La Guinée: locomotive des indépendances africaines 2343118868, 9782343118864

Le "Non" historique et légendaire de la Guinée au référendum gaulliste du 28 septembre 1958 a fait une brèche

328 94 1MB

French Pages 104 [98] Year 2017

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD FILE

Polecaj historie

La Guinée: locomotive des indépendances africaines
 2343118868, 9782343118864

Citation preview

Le ‘’Non’’ historique et légendaire des populations de la Guinée française, sorti de l’usine de la dynamique populaire, au référendum gaulliste du 28 septembre 1958, a fait une brêche dans l’Empire colonial français. Les dates des 25 août, 28 septembre, 2 octobre et 12 décembre 1958 ont été des gifles au général Charles de Gaulle alors président du Conseil du gouvernement français, et en même temps des pas de géant vers la libération totale du continent africain du joug colonial européen. Ces dates ont marqué d’emprunts particuliers non seulement l’histoire de la Guinée, mais aussi et surtout celle des rapports franco-guinéens. À ces dates, la Guinée a refusé et rejeté la Communauté franco-africaine, a accédé à l’indépendance et a pris la place qui la sienne à l’Organisation des Nations unies. Ce livre met en valeur l’impact de la lutte de la Guinée sur l’éveil politique de l’Afrique pour l’indépendance. Ainsi, la Guinée devient la locomotive des indépendances africaines. Il est destiné à la jeunesse guinéenne car, une jeunesse qui s’ignore et s’égare ne saurait se projeter dans l’avenir. Alpha Oumar Sy Savané est diplômé de l’Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry en Géographiemathématiques, de l’Université de Liège (Belgique) en Relation internationale et politique européenne et de la Faculté universitaire de Gembloux (Belgique) en Sciences de la Terre. Me Sy Savané est professeur de géographie, fondateur et Directeur de la publication de la revue ‘’Le Tamis’’, analyste chroniqueur du journal ‘’Le Diplomate’’, ancien Directeur des Rédactions du Groupe de Presse et de Communication ‘’Afric Vision’’ et Expert en Communication de l’OMVG à Dakar.

Illustration de couverture : © J. Allain - Jalkastudio / Thinkstock

ISBN : 978-2-343-11886-4

13,50 €

9 782343 118864

Alpha Oumar Sy Savané

locomotive des indépendances africaines

Alpha Oumar Sy Savané

e é n i u La G ive loco moctes ricaines f a n a d n e des indép

La Guinée

La Guinée

Préface de Souleymane KÉITA

LA GUINÉE, Locomotive des indépendances africaines

Préface de Souleymane KÉITA

Me Alpha Oumar SY SAVANÉ

LA GUINÉE, Locomotive des indépendances africaines

Préface de Souleymane KÉITA

Du même auteur Guinée 1958-2008, l’indépendance et ses conséquences (janvier 2009). La Guinée, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies (mars 2014). Et vint Kaléta ! Le barrage de tous les espoirs (septembre 2015).

© L’HARMATTAN-SÉNÉGAL, 2017 10 VDN, Sicap Amitié 3, Lotissement Cité Police, DAKAR http://www.harmattansenegal.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-11886-4 EAN : 9782343118864

DÉDICACE Ce livre est dédié à ma mère adoptive feue N’Na Gnalen KONATÉ, la fille de Tron. Elle m’a nourri d’abord du lait de ses seins, ensuite de tout ce qu’elle a pu tirer de la terre nourricière de Kambaya. Mère attentive, compréhensive et patiente, N’Na Gnalen KONATÉ m’a enseigné et éduqué dans le sens de la grandeur humaine pour être l’homme que je suis aujourd’hui à vos yeux. Que son âme repose en paix ! Que le Paradis soit sa demeure éternelle ! Amen !

7

PRÉFACE Le présent livre est la suite logique du premier que j’ai préfacé en juin 2008 et qui est sorti aux Éditions Harmattan en janvier 2009 : Guinée 1958-2008, l’indépendance et ses conséquences. Chaque jour passé depuis a apporté des informations pertinentes pour la rédaction de celui-ci qui forme, enseigne, éduque, convainc et mobilise. Ce livre n’est pas une simple relation des faits liés aux dates glorieuses de la Guinée. Il est aussi l’expression d’un courage patriotique qui amène le citoyen à écrire l’histoire de son pays sans passion et sans parti pris. L’auteur, doué d’une intelligence lumineuse, a le savoir et l’art de donner à la géostratégie et à l’histoire de la Guinée toute la gloire qu’elles méritent. L’analyse pertinente des faits historiques de la Guinée aux dates glorieuses du livre fera, j’en suis sûr, école tant en Guinée que dans le reste de l’Afrique. La jeunesse guinéenne doit être informée sur l’histoire de la Guinée et sur les rapports de force que cette histoire a entrainés. Ces rapports de force ont largement contribué à l’émancipation et à la libération du continent africain.

9

La Guinée, locomotive des indépendances africaines est un livre dont je recommande non seulement la lecture, mais aussi et surtout l’enseignement du contenu aux jeunes dans les institutions d’enseignement et de formation de la Guinée. Souleymane Kéita, Professeur, Secrétaire général de l’Institut Supérieur des Arts de Guinée (ISAG) de Dubréka. Conakry, le 12 février 2017

10

AVANT-PROPOS Mon intérêt, dans l’histoire de la Guinée, pour les dates des 25 août, 28 septembre, 2 octobre et 12 décembre 1958, est dû essentiellement au fait qu’elles marquent la naissance de la République de Guinée. Cette naissance a été la locomotive des indépendances des colonies occidentales sur le continent africain. Cet intérêt se justifie aussi par les circonstances suivantes : - Je suis professeur de géographie et géographe internationaliste spécialisé en géostratégie. La géographie étudie la Terre et tous les phénomènes qui s’y déroulent. Quant à la géostratégie (une branche de la géographie), elle étudie les relations de force entre les puissances, à partir de l’ensemble des données géographiques. Il s’entend alors que ces dates et les relations de force qu’elles ont entraînées m’interpellent pour des raisons purement académiques. - Ces dates marquent une période au cours de laquelle la Guinée n’a jamais aussi pesé de tout son poids sur la scène internationale et dans les rapports de force entre entités géopolitiques. Elle n’a jamais été aussi exposée « aux projecteurs de l’actualité nationale et internationale ». C’est bien pendant cette période que la Guinée a servi de phare à l’Afrique. Elles ont fait de la Guinée la première puissance politique du continent africain. - Ces dates glorieuses de 1958 ont permis à la Guinée de donner la plus belle et grave leçon de morale et d’histoire à l’Occident colonial, revanchard et raciste : « Le combat des démocraties contre le fascisme et le nazisme s’était effectué au nom de la liberté et contre le racisme. Dès lors, les peuples colonisés, eux-mêmes physiquement engagés dans les combats contre les puissances de l’Axe, ne pouvaient que demander aux Européens d’être cohérents envers leurs propres principes. » (M. A. de Saint Paul, 1982). 11

- Les 25 août, 28 septembre, 2 octobre et 12 décembre de l’année 1958 constituent les dates qui ont marqué d’empreintes particulieres, non seulement, l’histoire de la Guinée, mais surtout celle des rapports franco-guinéens et franco-africains. À ces dates, la Guinée a refusé et rejeté la Communauté francoafricaine, a accédé à l’indépendance et a pris la place qui est la sienne dans la Communauté des Nations éprises de paix et de liberté, c’est-à-dire les Nations unies. La République de Guinée traverse une période cruciale de son évolution politique quand on sait que les acteurs de cette évolution mettent tout en œuvre pour désunir les Guinéens, créer le chaos afin de balkaniser le pays. Autant, maintenant, faire la relation analytique de la naissance de la Guinée pour que la jeunesse, que tout le monde manipule, sache pour mieux décider de son avenir qui est celui de la Guinée. Ce livre lance le cri d’alarme pour que le Guinéen ne cède pas à l’intimidation, à la manipulation et à l’intoxication politico-historique. Les États-Majors des partis politiques sont en train de se transformer en États-Majors de la violence politique. Les menaces fusant de tous les bords, bien relayées par les médias de la place et d’ailleurs, donnent le froid dans le dos et la sueur au front. La Guinée doit assumer son rôle historique de locomotive de l’émancipation africaine. Ceux qui se sont servis de la Guinée ne veulent même plus que d’autres la servent. À toutes celles et à tous ceux qui ont apporté une contribution, si peu soit-elle, pour la rédaction de ce livre, mes très sincères remerciements. Je pense plus particulièrement à El Hadj Lansana FOFANA, Haut-Commissaire de l’OMVG. Monsieur Amadou Matar Diouf, Expert environnementaliste de l’OMVG, a accepté volontiers de lire le manuscrit, de me faire des observations et des suggestions qui ont été d’un apport substantiel au livre. Je l’en remercie sincèrement. Dakar, le 9 février 2017 L’auteur.

12

PREMIÈRE PARTIE LES 25 ET 26 AOÛT ET LE 28 SEPTEMBRE 1958 : LA VISITE DE CHARLES DE GAULLE À CONAKRY ET LE RÉFÉRENDUM GAULLISTE

13

CHAPITRE PREMIER LES 25 ET 26 AOÛT 1958 LA VISITE DE CHARLES DE GAULLE À CONAKRY Le 25 août 1958 a marqué l’arrivée du général Charles de Gaulle, Chef du Conseil du gouvernement français, à Conakry, dans le cadre de sa tournée africaine, pour la campagne en faveur du ‘’Oui’’ à la Communauté francoafricaine. Cette tournée a débuté le 20 août 1958 à Brazzaville au Congo et s’est poursuivie à Fort-Lamy (N’Djamena) au Tchad, à Tananarive (Antananarivo) au Madagascar, à Abidjan en Côte d’Ivoire, à Conakry en Guinée, le 25 août, à Dakar au Sénégal, le 26 août, et enfin le 29 août 1958, à Alger en Algérie. « Il espère convaincre l’ensemble de ses interlocuteurs de voter ‘’oui’’ et se déclare d’ailleurs persuadé de leur réponse positive, même dans le discours qu’il prononce à Conakry. » (André Lewin, Ahmed Sékou Touré, Tome 2, 2009, p. 96)

1.1 LES MOTIVATIONS DE LA TOURNÉE AFRICAINE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE EN AOÛT 1958 Même durement éprouvée par la Première Guerre mondiale, l’Europe domine le monde. Avec la Deuxième Guerre mondiale, c’est l’ordre international fondé sur la suprématie de l’Europe qui s’écroule. Les Européens en sortent complètement anéantis sur les plans militaire, économique et moral. Les motivations de la tournée africaine de Charles de Gaulle tiennent à deux fils : 15

1- Ramener l’élite africaine dans le camp du ‘’Oui’’ à la Communauté franco-africaine ; 2- Rattraper le retard pris par la France sur les ÉtatsUnis et le Royaume-Uni dans le débat colonial. Les motivations du 25 août sont surtout celles du 28 septembre. Le 25 août est une conséquence du 28 septembre bien qu’il lui soit antérieur. En effet, la tournée du mois d’août permet au général Charles de Gaulle de faire passer le ‘’Oui’’ dans toutes les colonies françaises d’Afrique brisant ainsi son isolement dans le débat colonial. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des mouvements indépendantistes se multiplient dans les colonies d’Afrique. Le gouvernement français choisit de les réprimer durement, comme à Sétif en Algérie (1945) ou à Madagascar (1949). La situation est particulièrement délicate en Afrique du Nord. Si le Maroc et la Tunisie obtiennent leur indépendance sans trop de violences (1956 et 1957), l’Algérie ne se libère qu’après une longue et meurtrière guerre de décolonisation (1954-1962). La création du parti panafricain, le Rassemblement démocratique africain (RDA), révèle de la volonté unanime des élites des colonies françaises d’Afrique équatoriale et occidentale de mener les colonies à l’indépendance sans condition. Le retard de la France dans le débat colonial se mesure par le fait que déjà en 1941, en pleine guerre, le premier ministre britannique, Winston Churchill, et le président américain, Franklin Delano Roosevelt, promulguent la Charte de l’Atlantique, par laquelle ils promettent à tous les peuples colonisés, essentiellement ceux des colonies britanniques et françaises d’Afrique noire, le droit de choisir leur forme de gouvernement, une fois que la guerre contre les puissances de l’Axe serait gagnée . 16

Pour ne pas être en retrait par rapport aux promesses anglo-saxonnes, il est indispensable pour la France de se montrer elle aussi attentive aux aspirations des populations africaines. La part prise par les Africains dans les combats, entre autres durant la campagne d’Italie, le justifie amplement. À leur égard, la France a contracté « une dette de sang ». Ainsi est tenue la Conférence de Brazzaville, du 30 janvier au 8 février 1944 : « Pour conduire par la route des temps nouveaux 60 millions d’hommes qui se trouvent associés à 40 millions de [Français]… Pourquoi ? En premier lieu parce que c’est la France. … Ensuite parce que c’est dans les terres d’outre-mer et dans leur fidélité qu’elle a trouvé son recours et sa base de départ pour sa libération ». (Charles de Gaulle, Conférence de Brazzaville)

Pourtant, il ne faut jamais l’oublier, la France ne voulait pas et n’a jamais voulu l’indépendance de ses colonies africaines. C’est bien le lieu d’enseigner les détracteurs du ‘’Non’’ légendaire de la Guinée. En effet, à la Conférence de Brazzaville, Charles de Gaulle voulait bien sûr : « Conduire les 60 millions d’associés par la route des temps nouveaux … », mais avec une restriction importante : « Les fins de l’œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies, dit-il, écartent toute idée d’autonomie, toute idée d’évolution hors du bloc français de l’Empire ; la constitution éventuelle -même lointaine- de self gouvernements dans les colonies est à écarter ».

C’est donc dans sa campagne pour le ‘’Oui’’ en faveur de la Communauté franco-africaine, c’est-à-dire en faveur de la soumission, que le président du Conseil du gouvernement français, le général Charles de Gaulle, a séjourné à Conakry, les 25 et 26 août 1958, à la tête d’une 17

importante délégation gouvernementale de la République française. Le programme officiel élaboré pour cette visite était le suivant : Lundi 25 août : 16 h 40 : Arrivée à l’aérodrome de Conakry, revue des troupes de la Garnison, Présentation des corps constitués. 17 h : Départ pour Conakry. 17 h 30 : Dépôt d’une gerbe au Monument aux Morts. 17 h 45 : Arrivée au Palais du Chef du Territoire. 18 h00 : Audience du Chef du Territoire et du président du Conseil de gouvernement. 18 h 30 : Le général de Gaulle à l’Assemblée territoriale. Allocutions du président de l’Assemblée territoriale et du président du Conseil de gouvernement. Discours du général de Gaulle. 19 h 30 : Retour au Palais. 20 h 00 : Dîner intime. 21 h 00 : Réception au Palais. Mardi 26 août : 7 h 20 : Départ du Palais. 7 h 50 : Arrivée à l’aérodrome. 8 h 05 : Départ pour Dakar.

18

Il faut que les complices guinéens de la France coloniale s’en convainquent que si la Guinée n’avait pas osé, si elle n’avait pas donné l’exemple, l’Afrique serait encore dans le carcan. Et comme les êtres humains sont des êtres libres et indépendants, et qu’ils inventent euxmêmes leurs critères moraux, la seule chose qu’on puisse leur demander est d’être loyaux envers leurs propres critères et valeurs. Le courage et la détermination des populations de la Guinée française ont été le stimulant pour les autres populations africaines à réclamer leur indépendance sans condition. Ainsi la Guinée se positionne comme la locomotive, le promoteur, des indépendances des colonies occidentales en Afrique. 1.2 LES SIGNIFICATIONS DE LA DATE DU 25 AOÛT 1958 Le 25 août 1958 revêt une triple signification pour la Guinée et pour l’Afrique : C’est d’abord la date du refus. Selon le dictionnaire, refuser signifie ne pas accepter ce qui est proposé, présenté. Donc, le 25 août 1958 marque le refus par la Guinée de la Communauté franco-africaine, de la Constitution de la Vème République française. Un exemple qui honore le continent africain. On ne dira jamais plus que les Africains, dans l’ensemble, étaient tous des moutons de Panurge. Ensuite, cette date marque le début de la lutte de libération de la Guinée. À partir de ce moment, la colonie est en guerre avec sa métropole ; une guerre qui ne dure tout juste que trente-cinq (35) jours, du 25 août au 28 septembre 1958. Enfin, le 25 août 1958 montre bien qu’une allocution peut avoir la puissance de frappe d’une armée aussi puissante soit-elle. En effet, la partition la plus importante 19

de la lutte de libération de la Guinée s’est jouée précisément pendant l’allocution de Sékou Touré, Secrétaire général du Parti démocratique de Guinée (PDG) et Vice-président du Conseil du gouvernement de la Guinée française, ce jour-là. 1.3 LA LUTTE DE LIBÉRATION DE LA GUINÉE FRANÇAISE Il y a bien eu lutte de libération en Guinée dans la mesure où le colonialisme français n’a pas croisé les bras après la déclaration d’intention des dirigeants guinéens, le 25 août 1958. Pour preuve, le 25 septembre 1958, bien avant le rejet de la Communauté franco-africaine par la Guinée, le 28 septembre 1958, le Haut-Commissaire de France en Afrique occidentale française (1958-1959), Pierre Messmer, décidait : « … Sous prétexte d’assurer la sécurité des Français le jour du référendum, j’envoie à Conakry … à bord d’un navire de la marine nationale une compagnie de parachutistes dans laquelle un solide commando a l’ordre écrit et signé de ma main de se faire remettre les milliards [de francs] et de les transporter aussitôt à bord du navire qui les ramènera à Dakar… »

Pour feu Jean-Marie Doré, ancien Président du parti politique ‘’l’Union pour le progrès de la Guinée’’ (UPG) : « … La Guinée ayant osé défier le général Charles de Gaulle, ayant osé défier la France, il fallait mettre à genou le peuple de Guinée, faire échouer l’action de Sékou Touré… »

Enfin, pour Aimé Césaire : « … Il faut se garder de la mystique de la violence. Il n’y a pas dans l’héroïsme une vertu telle qu’elle seule puisse fonder la cité. On aura pris l’effet pour la cause. Et si la guerre, comme rien d’autre, cimente l’indépendance, ce n’est pas par la vertu du sang répandu, mais par la vertu de la mobilisation qui a rendu un peuple capable de répandre son sang. Or, si la 20

guerre n’a pas eu lieu, c’est que la mobilisation du peuple de Guinée par Sékou Touré l’a rendue inutile. »

