Une Autre Facon D'etre Grec / Another Way of Being Greek: Interactions et productions des Grecs en milieu colonial / Interactions and Cultural ... Jules Verne/TRAME et (Colloquia Antiqua) 9789042937949, 9789042937956, 9042937947

Research concerning the spread of Greeks in the Mediterranean has been characterised for the last 30 years by a persiste

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Une Autre Facon D'etre Grec / Another Way of Being Greek: Interactions et productions des Grecs en milieu colonial / Interactions and Cultural ... Jules Verne/TRAME et (Colloquia Antiqua)
 9789042937949, 9789042937956, 9042937947

Table of contents :
TABLE OF CONTENTS
SERIES EDITOR’S PREFACE
FOREWORD
LIST OF ILLUSTRATIONS
INTRODUCTION: UNE AUTRE FAÇON D’ÊTRE GREC. INTERACTIONS ET PRODUCTIONS DES GRECS EN MILIEU COLONIAL
UN EMPORION ET LES AUTRES
UNE QUESTION D’IDENTITÉ DANS LE MONDE COLONIAL: ‘ETHNIQUES’ ET FAUX ‘ETHNIQUES’ DES ESCLAVES EN PROVENANCE DE OU ARRIVÉS DANS LA
GREEKS ON BOTH SIDES: INTERACTIONS BETWEEN COLONISTS AND LOCAL PEOPLES IN ANCIENT EPIRUS*
OSTRACISME CYRÉNÉEN, PÉTALISME SYRACUSAIN: GÉNÉRATIONS SPONTANÉES?*
IDENTITÀ COLONIALI: EREDITÀ, COSTRUZIONE, DISCORSO POLITICO
RITUELS ‘A MYSTÈRES’ ET POLIS ENTRE LA SICILEET LA MER NOIRE: RÉFLEXIONS MÉTHODOLOGIQUES
CULTES ET SANCTUAIRES SUR LES RIVES DU BOSPHORE THRACE: TRADITIONS MÉGARIENNES ET DÉVELOPPEMENTS LOCAUX
DES SACRIFICES POUR UN DIVIN AJAX. ÉPIDAMNIENS, APOLLONIATES, EUBÉENS ET LOCRIENS: LES COMPLEXITÉS DE L’HELLÉNISME COLONIAL EN I
UNE AUTRE FAÇON DE PARLER GREC: POINTS DE VUE ANCIENS ET MODERNES SUR LE LEXIQUE DE CYRÉNAÏQUE
ÉDIFICES D’ASSEMBLÉE CIRCULAIRES GRECS, UNE PARTICULARITÉ OCCIDENTALE*
IDENTITÉS TARENTINES ET RECOMPOSITIONS MÉMORIELLES: LES OFFRANDES DE DELPHES
WOMEN AND THE FOUNDATION OF GREEK COLONIES
SÉLINONTE (SICILE): FONDATION MÉGARIENNE AUX CONFINS DE L’HELLÉNISME*
LES FORTIFICATIONS DE LA SICILE OCCIDENTALEET DANS LA CHÔRA DE SÉLINONTE
UNE QUESTION D’IDENTITÉ: LES DIVINITÉS FUNÉRAIRES DE CYRÉNAÏQUE
UNE AUTRE FAÇON DE MOURIR?* RETOUR SUR LES PRATIQUES FUNÉRAIRES DE MÉGARA NISAEA ET MÉGARA HYBLAEA
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES AMPHORES ARCHAÏQUES À BANDES DE MILET ET LEUR DIFFUSION DANS LE MILIEU COLONIAL
CERAMICA GRECA COLONIALE IN AREE A CULTURA MISTA: I CASI DI PITHEKOUSSAI/CUMA E FRANCAVILLA MARITTIMA
LES PRODUCTIONS CÉRAMIQUES DES GRECS DU MIDI: REGARDS CROISÉS*
CONCLUSIONS
LIST OF CONTRIBUTORS
INDEX

Citation preview

Une autre façon d’être grec Interactions et productions des Grecs en milieu colonial

Another Way of Being Greek Interactions and Cultural Innovations of the Greeks in a Colonial Milieu Edité par/Edited by Michela Costanzi et Madalina Dana

PEETERS

UNE AUTRE FAÇON D’ÊTRE GREC ANOTHER WAY OF BEING GREEK

COLLOQUIA ANTIQUA Supplements to the Journal ANCIENT WEST & EAST

SERIES EDITOR

GOCHA R. TSETSKHLADZE (UK) EDITORIAL BOARD

A. Avram (Romania/France), Sir John Boardman (UK), J. Hargrave (UK), M. Kazanski (France), A. Mehl (Germany), A. Podossinov (Russia), N. Theodossiev (Bulgaria), J. Wiesehöfer (Germany) ADVISORY BOARD

S. Atasoy (Turkey), L. Ballesteros Pastor (Spain), J. Bouzek (Czech Rep.), S. Burstein (USA), J. Carter (USA), B. d’Agostino (Italy), J. de Boer (The Netherlands), A. Domínguez (Spain), O. Doonan (USA), A. Kuhrt (UK), Sir Fergus Millar (†) (UK), J.-P. Morel (France), M. Pearce (UK), D. Potts (USA), A. Rathje (Denmark), R. Rollinger (Austria), A. Snodgrass (UK), M. Sommer (Germany), D. Stronach (USA), M. Tiverios (Greece), C. Ulf (Austria), J. Vela Tejada (Spain)

Colloquia Antiqua is a refereed publication

For proposals and editorial and other matters, please contact the Series Editor: Gocha R. Tsetskhladze The Gallery Spa Road Llandrindod Wells Powys LD1 5ER UK E-mail: [email protected]

COLLOQUIA ANTIQUA ————— 26 —————

UNE AUTRE FAÇON D’ÊTRE GREC Interactions et productions des Grecs en milieu colonial

ANOTHER WAY OF BEING GREEK Interactions and Cultural Innovations of the Greeks in a Colonial Milieu Actes du colloque international organisé à Amiens (Université de Picardie Jules Verne/TRAME) et Paris (ANHIMA), 18–19 novembre 2016

Edité par/Edited by

MICHELA COSTANZI et MADALINA DANA

PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT

2020

A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. ISBN 978-90-429-3794-9 eISBN 978-90-429-3795-6 D/2020/0602/34 © 2020, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.

TABLE OF CONTENTS

Series Editor’s Preface – Gocha R. Tsetskhladze . . . . . . . . . . . . . . . . . .

IX

Foreword – Michela Costanzi and Madalina Dana . . . . . . . . . . . . . . . .

XI

List of Illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

XIII

CHAPTER 1

Introduction: Une autre façon d’être grec. Interactions et productions des Grecs en milieu colonial Michela Costanzi, Madalina Dana . . . . . . . . . . . . . . . . . HÉRITAGES,

CHAPTER 2 CHAPTER 3

CHAPTER 4

CHAPTER 5

CHAPTER 6

PART I INTERACTIONS ET INNOVATIONS

Un emporion et les autres Pierre Rouillard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

13

Une question d’identité dans le monde colonial: ‘ethniques’ et faux ‘ethniques’ des esclaves en provenance de ou arrivés dans la région de la mer Noire Alexandru Avram . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

33

Greeks on Both Sides: Interactions between Colonists and Local Peoples in Ancient Epirus Adolfo J. Domínguez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

59

Ostracisme cyrénéen, pétalisme syracusain: générations spontanées? Hugues Berthelot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

93

Identità coloniali: eredità, costruzione, discorso politico Maurizio Giangiulio. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

103

CIRCULATIONS CHAPTER 7

1

PART II

DES MODÈLES ET ‘CULTURE COLONIALE’

Rituels ‘à mystères’ et polis entre la Sicile et la mer Noire: réflexions méthodologiques Claudia Antonetti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

