair, désaltéré avec du fiel et un breuvage amer, tourmenté par les larmes, la douleur et la mort, et suspendu pour nous et nos péchés au milieu des souffrances sur le dur bois de la croix. Le troisième désir que nous devons éprouver au-delà de tout est que Dieu nous accorde sa grâce et qu’il daigne nous préparer à pouvoir souffrir les persécutions, le martyre et la mort, pour la foi et pour le nom de Jésus-Christ, et [à pouvoir], pour la vérité de la vie évangélique, écarter, lever, éclairer et éliminer les ténèbres du monde, pour que le monde aveuglé connaisse la vérité.

Appendice Siena, Bibl. Comunale, ms. U. V. 5. foil. 47va-48ra. [47va] De septiformi affectu ad Deum .c. x.m Exercens se sacris orationibus seu sacris affectionibus et meditationibus ad optinenda dona virtutum et gratiarum Dei, debet septiformi affectu exerceri ad Deum, scilicet amore ardentissimo, timoré reverentissimo, çelo constantissimo ; et hiis debet adiungi gratiarum actio et vox laudis et omnimode obedientie promptitudo et sue suavitatis iugis pro posse degustatio. Et ideo continuis precibus debet ista septem a Deo petere, utpote dicendo : « Bone Ihesu, fac quod ex toris medullis cordis te amem et te summe timeam ac reverear et pro omni tuo honore fortissime çelem, [47vb] ita quod contra omne tuum obprobrium, tamquam tue glorie çelotipus, ira vehementissima excandescham, et potissime si in me aut a me vel per me facta sint obprobria ilia. Da etiam ut tuum dominium, tamquam tua creatura humillime adorem et recognoscham, et de omnibus beneficiis michi a te impensis semper gratias agam, et hoc cum summa gratitudine cordis. Da etiam ut in omnibus semper te benedicam, laudem et magnificent, et hoc cum summo iubilo, gaudio et tripudio. Et ut tibi in omnibus obtemperans et obediens, semper reficiar tua dulcissima et ineffabili suavitate, quasi cum tuis sanctis angelis et apostoüs tue mense assistens, licet omnino immeritus et indignus ». De septiformi affectu ad se ipsum, .c.xi.m Debet etiam exerceri circa se alio septiformi affectu. Primo scilicet pudore, quo totus de suis vitiis et defectibus confundatur et erubeschat. Secundo dolore, ut scilicet peccata sua Dei offensiva et sui ipsius maculativa acutissimo et acerbissimo dolore plangat et ploret. Tertio humiliativo et sui conculcativo contemptu, ut scilicet totis viribus se sicut rem vilissimam et fetidissimam spernat et contempni appetat. Quarto rigore severissimo, scilicet asperrime

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1m Version occitane de Æxercens

corpus suum maceret et macerari appetat, tamquam peccato fedatum, ymo et tamquam latrinam et sentinam omnium feditatum. Quinto ira implacabili contra omnia vida sua et contra radices et indinationes vitiorum suorum. Sexto vigore pervigili et strenuo, ut scilicet omnes sensus et actus et potentias suas semper, et quasi cum quadam virilissima strenuitate, in omne bonum teneat pervigiles et attentas. Septimo discretione perfecte modestie seu moderantie, ut scilicet in omnibus discretissime servet mensuram et modum inter videlicet nimium et non satis, ut scilicet nichil sit in eo superfluum vel defectivum, nec plusquam debet aut minus quam debet. De septiformi affectu ad proximum. .c. 12.m Deinde circa proximum se exerceat alio septiformi affectu. Primo scilicet per piam compassionem, ut scilicet ita sentiat aliorum mala et incommoda sicut sua. Secundo per dulcem congratulationem, ut scilicet de aliorum bonis letetur ac si de suis. Tertio per tranquillam supportationem et condonationem, ut scilicet molestias et iniurias ab aliis sibi illatas patienter toleret et ex corde indulgeat et condonet. Quarto per benignitatem affabilem, ut scilicet quasi ad omnes bene agnitus omnibus bonum optet et oret, et talem se exibeat in gestibus, signis et verbis. Quinto per reverentiam humilem, ut scilicet omnes revereatur et omnes sibi praeferat et omnibus ex corde se subdat, tamquam dominis suis. Sexto per concordiam unanimem, ut quantum ex se est, et quantum secundum Deum potest, unum se sentiat cum omnibus, ita quod sentiat se eos esse, et illos se, et omnium rectum [48ra] velle pro suo reputet et e converso. Septimo per Christiformem sui pro omnibus oblationem, ut scilicet instar Christi pro omnium salute sit paratus et sollicitissimus ponere vitam suam, et die noctuque orare et laborare, quod omnes Christo inviscerentur et Christus in eis. Ne tamen ex hoc credatur quod vitia hominum non sint toto posse cavenda et fugienda, sciendum quod quandocumque ex societate malorum vel imperfectorum tibi imminet periculum, vel occasio retrahens vel impediens a perfectione vel fervore praedictarum virtutum, debet a talibus, sicut a serpentibus vel draconibus, elongari. Non enim est carbo ita ignitus quin in aquam frigescat aut tepeschat ; sicut e contra vix est carbo sic frigidus quin in acervo carbonum ardentium accendamr. Alias tamen, ubi periculum huiuscemodi non imminet, in mira simplicitate debes quasi non videre aliorum defectus, aut si vides, per compassionem (et per vim affectus ajouté en marge) reputare et supportare ut tuos. (Nota quatuor quoad temporalia c.l3.majouté en marge) Ut autem universaliter ad temporalia et terrena perfecte te habeas, scito quod temporalia debes aspicere sub quadruplici sensu. Primo scilicet ut tamquam peregrinus et advena sentias omnia ut extranea et aliéna, ita quod tua vestis ita sit tuo sensui extranea ac si esse yspani vel iudei. Secundo ut in tuo usu omnem habundantiam timeas ut venenum et ut mare submergens. Tertio ut in tuo usu omnem inopiam et egestatem sentias ut mensam et arca[m] et schalam vite eterne et ut speculum sive ymmaginem crucis Christi. Quarto ut divitias et apparatus divitum ita sentias tibi difformes, quod in eorum memoria vel aspecm nullatenus valeas letari ; quod si eas vel modicum extimas sive admiraris, a Christi gloriosissima paupertate te extimes alienum. Huic autem connectitur quod in pauperum et despectorum memoria et aspecm, tamquam in Christi pauperis expressa imagine totus letetis, et eis quasi regibus cum summa alacritate et reverentia associeris. Deo gratias. Amen.

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E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Rackette

Bibliographie Arthur, I. 1955. La vida del glorios Sant Frances. Version provençale de la Legenda maior Sancti Francisa de Saint Bonaventure. Édition princeps. Uppsala. Arthur, I. 1992. Miracles que Dieus ha mostratçper Sant Frances apres la suafi. Version occitane de la Legenda maior Sancti Francisa, Miracula de Saint Bonaventure. Édition et étude de la langue. Uppsala. Bartoli, M. 1998. «Il Tractatus de septem sentimentis Christi Iesu di Pietro di Giovanni Olivi», Arcbivum Franciscanum Historicum XCI, pp. 533-49. Bianchi De Vecchi, P. 1984. Testi ascetici in anticoprovençale, Perugia. Bigaroni, M. (O. F. M.) 1978. «Catalogo dei manoscritti della Biblioteca storico-francescana di Chiesa Nuova di Assisi », A tti Accademia Properçiana del Subasio - Assisi, ser. VI, n. 1, pp. 9-43. Burr, D. 1992. Olivi e lapovertàfrancescana. Le orifini della controversia suWasus pauper. Milano. Ciceri, A. 1999. Petri ïohannis Olivi Opera. Censimento dei manoscritti. Grottaferrata. Durieux, F.-R. 1975. «Un manuscrit occitan des Spirituels de Narbonne au début du XIVe siècle. Essai d’interprétation franciscaine », dans Franciscains d’Oc. Les Spirituels ca 1280-1324. Toulouse, pp. 23141 (« Cahiers de Fanjeaux », 10). Fussenegger, G. 1954. « “Littera septem sigillorum” contra doctrinam Petri ïohannis Olivi édita», Archivum Franciscanum Historicum XLVII, pp. 45-53. Harris, M. R. 1984. The Ocâtan Translations ofJohn X III-X V II from a Fourteenth-Century Franciscan Codex (Assisi, Chiesa Nuova MS. 9). Philadelphia. Manselli, R. 1959. Spirituali e beghini in Provença. Roma. Manselli, R. 1976. « Les opuscules spirituels de Pierre Jean-Olivi et la piété des Béguins de langue d’oc », dans La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XB/1 siècle, Toulouse, pp. 187-201 (« Cahiers de Fanjeaux » 11). Pacetti, P. D. (O. F. M.) 1936. «I codici autografi di S. Bernardino da Siena della Vaticana e della Comunale di Siena », dans Archivum Franciscanum Historicum XXIX, pp. 215-41. Perarnau, J. 1978. « Aportacio al tema de les traduccions bibliques catalanes medievals », Revista catalana de teologiall\/\, pp. 17-97. Reccbia, S. (O. F. M.) 1998. «Opéra “Sancti” Petri Johannis Olivi ab admiratore transcripta. Il codice 1444 della Biblioteca Oliveriana di Pesaro », dans Archivum Franciscanum Historicum XCI, pp. 475-504. Zorzi, D. 1956. « Testi inediti francescani in lingua provenzale », dans Miscellanea delcentro di stuài medievali, sérié prima, Milano, pp. 249-324.

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0 verge de droiture, q u i de Jessé eissis

from the Mosan Psalters

Barbara R. Walters

O verge de droiture, ki de Jessé eissis is the first of eight Old French poems in Liège dialect which precede the psalmody in the Grosbois Psalter.1Like each of the other poems, it is accompanied by a full-page miniature and provides a poetic synopsis of an event in the life of Jesus, a style of ordering which is characteristic of the liturgical historia around lives of saints which developed during the period. The other seven poems in the Psalter are based on a Gospel event whereas the first poem takes its content from Isaiah 11 :1-3. And there shall come forth a rod out of the stem of Jesse, and a branch shall grow out of his roots. And the spirit of the Lord shall rest upon him, the spirit of wisdom and understanding, the spirit of counsel and might, the spirit of knowledge and of the fear of the Lord.

Medieval Christian scholars interpreted the biblical passage as prophesying the Messiah, Jesus, whose royal lineage would descend from Jesse, father of David, to Joseph, husband of Mary. Since the priestly descendant Joseph would not have been permitted to marry outside his clan at the time of the birth of Jesus, the royal lineage likewise applied to Mary.2 Jesus was a descendant and heir to King David. His birth to the Virgin Mary therefore afforded a complete and perfect incarnation of the Holy Spirit as promised by the scriptures. The remaining Isaiah verses were interpreted by medieval pious Christians as a reference to the seven gifts of the Holy Spirit, formalized by Saint Thomas Aquinas : wisdom, understanding, counsel, fortitude, piety, knowledge, and fear of the Lord. A full-page miniature with two iHuminations accompanies the first poem in the Grosbois Psalter : the Annunciation and a Tree of Jesse. Both the iHumination of the Tree of Jesse and the poem make specific mention of the Isaiah verses and so there can be no mistake regarding the source of inspiration for the Psalter artist. The interpretation for this specific expression however, reflects the characteristic style of the Mosan Psalter and its social milieu. Paul Meyer first identified the Grosbois Psalter as Mosan, or one of a group of Psalters from the diocese of Liège, in an article of 1873, through the eight poems written in Old French in the distinctive regional dialect (Meyer 1873 : 236-49). He 1New York, Pierpont Morgan Library, MS 440, ff. 7v-15v; 0 vergeappears on f. 8r. 2 Cf. Walters, Corrigan and Ricketts (forthcoming).

E tu d es de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . R icketts

later identified five such Psalters3 which shared characteristic features : special devotionals to Liège saints including the diocesan patron, Saint Lambert, a calendar naming Liège saints, and an Easter table composed by Lambert le Bègue (Meyer 1900 : 536-40). More recent scholars such as Sinclair (1964: 5-10 ; 1965 : 22-47), but especially Judith Oliver, have identified and catalogued forty-one Mosan Psalters. Oliver classified them as originating from the diocese of Liège during the approximate period between 1250 and 1330. Twenty historia-type poems intersect across fourteen Psalters and four of these contain the first poem in the Grosbois Psalter : 0 verge de droiture,4 The Psalters in general functioned as lay breviaries or, to the extent to which they included prayers to be said at Mass, as lay missals (Oliver 1988 : 35). They were specifically intended for the béguines, unmarried religious women who lived outside orders, and represent efforts on the part of these women to participate in or imitate the divine office. Oliver identified the Grosbois Psalter as produced in Brabant, c.1261, most likely for an aristocratic béguine whose parents may have served the cathedral in a lay ministerial capacity. The initial owner is portrayed in the Cruci­ fixion miniature on f. 13v (Oliver 1988, II : 280-82). Oliver notes several artistic features that show special veneration of the Franciscan order in the Grosbois Psalter calendar. The 13th-century Liège context contributed in no small measure to the distinctive features of the historia poems of which the 0 verge poem is an example. Throughout the century the socio-political world in Liège was one of fragmentation and crisis. The old and venerable city stood in the heart of the archdiocese of Cologne and the diocesan territory which now comprises most of Belgium, and which then straddled nascent France and Germany. The diocese was governed by Prince-Bishops who increasingly turned toward the party of the pope, the Guelphs, and away from that of the Holy Roman Emperor, Frederick II. The papacy at the same time turned toward France (Kupper 1999 : 19-26). A new stratum of urban bourgeoisie pressed literally against the walls of the old city, which had been constructed during the bishopric of Notger in the tenth century and which could no longer provide fortification for the increased propertied population. This new stratum likewise pushed formidably against constraints prohibiting their partici­ pation in municipal government. Their alliance with the papacy, in particular, threatened an established patriciate and nobility. The town walls were expanded creating a new and unwelcome taxation and the first commune provided for elected representation of the bourgeoisie in 1230. Local political conflict was amplified by dynastic fragmentation among the heirs to Count Baldwin IX of Flanders and the intervention of the papacy alongside the French Capetian king, Louis IX. These societal conditions provided a fertile crescent for new religious expressions and Eucharistic fervor which became organized around the visions and work of an 3 From the diocese of Liège. See Delville 1999. 4 New York, Pierpont Morgan Library, MS 440 ; Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 1077 ; Liège, Biblio­ thèque de l’Université, 431 ; Brussels, Koninklijke Bibliotheek, IV-1066

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verge de droiture

: Augustinian nun, Juliana Mont-Cornillon (c. 1192-1258). Juliana, a younger contem­ porary of Marie D’Oignes (1117-1213), led the movement for a new feast day : celebrating the Blessed Sacrament. Marie is credited with having the initial vision of the new feast, Juliana with its authorship and stewardship in Liège.5 The new Feast of Corpus Christi emerged and developed in the context of an ; abundance of high-born women who gathered in Liège from the twelfth century ji onwards. Jacques de Vitry, Marie D’Oignes’s friend, admirer, and confessor, ; obtained papal permission for the women to live together outside of holy orders in ; 1216. Early scholars such as Grundmann (1955). and McDonnell (1954)) were first h to note the significance of women in the religious life of the period, a topic now highly developed by contemporary scholars.6 Grundmann noted a link between the ; congregational activities of the women and a new religious literature in the vernacular, one he associated with this « new stratum formed between the laity and ; the clergy - one which, like the clergy, wanted to read and even to write religious works, sermons, prayers, and not least, Holy Scripture but, like the “laity,” could not read or write in Latin. » (Grundmann 1954 : xxi) ' The first poem in the Grosbois Psalter offers an excellent example of such ; vernacular religious expressions of feminine popular piety in 13* century Liège. While the author is unknown, the poem is perhaps the work of Marie D’Oignes ; (Oliver 1988). The topic, as noted, was the genealogical Tree of Jesse linking Jesus to the royal kingship of David as articulated in Isaiah 11, and the full embodiment of the Holy Spirit in the incarnation. A critical edition by Peter T. Ricketts can be ! found in documents I and II immediately following the text of this paper.7 An analytic table detailing each couplet follows the poem and its translation in document III. ! The first quatrain addresses the Virgin, 0 verge, as the descendant of Jesse and makes specific reference to Isaiah 11:1-3. The association of the Latin target [rod] i: with the Virgin was not new in the 13* century, although the metonymic ; displacement of uirga by uirgo had begun only in the late 12* (Watson 1934). Mâle notes that the Christian interpretation was by then standard in any commentary on the biblical passage. Thus verge refers to Mary in whom the flower bloomed « through the gift of seven parts » (Mâle 1958 : 165). Also conventional was the use of seven in artistic representations to symbolize the seven gifts of the spirit. The I seven gifts are referred to specifically in the second couplet of the first quatrain.8 j; The message is telescoped by the use of seven quatrains with one added couplet, that is, lines 13-26 disrupt the quatrain form to include a seventh couplet with one couplet devoted to each gift (I and II. 13-26). The special features of this poem, which link it to the Eucharistic fervor among ; the Liège women, begin with the second quatrain (I and II. 5-8). Here the poet expresses the feminine through a characteristic “ton ancelU’ petition to the virgin, \ 5 See Delville 1999. 6 Bynum 1982 ; Oliver 1988 ; Wogan-Browe & Henneau 1999 ; and Bolton 1999. 7 From Walters, Corrigan and Ricketts (forthcoming).. 8 Walters, Corrigan and Ricketts (forthcoming) notes the « seven tribes of the Israelites who had not yet received their inheritance ».

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who is now herself referred to as the flower and the lily. The virgin has returned the fruit that was lost in the Garden of Eden through her son, Jesus, who is the fruit of which the petitioner seeks to savor the taste. The fruit is a poetic reference to the Eucharist, and the petition through the use of “ton ancelW (your handmaiden) is clearly adapted for a woman supplicant. The third quatrain (I and II. 9-12) expresses identification with the Virgin and petitions that the flame of the Holy Spirit ignite in the supplicant a mirror of chastity and caritas. These three quatrains form an introduction to the next seven couplets, which petition more specifically for the seven gifts of the Holy Spirit : wisdom, piety, counsel, fortitude, knowledge, understanding, and fear of the Lord, as well as the related virtues. In the closing quatrain, the adaptation for a female supplicant is magnified. The petition is clearly to Mary, but the metaphors are those traditionally utilized in the thirteenth century to represent Jesus and especially his paraclete in the real presence in the Eucharist. The “flower of all virtues” echoes the metaphor employed in the first two quatrains in reference to the fruit of the flower, Mary, in her son, Jesus. The tree metaphorically conjoins the crucifix with the tree of life and the Tree of Jesse. The “mansion of the Holy Spirit” in historical context is suggestive of biblical exegete Hugh of Saint-Cher’s interpretation of Proverbs 9 :l-2 as a premonition of the Eucharist : Wisdom has built herself a house, she has erected her seven pillars, she has slaughtered her beasts, prepared her wine, she has laid her table.

Zawilla notes that Hugh interpreted wisdom as the Word of God, the house as his flesh, and the seven columns as the churches illuminated by the seven gifts of the Holy Spirit (Zawilla 1985 : 128). The reference to the tree of graces in the poem more certainly invites comparison with the Maundy Thursday sermon of Jacques de Vitry : Hoc ligno cum igné passionis decoctus est panis Eucharistiae ut esset esui aptus. [This tree ignited with passion cooks the bread of the Eucharist so that it might be suitably consumed.] (Jacques de Vitry, p. 328.) The last line of the poem reasserts the feminine status of the petititioner. Peter T. Ricketts has noted the adaptation of poems in Old French for women, most likely béguines, in his analysis of the Prayer of Théophile which was translated into Occitan (Ricketts 2004). He notes a similar mode of adaptation in his trans­ lation and notes for the 150 Ave prayers which can be found in Latin or in French in many of the Mosan Psalters.9 The French versions are reflections on the Latin and often modify the original intentions. In both cases the translation takes the form of a reflection and alters the meaning of the original text to adapt and transform the language for use by women supplicants. Similarly, the first poem of the Grosbois Psalter goes beyond mere adaptation. In the 0 verge poem, the language is adapted for a petitioner who is feminine, but the reflections go further so as to project onto Mary a transformation. In the penultimate couplet Mary takes on those metaphorical aspects originally reserved for Jesus so as to become herself an incarnation of the Holy Spirit. This observation expands upon the work of 9 Cf. Walters, Corrigan and Ricketts (forthcoming).

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Bynum, who noted that the Liège women often projected themselves into priesdy roles (Bynum 1982 : 184-85). In the Grosbois Psalter this extends to a projection into Mary by the petitioner followed by a transfiguration of both the petitioner and Mary through the gifts of the Holy Spirit. Thus, in the metonymic displacements uirga becomes uirgo, vierge becomes verge, and flur becomes Jlor. The poetic imagery may thus be interpreted as a feminine allegory of transubstantiation and the Eu­ charist, imagery prominent and characteristic of the religious visions of the Liège women.

I. Text10

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O verge de droiture, qui de Jessé eissis, ki la flur engendras sor cui li Sains Espirs reposât plainemen, si com dist Ysaies, et en toi s’enspandi par don dé set parties ; racine de Jessé, ensprendemen d’amur, flur et liz de casté, dame digne d’onor, otroi’ a ton ancelle savorer le savur de cel saintisme fruit dont tu portas le flur. Le cuer de ton ancelle enspren de la chalur ki desent par set grasces et de par son ardur ke li flur de casté ne puist en moi marchir ne la flame d’amur caritable alentir. Mon estre et mon penser, mon vivre et mon parler puist l’ispirs de science ensenher et donter, et cilh de pieté raemplisse mon cuer por membrer té vertus et de nuit et de jor. Spiritus consilü ne moi defalhe mie c’al conselh d’Enscriture puisse aturneir ma vie. Force enapres m’otroie d’ester al detement, ke dire et lire orai prestes et sages gent. El palais de mon cuer, par l’espir de savoir fai sentir com est duz li savoir toi savoir, si moi garde partot li enspirs d’entendor ke mi arme et mé cors ne chaet en error. Le cremor alsiment si loal ferme en moi ki enchacet l’orguelh et de pechié le loi. Flor de totes vertus, maison del Saint Enspir, del arbre de tes grasces moi denges repartir k’en cest siecle présent si florisse ma vie ke tes fiz moi conoisse a filhe et a amie.

10 0 verge and its translation are presented here with the kind permission of Peter T. Ricketts and are from his critical edition of the Mosan Psalters in Walters, Corrigan, and Ricketts (forthcoming). “Verge” is “vierge” in New York, Pierpont Morgan Library, MS M440.

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Critical Apparatus by Peter T. Ricketts 4 s’enspandi\ A sensparti. - 5 d’amur] ABC. damors. - 6 d’onor] B damur. - 7 ton] A tue, B due, C tu. - 9 de] A a. - 11 mot] C moie. — 13 estre] D cuer.— 15 cihl] A cis. - 16 por\ C par ; membrer] A remenbrer ; nuit et dejot] B iro e de nuit. —17 Spiritus consilii\ A li espirs de conselh ; defalhe] C defalh. - 18 c’al] D c a ; conselh] C conseilhe. - 19 m’otroie] AB motroi, D motroit. - 20 prestes] C pecheors. —21 El] C li. —22 li savoir] C li savoires. - 23 d'entendor] A dentendemen, B mon senhor, CD denteilhor. - 24 A ke ne chai en error par dis de male gen ; cbaet\ B chai, C chaie. - 25 the remainder of the text is missing from C alsimeni] B al siruen.

II. Translation

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O, rod of righteousness, who descended from Jesse, who gave birth to the flower in whom the Holy Spirit finds true rest, as Isaiah said, and bloomed in you through the gift of the seven parts ; root of Jesse, fire of love, flower and lily of chastity, lady worthy of honor, grant to your servant to savor the taste of the holiest fruit o f whom you bore the flower. Inflame the heart of your servant by the heat which comes down through the seven graces and by its ardor so that the flower of chastity may not wither in me nor the flame of beneficent love die down. May my being and my thoughts, my existence and my words be guided and directed by the spirit o f knowledge, and my heart be filled by the spirit of piety so that I may remember your virtues both night and day. May the spiritus consilii never fail me so that I may regulate my life according to the counsel of the Scriptures. Give me strength to be present at the exegesis so that I shall hear priests and wise people speaking and reading. In the palace of my heart, through the spirit o f knowledge, make me feel how gentle is the knowledge of knowing you, and everywhere keep in me the spirit of understanding so that my soul and my body may not fall into sin. Place in me, too, that legitimate fear which drives out pride and the law of sin. Flower of all virtues, mansion of the Holy Spirit, deign to share with me of the tree of your graces so that, in this world of today, my life may so flourish that your son may know me as daughter and friend.

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III. Poetic content Quatrain/ Couplet Ouatrain 1 : Couplet 1 Couplet 2

Line Numbers_____________ Poetic Content______________________ Key 1-2

Address to the Virgin, descendant of Jesse (David’s father) and mother of Jesus (the flowerl : Reference to Isaiah 11 :2 : The Holy Spirit will find complete rest in Jesus. The Holv Spirit causes the flower to bloom in Mary through the seven rifts.

Address to Mary

The Holy Spirit is the source of the root of Jesse, also referred to as the fire of love : Petition to the virgin (flower and lilv of chastitv) to taste the fruit (Jesus') : a reference to the Eucharist

Petition to Mary

Echo of lines 4-5 : a mirror for the petitioner: fire of the heart, reference to seven graces. Echo of line 6 : a mirror for the petitioner; flower of chastitv. flame of love. Seven Couplets : One couplet for each of the seven gifts of the Holy Spirit:

Identification with M ary: mirror

13-14 15-16

Wisdom Piety : will lead to virtues

Petition for the gifts of the Holy Spirit

3-4 3 4

Ouatrain 2 : Couplet 1

5-6

Couplet 2

7-8

Ouatrain 3 : Couplet 1

9-10

Couplet 2

11-12

Ouatrain 4 : Couplet 1 Couplet 2 Ouatrain 5 : Couplet 3 Couplet 4 Ouatrain 6 : Couplet 5 Couplet 6

17-18 19-20

Counsel Fortitude

21-22 23-24

Knowledge : reference to one of the seven virtues Understanding : avoidance of sin

Couplet 7

25-26 Fear of the Lord : reference seven vices

Ouatrain 7 : Couplet 1

27-28

Couplet 2

29-30

Petition to Mary, flower and mansion, to share in the tree of graces : allegory for the Eucharist Closing reference to Jesus

Petition to Mary transformed

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'É tudes de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . R icketts

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— 1965. « Les manuscrits du Psautier de Lambert le Bègue », Remania LXXXVI, pp. 22-47. Walters, B. R., V. Corrigan, and P.T. Ricketts. (Forthcoming.) The Feast of Corpus Christi. Watson, A. 1934. The Early Iconography ofthe Tree ofJesse. London : Oxford University Press. Zawilla, R. J. 1985. The Biblical Sources of the Historia Corporis Christi Attributed to Thomas Aquinas : A Theological Study to Determine TheirAuthenticity. University of Toronto : Ph.D. Thesis.

Manuscripts A = New York, Pierpont Morgan Iibrary, 440 B = Paris, Bibliothèque Nationale, latin 1077 C = Liège, Bibliothèque de l’Université, 431 D = Brussels, Koninklijke Bibliotheek, PV-1066

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Illustrating Sallust : Jean Le Bègue and the Jugurthan W ar Leslie C. Brook

; An early fifteenth-century manuscript in the Bodleian library (D’Orville 141) ' contains an unusual combination of texts, written in the same hand throughout. It : consists of only fifty-five folios o f paper, small in size (145mm x 217mm), and it is devoted exclusively to the two best-known works of Sallust, the Catiline Conspiracy : (De Conjuratione Cadlinae) and the Jugurthan War (Bellum Jugurthinum). The first ( forty-one folios contain a Latin commentary on these two texts under the general heading Incipiuntglose supra Catilinarium et Jugurtinum Salustii feüdter (fol. lr 0),1 while the ; remaining fourteen consist of a series o f precise and detailed recommendations for ! illustrating both the Catiline Conspiracy and the Jugurthan War. By way of introduction i to these recommendations there is at the top of fol. 42r° the general title « Histoires sur : les deux livres de Saluste », and the following rubric : Cy commencent les histoires que l’en puet raisonnablement faire et pourtraire sur le livre de Saluste par moy, J. le Begue, devisees et mises par escript.2 :

: i j: ! ! ; ! :

Jean Le Bègue (1368-1457),3 royal secretary and functionary in the Chambre des Comptes, formed part of the early fifteenth-century humanist group of officials that included Jean Gerson, Jean de Montreuil and the Col brothers. Besides being a bibliophile with an interest in the classics, he was also a bibliographer, and drew up the earliest catalogues of the Royal Library. He was interested in manuscript illumination, too, and appears to have worked in collaboration with the distinguished iUuminators in Paris at that time. His recommendations are in fact reflected, as Jean Porcher has shown, in the illustrations in at least one extant manuscript, which is now found in Geneva, Bibliothèque publique et universitaire, français 54, and dates from c. 1420.4 1 The commentary on the Catiline Conspiracy occupies the first eighteen folios, and that on the Jugurthan War begins on fol.l9r° under the statement : Explete sunt in Catilinario ; in Jugurtino incipiunt. 1 The complete French text has been edited and published in J. Lebègue, Les Histoires que l ’on peut raisonnablementfaire sur les Livres de Salluste, with an introduction by J. Porcher (Paris : La Société de Bibliophiles françois, Librairie Gixaud-Badin, 1962), but all the quotations in this article reflect my own reading o f the manuscript. 3 Details concerning the life and interests o f Jean Le Bègue are borrowed from Porcher’s introduction, which includes a full account o f the Parisian humanist. Accompanying the edition is a photographic reproduction of the illustrations as they occur in the Geneva manuscript, Bibliothèque publique et universitaire, français 54. 4 W hen I wrote my earlier article analysing the illustrations designed for the Catiline Conspiracy (see below, n.

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Before he describes the illustrations (“histoires”) for the two texts, Jean Le Bègue follows the rubric in which he names himself with a brief, introductory account of Sallust’s life and career, for the benefit, presumably, of the iUuminator : E t pour mieulx les droites histoires entendre est a savoir que Saluste, en ensuivant la coustume des Roumains, fu. mis en sa jeunece a l’estude et lettres apprendre ; et quant il ot souffisamment apris, il se transporta a servir la chose publique et a l’estât de chevalerie. E t quant il ot congneu et apperçu que les vices régnassent et eussent plus de pouoir et seigneurie que les vertus, il lessa ledit estât de chevalerie et retoma a l’estude. Et lui print désir et voulenté de mettre par escript les fais des Romains qui estoient advenuz en son temps et dont il avoit eu congnoissance ; et non mie selon l’ordre du temps qu’ilz estoient advenus, maiz selon ce qu’il lui sembla qu’ilz estoyent plus dignez de mémoire. Si se délibéra premièrement de escrire de la conjuracion et conspiracion de Catiline ... (fol. 42r°).

Le Bègue here alludes to the fact that Sallust (86 to 35 B.C.) received a good education, despite being o f plebeian birth, and held various public offices before becoming a writer. In fact he became a quaestor and member of the Senate in 55 B.C., but was removed from the Senate through alleged immorality. However, protected by Julius Caesar he regained his positions and was later appointed governor o f Numidia (now part of Algeria and Tunisia). After the assassination o f Caesar in 44 B.C. Sallust withdrew from active public life and gave himself up to writing, composing the Catiline Conspiracy probably in 43 B.C., and the Jugurthan War in 41 B.C. Historically, though, the Jugurthan War (111-105 B.C.) preceded the Catiline conspiracy (63-62 B.C.), which accounts for Le Bègue’s remarks concerning the order o f events as distinct from the order o f composition. After providing a brief sketch of Sallust’s career, Le Bègue gives the gist of the history concerning Catilina’s intended revolt, which was thwarted largely thanks to Cicero ; but then before dealing with the illustrations relative to the Catiline Conspiracy, he first describes in considerable detail an “histoire” depicting Sallust himself, which is used as a full-page frontispiece in the Geneva manuscript.5 It begins as follows : Premiere histoire : soyt fait et pourtrait ung homme a grant barbe fourchue, qui avra en sa teste une coiffe blanche comme l’en souloit porter. E t sera assis en une chayere qui sera bien edifiee, et devant soy avra la tablette, sur la quelle il fera semblant de escripre, et

6), I was unaware o f the existence o f the Geneva MS and o f Porcher’s edition o f it, or o f any other manuscript based on Le Bègue’s directions. Accordingly I discussed at some length whether Le Bègue had in mind the illustration o f a manuscript or the production o f a tapestry, and left the question open in the absence, I then thought, o f any manuscript or tapestry which would decide the issue. The reason for considering whether Le Bègue had a tapestry in mind was that in his article « Mediaeval French translations o f the Latin classics to 1500 », Speculum 45 (1970), pp. 225-53, Robert H. Lucas had stated that Le Bègue’s recommendations were indeed for one («... directions for their reproduction in tapestry », p. 244, n. 200) ; but he gave no indication whether he knew o f the present or previous existence o f any specific tapestry, and my own attempts to trace one proved abortive. Despite the evidence provided by the Geneva MS that Le Bègue’s recommendations were used for manuscript illustration, it is not inconceivable that they could also have been adapted for a tapestry, but its dimensions would have been considerable! 5 The frontispiece illustration o f Sallust also occurs, according to Porcher, in two further manuscripts, Paris, Bibl. Nat. de France, lat. 9684 and 5762.

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Illu stra tin g S a llu st

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tout ce que il appartient a ung escrivain quant il est en sa chaiere pour escripre ... (fol. 42v°).

He goes on to describe him as wearing a tunic over a coat of mail, representing his ' “estât de chevalerie”, while a squire holds a horse half-hidden by the chair, indicating that his military and administrative career had been superseded by that of a writer. There is also a pastoral background, which could be a reference to the famous horti Sallustiani that he established in his retirement The twenty-one illustrations relating to the Catiline conspiracy follow immediately, i and the descriptions for these have already been analysed elsewhere.6 The purpose of ; this present study is to look at the forty-four illustrations that then follow concerning ; the Jugurthan War. Separating the two sets of illustrations is the following statement :



Cy finent les figures des histoires sur Saluste in Catilinario, divisées par moy, J. le Begue. Après s’ensuivent les figures des histoires sur le livre dudit Saluste en son livre ou histoire de Jugurta, roy de Numidie (fol. 46r°).

: Before looking at these “histoires” and the moments chosen for illustration, a \ reminder of the main events of the Jugurthan War might prove helpful. Sallust’s narrative begins with a few conventional comments on Fortune and a ! man’s true worth, coupled with some rather jaundiced remarks on the quality and ! motivation of those who seek high office. He then introduces the subject o f his 1 narrative, the importance of which to him is the effect the conflict had on Rome. : Jugurtha was the son of Mastanabal, brother o f Micipsa, king o f Numidia, and when i illness caused his father’s death Jugurtha was brought up by Micipsa, alongside his own ; two sons, Adherbal and Hiempsal, both younger than Jugurtha. As a young man jj Jugurtha was sent to campaign alongside the Romans in Spain, and he became so ! successful and popular that Micipsa decided to make him joint heir to the kingdom : with his own two sons, despite earlier antipathy towards him. After Micipsa’s death ! Jugurtha and the two sons met to divide up the kingdom, but resenting a slight from one of the brothers, Hiempsal, Jugurtha had him killed. This led to conflict with the I other brother, who fled to Rome, where he pleaded with the Senate for help ; but Jugurtha’s envoys succeeded in bribing influential members, so that it was decided ! merely to send a commission to split the kingdom between Jugurtha and the two sons. Through further bribes Jugurtha obtained the better, western part, but not content with ( this began provoking his half-brother into retaliatory combat, so that Adherbal was ; besieged in Cirta. Despite Adherbal’s further pleas to Rome Jugurtha managed to get i him to surrender and he was put to death. When Rome was eventually persuaded to act ; to rescue its Numidian province from Jugurtha, its first attempts ended in stalemate or failure. Bestia and Scaurus were sent with troops (111 B.C.), but after a few skirmishes Jugurtha managed to arrange a truce and quasi-surrender, with appropriate bribes, which left him in control. Bestia then returned to Rome, where indignation at the turn

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6 See my article, J ean le Bègue, interprète iconographique de Salluste, to be published in a forthcoming volume o f h e Moyen Français devoted to papers given at a conference held in Montreal in October 2000. Some o f the preliminary detail in the present article concerning Le Bègue and the frontispiece portrait o f Sallust is also to be found in this earlier article.

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of events was stirred by the tribune Memmius, who persuaded the Senate to send for Jugurtha under a promise of safe-conduct to explain himself. While in Rome Jugurtha arranged through his lieutenant Bomilcar the murder o f a dangerous opponent, and he was ordered from Rome under a cloud of suspicion. The following year (110 B.C.) Albinus was sent to Numidia to resume the fight against Jugurtha, but again with no success. Jugurtha outmanoeuvred him, and before long Albinus returned to Rome because o f imminent elections, leaving the army in the hands o f his brother Aulus. He too allowed himself to be outwitted by Jugurtha at a township called Suthul, and as a result the Roman army was forced to pass under a makeshift yoke as a humiliating sign of defeat. In the next year (109 B.C.) the consul Metellus went to Numidia and reorganized and re-disciplined the demoralized army, which was quartered in the Roman Province of Africa adjacent to Numidia, in modern Tunisia. Jugurtha, realizing that he now had a tougher opponent to deal with, attempted to treat with him by offering surrender in return for a personal guarantee of safety. Metellus pretended to give a favourable reply, but then marched into Numidia and occupied Vaga. Knowing that he would eventually have to face Metellus in batde, Jugurtha set up an ambush near the River Muthul and a batde ensued in which the Romans came off best, and Jugurtha’s forces fled. Metellus now tried to lay waste the countryside as he marched through Numidia, but was constantly harassed by Jugurtha, so to draw him into proper batde he laid siege to the fortress o f Zama. Jugurtha duly attacked, and eventually Metellus and his lieutenant Marius had to abandon the siege for the winter. Metellus now tried to win over Jugurtha’s lieutenant Bomilcar with inducements to get Jugurtha to surrender. Bomilcar managed to persuade Jugurtha to try to save himself in this way, and arms and other goods were handed over, but Jugurtha then had second thoughts and decided it would be in his best interests to prosecute the war. He re-armed and persuaded the townsfolk o f Vaga, garrisoned by Roman soldiers, to rebel, and all the Romans there except their leader were slain. Metellus then marched his army from its winter quarters to recapture Vaga. Meanwhile Bomilcar, suspected of treachery by Jugurtha, schemed with Nabdalsa to get rid of their leader, but the plot was discovered and Bomilcar executed. Jugurtha did not, however, feel safe, and with depleted forces and not knowing whom to trust he kept constandy on the move. Metellus surprised him by a daring desert march and attack on Thala where he was hiding, but Jugurtha escaped before Thala was overrun. Next Jugurtha formed an alliance with his neighbour and son-in-law King Bocchus of Mauretania, and together they occupied Cirta (modem Constantine). Metellus pitched camp nearby intending to attack when appropriate, but received humiliating news that his former lieutenant Marius, though only a man of the people, had been elected consul for the following year and had been given charge o f the army in Numidia in Metellus’s place ; so rather than continue with a conflict which was no longer to be his responsibility Metellus contented himself with sending a warning to Bocchus not to involve himself with Jugurtha’s hopeless cause. The final stages of the war were conducted by Marius from 107 B.C. onwards. He first built up the strength of the army he was to take with him, in spite o f Senatorial hostility towards him. This he did by taking any volunteers, irrespective of birth, and Sallust, clearly an admirer of Marius, writes for him a powerful speech in which he

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addressed a popular assembly, proclaiming his superior right to conduct the army through experience, in contrast to the alleged idleness and incompetence of the nobles. The resentment of the Senate could be explained in modem terms as that of the officer class reacting to the army being taken over by an NCO. With his enlarged army Marius began his campaign by securing various strongholds and a successful surprise attack on Capsa. He then managed to overpower a fortress on the River Muluccha by getting a small contingent to climb the sheer rockfaces at the rear of the fortress and spread panic. He achieved these victories before the arrival o f his quaestor Sulla with the cavalry. Aided by Bocchus Jugurtha then attacked the forces o f Marius and Sulla as they made their way to winter quarters. At first taken by surprise, the Romans nevertheless managed to fend off the enemy. A second attempt by Jugurtha and Bocchus to attack the Romans was made as they approached Cirta, but they were again put to flight. Bocchus then decided to negotiate with Marius, and Sulla was sent to treat with him. Sulla agreed that Bocchus should send envoys to Rome to arrange a peaceful association with the state for his own lands. With Marius’s approval envoys were sent and the Senate offered them an alliance on certain conditions. Bocchus requested that Sulla be sent to him to discuss peace terms, and Sulla warned him that mere promises would not be enough; he should hand over Jugurtha to them. Bocchus hesitated, and a peace conference was arranged between Sulla, Bocchus and Jugurtha, prior to which Bocchus could not make up his mind whether to accede to Sulla’s request to deliver up Jugurtha to him, or to Jugurtha’s request to capture Sulla and so exact favourable terms from the Senate! At the last moment Bocchus decided to side with Sulla; Jugurtha was taken prisoner whilst unarmed and delivered up to Marius and thence in chains to Rome, where Marius was re-elected consul and celebrated a triumph. The account of the Jugurthan War shows it to have been lengthy and eventful, even if at times rather confusing and repetitive. The forty-four illustrations concerning it are spread fairly evenly over the complete text. As with those illustrating the Catiline Conspiracy the subject of each is indicated by an introductory quotation from the Latin text which situates it precisely, and is often preceded by the word “Illec” (A cet endroiti). The first ten are also numbered in the margin («Premiere histoire », « ije histoire », « iije histoire », etc.)7 There are also other brief marginal notes alongside some of the later “histories”, clarifying or adding a point, or indicating the corresponding section in the Latin text. Porcher states that the manuscript is probably not in Le Bègue’s own hand because o f the errors o f transcription it contains, but that the marginalia indicate that it was nevertheless overseen by him (p. 13). The handwriting of the manuscript appears in any case to be hasty, and it is not the easiest early-fifteenth century hand to read. Taking advantage o f Sallust’s own stated intention to write on the Jugurthan War, Le Bègue’s first illustration is o f Sallust himself composing; but it is designed to be smaller and less detailed than the portrayal o f the writer in the frontispiece, with no reference to his former political and military status :

7 AJ1 twenty-two “histories” concerning the Catiline Conspiracy are numbered in the manuscript

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Première histoire. Illec : Bellum scripturus sum (§ 5.1) :8 soit fait ung homme a grant barbe, vestu d’un mantel fendu de deux costés, et un pulpite devant lui, sur lequel avra ung livre ou il fera semblant d’escrire (f° 46r°).

This rather brief description in comparison to that at the head of the Catiline Conspiracy tends to confirm that it is intended to introduce a sequel, as it does in the Geneva manuscript, in which the Jugurthan War follows the Catiline Conspiracy. The next nine illustrations are then concerned with the events prior to the war itself, in which Jugurtha, on the death o f his adoptive father, eliminates his two half-brothers and rivals for power. All nine o f these are fairly briefly described and relate mostly to one specific, key moment. Typical is the “ije histoire”, which illustrates Micipsa on his deathbed addressingjugurtha in the presence of his half-brothers : Illec : Parvum ego Jugurtha (§ 10.1) : soit fait ung roy couroné, gisant malade en son lit, et a senestre de lui sera ung homme abillez comme seigneur a qui ledit malade fera semblant de parler. Item : devant ledit roy corne au piez seront deux jeûnez enfens en abiz royaulx, et derrière eulx seront fais troys ou quatre escuiers ou serviteurs (fol. 46r°).

Prominence over his half-brothers is thus given to Jugurtha from the outset. Afterwards Le Bègue selects the meeting of Jugurtha and the brothers following Micipsa’s death to decide how to proceed (3), the murder o f Hiempsal (4), Adherbal’s address to the Senate (5), and then a mappemonde (6) showing how North Africa was to be divided up, prompted by the fact that at this juncture Sallust inserts a short diversion on the geography and peoples of the North African region. Le Bègue allows the illustrator some scope here by not being too prescriptive, provided that the territories given to Jugurtha and Adherbal are indicated : vjc histoire : In divisione orbis (§ 17.3) : soit faite et pourtraicte une mappe munde en la quelle on poura veoir comment par les legas des Romains fu divisé le royaume de Numidie entre Atherbal et Jugurta, et quele portion ung chascun d’eulx en ot (fol. 46v°).9

The seventh illustration compresses two moments into one. Sallust tells us that Jugurtha invaded and laid waste to Adherbal’s lands in order to provoke him, and that reluctantly Adherbal eventually decided to muster an army and fight him. The armies met near Cirta, where a surprise night assault caused Adherbal to flee and seek refuge in Cirta. These events are to be illustrated as follows : vije histoire : Postquam diviso regno (§ 20.1) : soient faitez villez et villagez et Jugurta le roy qui entrera ou pays de son here Atherbal, pillant, robant et ardent le pays, et le pillant et emmenent le bestal et tous aultres biens. E t après soit fait Atherbal qui(I) a peu de gens de cheval s’en fuit (fol. 46v°-47r°).

The actual combat before Cirta, therefore, which occasioned Adherbal’s flight, is not included in the proposed illustration. The attempted attack on Cirta is next illustrated

8 These numbers represent the traditional divisions o f Sallust’s text into sections and sub-sections as found in all Latin editions o f the work. 9 In fact the illustrator o f the Geneva MS takes the opportunity o f drawing a full, set-piece mappemonde, larger than any other illustration relating to the Jugurthan War. As a result Numidia and its divisions occupy only a small and not very clearly designated part !

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(8), followed by Adherbal’s representatives addressing the Senate for help (9), and Adherbal’s surrender and death (10). The next six illustrations (11-16) relate to the first phase of the war, with the ! unsuccessful campaigns o f Bestia, Albinus and his brother Aulus. The descriptions now become lengthier and more detailed. The first of these shows Jugurtha bribing Bestia to grant peace :

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Igitur rex (§ 29.5) : soit fait ung grant chastel ou quep] soit assiz en ung banc ou une chaiere le roy Jugurta, et aux costés de lui seront deux legas de Romme, tous en armes. E t ledit roy baillera la foy a l’ung desdiz legas qui sera au costé dextre en maniéré de paix et de abandonneront. E t au dehors dudit chastel seront elefans et aultre bestail que ledit roy pour paix faisant fera bailer a un questeur ou capitaine roumain acompaigné de plusieurs gens d’armes. E t soit adverti que en toutez histoires l’en face les Romains plus selon la maniéré d’Italie, et visages communs, mais le roy et ses gens du pays d’Auffidque seront moins blans et en habiz de Sarazins (fol. 47v°).

; The next illustration (12), in which Memmius addresses the Senate, moves beyond mere illustrative detail into explanation and a summary of the arguments : : ; ! : : :

Multa me dehortantur (§ 31.1) : soit fait le[s] sénateurs assiz come en aucunes histoires devant, et le greffier en bas a leurs piez. E t devant eulx soit fait G. Memmius, tribun du peuple, c’est que le prevost des marchans, parlant aux sénateurs, en leur remonstrant le gouvernement de ceulx qui avoient esté envoiez contre Jugurte le roy de Numidie, et le grant inconvenient qui s’en pouroit advenir se ledit Jugurte, qui s’estoit rendu aux legaz dessusdiz, n’estoit admené ad Rome ; tendant aussi a faire que L. Cassius, prêteur, fut envoié devers ledit Jugurte pour le admener a Romme. E t soit aussi fait grant foison peuple aveques ledit tribun a haches et bastons de guerre (fol. 47v°).

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Then come two illustrations in which Jugurtha is in Rome. In the first (13) he is before the Senate, in the second (14) his enemy Massiva is killed by hired assassins. This latter illustration is a clear example of décor simultané, as it portrays a sequence of events : the murder, the imprisonment o f the murderer, and Jugurtha’s expulsion from Rome :

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Bomilcar mature (§ 35.5) : soit fait ung noble homme a cheval soy en alant au palaiz de Romme, qui sera devant lui pourtraicte. E t en son chemin sera tué et murdri par ung compaignon qui n’avoit mie attendu ses compaignons, qui estoient en embusche après d’illec, la quelle embuuche sera figurée en un bois. Item : Comment ledit murtrier sera pris et mené en prison. Item : Jugurta le roy qui se partira de Romme, et comme il sera de hors sur son cheval corne en soy retournent sur son cheval, regardera Romme come par despit en retournent sa teste vers Romme (fol. 48r°).

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: The allusion in the last sentence to Jugurtha’s attitude on leaving Rome is a reference to ! the comment on the venality of the city that Sallust has him make : « Urbem venalem et mature perituram, si emptorem invenerit » (§ 35.10) (“Yonder is a city put up for sale, and its days are numbered if it finds a buyer”).10 Next, illustrations 15 and 16 show the siege of Suthul and the defeat of the Romans under Aulus, resulting in their being forced under the yoke. In the sixteenth there is again a sequence, as it shows the two

10 The translation is taken from the Penguin translation by S. A. Handford (Sallust, The Jugtrthan W ar / The Conspiracy of Catiline (H arm ondsworth: Penguin Books, 1963).

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armies, followed by a discussion between Aulus and Jugurtha, and then the passing under the yoke : « ...et si sera fait come une fourche, ou deux lances drecees et une par dessus au travers, par dessoubz la quelle fourche les Romains passeront come mis soubz le joug, ou en subjection du roy Jugurte » (fol. 48v°). It is interesting that this old Italian custom marking a humiliating submission is here also adopted, according to Sallust, byjugurtha’s Numidians.11 The next five illustrations cover the first phase of Metellus’s campaign. Illustration 17 shows the linking up o f Metellus’s fresh troops with those of Albinus, and we encounter the first marginal comment adding a precision to a particular point. The description for this illustration begins with these words : « soit fait un consul ou capitaine roumain nommé Metellus, qui a tout grant ost de Roumains et la bannière de l’Empire sera par mer et par navire descendu en Auffrique ... » (fol. 48v°). In the margin, explaining “la bannière de l’Empire”, is written « qui est de un aigle de sable en un champ d’or».12 After the eighteenth one, which shows Jugurtha unsuccessfully treating with the new general, numbers 19 to 21 depict the events of the first encounter between the opposing forces at the River Muthul, while in the twentieth there is again an element of narrative summary o f events as well as description. In this way a lengthy combat and its outcome are compressed into one tableau : Deinde repente signo (§ 50.3) : soit encores faite ladite montaigne et la riviere come en histoire precedent[e], et comment host du roy Jugurte estoit embuschié ou boscage par devant lequel host de Metellus sera descendu de la montaigne en la plaine ; et le roy Jugurte, veant que les Roumains estoient oultre son embûche, ira a tout une partie de son ost occuper la montaigne par ou les Roumains estoyent descendus, afin qu’ilz ne se puissent illec retraire a surté. E t quant une partie des Roumains sera passée oultre hembusche, ceulx du boquet descendront et ferront en guerre les Roumains ; et sera la ba(i)taille grosse, et m oût de mors d’un costé et d’aultre, mais chascune partie pour la nuit se retraira (fol. 49r°-v°).

A further six illustrations (22-27) appear for the next phase of Metellus’s campaign, which includes the siege o f Zama, Metellus’s efforts to get Bomilcar to persuade Jugurtha to surrender, the revolt against the Romans at Vaga, and the execution of Bomilcar for suspected treachery. Le Bègue selects moments which are full of action, with each illustration implying more than one tableau. Typical is the revolt at Vaga (25) : Item illec : Romani milites (§ 67.1) : soit faite une cité nommeje] Vacte en la quelle avra pluseurs lieulx ou maisons es quellez les habitants de la ville avront appellé a disner avec eulx plusseurs chevaliers romains de la garnison, qui illec estoient. E t comment lesdiz Roumains assiz a disner les serviteurs leurs hostes, qui les avoient appeliez pour festoier, les tuerent trestoulz. E t semblement en la ville le peuple tua tous les Roumains qu’i estoient et gettoient feu, pierres et aultres choses ; et n ’y en demoura nul qui mort ne fust

11 The most famous occasion of passing under the yoke is found in Livy XTV, when the Samnites inflicted the humiliation on the defeated Romans at the Caudine Forks in 321 B.C. 12 The design, if not the colour, is reproduced in the Geneva MS. Various brief marginal comments occur also alongside illustrations 18,19, 22, 23, 24, 26, 28, 29, 31, 32, 33, 44 and 45. Several of them refer again to the “banniere”.

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excepto Turpilius le prefect ou capitaine, qui sera fait et pourtrait soy enfuyant par une porte de la ville (foL 50r°-v°).

The last of these (27), describing the events leading to Bomilcar’s death, also contains an element o f narrative summary, as in other illustrations already mentioned. The final phase of Metellus’s campaigns, including the capture o f Thala and Jugurtha’s alliance ■with King Bocchus and occupation o f Cirta, is covered by a further four illustrations (28-31). Among these the most interesting (30) depicts a story in one of Sallust’s narrative diversions. It concerns the establishment o f a disputed border between the inhabitants o f Carthage and Cyrene by the two Philaeni brothers sent from Carthage. Le Bègue’s lengthy account shows that he shares Sallust’s love o f telling a good story, while at the same time the detail is presumably intended to help an illustrator, who might be unfamiliar with the story : Sed quoniam in has regiones (§ 79.1) : soient faites deux cités, c’est assavoir l’une au dessus nommee Cirene, et l’autre embas nommee Cartage. Item : grant foisson de gens d’armes d’un costé et d’aultre entre les deux cités, qui se seront combattis ensemble pour ce [que] chacune cité vouloit estendre son territoire tant come elle pouet ; car il n ’y avoit ne riviere ne montaigne entre les deux terrictoires, mais estoit le païs tout sablonneux et plain païs. E t come ou milieu de la place de l’istoire seront aucuns mort en la place, mais tous les aultres se seront retrais en leurs cités come dit est. Item : soyent faiz deux freres nommés Phillenes, qui seront pour une convenence partis de Cartage, et deux aultres parriz de Cirene ; et venront le droit chemin les uns contre les aultres sans armes, mais les deux de Cartage seront plus avant que la moitié de k pkce, et les deux de Cirene ne seront pas si avant O r estoit k convenance tele que les deux de chacune ville partiroient a un jour et a une heure pour venir les uns contre les aultres, et ou lieu ou ilz se rencontreroient seroient mises les bournes de leurs terrictoires. E t pour ce que les deux de Cartage estoient venus bien avant plus que les deux de Cirene, ces deux de Cirene vindrent accuser les deux de Cartage que ilz se estoient parriz avant l’eure ordonnée. E t pour ce que ilz ne se porent accorder fu faite une aultre convenance, c’est assavoir que Les bournes se mettraient k ou les uns ou les aultres vouldroient, maiz ceulx qui choisiraient le lieu seroient illec enfoiz touz vifs en signe de ce. Si choisirent les deux freres de Cartage le lieu ou seraient les bournes, et souffrirent estre illec enfoiz tous vifs par les deux de Cirene. E t pour ce seront faiz en l’istoire oultre le milieu de k pkce vers le costé d’amont deux hommes enfoys tous (tous) vifs, dont ne parra que les testes, et ne seront mie en une fosse, mais en deux séparément E t dessus eulx seront faiz deux autelz comme pour chanter messe tellement que en vera les testes par dessous les dis autelz (fol. 51v°-52v°).

Sallust provides more details than Le Bègue relates here, but the essential elements are included. The next point worthy of note occurs in respect of the thirty-first illustration, concerned with the meeting between Jugurtha and “le roy Boccus de Morienne”. Alongside it there is a marginal note which insists that « soit cy adverti que doresenavant le roy Boccus de Morianne et tous ses gens soient figurés tous noirs comme Mores » (fol. 52v°), showing that although Le Bègue does not normally indicate the colours to be used, he at least intended a differentiation between these two armies, as he did in the eleventh “histoire” between the Romans and « le roy et ses gens du pays d’Aufftique » (quoted above).

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The remaining illustrations (32-44) cover Marius’s campaigns and finally the betrayal and capture of Jugurtha. In this sequence there occurs an error of attribution, which in effect turns what should have been instructions for two illustrations into a single one. The thirty-fourth illustration begins : « Ceterum opidum : Item : illec soit fait un grant chastel sur une roche nommee Capsa et le païs d’environ tout sablonneux, plain de serpens, sans eaues ne fontaines ... » (fol. 53r°). In fact this description really belongs to the Latin text a litde before this, which begins « E r a t... opidum » (§ 89.4). Immediately following this description is written the one that correcdy relates to the text at Ceterum opidum (§ 91.6) : Ceterum opidum : Item : illec soit fait ledit chastel ou quel [seront] les Roumains et le consul Marius, et tueront tous les hommes qui estoient d’age de porter armes, et tous les aultres hommes, fames et enfans firent prisonniers et les vendirent, et si boutèrent le feu au chastel (fol. 53v°).13

Stricdy speaking, therefore, Le Bègue conceived forty-five, not forty-four illustrations for the Jugurthan text. O f the rest o f the illustrations, 35 to 39 are concerned with battles, and 40 to 42 with negotiations involving Bocchus or his envoys. Here again narrative summary sometimes amplifies pure description (especially in 36). After Jugurtha is ambushed and arrested in the forty-third, the final illustration describes Marius’s triumph : Item : en la fin soyt fait le consul Marius couronné de laurier en un char a quatre chevaulx blancs, et devant le char seront a pié le roy Jugurte et ses deux enffans liez de chaennes de fer come prisonniers, les mains derrière le dos. Derrière le char seront les gens d’armes a pié et cheval de l’ost Marius, et devant le char aussi seront plusieurs trompettes et la bannière de Romme Item : soit faitte devant eulx la cité de Romme, de la quelle toute maniéré de gens istront pour venir au devant du consul faizanz grant joie (fol. 55v°).

Beneath this final description comes the closing statement : « Cy finent les histoires de Saluste in Jugurtino ». The illustrations for the Jugurthan War are fairly evenly spread over Sallust’s text and are intended to highlight a range o f significant moments, mostly battles, sieges or meetings and discussions. As with the Catiline Conspiracy it is the sheer number of proposed illustrations of key moments that could lead one to speculate whether a tapestry could also be made from the recommendations as a form of bande dessinée. Be that as it may, it is to be hoped that the illustrations selected here for discussion show that Le Bègue shared Sallust’s taste for dramatic and eventful narrative, and that often he attempted to cram a sequence of events, such as a battle or siege and its outcome, into one tableau. Moreover Le Bègue’s enthusiasm for the narrative comes across in his care to explain a context. His recommendations are precise, yet leave some room for individual interpretation and adaptation. To quote again from the eleventh “histoire”, the phrases « en ung banc ou une chaiere », « et aultre bestail », and

13 In the Geneva MS the illustration occurs immediately before Ceterum opidum, but illustrates only the recommendations found in the first part o f the description, i.e. those relating to the text at Erat... opidum.

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« plusieurs gens d’armes » are examples o f this flexibility.14 A further article should now examine whether within this limited scope the illustrations of the Geneva manuscript follow Le Bègue’s recommendations closely, or are adapted more freely to illustrative norms or simply the space provided for them. Sallust’s interest in the Jugurthan War clearly stems in part from his experience as governor of the province, but his history o f it also says something about the politics of Rome and its relationship with overseas territories. Despite the ultimate military victory Rome does not come out o f the conflict well. Sallust shows on the one hand the alleged corruption of the nobles, i.e. the Senate, in their willingness to accept bribes, and on the other the triumph o f Marius, a man o f the people, and something of a hero in his eyes, sharing with him a rise from humble beginnings to eminence. He presents, in fact, a picture of Rome in which events are influenced by a form of class struggle. He is, of course, telling a story, so what he says is not always historically accurate, and he dramatizes by the insertion of invented speeches ; but as with the Catiline Conspiracy, the telling o f the tale has moral lessons to impart. Both the Catiline Conspiracy and the Jugurthan War are also about power : Jugurtha killed his two half-brothers in pursuit of it and took on the might o f Rome, confident that he could bribe his way to success, and there is perhaps some sympathy for him to the extent that he is trying to wrest his country from a colonizing power. Marius, too, is hungry for power and recognition, the classic drive of an ambitious man from the lower orders. Ambition, squabbling, hatreds, and jealousy, together with the susceptibility of members o f government to accept bribes are by no means confined to ancient Rome, so that mutatis mutandis there can be lessons in such a story for rulers and administrators in any age. Jean Le Bègue himself was involved in public administration, as were his father and grandfather before him, and one wonders how far his love of Sallust and his desire to see his works made more immediate by ample illustration were influenced by a feeling that the Jugurthan War, like the Catiline Conspiracy, could speak usefully to his own troubled times?

14 The phrase « a un questeur ou capitaine roumain» does not, I think, represent an alternative but an explanation o f the word “questeur’’.

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Claude de Seyssel’s Monarchie de France and France’s Future Martin Gosman

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Although ideology as a coherent system of political and philosophical concepts, understood and accepted by social key-groups, does not yet exist in the early sixteenth century,* 1 propaganda,2 in order to be effective, has to imply the existence of a perfect and morally invincible system. Since every propagandist will trumpet forth the excellence of the prince, the perception of time inevitably has to change : the past belongs to the dead prince and the present to the living one. This, of course, is a truism, but an essential one : every member of the community has to admit that the prince’s present is the best of times.3 There is, however, a problem. The past is not only a series of by-gone perfections, it is also a model which cannot be ignored. Since it is unwise and even dangerous to criticize the dynasty or the nation that produced the excellent ruler who is taking care of the nation’s present, all 15th and 16th century propagandists are aware of the necessity to distort the message of history. The consequences of this complication are particularly visible in Claude de Seyssel’s Monarchic de France (1519) (Monarchic) which will be the focus of attention in this paper.4 Before discussing this text, it is not without interest to note that the concepts used by the propagandists, panegyrists and moralists of late medieval and early modern times are imprecise. The exact meaning of terms like civitas, regnum, universitas, dominium, provincia, ducatus ou communitas regni is difficult to establish. Political theory is not a science in the modern sense of the word but a collection of arguments taken from universitarian discussions on ethica, theologia and philosophia,5 However, the arguments referring to the allegedly perfect system seem to have been understood by the persons who used them.6 In the first decades of the 16th century society’s imperfections continue to be judged with the help of emotional, theological and above all moral criteria. The point of view adopted by Erasmus is representative here : according to the famous

| 1See Kelley 1983. On the semantic aspects of the term, see Grieder 1992, pp. 17-30. I 2 For the difficult notion of “propaganda” in the Middle Ages and early Modem Times see the studies in | Hruza 2002. 3 See Gosman 1999. | 4 All references are taken from the edition by Poujol 1961. For Seyssel’s ideas, see also Hexter 1973. | 5 Cf. Colemanl996. ! 6 For the notion of “State” in 1d^-century French political argumentation, see Iioyd 1983, pp. 146-68 ; j j Collinsl995, pp. 1-27.

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humanist only morally sound attitudes can solve man’s problems. Other authors, however, prefer a more factual or technical approach to the problems involved. [ Machiavelli, for instance, sees opportunistic casuistry (every situation is to be judged ad hoc) as the only political means possible. In the Monarchie Claude de Seyssel, on the contrary, opts for a moderate conservatism based on “institutionalized” . guarantees. In doing so the bishop of Marseille situates himself between the ethical approach of Erasmus and the pragmatism of Machiavelli. This very fact confronts the modem scholar with a problem : in the modem j nation state the traditional theological and philosophical interpretations of man’s place in sublunar society have to yield to pragmatic, particularist and non-religious laws which focus only on the relationship between the ruler and the ruled. Without entering into details, it is useful to note that the overall trend in late 15th- and early lô^-century politics is characterised by the four following main ideas : 1) Power is no longer a purely divine matter with which the ruler has been entrusted, but it is interpreted as the ruler’s exclusive prerogative (be it with God’s permission).7 2) This “technical” relationship between the ruler and his potestas is rapidly transformed into an abstract, unlimited sovereignty which, in the end, will provoke a separation between the ruler and the other inhabitants of the realm, who, from a legalistic point of view, are now the ruler’s subject,i 3) Although the ruler claims sovereignty, he has to take into account what can be qualified, albeit with the necessary circumspection, as “public opinion”. 4) Both the ruler and his subjects look upon their nation as a sociopolitical entity characterised by a unique perfection.

Not all dominant political ideas from the fifteenth and early sixteenth century are in themselves novel, as some examples may illustrate. The very acknow­ ledgement by Innocentius III in his decretal Per Venerabilem (1202) of a certain independence of the French king vis-à-vis the Holy See already admits some kind of “French” particularism. Philip IV the Fair’s behaviour, in 1302, towards Boniface VIII is a clear manifestation of “monarchical” tendencies exploiting French own interests. The same remark has to be made about Charles VII’s Pragmatique Sanction (1438). Although all French kings try to reduce the influence of the Church and to manipulate the nation’s institutions, their policy is always conditioned by the nation’s lois fondamentales. For as sooner as royal authority tries to introduce a “novelty”, it faces opposition from the members of the three ordines. New measures or regulations are only accepted when and if they are presented, and interpreted (!), as improvements or corrections to restore a lost perfection or a lost happiness. But it is not always clear what perfection the theorists are talking about and whose happiness is at stake Good propaganda suggests that the nation’s present is better than its own past. 7 Grotius (1583-1645) will daim that sovereignty is a thing of which the ruler is the exclusive owner. See Mairet 1978, pp. 124-31. 8 Cf. Burke 1988, p. 259. 9The pope never intended to give up the idea of papal pknitudo potestatis. See Olivier-Martin 1948, p. 206 ; Pietri & Venard 1971, p. 35 ; Tierney 1997.