La tournée africaine du général Charles de Gaulle en août 1958 s’inscrit dans le cadre de la campagne en faveur du ‘’Oui’’ à la Communauté franco-africaine, à la Constitution de la Vème République française. Politiquement, la tournée relève du référendum du 28 septembre qui permet à la France de rattraper son retard dans la décolonisation, un retard vivement souhaité et entretenu par elle. 1.4 LES PRINCIPAUX ACTEURS DE L’ÉVÈNEMENT HISTORIQUE DU 25 AOÛT 1958 Le 25 août 1958 a planté le jalon de l’engagement de la Guinée française à dire ‘’Non’’ au référendum gaulliste du 28 septembre 1958. Les principaux acteurs de cette partition de la lutte des dirigeants et des populations pour l’indépendance ont été : 1- La population massée dans et autour du Palais de l’Assemblée territoriale à Boulbinet ; 2- Saïfoulaye Diallo, Président de l’Assemblée territoriale de la Guinée française ; 3- Sékou Touré, Vice-président du Conseil du gouvernement territorial de la Guinée française et Secrétaire général du Parti démocratique de Guinée (PDG) ; 4- Charles de Gaulle, Président du Conseil du gouvernement de la République française. Les populations de Conakry, massées tout au long des 15 km de la route du Niger (Aérodrome de Conakry-Place Monument aux Morts) empruntée par le général, ont réservé un accueil mémorable à la délégation du gouvernement français. Mais c’est surtout le Palais de 21

l’Assemblée territoriale qui a marqué d’un emprunt particulier la date glorieuse du 25 août 1958. Ce qui s’y est passé mérite mieux d’être analysé que raconté. Dans sa tournée africaine, le général de Gaulle a réussi à faire basculer dans le camp du ‘’Oui’’ la totalité des dirigeants des colonies visitées. En Guinée française, il en espérait autant. C’était sous-estimer la détermination des dirigeants guinéens à œuvrer pour le ‘’Non’’ et méconnaître la mobilisation des populations guinéennes derrière leurs dirigeants. Dans le Palais de l’Assemblée territoriale, Saïfoulaye Diallo annonce la couleur de ce qui allait être l’os dans la gorge du général de Gaulle jusqu’à sa mort en 1970, en ces termes : « … Vous avez devant vous des patriotes résolus à travailler pour le bien-être matériel et moral de leur patrie africaine… Loin d’être un élément de discorde, nos patriotismes respectifs constituent, plutôt, le sûr garant d’attachement durable, le facteur encourageant d’une alliance sincère et réelle, le motif rassurant d’une association libre et fraternelle à bases égalitaires… ».

Au premier coup d’œil, rien d’anormal dans cette partie de l’allocution. Pourtant, la première phrase ne mentionne pas la Guinée française, mais la patrie africaine. La dernière phrase donne bien à réfléchir même si elle ne parle pas d’indépendance. Dans la conception africaine, égalité est synonyme de liberté, d’indépendance vis-à-vis de l’autre : « ...le motif rassurant d’une association libre et fraternelle à bases égalitaires… ». Et vint l’allocution de Sékou Touré qui a vraiment fait mal au général Charles de Gaulle. Trois éléments de l’allocution et le ton emprunté par Sékou Touré ont fait comprendre au général que la Guinée est une colonie à part qui sait ce qu’elle veut et n’est pas du tout disposée à le ménager. 22

Premier élément : À la proposition de Charles de Gaulle : « Les territoires d’Afrique auront la pleine et entière liberté de leurs institutions et de leurs gouvernements à l’intérieur d’eux-mêmes… », Sékou Touré répond : « Nous avons quant à nous, un premier et indispensable besoin, celui de notre dignité. Or, il n’y a pas de dignité sans liberté, car tout assujettissement, toute contrainte imposée et subie dégradent celui sur qui ils pèsent, lui retirent une part de sa qualité d’Homme et en font arbitrairement un être inférieur… »

Deuxième élément : À l’autre proposition du général : « … Ils [les Territoires africains] mettront en commun, dans un domaine qui appartiendra à tous, la défense, la politique économique, des matières premières … », Sékou Touré rétorque sans ambages : « Nous ne renonçons pas et ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance, car, à l’échelon franco-africain, nous entendons exercer souverainement ce droit… ».

Troisième élément : Pour terminer de mettre le général hors de lui-même, Sékou Touré proclame : « … Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. Ce qui est vrai pour l’Homme l’est autant pour les sociétés et les peuples… »

Comme pour dire que la Guinée est prête à tout pour tourner la page sombre de son histoire même si pour cela il faut boire le calice jusqu’à la lie. Enfin, la fermeté de ton de Sékou Touré et le choix péremptoire du ‘’Non’’, annoncé avant la lettre surprennent et irritent le général de Gaulle. Il ne pouvait s’imaginer qu’il existe, dans une colonie française, un homme suffisamment audacieux, voire prétentieux, pour s’adresser à lui sur ce ton et en ces termes.

23

1.5 LA GIFLE DE SÉKOU TOURÉ À CHARLES DE GAULLE L’allocution de Sékou Touré est la réponse au discours de Charles de Gaulle prononcé en septembre 1958, à l’occasion de l’anniversaire de la République française. Pendant l’allocution de Sékou Touré, le premier des acteurs de l’évènement, la population massée dans et autour du Palais, a pleinement joué son rôle. Les conséquences sur le président du Conseil du gouvernement français étaient clairement visibles : « … Nous avons vu en direct le général blessé, chancelant littéralement … Curieusement, plus que le texte même de Sékou, c’est l’atmosphère qui régnait dans cette salle qui créa le drame. Jamais je n’avais connu pareil déchaînement lorsque le chef de la Guinée déclara ‘’Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage…’’. Je voyais le général profondément atteint pour la première fois en public… Comme nous, le général s’était senti humilié. Mais pour lui, bien sûr, c’était la France qui avait été humiliée par ce jeune leader. Il fallait lui en faire payer cher le prix. » (Jean MAURIAC, journaliste, attaché à l’Élysée, membre de la délégation française).

Enfin, ce que le général Charles de Gaulle répondra à l’allocution de Sékou Touré dira long sur la nature des rapports futurs entre la République de Guinée et la République française. Il a, tout au long de son discours, menacé et mis en garde les dirigeants et les militants guinéens en ignorant royalement ses hôtes. « …Cette Communauté, la France la propose ; personne n’est tenu d’y adhérer. On a parlé d’indépendance, je dis ici, plus haut encore qu’ailleurs que l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre, elle peut la prendre le 28 septembre 1958 en disant ‘’Non’’ à la proposition qui lui est faite et dans ce cas je garantis que la Métropole n’y fera pas obstacle. Elle en tirera, bien sûr, des conséquences… La France, un pays qui répond volontiers à l’amitié et aux 24

sentiments et qui répond, dans un sens opposé, à la malveillance qui pourrait lui être opposée… »

1.6 QUE DIRE DE L’ALLOCUTION DE SÉKOU TOURÉ ? Nous donnons la priorité à André Lewin, diplomate chevronné, artisan de la réconciliation guinéo-française et auteur de plusieurs livres sur Sékou Touré : « Si on en lit le texte à tête reposée, sans passion, avec le recul du temps, ce discours n’a rien qui puisse choquer ou surprendre. Mais, dans l’atmosphère du moment, l’appel à la reconnaissance de la dignité du peuple africain, le rappel du concours des soldats africains ‘’à la cause de la liberté des peuples et de la dignité humaine’’ en Europe, le procès de la colonisation, l’exigence du droit à l’indépendance et à l’égalité juridique et du ‘’droit au divorce sans lequel le mariage franco-africain pourra être considéré dans le temps comme une construction arbitraire imposée aux générations montantes’', peuvent être interprétés comme autant de provocations’’. » (André Lewin, Ahmed Sékou TOURÉ, Tome 2, 2009, p. 96)

Félix Houphouët-Boigny, ancien président de la République de Côte d’Ivoire, le pire détracteur de l’indépendance guinéenne, approuve et fait sien l’esprit de l’allocution du 25 août 1958 de Sékou Touré, trente et un ans après : « Comme un lointain écho à cette formule qu’il désapprouvait alors [Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage], Félix Houphouët-Boigny dira en 1989 au cours d’une émission de télévision ‘’Espace francophone’’ de Dominique Jamet : ‘’il n’est personne, même si l’esclavage est doré, qui ne veut sortir de l’esclavage’’. » (André Lewin, Ahmed Sékou TOURÉ, Tome 2, 2009, p. 96)

25

Qu’a pensé Sékou Touré lui-même allocution ?

de son

« Le général avait été impressionné en tant qu’homme par l’accueil enthousiaste du peuple de Conakry (à l’Assemblée territoriale), il n’était pas nerveux, mais quand j’ai pris la parole, j’ai tout de suite senti un changement intervenir dans son visage. Je ne pense pas que le choix de l’indépendance ait choqué le général de Gaulle, mais la forme du discours et l’expression qui étaient les miennes ont dû provoquer un choc en lui. » (André Lewin, Ahmed Sékou TOURÉ, Tome 2, 2009, p. 95)

Enfin, les responsables du Parti démocratique de Guinée (PDG), au cours d’une réunion à l’Assemblée territoriale, le 26 août 1958, ont voté une motion pour dire que Sékou Touré et Saïfoulaye Diallo ont exprimé les sentiments de la population et qu’eux, responsables du parti : « … approuvent sans réserve le fond, la forme et les termes des interventions faites le 25 août 1958 en présence du général de Gaulle au nom du bureau politique du PDG-RDA par le président de l’Assemblée territoriale et le président du Conseil de gouvernement de la Guinée. »

Le ‘’Non’’ que le président du Conseil du gouvernement français, lui-même, a proposé à la Guinée sera considéré par la suite comme une malveillance qui mettait la Guinée sous les projecteurs de l’actualité nationale et internationale. Comme proposé par le président du Conseil du gouvernement de la République française, le général Charles de Gaulle, la Guinée répondra ‘’Non’’ le 28 septembre 1958 pour devenir immédiatement indépendante.

26

CHAPITRE 2 LE 28 SEPTEMBRE 1958 LE RÉFÉRENDUM GAULLISTE Le 28 septembre 1958, la Guinée française a dit "Non" à la Communauté franco-africaine, donc à la colonisation, à l’irresponsabilité et à l’indignité tant pour elle-même que pour l’Afrique tout entière. Le ‘’Non’’ catégorique de la Guinée a eu des retentissements dans le monde entier, en particulier sur le continent africain. Un ‘’Non’’ d’autant plus tintant qu’à l’époque, on n’était pas du tout dans la logique de désobéir à la volonté d’un Commandant de Cercle à plus forte raison au Chef du gouvernement français qui s’appelait Charles de Gaulle. 2.1 LA VALEUR HISTORIQUE DU VOTE NÉGATIF DU 28 SEPTEMBRE L’importance que revêt le 28 septembre 1958 pour la Guinée en particulier et pour l’Afrique en général n’est pas des moindres : - Par le vote négatif du 28 septembre 1958, des hommes et des femmes ont engagé notre pays, la Guinée, dans la voie historique de la maîtrise de son destin, c’est-à-dire son indépendance, grâce à la prise de conscience de tous ses fils. Que leur mémoire reçoive l’hommage mérité de la nation guinéenne tout entière. Cette prise de conscience des Guinéens a accéléré celle du reste des populations africaines.

27

- Le 28 septembre 1958 est la date du référendum par lequel les populations de la Guinée, colonie française de l’Afrique occidentale, ont dit ‘’Non’’ à la Constitution de la Vème République française qui a initié la Communauté franco-africaine. - Le 28 septembre 1958, 1 136 324 Guinéens ont dit ‘’Non’’ contre 56 941 ‘’Oui’’ pour un total de 1 193 265 bulletins valablement exprimés. Soit 95,22% de votes négatifs contre 4,77% de votes positifs. Ces chiffres sont ceux contenus dans le texte de la proclamation d’indépendance du 2 octobre 1958. Il faut noter qu’en 1958, la population totale de la Guinée française avoisinait les 3 012 000 habitants (Selon mes calculs d’extrapolation sur la base du taux d’accroissement naturel de 2,6% de la population guinéenne.). - Le 28 septembre 1958 est la date du rejet de la colonisation française par la Guinée et pour l’Afrique. L’arme du redoutable et légendaire ‘’Non’’ sortie de l’usine de la dynamique populaire a permis de mettre fin à la lutte de libération de la Guinée et a accentué celle des autres colonies françaises, espagnoles et portugaises. - Le vote négatif du 28 septembre 1958 a créé la brèche dans l’Empire colonial français en montrant que, tant en Guinée que dans le reste de l’Afrique, les populations à la base souhaitaient vivement l’indépendance au nom de la liberté, de l’égalité des races, de la justice sociale et du respect des droits individuels des humains. - Le vote du 28 septembre 1958 est la conséquence directe des allocutions du 25 août 1958, date du refus de la Communauté franco-africaine par l’élite guinéenne organisée par le Parti démocratique de Guinée (PDG) ayant à sa tête feu Ahmed Sékou Touré, le père de l’indépendance de la Guinée. Le 25 août 1958 est à la fois effet et cause du 28 septembre 1958. Son antériorité ne fait pas oublier qu’il s’inscrit dans la logique du 28 septembre. 28

2.2 POURQUOI LE RÉFÉRENDUM GAULLISTE ? Cette question est d’une importance capitale. Sa réponse permet non seulement de dégager les motivations profondes du référendum, mais aussi et surtout d’informer objectivement plus de 12 millions de Guinéens n’ayant pas vécu ou pas pleinement les évènements liés aux dates glorieuses de la République de Guinée. En effet, en décembre 2014, la République de Guinée comptait environ 11 576 000 Guinéens. Ce chiffre est de loin supérieur aux résultats du recensement général de la population et de l’habitation de mars 2014 qui ont donné seulement 10 628 972 résidents y compris les étrangers. Nous estimons que cette population, en décembre 2016, compte environ 12 360 250 habitants. Seulement 2% de la population estimée par l’auteur pouvait effectivement prendre part au référendum du 28 septembre 1958, ce qui équivaut à 247 205 Guinéens. La motivation profonde du référendum était de redorer le blason de la France, car, sur le plan du débat colonial, elle était isolée par les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne. La déclaration de Franklin Delano Roosevelt, 32ème président des États-Unis, avant la fin de la Seconde Guerre mondiale visait les puissances coloniales européennes : « Il n’a pas eu, il n’y a pas et il n’y aura pas de race habilitée à dominer d’autres hommes… Nous pensons que toute nationalité, quelle que soit sa grandeur, a le droit inhérent à sa propre nationalité. »

Aussi, la Charte de l’Atlantique d’août 1941 par laquelle F.D. Roosevelt et Winston Churchill, premier ministre britannique, promettaient à tous les peuples colonisés, essentiellement ceux des colonies britanniques et françaises d’Afrique noire, le droit de choisir leur forme 29

de gouvernement, une fois gagnée la guerre contre les puissances de l’Axe, sonnait le glas de la colonisation. Enfin, le non-respect de la promesse du général à la Conférence de Brazzaville (30 janvier - 8 février 1944) le mettait en position de faiblesse. Bernard Cornut-Gentille, ministre français d’Outremer, dans une conversation avec Gabriel d’Arboussier, Grand Conseiller de l’A.O.F., le 25 août 1958 à l’aéroport de Conakry, a reconnu ce manquement à la parole donnée en ces termes : « N’oublie pas que Sékou Touré sait autant que toi que la promesse d’indépendance aux Colonies françaises par le Général à Brazzaville, en 1944, a trop patiné ! »

La France devait se ressaisir pour paraître sur les mêmes longueurs d’onde que les deux plus grandes puissances occidentales d’alors. Par le référendum, la France voulait se blanchir devant la Communauté internationale après avoir mis tout en œuvre pour que les populations votent ‘’Oui’’. Sa conscience ne serait pas libre, si elle en avait en ce temps, mais elle pourrait dire : les Africains ont refusé l’indépendance ! 2.3 POURQUOI LES POPULATIONS DE LA GUINÉE FRANÇAISE ONT-ELLES ÉTÉ LES SEULES À VOTER MASSIVEMENT ‘’NON’’ ? Cette question pertinente est toujours occultée dans les débats radiophoniques. Pourtant, elle est fondamentale quand on sait que d’autres populations des colonies françaises d’Afrique voulaient faire autant, surtout celles du Niger, du Sénégal et de la Haute-Volta. La réponse à cette question permet de ressortir le génie des dirigeants nationaux guinéens d’alors. Quatre 30

prouesses politiques expliquent le ‘’Non’’ massif guinéen : a- Les dirigeants nationaux et les autres intellectuels de la colonie ont mis en valeur la leçon de patriotisme du général Charles de Gaulle contenue dans son discours du 22 juin 1940 sur les antennes de la B.B.C. : « Beaucoup de Français n’acceptent pas la capitulation ni la servitude pour des raisons qui s’appellent l’honneur, le bon sens, l’intérêt supérieur de la patrie … »

b- Le Parti démocratique de Guinée (PDG) avait profité de la Loi-cadre Deferre pour bouleverser complètement l’administration territoriale en remplaçant les Chefs de Cantons par des Commandants nommés par le gouvernement semi-autonome (Arrêté du 31 décembre 1957). Ainsi, contrairement au Sénégal et au Niger, la France n’a pas eu la possibilité de s’appuyer sur les forces traditionnelles pour contrer le PDG. Citons Jacques Rabemananjara, écrivain et politologue malgache : « L’un des bastions du régime (colonial), son artillerie lourde, celle qu’il n’engage que dans les circonstances graves s’appelle la féodalité africaine … Rendons hommage à Monsieur Sékou TOURÉ qui a vu clair en balayant cette chefferie. La liquidation de cette féodalité lui a permis le 28 septembre de prendre l’indépendance de son pays … Rien n’est plus vrai que Sékou Touré aurait partagé le sort de Bakary Djibo s’il n’avait pas su démanteler, pulvériser à temps le cadre vermoulu des notables impopulaires et rétrogrades ».