131

VI

CHAPTER 8

CHAPTER 9

CHAPTER 10

CHAPTER 11

CHAPTER 12

CHAPTER 13

TABLE OF CONTENTS

Cultes et sanctuaires sur les rives du Bosphore thrace: traditions mégariennes et développements locaux Adrian Robu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

149

Des sacrifices pour un divin Ajax. Épidamniens, Apolloniates, Eubéens et Locriens: les complexités de l’hellénisme colonial en Illyrie méridionale François Quantin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

161

Une autre façon de parler grec: points de vue anciens et modernes sur le lexique de Cyrénaïque Catherine Dobias-Lalou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

179

Édifices d’assemblée circulaires grecs, une particularité occidentale Airton Pollini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

195

Identités tarentines et recompositions mémorielles: les offrandes de Delphes Arianna Esposito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

213

Women and the Foundation of Greek Colonies Irad Malkin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

235

PART III PRODUCTIONS MATÉRIELLES ET IDENTITÉS CULTURELLES CHAPTER 14

CHAPTER 15

CHAPTER 16

CHAPTER 17

Sélinonte (Sicile): fondation mégarienne aux confins de l’hellénisme Martine Fourmont . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

259

Les fortifications de la Sicile occidentale et dans la chôra de Sélinonte Enrico Caruso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

281

Une question d’identité: les divinités funéraires de Cyrénaïque Morgan Belzic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

309

Une autre façon de mourir? Retour sur les pratiques funéraires de Mégara Nisaea et Mégara Hyblaea Reine-Marie Bérard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

333

TABLE OF CONTENTS

CHAPTER 18

VII

Quelques considérations sur les amphores archaïques à bandes de Milet et leur diffusion dans le milieu colonial Iulian Bîrzescu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

351

Ceramica greca coloniale in aree a cultura mista: i casi di Pithekoussai/Cuma e Francavilla Marittima Francesca Mermati . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

363

Les productions céramiques des Grecs du Midi: regards croisés Daniela Ugolini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

407

Conclusions – Franco De Angelis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

433

List of Contributors . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

447

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

449

CHAPTER 19

CHAPTER 20

SERIES EDITOR’S PREFACE This volume is very welcome. It covers not only the western Mediterranean but also the Black Sea, thus presenting the whole Greek colonial milieu together. Its main aims are not simply to demonstrate Greek expansion but to investigate local societies as well. Nowadays, scholarship has largely rejected the unidirectional term Hellenisation, which meant that the Greeks ‘Graecised’ barbarian locals whose cultures were of a much lower level and quality than theirs. We have come to realise that while the Greeks undoubtedly influenced the local population, the locals also had an impact on the Greeks. Thus colonisation was a two-way process. Discussion about this is increasing (see, for example, AWE 8 [2009], 81–132; AWE 11 [2012], 191–259). We should always remember that just as the locals were ‘others’ to the Greeks, the Greeks were equally ‘other’ to the locals. Another feature of the book is the unhesitating use of the term colonisation throughout. This underlines the difference between French and Italian scholarship, on the one hand, and Anglo-Saxon on the other. There is much discussion in the latter of what word(s) to use to describe colonisation because of an unhealthy obsession with what is (wrongly) seen as the cultural baggage carried by the term colonisation itself (see G.R. Tsetskhladze and J.F. Hargrave, ‘Colonisation from Antiquity to Modern Times: Comparisons and Contrasts’. AWE 10 [2011], 161–82). Anglo-Saxons have found no other generally accepted or acceptable substitute for the word colonisation, and only in the Conclusions to the current volume is ’colonisation’ placed in inverted commas. Welcome too is that none of the chapters seeks to draw parallels between ancient colonisation and that of recent centuries, and the avoidance of seeking to understand ancient Greek colonisation through the lens of later ones. Again, the Conclusions are the exception. It is worth restating a peculiarity: those who seek to make such comparisons have too little understanding of modern colonisation, its manifold aspects and its minefield of complexities. As has been remarked, a caricature of the British empire and its ethos as in ca. 1900 is used as a model, while the different phases of British expansion and settlements (and how this was organised) are ignored, let alone the broader phases of colonisation undertaken by a variety of polities from Europe and beyond. Thus, what do we benefit from these too-often tenuous and shallow comparisons. Nothing. T.J. Dunbabin cannot be criticised for being a child of his times – we all are; what is needed is a deeper understanding of him, his world and his background, and the time at which he was writing. Recent historians of

X

SERIES EDITOR’S PREFACE

recent colonisations do not concern themselves with antiquity to any extent. Wisely, they do not seek comparisons from the ancient past to counterbalance the way in which ancient historians and archaeologists look to later periods (see AWE 10 [2011], 161–82, and the discussion at 183–331). I welcome the authors’ overall liberation from the baggage of modern theories. Theories wax and wane; empirical study carries on despite the whims of changing fashion. Many general books on Greek colonisation have started to appear, often revealing the strengths and weaknesses of their authors’ knowledge of particular regions. This is not surprising. Some regions have been much more comprehensively examined than others and this filters through to syntheses and secondary literature. It is obvious that local histories and archaeologies must be written first to provide the foundations and building blocks for subsequent syntheses. Very often colonisation is considered as something unique in Greek history, a separate chapter of it. Now is the time to incorporate it into the mainstream and see how it impacted not just on the Archaic period but on subsequent ones too. Here, at least, is a parallel with the modern where, for instance, British Imperial and Commonwealth history has seldom been sufficiently integrated into British (political and social) history. In Melbourne I taught not just Classical Archaeology but the archaeology and history of the Mediterranean World, the Black Sea and Anatolia. Students were more enthusiastic about the wider coverage than a focus on Mainland Greece and Rome. I am most grateful to the authors and editors. This volume is more than an assemblage of conference papers; they have been rewritten for publication. They are such a fascinating collection that I wish I had attended the conference myself. As ever, thanks go to Peeters and to James Hargrave. Gocha R. Tsetskhladze Llandrindod Wells 13 September 2018

FOREWORD One of the ongoing aspects of study of Greek ‘colonial’ settlements is that of interactions and exchanges between Greeks and local populations. This question seems to be longstanding. Greek sources already point to the multiethnic and multicultural character of these enterprises by judging it in a negative way, as a danger to the Greek identity of the settlers. The strong presence of local populations gave rise to several reflections on the mixed character of the Greeks of the ‘periphery’, these Greeks being not, according to the Greek historians, authentic Greeks. To these considerations of the ancient historians we may add modern theories, not only the dichotomy centre–periphery but also of a hierarchy between various peripheries. Nevertheless, interest in the margins aroused curiosity about the spread of the Greeks in the Mediterranean and for contacts with other peoples. This volume proposes to go further and to consider the cultural features of this ‘peripheral’ Greekness. Transfers and contacts remain at the heart of our research, because our aim is not to oppose, but to integrate the new knowledge generated by Network and Middle Ground theories. The various contacts with local populations are at the origin of a large number of innovative developments, as some contributions to this volume show. However, other elements stimulated colonial Greek innovations, which did not necessarily have a model in the metropolis. In some cases, it is a question of the reworking models from which the Greeks stand out by a natural process of remoteness. In others, it concerns contacts with other Greeks of the same region who become more familiar than the Greeks of the metropolis and with whom the settlers certainly had connections. The context of these contacts is not always peaceful, but local interactions and cultural innovations show that they were part of the long-term experience. This volume, which brings together archaeologists and historians, focuses precisely on long-term and qualitative analysis. Artefacts, inscriptions and literary creations are mobilised in search of both common traits and distinctive features between the different regions of the Greek world affected by the spread of the Greeks and impacted by their presence. We wish to express our gratitude to the Series Editor of Colloquia Antiqua, Gocha Tsetskhladze, and his colleagues for accepting this volume and making possible its publication in excellent condition. Inevitably, there will be some minor inconsistencies in a volume that contains papers in three languages. We apologise to purists for imposing some of the typographical practices of one language on another. Michela Costanzi, Madalina Dana

LIST OF ILLUSTRATIONS

COVER Acropolis of Selinous, the view from Temple E (© Parco Archeologico di Selinunte e Cave di Cusa, Antonino Di Maio). CHAPTER 4 (Domínguez) Fig. 1.