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It is precisely for this reason that the crown and its propagandists aim at a complete reappraisal of the existing mechanisms and institutions : the old universalist order as defended by the Church is supposed to belong to the past, the new particularist one of the nation state is hailed as the result of efforts qualified as more adequate as well as unique. It goes without saying (hat this urge for political excellence cannot but transform time into a purely “national” matter since every natio is supposed to have a specific present as well as a unique past, even a “national character”. When, in 1506, Thomas Bricot, the spokesman of the assemblée de notables, asks Louis XII to give his daughter Claude to Francis of Angouleme, who is a français, he evokes a characteristic “Frenchness” which Charles of Luxembourg (the future emperor Charles V) who is Claude’s fiancé, does not possess. Whatever the perception of the concept natio may be, official propaganda does not cease to stress that a new society is bom (etymologically natio refers to a birth). The consequences of this thought are twofold. In the first place the prince - and through him the polysystem he rules - is presented as superior ; in the second place his activities cannot but be of advantage to the present society. As was said above, the past is seen as a “model”. This typical phenomenon, which one also detects in the Monarchie, has a rather curious side-effect : the past is considered an instrument with which the nation can prove not only its own specificity but also ignore its debt to Roman, that is to say imperial as well as papal influence. Historical “continuity” becomes a strictly “national” matter. This becomes clear in, for instance, Ronsard’s Frantiade which is meant to replace Virgil’s Eneid and to create a direct link between Troy and Paris (and thus ignore Rome’s historical role) : Francus never was in Italy. The traditional gratia Dei motivation of power does not lose strength in societies where the ruler strives for monarchical superiority, but it no longer suffices. Rulers in late medieval and early modern society want to lay down all the aspects of their relationship with their subjects in a set of codes. Since theology only provides soteriological and moral motivations of power and authority but disregards both their technical and administrative aspects, legalistic reasoning replaces the traditional holistic perception of man’s microcosm. Classical, preferably Roman, republican or imperial material thus acquires renewed attention, allowing the rulers and their legists to dismiss the role of the Church. Why stress the excellence of the (Roman and/or ecclesiastical) past if it is clear to everyone that the prince’s hic et nunc is insuperable, and that the polysystem he controls is likewise the best ? Even if it is incorrect to state that people in the period concerned have become authentically optimistic, the fact remains that many sixteenth-century theorists like to believe that it is possible to adapt society to man’s needs. The dream of the feasibility of a more adequate sociopolitical environment, which will be actualised in many utopian treatises, is the main reason why “historical” elements exploited in official propaganda are being stripped of their tropological capacities, and are interpreted as 11 Sometimes propaganda distorts reality. In his Réplique aux faneuses Dejffences de Louis Meigret (1556), Guillaume des Autelz even pretends that French does not derive from Latin but that Latin stems from French ! Cf Dubois 1972, pp. 100-01,126-29. 12 Bauer & Matis 1988, pp. 172-73 ; 192, 263.

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strictly typological phenomena. The perception of the past in early modem Europe has an essentially political ring: Presenting the actual ruler’s reign as the best cannot but suggest the lesser perfection of former periods or the inferiority of other, contemporary polysystems. It is here that “nationalism” steps into the limelight. However, the assumed perfection never concerns the way in which the specific legalistic, administrative, fiscal or military institutions of a given nation function, but only refers to the latter’s normative system which, although considered typical, is never analysed. There are two reasons for this : first, as has been said, there is as yet no real political science : the perfect system simply is, and it functions on the basis of a collection of ideas which, when taken together, can be considered as an ideology in the modern sense of the word. Second, every analysis of managerial problems and/or qualities might generate undesirable ad hominem appreciations, and rulers do not want their personal qualities to be discussed, since those qualities simply are excellent. The legacy of by­ gone times is exploited for political purposes, never for its specificity (the past’s “pastness” has lost its interest); the past is just a set of abstract icons which are never described. In Seyssel’s time the past is stripped of its soteriological inheritance. Nevert­ heless, it remains an important source of icons of moral and/or political (im)perfection as well as historical facts which are exploited in a haphazard way by late medieval and early modem propagandists who treat historical facts as well as legendary and/ or mythical details as if they were on a par. There is no question of a historical scepticism like in the eighteenth century, according to which the adage quod non est in actis, non est in mundo makes the past’s rejection empirically non verifiable. In the eyes of early modern scholars anything is acceptable as long as it serves its purpose. More’s Utopia is a clear example of this typical disposition : in essence a hodgepodge of classical and medieval legendary material, its political thesis focuses on contemporary social and political problems. A prolific writer like Jean Lemaire de Beiges is even more versatile : compelled to satisfy the demands of his many patrons, he exploits anything he stumbles on and happily combines historical facts, “national” history, “Roman” traditions and mythology and even theology. His predecessors had done the same, and so will his contemporaries. The mixed “government” moderated by Religion, Justice and Polity (Police), which function as bridles (freins or retenails) as proposed in the Monarchie, dedicated to Francis I in 1519, is a perfect illustration of the attitude described above. Seyssel’s text not only owes much to classical treatises about the way society ought to be organised but also to medieval ideas about how the French monarchical structure 13 This is a well-known medieval practice. In his Histoire du bon roy Alexandre, J ean Wauquelin refers to the “iconic” use of historical types. Speaking about those models, he notes : «... comme on diroit de Charlemaine qui fa le plus vaillans des rois de France, de Julius César ... Il n’est besoing de dire leur tide, car tantost que on en ot parler, on sçet bien que ce veult ester » (Paris, BnF, ms fonds français, 9342, fol. 220v). Wauquelin’s text is now available in the edition Hériché. When Machiavelli {II Principe, chapter 18) advises the rulers of his time to play either the lion or the fox, or when Joachim Du Bellay says that France needs his own Cicero, people seem to understand what the two authors anticipate. 14 Im Hof 1993, p. 224.

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must function. To that end the people in the king’s service have to comply with the ruler’s policy which favours Roman concepts like 1) quod prinripi placuit legis habet vigorem, 2) imperator in regno suo, 3) legibus solutus, 4) fans legis and many others. One would expect Seyssel, who, notwithstanding his status as bishop of Marseille, is a fervent defender of the French monarchy, to base his works on the afore­ mentioned ideas in order to promote the sovereignty claimed by his masters. In fact Claude wavers, for, on the one hand, we see him actively involved in diplomacy proving himself a “fonctionnaire” , on the other hand, the bishop succeeds in keeping a certain distance not only from his master’s ideas but also from opinions about the French monarchy as formulated by others. The Monarchie is a curious text, since Seyssel’s nationalistic and monarchical attitude does not turn into an exclusive adulation of the ruler who incarnates the system —here his ideas diverge from the ones defended by his colleagues —but concentrates on the sociopolitical system, that corps mystique, which the king is supposed to represent. According to Seyssel the king must be convinced of the functionality of the “bridles” which will provide France with institutions that guarantee everlasting happiness. Even if this conclusion has a definite “institutional” ring, one should not forget that Seyssel leaves it up to the king to decide whether he accepts the bridles or not. In doing so, Claude is, de facto, accepting the well-known legibus solutus concept. However, whether accepted or not by the prince, the bridles are the only keys to sociopolitical harmony, and since those bridles have been effective in earlier centuries, the past, as evoked by Seyssel, can only have useful didactic possibilities. The age-old moralism is turned into a political pragmatism. Seyssel is not only a realist, he is also a loyal defender of the monarchy : « ... encores est la Monarchie la plus tolérable et la plus convenable, à tout prendre » (p. 79). Since France’s kings have always lived by good laws and have recognised the validity of the nation’s traditions and customs, the country has always been free of tyranny. It will be clear that this is the opinion of a man who knows what propaganda can do, and must do. Although our bishop acknowledges the fact that sociopolitical structures are ontologically cyclical, he too prefers to ignore the possibility that, one day, his France may change ; it is not this kind of doom-mongering that occupies his mind, for Claude’s views are essentially positivistic. The well-known downward spiral, which has already destroyed many glorious powerstructures, can be neutralised, and even reversed, if the monarch accepts his potestas to be “bridled” ; by religious, juridical and administrative freins. If the monarch complies, France will be a happy country. 15 Poujol 1961, p. 17. For Seyssel’s other scholarly activities, see ibid., pp. 19-28 as well as Lewin, 1933, pp. 6-24. 16 Poujol 1961, p. 16. One of Claude’s tasks was to explain to the king of England Louis XII’s decision to annul the engagement of his daughter Claude to Charles of Luxembourg and to marry her to Francis of Angoulême (the future Francis I). See « La proposition et harengue translatée de latin en françois par Messire Claude de Scessel conseillier et ambassadeur du roy trescrestien Loys douzième de ce nom au roy d’Angleterre Henry septiesme de ce nom pour le mariage de Madame Claude de France. Avecques monsieur le duc de Valois » (Paris, BnF res LGb-11, pp. 81-82). 17 Poujol 1961, p. 108.

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Those freins (“bridles”) are the 'Etats. In itself the term is confusing, since it does not refer to the nation’s three ordines (clergy, nobility and third estate) which are represented in the Estates (provincial, regional or general). In Seyssel’s terminology the Etats are abstract notions functioning as safety valves which will prevent both royal abuse of power and rebellious behaviour by the people. If, for instance, the nobles are tempted to overstep the mark, then Justice, one of the Etats, will prevent the nobles’ action. It is interesting to note that Claude does not mention the three Estates of the realm ; his silence is not surprising : as a loyal servant of the crown he confirms standard royal policy to consult the nation’s voice as litde as possible. Seyssel’s ideal state is basically a government machinery, manned by officers of the crown or by people who belong to what Claude calls the moyen Etat or the Peuple Gras (p. 123). It is they who make the judicial, fiscal and administrative wheels of society turn. The lower classes, the Peuple Menu, occupy themselves with the more humble activities. According to the bishop all social categories coexist peacefully and keep each other in balance. If they fail to do so, the bridles will correct any misbehaviour. Seyssel is not an institutionalist in the modem sense of the word. In his Monarchie he does not describe the wheels of state themselves nor the way in which they turn or should turn. Had he attempted to do so, he would have faced the task of analysing and describing a hopelessly chaotic judicial system in which written (Roman) law and written customary law, doubled by feudal seignorial justice, happily coexisted, not to mention France’s ecclesiastical, fiscal and administrative establishments, which were subject to constant changes and reshufflings. The division of the kingdom in sénéchaussées or haillages (and later on : gouvernements) only produces an illusion of administrative order. Small wonder that our author’s image of France’s three-tiered organisational structure ignores even the possibility of divisions ; for him, the past is always perfect as well as monolithic. If duly main­ tained and respected, the bridles would safeguard the nation against religious errors, injustice and abuses of power, and for this reason they must be accepted by the ruler. Both the conservatism and pragmatism are evident here. At first sight Seyssel’s ideas seem to be very conservative, but in reality they are not. His concern with France’s perpetual presence makes him exploit systematically the combination conserver et accroître (p. 66), since immobilism will be fatal to the country. For this reason he not only advocates the creation of new nobles in order to replace vanished noble dynasties and to give at least some hope to those who wish to climb the social ladder, but he also accepts territorial expansion, because military expeditions are excellent safety valves and perfect economic stimuli. The 18 Pietri & Venard 1971, p. 44. Interesting is a formula attributed to pope Julius II in Erasmus’s Julius Exclusus which the Dutchman is supposed to have published shortly after Julius’s death in 1513 : just like the popes detest councils, monarchs dislike assemblies of honorable men since the presence of such excellent people takes the shine out of royal dignity. See Margolin 1973, pp. 48-103. 19 Poujol 1961, pp. 123-24. 20 The Paris region alone numbered more than 300 courts of high justice. In other regions the tendency was also essentially centrifugal. Cf. Baumgartner, 1995, pp. 73-86 ; Barbiche 1999, pp. 47-56 and 335-55. See also lioyd 1983, pp. 24-26. 21 Poujol 1961, pp. 100,125.

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quintessence of his approach - and in the Monarchie tradition is never far B is a redefinition of that royal utilitas so frequently applauded in the Middle Ages, albeit with very pragmatic adjustments, since in the final analysis only results count. France’s own historicised and slightly romanticised past provides the normative system par excellence which the results are supposed to recall. Even if the bishop has not been able to impose his ideas (as a matter of fact they will be practically without any impact whatsoever), he is one of the first theorists to think in terms of powerstructures which are to keep each other in balance. To this end, Seyssel happily distorts the examples from the past. Speaking, for instance, about the dissensions in the Roman republic after the expulsion of the kings, he states that those troubles are to be seen as consequences of the Republic’s political structure : people accept more easily being subjected to an individual prince than to a multitude of others, whom they consider as their equals. Situations like these generate opportunistic behaviour in individuals pursuing their own profit rather than the general good. For this reason raison divine et humaine, naturelk et politique teaches man that society needs a single ruler ; the best example our bishop is able to adduce is, of course, France’s own situation : its past proves that it has always been better off being ruled by a monarch. In referring to raison divine et humaine Seyssel draws a political conclusion from rather feeble arguments : his discussion on hereditary or elective kingship is a perfect illustration of his poor reasoning. Seyssel claims that precisely because France’s crowned head is confronted with the above-mentioned bridles and accepts them, the nation’s system is essentially good and will last, since the dignité et autorité royale en son entier ... [is] non pas totalement absolue, ni aussi restreinte par trop ... [but will be] réfrénée par bonnes lois, ordonnances et coutumes, lesquelles sont établies de telle sorte qu’à peine se peuvent rompre et annihiler.

This perception of royal authority is diametrically opposed to the absolutist tendencies of sixteenth-century French monarchs, because in the above quoted passage the bishop seems to reject the legihus solutus concept (cf. non pas totalement absolue ...). Here again, one is confronted with the essential ambiguity of Claude’s text, because the king cannot be obliged to accept the bridles. If we are to attach credence to Seyssel’s sayings, French kings have always been subjected to the Justice distributive ; this statement can only imply that the type of king the bishop prefers is a ruler whose prerogatives are limited by bonnes lois, ordonnances et coutumes, and that he is not in favour of a system in which the monarchical prince is responsible only to himself. That, of course, is what French kings always claim and pursue (with the 22 Cf. Peters 1970, passim. 23 For Seyssel’s influence on the work of Claude Joly who is also much in favour of a bridled monarchy, and even, albeit negatively, on Jean Bodin, who rejects all limitations of the sovereignty of the king, see Poujol 1961, pp. 47-53. 24 Like so many theorists in the period discussed, the bishop is rehashing Plato’s ideas about the ideal society. See Baccou 1966, paragraphs 445, 488 and 553. For Machiavelli’s discussion of Plato’s conceptions, see Rinaldi 1999, vol. 1, pp. 143-51. 25 Ibid., p. 115.

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restriction that they respect divine law as well as the nation’s bisfondamentales). The combination of bonnes bis, ordonnances et coutumes in the above mentioned quotation is curious, albeit in conformity with contemporary reality. It not only postulates a formal equivalence but also, and this is a problem which escapes our bishop, the possibility of serious controversies : the bonnes bis will never be able to guarantee justice, because the ordonnances and coutumes play their part as well. Moreover, laws (Jois) can be old ones, or even new ones promulgated by the king. But ordonnances and coutumes are different : the first are measures taken by the crown and concern all the king’s subjects ; the coutumes, on the contrary, only concern parts of the nation. Although Claude fails to see the possible tensions, which might arise from the incongruities between the three sources of law (he “petrifies” even his own system), he does admit that some of the elements might need correction. And it is the king who can « corriger et annuler celles [the laws] qui ne sont utiles ou assez accomplies, et en faire de nouvelles s’il est expédient ... ». In making this statement Seyssel admits that the ruler is fans legs, and he seems to accept that the king can do as he pleases, on the express condition, however, that he be morally good and wise. A second point showing the basic ambivalence of the Monarchie is Claude’s remark that politically useful or sensitive information should go through the right channels and that decisions are to be taken by society’s saniorpars. It goes without saying that the advice of the socially inferior, « desquels bien souvent les opinions ne sont pas les plus sûres », is not to be taken seriously. This is traditional. When discussing the people who should be on the different councils, Claude’s statements are rather surprising, since in his eyes expertise outranks status. The king’s counsellors must be sages et expérimentés and they must show « bon zèle au Bien public du Roi et du royaume ». In view of the frequent attacks on the nobility who are considered arrogant, incompetent and prodigal, Seyssel’s statements are not so surprising. As was said above, Claude’s perception of France as superior to other nations is completely in line with French traditional propaganda. Although not essentially disloyal to Rome, the bishop shows himself a loyal supporter of age-old Gallicanism. According to Seyssel, France’s leading role in religious affairs is unchallenged, and Paris is the only place where the orthodoxy of theological studies is guaranteed. Of course, this role is hardly surprising since the subjects of the fille aînée de lULglise were among the first to embrace Christianity, and they had kept it « sans jamais nourrir aucun monstre d’hérésie, ainsi que saint Jérôme le témoigne ». 26 Cf. encores qu’il sepuisseplier (Poujol 1961, p. 118). 27 Poujol 1961, p. 130. 28 These ideas recur again and again. Cf. « fors que le Roi et Monarque soit bon and ... si cela pouvoit toujours rencontrer que le Chef et monarque eût le sens, l’expérience et la prudence accompagnées du bon vouloir, and ... faut descendre à plus spéciale et plus particulière déclaration et instruction, et donner enseignements particuliers ... ainsi fit jadis Aristote au roi Alexandre » (Poujol 1961, pp. 130-31). 25 Poujol 1961, p. 134. 30 For this, see the article « conseils du roi » in Bély, 1996, pp. 320-25 ; Barbiche 1999, pp. 279- 310. 31 Poujol 1961, pp. 115, 117. Seyssel is referring to Cesar’s De Bello Galileo (vi, 13.9) where the Roman conqueror, speaking of the druids, says «... magnoque hi sunt apud eos honore » (Cf. Schonberger 1990). For

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Even if the Monarchie makes special mention of France’s role in the struggle against heresy and paganism, there is no reference whatsoever in the text to the country’s own complicated religious past which does not ignore heresy. Claude is not only a moralist, he is also a “Realpolitiker” who adapts his sayings to the needs of propaganda. This particular aspect of his philosophising makes itself manifest in the discussion of the relationship between religion and politics. If ever, says Claude, the kings « ne fussent d’eux-mêmes assez enclins et dédiés à la dévotion et crainte de Dieu », they must nevertheless act like good Christians, since good people have a natural inclination to obey their Christain (!) prince (pp. 127,130). The Monarchie is not an easy text to interpret, since its author is not consistent in his thought. On the one hand his perception of royal authority is essentially monarchical (the king stands above all parties), a position which seems to be in line with the evolution in political theorising ; but on the other hand, he underlines the traditional aspects of medieval kingship owing its specificity from the support the king obtains from the three ordines which, from time to time (if the king wants it !), gather in the Estates (provincial, regional or general). It has to be noted that as far as their status is concerned, the Estates are only allowed to vote subsidies, to offer the king their cahier de doléances, and to present him their remontrances. The monarch himself is under no obligation whatsoever vis-à-vis the delegates of the Estates, since that would make him dependant on his subjects. Yet consensus is the key to sociopolitical happiness, even though the term is to be taken here in the sense of “consultation” and not in that of “consent”, since subjects cannot impose anything on a ruler gratia Dei. It is for this reason that Seyssel asks the king to respect the nation’s traditions as embodied by the abstract freins (or retenails). If the king complies, France will be in harmony, forever. If ever France’s laws need to be changed, the king will be free to do so, since he is fins le&s ; of course, such changes will concern the whole of the realm, since the king’s potestas and auctoritas are recognized and accepted by all subjects. The bishop does not say whether the changes introduced need the consent of those who represent the bridles ; taken into account that the monarch is quite at liberty to ignore the opinion of his subjects, it seems that new laws can be promulgated without any consent whatsoever. It is evident that this paradoxical approach implies the risk of an attack on the “bridles”. There are many other contradictions for which Seyssel’s rather confused perception of bygone times is to be held responsible. Although the past, as perceived and used in the Monarchie, is still mapfstra vitae, it is not independent ; in reconstructing and reshaping the nation’s past, the bishop transforms it into a collection of useful precedents proving France’s excellence. Even if he is not thinking in utopian terms (his “France” definitely is on the map, and Utopia is not), Claude’s technical approach to what he considers a perfect society has “utopian” aspects. The Monarchie, however, does not describe a final situation like the one in Hieronymus see Contra Vigilanüum admonitio (PL XXIII, 339A): « triformem Geryonem Hispaniaeprodiderunt. Sola Gallia monstra non habuit, sed tins semperfortibus et eloquentissimis abundavit». Seyssel’s manipulation of the text is evident. 32 See, among others, Krynen 1993, pp. 384-414; Jouanna 1998, especially pp. 23-31.

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More’s Utopia. It evokes a virtual model, which the nation “France” (read : the king) would do wise to accept. If we take into account the inevitable propagandistic pretension that the prince’s present is always the best there is, it is paradoxical to note that in the Monarchie the present itself is not good enough : the perfection proposed lies in a future which has to revitalize the religious, judicial and administrative achievements of the past. If duly formalised, those achievements are the safeguards France needs if she wants to escape the threat of the cyclical movement which history imposes on all human enterprises. All this reasoning might suggest that our bishop is an institutionalist after all ; and yet, in the period discussed there are no decently functioning administrative apparatuses with clear-cut missions which the nation’s subjects might easily recognise. Our author recommends the respect of ancient, mostly medieval French traditions, and here he “petrifies” the past into what might be considered a collection offreins which, if duly respected, will guarantee an eternal “Frenchness”. Seyssel’s text has practically been without any impact at all, and in itself this is not really surprising. One cannot propose an institution (or a set of institutions) to a prince who strives for a total identification of his perfect persona with the perfect institutio. Renaissance kings must reject even the possibility that their regime is not insuperable, since that would be admitting their own imperfection. That is the only reality they can see : the future is really too far away. The message which the Monarchie points out to the king is that if France wants to last forever, she must reconsider, “rehabilitate” her past. She should not consider —and this really is a surprise —her present as the best there ever was. If France amends its present by restoring (and this is the key-word) its former institutional perfections, its future will even be better. In doing so, the French nation will achieve the seemingly impossible : its present will be its future : «... la Monarchie de France est mieux fondée et établie pour durer longuement et prospérer grandement que nul autre Etat ou Empire qui ait été ci-devant dont l’on ait connaissance » (p. 128).

33 I am grateful to my colleague and friend Dr. Jan Veenstra for improving my English.

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La valeur monétaire dans certaines œuvres littéraires du moyen âge Yorio O taka

I ! ; ; i I I ; , !

U n certain nom bre d ’études sont consacrées au sujet de la m utation des m onnaies1, mais peu en o n t pour objet d’évaluer les monnaies, et les unités monétaires sont souvent utilisées pour déprécier la valeur des choses ou pour renforcer la négation ou exagérer2. Les ouvrages scientifiques ou historiques m ’auraient donné plus de notions exactes sur la valeur monétaire. Mais je m e suis occupé, pour le présent, d’œuvres littéraires du genre bourgeois, qui sont d ’intéressants témoins de la vie économique. Je n ’ai toutefois trouvé la m ention m onétaire qu’une unique fois dans le Chevalier de la Tour Landry et le Chevahy, tandis que les "Evangiles des quenouilles en sont dépourvues. Com m e les principales mesures de poids sont au nom bre de 1903, on voit circuler de nom breuses unités de monnaies sur le sol français. J ’ai relevé dans les textes dépouillés 17 unités monétaires : 1. besant 2. blanc 3. denier 4. denier parisis 5. denier de Senlis

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11. maaille 12. marc 13. marc d’argent 14. noble 15. provenoisien

16. sou 17. sou parisis

La conversion45pourrait être établie sur la base de monnaies-étalons : 1 livre = 20 sous — 240 deniers, et sur les autres m onnaies : 1 noble = 3 livres — 3 écus, 1 ducat = 10 ou 12 francs, 1 livre = 1 franc = 2 ou 3 marcs, 1 besant = 7 ou 8 ou 10 sous, 1 blanc = 5 ou 10 deniers,1 esterlin = 4 deniers, 1 denier = 2 mailles. La gradation de valeurs serait la suivante : noble > écu > livre = franc > m arc > besant > sou parisis / sou > blanc > esterlin > denier parisis / denier > maille. Mais l’équivalence n ’est pas assurée entre le sou et le sou parisis com m e entre le denier et le denier parisis. Voici les sigles pour les textes dépouillés : I.

I! ! [|

6. ducat 7. écu 8. esterlin 9. franc 10. livre

B = P. Nardin, Lesfabliaux deJean Bedel. Dakar 1959.

1 Belaubre 1986, Beiz 1914, Cormier 1996, Day 1994, Glaser 1994, Landry 1910, Spufford 1988. 2 Dreiling 1888, Möhren 1980. 3 Heers 1963, p. 368. 4 Paris et Jeanroy 1952, p. 472.

E tu d es de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . R ieke tts

II. III. IV. V.

VI. VII. VIII. IX.

C = M. J. Bayrad et al., La complainte de François Garin, marchand de Lyon (1460). Lyon 1978. Ch = R. W. Kaeuper et al., The Book of Chivalry of Geoffroy de C'Az77y/.Philadelphia 1966. Cnn = F. P. Sweetser, Les cent nouvelles nouvelles. Genève —Paris 1966. F (J & O) = R. C. Johnston et al., Fabliaux. Oxford 1957. F (M) = Ph. Ménard, Fabliauxfrançais du moyen âge, 1.1. Genève 1979. F (R) = T. B. W. Reid, Twelve Fabliaux. Manchester 1958. F (R & S) = L. Rossi et al., Fabliaux érotiques. Paris 1992. J —L. Lecestre et al., LejouvencelparJean de Bueil. Paris 1887 (J), 1899(11). M = E. Brereton et al., Le mênagier de Paris. Oxford 1981. Q = J. Richner, Les .X V . joies de mariage. Genève —Paris 1967. V = R. Van Deyck et al., François Villon, 1 .1. Saint-Aquilin-de-Pacy 1974.

Certaines unités servent à dater les textes : l’esterling, un fabliau Saint Pierre et le jongleur du temps de Philipe V I (1328-50) ; le noble, les Cent nouvelles nouvelles du tem ps d’E douard III (1327-71) ; le franc, les Cent nouvelles nouvelles et le Mesnagier de Paris du tem ps de Jean II (1350-64), et le blanc frappé en 1365, le Mesnagier de Paris, du tem ps de Charles VI (1422-61).

I. Sources I. 1. 2 3 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

B

B III. De Gombert et des deus clercs 64] 5 : Et si aurez mon anel d’or | Qui mieus vaut de quatre besanz ; B I. Le vilain de Farbu 8 : E t un denier por un gastel B I. Le vilain de Farbu 1415 : Entre makeriaus et cervaisce | Aront en un denier aplain, B I. Le vilain de Farbu 16 : Ce dist, et deus deniers au pain, B I. Le vilain de Farbu 6011 : Les trois deniers sans nulle faille | Ont sidespendu au disner, B I. Le vilain de Farbu 7 : Trois maailles por un rastel B V. 9516 : Un petit avoit en déduit | De dis sous et de neuf et d’uit. B V. 9213 : Por trente sous l’avoit en buen, | E t por vint sous et bel et gent, B V. 92 : Por trente sous l’avoit en buen, B IX. 9819 : S’est il plus taillanz et plus aiges | Que tel vendera l’en cent sous ; IL C

1.

C 1991192 : Gens d’Esglis : fors que leur seel et leur rente | de dix soulz par an en augmente. III.

1.

232

Ch

Ch 19, 76, p. 112 : moût en y a qui y perdent .CCC., Ve et mil livres et plus,

h a valeur monétaire

IV. Cnn 1. Cnn 19, 113114115, p. 129 : qu’il ne le vendist a bons deniers contens pour en | faire ung esclave. Et pour ce qu’il estoit jeune et | puissant, il en eust près de cent ducatz. 2. Cnn 63,165, p. 401 : eu de tout ce butin cinq escuz, 3. Cnn 18, 44145, p. 121 : de donner dix | escuz pour joyr d’une telle damoiselle. 4. Cnn 96, 2 13 14, p. 539 : (curé) qui par sim | plesse fut a l’amende devers son evesque en la [ somme de cinquante bons escuz d’or. 5. Cnn 67, 6516 17, p. 416 : qu’elle fut contente de se partir de luy et | espouser ung barbier, leur voisin, auquel il donna | iij C. escuz d’or contens ; 6. Cnn 38, 5819, p. 262 : une | lemproye qui luy cousta ung franc. 7. Cnn 44,15112, p. 298 : par le moien des | vingt francs qu’il presta, ce mariage fut fait et 8. Cnn 94, 5415 16 17, p. 531-2 : E t pour | ceste grand faulte, je vous condemne a paier dix | libres au promoteur, vingt blancs a la fabrice de ] céans, 9. Cnn 63, 153 [4 J5 16, p. 390 : il avoit | bouté en ung de ses doiz ung aneau d’or gamy | d’un beau gros dyamant qui bien povoit valoir la | somme de trente nobles 10. Cnn 63, 25112 13, p. 393 : Mais il n’en diroit mot | si les dices parties ne se soubzmettoient, en peine | de dix nobles, que de tenir ce qu’il en diroit ; V. F 1. F (M) IX. Des .III. avugles de Compiengne 40 : Vez ici, fet il, un besant, 2. F (M) X. Des .III. dames de Paris 20 ] 1 : distrent que chascune a la tripe |iroient .II. deniers despendre, 3. F (M) IV. De Boivin de Provins 22516 : que moût vous couste cis mengiers | je métrai ci .XII. deniers. 4. F (M) V. Du prestre et d’Alison 19314 15 : que por un denier de Senliz | peüst il avoir ses deliz | de celui qu’avuec li gerra 5. F (J & O) XIV Saint Pierre et le jongleur 172 : Lors met les esterlins au geu, 6. F (M) IV. De Boivin de Provins 7415 16 17 18 19 180 : qu’entre .II. sestiere de blé, | et ma jument et mes porciaux | et la laine de mes aigniaux [ me rendirent tout autretant. | .II. foiz .L., ce sont .C., | ce dist uns gars qui fist mon conte ; | .V. livres dist que tout ce monte. 7. F (M) V. Du prestre et d’Alison 6819 170 : et dit qu’ançois donra .X. livres | qu’il de la pucele ne face | sa volenté, 8. F (R & S) Le prestre taint 263 : li promet doner dis livres. 9. F (M) VIII. Des tresces 7213 : Il avoit un cheval molt chier, | quar .XL. livres valoit ; 10. F (R) 6 Du prestre qui ot mere malgré sien 185 : Qui de son cors me delivrast, | Si que la vielle l’otroiast, | Ge li donrrai soissante livres. 11. F (M) III D ’Estormi 2415 16 17 : Chascuns desirre le solaz | de dame Yfamain a avoir. | Por ce li promistrent avoir, | je cuit, plus de .IIII.XX. livres. 12. F (R) 9 Du segretan moine 17112 13 : Conment li moines la proia ] El mostier con il la trouva, | Et con cent livres li pramist. 13. F (M) II De la borgoise d’Orliens 21112 : Au départir si fist amor, | que vaillant .X. mars li dona 14. F (R & S) Trubert 1579 : qui vaudra quatre m ars d’argent, 15. F (M) I Du vilain asnier 1314 : Et quant il les espices sent, | qui li donast .C. mars d’argent, 16. F (R) 9 Du segretan moine 2617 j... 19 : E t si en porta quatre vins | Livres de bons provenoisiens ; | ... | Dras achata, si s’en venoit. 17. F (R & S) Trubert 53 Dirai : vos l’avrez por cinc sous.

233

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18. F (M) III D ’Estormi 30213 : V. saus.- Vez ci gage portout : | Je vous en lerai mon sorcot. 19. F (R & S) Trubert 35 : il la lui fist dis sous, sans rien rabattre. 20. F (R) 9 Du segretan moine 2161... 18 : Tantost les dis solz li bailla. | ... | Pain et char achata assez, 21. F (M) EX. Des .III. avugles de Compiengne 13011 : li pains, li vins et li pasté [ ont bien cousté plus de 3X. saus. 22. F (M) IV. De Boivin de Provins 37718 : .X. sous a Boivins, | qui cest fablel fist a Provins. 23. F (R & S) Le prestre taint 11912 0 121 : qu’ele li aidera sanz faille. | Prent tost le prestre, si li baille | dis sous qu’il out en s’aumosniere. 24. F (M) V. Du prestre et d’Alison 345 J6 17 : Ci a dedenz | .XX. sous ou plus, par seint Loranz ; | s’achate un bon peliçon d’aigneax, 25. F (M) I Du vilain asnier 3415 : Garissez le tôt demenois : | .XX. sous avrez de mes deniers. 26. F (J & O) XI Dou povre mercier 15617 : De trente sous. Or tost ! Traiez | Sanz contredit vostre chape. 27. F (M) V. Du prestre et d’Alison 174 [3 : Il a mandé un peliçon, | qui valt .XL. sous de blans, 28. F (M) IV. De Boivin de Provins 50 : que j’oi des bues .L. sous, 29. F (M) IV. De Boivin de Provins 59160 : .XIX. saus et .XXXIX., | itant furent vendu mi buef. VI.

J

1. J I, ch. XXI, p. 108 : je mettray cincq cens escus yci... ; et combatez à qui les aura, 2. J I, ch. XX, p. 96 : Ce qu’il avoit gaigné se pouvoit monter à deux mille escuz ; VII.

M

Blanc 1. M II iv, p. 171, 3516 : Le quartier de mouton a .iiii. pièces ou .iii. pièces et l’espaule, et couste .viii. blans ou .iii. sols. 2. M II iv, 4, p. 171, 2819 [30 : En la moictié de la poitrine de beuf a .iiii. pièces, dont la | première piece a nom grumel ; et toute celle moictié couste | .x. blans ou .iii. sols. Denier 3. M II iv, 55, p. 4. M II iv, 55, p. 5. M II iv, 55, p. 6. M II iv, 55, p. 7. M II iv, 55, p. 8. M II vi, 55, p.

185,18 : qu’il avra .vi. deniers pour escuelle ; 186,14: demy quarteron feuille lorier vert, .vi. deniers 186, 7 : .iii. livres fourment mondé, .viii. deniers la livre 186, 6: .x. livres d’amandes, .xiiii. deniers la livre 185,1314 : douzeine et demye de portes, | .xviii. deniers ; 185,15: douzeine et demye d’estriers, .xviii. deniers ;

Denier parisis 9. M II iv, p. 185, 2718 : ung maigre cochon pour | ... .iiii. deniers parisis ; 10. M II iv, p. 185, 2819 : .xii. paire de pigons ... | ... .x. deniers parisis la paire. 11. M il iv, p. 185, 23 : cinquante poucins, .xiii. deniers parisis piece ; 12. M il iv, p. 185, 2516 J7 : cinquante lapereaulx ... | et cou|steront .xx. deniers parisis chascun ;

234

1 m valeur m onétaire

I ; | : , j ! | i l] !

Franc 13. M II iii, 39, p. 142,17 : et de tout le mareschal peut avoir franc et demy. 14. M II iv, 60, p. 190, 32 : Sergens, .ii. Frans 15. M il iv, 60, p. 190,34 : potz d’estain, .iiii. frans 16. M II iv, 60, p. 190, 2718 : Au queulx, .iiii. frans et demi, et aides de potages ung | franc ; pour to u t. v. frans et demy 17. M II iv, 60, p. 190, 3314 : [Vaisselle] de cuisine, nappe, touailles et voirres, .vii. | frans 18. M il iv, 57, p. 190,30 : Menestrez, .viii. frans 19. M II iv, 60, p. 190, 2 8 19 : Au concierge de Beauvaiz : | tresteaulx et similia, .v. frans ; pour tables, .iiii. frans 20. M II iv, 60, p. 190, 3213 : Flambeaulx et torches, | .x. frans 21. M II iv, 60, p. 190,29130 : A la chap | pellere, .xv.frans 22. M I vi, 21, p. 78, 1 12 13: Un homme nommé Robert, | qui me doit .iic. frans, me vient dire adieu et dit qu’il s’en va | oultre mer ;

| Livre 1 23. M II v, 18, p. 195, 24 : l’autre (sc. mauvais bœuf) ne couste que .xii. | 24. M II v, 18, p. 195, 23 : le bon beuf couste .xx. livres h i r j; [ ! ; j; i j; j| : : i , h jj i ; i h |! | j j| j ' :

Sou 25. M II iv, 55, p. 186,10 : .ii. livres ris batu, .ii. sols 26. M II v, 253, p. 252,1718 : demye aulne de toille de lin, .ii. | sols 27. M II vi, 4, p. 171,31 : la seulonge, .iii. sols 28. M II iv, 55, p. 185,13 : ,xiic. et demie de gauffres fourrées, .iii. sols 29. M II iv, 55, p. 186,10-1 : une once de saffren, | .iii. sols 30. M II iv, 59, p. 190, 11/12 : Au cirier furent prinses torches et flambeaulx a .iii. sols | la livre, et a .ii. sols .vi. deniers de reprinse 31. M II v, 253, p. 252,1112 : une choppine de loche qui peut | valoir .iii. sols 32. M II iv, 55, p. 186,11-2 : demi | quarteron de poivre long, .iiii. sols 33. M II v, 253, p. 252,1516 : .iii. espaulles ] de veau, .iiii. sols 34. M II iv, 55, p. 186, 8 19 : ung quarteron gingenbre mesche, | .v. sols 35. M il iv, 55, p. 186, 9 : demye livre canelle batue, .v. sols 36. M II iv, 55, p. 186,1213 : demy quarteron | garingal, .v. sols 37. M II iv, 4, p. 172,11 : La longe, .vi. sols 38. M II iv, 55, p. 185,1314: douzeine | et demye de groz bastons, .vi. sols 39. M II iv, 55, p. 186,11 : ung quarteron clou et graine entre .vi. sols 40. M II iv, 55, p. 186,1617 : flambeaulx de | .i. livre la piece, .vi. 41. M II v, 253, p. 252,1213 : ung cent d’escrevisses qui ne soient pas de Marne,.vi. sols 42. M II iv, p. 171,31 : en la longe a .vi. pièces, et couste . vi. sols .viii. deniers ou .vi. sols ; 43. M II iv, 4, p. 171, 36 : le quartier de veau,. viii. sols 44. M II iv, 55, p. 186, 20 : anis vermeil, .i. livre,. viii. sols 45. M II iv, 60, p. 190, 32 : Herbe vert, .viii. sols 46. M II v, 18, p. 195, 2415 16 17 : les yssues du beuf coustent a | la triperie .viii. 47. M il iv, 4, p. 171, 34 : et couste le giste, .viii. sols 48. M II iv, 4, p. 172,12 : La char d’un mouton, .x. sols 49. M il iv, 55, p. 186,19 : orengé, .i.. livre, .x. sols 50. M II iv, 55, p. 186,20 : succre rosat, .i. livre, .x. sols 51. M II iv, 55, p. 186, 20 : dragee blanche, .iii. sols la livre 52. M II iv, 55, p. 186, 2112 : ypocras, iii. | quartes, .x. sols la quarte 53. M II iv, 55, p. 186, 2819 : .ii. | sacs de charbon, .x. sols 54. M II iv, 55, p. 186, 7 18 : une livre de | gingonbre coulombin, .xi. sols

235

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55. 56. 57. 58.

M il iv, 55, p. M II iv, 55, p. M II iv, 55, p. M il iv, 60, p.

186,19 : citron, .i. livre,. xii. sols 186, 28 : ung cent de costerez de Bourgongne,. xiii. sols 186,10 : .ii. livres succre en pierre, .xvi. sols 190, 30 : Eaue, .xx. sols

Sou et denier 59. M il iv, 57, p. 188, 36 : .v. cochons, .xx. hetoudeaulx ?,. ii. sols .iiii. deniers piece 60. M II iv, 57, p. 188, 37 : .xl. perdrealx, .ii. sols .iiii. deniers 61. M II iv, 57, p. 188, 34- J5 : Potages : civé .iiii. lievres et veau. Ou pour blanc menger vint chappons, .ii. sols .iiii. deniers piece 62. M II iv, 55, p. 186,15 : demy quarteron matiz, .iii. sols .iiii. deniers 63. M II iv, 55, p. 186, 14] 5 : .ii. livres bougie ] grosse et menue, .iii. sols .iiii. deniers la livre 64. M II v, 253, p. 252,13 : ung cochon meigre, .iii. sols .viii. deniers 65. M II iv, p. 171,31 : en la longe, a .vi. pièces, et couste .vi. sols .viii. deniers ou .vi. sols ; Sou parisis 66. M il iv, p. 185, 21 : .xx. chappons, .ii. sols parisis la piece ; 67. M II iv, p. 185,22 : .xx. oisons, .iii. sols parisis piece ; 68. M il iv, p. 185, 2112 : .v. | chevreaulx, .iiii. sols parisis ; 69. M II iv, 57, p. 190,191... 122 : Vaisselle d’estain : [_| .xvi. sols parisis 70. M II iv, 57, p. 190, 131... 119 : Item pour louage de linge, c’estassavoir pour .vi. tables : | ... | .lvi. sols parisis VIII.

Q

1. Q V, 273-4 (p- 41) : lui envoia par sa chembriere vingt ou .XXX. escuz d’or ou plus, 2. Q 1 ,183-4 (p. 11) : la roube coustera .L. ou .LX. escuz d’or. IX.

V

1. V Petit Testament 20516 : Chascun de mes biens ung fesseau, [ Ou quatre blancs, s’ilz l’aiment mieulx, 2. V Petit Testament 8516 : Qui est en gaige detenu | Pour ung escot sept solz montant ; 3. V Grant Testament 133819 140 : Item, donne a Michault Cul d’Ou | Et a sire Chariot Tarrenne Cent solz

IL Liste des prix I. Homme 1. jeune esclave Rem. 1 : L’esclave existe. 2. vit vit 3. 4. vit Rem. 2 : La différence est amusante.

236

100 ducats (en songe) (en songe) (en songe)

Cnn 1 30 sous B 9 20 sous B 8 8, 9 et 10 sous B 7

1m valeur m onétaire

II. Aliments II.l pain 1. pain et viande 10 sous 2. pain, vin et pâté 10 sous 3. gros baston ‘pain au gingembre’ (12+1/2) 6 sous 4. pain 2 deniers Rem. 3 : Le pain au gingembre coûte 3 fois plus cher que le pain naturel.

F 20 F 21 M 38 B4

II.2 ingrédient 1.

froment mondé (1 livre)

8 deniers

M5

II.3 viande, gibier etpoisson 1.

bœuf (bon) 20 livres M 24 bœuf (mauvais) 12 livres M 23 23. lamproie 1 franc Cnn 6 Rem. 4 : Si 1 livre vaut 1 franc, la lamproie coûte 1/20 du bon bœuf. blanc grumel 4. M.2 10 blancs ou 3 sous S. mouton (1/4 ) et épaule 8 blancs ou 3 sous M.l Rem. 5 : Le grumel est une des 4 pièces de la poitrine de bœuf. Si 1 blanc est 5 ou 10 d. grumel coûte 7 s. 2 d. ou 11 s. 4 d., et ce mouton, 6 s. 3 d. ou 9 s. 8 d. L’équivalence douteuse. J sou parisis 6. chevreaux (5) 4 sous parisis M 68 7. oisons (20) 3 sous parisis M 67 S. chapons (20) 2 sous parisis M 66 Rem. 6 : Le chapon est le moins cher. sou mouton 11. 10 sous M 48 12. abats de bœuf 8 sous M 46 giste “jarret de bœ uf’ 13. 8 sous M 47 14. veau (1 / 4) 8 sous M 43 15. longe (1/2 livre) 6 sous 8 deniers ou 6 sous M 42 / M 65 16. longe 6 sous M 37 17. écrevisses (ca. 100) 6 sous M 41 18. épaules de veau (3) 4 sous M 33 19. cochon maigre 3 sous 8 deniers M 64 20. loche (1 chopine) 3 sous M 31 21. surlonge 3 sous M 27 22. perdreaux (40) 2 sous 4 deniers M 60 23. rôti de 5 cochons et 20 coquelets 2 sous 4 deniers M 59 24. lapereau 20 deniers parisis M 12 25. poucin 13 deniers parisis M il 26. pigeon (12 paires) 5 deniers parisis M 10 27. cochon maigre 4 deniers parisis M 9 / M 64 28. tripes (en 1320) 2 deniers F2 29. maquereaux & bière 1 denier B3

237

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Rem. 7 : Le veau coûte le plus cher et le prix du cochon maigre n’est pas fixe (cf. 19 et 27). Mais l’évaluation exacte n’est pas possible, faute de la mention de quantité. IL4 ri\r 1. riz battu (2 livres ) Rem. 8 : Le riz battu est servi.

2 sous

M 25

II.5 assaisonnements 1. sucre en pierre (2 livres) 2. sucre rosat “sucre blanc” (1 livre) Rem. 9 : 2 formes de sucre sont distinguées.

16 sous 10 sous

M 57 M 50

II.6 épices 1. épices 100 marcs d’argent F 15 Rem. 10 : En l’absence d’indication de poids, le prix de ces épices n’est pas évaluable. 2. ‘gingembre colombin’ (1 livre) 11 sous M 54 3. clou de giroffle (1/4) et graine 6 sous M 39 4. cannelle batue (1/2 livre) 5 sous M 35 5. garingale “racine de plante” (1/8) 5 sous M 36 6. ‘gingembre de Mesche’ ( l/4 ) 5 sous M 34 7. poivre long (1/8) 4 sous M 32 8. matiz “écorche de muscade”(l/8) 3 sous 4 deniers M 62 9. gaufre fourrée (18 pièces) 3 sous M 28 10. safran (1 once) 3 sous M 29 11. laurier-sauce (1/8 feuille) 6 deniers M4 Rem. 11 : Le gingembre dit colombin est plus cher que celui de Mesche, et les feuilles laurier-sauce sont les moins chères. II.7 boissons 1. eau 2. citron (1 livre) 3. hypocras (3/4) 4. orengeat (1 livre) 5. anis vermeil (1 livre) Rem. 12 :L’eau est la plus précieuse que les autres l’orangeade et l’anis.

20 sous M 58 12 sous M 55 10 sous M 52 10 sous M 49 8 sous M 44 boissons, dont le citron est plus cher que

II.8 légume etpotage 1. verdures 8 sous 2. blanc-manger de 2 chapons 2 sous 4 deniers Rem. 13 : Les verdures coûtent beaucoup plus cher que le potage.

M 45 M 61

II.9 desserts 1. 2. 3. 4. 5.

238

dragée blanche (1 livre) 3 sous estrier (sorte de gaufre) gauffres (12+6)1 sou 6 deniers portes “sorte d’oublie” (12+1/2) 1 sou 6 deniers amandes (1 livre) 1 sou 2 deniers escuelle (sorte d’oublie) (1 écuelle) 6 deniers

M 51 M8 M7 M6 M3

h a valeur m onétaire

6. gâteau Rem. 14 : Les desserts sont divers.

1 denier

B2

III. Actes 1. mariage 300 écus d’or Cnn 5 2. acte amoureux 10 écus Cnn 3 3. acte amoureux 100 livres F 12 4. acte amoureux plus de 80 livres F il 5. délivrement 60 livres F 10 6. acte amoureux 10 livres F8 7. acte amoureux 10 livres F7 8. mariage 20 francs Cnn 7 9. acte amoureux 10 marcs F 13 10. soins médicaux 20 sous F 25 11. duperie 1 besant F l. 12. acte amoureux 1 denier de Senlis F4 13. repas 12 deniers F3 14. dîner 3 deniers B5 Rem. 15 : La dépense du mariage est énorme, coûtant trente fois plus cher amoureux, qui est variable L’homme est trompé pour 1 besant. Les frais du nécessairement variables. IV. Récompense 1. au combattant vainqueur 500 écus J1 2. à la marchande de couronnes 15 francs M 21 3. au concierge 9 francs M 19 4. au musicien 8 francs M 18 5. au cuisinier 5,5 francs M 16 6. aux serviteurs 2 francs M 14 7. aux maréchaux-ferrants 1,5 francs M 13 8. rédaction d’un fabliau 10 sous F 22 9. aide 10 sous F 23 Rem. 16 : La récompense au combattant vainqueur est beaucoup plus grande qu maréchaux-ferrants. La rédaction d’un fabliau est rémunéré. V. Amende 1. amende 50 écus d’or 2. ‘faute’ de porter les cheveux longx 10 livres Rem. 17 : Faire mourir un chien coûte comme porter les cheveux longs.

Cnn 4 Cnn 8

VI. Jeu 1. gage Rem. 18 : On joue avec l’esterlin.

esterlins

F5

VII. Vêtements 1. 2.

draps louage de linge

80 livres de provenoisiens 56 sous parisis

F 16 M 70

239

E tu d es de langue e t de littérature m édiévales offertes à E eter T . R ieketts

3. robe 50 ou 60 écus d’or 4. pelisse 40 sous 5. chape 30 sous 6. pelisse d’agneau 20 sous ou plus 7. sorcot 5 sous 8. toile de lin (1/2 aunes) 2 sous Rem. 19 : Les prix sont finement gradués. Le louage est pratiqué.

Q2 F 27 F 26 F 24 F 18 M 26

VIII. Accessoires 1. anneau d’or 30 nobles 2. anneau d’or 4 besants Rem. 20 : La différence de prix est assez grande.

Cnn 9 B1

IX. Donations 1. frais de voyage 200 francs 2. présent 20 ou 30 écus d’or ou plus donation (legs) 3. 4 blancs 4. donation 100 sous 5. donation 7 sous Rem. 21 : Les frais de voyage sont extrêmement chers.

M 22 Q 1 VI V3 V2

X. Animaux 1. cheval F9 40 livres 2. palefroi 4 marcs d’argent F 14 cheval 3. 100 sous B 10 4. bœufs 58 sous F 29 bœufs 5. 50 sous F 28 6. génisse F 19 10 sous 7. chèvre 5 sous F 17 Rem. 22 : Le cheval est plus estimé que le bœuf et la chèvre est le moins appréciée. XI. Chauffage 1. bois à brûler de Bourgogne (100) 13 sous 2. charbon (1 sac) 5 sous Rem. 23 : Le charbon coûte beaucoup plus que le bois.

M 56 M 53

XII. Éclairage 1. flambeaux et torches 10 francs 2. flambeau (1 livre) 6 sous bougie grosse et menue (2 livres) 3 sous 4 deniers 3. 4. torches & flambeaux (1 livre) 3 sous 5. remise de torches & flambeaux (1 livre) 2 sous 6 deniers Rem. 24 : Les flambeaux et torches sont à acheter aussi bien qu’à louer.

M 20 M 40 M 63 M 30 M 30

XIII. Ustensiles de cuisine 1.

240

vaisselle, nappes, serviettes et verres

7 francs

M 17

h a valeur m onétaire

2. 3.

pots d’étain louage de vaisselle d’étain

4 francs 16 sous parisis

M 15 M 69

XTV. Divers 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

peine 10 nobles butin 2,000 écus butin 5 écus perte 300 ou 500 ou 1,000 livres et plus 2 setiers de blé, jument, pourceaux, laine d’agneaux 5 livres rente annuelle 10 sous rateau 3 mailles

Cnn 10

J2 Cnn 2 Chl F6 Cl B6

III. Em ploi des unités monétaires B besant

c

Ch

Cnn

+

F

J

+

+

ducat

+

écu

+

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+

+

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+

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1 1 1

+

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+

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1

+

franc +

livre

+

+

+

2

+

4

+

1 1

+

marc d’argent +

noble

1 +

provenoisien +

+

4

1

1

+

+

+

5

2

32

+

sou parisis Total

Tôt.

+

denier de Senlis

sou

V

2

denier parisis

maille

Q

+

blanc denier

M

+

1

6

8

2

7

1 1

IV. Conclusions 1. Les aliments sont évalués au moyen de 8 unités : blanc, denier, denier parisis, franc, livre, sou, sou parisis, et m arc d ’argent. 2. Les actes sont évaluées au m oyen de 8 unités : besant, écu, écu d’or„ denier, denier de Senlis, livre, m arc et sou. 3. Les récompenses sont évaluées au m oyen de 3 unités : écu, franc et sou.

241

S tü d e s de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . P dcketts

4. L’am ende est effectuée au m oyen de l’écu d’or. 5. L’esclave est estimé au m oyen d ’une unité : ducat. 5. Le gage du jeu est fait au m oyen de l’esterlin. 6. Les donations sont faites au moyen de 5 unités : blanc, écu, écu d ’or, franc et sou. 7. Les animaux sont évalués au moyen de 3 unités : livre, m arc d’argent et sou. 8. Les vêtem ents sont évalués au m oyen de 2 unités : écu d’or et sou. 9. L ’accessoire anneau d ’or est évalué au moyen de 2 unités : besant et noble. 10. L’éclairage et les ustensiles de cuisine sont évalués au moyen de 2 unités : franc et sou. 11. Le chauffage est évalué au m oyen d ’une unité : sou. 12. Le butin et la peine sont évalués au m oyen de 2 unités : provenoisiens et maille. 13. Les unités les plus fréquentes sont sou, livre, blanc et denier. 14. Les unités monétaires sont exprimées dans les fabliaux, le Ménager de Paris et les Cent nouvelles nouvelles beaucoup plus souvent que dans les autres œuvres. 15. Les unités m onétaires de grande valeur : écu, écu d ’or et noble dans les Cent nouvelles nouvelles reflètent la richesse de la maison de Bourgogne.

Bibliographie Belaubre, J. 1986. H istoire numismatique et monétaire de la France au moyen âge, Paris : Léopard d’Or. Belz, G. 1914. D ie Münqbeiçeichnungen in der altfrä n kisch en Literatur, Diss. Strassburg. Cormier, J.-P. 1996. M onnaies médiévales, reflets despouvoirs, Paris : Rempart. Day, J. 1994. M onnaies et marchés au moyen âge, Paris : Comité pour l’histoire économique et financière de l’Université catholique de Louvain. Dreiling, G. 1888. D ie Ausdrucksweise der Uebertriebenen Verkleinerung im altfranzösischen Karlsepos, Marburg : Eiwert. Glaser, K. 1994. «Die Masss- und Gewichtsbezeichnungen des Französischen. Ein Beitrag zur Lexicographie und Bedeuntungsgeschichte », Zeitschriftfü r französischen Sprache und L iteratur 26, pp. 95-

220

.

Heers, J. 1963. L'O cident a u x X IV e et au X V e siècles. Paris : PUF. Landry, A. 1910. E ssai économique sur les m utations des monnaies dans P ancienne France de Philippe le B el à Charles V JI. Paris : Champion. Möhren, F. 1980. L e renforcement affectif de la négation p a r l'expression d'une valeur minimale en ancien français. Tübingen : Niemeyer (« Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie », 175). Paris, G. et A. Jeanroy. 1952. E x tra its des chroniqueursfrançais. Paris : Hachette. Spufford, P. 1988. M oney and its Use in M édiéval Europe, Cambridge : Press Syndicate of the University of Cambridge.

242

GASCONIANA Un recueil de gasconnades de la fin du X V IIIe siècle ou la caricature ethnique traditionnelle du Gascon Pierre Bec

A Joël Cohen Un Gascon, pour s'être vanté Deposséder certaine belle Futpuni de sa vanité... La Fontaine, Contes et nouvelles, he Gasconpuni, w . 1-3. C'est un Gascon, pourtant ! Unfaux !... Méfiez-vous ! Parce que les Gascons ...ils doivent êtrefous : Rien n’estplus dangereux qu'un Gascon raisonnable. Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac ( IV, 3). Garde-toi d’un Gascon ou d’un Normand : l'un bâble et l'autre ment (proverbe).

Le recueil de gasconnades dont nous proposons ici une brève analyse, est intitulé GASCONIANA1 ou 'Recueil des hauts faits et jeux d’esprit des Enfans de la Garonne, par M. C..., et publié à Paris (chez Marchand, Librairie, Palais du Tribunal, Galerie neuve, n° I) en 1809. Il groupe environ 220 anecdotes plus moins plaisantes, nous dirions de “bonnes histoires”, dont le protagoniste est un Gascon, et dont une quarantaine se présente comme des fables rédigées en vers où l’influence de La Fontaine est manifeste. Le signataire du livre, qui ne nous livre que son initiale, est très vraisemblablement Charles Yves Cousin dit d’Avallon, compilateur français né à Avallon en 1769, m ort à Paris en 1840. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages, dont les principaux, comme c’est le cas ici, consistent en anas, ou recueils d’anecdotes. O n lui en connaît une cinquantaine, de 1801 à 1830, où passèrent toutes les célébrités, depuis Jésus-Christ jusqu’à Chateaubriand. Son recueil le plus célèbre est sans doute son Eironiana (1800), recueil d’anecdotes sur

1 D’une manière générale, les anecdotes des anas sont centrées sur un personnage déterminé et connu {Scaligeriana, Calviniana, Menagiana, SantoUana, Segraisiana, Pironiana, Voltairiana, Chamfortiana, Bonapartiana, etc.). Notre Gasconiana offre donc un des rares exemples d’anecdotes groupées autour d’un ethnotype anonyme : ce qui prouve une certaine prise de conscience, à travers la moquerie, de sa spécificité. A ma connaissance, une étude d’ensemble sur les Gasconiana, n’a jamais été menée : il serait intéressant de le faire.

É tu d e s de langue e t de litté ra tu re m édiévales o ffertes à P e te r T . R ic k e tts

Piron qui connut un grand succès.2 Il a d’ailleurs signé deux autres recueils de gasconnades, l’un antérieur de quelques années, dont le titre est encore plus significatif La fleur des gasconades, hâbleries, fanfaronades, etc. des erfans des bords de la Garonne, et l’autre, qui renchérit encore, Le nouveau G ASCONIANA des gasconades sur gasconades, publié à Paris en 1836. Ces divers florilèges continuent au demeurant une ancienne tradition de bonnes histoires plus ou moins comiques dont les Gascons font les frais.3 Même si Cousin en ajoute beaucoup de son crû, il n’en est proba­ blement pas le seul auteur : il n’est sans doute qu’un collecteur qui a rassemblé ici, en y ajoutant son grain de sel, des histoires plus moins anciennes qui circulaient. On sait que des ouvrages de ce type faisaient parfois l’objet d’impressions clandestines, s’imitaient les uns les autres et sortaient fréquemment sans noms d’auteur. Pourtant, d’un autre côté, l’élaboration stylistique des ’’fables” plaiderait en faveur d’un seul auteur, Cousin ou un autre. Le livre est daté de 1809 mais certains indices laissent à penser que les anecdotes elles-mêmes, vraisemblablement compilées, sont de loin antérieures à cette date, en tout cas antérieures à la Révolution. Comme nous l’avons dit, la tradition des Gasconiana ou Vasconiana remonte en effet beaucoup plus haut et les allusions à des personnages historiques que contient notre recueil sont toujours relativement anciennes : François 1er (121-2),4 Henri IV (36, 64), l’historien Scipion Dupleix, Gascon de Condom (1569-1661) (40), le poète toulousain Goudouli, né en 1580, qualifié de “Gascon”, Louis XTV, assez souvent (44, 113, 116, 168), ainsi que ses contemporains : son confesseur, le père Le Tellier (1643-1719), son ministre Louvois (127), son capitaine et frondeur le prince de Condé (45), le duc d’Epernon, gouverneur de la Guyenne (40), le duc de Roquelaure (fils d’Antoine de Roquelaure, gascon de Lectoure), selon Ménage « l’homme le plus laid de France » mais célèbre pour ses bons mots et qui a « un accent de gascon » (55). On trouve aussi quelques allusions historiques comme le siège de Valencienne de 1677 (12), celui de Namur de 1695 (27, 71) ou la retraite de Prague de 1742 (179) ; enfin des allusions littéraires : Montesquieu (mais davantage le président du parlement que l’écrivain), « l’auteur de la comédie du Grondeur », « avec sa vivacité gasconne » : ce qui est inexact puisque Le Grondeur a en réalité deux auteurs et aucun n’est vraiment gascon : David Augustin de Brueys (Aix 1640-Montpellier 1723) et Jean Palaprat (Toulouse 1650Paris 1721). Mais une autre preuve de l’antériorité des anecdotes sur la date de publication du livre pourrait être vue dans l’allusion qui est faite (pp. 147-48) à “nos” pièces de monnaie avec d’un côté le roi et de l’autre Sit nomen Domini benedictum. Or, en 1809, c’est déjà l’Empire (depuis 1804) et la mention de ces pièces

2 Ecrivain fécond et polygraphe, il écrivit également une livre sur la cuisine et un Traité complet de l’écarté, de 400 pages ! cf. Dictionaire de bibliographiefrançaise, Paris 1961, IX, pp. 1059-60. 3 Citons entre autres Anon. 1708 et Anon. 1710, ce dernier attribué à Salvat de Montfort par le biographe Barbier. Je remercie très cordialement Christian Bonnet qui m’a communiqué ces références. 4 Les chiffres entre parenthèses renvoient à la page.

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G asco n ia n a

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| I

ne s’expliquerait pas.5 Quoi qu’il en soit, aucune allusion n’est faite à des événements ou des personnages contemporains, II n’y a pas grand-chose à tirer du français du texte, si ce n’est certains archaïsmes graphiques comme la suppression du -t dans les finale -nts au pluriel (élémens, innocens, galans, enfans, aussi tems). En revanche, la désinence des imparfaits est bien en -ais, -ait, non -ois, -oit. O n sait qu’il a fallu attendre l’édition de 1835 du Dictionnaire de l’Académie pour codifier définitivement les pluriels en -ts et les imparfaits en -ais,-ait. Notre texte est donc en en retard sur un trait et en avance sur l’autre. Signalons toutefois l’occurrence foible (143) pour faible.6 Enfin, pour ce qui est de la langue elle-même (à défaut d’une analyse minutieuse), elle semble en général assez archaïsante. Mais qui est ce Gascon et de quelle région précise vient-il ? D ’une manière générale, il semble être localisé en Guyenne et sur les bords de la Garonne : un « enfant de la Garonne » (titre et 7), un « jeune laboureur de Guyenne » (7), certain Gascon «de Bordeaux» (11); un «gentilhomme de Bordeaux” (14), “deux vieillards de Bordeaux” (25), le « Bordelais » (14), un «gentilhomme de Guyenne » (48, 145) et, plus méchamment, «U n rejetton (sic) de l’espèce gasconne» ou «un nouvel échappé des bords de la Garonne » (153). Parfois, la Gascogne s’étend de la Garonne jusqu’au Béarn et aux Pyrénées, ce qui est légitime (« un gentilhomme de Pau », un « vallon de nos Pyrénées »), mais aussi, curieusement jusqu’au Languedoc, avec une allusion à un certain Vigouroux de Rodez (71) et surtout la mention fréquente et inattendue de Pézenas : «une jeune fille de Pézenas », un «jeune homme de Pézenas » (28), un « monsieur de Pézenas » (57) « un aigrefin de Pézenas natif (94), qualifié plus loin de « mon Gascon ». O n sait qu’au XVIIe siècle tous les Occitans, vus de Paris, sont des “Gascons”, mais pourquoi cette “fixation” sur Pézenas ? Est-ce une réminiscence du duc de Montmorency, ou de Molière qui y séjournèrent ? Ou est-ce lié au fait que Pézenas fut un temps le siège des EtatsGénéraux du Languedoc ? O u encore plus simplement parce que le nom même de Pézenas, vu de Paris, “fait” gascon et méridional ?7 Quant à son identité, elle est le plus souvent anonyme. O n parle d’« un Gascon » (le terme est presque toujours en italiques), d’un «certain Gascon» (notamment dans les fables : 11, 39, 87, 89, 119, etc.), d’un « Gascon plus gascon qu’un autre » (66). On mentionne parfois son “état” qui est très variable : laboureur (7), valet (86, 92), gentilhomme (14, 48, 145), prédicateur ou abbé (8), seigneur (19), chevalier

|; Ii II !' '!

5 On sait qu’à cette époque la face des pièces porte l’effigie de Napoléon avec la mention Napoléon empereur, et le revers République Française. 6 Un papier collé dans la couverture de mon exemplaire atteste encore le digraphe oi :je n’avois, meritoient, connoissois. 7 Rappelons que Lucette, la “feinte Languedocienne” de Monsieur de Pourceaugnac, était une “feinte Gasconne” dans la liste originale des acteurs. Ce n’est que dans les éditions postérieures (1682 et 1734) j; qu’on changea Gasconne en Languedocienne parce que Lucette, se disant elle-même de Pézenas, ne pouvait être Gasconne ! D’ailleurs le dialecte occitan que lui fait parler Molière est bien grosso modo le parler de Pézenas. Ajoutons que l’occitan devait être plus ou moins familier à la cour du duc de Montmorency, puisqu’un dialogue de 700 vers en occitan, véritable petite comédie, constituait l’intermède théâtral d’un I ballet de cour dansé le 21 janvier 1618 à l’occasion du retour du duc dans ses états : cf. Bec 1997, repris I dans Bec 2002, pp. 229-79.

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É tu d e s de langue e t de litté ra tu re m édiévales o ffertes à P e te r T . P d c ketts

(40). Mais avant tout, comme on pouvait s’y attendre, c’est un soldat de métier : soldat (17), cadet, évidemment (103, 172), mousquetaire (57, 111), officier (12, 14, 61, 90), officier subalterne d’infanterie (159), capitaine de vaisseau (141). Parfois il est sans le sou et a recours à tous les moyens pour se tirer d’affaire (80, 87, 124, 172). O n voit donc que les traits dominants de la gasconité qu’on lui prête transcendent les différences d’état. Le Gascon en effet est ici réduit à une caricature ethnique dont les “hauts faits” et les “jeux d’esprit” doivent faire rire. Il faut donc lui trouver quelques traits caractéristiques qui lui collent à la peau et deviennent ainsi emblématiques. Il y en a essentiellement trois : son nom, son accent, ses jurons. Son nom. Nous avons dit qu’il est le plus souvent anonyme ; mais quand il est nommé, son nom est également un élément de moquerie : il se termine imman­ quablement en -ac (trait caractéristique de l’exotisme toponymique occitan) : Figeac, Monsieur Figeac (100, 111, 119), Bonac (43), Sérac, avec des formes franchement ridicules comme Croustignac, baron de Criccrac, vicomte de Croquinouillac (139), Pou/ignic et Vercrac (121), Dolignic ou Dolignac (171),8 etc. Parmi les noms en -ac, on n’a pas oublié celui de Bergerac, notre Gascon étant assimilé au célèbre Cyrano (qui n’était pas gascon !), ce « grand férailleur » « défiguré » par son nez, dont on rappelle plaisam­ ment les démêlés avec le comédien Montfleury. Son accent. C’est évidemment la caractéristique la plus saillante. Il a « l’accent de son pays » (60), le duc de Roquelaure répond avec « son accent de gascon ». Les traits phonétiques retenus sont : l’incapacité à prononcer le / ô / du français, réalisé / é / comme par un Espagnol : « quellé chienné de vie » (7), « Régardé donc. Faut-il que jé mé blesse... » (39), « Conté grossier qué personne n’a cru », etc. Notre Gascon confond en outre le / ü / de pu et le / ô / de peu : ventreblu pour “ventrebleu”, un pû pour “un peu”, demûre pour “demeure” (15) ; confond aussi le / v / et le / b / (125), et notre auteur rappelle à ce propos la fameuse épigramme de Scaliger, “que les érudits liront avec plaisir” : N o n tenuit nihil antiquas m utas, V asconia, v oces, Cui nihil est aüud vivere quam bibere.9

Un autre trait retenu, mais purement subjectif et sans pertinence linguistique, serait le fait qu’il “met le E à la place de A et A à la place de E ” ; et pour toute illustration (ce qui permet un jeu de mots comique) on nous cite rats de chaussée pour “rez-de-chaussée” et les gredins de l’autel pour “les gradins de l’autel” (149). Son accent semble aussi ridicule que celui d’un Espagnol, comme cela apparaît dans une anecdote où les deux personnages s’échangent des propos en mauvais espagnol et en mauvais gascon (125), ce qui est finalement une reconnaissance malveillante mais implicite de Vibérité du gascon (ce n’est sans doute pas pour rien que hâbler vient de 8 Créé par Molière, le nom de Pourceaugnac (bien qu’appliqué à un Limousin), répond au même souci de ridicule : « Quand il n’aurait que ce nom-là, Monsieur de Pourceaugnac, j’y brûlerai mes livres... Pourceaugnac ! Cela se peut-il souffrir ? Non : Pourceaugnac est une chose que je ne saurais supporter... » (1,1). Mais aux yeux de Paris tous les Gascons (et les Occitans dans leur ensemble) ne sontils pas aussi, plus ou moins, des Pourceaugnac ?... 9 Cf. aussi : Polices Guascones, quibus vivere est bibere.