c- Les dirigeants du PDG ont tenu parole. Ils ont tenu à honorer leur engagement vis-à-vis des populations guinéennes. À la réunion de concertation du Groupe des leaders africains, à Dakar, le 26 août 1958 :

31

« … l’assistance n’oubliera jamais l’intervention qu’il (Sékou Touré) a faite pour affirmer que conformément à l’engagement pris d’un commun accord avec tous les pays d’Afrique sous colonisation française, la Guinée a décidé de voter ‘’Non’’ au référendum du 28 septembre, qu’il maintiendrait sa décision et sa promesse, même si l’ensemble des responsables qui avaient pris le même engagement que lui étaient amenés à se rétracter pour une raison ou pour une autre ». (Cheikh Tidiane DIOP, La Dépêche n° 09, novembre 2008)

Quelques jours plus tard, une délégation des mêmes leaders africains se rend à Conakry pour dissuader Sékou Touré de donner ‘’le mauvais exemple aux autres’’. Sans chercher midi à quatorze heures, il rétorque : « La Guinée ne se reniera pas et moi, Sékou Touré, je respecterai l’engagement que j’ai pris. Je suis incapable de reculade. Ce qui est décidé est décidé ». (Cheikh Tidiane DIOP, La Dépêche n° 09, novembre 2008)

d- Enfin, le succès du ‘’Non’’ fut le fruit de l’émergence d’une véritable Union nationale. Diawadou Barry et le PRA, dans l’intérêt supérieur de la patrie, refusèrent de faire le jeu du pouvoir colonial. C’est donc sous le signe de l’Union sacrée que le peuple guinéen accéda à l’indépendance. En 1958, les Guinéens surent faire leur unité ; c’est pourquoi ils triomphèrent. 2.4 LES PRINCIPAUX ACTEURS DU VOTE NÉGATIF Les principaux acteurs de ce grand évènement historique sont comme toujours, mais mieux que le 25 août 1958, la population qui a massivement voté ; le Parti démocratique de Guinée du Rassemblement démocratique africain (PDG-RDA) qui a fait le plein dans la sensibilisation et la mobilisation pour le ‘’Non’’ et Sékou Touré, le Secrétaire général du PDG-RDA qui a su tenir parole. 32

Mais comme certains de mes compatriotes veulent m’enlever mon droit de parler du bien de ce dernier quand je le juge opportun, je vais faire parler quatre Français non des moindres en 1958 : Bernard Cornut-Gentille (Ministre de la France d’Outre-mer), Gabriel d’Arboussier (Grand Conseiller de l’AOF), Jean Mauberna (Gouverneur de la Guinée française) et Jacques Foccart (haut fonctionnaire). Ils parlent entre eux : - Bernard Cornut-Gentille : « … Au fond quel est ton pronostic face au ‘’Oui’’ et au ‘’Non’’ à la Communauté franco-africaine ? » - Jean Mauberna : « Si Sékou dit ‘’Non’’, les 95% des Guinéens diront ‘’Non’’. Si, par contre, il vote ‘’Oui’’, les 95% des Guinéens voteront ‘’Oui’’. » - B. Cornut-Gentille : « Tu veux dire, par-là, qu’il tient toute la Guinée en main, quoi ? » - J. Mauberna : « Les Guinéens ont aveuglément confiance en lui (Sékou Touré). C’est ce qui m’a empêché de l’arrêter quand il a commencé ses campagnes d’intoxication dans ce territoire. » - Gabriel d’Arboussier : « Mais ? En quoi réside sa force pour avoir une telle mainmise sur tout ce territoire ? » - J. Mauberna : « Il est très éloquent, sa force de conviction et son esprit d’analyse sont irrésistibles. Sékou est capable de faire du mensonge de la vérité et de la vérité du mensonge avec des applaudissements frénétiques de l’auditoire. » - Jacques Foccart : « Alors, Monsieur le Gouverneur, si Sékou vote ‘’Non’’, tant pis pour la Guinée ! ».

Même le général Charles de Gaulle, instigateur du référendum, était convaincu du ‘’Non’’ massif en Guinée française lors de sa visite les 25 et 26 août 1958 : « Au matin du 26 août, la route de l’aéroport était déserte sous le ciel menaçant ; le PDG n’a pas ordonné de nouvelle manifestation populaire ; la pluie ne tarde pas à tomber. Ainsi 33

que le note le général, ‘’la même discipline imposée qui l’avait hier garnie d’une foule compacte, l’a aujourd’hui totalement vidée. Ainsi suis-je fixé sur ce qui demain sortira des urnes.’’ » (André Lewin, Ahmed Sékou TOURÉ, Tome 2, 2009.)

2.5 LES CONSÉQUENCES DU ‘’NON’’ DU 28 SEPTEMBRE 1958 POUR LA GUINÉE Les conséquences du ‘’Non’’ n’ont pas été toutes des atouts pour la gestion de l’indépendance nationale qui est sa conséquence directe. La proclamation de l’indépendance, le 2 octobre 1958, a été la principale et directe conséquence du vote ‘’Non’’ du 28 septembre 1958. Le 29 septembre 1958, le Gouvernement français fait la déclaration marquant la rupture avec la Guinée : « L’article 1er de la Constitution spécifie que la République et les peuples des territoires d’Outre-mer qui, par un acte de libre détermination, adoptent la présente Constitution, instituent une Communauté. Par le vote du 28 septembre, les électeurs guinéens ont refusé l’adoption de la Constitution soumise à leur approbation. De ce fait, la Guinée se trouve séparée des autres territoires de l’A.O.F. qui ont approuvé la Constitution. De ce fait, la Constitution ne sera pas promulguée en Guinée. De ce fait, la Guinée ne dispose d’aucune représentation valable à l’intérieur de la Communauté, qu’il s’agisse des organes métropolitains ou africains. De ce fait, la Guinée ne peut plus recevoir normalement le concours ni de l’administration de l’État français ni des crédits d’équipement. De ce fait, les responsabilités assumées par l’État français en Guinée doivent être profondément révisées. … »

Dans les jours qui ont suivi, la France a accepté le fait accompli, mais n’a pas procédé immédiatement à la 34

reconnaissance. Plus de financement de projets, plus d’aide budgétaire. On brûle des dossiers, on emballe des archives, on rapatrie militaires et fonctionnaires, dont certains en partant ont commis des dégradations. Telles sont les conséquences négatives. Le 28 septembre et le 2 octobre de l’année 1958 s’imbriquent dans la mesure où la première date est celle de l’indépendance et la seconde celle de la proclamation de celle-ci. Pour cette raison, nous traiterons des autres conséquences dans la partie réservée à la date du 2 octobre 1958. La relation analytique de cet évènement prouve que l’histoire de la Guinée est plus richesse que la bauxite, l’or, le fer et le diamant dont le pays recèle. Elle prouve aussi que l’indépendance de la Guinée ne saurait rester sans conséquences positives sur la lutte des colonies d’Afrique pour l’indépendance totale du continent. C’est à juste raison si le journaliste sénégalais, Cheikh Tidiane DIOP, de la revue ‘’La dépêche’’ (Information diplomatique), a écrit dans le n° 09 de sa revue consacrée au cinquantenaire de la République de Guinée : « Si l’Afrique devait se choisir une date unique pour fêter sa liberté, y aurait-il meilleur repère et date plus indiqués que le 28 septembre ? Ce jour-là, en effet, le peuple de Guinée s’est exprimé à la fois pour lui-même et pour tout un continent à travers un vote synonyme de liberté et de dignité retrouvées. »

35

Le 2 octobre 1958 marque la proclamation de l’indépendance de la Guinée française sous l’appellation de République de Guinée, indépendance acquise le 28 septembre 1958. Il marque aussi le début de l’engagement de la Guinée au côté des mouvements de lutte de libération nationale sur le continent. Le nouvel État n’a ménagé aucun effort pour la libération totale de l’Afrique.

36

DEUXIÈME PARTIE LES 2 OCTOBRE ET 12 DÉCEMBRE 1958 LA PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE ET L’ADMISSION AUX NATIONS UNIES

37

CHAPITRE PREMIER LE 2 OCTOBRE 1958 LA PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE « On a parlé d'Indépendance. Je dis ici plus haut encore qu'ailleurs que l'indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre. Elle peut la prendre le 28 septembre, en disant ‘’Non’’ à la proposition qui lui est faite et, dans ce cas, je garantis que la Métropole n'y fera pas obstacle. Elle en tirera, bien sûr, des conséquences, mais, d'obstacles, elle n'en fera pas, et votre territoire pourra, comme il le voudra, et dans les conditions qu'il voudra, suivre la route qu'il voudra. » (Charles de Gaulle, Conakry, le 25 août 1958)

1.1 LA PROCLAMATION DE L'INDÉPENDANCE « L’Assemblée Territoriale de la Guinée française, réunie en séance extraordinaire le 2 octobre 1958 ; 1° Prenant acte de la déclaration solennelle du général de Gaulle, Président du Conseil du Gouvernement de la République française devant le pays le 25 août 1958, déclaration dont la teneur suit : ‘’Cette Communauté la France la propose ; personne n'est tenu d'y adhérer. On a parlé d'indépendance ; je dis ici plus encore qu'ailleurs que l'indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre le 28 septembre en disant « non » à la proposition qui lui est faite, et dans ce cas, je garantis que la Métropole n'y fera pas obstacle. Elle en tirera bien sûr des conséquences, mais obstacle elle n'en fera pas, et votre territoire pourra comme il le voudra et dans les conditions qu'il voudra, suivre la route qu'il voudra ».

39

2° Considérant que le préambule de la Constitution de la République française stipule : "Le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946. En vertu de ces principes et de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'Outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer, des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique’’. 3° Considérant que l'article premier de ladite Constitution dispose que : La République et les territoires d'Outre-mer qui, par un acte de libre détermination, adoptent la présente Constitution, instituent une communauté’’. 4° Considérant qu'en conséquence, le vote négatif au référendum du 28 septembre 1958 de la part d'un Territoire Outre-mer consacre l'Indépendance de ce territoire vis-à-vis de la République française. 5° Considérant le résultat du référendum du 28 septembre 1958 : 1.136.324 ‘’ non’’ contre 56.941 ‘’oui’’. 6° Constate que cette majorité de voix négatives place le territoire de la Guinée hors de la République française en vertu d'une part, de la Constitution française, et, d'autre part, des déclarations du Président du Conseil du gouvernement de la République, le général Charles de Gaulle. 7° Proclame solennellement l’Indépendance Nationale de la Guinée et l'érection de l'Assemblée territoriale présente en Assemblée Nationale Constituante Souveraine dont les membres prennent le titre de Députés. 8° Décide d'attribuer à ce nouvel État indépendant le nom de République de Guinée. 9° Proclame l'adhésion de la République de Guinée aux principes inscrits dans la Charte des Nations Unies (O.N.U.).

40

10° Invite le Gouvernement de la République de Guinée à prendre toutes dispositions pour accréditer la République de Guinée auprès des autres Nations et de l'Organisation des Nations Unies. 11° Donne les pleins pouvoirs au Gouvernement de la République de Guinée pour administrer et gérer les intérêts nationaux, prendre toutes mesures utiles, engager et conclure toutes négociations dans l'intérêt de la Nation. POUR UNE AFRIQUE UNIE ET INDÉPENDANTE, VIVE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ! Le Président de l’Assemblée Nationale Constituante DIALLO Saïfoulaye ».

1.2 LA SIGNIFICATION DU 2 OCTOBRE Le 28 septembre 1958, la Guinée vote effectivement ‘’Non’’ à une écrasante majorité (95,22%). Suite à ce ‘’Non’’ courageux, historique et légendaire du peuple de Guinée à la Communauté franco-africaine, la République de Guinée est proclamée le 2 octobre 1958 sur la base des valeurs cardinales que sont l'hymne national (Liberté), le drapeau (Rouge, jaune et vert. bandes rectangulaires équivalentes) et la devise (Travail-Justice-Solidarité). Elle est devenue ainsi le dixième pays indépendant d'Afrique. La proclamation de l’indépendance est la conséquence directe du vote du 28 septembre. C’est pourquoi la Guinée a été la seule colonie française d'Afrique à accéder à l'indépendance après ledit vote, à être « … sous les projecteurs de l'actualité nationale et internationale ». La Guinée a voté ‘’Non’’ par respect pour elle-même et pour l'Afrique tout entière. Le vote est le fruit de la prise de conscience des populations à la base quant à l'importance de l'indépendance et de la liberté. Cette prise de conscience est l’œuvre du Parti démocratique de 41

Guinée, section du Rassemblement Démocratique Africain, à travers l'éducation politique qu’il a donnée aux masses laborieuses guinéennes. Il faut rappeler que la création du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), en 1946 à Bamako, a obéi au besoin d'indépendance de toutes les populations des colonies africaines de l'Empire français. C'est dire que quasiment, tous les leaders politiques de l'époque, toute l'élite africaine et surtout toutes les populations à la base qui portaient le joug de la colonisation, étaient pour l'indépendance des colonies. 1.3 LES TENTATIVES D’INTIMIDATION POUR EMPÊCHER LES COLONIES D’ALLER À L’INDÉPENDANCE Le projet de Communauté franco-africaine a déclenché une lutte sans merci entre les dirigeants de l'Empire français et les leaders africains décidés à mener leurs pays à l'indépendance. Cette lutte avait les pratiques les plus perfides du côté français : corruption, intimidation, répression, mutation, licenciement, assassinat, harcèlement, etc. Du côté des leaders africains, les maigres moyens étaient leurs verbes et leurs liens séculaires de parentés avec les populations à la base qui faisaient que tous les opprimés étaient de la même famille. Pour connaître les raisons profondes du vote massif des populations des colonies pour le ‘’Oui’’, il faut remonter le temps pour reconnaître que l'Empire a pesé de tout son poids sur les épaules des leaders africains pour les ramener à la ‘'raison française" et cela par les moyens cités plus haut. La campagne du général Charles de Gaulle a parachevé l'œuvre d'intimidation et de corruption de l'Empire. Ainsi de Brazzaville à Dakar, en passant par Fort Lamy, Antananarivo, Abidjan et Conakry, les contestataires de la 42

colonisation ont "compris la raison du plus fort" à l'exception de l'intraitable Sékou Touré et de ses valeureux compatriotes. Les tentatives d'intimidation et de corruption des dirigeants guinéens n'ont pas manqué pour les dissuader d'aller au vote négatif, donc à l'indépendance. Deux exemples confirment ces tentatives. Le premier exemple : Nous avons signalé plus haut, à la page 32, l’intervention de Sékou Touré à la réunion de concertation du Groupe des leaders africains organisée à Dakar, le 26 août 1958. Cette réunion avait pour objectif essentiel de faire pression sur le Secrétaire général du Parti démocratique de Guinée (PDG), Sékou Touré, pour ne pas voter ‘’non’’. Dans l’ignorance complète des tenants et des aboutissants de cette réunion, à chaque anniversaire du 25 août 1958, par ignorance des faits historiques, la quasitotalité des détracteurs de la lutte de libération de la Guinée qui se donne de la voix pour narrer l'histoire du pays se plait de dire sur maintes radios privées de Conakry que : « Sékou Touré est parti à Dakar demander pardon à Charles de Gaulle pour ses propos du 25 août 1958 dans son allocution historique du refus de la Communauté. »

Heureusement que l’histoire est têtue. Elle revient toujours au galop avec la réalité des faits mentionnés par ceux qui ne sont à aucune solde pour réécrire l’histoire, pour réinventer la roue. Le deuxième exemple : Sous la pression des autorités françaises qui ne souhaitaient pas voir la Guinée donner le « mauvais exemple aux autres », une délégation africaine est formée par les leaders réunis à Dakar pour se rendre à Conakry en vue de persuader Sékou Touré de renoncer à

43

la décision de faire campagne pour le ‘’Non’’. Ce dernier persiste et signe : « … Ce qui est décidé est déjà décidé. »

1.4 LES RAISONS DE LA PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE En résumé, la Guinée a proclamé son indépendance le 2 octobre 1958, avant toutes les autres colonies françaises d'Afrique, pour les raisons suivantes : a- les populations guinéennes avaient massivement voté ‘’Non’’ au référendum du 28 septembre 1958, donc avaient rejeté la Communauté franco-africaine après l'avoir refusée le 25 août 1958 ; b- la fidélité des leaders guinéens à leur engagement de mener la colonie à l'indépendance : « Conformément à l'engagement pris d'un commun accord avec tous les pays sous colonisation française en Afrique, la Guinée a déjà décidé de voter ‘’Non’’ qu'il maintiendrait sa décision et sa promesse … » (Cheikh Tidiane DIOP, La Dépêche n° 09, novembre 2008) ;

c- l'échec de toutes les tentatives d'intimidation et de corruption des leaders guinéens : « Pour le dissuader de voter ‘’Non’’, Sékou Touré a subi des pressions colossales. On lui a promis de l'argent. On a tout fait et il a refusé. » (M. Jean-Marie Doré) ;

d- à la faveur de la loi Gaston Defferre de 1956, l’arrêté du 31 décembre 1957 pris par le Conseil de gouvernement met officiellement fin à l’existence de la chefferie traditionnelle en Guinée française. La chefferie traditionnelle est reconnue comme alliée objective et affidée du pouvoir colonial. Les chefs traditionnels sont remplacés par des Comités de village qui relayaient les mots d'ordre, les messages et les programmes du parti. 44

La suppression de la chefferie n’a pas été une décision arbitraire de Sékou Touré : « L’Assemblée nationale française était elle-même saisie depuis plusieurs années de propositions de loi sur la chefferie. Mais les décrets d’application de la Loi-cadre Defferre attribuaient aux Conseils de gouvernement la compétence exclusive en matière de détermination du statut de la chefferie (et donc de son éventuelle suppression). » (André Lewin, 2009)

1.5 LES CONSÉQUENCES DE L'INDÉPENDANCE DE LA GUINÉE Les conséquences de l’indépendance de la République de Guinée sont à évaluer sur tous les plans : positif et négatif. « L'indépendance de la Guinée a provoqué et accéléré l'accession d'autres pays africains à l'indépendance, faisant ainsi de la Guinée un point d'appui essentiel pour toutes les luttes de libération nationale en Afrique. » (Général Lansana Conté, Message de Nouvel An 2000)