Main places mentioned in the text (© A.J. Domínguez).

Fig. 2.

Areas of influence of the Corinthian colonies (© A.J. Domínguez).

CHAPTER 9 (Quantin) Fig. 1. Carte de l’Épire septentrionale et de l’Illyrie méridionale (© Philippe Lenhardt, INRAP, IRAA CNRS/AMU). Fig. 2. Casque de type chalcidien gravé de deux satyres banqueteurs découvert à Olympie (d’après Kunze 1994, pl. I, fig. 46–47). Fig. 3. Photographie et fac-similé de l’inscription dédicatoire (d’après Kunze 1994, 36, fig. 49–50). CHAPTER 11 (Pollini) Fig. 1. Carte de la Grande-Grèce et de la Sicile, avec indication des cités grecques coloniales (© A. Pollini). Fig. 2.

Ekklesiasterion de Poseidonia-Paestum (© A. Pollini).

Fig. 3.

Ekklesiasterion d’Agrigente (© A. Pollini).

Fig. 4.

Herôon de Poseidonia, monument en l’honneur du fondateur (© A. Pollini).

Fig. 5. Herôon de Poseidonia, restitution axonométrique et en 3D (d’après Greco 2014, 32, fig. 28 et 29). CHAPTER 12 (Esposito) Fig 1. Plan restitué du sanctuaire d’Apollon à Delphes avec les différents monuments mentionnés dans le texte (© D. Laroche/École française d’Athènes 2018). Fig. 2.

Plinthe de l’offrande statuaire des Tarentins ‘du bas’, état 2000 (© S. Montel).

Fig. 3. Mur bordant le côté est de la ‘voie sacrée’, couronné par la base du groupe statuaire des Tarentins ‘du haut’, état 2000 (© S. Montel). Fig. 4. Inscription de la dédicace de l’offrande dite des Tarentins ‘du haut’ (© A. Pollini).

LIST OF ILLUSTRATIONS

XIV

CHAPTER 13 (Malkin) Fig. 1. Greek, Phoenician and Etruscan settlements in the Archaic period (in Malkin 2011, 4, fig. I.1). Fig. 2. Pinax representing Persephone, shrine of Persephone at Locri (© Wikimedia Commons. Photograph courtesy of Museo Nazionale Archeologico at Reggio Di Calabria, Italy). CHAPTER 14 (Fourmont) Fig. 1.

Megaron du sanctuaire de la Malophoros (d’après Mertens 2010, fig. 4).

Fig. 2.

Propylon du sanctuaire de la Malophoros (d’après Mertens 2010, fig. 45).

Fig. 3.

Temple F. Large peristasis (d’après Mertens 2010, fig. 21).

Fig. 4.

Temple C et progression des niveaux (d’après Mertens 2010, fig. 17).

Fig. 5.

Temple G (d’après Mertens 2010, fig. 26).

Fig. 6. Temple E, ante (© M. Fourmont. Courtoisie du Parco Archeologico di Selinunte – Cave di Cusa). Fig. 7.

Temple A, avec escalier en colimaçon (d’après Mertens 2010, fig. 39).

Fig. 8.

Temple A, autel (d’après Voigts 2011, fig. 143 et 147).

Fig. 9.

Petite métope: Europe sur le taureau (d’après Fourmont 2013, fig. 70).

Fig. 10. Kerkouane, protomé de taureau (© M. Fourmont). Fig. 11. Vase sélinontin archaïque à figures noires, avec personnages sur un bateau (© M. Fourmont. Courtoisie du Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme). Fig. 12. Petit autel, avec figure de démon à boucle d’oreille (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme). Fig. 13. Terre cuite avec bras ajoutés (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme, N.I. 180 n). Fig. 14. Terre cuite avec bras levé (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme). Fig. 15. Terre cuite avec bras levés et pectoral (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme, N.I. 260 n.). Fig. 16. Samos, figurine d’ivoire avec disque pectoral, inv. E 148 (d’après Brize 1997, fig. 15). Fig. 17. Protomé: Wiederkehr groupe 11 type 11A1.1 (d’après Wiederkehr 2014, 54, pl. 44). Fig. 18. Terre cuite: tête juvénile avec frange en boudin gaufré Wiederkehr 14H1.1 (d’après Wiederkehr 2014, 87, pl. 77).

LIST OF ILLUSTRATIONS

XV

Fig. 19. Buste provenant de l’îlot EE2 (fouilles M. Fourmont) (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme, N.I. 66249 n.). Fig. 20. Éphèbe de bronze (d’après Moreno 2010, fig. 10). Fig. 21. Didrachme de Sélinonte avec signe de Tanit au revers (Internet, UBS Gold and Numismatics, Auction 56, Lot number 60, January 28 2003. Courtoisie A. Rizzo). Fig. 22. Terre cuite: Péplophore (© M. Fourmont). CHAPTER 15 (Caruso) Fig. 1. Le Château Euryale de Siracuse, phases de construction (d’après Tréziny 1996, 350). Fig. 2.

Tyndaris, la porte à tenailles (d’après Cavalieri 2000, 191, fig. 4).

Fig. 3.

Portes ‘à tenailles’ de Leontinoi et Syracuse (d’après Cavalieri 2000, 193, fig. 5–6).

Fig. 4. Les murs d’enceinte de Mothyae, secteur nord-occidental, et la Porte Nord (d’après Ciasca 1993, tav. VI). Fig. 5. Secteur nord du plan d’Éryx avec les monuments principaux et les murs d’enceinte (© E. Caruso). Fig. 6.

Murs d’Éryx et lettres d’alphabet phénicien (d’après Salinas 1883, tav. 1).

Fig. 7.

Détail de la fig. 5: le ‘propugnacolo’ au nord de la Porte Spada (© E. Caruso).

Fig. 8. Le Monte Barbaro: fortifications de Ségeste (d’après Camerata Scovazzo 1996, 52, fig. 43). Fig. 9.

Ségeste, la Porte de la Vallée (d’après Favaro 1997, tav. CXXVIII).

Fig. 10. Ségeste, phases constructives de la Porte de la Vallée (d’après Favaro 1997, tav. CXXX). Fig. 11. Ségeste, redent saillant de l’enceinte de la deuxième fortification (d’après Camerata Scovazzo 1996, 122, tav. 6). Fig. 12. Tour avancée de la deuxième ligne des fortifications de Ségeste (d’après Camerata Scovazzo 1996, 52, fig. 48). Fig. 13. Lilybée, les fortifications: fossé, murs et tours (d’après Caruso 2006, fig. 90). Fig. 14. Lilybée: mur, tours carrées, ‘posterulae’, fossé et galerie souterraine (d’après Caruso 2006, fig. 101). Fig. 15. Maquette de Sélinonte: la ville archaïque, les murs et les zones suburbaines de la colline orientale et occidentale (d’après Mertens 2015, 375). Fig. 16. La Porte Est de Sélinonte (d’après Mertens 2006, 176, fig. 307). Fig. 17. Sélinonte après 409 av. J.-C.: les murs d’Hermocrate (d’après Mertens 2015, 378). Fig. 18. Megara Hyblaea: plan de la ville hellénistique et sa porte sud ‘à tenailles’ (d’après Di Vita Gaffà 1985, 399, tav. I).