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G asconiana

hablar). De toute façon, quoi qu’il fasse, son accent le trahit (124). De surcroît, son français même n’est pas toujours très sûr et véhicule parfois des gasconnismes comiques.10 Il s’étonne de l’absence en français des diminutifs de son gascon natal et ne comprend pas qu’on parle à Paris de “prunelles” pour les yeux « grands et beaux » d’une dame, alors que lui dirait prunes, et dirait pruneaux quand les yeux sont « petits et noirs » (16). Enfin, on lui fait employer l’inévitable quèsaco (117), dont nos Parisiens se gorgent encore aujourd’hui. Ses jurons. Autre élément indélébile de sa gasconité aux yeux de l’étranger. Les plus fréquents sont sandis et cadédis (on trouve curieusement un cap de bious, sans doute pour “cap de Dius”). Cadédis devient même un nom commun pour désigner un Gascon : un certain “cadédis” renvoie à un « frater natif des bords de la G aronne» (62), «U n cadédis dans un passage étroit, / Marchait...» (117). Même quand il a perdu son accent et parle comme à Paris, ses cadédis et ses sandis le trahissent encore (65-66) Toutefois, rien n’est dit sur le fait que le français n’est pas la vraie langue de notre héros, et que sa langue propre est le gascon, ce qui aurait pu expliquer bien des choses. Mais on veut faire rire avant tout... La seule allusion à l’occitan est faite à propos de Goudouli, dont le nom est cité à la française (Gondelin), qualifié de « poète gascon dont il nous reste plusieurs ouvrages en langage de son pays » (174). Mais quels traits psychologiques lui prête-t-on ? Le titre même du recueil et de tous les recueils similaires parle d’une part de ses “hauts faits” et d’autre part de ses “jeux d’esprit”, ce qui pourrait constituer un portrait favorable. D ’abord la bra­ voure. Les Gascons passent pour être braves : c’est là le “naturel” de leur “nation”, ils sont tous des « héros en herbe », la Gascogne est la « terre des valeureux ». Mais cette bravoure n’est souvent que de surface, notre auteur le dit sans ambages quand il nous présente un « Gascon, dont la bravoure n’était que dans le vain étalage qu’il en faisait» (17). Courage véritable et jactance font donc chez lui bon ménage et il est vrai que notre Gascon semble bien préférer la joute des mots à celle de l’épée. Les exploits qu’on lui attribue sont plus en paroles qu’en actes et ses “jeux d’esprit”, s’ils font rire, n’ont bien souvent d’autre motivation que celle de le tirer d’un situation embarrassante. O n retrouve donc ici, largement développé dans des anecdotes plus ou moins facétieuses, ou éventuellement malveillantes, l’ethnotype traditionnel (vu de Paris et du Nord) du Gascon : vantard, hâbleur, beau parleur, coureur de jupons, susceptible et bretteur, mais aussi fin et astucieux, aimant à plaire, et prodigue en mots d’esprit. Depuis Henri IV et le fourgon de Gascons qu’il amène à la cour, c’est dans l’air du temps. Toute la cour s’amuse à gasconner. Mais si les Gascons sont plaisants, finalement ils gênent : il ne faudrait quand même pas que la Navarre “annexe” la France ! Le Gascon reste un étranger, sa langue, ses idiotismes et son accent demeurent exotiques : il faut, avec les grammairiens, Malherbe en tête, en épurer le français, et ce, entre autres, en le “dégasconnant”. Les jugements stéréotypés sur les Gascons et les “Méridionaux”, sous le couvert de

10 Au XVIIIe siècle, on se pique encore de corriger les gasconismes. Il suffit de rappeler ici le succès de l’ouvrage "Les gasconismes corrigésplusieurs fois réédité, de Desgrouaix (1703-1766), professeur au collège de Toulouse.

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E tu d e s de langue e t de litté ra tu re m édiévales o ffertes à P e te r T . R ic k e tts

bonnes blagues, ne sont donc pas complètement innocents. Car la littérature suit : c’est le Baron de Foeneste, vers 1620, d’Agrippa d’Aubigné, c’est une mazarinade (?) anonyme de 1650, c’est Le Gascon puni (pour sa vanité) de La Fontaine en 1667, c’est, un siècle plus tard, un roman anonyme en deux volumes de 1767 etc. Et, évidemment, plus près de nous, le d’Artagnan des Trois Mouquetaires, le Capitaine Fracasse, ce Gascon des Landes, matamore et « tranche-montagne », et le Cyrano d’Edmond Rostand, qui n’est finalement qu’un Gascon littéraire. E t bien d’autres encore... L’ethnotype gascon traditionnel a donc eu la vie dure et notre recueil en offre un modèle exemplaire dans ses traits les plus saillants. La vantardise du Gascon y est en effet fréquemment attestée et ridiculisée (13, 15, 16, 17-18, 31, 48, etc.). En voici un échantillon particulièrement significatif : Un officier gascon entendait parler des belles actions d’un prince qui, en deux attaques de place, avait tué jusqu’à six hommes de sa main : Bah ! dit-il, voilà bien de quoi s’étonner ; je veux que vous sachiez que les matelas sur lesquels je repose mes membres ne sont garnis que des moustaches de ceux que j’ai envoyés reposer dans l’autre monde. (31) O u encore : Quelqu’un voulait faire tirer l’épée, en pleine rue, à un gascon qui l’insultait. Celui-ci appelle un décroteur. — Tiens, décroteur, voilà une petite pièce, va-t-en à la paroisse dire qu’on sonne à mort, et qu’on vienne quérir ce corps. — Mais ! Il me semble que monsieur se porte bien ! — Oui, mais ne vois-tu pas qu’il veut se battre avec moi ? (15)

Un gascon disait : J’ai l’air si martial, que quand je me regarde dans un miroir, j’ai peur de moi-même. (48) Si tous ceux que j’ai tués à l’armée, disait un soldat gascon, se trouvaient en tas, dans un vallon de nos Pyrénées, on passerait de plein (sic) pied, d’une montagne à l’autre. (16-17) Mais si ses bons mots lui permettent souvent de se tirer de situations difficiles où sa bravoure est mise à rude épreuve, il peut être aussi vu comme carrément pleutre: Certain Gascon [qui] vantait son courage, Lorsqu’à l’instant recevant un outrage, On le vit fuir. — Eh ! monsieur le marquis, Votre courage ? — Il est au pieds, sandis. (31) Anecdote reprise en prose : Un gascon qui étourdissait tout le monde de sa fausse bravoure, ayant pris la fuite dans un combat, on lui demanda où était le courage, il répondit : auxjambes. (55) Un gascon qui se faisait mettre sa cuirasse par son valet, un jour de combat, lui dit : Mettesçla moipar derrière, car le coeurme dit quejefuirai. (158)

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G asconiana

Ailleurs, l’auteur nous présente un Gascon « qui affectait beaucoup de bravoure, quoique dans le fond il fût extrêmement poltron... » (164) Mais ce tableau péjoratif peut aller plus loin. N otre Gascon peut être cynique et même voleur (avec évidemment un nom imprononçable en -ic ou en -ac) : O n éveille un gascon au m ilieu de la nuit pour Queje serai affligé demain, quandje me réveillerai.

lui apprendre la m ort de so n père : Ah

!

U n financier dem andait en sortant du bal un surtout d ’hiver qu’il avait laissé dans l’antichambre. O n lui dit que quelqu’un venait de s’en servir pour aller dehors, et qu ’il allait le rapporter. O n lui nom m a un certain Dolignic o u Dolignac. Le financier aussitôt, entendant ce n o m , dit, en branlant la tête : en vain j’attendrai ici ; d’abord qu ’il y a du gnic ou du gnac, je tiens m o n surtout perdu. (171)11

Toutefois notre Gascon passe pour spirituel et fait rire par ses bons mots et son esprit d’à-propos dans telle ou telle situation. C’est là le côté positif de son portrait. En voici quelques exemples : U n gascon qui passait pour avoir beaucoup d ’esprit, était des heures entières avec une fem m e stupide, m ais qui en échange était fort bien faite, avait u n e belle b ou ch e et de belles dents. O n lui dem anda un jour : « Q u e p o u vez-vou s dire avec elle? » — « ]e la

regardeparler. » (10) U n gascon étant to m b é m alade, se fit porter à l’H ô tel-D ieu . U n de ses amis vin t le voir et lui dit: « P erm ets-m oi de te dem ander si tu es bien avec D ie u ? » — « Apparemment,

puisqu’il me donne un appartement dans son hôtel. » (18) Notre Gascon, conformément à sa réputation, est aussi volontiers galant et sait parler aux dames: U n officier g ascon ayant rencontré trois jolies fem m es qui voyageaient en p oste, leur conseilla de n om m er leur courrier Bénédicité. O n lui dem anda pourquoi. — C’est, répondit-il, que le Bénédicitéprécède les Grâces. (79)

Mais, dans certains cas, notre Gascon fait fi de sa galanterie et son humour à froid peut se faire cruel comme dans cette “fable” : U n jour dans un e com pagnie U n e fem m e de quarante ans, Q ui de cacher so n âge et quelques cheveu x blancs A vait Fim becille m anie Croyant persuader criait à tou s venans : « D e s h o m m es de n o s jours quelle est d o n c la folie ? Je n ’ai v u que trente printem s ;

" À propos des gnic et des gnac, emblématiques d’une onomastique de dérision, on peut rappeler l’anecdote de la “valise perdue” par la troupe de Molière, en route vers Gignac. Molière aurait raconté son aventure en ces termes : « Comment voulez-vous qu’il en ait été autrement. Lorsqu’au sortir de Gignac on laisse de côté Brignac pour se diriger vers Montagnac en passant par Lavagnac et qu’au milieu de ces gnic et de ces gnac viennent s’enchevêtrer des ‘Agaro, Moussu ! Boutats, Moussu ! Aou sabes pas, Moussu ! Pecaïre, Moussu !, les yeux, l’esprit et les oreilles sont tellement abasourdis par ces étranges annonces, accompagnées de gestes plus bizarres encore, que l’on finit inévitablement par perdre ce qui n’était qu’égaré. » Cité par Alberge 1988, pp. 249-50.

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Ils m ’en d o n n en t quarante. » — « A h ! quelle calom n ie ! R ép on d it un gascon ! que je v ou s plains, hélas ! Q u e je hais ces langues m audites ! C om m en t ne v ou s croirait-on pas, D ep u is dix ans que vou s le dites ! »

Parfois, ses mots d’esprit sont assez libres ou même franchement grossiers et devaient déclencher un rire gras : U n autre {Gascon), m alade d ’une rétention d’urine, souffrait beaucoup. E n l’exhortant à la patience, o n lui proposait l’exem p le de Job. Cadédis, s’écria-t-il, job pissait, etje ne puispaspisser. (46-47)

Un g ascon haranguantfit unpet ; sans s’étonner, il tourne la tête et dit à son derrière : Si vou s v o u lez parler, il faudra d on c que je m e taise. (166) E n parlant d ’un h o m m e qui sentait m auvais, il (Bergerac) dem andait :

Si sa mère était

accouchée de luipar derrière. Il y a du Rabelais dans notre Gascon, mais il n’en oublie pas la galanterie, même dans les situations les plus scabreuses comme nous le montre cette fable : Certain G ascon , chaud d’am our et de vin, A v ec ardeur pressait une cruelle, E t redoublant m aint geste libertin, A ses désirs la trouvait m oin s rebelle ; Q uand pour hâter de so n coeur incertain L ’aveu tardif, aux g en ou x de la belle Brûlant de flam m e, il se jette soudain ; M ais, par malheur, dans son élan rapide, A u suppliant échappe u n bruit perfide, Q u i du tendron réveille la fierté ; Lors avec feu : Q u oi ! cynique effron té ! Jusqu’à ce p oin t votre insolence éclate ! — Sandis ! reprit alors sans se troubler, N o tre gascon : c ’est un soupir, ingrate, Q u e v o s rigueurs forcent à reculer.

Notre Gascon est parfois mis face à face avec des gens d’autres “nations” dans des situations embarrassantes dont il se tire le plus souvent à son avantage et qui m ontrent sa “supériorité” : principalement, comme la tradition le veut, avec un Normand (15, 20, 29, 33), mais aussi avec un Parisien (10, 13, 126), un Danois (122) et même six “nations” différentes. En voici trois exemples : U n gascon et u n parisien avaient pris querelle ensem ble, o n les racom m oda sur-lecham p. — V ou s êtes bienheureux, dit le gascon au parisien, de m ’avoir surpris pacifique ; si vou s m ’eussiez fâché d ’un cran de plus, je v ou s eusse jetté si haut en l’air que les m ou ch es auraient eu le tem s de vou s m anger avant que v ou s fussiez revenu à terre. (13) U n norm and et un gascon furent condam n és à être pend us pour des vols. C om m e il s’agissait de leur prononcer leur sentence, le greffier lut d ’abord celle du norm and, qui marquait qu’il serait pend u pour avoir v o lé un sac de clous. Le gascon, en

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G asco n ia n a

l’entendant, dit : Peste soit du maraud ! sefaire pendre pour des clous ! E t quand o n lut la sienne, qui portait qu’il serait pend u pour voir v o lé dix m ille écus, il se tourna vers le norm and et lui dit : Sont-ce là des chus ? (33-34) U n C ham penois, un B ourguignon, un A uvergnat, u n Périgourdin, un Picard, un N orm an d et un Gascon m angeaient à Paris dans la m êm e auberge. Leurs pays étaient tous les jours entr’ eux un am ple sujet de raillerie et de dispute. — T erm inon s le différend, dit un jour le gascon, faisons ensem ble un repas o ù chacun fournisse ce que son pays peut produire de meilleur. Le B ourguign on et le C ham penois s’offrirent d ’abord à y faire briller leurs m eilleurs vins. — J ’y fournirai, dit l’A uvergnat, de nos excellentes perdrix. — E t m oi, de n os admirables pâtés, dit le Périgourdin. — E t m oi, d e n os gelinottes de b ois, dit le Picard. — E t m oi, ajoute le' N orm and , de n os b on n es poulardes. — E t m oi, conclu t le gascon, un plat bassin de maréchaux de France. (47-48)

Mais il faut conclure, car on pourrait facilement multiplier les anecdotes et les citations, toutes exemplaires. Ainsi donc, ce GASCONIANA, après d’autres, nous offre un véritable condensé des traits d’une caricature ethnique, littéraire et sociale, qui a perduré depuis le XVIIe siècle et dont on trouve encore des traces aujourd’hui, dans le vocabulaire de la langue courante. Caricature dont les Gascons eux-mêmes, au demeurant, par une sorte d’auto-dérision (Théophile Gautier était gascon...) ou de valorisation indirecte, sont en partie responsables : témoin ce “surmoi” gascon,12 fait de l’image de toutes les vertus gasconnes, militaires et mondaines, incarnées dans les grands capitaines (« le plat bassin de maréchaux de France ») de la “nation” (Monluc, le Duc d’Epernon, Antoine de Roquelaure et surtout le futur Henri IV) et magnifiquement illustré par l’épopée, dans sa langue, du Gentilome gascon, de l’Armagnacais Guilhem Ader (1567 P-1638),13 cette auto-représentation du héros de Gascogne, incarné par Henri IV, brillant et excessif jusque dans ses qualités présumées. Mais de cette image de héros flamboyant, le sourire condescendant de la “grande” culture française véhiculée par Paris n’a retenu, depuis quatre siècles, que l’étrangeté d’une langue ignorée trahie par son accent, que l’exotisme d’un panache de surface, que la faconde, sans l’éloquence, ou la vantardise, sans la fierté. E t surtout un prétexte à de “bonnes histoires”...

12 Pour le “surmoi” gascon et sa réception ridiculisante de Paris, nous renvoyons le lecteur aux pertinentes pages de Lafont 1970, pp. 221-69. Pour la survivance de l’image du Gascon et du “Méridional” en général (avec toujours les mêmes caractéristiques ethnotypiques) jusqu’à la Révolution et au-delà, avec ses implications politico-culturelles, cf. Martel 1990, pp. 197-207. 13 Cf. Vignaux et Jeanroy 1904.

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Bibliographie Alberge, C. 1988. Le voyage de Molière en Languedoc (1647-1657). Max Chaleil. Anon. 1650 —Les gasconades ou les rodomontades des Gasconsfaites aux Parisiens et aux Normands après le siège de Bordeaux. Sanlieu. Anon. 1708 = GASCONIANA, Recueil de bons mots, despensées lesplus plaisantes et des rencontres lesplus vives des Gascons, Amsterdam : François L’Honnoré. Anon. 1710 = VASCONL4NA ou Recueil de bons mots, 2e éd. Anon. 1767 —Le Gascon de Hollande ou desAventures singulières deplusieurs Gascons. Paris. Bec, P. 1997. Textes occitans. Bordeaux. — 2002. Per un pais... Ecrits sur la langue et la littérature occitanes modernes. Poitiers : Institut d’Etudes Occitanes de la Vienne. Lafont R. 1970. Renaissance du Sud, Paris : Gallimard. Martel, Ph. 1990. « Quand le Gascon fait la Révolution : images du Méridional », dans La Révolution vécue par la province. Mentalités et expressions populaires en Occitanie, Actes du Coll. De Puylaurens (avr. 1989), Béziers, pp. 197-207. Vignaux, A. et A. Jeanroy. 1904. Poésies de Guillaume Ader, publiées avec notice, traduction et notes. Toulouse.

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The Occitan Boecis, the Medieval French Tradition of the Consolatio Bhilosophiae and Philosophy’s Gown Glynnis M. Cropp

The Occitan 'Boecis is an untitled fragment of 257 lines of verse dating from the early eleventh century, copied as though prose on a few pages at the end of a manuscript containing Latin religious texts.*1 It has the epic form of decasyllabic assonanced lines in laisses of varying length. The most recent edition of the text, which we use here, is that of C. Schwarze.2 Having been described variously as both a literary and a linguistic “monument”,3 and as one of several “épaves”,4 the Boecis is a singular piece of clerical writing preceding other secular Occitan literature. It has been called the “poème sur Boècé”,5 which R. Dwyer amplified as a « quasi-hagiographical poem about Boethius ».6 Although A. Thomas and M. Roques considered it a clerical attempt to provide the laity with « la partie la plus accessible de l’enseigne­ ment philosophique et moral que contient la Consolatio »,7 the text is too brief for this purpose to be clear or even partially achieved. R. Lafont and C. Anatole described it as « une imitation du traité De consolatione Philosophiae, écrit par le penseur chrétien, exilé à Pavie... »8 and R. Taylor as «paraphrase en forme épique du De consolatione philosophiae de Boèce ... le plus ancien texte occitan ».9 In the light of present evidence, only Taylor’s final description (« le plus ancien texte occitan ») is This essay was completed while I held a Quatercentenary Visiting Fellowship at Emmanuel College, Cambridge, in the Easter term, 2002.1 am grateful to the Master and Fellows o f the College. 1 Orléans, Bibliothèque municipale, 444, ff. 269-275 ; Catalogue 1889, pp. 216-17. The manuscript contains the books o f Jeremiah and Ezechiel, homilies and sermons, a fragment o f the Song o f Songs, and the Christmas office. 2 Schwarze 1963. References are to this edition. Certain palaeographical features suggested to C. Schwarze that the text might have been copied as late as 1115 (pp. 7-8, 160-61). Earlier editions include those o f Raynouard 1816-1821, t. 2, pp. 4-31 ; Meyer 1874, pp. 23-32 ; Appel 1931, pp. 147-51 ; Lavaud and Machicot 1950. 3 Anglade 1921, p. 12 ; Thomas and Roques 1938, pp. 421-22. 4 Lafont and Anatole 1970, t. 1, p. 27. 5 Anglade 1921, p. 12 ; Lavaud and Machicot 1950. 6 Dwyer 1976, p. 8. 7 Thomas and Roques 1938, pp. 421-22. 8 Op. ät., p. 27. 5 Taylor 1977, p. 133 ; cf. Thiolier-Méjean 1978, p. 538, n. 5.

É tu des de langue e t de littérature m édiévales offertes à V eter T . R icketts

exact; other scholars have made fair attempts at a generic definition, seemingly based on an assumption that there was once an entire work of which a fragment has survived. But we do not know whether it was the copyist or the author whose work was left unfinished. The Boeds is not only the oldest Occitan text, but also the oldest example of the vernacular tradition of the Consolatio Pbilosophiae in the Gallo-Romance area. C. Schwarze, who closely studied the text and possible sources and parallels, embedded the Boeds in the biblical and theological traditions of its time. He attributed to it a Christian allegorical meaning centred on Philosophy in whom he perceived the Old Testament Sapientia combined with the New Testament Christ figure.10 It is not our intention to re-appraise this interpretation of the Boeds, but to situate it more precisely than hitherto in the vernacular tradition of the Consolatio Pbilosophiae, by examining its conformity with the Latin text (I, 1, §1-6)11 and comparing its description of Philosophy with that of six northern French translations and the iconographical representation. Philosophy leads the discourse of the Consolatio, standing tall and moving freely, her head raised toward heaven, in contrast to Boethius whose bowed head and lethargy convey his despondency at the exile and detention imposed by the emperor Theodoric. He must be encouraged to reflect and to stand and engage in dialogue with Philosophy. The Boeds text has three parts : the prologue and biographical resume (laisses IX), Boethius’ lament on his predicament (laisses XI-XXII), the appearance and description of a lady (laisses XXIII-XXXV). After brief examination of the first two parts, we give more detailed attention to the third, the longest part (101 lines). The anonymous author of the Boeds introduced his work, identifying with young people, as he speaks about the folly of unrepentant youth, the power of God and the wickedness of times past when Boethius, in vain, preached the Christian mes­ sage and was imprisoned (11. 22-27). A brief account of Boethius’ life follows, stressing his Roman, noble origin (11. 32-35), his great wisdom and learning (de sapienda ... doctor, 1. 39), his Christian faith (“fiel Deu”, 1. 45), the emperor Theodoric’s opposition, false accusation and unjust imprisonment of Boethius (11. 60-71). In the next division of the text, corresponding more or less to the first metre of the Consolatio, the didactic and Christian moral purpose is evident as Boecis in the first person prays to God, the Redeemer of sins (Dominepater..., 1. 75, 81), lamen­ ting tearfully his plight (11. 75-91). Then, with reference to the authority of written knowledge, he recommends living a life directed towards God in one’s youth (11. 99119). Having advised against material possessions, honours, and praise from friends, he instructs on the Christian way of life, with reference to the Doctrine of Redem­ ption and the Holy Trinity (laisse XXII). The author intervenes to sum up Boecis’ blame of his friends who formerly praised —excessively, he now judges —his status

10 Op. at., p. 109. Cf. Lavaud and Machicot 1950, pp. 51-52, where sapienda (1. 30) is considered an amalgam o f “science et sagesse”. 11 Bieler 1984, p. 2.

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The Occitan

Boecis

and his faith in God (11. 138-145). Although themes of the first metre of the Consolatio occur, notably the physical degeneration of old age, the pain of suffering, former happiness, and the role of friends, Boecis also evokes the model of the good Christian standing on a steady ladder (11. 146-157), thus anticipating the ladder of moral virtues of the lady’s gown (laisse XXXII). In this way, the classical thought of Greek and Latin antiquity on which Boethius’ erudition was founded, is accom­ panied by essential Christian doctrine not explicitly contained in the Latin text, although Boethius’ Christian belief is now generally accepted. Boecis is not offering his life as a saintly example to emulate nor foreshadowing veneration of his martyr­ dom, but instructing others to live a Christian life and thus avoid evil. The third part, laisses XXIII-XXXV, is devoted to the appearance of an un­ named noble lady who visits Boecis in prison and whose role corresponds to that of Boethius’ Philosophy. In order to analyse the detail, we have established the des­ criptive canon of the features presented by Boethius in book I, prose 1,1-6: 1. she is seen standing above Boethius’ head - adstitisse mihi supra uerdcem uisa est 2. a woman —mulier 3. her face arouses awe - reuerendi admodum uultus 4. her burning eyes of extraordinary penetration —oculis ardentibus et ultra communem hominum ualendamperspicadbus 5. her fresh complexion, with ever-lively bloom - colore uiuido atque inexhausti uigoris 6. she seems ancient, not of our time - aeuiplena ... nullo modo nostrae ... aetatis 7. her three heights : ordinary; touching the heavens ; penetrating the heavens, out of human sight - statura discretionis ambiguae ...ad communem ... hominum mensuram ... pulsare caelum summi uerticis cacumine ... caelum penetrabat respidentiumque hominum Jrustrabatur intuitum 8. her garments are of very fine, imperishable threads, of delicate workmanship, which she wove herself - tenuissimisfilis subtili artifido indissolubili materia ... suis manibus ipsa texuerat 9. her garments are darkened by the neglect of the past - caBgo quaedam negledae uetustatis obduxerat 10. in the lower border, the Greek letter Pi, in the upper border Theta - Harum in extremo marine 71Graecum, in supremo uero 6 legebaturintextum 11. steps form a ladder to ascend from the lower character to the higher - in scalarum modum gradus quidam insigniti uidebantur, quibus ab inferiors ad superius elementum esset ascensus 12. violent hands had torn her gown and removed pieces - uiolentorum ... saderant manusetparticulas ... abstulerant 13. in her right hand, she holds books, in her left a sceptre - dextra ... libellos, sceptrum uero sinistragestabat. How closely does the Occitan text conform to this canon ? Although her pre­ cise position (1) is not defined, a noble lady of royal descent (2), « una donzella ... / Filla’s al rei» (11. 160-61) visits Boecis in prison. While it is stressed that she is beautiful (1. 162, 170, 176), her appearance does not immediately inspire awe and reverence (3). The bright light she radiates is, however, extraordinary (II. 162-65, 177) and perhaps meant to cover Boethius’ description of burning eyes (4). As in

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- the Consolatio, she has three different heights (7) and when tallest can see the majesty of heaven: « Qual ora’s uol, petita’s fai asaz ; / cum ella s’aupa, cel a del cap polsat; / quant be se drega, lo cel a pertusat, / e ue lainz tota la maiestat» (11. 16669). The author then returns to the theme of light, declaring that her face is so bright, no one can hide their person or their thoughts from her gaze (11. 170-174). He pursues this theme of inner penetration (4), with religious connotations, in the following laisse (11. 177-185), here bringing out the awe in which the lady must be held (3). She is also ancient (6): «molt es de longs dis» (1. 176). Her beautiful garments are made of good, fine threads which she wove herself, inextricably, more than a thousand years ago (11. 187-88, 190-91, 199 ; 8). Despite their age they have not depreciated in value (11. 189, 192-93). The lady tells how young men tear her apart (12), the love they had for her while she fulfilled their wishes, having turned to hatred ; consequendy they lose her love (11. 194-98). At this point the author begins to introduce his own moral allegory (11. 199-200), equating the material of the garments with the abstract Christian virtues caritat and fe (1. 200), evoking their dazzling whiteness (11. 201-03), in contrast with the darkness caused by age that Boethius described (9). The gown has two Greek characters in gold, Pi below and Theta above (11. 204-05; 10), connected by a ladder (11. 209-210) with steps for ascent from earth to heaven (11). In her right hand the lady holds a book (1. 246) and in her left a royal sceptre (1. 256) (13). The Boecis does not correspond exactly in content and order of details to the Latin text. It covers points 2, 6, 7, 8, 10, 11, 12 and 13, albeit with small modifi­ cations ; the author devised alternative versions inspired by 3 and 4, omitted 1 and 5, and chose the opposite of 9. The lady herself refers to the aversion young men show by tearing her garments, when she ceases to satisfy their hopes (11. 195-98), thus establishing a link with the prologue and helping to justify the moral allegory which follows. The author inserted at this point further new material in allegorical form : birds ascend the ladder with steps of « almosna e fe e caritat» (1. 217). Some of the birds are destined also to descend (11. 211-12), figuring the human tendency to fall from the virtuous, reasonable way of life embarked on in youth and to become in later life disloyal and treacherous (11. 231-36).12 The ladder proposes seven virtues (“gran bontat”, “bona feeltat”, “largetat”, “alegretat”, “ueritat” “castitat”, “umilitat”) with which to combat seven vices (“felnia”, “periuri”, “auaricia”, “tristicia”, “menzonga”, “lucxuria”, “superbia”, 11. 218-225.13 The birds who ascend represent good people whose sins are redeemed, who believe in the Holy Trinity and shun worldly power (11. 228-230), in contrast with others who lapse unrepentantiy and fall prey to the devil (11. 239-242). The lady, who has already been said to have power to determine whether souls enter hell or paradise (11. 181-84), holds a book described as « ... de fog ardenz ; / zo’s la iusticia al rei omnipotent» (11. 24748) .14 With fire God takes revenge on the unrepentant sinner, His goodness being reserved for those who show love. The text breaks off with mention only that the

12 Schwarze 1963, pp. 131-35. 13 Ibid., pp. 101-02,136 ei seq.; Lavaud and Machicot 1950, pp. 65-66. 14 Schwarze 1963, pp. 157-58.

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The Occitan

Boecis

sceptre signifies “iusticia corporal” (1. 257), suggesting that the author had in mind symbolic expression of the spiritual-worldly dichotomy. Similarities and differences are perceptible. Boethius’ framework - the entry of a feminine presence into his prison —is clearly recognisable, although with differences in other detail, such as the lady’s royal descent, repeated mention of her beauty and that of her garments (11. 162, 170, 176, 186, 199, 201, 243), the amazing light she radiates, and her power. The most significant differences are, however, the addition of moral allegory and the insertion of Christian doctrine. Whereas Boethius did not mention in the Consolatio Philosophiae the consolation offered by Christian faith, Boecis not only prays to God, but also evokes the doctrines of the Holy Trinity and of the Redemption of sin, thus creating a Christian vision rather than a philosophi­ cal vision. Boethius had, however, treated these theological matters in the Opuscula sacra, in tractates I, II and IV.15 The Opuscula sacra were part of the teaching of the schools from the ninth century and well into the twelfth century as a theology set text. They reflect the theology emerging in Boethius’ time among Greek Christian writers, which was orthodox and compatible with the broadly Neoplatonic mono­ theism of the Consolatio. A number of manuscripts copied between the ninth and twelfth centuries contain both these works, as though they present two sides of one mind, philosophy and theology, thus forming a single corpus,16 sometimes com­ pleted by a vita of the author.17 Had the author of the Boecis access to such a manu­ script, it would have given him the material, and perhaps the inspiration, for his attempt to compose a synthesis of which we have a fragment. Out of the total of twelve known French translations, we have chosen for comparison six, written between the first half of the thirteenth century and the second half of the fourteenth century, in prose, verse-prose, and verse. With the numbering of A. Thomas and M. Roques,18 they are as follows : I. Del Conjortement de Bhilosofie - prose19

15 Theological Tractates 1973. On the Trinity, see I, Trinitas unus deus ac non tres dii, I, 7-10, pp. 6-7 ; V, 45-57, pp. 28-29 ; II, Utrum pater etjilius et spiritus sanctus..., pp. 32-37 ; IV, De fide catholica, pp. 52-53,11. 10-15. On the Doctrine o f Redemption, see De fide catholica, pp. 56-59,11. 72-87 ; pp. 66-69,11. 194-201, 222-29 ; pp. 70-71,11. 250-258, 267-271. See also Chadwick 1981, pp. 175-80, 213. 16 Gibson 1981, pp. 214-20, 229, n. 17 ; Troncarelli 1983, pp. 17 and 24 ; Daley 1984, pp. 159-63, 189-91. Chadwick summed up the lack o f distinctively Christian features : « The Consolation is a work written by a Platonist who is also a Christian, but it is not a Christian work » (op. cit., p. 249), but it could be read as a Christian work {ibid., p. 251). 17 For example, in Cambridge, University Library, MS Dd.VI.6, the Consolatio (ff. 3V-61V) and first Tractate, De Trinitate (ff. 62'-67v) are followed by a vita (f. 67v) and Tractates II-IV (ff. 68'-86v) (DECLC s.v. solsir-se, solsida Contini, C. 1986. Breviario di ecdotica. Milano-Napoli : Ricciardi. Constans, L. 1879. « Quelques mots sur la topographie du poème provençal intitulé ‘Wie de sainte Enimie” », Revue des langues romanes 15, pp. 209-17 DCECH = J. Corominas de J.A. Pascual, Diccionario critico etimolôgico castellano e hispânico. Madrid : Gredos, 1980-... DECLC = J. Coromines, Diccionarietimolôgici complementaride la llengua catalana. Barcelona : Curial, 1980-... De Lage, G. R. éd. 1966-68. Le Roman de Thèbes. Paris : Champion, I (1966) et II (1968). Demaison, L. 1936. Quelques mots en usage à Reims. Reims (extr. des « Travaux » de l’Académie Nationale de Reims, t. 149). GirRouss —» Pfister 1970. Godwin, J. éd. 1991. Lucreti De rerum natura V I, edited with translation and commentary. Warminster (Engl.) : Aris & Phillips Ltd. Hoepffner, E. 1951. c.r. de Lavaud-Machicot 1950, Romania 72, pp. 249-54.

329

.S tüdes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T . Picketts

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330

L’origine de l’occitan TUDEL et du français TUYAU et du danois TILLERUP par Povl Skârup

; ; : ! \ ]! I

Les form es médiévales (sans le -s flexionnel) sont : occitan tudèl, français tuèl. La form e tuyau du français m oderne s’explique ainsi : au cours du m oyen âge, -/- est devenu -u- devant une con son ne mais conservé ailleurs, et les form es flexionnelles tuèls et tuèl sont devenues phonétiquem ent tuiaus et tuel, après quoi la variante préconsonantique du thèm e a supplanté la variante sans -s. Les form es médiévales supposent une form e gallo-romane : *tudèl ou plutôt *tudèll. O n sait que le gallo-roman distinguait entre voyelles deux consonnes dentales simples, auxquelles s’ajoute -tt- : latin et proto-roman

-d-

-t-

-tt-

gallo-roman

-b -

-a-

-tt-

-z- > -3-

-d-

-t-

occitan français

-Ö- > zéro

-t-

La consonne intervocalique de notre m ot est le -d- gallo-roman, qui dans les m ots hérités du latin provient de -t-. D ans *tudèll, -èll est sans doute le suffixe roman provenant du latin -ellu. La plupart des hypothèses étym ologiques im pliquent que ce suffixe a été ajouté en gallo-roman à un m ot qui avait été emprunté à une langue germanique et qui n ’a pas été conservé en gallo-roman sans le suffixe. Q uel est ce m ot germanique ? Selon D iez, « Tudel ist genau das altn. täda, dän. tûd, ndl. tuit, hochd. mundard. %aute röhre, besonders an einem gefaß zum eingießen ». C’est ce qu’il écrit dans son dictionnaire étym ologique, au m oins depuis la 2e édition, parue en 1861 (je n ’ai pas vu la l re édition, parue en 1853). En mettant Tudel, il fait évidem m ent abstraction du suffixe. Sur la base du vieux norrois tûda, cité par D iez, Mackel (1887, p. 19) reconstruit un ancien bas allemand *tüda com m e étym on des m ots gallo-romans. G am illscheg (1928, p. 874) déclare que le vieux norrois tûda n ’existe pas. Il ajoute qu’un francique *tüda (basé sur cette forme) est im possible phonétiquem ent com m e étym on du m ot gallo-roman; il doit penser que la dentale intervocalique de

Études de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Ricketts

*tüda aurait été identifié au gallo-roman -Ö-. Il ne cite pas les autres m ots i germaniques allégués par D iez. Il est vrai que tûda n ’existe pas en vieux norrois (la langue norvégienne et islandaise du m oyen âge). Ce n ’est pourtant pas un m ot fantôme imaginé par D iez. Il a dû le relever dans le dictionnaire islandais-latin-danois de Björn Halldorsson, édité en 1814 par Rasmus Rask (je le cite ici d ’après la nouvelle édition parue en 1992) : « Tûda f. tubus, et Ror, en T u d » . La graphie tûda représente ce qu’on écrit tüôa dans l’orthographe courante, qui distingue entre d et ô. Or ce dictionnaire traite de toutes les périodes de la langue islandaise à la fois : le substantif tüSa existe bel et bien en islandais, mais seulem ent dans la langue m oderne, où c’est un emprunt fait au danois (Asgeir Blöndal M agnusson, 1989, p. 1067). L’erreur de D iez a été de l’attribuer à l’islandais médiéval; l’erreur de Mackel a été de l’accepter et d ’y baser la reconstruction d ’un m ot ancien bas allemand ou francique; l’erreur de leurs ' successeurs, qui ont eu raison d ’écarter ce m ot islandais de la discussion, a été d’écarter en m êm e tem ps les autres m ots germaniques cités par D iez, à quoi ils i ajoutent l’erreur de confondre d’autres m ots germaniques différents. L’hypothèse de G am illscheg est un m ot francique *pûta, reconstruit d ’après « gotisch put-haum “B lashom ”, ostfriesisch tute “Rohr”; vgl. auch agis, peote-tubus ». Cependant ces trois m ots attestés représentent autant de m ots germaniques diffé­ rents. Le premier élém ent du m ot gothique est apparenté du verbe *peutan ‘faire du bruit’, avec une alternance bien connue : eu:u (il est vrai que le manuscrit gothique ne m ontre pas si le -u- de pu t- est long ou bref, mais l’hypothèse la plus simple est un -u- b ref en alternance avec -eu-). Le m ot frison et le m ot vieil anglais sont deux substantifs différents. Le m ot gothique et le m ot anglais ne prouvent pas que le m ot frison rem onte à un m ot en p - plutôt qu’en t-, Meyer-Lübke (1935, n° 9017) ne cite pas Gamillscheg, mais s’oppose directem ent à D iez : « Anord. tuda ‘Röhre’ D iez 334 ist nicht nötig und paßt lautlich nicht für prov. Tudel ». Il ne semble pas avoir vu que G am illscheg avait m ontré que le m ot cité par D iez n’existait pas en vieux norrois. S’il conteste l’hypothèse de D iez, c’est pour deux autres raisons. La seconde est phonétique, voir ci-dessus. La première, « ist nicht nötig », est vague : M eyer-Lübke pense peut-être que D iez supposait que le m o t était d’origine Scandinave, il ne semble pas avoir vu que D iez ne précisait pas la langue germanique à laquelle le m ot aurait été emprunté (il néglige les autres m ots germaniques allégués par D iez). E t il sem ble penser qu’une telle hypothèse Scandinave est m oins simple que sa propre hypothèse, qui est un *tüt onom atopoétique. ,j Wartburg (FEW 1 7 ,1 9 6 6 , 408) rejette l’hypothèse de Meyer-Lübke, parce qu’un *tüt onom atopoétique aurait conservé son -t- : celui-ci n ’aurait pas été identifié en gallo-roman à -d- mais à -tt-. Wartburg revient à une origine germanique : *thüta ‘tuyau’. Il ne dit pas que G am illscheg avait déjà proposé cet étym on, et il l’appuie partiellement sur d ’autres m ots germaniques : non plus sur le frison tute, mais sur le gothique put-haum (voir ci-dessus), le vieux bas allemand theuta ‘tuyau’ et le vieil anglais pëote ‘tuyau’. Mais aucun de ces m ots ne justifie le -ü- supposé par les m ots gallo-romans.

332

L ’origine de l'occitan T U D E L

1 L’hypothèse de GamiUscheg ou de Wartburg sera reprise par la plupart des ! étym ologistes postérieurs. Les romanistes confond en t trois substantifs germaniques à peu près synonym es, ! mais distingués par les germanistes pour des raisons phonétiques. Les voici i exprimés par des form ules germaniques m unies d ’un astérisque, lesquelles ne sont ; qu’une façon com m ode d ’indiquer les types de m ots, sans impliquer d ’hypothèse , sur leur existence en germanique prim itif : ! 1. germ. *peutôn, fém ., représenté par le vieux bas allemand theuta ‘tuyau’ et le ' vieil anglais pëote ‘tuyau’. 2. germ. *tütôn, fém ., représenté par des m ots germaniques qui signifient ou ; peuvent signifier ‘bec verseur d ’un récipient’: le m oyen bas allemand et le m oyen ! néerlandais tute, le vieux frison tüte, le danois tude (vieilli ou dialectal), l’islandais i m oderne tüÔa. — Pour le vieux norrois, où D iez citait à tort un m ot tûda, Jan de : Vries (1962) cite tüta. C’est le nom d’un nain qui figure dans l’épisode dit Sneglu: Halla Jpâttr, lequel se lit dans Saga Haralds harôrâôa dans certaines com pilations de sagas royales. Ce nom se décline com m e un féminin. C’est sans doute un sobriquet. Or le nain qui le porte est frison. Le nom aurait-il été emprunté au frison ? 3. germ. *tüta, masc., représenté par le danois tud, le norvégien et le suédois tut. i

Rien ne justifie l’hypothèse d ’un quatrième substantif germanique, *pûta,

; supposé par GamiUscheg, Wartburg et leurs successeurs. i Curieusement, ü y a deux verbes germaniques qui sont synonym es et qui ressem blent aux substantifs par leur phonétism e, mais n on par leur sens, puisqu’Us signifient ‘faire du bruit’: 1. germ. *peutan, représenté com m e verbe dans plusieurs langues germaniques et, avec un autre vocaUsme, dans le gothique put-haûm ; 2. ! germ. *tütan, représenté en m oyen bas aUemand et aüleurs. Il est vrai qu’U existe un troisième verbe, *pütan, représenté en vieil anglais, mais il est né de *peutan par un changem ent analogique à l’intérieur de la m orphologie verbale, et il ne saurait appuyer l’hypothèse d ’un substantif semblable : *püta.

(

Phonétiquem ent, les consonnes des substantifs gallo-romans perm ettent aux trois substantifs germaniques d ’être l’étym on : le -t- intervocalique a pu être identifié au -à- gallo-roman provenant de -t-, et les deux dentales initiales, *p- et *t-, on t pu aboutir à t-. Mais la voyelle écarte *peutôn et n ’admet que Hütôn ou *tüta. C’est donc

: un de ces m ots-ci qui serait passé dans le gallo-roman. '! Les m ots représentant *tütôn et *tüta sont ceux que citait D iez. S’il n ’avait pas

j ajouté le vieux norrois tûda, ou si ses successeurs n ’avaient pas négligé les autres i m ots qu’il avait cités, l’histoire de l’étym ologie de l’occ. tudèl et du français tujau \ aurait été différente. ! Après être passé dans le gallo-roman, le m ot aurait été m uni du suffixe roman 'i -tsllu. Pour cette suffixation, une autre hypothèse est pourtant imaginable. Le germanique *tiïta n’est pas seulem ent représenté par les m ots cités ci-dessus,

j mais encore, selon une hypothèse proposée par John Kousgârd Sorensen (1989, j 172ss.) et acceptée par B ent Jorgensen (1994), dans Tillenp, le nom d’un hameau I situé dans la région de M ois, en Jutland, nom attesté depuis le début du XIVe siècle.

333

Etudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Pdcketts

C’est un nom com p osé, dont le second com posant est évidem m ent le m ot *porp ‘ferme placée hors du village’, qui apparaît dans un très grand nom bre de toponym es form és à l’époque viking ou au m oyen âge. Selon l’hypothèse, le premier com posant serait le n om du lac près duquel le hameau est situé. A l’époque où le nom com posé a été form é, le nom du lac aurait été *T jtli au nominatif, *Tÿtla dans les autres cas (m ot masculin), et le nom du hameau aurait été *Tjtlaporp. Ce n om du lac aurait été un dérivé du substantif germanique représenté en danois m oderne par tud ‘b ec verseur’ avec un suffixe en -i- (qui aurait changé -ü- en devenu -i- par un délabialisation caractéristique du dialecte) et en -/- ; le m ot serait passé dans la déclinaison en -n (dite faible); avec ses suffixes, le m ot aurait eu en germanique prim itif la form e *Tutlian. Le lac aurait eu ce nom d ’après une pointe qui s’avancerait dans le lac et qui ressemblerait à un bec verseur. Malgré (ou à cause de) m on incom pétence en toponym ie et en linguistique germanique, je vais m e permettre quelques questions. E n germanique primitif, le nom du lac aurait été *T.'utlian, selon John Kousgârd Sorensen. Je suppose que c’est une simple faute pour *Tütlian. Mais ce qu’ont écrit sur la form ation des m ots en germanique et en Scandinave W olfgang M eid (1967, § 87.a.3 et b.4) et A lf Torp (1974, § 35), m e sem ble impliquer que * T jtli représenterait plutôt un vieux germanique *tüt-ila-n, qui serait une sorte de dim inutif (bien que le sens dim inutif ne soit pas forcém ent très prononcé). Quels sont les arguments pour ou contre ces deux m ots reconstruits, *tütlian ou *tütilan ? Le vieux danois *TJtli semble supposer le type germanique *tüta, masc. O r le danois connaît égalem ent le type *tütôn, fém ., dont le dérivé correspondant en vieux danois serait égalem ent du fém.: *Tÿtla au nominatif, *Tÿtlu dans les autres cas, donc *Tÿtluporp. Cette m odification de l’hypothèse serait-elle possible ? Quant à la pointe dont la form e aurait donné son nom au lac, je n’ai pas pu l’identifier, ni tel que le lac est aujourd’hui, ni avec le niveau plus élevé qu’il avait autrefois, com m e l’a bien fait observer John Kousgârd Sorensen (il l’aurait de nouveau sans le tuyau d ’écoulem ent qui maintient le niveau bas du lac). N e serait-ce pas plutôt la form e du lac lui-m êm e qui lui aurait donné son nom ? N o u s ignorons le sens de *tüta ou de *tütôn et à plus forte raison celui de *Tÿtli ou de *Tÿtla à l’époque où le lac a reçu son nom : ‘bec verseur’ ou ‘tuyau’ ou autre ? Q u ’en est-il de la ch ose ? M m e Else Roesdahl, professeur d ’archéologie m édiévale à l’université d ’Ârhus, m e dit que ce n ’est qu’env. 1200 que les potiers danois on t com m encé à munir leurs récipients d ’un bec, lequel était form é com m e une avancée en pointe. Les tuyaux verseurs ne se voyaient que dans des récipients importés. O n peut douter n on seulem ent du sens mais m êm e de l’existence, à l’époque où le nom du lac aurait été form é, du m ot qui a en danois m oderne la form e tud (ou tudè). Il n ’est pas attesté dans des textes avant le XVIe siècle. Est-il suffisam ment probable que ce m o t n ’a pas été emprunté au frison ou au bas allemand après le m oyen âge ?

334

L ’origine de Voccitan T U D E L

Est-il m êm e suffisam m ent probable que le type germanique *tüta, qui n ’est attesté que dans les langues Scandinaves, existait dans d ’autres langues germaniques avant cet emprunt, et qu’il n ’a pas été créé au m om ent de l’emprunt ? ou m êm e plus tard si le danois tude est à la base du danois tud et du norvégien et du suédois tu t ? Sinon, ne reste com m e étym on du gallo-roman *tudèll que *tütôn, qui supposerait un changem ent de genre, du fém inin au masculin. Q uoi qu’il en soit, l’hypothèse portant sur Tillertp peut en suggérer une portant sur *tudèll, à savoir que le m ot emprunté par le gallo-roman a pu être n on pas le m ot simple *tütôn ou *tüta, mais un dérivé en -/-, *tüt-ilô-n ou *tüt-ila ou autre, dont le suffixe germanique aurait été adapté au suffixe gallo-roman d ’origine latine : *tudèll. Bien entendu, cette hypothèse n ’im plique pas que ce soit au Scandinave que le m ot ait été emprunté, parce qu’un dérivé semblable a pu exister aussi bien dans d ’autres langues germaniques.

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335

Interférences lexicales chez Pierre de Langtoft * Jean Claude Thiolier

| Chanoine augustin qui vécut de c. 1250 à 1306, Pierre de Langtoft occupa une ; stalle dans le riche prieuré de Bridlington de 1271 jusqu’à au moins 1293. Comme | les fondateurs de ce prieuré, les Gant, il était probablement originaire de la région j de Bourne (Lincolnshire) où existe encore un village de Langtoft, où prospérèrent j des monastères fameux (Croyland, Vaudey, Sempringham et Bourne même) ainsi | que d’illustres familles bien introduites à la cour des Plantagenêts (non seulement les i Gant, mais aussi les Wake, les Darcy, puis les Beaumont et leurs amis).*1 Il devait j donc pratiquer à la fois le latin, le français et le moyen-anglais, et sa Chronique, dont | le troisième livre est exclusivement consacré au règne d’Édouard Ier, porte maintes S traces de ce ttilinguisme.

!

l.F ee

;

Dans un recueil collectif édité par C.L. Tipton et consacré au nationalisme à l’époque médiévale,2 Barnaby C. Keeney se demande si la prise de conscience qui apparaît en Angleterre au tournant du XIVe siècle, notamment à travers la Chronique de Pierre de Langtoft, le sentiment d’appartenir à une communauté, constitue une première forme de nationalisme. Se gardant bien de commettre un anachronisme, cet historien note surtout des manifestations de xénophobie qui sont de tous les temps et qui sans support conceptuel ne sauraient aboutir à un nationalisme au sens où nous l’entendons aujourd’hui. De fait, Langtoft est xénophobe. Dominica Legge disait même “scotophobe”. Mais il déteste autant les Gallois qu’il maudit comme les Écossais.

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Gales seit maudite de Deu e seint Simon,3 Car tutdis ad esté pleine de traison. * Texte remanié d’une communication donnée le 4 avril 1998 à St. Peter’s College (Oxford) dans le cadre du colloque de l’Anglo-Norman Text Society. 1 Sur les attaches géographiques probables de ce chroniqueur, voir Thiolier 1998, pp. 1329-53. 2 Tipton 1972, pp. 87-97. 3 D’après des auteurs sans autorité, après la Pentecôte, saint Simon l’apôtre aurait prêché en Afrique et en Grande Bretagne (Pierrard 1974, p. 198 col. b).

É tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. PJcketts

Escoce seit maldite de la mere Dampnedé E del deable d ’enfern seit Gales encombré ! Car en l’une n ’en l’altre n’out onques vérité.4

Après la confiscation de l’Aquitaine en 1294 par Philippe le bel, il fustige la déloyauté des Français, leur surquiderie, leur outrecuidance. Il dénonce aussi l’irresponsabilité, les contradictions de la lointaine cour romaine. La cour pontificale exaspérait les Anglais, laïcs ou clercs. Par sa bulle Scimusfili du 27 juin 1299 Boniface VIII avait prétendu que l’Ecosse relevait du Saint-Siège et ainsi réalisé l’union d’Édouard et de ses magnats contre sa personne. L’archevêque de Cantorbéry, Winchelsea lui-même, combattait les empiètements pontificaux sur les droits de l’Église d’Angleterre et était très impopulaire à Rome.5 Les décisions contradictoires des papes successifs sont dénoncées par une poésie politique contemporaine de Langtoft (composée entre 1305 et 1308) : Rome pcet fere e defere, Si fet ele trop so v e n t.. .6

C’est la même idée et presque les mêmes mots qu’au v. 2226 de la rédaction II, p. 414 : ‘Parfare et par defare / Rome nous derist’. Langtoft dénonce plus précisément les contradictions entre Boniface VIII qui excommunie les Colonna et son successeur Benoît XI qui les absout. Bulle avoms novele, le noun Benet escrit, Qe partye repele qe Boniface purvist. Ly robers est asous avaunt qe taunt mesfist.7

La corruption romaine a déjà été décrite de façon quasi goliardique par le chancelier Philippe à l’époque de Philippe Auguste. Itur et recurritur Ad curiam ; nec ante Quid consequitur Quam exuitur quadrante.8

Langtoft dénonce aussi la richesse invraisemblable de Boniface VIII, mise en évidence par l’attentat d’Anagni en 1303. D e tut le grant trésor k’en son tens conquist Ne avoyt plus qe Jop ou femer qant i sist. La sume de l’aver qe Boniface perdist, Ne cumbeen arer homme ly rendist, N e defee^ de must, uncore ne su paifist,

4 Le règne d’Edouard I'r, éd. Thiolier 1989, rédaction I, p. 286, v. 695 et sv. 5 Fawtier 1940, p. 392. 6Aspin 1953, p. 62. 7II 2221-2223, p. 414. 8 « On vient à la cour de Rome et l’on en revient ; et l’on n’obtient rien tant qu’on n’est pas dépouillé du dernier quart de sa monnaie », Dobiache-Rojdestvensky 1931. Allusion à Matth. 5, 26.

338

Interférences lexicales

Mes conuz ai de voyr afraé s’em partist Mayntenaunt vers Rome, ou .III. jours vesqit.910

Thomas Wright n’a pas vraiment traduit fee^ de coust puisqu’il se contente de transposer en disant fees ofcostA Pouvons-nous justifier une traduction par ‘objets de valeur’ ? Nous voyons d’abord en fee la forme a.-n. avec [e:] de fié, variante de fief ; nous supposons à la fois la chute du — f final et la réduction de l’ancienne diphtongue [ie] en [e:]. Godefroy ne donne pas fee ni fié, mais seulement le mot fief dans son sens habituel.11 Tobler-Lommatzsch connaît la forme fié, mais non pas au sens de ‘propriété mobilière’.12 U Anglo-Norman Dictionaty donne la forme fê et un sens apparenté au nôtre avec ‘paiement’.13 L’exemple donné provient d’un registre du Kent daté du XIVe s ., le registre de Daniel Rough, common derk de Romney (13531380) : «Le bailif ne prendra fees ne amercements [= amendes] ». Même-s’il s’agit de taxes, fees désigne de l’argent liquide. R. Kelham mentionne fé avec le sens de ‘fee’, mais sans aucune précision comme à son habitude.14J. H. Baker mentionne fê et fee (avec un ou deux é), mais exclusivement avec le sens de ‘fief et les sens dérivés de ‘fief (‘revenus de fief par ex.)15167 A. Ernout et A. Meillet dans leur Dictionnaire étymologique de la langue latinex& permettent de saisir la communauté d’origine entre le mot anglais et le mot venu de France en évoquant un thème d’origine indo-européennepek’u attesté seulement en indo-iranien, germanique et italique, et qui signifie déjà le « bétail en tant que forme de richesse ». En latin ce thème est à l’origine à la fois de pecus (pecoris) et de pecunia. Le westique, puis le vieil-anglais avec feo(h), gardent ce sens fondamental. D’après le FEW il subsiste aussi dans le francique *febu.Y1 II a dû subsister encore en grande partie en roman si l’on peut se fier au latin fevum ou feum des VIIIe et IXe siècles. Un cartulaire de Saint-Gall en Suisse daté de 786 et une charte de Cluny de 881 témoignent, selon J. F. Niemeyer, du sens de « biens meubles consistant soit en argent soit en objets de valeur ou en denrées ».18 C’est avec le passage au français et l’apparition du médio-latin feodum que la spécialisation dans les emplois féodaux aurait eu lieu. Ainsi la forme a.-n. tardive ou moyen-anglaise fee, aboutissement phonétique à la fois du vieil anglais feo(h) et de l’ancien français fié, aurait permis de réduire à un seul mot deux mots de même origine, mais auxquels l’Histoire avait assigné des significations divergentes.

9II 2213-2219, p. 414. Apparat critique : 2217 de ] Y des ; Y fetz ; su ] 17 suy, CDLP2 fu. 10Wright 1868, p. 350. " Godefroy 1880-1902. IX 616 b. 12Exemples T.-L., t. III, coU.1817 et 1818. n A N D III, pp. 296-97. 14 Kelham 1779, p. 102. 15 Baker 1990, p. 113. 16 Ernout et Meillet 1959, p. 492. 17Wartburg 1922-..., XV, 117a. 18 Niemeyer 1976, sous feodum.

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É tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T . PJcketts

Mais si le mot fr. fief ou fié reste univoque, en revanche le subs. angl. fie a droit dans YOED à deux entrées différentes et, d’autre part, C. T. Onions, dans son Oxford Dictionary of English Etymology, a ménagé certes une seule entrée pour fie avec le sens de fief mais en maintenant deux étymologies. Il semble qu’il y ait bien deux substantifs homophones sous la forme fie en moyen-anglais et en anglo-normand tardif. — un subs. ^ issu de fié, c’est-à-dire du continental fief et de toute façon présent avec ce sens dans Langtoft dans d’autres contextes que celui que nous venons de citer ; — un subs. fie issu directement du v. anglais fio(h) dont la diphtongue [eo] s’est réduite à [0 ] au XIe s., lequel [0 ] devient [e] au cours du XIIe s., sauf dans le SudOuest et les Midlands-Ouest où cette évolution eut lieu après 1300.19 Ce substantif anglais a signifié bétail, richesse fondée sur le bétail, richesse, propriété mobilière en général, argent, d’où tous les sens de l’anglais moderne autres que celui de fief. Si le sens d’ ‘objet de valeur’, qui convient tout à fait au v. de la Chronique de Langtoft, n’est pas connu comme anglo-normand, mais correspond exactement au sens n° 2 mentionné par le Middle English Dictionary (‘movable property ... treasure, wealth ...’),20 une lettre anglo-normande datable des années 1284-1286 et éditée par F. J. Tanquerey,212présente le sens plus vague d’‘argent’ qui correspond au sens n° 3 du Middle English Dictionary : ‘... money as a medium of exchange’, voire au sens de ‘rémunération, honoraires’ conservé par l’anglais moderne et reconnu comme déjà anglo-normand par YAND.

2.

P a r fis t mis

pour p a r f i t 1

Parfit est une variante connue de pafet correspondant à parfire issu de *perficere avec [i:].2324Formes bien connues de T.-L. présentes sur le continent comme en anglo-normand. Nous comprenons “bien informé’, c’est-à-dire que uncore ne su parfist signifie littéralement ‘je n’ai pas encore achevé de savoir’. Mais à part les cas de perfection spirituelle ou morale, l’adj. pafait s’applique plus aux objets qu’aux personnes. Et surtout, quand il s’agit de personnes, le sens est passif, littéralement ‘qui a été achevé spirituellement ou moralement’. Ici il s’agit d’un sens actif, d’un individu qui n’a pas achevé un effort très volontaire de connaissance. Dans ses Vermischte Beitrdge sfitrfran^osischen Grammatik.fi A. Tobler consacre un chapitre aux participes passés de sens actif : aperceu (« Li gentius chevaliers, sages et aperçus », R. Alix. 201, 8), entendu (« estre entenduz a 19 Fisiak 1968, § 2.22. 20 Kurath et Kuhn 1952-..., Part F I, p. 430. 21 Tanquerey 1916, p. 52, ligne 1. 22 Le s de parfist indique seulement la quantité longue du [1]. Sur ce procédé, voir Pope 1952, § 1236. 23 Fouché 1969, p. 198, évoque le passage de [i] à [i:]dans conficere, deficere, despicere probablement sous l’influence de dico et son p.p. ~dietu avec i long obtenu de bonne heure. 24 Tobler 1921,1.1, pp. 151-57.

340

Interférences lexicales

' aucune rien », SS Bem. 20, 40), pensé (« Et tant fu sages et pensez / Et de barat bien i doctrinez », Ren. 3365) ... et parfait. Ces exemples sont d’autant plus frappants qu’il ! s’agit de verbes transitifs qui pourraient être utilisés au participe présent. ( Pour parfait, Tobler cite un exemple dont la signification est proche de notre texte. Il s’agit d’un passage du roman en vers de Claris et Caris commencé en 1268 par un ménestrel lorrain. Qui voudroit estre racontans Des granz mises et des granz fais A piece ne seroit parfais, [‘il n ’aurait pas achevé de longtemps’]

; ! :

|' i j; ; ;

Cet exemple a été repris par T.-L. sous l’entrée parfait : « pc. pf. aktiven Sûmes mit einer Arbeit fertig».2526Mais ce qu’apporte le mot, c’est exclusivement l’idée d’achèvement ; celle de compétence intellectuelle vient du contexte. Cette idée-là figure dans des exemples moyen-anglais procurés par YOED26 et le Middle Englisb Dictionay. Dès 1300, le sens de ‘complètement apte dans sa spécialité’ apparaît avec le CursorMundi : « Bot maister es he self parfit » ; il apparaît aussi en 1387 chez John de Trevisa dans sa traduction de Higden : «... in the whiche craft he was perfit inow » (dans lequel art il était tout à fait compétent à présent). Mais c’est seulement aux alentours de 1600 que YOED procure des exemples où perfect signifie ‘pleinement informé sur un point précis’.2728Ce sens figure notamment dans le Conte d’hiver de Shakespeare, où Antigonus demande à un marin : Thou art perfect, then, our ship hath touch’d upon The deserts ofBohemiaf& Cymbeline, datable de 1611, comme le Conte d’hiver, comporte un autre exemple tout à fait parallèle : ... I amperfect That the Pannonians ... for Their Liberties are nomin arms .. .29 C’est sans doute abuser un peu de la méthode diachronique que d’expliquer un vers du début du XIVe siècle par un emploi du début du XVIIe siècle, d’autant plus, à vrai dire, que le médio-latin ne propose rien d’équivalent et ne permet pas de faire le lien. Force est de supposer qu’à partir d’un emploi continental, parfait au sens de ‘qui a achevé’, l’anglo-normand et le moyen-anglais ont développé un emploi plus spé­ cialisé, purement insulaire, donnant à parfait ou parfit le sens de ‘qui a achevé de connaître’.

3.

G o p illier

Le Régie d’Edouard Ier fait apparaître le verbe gopillier dans deux contextes, celui des soulèvements gallois et celui de la campagne écossaise d’Edouard en 1303. Le soulèvement gallois de 1276 avait été le fait de Llywelyn ap Gruffyd, son frère David ayant été du côté anglais : le roi l’avait fait chevalier et lui avait offert le

25 VII, 251,1. 20-24. 26 Entrée Perfect B. I. 2 (general senses). 27 Ibid., B. I. 6 (sens considéré comme obsolète). 28 Acte III, scène III, v. 1. 29 Acte III, sc. I, v. 73.

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E tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. PJcketts

fief de Frodsham dans le Cheshire. Mais Langtoft avait averti le lecteur que ce David était un hypocrite. Mult fut engignus, sutils e emprenant, A traison controver n ’esteit il pas enfant, Mais koy se tint e simples, n ’en fist sem blant.. .3031

En 1282, le soulèvement fut l’œuvre des deux frères réconciliés. Au moins de la part de David il y a traîtrise : Enjraynt ount sapesse et rompu covenant?^Tous deux ont un comportement d’enragés, d’animaux en proie à la rage : Le-wlyn et David et ly remenaunt Se dounent a la rage et vount la m ort queraunt.32

Et le v. II 100 dit bien : ... David de Gales alagopillaunt. Comment ne pas traduire par ‘se comporte comme un renard’ en impliquant les caractères de fausseté, de ruse, de férocité (rage) habituellement attribués à cet animal, notamment par la diffusion du 'Roman de Renart, et qui se retrouvent dans le contexte ? Encore en 1282, après la mort de son frère Llywelyn, David essaie de reprendre la lutte en utilisant d’abord sa connaissance du pays et des moyens politiques : Ensi est sire Levlin decolez vilement, Ses heirs sont déshéritez par dreit jogement. David vait gupillant e quide seurement Après la m ort son frere tenir le tenement.33

C’est encore avec le verbe goupillier l’idée de rôder et aussi d’être pourchassé comme un renard. En 1303, enfin assuré de l’aide de ses barons qui avaient même pris parti en sa faveur contre la volonté pontificale, Édouard entre en Ecosse comme un chasseur entre sur une terre pour faire une battue : « Le roi pousse son expédition vers l’est, fait partout brûler hameaux et domaines, granges et greniers, pleins ou vides. Le prince de Galles fait de même sans rien épargner. Le roi va chasser l’Ecossais très loin dans le nord, là où jamais un roi anglais n ’avait porté sa bannière ».34

Plus haut, à la même page, l’Écossais pourchassé réagit comme un renard dans la même situation : « L’Écossais le voit venir, tourne son derrière vers lui et retourne comme un larron fugitif vers landes et montagnes »,35 À la page suivante, l’image de l’animal traqué et affamé se poursuit et le mot gupyller lui-même apparaît : Ly sire de Badenagh s’en va gupyller, Fresel et Walays ove ly vount rober ; Des ore n ’i ont qe frire ne boyver ne manger 30 P. 234, w . I 91-94. 31 P. 239, v. I I 103. 32 Ibid,w . I I 111-112. 33 P. 242, w .1 186-189. 34 P. 412, w . II 2175-2180. Nous traduisons. 35 Ibid, w . II 2170-2171. Nous traduisons.