Cette première conséquence positive pour la Guinée l’est aussi pour l’Afrique. Elle explique l’engagement de la République de Guinée dans tous les combats contre le colonialisme en Afrique et dans les opérations de maintien de la paix sur le continent. Tous les mouvements de lutte de libération sur le continent et la lutte contre l’apartheid ont trouvé en la jeune République de Guinée un allié des plus surs et des plus efficaces sur les plans militaire et diplomatique. La République de Guinée a été le seul pays africain à allouer dix pour cent (10%) de son budget national annuel, et ce, pendant plus de vingt ans, aux mouvements de lutte de libération nationale en Afrique (Loi L/102/63 du 15/06/1963). Ceci confirme bien le titre 45

du livre : La Guinée, locomotive des indépendances africaines. D’autres conséquences positives pour la Guinée sont : 1- La fin de l'ère coloniale avec son cortège de misère, d'humiliation et de frustration, d'exploitation et d'oppression. 2- Un exemple vivant et immensément riche de la capacité de mobilisation d'un peuple pour une cause et un idéal. 3- La Guinée, jusque-là méconnue, fait une apparition éclatante sur la scène internationale. Elle se met « sous les projecteurs de l'actualité nationale et internationale » malgré la ferme détermination du Président du Conseil de gouvernement français, général Charles de Gaulle, de l’isoler pour que son exemple ne fasse pas tache d’huile. 4- Une population conscientisée, mobilisée et prête à jouer son rôle dans tous les domaines bénéficiant d’un capital de prestige international immense. 5- La solidarité active et agissante de cadres nationalistes africains, français et antillais et des pays socialistes grâce aux efforts de Diawadou Barry, alors ministre de l’Éducation nationale et de Hamat BA, président de la Fédération des Étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Parmi les premiers venus l’on peut citer Xavier Ramade, Claude Brioulet (institutrice), Clair (décor de théâtre), Federica Guisti (Beaux-arts), Jean Cellier (professeur de musique), Rolande Cellier (Chef d’établissement), Fanny Lalande-Isnard (bibliothécaire), Maurice Gastaud (syndicaliste) et Anne Blanchard (journaliste). En 1959, une trentaine d’instituteurs togolais arrivent pour servir à l’intérieur du pays. L’auteur a été enseigné 46

par deux d’entre eux au primaire et au collège à Dabola (Mrs Damien et Philippes). Entre 1959 et 1960, des Français sont arrivés en Guinée pour épauler la jeune République dans le domaine de l’Éducation. Ce sont entre autres, Jean Suret-Canale (géographe), Georgette SuretCanale (journaliste), Christiane Grange (professeur), Daniel Blanchard (professeur), Maurice Pianzola (professeur), Gérard Cauche (économiste), Maurice Houis (linguiste), Pierre-Charles Aguesse (scientifique), Édouard Helman (écrivain). 6- La Guinée devient le refuge des nationalistes africains ayant bien œuvré pour le ‘’Non’’ et qui ont été traqués dans leurs pays. Les Sénégalais Majhmout Diop et Séni Niang (PAI), le Camerounais Félix Moumié (leader UPC), le Nigérien Bakary Djibo. D’autres Africains qui n’étaient pas concernés par le ‘’Non’’ exerçaient des activités politiques : le Marocain Mehdi Ben Barka et le Bissau-guinéen Amilcar Cabral. 7- La cascade d’indépendances des colonies françaises d’Afrique est une autre conséquence du 2 octobre 1958. Elle prouve à merveille que l’indépendance de la Guinée française « a fait tache d’huile » à moins de deux ans de la date de celle-ci. La Guinée s’impose comme locomotive des indépendances africaines. William TUBMAN, président du Liberia de 1941 à 1971, lors de la cérémonie commémorative du 1er anniversaire de la proclamation de l’indépendance de la République de Guinée, le 2 octobre 1959, à Monrovia, déclarait : « En douze mois d’indépendance, le Président Sékou Touré a développé l’économie de son pays, établi le programme d’une plus large diffusion de l’enseignement et de la formation technique et assuré aux femmes de Guinée l’égalité avec les hommes dans la vie publique. Ces réalisations dénotent une

47

hauteur de vues et des qualités d’hommes d’État dont je le félicite. »

Pourquoi pas nous autres ? C’est très surement ce que se sont dit les autres leaders africains. Après tout, c’est bien la Guinée qui est à l’ONU investie de tous les droits d’État membre et c’est bien elle qui traite d’égal à égal avec la France. Tableau 1 : Les dates d’indépendance et d’admission à l’ONU des colonies de l’AEF et de l’AOF N

Pays

1 2

Guinée Sénégal

Indépendance 02/10/1958 04/04/1960

ONU 12/12/1958 28/09/1960

3

Togo

27/04/1960

20/09/1960

4

Cameroun

02/05/1960

20/09/1960

5

Madagascar

20/06/1960

20/09/1960

6

Bénin

01/08/1960

20/09/1960

7

Niger

03/08/1960

20/09/1960

8

Burkina Faso

04/08/1960

20/09/1960

9

Cote d’Ivoire

07/08/1960

20/09/1960

10

Tchad

11/08/1960

20/09/1960

11

Centrafrique

13/08/1960

20/09/1960

12

Congo Brazzaville

15/08/1960

20/09/1960

13

Gabon

17/08/1960

20/09/1960

14

Mali

22/09/1960

28/09/1960

15

Mauritanie

28/11/1960

27/10/1961

Les conséquences négatives peuvent se résumer à ces points : 1- Dans les jours qui ont suivi, la France a accepté le fait accompli, mais n'a pas procédé immédiatement à la reconnaissance. Plus de financement de projets, plus d'aide budgétaire. On brûle des dossiers, on emballe des

48

archives, on rapatrie militaires et fonctionnaires, dont certains en partant ont commis des dégradations. 2- « ... La France a mis un étau, un cordon autour de la Guinée pour que l'exemple guinéen échoue, afin de bien tenir les autres pays à l'écart, loin de la Guinée ... »

Le Haut-Commissaire de la République en Afrique occidentale française de 1958 à 1959, Pierre Messmer, notait en 1992 : « J’étais et je suis encore certain qu’il était nécessaire en 1958 de traiter la Guinée sévèrement. Seule parmi tous les territoires français à avoir voté ‘’Non’’, elle se trouve sous les projecteurs de l’actualité nationale et internationale. Son cas est devenu exemplaire… Le meilleur moyen est d’interrompre immédiatement toute aide et toute coopération… »

Le traitement sévère réservé à la jeune République a commencé par le retrait de l’administration coloniale et des fonctionnaires des services fédéraux. La France ne voulant pas d’une Guinée « sous les projecteurs de l’actualité nationale et internationale » a considéré celle-ci comme une colonie sécessionniste. Par la suite, tous les ‘’vivres’’ lui seront coupés afin de la mettre à genoux. 3- Les conséquences négatives sur le plan des relations économiques internationales sont surtout relatives à la Coopération CEE-Guinée. Une conséquence, sur laquelle il est nécessaire d’insister davantage, est l’exclusion de la Guinée de la Convention d’application signée le 25 mars 1957 entre les Pays et Territoires d’Outre-mer et la Communauté économique européenne (CEE) et des Conventions d’association (Yaoundé I et II) signées respectivement les 20 juillet 1963 et 29 juillet 1969 entre les États africains et malgaches associés (EAMA) et la CEE. 49

Il faut signaler, à l’origine de la Communauté économique européenne, une volonté de gestion des ressources françaises et allemandes de charbon et d’acier, qui étaient les nerfs de toutes les guerres entre les deux pays, dans une communauté ouverte aux pays européens. Le 25 mars 1957 fut signé le Traité dit ‘’Traité de Rome’’ instituant la CEE entre 6 pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). Aujourd’hui, elle compte 27 pays après le retrait du Royaume-Uni en 2016. Ce traité a tenu compte des liens unissant plusieurs signataires, plus particulièrement la France, à leurs colonies. C’est dans les perspectives de la Communauté francoafricaine que la France a obtenu de ces partenaires très réticents qu’un pont soit jeté entre l’Europe et les Pays et Territoires d’Outre-mer, c’est-à-dire les colonies (une vingtaine). La Convention d’application est matérialisée par la Quatrième Partie du Traité de Rome dans ses articles 131 à 136. Cette Partie, dans son article 131, dispose : « Les États membres conviennent d’associer à la Communauté les Pays et Territoires non européens entretenant avec la Belgique, le Danemark, la France, l’Italie et les Pays-Bas, des relations particulières… Le but de l’Association est la promotion du développement économique et social des Pays et Territoires et l’établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble…L’Association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu’ils attendent. »

C’est donc une gestion collective des colonies qui venait de commencer. Pour ce faire, l’Europe a institué, par l’article 1er de la Quatrième Partie, le Fonds européen de développement (Fed), instrument principal de la 50

coopération financière et technique que la CEE mène avec les Pays et Territoires et ensuite avec les pays en développement. Le même article fixe les modalités de participation des États membres de la Communauté aux mesures propres à promouvoir le développement social et économique des Pays et Territoires : « … Par un effort complémentaire de celui accompli par les autorités responsables de ces pays et territoires. »

L’exclusion de la Guinée de la Convention d’application de 1957 est due au fait que l’Association CEE-Pays et Territoires est d’obédience française. La Guinée a divorcé d’avec la France dans des conditions courageuses considérées comme outrageantes par celle-ci. Et nous avons dit plus haut que le gouvernement français, pour laver l’affront de la Guinée, avait décidé de couper tout à celle-ci afin de la mettre à genoux. Pour se faire, non seulement la Guinée a été exclue de la Convention d’application de 1957, elle a aussi été empêchée de prendre part aux Conventions d’association de Yaoundé I et II. Cet état de fait a privé notre pays d’importantes ressources qui ont justement permis la réalisation d’infrastructures de base dans les autres pays associés pour plus de 2 milliards 350 millions d’écus entre 1963 et 1975. Les ressources allouées aux 1er, 2ème et 3ème Fed ont contourné la Guinée. Pourtant, certains pays du Marché commun, notamment les Pays-Bas, se sont toujours opposés à toute forme de discrimination vis-à-vis des pays en développement quant à leur association avec l’Europe communautaire. Et mieux, suite à la déclaration du gouvernement français publiée le 29 septembre 1958, Sékou Touré répondait :

51

« La Guinée ne peut plus rompre avec la France qu’avec ses partenaires. Nous voulons demeurer dans l’orbite française, donc occidentale dans tous les domaines. »

Mais la Guinée apprendra à ses dépens que : « Si l’infidélité politique est répréhensible, la révolte contre le système économique global est impardonnable. La première peut provoquer des sanctions. La réponse à la seconde ce sont des représailles sans merci : cessation de l’aide d’abord et dislocation économique par l’exclusion des récalcitrants du système lui-même. » (P.-F. Gonidec, Relations internationales, 1977)

Malgré les tentatives de relance de la coopération initiées par le gouvernement guinéen, il ne réussira pas à mettre la France en minorité au sein de la Communauté. Le 22 novembre 1962 : « … On apprend que le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne a informé les autres membres du Marché commun qu’il refuserait de ratifier l’association de l’Europe des six avec les pays africains qui reconnaitraient l’Allemagne de l’Est. » (Dorsh H. et Legros H. Les faits et décisions de la CÉE 1958-1964, Tome 1, Bruxelles, 1968)

Cette dernière partie relative aux conséquences négatives de l’indépendance et de sa proclamation les 28 septembre et 2 octobre 1958 permettra de comprendre que, malgré le rapprochement de la Guinée du monde occidental à partir de 1974, notamment de la Communauté économique européenne, elle a été lésée dans les Conventions de Lomé I, II et III. C’est dire que les chances étaient minimes pour le pays de s’en sortir tant les contraintes qui pesaient sur lui dépassaient de loin celles imposées aux autres pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). Il est déjà signalé qu’il ne fallait pas s’attendre à ce que la Guinée continue de bénéficier du financement du 1er 52

Fed, par le simple fait qu’elle a divorcé avec la France. Juridiquement, rien n’empêchait la Guinée de profiter de ces fonds, dans la mesure où la Quatrième Partie du Traité de Rome liait la Guinée à la Communauté économique européenne (CEE) et non à la France seule. En résumé, la situation de la Guinée par rapport à la Communauté économique européenne était comme indiquée dans les pages suivantes. - Les conventions d’application et d'association Le premier fonds européen de développement (1er Fed), support de la Convention d’application, dotait la coopération CEE-Pays et Territoires de 580 millions d’écus. L’essentiel du fonds (plus des deux tiers) était consacré à l’équipement de base des colonies. Le début de la mise en œuvre de ce programme correspondait à la Révolution guinéenne. La Guinée ne pouvait donc pas en bénéficier. Ce qui revient à dire que de 1957 à 1963, la Guinée n’a bénéficié d’aucun apport financier et technique de la part de l’Occident européen. La première convention de Yaoundé (Convention de Yaoundé I) dotait le 2ème Fed de 800 millions d’écus. La priorité était toujours accordée aux infrastructures de base pour les États nouvellement indépendants. La France et la RFA ne voulaient toujours pas de la Guinée au sein de l’organisation communautaire. Les raisons de la France étaient connues des Guinéens et de la communauté internationale. Celles de la RFA viennent de la reconnaissance de la République démocratique allemande (DDR) par le gouvernement guinéen. Cette convention avait alloué un montant à la « promotion de la production et à la diversification des cultures commerciales » dans les EAMA. La deuxième convention de Yaoundé (Convention de Yaoundé II) dotait le 3ème Fed d’un milliard d’écus dont 53

72% étaient consacrés toujours aux infrastructures de base dans les pays africains et malgaches associés. Toujours rien pour la Guinée de la part de la France et/ou de la CEE. Ce Fed s’est intéressé « davantage aux productions vivrières au niveau des populations locales » dans les EAMA. L’on comprend en conclusion que la Guinée ne pouvait compter que sur ses propres efforts et sur ceux de ses partenaires socialistes qui connaissaient mal le pays. La haine de la France pour les gifles de Sékou Touré à Charles de Gaulle, la reconnaissance massive de la DDR par les États indépendants d’Afrique suite à celle de la Guinée et le soutien du gouvernement guinéen aux mouvements de lutte de libération nationale dans les colonies portugaises ont constitué les prodromes de l’agression du 22 novembre 1970. - Les conventions de Lomé À partir de 1974, les réconciliations guinéo-allemande et guinéo-française sont négociées sous l’égide des Nations unies à la suite du voyage, en mars 1974, en Guinée, du Secrétaire général de l’ONU, Kurt WALDHEIM. Les normalisations se sont opérées avec Bonn, le 22 juillet 1974 et avec Paris, le 14 juillet 1975. Ce rapprochement a permis à la Guinée d’établir des relations avec la CEE dans le cadre de la première Convention de Lomé (Lomé I) signée le 28 février 1975. Il s’agira d’analyser trois aspects liés aux trois premières Conventions de Lomé financées par les 4ème, 5ème et 6ème Fed. En effet, le choix des secteurs d’intervention, le rapport entre le montant des subventions et celui des prêts et capitaux à risques, et la liaison de l’aide surtout pour le Stabex n’ont pas milité en faveur de la Guinée pendant plusieurs années de coopération avec la CEE.

54

Les 4ème et 5ème Fed accordèrent au secteur du développement industriel le montant de 76 745 913 écus dont 63 106 913 écus, soit 83,23%, furent affectés à deux usines. Pourquoi cette facilité de financement pour rien que deux usines dans un pays où tout est à faire ? Il se trouvait que ces usines devraient être rénovées et reprises par des entreprises des pays membres de la Communauté : Unicot (Groupe textile grec) pour l’Usine textile de Sanoyah et Chovet engineering chargée de la remise en route de Soguiplast. Dans la mesure où plus de 50% des interventions de Lomé I et II ne furent accordées qu’à l’usine textile de Sanoyah et qu’à l’usine plastique, et vu les résultats auxquels l’on a abouti, la Coopération dans le domaine industriel « a été une catastrophe » a dit Mr Gérard Hill, ancien responsable du dossier Guinée à la D.G. VIII. Un autre aspect des protocoles financiers retient l’attention. Il s’agit du rapport entre le montant des subventions et celui des prêts et capitaux à risques. L’aide assortie de conditions de remboursement était très importante dans la coopération CEE-Guinée : 43,98% pour la Convention de Lomé I et 34,73% pour Lomé II et Lomé III confondus. Les moyennes pour les États ACP étaient de 0% (1er Fed), 6,8% (2ème Fed), 10% (3ème Fed), 17% (4ème Fed), 14% (5ème Fed), 14% (6ème Fed), etc. Enfin, au titre des transferts Stabex (Système de stabilisation des recettes d’exportation de produits de base) institué depuis Lomé I, la Guinée était fortement lésée. De 1975 à 1988, les montants nets reçus au titre de ces transferts étaient de 333 414 998 écus pour la Côte d’Ivoire, 214 191 139 écus pour le Sénégal, 146 686 915 écus pour le Cameroun et 18 328 403 écus pour la Sierra Léone, mais absolument rien pour la Guinée. C’est bien utile de comprendre que même avec l’Europe, la Guinée était étranglée. Dieu merci que nos 55

dirigeants d’alors aient pu nous léguer une Guinée en paix et toujours indépendante avec des ressources naturelles non spoliées et non bradées. 1.6 LA VENGEANCE MÉTROPOLITAINE Malgré les avantages cités plus haut, la Guinée a patiné. Beaucoup accusent la manière dans notre séparation avec la Métropole, dans les conditions de révolte, et l'intransigeance de Sékou Touré vis-à-vis de la France et de tout l'Occident. Dans ce "beaucoup" il y a surtout les intellectuels « qui ont confondu leur haine personnelle contre Sékou Touré et la réalité historique. » C’est vrai que la Guinée a été la 2ème colonie au XXème siècle à se séparer brusquement avec sa métropole, après l’Indonésie qui s’est séparée dans les mêmes conditions avec les Pays-Bas. La manière, oui ! Même si la Guinée avait retardé la proclamation de son indépendance pour la faire au même moment que les autres territoires de l'Afrique-Occidentale française (AOF), la France n'allait jamais tolérer "l'affront", "la malveillance" et la "sécession" dus au vote négatif du 28 septembre 1958. Les quelques correspondances de 1958 du gouvernement guinéen au gouvernement français prouvent, s'il en était encore besoin, que l'affirmation de ce "beaucoup" qui accuse est sans fondement et contraire à la vérité historique. Elles montrent bien qu’affirmer n’est pas prouver. Le 29 septembre 1958 : Déclaration du Gouvernement français pour marquer la rupture de la Guinée avec la France (mentionnée la page 39).