LIST OF ILLUSTRATIONS

XVI

Fig. 19. Sélinonte: la Porte Nord – IIe phase (d’après Mertens 2006, 423, fig. 729b). Fig. 20. Monte Adranone: Adranon et son circuit de fortification (Fiorentini, panneau, Musée de Sambuca di Sicilia). Fig. 21. Monte Adranone: le ‘propugnacolo’ devant la Porte Sud (© E. Caruso). CHAPTER 16 (Belzic) Fig. 1.

Divinité funéraire, Cyrène (© Asmaïl Dakil Al Hasi, Musée de Cyrène).

Fig. 2. Divinité funéraire n° Bes. 15 de l’enclos N.81-B, devant le sarcophage N.81-I, d’après les photographies de la mission archéologique, Victoria University of Manchester (© Archives de la Society for Libyan Studies, fond Dixon, 2014.0069, sans numéros). Fig. 3. Vue des ruines de la tombe N.171 lors de son dégagement en 1915 par les troupes italiennes. De gauche à droite: divinité funéraire n° Bes. 38 de Megô fille de Mnasarchos, base de Philon fils de Mnasarchos, stèle de Mnasarchos fils de Theuchrestos, base d’Euklès fils de Mnasarchos et base de Theuchrestos fils de Mnasarchos (© Archives de la Society for Libyan Studies, fond Cyrene, 2014.0088, pochette, ph. E 897). Fig. 4. Divinité funéraire du Wadi Ezzia, nécropole Ouest de Cyrène (© Musée de Cyrène). Fig. 5.

Divinité funéraire, Cyrène (© Asmaïl Dakil Al Hasi, Musée de Cyrène).

CHAPTER 17 (Bérard) Fig. 1. Structure des nécropoles de Syracuse et Mégara Hyblaea (tombes d’adultes) (d’après Shepherd 1995, 58, fig. 3). Fig. 2. Relevé en plan du sarcophage Z 130 de Mégara Hyblaea (Relevé MH60, © U. Filianoti). CHAPTER 18 (Bîrzescu) Fig. 1. Milet. Reconstruction d’une amphore de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 2. Diffusion des amphores milésiennes à bandes au VIIe s. av. J.-C. Le type ‘standard’ (© I. Bîrzescu). Fig. 3. Milet, Inv. Z 92.83.28. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphore de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 4. Milet, Inv. Z 05.6.425. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 5. Milet, Inv. Z 05.19.622. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

LIST OF ILLUSTRATIONS

XVII

Fig. 6. Milet, Inv. Z 05.19.623. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 7. Milet, Inv. Z 05.42. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 8. Milet, Inv. Z 01.26. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 9. Milet, Inv. Z 05.43.25. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). Fig. 10. Diffusion des amphores milésiennes à bandes au VIe s. av. J.-C. Le type ‘standard’ (© I. Bîrzescu). CHAPTER 19 (Mermati) Fig. 1. Brocca ‘a botticella’ dalla tomba 984 di San Montano, Pithekoussai (in Coldstream 2000, 97–98, fig. 3–5). Fig. 2. a. Frammento di cratere da Mazzola, Pithekoussai (in Ridgway 1984, 110, fig. 26); b. Anfora beotica da Tebe. Atene (Museo Nazionale 220-5893) (in Boardman 1998, 65, fig. 102.1–2). Fig. 3. Cratere Sp 1/5 da San Montano, Pithekoussai (in Buchner et Ridgway 1993, tav. 235). Fig. 4.

Ceramica da Canale-Janchina (in Mercuri 2012, 975, fig. 4).

Fig. 5. Scodelle e skyphoi di produzione enotrio-euboica dall’area Rovitti, Francavilla Marittima (in Jacobsen e Handberg 2010, 23–24, fig. 7–8). Fig. 6. Ceramica enotrio-euboica da Francavilla Marittima, Area Rovitti e Timpone della Motta (in Jacobsen e Handberg 2010, 27, fig. 10; 2012, 694, fig. 6a, rielaborati dall’autore). Fig. 7. Pisside Ticinese da Francavilla Marittima, con coperchio rinvenuto sul Timpone della Motta (in Kleibrink 2009, 17, fig. 16, rielaborato dall’autore). Fig. 8. a. Kantharos dal Timpone della Motta; b. Oinochoe dal Timpone della Motta, Stipe I (in Tomay et al. 1996, 219, fig. 3.96; 215, fig. 3.85). Fig. 9. Ceramica votiva dal Timpone della Motta, Francavilla Marittima (in Jacobsen e Handberg 2010, 32, fig. 11, rielaborato dall’autore). CHAPTER 20 (Ugolini) Fig. 1.

Le Midi avec les sites mentionnés (carte D. Ugolini).

Fig. 2. Céramiques à pâte claire de Béziers I. Jarres, cratères, stamnoi (?), coupes, bols, gobelets, jattes, vases miniature (dessins et DAO B. Calas, M. Fresne, É. Gomez, B. Morhain, C. Olive et D. Ugolini).

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Fig. 3. Céramiques à pâte claire de Béziers I. Oénochoés, olpés, petites olpés, hydries (?), amphores de table, pélikés (dessins et DAO B. Calas, M. Fresne, É. Gomez, B. Morhain, C. Olive et D. Ugolini). Fig. 4.

Mortiers de Béziers I (dessins et DAO É. Gomez, C. Olive et D. Ugolini).

Fig. 5. Vases tournés à feu de Béziers I et autres avec la même pâte (dessins et DAO É. Gomez, C. Olive et D. Ugolini).

INTRODUCTION: UNE AUTRE FAÇON D’ÊTRE GREC. INTERACTIONS ET PRODUCTIONS DES GRECS EN MILIEU COLONIAL Michela COSTANZI Madalina DANA

La complexité du monde colonial grec incite à s’interroger sans cesse sur des questions qui ont déjà suscité un nombre considérable d’études. Chaque fois, on les aborde d’un point de vue différent, tenant compte de l’évolution de la recherche et de la tendance actuelle d’interpréter les sources. De cette manière, on parvient à des réponses toujours nouvelles. Ainsi, le phénomène colonial s’est décolonisé, puis il s’est ‘diasporisé’, pour que les colonies redeviennent des apoikiai. Les expéditions ont été analysées par le biais des modèles ethniques, avant qu’on convienne qu’elles ne se rangeaient pas parmi ces modèles fixes, étant constituées de groupes mixtes et toujours variables. Quant à la dialectique centre-périphérie, après avoir dominé les études sur le monde grec, elle semble aujourd’hui être surmontée. Une des questions toujours courants des études coloniales grecques est celle des interactions ou des échanges entre les Grecs et les populations locales. En réalité, cette question est très ancienne. Les sources grecques parlent déjà de ces mélanges en les jugeant toujours négatifs. Le mélange est un signe de ‘mauvais genre’, la ‘pureté’ peut être conservée seulement si tenue à l’écart de tout mélange: Platon le dit dans son dialogue Ménexène (245 c–d): La voilà bien la solidité, la pureté des sentiments généreux et libres de notre patrie! Voilà bien sa haine distinctive du Barbare, due à ce que nous sommes des Grecs de bon aloi, sans mélange de sang barbare! Notre existence en effet n’a rien de commun avec les Pélops, non plus qu’avec les Cadmos, pas davantage avec les Égyptos, les Danaos, ni avec nombre d’autres, Barbares de nature, Grecs de convention; au contraire, notre existence propre est celle de Grecs et non de demi-barbares: principe de ce qu’il y a de pur dans la haine innée de notre patrie à l’égard de ce dont la nature est étrangère.

Il est par conséquent d’autant plus précieux pour l’identité grecque de se méfier de tout mélange, voire de tout contact, ce dont Platon se fait l’écho dans un passage des Lois (3, 692e–693a): Si la décision commune des Athéniens et des Lacédémoniens n’avait pas repoussé l’esclavage imminent, presque toutes les ethnies grecques seraient maintenant

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mélangées entre elles, les Barbares avec les Grecs, les Grecs avec les Barbares, de la même manière que maintenant sont constituées les nations sur lesquelles les Perses dominent, dispersées, mélangées, dissipées d’une manière confuse.