342

Interférences lexicales

h ;:

N e poei a rester

dount guer govemer.3637

I: ! Th. Wright traduit s’en va gufrpller par ‘goes skulking about’, c’est-à-dire ‘s’en va : rôder furtivement’. Autre exemple très proche, toujours à propos du comportement i guerrier des Écosssais : i i |

j ; I; ! |i j j \ j: : ! 1 : ; ‘ i j; i j

J

Kar de cele part feust unkes une fez Denz vil ne dehors un bon fet esprovez, Mes for gopyller et rober les ordinez.

Ces vers sont cités par le Dictionnaire étymologique de l’ancien français37 avec les autres occurrences du Règne d’Édouard Ier et Th. Wright (II, p. 251) traduit ici gopyller par ‘to sneak about’. Pourquoi ne pas dire franchement ‘se comporter comme un renard’ ? Pourquoi ne pas rendre sensible la comparaison dont la présence dans le texte est absolument évidente ? La raison en est que ce verbe est mal connu, même à l’heure actuelle. La présente édition de l’AND mentionne gupil, sa femelle gupille, et gupillon, le renardeau, mais non pas le verbe goupillier. J. H. Baker mentionne seulement gopil et gupille.38 Force est de consulter les dictionnaires continentaux.39 De la consultation du FEW, il ressort que goupillier provient sans doute d’un roman *volpiculare qui dériverait de *volpicula, lequel aurait remplacé le latin cicéronien volpecula ‘petit renard’.40 Cette étymologie n’est pas démentie par le Dictionnaire étymologique de l’ancienfrançais.41 Les exemples fournis par Godefroy et T.-L. doivent tous être compris avec le sens de ‘se comporter lâchement’.42 Pas d’exemple anglo-normand chez eux, mais God. et T.-L. mentionnent tous deux les deux mêmes exemples normands tirés du Roman de Rou.43 Il semble que l’idée de crainte et de couardise soit attachée au renard à date ancienne. L’ancien provençal avolpilhai44 signifie ‘être craintif, avoir peur’. Dans la même langue, volpil(l), employé comme adjectif, signifie ‘lâche, poltron, timide’, volpilhos a évidemment le même sens, et volpilhatge signifie, par voie de conséquence, “lâcheté, poltronnerie, timidité’ ;45 volpil(l) substantif signifie parfois ‘poltron’.46 Le dictionnaire d’A. Biaise signale que dans la Roi Salique et la Vie de saint Rémi, vulpecula signifie ‘couard’. Serait-ce une ancienne signification qui aurait disparu avec la diffusion du Roman de Rnart et celle du subst. renart comme nom commun ? Non, car 1°

! 36 P. 413, w . 112188-2191. 37 G, coll. 1078-1079. 38 Baker 1990, pp. 124 et 126. 39 Goupillier figure dans Godefroy IV, p. 319 c et T.-L., IV, coll. 479 et 480. i 40 FEIFXIV, coll. 644 a et b. 41 Op. cit., col. 1072. | 42 Raoul de Cambrai pour le XIIe s., Ogier le Danois, Les Narbonnais, le Bueve de Hantone continental, La Mort j Ajmeri pour le XIII' s. Aucun ex. du XTV' s. j 43 Éd. Holden 1973, Glossaire, t III, p. 362 : gopillkr III 3950 [bataille de Valesdunes], 7021 [querelle j entre Harold et Guert qui guettent les Normands] vb. « trembler, se montrer lâche ». Sens qui paraît j indiscutable en normand au XII' s. ! 44 FHirXTV, 644 b.

|j 45 Raynouard 1843, t. V, p. 567. 11 46 ïbid. : « Los volpüls mal arditz », les poltrons peu hardis (G. de Bomelh).

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É tudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. R icketts

Au XVIe s., chez Monluc faire le renard signifie ‘agir en poltron’ ;47 2° l’idée de la ruse du renard remonte à l’antiquité. Le vb. latin vulpinor attesté chez Varron (27 ap. J.Ch.) et Apulée (160 ap. J.C.) signifie ‘faire le renard, ruser’. Le subst. vulpio {-onif) attesté aussi chez Apulée signifie ‘quelqu’un de rusé’. Serait-ce que l’idée de la ruse du renard aurait été implantée en Angleterre plus profondément et plus anciennement qu’en France ? Il est certain que cette idée est aussi bien répandue dans l’Angleterre médiévale que dans les autres pays à la même époque. Déjà sous Henri Ier, entre 1121 et 1135, Philippe de Thaon, dans son Bestiaire, montre comment le goupil fait le mort pour attirer les oiseaux et les dévorer : Gupis^ est mult luiriez / E forment vesfev^.. .48 K. Varty a répertorié 292 représentations médiévales anglaises du renard, dont certaines ont peut-être été connues de notre chroniqueur.49 Mais le texte même du Roman de renart n’a pas bénéficié en Angleterre d’une diffusion considérable. La fable moyen-anglaise intitulée The Fox and the Wolf ne comprend que 295 octosyllabes. Dans leur Histoire de la littérature anglaise du moyen âge, A. Crépin et H. Dauby précisent : Bien que Renard figure abondamment dans l’iconographie anglaise, peint dans les marges des manuscrits, sculpté sur les miséricordes des églises, nous n ’avons à son sujet qu’une petite demi-douzaine de textes ... En 1481, Caxton imprimera sa propre traduction du Rünaert néerlandais.50

Pour en revenir à la lexicologie, il semble seulement que l’idée de ruse, du moins dans les dérivés, se soit développée en langue d’oïl un peu aux dépens de l’idée de couardise : goupillage, guerpilage (FÊ1FXTV, 644 b), goupillerie signifient exclusivement ‘ruse, tromperie’. C’est un fait connu qu’en français médiéval au XIIIe s. goupil est peu à peu remplacé par renart comme nom commun. Renardie apparaît avec son sens de ruse, finesse chez Gautier de Coinci et dans le Roman de la Violette. Dans ces conditions, l’on comprend qu’à la même époque goupillier ait pu garder au moins sur le continent le sens de ‘se conduire lâchement’. Ensuite à l’époque du moyen français le radical goupil semble disparaître du continent : aucun exemple n’est fourni ni par Godefroy, ni par T.-L., ni par le FEW. Ce qui apparaît en moyen français, en 1439 ou bien 1502 (FEW XTV, 644 b), c’est le subst. fém. technique ‘petite cheville de métal qui assemble les pièces des charnières’ et qui est à l’origine du vb. de fr. class. goupiller ‘garnir de goupilles’ (1671) et du fr. mod. (1922) ‘arranger, confectionner’ qui est devenu très fréquent dans la langue familière. S’agissant de l’emploi de goupillier chez Langtoft, il nous faut justifier deux faits : 1°) la survie de la forme, 2°) une acception inusitée sur le continent.

47 Huguet 1925-1967, s.v. renard. 48 Éd. Walberg 1900, v. 1777, p. 66, et voir les w . suivants de 1779 à 1826, p. 67. 49 Varty 1967. Le n° 163 représente l’extrémité d’un banc de l’église de Stowlangtoft (Suffolk) constituée d’un renard qui tient une oie dans sa gueule (ill. 19). Le n° 37 représente le dessus d’un cercueil du XIe siècle au prieuré de Bridlington (Yorkshire) où figure la scène traditionnelle du renard et de la cigogne (ill. 165). 50 Crépin et Dauby 1993, p. 72.

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Interférences lexicales

1°) Le subs. gupil lui-même reste fréquent en Angleterre comme l’attestent l’A ND et J. H. Baker avec des exemples de Nichole Bozon et du règne d’Édouard III. Le mot renard reste presque exclusivement un nom propre en moyen-anglais selon l’OED. Chez Chaucer, dans le « Conte du prêtre de nonnains », le renard ne s’appelle jamais ainsi : c’est dam Tatssel thefox,51 et surtout thefox,52 tandis que le coq a bien pris son nom continental de Chanteclerc, Chauntecker dans le texte. Le verbe renarder qui aurait parfaitement convenu au contexte n’est pas encore attesté, même sur le continent.5354Il faut attendre la fin du siècle pour le voir apparaître chez Eustache Deschamps. 2°) Goupillier serait donc chez Langtoft une anticipation anglo-normande de renarder. Mais ce goupillier anglo-normand du XIVe siècle provient d’un détournement de sens, puisque jusqu’alors, que ce fut sur le continent ou en Angleterre, ce verbe signifiait plutôt ‘se conduire lâchement’.Si la ruse renardienne n’est pas nettement privilégiée par la littérature moyen-anglaise, n’existerait-il pas un verbe moyenanglais qui aurait été calqué ? Malgré la fréquence du substantif fox en moyen-anglais, malgré l’existence de foxing ‘ruse de renard’ attesté entre 1250 et 1300 selon le MED, on ne peut pas prouver qu’il a dû y avoir un verbe moyen-anglais *foxen que goupillier aurait calqué. Et l’OED donne des exemples de tofox ‘faire le renard’seulement à partir du XVIIe siècle. Si l’on ne veut pas imaginer un verbe *ioxen ou tofox resté non écrit jusqu’au XVIIe siècle ni l’imitation d’un verbe renarder qui serait apparu un siècle avant l’œuvre d’Eustache Deschamps, il faut songer à la connaissance du latin qu’avait Langtoft et à l’influence de cette langue. Vulpinor, considéré comme ante- et postclassique par Lewis et Short (mais attesté indirectement chez Varron, mort en 27 av. J.-Ch.) signifie ‘faire le renard, ruser’ et a déjà été cité. Il faut ajouter vulpesco cité par A. Biaise et attesté chez Henricus Septimellensis, poète du Xe siècle. Vulpeculare, qui est tout proche de Fétymon *vulpiculare, est attesté vers 1200 par R. E. Latham avec le sens d“avancer, se glisser comme un renard’ ; les verbes latins semblent avoir bien traversé le moyen âge puisqu’ils existent toujours à la Renaissance. D’après le Thésaurus proverhiorum medii œvi,5^ vulpinari est présent dans les Adages d’Érasme et aussi un autre verbe vulpisare. Pour expliquer goupillier dans le sens de ‘faire le renard’ l’influence de verbes médio-latins attestés peut jouer au moins autant que celle de verbes français ou anglais dont l’emploi au XIVe siècle reste hypothétique. Et les influences peuvent se cumuler, surtout s’il n’y a pas de contradiction entre elles.

51 Éd. 1988, p. 260. 52 Op. cit., pp. 258-61. 53 FEW XVI, 690 sous Regnhart, interprète : « imiter les finesses du renard » ; le T.L.F., sous renarder, précise « E. Deschamps, Œuvres compf éd. Queux de St. Hilaire, 1.1, p. 146. God. X, 538 c et T.L. VIII, 768 indiquent la même référence. O les coulons fault vivre simplement, O les renars renarder ensement. 54 Au t. IV.

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'Etudes de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. PJcketts

4.

P a u tra ille

En 1296 a lieu la reprise du château de Dunbar par les Anglais sur les Écossais. L’ennemi désigné par le contexte est l’Écossais Richard Siward, de Tibbers (comté de Dumfries), qui a pris et occupe le château de Dunbar tenu précédemment par les Anglais. Le roi Édouard envoie des troupes anglaises pour qu’elles mettent le siège devant Dunbar Casde et le reprennent. Siward qui était précédemment du côté anglais obtient de ses anciens compagnons d’armes une trêve de huit jours. Conformément à la tradition médiévale (naguère décrite par J. Glénisson),5556les assiégés peuvent ainsi envoyer des messagers pour demander des secours, en l’occurrence auprès de Jean de Balliol, le roi d’Écosse du moment, et si dans le délai de la trêve les assiégés n’ont pas obtenu de secours ils doivent livrer la ville aux assiégeants. En fait il s’agit d’une traîtrise. Les messagers de Siward demandent à Balliol d’accourir immédiatement et sans délai au petit matin pour que les assiégeants se retrouvent enveloppés par surprise entre les assiégés qui sont informés du stratagème et les troupes de secours. Quand ces troupes sont arrivées, Siward feint de vouloir faire une sortie pour repousser des indésirables : Q uant cel loement fu fait, la veissez grant raskaille Que mover se comence al foer de begginaille. Richard les veit venir, qui maistre ert del consaille, Si dist a nos Engleis parole de pautraille : « Ha ! Deu, cum vei venir gent de bel apparaillle ! Jeo m ’i vois, si vus loez, faire eus une desturbaille. ... »M

Mais les Anglais, dont le porte-parole est Hugh le Despenser, découvrent in extremis la trahison : - Certes, fait li Despenser, ci oï mervaille ; Ci ad traison faite, ne place Deu que vus vaille ! Ore te estes renié a cele gent pautraille .. .57

Ils bloquent les issues du château pour ne pas être attaqués par derrière58 et taillent en pièces la troupe écossaise de secours : E la veissez comencier un estour a mervaille, Mes li félon foimentiz font tost une cowaille, Si s’en vont fuiant al foer de begginaille .. ,59

55 Glénisson et Da Silva 1982, pp. 113-22. 56 Vv. I 995-1000, p. 314. 57 Vv. 1 1002-1004 et 1006, p. 316. 58II 932-934, p. 317. 59 Vv. 1 1011 et 1013-1014, p. 316.

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Interférences lexicales

Les survivants s’enfuient lamentablement en pillant les cadavres des tués les plus riches.60 Cette trahison, puis cette déroute imprévue des Écossais, ont dû paraître exem­ plaires à Langtoft. A Dunbar, les Écossais ont trahi non seulement les Anglais, mais les principes d’une guerre courtoise (qui sera reprise au XVIIIe s. par la guerre en dentelles).61 Cette guerre courtoise n’était pas utopique, loin s’en faut, s’agissant des sièges, car ceux-ci étaient stérilisants à la fois pour les assiégés et les assiégeants, ils immobilisaient d’énormes moyens de part et d’autre tandis que les chevauchées étaient beaucoup moins coûteuses et d’une efficacité immédiate.62634Beaucoup de sièges s’achevaient en fait par des accords négociés et des versements de rançon. La parole de pautraille est celle de Richard Siward, le gouverneur écossais du château, la gent pautraille désigne l’ensemble du peuple écossais. Dans les deux emplois, substantif et adjectival, Langtoft évoque le peuple écossais qu’il affecte de mépriser. T.-L. donne la forme pautraillé53 sans référence textuelle et renvoie à peautraille, mais cette forme avec -e- y est introuvable ! T.-L. évoque seulement trois mots peautre relativement connus ayant les sens respectifs d’étain, de paille ou de paillasse, de gouvernail. God. indique la forme pautraille sans -e-Met renvoie à peautraille. A la différence de T.-L., God. contient bien une rubrique peautraille et nos deux exemples sont cités dans leurs rôles respectifs de subst. et d’adjectif.65 À l’exemple de Lang­ toft, dans l’emploi substantif, God. ajoute des ex. des XVe et XVIe siècles, dont le plus ancien, celui d’Alain Chartier, déjà connu de La Curne, est postérieur de plus d’un siècle à Langtoft. Le sens proposé est celui de ‘canaille, populace’. Ce sens peut convenir, mais semble vague. Et surtout il est gênant de ne pas trouver d’exemple contemporain de Langtoft. L’AND cite les deux ex. d’après notre édition et donne comme sens trash, base, mrthless. Il ne procure pas d’autre ex. Le sens nous semble correct, mais peut-être encore trop large. Le FE W indique une forme peautraillerie du XVIe s. signifiant ‘déchets provenant d’une peau’ et des exemples de peautraille au XVIIe s. portant une signification voisine : ‘quantité de vieilles peaux’.66 Ces exemples graphiés avec un -e- après le -p- et avec une teille signification font néces­ sairement appel à pellis, pellem comme étymon. Gilles Roques, dans son article intitulé ‘Envoyer au peautre’, songe à un parallèle possible avec pelaille ‘canaille’ qui figure dans FEW (VIII, 166 a).67 Mais nos deux exemples a. n. qui sont de 1305 et qui s’écrivent, dans les deux manuscrits qui les portent, quatre fois sans -e-, ont-ils un lien avec peau ou l’idée de peau ? Ce lien ne nous paraît pas inévitable. UOED nous apprend que le motpaltiy apparaît dans le 3e quart du XVIe siècle à la fois comme substantif et comme adjectif avec le sens d’“objet sans valeur’ et de 60 1 1029-1036 et II 959-967, pp. 318-19. 61 Glénisson et Da Silva 1982, pp. 116-17,119. 62Art. cit., p. 118. 63 VII, col. 512. 64VI, p. 49 col. c. 65 VI, p. 54 col. a. “ VIII, p. 167 b. 67 1985, pp. 137-50.

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‘méprisable’, donc dans les mêmes emplois que pautraille. Dans les dictionnaires anglais les plus courants paltiy est encore abondamment mentionné comme adjectif avec ce sens de ‘méprisable’, ‘dérisoire’, s’agissant notamment d’argent, d’excuses, de talent artistique insuffisant. Les dictionnaires historiques consultés invoquent tous une origine germanique. L’OED et C. T. Onions68 citent au moins à titre comparatif une forme composée de moyen-bas-allemand qui serait palterlappen et signifierait ‘haillons’ au pluriel. ; W. Skeat cite une forme de bas-allemand palte signifiant ‘morceau d’étoffe déchiré’ ;69 Skeat et Onions citent l’adj. dérivé paltrig. Il faut peut-être considérer comme trop particulière la forme peltrie citée par Skeat, Onions et Kelham (chez Skeat et Onions en tant que forme écossaise),70 car plutôt qu’une variante de paltiy, ce peut être une variante syncopée de l’anglonormand pelleterie qui nous ramènerait à l’idée de peau. Paltiy étant considéré par Skeat et YOED comme très vivant dans les dialectes, il est permis de supposer que le mot était présent en Angleterre dès avant son attestation écrite du XVIe s. et que pautraille peut être la combinaison d’un radical germanique et d’un suffixe latin collectif. Et ce radical germanique pourrait être le même que celui de pautonier?1 Dans le texte français de Langtoft aussi bien que dans ses chansons moyenanglaises le haillon symbolise le mal encore plus qu’une infériorité quelconque. Le bonnet des Ecossais n’est qu’un chiffon.72 Non seulement les Ecossais sont en haillons, mais aussi le diable qui est leur maître et qui règne en haillons au milieu de l’enfer.73

... la veissez grant raskaille Que mover se comence al foer de begginaille ... Si s’en vont fuiant al foer de begginaille .. .74

C’est un hapax, dont le sens est ‘bande de mendigots’ ou ‘de mendigotes’. Selon toute vraisemblance, il est dérivé de béguin ou plus encore béguine, mendiant vagabond se faisant passer pour membre de l’ordre des Frères Mineurs, mais qui n’était en fait qu’un laïc vivant dans la pauvreté et le célibat, refusant le travail manuel. Les béguins se déplaçaient en groupes à majorité féminine, étaient suspects d’hérésie, furent condamnés à Trêves par un concile en 1310. Ni La Curne ni God. ni T.-L. ne proposent aucune forme de béguin ni de ses dérivés comportant un double g. Les mots beguine, béguin, beguinage, bêguiner (faire le 68 Onions 1976, p. 644. 65 Skeat 1884, p. 425. 70 Exemples écossais dans Craigie 1983, V, pp. 278 et 287, et Grant et Murison 1968, VII, p. 81. 71 Cf. FEW XVI, 616 b. Jamieson 1880, III, 467, ramène peltrie au teuton paît et cite le fr. pautonier. L’écossais et anglais dialectal pelt {Sc. Nat. D., loc. cit.) serait resté très proche de cet étymon selon ces auteurs. 72V. II 967, p. 319. 73 V. 1 1035-1036, p. 318. 74V. I 995-996, p. 314 et 1 1014, p. 316.

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Interférences lexicales

dévot ou la dévote), béguiné part. p. (coiffé d’un béguin), beguinet (petit béguin) ne sont jamais écrits avec -gg-, On trouve seulement les graphies g gu, gh. Même si le mot fr. beguine est bien issu d’un vb. moyen-néerlandais *beggen avec gg-, ‘réciter des prières’, et non pas du nom d’un certain Lambert le Béguin qui aurait été le fondateur du béguinage à Liège avant 1177, le -gg- moyen-néerlandais n’est pas passé dans le mot fr. beguine qui est lui-même passé en anglo-normand sans changer de forme. Les formes anglo-latines beguinus, beguina ou biguina, indiquées par Latham ou relevées par Du Cange chez Matthieu Paris, sont aussi à un seul -g-.15 Le synonyme begard présent en moyen-anglais et en anglais moderne s’écrit avec -d ou -t (God., T.-L.), mais avec un seul -g-. Idem pour Fanglo-latin begardus (Latham, ‘vagaunt friar”). En revanche, la forme beggjnaille de notre texte a été transcrite avec ses -gg- les quatre fois où elle figure dans les manuscrits, deux fois dans le ms. F (Oxford Bodleian Library, Fairfax 24), deux fois dans le ms. E (Londres, College of Arms, Arundel XTV). D’autre part, le moyen-anglais possède un verbe beggin avec gg- qui signifie ‘mendier’. Cette géminée persiste dans le subs. anglais mod. beggar ‘mendiant’. Le moyen-anglais beggin est déjà entré dans l’anglo-normand avec le vb. begger, cité par l’AND et J.H. Baker, et qui apparaît chez le juriste Britton à la fin du XIIIe siècle et dans les rôles du Parlement après 1274. Dans ces conditions, il paraît raisonnable d’attribuer une double origine à begginailk, c’est-à-dire deux significations originelles, le vagabondage sous couleur de religion et la mendicité. Il reste à savoir quelle est la signification qui l’emporte dans le contexte de la Chronique de Langtoft. Il est tout à fait possible que ce soit celle de la mendicité, car le beguinage n’apparaît pas comme une réalité très insulaire. Janet Burton reconnaît que les archives ne permettent pas d’affirmer l’existence de béguinages en GrandeBretagne.7 576 Dans ses Chronica Majora, Matthieu Paris, d’ailleurs cité par Du Cange sous l’entrée Beghardi, présente le mouvement des béguines comme purement continental.7778 R. Fawtier parle des “errants” de la fin du XIIIe siècle qui forment la grande armée de la misère, nombreuse en une société dont l’organisation économique demeure rudimentaire. Ils forment l’armée des grandes crises sociales qui vont commencer dès le début du XIVe siècle.73

Ce sont des « éléments de désintégration ». Cette constatation se retrouve chez Christopher Dyer.79 Ce qui semble inquiéter Langtoft et son public, c’est moins l’insoumission à l’Église que le nombre, rendu par le suffixe collectif aille, et la réalité historique, le vagabondage, la pauvreté, la mendicité et éventuellement le pillage : pillage sur les champs de bataille, évoqué dans les vers moyen-anglais du

75 Du Cange 1954,1, pp. 637-38. Les évocations de Matthieu Paris portent sur les années 1243 et 1251. 76 Burton 1994, p. 108. 77 hoc. cit.

78 Fawtier 1940, pp. 57-58. 79 Fawtier 1989, p. 25.

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texte8081, pillage de l’Angleterre par les trailbastonsfx ces malfaiteurs errants qui rançonnaient la population et créaient un sentiment profond d’insécurité.82 Faut-il comme Paulin Paris regretter les “expressions barbares”, la «langue informe et très incorrecte de Pierre de Langetost [sic] »,83 dénoncer avec Paul Meyer le fait qu’il ne connaît pas le français de Paris ?84 Nous ne le pensons pas. De par ses dates, son trilinguisme qu’il assume en même temps qu’une “anglicité” profonde, il montre concrètement comment au XIVe siècle une élite sociale se forge progressivement un nouvel idiome qui va être celui de Chaucer et devenir un jour une langue mondiale. Les interférences lexicales que nous avons tenté d’exposer concernent seulement quelques termes, mais mettent en œuvre des processus de “contamination” que l’on retrouve inévitablement dans toute étude de l’anglonormand si l’on veut bien y voir un moyen privilégié de mieux connaître les origines de l’anglais.85

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80 Op. tit., pp. 318-19. 81 Trailbastons < m. a. trailen (a. mod. trail) + bostons. 82 Op. tit., v. 1 1341-1367, p. 342, et II 2315-2340, pp. 418-19. 83 Paris 1869, t. XXV, pp. 339 et 348. 84 Meyer 1867, t. II, n° 2, p. 199. 85 Principe exprimé dès 1923 par Prior p. 185.

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Interférences lexicales

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Formalisation des variantes à des fins computationnelles : vérification de l’hypothèse expérimentale sur un texte occitan Maria Sofia Corradini

1. Enregistrement et classification des variantes et représentation graphique du stemma codicum Le travail ici décrit s’insère dans Le cadre de la philologie assistée par ordinateur1 et constitue le case studj pour la mise au point d’une des parties dont se compose la “Workstation” projetée à l’ILC-CNR de Pise par Andrea Bozzi,2 qui développe un système de philologie numérisée.3 L’objectif visé avec le module Enregistrement des variantes et représentation graphique du stemma codicum était de produire un outil pour la mémorisation des variantes également capable de représenter graphiquement les relations de ressemblance et de dissemblance entre les manuscrits.4 On a donc essayé de concevoir et de réaliser un

1 Abstraction faite de la déjà incommensurable bibliographie relative à Inapplication de Tinformatique aux sciences humaines (pour laquelle, toutefois, je renvoie au moins aux répertoires de [LAN 88], de [ADA 94], de [SAB 94] et, seulement pour la période médiévale, de [BOU 82]), celle qui concerne plus spécifi­ quement le rapport entre informatique et critique du texte dans la dernière décennie se trouve surtout dans [FAU 91], [SHI 96], [MAR 96] et [MOR 99]. 2 II n’est pas possible d’exposer dans cet article le programme du travail qu’il a coordonné, il y a quelques années, soit a l’intérieur des activités de l’Istituto di Linguistica Computazionale, soit dans le domaine des projets nationaux et européens. Voir, par exemple, le projet BAMBI LIB-3114 (BetterAccess to Manuscripts and Browsing of Images), conduit en collaboration avec de nombreuses bibliothèques, industries et centres de recherche et FAD (Fondi e Archivi Digital:), en phase de réalisation grâce à des financements du Ministero dei Béni Culturali. On peut lire des informations plus détaillées relatives au BAMBI dans [BOZ 97], [BOZ 99] et [CAL 99]. 3 II s’agit d’un système de “Philologie computationnelle” : ce terme a une valeur différente par rapport au plus connu “Philologie électronique” qui, même si pas toujours, se réfère à la production d’éditions critiques avec des supports magnétiques ou numérisés. La “Philologie électronique” a comme instru­ ments de choix les systèmes hyper-textuels ou multimédias, tandis que la “Philologie computationnelle” ou “Philologie numérisée” se sert de procédures et de logiciels spécialisés pour aborder, dans des milieux intégrés, chaque phase du travail d’édition, à partir de la lecture des sources jusqu’à la production du stemma. Le terme “Philologie computationnelle” a été employé dans ce sens pour la première fois par Bozzi [BOZ 93]. 4 Une anticipation de l’étude de faisabilité d’un module informatique pour la critique du texte se trouve au paragraphe 2 (The textual cnticism System tool) de [BCR 02]. Le développement pratique de cette

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support pour le spécialiste qui veut dresser une édition critique, lequel, en même temps, ne le remplace dans aucune des phases de décision les plus importantes pendant son travail de restitutio textus. A mon avis, en effet, on peut utiliser avec profit les nouvelles technologies seulement si les ordinateurs et les logiciels sont à même de résoudre les problèmes spécifiques sans avoir la présomption de se substi­ tuer à l’expérience humaine.5 Le philologue, en outre, doit avoir la possibilité de choisir la fonction qu’il veut sans connaître les éléments techniques et sans utiliser des procédures trop enchevêtrées de codages, mais en disposant de méthodes visu­ elles ; de plus, on ne doit pas lui imposer une participation trop complexe ou un travail préparatoire trop long.6 Le système qu’on va décrire permet : a) d’établir la corrélation entre les mots du texte et ceux de l’apparat critique et de produire le texte établi par l’éditeur ; b) de proposer des hypothèses de liens de parenté entre les manuscrits à partir des données insérées dans l’apparat critique ; c) d’interpréter les relations de parenté, les classant en hypothèses de dépen­ dance jusqu’à la production du stemma codicum. Voyons maintenant de façon plus précise les trois objectifs précédemment définis :

hypothèse de formalisation des variantes à été l’objet d’une thèse de maîtrise soutenue à l’Université de Sienne (1998-1999) parDuccio Fabbri. 5 Le scepticisme de la part des philologues vis-à-vis de la “New Philology” dérive justement de la place excessive que les méthodologies informatiques consacrent en général aux machines. On peut lire quelques opinions à ce sujet, à l’intérieur du domaine de la philologie romane, dans Spéculum 65 (1990). Plus récemment, A. Varvaro et Ph. Ménard ont manifesté des réserves envers les nouvelles technologies quand elles ne tendent ni au rétablissement généalogique ni au rétablissement du texte d’origine, mais elles se bornent à structurer de différentes façons les données qui constituent la varia lectio ; voir [GLE 97]. Au-delà des tentatives de rétablissement automatique du stemma codicum, conçues et expérimentées pour mainframes, ainsi que les procédures de Dom Quentin et de Zarri (voir [QUE 26], [ZAR 68], [ZAR 69], [ZAR 77]), il y a eu d’autres tentatives de formaliser l’approche traditionelle. C’est le cas, par exemple, de l’emploi d’algorithmes par Froger et par Buneman ; celui-là élabora une procédure dont les principes étaient nés dans le domaine des sciences biologiques (voir [FRO 64], [FRO 65], [FRO 68], [BUN 74]. II y a quelque temps que les technologies modernes et les applications de l’informatique à l’élaboration du texte ont produit d’autres résultats, employant des systèmes différents ; un compte rendu des applications informatiques à la critique du texte mis à jour au 1989 se trouve dans [NAJ 89], De plus récentes applications sont, par exemple, les travaux relatifs au Canterbuiy Taies Project, coordonnés par P. Robinson, qui a proposé une méthode pour établir les relations entre manuscrits selon des principes qui dérivent de l’analyse cladistique ; en particulier, voir [ROB 93]. La même procédure de base a été employée par Salemans [SAL 00]. En ce qui concerne l’emploi de la technologie multimédia pour l’édi­ tion critique des textes des variantes, voir [LEB 99]. 6 Je me réfère, par exemple, à des méthodologies qui, pour être opérationnelles, nécessitent de disposer d’autant de transcriptions que les manuscrits d’un même texte. Le plus connu des systèmes de ce type, et sûrement l’un des premiers qui a dépassé la phase du prototype et qui est en effet adopté, c’est le TUSTEP (Tübinger System von Textverarbeitungs-programmen). Il a été réalisé par Wilhelm Ott au Zentrum fur Datenverarbeitung de l’Université de Tübingen. Cette méthode, qui a l’avantage de paraître avec un résultat définitif pour imprimer le texte, les apparats et les index en photocomposition, a été employée, entre autres, par Hans Walter Gabier pour l’édition de TUlysse de Joyce [GAB 84] et par Heinrich Schepers pour l’édition de quelques œuvres de Leibniz [SCH 99].

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a. Corrélation entre les mots du texte et les informations de l’apparat critique etpossibilité de produire le texte établi par l’éditeur. Comme dans la pratique de la philologie tradition­ nelle, cette méthode est basée sur la comparaison systématique entre toutes les leçons des différents manuscrits par rapport à un témoin choisi comme base de la collation. Toutefois, dans son travail de comparaison des variantes des divers manu­ scrits dont il a fait la recensio, le spécialiste se trouve bientôt devant un nombre consi­ dérable d’annotations destinées à établir la généalogie de l’œuvre, même s’il analyse peu de témoins à la taille réduite ; au contraire, si les archives d’informations textu­ elles qui étaient traditionnellement sur papier sont introduites dans une base de don­ nées informatisée, il peut gérer avec plus de facilité7 et visualiser à n’importe quel moment, de façon rapide et intuitive, les caractéristiques saillantes de chaque manuscrit. Un autre avantage est représenté par le fait que l’ordinateur peut automa­ tiquement engendrer les textes de tous les manuscrits collationnés en employant le seul qui a été transcrit en entier, auquel chaque fois un logiciel remplace les diffé­ rentes lectiones rapportées par les autres manuscrits et qu’on a enregistrées dans des champs spéciaux de l’apparat. Il s’ensuit que si celui-ci ne contient pas seulement un champ où insérer les leçons de chaque manuscrit, mais aussi un autre où le philo­ logue peut mémoriser ses choix d’édition, on peut à tout moment produire le texte établi, dans lequel il est plus facile d’introduire des modifications dues à des réflexions apparues en cours de travail. b. Hypothèse de liens de parenté entre les manuscrits. Dans le même temps, ce système permet d’accéder à des informations plus spécifiques et on peut aussi arriver à la formulation d’hypothèses de stemma codicum (voir le point c). Puisque le deuxième but de la recherche est de représenter graphiquement les relations qui existent entre les manuscrits, c’est-à-dire les distances mutuelles qui sont dues à une ressemblance plus grande ou plus petite, on demande à l’utilisateur d’exprimer un jugement codi­ fié, analysant comparativement les leçons des manuscrits dont on a fait la recension. A ce propos, il convient de préciser que, à l’intérieur de la dichotomie entre procédé inductif et procédé déductif dans la construction des relations généalogiques des manuscrits,8 la méthode que j’ai projetée se place dans la ligne inductive postlachmannienne : en effet, je ne donne pas à l’ordinateur une série de caractéristiques avec lesquelles la machine a les informations et la connaissance pour déterminer et sélectionner ce qui dans le texte est reconnu comme “variante”. Au contraire, c’est le philologue même qui : 1°) établit une grille de caractéristiques pour classer “toutes” les variantes d’apparat ; 2°) juge quelle est la classification la plus appro­ priée des variantes dans la tradition manuscrite qu’il est en train d’analyser. Contrai­ rement à d’autres domaines où un critère de classification pour organiser les don­ nées prend une valeur si générale qu’il peut être considéré comme un standard, dans un système informatisé de critique textuelle, un critère de classification des variantes

7 L’affirmation « Senza dubbio il ricorso a strumenti informatici rende più agevole e spedito molto del lavoro filologico preliminare o collaterale » est exprimée, par exemple, par Alfredo Stussi : [STU 98], p. 43. Voir aussi [SEG 99], 8 A cet égard voir [SAL 99], en particulier p. 116.

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ne peut pas être universellement valide, mais il l’est seulement d’un point de vue structurel. En effet, les classes sont étroitement connexes soit aux caractéristiques de chaque manuscrit, soit à celles de la tradition manuscrite dans l’ensemble : audelà des variantes substantielles, les variantes de forme peuvent prendre une valeur complètement différente par rapport au contexte. L’affirmation de Margot Van Mulken : « L’important c’est de remarquer que chaque tradition manuscrite impose sa propre typologie de variance, et que, bien sûr, chaque philologue fera sa propre typologie »9 paraît, donc, tout à fait pertinente. La méthode se base sur la détermination d’un index de dissemblance ou d’affinité entre tous les couples de variantes : une autre particularité qui la distingue des précédentes approches basées sur des critères statistiques, c’est le fait que le philologue n’établit pas seulement la typologie et, par conséquent, la classification des variantes, comme on l’a dit ci-dessus, mais il détermine aussi le degré de rapport entre les variantes. Cette procédure paraît bien plus fiable “philologiquement” par rapport à celles qui comparent les divers témoins d’une manière automatique, et donc en dehors du iudicium. Si dans l’ecdotique traditionnelle « pertengono al iudiàum [...] le trascrizioni, le collazioni, l’individuazione degli errori, la messa a punto formale »,101dans la méthode computationnelle décrite on propose d’étendre le iudi­ cium aussi bien à la détermination de la typologie de la varia lectio et du différent degré de relation entre les variantes. De cette façon, les données en entrée du système informatisé sont représentées non seulement par des chaînes de caractères (le texte des variantes), mais également par des classes de variantes qui sont organisées selon un poids numérique qui qualifie les différentes classes de ressemblances et de dissemblances. J’ai avancé, donc, la possibilité d’attribuer à chaque classe un poids numérique de sorte que l’ordinateur puisse exécuter des calculs sur les données qui dérivent de l’apparat critique. Je souligne que la responsabilité soit de la classification soit de l’attribution des poids est entièrement celle du philologue, tandis que la machine ne fait qu’exé­ cuter des calculs, produisant des résultats. Suivant cette approche, on donne à l’utüisateur la possibilité de “peser” les divergences selon une échelle de valeurs établie initialement par lui-même. Si Bédier affirmait la nécessité de « peser les variantes » pour établir les liens aux bas niveaux du stemma notre approche computationnelle requiert du philologue de « peser les divergences entre les variantes » de toute la tradition manuscrite. L’échelle comprend soit des valeurs négatives soit des valeurs positives pour exprimer, respectivement, les ressemblances et les différences entre les leçons des différents témoins, parce que, comme on l’a dit, l’un des objectifs que le module se propose est de formuler des hypothèses sut les liens de parenté entre les manuscrits. Plus la somme des valeurs est faible, moins il y aura de points de divergence entre les manuscrits, et, donc, plus petite sera la distance entre les manuscrits. Au

,n

9 Voir [MUL 99], p. 105. 10 Voir [SEG 99], p. 11. 11 Voir [BED 28],

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contraire, plus élevé sera la somme des valeurs attribuées à chaque couple de variantes, plus grande sera la distance spatiale qui sépare les manuscrits auxquels ils appartiennent (voir Fig. 1). c. "Production du stemma codicum. La dernière activité, qui est au sommet des actions exécutables pendant le dialogue entre le philologue et la machine, est représentée par la production d’une ou plusieurs propositions de stemma codicum, à partir juste­ ment des informations structurées de l’apparat, grâce auxquelles le système a pu mettre en évidence les liens de parenté entre les manuscrits. Cela ne signifie pas que l’ordinateur produit un stemma codicum à titre autonome ; en réalité, il aide le spécia­ liste, lui indiquant les conséquences des choix d’édition que lui-même a effectués dans l’apparat critique, sur la base de la tradition manuscrite. On a été guidé par l’idée de pouvoir donner à l’ordinateur les données quantitatives qu’il a extraites des poids attribués à chaque couple de variantes, de façon à pouvoir interpréter les sommes obtenues au moyen d’une méthode de représentation graphique tridimen­ sionnelle : de cette manière on concrétise l’image mentale de la tradition manuscrite que le philologue bâtit dans sa tête, au fur et à mesure que son travail critique avance et que les données à sa disposition s’accumulent. En d’autres termes, les sommes fournies par le système sur la base des valeurs attribuées aux variantes d’apparat, transformées en distances graphiques à eux proportionnelles, rendent possible la distribution des manuscrits dans un espace tridimensionnel. Parmi les solutions généalogiques possibles, le philologue sélectionne la plus réaliste ; chaque décision peut être sujette à des changements d’avis et l’arbre généalogique se modifiera automatiquement (voir Fig. 2). Il est important d’ajouter, en outre, que de cette manière on ne contraint pas le philologue à rétablir le texte d’un archétype perdu, quand il ne peut pas ou il ne veut pas le faire, c’est-à-dire, quand il est persuadé de l’oppormnité de « valoriser la diversité des textes au lieu de l’inscrire dans la négativité d’un processus de dégradation à partir d’archétypes idéaux à jamais perdus ».12 A mon avis, cette technologie se révèle particulièrement intéres­ sante parce qu’elle peut présenter de façon efficace toute la mouvance13 qu’un texte a subi au cours de sa tradition.

2. Vérification de l’hypothèse expérimentale sur un texte occitan Dans cette phase expérimentale de la recherche, qui sera ensuite soumise à une plus ample vérification, concernant tant l’extension de la tradition manuscrite que sa complexité intrinsèque, le choix s’est arrêté pour le moment sur une œuvre trans­ mise par quatre témoins, que j’avais déjà analysée et éditée dans le passé selon les

12 Voir pLEB 99] p. 127. La conviction que soit les différentes versions d’un texte soit les diverses rédactions produites par l’auteur même ont leur propre dignité a été exprimée, par exemple, par B. Cerquiglini [CER 89] et par J. McGann [McG 91]. 13 La notion de mouvance a été formulée par P. Zumthor dans son étude sur la poésie médiévale française [ZUM72],

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méthodes traditionnelles.14 Le but de cette expérience est double : d’un côté, évaluer les aspects connexes à l’approche computationnelle des mêmes données ; de l’autre, comparer les résultats obtenus grâce aux deux différentes procédures. L’œuvre en question est la vulgarisation occitane d’un herbier latin, le De viribus herbarum du médecin français Odo de Meudon, connu aussi sous le pseudonyme de Macer Floridus, qui vécut dans la première moitié du XIe siècle. Si les deux mille hexamètres dont se compose le célèbre poème au sujet médico-pharmaceutique nous attestent la vitalité de la poésie métrique à côté de la poésie rythmique pendant l’époque scolastique, les nombreuses traductions et réélaborations faites ensuite dans différents idiomes vulgaires, romans ou non,15 nous rendent témoignage de la notoriété de cet herbier. Les quatre témoins occitans qui nous sont parvenus sont contenus dans les manuscrits suivants :16 - Princeton, Garrett 80, composé de deux parties distinctes, toutes les deux du XIVe siècle. Les vertus de arcemisa, alambro^e, eixens, ortigua, alh, plantage, en prose, sont contenues aux folios 15v-21v. - Auch, Archiv. Dép. Du Gers I 4066, du XV siècle. La livre quefec lo mege Arcemis de las vertuts^ de las erbas, en prose, est aux folios lr-14v. - Chantilly, Musée Condé 330, du XV siècle. Une rédaction de YErbario, en vers, se trouve aux folios 46r-52v et une autre, en prose, aux folios 53v-59v.

Plusieurs éléments relatifs soit à l’aspect thématique, soit au linguistique, permettent de déterminer les liens de parenté entre les rédactions et, parfois, d’entrevoir aussi les changements qui ont au fur et à mesure caractérisé le texte original dans son passage d’un milieu à l’autre. Le texte de A, qui a une certaine originalité de contenu, confirme cette impression même pour son respect linguis­ tique, parce qu’il montre des traits qui sont absents dans P, Ca et Cb. Parmi ces derniers, en outre, Ca et Cb sont les manuscrits les plus étroitement rapprochés.17 Le schéma qui en découle est celui de la Fig. 3. La méthode computationnelle étudiée et adoptée pour l’analyse de ce texte est basée sur la comparaison systématique entre les leçons des quatre différents manus­ crits. Dans les cas où au moins l’un diffère des autres, j’ai enregistré les leçons de tous les manuscrits les comparant deux par deux. De cette façon s’est vérifiée la correspondance de chaque leçon avec toutes les autres. L’archive des couples des variantes qui s’est ainsi constitué a ouvert la possibilité de rédiger une typologie en 9 classes : chaque couple de variantes a été classé avec sa classe d’appartenance (voir un exemple à la Fig. 4).

14 Voir [COR 91]. 15 Entre le XIIIe et le XVe siècle il y eut des traductions en danois, en allemand, en anglais. Quant au milieu roman, il y a des versions en italien, en français, en castillan, en aragonais, en catalan, en occitan. On pense aussi qu’une version hébraïque réduite vient également de la zone occitane. Voir [BOM 00]. 16 Dorénavant les quatre rédactions occitanes de l’herbier seront respectivement indiquées comme P, A, Ca, Cb. Pour l’édidon du texte latin voir [CHO 32]. 17 Les éléments qui caractérisent les quatre versions de l’herbier appartiennent dans l’ensemble au Languedoc. À l’intérieur de cette zone, alors que le manuscrit A présente des traits qui se trouvent aux alentours de Moissac, les trois autres manuscrits sont caractérisés par des phénomènes typiques du sud de la Haute-Garonne. Voir [COR 97], en particulier pp. 76-100.

360

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En ce qui concerne le texte choisi, deux sortes de données sont considérées comme fondamentales pour établir les relations de parenté entre les quatre rédac­ tions : celles qui se réfèrent au contenu des recettes transmises et celles qui appar­ tiennent au domaine linguistique. Du premier type font partie, par exemple, les modalités de formulation du précepte, la présence ou l’absence de tous les ingré­ dients ou des pratiques qui la rendent efficace, l’adjonction de particuliers. Quant aux données linguistiques, comme l’un des buts que l’étude de cette tradition manuscrite se propose est la localisation des différentes rédactions, apparaît comme plus significative, par exemple, une différence entre deux usages lexicaux qui viennent de deux milieux dialectaux différents, plutôt qu’une différence de type morpho-syntaxique, si les deux réalisations sont équivalentes dans ces mêmes milieux. A cause des caractéristiques du texte pris en examen, donc, la typologie consi­ dérée comme la plus indiquée pour satisfaire le rapport entre les couples est représentée par les classes suivantes, dont je dresse une liste selon un ordre croissant de ressemblance : 1. présence / absence = le fait qu’entre deux manuscrits l’un des deux ne contient pas une expression qui, au contraire, caractérise l’autre, est considéré comme une grande divergence ; 2. différence lexicale sémantique = elle codifie la situation où deux manuscrits présentent deux différents lemmes de sens différent. Cette catégorie peut inclure même les cas de variantes indifférentes, de lectio singularité de méprises ; 3. différence lexicale asémantique = elle codifie les lemmes qui, bien que synonymes, sont l’expression de scriptae différentes ;18 4. différence graphico-phonétique = cette codification est attribuée aux différences qui, dans le domaine linguistique, sont relatives aux diverses formes avec lesquelles un lemme se réalise, qui souvent sont produites par des scriptae différentes ; 5. différence morpho-syntaxique = elle codifie les situations dans lesquelles une leçon a une variation d’ordre morphologique ou syntaxique ; 6. différence lexicale insignifiante = il s’agit de synonymes qui n’ont pas d’importance dans la détermination de la scripta ; 7. renversement = cette codification est attribuée au renversement des termes qui composent une expression ; 8. identité = elle classe des lectures égales ; 9. identité dans la spécificité = cette codification est attribuée aux cas suivant : quand deux manuscrits ont la même leçon erronée (faute conjonctive) ou quand ils réfèrent à une expression qui manque dans tous les autres.19

Grâce à cette approche, le philologue a la possibilité de “peser” les diverses situations, en les réunissant dans une échelle de valeurs établie par lui-même. Dans l’hypothèse expérimentale, cette classification va d’une valeur maximale de dissem-*15 18 La même typologie (« équivalent sémantique mais lexicologiquement différent dans au moins une autre copie ») a été utilisée par van Emden dans l’analyse de quelques laisses de la Chanson de üoland ; [Voir EMD 02], p. 405. 15 Voir à ce propos l’affirmation de Segre dans [SEG 99], p. 14 : « non si puô definire errore solo l’infrazione alla correttezza ; puô essere errore anche una innovazione inopportuna rispetto al discorso del testo ».

361

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blance correspondant à +5 (c’est le cas où un manuscrit omet toute une partie du texte) jusqu’à une valeur maximale de ressemblance correspondant à -5 (lorsque deux manuscrits retiennent la même leçon erronée). Quelques variantes suggèrent une possible origine commune des versions examinées (fautes conjonctives), et dans ce cas il est opportun d’employer un index de ressemblance exprimé par des valeurs négatives ; d’autres amènent à penser qu’on se trouve devant des branches diverses de la tradition (fautes séparatives), et elles comportent l’utilisation d’un index de dissemblance exprimé par des valeurs positives. La combinaison de la typologie avec le poids numérique a été ainsi établie : +5 = présence / absence +4 = différence sémantique +3 = différence lexicale asémantique +2 = différence graphico-phonétique +1 = différence morpho-syntaxique -1 = différence lexicale insignifiante -2 = renversement -3 = identité -4 = (non utilisée pour cet exemple) -5 - identité dans la spécificité (faute conjonctive)

Analysant sur cette base les manuscrits, il est possible de classer tous les élé­ ments indispensables pour suivre le parcours du texte et terminer avec la production du stemma montré à la Fig. 5, qui s’avère équivalent à celui obtenu avec le système traditionnel. Je donne ci-après quelques exemples, qui se trouvent réunis dans l’Appendice. Dans une recette relative à l’artémise et dédiée aux femmes, à côté de l’expres­ sion latine (matrix si saepè) fovetur, les témoins occitans récitent : perfum (P) ; enfuman (Ca) ; affuma (Cb) ; le manuscrit A omet cette expression. Appliquant la typologie plus haut décrite, A se lie à chacun des autres manuscrits par la relation de plus grande dissemblance “présence / absence” (+5), tandis que P, Ca et Cb sont réci­ proquement unis par la relation “différence lexicale non significative” (-1) : en effet, enfumar,; affumar; perfumar sont des variantes lexicales non associables à des zones dialectales particulières, et donc, relativement à notre texte, des variantes indiffé­ rentes. Le texte latin et les versions vulgaires rapportent une autre propriété de l’arté­ mise, utile à ceux qui ont bu de l’opium : opium nimium si quemquam laeserit haustum ; (per home que aia) maniat trop o begut (P) ; (si alcun a) opi begut (Ca et A) ; (a home que à) begut opi (Cb). Dans ce cas Ca, A et Cb présentent la même expression, mais les termes qui la composent paraissent dans l’ordre inverse (relation de “renverse­ ment”) ; P présente, à l’égard de chacun des autre trois manuscrits Ca, Cb et A une relation de “différence sémantique” (+4) parce qu’il formule une idée tout à fait différente. La Artemisia abrotanum est appelé alambro^e dans P, brona et bronia respectivement dans Ca et Cb, tandis que A omet la description de ses propriétés. Dans ce cas, ce dernier manuscrit est lié à chacun des trois autres par une relation de dissemblance

362

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+5 (“présence / absence”), P est uni à Ca et à Cb grâce à une relation +3 (emploi d’un terme lexical qui a la même signification mais qui appartient à des milieux géographiques divers, “différence lexicale asémantique”), Ca et Cb montrent une “différence graphico-phonétique” (+2). Le même simple a la qualité de réussir avec les nerfs. Le texte latin nous informe, en effet, qu’il iuvat nervos, et les versions occitanes récitent : profiecha a noirir los nervis (P) ; en valon los nervis (Ca) ; contra los veris (Cb). Le manuscrit de Princeton et la version rimée de C expriment la même idée, introduisant une variation lexicale dans l’usage verbal (“différence lexicale insignifiante” ; -1) ; au contraire, la version en prose de C fausse complètement le sens, introduisant une faute due vraisembla­ blement à une mauvaise interprétation de nervis, contenu peut-être dans l’antigraphe. La relation de Cb soit avec A soit avec P est donc une “différence lexicale sémantique” (+4). Voilà une propriété de YArtemisia abrotanum : éloigner les serpents ; à fugat latin correspond fuig (P),fucb (Ca),jug (Cb). Les trois versions occitanes sont réciproque­ ment liées par une “différence graphico-phonétique” (+2).

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364

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Appendice id 1 2 3

M an. 1 Ca Ca Ca

4

A

P

perfum

5

Prés./absence

5

A

Cb

affirma

5

Prés./absence

6 1 2 3

P Ca Ca Ca

Cb Cb p A

4

A

P

lo matin e i ser

5

Prés./absence

5

A

Cb

ser e matin

5

Prés./absence

6 1 2 3 4 5 6

P Ca Ca Ca A A P

Cb Cb P A P Cb Cb

1

Ca

Cb

2

Ca

P

3

Ca

A

4

A

P

5

A

Cb

6

P

Cb

1 2 3

Ca Ca Ca

Cb p A

4

A

P

5

A

Cb

6 1 2 3

P Ca Ca Ca

Cb Cb p A

4

A

P

moût

5

Prés./absence

5

A

Cb

de bona guiza

5

Prés./absence

6 1 2 3

P Ca Ca Ca

Cb Cb p A

de bona guiza vitre pebre

-1 4 -3 5

Man. 2 Cb p A

Variante 1 enfuman enfuman enfuman

perfum ser e matin ser e matin ser e matin

lo matin e i ser opi begut opi begut opi begut opi begut opi begut maniat trop o begut en valon los nervis en valon los nervis en valon los nervis

profiecha a noirir los nervis fuch fuch fuch

fuig de bona guiza de bona guiza de bona guiza

moût pebre pebre pebre

Variante 2 affuma perfum

affuma ser e matin lo matin e 1 ser

ser e matin begut opi maniat trop o begut opi begut maniat trop o begut begut opi begut opi

Pds -1 -1 5

-1 -3 -2 5

Relation Diff. lexicale insign. Diff. lexicale insign. Prés./ absence

Diff. lexicale insign. Identité Renversement Prés./absence

-2 -2 4 -3 4 -2 4

Renversement Renversement Diff. sémantique Identité Diff. sémantique Renversement Diff. sémantique

contra los veris

4

Diff. sémantique

profiecha a noirir los nervis

-1

Diff. lexicale insign.

5

Prés./absence

profiecha a noirir los nervis contra los veris

5

Prés./absence

5

Prés./absence

contra los veris

4

Diff. sémantique

fbg fuig

2 2 5

Diff. graph.-phonet. Diff. graph.-phonet. Prés./absence

fbig

5

Prés./absence

fbg

5

Prés./absence

fug de bona guiza moût

2 -3 -1 5

Diff. graph.-phonet. Identité Diff. lexicale insign. Prés./absence

Diff. lexicale insign. Diff. sémantique Identité Prés./absence

365

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4

A

P

Pebre

5

5

A

Cb

Vitre

5

6 ï 2

P Ca Ca

Cb Cb P

pebre colerincs colerincs

3

Ca

A

colerincs

4

A

P

vitre escoloris qui a mal en lo budel maior qui a mal en lo budel maior escoloris escoloris

4 4 -1

Prés./absence Prés./absence Diff. sémantique Diff. sémantique Diff. lexicale insign.

5

Prés./absence

5

Prés./absence

5

Prés./absence

4

Diff. sémantique

5

A

Cb

6

P

Cb

1 2 3

Ca Ca Ca

Cb P A

4

A

P

très ioms

5

Prés./absence

5

A

Cb

mieia semana

5

Prés./absence

6 1 2 3

P Ca Ca Ca

Cb Cb P A

mieia semana bronia alambroze

-1 2 3 5

qui a mal en lo budel maior mieia semana mieia semana mieia semana

très ioms brona brona brona

4

A

P

5

A

Cb

6 1 2

P Ca Ca

Cb Cb P

alambroze un test un test un test

mieia semana très iorns

-3 -1 5

Identité Diff. lexicale insign. Prés./absence

Diff. lexicale insign. Diff. graph.-phonet. Diff. lexicale asém. Prés./absence

alambroze

S

Prés./absence

bronia

5

Prés./absence

bronia una ola nova

3 4 5

Diff. lexicale asém. Diff. sémantique Prés./absence

5

Prés./absence

3

Ca

A

4

A

P

5

A

Cb

una ola nova

5

Prés./absence

6

P

Cb

una ola nova

5

Prés./absence

1 2

Ca Ca

Cb P

ayga pur ayga pur

vinaigre

4 5

Diff. sémantique Prés./absence

ayga pur

-3

Identité

3

Ca

A

4

A

P

5

A

Cb

vinaigre

5

6

P

Cb

vinaigre

5

1 2 3

Ca Ca Ca

Cb P A

4

A

P

sus un vaissel

5

Prés./absence

5

A

Cb

en vaissel

5

Prés./absence

6

P

Cb

en vaissel

1

Prés./absence

366

5 -3

en vaissel en vaissel en vaissel

sus un vaissel

en vaissel sus un vaissel

-3 1 5

Prés./absence Identité Prés./absence Prés./absence Identité Diff. morph.-syn. Prés./absence

F o rm a lisa tio n des va ria n tes

Figures

Fig. 2

367

É tu d es de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T.. BJelketts

Fig. 4

368

À propos de la cote 11498 de la B ritish Library. François Pic

L ’histoire de la British lib ra ry est désormais parfaitement connue grâce au m onu­ mental et récent ouvrage de Philip R. Harris1. N otre intention, à présent, est sans com m une mesure, reprenant une hypothèse précédem m ent form ulée2, de mettre en évidence un point mineur de l’histoire de cette institution, n on explicité à ce jour3, h concernant la provenance d’une partie notable des livres occitans en sa possession 4. Fondée le 7 juin 1753 par un acte du Parlement, la bibliothèque du British Mujj seum (devenue, en 19735, l’actuelle British lib ra ry) s’est constituée et successivem ent enrichie des dons de collections entières, à com m encer par celle de Sir Hans Sloane (1660-1753), physicien et naturaliste, suivie de la O ld Royal lib ra ry contenant 9000 i; volum es donnés par G eorge II en 1757, de la Cottonian lib ra ry com p osée par Sir Robert Bruce C otton (1571-1631)6, de la collection de Robert et Edward Harley com tes d ’O xford7, de la King’s lib ra ry du roi G eorge III (1738-1820) donnée en 1823 par son fils G eorge IV, de la Grenville lib ra ry form ée et léguée par Sir Thom as Grenville (1755-1846) député, acquéreur aux célèbres ventes Mac-Carthy (17441811) et Richard H eber (1773-1833), collection com prenant 20250 volum es rares8,

1 Philip R. Harris, A History of the British Muséum Ubrary, 1753-1973, London : The British Library, 1998. ! XX-833 p. i 2 En 1990 (par la n. 27 de notre Essai de bibliographie des œuvres gasconnes etfrançaises dAntoine Verdie, publié en annexe, pp. 205-61, de l’ouvrage de : Ph. Gardy, Donner sa langue au Diable. Vie, mort et transfiguration dAntoine Verdie, bordelais. Montpellier-Église Neuve d’Issac : SFAIEO-Fédérop, 1990), l’occasion nous jj était donnée d’esquisser et rendre publique notre conviction, acquise sur place en 1984 puis confirmée en 1988, quant à la richesse particulière de la British Ubrary en matière d’imprimés occitans, r 3 Le nom seul du protagoniste et personnage principal de la présente contribution, J.-H. Burgaud des ; Marets, est cité par P. R. Harris aux pp. 262-63 sans autre précision. 4 Au fil des années, cette recherche a alimenté des correspondances et des conversations avec plusieurs bibliothécaires de la British Ubrary ; je tiens à citer et à remercier Madame Grâce Dempsey ainsi que Madame Sheila Rockett et Monsieur L. Ler. Dethan. 5 Le British Ubrary A ci du 27 juillet 1972 institue la British Ubrary en bibliothèque nationale autonome. ; 6 En 1731, un incendie avait détruit ou endommagé 212 des 958 manuscrits du Moyen Age composant cette collection privée. 7 Parmi les 7600 manuscrits de la Harleian Collection cédée par la duchesse de Portland figurent plusieurs manuscrits occitans, cf. Clovis Brunei, Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal, Paris : Droz, 1935, notices 17 à 21. 8 Arundell Esdaile, The Bristih Muséum Ubrary. A short history and survey (London : G. Allen and Unwin, 1946) fait mention, pp. 194-95 et 206, de l’intérêt particulier de Grenville pour les langues romanes (italien, espagnol, etc.) : « Thanks largely to Grenville’s love o f Romance literature ».

E tu d e s de langue e t de litté ra tu re m édiévales offertes à P e te r T . P d cketts

de la collection du Rév. Clayton Mordaunt Cracherode (1730-1799) qui avait acquis un grand nom bre de livres français auprès de nobles immigrés à cause de la Révolu­ tion française. Grâce à ces bibliophiles et premiers donateurs, la 'British Library possède des exemplaires, parfois multiples et parfois m êm e en unique exemplaire connu (,unicum) des principales œuvres occitanes im prim ées à l’époque m oderne, des origines de l’imprimerie à l’époque révolutionnaire. O n enregistre ainsi, dans les différents fonds évoqués ci-dessus, la présence de très nom breuses im pressions occitanes rares et précieuses, du Compendion de l ’abaco incunable de Frances Pellos (IA. 32436) aux Fors et costumas de Béarn de 1552 (C. 29. e. 2, provenant de la bibliothèque Meerman), des Poesias gasconas de Pey de Garros (241.1. 14, exemplaire D e T hou, Soubise, Pâtis et G eorge III) à Yunicum Poesie en diuerses langues sur la naissance de Henry de Bourbon, 1554 (1073. e. 12) des Obros de L Bellaud de La Bellaudière (85. e. 2, G . 11323 et 839. h. 29) au Gentilome gascoun (1065. c. 2) et aux multiples éditions (en unicd) du Catounet de G uilhem Ader, du théâtre aixois laràin deys musos provensalos de Claude Brueys de 1628 (242. a. 36-37 et 638. a. 31-32 et G. 17650) au “Théâtre de Béziers” de 1628 et 1644 (240. a. 15 et 840. a. 11), etc.9 E n 1836, la bibliothèque britannique, avec 240.000 volum es dont 179.000 livres im prim és, ne figure cependant qu’au septièm e rang des bibliothèques européennes, après Paris, M unich, Copenhague, Berlin, V ienne et D resde. Convaincus par ses bibliothécaires d ’une nécessaire action bibliothéconom ique et bibliographique, le Parlement et les administrateurs {the trustees of the British Museum) ouvrent alors à la bibliothèque de nouveaux horizons. Sur cette longue période d’effervescence et de mutation, P. R. Harris (cf. n ote 1) consacre deux chapitres consécutifs (V et VI), significativement intitulés A time of development, 1847-1856 et A time of consolidation, 1857-1875. U n autre historiographe résume ainsi10 ces évolutions du milieu du XIXe siècle : « T he rather m iscellaneous assemblage o f collections w hich had been acquired prior to 1837 was transformed under Panizzi’s guidance into a w ell rounded library capable o f supporting research in virtually every field o f endeavor and in nearly every language o f the world. Before 1837, the Library had alm ost no books in a number o f foreign langages. By 1856, the Library had the greatest collection in the world. » L’artisan principal de cette transformation est A ntonio Panizzi. N é en 1797 à Brescello (Nord de l’Italie), dix-sept m ois après l’invasion de l’Italie par N apoléon , devenu docteur en droit de l’Université de Parme, insurgé lors des m ouvem ents de 1820-1821 et condam né à mort, fugitif en Suisse puis en Grande-Bretagne, A. Panizzi entre en 1831 com m e assistant surnuméraire au British Museum, devient

9 Nous publierons ultérieurement les résultats de l’inventaire londonien auquel nous nous sommes livré. Nous en avons donné, ça et là, quelques échantillons dans divers articles concernant les impressions occitanes du droit pyrénéen, le théâtre biterrois du XVIIe siècle, le « texte occitan de l’époque révolutionnaire » ou divers auteurs tels que F. Pellos, P. de Garros, G. Ader, L. Bellaud de la Bellaudière, Jean de Nostredame, etc. îo page 2 dans Philip John Weimerskirch, Antonio P a n ic ’s Acquisitions Policiesfor the U braty of the British Museum. Submitted in partial fulfillment o f the requirements fot the Degree o f Doctor o f library Science in the School o f Library Service. Columbia University, 1977. (5)-VI-339 p. (London, BL : NL. 7. f).

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conservateur des Imprimés (keeper of printed books) en 1837, puis directeur {principal librarian) de 1856 à sa dém ission en 1866. D e retour en Italie, il devient sénateur et meurt en 1879. Bien après son départ, la politique résolue d ’acquisitions11 im pulsée par le “Prince des bibliothécaires” 12 est poursuivie par ses successeurs à la tête du département des “Printed B ook s’, John W inter Jones (de 1856 à 1866), Thom as Watts ( de 1866 à 1869) et William Rye (de 1869 à 1875). À l’occasion d ’un rapport interne13, T. Watts fait état de la réussite qui couronne les efforts déployés « to bring under one ro o f the leading works o f the literature o f every nation in the world w ithout exception. »14 Cette orientation ambitieuse de la bibliothèque du British Muséum fut rapidement connue, appréciée et citée en exem ple. Le bibliographe français P. L. Jacob, bibliophile (i.e. Paul Lacroix, 1806-1884) y fait écho, déplorant, dans sa préface au catalogue de la vente publique de la bibliothèque de Félix Solar1516, le manque de dynamisme des bibliothèques françaises et louant sim ultaném ent l’efficacité de trois autres bibliothèques européennes : « O n doit dire cependant que les plus beaux livres et les plus rares ne sont pas sortis du dom aine de la circulation, puisque les bibliothèques publiques (exceptées celles de Londres, d e M unich et de Saint Pétersbourg) n ’achètent guère ce genre de liv r e s,... » A u début de l’année 1873, une nouvelle et abondante source « d ’acquisitions françaises » se présente à la bibliothèque du British Museumxi. Henri Leclerc, de la «Librairie orientale de M aisonneuve et Cie, 15 quai Voltaire, Paris», librairie

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11 Au cours des dix-neuf années, de 1837 à 1856, pendant lesquelles A. Panizzi dirigea le département des « Printed Books » 302.000 volumes furent acquis. 12 Ainsi surnommé par d’Edward J. Miller, Prince of librarians, The life and times of Antonio Panisçf of the British Muséum, London, 1967. 356 p., réédité London : The British Library, 1988. Il fut l’ami de Prosper Mérimée (1803-1870) avec qui il entretint une correspondance professionnelle. 13 BM Archives : D H .2 /1 0 ,15 July 1869. 14 II serait instructif d’étudier quels ont pu être, au milieu de ce XIXe siècle, les échos scientifiques et les conséquences éditoriales de cette politique d’ouverture dans le secteur des études romanes et plus particulièrement occitanes, d’en rechercher les traces dans la bibliographie savante de l’époque. N e notet-on pas au cours de la seule décennie 1860 plusieurs publications marquantes en ces domaines : l’ouvrage de George Comewall Lewis, A n Ester/ on the origin and formation of the Romance Language. Containing an examination ofM . Rqynouard’s Theory on the relation of the Italian, Spanish, Provençal and French to the Latin, initialement édité à Oxford en 1835, connaît une 2eme édition, londonienne, en 1862; J. Duncan Craig publie successivement A Handbook to the modem Provençal Literature, spoken in the South of France, Piedmont, etc. (London : 1863) et Miejour ofprovençal legend, life, language and literature, in the land of the felihre (London: Nisbet and Co., 1877. VIII-496 p.). Mieux encore, en ces décennies 1860-70, la réputation poétique de Frédéric Mistral a franchi la Manche et déjà justifié trois traductions distinctes de Mirèio en langue anglaise (par C. Grant, Avignon, Roumanille, 1867, par H. Crichton, Londres : Macmillan, 1868 puis rééditée en 1869, enfin par Harriet W. Preston, Boston : Robert Brothers, 1872). 15 Catalogue de la bibliothèque de M. Félix Solar. Paris : Téchener, 1860, p. X. Ce fameux bibliophile aquitain (1815-1871) dispersa sa bibliothèque par une série de ventes publiques en 1860-61. 16 Plusieurs séries d’archives administratives (British Museum Archives), dépouillées par nos soins, aident à reconstituer le scénario de cet enrichissement : la série D H 2 (Reports to the Trustees and Trustees’s Minutes, 1856-1973), la série D H 4 ( In-letters, 1867-1948) : D H 4 /1 3 (1873, Letters M-Z, feuillets 32 à 49), la série D H 5 (Invoices for purchases, 1827-33, 1837-1873 : t. 31 (January 9, 1873 —October 8, 1873), t. 32, t. 33 (June 10,1874 - December 29,1874).