56

Réponse de Sékou Touré : « La Guinée ne peut rompre avec la France qu'avec ses partenaires. Nous voulons demeurer dans l'orbite française, donc occidentale dans tous les domaines. »

Pour résumer, il y a lieu de citer Gaston Boyer, ancien de l’ENFOM, suppléant du gouverneur Risterucci et ancien ambassadeur de la France, rapporté par André Lewin, dans son livre Ahmed Sékou Touré, Tome 2, page 189 : « En effet, depuis le 2 octobre - date de la création de la République de Guinée - Sékou Touré n’avait cessé de demander avec persévérance la reconnaissance officielle de son pays par la France, l’établissement de relations diplomatiques et le maintien de la Guinée dans la zone francs. Mais ses messages étaient restés sans réponse ou n’avaient obtenu que de simples - et humiliants - accusés de réception ».

Cette citation est d’autant plus importante que Gaston Boyer était un fervent opposant à l’indépendance guinéenne : « Je désapprouvais profondément les méthodes du PDG-RDA pour s’assurer du pouvoir et j’en avais contrarié les excès de mon mieux au cours des deux années pendant lesquelles je venais de commander le cercle de Gaoual ».

Il est intéressant de relater, pour l’éclosion de la vérité historique, les démarches de Naby Youla, ancien ambassadeur de Guinée en France, qui n’était pas pour autant du même bord politique que Sékou Touré parce qu’ayant voté ‘’Oui’’ au référendum du 28 septembre, pour transmettre au général Charles de Gaulle le message de Sékou Touré daté du 29 octobre 1958. « Après une discussion au cours de laquelle il me précise ce qu’il attend de moi, il me remet un nouveau message pour le général (c’est celui qui est daté du 29 octobre) et me demande instamment de le remettre en mains propres au général. Il 57

souhaite que je parte le soir même. Je reprends donc l’avion pour la France le même soir. Pendant près de huit jours, j’ai tenté de faire jouer mes relations pour obtenir une audience du général. … C’est Houphouët-Boigny, en particulier, qui m’a orienté vers Jacques Foccart, que je suis allé voir sans tarder. J’ai parlé à Foccart, je lui ai dit que j’avais un message personnel pour le général de la part de Sékou Touré. Il m’a dit qu’il me rappellerait. Il m’a rappelé un lundi et m’a demandé de venir le voir ; là, il m’a annoncé que l’entrevue aurait lieu le lendemain mardi à 11 heures. Je me suis rendu à l’Hôtel Matignon, rue Varenne, siège du Chef du gouvernement. Foccart m’a reçu tout d’abord et m’a prévenu que l’entretien ne durerait que cinq minutes. … À 11 heures précises, la porte s’est largement ouverte et le général est apparu, et m’a fait entrer dans son bureau. Il m’a fait poliment, mais froidement asseoir, a pris la lettre, en a pris connaissance, et a écouté [sans rien dire] les quelques phrases que j’avais préparées. Le général n’a pratiquement rien répondu, et au bout de cinq minutes, il s’est levé pour me signifier que l’entrevue était terminée. Il a fait le tour de son bureau pour s’approcher de moi et m’a tendu la main. Bien entendu, je l’ai prise, mais je lui dis : ‘’mon général, nous ne pouvons pas nous quitter comme cela et en rester là. Je suis Guinéen, et comme beaucoup d’Africains, c’est à la France que je dois d’être devenu ce que je suis aujourd’hui ; je m’exprime bien mieux en français que je ne puis le faire dans ma langue natale. Quelle que soit la direction prise par la Guinée, rien ne pourra changer cette donnée essentielle qui nous rattache à la France bien plus que tout autre lien constitutionnel ou politique. Votre pays et le mien sont liés depuis soixante ans, et un tel passé ne peut pas disparaître en quelques jours. Le problème qui nous préoccupe dépasse de loin nos personnes et concerne nos peuples, le peuple français et le peuple guinéen. Laissezmoi vous en dire un peu plus à ce propos.

58

Surpris, mais intéressé, le général m’a alors fait installer dans un fauteuil placé dans un coin de son bureau, s’est assis en face de moi, et m’a écouté. Il m’a vraiment écouté avec une grande attention, et ceci pendant près de trois quarts d’heure, il n’a pas dit grand-chose de son côté, et ne m’a pas interrompu… Je crois qu’il a apprécié à sa juste valeur ce dont j’avais cherché à lui faire prendre conscience. En tout cas, il m’a dit qu’il saluait Sékou Touré, mais que c’est à la Guinée qu’il souhaitait bonne chance ».

Quoi qu’il en soit, une page de l’histoire de la Guinée était tournée, et avec elle, celle de l’Afrique tout entière. 1.7 LES CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE Votée par l'Assemblée Nationale le 10 novembre 1958, la loi constitutionnelle de la Ière République de Guinée a été promulguée par ordonnance le 12 novembre. Cette constitution a été inspirée de la dynamique révolutionnaire et des principes essentiels qui ont défini durant douze années de durs combats anticolonialistes du Parti Démocratique de Guinée, la Section de Guinée du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). La Guinée est une République démocratique, laïque et sociale où tout doit servir à libérer l'homme et à sauvegarder sa dignité. Les couleurs du drapeau ont les significations suivantes : Le rouge symbolise la détermination du peuple d'accepter tous les sacrifices, voire celui du sang, pour que demeure éternelle l'indépendance nationale et que se réalisent le plus tôt l'unité et l'indépendance de l'Afrique.

59

Le jaune est la couleur du soleil d'Afrique, d'une Afrique jalouse de son indépendance. Il symbolise l’action courageuse du peuple de Guinée tout entier. Le vert est la couleur de l'espérance et de la végétation africaine en même temps qu'un signe de prospérité. Il exprime la ferme confiance de la Guinée en ses choix et en ses actions historiques qui resteront inébranlables. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce en toute matière par des députés à l'Assemblée Nationale, élus au suffrage universel égal, direct et secret, ou par la voie du référendum. Il est incontestable que la suppression de la chefferie de canton dont l'utilisation par le pouvoir colonial avait totalement dégradé le rôle traditionnel, constitue une réforme des plus révolutionnaires parmi tant d'autres.

60

CHAPITRE 2 LE 12 DÉCEMBRE 1958 ADMISSION DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES « La République de Guinée fut admise à l’Organisation des Nations unies (ONU) le 12 décembre 1958 en tant que quatrevingt-deuxième membre, malgré les démarches contradictoires de la Représentation permanente française au siège de l’organisation internationale à New York. La France ne voulait pas d’une Guinée qui se trouve sous les projecteurs de l’actualité nationale et internationale… » (A.O. SY SAVANÉ, Guinée 1958-2008, l’Indépendance et ses conséquences, page 24, 2009)

2.1 LE CONTEXTE D’UNE BATAILLE DIPLOMATIQUE Après le vote négatif historique et légendaire du 28 septembre 1958, la Guinée française s’acheminait inéluctablement vers l’indépendance. Cette indépendance devait se concrétiser par l’admission du pays à l’Organisation des Nations unies. La France impérialiste, sachant que l’admission de la Guinée à l’ONU la libérait complètement d’elle, s’est préparée à la contrecarrer. Du 2 octobre au 12 décembre 1958, il s’est engagé, aux Nations unies, la plus grande bataille diplomatique jamais enregistrée dans ses annales quant à l’admission d’un pays de l’Afrique subsaharienne en son sein. C’est bien à partir de cette date qu’un véritable bras de fer s’est engagé entre Sékou Touré, président de la 61

République de Guinée, et Charles de Gaulle, président de la République française. Celui-ci s’est rendu compte que celui-là connaissait bien ses droits et ses devoirs dans la communauté internationale et était prêt à les assumer. 2.2 L’IMPORTANCE DE L’ADMISSION DE LA GUINÉE À L’ONU Le 12 décembre 1958 est l’un des événements glorieux dans l’histoire de la nation guinéenne, mais le moins célébré. Pourtant, il marque l’appartenance de la Guinée à la communauté des nations éprises de liberté et de paix. L’importance de l’admission de la Guinée à l’Organisation des Nations unies, le 12 décembre 1958, peut se résumer aux points suivants : a- Le 12 décembre 1958 a marqué l’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies (ONU) la plus grande organisation internationale où se retrouvent et en contacts permanents presque tous les pays indépendants du monde. b- La valeur historique du combat diplomatique de titan qui a été engagé entre la jeune diplomatie de la Guinée (soutenue par le Groupe des huit pays africains de l’ONU en plus de l’Inde, du Yémen et du Pakistan) et la Communauté franco-africaine moribonde qui comptait sur la déférence des puissances impérialo-coloniales à son égard en valait la peine. Ce combat diplomatique qui a précédé l’admission a aguerri la jeune diplomatie guinéenne dès sa naissance en sachant s’assumer dans la défense de sa souveraineté et la conquête de sa place dans la communauté internationale. c- Le 12 décembre a marqué le soutien effectif de pays de tous les horizons à la jeune République pour éviter à l’ONU de créer un précédent en refusant l’admission d’un

62

pays africain indépendant (une ancienne colonie) en son sein. d- L’admission valait son pesant d’or dans la mesure où le désir de faire son entrée officielle dans la communauté internationale en devenant membre de l'Organisation des Nations unies a constitué l'une des premières manifestations de l'indépendance de tout nouvel État. e- L’admission avait valeur de symbole : un État admis à l'ONU était par là même, définitivement reconnu comme indépendant et membre de plein droit de la communauté internationale au sein de laquelle il pouvait désormais s'exprimer en son nom et sans se référer à aucun autre État. f- Une voix de plus avait son importance. Il était clair que la Guinée indépendante voterait avec le groupe afroasiatique qui fait ses preuves éclatantes dans le débat et le combat anticolonial. g- Le cadre approprié du combat contre le colonialisme français serait bel et bien trouvé. Et la porte était grandement ouverte pour le débat et pour le combat colonial, c’est-à-dire pour l’indépendance du continent africain. h- Le combat de la Guinée serait porté à la connaissance de toutes les nations éprises de paix et de liberté, comme l’avait si bien dit Sékou Touré à la tribune des Nations unies en octobre 1959 : « Le gouvernement de la République de Guinée entend une fois de plus proclamer que la liberté de l’Afrique est indivisible et qu’en conséquence l’indépendance guinéenne est inséparable de celle des autres peuples d’Afrique… La Guinée est à travers le combat de son peuple, l’expression des aspirations de 200 millions d’hommes et de femmes relégués en marge de l’histoire et quotidiennement aux prises avec la faim, la famine et l’ignorance. »

63

2.3 LE COMBAT ‘’CORPS-À-CORPS’’ GUINÉE-FRANCE La France ne voulait pas d’une Guinée qui « se trouve sous les projecteurs de l’actualité nationale et internationale ». C’est Pierre Messmer, Haut-Commissaire de la Fédération de l’Afrique-Occidentale française (AOF), qui l’a dit en 1958 après le vote négatif du 28 septembre. Il l’a écrit dans son livre Après tant de batailles … (Mémoires), édition Montchrestien, 1992, page 241. D’où les tractations de l'Ambassadeur Représentant permanent de la France auprès des Nations unies en relation directe avec le général Charles de Gaulle. La politique française de ne jamais laisser les populations des colonies s’assumer s’est surtout accentuée quand elle a proposé d’elle-même la Communauté francoafricaine qui n’était qu’une farce politique dans l’ignominie historique. 2.3.1 L’ARGUMENTATION DE LA FRANCE POUR CONTRER LA GUINÉE En effet, à la mi-septembre 1958, donc bien avant le référendum du 28 septembre, le gouvernement raciste français avait déjà élaboré à travers le jurisconsulte (juriste professionnel qui joue un rôle de conseil sur des questions juridiques, Conseiller juridique dans nos départements ministériels) du Quai d'Orsay (ministère des Affaires étrangères) une argumentation qui devait permettre de contrer toutes les offensives éventuelles d'un pays ayant choisi le ‘’Non !’’ au référendum : - Offensive pour la reconnaissance internationale ; - Offensive pour l’établissement de relations diplomatiques avec d’autres pays ; - Offensive pour la concrétisation de son indépendance, notamment son admission à l’ONU ; etc. 64

L’argumentation du Quai d'Orsay est la preuve palpable que la France ne voulait se séparer de ses colonies sous aucun prétexte, à plus forte raison leur accorder l’indépendance. C’est aussi la preuve que ce qui était donné par la main droite (la Communauté francoafricaine) était bien avant retiré par la main gauche. Par le référendum, la France voulait se blanchir devant la Communauté internationale et briser son isolement dans le débat colonial après avoir mis tout en œuvre pour que les populations votent ‘’Oui’’. Sa conscience ne serait pas libre, si elle en avait en ce temps, mais elle pourrait dire : les Africains ont refusé l’indépendance. En traître, le gouvernement français, sous l’égide du général de Gaulle, avait déjà prévu de contrer les colonies décidées à aller à l’indépendance. 2.3.1.1 LES POINTS ESSENTIELS DE L’ARGUMENTATION DU QUAI D'ORSAY Les points essentiels de l’argumentation de la France étaient les suivants : 1- « L'indépendance ne commence pas avec le refus d'entrer dans la Communauté prévue par le projet de Constitution ; elle résultera des accords passés entre la France et le territoire qui aura dans sa majorité répondu « non » au référendum ; de tels accords sont nécessaires pour permettre au nouvel État d'assumer ses compétences ; la France continuera donc d'assurer la représentation internationale de ces territoires, à moins de demande contraire expresse ; 2- Un nouvel État ne peut être reconnu que lorsqu'il est capable d'exercer toutes ses compétences et d'assurer les responsabilités de la vie internationale ; avant d'en arriver à ce stade, le territoire qui aura voté « non » doit encore se dégager du complexe administratif et économique qui fait de lui, pour le moment, un élément de la République ou de l'Union française ; 65

3- Ce principe doit s'appliquer dans tous les cas où des représentants de ces territoires tenteraient de traiter directement avec des gouvernements étrangers ou des organismes en relevant, en particulier dans les domaines techniques, commerciaux ou financiers qui affecteraient l'unité de la zone franc ou qui ressortissent des compétences maintenues aux institutions de la République française ; 4- Ce même principe s'applique également si, par suite d'une reconnaissance unilatérale et prématurée, certains États prétendaient consacrer une indépendance de facto résultant simplement de déclarations publiques émanant de certains leaders africains dont le territoire aurait voté "non", mais avant que n'aient été engagées les négociations proprement dites avec la France. »

Cette argumentation a été envoyée à ses ambassades dans les pays jugés importants, ainsi qu’à la délégation permanente française à New York dirigée alors par Guillaume Georges-Picot, l'ambassadeur représentant permanent de la France auprès des Nations unies. Jacques Kosciusko-Morizet, qui représente la France auprès du Conseil de tutelle a été informé. Ce texte faisait le tour du monde bien avant le référendum. La conduite de la France oblige de se mettre à l’école de Franklin Delano Roosevelt, 32ème président des ÉtatsUnis d’Amérique, quand il dit : « Rien de ce qui touche à la politique ne relève du hasard ! Soyons sûrs que ce qui se passe en politique a été bel et bien programmé ! »

Le lendemain du vote négatif à la Communauté francoafricaine, le Gouvernement français avait fait la déclaration marquant la rupture avec la Guinée. Cette déclaration revancharde n’était que de la poudre au visage qui permettait tout simplement de faire dormir la jeune République de Guinée sur ses lauriers. La France reconnaissait bien que la Guinée s’était séparée d’elle, 66

mais elle n’était pas prête à la lâcher. Ainsi, le combat était engagé. Mécontent du traitement audacieux de Sékou Touré et du ‘’Non’’ cinglant de la Guinée lors du référendum du 28 septembre 1958, Charles de Gaulle sollicite le soutien des alliés de l’OTAN pour bloquer la reconnaissance de l’indépendance de la Guinée. Malheureusement pour lui, le général Eisenhower ne partage pas son avis. L’Amérique ne souhaite pas qu’un pays destiné à être la locomotive industrielle de la sous-région tombe dans le carcan des communistes de l’Est. Avec son allié britannique, elle contrecarre le plan de la France et reconnait la Guinée indépendante le 6 novembre 1958. Non content de ce soutien de ses alliés, le général attend la Guinée à la prochaine étape après la reconnaissance de l’indépendance, qui est la demande d’adhésion aux Nations unies. Afin de bloquer cette action, il ordonne luimême à son Ambassadeur aux Nations unies, Guillaume Georges-Picot, de contrecarrer les efforts de la Guinée. La France invoque l’argument juridique unilatéral selon lequel la Guinée n’est pas encore « souveraine ». L’envoyé spécial de Sékou Touré auprès du Secrétaire des Nations unies, le juriste Diallo Telli et Sékou Touré lui-même travaillent ensemble pour déjouer les manœuvres de Charles de Gaulle. Ils se rendent à Accra pour chercher le soutien de Nkrumah, et Telli Diallo continue sur Londres et Washington le 24 novembre 1958 pour préparer le dépôt de la demande d’admission de la Guinée aux Nations unies. C’est Washington encore qui va se départir de Paris en informant les Français par un télégramme datant du 1er décembre 1958 que le département d’État n’a pas l’intention de s’opposer à la requête du gouvernement guinéen et ne compte pas s’abstenir au vote du Conseil de sécurité sur l’adhésion de la Guinée comme la France le 67

souhaite. L’argument d’Eisenhower est qu’il craignait les répercussions géostratégiques d’une mise à l’écart de la Guinée dans un contexte de guerre froide. 2.3.2 LES STRATAGÈMES POUR DIFFÉRER L’ADMISSION DE LA GUINÉE À L’ONU « … Pendant plus de deux mois, La France fait tout ce qu’elle peut pour contrarier la reconnaissance du nouvel État par les pays amis et pour empêcher, ou du moins pour retarder, l’admission de la Guinée à l’ONU … ». (André Lewin, La bataille de l’ONU)

Il y a lieu maintenant de passer en revue les stratagèmes mis en œuvre par la France pour duper les dirigeants nationaux guinéens afin d’empêcher l’admission immédiate de la Guinée à l’Organisation des Nations unies (ONU). 1er stratagème : La France met tout en œuvre pour convaincre le secrétaire général de l’ONU, Dag HAMMARSKJÖLD, que la mise en œuvre de l’indépendance de la Guinée exige des négociations et par conséquent du temps. La candidature de la Guinée à l’ONU n’est donc pas envisageable dans l’immédiat. Contre-attaque : L’ambassadeur tunisien à l’ONU précise que l’argument français ne peut tenir dans la mesure où son pays a été admis à l’ONU sans que les textes ne soient signés. 2ème stratagème : À partir du 18 octobre, la France met sur pied une tactique qui consistait à amener dans son camp les États-Unis et la Grande-Bretagne et trois autres membres du Conseil de sécurité pour empêcher la Guinée d’atteindre la majorité des sept voix requise pour son admission. Dans ce cas de figure, la France n’a pas besoin d’opposer son véto.