Si Platon évoque un danger général auquel tous les Grecs auraient été exposés à la suite d’une éventuelle conquête perse, ce danger n’est pas moins présent dans les espaces où les Grecs sont allés eux-mêmes à la rencontre de peuples non-grecs. La fréquentation des Barbares n’est pas sans conséquence sur leur identité ethnique et culturelle, comme l’affirme Denys d’Halicarnasse en parlant des contrées éloignées de la mer Noire (1. 89. 4): Bien d’autres, en effet, vivant au milieu des Barbares, ont en peu de temps désappris toute leur grécité au point de ne plus parler le grec, de ne plus suivre les habitudes des Grecs, de ne pas reconnaître les mêmes dieux qu’eux, ni leurs lois tempérées – toutes choses qui, principalement, marquent la différence entre la nature grecque et la nature barbare ‒, ni même n’importe quel autre signe distinctif. Suffisent à confirmer mes propos les Achéens, implantés autour du Pont, et qui, bien qu’issus d’Eléens de la plus rare souche grecque, sont les plus sauvages de tous les Barbares existant actuellement.

Denys se trompe au sujet de l’origine des Achéens, pourtant il n’en reste pas moins que l’idée de la ‘corruption’ par le contact avec le ‘Barbare’ est très vive encore dans les textes des auteurs de la fin de la république. Aristoxène de Tarente plaint les Poséidoniates qui se seraient ‘barbarisés’ au contact du milieu italique et seraient devenus des Tyrrhéniens ou des Romains, ayant perdu leur langue et leurs autres coutumes (F124 Wehrli). D’autre part, la proximité prolongée avec les Grecs avait poussé les non-Grecs à adopter la langue des premiers. Or, loin d’être considérée par les Grecs comme une avancée culturelle des Hellènes, cette acculturation des ‘Barbares’ résonne de manière plutôt négative dans le récit qu’en fait Diodore de Sicile (5. 6. 5): Plusieurs générations après, une colonie de Siciliens, quittant l’Italie, traversa la mer et vint occuper la contrée qui avait été abandonnée par les Sicaniens. Poussés par l’ambition de nouvelles conquêtes, ils envahirent le territoire voisin, ce qui fut la source de guerres fréquentes avec les Sicaniens, jusqu’à l’époque où un traité de paix régla les limites du territoire. Nous nous arrêterons davantage sur ce sujet, dans un temps plus convenable. Les Grecs ont les derniers envoyé des colonies considérables en Sicile, et ils y ont fondé plusieurs villes maritimes. Le grand nombre de Grecs qui abordaient dans cette île, et le commerce qu’ils entretenaient avec les habitants du pays, engagèrent bientôt ces derniers à renoncer à leur langue.

La forte présence des populations locales en Italie du Sud et en Sicile donna par ailleurs naissance à plusieurs réflexions quant au caractère mélangé des Grecs de la ‘périphérie’, ces Grecs des franges n’étant pas, dans la vision des historiens de la métropole, de véritables Grecs. Ainsi, dans les propos de

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Thucydide (6. 17. 2–3) on peut lire le mépris pour la populace qui, en raison de son caractère hétéroclite, a perdu ses repères. Celle-ci se montre de la sorte prête à se plier à toutes formes d’exigences et à se mettre à la disposition du plus offrant, contrairement aux ‘vrais’ Grecs, en l’occurrence les Athéniens, qui savent rester solidaires autour d’un idéal autant politique que culturel: Et ne renoncez pas à envoyer la flotte en Sicile, sous prétexte que vous vous attaquez à une grande puissance. Les cités y sont très peuplées, mais de masses hétérogènes et changements ou nouvelles admissions de citoyens s’y opèrent facilement. Par suite, nul n’ayant le sentiment qu’il s’agit de sa vraie patrie, ne s’y est procuré ni des armes pour se défendre personnellement, ni une installation régulière pour sa vie dans le pays.

À ces considérations des historiens antiques fait écho la conception moderne non seulement d’une dichotomie centre-périphérie mais aussi d’une hiérarchie entre diverses périphéries, certaines plus proches donc moins ‘contaminées’, d’autres plus lointaines donc plus exposées aux osmoses avec l’élément nongrec.1 Déjà à la fin du XIXe siècle, les pères fondateurs des études dites ‘coloniales’ se sont penchés sur le problème des relations entre les Grecs et les populations locales en remarquant que les colonies sont des lieux de mixité.2 Au milieu du XXe siècle encore, T.J. Dunbabin affirme que la pureté de la culture grecque dans les cités coloniales n’existe pas. D’une part, les Grecs, dans ces endroits, se sont beaucoup (trop?) mélangés avec les populations de la Sicile et d’Italie, en empruntant leur mode de vie. D’autre part, les circonstances matérielles plus favorables ‒ on y reconnaît la théorie de la richesse corruptrice entraînant la mollesse ‒ ont mené à une rupture avec les bonnes vieilles mœurs de la mère patrie.3 La théorie du mélange qui n’apporte rien aux Grecs sinon une perte d’identité ne semble pas avoir quelque rapport avec la perspective clairement colonialiste qui caractérise cette même période. Car, si influence il doit y avoir, la seule concevable est celle que les porteurs de la civilisation peuvent exercer sur les cultures périphériques.4 Plus tard, dans le contexte du phénomène politique et idéologique de la décolonisation,5 on constate que ces dernières peuvent opposer de la résistance à la culture gréco-romaine ou bien se laisser ‘assimiler’.6

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Braccesi 2003, 3–19. Pour d’autres questionnements, voir Frisone et Lombardo 2008. Grote 1846; Pais 1894. Cf. Ampolo 2012. Dunbabin 1948. Voir l’excellente mise en perspective de De Angelis 1998. Demargne 1965. Voir Descœudres 1990. Pippidi 1976.

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De cet intérêt pour les marges est née la nouvelle curiosité pour la colonisation grecque, sans préjudice de la terminologie récemment remise en question.7 Néanmoins, l’attention des savants porte aujourd’hui davantage sur les contacts avec les populations locales8 et moins sur la ‘grécité périphérique’, laquelle sera au centre de notre intérêt. Plusieurs directions se dessinent dans les recherches actuelles, sans qu’une ligne de démarcation nette puisse être tracée entre ces différents types d’approche. L’interprétation des sources écrites a connu un changement important, en raison de la prise de conscience du fait que celles-ci expriment exclusivement le point de vue des Grecs.9 Quant aux artéfacts, ils ne sont pas toujours des indicateurs fiables d’une appartenance ethnique, constat qui a conduit, entre autres, à une profonde remise en question de l’ethnicité.10 On ne parle plus d’hellénisation, bien qu’on continue d’évoquer les influences grecques sur les cultures des populations locales. Les contacts, pense-t-on maintenant, mènent ainsi à l’acculturation, ou, au contraire, à la persistance des identités.11 Le paysage de la recherche sur l’essaimage des Grecs en Méditerranée, dont on a mis notamment en évidence le dynamisme,12 a été profondément marqué, ces dernières années, par un intérêt soutenu pour des phénomènes d’hybridation et d’interpénétration culturelle. C’est précisément dans le cadre des études postcoloniales, que les concepts d’hybridity, de créolisation et de métissage ont été employés afin de désigner une négociation culturelle et une médiation.13 Encore plus précieuse, inspirée des recherches menées pour d’autres périodes et espaces, l’approche de type Middle Ground permet de contourner certains termes trop connotés et notamment de concevoir la catégorie ‘Grec contre indigène’ en termes de réseaux d’échanges.14 Tout en rendant hommage au travail savant qui a permis de très importantes avancées dans la connaissance des ‘mondes coloniaux’, nous proposons, à travers cette rencontre, une approche différente des échanges qui caractérisaient ces sociétés. Les transferts et les contacts restent au cœur de notre recherche, car il ne s’agit pas de s’opposer aux nouvelles connaissances produites par la network theory et la Middle Ground theory, mais de les intégrer.