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spécialisée en linguistique, écrit au 'British Museum, le 8 mars 187317 : «P rochaine­ m ent nous aurons en distribution le catalogue de la bibliothèque patoise de M on ­ sieur Burgaud des Marets. N o u s aurons l’honneur de vou s en adresser plusieurs copies » et confirm e, le 28 mars suivant « Sous bandes par la p oste nous avons l’honneur de vou s adresser plusieurs exempl. du catalogue de la bibliothèque patoise de M. Burgaud dont le vente aura lieu le 5 mai & jours suivants. N o u s ne saurions trop, M onsieur, vou s engager à lire attentivement le susdit catalogue, persuadés d’avance que vous y trouverez sans aucun doute b on nom bre de docum ents à ajou­ ter à votre précieuse collection. Pour vou s éviter les frais d ’un intermédiaire nous vous proposons de nous charger de vos com m andes qui seront exécutées avec la plus parfaite loyauté. » Le 2 avril, H. Leclerc insiste directem ent auprès de W. B. Rye18, responsable du départem ent des Imprimés : « N o u s ne saurions trop insister, M onsieur, sur l’im portance de la Bibliothèque patoise de M. Burgaud des Marets ; collection d’autant plus importante qu’elle est la seule qui existe aussi com plète. N ou s croyons m êm e qu’un achat d ’une pareille bibliothèque, en bloc, pourrait convenir parfaitement à votre riche M useum. » L’échange épistolaire entre W . B. Rye à H . Leclerc s’intensifie dans le courant du m ois d’avril : « April 1 0 /7 3 . Sir, I have looked cursorily at the two sale catalogues o f linguistic books o f the Marquis de La Ferté & M. Burgaud des Marets, (...). I think that m ost o f the rarer books will be in the M useum collection, but that with regard to the less important books a very considerable num ber w ould be wanting. (...). It appears to m e that these sales could offer a good opportunity o f supplying the M useum deficiencies in these classes. I should be quite willing to purchase largely ! ( ...) ». Quelques jours sont nécessaires aux deux correspondants pour s’accorder sur la m éthode adoptée : le libraire parisien achètera pour son propre com pte, ainsi que le propose W. B. Rye, puis soumettra au British Museum un exemplaire du catalogue dûm ent annoté du prix dem andé par M aisonneuve pour chacun des livres ainsi acquis : « ( .. .) in the event o f your being disposed to purchase on your ow n account, & then subm it to m e a catalogue marked with the prices o f the b ooks so acquired, I have n o doubt that I should, i f the prices were m oderate, purchase a very considerable number for the Museum. » D ès le 24 avril, un rapport (D H 2 /1 4 ) ém ane du « D ep t, o f Printed Books. Mr Rye has the honor to report to the Trustees that an extensive sale o f linguistic books will take place in Paris on May 5th & eleven foll[owin]g days. T he collection w hich has been form ed by M. Burgaud des Marets com prises a very remarkable series o f

17 La bibliothèque du Britisb Muséum est déjà cliente de la librairie parisienne Maisonneuve. L’initiative prise par cette dernière n’a aucun aspect de nouveauté mais s’inscrit plus nettement dans l’ambitieuse politique d’acquisition affichée de longue date par le BM. A ce double titre, au mois d’avril 1873 et par l’intermédiaire de la même librairie Maisonneuve, la bibliothèque du Britisb Muséum achetait, pour 180 francs, une Biblia Islandica de 1644, au cours d’une autre célèbre dispersion : Catalogue des livres composant la bibliothèque linguistique de M. le marquis de la Ferté-Sénectère, membre de la Société Asiatique, dont la vente aura lieu le 15 avril 1873 et les treize jours suivants. Paris, Libr. Antonin Chossonnery, 1873. XVI-310 p. 2595 numéros. 18 William Brenchley Rye, 1818-1901, devient assistantkeeperen 1857, puis keeper ofPnntedBooksde 1869 à 1875.

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works in the Basque language & in the patois dialects o f France and in those o f Spain & Italy. M. Rye has examined the catalogue and a considerable number o f the works seem to be wanting in the M useum Library. H e begs to be allowed to expend a sum n ot exceeding £ 200 at this sale. » Les administrateurs répondent : « A t a Comm ittee, April 26th, 1873. O n a report from Mr. Rye, dated the 24th o f April, the Trustees authorized an expenditure not exceeding £ 200 at the sale in Paris o f a collection o f linguistic books form ed by M. Burgaud des Marets. [signé :] W inter Jones, Principal Librarian19. » La vente publique a lieu, en douze vacations, du lundi 5 mai au samedi 17 mai 1873. Sur la base d’une liste de desiderata fournie par le British Museum, la librairie M aisonneuve, ainsi que l’expose H . Leclerc à W. B. Rye par lettre du 24 mai 1873, a « acquis la plus grande partie de la Bibliothèque20 (...). N o u s avons visé, surtout, les articles que vous nous aviez signalés et dont bien peu nous ont échappés. ( ...) N o u s vous prions de nous envoyer votre choix définitif, sans tarder s’il vou s plaît, car plusieurs amateurs lointains, m êm e des États U nis qui n’on t pas reçu le catalogue à tem ps nous font des dem andes. ( ...) ». Le 5 juin 1873, les ouvrages désirés quittent Paris pour Londres (le B M . accuse réception par lettre du 18 juin), suivis par un courrier du 11 juin accom pagnant la facture : « Fourni au British M useum par M aisonneuve et Cie. Catal. Burgaud des Marets : Bibliothèque patoise. 3 juin 1873 ... » en six pages recto et verso sur trois doubles colonnes com portant chacune le numéro de notice et le prix unitaire du lot, soit 536 livres pour un total de 14579,50 francs, porté à 14637 avec les frais de « caisse, emballage et assurance jusqu’à Londres », mais ramené à 14090 après déduction du m ontant de 30 ouvrages retournés. Le m ontant d éfinitif de cette facture, transcrit dans la m onnaie britannique, s’élève enfin à £ 552.10.11. La facture est, à son arrivée, paraphée « W.B.R. / July 2 6 /7 3 » et présente l’estampille datée « British M useum. 26JY73 » qui se retrouve en dernière page de tous les ouvrages de cette facture. Selon une procédure semblable et par une correspondance21 échangée entre les m êm es personnes, le British Museum procède l’année suivante à de nouvelles acqui­ sitions choisies sur le catalogue d ’une deuxièm e partie de la bibliothèque Burgaud des Marets22. D eu x caisses quittent Paris pour Londres le 24 mai 1874. D eu x 19 John Winter Jones (1805-1881), très proche d’A. Panizzi, fut keeper of Printed Books de 1856 à 1866, puis Principal Ubrarian of the Britisb Muséum (conservateur en chef) de 1866 à 1878. 20 Camille Beaulieu, Vie et travaux de Burgaud des Marets, philologue, bibliophile et poète saintongeais (18061873), La Rochelle : Éditions Rupeüa, 1928, 312 p., précise, pp. 201-04 : « Au lendemain de la guerre et de la commune, beaucoup d’amateurs ne vinrent pas qui en d’autres temps eussent accouru en foule. M. Maisonneuve acheta pour son compte plus de la moitié des livres, soit 1367 numéros sur les 2275 que comportait le catalogue- Le reste fut acheté par d’autres libraires et quelques rares amateurs. 173 numé­ ros furent retirés à la vente ; il y eut 11 manquants (...) C’est donc pour [une] somme dérisoire qu’a été adjugée la plus belle collection patoise qui fut jamais. (...) Burgaud des Marets retira donc à peine le dixième de ce que lui avaient coûté ses livres. » D es invendus de 1873-74 étaient encore proposés en 1911-1912 sur ses catalogues et bulletins par la librairie Maisonneuve (p. 205). 21 Echangée entre le 16 février et le 16 décembre 1874, conservée aux feuillets 31 à 47 de la série D H .l / 1 5,1874, Letters M-Z. 22 C. Beaulieu, op. cit., précise p. 203 : après la vente de mai 1873, « il lui restait encore une grande quantité d’ouvrages qu’il réservait pour ses futurs travaux, mais la mort vint et ceux-ci achetés en bloc par le libraire Maisonneuve, formèrent, en 1874, un second catalogue à prix marqués. »

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factures furent établies : une première datée du 18 mai 1874 (comprenant quelques achats relevant du catalogue de 1873) s’élevant à 4681,13 francs soit £ 185.15.2 ; une seconde2324datée du 9 juillet 1874 s’élevant à 5005,55 francs soit £ 198.12.7. Elles portent toutes les deux la m ention manuscrite du m ontant cum ulé de £ 384.7.9 (pour un total de 578 volum es n on décom ptés les ouvrages retournés parce qu’en double ou non satisfaisants) et sont paraphées « W.B.R. / July 2 1 /7 4 » avec l’estam­ pille datée « British M uséum. 21JY74 » que l’on retrouve en dernière page de tous les ouvrages de ces factures. Les centaines de livres ainsi acquis en 1873 et 1874 portent une estampille d’acquisition datée du 2 6 July 1873 ou du 2 7 July 1874. Ils ne constituent pas un fonds spécifique et ne figurent pas, à ce titre, dans A D irectoy ofRare Book and Spécial Collections in the United Kingdom and the Republie oflrelanam qui précise toutefois que la British Libraiy « has the largest collection o f French rare books outside France, and in many fields surpasses any individual French library. » Ils sont autrement catalogués et intégrés à la cote25 11498. L ’histoire de la classification et des cotations successives développées suite aux extensions de magasins et créations de rayon­ nages, a été analysée par Francis J. Hill26 ; il appert que la classification établie par T. W atts27 a affecté le rayonnage 11498 aux «F ren ch Dialects » («Langues de France »)28. C onservée —lorsque nous visitâmes les lieux en 1984 et 1988, sur le site de G reat Russell Street, avant donc le dém énagem ent à S t Paneras— dans la partie West Tan Base (Basement), la cote 11498 pré-existe aux achats de 1873-187429. Jean-Henri Burgaud des Marets naît à Jarnac le 2 novem bre 1806 dans une famille de com m erçants en tissus et draperies. Collégien à Bordeaux, puis étudiant à Paris, licencié en droit en mai 1829, docteur en droit en 1837, avocat à la Cour d’A ppel de Paris (de 1833 à 1878), il réside principalement dans la capitale sans pour autant délaisser sa Charente natale qui lui fournit la matière de ses études linguis­ tiques et le matériau de ses écrits littéraires. Célibataire, domicilié 25 rue La Bruyère, il m ène une vie érudite, fréquente assidûment la Bibliothèque Impériale et plus encore celle du Louvre. E n collaboration avec le bibliothécaire du Louvre, Edm e Jacques B enoît Rathéry (1807-1875), il établit une édition de Rabelais collationnée sur les éditions du XVIe siècle, procède à des réimpressions d’ouvrages anciens, à tirage limité (parfois hors com m erce) : N otes de A . Oihenart pour le glossaire basque de Pouvreau (Paris, D id ot, 1866, 16 p.). Quand le tirage ne se limite pas à un exemplaire unique pour lui-m êm e (Les passages basques de Rabelais très exactement reproduits d ’après les 23 BMA, D H .5/33, Invoices, June 1 0 ,1 8 7 4 - December 29,1874. 24 Edited by Moelwyn I Williams, London : Library Association, 1985. 25 Le terme anglais est sbelfmark ou pressmark. 26 Shelving and Classification of Printed Books in the British Museum, 1753-1953. London, 1953. III-95 ff. (Essay for candidates for the Fellowship o f the Library Association). (London : BL, N.L. 7. f.). 27 Thomas Watts fut « Keeper o f Printed Books » de 1866 à 1869. 28 cf. page 43 dans R. C. Alston, A Topical Index to Pressmarks in use in the British Museum Library (18231973) and the British Libray (1973-1985). Including Pressmarks in the Department of Printed Books... 1987, ronéoté. 29 Ainsi, Tun des premiers ouvrages du rayon, coté 11498. a. 13, est une édition avignonnaise de [1862] du Prouce% de Caramentran est mentionnée « purchased in 1864 », soit 9 ans auparavant.

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plus anciennes éditions, vers 1856 ; cf. Bibliographie basque de Julien V inson, n° 275, p. 308) ou deux exemplaires du Passage en langue basque extrait du P oète basque, comédie de Pjximond Poisson, 1676 (1856 : cf. la Bibliographie basque de J. V inson, n° 274, p. 307), « l’un appartient au prince L.-L. Bonaparte, l’autre s’est vendu 2 fr. à la vente de M. Burgaud des Marets ». N o u s reviendrons plus loin sur la personnalité de LouisLucien Bonaparte. Citons ici quelques autres relations intellectuelles de Burgaud des Marets : le docteur Jean-François Payen, montaigniste, l’historien Francisque M ichel (1809-1887), le voyageur et philanthrope d’Urrugne A ntoine T h om pson d’Abbadie (1810-1897), Charles Nisard (1808-1889), l’imprimeur-éditeur parisien A m broiseFirmin D id o t (1790-1876), les bordelais Pierre-Gustave Brunet (1807-1896) biblio­ graphe, Jules D elp it (1808-1892), Reinhold D ezeim eris (1835-1913), Ém ile Ruben, conservateur de la bibliothèque de Lim oges qui, en 1866, lui dédie son édition critique des poésies lim ousines de Jean-Baptiste Foucaud, le peintre Achille D evéria (1800-1857), alors conservateur du Cabinet des Estam pes, qui, en 1856, réalise son portrait, etc. Poète saintongeais30, Burgaud des Marets est l’auteur de p oésies, de contes, com édies et petites pièces satiriques (Molichoû et Garçonnière, im itée de la Parce du jeu du Prince des sots de Gringoire, L a maleisie à Piarre Bounichori), traductions, imitations et paraphrases (de Virgile et La Fontaine) en « parler de Jarnac ». Son attrait pour les langues de l’Europe et la philologie le conduit à s’intéresser, au-delà de son pays natal et des “patois” de France31, au portugais et au polonais. Il devient ainsi le premier traducteur32 du grand poète polonais Adam M ickiewicz (17981855)33 qui, exilé en France, y acquiert une certaine célébrité grâce à Burgaud des Marets puis obtient la chaire de langues et littératures slaves au Collège de France. Bibliophile, il constitue une collection « de tout ce qui s’est écrit, de tout ce qui s’écrit chaque jour en patois et sur les patois. D e cette Babel où sont entassées tant de richesses bibliographiques, doit sortir quelque jour un véritable m onum ent de plus sur les patois de France.34 » Mais son grand projet philologique, Etudes compara­ tives sur lesformes grammaticales des dialectes vivants de la France, ne verra pas plus le jour que son lexique jamacais. Q uoiqu’il en soit, la réputation de sa bibliothèque est alors si grande que celle-ci est, en 1863, m entionnée dans L e Guide parisien d’A dolphe Joanne35 : « Enfin, parmi les bibliothèques appartenant à des particuliers, il faut citer 30 À ce titre il figure, pp. 238-40, t. IV (... Poitou, Saintonge, Aunis et Angoum ois,...), dans l’anthologie d’Ad. Van Bever, Les poètes du terroir du XV* au X X e siècle. Textes choisis... Paris : libr. Ch. Delagrave, 19091912. 4 vol. 31 II envisagea dès 1849 la création d’une « Société philologique » groupant tous les « patoisants » de France, Au nombre des membres du comité supérieur devaient figurer, les comtes Jaubert et de la Villemarqué, A. Moquin-Tandon, A. d’Abbadie, A. Dinaux, etc. Voir Camille Beaulieu, op. cit., pp. 151-52. 32 Le nom de B. de M. ne figure pas sur les ouvrages car il ne voulait être accusé de partager la gloire de l’auteur qu’il servait. Sur cette fonction de traducteur, deux conférences prononcées à Jarnac le 30 sept. 1973 par MM. R. Noël-Mayer (Cognac : BM, Fonds charentais, Br. M. 195) et Z. Markiewicz (Cognac, BM : Fonds charentais, Br. M. 196). 33 M. Czapska, La vie de Mickiewiaç. Préface de Drieu de La Rochelle. Paris : Plon 1935. (Coll. « Le roman des grandes existences »). 34 Revue des Provinces, 1864. 35 Sur le succès et le retentissement des guides créés par le géographe et littérateur Adolphe Joanne (1823-1881) : Daniel Nordman, Les Guides-Joanne, ancêtres des Guides Bleus, pp. 1035-72 dans Les Lieux de Mémoire, sous la direction de Pierre Nora. Paris, Quarto-Gallimard, 1997. T. 1.

375

"Etudes de langue e t de litté ra tu re m édiévales offertes à P e ter T . R ic k e tts

celles de M. Cousin (philosophie) ; de M. Ambr.-Firmin D id o t (incunables, typogra­ phie) ; de M. Thiers (histoire de France) ; du Prince Lucien Bonaparte et de M. Burgaud des Marets (livres sur les patois), de M. de Sacy, de M. J. Janin, etc. »3 F E 1 FE> G G G G [E E 1 E 1 F E 1 F E 1 F E 1 G G G G E E 1 E 1 E 1 F E 1] I I 1 I I 1 J K E 2 E 1 F 1 E 1 F E 1 F2 E 1 [I I1111 J K E2 E 1 F1 E 1 F E 1 F2 E 1] L L1 L2 M M1 B6 B7 B8 N O O 1 F3 F4 P [L2 L3 L M M1 B6 B7 B8 N O O 1 F 3 F4 P]

There are sixteen distinct melodic units labelled A-P, based on three formulae : i. C E D : A®, B, C, D (II), G (III), I (TV) ii. FED : B (II), transposed to CBA for F (III), and variation J (TV) iii. BGFABGG : Laisse formula E (III, IV) i. Melodic unit A is made up of three phrase units, the first of which (CED) is repeated and falls by a fourth to G for four 9-syllable lines of 333 in the first stanza. Melodic units C and D in the second part of stanza II are variants of A and are set to a repetition of its scheme. They are elaborations of the CED formula and each closes like A on GAG G (stanza III) is a variant of A ending with a half close on D. The first two sub­ units are variants of the CED formula : CEE and CFF; the third and fourth sub-

547

E tu d es de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T . P icketts

units elaborate further on the formula with CDECD. Melodic phrase I (stanza IV) is a more distant variant of A and G, based also on the CED formula.3 It consists of a two-phrase melodic unit of 7’+5 syllables. ii. Melodic unit B occurs in stanzas II and V. This is formed from the pitch sequence FFE D /E D D C with a half close on D for the metrical scheme 3’3’3. It is another variant of the CED formula which is used for the last four syllables of each line ; the juxtaposition of the thirds F—D /E —C , found at the opening of each phrase, occurs in many lais. Melodic unit F, stanzas III and IV, is comprised of two phrases based on the descending tetrachord CBAG, and resembles phrase B in contour, at the fourth below: B ranges over the descending tetrachord F—C and ends on the fifth degree, D, in 3’3’3 metre. F ranges over the descending tetrachord C—G and closes on G in 3’3’ metre, with melodic unit E supplying the second phrase of 7 syllables with internal rhyme (usually 3’+3). F is always paired with E. Units J and K represent a contraction of F for a metrical unit of 335’. iii. Melodic unit E is an independent formula found in stanzas III and IV. It exists as a short laisse repeated according to the requirements of the text for syllables of 111 at the beginning of Ilia and as a closing phrase to melodic unit F in the same stanza for 3’+3, and also in IV. It is one of the most common melodies in G-mode lais in both the vernacular and Latin repertories and functions as an independent phrase and well as a closing melody. Stanza V requires separate discussion since it is in the form of a series of variations on three of the principal melodies of this lai. L is related to A through D (stanza II) and G (stanza III), respectively ; M is a variant of B. This stanza is tonally and melodically a summary of all that has gone before, with an emphasis on melodic sequences at the beginning (L) and end (variants of O and F) : melodic unit L being a series of ascending sequences, melodic units O+F descending, providing a symmetrical balance at the end, concluding with the closing phrase P, which is related to independent laisse formula E. To sum up, this lai is divided metrically and musically into three sections, as follows : I-II here each stanza contains the CED formula falling to GAG, alternating with FEED in II. III-IV bounded by melodic unit E.

[ '

\

1

; w

3 The formula CED occurs in several other instances in both the vernacular and Latin repertories. One example, also in MS T, is found at the opening of Li lais desAmans, (ff 69r—7Qv); another in a more regular form in Li lais de la Pastorele (BNF ft. 846, Chansonnier TM’, ff 186r-v, 195 r-v), stanza VIIL An even more striking resemblance occurs in Planctus cigni, stanzas VI and VIII: CEDEC/EDEC, and EDECf DEDEC, respectively. (MSS forplanctus cigni are numerous, the earliest version of the text dating to the 9th century, but die earliest transcribable melody is in BNF 887, an ll^-century troper-sequendary from St Martin, Limoges.) Apart from the less regular outline — which is a reflection of its prose text - the cellular nature of the melodic sub-units is identical in style to that of vernacular lais. All of these observations relate to the overarching issue of a likely common stock of melodic forumlae, presumably arising out of an oral tradition of performance. See Stablein 1962 ; Stevens 1986, llOff.; and Buckley (forthcoming). i

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A b e la rd ’s Planctus

V recapitulation of previous material based on the tones GBD, in a series of variations, with a concluding phrase.

Planctus

Planctus Virgnum is found in MS Vatican Reg. lat. 288, ff. 63v-64r, the third of six planctus assembled together in this 12th-century source. Although their authorship is not acknowledged here, it is the generally-accepted view that they are the work of Peter Abelard. The texts are provided with non-diastematic neumatic notation and so their melodies cannot be directly recovered in that version. Two later copies exist in plainsong notation for the sixth item, Planctus David super Saul et Ionatha, which enables a reliable reconstruction of the version in the Vatican MS. But reconstruction of Planctus Virginum depends entirely on the Dais des Puceles. In the edition presented here (see pp. 561-69),4 it consists of nine stanzas organised into two large sections or cursus, I-IV and VI-IX. The same metrical schemes are shared by I, V and IX, thus the fifth stanza acts as a pivotal point between the two sections, bringing a sense of unity and coherence to this long piece. All stanzas have two versicles, respectively (with some irregularity between Ilia and Illb), with the exception of IV, which has three. Stanzas I, II, III and IX of the planctus share common metrical material with the lai. And by the same token, all of melodies A-G of the lai are found also in the planctus. The latter contains more repetition, and thus fewer melodies, but the vari­ ation of individual units within these is greater. For convenience, those sections of the planctus which use additional material (TV-VIII) are enclosed in square brackets : la Ila b Ilia

b

aab ccb ccb ddb ccb eeb ccb dfb 333 333 333 333 333 333 333 333 aab bbb cdc efc efc cgc 443 443 333 333 333 333 aab bbb cdc efc ghc cfc 443 443 443 333 333 333 aaaa bbc ddc ddc ee ce ce ff ff 7777 335 335 335 77 77 77 77 77 d f d f d f gg cch iih iih 757575 77 335 335 335 aa bbb bbb aab aa ca ca de de 77 335 335 335 77 77 77 77 77 cccc fg fg fg cc hhi jj i bbi aa ag ag 7777 75 75 75 77 335 335 335 77 77 77

as, (i)es, e, us, um, ul te, a, os, um, i, is, it am, em, um, is, o, et, unc, it (i)o, ens, (i)us, um, (i)a, (i)am it, e, i (i)o, e, (i)um, as, am at, a, es, i(b)us, ans

4 This is the result of a collaborative effort with my colleague, David Wulstan, to whom I am indebted for the benefit of his insights. For assistance with readings of the Latin text I gratefully acknowledge advice also from Peter Ricketts, Leofranc Holford-Strevens, and David Wulstan. For further discussion, see Buckley 2003, passim. Unfortunately, as with the Lais despuceks, space does not permit the inclusion of a separate edition of the texts in the present article, for which see Buckley, forthcoming.

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E tu d es de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T . Rackette

[TVa-c Va b V ia b V ila b V illa b IXa ■ b

ab cb db 66 66 66 abc dec fgc hfc ffc ijc 333 333 333 333 333 333 abc dec cfc gfd hfd cid 333 333 333 333 333 333 aaa be dc ec 777 66 66 66 aaa cd ed fd 777 66 66 66 aa 77 aa 77 aab ccb dd ee 448 448 77 77 aab ccb dd cc 448 448 77 77 aab bbb ccb ddb efb ffb bab geb 333 333 333 333 333 333 333 333 aab ccb aab ddb dde bbe d d f dde 333 333 333 333 333 333 333 333

it, (i)a, i, us im, a, um, an, o, e, et, us, ac, at as, i, es, a, ent, um, am, os, ant um, at, et, am, it ibit, itur, um, ent, es, iis is am is, (i)e, us, i, um us, ens, it, unt] a, (i)us, em, es, is, e, it em, is, um, e, es, el

Melodic scheme : I Ha b Ilia b IVa-c Va b V ia b V ila b V illa b IXa b

AA BB C DD D E E C DD D E E C DD D FF FF G G G FF H FH F FFH F FF III FF G G G FF G G G FF H FH F FF H F FFH F III FF G G G FF H FH F J JJ K K 1L U U U K Ki L 14 14 L1 MMN O P O P OP MMN O P O P OP Q Qi QQ1 RRS RRS TU TU RRS RRS TU TU AA B>B2 C DD D AA A 'A 2 O D D D 1

Stanzas I and II of the planctus have the same metrical schemes as I and II of the lai but differ in the patterns of lesser responsion. In the lai, stanza I contains four lines of 333 all set to melodic unit A ; the planctus contains eight lines of the same metre with the melodic scheme AABBCDDD. The second stanza contains a group of 3’3’3 in both versicles (two in the planctus, three in the lai) followed by a group of 333 as in stanza I (four occurrences in the planctus, three in the lai). The melodic

550

A b e la rd ’s Planctus

material is broadly the same in both : EECDDD (planctus), B B1B2 C D D 1 (lat) with CDDD from stanza I repeated in the planctus, and used for the first time in the lai (planctus phrase E = lai phrase B). Stanza III of the planctus contains four different metrical schemes : a series of monorhyming 7-syllable lines (melodic unit F), a group of 335 (melodic unit G), couplets of 77 (units H+F), and a group of 75 (melodic unit I, a development of H). The lai uses the same schemes but in a different order, reversing the sequence of the second and third groups : the series of three 7-syllable lines (melodic unit E) is followed by 3’3’3’3 (F+E1), a modification of the 76’/ 7 7 couplets in the planctus (melodic units H+F), and the group 3332’ (melodic unit G) which is a modification of 335 (G) of the planctus. In both cases the lai has an extra internal rhyme with an alternation of strong/weak endings. Melody G is common to both, though with one syllable fewer in the planctus where the lai has a weak ending (3+3+5 : 3+3+3+2’). Planctus phrase H is equivalent to lai F and is, similarly, always accompanied by the same ‘laisse’ phrase planctus F, lai E). I is a variant of H and is used for the versicles in 75 metre (equivalent to the use of I in the lai for 7’5). This performs the same function here as in the lai, existing independendy and as a companion phrase to H. It occurs in only one version in the planctus, which differs slighdy from unit E of the lai (BGGFAGG in the former; BGFABGG in the latter). This phrase could almost be called the signature tune of these repertories, so frequendy does it occur in both Latin and vernacular sequential song. It almost invariably contains the tritone, and is commonly used for lines of seven syllables. Other examples include L i Lais de la Pastorele, referred to above, and the related L i Lais des Hermins in the same chansonnier5 and Gautier de Coincy’s Virge glorieuse’, as also Philip the Chancellor’s ‘Ave, gloriosa virginum regina’, and other planctus such as “De profundis’, ‘Samson, dux fortissime’ and ‘Omnis caro’ (the ‘Song of the Flood”)6- in the latter it is used for lines of six syllables. Furthermore, as with certain other lai melodic phrases or formulae, such as CED, discussed above, it too can be traced back to the 9*-century Planctus cigni (the earliest transcribable notation for which dates to the 11th century.7 Strophes IV VIII of Planctus virginum Israel have no equivalent in the lai. They also contain twofold versicle repetition and vary considerably in length. However, none is as complex as the series of metrical schemes which occurs in III. For purposes of the present edition, all of the material has been reconstructed on the basis of what is known of the melodies of the lai, combined with guesswork derived from wider knowledge of the formulae or melodic cells on which the musical material of this repertory is based. Although pitch precision cannot be guaranteed here or elsewhere in the planctus, it is possible to be reasonably confident of the accuracy of most of the reconstruction.

5MS N, ff 191r-v, 187 r— v. 6Details of these sources may be found in Buckley, forthcoming. 7See Stablein 1962, p. 494.

551

E tu d es de langue e t de littérature médiévales offertes à Peter T . BJcketts

The melodic phrase J of IV is similar in outline to 111 of the lai, based on the rising third, C—E, further varied in V in ascending and descending form for a repetition of the metrical schemes of stanza I, but reflecting more closely the melodies of the opening. In stanza V, phrase K harks back to the CED formula with its variant CEE, while L is a play on the material from the second part of stanza I, with its emphasis on the descending third, F—D. Melodic units M+N (stanza VI) are based on the descending third, B—G, and the descending tetrachord, C—G. The rising and falling versions of the G—B-D triad, phrases O+P, have counterparts with O +O 1 at the conclusion of the lai, together with a further variant for the change of metre in VII (phrase Q +Q 1) where there is alternation of open and closed endings in the planctus for the first time. The climax is reached in stanza VIII with a shift of the descending motif up to G. The range of each of the two-phrase groups covers an entire octave, as in phrase C (stanzas I and II), emphasising G-tonality once more. Stanza IX is a repetition of the melodic-metrical schemes of I but with two versicles where the lai has one. The comparative overall form of both songs is as follows : Planctus

AA BB CC1 DDD AAAA EE FF GG AAAA

Lai

A

BBB CC

DD

EE

The planctus differs from the lai in one principle respect: its final stanza represents a return to the melodic and metrical scheme of the first. Greater responsion occurs, but only in the text and not in the melodies of stanza V. There is also a consistency in its parallelism : it is more regular than the lai in patterns of repetition. In Puceles, the progressive repetition continues throughout the piece. Parallelism exists within individual stanzas, and between successive stanzas, but the progressive aspect is not interrupted by recurrence of earlier material. The music of the final stanza is a synthesis, a new ordering of previous material, representing melodic progression yet formal conclusion. It remains open to speculation which, if either, of these served as model for the other. Spanke (1938, p. 59) expressed the opinion that the planctus was a finelywrought, balanced whole whereas the lai contained a flat and uninspired text. On this basis Vecchi (1951, pp. 24-25) suggested that the lai was an imitation of the planctus. His arguments against the primacy of the lai are weak, based on criticism of errors in the text and of its partial notation — neither of which has anything to do with the case. A corrupt text does not mean a faulty original, and the provision of partial notation is consistent with other Type I lots in MS T and elsewhere. The common metrical and melodic content may reflect one or more models. But this question is probably of less import than the more general observation that they seem to derive from a general stock of musical formulae in circulation in the oral tradition, possibly over a long period of time.

552

Abelard’s P bnctus

Bibliography Buckley, A. 2003. « Abelard’s pbntius and Old French bis : melodic style and formal structure », in The Poetic and Musical Legacy ofHeloise and Abebrd, ed. M. Stewart & D. Wulstan, Ottawa : The Institute of Medieval Music, Chapter 4 : pp. 49-59. — forthcoming. The Old Trench Lyric Lai and rebted Latin song to c. 1400. 3 vols. New York : Pendragon Press. Gennrich, F. 1932. Grundriß einerFormenlehre des mittebiterlichen Liedes als Grundbge einer musikalischen Formen­ lehre des Liedes. Halle (Saale). Handschin J. 1929—31. « Über Estampie und Sequenz », Zeitschrift für Musikmssenschaft 12 (1929), pp. 1-20 ; 13 (1930-1931), pp. 113-32. — 1949-51 . « The Summer Canon and its Background », Musica Disäplina 3 (1949), pp. 55-64 ; 5 (1951), pp. 65-113. Jeanroy, A., Brandin, L. & Aubry, P. 1960. Lais et descortsfrançais du XIIIesiècle. Mélanges de Musicologie Critique III. Paris 1901 ; repr. New York : Broude Bros. Maillard, J. 1963. Évolution et esthétique du bi lyrique des origines à b fin du XIVesiècle. Diss. Université de Paris : Faculté des Lettres, Séminaire de Musicologie. Spanke, H. 1938. « Über das Fortleben der Sequenzenform in den romanischen Sprachen », ZfrPh 51, pp. 309-34 ; repr. Aarburg 1977, pp. 36-61. — 1977. Studien %u Sequent Lai und Leich./ Hns Spanke, ausgew. von Ursula Aarburg. Darmstadt. : Wissenschaftliche Buchgesellschaft. Stäblein, B. 1962. « Die Schwanenklage. Zum Problem Lai—Planctus-Sequenz », in Festschrift Karl Gustav Feilerer cçumsechsfigsten Geburtstag, ed. H. Hüschen, Regensburg, pp. 491-502. Stevens, J. 1986. Words and Music in the Middle Ages: Song Narrative, Dance and Drama, 1050—1350. Cambridge. Wolf, F.J. 1965. Über die Lais, Sequenzen und Leiche. Heidelberg 1841 ; repr. Zeller: Ziolkowski, J. M. ed. and transi. 1998. The Cambridge Songs (Carmina Cantabrigensia), Tempe, Arizona. (« Medieval and Renaissance Texts and Studies », 192).

553

'É tudes de langue e t de littérature médiévales offertes à Peter T . R icketts

Li Lais des Puceles F-Pnfr. 12615, ff71r-72r R 1012 1A 7 1 r

Co-rai-geus

sui des geus

no - tes truis

ou

A

je pruis

1 ______ ______

k'a - mors vieut;

kan - k'es - piaut

_____________

li grans feus

a - mo - reus

ke

li

an - goi-sseus

ki s'en diaut.

pi - tex

re - kiaut

n (a) ® En mes be - lies

a - mo - re - lies

lais

i - chi

_________ des an - ce - lies

et

de

ce - lies

od

ma - ri;

B2 des pu - ce - lies

par no - ve - lies

qu'autre a - mors

n'a nul cors

‘ de va - lors,

car a - mors

no - tes di,

ki tant ait

vient et

vait

________ L _____________ ,____________ as

se - cors

as

do - lors

c'ome en trait.

• B3 (b)

554

® J'ai a - mi - e

sans fo - li - e-,

pu - celle est.

A b e la rd s’ Pknctus

B4 Vi - lo - ni - e

n'i

a

mi - e,

tot a

net.

iB5 Cor - toi - si - e

C1.

par bail - li - e

s'en - tre - met

r

de nos deus,

ke

li gieus

ne

fo - loit

D __________ ,________ 4____ ,____________ quant li leus

de - li - tex

nos re - çoit

en - vï - ex

del es-ploit.

aD1

eu - ri - eus, Br (c)

can - ço - ne - te

ke jou cant

ke g'i me - te B2

a - mor ne - te,

re - do - tant

d'es-tre près-tre

[d']a-mo - re - te

k'autre a -mant

“ Ce dist ces - te

nB1.

i

P •____ i____ I_____________ i-------------------ren-dent tuit

au de-duit

ki

lor plaist

a

ki

les paist

D et con-duit D1 jor

et nuit

l'es-truit

__________i __________ a i. de cel fruit

E

ki ens naist.

E1

ni (a) ® Ce font il mais je nel fas,

ne

li quier

au - tre so - las

Æ1 fors de bai - sier et

de bras.

555

E tu d es de langue e t de littérature médiévales offertes à Peter T . R lcketts

E1 ’ Nus ne di - e

vi - lo - ni - e:

,F

c'est fo - li - e

de blas-mer;

E1 ki me cri - e

de ma vi - e

sans na - vi - e

ten - te mer.

I ______i_______ ,________________ ___________ ,______________ C'est ma vi

— leur en •

ki m'en-vie

a

G Nuit et jor

G

met se - jor

ens l'a-mor

m'a-mi - e;

1

tote a - tor

ma la - bor

sans re - tor

a boin tor i -

G

____

par vi - gor

ma co - lor

E i)

a

l'o - nor

ki gui - e

la do - lor

qui U - e

a

flo - ri - e.

la flor

E1

(b) “ Puis ke la flor del tans jai

flo - rist en - con - tre

le rai,

^ E 1_______________________| _71v_________

[plus tost] ke flors ki ens mai

E1 est en-close

et

si vos po - se

jus la rose et flor de glai,

F __________,____________________, E1 i poi s'a - lose

a

la par - cio - se

r

_____________

ki me pose a

cel

........ - o - se]

a - mer n'o - se

ki m'en-co - se sans es-mai.

N o te : This and subsequent footnotes refer to MS readings which have been corrected in the edited text

556

e - ssai;

E1

A b ela rd 's Planctus

Je m'a-cort k'il a tort ki re-sort m’en ju - ge. G ----- , __ . ----- 1---------- *__ . ___ i__________ __ L_i____________ Ces - te sort d’a - mor port par de - port de dru - ge; G____________,_______________ __________i_____,_____________ j'ai con-fort

de son port,

k'i m'a-port

re - fru - ge

ki

par son fort

be - lu - ge.

«G [de la mort]

tôt mort

E ________________________ E1 Bien a - tent ki

pa - ra - tent:

n'ai - me pas ki

E1 et

l_________________ ce n'en-tent

E1 ki

a

tel co - se tent,

s'il velt plai - re,

lors s'i vaint;

ni

F______________ ,_______________ E1________ ne puet fai - re

I

son a - fai - re

sans mal trai - re

. . .

nus ki aint.

I1

IV (a) ® De tel sui em boi-n'es-tan - ce

AI

ke

.

je

sai de

fi

I1

k'e - le m'ai - me sans do - tan - ce;

J

en s'a - mor m'a - fi,

,K

k’au - tre - si

l'aim je

si

a

ke sans ou - bli - an - ce

E1

E2 tos jors mais l'a - me - rai,

k'autre a - mi - e

ne

fe - rai.

F1_____________ ,_______________ ______________ , l) Ma me - su - re,

c'est la

pu - re,

ki n'a eu - re

de fain - tié

l _____________ ,______________ El__________ 1,__________ m'a - se - gu - re

de

k'en l'ar - du - re

ke j'en - du - re

por dain - tié,

fain • ti - se

557

É tu d es de langue e t de littérature médiévales offertes à Peter T. R icketts

i

n'ai co - rai - ge

fol ne sai - ge

F

de hon-taige

a

li

do - ner,

, E 1

ne par rai - ge

mon o - trai - ge

, F 2

ains li gaige

vers son gaige

a - ban - do - ner,

E 1

un

a - van - tai - ge

tôt fo - laige

a par - do - ner.

Ll V

(a) ® Je de - sir a L 1_______________

et tai - sir

par loi - sir

a - ie - sir

en ceste a - mor,

3)_________________ ,____________________ ,_______ i_______________

mon plai - sir,

por sai - sir

au chief del tor,

L2

par loi - sir

558

4)

sans fai - llir

l'a - ssa - illir

de

la ba - illie ou je tir:

A b e la rd ’s Planctus

M

M1

dont ne me puis re - pen - tir,

1 aB6

ains me voil tot

a la belle a - mer:

B8 I .

ki euer a sans a - mer

N

-

ne m'en por-ra

cla-mer

fol ne plain d'o-trai-ge,

o _______________________ ke

a - den - tir

.______ B7

ja cer - tes, par mes iex,

__________________L ne

«F3

li

se - rai co - rai-geus

F4_________ 2)________

“ n'en -vi- eus,

con - tra - il - eus

ne

i - reus

n'an - goi-sseus d'a-voir les leus

f t P _________________________ 1 72r____________

dont je

tos dis

es - rai - ge.

.L 2 (b) “ Sans es-poir L3 Jc-

puis sa-voir

puis por voir

re - ehe -voir

De-ce-voir

mais mo-voir

M se

Bfi

ke, s'a-voir

joi - e

li voil men - ta - voir

d'a-mors par de-voir.

ne me puet pas de

1 _____________________ . M1 ce

voil son cor-ous main et soir

sa - voir

________________

car tot par fin es - ta - voir,

B7

559

É tu d es de langue et de littérature médiévales offertes à P eter T. R icketts

«B8

N ........................ - e - lies]

>o

___________ L _

et çou se - roit trop mal-vaise

F3________,_____________ tu me plais,

C'est li Lais

560

si con tu vais,

des

a - mors ke por - ter m'en fais;

F4_______ ___________ tu me plais

Pu - ce - lies.

___

[ne] ja mais n'en quier re-lais.

A b ela rd 's Planctus

Planctus virginum Israel super filia Iepte Galadite I

M _ M_ I

I-Rvat. Reg. lat.288, ff 63vb- 64rb C 34895 W 340a

--1

i Ad fes - tas

cho - re - as ce - li - bes m _M I i . —i

i ex mo - re

ve - ni - te

I Ex mo - re ___ __ et plan - ctus

i

m

vir - gi-nes!

In - cul - te

■ ;

sint o - de fie - bi - les M _ M_ i ■ -... ut can - tus

C -_________

D

I

m

ce - le - bres!

i sintmes - te

l , fa - ci - es

[ fie - turn

i

plan-gen - turn D

et

Au - ra - te

sint

Ion - ge

ci - cla - des

et cul - tus

sint pro - cul

di - vi - tes!

J

si - mi - les!

_--l

1 1

D

E

ii (a)

Ga - la - di - te

vir - go Iep - te

mi - se-ran-da -Ç»— _--------- 1.

pa - tris fac - ta

E ,

i

fi - li - a,

vie - ti - ma,

I

an - nu - os

vir - gi - num

e - le - gos

et

car - mi - nis

mo - du - los

D pi - i

561

E ‘ tu d es de langte e t de littérature médiévales offertes à Peter 71 Pàcketts

vD_ vir - tu - ti

P

vir - gi - nis

de - bi - tes

— i—-------------- Jh----------------per an - nos

ex - i - git

sin - gu - los.

E (b)

b

O stu-pen-dam

plus quam flen-dam

«E

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64ra___________________

,1 |

O quam ra - rum

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si - mi - lem!

£_g— -------- 1-------------------- 1--------------------, Ne vo - tum

sit

D

pa - tris

i

i _

pro-mis - so - que

ir - ri - tum

|

frau - det

Do - mi-num

D qui per hune sal - va - vit po - pu-lum, D____________,_________ i____ -au cfr. p. ex. la poésie 32 (ms. de base: A) 32,1:fau < FAGU m. ‘hêtre’ 32,3: au < AUDIO ‘j’entends’ 32,5: (terni) soau < SOAVEM ‘saison agréable’ 32.6: naturau < NATURALEM 32,13: avau < AD VALLEM 32,15 venau < VENALEM 32,20: clau < CLAVEM également dans 35 (ms. de base: K) 35,5: cekstiaus < CAELESTIALIS 35,16: medecinaus < MEDICINALIS ou 38 (ms. de base: R) 38,5: temporau < TEMPORALEM 38,10: mau < MALUM 38,25:jau < GAUDIUM 38,53: carnau < CARNALEM 2. consonne dentale ou palatale précédée par nasale ou vibrante tombe : -ni > -n / -nd > -n / -nk > -n / -rd > -r 41.1 verjan ‘verger’ (< -ANTEM) 41.2 (riu) blan ‘blanc’ (< -ANKUM) 41.7 s’espan ‘se répand’ (< -ANDI1)

641

E tu d e s de langue e t de litté ra tu re m édiévales offertes à P e te r T . R ic k e tts

41,8 hlm ‘il flatte’ (< -ANDIT) ou 8,42 migar ‘que je me garde’ rime avec 8,41 car (< CARUM) 11.15 cen ‘cent’ (< CENTUM) 2,6 mon ‘les monts’ (< MONTES) 3 . -(i)d- > -(/)g- > 0

44.5f i a ‘fie’ (< FIDAT) 44.7 ria ‘rie’ (< RIDAT) 44.15 se lia ‘se lie’ (< LIGAT) 4. Harvey (p. 18) nomme la réduction de > -s 7,37 aves < avetr^ 9.1 auias < aujats^ 16.8 intrus < intrafcj Dans le même contexte on pourrait ajouter: 35.8Josaphat rimant avec gras (35,26) (< CRASSUS) 5. Comme dans la langue de Guilhem IX nous trouvons des exemples pour la diphtongaison é[> éi 1.36 crey ‘je crois’(< CREDO) en rime avec 1.37 mercey ‘merci’ (< MERCEDEM) 1,38perjassey ‘pour toujours’ (< PER IAM SEMPER) 1,40 aquelha rey ‘cette chose-là’ (< REM) 22.1 me^eis < METIPSE 22.2 acreis < ACCRESCIT 22.5freis < FRISK ou 23.29 dei < DEBEO 23.30 rei < REGEM 23.31 met < ME de même 25.82 nfautrei < *AUCTORIDIAT 25.83 mei < ME 6. Assez rare la réduction de -t > 0 7.2 drei < dreit < DIRICTUM 7,7fret < fiât < FRIGIDUM 7,9 destrei < destreit < DISTRICTUM 25,80 drei < DIRICTUM ou 26,22 brui ‘bruit’ qui rime avecper cui (26,21) 7. On peut interpréter comme gasconisme de Marcabru la terminaison en -e première personne des verbes en -are : 5,6 Si no m n’esclaire rime avec musaire ‘si je ne m’explique sur ce point’ (5,11) ou braire (5,24).

642

L a langue de M a rca b ru

4. Conclusion Cet exposé de quelques faits linguistiques montre qu’un approfondissement est possible avant tout dans le domaine lexicologique. L’édition de ces poésies, fournie par Gaunt-Harvey-Paterson constitue une base solide apte à relancer l’intérêt porté à ce troubadour remarquable.

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643

Occitan Language and Troubadour Song in Renaissance France : Jean Nicot (ca. 1525-1600) and the Thresor de la languefrançojse Roy Rosenstein

1. Occitania in Nicot’s Thresor (1606) To say that Jean Nicot’s posthumous Thresor de la langueJranfojse (Paris, 1606) is the first monolingual French dictionary is a considerable simplification of its rich character, long gestation, ambitious conception, and even disputed paternity.1After introducing Nicot and his work, the present study addresses his interests in Occitan language and literature, first through an overview of his treatment of the lexicon and then through the presentation of a handful of troubadour texts he cites in the original. Probably some of the Occitan lexical items and certainly all but one of the troubadour quotations given in Nicot have until now escaped the attention of lexi­ cographers and textual critics. Of greater interest than the classic troubadour passages he records are the avenues by which he might have come to know these songs at all. If the texts he gives are familiar today, his inclusion of them in his dictionary is totally unexpected for us and is genuinely astonishing for his day. From what sources would he have been able to access the lyrics which he chaperones into print, some for the first time ? Space considerations here make it impossible to in1 Nicot 1606 ; rprt., Paris : Douceur, 1621 ; facsimile rprt., Paris : Picard, 1960 ; facsimile rprt., introd. by F. Edelmann, Paris : Le Temps, 1979. L’Abbé Goujet cites a quarto edition of 1613, according to Falgairolle 1897, p. ciii n. 1. [Duret de Noinville] 1758, pp. 48-49, gives only a Rouen edition of 1618. There were said to be Rouen and Beauvais reprints in 1625. Picard reproduces the 1621 imprint while Le Temps reprints the 1606 original. The two Douceur versions differ principally in their title pages. In addition, the 1621 edition corrects pagination errors and replaces the publisher’s subscription list with his 1606 colophon. In 2002, a bookdealer in the Latin Quarter proposed an original of the 1606 edition, described as “fort rare” when it is “plutôt introuvable”, for the paltry sum of 5000 euros. Nicot is still best remembered in some circles for his role in the introduction and popularization of tobacco (s.v. nico­ tian^) in Europe. See for example Vigie 1989, esp. pp. 14-18. The present author is grateful to Fordham University where, during his tenure as Medieval Fellow in Spring 2003, he was able to conduct research on this and many other projects. Special thanks are due Professor Maryanne Kowaleski and also Char­ lotte Labbe, Christine Campbell, and Matthew Delgado, all three of Interlibrary Loan Services, Fordham University Libraries.

É tu d es de langue et de littérature m édiévales offertes à P eter T . R ieketts

elude in the present essay an elaboration of our hypothesis on a filiation via Gio­ vanni Maria Barbieri’s papers. A Barbiéri connection could have brought Nicot his precocious interest in and remarkable attention to a few troubadour passages at a time when litde of the corpus was known and still less published. The second part of this essay will be appearing presendy in another volume and will propose Nicot’s probable knowledge of some version of Barbieri’s papers through the intermediary of Jacopo Corbinelli at the French court, where Nicot also served. As a lexicographer, Jean Nicot (ca. 1525-1600) at first leaned heavily on his predecessors, particularly Robert Estienne, whose work he was expanding by 1573, when Nicot’s name first appears as revisor on the tide of the fourth edition of Estienne’s Dictionarium latinogallicum. By the time Nicot completed his own version, retitled Thresor de la languefrançoyse, Estienne’s dictionary had been transformed into a multilingual compendium of Renaissance knowledge, not simply lexicographical but genuinely encyclopedic.2 Jean Nicot brought to his revisions of Estienne’s dictio­ nary a knowledge not just of the classical tongues in which its original author, as a disciple of Guillaume Budé, was so learned. Instead, Nicot focused on the verna­ cular Romance languages and varieties that his birth, study, travel, and finally poli­ tical appointments had developed.3 Under the entry langue, Nicot names seven as examples : Hebrew, Greek, Latin, French, Spanish, Italian, and German. Lexical items from all these seven are at one time or another — and except for German, we would say many times — to be found in the pages of the Thresor. To this partial list must be added his native Languedocian (which he often cites alongside Provençal, Picard, and Gascon), some acquired Portuguese (he had been French ambassador in Lisbon), and occasional elements from other languages (English, Basque, “Gaulois”, “Suresque”, “Persien”, “Turkesque”, etc.) — in sum, more languages than are to be found systematically in the most broad-ranging Calepinus, the multilingual Renais­ sance dictionary that eventually went from octolingual to cover some eleven lan­ guages.4 Five years after its publication, Nicot’s dictionary was the principal source for Randle Cotgrave’s Dictionarie of the French and English Tongues (1611).5 Yet for all the Thresofs richness and influence, as Hélène Nats notes in passing, Edmond

2 See Rosenstein 1985, pp. 32-56, from which the Occitan section, pp. 40-42, is here expanded to include the publication for the first time of Nicot’s troubadour quotations. 3 This summary draws on the author’s 1985 article, which in turn relies on Wooldridge 1977. Now see also Wooldridge 1985, available as book, microform, and database http://humanities, uchicago.edu/ ARTFL/ARTFLhtml). 4 A nine-language edition of the Calepin was published by Douceur in 1609, three years after he first published Nicot’s Thresor and Hadrianus Junius’s Nomenclator Octilinguis Omnium Return Propria Nomina Continent. The Nomenclator; often published separately, is also announced on the title of the 1606 Nicot, but not included in all versions, such as the Picard reprint of the Bibliothèque de la Sorbonne copy. 5 Cotgrave 1950 (originally 1611), s.v. nicotiane refers to Nicot as « the maker of the great French Dictio­ narie ». Smalley 1948, pp. 63-64, establishes that Cotgrave’s single greatest debt was to Nicot : « from none of his sources, not even Rabelais, did Cotgrave take so large a body of materials as he took from the Thresor, nor transcribe his borrowings so faithfully. All these data make it seem that the Thresor served as the nucleus of Cotgrave’s Dictionarie ».

646

Jean N ic o t

Huguet in preparing his immense Dictionnaire de la langue française du X V Ie siècle « a laissé de côté Cotgrave, comme il n’a finalement pas utilisé ses notes sur Nicot ».6 A century ago, in 1904, Charles Beaulieux listed as first among desiderata Nicotiana a study of dialectal forms attested in the Nicot.7 Aside from two half-pages in Maxime Lanusse’s nineteenth-century Latin thesis8 and the examples culled by Johannes Leip for his dissertation on all pre-1800 dictionaries,9 no one but the present author and Gilles Roques in the last hundred years have begun to comb the Nicot for regionalisms.10 Indeed, Edgar Ewing Brandon mistakenly considered Nicot to be a native speaker of Gascon.11 But Nicot was from Nîmes, as he himelf notes in the Thresor in the entry for that city, hence a native speaker not of Gascon but of Languedocian and clearly alert to surrounding language varieties as well. « Le Languedoc, Provençal et adiacens », as he repeatedly groups them, may for Nicot even take priority over French. Under carrière he gives first the frequently (commu­ nément) used meaning in Occitan (‘street5). Only then does he turn (under the same headword and cross-referenced at quarriere) to the value of the almost homographie item in French, where the meaning is more specialized and the word consequently less “common” : Carrière, Le Languedoc, Provençal & adiacens en usent communément pour une rue, via, vécus. Mais le François en use pour la course & tirée d’un homme a cheval....

In this entry as in many others, Nicot’s sketch of the semantic development of the word will be followed by Cotgrave in his 1611 French-English dictionary. Thus, if Nicot says in his rules of usage (s.v. lambeaii) that he records the autho­ rized standard or even the received elegant forms (“le plus fleuri langage”), he notes in the same sentence the importance of popular usage then current in what he calls “ la diversité des dialectes François”. At this time, as Giulio Bertoni simply puts it, « tra francese e provenzale un’esatta distinzione allora non si faceva ».12 Nicot’s close philological attention to regional variation is exceptional during a period in which, while Parisian French had been defended and made illustrious at VillersCotteret in 1539 and by Du Bellay in 1549, local speech was held in low esteem, if not contempt, as Les gasconismes corrigés and similar works would later and long attest. 6 Naïs 1959, esp. pp 53-54. Regarding Huguet’s decision, «Cette position paraît absolument indéfen­ dable », concludes Marguiron 1974, p. 147. 7 Beaulieux 1904, pp. 371-98. 8 Lanusse 1893, pp. 144-45. Antoine Thomas in his anonymous review of 1893, p. 556, noted the Sorbonne defense on May 10 of that year. He copiously annotated his copy of the dissertation down to Lanusse’s death at Vic-en-Bigorre on Sept. 22,1930. To the short list of Occitan notes made by Lanusse, Thomas added only a mention of the article on griffade as parallel to the comments on croisade which, affirmed Nicot, « est totalement Provençal et Languedoc », unlike its French doublet croisée. Brachet 1868, pp. 42-43, lists among the “doublets d’origine étrangère” only those of Italian, Spanish, and English ori­ gin, including croisée among the first group. Bloch and von Wartburg 1968 represent the etymology as somewhat more complicated than a simple caique from the Italian. 9 See Leip \9 2 \ipassim. 10 Roques 1982 and 1989 address our subject. In the later study, p. 113, the Nicot is described as « l’ébauche d’un premier dictionnaire occitan ». See also Heymann 1903, cited by Roques 1989, p. 100. 11 Brandon 1904, esp. p. 88. 12 Bertoni 1905, p. 45.

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E tu d es de langue e t de littérature m édiévales offertes à P eter T . PJcketts

Where Montaigne had said that, when French fails, Gascon must take over, Nicot would insist that Occitan — like any of the local varieties he cites individually, such as Picard, Norman, Gascon, Languedocian — has a full and independent life of its own. Although he titled his work a Thresor de la langue françoyse, it is an early and unsystematic attempt at a more ambitious historical Gallo-Romance inventory with French headwords. In that sense he anticipates the Französisches Etymologisches Wörter­ buch which, despite its name, also records all Gallo-Romance forms. There are hidden items for the student of Occitan language, not all of them attested elsewhere or noted by Leip or Roques. Nicot includes toponyms of Occitan origin, not just referring to the obvious Nîmes and Rhone, for example, but also smaller localities like the Pas de loup near Narbonne. Idioms are there, such as lou vent bouffe, boufar loupotaige, boufar lous dets, all based on a verb which, as Nicot rightly observes, the French language uses only metaphorically.13 Among Occitan pro­ verbs, Nicot records such examples as « D’au diable ven Fagnel, Au diable vay la pel ». Finally, there are syntagmata like lous rasins vejroun, referring to grapes so ripe they seem transparent like glass, an item unknown to Occitan dictionaries but which Nicot (s.v. raisin) traces back to Columella. Mistral’s later Tresor also gives the mea­ ning ‘transparent’ as applied to grapes but only under the simple adjective paire, from which veiroun derives, and under veira ‘green’, with early examples. Other French entries include, here and there in passing, not only the obvious, like thalent ‘desire ; hunger’ and cabre ‘goat’, words of high frequency, but less common lexemes, like Gascon lenguacés ‘an endless talker, such as a lawyer’. Sometimes these lexical items seem to be at best only partially documented else­ where. That is the case for retaillais ‘Jews’, so named under several entries (prepuce, circoncision, tailler) and labeled thus because they are “cut back”, i.e., circumcised : « pour laquelle taille les Prouvenceaux & Languedocs les appellent Retaillats »). This note confirms an Occitan name for Jews only sparsely attested if at all in other dic­ tionaries. Mistral in his own thesaurus gives the past participle as an adjective. In his examples it is applied only to Arabs : rataia mauran ‘Maure circoncis’. The earlier dictionary of 1’Abbe de Sauvages (1820) indeed gives this application as the second meaning, but in a puzzling entry refers it to a feminine noun, which is of course impossible for the meaning ‘un Juif. In any event, it seems that retaillât (also echoed in obsolete Spanish retajado ‘Jew”) attests a frequent label for Jews across several Romance languages. It disappeared from written sources (and probably speech as well) to the advantage of the learned form (e.g., Spanish circunciso). hou Pichot Tresor, long the most accessible twentieth-century Occitan dictionary, gives under retaia only this infinitive, following Mistral’s triple definition word for word (‘retailler’ ; ‘circoncire’ ; ‘déchiqueter’). RtfteY/a/was perhaps not known to Xavier de Fourvières and evidently disappeared entirely because of this one pejorative usage.14

13 Cf. Camille Chabaneau 1883, p, 16, on bufar'm. Occitan glossaries. 14 Fourvières 1902, p. 653.

648

Jean N zcot

Nicot’s generous attention to Occitan attests that he represented, as fellow poet Ronsard called him, “l’honneur et l’excellence du Languedoc”.15 As a lexicographer he sought a new measure of esteem for France’s regional languages, beginning with the koine' of the troubadours, whose songs he cites as lexical examples.

2. Troubadour Citations in Nicot’s Thresor Nicot’s devotion to Occitan is best documented in the quotations he gives from the glory of its literature, the songs of the 12th- and 13th-century troubadours. He cites two to five verses each from the poets we know as Peire d’Alvernhe, Arnaut Daniel, Jaufre Rudel, Aimeric de Belenoi, Rigaut de Berbezilh, and Folquet de Marselha. If Nicot gives these troubadours’ names instead in more or less gallicized form (Pierre, Amauld, Jaufre, Aymerie, Rigauld, etc.), their poetry is invariably quoted only in the original Occitan. Taking into account several repetitions and one song attributed on different occasions to two troubadours (it is Folquet’s wellknown Tan m’abelis I’amoros pensamens), a total of eleven passages are quoted under five entries. These passages have much to reveal about Nicot’s interests and his sources. The publication of the corpus of troubadour poetry is of course a relatively recent sequence of events. Only in 1985 did Gerald Bond see into print what he, following Istvan Frank, called “The Last Unpublished Troubadour Songs”.16 Since then a few newly discovered or recovered manuscripts and fragments have treated us to unpublished works or additional versions (e.g., Guillem Durfort de Caors).17 In Nicot’s day, four centuries earlier, Nostredame was alone in France to have published in 1575 the first genuine and apocryphal troubadour lyrics more or less in the original Occitan.18 It redounds to the credit of early Romanist and Occitanist Jean Nicot that he, in his posthumous Thresor, printed a few more verses from several troubadour songs until then unpublished not only by Nostredame but also by the sixteenth-century Italian troubadour scholars. When Nicot presented his texts, it was with far greater fidelity than accorded them by his sole French model and in slightly more extended quotations than in his Italian predecessors and imme­ diate successors. Most of the passages published by Nicot would not be seen in print again until the late eighteenth or early nineteenth centuries. Yet his troubadour quotations have remained unknown among Occitan literary historians, including Eleonora Vincenti, Santorre Debenedetti, Cesare Segre, and Jean-Yves Casanova.19 Only Johannes Leip in 1921 noted a single quotation from Rigaut de Berbezilh 15 « Aucun (dont encore j’aye eu connoissance) n’a plus heureusement estudie que NICOT, en tous bons arts et en la philosophie, aussy est il par son sçavoir estime l’honneur et l’excellence de l’Anguedoc... », in Morphos 1953, p. 95. 16 See the texts first edited by Bond 1985 and Frank 1950. 17 In Careri 1989, pp. 77-84. 18 See the fully annotated scholarly edition in Nostredame 1913. 19 The indispensable references are still Vincenti 1963, Debenedetti’s early studies re-edited by Cesare Segre as Debenedetti 1996, and Casanova 1994.

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appearing in Nicot’s Thresor.20 The present author first drew attention to these passages in passing in his 1985 introduction to the polyglot dimensions to Nicot’s dictionary.21 With the recently renewed interest in later manuscripts following the publication in 1991 of e (Plà) and then Mh2 (Careri),22 the time may have come to add one more small piece to the puzzle of reconstructing Miquel de la Tor’s manu­ script, the fons et origo of all of these and other fragmentary copies of his book of troubadour lyrics. Nicot’s troubadour quotations are reproduced below in the order in which they appear in five entries of his dictionary. There can be no certainty that the sequence of articles in the Thresor matches the order of their composition. But there are perhaps reasons to posit that order, as will be considered in the follow-up to the present essay when identifying Nicot’s possible source or sources. The commentary on Nicot’s texts and his attributions will also be published in that forthcoming study. Here then are the texts as they appear in the Thresor : 1) s.v. guet appensé, p. 325 : Rigauld de Berbezill en une sienne chanson : Tan m’abelis lamoros pensamens, Que ses venguts en mon fin cor assire, Que no i pot nuils autre pens caber (Folquet, BdT 155,22).23 2) s.v. pens, p. 472 : Michel de Marseille en une de ses chansons : Tant m’abelis lamoros pensamens, Que s’es venguts en mon fin cor assire, Que no i pot nuills autre pens caber (Folquet, BdT 155,22). 3) s.v. rime, p. 571 : Aucuns disent que les anciens poètes Provensaulx ont voulu donner à entendre que c’est que Ryme, par ces deux mots couplez ensemble, son & mot ; & allèguent à ceste fin Pierre d’Auvergne en une de ses chansons : Cui bon vers agrad’ ausir, De mi conseilla he que’ lescout, Aquest que ora comens a dir, que pos li er’sos cors assis, Deu ben entendre! son e’is mots : Et Arnauld Daniel en une sienne chanson : Mas amors mi assauta,

20 Leip 1921, p. v. 21 Rosenstein 1985, esp. p. 41. 22 For the purposes of this study, Pla 1991 and Careri 1991 are the most important of various publications presenting newly discovered or recovered versions. 23 Parenthetic references (poet, song) follow Pillet & Carstens 1933.

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Qu’ils mots ab lo son accorda : Et Iaufré Rudel, aussi en une sienne chanson : No sap chantar qu’il so non dis, Ni vers trobar qu’ils mots non fa. Et ce vers de Aymeric de Belenuci : Per ço non puese mots ni sos accordar, Laquelle opinion n’est pas sans raison (BdT 323,13 ; 29,5 ; 262,3 ; 9,1). 4) s.v. sonnet, pp. 600-601 : Autres disent que le sonet ayant esté la première façon de rime usitée par les Italiens, a eu ce nom parce que lesdits Poètes Provençaux pour donner à entendre que c’est que rime, la definissoient par ces deux vocables accouplez, Son & Mot, & vont allé­ guant pour preuve de ce, ce vers, de Aymerie de Belenuci : Per ço no puese mots ni sos accordar. Et ceux-ci de Arnaud Daniel, Mas amors mi assauta. Qu’ils mots ab lo son accorda. Et ceux-ci de Iaufre Rudel : No sap chantar qu’il so non di, Ni vers trobar qu’ils mots non fa. Et ceux-ci de Pierre d’Auvergne : Cui bon vers agrad’ ausir, De mi conseilla he que’l escout Aquest que ora comens adir, Que pos li er’ sos cors assis, Deu ben entendre ‘1 son e ‘ls mots (BdT 9,1 ; 29,5 ; 262,3 ; 323,13). Disent outre que Pétrarque l’a monstré à signe d’oeil, en ces vers de son premier sonet : Voi ch’ascoltate in rime sparse il suono. Di quei souspiri ond’ io nudriva il cuore. Mais à eux & l’altercation & le jugement. 5) s.v trucheman, p. 647 : L’Espagnol dit aussi Trucheman, ou Trujaman, pour le mesme. Il vient du mot Chaldée, Targeman, qui signifie expositeur, lequel vient de Targum, aussi mot Chaldée, qui signi­ fie exposition d’une langue en autre. Les Arabes l’usurpent de mesme, ce qui a fait dire à Antoine Nebrisse que c’est un mot Arabique. Les anciens rimeurs Provençaux disoient Drogeman, comme il se void en ces vers de Rigauld de Berbezill : Ma chansos mer drogemans lai on ieu non aus anar (BdT 421,2).