68

Contre-attaque : Les États-Unis ne veulent pas porter préjudice à leur investissement en Guinée, dans le domaine de la bauxite (usine d’alumine de Fria négociée bien avant l’indépendance en accord avec la France). Les pays afro-asiatiques aux Nations unies se bousculent pour parrainer l’admission de la Guinée à l’Organisation. Les membres non permanents du Conseil que sont la Colombie, l’Irak, le Panama et le Japon ne pouvaient appuyer le projet français. Les trois premiers ont été des colonies. Pour rappel les autres membres non permanents étaient la Suède et le Canada. Le président libérien, William Tubman, plaidait auprès du président américain, Dwight Eisenhower, pour une reconnaissance rapide de la Guinée. 3ème stratagème : Les États-Unis et la France avancent l’idée de créer un comité spécial pour faire un rapport à l’Assemblée générale pour dire si oui ou non les États nouvellement indépendants sont en mesure d’assumer les obligations de la Charte. Ou alors, recourir au Comité du Conseil de sécurité chargé d’instruire les demandes d’admission (article 59 du règlement intérieur du Conseil). Contre-attaque : «Dès le 25 octobre, la mission permanente de la France à New York souligne le danger de telles manœuvres dilatoires, dont elle montre le caractère aléatoire et même négatif, car se ligueraient contre la France de nombreux États. Dans une communication adressée à Paris, elle rappelle que le Comité du Conseil ne s’est pas réuni depuis 1950 ; de plus, en 1952, lors de la discussion sur l’admission aux Nations unies des États associés d’Indochine, c’est justement le délégué français qui s’était formellement élevé contre le renvoi des documents à ce comité ! La mission française enfin ajoute qu’il n’a jamais été établi de critères précis touchant les caractéristiques que doit posséder un État pour être admis dans 69

l’Organisation ; le fait est laissé à l’appréciation des membres, mais une déclaration du candidat aux termes de laquelle il accepte les obligations de la Charte a généralement été considérée jusqu’ici comme suffisante. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

4ème stratagème : Le 25 octobre, John Foster Dulles, le secrétaire d’État américain, propose à l’ambassadeur français à Washington : « … de renverser une tendance qui a trop longtemps existé aux Nations unies et qui consiste à laisser entrer dans le ‘’club’’ n’importe quel État se prévalant d’une indépendance vieille d’une semaine à peine. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

Contre-attaque : Le secrétaire d’État ne savait même pas si ce qu’il proposait était possible à l’ONU : « Reste à vérifier avec Henry Cabot Lodge si la chose était matériellement possible. »

5ème stratagème : À partir du 28 octobre, la France voulait amener Sékou Touré à ne pas présenter de demande avant 1959. Une bataille ne pourrait avoir lieu à l’ONU que si la Guinée présentait une demande d’admission. Il fallait donc laisser Sékou Touré dans l’ignorance qu’il lui appartient de présenter une demande d’admission à l’Organisation des Nations unies. Contre-attaque : C’est impensable que Sékou Touré, soutenu par tous les pays afro-asiatiques et les pays socialistes ne soit pas informé par ceux-ci qu’il lui appartient de présenter la demande d’admission. C’est aussi impensable que les dirigeants du Ghana, 81e membre de l’ONU, n’informent pas les responsables guinéens de la procédure d’admission à l’ONU. Boubacar Telli Diallo était déjà au côté de Sékou Touré depuis les missions au Liberia et au Ghana, respectivement les 17 et 19 novembre 1958. Licencié en droit, il est mieux 70

placé que quiconque pour dire au Chef du gouvernement guinéen les démarches à mener pour l’admission à l’ONU. Le Secrétaire général des Nations unies se tenait prêt à faire connaître immédiatement aux membres du Conseil de sécurité la demande formelle de la Guinée. À ce stade, la France se voyait incapable de gagner une bataille aux Nations unies à New York. Il fallait donc se rabattre sur Conakry. 6ème stratagème : Le 8 novembre, une campagne d’explication sans précédent est menée par les ambassadeurs de France auprès des États membres des Nations unies pour qu’au moment du vote éventuel à l’Assemblée générale, les États amis ne votent pas en faveur de l’admission de la République de Guinée. Contre-attaque : Le 6 novembre déjà, la France avait été lâchée par les États-Unis d’Amérique. Henry Cabot Lodge, Chef de la délégation américaine aux Nations unies, a déclaré lors d’un entretien avec son homologue français, Guillaume Georges-Picot : « … Il est impensable que les États-Unis, avec leur nombreuse population ‘’nègre’’ et les difficultés rencontrées à Little Rock, prennent position contre l’admission d’une république noire à l’ONU. Je ne sais pas quelle sera l’attitude du Département d’État, mais en tant que Chef de la délégation américaine, ma réaction d’homme politique est que nous ne pourrons nous opposer à l’entrée de la Guinée aux Nations unies si elle pose sa candidature. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

7ème stratagème : Le veto français pouvait être le stratagème radical que la République de Guinée ne pouvait pas surmonter. Il mettrait fin à tout espoir d’admission à l’ONU en 1958.

71

Contre-attaque : Ce n’est pas la Guinée qui a empêché le veto français. L’ambassadeur de France à l’ONU en donne les raisons : « … Un autre moyen d’une efficacité certaine, mais qui n’est pas satisfaisant, serait l’usage du veto. Il doit être écarté pour plusieurs raisons : - Bien que nous n’ayons jamais à ma connaissance renoncé à utiliser notre droit de veto à l’encontre de l’admission d’un État, nous avons toujours eu sur ce point une attitude très libérale. – L’exercice du droit de veto nous mettrait en conflit ouvert avec la Guinée et compromettrait le règlement du contentieux franco-guinéen. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

Ces quelques stratagèmes, parmi tant d’autres, montrent à bon escient que nous étions dans une guerre diplomatique mondiale à partir de laquelle la division du monde en deux blocs antagonistes s’est atténuée. La République française a été lâchée par ses alliés de l’OTAN. Tous les coups avaient été envisagés par la France. Il revenait à la jeune République de Guinée de les éviter. 2.3.3 L’ADMISSION DE LA GUINÉE À L’ONU Dans la bataille de l’ONU, Boubacar Telli Diallo, licencié en droit, est le représentant personnel de Sékou Touré auprès du secrétaire général des Nations unies. À ce titre, il a organisé et mené la bataille de l’admission de la Guinée aux Nations unies à la satisfaction de tout le peuple de Guinée. Il était au four et au moulin. Que sa mémoire reçoive l’hommage mérité de la nation guinéenne tout entière. Boubacar Telli Diallo quitte Accra pour Londres où il arrive le 25 novembre. Après maints entretiens à Londres, il quitte la capitale anglaise le 30 novembre pour Washington. Le 1er décembre, il s’entretient avec des 72

diplomates américains auxquels il demande un soutien fort des États-Unis pour l’admission de son pays aux Nations unies. Le 2 décembre, il arrive à New York et se rend directement à la représentation permanente du Ghana, dirigée par D.A. Chapman. Celui-ci organise une réunion du Groupe afro-asiatique comprenant alors 28 États membres. Le même jour, à 17 heures Telli Diallo est introduit auprès du secrétaire général des Nations unies auquel il remet la lettre de Sékou Touré qui lui confie sa mission et la demande d’admission de la Guinée à l’ONU. Le dossier joint à la demande comprenait le texte de la Constitution du 10 novembre 1958, la liste des pays ayant formellement reconnu la République de Guinée et le texte de la Déclaration d’Accra. Le 3 décembre, les 28 États afro-asiatiques demandent au représentant du Japon d’introduire et de piloter la candidature de la Guinée. Le service juridique demande à Telli Diallo de reformuler les textes qu’il doit présenter. Ceci fait que la lettre officielle de demande d’admission est donc datée du 3 décembre 1958. Le texte de la lettre est le suivant : « Au nom de mon gouvernement et agissant selon les instructions reçues de lui, j’ai l’honneur de présenter une demande d’admission, au nom de la République, comme membre de Nations unies. J’ai en outre l’honneur de vous transmettre une déclaration, conformément aux règles pertinentes des règlements du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, par laquelle la Guinée accepte les obligations contenues dans la charte. Je vous serais grandement obligé si vous vouliez bien prendre toutes mesures que vous jugerez utiles afin que cette demande produise immédiatement ses effets. Signé : Diallo Telli, ambassadeur de la République de Guinée. »

73

Une déclaration d’acceptation des obligations contenues dans la Charte des Nations unies est rédigée par Telli et jointe à la demande d’admission : « Moi Diallo Telli, ambassadeur dument autorisé par le gouvernement de la République de Guinée, déclare que la République de Guinée accepte par les présentes les obligations contenues dans la Charte des Nations unies et s’engage à remplir ces obligations à partir de la date de son admission comme membre des Nations unies. »

Le 3 décembre 1958, la demande de la Guinée est déposée au Conseil de sécurité. Le même jour, la demande d’admission de la Guinée aux Nations unies est communiquée aux onze membres du Conseil de sécurité. Devant l’opposition de la France, les Américains, le Groupe des États africains déjà admis à l’ONU, le Yémen et l’Inde manœuvrent pour que le Japon et l’Irak acceptent de parrainer la demande de la Guinée. Le 6 décembre, l’ambassadeur du Japon, Matsudaira, informe le représentant de la France à l’ONU que le groupe afro-asiatique lui a demandé de présenter au Conseil de sécurité une résolution en faveur de l’admission de la Guinée à la session actuelle (la treizième). Le 8 décembre, un jour avant la séance du Conseil de sécurité, les États-Unis d’Amérique annoncent leur position de voter en faveur de l’admission de la Guinée. Ce jour-là, la France a été rassurée de sa nouvelle défaite face à la Guinée par suite du ‘’lâchage’’ américain et donc de la victoire prévisible de la Guinée lors du vote. Aussi, le même jour, un dîner organisé par la représentation du Ghana autour de Telli DIALLO regroupe les représentants de plusieurs États membres du Conseil de sécurité qui se déclarent favorables à l’admission de la Guinée.

74

Le mardi 9 décembre 1958, les onze délégations entrent à 10 heures 30 dans la salle du Conseil de sécurité. Tout le groupe afro-asiatique est présent. Boubacar Telli Diallo, le représentant du gouvernement guinéen, est là lui aussi. Après un quart d’heure de grâce, Gunnar Jarring, l’ambassadeur de la Suède, ouvre la 842ème séance du Conseil de sécurité depuis sa création. Il annonce d’entrée de jeu que le Conseil se voit proposer un ordre du jour composé de deux points : la demande d’admission de la Guinée, mais aussi celles des Républiques de Corée et du Vietnam, qui ont été ajoutées à la demande de la délégation américaine. Après maintes discussions, le Conseil décide finalement, par neuf voix contre une, celle de l’URSS, et une abstention, celle de l’Irak, d’examiner les trois demandes d’admission. Jarring propose alors de traiter directement de la question de la Guinée, sans la renvoyer pour examen au Comité spécial sur l’admission de nouveaux membres. Cette suggestion acceptée, les ambassadeurs Matsudaira (Japon) et Jawad (Irak), se déclarent parrains de la candidature d’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies, l’un après l’autre. « Les délégués des États-Unis, du Royaume-Uni, de la chine, de la Colombie et de Panama déclarent brièvement qu’ils voteront en faveur du projet. Le représentant du Canada se prononcera dans le même sens, précisant toutefois qu’il eût préféré que les problèmes juridiques posés à la France et à la Communauté française par l’indépendance de la Guinée eussent été résolus avant que fût présentée la candidature de ce pays aux Nations unies. L’ambassadeur Sobolev (URSS) intervient à son tour. Il situe le problème sur le plan de la lutte des peuples coloniaux pour leur émancipation. Il déclare qu’en France, « des éléments réactionnaires ont entamé, au lendemain du référendum, une campagne d’intimidation contre la Guinée, la menaçant de 75

sanctions économiques et politiques ». Mais ces manœuvres, poursuit le délégué soviétique, n’aboutiront pas à « ramener la Guinée sous la férule détestée du colonialisme. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

C’est autour de l’ambassadeur Guillaume GeorgesPicot de prendre la parole et de lire d’une voix forte l’intervention dont le contenu a été reçu de Paris quelques jours auparavant. Et puis, il en arrive à sa conclusion : « Dans ces conditions, et sans vouloir rejeter aucune prospective pour l’avenir, la délégation française s’abstiendra au moment du vote. »

Il faut alors passer au vote. Celui-ci est vite expédié. On vote à main levée sur le projet de résolution présenté par le Japon et l’Irak : vote pour : dix (10) voix pour l’adoption, vote contre : zéro (0) voix contre l’adoption. Ceux qui craignaient un veto de dernière minute de la France respirent. Abstention : une (1) voix. Le président de séance déclare alors : « Le projet de résolution commun présenté par l’Irak et le Japon et recommandant l’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies est approuvé par dix voix contre zéro et une abstention. »

L’obstacle majeur sur la voie de l’intégration de la Guinée dans le concert des nations membres de l’ONU a été franchi. Il était plus de 21 heures à New York. Le représentant de la France, ne se faisant aucun doute sur l’admission de la Guinée à l’ONU, voulait ramener le général Charles de Gaulle à de meilleurs sentiments : « Je me demande s’il n’y a pas que des inconvénients, pour le succès même de nos négociations en vue de la constitution de la Communauté, à donner à la Guinée et à nos adversaires l’argument que nous sommes seuls contre les quatre-vingts membres de l’organisation. Ils en profiteront pour dire que notre politique va à l’encontre du mouvement mondial et que 76

pour avoir l’appui du reste du monde, il faut se séparer de la France… Si nous appuyions l’admission de la Guinée en séance plénière, nous aurions certainement de meilleures chances d’obtenir que ce pays s’abstienne dans les votes auxquels il pourrait être appelé à participer avant la fin de la session au lieu de se joindre à nos adversaires. J’attacherais du prix à recevoir d’urgence des instructions m’indiquant si nous devons nous abstenir ou voter pour. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

Le 12 décembre à 14 h 30 mn, à sa 25ème séance, le Bureau de la XIIIème Session de l’Assemblée générale des Nations unies est saisi d’un rapport spécial du Conseil de sécurité sur la question de l’admission de nouveaux membres. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Charles Malik, est à la fois président du Bureau et président de la Session. Dès le début de la plénière, le ministre demande qu’elle soit inscrite en sixième position, au lieu de la vingt-cinquième place où il figure pour l’instant. Un long débat s’en suit au cours duquel sont intervenus le délégué australien, Georges-Picot le Représentant français, le Délégué du Mexique, les Représentants de l’Union soviétique, du Népal, de l’Indonésie, de l’Uruguay et Sir Person Dixon du Royaume-Uni. Finalement, c’est en séance de nuit, le vendredi 12 décembre 1958 à 20 h 30 mn, que l’Assemblée générale, qui tient sa 789ème séance plénière depuis la création de l’ONU, examine sous la présidence de Charles Malik la question de l’admission de la Guinée. « Il rappelle que l’Assemblée est saisie d’un projet de résolution présenté par les délégations de l’Irak et du Japon et que les délégations du Ghana et Haïti ont demandé à patronner ledit projet. »

77

Le projet de résolution défendu devant le Conseil de sécurité pour l’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies avait deux coauteurs : le Japon et l’Irak. À la session plénière du 12 décembre, le Ghana qui n’a cessé de militer en faveur de l’admission et Haïti, la seule république noire et francophone du continent américain, se sont joints aux deux premiers pour parrainer l’admission de la Guinée à l’ONU. Les ambassadeurs Matsudaira et Jawad prennent alors la parole pour présenter leur projet. Charles Malik annonce que les délégués d’Haïti et du Ghana désirent parler seulement une fois la décision intervenue au sujet de l’admission. Il demande si le texte proposé ne rencontre aucune opposition. L’ambassadeur Georges-Picot lève alors la main. Il n’a rien reçu de Paris, aucune instruction nouvelle et le Quai d’Orsay lui a confirmé la position d’abstention. Aussi, at-il décidé de ne prononcer que quelques mots, les plus positifs possible compte tenu des circonstances : « La délégation française remercie les coauteurs du projet de résolution pour les paroles aimables qu’il ont eues à l’égard du gouvernement français. La délégation française n’est malheureusement pas en position, à l’heure actuelle, de prendre une attitude définitive sur le projet de résolution soumis à l’assemblée. Elle n’a pas voulu s’opposer non plus à l’entrée de la Guinée à l’Organisation des Nations unies … Dans ces conditions, la délégation française se verra obligée de s’abstenir lors du vote sur le projet qui nous est actuellement soumis … » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

Le président de séance, le Libanais Malik, constate alors qu’il n’y a pas d’objections à l’approbation du projet de résolution et déclare qu’il est en conséquence adopté.