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Voir Osborne 1998; Étienne 2010. Pugliese Carratelli 1996; Tréziny 2010; Berlinzani 2012. 9 Voir Tsetskhladze 1998. 10 Voir Hall 1997; 2005; Lomas 2004; Luce 2007; Malkin et Müller 2012. 11 Voir Bats 2013, en miroir avec le volume d’hommage édité par Roure 2015. 12 Antonetti et Lévêque 1997. 13 Hybridity: van Dommelen 1998; Antonaccio 2005. Métissage: Amselle 1990; 1999. Pour l’aspect linguistique, voir l’étude toujours pertinente de Casevitz 2001. 14 Malkin 1998a; 1998b; 2002. La synthèse commode dans Malkin 2011, 45–48. 8

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LE MOMENT ‘DIASPORAS GRECQUES’ Nous ne saurions faire l’impasse, afin de légitimer notre démarche, sur la question incontournable, familière à un certain nombre de participants au présent colloque, du sujet d’histoire grecque des concours d’enseignement en France des années 2012–2014. Les nécessités pédagogiques ont mené à l’élaboration de plusieurs manuels et ouvrages destinés en premier lieu aux étudiants préparant le concours, mais aussi aux enseignants censés en assurer la préparation. Situation assez inédite, le thème ‒ l’intitulé était Les diasporas grecques du VIIIe au IIIe s. av. J.-C. ‒ a posé un certain nombre de problèmes de définition et délimitation. Les raisons en étaient aussi bien l’étendue du temps et de l’espace à balayer ‒ des colonnes d’Héraclès jusqu’à l’Inde, en passant par la mer Noire ‒ que les différents types de mobilités et d’installations des Grecs qu’il fallait approfondir, sans préjudice de certaines définitions, à commencer par celle de ‘diaspora’.15 Néanmoins, une fois les difficultés méthodologiques dépassées, on peut affirmer que le sujet a eu pour effet durable d’accroître l’intérêt pour les phénomènes de dispersion des Grecs en Méditerranée, que ce soit à titre individuel ou dans le cadre des entreprises collectives. Cet effort de systématisation a d’autre part donné l’occasion d’entrevoir les failles et parfois les vides historiographiques, ainsi que de mettre à l’épreuve la vulgate et les poncifs. Après nous être essayées toutes les deux à cet exercice, notre démarche est née de la nécessité de procéder à une nouvelle histoire des cités coloniales, libérée des idées reçues que la question de concours a mises en évidence. Nous avons ainsi pris pleinement conscience des difficultés auxquelles devait se confronter, face à la fois au monde vaste des fondations coloniales et aux diverses formes de mobilités de l’époque archaïque à l’époque hellénistique, le chercheur spécialiste d’une région ou d’un thème particuliers.16 Le sujet serait-il, après l’abondante production engendrée par le concours en France, en quelque sorte saturé? Serait-il, d’autre part, un effet de mode, donc opportuniste? Qu’il nous soit permis d’affirmer qu’il s’agit au contraire d’une démarche toujours fertile: non seulement ces travaux ont leurs limites, imposées paradoxalement par l’exigence d’exhaustivité, mais il faut en outre prendre en considération les nouvelles données. Non seulement la réflexion théorique se poursuit,17 mais les perspectives historiographiques ne cessent de se renouveler. 15

Voir Dufoix 2012. Le défi a été partiellement relevé par l’ouvrage, issu du colloque de la SOPHAU (MartinezSève 2012), qui propose une approche régionale, à compléter par un autre volume issu du même contexte (Capdetrey et Zurbach 2012). 17 Donnellan, Nizzo et Burgers 2016a; 2016b. 16

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APPORTS ET PERSPECTIVES DU COLLOQUE Nous nous sommes ainsi lancé le défi de revenir sur les ‘diasporas’ dans une perspective de déconstruction du terme: nous ne nous attacherons pas au mouvement et aux raisons du départ, à l’installation, aux conflits et aux collaborations, mais aux résultats de tous ces phénomènes. Nous nous intéressons précisément au monde colonial comme lieu de création. Nous pensons que les contacts avec les populations locales sont à l’origine d’un grand nombre de productions originales, comme certaines contributions à ce volume le montrent. Cependant, d’autres éléments ont favorisé les inventions grecques coloniales, qui n’ont pas nécessairement un modèle dans la métropole. Dans certains cas, il s’agit de la réélaboration des modèles desquels les Grecs se détachent par un processus naturel d’éloignement. Dans d’autres cas, il s’agit des contacts avec les autres Grecs qui sont présents dans la même région et qui deviennent plus familiers que les Grecs de la métropole, avec lesquels ils ont certainement plus de relations.18 Si l’on se rapporte à ce deuxième aspect, dans nos travaux personnels, nous avons remarqué que, dans le cas de l’alphabet de Syracuse et de ses colonies à l’époque archaïque, les relations de cette colonie corinthienne avec la voisine Mégara Hyblaea avaient gagné plus d’importance que les nomima métropolitains. En effet, Syracuse a commencé très vite à utiliser un alphabet qui est une création nouvelle, un mélange d’éléments syracusains et mégariens, donnant ainsi naissance à un phénomène original qui existe ici et nulle part ailleurs, grâce à la rencontre des deux cultures, dans ce Middle Ground particulier. Ou bien, en ce qui concerne la langue parlée dans les milieux coloniaux ou les pratiques lettrées spécifiques à ces espaces, les relations des Grecs entre eux en milieu colonial peuvent donner lieu à des créations encore inconnues.19 Ce volume se propose de mettre en évidence les productions des Grecs des apoikiai dans un contexte nouveau, introduites par des acteurs variés et grâce à des types de contacts inédits. En premier lieu, on suit la piste des transformations civiques, politiques et institutionnelles (‘I. Héritages, interactions et innovations’). Le deuxième volet concerne les faits culturels et la ‘culture coloniale’: religions et fêtes, rites et cultes funéraires, alphabet et langue, formes d’écritures, créations littéraires et artistique (‘II. Circulation des modèles et “culture coloniale”’). Enfin, en étroit rapport avec cette dernière thématique, nous nous intéressons aux différents types de productions 18

Costanzi 2009. Vottéro 2009. Voir également le projet en cours d’A. Belousov: ‘Pontic Ancient Greek as the Mirror of Social Mobility and Interactions in the West and North Black Sea Region’. Sur les pratiques d’écriture voir Dana 2016. 19

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matérielles: céramiques, métaux, sculpture, ou toute autre forme de production illustrant les transformations d’un patrimoine sans cesse renouvelable qui est celui des zones d’interaction et d’échange (‘III. Productions matérielles et identités culturelles’). Nous proposons par conséquent non pas d’aborder les modes d’interactions entre les Grecs et les populations locales, mais de nous concentrer sur les productions originales des Grecs en milieu colonial. Autrement dit, ce que les Grecs ont réussi à produire de nouveau, soit en transformant leur héritage culturel, soit en exploitant les ressources qu’ils ont trouvées sur place, soit en subissant l’influence des autres Grecs, dans ces véritables ‘laboratoires’ que sont les espaces coloniaux grecs. Ce sont davantage les contacts entre Grecs qui nous intéressent, qu’il s’agisse des Grecs vivant eux aussi dans les apoikiai (à savoir les voisins), des habitants de la métropole plusieurs années après la fondation de la nouvelle cité, ou bien des Grecs issus des autres cités du bassin méditerranéen. On étudie moins les lieux et les modes de contact, cependant intrinsèques à toute démarche sur les migrations, que les situations,20 les pratiques, enfin l’occasion (kairos) qui se crée dans certains endroits, en certains moments. En privilégiant les différentes échelles de ces échanges, on s’interroge sur la place des connexions locales dans la constitution d’une culture commune régionale et sur les traits originaux de cette culture.