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3. From Barbiéri via Corbinelli to Nicot Not separately published until now, Nicot’s handful of troubadour quotations are today made available above for comparison with their closest related versions. As I undertake to demonstrate in the sequel to the present essay, the nearest conge­ ners are to be found in the Miquel de la Tor-Barbieri-Tiraboschi branch of what François Zufferey calls the Eastern Languedocian manuscript tradition.24 The scant texts Nicot brings us evidently stem from an intermediate source not yet identifiable but ultimately traceable to Barbieri’s libre di Miquel. In Nicot’s troubadour texts, for the first and last time until Tiraboschi in 1790, some version of Barbieri’s manuscripts was drawn on for a work that saw the light of day. Because Nicot’s immediate source remains unknown or is lost, it cannot help us to locate the Miquel de la Tor manuscript and perhaps not even to recon­ struct its contents and readings further than Zufferey and Careri have succeeded in doing so far. Nevertheless, Nicot’s encounter with and exploitation of some of the Barbiéri data, including the commentaries by father and son, constitutes a historic moment in the transmission of troubadour texts. Without it, Barbieri’s manuscripts and notes would have remained totally unknown and inaccessible until 1790 because unpublished : as Jeanroy succinctly observed, « inédit, c’est-à-dire inutili­ sable ».25 Thanks to Nicot, a central text such as Jaufre Rudel’s poetics as defined in the first two lines of the troubadour’s No sap chantar was published for the first time almost two hundred years earlier than it would have been had we to wait for Tira­ boschi. And as it happens, that Jaufre Rudel text is one of those from Barbiéri that were unknown to Tiraboschi and consequently not even reprinted by him in the Origine of 1790. In this case, the incipit was cited once only in the eighteenth century, by Bastero in La cruscaprovençale in 1724.26 Because the two lines do not resurface in Tiraboschi, they next saw print finally with the balance of the song in its entirety in Raynouard : « No sap chantar qui’l so non di, / Ni vers trobar qui ‘Is motz non fa. »27 Until that third volume of Choix appeared in 1818, even the incipit of Jaufre Rudel’s text had again slept unnoticed since Nicot’s compendium, just as if it had survived solely in manuscript (again, with the exception of Bastero’s quotation from it). Today some modern critical editions, like Mauro Braccini for Rigaut de Berbezilh, George Wolf and Roy Rosenstein for Cercamon and Jaufre Rudel, and Aniello Fratta for Peire d’Alvernhe, undertake to refer readers also to just such quotations and references in late manuscripts or early books, often under the rubric “citazioni” (Braccini), or with the formula “figura anche in” (Fratta).28 Consequently, even in the case of the texts attributed to the few poets known both to Barbiéri and Nicot, some like that of Jaufre Rudel merit “nouvelles data-

24 Zufferey 1987 passim, esp. pp. 157ff. 25Jeanroy 1934, vol. 1, p.6. 26 Vincenti 1963, p. 91. 27 Raynouard 1816-21, vol. 3, p. 97. 28 Braccini 1960, p. 2. Wolf & Rosenstein 1983, p. 105. Fratta 1996, p. xxxi.

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dons”, as French lexicologists describe the antedating that occurs when earlier first printed attestations are discovered. The lexicographic term is particularly accurate here, given the source of these new and precocious sightings in, of all unlikely places, Nicot’s encyclopedic dictionary.29Jaufre Rudel’s No sap chantar-vrzs first cited in print, not in 1724 by Bastero as believed until now, but by Nicot in 1606. Troubadour scholarship had set out on the wrong foot in France when Nostredame published his fanciful, unscrupulous Vies in 1575. No corrective substitute in popular book form was devoted to the troubadours until almost exactly two centu­ ries later. In 1774 La Curne and Millot in the Histoire littéraire des troubadours heralded the beginning of the troubadour scholarship to come in the next century with Raynouard, Rochegude, and Diez. That opportunity had twice been lost among the Italians, when both Bembo and Castelvetro, heavily invested in other causes and quarrels, either did not undertake the projected anthology in the first case or did not see it into print in the second.30 Consequently these two projects saw no outcome, much as in France La Curne’s planned Recueil never came to be. With Nicot, at least some few passages from Barbieri’s materials were indeed published much sooner, sometimes for the first and only time before 1790, in the omniumgatherum of a native son proud of his Languedocian heritage. Unfortunately it was perhaps an inevitable result of the very nature of his encyclopedic undertaking that these lines from the troubadours, once published, again lay buried in the several entries of his Thresor from 1606 until now, almost exactly four centuries later. Nicot’s regionalist craving for knowledge of the troubadours was soon left behind in the pursuit of his linguistic, literary, and other ambitions, all of which were universal, not simply local. To say that this Renaissance man knows five trou­ badours is inexact : he knows passages by six but attributes them to five whom he recognizes by name and to one apparently non-existent figure. He mistakenly attri­ butes Folquet’s Tan m’abelis to Rigaut de Berbezilh, whose name he recognizes only from his knowledge of PC 421,2, and to an otherwise unknown Michel de Marseille. And in each case for those poets, all but one of whom he cites twice, it is the same passage twice cited : Folquet de Marselha, Peire d’Alvernhe, Arnaut Daniel, Jaufre Rudel, Aimeric de Belenoi. Four of these passages revolve around a single lexical field. The terms mots e so for Nicot following Barbiéri define the dual nature of poe­ try in Occitan, as if he had studied the vidas, such as that of Rigaut, which comment, as Folquet also did, on the close ties between lyrics and music. A study of and commentary on the above passages will appear in the compa­ nion piece to the present essay, to be published in a similar volume. Rather than summarize here the extended demonstration, let it suffice to say for the nonce that Jean Nicot probably knew only these few passages, perhaps in extended versions like those to which his are related. His citing of the six short passages under five entries, including his double misattribution of one famous song, allows us in the follow-up to this essay to identify the manuscript family through which one Nîmois 29 For examples see Wooldridge 1986. 30Jeanroy 1913, p. 532, n.2, was right to be sceptical whether Bembo or Peiresc or others had any ge­ nuine intention of undertaking these vast editorial projects.

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accessed texts not yet printed at the end of the sixteenth century. Nicot’s concep­ tion of troubadour poetry, the passages he quoted to illustrate it, and the reasoning behind his argument are all borrowed from some single source closely related to the manuscript b1. Yet if his source had been b1 itself or were one nearly identical to it, it is not clear why the many other poets anthologized there were not also incor­ porated into the Thresor, beginning with the less known Daude de Pradas, who figures alongside them in b1, again on the subject of mots e so. Without relying on Nostredame from 1575 and long before Lacurne in 1774 and Tiraboschi in 1790, Jean Nicot was able to cite some troubadours from Bar­ biéri. They, like himself, again in the words of Ronsard’s homage addressed not to a lexicographer but to a fellow poet in Jean Nicot de Nîmes, constitute « l’honneur et l’excellence du Languedoc ». The forthcoming companion analysis, which completes this study of Nicot’s Occitanisms and this first publication of his troubadour citations, will test a variety of hypotheses to recognize ultimately his probable source in Barbieri’s unpublished papers, known to Nicot either during his documented stay in Italy or more likely during his many years at the French court in contact with Jacopo Corbinelli and his papers. It is hoped that, in its extended form, the commentary on this extraordinary surfacing of Barbieri’s texts in he Thresor de la languefrançoyse will be only the first word on the subject of their transmission. As Nicot wrote under sonnet (see above) so long ago in presenting one of these troubadour quotations, and as he might well be expected to echo himself now to a new generation of readers four hundred years later, « maintenant à vous & l’altercation & le jugement ».

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Is Pey de Garros the Occitan Ronsard ? A Reading of Poesias Gasconas (1567) William Calin

One of the better kept secrets in Occitan Studies - itself a secret for most scho­ lars of French —concerns the renascence that occurred during the early modern period, c. 1550-1660, a revival in the Occitan dialects that has been called the Southern Renaissance, the Renaissance of Toulouse, and the Occitan Baroque.1 One source for the Southern Renaissance was the little Protestant court of Navarre, at Pau and Nérac. In 1568 Jeanne d’Albret commissioned translations of the Gospels, Epistles, and Psalms in the Béarnais dialect of Gascon, and of the New Testament in Basque. Arnaut de Salette’s version of the Psalms, in “rima bernesa,” was published in 1583. Jean de Lissarague’s Basque New Testament and Catechism appeared in 1571, not too long after the first literary master work in Euskera, Bernard Dechepare’s poems in the vernacular entitled Linguae Vasconum Primitiae, published at Bordeaux in 1545. The men attracted to Jeanne’s court included Pei/Pèir/Pierre de Garros, who had a long and successful career as a magistrate. Pey de Garros stands as the first major poet in Gascon2 and the first major poet of the Southern Renaissance. He published two collections : Psaumes de David virats^ en rhythme gascon, metrical versions of fifty-nine psalms ; and Poesias Gasconas, made up of eight eclogues, six heroides (“vers heroicz”), four epistles, and three additional pieces, including an elegy and an epithalamium (“Cant nobiau”). In no sense was Pey de Garros a poet of the people or a folklorist. On the contrary, he cultivated classical genres and a range of classical registers ; his program to reform the vernacular included enriching the lexicon, establishing a grammatical norm, and practicing a consistent and coherent orthography. The graphic system anticipates in many respects today’s standard “graphie classique”. Having discussed the Eglogas elsewhere,3 in this article I propose to examine the remaining corpus in the Poesias Gasconas.4 Suffice it to say that the eight eclogues 1 R. Lafont and Ph. Gardy especially have contributed to the renewal of interest in this field and to the scholarship on it (see Bibliography). 2 The Gascon troubadors Marcabru and Cercamon wrote in “Lemosin”, the medieval Occitan koine. 3 Calin 2003. See also the important study by Gardy 1999.

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treat pastoral convention and the reality of life in the Gascon countryside with com­ plex, problematic ambiguity, the four eclogues of war and the four eclogues of love commenting upon, illustrating, and undermining love, war, and each other. Immediately following upon the eclogues are to be found texts called Vers heroic%(pp. 206-71). These are six utterances delivered by notable figures in Anti­ quity : Hercules, Alexander the Great, Pyrrhus, Hannibal, Sulla, and Julius Caesar. Each figure, speaking from beyond the grave or, as Lafont puts it, from « une sorte d’enfer de la mémoire collective »45 recounts his triumphs and feats of heroism but, then also, the crimes or vices which brought about his death. At one point or ano­ ther the moral is drawn : men must not believe in power and ambition ; they must not ground themselves in the things of this world. For, all is subject to mutation, nothing is stable, and all of us must yield to destiny and the workings of divine retribution. Scholars disagree as to the meaning of the term “vers heroicz.” Pierre Bee links these texts to Ovid’s Heroides, envisaging them as brief epics that precede and anti­ cipate Hugo’s Légende des Siècles.6 Bec has a point. As I see it, although Pey’s heroides differ substantially from Ovid’s - in Ovid the speaker is generally a woman addres­ sing her beloved, both alive and in the flesh —the example of François Habert’s Les Epistres héoïdes pour servir d’exemple aux Chrestiens (1560) gives evidence that Renais­ sance poets in France could adapt the heroide genre to reflect contemporary and Christian issues. Upon reading Habert or on his own, Pey de Garros may have had the idea of adapting the Ovidian frame to his own purposes. Berry and Lafont, on the contrary, link these poems to Ronsard’s designation of the alexandrine as “vers héroïque.”7 This is an especially apt analogy, given that the prime manifestation of “vers héroïque” prior to 1560 is to be found in Ronsard’s Hymnes. These Hymnes were or could be conceived as brief epics in the sublime style that recount a myth, praise a patron, and teach a truth.8 Pey de Garros could well have rejected the mythical aspect (all his speakers are historical, the lone exception being Hercules) and the praise of patrons (he had none or very few) in order to concentrate on the message of truth. High moral seriousness characterizes these poems grounded in Plutarch, Ovid, and Ronsard - modern heriodes composed in modern genus grande, Ronsard’s alexandrine. Durrieux and Berry also find Pey’s modern French humanism to be especially and typically Protestant ; here I would observe that Catholics could also read Plutarch and compose high, moral, serious verse —such as Ronsard’s Hymnes and Discours. 4 AJJ references will be to Poésiesgasconnes de Pierre de Garros, ed. and tr. A. Durrieux, vol. 2. For the Eglogas and Cant nobiau, see the more recent edition, by A. Berry. 5 Lafont 1970, p. 80. 6 Bee 1997, p. 57, n. I. 7 Lafont and Anatole 1970, vol. 1, p. 295, n. 2. Berry 1997, p. 212. Berry’s Sorbonne doctoral dissertation, dating from 1948, was published only in 1997, in an edited version due to the initiative of Ph. Gardy and G. Latry. In an “Avant-propos” they explain that Berry withdrew his manuscript from the press when his candidacy for a chair at the University of Bordeaux was rejected, the rejection “sans doute bien moins imputable aux faiblesses de la thèse qu’aux romans scabreux que l’impétrant publiait à la même époque” (p. 10). 8 Dassonville 1962 ; Câlin 1983, chapt. 7 ; Lazard 1984 ; Ford 1997.

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P ej de G arros

The high moral seriousness has each of the six Worthies condemn the sin/vice/ trait which sullied his career and brought about his undoing. Thus are condemned lust, greed, violence, cruelty, ambition, presumption, and the lack of reason (mad­ ness). Hercules alone falls because of voluptat, although Sulla, among other things, lived like a pig. All but Hercules are guilty of violence, greed, and ambition, al­ though Sulla manifests a special penchant for cruautat. All six manifest the presump­ tion that their own will can conquer fate. Through the use of powerful baroque imagery - fire, slaughter, blood, vermin, tempest, and smoke —Pey elaborates on the Worthies’ misdeeds. Specifically, in a Dantean touch, he has the punishment fit the crime, so that a great figure from Antiquity is brought down, symbolically, by himself and as a judgment on himself. So, Hercules, driven mad by the fire of lechery, flings himself into the flames. Alex­ ander, dying from fever, having slain too many in war, passes away hysterically imagining the call to arms : Las aurelhas deu cap me coman, e trompêtan, Los clans traucan Faire, e las armas cliqêtan : Sus, bardàtz Bucephal, portatz la moriassa, Lo coteràs pezant, e lo cos de coyrassa : Piqués Macedonicz, en reng Gendarmaria. Dan taus cridz eixantàt jo hy ma darreria. L es oreilles de la tête me cornent et trompettent, L es sons des clairons percent l ’air, les armes cliquettent : Debout, seller Bucêphale : portes^ le morion, L e glaive pesant et le corps de cuirasse ; Piquiers Macédoniens, en ligne Gendarmerie ; E x a lté p a r ces cris,j ’ai rendu le dernier soupir, (pp. 222-25)

Pyrrhus, guilty of pride and ambition, obsessed by his own glory, is punished when an old woman drops a roof tile on him and a low, vile creature cuts off his head. Hannibal tells how Cyrus, greedy, ambitious, and bloodthirsty, is slain by a mere woman who severs his head and tosses it into a barrel of blood : Mes Cyrus... Cajoc leu au podè de la hemna Barbara, Qui ly podec lo cap, e u gitéc de sa man, Deguens un barricot pleat de sang human. Arrigola t’de sang, qui sang as désirât, Sang que tengue de déués pretios e sagrat : Sang deus homes que Diu a heitz a sa semblansa.... M ais C yrus... Tomba bientôt au pouvoir de la femmeféroce, Q u i lui trancha la tête, et la je tta de sa main, D ans un barilplein de sang humain. Rassasie-toi de sang toi qui as désiré ce sang. Sang que tu devrais tenirpourprécieux et sacré : Sang des hommes que D ieu f i t à sa ressemblance... (pp.

244-47)

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And Sulla, the most cruel of all, a lawless tyrant, dies devoured by vermin and thus begins his eternal punishment while still alive. Note that Sulla cites Nero as also having been brought down by vermin, an example of “anachronism” con­ demned by Berry (1997 : 221) but which was good enough for d’Aubigne, who called the vermin God’s litde soldiers. All six heroides manifest the same basic structure and thematic. In addition, they form a more or less unified narrative sequence. Beginning with Hercules and ending with Caesar, they adhere to the topos of tran slatio im perii, the evolution of history from past to present and from East to West, as Pey’s heriodes move, so to speak, from mythological Greece to the end of Republican Rome and the advent of Christ. Paradoxically, Pey de Garros, a French humanist who exalts Antiquity - partaking of topoi such as lau datio tem poris a cti and flo re b a t olim —at the same time evokes a world of horror and vice, one in which the tran slatio from Greece to Rome and from the distant past to the less distant past becomes, in moral terms, one of decline. As the narratives come closer to France and to the present, they darken.9 Hercules did good and performed feats in arms to help the litde people. The embodiment of vertu t, he falls only because of love. Alexander conquers the world yet, in the end, discovers that he killed too many and that he did so from selfish motives. Ambition, greed, violence, and presumption are revealed in the subsequent figures, their negative lives culminating in Sulla, the most vicious, sadistic, and immoral of all, a monster in human guise. The relationship between the narrators or speakers of these heroides, who are, implicitly, author-figures, and their narratees, the implied readers or public, varies. For example, Hercules and Alexander recount all their good deeds, mentioning only at the end the crime or flaw which destroyed them. In Hercules’s case, the narrative reflects the chronology of his life ; he was good and brave until he fell in love and, consequently, went mad. In Alexander’s case, the narrative reflects the chronology of his understanding; only on his death bed does Alexander realize what he has done and, therefore, what he is. The moment of understanding occurs when Death speaks to Alexander and when the latter hallucinates - Clitus comes to denounce him. That the two author-figures reserve the best —the significatio of their stories for the last not only respects chronology; it also creates suspense in those readers who are not yet aware of what kind of herioide they are reading. In the later herioides, the concern for suspense no longer serves a purpose, given that the public knows what to expect. Here the narrators can vary the texture of the heriode by stating the moral in or near the beginning and relating it to the narrative as it unfolds. Finally, on one occasion at least, the implied ideal or competent reader, .who, it is presumed, knows some Ancient history, may have greater knowledge and insight, and greater moral understanding, than the narrator. This would be the case when Hannibal, after all that he learned about pride and presumption, still alludes with scorn to Scipio the nobody and his army of rabble, who had the gall to defeat him in battle :

9 For a different perspective on time in Pey de Garros, see Arrouye 1988 and Eucher 1988.

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Pey de G arros

Et joenot gendarméu, dam gent amassadissa, Dam jo no sabi quina esquissada marmalha, Vensoc lo victorios Hannibal en batalha ! (E tjeune p e tit Gendarme à la tête d ’un ramassis de vagabonds, A vec je ne sais quelle marmaille déguenillée, I l vainquit en bataille rangée A n n ibal le victorieux ! (pp. 240-41)

The six heriodes are richer, more complex, and more problematic than the early editors recognized. Conceived in genus grande or a high middle style approaching the sublime, they resonate, in parts, -with tremendum. Among these passages are Alexan­ der the Great’s nightmare/hallucination in which Clitus - whom we know to have been his friend and lover - comes to denounce his crimes ; Pyrrhus, ending his story of vice punished, ends the narrative declaring that his tongue is too dry and he cannot go on ; and Sulla, the monster, the most self-conscious of all, fully aware of his dishonored life, admitting that he deserves no pity but that if the reader feel pity, may he simply efface Sulla’s name from History so that no-one will remember him : . .. e. per ma recompensa Hé m’aqueste plazé, comben que méritât Io n’e pas, que de my prengas nada pietàt : Ma vita legissèn, destinta de l’historia Mon nom, perqè de my jamés no sia memoria. . . . e t pour ma récompense Fais-m oi ceplaisir, quoiqueje n ’ai p a s mérité Q ue tu prennes de m oi nulle p itié ; A près avoir lu ma vie, efface de l ’histoire M on nom, pour qu ’il n y’ a it de moijam ais souvenir,

(pp. 258-9)

Without exaggeration, there are moments when Pey de Garros, in his vernacular, approaches the sublime of Dante and d’Aubigné. The last heroide, from Julius Caesar, differs somewhat from the others. Yes, Caesar was greedy and ambitious, and he relied too much on worldly glory. Yet his major fault was to have broken his word. On a boat, during a storm, Caesar made a vow which he never kept, for he lied as to his intentions. The same Caesar urges his implied audience to read Plutarch ; this from a Latin writer —the only Worthy with such credentials - studied in the cursus. This last heroide raises issues of speech, writing, and reading, a dominant thematic in the episdes that follow. In the Deffence et Illustration Du Bellay counseled : « Quand aux epistres, ce n’est un poème qui puisse grandement enrichir nostre vulgaire, pource qu’elles sont voluntiers de choses familières et domestiques, si tu ne les voulois faire à l’immitation d’elegies, comme Ovide, ou sentencieuses et graves, comme Horace. »10 Du Bellay was, of course, trying to denigrate Marot and, I should add, Jean Lemaire de Belges, his predecessors, the great early masters of the familiar episde in verse. In three of his four epistolas, Pey de Garros follows Du Bellay and eschews “badinierie marotique.” 10 Ed. Chamard, pp. 115-17.

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The first two epistles (pp. 272-95) ate directed against what the Medievals called Malebouche : the Speaker advises a Friend not to swear, he, complain, calumny, and mock. In other words, he should give up nasty speech, especially in social situations. An appropriate pattern of imagery is developed, grounded in war but, more so, in agriculture : with the Friend’s language assimilated to mud and manure, and himself to being a pig : Om ditz, q’au mus d’un porc ez nozérat Aqèt anét [ta lenga] pretiôs e dauràt, E q’en tot bard, tota làca, e tot hems Grahussejàn, ta lenga passa tems. On dit, qu ’au museau d ’un porc est noué C et anneau [ta langue] précieux et doré, E t qu ’en toute boue, tout ruisseau, en toutfum ier Ta langue passe le temps à se galvauder, (pp. 272-73)

In terms of rhetoric, the level of discourse descends to genus medium and, in places, to genus humile, in texts that recall Horace’s satires as much as they do the epistles. Pey elaborates on what, for him, was the equivalent of Horatian amicitia ; and his Speaker adopts a stance of highrnindedness roughly the equivalent of Horace’s in his praise of stoic virtus and condemnation of vitium. The topic (Anti-Malebouche) was relatively original though it had classical pre­ cedent. In Satire I, 3, the Horatian locutor addresses one who habitually blames his friends but always forgives himself. In I, 7 he evokes two litigants in Asia Minor, engaged in heavy “flyting.” And in a number of texts Horace upholds his own stance as a satirist, insisting that he treats general topics in bona carmina, as opposed to the mala carmina by others directed at individuals in malice and as a personal attack. Petrarch also, in the Epistolae familiares (V, 11 and 12 ; IX, 5 ; XIV, 4 ; XXI, 15), denounces backbiting and evil tongues ; these, however, prove to be ones who have attacked Petrarch the author personally. The first two epistles, concerned with spoken language in a social context, relate deftly to the third epistle (pp. 296-309), the subject of which is Gascon as a literary language. The Speaker is now pleased with his Friend, the same addressee as in Epistles 1 and 2. The Speaker had asked him to write a verse epistle in the verna­ cular ; the Friend, having done so, appears to have redeemed himself from the accusations previously made against him. The Speaker then composes a miniature Defense and Illustration of Gascon in the manner of, and in direct reply to, Du Bellay’s own Defence et Illustration de la "Langue Francojse. For Pey de Garros makes a claim for Occitan vis-à-vis French that Du Bellay had made for French vis-à-vis Latin. In particular, he adopts one of Du Bellay’s arguments. Just as Du Bellay had exalted French military prowess, observing that such pre-eminence in the one sphere ought now to give way to, or rather to encourage, similar feats in letters, Pey evokes the reputation Gascons enjoy as fighters, adding that now they can defend the honor of their land by wielding the pen in place of the lance : Mes au loc de lansas pontxudas, Armem nos de plumas agudas,

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M ais au lieu de lancespointues, Arm ons-nous defines plumes,

Pey de G arros

Per omà lo Gascon lengatge, Perqe om preziqe d’atge en atge La gent, la bera parladora, Com en armas es vencedora.

Pour orner le Gascon langage ; Pour qu ’on vante d ’âge en âge La race et sa bellefaçon de parler Q u i vaincra comme p a r les armes,

(pp. 298-99)

Both writers modulate the topos of fortitudo et sapientia, applying it to an entire people and not just one king or hero. Then Pey de Garros goes a step beyond Du Bellay. Whereas Du Bellay, totally ignorant of the medieval French heritage, readily admitted Greek and Roman supremacy in the arts, Pey launches a myth of Gascon accomplishment. He claims that the Vascones are an older people than the Romans and that, in a distant past, they had produced a rich, copious literature which has since been lost. In this, as in the previous episdes and the heriodes, Pey de Garros follows class­ ical precedent and, therefore, illustrates and imitates (in the Renaissance sense of imitatid) as much as he defends. It is surely not a coincidence that this third episde recalls the third episde, Book II, in the Horatian canon : the famous Epistula ad Pisones or Ars poëtica. In the Ars poëtica Horace elaborates on the duty of the good citizen - as officium and decorum - to serve his people by the work of writing and achieving mastery in it as the forerunners did (in Horace’s case, the Greeks). Lafont and Gardy have commented on the importance of this episde in Pey’s œuvre, the most important but not the only manifesto he wrote in favor of Occitan and that Berry heralds as the first such manifesto in the language, one which anticipates the Felibrige.11 This third epistle —an ars poëtica in miniature —relates directly to, and helps to illuminate, Pey’s Dedication to the Prince of Navarre, which opens the volume of Poesias Gasconas (pp. 10-17). The dedication can be considered an epistle, as can, for that matter, the heroides. The dedication exploits the “go little book” motif, so common in late medieval and Renaissance texts. In the last item in Book I of the Epistulae, Horace addresses his book as a beautiful young slave boy eager to leave his master and get out into the world, specifically to profit from the commerce of his beauty. Like the other Renaissance poets, Pey suppresses such allusions to sexual deviance. The slave boy is transformed into his child, his son, whom he continues to polish and improve. Here Pey varies his style, cultivating masterfully the “manière badine” of Marot. The humility-topos is developed from several per­ spectives : the book an immature, rough child ; the book too timid to demand a place at court ; the book limited to a tiny public ; and the implied author’s claim (again recalling Horace) that he is not capable of writing in the grand genres, tragedy and epic, for he is not Euripides, Virgil, or Homer. The mock humility also calls attention to Pay de Garros’s genuine pride in his calling (officium) as a poet and in his œuvre. Among other things, the poet does attempt genus grande in something akin to epic : the vers heroic£ That the œuvre is composed in dialect yet also in imitation of the great masters, Horace, Ovid, Marot, and Ronsard, adds a rich layer of irony and of complexity to the text.

” For example, Lafont 1970, pp. 62-80 ; Gardy 1998, pp. 97-98 ; Berry 1997, pp. 230-31.

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Because of its message, because of its overtly Occitanist-like doctrine, Episde 3 has received attention and praise from scholars. The fourth epistle (pp. 310-33), on the other hand, is scarcely mentioned at all. What mention it has comes from controversy over whether or not the poem was in fact written by Pey de Garros. Durrieux (1895 : 332) and Berry (1997 : 227-28) are convinced that the text cannot be ascribed to Pey because it differs so sharply from his other work and because it is so bad. Berry, in particular, accuses the fourth epistle of being sarcastic and mediocre, remarkable for its “vers misérables” (p. 228). Following their academic bourgeois approach —what we might call the biographical or mimetic fallacy —they ascribe the poor poem to Pey’s Friend, and that it is the epistle sent to the Speaker alluded to in Epistle 3. Lafont agrees that the text forms part of an epistolary exchange (1970 : 76-77), whereas Gardy states that Pey wrote four episdes (1998 : 94). Neither addresses the question in detail. As I see it, yes, Episde 4 differs in style and ambience from the preceding three. The poem is composed in lines of four syllables. The Speaker is a poet ; he gives the impression of being a shepherd (lethargic, he is no longer fit for dancing and games) ; he praises the Friend his correspondent ; he praises girls named Margoy and Catoy (Maggie and Katie) ; Margoy is the Friend’s wife and a good mother. However, these differences do not necessarily dictate that another writer was at work. Marot composed two epistles in lines of three syllables, and one in lines of four syllables. In addition, he composed an epistle in low style by/for a certain Margot. Here, quite probably, Pey de Garros was adopting the Marotic stance in place of the Horatian stance. And, with the shepherdess diminutives and shepherd play-acting, he was also adopting the Ronsardian stance, the voice to be heard in Ronsard’s eclogues. The bright, sharp, witty short lines partake of a tradition that goes back, beyond Marot, to the Grands Rhétoriqueurs. Indeed, it encourages some pyrotechnics of language that recall passages from Pey’s own Eglogas and that testify to the lexical riches and expressiveness of Gascon : Tan l'hermitan

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Era Tristan. Eixabanit Estabomit, Dessaborat, E deplorat, Modorroit, Embadoit [.]

T el qu'était l ’ermite Tristan ; Eberlué, T a tête à l ’envers, Privé de sève, E t en p iteu x état, Pamolli, E t devenu idiot, (pp.

Vos pensaretz, E juraretz, Qe quauqe tros De lenas gros La boca m’tampa, Qe la garrampa Los pes me tenga: La mia lenga Tant aguzada, E ahilada,

Vous croiriez E tju reriez Q u e quelque morceau D e bois grossier M e tamponne la gorge, Q u e la crampe Tient mes pieds : M a langue S i bien aiguisée E t effilée,

312-13)

Pey de G arros

N’a plus aqet Plazent caqet ; Plus no gorgueja, Ny cardineja.

N ’a plu s ce Plaisant caquet ; Plus elle ne gazouille, E t n ’im ite le chardonneret,

(pp. 314-15)

It may also partake of the current of carnival and counter-text that was so powerful in the Occitan tradition. Pey de Garros proves to be a poet of unceasing variety. After the eclogues where both love and war are undermined, after the heroides that treat of high virtue and the epistles that treat of friendship, the Poesias Gasconas end with three poems of love, three texts of positive Eros in praise of love : an epithalamium (Cant nobiau), a canson, and an elegy. Cant nobiau (pp. 334-41) is a delightful wedding song in the tradition of Catullus and Marot. It has been praised but for the wrong reasons, in this case the mimetic fallacy : Berry {Œuvre, pp. 236-38) claims that it describes a real wedding in Lectoure with its real traditional local Gascon customs. The canson (pp. 342-45) and the elefia (pp. 346-51) are perhaps more interesting in that they are exemplary poems offin ’ amor, love as passion and Eros as desire, the very passion and Eros apparently condemned both in the eclogues and in the first heroide (Hercules). In addition, they partake of and recall to us, intellectually, the two great traditions that had preceded the Renaissance - the medieval and the clas­ sical. The canson is not only medieval in form ; its refrain evokes the poetry-writing contest at Charles d’Orléans’s court at Blois, made famous by a number of superb ballades, especially those by Charles d’Orléans himself and by Villon —the “je meurs de soif auprès de la fontaine” motif, here adopted as : « Iuxta la hont de set jo moriré » (‘Contre la fontaine je mourrai de soif) or « Prop de la hont de set mouri m’en vau » (Très de la fontaine je vais mourir de soif) (pp. 342-45). Pey’s extended ballade or chant royal is then followed by an elegy in the classical mode, which alludes to the myth of Actaeon and Diana. Du Bellay had encouraged the writing of elegies : « Distile avecques un style coulant et non scabreux ces pitoyables elegies, à l’exemple d’un Ovide, d’un Tibule et d’un Properce» (p. 111). O f Marof s twentyseven elegies, twenty-four treat of love. Although Ronsard had composed few erotic elegies prior to 1560, they multiply in his collections from 1560 on : a number of superb love-plaints to the beloved among the twelve elegies included in the Recueil des nouvelles Poésies of 1563 ; and an entire Tome cinquième : JLes Elegies, in the Œuvres of 1567.12 Pey de Garros’s elegy, which develops the motifs of separation, the gaze, communication, and speech, is written in the finest Ronsardian style and worthy of the Master. Influenced by the biographical fallacy and by what we should perhaps call the fallacy of bourgeois morality, Jean Berry deems the song and the elegy to be « deux pièces très secondaires, œuvres de jeunesse, semble-t-il » (p. 240). Berry also proposes that the elegy was addressed to the girl whom Pey de Garros eventually married (the Margoy of Epistle 4), because a noble Protestant of high vertut woos but does not seduce and could not be subject to fol’amor. In addition, says Berry, the poem was made public, published under the author’s name. My only reply here would be to cite Jacques Pineaux’s definitive study on the poetry of the Huguenots 12 On the elegy in the sixteenth century, see Scollen 1967, Saulnier 1968, Clark 1975 and Hanisch 1979.

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from 1559 to 1598, where he includes, among others, Louis des Masures, Jacques Grévin, Jean de la Taille, and Pierre Poupo in the chapter entitled “Poésie d’a­ mour.”13 Using different parameters, one could also cite the two greatest : Sponde and d’Aubigné. More recent scholars look at the elegy with different eyes and from a different perspective. In a provocative, well-received article, Jean Penent offered two “trans­ lations” : one reading the elegy as a poem of erotic desire, the other as an allegory of the poet’s desire and struggle for the Occitan language.14 Gardy, agreeing with Penent, then applies Penent’s insight to the Cant nobiau and to the collection as a whole (Leçon, pp. 94-103). Although the Occitan grid may tell us as much about Occitanist scholars of today as about Pey’s texts of yesterday, the approach is exciting and rewarding. These are rich, complex, problematic texts, to be read on many levels and from divergent perspectives, as if, say, they had been authored by Bernard de Ventadom or Gabriel Mistral. Is Pey de Garros the Occitan Ronsard? Yes indeed. In this he stands not alone. The second half of the sixteenth century and the beginning of the seventeenth ought perhaps to be renamed, in French and in Occitan studies, the Age of Ron­ sard. So many of the poets chose as a model the leader of the Pléiade, whose pree­ minence was recognized throughout Northern Europe. Pey de Garros, however, occupies a special place among the disciples. He was the first to compose mani­ festos for Occitan comparable to the Pléiade manifestos directed to French. He alone strove to emulate the Ancients as Ronsard did, to demonstrate, by precept and example, how the Gascon vernacular can become a classical literary language to be employed in cultivating the classical literary kinds. Thus he illustrated, in the Ronsardian manner, a number of genres - the eclogue, heroide, familiar epistle, epithalamium, song, elegy, and, of course, the psalm. Thus he illustrated all three regis­ ters : genus grande, genus medium, and genus humile. I would suggest that Pey de Garros was the most highly conscious and consistently classical writer in Occitan prior to René Nelli. Pey de Garros had no intention of exalting popular rural culture —what the French call with distaste “du folklore” —any more than did Ronsard. His goal was to take the vernacular, exploit its resources as the demotic of the Gascon people, and, at the same time, enrich, expand, and raise it to the level of a language of high culture, good for all literary purposes, worthy of a European currency alongside French and Italian. Pey also anticipated the creators of Occitan modernism - and Breton and Scots, among others - who were to repudiate the nineteenth-century legacy of rustic folklore and petty romanticism in favor of a universal modernism grounded in a rebellion against Western modernity.15 Therefore, it is perhaps genuine poetic justice that this self-conscious and intertextual poet - forgotten in his own day even in the Gascon regions - should be rediscovered and rehabilitated

13 Pineaux 1971, pp. 43-58. 14 Penent 1988, pp. 167-78. 15 Calin 2000.

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Pey de G arros

by today’s Occitanist scholars such as Lafont, Bee, and Gardy, who themselves are leaders in the current renascence of the language and its literature.

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Gian Vincenzo Pinelli et les cobias de Percival Doria et Felip de Valenza (Milan, Biblioteca Ambrosiana, R 105 sup.) Paolo Gresti

Le monument le plus significatif démontrant l’attention de l’érudit italien Gian Vincenzo Pinelli1 pour les littératures romanes du Moyen Age est sans doute le ms. D 465 inf. de la Biblioteca Ambrosiana de Milan.2 Parmi les fascicules qui forment 1 Pour la biographie de Gian Vincenzo Pinelli il faut renvoyer encore à Gualdo 1607, mais on peut lire également Rivolta 1914 et 1933, auxquels on ajoutera Fumaroli 1991, surtout 347-50, et Raugei 1992. Né en 1535 à Naples, mais génois d’origine, Gian Vincenzo déménage à Padoue en 1558, et y reste jusqu’à sa mort (3 août 1601). D’abord il loge, au moins jusqu’en 1565, à Santa Sofia, dans une maison du noble vénitien Ludovico Mocenigo (cf. Zorzi 1987, p. 179) ; ensuite il s’installe « appresso la crosara del Santo » (cf. Crescini 1892, p. 181, n. 2 et Favaro 1968, p. 58), où il héberge, entre autres, Galileo Galilei (cf. Stella 1992 ; et Gualdo 1607, p. 18 écrit : « nemo fait apud Italos vel exteros, qui ingenii laude clareret, qui non Pinellum officiose observarit »). Sa bibliothèque, très riche, « perhaps the best private library in Italy in the second half of the sixteenth century » (Grendler 1980, p. 386), comptait, d’après un catalogue manu­ scrit de 1604 (Biblioteca Nazionale Marciana, Manoscritti Itaiiani, Classe X.61), 6428 livres imprimés et 738 manuscrits ; en 1609 —Biblioteca Ambrosiana B 311 sussidio - il y a 5400 imprimés et 830 manuscrits, dont 576 latins et vulgaires et 254 grecs (Grendler 1980, p. 392). Pour la bibliothèque de Pinelli voir aussi Raugei 1988. 2 Dans ce manuscrit nous trouvons p. ex. une copie (ff. 338r-344v) des proverbes de Ramôn Llull, suivie d’une copie de la première page de l’“esemplare di Jac.° Contarini”, qui contient les proverbes de Guylem de Cerveyra (= Cerveri de Girona). Ce manuscrit est aussi l’un des témoins du Donal^proensals d’Uc Faidit (le témoin D de Marshall 1969) ; il transmet également deux traductions italiennes du XVI* siècle de cette grammaire provençale : je prépare une édition de ces textes qui sont très importants pour l’histoire des études provençales en Italie pendant le XVIe siècle (pour le moment, je me permets de renvoyer à la communication que j’ai lue au Colloque international de l’AIEO « A b nou cor et ab non talen. Nouvelles tendances de la recherche médiévale occitane », L’Aquila, 5-7 juillet 2001, dont les Actes sont sous presse). Pour ce qui est de l’intérêt de Pinelli pour les œuvres du Moyen Age on peut rappeler une liste qui se trouve à la f. 406 du ms. Q 117 sup. de la Biblioteca Ambrosiana (il s’agit d’un recueil de textes qui s’occupent de la peste à Venise en 1576). Dans cette liste —Dante, Boccaccio, Petrarca, Bembo etc. —nous trouvons des « Rime prouenzali con le uite de poeti scritte a mano, che fiirono di Luigi Alemano » et des « Rime prouenzali con le uite de poeti, con una grammatica, e una poetica prouenzale cosa rara, le quali furono di m. Federigo Fregoso ». La main qui trace ce petit catalogue n’est certaine­ ment pas celle de Gian Vincenzo Pinelli : elle est, en effet, plutôt élégante. Frasso 1991, p. 468 émet l’hypothèse qu’il s’agit d’un inventaire de livres ayant appartenus à Ludovico Castelvetro, dressé par son neveu, Giacomo di Nicolô Castelvetro (p. 471). Il n’est pas facile, ni peut-être possible, d’identifier avec certitude les deux manuscrits provençaux cités. Pour ce qui concerne le premier des deux volumes qui sont dans la liste, Frasso rappelle (p. 476) que le ms. provençal H (Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica, lat. 3207) « è stato visto dal Castelvetro », et que le ms. provençal E (Paris, Bibliothèque

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ce recueil il y en a un qui contient des chansons provençales : G. Bertoni3 a prouvé qu’il s’agit d’une copie du ms. 990 de la Biblioteca Palatina de Parme (Fb), qui est autographe de Antonio Giganti.4 Une liste qui se trouve dans le ms. S 94 sup. ayant toujours appartenu à Pinelli —est très explicite : au f. 129r, sous une rubrique (écrite par Pinelli), où on lit « Scritt. hauute5 dal Giganti », on énumère des livres que Gian Vincenzo reçut de la part du secrétaire de Ludovico Beccadelli.6 De plus, dans le manuscrit ambrosien S 85 sup. (ff. 233r-253v) nous avons l’inventaire, paraît-il autographe, du musée de Giganti, que celui-ci envoya à Pinelli.7 Il nous reste aussi beaucoup de lettres, qui témoignent que Gian Vincenzo Pinelli et Antonio Giganti ont entretenu des relations étroites.8 Dans un autre recueil ayant appartenu à Pinelli —qui est aujourd’hui à la Biblio­ teca Ambrosiana sous la côte R 105 sup. — on trouve, au f. 169r, les deux coblas écrites par Percivalle (à la provençale : Percival) Doria et l’obscur Felip de Valenza.9 D ’après Bertoni 1911, 455-56, la main qui a copié ce texte appartient à Antonio Giganti : la comparaison entre la graphie dans laquelle les coblas ont été écrites et celle de l’une des lettres de Giganti à Pinelli —envoyée de Bologne le 28 mai 1583, cf. ms. Q 120 sup. de l’Ambrosiana, f. 365r - nous confirme, d’une façon je dirais définitive, l’hypothèse.10 Vu les rapports décrits précédemment entre le secrétaire de Nationale de France, fr. 1749) « ha note di mano cinquecentesca » ; pour l’autre livre on pourrait penser au ms. provençal P (Firenze, Biblioteca Mediceo-Laurenziana, PI. XLI, 42), qui contient, entre autres, le Donat^proensals —pour une grande partie seulement la version latine de l’œuvre, cf. Marshall 1969, pp. 4-6 e 43-44 —et les Ra^os de trobar. Frasso rappelle aussi le ms. New York, Pierpont Morgan Library, 831 (ancien Finaly-Landau) qui effectivement est l’un des témoins des Ra%ps et du Douât:j : par contre, il ne contient ni textes poétiques, ni vidas. Mais parmi les mss. qui nous concernent on pourrait ajouter le chansonnier provençal a (Modena, Biblioteca Estense, Càmpoti y.N.8.4 : 11,12,13 + Firenze, Biblioteca Riccardiana, 2814), qui transmet les vidas aussi, et les grammaires provençales citées (il est le témoin C dans Marshall 1969 et Marshall 1972). Il est notoire que ce manuscrit soit la copie —faite en 1589 pour Piero di Simone del Nero - du célébré chansonnier de Bemart Amoros. L’original, aujourd’hui disparu, se trouvait dans la bibliothèque de Leone Strozzi. 3 Cf. Bertoni 1909. 4 Celui-ci était le secrétaire de Ludovico Beccadelli. La copie Fb est à son tour un descriptus du florilège provençal F (Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica, Chigi F.IV.106) ; Piero di Simone del Nero aussi fit tirer une copie de F (F“ : Firenze, Biblioteca Riccardiana 2981) ; les deux copies sont en tout cas indé­ pendantes l’une de l’autre. 5 Mais dans le ms. on lit, semble-t-il, hauuti. 6 Entre autres, on soulignera les « Romanzi di Bertran de Bom con altre cose appresso » (qui est, proba­ blement, la copie citée de Fb : elle est ouverte, en effet, par les poésies de Bertran de Born), et le « Tesoretto di ser Brunetto con altre cose appresso ». La main qui rédige cette liste est comparable à celle qui a transcrit le Donat^proensals original et une des deux traductions italiennes citées dans le ms. D 465 inf. Vers la moitié de la page, il y a une autre liste, autographe de Pinelli : à côté des titres, sur la droite, l’indication “del Beccatello”. Dans le même manuscrit on retrouve d’autres annotations qui concernent des œuvres que Pinelli a reçues de Giganti : p. ex. f. 93rv et f. 94rv. 7 L’édition dans Fragnito 1988, pp. 175-201. Pour l’autographie cf. p. 162. 8 Cf. p. ex. la lettre du 27 octobre 1582 (ms. S 105 sup., f. lOOrv), publiée par Debenedetti 1995, pp. 31516, dans laquelle Giganti parle d’une copie en annexe —mais qui aujourd’hui n’est pas rattachée à la lettre —, de la tenson entre Peire Guilhem et Sordel, qu’il a tirée de la Historia mantovana de Mario Equicola. Effectivement Bertoni 1912, p. 103 a découvert la transcription (avec traduction en italien) de ce texte aux ff. 197v-200r du manuscrit ambrosien 1 205 inf., sorti lui aussi de la bibliothèque de Pinelli. 5 II s’agit du chansonnier y de Jeanroy 1916, p. 31 ; cf. aussi BdT, p. XHV. 10 Par contre, la graphie de l’inventaire cité du musée de Antonio Giganti montre des différences.

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Beccadelli et l’érudit napolitain - surtout pour ce qui concerne la littérature provençale - , il n’est pas du tout surprenant que le bref texte en langue d’oc, dont le manuscrit ambrosien est le seul témoin, soit arrivé à la bibliothèque de Pinelli grâce à Giganti. Malheureusement, la question la plus importante, c’est-à-dire d’où Giganti a-t-il tiré ces coblas, demeure, pour le moment, sans réponse. Les ff. 169-170, qui en réalité forment un folio double, ont été pliés, comme s’il s’agissait d’une lettre. Le nom du destinataire manque, bien que, sur le verso du f. 170 —dont le recto est blanc, exactement comme le verso du f. 169 —, sur la gauche en bas on trouve (dû peut-être à la main de Pinelli) : « Al mo Al | Illmo Sr. | molto m.co Sr. | mio oss. », comme si quelqu’un ait voulu tester sa plume. Toujours sur le verso du f. 170, mais en haut, sur la droite, d’une encre différente, il y a une espèce de légende qui explique le contenu du folio qui précède : « Versi fr. di p(re)ncivalle d’oria ». La graphie est probablement celle de Pinelli. Le folio a un filigrane qui se rapproche de celui répertorié dans Briquet, n. 3089 (“cercle”). O n retrouve le même filigrane ailleurs dans ce manuscrit (p. ex. ff. 193194, 199-200, 201-202), et dans d’autres livres ayant appartenu à Gian Vincenzo Pinelli.

Versification Le schéma métrique des coblas est le suivant : a7a7a7a7 b6b6as (Bertoni 1915, 543). Dans le 'Répertoire 30:2 nous trouvons, par contre, le schéma a7a7a7a7 Ifilfia6 a6, parce que pour Istvân Frank il faut sauvegarder l’identité métrique avec Peirol 366.27 ; Aston 1953 ne parle pas de cette identité, et il ne cite même pas les coblas de Percival et Felip. Le schéma exact est sans doute celui de Bertoni 1915, qui oblige à une seule correction (v. 5) ; si on voulait, en revanche, interpréter les vers 5, 8, 15 et 18 comme pentasyllabes féminins, en suivant le Répertoire, il faudrait corriger trois fois le texte. Je juge cette opération trop onéreuse, pour sauver un contrafactum dont l’existence n’est pas du tout sûre. Pour ce qui concerne la lyrique française, on retrouve trois fois le schéma métrique utilisé par Percival et Felip de Valenza (MW 127) : 1) anonyme, A un ajournament por oïr le chant (RS 308a) ; 2) Colin Muset, E n ceste note dirai (RS 74 : la pre­ mière strophe uniquement) ; 3) anonyme, E ’autrier me chevauchoie (RS 1702). Mais la consultation des fiches perforées du MW nous permet de découvrir qu’il n’y a aucune pièce avec la même ‘charpente métrique’. Pour finir, la rime -ip, qu’on peut qualifier de ‘difficile’, ne se trouve qu’ici dans le panorama de la lyrique troubadouresque.

Les auteurs Des deux poètes, Felip de Valenza, comme on l’a déjà souligné, est complète­ ment inconnu, et son nom ne paraît qu’ici. D ’après Bertoni 1915, 93 Felip « trasci-

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nava, corne tanti altri, una vita randagia, di corte in corte e di protettore in protettore » ; c’était probablement un jongleur. O n ne peut rien dire de certain à propos de son origine, et les vers qu’il nous a laissés n’arrivent pas à nous éclairer sur sa biographie (mais cf. la note au v. 20). Quant à Percival (Percivalle) Doria, il est connu soit comme poète de langue italienne (Corne lo giomo quand’è dal maitino et Amor m ’ha priso), soit comme auteur de langue d’oc (il a aussi écrit un sirventès : Félon cor ai et enic, BdT 371.1). D ’après Contini 1960 I, 161 notre Percivalle est celui qui fut podestà en Italie (Asti, Parma, Pavia) et dans le midi de la France (Arles, Avi­ gnon) entre 1228 et 1243. Le séjour français lui aurait permis d’apprendre la langue provençale. Il fut partisan de Manfredi, et mourut en 1264. Selon Bertoni 1915, 93 le sirventès Félon cor ai et enic a été écrit en 1258, après le mois d’août, parce que Manfredi est dit ‘reis’, tandis que la cobla échangée avec Felip de Valenza doit remonter à la jeunesse du poète (mais, en vérité, il n ’y a aucun indice qui prouve cette affirmation). Par contre Vitale Brovarone 1983 pense que le Percivalle poète était le cousin du Percivalle dont parle Contini, fils d’Emanuele Doria, père de Daniele et Simone Doria, et m ort en 1275. Il se fonde sur des documents (datés de 1275) où l’on parie de certains livres romanciorum que Percivalle Doria avait laissés en gage, et que son fils Daniele rachètera. Avec l’expression libri romanciorum on peut renvoyer aux chansonniers lyriques en langue vulgaire. Voilà, donc, la conclusion : « corne non pensare a una personalità più che vivamente e direttamente interessata » à la poésie, et « corne (...) non pensare a chi professé l’arte poetica? » (Vitale Brova­ rone 1983, 8). En outre, il n’était pas du tout nécessaire, pour un italien du Nord (originaire, ne l’oublions pas, de Gênes), d’aller en France pour apprendre la langue d’oc, qui était très connue même au dehors de l’Occitanie, et surtout en Italie du Nord.

Texte En Persival Doria11

5

10

Per aiqest cors, del teu trip non vi tan azaut mancip : s’eu âges qe metr’el cip eu e tu foram Felip. Mas [ieu] non ti poria far tôt zo qe t plairia, per q’eu prec Dieus t’arip en loc c’onors te sia, plasers e manentia : c’autres non se[i]a cip.

11 Editions : Bertoni 1911, Bertoni 1915, Sansone 19932, pp. 555-57 (qui reprend, sans rien changer, le texte et les interprétations de Bertoni 1915).

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Felip de Valenza

15

20 ll.an e

Perseval, anc no recip de vos qe valges un rip, mas per so non ai cor lip vas vos, ni m vir, ni esqip de vostra compagnia. Anz, m ’auretz tota via plus ferm qe mur de gip, amie, on q’eu me sia, sol per la cortesia qe reigna en vostr’estip. 12. un] im

13. non so non

Traduction Percival Doria. Pour ma fois, je n’ai jamais vu, de ta tribu, un garçon tellement agréable : si j’avais de quoi dresser la table, moi et toi, nous serions riches! Mais je ne pourrais pas te donner tout ce que tu aimerais {qu’il tefaut?) ; donc je prie Dieu de te faire aborder où tu auras de l’honneur, du plaisir et de la richesse : que personne ne te soit obstacle. Felip de Valenza. Perceval, je ne reçus jamais rien de votre part, même pas la pointe d’un clou ; toutefois mon cœur n’est pas aveugle envers vous, je ne m’écarte pas de vous, ni dérape de votre compagnie. Au contraire, vous me trouverez toujours plus solide qu’un mur de gypse, mon ami, où que je sois, grâce à la magnificence qui règne dans votre huche.

Commentaire 1. Bertoni 1915 corrige en aquest, mais on pourrait peut-être laisser le texte du manuscrit : aiquest serait une “Kontaminationsform” de aquest et aicest (on en trouve des exemples dans le ms. O de Girart de ’Rouissillon, Pfïster 1970, p. 236). Kjellman 1928, p. 127, cité par Pignon 1960, p. 466, affirme que, a partir de aissi, « l’élément ai- a été senti comme ayant une valeur d’insistance » et « il a été placé à l’initiale des démonstratifs pour les renforcer ». 2. mancip : ce m ot est attesté seulement ici (cf. COM s. v.). 3. âges : Bertoni 1915 corrige en agues — cip : ce m ot n’est pas attesté ailleurs (cf. COM s. v.). Le FEW , 2/1, 661a (s.v. CIBARE) glose: « Das subst CIBUS ist in gallorom. nicht belegt Apr. dp ‘mahl, essen’ (...) steht bei einem Genuesen », c’està-dire Percival Doria. On retrouve le substantif en espagnol {cebo, dont la première attestation écrite est dans l’oeuvre de Gonzalo de Berceo, cf. D C E LH 2, p. 8), et en portugais {cevo). Il serait peut-être hasardeux d’en déduire qu’il s’agit d’un italianisme, bien que l’évolution de -I- bref puisse nous amener à cette conclusion : dbo en italien

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est un latinisme, comme en provençal. Voir aussi la note 10. Bertoni traduit le vers : « S’io avessi di che spendere in pranzi ». 4. Ce vers n’est pas clair du tout, et je pense qu’on ne peut accepter l’interprétation de Bertoni 1915, p. 543 qu’avec beaucoup de précautions. Le savant italien écrit : « Si sa ehe un giuoco spéciale, ehe consiste fra amici nel dividersi due semi trovati eventualmente entro l’osso di un frutto, impegnandosi ognuno a compiere una determinata cosa a un determinato momento, si chiama, almeno in Francia, filippim » (c’est-à-dire : philippin?). Cette expression devrait souligner d’une façon originale l’amitié entre les deux poètes ; en conséquence, la traduction de Ber­ toni est: « noi due saremmo grandi amici». Chambers 1971, p. 125 est d’accord avec Bertoni quand il dit que l’“unexplained” _/ê/zjô de Percival, « seems to mean “we would be intimate friends’ ». Je pense, au contraire, que l’expression peut faire allu­ sion à la richesse. O n pourrait, en effet, expliquer ce passage soit ‘nous, moi et toi, serions Philippe’, en pensant à la monnaie d’or appelée justement ‘Philippe’, battue par Philippe de Macédoine, et ensuite utilisée par les Romains (cf. G D U , s. v. : mais pendant le Moyen Age ce "Philippe pouvait être interprété tout court comme symbole de ‘richesse’?) ; soit, plus facilement, ‘nous, moi et toi, nous serions [comme] Philippe’ : Percival a tout simplement voulu nommer quelqu’un dont la richesse était connue dans le monde entier, et la rime et le jeu avec le prénom de son interlocuteur l’a presque obligé à choisir Philippe. Dans les deux cas, la traduction serait ‘nous serions riches’ (je rappelle que dans le F E W 8, 379b on trouve un jelips “apr. ‘écu d’or de Philippe’”, mais « zur Verwendung auf zeitgenössischen münzbezeichnungen geben die Valois und die spanischen Habsburger, später LouisPhilippe anlass »). O n pourrait également supposer que derrière ce vers de Percival il y ait le souvenir de Florimont, w . 878 ss., où il est question d’un Philippe, ancêtre du Philippe de Macédoine père d’Alexandre le Grand. Voilà les vers concernés : « Parlons de Philipon le roi : | li rois avoit moût grant trésor | de pailes et d’argent et d’or | et maintenoit moût grant bernaige » (ed. Hilka 1932, p. 38). Finalement je tente une hypothèse tout à fait différente, mais qui me paraît faible : “eu e tu foram, Feüp”, c’est-à-dire ‘moi et toi, nous serions [ensemble], Philippe’. E n définitive Percival veut congédier Felip, et il lui dit : si j’étais riche, tu aurais pu rester avec moi, dans ma maison ; malheureusement je ne le suis pas, je ne peux pas t’offrir tout ce dont tu aurais besoin, donc il est préférable pour toi que tu t’en ailles. 5. L’insertion est due à Bertoni 1915, p. 313 ; on pourrait également ajouter hom, et expliquer poria comme troisième personne du singulier. 7. L’interprétation est une suggestion d’Alfred Jeanroy, comme le confesse Bertoni 1911, p. 457 (et cf. également Bertoni 1915, pp. 313 et 543) : le pe du ms. ambrosien devait être pe dans son modèle. O n pourrait peut-être lire aussi per, avec arip première personne, et non pas comme troisième : « pour cette raison, par Dieu, je te fais aborder... ». —arip : de aribar, tout simplement ‘ankommen’ dans S W 1, 83, mais étymologiquement ‘ans Ufer kommen’ dans A F W 1, 531 (c’est le premier sens du français ariver : cf. aussi F E W 1, 146) : c’est ce verbe, peut-être, qui suggère Yesquipar du v. 14 (voir la note).

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10. Bertoni 1911, pp. 457-58 corrige “c’autres non t’i acip” (mais il lit non sia dp), et il traduit ‘si che nessuno non ti ci faccia ostacolo’, avec adp troisième personne du singulier d’un verbe adpar, qui viendrait du latin CIPPUS (cf. Bertoni 1915, pp. 313 et 543). A propos de ce vers le savant italien écrit : « La spiegazione del v. 10, assai duro in verità, debbo al sign. Léo Spitzer » ; et dans la note : « Léo Spitzer propone s’i adp ; ma che si debba mutare s’i in t ’i richiede il senso. Anche al Jeanroy piace di più t ’i ». Voir aussi F E W 2, 693a s. v. CIPPUS, et DOM fasc. 2, acepar ‘faire obstacle à’, avec le seul exemple de Percival dans l’interprétation de Bertoni. Mais en laissant le vers presque comme il est dans le ms., le sens resterait le même : seia est bien attesté comme présent du subjonctif de esser (cf. COM s. v. ; pour la forme sea on peut songer à la suggestion de l’italien sia ? Mais il faut tenir compte aussi du fait que le copiste semble généralement plutôt négligent) ; dp < CIPPUS avec le sens de ‘obstacle’ n’est peut-être pas attesté ailleurs, mais il n’est pas du tout impossible. Même dans ce cas, le -i- roman vient d’un -I- bref latin (voir v. 3). 11. La correction est déjà dans Bertoni 1911, pp. 457-58. 12. Correction de Bertoni 1911, pp. 457-58, grâce à une idée de Léo Spitzer (cf. aussi Bertoni 1915, p. 313). - rip : dans S W 7, 352 ‘Spitze eines Nagels’ ; on renvoie au Donat^proensals : ribs ‘acumen clavi’ (Marshall 1969, p. 215) ; il semble que Felip de Valenza soit le seul poète qui utilise ce m ot (cf. COM s. v.). Rip, ou rib, devrait être un déverbal de ripar/ribar (cf. F E W 10, 412-13 s. v. ripa) : le verbe se trouve aussi dans le Donats^proensals avec la traduction latine ‘repercutere davos’ (Marshall 1969, p. 166). 13. lip\ probablement < LIPPUS ‘qui ne voit pas bien, qui a les yeux chassieux’, éventuellement ‘qui n’est pas perspicace’, ‘n aïf ; selon moi, il faut rejeter l’hypothèse de Bertoni 1915, pp. 543-44, selon laquelle l’étymologie du mot renvoie à l’ancien allemand lèfs, Lefie ‘lèvre’, avec les dérivations piémontaise et lombarde lijjrôn et lijrôk ‘bavard’, ou ‘glouton’, ou ‘fainéant’ : du point de vu sémantique, donc, le mot se rapproche de lipar ‘lécher’. Il est vrai que Bertoni non plus ne semble pas très convaincu par sa propre hypothèse. Le F E W 5, 370b a l’apr. lippos, mais il dérive de lipposus « welche die mittelalterliche medizin zu lippus gebildet hatte ». E n italien le mot lippo est attesté à partir du XIVe siècle (cf. D E I et GDLI). Il se peut, donc, qu’il s’agisse d’un italianisme. 14. On a voulu utiliser dans la traduction un verbe technique de marine pour rendre au mieux le provençal esquipar, qui d’après moi est le pendant de arip du v. 7. Dans Bertoni 1911, p. 458 et Bertoni 1915, p. 315 la traduction est la même : ‘né mi allontano dalla vostra compagnia’, avec l’intégration ni[m]. Lecture identique dans Sansone 19932, avec la traduction ‘o abbandono già la vostra compagnia’. 17. ÿ p : il semblerait que ce m ot est utilisé seulement ici (cf. COM s. v.). Sansone 19932, p. 552 glose : « M ur de gip (...) è un muro estremamente fragile e la fedele amicizia di Filippo verso Percivalle, tutt’altro che disinteressata, ha solo questa consistenza ». 19. cortesia-. Bertoni 1915, p. 315 traduit ‘cortesia’, mais dans le commentaire (544) écrit que « ‘cortesia’ diventa piacevolmente un curioso sinonimo, nel caso spéciale, di ‘denaro’ » (et Yestip du vers suivant pourrait devenir ‘forziere’ : voir aussi

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Sansone 19932, p. 557). L’interprétation dans Bertoni 1911, p. 459 était globalement différente (voir la note au v. 20), mais le savant proposait déjà cette possibilité. 20. estip : Bertoni 1911, p. 459 proposait l’interprétation ‘stirpe’, en se basant sur STIPUS « metaphorice, idem quod Stirps, principium, causa», enregistré dans Du Cange 7, 601 s.v. Avec cette lecture, le vers clôturerait certainement comme en cercle les deux coblas : estip se rattache au v. 1 teu trip. Mais dans Bertoni 1915 —où on imprime toujours stip (et en effet la COM n ’enregistre pas estip) —cette interpré­ tation a été abandonnée en faveur de celle que j’ai acceptée dans ma traduction. En vérité estip semblerait dériver de STIPARE, et il se rattacherait au dp du v. 3 : la vraie richesse pour Percival et Felip est d’avoir de quoi manger et de quoi boire. Estip n ’est pas attesté - sauf erreur - dans les langues romanes, si ce n’est en italien, et à une époque tardive (le premier exemple écrit de ce m ot remonterait en effet à 161819, cf. D E I et D E L ! s.v. stipare). Une fois encore un italianisme? Toutefois il faut rappeler que bien que estip soit absent des dictionnaires provençaux, on trouve par contre le verbe estivar ‘récolter’, et rien n ’empêche que le substantif aussi ait existé (cf. S W 3, 329 ; tandis que l’afr. estiver semblerait signifier seulement ‘jouer de l’estive’, c’est-à-dire une espèce de fifre : cf. A F W 3, 1397). En tout cas, s’il était plausible que estip et lip fussent des italianismes (et que dire de rip, attesté seulement ici et dans une œuvre à diffusion exclusivement italienne, comme le Donat^proensalsT), alors on pourrait (même devrait) avancer l’hypothèse que Felip était italien, comme son interlocuteur. Il serait facile, à ce point, probablement trop facile, de découvrir sur la carte géographique de l’Italie une ville que nous conviendrait très bien : Valenza Po, près d’Alessandria (mais on n’oubliera pas qu’il existe également une 1Valm^a dans le Midi de la France : Valence-sur-Rhône).

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The Late Medieval Occitan Art of Poetry : The Evidence from At de Mons and Raimon de Cornet Douglas Kelly

The link between theory, practice, and imitation is characteristic of both medieval Latin and vernacular poetics of the later Middle Ages. The Toulouse poets are conscious of this link, but they are also aware of divergences due to linguistic differences. Raimon de Cornet wrote Latin rhythmic verse and didactic works addressed to poets. His Doctrinal de trobar, composed about 1324, provoked critical reaction in Joan de Castellnou’s Glosari on the Doctrinal, written in 1341 ; another of Castellnou’s works, the Compendi, treats grammatical matters that he thinks authors in the tradition of the gai saber should know. Cornet’s and Castellnou’s authority is the Leys.1 Castellnou, who also wrote a number of extant lyric pieces,2 emphasizes the importance of Latin grammar and rhetoric in several places in the Glosari. Cornet insists towards the beginning of his treatise « No regarde lari. »3 Castellnou admits that it is occasionally (« en algunas causas ») permissible to ignore Latin practice, but that « aytant quant horn pot se deu conformar ab art de lati » (Glosari p. 162). He recognizes therefore a connection between the Latin and vernacular arts analogous to the French distinction between a first, Latin rhetoric, and a second, vernacular rhetoric appended to it.4 The medieval arts of poetry, and notably the Leys, are predicated on the peda­ gogical character of medieval composition, that is, the tendency, borrowed from the Latin poetria tradition, to regard the poet - troubadour, dictador, fa^edor and so on as an artisan who advanced from apprenticeship to mastery. The pedagogy included treatise, practice, and study and imitation of perceived masterpieces of the art. All these factors are present in the Occitan tradition to which the Leys d’amors belongs.5 The recueil is a significant part of this tradition. The manuscripts of the Leys are themselves recueils. That is, they offer not only instruction, but also illustrations of

1 Perhaps Comet refers to discussions that preceded the writing of the first version (Jeanroy 1949a, pp. 63-64), whereas Castellnou knew the first extant redaction (Jeanroy 1949b, pp. 153-54). 2 Zufferey 1981, pp. 30-32 (= Z 518,1-11). 3 Lo Doctrinal de trobar am la glosa, ed. Casas Homs 1969, v. 18. Still, Comet follows Latin models; see Castellnou’s Glosa to v. 21-22 (ibid., p. 163), v. 40-44 (p. 166), etc. 4 Kelly 1991, p. 149. 5 On the three versions of the Leys, see Zufferey 1981, pp. xxxiii-xxxvii (with additional bibliography).