78

« L’assistance éclate en applaudissements. Précédé par le chef du protocole des Nations unies, Jehan de Noue, Diallo Telli fait alors son entrée dans la salle où siègent les ambassadeurs des quatre-vingt et un États qui sont déjà membres de l’organisation. Sous les acclamations des délégations du groupe afroasiatique et du bloc communiste, et aussi de tous les pays occidentaux présents, mais dans le silence de la délégation française, Telli se dirige vers la place qui est réservée à son pays et où les appariteurs viennent de fixer rapidement la plaque sur laquelle figure en anglais le nom de Guinea. L’ordre alphabétique fait qu’il se trouve ainsi assis à côté du Ghana et, en s’installant, Telli reçoit une amicale accolade de l’ambassadeur Chapman. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

La bataille pour l’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies est finalement gagnée. Cette victoire de la jeune diplomatie guinéenne s’ajoute aux deux premières victoires politiques des 25 août et 28 septembre 1958 et à la victoire juridicoconstitutionnelle du 2 octobre 1958. Après quelques paroles de félicitations, adressées au représentant, au peuple et au gouvernement guinéen, le président Malik invite Boubacar Telli Diallo à venir à la tribune. Voici donc ce que ce soir-là, de la tribune des Nations unies, Telli Diallo déclare au nom de la République de Guinée : « C’est tout à la fois un grand honneur et un privilège, pour moi, de représenter ici, en ce jour solennel, la jeune République de Guinée que l’Assemblée générale, sur la recommandation quasi unanime du Conseil de sécurité, vient d’admettre, je le note, sans opposition en tant que quatrevingt-deuxième membre de l’Organisation des Nations unies. Qu’il me soit permis, tout d’abord, Monsieur le Président, de vous dire combien j’ai été profondément touché par les

79

paroles aimables par lesquelles vous venez d’accueillir le représentant du nouveau-né sur la scène internationale, paroles qui, par-delà, ma personne, s’adressaient bien, en fait, au peuple de la République de Guinée, en ce moment même tout entier tourné vers nos assises (…). Bien que ses contacts avec le monde extérieur aient été, dans le passé, de la compétence exclusive du gouvernement de la République française, le peuple de Guinée, à l’instar de tous les peuples assujettis et assoiffés de dignité et de liberté, a toujours suivi avec intérêt et attention les travaux de l’Organisation des Nations unies, ses efforts inlassables pour le respect du principe du droit des peuples à disposer d’euxmêmes et les mesures concrètes qu’elle a préconisées et quelquefois adoptées en faveur des peuples en lutte contre la misère, l’oppression et la dépendance (…). Ce capital de confiance et d’espoir de tous les humbles de la Terre est sans conteste, tout au moins pour nous, le plus beau titre et aussi le plus impérissable dont peut s’honorer l’Organisation des Nations unies. (….) La Guinée a, vous le savez, pris son indépendance le 28 septembre 1958, dans le calme, dans l’unité et dans la dignité, à une majorité supérieure à quatre-vingt-dix-sept pour cent. Cette indépendance, le peuple de Guinée, groupé comme un seul homme derrière son gouvernement et son parti, l’a choisie sans aucun sentiment de haine ou de xénophobie contre la France ou tout autre État, mais pour se procurer le seul outil qui lui permettra de réaliser tout le reste, c’est-à-dire ses objectifs essentiels sur le plan intérieur en Afrique et, enfin, sur le plan international. La Guinée - j’ai le devoir de le proclamer – a une conscience aiguë de son appartenance à l’ensemble africain et des liens d’affinité et de solidarité qui l’unissent à tous les peuples d’Afrique et d’Asie. En outre, elle souhaiterait normaliser ses rapports avec la France, en vue d’une coopération loyale et compatible avec le respect de son indépendance, de sa dignité et des intérêts supérieurs du peuple guinéen.

80

Mais, par-delà l’Afrique et la France, c’est à tous les peuples du monde et à tous les États pacifiques et respectueux de l’égalité et de la liberté de tous les autres peuples que la République de Guinée offre son amitié et sa coopération pour l’accélération de son passage du stade de pays sous-développé à celui de pays techniquement et socialement développé. Dans nos rapports avec tous ces États, nous nous conformerons aux règles du droit international et notre attitude sera toute de clarté, de loyauté et de sincérité. Notre jeune État, aux termes mêmes de sa Constitution, donne son adhésion totale à la Charte des Nations unies et à la Déclaration universelle des droits de l’homme ; il accepte toutes les obligations qui en découlent, s’estime en état de les respecter et se déclare disposé à le faire. Tel est le message que mon Chef de gouvernement, M. Sékou Touré, m’a demandé de vous transmettre au nom de la jeune République de Guinée. En vous l’adressant, mon pays a conscience de demeurer fidèle à lui-même, fidèle à ses héros, fidèle à sa mission émancipatrice au service de l’Afrique et, enfin, à sa vocation universelle qu’il entend assumer pleinement pour le plus grand profit de toute la communauté internationale. » (André Lewin, La bataille de l’ONU)

La conclusion à tirer de cette bataille diplomatique est celle faite par le diplomate et auteur André Lewin : « Nul doute qu’à Paris, en examinant les comptes rendus venant de New York, le général Charles de Gaulle a dû ressentir plus durement encore l’évolution intervenue dans ses relations avec la Guinée de Sékou Touré. Après le « non » au référendum, qui restait largement une affaire bilatérale de conceptions divergentes entre deux pays, et particulièrement entre deux hommes, voilà que la communauté internationale tout entière, y compris les pays qui se disent « amis et alliés » de la France, ont ouvert à cette Guinée rebelle les portes de l’organisation universelle, permettant ainsi à Sékou Touré d’infliger à la France un camouflet public.

81

Cela, comme beaucoup d’autres choses, le général de Gaulle et son gouvernement ne le pardonneront pas au leader guinéen et à son régime. Et cette affaire, la première au cours de laquelle la France du général se trouvera mise en difficultés aux Nations unies, contribuera à dresser le fondateur de la cinquième République contre l’organisation internationale, envers laquelle il manifestera pendant nombre d’années beaucoup de dédain et peu de considération, allant jusqu’à parler un jour des ‘’Nations unies, ce machin’’ »

La République de Guinée est née dans toute sa grandeur et toute sa splendeur. Une venue sur la scène internationale définitive certes laborieuse, mais légendaire et héroïque. Les cinquante-neuf ans d’histoire de la République de Guinée ont prouvé sans aucune complaisance que la victoire guinéenne sur la France, malgré la virulence des combats des 25 août, 28 septembre, 2 octobre et 12 décembre 1958, n’a pas été une victoire à la Pyrrhus. Debout sur ses deux pieds, l’État de Guinée a continué à encaisser sans fléchir les coups les plus terribles de la France coloniale. Il a éventé les complots les plus sordides de l’Occident raciste et revanchard. Là ! Toujours là ! Pour le bonheur maintenant perceptible du Peuple de Guinée. L’enseignement du passé ne doit pas servir de prétexte pour salir le présent et obscurcir l’avenir. Tout en gardant le droit de mémoire, les générations montantes doivent savoir que c’est l’intérêt qui lie les États. Tout ce qui est reproché à la France aujourd’hui pouvait déjà être derrière nous si depuis un peu moins de soixante ans les dirigeants et les décideurs du pays avaient tous été des patriotes respectant leurs serments de prestation de service.

82

Ceux qui président aux destinées de notre nation et gèrent ses biens, services et affaires doivent savoir que quiconque veut se mettre à l’abri de l’humiliation, du discrédit et de l’abattement moral doit honorer son engagement à la prestation de prise de fonction : « servir le Peuple de Guinée ».

83

CONCLUSION La grandeur d’une nation se mesure toujours, entre autres, par son histoire. C’est pourquoi un peuple qui s’ignore s’égare et ne saurait se projeter dans l’avenir. Nous devons donc nous souvenir pour bâtir grand. Nous souvenir pour ne pas nous laisser abattre par les difficultés quotidiennes inhérentes à la vie de toute société humaine et pour ne pas perdre la place qui est la nôtre sur la scène africaine et internationale. Le choix de la Guinée était hautement logique dans la mesure où le combat des démocraties contre le fascisme et le nazisme s’était effectué au nom de la liberté et contre le racisme. Dès lors, les peuples colonisés eux-mêmes physiquement engagés dans les combats contre les puissances de l’Axe ne pouvaient que demander aux Européens d’être cohérents envers leurs principes. Il faudra donc que les décideurs guinéens sachent que toutes les richesses d’une nation ne sont pas que matérielles, et que certaines valeurs politicohistoriques valent leur pesant d’or dans les relations internationales. Tel est le cas du vote du 28 septembre 1958, le rejet de la colonisation, et par ricochet de la proclamation de la République du 2 octobre 1958. Il revient au gouvernement de mettre en valeur les facteurs géostratégiques pour une plus grande attractivité de la Guinée. Le Peuple doit s’assumer, et c’est pourquoi les Guinéens doivent se souvenir, se souvenir pour bâtir grand.

85

Les médias publics et privés de la place doivent maintenant s’intéresser davantage aux jeunes et aux programmes axés sur leur éveil quant à l’histoire du pays. Les jeunes sont les décideurs de demain, ils sont aptes et ouverts aux changements et ils pérennisent le système démocratique en construction. Si la Guinée disparaissait maintenant, ils seraient tous sans repères historiques partout où ils seront. Nous devons dépassionner le débat relatif à l’histoire de la Guinée et à sa vie politique pour nous mettre à l’abri de la partialité, de l’injustice et afin d’éviter la subjectivité dans le jugement, la haine dans les sanctions et les desseins sordides d’écraser à tout prix l’autre. Pas de panique ! Il est possible de généraliser le bienêtre matériel et d’assurer à tous les Guinéens calme, sérénité, paix et prospérité si le sentiment de la nécessaire solidarité et la bonne compréhension prévalent dans les rapports mutuels. Par la solidarité et le dialogue franc et constructeur, la vie s’adoucit, les actions se fructifient et tous les rouages de la société se mettent en branle vers le progrès. C’est bien ce que le 1er gouvernement de la IVème République, sous la direction du président Pr Alpha CONDÉ, a prouvé aux Guinéennes et aux Guinéens en si peu de temps. Comme l’a dit El Hadj Djigui CAMARA, ancien Directeur national de la Coopération : « Tout doit être mis en œuvre pour que la Guinée prenne des raccourcis technologiques et historiques, et faire ainsi l’économie de temps et de ressources (humaines et financières) pour réussir à relever le défi du sousdéveloppement ».

Maintenons le cap du panafricanisme !

86

Photos 1, 2 et 3 Les présidents de la République de Guinée Ahmed Sékou TOURÉ, 1er président (1958-1984). Le père de l’indépendance de la Guinée, le patriote. Un homme hors du commun.

Général Lansana CONTÉ, 2ème président (1993-2008). Le soldat qui a su préserver l’indépendance et l’intégrité territoriale, le nationaliste. Le père de la démocratie au pluriel. Professeur Alpha CONDÉ, 3ème président (2011-…).

L’opposant éclairé qui a toujours cru en la Guinée. Le sauveur de la Nation et l’entrepreneur des grands chantiers.

87

BIBLIOGRAPHIE AICARDI de Saint-Paul Marc, La politique africaine des États-Unis, Mécanismes et conduite, Economica, Paris, 1984. H. Dorsh et H Legros, Les faits et décisions de la C.E.E. 19581964, Tome 1, Bruxelles, 1968. LEWIN André, Ahmed Sékou TOURÉ (1922-1984), Président de la Guinée, Tome 2 (1956-1958), Harmattan, Paris. - La bataille de l’ONU, 2009 MESSMER Pierre, Après tant de batailles… (Mémoires), Édition Montchrestien, Paris, 1992. P.-F. Gonidec, Relations internationales, Montchrestien, Paris, 1977. SY SAVANÉ Me Alpha Oumar, La Guinée, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, HarmattanGuinée, Paris, 2014. - Guinée 1958-2008, l’indépendance et ses conséquences, Harmattan-Guinée, Paris, 2009. - La Coopération CEE-Guinée, Université de Liège (Royaume de Belgique), 1994. - Contribution à l’élaboration d’un SIG pour le plateau central du Fouta-Djallon, Faculté universitaire de Gembloux, 1994.

89

ANNEXES 1- Quel avenir pour la Coopération guinéofrançaise ? Il est dit dans les pages précédentes tout ce qui a caractérisé les relations guinéo-françaises depuis la lutte pour l’indépendance jusqu’à l’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies. Depuis 1958, les relations ont été des plus tendues soutenues par des politiques d’isolement et de sabotage économique de la part de l’ancienne métropole qu’est la France. En 1974 et 1975, les réconciliations guinéoallemande et guinéo-française ont eu lieu sous l’égide des Nations unies. André Lewin, diplomate français à l’ONU, en a été le principal artisan. Il sera par la suite nommé ambassadeur de la République française en Guinée. De Charles de Gaulle (8 janvier 1959 - 28 avril 1969) à Georges Pompidou (20 juin 1969 - 2 avril 1974), c’est la même famille politique française qui a présidé aux destinées de la Vème République. Rien d’étonnant que ce soit la politique gaulliste qui ait prévalu dans les rapports franco-guinéens : le rejet pur et simple de la Guinée. Georges Pompidou a été plus intransigeant que le général dans le sabotage de l’indépendance guinéenne. Tous les deux avaient le même homme de main, Jacques Foccart. L’arrivée de Valéry Giscard-D’Estaing (27 mai 1974 - 21 mai 1981) a marqué un tournant décisif dans les relations franco-guinéennes. En effet, les réconciliations sous l’égide de l’ONU aidant, la France a procédé à des dédommagements et opéré des financements qui ont auguré une coopération dynamique et féconde. La Guinée 91

a même pu négocier son appartenance au Groupe des pays Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP) dans le cadre des Conventions de Lomé. Malgré les soubresauts liés à la conquête de la démocratie et aux pouvoirs de François Mitterrand (21 mai 1981 - 17 mai 1995), Jacques Chirac (17 mai 1995 16 mai 2007) et Nicolas Sarkozy (16 mai 2007 - 15 mai 2012), les relations franco-guinéennes sont restées avantageuses pour la République de Guinée bénéficiaire d’importantes aides au développement. Il a fallu attendre l’arrivée de François Hollande au pouvoir pour que les dirigeants de la IVème République de Guinée se sentent mieux soutenus et plus écoutés par la République française. Les dirigeants des deux camps se connaissant mieux, toute velléité de mettre les bâtons dans les roues de l’autre était écartée. La Guinée pouvait compter sur la France en cas de coup dur. Pendant que les dirigeants des pays limitrophes (nos frères d’histoire, de géographie et d’intérêts économiques) nous fermaient leurs frontières à cause de la crise de la fièvre hémorragique à virus Ebola, la France occupait massivement le terrain par l’envoi d’experts sanitaires, de chercheurs de haut niveau en la matière, de médicaments, de moyens de protection, de matériels roulants, de laboratoires, etc. L’arrivée du président de la République française, François Hollande, à Conakry (le vendredi 28 novembre 2014), pendant cette crise, alors qu’experts étrangers, coopérants, hommes d’affaires, touristes, etc. prenaient la poudre d’escampette, a bien marqué les esprits des patriotes guinéens. Cette visite de compassion et de solidarité agissante appelle à un nouveau regard sur la France du XXIème siècle.

92

Il est le premier Chef d'État occidental à se rendre dans l'un des pays touchés par l'épidémie de la fièvre hémorragique. "Nous avons le devoir de vous soutenir" dans "l'épreuve que votre pays traverse", a déclaré François Hollande. "Nous sommes ensemble dans la lutte" contre le virus Ebola. "À Dakar, je lancerai un appel à la mobilisation internationale", a indiqué le président français. Aujourd’hui, il est aisé de dire que la France est un pays ami de la Guinée. Elle est parmi les tout premiers bailleurs de fonds du pays. Seulement, l’histoire des relations franco-guinéennes montre bien que l’amitié des deux pays est beaucoup plus fonction des humeurs des Chefs d’État que des intérêts des États eux-mêmes. 2- La théorie des Républiques en Guinée Une cacophonie monstre alimente le débat sur le nombre de Républiques en Guinée depuis son indépendance le 2 octobre 1958. Tantôt c’est la IIème , tantôt la IIIème République, d’autres parlent même de la Vème République à l’image de la France, l’ancienne Métropole. Pour apporter notre contribution au débat, il nous plait d’appeler l’attention de nos lecteurs sur le fait que la République est une forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social. Il va s’en dire que toute période de la vie de l’État de Guinée non soumise à un mandat conféré par le corps social (Constitution, Loi fondamentale, Charte, etc.) ne peut être une République. La définition classique d’une République veut qu’elle soit le fruit d’une Constitution. Au vu de cette définition, il est aisé de situer le lecteur sur le nombre de Républiques que la Guinée a connu depuis son indépendance. 93

Le 2 octobre 1958, la Guinée française proclame son indépendance sous le nom de République de Guinée. Cette Ière République est confirmée par la Loi L/004/58 du 10 novembre 1958 qui adopte la Constitution de la République de Guinée. En novembre 1978, le XIème Congrès du Parti Démocratique de Guinée (PDG), parti au pouvoir, change l’appellation ‘’République de Guinée’’ en ‘’République Populaire et Révolutionnaire de Guinée’’ et de l’Assemblée législative en ‘’Assemblée nationale populaire’’. Ces changements d’appellation qui marquent le début de la naissance de la IIème République sont confirmés par la Loi L/005/79 du 10 février 1979. Et la Loi L/001/82 du 14 mai 1982 adopte la 2ème Loi constitutionnelle. Ainsi, la IIe République est constitutionnellement née. Le 21 mai 1984, le Décret D/042/84 supprime la dénomination République Populaire et Révolutionnaire de Guinée. L’Ordonnance O/042/84 du 21 mai 1984 est aussi relative à la suppression des appellations citées plus haut. En décembre 1990, une nouvelle Constitution (Loi fondamentale) est adoptée par référendum et promulguée le 31 décembre 1990 consacrant définitivement la naissance de la IIIème République. Le général Lansana CONTÉ n’était pas encore le président de cette République. Le 23 décembre 2008, suite à la mort du président de la IIIe, le général Lansana CONTÉ, une junte militaire est montée au pouvoir tout comme après la mort de Ahmed Sékou Touré en 1984. En mai 2010, une nouvelle constitution est promulguée par le général Sékouba Konaté, Vice-Président de la Transition. C’est bien sur la base de cette nouvelle Constitution que l’élection présidentielle du 21 décembre 2010 s’est effectuée consacrant le retour du pays à une vie constitutionnelle et à une gouvernance démocratique. Cette promulgation de 94

mai 2010 a marqué la naissance de la IVème République de Guinée. Le Professeur Alpha CONDÉ n’était pas encore le président de cette République. Toutes les périodes gérées par les détenteurs du pouvoir qui n’ont pas bénéficié d’un mandat conféré par le corps social (la Constitution par exemple) ne peuvent être considérées comme une République. Ces périodes sont : 1ère période : du 3 avril 1984 au 31 décembre 1990 (président de la junte le Colonel Lansana CONTÉ) et 2ème période : 23 décembre 2008 au 20 décembre 2010 (président de la junte le Capitaine Moussa Dadis CAMARA).