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Modes de contacts 1983.

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Berlinzani, F. (éd.) 2012: Convivenze etniche, scontri e contatti di culture in Sicilia e Magna Grecia (Aristonothos. Scritti per il Mediterraneo antico 7) (Trente). Braccesi, L. 2003: I Greci delle periferie. Dal Danubio all’Atlantico (Bari). Capdetrey, L. et Zurbach, J. (éds.) 2012: Mobilités grecques: Mouvements, réseaux, contacts en Méditerranée de l’époque archaïque à l’époque hellénistique (Scripta Antiqua 46) (Bordeaux). Casevitz, M. 2001: ‘Le vocabulaire du mélange démographique: Mixobarbares et Mixhellènes’. Dans Fromentin, V. et Gotteland, S. (éds.), Origines Gentium (Études Ausonius 7) (Bordeaux), 41–47. Costanzi, M. 2009: ‘Les colonies de deuxième degré en Italie du Sud et en Sicile: amies des “autres”, ennemies des Grecs?’. Revue des études anciennes 111.2, 429–51. Dana, M. 2016: ‘Les lettres grecques sur plomb et sur tesson: pratiques épigraphiques et savoirs de l’écriture’. Dans Inglese, A. (éd.), Epigrammata 3: Saper scrivere nel Mediterraneo antico. Esiti di scrittura fra VI e IV sec. a.C., in ricordo di Mario Luni (Atti del convegno di Roma, 7–8.11.2014) (Themata 17) (Rome), 111–33, 322–27. De Angelis, F. 1998: ‘Ancient Past, Imperial Present: the British Empire in T.J. Dunbabin’s The Western Greeks’. Antiquity 72.277, 539–49. Demargne, P. (éd.) 1965: Rayonnement des civilisations grecque et romaine sur les cultures périphériques (Huitième congrès international d’archéologie classique, Paris, 1963) (Paris). Descœudres, J.-P. (éd.) 1990: Greek Colonists and Native Populations (Proceedings of the First Australian Congress of Classical Archaeology Held in Honour of Emeritus Professor A.D. Trendall, Sydney, 9–14 July 1985) (Canberra/Oxford). Donnellan, L., Nizzo, V. et Burgers, G.-J. (éds.) 2016a: Contexts of Early Colonization (Acts of the Conference Contextualizing Early Colonization. Archaeology, Sources, Chronology and Interpretative Models between Italy and the Mediterranean 1) (Papers of the Royal Netherlands Institute in Rome 64) (Rome). —. 2016b: Conceptualising Early Colonisation (Contextualising Early Colonisation 2; Institut Historique Belge de Rome/Belgisch Historisch Instituut te Rome, Artes 6) (Bruxelles/Rome). Dufoix, S. 2012: ‘Des usages antiques de diaspora aux enjeux conceptuels contemporains’. Dans Martinez-Sève 2012, 17–33. Dunbabin, T.J. 1948: The Western Greeks: The History of Sicily and South Italy from the Foundation of the Greek Colonies to 480 B.C. (Oxford). Étienne, R. 2010: ‘Historiographie, théories et concepts’. Dans Étienne, R. (éd.), La Méditerranée au VIIe s. avant J.-C. Essais d’analyses archéologiques (Travaux de la Maison René-Ginouvès 7) (Paris), 3–26. Frisone, F. et Lombardo, M. 2008: ‘Periferie? Sicilia, Magna Grecia, Asia Minore’. Dans Giangiulio, M. (éd.), Storia d’Europa et del Mediterraneo (dir. A. Barbero): Il Mondo Antico 2: La Grecia. 3: Grecia e Mediterraneo dall’VIII sec. a.C. all’età delle guerre persiane (Rome), 177–225. Grote, G. 1846–56: History of Greece (Londres). Hall, J.M. 1997: Ethnic Identity in Greek Antiquity (Cambridge). —. 2005: Hellenicity: Between Ethnicity and Culture (Chicago; 1ère éd. 2002). Lomas, K. (éd.) 2004: Greek Identity in the Western Mediterranean. Papers in Honour of Brian Shefton (Leyde/Boston).

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Luce, J.-M. (éd.) 2007: Identités ethniques dans le monde grec antique (= Pallas 73) (Toulouse). Malkin, I. 1998a: The Returns of Odysseus: Colonization and Ethnicity (Berkeley/ London). —. 1998b: ‘The Middle Ground: Philoktetes in Italy’. Kernos 11, 131–41. —. 2002: ‘A colonial Middle Ground: Greek, Etruscan, and local elites in the Bay of Naples’. Dans Lyons, C.L. et Papadopoulos, J.K. (éds.), The Archaeology of Colonialism (Los Angeles), 151–81. —. 2011: A Small Greek World: Networks in the Ancient Mediterranean (Oxford). Malkin, I. et Müller, C. 2012: ‘Vingt ans d’ethnicité: bilan historiographique et application des concepts aux études anciennes’. Dans Capdetrey et Zurbach 2012, 25–37. Martinez-Sève, L. (éd.) 2002: Les diasporas grecques du VIIIe à la fin du IIIe siècle av. J.-C. (Actes du colloque de la SOPHAU, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, 11 et 12 mai 2012) (= Pallas 89) (Toulouse). Modes de contacts 1983: Modes de contacts et processus de transformations dans les sociétés anciennes (Actes du colloque de Cortone, 24–30 mai 1981) (Collection de l’École française de Rome 67) (Pise/Rome). Osborne, R. 1998: ‘Early Greek Colonisation? The Nature of Greek Settlements in the West’. Dans Fisher, N. et van Wees, H. (éds.), Archaic Greece: New Approaches and New Evidence (Londres), 251–69. Pais, E. 1894: Storia della Sicilia e della Magna Grecia I (Turin). Pippidi, D.M. (éd.) 1976: Assimilation et résistance à la culture gréco-romaine dans le monde ancien (Travaux du VIe Congrès international d’études classiques, Madrid, septembre 1974) (Bucarest/Paris). Pugliese Carratelli, G. (éd.) 1996: Grecs en Occident (Venise). Roure, R. (éd.) 2015: Contacts et acculturations en Méditerranée occidentale. Hommage à Michel Bats (Actes du colloque de Hyères, 15–18 septembre 2011) (Études Massaliètes 12; Bibliothèque d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine 15) (Paris). Tréziny, H. (éd.) 2010: Grecs et indigènes de la Catalogne à la mer Noire (Actes des rencontres du programme européen Ramses 2, 2006–2008) (Bibliothèque d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine 3) (Paris/Aix-en-Provence). Tsetskhladze, G.R. (éd.) 1998: The Greek Colonisation of the Black Sea Area: Historical Interpretation of Archaeology (Historia Einzelschriften 121) (Stuttgart). van Dommelen, P. 1998: On Colonial Ground: A Comparative Study of Colonialism and Rural Settlement in First Millennium B.C. Western Central Sardinia (Archaeological Studies Leiden University 2) (Leyde). Vottéro, G. (éd.) 2009: Le grec du monde colonial antique I: Le N. et le N.-O. de la mer Noire (Actes de la table ronde de Nancy, 28–29 septembre 2007) (Études anciennes 42) (Nancy).