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the instruction67; Zufferey identifies 43 anonymous pieces in the different versions of the LeysJ The three versions of the late Occitan treatise resemble therefore the twelfth- and thirteenth-century Latin arts of poetry in which instruction is supple­ mented with exemplary pieces. The treatises gloss or actually illustrate (in verse treatises) the art they teach by their own example.8 Now, the fourteenth-century Leys d’amors and, in general, the Occitan treatises and manuals on vernacular versification that precede it, claim to transmit the an­ cient tradition of troubadour poetry. Paradoxically, they appear to extol the classical period as exemplary while considerably limiting its influence by not offering exem­ plary models.9 Very few classical troubadours are quoted or even named in these treatises. However, the expression “anticz trobadors”10 may simply refer to those who wrote before the composition of the Leys.11 This would include Raimon de Cornet. The rare referencing of the troubadours in the Leys d’amors used for the acade­ mies at both Toulouse and Barcelona is mirrored in the chansonniers and other recueils. Only one manuscript, the “chansonnier de Saragosse” (Barcelona Bibl. Cent. 146), includes some fourteenth-century poets alongside the troubadours. It is the only manuscript that serves to link these two periods in Occitan lyric.12 Zufferey finds the works by the later poets to belong to a “registre” so different from that of the troubadours that their poetry and art must be treated apart from their illustrious predecessors.13 To Zufferey’s mind, the lyric of the consistories, as the Leys sets it out, is not only different, it is at best mediocre.14 Perhaps this is so. But scholarship requires that we study these largely neglected writings. If the result is not greater appreciation of their efforts, it may lead to better knowledge and understanding of what the Toulouse poets tried to do.15 The Leys claim to provide native speakers of Occitan with a coherent knowledge of their own language and its potential for correct, eloquent, and elegant expres­ sion.16 Like the Latin treatises, the Occitan Leys refer not only to their own illustrations but also to other works bound separately and studied or consulted in conjunction with the treatises. Chansonniers that fall into this group include those containing prize-winning poems in the Toulouse contests. Four such recueils are known today. A-B (using Zufferey’s sigla) is a collection of Raimon de Cornet’s 6Jeanroy 1949b, p. 18. 7 1981, pp. 67-74. 8 Jeanroy 1949a, pp. 227-30. On this feature of the Latin treatises, see Kelly 1991, pp. 111-12 ; Tilliette 2000, Part Two. 9 Leys, vol. 2, p. 18, and vol. 4, pp. 90-91 ; cf. Lafont 1970, vol. 1, p. 238. 10 Flors, vol. 1, p. 2 ; Leys, vol. 1, p. 10 : « trobadors qu’en son passât. » 11 Gonfroy 1988a, pp. 221-22. The Breviari d'amor includes At de Mons and Giraut Riquier among the “antic trobador” (p. 53, rubric) ; see pp. 21-23. This sense of antic^ corresponds to one of the word’s meanings in medieval Latin ; see Gossmann 1974. 12 Zufferey 1981, p. xii ; see Jeanroy 1940. 13 Zufferey 1981, p. xii. See also Marshall 1969 ; Billy 1994 ; Dagenais 2000, pp. 252-53. 141981, p. xii ; cf. Lafont 1970, vol. 1, pp. 240-41. 15 Their art and aesthetic is a widespread phenomenon in late medieval Europe. See my overview Kelly 1991, pp. 146-79. 16 Kelly 1991, pp. 164-65.

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poems, but also includes a small number of poems ascribed to other poets.17 Both it and C were probably prepared for the Toulouse academy. C was begun in 1458 and added to during the rest of the century.18 It contains three parts, each corresponding to the three flowers, violet, eglantine, and marigold, awarded to the victors in the competitions. These poems are therefore perceived masterpieces of the art. The third chansonnier., D, is found at Barcelona and dates form the third quarter of the fourteenth century. The first part contains poems by Toulouse poets, notably Joan de Castellnou and Raimon de Comet, but also eleven others who received prizes in poetic competitions. The second section contains an appendix to the first part and a fragment of Benoit de Sainte-Maure’s Roman de Trole.19 Seven other manuscripts contain one or two additional pieces.20 Much is certainly lost, as the missing years in manuscript D suggest.21 Contextual environment22 designates the content of specific manuscripts, including not only their “table of contents”, but also how the collection was put together, what changes were made in it through use, and what works it was asso­ ciated with. The notion of contextual environment anticipates recent studies of phe­ nomena like performance, intertextuality, and the recueil!23 The fourteenth-century contextual environment of Occitan poetry includes therefore the following fea­ tures : (1) treatises that provide the art of lyric composition that was standard (ars) for (2) poetic contests at which prizes were awarded for “masterpieces” of the art {usus); these pieces and others from the same milieu were subsequently collected (3) in chansonniers that were preserved together and read with the treatises (exempla). Glossing is a feature of this environment.24 A gloss is a brief commentary on a text. Cornet wrote one on a poem by Bemat de Panassac. Bemat’s vers, En vos lau^ar es, Dona, mos aturs (Z 482, 2),25 appeals for a lady’s mercy while extolling her qualities and assuring her that he, unlike the “lauzengiers” and “prejurs” (v. 29, 36), is ma­ king every effort to be lodged there where she is. That place is a castle, strong and well fortified. One enters by a narrow bridge, dark and of difficult access.26 This may remind some of the conclusion to the Rjiman de la rose. But not Raimon de Cornet, who takes as context for his interpretation the attribute “purs” in Panassac’s

17 Ed.Noulet and Chabaneau 1888 ; see Zufferey 1981, pp. xviii-xxi. 18 Ed. Jeanroy 1914 ; see Zufferey 1981, pp. xxii-xxiii. 19 Zufferey 1981, pp. xxiii-xxix ; see also Jung 1996, pp. 306-07. 20 Zufferey 1981, pp. xxix-xxxiii. 21Joies, pp. 318-19 ; cf. Klingebiel 1997. 22 Genicot 1975, p. 224. 23 Huot 1987 ; Short 1988 ; Gonfroy 1988a, pp. 216-17, and 1988b, p. 132 ; Kelly 1991, pp. 99-100,12223; Busby 2002. 24 Anglade edits the glosses as notes to his edition. 25 Ed.Noulet and Chabaneau 1888, n° XXVIII. See Jeanroy 1949b, pp. 64-65. 26 This is how I render the problematic v. 20 : « Ab estreg pon, qu’es lens e m ot escurs » —that is, by a narrow bridge that is slippery and very dark.

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poem : « El vostte cors umils, franx e suaus / Fay me chantar gayamens, car es purs » (XXVIII, v. 3-4). Only the Virgin could be addressed in this way.27 Car no crezi ges yeu Que d’autra dona fos Del tot sos cors tan bos Ques pogues nomnar purs. (v. 24-27)2829

Indeed, the attribute purs frequently distinguishes her from the lady of the troubadour cansoP The rest of the gloss reads the castle as heaven, of difficult access on a narrow way : a bridge crosses a moat, and from it sinners are hurled into the surrounding ditches where devils work their will on them. Raimon has sought, or uncovered as in an integumentum, a reading of the poem that transposes it into a prayer in an entirely religious and moral register not unlike that in Dante’s Vita nuova. Perusal of the poems crowned by the Toulouse Academy, especially for the first prize of a golden violet, reveals how obvious this conventional register is in the winning pieces. According to Cornet’s gloss, Bernat de Panassac’s poem is an allegory. It sug­ gests how allegory might apply to the reading of other poems in the post-trouba­ dour corpus. Indeed, such religious and moral allegory recalls the Ley/s insistence that no love poem should contain language inappropriate in addressing God or the Virgin Mary. Ni aytan pauc no jutja hom ni dona degunas de las ditas joyas ad home que fa dictât per decebre femna ne per autre peccat, per que cel que fa dictât d’amors que no-s pot applicar a l’amor de Dieu o de la sua mayre, sobre aysso deu esser enterrogatz et am sagramen, segon que sera la persona et als senhors mantenedors sera vist.30312

Raimon’s allegorical reading of Bernat de Panassac’s poem also recalls Jean Molinet’s re-allegorization of the Roman de la rose?1 The Rose is exemplary for the northern French Second Rhetoric. Might not that exemplarity include allegorizations like Molinet’s, itself justified by the example of French versions of the Song of Songs'2 and the Ovide moralisé ? This is the context for Raimon Cornet’s allegorical interpretation ; it is a context that, as the Rose also shows, allows for At de Mons’s

27 The Virgin is a bridge elsewhere : one example is especially apt, in Jeanroy 1940, p. 284 = XII, v. 4647 : « E pons am que de I’infernal sisterna / Nos deliuvrech del rey que l mon govema. » For the Virgin as a castle, see Joies, VI, v. 18; XIV, v. 41 ; and XXI, v. 39-40. 28 Perhaps a reflection of the Leys’s misogyny : « A femna prezen ni absen no jutja hom ni dona deguna de las ditas joyas, si donx no era de gran honestat e dignitat e de tan gran sciensa e subtilitat que per fargar amb autru no pogues esser sospichoza. Mas qui la poyra trobar aytal ? » (ed. Anglade 1919-20, vol. 1,P-18). 29Joies, I, v. 1-2, 59 ; V, v. 40 ; VI, v. 2 ; XTV, v. 9-10 ; XIX, v. 5 ; XXI, v. 9-10 ; XXVI, v. 9 ; LTV, v. 1 ; LVI, v. 27-28 ; LVII, v. 13. Cf. n° I in Jeanroy 1940, in which the poet’s “amor pura” for “Mos Bels Flagels” (v. 41) meets God’s wishes for his “plazer” (v. 39). 30 Ed. Anglade, vol. 2, p. 18. 31 Molinet’s commentary has not been edited. On the Rose as model for the Northern French art of poetry, see Kelly 1991, pp. 160-63. Comet addresses the Virgin (or his lady) as Rosa; see Noulet and Chabaneau 1888, poems II, v. 293 ; TV, v. 84 ; V, v. 74; VI, v. 197 ; XTV, v. 50 ; XV, v. 37 ; etc. 32 See Hunt 1996.

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scientific and moral poems and their significance for reading and writing the consistories’ prize poems. This late troubadour’s surviving verse is largely non-lyric. The Leys d’amors cites At de Mons a number of times. He is referred to there in a variety of contexts to illustrate features of the art this treatise sets out. These contexts —learned, poetic, amorous —suggest the scope of At’s poetry. At de Mons is the only troubadour named so frequently in the Leys.33 He is a troubadour insofar as he wrote in the thirteenth century and, for this reason, figures in Pillet-Carstens.34 Six of his poems are extant35 ; excerpts from others ascribed to him in the Leys that have otherwise disappeared.36 These references tell us what At de Mons taught those learning to write and what standards they were to be judged by. References to At’s poetry occur in all arts of the Leys and are, therefore, illus­ trative of all the major features of Occitan poetry instruction.37 Book One in Anglade’s edition inserts excerpts alluding to faith and the soul (p. 68), translatif) studii (p. 70), eloquence (pp. 84-86), avarice (p. 106-07), slander as opposed to “bona maniera de parlar” (pp. 118-19), and truthfulness as opposed to lying (p. 127). Book Two cites At’s use of novas rimadas commas (p. 118), cobbla replicativa (p. 129), and cobla desgui^ada (p. 131). Finally, in Book Three At illustrates the gender of relative pronouns (pp. 41-42), noun numbers (p. 44), apocopa (pp. 65-66), the evolution of language (p. 109), active and passive voice (p. 128), dialect (p. 163), and word choice (p. 164). These quotes from and allusions to At’s extant and lost writings fall under four heads that the Leys itself elaborates on : religious and moral topics, eloquence, versification, and grammar. Therefore, the Leys uses At’s poetry for both artistic and moral instruction. The treatise’s author « a voulu, tout d’abord, “rassembler et ordonner ce qui était épars”, ensuite élucider “ce que les anciens troubadours avaient tenu caché ou exposé ob­ scurément”, enfin “refréner les appétits deshonnêtes des amants” ».38 In a twelfthcentury commentary on the Aeneid attributed to Bernardus Silvestris, Vergil’s epic is said to be useful in much the same ways : « Si quis vero hec omnia studeat imitari, maximam scribendi peritiam consequitur ; maxima etiam exempla et excogitationes aggrediendi honesta et fugiendi illicita per ea que narrantur habentur. Itaque est lectoris gemina utilitas : una scribendi peritia que habetur ex imitatione, altera vero recte agendi prudentia que capitur exemplorum exhortatione. »39 Bernardus’s own Cosmograpbia served the same purposes, as did other works and poetic treatises of the twelfth and thirteenth centuries, most notably Geoffrey of Vinsauf s Poetria nova.40 For example, Matthew of Vendôme notes after seven descriptions illustrating topical invention that five praise while two vituperate, for « in exprimendo vituperio 33 See Pfeffer 1986. 34 Pillet and Carstens 1968, §309. 35 Ed. Bernhardt 1887. 36 See Bernhardt 1887, pp. xii-xiii; Anglade 1919-20, vol. 2, p. 129 n. 3, and 3, pp. 44 n. 2 and 128 n. 2. 37 At’s editor refers to the earlier Leys in ed. Gatien-Arnoult; Anglade’s edition of the latest version also indicates references. See the index to Version A prepared by Anglade 1925, p. 79 s.v. Nath de Mons ; and Anglade 1919-20, vol. 4, p. 178 s.v. N ’Ath de Mons. 38Jeanroy 1949b, p. 161 (based on first version, vol. 1, pp. 2-12) ; cf. pp. 212-13. 39 Commentary, p. 2. 40 Kelly 1991, pp. 58-59, 61-64 ; Tilliette 2000, pp. 56-59.

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parcior debet esse instmctio doctrinalis, ad quod vergit declivior consensus humane fragilitatis. »4142Tilliette has shown that the illustrations in the Poetria nova illustrate moral or social praise or blame (see above, note 8). The moral and artistic value of exemplary ■writing is still a feature of the art of poetry in the vernacular arts that rely on Latin models. Moral and poetic instruction using illustrative compositions pre­ dominates in the Leys d Amors.A1 Late Occitan poetry is therefore laudatory. It praises God and Our Lady in Heaven, and the lady and the lord here below. The locus of performance is public display.43 This may include both song and public reading.44 Hence, no doubt, the importance the Leys assigns to pronunciation in its latest version.4546 Let us return to At de Mons. His extant poems illustrate maximam scribendi peritiam in Occitan using exettrpla et excogitationes for aggrediendi honesta etjugiendi illicita. Some of this is apparent in the scattered references in the Leys d’amor noted above. At’s poems fit this scheme because they illustrate what was deemed moral instruction and the poetic art promoted by the Leys. Thus, the references above suggest a context of translatio studii outlined by At and evoked in the Occitan treatise. At’s poetry treats religion, morality, and eloquence (especially the “bona maniera de parlar” as opposed to that of the lau%engierfl>) in verse and with good grammar. He occupies therefore a place in the Ley/s promotion of traditional learning: « mays entendem trayre e fondar sobre los digz dels Sans e dels ancias auctors, e sobre las auctoritatz dels savis doctors » (Anglade 1919-20 : 1, 70).47 Poem One in Bernhardt’s edition, A l bon rey de Castela (PC 309,1), is a partimentenso (v. 63, 1240) on why the good suffer misfortune while the evil prosper; its context is predestination versus free will. Cornet refers to it in a cross-reference (Deux manuscrits, n° III, v. 72-81).48 This Boethian debate contains a brief allusion to the analogy between divine creation and artistic invention. Car qui vol obra far, Premier la deu dictar Del tot, ol falh sabers, (v. 1091-93)49

Although this is part of an argument for God’s omniscience and, therefore, for predestination50 - « Segon aiso par vers, / Que tot es destinat» (v. 1094-95) - the view At’s poem finally rejects, the comparison between divine creation and artistic

41 A rs versificatoria, §1 : 59. On troubadour poetry and the arts as epideictic, see Dagenais 2000. 42 Passerat 2000, pp. 461-67. 43 Cf. on Cornet, n° XXVII, Jeanroy 1949b, pp. 36, 46 ; examples of oral performance are offered p. 100, 162 (quote from Gatien-Amoult, ed., vol. 1, pp. 4-6). 44 Gatien-Arnoult, ed., vol. 1, p. 10 ; Anglade, ed., vol. 1, pp. 11-12 ; see Gonfroy 1988b, p, 124 (“la mélodie”) and 132-33 (“le lyrisme sine musicd'). 45 Anglade 1919-20, vol. 1, pp. 115-18. 46 Ibid., pp. 118-19. 47 Cf. Jeanroy 1949a, p. 221. 48 Such references underscore the role o f memory in medieval reception. For example, « Bertrans... Nath de Mons sab tot de cor » (ed. M. Gatien-Amoult, vol. 3, p. 216 ; cf. p. 220). 49 Cf. v. 1723-24 : « Faissos es fazemens / De caique fazedor. » 50 A topic evoked in Noulet and Chabaneau 1888, n° III, v. 72-81.

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invention is commonplace. For example, in Geoffrey of Vinsauf s Poetria nova : « Mentis in arcano cum rem digesserit ordo, / Materiam verbis veniat vestire poesis » (v. 60-61).51 Another notable feature of At’s poem for post-troubadour poetry is the discussion of purity in v. 1171-96. Purity is defined there in relation to proxi­ mity to God. As we have seen, purs is a common attribute of Mary in the poems addressed to her in the Toulouse consisteries. It allows the reader or audience to distinguish her from the conventional idealized lady of the antic£ trobadors. At’s Poem Two, Si tot non es enquist^ (PC 309, V), seems more promising on the art of poetry. In it, a jongleur asks At how he might gain favor with court audiences (v. 24-41). But this jongleur is already a master of his craft : Us joglars cabalos De bona joglaria E de gran maestria, Sabens e entendutz (v. 24-27)52

Therefore, At provides not an art of poetry but a speculum ioculatoris — that is, a disquisition on moral and social conduct appropriate in high courts and the subjects worthy of poetry written for them. In fact, the poem reads more like counsel to the Occitan honnête homme on how to use his esprit definesse in order to evaluate, act on, and speak about praiseworthy and unworthy subjects.53 The rational faculty to do so is sen, which, indeed, At de Mons defines in a way analogous to finesse in Pascal’s term. This learned sense of sen is its epistemological meaning.54 « Sensus communis est le plus souvent la capacité centrale de coordonner les impressions fournies par les organes extérieurs ou les différentes qualités d’un même objet, et de les évaluer par un jugement “synthétique” ... qui transforme les sensations en perceptions. »55 Perception (v. 295-99) by the five senses (v. 258-61) contributes to that sixth sense that evaluates data furnished by the five external senses (v. 300-03).56 Nature, learning, and thought (v. 291-94) come together to understand the world. D ’aquesta veramens Nais genhs e pessamens E razos e mezura, Per que homz fa drechura E enten falhimen ; Est’ es razitz del sen, Quel mal e-1 be balansa. (v. 304-10)

The use of sen is especially important in speaking and, by implication, in poetic invention. 51 In Faral 1924 ; see Kelly 1991, pp. 37-38. 52 Monson 1981, pp. 115-16. 53 Anglade 1928, p. 191 ; Landoni 1989, pp. 151-53. 54 On this meaning, see von Moos 2002. 55 Von Moos 2002, p. 6. 56 Cf. Castellnou’s Glosari, pp. 163-64; cf. Jeanroy 1949b, pp. 46-47 on Gardacors de mal (Noulet and Chabaneau 1888, pp. 109 and 114).

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Sens ditz, c’omz deu gardar Sine cauzas en parlar : Que ni co, oui, loc, temps, (v. 533-35)

These are five of the common places of invention. Matthew of Vendôme gives the more usual seven-part formula : « Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando. »57 They illustrate topical invention in poetry as well as in elegant conversation. At anticipates the Ley/s Book One (Anglade’s edition) by basing worth (valors)58 on, among other things, learning (“sciensa de sen”, v. 1276) that includes faith in God and knowledge of what He would have us know, as well as on cortesÿa, or the ability to please. But corte^ia here does not include love in Poem Two. For At’s views on love we must turn to Poem Five, Si N 'A t de Mons agues (PC 309, V). Although he treats briefly love for a woman’s beauty and elegance, such love is subordinated to love for the same qualities in a man. At rejects sexual attraction : A dona covinen Amaretz de bon grat Per sa bela beutat O per sa captenensa Ses tota entendensa, De s’amistat aver, Solamen, per vezer Tot so que-us es plazens. (v. 595-602)

There is no more on love for women,59 and the poem ends. The poet admires those qualities that, in the Toulouse poets’ repertoire, make the Virgin Mary admirable. It confirms the poet’s epideictic intention.60 More important for At de Mons is that natural love one feels for God and one’s own kin, subjects, and property. This easily accommodates love for the Virgin, a very important kind of love for the Leys and for the Toulouse poets. The religious and moral emphases in these poems deserve réévaluation in the light of recent attention to the qualities of religious poetry, from hagiography to religious lyric.61 There is growing interest in religious and moral subjects in the succeeding versions of the Leys and in the poems awarded prizes in Toulouse in the late fourteenth and the fifteenth centuries.62 In the Leys as in the poetic contests, religious and moral themes predominate. To be sure, encomia addressed to the king and other princes of the realm, especially in Crusading contexts, are common, as is invective63 ; still the traditional glorification of the lady other than the Virgin 57A rs versificatoria, 1:116. See Jeanroy 1949a, pp. 221-22. For the Latin tradition, see Griindel 1963 ; Cizek 1994, pp. 265-70 ; Copeland 1991, pp. 65-86 and chap. 6 ; for the medieval arts of poetry, see Purcell 1996, pp. 16, 89-90 ; and for the priest in confession, Robertson 1946. 58 Cf. Segre 1968, p. 92 ; Monson 1981, p. 79. 59 Unless a passage is preserved in the Breviari d'amor; v. 27874-99 ; see Bernhard 1887, pp. x, xiii-xiv. 60 See also Poem Four, A l bon ry, senhor d’Arago (PC 309, II), v. 88-99. 61 See Hunt 2002, pp. 134-35. 62Jeanroy 1949a, pp. 225-27 ; Passerat 2000, pp. 443-73. 63 At’s poems Three and Four are epideictic, whereas Five is invective.

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recedes, or can be read as directed to the Virgin as much as to a chaste lady. Indeed, amorous entreaty is largely absent if we read such love poetry allegorically, as Cornet reads Bernat’s poem. As we have seen, the beys stipulates that no love poem should be accepted for competition in consistori if what is said about the lady cannot also be said about love for God or the Virgin mother. The fourteenth- and fifteenth-century poets had to show that the love they evoke was morally unim­ peachable. Peire de Lunel, for example, succeeded so well that the senhal for his lady, Mas Bels Cristalhs, in one poem, could be transferred to the Virgin in another.64 Raimon de Cornet addresses tornadas to Rosa, his constant senhal', although often obviously addressed to the Virgin, they can hover ambiguously on the border between the heavenly lady and an honorable woman.65 The love poems in the foies are easily read as songs to the Virgin. Excellens flor, hon jay tota nobleza, Fort son tengut, Dona, de vos lauzar E per tostemps servir ez onorar. En vos, sen plus, l’amor del tot ey meza, Quar hieu conoch que etz la plus honesta Que dengus horns pogues jamay cauzir : Don vos supplie que-us placia de m’auzir, An franc voler, ma benigna requesta.66

The manuscript tells us that this canso by Bernat Nunho, winner of the violet in 1474, is de Nostra Dona. This “indice de modernité”67 hardly projects its lover “lai o s despolha” his lady, “en loc aizit” where she “m fezes dels bratz latz al col”, nor sends him wandering, enraptured, through the snow “nutz en ma chamiza”.68 Or does it ? One canso by Comet, the “enfant terrible” of Toulouse,6970preserves intact a wish fulfillment dream and language not only like that in Bernard de Ventadour, but also in the deflowering episode in the Roman de la rose?0 E pueus Amors, quan me soy adormitz, Porta m’en lay, som cugi, certamen Estar ab lies bras e bras totz vestitz, Per que tostemps volgra viure dormen. Dels mais qu’ieu ay puesc ben esser gueritz, Sol per midons, no per autra viven ; Mas botos es de roza gen gamitz, E quant er grans, donas m’a jauzimen.

(Deux manuscrits, n° VIII,v. 37-44 —Z 558, 6)

64 See Jeanroy 1949b, p. 82 n. 3, on Z 544, la, 2, and 3 a ; Lund's “change of heart” is explained as a religious conversion (p. 85). Cf. Hunt 1996, p. 531. 65 In the Doctrinal, he thanks Mary for completing the treatise (v. 516) before setting out to show it to Rosa (v. 531-35). “ foies, XXVI, 1-8 (= Z 480,1). 67Jeanroy 1949b, p. 137. 68 Bernard de Ventadour, ed. Lazar 1966, n° XIX, v. 43-45, and IV, v. 14. 69 Lafont 1970, vol. 1, p. 230. 70 On its allegorization of the deflowering of the rose, see Dupire 1932, pp. 97-98.

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Did Cornet’s contemporaries read these lines as addressed to the Virgin Mary, as Molinet did for the Rose ? But then there may have been diverse readings, as in the Rose debate itself. Still other Occitan poets, perhaps unfamiliar with the moral demands of Toulouse, seem not to have followed the Consistory’s rules.71 Yet the borderlines can be unclear.72

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j i

Prec vos [= Amors], car etz dreyturiera, Que la costrenhatz par fort Quem do, sim voletz estort, Joy plazen d’amor entiera. (n° XLVII [sic = XLIII], v. 13-16 = Z 543, 1) For Jeanroy, “amor entiera” in this poem by Peire de Ladil refer to sensual love.73 Yet the expression “amor entiera” may connote ‘un amour intègre, sans défauts’ and therefore be perfectly respectable when addressed to the Virgin.74 Like Molinet’s reading of the Roman de la rose, allegory75 can project loca amoena easily identi­ fiable with various, contextually distinct Paradises, from Dante’s for Beatrice to Genius’s in the Rose. Such ambiguities play on allegory’s literal meaning as distin­ guished from its second or even third, necessarily other meaning or meanings. Such “baroques raffinements”76 suggest a new poetics, different from that of the antics^ trobadors while anticipating in some ways Baroque poets who emerge in the late Renaissance. Whether this is so or not will depend on open-minded attention to late Occitan lyric.

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71 Olivella Madrid 1998. 72 Huchet 1990 ; cf. Jeanroy 1949b, pp. 70-71. 73 1949b, p. 70. 74 Cf. the “pretz entier” of a knight in Cornet’s poem III, ed. Noulet and Chabaneau 1888, v. 61 ; and Paterson 1975, pp. 58-59. 75 Allegory in the Leys is bom from the wedding of Allebolus, a fault, with Na Tropus (ed. GatienAmoult, vol. 3, pp. 194-98, 246-84). See Jeanroy 1949a, p. 208. 76Jeanroy 1949a, p. 171.

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Sur l’utilisation de la “matière occitane” dans la littérature contemporaine : Paul Lôwinger, Das Ued des Troubadours (2000) Georg Kremnitz

Poux Peter Ricketts, en souvenir de plus de vingt années de travail en commun au sein de YAssociation Intemaionale d’Etudes Occitanes

Introduction Depuis longtemps, la civilisation des trobadors sert de sujet à la création littéraire. Il suffit de penser par exemple à Fabre d’Olivet et son Avalais et le gentil Aimar (1799),1 un des premiers exemples du “genre troubadour” en France, sinon le premier, ou aux écrivains romantiques de langue allemande qui ont également aimé utiliser cette source. En parcourant ces ouvrages, on fait parfois des découvertes intéressantes ; ainsi Fabre d’Olivet parle dans 1’“Avertissement” de son roman, dès 1799, d’Occitanie, etc. C’est sans doute le deuxième emploi de ce terme à l’époque moderne après celui de Florian qui l’avait retrouvé dès 1787. Il me semble que cet usage littéraire des sujets occitans ait récemment repris, mais qu’en même temps le lecteur y rencontre certaines innovations : Angelica Rieger a été la première à s’en apercevoir. Lors du congrès de Toulouse en 1996, elle a présenté un roman écrit en allemand Die Kinder des Graal, de Peter Berling qui se déroule à l’époque de la chute de Montségur.2 Dans son article, elle tente de relier ce texte à la tradition littéraire allemande et de montrer les sources auxquelles Berling a pu puiser. C’est un roman d’aventures, un peu dans le genre du fantastique médiéval, qu’Angelica Rieger place jusqu’à un certain degré dans la succession d’Umberto Eco ; il me semble qu’on peut également soupçonner quelque parenté avec les “brumes d’Avalon”, etc. Il faut dire qu’elle ne semble pas particulièrement apprécier le livre. Il me semble intéressant de constater que ce livre n’est pas le seul à mettre en œuvre cette “matière”, pour reprendre un terme bien médiéval. Il y a, dans les 1 Je remercie Peter Ricketts de m’avoir jadis facilité l’accès à l’exemplaire de ce texte qui se trouve à Londres au British Muséum. 2 Berling 1991, repris en livre de poche en 1994. B existe une traduction en français : Les enfants du Graal, Paris : J.-C. Lattès, 1996.

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dernières dix années, d’autres succès de librairie qui l’utilisent. Sans faire une enquête méthodique et approfondie, j’ai pu enregistrer l’existence, en l’espace de quelques mois seulement, des titres suivants, dans lesquels l’action se déroule, au moins en partie, dans les Pays d’Oc : Hanny Alders, Marcabru (1992),3 biographie romancée du poète qui donne peut-être un peu trop dans le genre roman d’aven­ tures pour rester vraisemblable, et James Cowan, A Troubadour’s Testament (1998)4 qui relate la quête d’un prétendu testament de Marcabru à notre époque et essaye de familiariser le lecteur de cette façon avec les conceptions des trobadors ; à mon avis, le résultat de cette tentative ambitieuse n’est pas tout à fait convaincant. En 2000 a paru le livre de Paul Lôwinger, Das Ued des Troubadours (La chanson du trobadoi).5 Il vient de sortir tout récemment en édition de poche. Dans le roman de Frederik Berger (pseudonyme), Die Trovençalin (1999), c’est la période de la renaissance occitane du XVIe siècle qui sert de sujet. Le personnage principal en est - malgré le titre —Jean [de] Maynier, Baron d’Oppède (1495-1558) ; ce protagoniste historique fut premier président du Parlement d’Aix, persécuteur des Vaudois, et simultané­ ment le premier traducteur en français des Triomphes de Pétrarque (en 1538). L’auteur s’est visiblement très bien documenté, beaucoup de détails historiques sont repérables dans les sources et le roman est un exemple respectable du genre “roman historique”. Dans ce contexte, le silence presque total sur les langues surprend d’autant plus que le rôle littéraire du Baron d’Oppède n’était pas négligeable.6 La période contemporaine est traitée dans le roman de Gustaf Sobin, The Fly-Truffler (1999),7 une histoire d’amour entre un professeur et une étudiante qui se termine par la mort prématurée de celle-ci. Tant qu’elle est en vie, ils font des enquêtes dialectologiques et l’occitan est au centre du roman. Pour mémoire je voudrais également rappeler les différents livres de Peter Mayle qui oscillent entre les éléments d’auto-biographie (humoristique) et la fiction pure et simple, se déroulent en Provence et où l’occitan joue souvent un rôle appréciable.8 Ceux de ces livres qui ont été traduits en français, ont parfois rencontré un certain écho dans des publica­ tions occitanes. Je suis convaincu qu’il y en a d’autres, mais mon intention n’est 3 II existe une traduction allemande, sans indication du traducteur : Der Troubadour, München : F. A. Herbig, 1993 et une édition de poche : Bergisch Gladbach : Bastei Lübbe, 2001. 4 II existe une traduction allemande par K. Thies, Das Testament des Troubadours, München : Goldmann, 1999, également en édition de poche. Ce livre existe également en français. 5 L’édition de poche a paru également à Frankfurt (Fischer Taschenbuch-Verlag, 2001). Il n’y a pas encore de traduction, ni en français, ni en anglais. 6 Lafont 1970, p. 113, dit sur lui : « [...] ce serviteur de la politique française est un écrivain. Il écrit donc en français. Il est le premier Provençal par la date à publier un volume en français qui soit une oeuvre proprement littéraire. » Le roman de F. Berger connaît d’ailleurs une sorte de précurseur, même s’il a été publié plus tard : le même auteur a écrit un autre roman, Die Geliebte des Papstes (La maîtresse du Pape), qui relate l’histoire des Papes romains entre Innocent VIII (1484-92) et Paul IV (1555-59). Les personnages principaux en sont Paul III (1534-49), Alessandro Famese et son amante Silvia Ruffini. Je mentionne cet ouvrage parce qu’une partie des personnages historiques présents dans l’autre inter­ viennent déjà ici, beaucoup plus jeunes, bien sûr. Ce roman me semble également bien documenté, mais néglige —avec de meilleurs arguments, c’est vrai - la question des langues. 7 Une traduction allemande, faite par Malte Friedrich, existe également : Der Trüffelsucber,\ Berlin : BerlinVerlag, 2000. Il y a en plus une édition de poche. 8 Je ne mentionne que Mayle 1989, dont existent des traductions en français et en allemand. D ’autres titres de cet auteur ont également eu un succès de librairie considérable.

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pour le moment pas d’en fournir une liste exhaustive. Ces livres sont d’ailleurs de qualités fort diverses, allant de la simple littérature de consommation à un niveau littéraire respectable. Ce qui m’importe ici, c’est qu’ils prennent pour un de leurs sujets la langue et civilisation occitanes, au moins de façon latérale, et bien sûr avec de fortes différences dans le détail, que ce soit sur le plan de l’information ou sur celui de l’estime qu’ils portent (presque toujours) à cette culture. Ils ne sont pas Occitans, mais ils utilisent cette matière et montrent ainsi qu’elle est toujours un sujet de préoccupation intellectuelle, mais également morale. Je ne voudrais ni ne pourrais traiter dans ce qui suit tous ces textes. C’est pour­ quoi je me limiterai au dernier-né d’entre eux. Pour moi, il a plusieurs avantages : il a été publié initialement en allemand - son auteur est Viennois - et je trouve qu’il possède des qualités considérables : c’est un roman d’aventures, divertissant, qui véhicule des éléments substantiels d’information culturelle.

Le roman de Paul Löwinger Das Lied des Troubadours est, sur un fonds historique, une longue quête amou­ reuse (635 pages plus trois pages de glossaire et une carte) qui se déroule en trois grandes parties, entre mars 1201 et juillet 1211, donc pendant une période cruciale et catastrophique de l’histoire médiévale occitane. Nous faisons d’abord la connais­ sance de Brian de Martial,9 le trobador, lors d’une fête que donne le vicomte de Rodez en mars 1201. C’est un homme valeureux et aimable d’environ trente ans. Peu de temps après, il rencontre, sans doute à Rodez également, Gaelle de Vidars, une jeune femme, fille d’un grand commerçant de Béziers, qui a perdu son père, alors qu’elle dirigeait son comptoir à Londres. Elle est de dix ans la cadette de Brian. On ne sait comment elle est parvenue jusque là, mais elle cherche à présent quelqu’un pour lui servir d’accompagnateur jusqu’à Béziers. Brian accepte et ils se mettent en route. Ce voyage vers Béziers constitue la première partie du livre ; elle s’appelle “Die Gärten des Lichts” (Les jardins de lumière). On imagine aisément qu’il ne se déroule pas sans aventures, d’autant que les deux protagonistes se trouvent impliqués dans les luttes entre Peire de Gedevan et Guillem de Parzié, deux nobles (non attestés historiquement) et leurs familles, dont les terres et surtout les forteresses doivent se situer (j’essaye de reconstruire) à la limite du Rouergue et de l’Albigeois. Cette lutte compliquée et meurtrière se déroulera tout au long du roman. L’issue finale en sera d’une ironie amère : quand Peire de Gedevan aura vaincu tous ses adversaires, y compris son propre fils et sa brue, la fille de Guillem de Parzié, et mis la main sur l’ensemble de leurs terres, il succombera, en mai 1211, à une crise d’apoplexie, et Simon de Montfort, entre temps investi des terres de Toulouse, donnera l’ensemble des propriétés à deux nobles français de son entou­ rage. Le voyage à Béziers mettra Brian et Gaelle entre autres en contact avec des croyants cathares, dont une Parfaite, Fays, qui jouera un certain rôle le long du livre. Elle dira d’ailleurs à Gaelle que son voyage (vers Béziers) sera long (p. 93). De plus,5 5 Ce nom (que le troubador n’a pris que tardivement) renvoie bien sûr au monastère de Saint-Martial.

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Brain de Martial revoit son passé, sa participation à la dernière croisade en Outremer (ce mot français joue un grand rôle dans le texte ; il est toujours employé sans article, donc plus ou moins comme un nom propre), c’est-à-dire en Terre Sainte. Il y est allé parce qu’il avait rompu une promesse de mariage, et c’est à cette occasion qu’il a été puni et a abandonné son nom initial de Brans de Sisley. Depuis, il est une sorte de voyageur errant qui traverse les terres à la recherche de son idéal, l’idéal troubadouresque. Au Proche Orient, il avait rencontré son père qu’il ne connaissait pas et qui était au service d’un prince arabe, mais il apprit trop tard le lien qui les unissait. Des rencontres successives avec les nobles occitans permettent à l’auteur de présenter la situation historique dans laquelle le voyage vers Béziers se déroule : Richard Cœur de Lion est mort peu avant, mais sa mère Aliénor d’Aquitaine (dans le roman, elle est appelée Eleonore) est encore en vie. Brian est en relations étroites avec les deux. Les contradictions entre le roi d’Angleterre et celui de France s’accentuent, l’Empire est en crise après la mort subite d’Henri VI (en 1198). Le roi d’Aragon, Pedro II (c’est ainsi que l’appelle l’auteur, l’histoire catalane le connaît surtout comme Pere el Catdlic), joue un rôle de plus en plus important. En même temps, le nouveau Pape Innocent III — à propos duquel Walther von der Vogelweide a chanté que le Pape était trop jeune - veut stabiliser son autorité et celle de l’église romaine sur les terres d’oc, où les Cathares ont de plus en plus de succès. Les petites contradictions, celles qui s’embrasent autour des possessions des Gedevan et Parzié, s’insèrent ainsi dans les grands antagonismes entre les pouvoirs européens de l’époque. Un de ces pouvoirs, et non des moindres, est celui du Comte de Toulouse, Ramon VT, qui n’a pas très bonne presse dans le roman. Selon l’auteur, il est trop hésitant, ne voit pas suffisamment les enjeux politiques et par conséquent perd les occasions de se libérer des menaces qui pèsent sur lui. Les différents chapitres sont parsemés de notes du diarium d’un moine espagnol nommé Guzman et qui n’est autre que saint Dominique. Il veut faire revenir les hérétiques au catholicisme, sans violence et par la seule force de la conviction. Finalement, Brian et Gaelle, qui sont devenus amoureux, arrivent après de nom­ breuses aventures en août 1201 à Béziers. Entre temps, Brian a reçu un message d’Aliénor d’Aquitaine qui l’envoie à Venise pour une misson qui n’est pas très claire. Quand il explique à Gaelle qu’il se voit obligé, par adhésion aux valeurs troubadouresques, d’obéir à cet ordre et de faire ce voyage, elle lui ferme sa porte - après avoir eu une fausse couche dont Brian ignore tout —et retourne vers son promis de jeunesse, Bernatz de Couerlas, qu’elle épouse. Seul, Brian se met en route pour Venise et décide en même temps de participer à la Croisade en Orient qui se prépare. Cette deuxième partie du roman s’intitule “Der Kreuzzug des Geldes” (La croisade de l’argent, 257-411) et se déroule entre l’été 1201 et l’été 1205. Brian, qui est en compagnie de plusieurs amis que le lecteur connaît dès la première partie, sauve une énigmatique jeune fille du nom de Saissa des mains de la justice populaire ; elle l’accompagnera jusqu’à Constantinople. Elle a vécu une jeunesse sauvage, surtout en compagnie des animaux de la forêt qui lui ont appris à vivre ; elle voit ainsi beaucoup de choses que le commun des mortels n’aperçoit pas. Ainsi elle dit qu’elle quittera Brian le jour où l’obscurité qui l’obsède aura disparu. À Venise, Brian rencontre à nouveau son père, Courtrain d’Erbil, qui lui apprend que

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la Croisade sera déviée par le doge vénitien, Enrico Dandolo (env. 1107-1205), vers Constantinople et qu’il faut à tout prix éviter que Venise s’empare de l’Empire byzantin parce que cela constituerait une grave menace pour l’Occitanie. Avec ses amis, il sauve la vie à un croisé attaqué dans la rue qui n’est autre que Simon de Montfort. Il se met à apprendre le grec, langue que presque personne ne possède dans l’Europe médiévale.10 Quand il tombe malade, Saissa le soigne. L’on sait que la quatrième croisade échoua effectivement à Constantinople et qu’après de longues péripéties, elle mit une fin provisoire à l’Empire byzantin qui sera remplacé par l’éphémère Empire latin. Les amis vivent cette période dans la capitale dont ils admirent le faste, mais leurs efforts pour éviter la catastrophe seront vains. Plusieurs de ses amis seront même victimes des luttes. En même temps, Gaelle de Vidars perd son mari au cours d’un accident de tournoi. Quand Saissa lui fait parvenir un message, elle se met en route pour Constantinople où elle arrive en été 1205 pour retrouver Brian. Ils rentrent en Occident. Mais ils ont compris que cette croisade déviée a redistribué les cartes sur l’échiquier politique de l’Europe : le Pape, dégoûté par cette défaite aura besoin d’un succès, le pouvoir de Venise s’est considérable­ ment accru et la mort d’Aliénor d’Aquitaine, en 1204, a également pesé. « Outremer a été une erreur », constatera Brian (p. 405). Entre temps, le ciel s’est obscurci sur le Comté de Toulouse. Les menaces militaires et ecclésiastiques se précisent. La troisième partie, “Das vollkommene Lied” (La chanson parfaite, 413-635) met d’abord Brian et Gaelle en scène qui, envoyés par le vicomte de Béziers, parcourent ses terres pour s’enquérir des désirs de la population. Ils se rendent compte que le catharisme a de plus en plus de succès et que catholiques et cathares coexistent paisiblement. Pour eux, cela est en même temps une sorte de voyage de noces. Au village de Fonrès, où ils s’arrêtent, Brian dit à Graelle qu’il vient de découvrit un secret important, à savoir que celui qui aime une personne aime le monde entier (p. 420). Mais ils apprennent aussi que des pouvoirs cupides ourdissent des tensions qui pourraient dégénérer. Il y a l’abbé de Cîteaux, qui est en même temps légat du Pape, Amaud-Amaury ; il y a le nouvel archevêque de Toulouse, Foulques, qui avait été auparavant le trobador Folquet de Marseille, et il y a d’autres personnes plus obscures (dont Peire de Gedevan) qui voient leur intérêt du côté de l’Eglise catholique et d’un éventuel changement des données politiques. Le Comte de Toulouse ne semble guère voir ces menaces et, de toute façon, il hésite. Lors du voyage, en février 1207, Gaelle et son amie Aude, l’héritière de Parzié, sont enlevées et ne seront libérées qu’avec l’aide de Courtrain d’Erbil et d’autres amis. Courtrain prie Brian et Gaelle d’aller à Toulouse en tant que messagers du Roi d’Aragon. Ramon VI, excommunié entre temps, les envoie à son tour chez Philippe Auguste, le Roi de France qui leur dit sous quelles conditions Ramon pourra s’en sortir. Mais le Comte de Toulouse ne fait rien. Ils le voient à Saint-Gilles, il réfléchit. Ils assistent à la dernière rencontre entre Ramon VI et le légat Pierre de Castelnau qui sera assassiné le 14 janvier 1208 au moment où il veut 10 L’auteur fait dire à un de ses personnages, qui servira de professeur de grec à Brian, qu’il n’y a pas cent personnes en Europe occidentale qui parlent et écrivent cette langue (p. 280). Cette remarque est bien fondée pour l’époque, et il convient peut-être d’ajouter qu’une bonne partie de ce petit nombre sont des immigrés de l’est

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traverser le Rhône. Dans le roman, l’organisateur de l’assassinat est Peire de Gedevan, qui avait également la responsabilité de l’enlèvement de Gaelle et Aude. Dans le livre, il agit de connivence avec Arnaud-Amaury et d’autres adversaires du comte de Toulouse et des cathares. Quand l’armée des croisées s’approche de Béziers, Brian oblige Gaelle à se sauver dans l’arrière-pays, où il survit, seul, au massacre du 22 juillet 1209, parce que Simon de Montfort qui lui doit la vie depuis Venise, le sauve. Il assiste avec Montfort au siège de Carcassonne et sauve à son tour la vie à Simon de Montfort, avant de se mettre à la recherche de Gaelle qui ne se trouve pas au lieu convenu. Il rejoint ses amis qui sont maintenant des faidits, y trouve Gaelle. En même temps se déroule un nouvel épisode des luttes pour la possession de Gedevan et Parzié qui s’achève par la victoire de Peire de Gedevan. Brian se trouve parmi les défenseurs de Lavaur qui sera pris par les croisés en mai 1211 et dont le siège se termine par un immense bûcher où périssent des cathares impénitents. Ses derniers amis et son père y meurent en défendant la ville. Montfort lui sauve, une dernière fois, la vie, et il part, une dernière fois, à la recherche de Gaelle qu’il finit par trouver à Agde, quelques semaines plus tard. Quand il la trouve, il lui dit : « meine Wahrheit ist das Dennoch » (ma vérité est un quand même). L’espoir d’un empire de la liberté et des valeurs troubadouresques s’est fané, la conséquence de fait en est sans doute que Brian et Gaelle vont se retirer dans la vie privée ...

L’auteur M. Paul Lôwinger est né en 1949,11 issu d’une famille d’acteurs et de directeurs de théâtre qui dirige depuis des générations un théâtre populaire à Vienne, la Lôwinger-Bühne. Son père était un acteur très connu, qui a eu beaucoup de succès, entre autres à la télévision autrichienne. Sa sœur, Sissy Lôwinger, a suivi la même voie, tandis que lui, après avoir été élève du Lycée Français à Vienne (de là sa connais­ sance parfaite du français), s’est plutôt tourné vers la dramaturgie et a travaillé dans ce domaine tant pour le théâtre que pour le cinéma. Co-directeur du théâtre familial depuis 1971, il est également monté sur scène. Sa tâche principale était cependant celle de metteur en scène. Il a lui-même écrit un nombre considérable de pièces et préparé d’autres pour la mise en scène, travaillant pour l’entreprise familiale comme pour la télévision, en Autriche comme en Allemagne. Depuis les années 90, il s’est tourné de plus en plus vers l’écriture littéraire. Das Ued des Troubadours est son premier roman. Le sujet en est une sorte de compromis entre lui - qui voulait d’abord écrire un roman que se serait déroulé sous la Révolution française - et son éditeur - qui lui recommandait le Moyen Age.

11 J’ai pu rencontrer M. Lôwinger le 15 février 2002 à Vienne, et nous avons eu un long échange des points de vue. Les remarques qui suivent se nourrissent de cet entretien ainsi que de la présentation de l’auteur dans le roman et des indications du Who is Who in Österreich, Zug : Who is who, 12e éd., 1995.

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Quelques remarques À présent, je voudrais faire quelques remarques historiques et sociologiques. Par contre, n’étant pas pas critique littéraire, je ne m’aventurerais pas dans une appré­ ciation littéraire du roman. Nous savons bien que les livres plaisent ou ne plaisent pas, et cela souvent en dépit de critères purement esthétiques. En général, j’ai bien aimé ce roman qui donne une impression vivante de l’époque ; il me semble qu’il en donne une vision possible et assez réaliste. Naturellement, un auteur étant toujours victime d’anachronismes, il prête parfois à ses personnages des pensées contem­ poraines, mais le lecteur a tout de même l’impression de se trouver dans un autre temps. Les expériences théâtrales et télévisuelles de l’auteur se retrouvent dans le roman : de courtes scènes, la plupart du temps, les unes à côté des autres, sans textes de transition, comme sur les tréteaux. Les titres des différents chapitres se limitent à des indications de lieux et de temps, comme des indications scéniques pour le théâtre. Parfois les ruptures sont visibles.12 Ce roman peint une vaste fresque de la civilisation occitane médiévale, au même moment où elle commence à péricliter. Il montre les valeurs essentielles de la civili­ sation troubadouresque, il discute et explique les différents termes, qui lui donnent ses contours. La même remarque vaut pour le catharisme. D’ailleurs, l’auteur s’est très soigneusement documenté13 et cela se note à beaucoup de détails. Parfois, on a presque l’impression qu’il s’amuse un peu des futurs critiques, quand par exemple il décrit un assag avec tous les détails que Nelli énumère.14 Cette sûreté de l’informa­ tion est perceptible à plusieurs reprises ; d’autre part, un roman n’est guère le lieu où un auteur peut mettre en scène des discussions savantes, il a donc évité de longs développements fatigants sur tel ou tel sujet. Les aventures de Brian de Martial sont doubles : ce sont les aventures historiques de son temps, mais ce sont en même temps des aventures spirituelles : il cherche le chemin pour arriver “chez lui”, si je peux m’exprimer ainsi. Lui-même dit à plusieurs reprises qu’il cherche le chemin de la perfection (qui n’est pas, bien sûr, la perfection cathare ; l’identité des termes peut néanmoins surprendre). L’évolution personnelle se fait avec les événements histo­ riques en arrière-plan ; or, comme ceux-ci ne sont guère encourageants pour ceux qui défendent l’idéal troubadouresque, l’histoire, après la destruction des “jardins de la lumière” (c’est non seulement le titre de la première partie du roman, c’est également le nom que Gaelle donne aux Pays d’Oc en face du roi Philippe Auguste, pp. 500/501) ne peut se terminer que par le renoncement et par le retour des protagonistes dans l’oubli. Malgré la défaite d’un idéal social, Brian peut retourner, 12 Cela s’explique en partie par le fait que le manuscrit initial a subi diverses coupures, à la demande de la maison d’édition. L’auteur pense cependant qu’elles n’ont pas nui à l’ensemble qui au départ était trop long. 13 Lors de notre rencontre, M. Lowinger a eu l’amabilité de me donner une liste des principales sources qu’il a consultées ; elle est impressionnante (plus de 40 titres) et contient les noms les plus importants de la recherche en ce domaine. Qu’il soit encore remercié de cette amabilité et de la patience avec laquelle il a répondu à mes nombreuses questions. 14 Nelli 1963, pp. 144-46 (surtout chap. IV.6.2).

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non chez lui —car il n’a pas eu de “chez soi” tout le long du roman —mais chez Gaelle qui accepte, encore une fois, de l’accueillir, bien qu’il ait tardé bien plus de temps que prévu. Plusieurs fois dans le livre, elle cherche à détourner Brian de ses missions périlleuses mais elle n’y parvient pas. Est-ce par sentiment de culpabilité, dû à cet abandon d’une jeune femme dont le souvenir le hante? Ou obéit-il à une conviction profonde qui le fait chercher une société plus juste et plus tolérante? Les relations avec son père permettraient également cette interprétation. D’autre part, il faut naturellement se poser la question de savoir si l’auteur n’a pas été influencé par une interprétation un peu idéalisante du Moyen Age occitan, telle qu’elle a été mise sur le devant de la scène par la réception du passé occitan après 1968. Si une pensée spirituelle et pacifique a existé, qui se trouve dans un grand nombre de textes troubadouresques, il y a également une pensée beaucoup plus agressive, comme elle apparaît par exemple dans les textes d’un Bertran de Born. D’ailleurs, cette nuance se retrouve dans le roman : Brian et ses amis ne sont pas agressifs, mais ils savent bien se défendre, si nécessaire, et ils interviennent pour défendre d’autres personnes agressées. Dans un certain sens, du côté catholique, Guzman, le futur saint Dominique, correspond à Brian : il cherche semblablement une sorte de perfection dans la paix, mais, à la différence de Brian, dans la foi catholique. Comme Brian, il échoue dans cette tentative ; du moins a-t-il ce sentiment au moment où la Croisade éclate. Son succès, qui n’est plus conté dans ce roman, sera celui de son ordre, mais son ordre, chargé de l’inquisition, s’il réussit à recatholiciser le pays, le fait par des moyens totalement contraires à ceux par lesquels Dominique escomptait arriver à ses fins. Cette victoire qui passe par l’institutionnalisation et l’abandon des idées initiales, se paye également cher. Ce qui peut surprendre un peu, c’est le rôle relativement passif de Gaelle de Vidars dans le roman. Elle est bien décrite comme une femme active qui dirige ses affaires commerciales, qui entreprend des voyages, mais dans le roman elle ne prend que rarement l’initiative. Elle ne le fait que deux fois : d’abord, à Béziers, elle ferme sa porte à Brian après sa fausse-couche ; bien plus tard, elle va à Constantinople pour le retrouver, mais, à ce moment-là, c’est Saissa qui lui fait parvenir un message pour la décider à se mettre en chemin. Dans un certain sens, elle est le contraire de Saissa qui, avec son savoir intuitif, fait toujours ce que l’instant exige et n’hésite pas à agir quand il le faut. L’auteur a étroitement relié, par l’action du roman, la quatrième Croisade, celle qui échoue à Constantinople, et la Croisade contre les Albigeois. Je pense que cela est un des points forts du livre, car hormis quelques historiens spécialistes (et encore), ce n’est que très rarement que cette relation a été mise en relief. Pourtant, cet antécédent explique beaucoup de choses : pour Innocent III, la quatrième Croisade se termine en double défaite, spirituelle et militaire. Il ne pouvait ni souhaiter un tel renforcement des positions de Venise, ni accepter l’ombre jetée sur l’idée des croisades par cette déviation cynique de celle qu’il venait de proclamer. Il lui fallait faire oublier ces pertes de prestige et de pouvoir et trouver un ennemi qui soit indubitablement dans ses torts (religieux). Par conséquent, le comportement indécis de Ramon VI et l’assassinat de Peire de Castelnau (qui ne pouvait intéresser que le Pape et surtout ceux de ses partisans qui misaient depuis longtemps sur une

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opération militaire ; la scène proposée par le roman a donc beaucoup de vraisem­ blance à son actif) étaient pour le Pape des occasions rêvées pour redorer son blason. Il ne lui fallait plus de prétexte, il avait tous les motifs pour agir. Il se peut bien que M. Lô-winger ait montré, par ce lien étroit qu’il noue entre les deux croisades, une perspective tout à fait intéressante et jusqu’à présent guère avancée pour une interprétation de l’histoire de la fin de la civilisation des trobadors. Le texte ne contient guère d’erreurs véritables. On est parfois un peu surpris du mélange des noms occitans et des noms français des personnes. On ne s’explique pas bien, comment Brian et Gaelle, partant du Rouergue pour arriver à Béziers, ont pu remonter jusqu’à Nevers (p. 32). Mais ce sont des détails insignifiants. Le pro­ blème le plus grand s’est posé à l’auteur pour donner un nom aux pays des trobadors. Il parle d’Occitanie, le plus souvent d’ailleurs sous cette forme française, même dans le texte allemand. Rarement, il emploie le terme allemand Occitanien (par exemple lors de la première évocation, p. 21, mais il garde toujours cette graphie francisante). Or, on sait que vers 1200 cette dénomination n’existait pas encore. Elle fait son apparition à la fin du XIIIe siècle, peu après le rattachement du Comté de Toulouse aux terres du Roi (1271), et elle provient de la chancellerie royale (ce qui a provoqué ou plutôt renforcé une certaine opposition contre son emploi de la part de certains représentants de la renaissance occitane, surtout d’origine provençale), qui s’efforce surtout de trouver une dénomination claire et univoque. Robert Lafont a jadis écrit à ce sujet : Le coup de génie des Capétiens fut d’inventer un mot qui pouvait englober tous ces pays, si divers, sous une dénomination incontestable, qui ménageât toutes les reven­ dications à venir, et en finit une bonne fois avec le maquis des désignations féodales. L’invention prend place dans les dernières années du XIII'. On substitue alors au terme de Provence, vague et qui [r]envoyait éternellement aux contestations (celles surtout avec l’Empire, qu’il s’agissait d’abolir) le terme de Langue d’Oc ou d’Occitanie.15 Les premières attestations se trouvent, en latin comme en occitan, à partir de 1290 environ. Vers 1303, Dante dans son travail De vulgari eloquentia, reprendra le terme de lingua d’oc et montre ainsi qu’il a déjà franchi les Alpes. Le terme d’Occitania renvoie en même temps à Aquitania, comme l’ont remarqué bien des observateurs.16 Vers 1200, il ne semble pas y avoir de dénomination qui regroupe les pays de langue d’oc. On emploie bien des dénominations pour la langue, Ramon Vidal parle de kmosi dans ses Ratios de trobar, le terme de proensal se trouve entre autres dans la Cançon de la Crosada, et de là, on trouve des emplois qui désignent les personnes ou les terres. Mais elles ne sont jamais claires et encore moins univoques. Il ne faut pas perdre de vue non plus, que la Croisade contre les cathares n’a touché qu’une partie des terres d’oc, que d’autres furent complètement épargnées,17 et que cette croisade a souvent pris les aspects d’une guerre civile pour ne pas dire d’une lutte de 15 Lafont 1964, pp. 11-12 (ces phrases ne se pas reprises dans la version publiée en 1970). 16 Cf. par exemple Lafont 1970, p. 13. 17 C’est pourquoi la Croisade ne peut servir de point de référence historique que pour une partie (il est vrai importante) de l’espace historique occitan.

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classes.18 L’anachronisme apparent du roman renvoie donc à un problème important : il n’y avait pas de dénomination unique pour exprimer l’ensemble des pays d’oc, parce que d’une part, le droit féodal n’organisait pas le pouvoir selon des critères culturels ou linguistiques, d’autre part, la conscience d’appartenir à un ensemble était peut-être développée chez quelques-uns de ceux qui l’avaient vécu par leurs déplacements, c’est-à-dire des trobadors, peut-être aussi chez quelques-uns de ceux qui pensaient (ré) organiser le pouvoir, spirituel comme séculaire, selon des critères dits plus rationnels, mais ce n’était certainement pas un sentiment de communauté chez la grande masse des personnes concernées. De cette manière, le problème de l’écriture d’aujourd’hui traduit le problème politique de l’époque. Ce roman, qui adopte beaucoup de points de vue de la recherche occitane engagée dans les trente dernières années, —outre le plaisir qu’on éprouve à le lire et qui est considérable —contribue à une meilleure compréhension du passé occitan et à une explication facilement saisissable des phénomènes troubadouresques et cathares. Je pense que son auteur mérite toute notre reconnaissance.

Bibliographie Berger, F. 1999. Die Provençal™. Berlin : Aufbau Taschenbuch-Verlag. — 2001. Die Geliebte des Papstes. Berlin : Aufbau Taschenbuch-Verlag. Berling, P. 1991. Die Kinder des Graal Belgisch Gladbach : Bastei : Lübbe. Cowan, J. 1998. A Troubadours Testament. Boston : Shambhala Publ. Fabre d’Olivet, A. [1799]. Acçalaïs et le GentilAimar. Histoire provençale, traduite d’un ancien manuscrit provençal. Paris : Maradan, an VII, 3. Hanny, A. 1992. Marcabru. Schoorl : Uitgeverij Conserve. Lafont, R. 1964. Ta conscience linguistique des écrivains occitans ; la renaissance du seizième siècle, thèse secondaire non publiée. Montpellier. — 1970. Pjmaissance du Sud. Essai sur la littérature occitane au temps d’Henri IV. Paris : Gallimard. Löwinger, P. 2000. Das Lied des Troubadours. Roman. Frankfurt/Main : W. Krüger. Mayle, P. 1989. A Yearin Provence. New York : Knopf. Nelli, R. 1963. L'érotique des Troubadours. Contribution éthno-sociologique à l’études des origines sociales du sentiment et de l’idée d’amour. Toulouse : Privat. Rieger, A. 1998. « Le vertige cathare au XXe siècle : Peter Berling et Les 'Enfants du Graal (1991) », dans Toulouse à la croisée des cultures. Actes du Ve Congrès international de l’AIEO (Toulouse, 19-24 août 1996), éd. J. Goure et F. Pic, Pau : AIEO, pp. 455-70. Rüdiger, J. 2001. Aristokraten und Poeten. Die Grammatik einer Mentalität im tolosanischen Hochmittelalter. Berlin : Akademie-Verlag. Sobin, G. 1999. The Fly-Truffler, London : Bloomsbury.

18 Cet aspect ressort très clairement de la thèse récemment publiée de Rüdiger 2001.

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Chiaro Davanzati traducteur de Perdigon et Rigaut : Trop ai estât, Airessi con l’orifan%et Troppo aggiofatto Aldo Menichetti

! ! ; .

Il est bien connu que, dans toute littérature et à n’importe quelle époque, la présence de “volgarizzamenti” et traductions d’art1 constitue toujours un fait signifi­ catif, capable de fournir d’importantes indications à l’historien de la culture et de la littérature ; dans une optique plus rapprochée, la comparaison entre texte-modèle et dérivé ne manque jamais de livrer quelques renseignements utiles, que ce soit d’ordre linguistique, métrique ou stylistique. En ce qui concerne la littérature italienne du Moyen Age, les traductions en vers peuvent bien servir de pierre de touche de l’influence qu’exercèrent les troubadours sur la poésie antérieure au “Dolce stil nuovo”. Force est d’admettre en effet que, quand nous lisons des chansons siciliennes ou des sonnets siculo-toscans, nous ne sommes en général pas en mesure de distinguer à coup sûr des autres les textes qui sont d’un bout à l’autre traduits du provençal ou les passages, même longs, qui sont calqués sur un texte occitan préexistant. La raison de cette incapacité réside dans le fait que, d’une part, la production courtoise, quelle que soit la langue utilisée, est partout fortement homogène, stéréotypée et dans une certaine mesure formulaire ;2

1 Je ne tiens pas compte des transpositions d’une langue à l’autre dont la finalité primaire était d’ordre pratique lato sensu ; d’ailleurs, ce genre de traductions préférait la prose. J ’adopte la distinction (devenue habituelle en Italie à partir des travaux de Cesare Segre) entre traduction et « volgarizzamento », ce der­ nier terme étant réservé aux seules traductions du latin. Sur l’ancienne terminologie relative à la notion de traduction, on verra le livre magistral de Folena 1991. 2 A mon avis, la recherche actuelle —notamment chez les jeunes philologues, trop facilement enthou­ siastes et souvent trop subtils (« nihil sapientiae odiosius est acumine nimio ») - ne tient pas assez compte de cette nature foncièrement formulaire du langage lyrique (dans un sens évidemment bien différent de la formularité épique) : avec la fâcheuse conséquence que le recours de quelques mots en commun ou d’une même rime ou expression chez deux auteurs est interprété, parfois trop légèrement, comme une citation directe (ou, avec un terme à la mode, comme une preuve d’intertextualité). Je crois qu’en réalité on pourrait appliquer aux poètes lyriques ce que C. Segre a remarqué à propos de certains passages de Guido Faba, Guittone ou Bono Giamboni, à savoir que par endroits ils semblent traduits d’un modèle latin (dans notre cas, provençal) qui pourtant n’a jamais existé : quand on est imbu jusqu’aux racines d’un langage fortement stéréotypé, on en reproduit facilement l’allure et les formules, sans pour autant dépendre d’un texte précis et exactement identifiable. A propos de la reprise de certaines séries de rimes et « rimanti », on verra utilement les considérations judicieuses d’Afribo 2002, pp. 3-46. D ’autre part, on oublie trop souvent que ce qui nous est parvenu n’est qu’une sélection de ce qui fut effectivement produit : de nombreuses pièces manquent assurément à nos mosaïques, ce qui devrait inciter à la plus

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et que, d’autre part, la poésie italienne tout entière est, au XIIIe siècle, tellement imprégnée d’idées, thèmes, motifs, images, expressions et vocables tirés des trouba­ dours, que même un œil averti et compétent ne parvient pas à discerner immédia­ tement un texte ou un passage traduit. D ’ailleurs, à quelques exceptions près, les poètes italiens du Moyen Âge34tendent à camoufler leur opération, allant bien au-delà des simples retouches qu’impose la rigueur du mètre ; on dirait même qu’ils se plaisent à brouiller les pistes, amplifiant ou abrégeant l’original, déplaçant certains segments ou combinant leur modèle primaire avec d’autres sources, en vue de conformer le texte-guide soit à leur conception de la poésie, soit à la culture et à la sensibilité de leurs contemporains. En outre, ils ne reproduisent presque jamais la structure métrique du modèle, préfé­ rant adopter des solutions qu’on peut qualifier de plus ‘italiennes’, comme le sonnet ou les formes strophiques plus nettement divisées en pedes et versus (ou en pedes et syrmd).* Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que même les savants qui, au cours des siècles, parvinrent à une connaissance de la poésie des troubadours assez appro­ fondie pour reconnaître sans peine la marque occitane de plusieurs vocables et de quelques procédés de la poésie italienne des origines,56ne se soient pas aperçus pen­ dant longtemps de l’existence de traductions suivies. Parmi les pionniers de la recherche de passages parallèles, le nom qu’il faut citer en premier est celui de Vincenzio Nannucci : à une époque où une telle pratique était bien loin d’être courante, ce philologue méticuleux et au caractère peu accom­ modant parsema les notes de son Manual# de rapprochements ponctuels entre les deux traditions. Toutefois, le mérite d’avoir étudié systématiquement la reprise de textes, passages, expressions des troubadours chez les poètes italiens des origines revient sans doute à Adolf Gaspary : cet éminent historien de la littérature réunit,

grande circonspection quand on se propose de reconstruire les parcours précis, à travers les différents textes (souvent non datables avec précision) d’un thème ou d’une image. 3 Mais la remarque pourrait bien évidemment s’étendre à d’autres espaces linguistiques et culturels médiévaux. 4 Les formules initiales comme abab ou abba, prédominantes chez les troubadours, donnent l’impression, du point de vue de la versification italienne, d’embryons de pedes. — Il est significatif que l’unique cas où Dante - cet extraordinaire « mystificateur » qui ne se laisse jamais surprendre la main dans le sac reconnaît expressément sa dette, concerne la versification : il s’agit d’un célèbre passage du second traité de son De vulgari eloquentia (X 2), où il déclare avoir repris d’Amaut Daniel la formule métrique de la sextine (pour aboutir, d’ailleurs, à un résultat expressif totalement différent). 5 C’est notamment le cas de Pietro Bembo : cet érudit, dont les idées jouèrent un rôle capital dans la formation de la langue littéraire italienne, fait énumérer par un des personnages qui participent au dialogue des Prose délia volgar lingua (1525 ; il s’agit de « messer Federigo » Fregoso, qui déclare avoir eu autrefois « famigliarissime » « le oltramontane cose ») quelques procédés techniques - tels le recours à la « rimalmezzo » ou l’emploi monosyllabique de gioia et nota - ainsi que plusieurs vocables ayant pénétré dans les lettres italiennes à travers les troubadours. Il va de soi que ni Bembo ni d’autres connaisseurs de la poésie d’oc n’avaient aucune raison de faire la chasse aux cas de traduction ; et qu’en tout cas cette recherche se serait heurté, alors et jusqu’à une époque relativement récente, à des difficultés matérielles difficilement surmontables. 6 Anthologie de textes en vers et en prose qui connut une deuxième (1856-58) et une troisième édition (posthume ; Firenze : Barbèra, 1874).