95

Tableau 2 : Les périodes républicaines Républiques

Dates Début

Fin 21 novembre 1978

Références début

Ière

2 octobre 1958

IIème

21 novembre 1978

2 avril 1984

Loi L/005/79

IIIème

1er janvier 1991

22 décembre 2008

Loi fondamentale

IVème

Mai 2010

……

Promulgation mai 2010

Loi/L004/58

Tableau 3 : Les périodes d’exception Périodes

Dates Début

1re

3 avril 1984

2ème

23 décembre 2008

Fin 31 décembre 1990 Mai 2010

96

Références début Putsch du CMRN Putsch du CNDD

TABLE DES MATIÈRES Dédicace ............................................................................ 7 Préface............................................................................... 9 Avant-propos .................................................................. 11 PREMIÈRE PARTIE LES 25 ET 26 AOÛT ET LE 28 SEPTEMBRE 1958 : LA VISITE DE CHARLES DE GAULLE À CONAKRY ET LE RÉFÉRENDUM GAULLISTE Chapitre Premier : Les 25 et 26 août 1958, la visite de Charles de Gaulle à Conakry .............................. 15 1.1 Les motivations de la tournée africaine du président du Conseil du gouvernement de la République française en août 1958 ................................................. 15 1.2 Les significations de la date du 25 août 1958 ............ 19 1.3 La lutte de libération de la Guinée française ............. 20 1.4 Les principaux acteurs de l’évènement historique du 25 août 1958 ........................................................... 21 1.5 La gifle de Sékou Touré à Charles de Gaulle ............ 24 1.6 Que dire de l’allocution de Sékou Touré ? ................ 25 Chapitre 2 : Le 28 septembre 1958, le référendum gaulliste....................................................................... 27 2.1 La valeur historique du vote négatif du 28 septembre .......................................................... 27 97

2.2 Pourquoi le référendum gaulliste ? ............................ 29 2.3 Pourquoi les populations de la Guinée française ont-elles été les seules à voter massivement ‘’Non’’ ? ................................................ 30 2.4 Les principaux acteurs du vote négatif ...................... 32 2.5 Les conséquences du ‘’Non’’ du 28 septembre 1958 pour la Guinée ............................................................. 34 DEUXIÈME PARTIE LES 2 OCTOBRE ET 12 DÉCEMBRE 1958 LA PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE ET L’ADMISSION AUX NATIONS UNIES Chapitre Premier : Le 2 octobre 1958, la Proclamation de l’Indépendance ......................... 39 1.1 La Proclamation de l'Indépendance ........................... 39 1.2 La signification du 2 octobre ..................................... 41 1.3 Les tentatives d’intimidation pour empêcher les colonies d’aller à l’indépendance .......................... 42 1.4 Les raisons de la proclamation de l’indépendance ... 44 1.5 Les conséquences de l'indépendance de la Guinée ... 45 1.6 La vengeance métropolitaine ..................................... 56 1.7 Les caractéristiques de la République de Guinée ..... 59 Chapitre 2 : Le 12 décembre 1958, admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies ....................................................... 61 2.1 Le contexte d’une bataille diplomatique .................... 61 2.2 L’importance de l’admission de la Guinée à l’ONU 62

98

2.3 Le combat ‘’corps-à-corps’’ Guinée-France .............. 64 2.3.1 L’argumentation de la France pour contrer la Guinée ..................................................................... 64 2.3.1.1 Les points essentiels de l’argumentation du Quai d'Orsay ........................................................... 65 2.3.2 Les stratagèmes pour différer l’admission de la Guinée à l’ONU .................................................. 68 2.3.3 L’admission de la Guinée à l’ONU ........................ 72 Conclusion ...................................................................... 85 Bibliographie .................................................................. 89 Annexes ........................................................................... 91

99

Le Sénégal aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions L’esthétique sociale des Pulaar Socioanalyse d’un groupe ethnolinguistique

Sy Harouna

L’esthétique sociale pulaar est une mise en ordre éthique de la vie sociale. Elle est l’inventaire systématique de ce qu’il y a de beau et de laid dans le social relativement à ses valeurs, à ses normes, à ses règles et à ses codes qui commandent des postures, des relations, des rapports et des qualités appropriés. L’analyse des contradictions de la société pulaar du Fuuta Tooro a révélé des logiques et des stratégies fondées sur des rapports de castes et sur les représentations sociales que ces rapports produisent. (31.00 euros, 304 p.) ISBN : 978-2-343-11189-6, ISBN EBOOK : 978-2-14-002810-6 Le Baynunk gunaamolo, une langue du sud du Sénégal Analyse phonologique, morphologique et syntaxique

Diop Sokhna Bao - Préface de Denis Creissels

Le Sénégal est un pays multilingue avec des langues majoritaires et des langues minoritaires, de par le nombre de leurs locuteurs, mais également de par la quantité de travaux dont chacune dispose. Les langues majoritaires ont fait l’objet de nombreuses recherches, à la différences des langues minoritaires. Ce constat est à l’origine du choix porté sur la description de la variante gunaamolo du baynunk (parlé au sud du Sénégal, plus précisément à Niamone, dans la région de Ziguinchor) qui est une langue en danger très peu décrite. L’utilité et l’intérêt de ce travail résident dans la sauvegarde et la connaissance de cette langue et sa communauté. Elle peut servir aussi de référence à des recherches futures. (Coll. Études africaines, 38.50 euros, 392 p.) ISBN : 978-2-343-09614-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-002913-4 De l’héritage arabo-islamique saint-louisien Une illustration par les œuvres d’Abbas Sall et d’Abdoulaye Fall Magatte

Fall Cheikh Tidiane - Préface de Samba Dieng et Postface de Mouhamed Habib Kébé

Cet ouvrage porte sur la réhabilitation du legs culturel arabo-islamique ouestafricain en général et saint-louisien en particulier. Revaloriser un pan du patrimoine culturel par l’entremise de l’imagination poétique locale de deux intellectuels demeure l’objectif principal de cette étude. Une partie descriptive

constituée de la traduction d’une cinquantaine de poèmes suivie d’un volet analytique constitue la méthodologie de ce travail de recherche. La moisson tirée de ce travail préliminaire apporte quelques éclairages sur l’intérêt de la traduction de manuscrits arabes, notamment ceux produits par d’éminents ulémas du Sénégal, tels les deux poètes faisant l’objet de cette étude. (Harmattan Sénégal, 35.00 euros, 340 p.) ISBN : 978-2-343-11306-7, ISBN EBOOK : 978-2-14-003014-7 L’AGRICULTURE DU SÉNÉGAL SOUS LA COLONISATION

Diop Ismaïla

L’introduction de l’arachide au Sénégal au début du XXe siècle révolutionne le paysage agricole. La France décide alors de faire du Sénégal une colonie arachidière. Le Sénégal devient la troisième puissance arachidière du monde après les États-Unis et l’Inde. Cette monoculture extensive aboutit à un déficit vivrier chronique, une dégradation des sols, une dépendance vis-à-vis des importations de riz en provenance d’Asie. Pour y remédier, le rapport de la mission Roland Portères de 1952 recommande des mesures d’aménagement du territoire, de restauration des sols, de promotion de l’agriculture intégrée sérère. (Harmattan Sénégal, 23.50 euros, 218 p.) ISBN : 978-2-343-11129-2, ISBN EBOOK : 978-978-2-14-002836-6 Casamance À quand la paix ?

Bassène René Capain – Préface du père Nazaire Diatta

Malgré leur volonté et leur engagement affichés d’aller vers la fin du conflit armé en Casamance, la position des parties en guerre n’a jamais réellement évolué. L’État du Sénégal se dit prêt à négocier sur tous les points, sauf sur ceux relatifs à l’intégrité territoriale et l’unité nationale, alors que, de son côté, le MFDC soutient une position contraire en déclarant être disposé à ne négocier que sur la question se rapportant à l’indépendance totale de la Casamance. Cette situation montre que le conflit armé est encore loin de finir en Casamance. (28.50 euros, 276 p.) ISBN : 978-2-343-10426-3, ISBN EBOOK : 978-2-14-002593-8 PARCOURS D’UN JOURNALISTE AUTODIDACTE

Ndiaye Pape Ngagne Préface de Mamoudou Ibra Kane

Pape Ngagne Ndiaye, par son style, est devenu un rendez-vous incontournable de l’espace audiovisuel sénégalais. L’émission «Faram Faccce» qu’il anime présentement sur TFM est très courue des hommes et femmes politiques pressés de se soumettre au feu roulant et nourri des questions du redoutable interviewer, unique dans son genre. Ce livre n’est pas seulement une autobiographie, mais aussi une réflexion thématique et une sélection rigoureuse de certains numéros de la célèbre émission qui se veut «un décryptage des questions majeures de l’actualité nationale». (37.00 euros, 360 p.) ISBN : 978-2-343-09916-3, ISBN EBOOK : 978-978-2-14-002822-9

Des Francenabe aux MOdou-Modou L’émigration sénégalaise contemporaine

Fall Papa Demba - Préface du Professeur Abdoulaye Bara Diop

Principalement centré sur la France et ses anciennes colonies d’Afrique, le champ migratoire sénégalais s’est, de manière originale, progressivement étendu à des destinations naguère méconnues ou peu fréquentées (comme les États-Unis, l’Italie, l’Espagne, l’Afrique du Sud ou le Brésil). Peu à peu, les migrants sont devenus des acteurs incontournables du développement. La prise en compte de ces populations, et de leurs mouvements, devient donc nécessaire aux programmes et politiques de développement durable. (Harmattan Sénégal, 40.00 euros, 559 p., Illustré en noir et blanc) ISBN : 978-2-343-10796-7, ISBN EBOOK : 978-2-14-002539-6 «Doyen» Amady Aly Dieng, le transmetteur intégral (1932-2015) Économie biographique ou sémio-Histoire

Ngaïdé Abdarahmane

Amady Ali Dieng nous a quittés il y a un an. Pour lui rendre hommage et s’en rappeler les enseignements, l’auteur de cet ouvrage a décidé de compiler ses nombreux écrits ou interventions. Les quatorze textes qui composent cette anthologie sont représentatifs et significatifs de la personnalité, du style et des préoccupations d’Amady Ali Dieng. On y retrouve son style, son humour et son esprit critique. (Harmattan Sénégal, 23.50 euros, 228 p., Illustré en noir et blanc) ISBN : 978-2-343-10855-1, ISBN EBOOK : 978-2-14-002561-7 41 rules to be happy

Kane Babaly

Seeing that happiness is the goal towards which all men strive for, the author wrote this book to help the reader in treasuring the joyous of life and realizing his desires in entirety, to be fulfilled, to claw his way to the top and to assure him it will turn out well in the end. Moreover, this book intends to give the keys us to get the secret for reaching we want in this life. 41 rules to be happy is a little self help book which has 41 rules that are meant to allow every reader to live life in full potential. (Harmattan Sénégal, 14.50 euros, 138 p.) ISBN : 978-2-343-10904-6, ISBN EBOOK : 978-2-14-002583-9 Sénégal Les limites du Plan Sénégal Émergent

Mansour Samb El Hadji

Cet ouvrage présente une analyse profonde des politiques publiques en décortiquant le Plan Sénégal Émergent (PSE) qui jusque-là n’a fait l’objet d’aucune analyse critique sérieuse. Le Sénégal est face à un défi, le défi de son émergence, un défi qu’il compte relever avec tous ses fils. Ce défi qui mobilise aujourd’hui tout le monde doit nous pousser à proposer de nouveaux chemins et à animer un débat nécessaire et incontournable dans tout processus d’émergence. (Harmattan Sénégal, 27.00 euros, 276 p.) ISBN : 978-2-343-09721-3, ISBN EBOOK : 978-2-14-002372-9

Sénégal Dynamiques paysannes et souveraineté alimentaire Le procès de production, la tenue foncère et la naissance d’un mouvement paysan

Diop Amadou Makhouredia Préface d’Yves Guillermou ; Postface de Fodé Niang

Le présent ouvrage contribue à la compréhension des stratégies développées par la petite paysannerie et les dynamiques qui animent les exploitations agricoles familiales permettant la production de biens nécessaires à l’alimentation et l’entretien des familles. La capacité des paysans à prendre en main leurs propres préoccupations a été mise en évidence par l’émergence d’organisations, de groupements, d’associations et d’unions dans tout l’espace rural sénégalais. (Harmattan Sénégal, 26.00 euros, 256 p.) ISBN : 978-2-343-10852-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-002457-3 Histoire et sociologie des religions au Sénégal

Tamba Moustapha

Le Sénégal reste une exception dans le domaine religieux : 90 % de musulmans, 5  % de chrétiens et 5  % d’adeptes de l’animisme. C’est aussi le pays où les musulmans et les catholiques partagent le même cimetière, où les conjoints partagent des religions différentes, où les écoles privées catholiques comptent 60 à 70  % d’élèves de confession musulmane, etc. Ce phénomène n’est pas dû au hasard. L’histoire et la sociologie des religions permettent de l’expliquer amplement. Cet ouvrage souligne cette exception sénégalaise pour montrer qu’au moment où notre monde est en proie au fanatisme, à l’intolérance et au terrorisme religieux, le Sénégal propose un autre « modèle ». (Coll. Études africaines, série Economie, 41.00 euros, 426 p.) ISBN : 978-2-343-10424-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-002506-8 Figures du politique et de l’intellectuel au Sénégal L.S. Senghor - M. Dia - A. Ly - CH. A. Diop A. Diouf & F. Mitterrand J.R. De Benoist - A. Seck - TH. Fall - A. M. Samb - A.M. Samb JR - TH. Monod - H. Bocoum - G. R. Thilmans

Samb Djibril

Cet ouvrage réunit des personnalités politiques et/ou intellectuelles très diverses : Léopold Sédar Senghor, l’Immortel Noir ; Mamadou Dia, le brillant économiste ; François Mitterrand et Abdou Diouf, deux experts politiques, ou encore Théodore Monod, le savant probe. Ces figures sont autant de coryphées auxquels l’auteur a voulu rendre hommage, afin de rappeler que la terre africaine du Sénégal ne manque pas de princes de l’esprit ni de nourriture intellectuelle. (26.00 euros, 266 p.) ISBN : 978-2-343-10731-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-002513-6

L’HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino [email protected] L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L’HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo (00243) 998697603 ou (00243) 999229662

L’HARMATTAN CONGO 67, av. E. P. Lumumba Bât. – Congo Pharmacie (Bib. Nat.) BP2874 Brazzaville [email protected]

L’HARMATTAN GUINÉE Almamya Rue KA 028, en face du restaurant Le Cèdre OKB agency BP 3470 Conakry (00224) 657 20 85 08 / 664 28 91 96 [email protected]

L’HARMATTAN MALI Rue 73, Porte 536, Niamakoro, Cité Unicef, Bamako Tél. 00 (223) 20205724 / +(223) 76378082 [email protected] [email protected]

L’HARMATTAN CAMEROUN BP 11486 Face à la SNI, immeuble Don Bosco Yaoundé (00237) 99 76 61 66 [email protected] L’HARMATTAN CÔTE D’IVOIRE Résidence Karl / cité des arts Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan 03 (00225) 05 77 87 31 [email protected] L’HARMATTAN BURKINA Penou Achille Some Ouagadougou (+226) 70 26 88 27

L’HARMATTAN ARMATTAN SÉNÉGAL SÉNÉGAL L’H 10 VDN en face Mermoz, après le pont de Fann « Villa Rose », rue de Diourbel X G, Point E BP 45034 Dakar Fann 45034 33BP825 98 58Dakar / 33 FANN 860 9858 (00221) 33 825 98 58 / 77 242 25 08 [email protected] / [email protected] www.harmattansenegal.com L’HARMATTAN BÉNIN ISOR-BENIN 01 BP 359 COTONOU-RP Quartier Gbèdjromèdé, Rue Agbélenco, Lot 1247 I Tél : 00 229 21 32 53 79 [email protected]

Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-Noireau N° d’Imprimeur : 142005 - Octobre 2017 - Imprimé en France

Le ‘’Non’’ historique et légendaire des populations de la Guinée française, sorti de l’usine de la dynamique populaire, au référendum gaulliste du 28 septembre 1958, a fait une brêche dans l’Empire colonial français. Les dates des 25 août, 28 septembre, 2 octobre et 12 décembre 1958 ont été des gifles au général Charles de Gaulle alors président du Conseil du gouvernement français, et en même temps des pas de géant vers la libération totale du continent africain du joug colonial européen. Ces dates ont marqué d’emprunts particuliers non seulement l’histoire de la Guinée, mais aussi et surtout celle des rapports franco-guinéens. À ces dates, la Guinée a refusé et rejeté la Communauté franco-africaine, a accédé à l’indépendance et a pris la place qui la sienne à l’Organisation des Nations unies. Ce livre met en valeur l’impact de la lutte de la Guinée sur l’éveil politique de l’Afrique pour l’indépendance. Ainsi, la Guinée devient la locomotive des indépendances africaines. Il est destiné à la jeunesse guinéenne car, une jeunesse qui s’ignore et s’égare ne saurait se projeter dans l’avenir. Alpha Oumar Sy Savané est diplômé de l’Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry en Géographiemathématiques, de l’Université de Liège (Belgique) en Relation internationale et politique européenne et de la Faculté universitaire de Gembloux (Belgique) en Sciences de la Terre. Me Sy Savané est professeur de géographie, fondateur et Directeur de la publication de la revue ‘’Le Tamis’’, analyste chroniqueur du journal ‘’Le Diplomate’’, ancien Directeur des Rédactions du Groupe de Presse et de Communication ‘’Afric Vision’’ et Expert en Communication de l’OMVG à Dakar.

Illustration de couverture : © J. Allain - Jalkastudio / Thinkstock

ISBN : 978-2-343-11886-4

13,50 €

9 782343 118864

Alpha Oumar Sy Savané

locomotive des indépendances africaines

Alpha Oumar Sy Savané

e é n i u La G ive loco moctes ricaines f a n a d n e des indép

La Guinée

La Guinée

Préface de Souleymane KÉITA