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C hiaro D avançait

dans son livre sur La scuola poetica siciliana del secolo X III (1878),7 un large éventail de passages parallèles, à commencer par plusieurs traductions. Quant à Francesco Torraca, il avait lui aussi relevé, probablement entre 1894 et 1896, bon nombre de points de contact entre troubadours et siciliens ; mais ses notes personnelles de lecture, rédigées au crayon sous forme d’annotations marginales, n’ont vu le jour que récemment.8 L’autre épisode capital de cette recherche a été la parution, en 1975, d’un article d’Aureüo Roncaglia,9 où cet éminent philologue récemment disparu, au lieu de simplement juxtaposer les poèmes, a soumis pour la première fois les originaux et leurs traductions à une analyse fine et détaillée, dans le but de mettre en valeur analogies et diversités non au seul niveau de la lettre et de la versification, mais aussi du point de vue de l’effet littéraire global, souvent bien différent dans les deux textes. Son étude porte d’abord sur le poème moral d’un “rimatore” connu comme l’Anonyme Génois, poème qui amplifie un texte de Falquet de Romans ; puis et surtout, sur la chanson qui occupe la première place dans le principal témoin de la lyrique sicilienne, Madonna, dir vo vogüo de Giacomo da Lentini : une chanson qui, tout en reprenant littéralement les deux premières strophes (les seules qui aient survécu) d’un poème de Folquet de Marseille, les remanie si habilement que la traduction aboutit à un résultat poétique entièrement nouveau. L’article d’Au. Roncaglia a inspiré et orienté une longue série d’études compa­ ratives plus récentes, centrées pour la plupart sur des poètes proprement siciliens : à savoir sur ceux qui, liés plus ou moins étroitement à la cour de Frédéric II et de son fils Manfred, composèrent leurs chansons, descorts et sonnets en sicilien illustre.10 Le cas que je m’apprête à analyser brièvement concerne au contraire un siculotoscan : Chiaro Davanzati.11 Cet élégant et fécond poète florentin, actif dans la 7 C’est en réalité l’édition allemande qui date de 1878 ; la traducüon italienne (Livomo : Vigo) parut en 1882 (= Bologna : Forni, 1980). Le terme ‘siciliano’ du titre englobe, comme chez Dante, les poètes proprement siciliens et leurs continuateurs immédiats, toscans pour la plupart (mais aussi émiliens). 8 Fratta 1996. Dans cet utile recueil, les apostilles de Torraca sont intégrées par d’autres parallèles signalés plus récemment. 9 Roncaglia 1975. Le titre reprend et adapte la rubrique du poème 139 de l’Anonyme Génois, De quodam provincial! translata in lingua nostra. 10 Un excellent tableau de l’influence occitane sur les siciliens, notamment sous la forme de traductions, est tracée par Brugnolo 1995. Quant aux études explicitement consacrées aux traductions, je me limite à citer, parmi les plus récentes, celles que j’ai eu l’occasion de lire : Ramazzinal998, Brugnolo 1999, Latella 1999, Giannini 2001 ; encore Brugnolo 2000, Santini 2000. Dans son importante relation, présentée au XVIe Congrès de linguistique et philologie romanes de Palma de Mallorca en 1980, d’Antonelli 1999 signale l’importance, en perspective sicilienne, de la tradition manuscrite qui aboutit à f; ce codex contient entre autres les deux chansons occitanes dont il va être question. 11 Le texte italien, qui se fonde sur le témoignage unique du ms. Vat. lat. 3793, reproduit avec quelques retouches celui de mon édition (Menichetti 1965, n° IX, pp. 39-40 ; Troppo aggiofatto est incluse dans une anthologie plus récente : Menichetti 2004, pp. 22-25). La conformation très particulière de la versification du florentin (v. à ce sujet les dernières pages de Menichetti 1999) conseille de numéroter non les vers, mais les rimes. — Perdigon est cité d’après Chaytor 1926, n° III, pp. 8-11 ; le texte est repris dans Riquer 1975, n° 188, pp. 958-60. J ’ai toutefois interverti les strophes III/IV de Chaytor par symétrie avec la traduction de Chiaro (il va de soi que cette opération n’entend pas préjuger de l’ordre strophique originaire). J’ai en outre procédé à la collation sur microfilm du chansonnier f (Paris, BN, f. fr. 12472), dont Chaytor n’avait pas tenu compte, fl faut par ailleurs avertir que de nombreuses coquilles déparent texte, commentaire textuel et apparat de cette édition. — Les vers de la chanson de l’olifant concernés

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seconde moitié du X III' siècle, prit comme modèle des trois premières strophes de sa chanson Trappo aggpofatto lungia dimoran^a la partie initiale d’un poème de Perdigon, Trop ai estât mon Bon Esper no vi (BdT 370, 14), que la seconde tomada permet de situer en tout cas avant 1192, lorsque mourut le vicomte Barrai, caché dans le texte sous le senhal de « Bels Rainiers ». Mais Chiaro, qui dans toute son œuvre montre une prédilection spéciale pour les thèmes de bestiaire, eut l’idée plutôt inhabituelle de combiner son modèle principal avec un autre, faisant suivre ses trois strophes, en guise de conclusion, par le remaniement du début d’un autre poème, la célèbre « canso de l’orifan » de Rigaut de Berbezilh (BdT 421, 2), bien connue dans l’Italie médiévale et contenant d’autres comparaisons largement exploitées par les poètes italiens (en premier lieu par lui-même : l’ours, le phénix, le cerf). Voici les textes". CHIARO

PERDIGON

Troppo aggio fatto lungia dimoranza, lasso, ch’ïo non vidi la dolze speme a eu’ T m’era dato : sonne smaruto e vivone in pesanza, ohimè, ché non m’avidi del folle senno mio, che m’ha ’nganato ed allungiato —da lo suo comando : perô è dritto ch’ogni gioia m’infragna, poi ch’io m’alungo da la sua compagna ;

Trop ai estât mon Bon Esper no vi, per qu’es ben dreitz que totz jois me sofranha, car ieu me luenh de la soa companha per mon fol sen, don anc jorn no.mjauzi ; mas sivals lieis no Costa re, 5 que.l dans torna totz sobre me, et on ieu plus m’en vau lonhan, meins n’ai de joi e mais d’afan.

5 7-8 10

e corne più me ne vo alungiando, men’ho di gioia e più doglio affannando. Se mia follia m’inganna e m’aucide e dà pena e tormenti, ben è ragion che nullo omo mi pianga, 15 ch’io sono ben corne quei che si vide ne l’agua infino a’ denti e mor di sete temendo 5n gli afranga : ma’ no rimanga - io ne lo scoglio afranto ! 19-20 Cosi agg’io per somigliante eranza smisurata la sua dolze speranza, e so, s’io perdo lei cui amo tanto,

Si ma foudatz m’enguana e m’auci, ben es razos que ja hom no m’en planha, 10 qu’ieu soi com selh qu’en mieg de l’aigua s banha e mor de set ; et es dreitz, so.us afi, qu’ieu mueira deziran del be qu’eu aurai dezirat anese, et agra.n tôt so qu’ieu deman 15 si quan fugi.m traisses enan.

perdut’ho me a gioia e riso e canto. Tandaio minespreso feramente, ch’io’n mi sao consigliare : gran ragion è ch’io perisca a tal sorte, ch’io faccio corne ’1 cecer certamente, che si sforza a cantare

25

Si.m sent mespres que res no sai cossi an denan lieis ni no sai com remanha, quar qui so fai a senhor que no.stanha quant om l’a rie, bon e liai e fi, paor deu aver, quan lo ve,

20

par la traduction de Chiaro sont tirés de Rigaut de Barbezieux, éd. Braccini 1960, n° II, pp. 24-25 ; v. aussi Rigaut de Berbezilh, éd. Varvaro 1960, n° II, pp. 121-22 ; ra^o de P (Pr) et récit du Novellino se suivent aux pp. 80-89 (Ie texte de la chanson, n° 38, et la ra^p sont repris dans Riquer 1975, pp. 287-90).

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C hiaro D avan^ati

quando si sente aprossimar la morte. E più m’è forte -- la pena ov’io son dato, quand’io non veggio quella dolze spera che ne lo scuro mi donô lumera :

30

ohmè, s’io fosse un anno morto stato,

35

que perda son senhor e se ; e s’ieu pert lieis cui me coman, perdut ai me e joi e chan.

si doverei a.llei esser tomato. 2o

Grans merces er qu’ieu morrai enaissi, car estau sai marritz en terr’estranha, don ai assatz que plor e que complanha, car no vei lieis que de mort me guéri e.m trais de ma mala merce ; ailas ! quais peccatz me rete, que s’agues mortz estât un an, si.l degr’ieu pueis venir denan.

25

30

Perdre la puesc, qu’ilh non perdra ja mi ; qu’eis lo jorn vuelh mai que mort me contranha qu’ieu ja mon cor departisca ni franha 35 de lieis en cui tan fermamen s’assi, qu’en tôt autr’afar me mescre ; mas tant la truep de bona fe que.l cor e.l saber e.l talan i truep acordatz d’un semblan. 40 Selh que ditz qu’ai cor no sove d’aiso qu’om ab los huelhs no ve, li miei l’en desmenton ploran e.l cor planhen e sospiran. Belhs Rainiers, de vos me sove 45 •• e de mi don mas d’autra re, e quan no.us vei, cug far mon dan, e muer per mi don deziran.

RIGAUT D E BERBEZILH Si come non si puo[te] rilevare, da poi che cade giuso, lo leofante, ch’è di gran possanza, mentre che gli altri co lo lor gridare vegnon, che [*1] levan suso e rendorli il conforto e la baldanza, a tal sembianza, canzon, vatene in corso ad ogne £ino amante ovunque sede, che deggiano per me gridar merzede :

40

45

Atressi con l’orifanz que quant chai no.s pot levar tro li autreAab lor cridar de lor voz lo levon sus, et eu vuoill segr’aquel us, 5 quar mos mesfaitz es tan greus e pesanz que si la cortz del Puoi e lo bobanz e l’adreitz pretz dels liais amadors no.m relevon, jamais non serai sors, que deingnesson per mi clamar merce

10

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ché se per lor non m’è fatto socotso, fra i ternafin del disperar son corso.

lai on jutjars ni razos no.m val re. E s’ieu per los fis amanz non puosc en joi retornar, per tostemps lais mon chantar, que de mi no.i a ren plus (•■■); 15

En comparant ces deux poèmes, ce qui frappe avant tout est la conformation linéaire et littérale de la traduction de Chiaro : sa chanson suit strophe après strophe et souvent vers par vers le tracé de celle de Perdigon, respectant la dispositio rerum ; en d’autres termes Chiaro, contrairement à la façon de procéder de Giacomo da Lentini12 et de la plupart des poètes-traducteurs de son époque, réduit au minimum par rapport à sa source la redistribution du matériel employé. Grâce à cette fidélité formelle, nous pouvons facilement observer que le poète florentin avait sous les yeux un manuscrit où la cobla qui commence Sim sent mespres, quatrième de l’édition critique de H. J. Chaytor,13 précédait la troisième, Grans merces er\ c’est la raison de l’interversion que j’ai appliquée ci-dessus et à laquelle je me référerai dorénavant. Pour justifier ce changement, il suffit de jeter un coup d’œil sur les passages qui occupent les débuts de strophe : les w . 1-3 de Chiaro traduisent Yincipit de Perdigon (amplifiant mon en une relative et ajoutant une exclamation, lasso, qui d’ailleurs ne fait qu’anticiper le pathétisme de allas !, v. 30 de la chanson provençale) ; le vers initial (13) de la strophe suivante reproduit exactement le v. 9 de Perdigon, premier de la deuxième cobla (l’imitation semble se répercuter jusqu’au niveau prosodique : c’est sous l’influence du vers occitan correspondant que Chiaro fait probablement dialèphe devant la conjonction)14; les vers 25-26, par lesquels débute la troisième strophe du florentin, se proposent de traduire le v. 17 du modèle, premier vers de la cobla III du texte ci-dessus (= IV, v. 25, de Chaytor. Chiaro s’est probablement mépris sur l’adverbe co(n)ssi ‘comment’, qu’il a dû confondre avec co(n)sselh), tandis que le vers italien qui suit (27) ne trouve sa correspondance, dans l’ordre, qu’au v. 28 de la cobla IV (= III, v. 17, de l’édition). Il est donc à peu près sûr que, dans le manuscrit utilisé par Chiaro, les coblas III-IV du texte critique étaient interverties. D ’autres indices confirment cette impression. Si nous parcourons la chanson italienne, nous constatons que sa première strophe n’utilise que des motifs de la cobla initiale de Perdigon, sans trop les déplacer : les w . 5-6 « ché non m’avidi Del folle senno mio» amplifient «per mon fol sen» de 4 ; les w . 9 et 10 (dont le contenu se trouve anticipé et dédoublé en 7-8) sont la traduction littérale des w . 2-3 12 Certainement avant Chiaro, Giacomo s’était aussi inspiré du poème de Perdigon. O n trouvera quelques remarques sur les différents procédés mis en œuvre par ces deux poètes à partir du modèle commun dans deux articles de Giannini 1999, notamment à la p. 346, et 2000(v. pp. 917-19 pour Troppo aggiofatto). J’avoue que l’utilisation par Chiaro de la traduction de Giacomo ne me semble pas évidente. 13 On sait que la mobilité des strophes —notamment dans des chansons qui, comme celle de Perdigon, sont la projection d’un état d’âme en somme immobile —est un phénomène endémique dans la poésie lyrique occitane. 14 L’hiatus entre voyelles atones et notamment devant e était encore admis dans la versification italienne, bien qu’il y fût beaucoup moins fréquent que la synalèphe. L’autre solution serait follia en trois syllabes (diérèse ‘d’exception’).

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C hiaro D apaœ çati

de Perdigon (ce qui comporte l’équivalence sémantique et rimique d’infragna et sofranha ‘me vienne à manquer’, ainsi que le maintien du provençalisme compagna ‘compagnia’) ; et les deux derniers vers, 11-12, correspondent exactement aux deux derniers de la cobla occitane (w. 7-8). La zone initiale de la deuxième strophe présente peu de différences : 15 traduit à la lettre 10; 16-17 (où vide est un présent avec la voyelle tonique du sicilien) modifient à peine les w . 11-12 du modèle ; « ne l’agua infino a’ denti » du v. 17 est sans doute moins banal et plus expressif qu’« en mieg de l’aigua » 11, mais la substance du message est respectée (surabondance de l’élément liquide et consé­ quente folie du baigneur qui renonce malgré cela à se désaltérer) ; l’interprétation de afranga pose quelque problème, mais, à la lumière du texte-guide, ce subjonctif semble avoir le sens de ‘(craignant que l’eau ne lui) fasse défaut’. A la fin de la même strophe, les w . 23-24 de Chiaro constituent l’unique infraction à la norme du parallélisme parfait : ils reproduisent, encore une fois littéralement, la section termi­ nale de la cobla qui, dans la copie dont disposait Chiaro, occupait la troisième place (w. 23-24 de Perdigon ; on remarquera que « cui me coman » peut avoir suggéré « da lo suo comando » du v. 8) ; mais l’infraction n’est qu’apparente : Chiaro s’est évidemment proposé, non seulement de modeler les débuts de ses strophes sur la partie initiale des coblas de Perdigon, mais aussi et surtout de traduire dans ses combinationes finales les couplets à rimes plates qui terminent les coblas occitanes : 11-12 = 7-8 ; 23-24 = 23-24 ; et 35-36 = 31-32. Le début de la troisième strophe - où Chiaro, v. 25, modifie, probablement par inadvertance, le sens du vers correspondant (17) - rend par la suite implicite et plus vague le dilemme du v. 18 de Perdigon. Mais l’italien revient immédiatement à la traduction linéaire : son v. 27 se rapporte à Yincipit de la quatrième cobla du modèle (combiné avec le v. 13 provençal ; quelques rares reprises à distance sont possibles, voir smaruto de 4 qui anticipe marrits^ de 26). Quant au v. 33, il traduit à peu près le premier hémistiche de 28 dont il modifie la partie finale, jouant sur la polysémie de « dolze spera », ‘doux rayon de soleil’ et en même temps réplique de « dolze speme » 3 et de « dolze speranza » 22. La tendance à encadrer les strophes par des ‘citations’ se trouve confirmée dans l’envoi, où les premiers vers, 37-39, traduisent Yincipit de Rigaut de Berbezilh (l’ad­ verbe est redondant et « ch’è di gran possanza » évoque la force et la taille de l’animal), tout comme, vers la fin, 46 correspond à 10 et 47-48 paraphrasent libre­ ment 7-9 : « se per [ogne fino amante : le v. 12 porte « per los fis amans »] non m’è fatto socorso (qui récupère 31 : « per que merces me deu faire secors »), Fra i ternafin del disperar son corso » = « si... Et l’adreitz pretz des liais amadors No.m relevon, jamais non serai sors ». Quant à la comparaison différemment orientée dans les deux poèmes (l’éléphant qui a besoin de l’aide de ses semblables figure l’amant chez Rigaut, la chanson chez Chiaro), elle pourrait conserver un écho, sous forme de prière directe, du premier vers de l’envoi de Rigaut : « Ma chanson er drogomanz » (45 ; mais le destinataire, chez lui, est la dame sans merci, alors que chez Chiaro la chanson est adressée aux vrais amants).

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Aucun chansonnier proprement occitan ne présente l’ordre des coblas repris par le poète italien : d’après la table de Chaytor, p. 58, les seuls témoins qui placent la strophe Si.msent mespres devant Grans merces er sont les mss. ACNQR,15 qui pourtant interposent entre ces deux coblas celle qui commence par Perdre la puesc, non exploi­ tée par notre traducteur. Le seul témoin qui offre une structure extérieure dans une certaine mesure proche du poème italien n’est pas occitan, mais français : il s’agit du célèbre “chansonnier de Saint-Germain des Prés” (X des provençalistes), qui francise le texte et le réduit à trois coblas : la première, la deuxième et celle qui com­ mence par Si.m sent mespres ; Grans merces er, que pourtant Chiaro utilise, est absente. D ’ailleurs, dans les parties communes, les différences sont nombreuses, à partir de Yincipit, qui donne Molt au lieu de Trop, et jusqu’au v. 17, où sospreis (vs mespres) n’aurait en aucun cas pu suggérer au florentin un vocable aussi rare que mmespreso. Si l’on tient compte que Chiaro, même là où il suit de près sa source, ne manque pas pour autant de jouir de la liberté concédée à tout traducteur médiéval (ce qui nous conseille de ne pas être trop pointilleux dans l’examen de la varia lectio, plusieurs menus détails pouvant n’être qu’un reflet de cette liberté), on ne sera pas surpris de constater que le repérage de la version manuscrite la plus proche de celle qu’il utilisa est problématique. Les seules variantes que l’apparat nous fournit et qui, de ce point de vue, ont un certain poids se réduisent à peu de chose : 1) au v. 24, le chansonnier occitan Y lit « perdut ai ris e joi e chan » vs « perdut ai me e joi e chan » ; Chiaro transforme en « perdut’ho me a gioia e riso e canto », ‘je me suis définitivement exclu de, nié à ...’. Le remplacement de g occitan par a préposition est des plus heureux et il serait difficile de l’attribuer à l’initiative du copiste du témoin unique ; d’autant plus que l’innovation n’est qu’apparente, car f donne juste­ ment « ai perdut mi a joi e chant » (leçon sans doute supérieure à celle qui a été adoptée par Chaytor). Quant à « riso », absent des autres manuscrits, on pourrait avoir l’impression qu’il provient d’un codex proche de V ; je crois au contraire qu’on est en présence d’une cheville, rajoutée par Chiaro afin d’obtenir la mesure de l’“endecasillabo” : « gioia e riso » est un de ces couples synonymiques (et parasynonymiques) fixes dont regorge l’ancienne poésie lyrique ; 2) au v. 27 de Chiaro, « gran ragion è ch’io perisca », on relève une correspondance exacte avec la leçon transmise par les chansonniers A et N « Ben es razos qu’ieu moira », vs « Grans merces er qu’ieu morrai », leçon que Chaytor a probablement préférée (malgré « es ben dreitz » du v. 2 et « ben es razos » de 10, rendus chez Chiaro par « è dritto » 9 et « ben è ragion » 15) en tant que lectio difficilior : ‘ce sera un acte de miséricorde à mon égard le fait que...’. Mais il suffit de descendre un peu plus bas dans la même strophe, au v. 33, pour constater que « quand’io non veggio » pourrait difficilement dériver de « car lassei lei » de ces mêmes mss. AN, quand les autres témoins portent « car no vei lieis » ; 3) le v. 36, « si doverei a.lleiesser tomato » semble modelé sur M, « tornar denan », vs « venir denan » ; mais M donne au v. 2 « es razos » vs « es ben

15 Tous les autres, y compris f, présentent la suite que l’éditeur a préférée. Chaytor avertit par ailleurs qu’ « il serait dangereux de se servir » de l’ordonnance des strophes « comme moyen pour établir la filiation des mss. »

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dreitz » (Chiaro 9 « è dritto ») et au v. 25 « si sai mor » vs « qu’ieu morrai » ou « qu’ieu moira » (AN, plus mmira f ; Chiaro a « ch’io perisca », v. 27).16 Quant à la strophe où Chiaro imite Rigaut, je crois qu’il serait risqué d’attribuer un crédit absolu à la coïncidence de « cade giuso » et « cai lus » : l’adjonction de giuso pourrait bien être due à la nécessité de trouver un compagnon de rime à suso du v. 41 {sus 4 du modèle), sans qu’il soit indispensable d’y voir l’écho de l’interpolation isolée17 du florilège de Pierre Berzoli de Gubbio (Italie centrale, Toscane ?, post 1285-ante 1310); «cade giuso» pourrait en somme répondre à une motivation interne, sans n’avoir qu’un rapport fortuit avec la version de la strophe de Rigaut qui figure dans le témoin unique de la ravp (P') du poème occitan. Il est vrai qu’un autre passage de Rigaut donne l’impression de confirmer l’affinité à Pr du texte utilisé par Chiaro : il s’agit du v. 10, où, tandis que les autres témoins lisent deingnesson,18 P1 porte deuessen,19 en parfait accord avec deguesson de Ra1 et, ce qui compte davantage, avec deggiano de Chiaro (qui remplace l’impf. par le prés.) ; et pourtant ce dernier n’avait aucune nécessité apparente de changer : *degnino aurait convenu aussi bien au contexte qu’au mètre. Toutefois, avant de se précipiter sur une conclusion, il faudra tenir compte que la représentation des consonnes palatales occitanes n’était pas univoque chez les divers copistes et que, dans certaines écritures médiévales, la différence entre un deguesson et un de(i)gnesson (ou -en) était imperceptible, parfois même impossible ; il se peut donc que Chiaro (tout comme avant lui P r, R et a1) ait tout simplement lu deguesson là où le copiste de son exemplar avait en réalité posé degnesson ; d’autant plus que deguesson a tout l’air d’une banalisation. Une certaine affi­ nité entre le texte du manuscrit dont Chiaro se servit et la version que nous transmet Pr est possible, peut-être même - à la lumière d’autres considérations -

16 Voici quelques autres détails qui semblent exclure l’appartenance du manuscrit suivi par Chiaro à l’espace environnant les chansonniers occitans tour à tour indiqués. Au v. 1, bel de f vs bon des autres témoins (« Bon Esper », senbal qui revient plusieurs fois chez Perdigon) : malgré le rôle joué par un ms. proche de f dans la diffusion en Italie de la poésie occitane, cette variante semble exclure l’utilisation par Chiaro d’un antécédent de ce codex (f serait, à part d’autres considérations, trop récent) : bel aurait pu sans difficulté être rendu par « bella » ; d’autre part une traduction de bon par « bona » n’aurait pas été exempt d’une certaine ambiguïté, car « bona speme » (ou « spene ») et « bona speranza » étaient, dans la langue poétique de l’époque, des syntagmes cristallisés évoquant une nodon abstraite ; les contemporains auraient peut-être eu de la peine à saisir tout de suite, au début du poème, la portée métonymique de cette formule, le fait qu’ici elle désigne une dame en chair et en os. Le cas du v. 10, f queja m il no vs queja bom no, Chiaro 15 « che nullo omo », ne permet aucune conclusion sûre ; la variante du même ms. au v. 32 « si.m degra pueis » vs « si.l degr’ieu pueis », Chiaro 36 « si doverei a.Uei », n’est pas plus concluante. Pour revenir au v. 1, les mss. GSOQ remplacent par que le possessif mon, qui pourtant semble indispensable, vu que Chiaro l’amplifie dans le second hémistiche du vers 3 (« a eu’ i’ m’era dato »). Au v. 8, qe quant ieu PS s’oppose à et on ieu (Chiaro 11 traduit e corne) ; au v. 9, Mas E s’oppose à S i (Chiaro 13 : Se) ; au v. 11, enfin, U (hypométrique) et C (qui remédie à l’hypométrie avec aisselb) omettent com, vs « qu’ieu soi com selh » (Chiaro 16 : « ch’io sono ben corne »). 17 Qui provoque l’hypermétrie et est par conséquent irrecevable dans le texte critique (ce qui d’ailleurs n’est d’aucune pertinence dans notre perspective). 18 Rendu par degnasser dans le Novellino (cf. Favati 1959, p. 143), en un passage où l’auteur renonce à se tenir proche de ce qu’on pourrait nommer « le degré zéro de la traduction » . 19 Que Boutière et Schutz 19642, p. 155, corrigent en den[h]essen. Les éditeurs, sans raison valable et sans suivre un critère cohérent, proposent en effet pour cette strophe un texte qui se situe à mi-chemin entre la reproduction pure et simple de P ' et l’édition critique (mais v. Favati 1961, p. 235).

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probable ; mais, si on s’en tient aux seules variantes de nos textes, elle demeure indémontrable. Chiaro tantôt amplifie (non sans quelque redondance) le contenu des strophes de Perdigon qu’il prend comme canevas, tantôt l’élague, modifiant quelques détails marginaux ou supprimant des éléments peu fonctionnels. Les amplifications concer­ nent les w . 4-5, 14, le second hémistiche de 18 (en fonction explicative), 1’ “endecasillabo composto” 19-20 (peu clair, mais qui a l’air d’un vœu que l’amant formule pour exorciser l’idée de sa « mort par amour » ;20 en tout cas l’exclamation va dans le sens des lasso, ohimi, ohms qui parsèment le texte pour en accroître l’effet pathétique) et le couple 21-22. Mais c’est la troisième strophe qui contient le remaniement le plus substantiel, à savoir l’évocation, absente chez Perdigon, du chant du cygne (w. 28-30) : un topos que Chiaro affectionne particulièrement (il l’utilise à sept reprises dans son œuvre), mais dont l’intrusion ici pourrait avoir été conseillée, au niveau de l’équilibre formel, par la présence de l’autre image prévue pour l’envoi, celle de l’éléphant. En tout cas, les deux comparaisons, qui évoquent l’univers pseudo-naturaliste des bestiaires, se justifient mutuellement. Le mot exposé en fin de vers, morte, attire presque inélucta­ blement chez les poètes italiens du Moyen Age, la rime avec forte (adjectif ou adverbe) : de là le développement (autour de la reprise de « car no vei » par « quand’io non veggio ») des w . 31-34, où Chiaro oppose les ténèbres à la lumière du jour (la fréquence ainsi que, dans certains passages de ses Rime, l’évidence poé­ tique du thème de la lumière ont contribué à accréditer l’image, par ailleurs illusoire, d’un Chiaro Davanzati précurseur des “stilnovisti”). Modifications et suppressions révèlent encore mieux la distance de sensibilité, mais aussi de contexte historique, qui sépare Perdigon de Chiaro : tandis que le troubadour lamente sa « folia naturau », supposée être constitutionnelle et incurable (« mon fol sen, don anc jorn nom jauzi », v. 4),21 Chiaro (w. 5-6) présente l’erreur qu’il a commise comme l’effet d’une interruption momentanée de lucidité, un instant malheureux où Folie l’a emporté sur Raison. Chiaro élimine une considéra­ tion de l’amant-poète qui en soi est généreuse (v. 5), mais qui met sans nécessité sous les feux de la rampe Bon Esper pour implicitement suggérer qu’elle n’est pas touchée par la souffrance de son ami22. En outre, par discrétion, Chiaro se refuse ne serait-ce qu’à effleurer l’éventualité - manifestée au contraire par Perdigon (non, 20 « Puissé-je ne jamais me briser contre cet écueil, cet obstacle ! » ou « Que je ne soie jamais brisé dans mon écorce, dans ma personne!»? Sur les différentes significations de scoglio v. GA V I 162, s. v. L’opposition est nette avec Perdigon, qui donne presque l’impression de se complaire dans l’idée de sa ‘mort’, comme s’il prenait plaisir, pour se punir de sa folie, à enfoncer le couteau dans la plaie : « et es dreitz, so us afi, Qu’ieu mueira », w . 12-13 ; et muer revient jusque dans le vers final. 21 J ’exclus, tant pour des raisons syntaxiques que par cohérence avec ce qui suit et notamment avec le vers 15, que don puisse se rapporter à la soa companba. 22 Giacomo da Lentini a peut-être ressenti comme déplacée et vaguement désobligeante, dans ce contexte, l’allusion à l’insensibilité de la dame, bien qu’elle fût prévue par le code courtois de l’époque et bien qu’au fond l’amant se réjouisse (sivals) de la condition privilégiée de son amie. Quoi qu’il en soit, Giacomo a dépersonnalisé l’allusion : « Ca s’io sono alungato, A null’om non afesi Quant’a me solo... ; Io ne so’ il danneggiato » (Troppo son dimorato, w . 13-18, éd. Antonelli 1979, p. 116).

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Chiaro D avan?ati

semble-t-il, sans une pointe de vanité), bien que par malheur manquée — d’une conquête totale de la dame, de l’obtention de sa merce ; le troubadour laisse en effet sous-entendre qu’il aurait réussi à séduire sa bien aimée s’il avait été plus hardi (« et agra.n tôt so qu’ieu deman Si quan fugi.m naisses enan», w . 15-16). Le topos du “bon seigneur” fâché du comportement incongru de son vassal (w. 19-22) subit le même sort : à Florence, dans le milieu communal de la seconde moitié du XIII' siècle, une telle image, trop redevable d’une conception féodale de la société, devait être ressentie comme complètement dépassée et inopportune. Enfin la strophe sui­ vante a été elle aussi débarrassée de plusieurs éléments : d’une part, son contenu a dû être condensé avec celui de la précédente pour donner lieu à une seule strophe du florentin (il est vrai que III 23-24 avaient déjà migré dans la strophe II de la chanson italienne) ; d’autre part, elle mettait encore une fois l’accent, d’une façon jugée trop concrète et précise, sur la dame et sur sa condescendance ; « lieis que de mort me guéri E m trais de mala merce », w . 28-29, se transforme donc chez Chiaro, à tout avantage pour la poésie, en une considération plus vague et bien plus élégante : « quella dolze spera Che ne lo scuro mi donô lumera », w . 33-34. Par rapport à Rigaut, Chiaro laisse tomber la référence à la « cort del Puoi » (v. 7), trop mystérieuse pour les lecteurs de l’époque sans le support explicatif d’une ra%o, ainsi que l’allusion au « mesfait » de l’amant (v. 6 ; mais non à son « maltraig », variante de Pr !) et à la vanité de tout effort pour retrouver grâce auprès de la dame (v. 11) ; ces précisions ne pouvaient évidemment pas s’intégrer au contexte de sa chanson. Chiaro redonne vitalité à plusieurs traits significatifs de la versification de ses deux poèmes-guide : il en maintient la polymétrie, reprend de Perdigon (qui recourt à une formule rimique des plus courantes, répétée plus de trois cents fois chez les troubadours) le dédoublement de la combinatio en clôture de strophe (Rigaut, dont le schéma constitue au contraire un unicum, avait bâti un système fondé presque entiè­ rement sur les rimes plates) et garde dans ses première, deuxième et dernière strophes plusieurs rimes et “rimanti” de ses modèles, transposés, bien entendu, en italien {yi 1 > vidi 2 [avec avidi 5], sofranha 2 > infragna 9 ; lonhan 7 > alungiando 11 et afan 8 > affannando 12, par homologation en rime désinentielle de -an de Perdigon ; auci 9 > aucide 13 ; kvar 2 de Rigaut > rilevare 37 ; -arn^ 1, 6, 7 suggère -aniça 39, 42 et 43 ; sus 4 > suso 41, -ors 89 > -orso 47-48 ; merce 10 > mersçede 46). Chiaro laisse tomber les coblas unissonans, inconcevables pour des raisons linguistiques dans une traduction italienne qui se veuille un tant soit peu fidèle ; toutefois, dans la suite du texte, le retour de -anha a favorisé (en une sorte de dédoublement de -agna) la reprise de planba 10 sous forme de pianga 15, ainsi que la nouvelle correspondance de -an 15-16 (avec cbari) à -anto 23-24 (canto). J’ai en outre la très nette impression que Chiaro, notamment dans les “endecasillabi” des deux premières strophes, s’est laissé entraîner par l’allure accentuelle du décasyllabe occitan ; le mouvement uniforme des vers longs de Perdigon (Rigaut a deux césures lyriques), frappés par Yictus de la quatrième syllabe, l’a probablement contaminé : sur les 34 “endecasillabi” de sa chanson, 23 (y compris les deux avec “rimalmezzo”) sont en effet a minori, 9 seulement a maiori et 2 (w. 35-36) ancipites.

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La suite des w . 7-12 est par exemple formée entièrement de vers ayant l’ictus prin­ cipal en quatrième position : ce qui, dans la poésie italienne, est loin d’être courant. L’effet de nouveauté que Chiaro obtient au niveau de la versification dépend en premier lieu de l’abandon de la bipartition syllabique qui coupe en deux la strophe de ses deux prédécesseurs : quatre décasyllabes suivis d’un nombre égal d’octosyl­ labes dans la canso de Perdigon, cinq heptasyllabes accompagnés de six décasyllabes dans la cobla de Rigaut. Chiaro structure au contraire sa strophe sur une base “endecasillabica”, entrecoupée par deux seuls “settenari” (2' et 5' vers), auxquels il faut ajouter les deux “endecasillabi composti” (v. 7-8 et v. 19-20) que la particularité de sa technique lui permet d’ailleurs de transformer par la suite en “quinari” plus “settenari” (w. 31-32 et 43-44). Comme Au. Roncaglia, je serais enclin à voir dans ce surplus d’attention que les “rimatori” italiens accordent au jeu de différentes mesures, une compensation « alla mancata concorrenza délia tecnica musicale quale fattore costruttivo délia canzone ».^ En somme, à y regarder de près, la traduction de Chiaro, tout en étant une des plus littérales qu’on connaisse, n’est pas aussi servile, insipide et inintéressante qu’on aurait pu le croire.

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23 Roncaglia 1975, p. 34. —La chanson de Chiaro correspond au n° 324 : 1 de Solimena 2000 ; celles de Perdigon et de Rigaut, aux n° 577 :157 et 680 : 1 de Frank 1953-1957.

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C hiaro D avançait

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Encore sur le thème de 1’“aurcT Barbara Spaggiari

Nous profitons de l’occasion offerte par ces Mélanges en l’honneur de notre ami Peter Ricketts, pour revenir sur le thème de l’aura, qui a déjà retenu, il y a quelque temps, notre attention.1 Dans un article fort nourrissant, quoique un peu scolaire, paru en 1900,2 M. Pintor signala, parmi les rimes extravagantes de Bernardo Tasso, père du plus célèbre Torquato, la présence d’une ode dédiée par l’auteur à sa femme bien-aimée, Porzia de’ Rossi.3 Ecrite à Gênes en 1537, avant de s’embarquer pour une mission diplomatique (l’énième à laquelle il lui aura fallu participer, bien qu’à contrecœur, dans sa veste de secrétaire particulier du prince Sanseverino),4 cette ode de congé, trempée de tristesse, est adressée à sa jeune femme Porzia, qui était restée à Naples, toute seule avec ses soucis.5 Bien qu’il ne figure dans aucune des cinq éditions organisées par l’auteur luimême de son vivant,6 ce texte demeure néanmoins l’un des plus représentatifs dans l’œuvre poétique de Bernardo Tasso. Bernardo Tasso a longtemps été relégué parmi les poètes “mineurs” du XVIe siècle. La renommée de son fils, qui finit bientôt par laisser dans l’ombre l’image du père, ne saurait pourtant tout expliquer. En effet, une partie de responsabilité revient sans aucun doute à la surabondance de sa production : Bernardo était un versificateur inlassable, qui finit par noyer dans un fleuve de rimes d’occasion (faciles, mais guère géniales pour autant) ce qui aurait pu être la source la plus originale et féconde de sa poésie. ' Cf. Spaggiari 1985. Sur le même sujet, ont ensuite paru les deux articles de Rossi 1990 et de Perugi 1994. 2 Cf Pintor 1900. 5 Descendante d’une noble famille de Pistoia (une assez importante ville, située à une trentaine de kilomètres de Florence, en Italie), elle se maria avec Bernardo vers 1536. Bien plus jeune que son mari, elle lui donna d’abord une fille, Comelia, suivie d’un premier Torquato, qui mourut peu après sa naissance. 4 Depuis 1532, Bernardo était au service de Ferrante Sanseverino, prince de Saleme. Dans ce cas précis, il allait se rendre en Espagne pour solliciter la libération de Filippo Strozzi. 5 Au fait, les rapports avec sa famille d’origine avaient bientôt fini par se dégrader, à cause, notamment, d’une dot litigieuse, ce qui n’était pas pour arranger la situation pécunière du couple. On sait que les soucis financiers tracassèrent sans cesse la vie de Bernardo et de son épouse. 6 Cf Amori* 1531, Amori2 1534, Anton’ 1537, A m o tf 1555 et Rime 1560.

'E tudes de langue e t de littérature médiévales offertes à Peter T. R icketts

C’est plutôt hors de son pays natal que Bemardo a trouvé la notoriété, sinon la gloire, qu’il méritait Certes, sa relation avec Garcilaso de la Vega,7 ainsi que son voyage en Espagne (en 1537, comme on vient de le rappeler), y sont pour quelque chose. C’est en tout cas dans la péninsule ibérique qu’il trouva des imitateurs avertis, capables de mettre en valeur ce qui a été sans aucun doute son innovation la plus originale. Nous faisons allusion, bien entendu, à l’ode en forme de “lira”, soit une strophe constituée de cinq ou six vers de onze, voire de sept syllabes, dans la terminologie italienne appelés respectivement hendécasyllabes et septénaires : ceuxci alternent selon quatre schémas principaux (abAbB, aBbaA, abbacC, abaBcC) qui peuvent, le cas échéant, se décliner en un nombre assez élevé de variantes mineures. C’est justement à partir de l’une de ces variantes, employée dans sa célèbre “canciôn” V Ode adflorem Gnidij8 que Garcilaso a introduit dans la péninsule ibérique ce type de composition. Le fait que, dans la littérature espagnole, celui-ci se définit par le nom de lira, est sans doute dû au premier vers de ce poème, « Si de mi baja lira ».9 L’ode de congé qui nous occupe à présent constitue, elle aussi, un exemple de “lira”. Mais, en l’occurrence, cette qualité ne saurait justifier à elle seule l’intérêt que nous lui accordons. Qu’est-ce qui nous a donc amenée à sortir cette ode du limbe des rimes extravagantes ? De fait, ce poème étale, dans tout leur éclat, un certain nombre de traits distinctifs de ce qu’on a convenu d’appeler, après M. Contini, l’“a»rÆ-situation”.10 C’est pourquoi nous allons transcrire l’ode de congé de Bernardo Tasso, et ceci d’après le texte autographe, qui est conservé à la Bibliothèque Oliveriana de Pesaro.11 Nous signalons en apparat les variantes tirées des deux éditions parues au XIXe siècle ; 0 s’agit de brochures “per nozze”, c’est-à-dire, spécialement imprimées à l’occasion de deux mariages :12

7 Rencontré en 1535, pendant le siège de Tunis, en Afrique ; mais il est fort probable que les deux poètes s’étaient déjà connus à Naples, où Garcilaso séjourna à partir de 1532. Outre la monographie déjà classique de Williamson 1951 (trad. Rota 1993, p. 28 et notes 36, 37), on consultera avec profit l’excellente édition de Morros 1995, avec étude préliminaire de R. Lapesa, pp. xxv-xxxviii et xlii. 8 Composé à Naples entre 1533 et 1536, ce texte est constitué de quintils aBabB, déjà utilisés par Tasso dans ses odes 13,43 et 55, ainsi que dans ses psaumes 8 et 27 : voir Spaggiari 1980, pp. 1004-06. 5 Cf. Baehr 19813, pp. 372-73, ainsi que l’édition de Garcilaso citée, Morros 1995, p. 84. 10 Cf. Contini 1970 [1955], p. 194. 11 II s’agit du ms 1399. On peut lire le texte de cette ode (quoique reproduit dans une graphie qui est, comme d’habitude, assez modernisée) dans Bernardo Tasso, Rime, vol. II, pp. 394-96. Cette récente édition, malgré son indéniable utilité, au vu surtout de la rareté de l’édition Serassi (Bergamo 1749), est cependant loin d’être satisfaisante, ne serait-ce que par l’absence d’un index quelconque, alors que les deux volumes dépassent les 800 pages au total. Tout commentaire, tout apparat critique y est absent. De plus, une discordance indéniable, voire parfois frappante, oppose entre eux les critères d’édition adoptés par les deux auteurs, ainsi qu’il ressort de la comparaison entre les exposés que ceux-ci ont respecti­ vement consacrés à ces questions (cf. L I, pp. 413-30, et t. II, pp. 417-30). 12 Cf. Ode 1858 (A) et Ode 1867 (B). Ces publications se targuent curieusement toutes les deux du titre d’inédit. Et pourtant, comme la comparaison entre elles le montre assez clairement, la plus récente a été reproduite (bien qu’avec quelques innovations) à partir de l’édition princeps de 1858, dont elle reprend, en raccourci, la note suivante : « Nel codice autografo delle Rime di B.Tasso posseduto da G.Vanzolini sta quest’Oda dopo un Sonetto inedito ad Ippolita Pallavicini che comincia : Se quella donna disptetata et ria, e innanzi all’Oda, già édita, pel natale dell’Autore che comincia : Poi che di vaghifiori. Non le sta scritto in ffonte altro che Oda tenp. Varie sono le correzioni che l’A. d ha fatto (...) ».

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Encore su r le thèm e de J’«

5

Aure liete e feliri. Che dal del piu sereno, De le piu dilettose alte pendid Che bagnino le stelle Con le rugiade mattutine e belle,

10

Con 1’ampio grembo pieno Di vaghi fior venite A questo di Liguria almo terreno. Ditemi se per sorte Avete vista la mia dolce morte

15

Errar per le fiorite E verdeggianri rive Con quelle grazie rare et infinite, Facendo fiorir I’erba Col gentil piede e con la pianta acerba,

20

O se fra l’altre Dive, Qual fra le stelle il sole, Col foco de le luci ardenti e vive Infiammar d’onestade II d d di quelle ricche alme contrade,

25

O con dold parole E con vod onorate Cantar talor come sovente suole, A1 lieto canto intend Rendendo il del, la terra, il mare e i vend ;

30

Dite se mai beltate Vedeste a quella eguale Con un sol guardo far l’alme beate, E cogli ardenti lumi Arder de l’amor suo montagne e fiumi.

35

Deh, se ’1vostro fatale E benigno destino Vi fa spiegar in quelle parti l’ale, Ditele che pensoso Vive da Id lontano e lagrimoso

40

Dafni. e col volto chino Bagn’or di pianto i fiori, Or con caldi sospir l’aere vicino Percuote si che l’onda Risponde al suo martir alta e profonda ;

45

Ne stan ne’ salsi umori Di questo ondoso mare Che bagna a Genoa i pie Ninfa, o pastori In questi colti colli, Che sovente cogli occhi umidi e molli

aura »

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É tu d es de langue et de littérature m édiévales offertes à P eter T . R icketts

50

Non l’abbin visto errare Per li lidi arenosi, E con dolente suono alto chiamare Antiniana intorno, Rendendo del suo duol doglioso il giorno ;

55

E che ne’ poggi ombrosi Di questo almo paese Non è arbuscel ch’amico a’ suoi riposi Non mostri di sua mano Scritto nel tronco il nome alto e sovrano.

60

Tal ch’ogn’alma cortese Cui scalda amor il core Seco si duol de le sue gravi offese, E con caldi sospiri Accompagna sovente i suoi martiri.

65

E se non che ’1dolore Tempra la cara spene Che di tornar a lei le dona Amore, Già fiimo, polve od ombra Saria la carne che l’anima ingombra,

70

E lo spirto, che tiene Ali veloci e preste, N’andrebbe a lei com’al suo sommo bene, Del suo leggiadro viso Facendo, o de’ begli occhi, il paradiso.

75

Aure. se mai aveste Nel cor dolci radici D’amor, se del suo bene unqua godeste, Ditele quel ch’io dico : Cosi vi sia mai sempre il cielo amico.

Variantes 13 1 felici B - 2 Ciel B —3 Da le più AB ; pendici, A —4 Cui bagnino B - 7 fior, AB - 15 piede, AB ; acerba : AB - 16 dive, A ; dive B - 18 delle luci B - 20 contrade : AB - 23 talor, AB - 25 il ciel la terra il mare e i vend. A - 28 beate ; AB - 29 E con gli AB - 31 Deh ! A, Deh B - 33 spiegare B - 37 Bagna or B ; fiori ; A - 38 Or co’ caldi AB ; l’aer B - 39 Percote AB - 40 profonda. AB — 42 mare, A - 43 i pié, ninfa, o pastori AB - 45 co gli AB - 46 l’abbia B - 48 E con languida voce alto chiamare AB - 50 giorno. AB —53 a’ sui riposi B - 55 sovrano. AB - 56 cortese, A - 57 Amor il core, A ; Amore il core, B - 58 offese ; AB - 62 spene, AB - 65 la

13 II s’agit surtout de variantes de forme, qui affectent aussi bien la graphie que la ponctuation. La collation est faite en assumant comme texte de base l’édition Martignone, qui, comme on vient de le rappeler, modernise sûrement la graphie, et, peut-être aussi, la ponctuation.

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Encore su r k thèm e de / ’«

aura »

came, che l’animo B ; ingombra. AB - 68 a lei, A ; bene B - 70 Facendo o de’ begli occhi il paradiso. AB; 73 ben unqua godeste B - 74 dico ; AB - 75 il Cielo amico ! A. L’ode est axée sur le motif du vent messager, composante essentielle de Yaurasituation : conformément à la définition donnée par M. Contini, l.c., il s’agit de l’haleine qui rejoint le poète, soufflant depuis l’endroit où réside la bien-aimée. Se trouvant à Gênes, soit au bord de la même mer qui baigne aussi le golfe de Naples, le poète s’adresse à la brise qui souffle depuis sa propre maison, en lui demandant des nouvelles de Porzia, qui est restée toute seule là-bas. Après l’évocation des multiples virtus qui ornent sa femme, Bemardo confie au vent son message de profonde détresse, mitigée à peine par l’espoir de retourner, un jour, auprès de l’être aimé.14 Au cas où l’on persisterait à ranger Bernardo Tasso parmi les “pétrarquistes” tout court, on aurait du mal à classer ce poème sur la base des paramètres établis d’après le modèle de Pétrarque. D’abord, il ne s’agit ni d’un sonnet, ni d’une chanson, soit les deux formes métriques qui se partagent à elles seules la plus grande partie des Rerum Vulgarium Fragmenta. Par ailleurs, si la forme utilisée dans ce poème est l’ode d’inspiration horacienne, puisée directement aux sources latines, sur le fond Bemardo a eu recours à un thème qui caractérise d’abord la lyrique des troubadours occitans, et ensuite Boccace, notamment dans ses œuvres de la période napolitaine : il s’agit, comme on l’a vu, du thème de l’aura proprement dit. Largement exploité dans la poésie arabe classique, ainsi que nous l’avons dé­ montré dans notre article de 1984, ce motif est appliqué ici, pour la première fois, à l’amour conjugal.15 Ce double ancrage culturel (d’un côté, Horace et l’ode classique, de l’autre côté, le thème de Yaura rattaché à celui de l’amour conjugal) oppose formellement Bernardo Tasso à la tradition lyrique pétrarquiste. Les écrits théoriques de Bemardo Tasso ne sauraient d’ailleurs laisser subsister le moindre doute au sujet de sa volonté de se démarquer par rapport à Pétrarque. Certes, tantôt sa modestie, tantôt le manque d’assurance qui lui est propre (bien masquées, l’une et l’autre, sous l’étiquette affichée de la medietas horacienne), l’auront en quelque sorte empêché de mettre en pleine lumière les traits saillants de son projet de réforme anti-pétrarquiste.16 C’est plutôt dans la pratique qu’on le voit appliquer ces nouveaux principes, c’est-à-dire dans la composition de rimes inten­ tionnellement non-alignées sur le modèle de Pétrarque. 14 Dafni et Antiniana sont évidemment les noms fictifs des deux époux. Il faut voir dans Antiniana une allusion explicite à l’œuvre de Giovanni Pontano. Quant à Dafni, le pasteur sicilien qui préféra l’amour d’une femme à celui d’une déesse, il remonte en droite ligne aux sources spécifiques de la tradition littéraire des amours champêtres (Stésichore, au VIIe siècle a.C). 15 II en résulte, entre autres, un contraste frappant par rapport à l’amour fou —ou, de toute façon, impossible - qui rallie les poètes arabes classiques aux troubadours d’oc. 16 De fait, les réflexions théoriques de Bemardo se trouvent dispersées dans son œuvre, se concentrant surtout dans les “epistole dedicatorie” qui servent de préface à ses volumes (et cela à partir de la lettre à Ginevra Malatesta qui ouvre laptinceps). Sur ce sujet, cf. Spaggiari 1994, pp. 111-39 (en particulier, le § 2. Le dichiarasÿoni dipoetica, pp. 115-18).

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Dans cette perspective, qui, à notre connaissance, n’a jamais été évoquée jusquelà,17 on peut enfin restituer à l’œuvre de Bemardo Tasso toute sa valeur, en tant que tentative (peu importe si partiellement avortée) d’imposer un modèle alternatif au courant dominant du pétrarquisme, représenté par Bembo et ses partenaires.18 Pour peu que l’on se penche sur l’histoire des éditions organisées, l’une après l’autre, par l’auteur tout au long de sa vie, on apercevra assez clairement les avatars d’un dessin en train de se préciser au fil des ans.19 Le thème de Yaura (ou aara-situation) ne figure qu’accessoirement dans le chan­ sonnier de Pétrarque, où, par contre, nombre de poèmes se rattachent manifes­ tement à Yaura-mot, en entendant par là tout le réseau d’allusions et de jeux de mots impliqués dans une séquence de noms qui contiennent le segment phonique /laur/ : l’aura, Laura, lauro, laureto, laurea, l’auro, l ’aureo, l’aurea, l’aurato, l’aurate, l’aurora —> l’oro, l’alloro.20 Or, dans la première édition de ses Amori, Bemardo Tasso publia quelques poèmes, dans lesquels le thème de l’aura, en tant qu’*Mra-situation, apparaît claire­ ment répercuté. Il s’agit notamment de quatre sonnets, une ode, et un “capitolo in terza rima”, où se succèdent des variations sur Yaura, dans une écriture encore tout imprégnée de stylèmes pétrarquistes.21 On y retrouve, donc, toute une série de motifs bien connus : le halo qui entoure la figure de la bien-aimée ; l’endroit, où le poète a pour la première fois rencontré l’objet de tous ses désirs ; l’haleine, qui a eu le privilège de caresser le visage adoré, recueillant de ses lèvres ses mots et ses soupirs ; enfin, la brise à laquelle l’amant confie ses messages, afin que celle-ci par­ vienne jusqu’à les murmurer à l’oreille de la bien-aimée. De toute évidence, on ne peut guère imputer au hasard le fait que ce groupe de textes, marqués par le thème de l’aura, ont tous été soigneusement supprimés, à partir de la deuxième édition des Amori (1534), la seule exception étant représentée par l’ode Quai aura tanto arnica : dédiée, elle aussi, à sa femme, cette ode réapparaît

17 Malgré l’hypertrophie qui caractérise le domaine des études sur la littérature italienne, la bibliographie concernant Bemardo Tasso se réduit à très peu de choses. Ce n’est que tout récemment, après le centenaire de 1994, qu’on a redécouvert cet auteur, ainsi qu’en témoignent les quelques articles répertoriés dans la BIGLLI. 18 Cf. Spaggiari 1994, pp. 118-22. 19 Cf. ibid., § 4 : Daiprimi ai secondi «Am ori», pp. 122-24, où l’on fait état des principales transformations qui ont affecté le recueil des rimes de Bemardo. C’est à peu près aux mêmes conclusions qu’une chercheuse est parvenue par la suite, tout en évitant, de manière assez curieuse, de mentionner notre article, pourtant publié dans une revue qui est parmi les plus connues des spécialistes (cf. Zampese 1997, pp. 74-95). Mme Zampese est encore l’auteur de l’article, au titre décidément trompeur, « Meccanismi macrotestuali nei libri degli “Amori” di Bemardo Tasso » (in AC M E II, 3, 1998, pp. 97-113) : il s’agit en fait d’un ramassis de citations pétrarquistes (concordances obligent !), réunies dans l’effort, en grande partie superflu, de prouver l’existence, à l’intérieur du recueil, de multiples liens d’ordre intertextuel aussi bien qu’intratextuel Ainsi, le cycle des sonnets dits “pastorali” était déjà bien connu, même si Mme Zampese montre d’ignorer l’étude que M. Danzi a consacrée à ce sujet (cf. ici, note 29). 20 Cf. Spaggiari 1985, pp. 236-37 (où réference est faite à l’article fondateur de M.Contini). 21 Cf. son. Occhi dolentij cbe di stille amare (in Am ori, c. 8v), Ecco l'aria serena, ove 'l mio Sole (ib., c. 8v), Deh mi potessi al^ar co'mià desiri (ib., c. 26v), Dolcepensier, che conpiume amorose (ib., c.34v), Superbo Po, cbe ’lsacro cener serbi (ib., c. 41v) ; “capitolo” Debb'io sempre lacer ? deve lo sdegno (ib., c. 17v) ; ode Quai aura tanto arnica (ib., c. 69-71).

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E ncor? su r le thèm e de V« aura »

dans la dernière édition de 1560, en tant que partie intégrante d’un livre expres­ sément consacré à ce genre métrique.22 Cette pièce mise à part, Yaura, ce motif que Pétrarque avait puisé à l’héritage des troubadours, finit donc par disparaître à tout jamais de l’œuvre de Bernardo Tasso, alors que l’ode en forme de “lira” allait, elle, se répandre largement dans la lyrique espagnole et portugaise du XVIe siècle.23 Avant de conclure cet appendice à notre travail de 1984, consacré à la définition et à l’histoire du thème de Yaura, il convient de rappeler le regain d’intérêt qui est venu se manifester, dans les toutes dernières années, autour du motif de la folie d’amour dans les littératures aussi bien orientales qu’occidentales, et, plus en géné­ ral, autour des développements consécutifs à la diffusion ou, plutôt, à la découverte de la culture arabe dans l’Europe du XVIIIe siècle.24 En marge de cette constatation, dont on ne peut que se réjouir, il nous paraît opportun d’évoquer, une fois de plus, quelques précisions essentielles par rapport au thème de Yaura (ou aura-situation), qui - inconnu des littératures classiques — marque d’abord la lyrique arabe des origines, et ensuite la lyrique occitane.25 Or, ce thème n’a strictement rien à voir avec un autre motif, celui-ci beaucoup plus répandu, qui descend en ligne directe des sources latines (et, notamment, d’Ovide, qui n’est sûrement pas pour autant le seul, parmi ses contemporains, à l’employer). Il s’agit là de quelque chose d’entièrement différent par rapport aux deux motifs que nous venons d’examiner. Afin d’éviter toute confusion possible, on aurait peutêtre avantage à désigner celui-ci comme le motif “auraiaestuY’. On sait que les concordances ont toujours abondé dans le domaine des lettres classiques. Dans l’espèce, nous pouvons compter sur plusieurs occurrences, où il est question de Yaura (au sens strict de “brise rafraîchissante”) qui vient soulager l’ardeur amou­ reuse : car l’amour enflamme, brûle, consume (comme on le répète sans cesse, depuis Alcée, Sappho, Anacréon). De fait, la brise fraîche, soufflant parmi la verdure, est bien le remède traditionnellement invoqué par tout amant, lorsqu’il est tourmenté par l’ardeur de sa propre passion. Voici un exemple, choisi parmi les dizaines de citations susceptibles d’illustrer ce motif : V ota ad A uras

Aurae. quae levibus percurritis aëra pennis, Et strepitis blando per nemora alta sono : 22 II s’agit, là encore, d’une “ode délia lontananza” en forme de “lira”, où il est question du vent messager : « Quai aura tanto arnica / Mi fia, ehe il suon de l’alte mie querele / Porti a l’amata mia dolce nimica ? / Borea, tu che fedele / Hai gustato d’amor l’assentio, e’l feie I ... I Porta nel grembo tuo la pena mia, / Ov’ hor ondoso, hor piano / Bagna Napoli bella il mare insano. / / Ivi vedrai colei, / Che tiene, e terrà sempre in mano il freno / Di tutti i tristi o lietd pensier miei ; / Che fa l’aere sereno ; / E di Rose, e di fior lieto il terreno » (Rime, cit., ode XXV, w . 1-15, p. 69). 23 Cf. Spaggiari 1999. 24 II suffira de citer, à titre d’exemple, le Congrès Lesfous d’amour, organisé à Paris IV —Sorbonne les 2931 mars 2001. 25 Ce qui demeure un fait incontournable, même pour ceux qui avancent des réserves sur le monogénisme du motif.

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Serta dat haec vobis, vobis haec rusticus Idmon Spargit odorato plena canistra croco. Vos lenire aestum. & paleas sejungjte inanes, Dum medio fruges ventilât ille die. Or, ces quelques vers en distiques élégiaques ne remontent pas à la tradition classique, loin de là : ils appartiennent, en effet, à l’œuvre de l’un des humanistes les plus élégants et cultivés, Andrea Navagero. La princeps vénitienne des ses Lusus, d’où nous avons tiré la pièce reproduite ci-dessus, a été publiée en \ 530, soit peu avant la sortie du premier livre des Amori de Bemardo Tasso.26 L’exemplarité de ce bref lusus, où allusion est faite au vénérable topos que nous venons d’évoquer,27 est d’ailleurs confirmée par une traduction vernaculaire et par un sonnet, dus l’une et l’autre à des autheurs contemporains ; voici les textes dont il est question : Anonyme28 Tradotto dal Navagerio. All’aure. Fresche aurette, voi che l’aria co’ vanni ferite, Et grato, & dolce suon per i boschi fate. Queste corone sacre donavi hor Lico ; questi canestri Spargevi ; son tutti colmi di croco puro. Smorzate il caldo ; spartite le paglie fugaci Mentre al mezzo die slolla ei le biade sue. Matteo Bandello, Rime, CLXIX29 Dolci Ore, che con lievi penne andate l’aria scorrendo, ed un concento grato tra gü alti boschi, e selve in ogni lato temprando il caldo dolcemente fate, 26 Navagero 1530. L’ami qui s’occupa de l’édition posthume (Navagero étant décédé l’an 1529) fut, sans doute, Girolamo Fracastoro. 27 Encore plus éloquent, de par son étendue, le sujet d’un autre lusus tiré du même recueil, le n. IX. INVITATIO AD AMOENAM FONTEM : « Et gelidus fons est, et nulla salubrior unda, / Et molli circum gramine terra viret, / Et ramis arcent soles frondentibus alni, / Et levis in nuüo grarior aura loco est, / Et medio Titan nunc ardentissimus axe est, / Exustusque gravi sydere fervet ager. / Siste, viator, iter : nimio iam torridus aestu es, / Iam nequeunt lassi longius ire pedes. / Accubitu langorem, aestum aura umbraque virenti, / Perspicuo poteris fonte levari sitim». Le couple auraiaestus, dont les éléments apparaissent d’abord séparés (v. 4 et 7), pour ensuite se réunir après au v. 9, est entouré par la série gelidus... ardentis­ simus... exustus... fervet... torridus, qui rehausse l’antithèse de base entre la chaleur intenable et le soulagement offert aussi bien par la fraîcheur de la brise, que par l’eau glacée coulant de la source. 28 Cf. Versi, et Regole de la Nuova Poesia Toscana, 1539. Précédé d’une dédicace A Monsignor Gianfrancesco Valerio, signée par Ser. Cosimo Pallavicino, ce recueil est constitué de fascicules de huit pages chacun, dont la première est marquée par une lettre majuscule, répétée trois pages après, au début du deuxième bifolio (ex. : A, Aij). La section intitulée Epigrammi tradotti di Eatino in Toscane commence à L8. La pièce qui nous concerne se trouve, elle, à M2. 29 Éd. Danzi 1989, p. 205.

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E ncore s u r le thèm e de F« aura »

queste ghirlande vaghe ed odorate, che di bei fior conteste, avea donato Clitora al suo pastor sî caro e amato, Delio su quest’altar vi ha consacrate. Temprate, prego, il fier nocivo ardore che tiene il mar, la terra e l’aria ardente, or che Febo raccende al Cane il petto. E mentre il grano ei sparge a le vostr’ôre, la paglia e’1loglio misero e nocente sceglieste si che resti puro e netto.30 C’est dire la vitalité de ce topos, qui, tout en remontant aux origines mêmes de la littérature classique, était encore en mesure de stimuler la fantaisie des poètes du XVIe siècle : ceux-ci se gardaient d’ailleurs de faire l’amalgame entre ce qui revient à la tradition néo-latine (aura-mot et aura-situation) et ce qui est, au contraire, une marque de classicisme, relayée par les humanistes.

Bibliographie Amori- 1531 = Libro primo de gli Amori di Bernardo Tasso. In Vinegia per Giovan Antonio & Fratelli da

Sabbio, MDXXXI. Amori2- 1534 = De gli Amori di Bernardo Tasso. In Vinegia per loan.Ant. da Sabio. del XXXIIII del mese di

Settembre. Amori2 1537 = Libro tençp de gli Amori di Bernardo Tasso. In Vinegia per Bernardino Stagnino l’anno di

nostra salute MDXXXVII. A m ori 1555 —I tre libri degli Amori di Bernardo Tasso. A i quali nuovamente dalproprio autore s'è aggiunto il quarto libro, per aàietro nonpiü stampato. In Vinegia, Appresso Gabriel Giolito de’ Ferrari, et fratelli, MDLV. Baehr, R. 19813. Manual de versificadôn espanola. Madrid : Gredos, pp. 372-73. Bernardo Tasso, Rime. Vol. I : I tre libri degliAmori. Testo e note a c. di D. Chiodo ; vol. II : LibriQuarto e Quinto Salmi e Ode. Testo e note a c. di V. Martignone. Torino : RES, 1995. Contdni, G. 1970. «Préhistoire de 1’aura de Pétrarque» [1955], dans Varianti e altra Ünguistica, Torino:

Einaudi, pp. 193-99. Danzi, M. 1983. « DalTepigramma al sonetto pastorale : Navagero e Bandello », dans Studi di letteratura italiana offerti a Dante Isella, Napoli, Bibliopolis, pp. 103-11. — éd. 1989. Bandello, Matteo. Rime. Edizione e commento a cura di M. Danzi. Ferrara: Panini (« Istituto di Studi sul Rinascimento di Ferrara »). Morros, B. 1995. Garcilaso de la Vega, Obra poëtica y textos en prosa, Barcelona: Critica («Biblioteca Clâssica », 27). Navagero 1530 = Andreae Naugerii Patridi Veneti Orationes duae, carminaque nonnulla. Colophon : Impressum Venetiis amicorum cura quam potuit fieri diligenter. Praelo Joan. Tacuini.

30 M. Danzi a encore repéré deux traductions en langue vernaculaire de ce même lusus, qui remontent à la première moitié du XVIe siècle, à savoir, un madrigal de Pietro Angelo Bargeo (inc. Aure che tra lefronde mormoratè), et le sonnet Aure che con velod ali inquiété du poète milanais Renato Trivulzio (1495-1545 ?). Cf. Danzi 1983, pp. 103-11.

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Ode 1858 = Ode inedita di Bernardo Tasso, Pesaro : Tipografia di A.Nobili, 1858 [per nozze del Cav. Enrico

Badia con la contessa Giuseppina Belluzzi; Giulia Vaccai dedica al fratelio dello sposo Mon$. Pasquale Badia, delegato della provincia metaurense]. Ode 1867 = Ode inedita di Bernardo Tasso pubblicata da Alessandro Carletti, Siena : Tipografia Sordo-Muti, 1867 [Per nozze Bandini-Lazzeri). Perugi, M. 1994. « Ancora sul tema delTaura », Studi MedievaÜ, 3e s., XXXV : II, pp. 823-34. Pintor, F. 1900. « Delle liriche di Bernardo Tasso », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, Filosofia e Filologia, XIV, pp. i-v, 1-201. Rime 1560 = Rime di Messer Bernardo Tasso. Divise in cinque libri nuovamente stampate. In Vinegia, Appresso Gabriel Giolito de* Ferrari, MDLX. Rossi, L. 1990. « Per la storia deLT'Aura” », Lettere italiane XIII, pp. 553-74. Spaggiari, B. 1980. « Nel quarto centenario della morte di Luis de CamÖes. L'ode IX : Per la conoscenza della lirica camoniana », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, Classe di Lettere e filosofia, s. Ill, voL X,3, pp. 1003-1064. — 1985. « II tema ‘Vest-östlicher” dell'aura », Studi Medieval!, 3e s., XXVI : I, pp. 185-290. — 1994. « L’“enjambetnent” di Bernardo Tasso», Studi di Filologia Italiana LII, pp. 111-39. — 1999. « L’adattamento di metri italiani nella poesia iberica del sec. XVI : l’ode e il sonetto », dans “E vós, Tdgides minhas,\ Miscellanea in onore di Luciana Stegagno Piccbio, a c. di M.-J. de Lancastre, S. Peloso, XL Serani, Viareggio-Lucca r Baroni Ed., pp. 681-89. Versi, et Rigole de la Nuova Poesia Toscana, Victoria Aetema SC, Romae M.D.XXXIX [explicit : In Roma per Antonio Blado d’Asola. Nel M.D.XXXXX. Del Mese d’Ottobre]. Williamson, E. 1951. Bernardo Tasso. Roma : Edizioni di Storia e Letteratura (trad. ital. par D. Rota, Bergamo : Centro di Studi Tassiani, 1993). Zampese, C. 1997. AlTombra delginepro. Considerasgonisulprimo libro degli