PART I

HÉRITAGES, INTERACTIONS ET INNOVATIONS

UN EMPORION ET LES AUTRES Pierre ROUILLARD

Abstract Emporion is one of the words used to define a place where exchanges take place (products, objects, techniques, ideas). The Greeks prefer other words to allude to what we call ‘colonisation’, this word having a Latin root. This paper aims to reflect on the use given by the ancients Greeks of the words emporion, apoikia and ktisma to designate certain sites and on the sense that contemporary historians and archaeologists give to the same concepts. The examples taken in the Greek world, particularly in the western Mediterranean, show the complexity and the variety of situations. This complexity reflects the diversity of the partners, and of the geographical, economic and social contexts, meaning that the terms opposing the different types of establishment are not completely appropriated.

Rendre compte des mouvements en Méditerranée antique, des lieux où vivent et se rencontrent les populations qui la composent implique de s’armer d’un vocabulaire adéquat, de concepts clairs et efficients, toute chose qui nous oblige à voyager dans un répertoire de mots de plus en plus nombreux. Face à la complexité du monde méditerranéen, face aux lieux où se côtoient des hommes d’origines variées, où se pratiquent les échanges de toutes sortes (de produits, de formes, de techniques), l’historien peut utiliser les mots apoikia, ktisma, emporion.1 Pour rendre compte de ces formes et de ces lieux de contact l’ethnologue a proposé le ‘port of trade’;2 certains jugent opératoires les mots ‘diaspora’3 ou ‘réseau’,4 quand d’autres cherchent dans une Méditerranée fragmentée les ressorts et les lieux des interactions entre les hommes. Le mot ‘connectivity’5 devrait alors rendre compte de tels mouvements, avec à la clef un processus d’acculturation qui s’élabore dans un espace, le Middle Ground.6 1

Casevitz 1985; 1993. De l’immense bibliographie sur le concept polanyien, je ne donne que quelques titres repères: Polanyi 1963; Figueira 1984; Bresson 1993, 163–64; Graslin et Maucourant 2005. 3 Le mot a été au centre d’un débat, après avoir été le titre d’un exercice universitaire qui a suscité la publication de plusieurs ouvrages: Bouffier 2012; Capdetrey et Zurbach 2012; Martinez-Sève 2012. 4 Morel 1997; 2011. 5 Horden et Purcell 2005; Harris 2005; pour une analyse critique, voir Étienne 2010; 2016. 6 Bats 2012, 154. 2

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Tous ces mots7 n’ont pas vocation à rendre compte des mêmes phénomènes de mobilités et d’organisation des échanges dans les mondes grec et phénicien, et l’ambition de mon propos est plus modeste et consistera à ‘tester’, ‘analyser’ les mots les plus couramment en usage, emporion et apoikia, mots nourris des realia du terrain. Face aux mots, face aux usages de ces mots, que nous dit l’archéologue? Pour réaliser cet exercice je partirai de deux établissements (mot volontairement neutre): Ampurias, un emporion par définition, présenté comme tel dès les années 500,8 et Marseille qui participe du même monde phocéen, qui n’est pas dit emporion, mais apoikia (Strab. 4. 1. 4 et Paus. 10. 8. 6). Ces deux établissements sont réunis par leur origine phocéenne commune et par une tradition historiographique qui les présente – ceci vaut pour Marseille et pour Ampurias – comme les paradigmes de la cité sans territoire9 et il est vrai que nos sources présentent bien Marseille comme une cité maritime (Strab. 4. 1. 5 et Just. Epit. 43. 3–4). Ces deux établissements peuvent être à l’origine d’une réflexion sur ce qui distingue et/ou rapproche emporion et apoikia sur le terrain, celui qu’observe et que saisit de manière plus ou moins fine l’archéologue. Il s’agit alors de confronter les deux établissements, que par commodité on appellera souvent ‘colonies’, autour de plusieurs questions, notamment les relations que ces établissements entretiennent avec leur environnement, humain, culturel, et les types d’échanges entretenus avec cet environnement, un temps appelé chôra, et que maintenant on désigne le plus souvent du mot neutre de hinterland, un terme géographique utilisé en lieu et place de chôra, un terme juridique grec. 1. COMMENT DÉFINIR L’EMPORION? Depuis la parution de l’ouvrage L’Emporion,10 les questionnements sur le mot et ses usages se sont poursuivis.11 Parmi les débats sur le mot même, on relève aussi des hésitations dans son usage. Ainsi, M.H. Hansen qui n’a accepté 7

Gras 2016. Autour de cette date se situent les deux plombs commerciaux d’Ampurias, vers 530/520 av. J.-C., et de Pech Maho, début Ve av. J.-C. Voir infra, n. 21. 9 Lepore 1968; Vallet 1968; Morel 2001; Demetriou 2011, 257. 10 Bresson et Rouillard 1993. 11 Ce point est développé dans Rouillard à paraître. Voir notamment Will 1993; Salles 1994; Lombardo 2002; Bresson 2000 et 2002; le fruit de l’enquête du Copenhagen Polis Centre (Hansen 1997; 2006); Demetriou 2012; la publication de fouilles de sites qualifiés par les sources ou reconnus par les archéologues comme des emporia; et la découverte d’une inscription dans le monde thrace (Bravo et A. Chankowski 1999; V. Chankowski et Domaradzka 1999; Chankowski et Chankowski 2012; V. Chankowski 2010). 8

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l’existence d’emporia à l’époque archaïque que dans un second temps.12 De son côté, D. Demetriou est convaincue qu’un emporion est une cité,13 et propose d’organiser la réflexion autour de ‘urban centers with a hinterland and those without one’.14 On peut tenter de réunir, en prenant en compte tout à la fois et dans la diachronie (une méthode que nous savons bien critiquable) sources littéraires antiques et données archéologiques, un ensemble de traits qui caractérisent l’emporion. Topographiquement, il s’agit d’un site côtier, souvent au débouché d’une rivière, mais on compte des sites à l’intérieur des terres (Strab. 4. 3. 2 cite Lugdunum et l’archéologie nous a fait connaître Vetren15), un site qui peut être circonscrit dans l’espace, un site au débouché d’une région et adapté à des échanges à distance. Lieu de l’emporia, l’emporion peut être aussi un lieu de productions, mais qui, alors, sont liées à la situation maritime et portuaire, ainsi le garum de Baelo (Strab. 3. 1. 8) ou les mines de Carthago Nova (Strab. 3. 4. 6), tous deux objet d’un trafic lointain. Un emporion peut (souvent) réunir des populations d’origine diverse, des indigènes et des marchands et résidents étrangers, mais à l’embouchure du Don ou à la Picola (Santa Pola, Alicante) la présence d’étrangers est peu probable, au moins de manière stable. L’emporion se définit alors en termes de fonction; il se pose en conséquence la question de la dépendance d’un État, d’une cité, d’un peuple. Deux ensembles de données sont ensuite essentielles à reconnaître, d’une part la protection assurée dans l’emporion et la surveillance des transactions et d’autre part l’existence ou non de taxes et leur éventuel niveau. Dans notre littérature, à côté des sites identifiés par les sources littéraires et/ou épigraphiques, il y a cette multitude de sites reconnus comme des emporia au regard de cet ensemble de traits que nous avons présentés à défaut d’une définition sur laquelle les exégètes, historiens ou archéologues, ont quelques difficultés à s’entendre, ce que regrettait Ed. Will.16 Notre très modeste essai pour formuler une ‘définition’ montre la somme de paramètres qui interviennent et des incertitudes sur le sens et le fonctionnement qui subsistent, qui eux-mêmes sont divers de région à région, de site en site et d’une époque à l’autre. Toutefois des relectures et surtout l’inscription de Vetren viennent nous aider à mieux saisir le fonctionnement d’un emporion.17 12

Hansen 1997; 2006. Demetriou 2012, 16–23. 14 Demetriou 2011, 262. 15 Chankowski 2012. 16 Will 1993. 17 Au-delà des cas gaulois et hispanique, sur la variété des situations et les débats que cela suscite, voir Müller 2010, 201–15. 13

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De fait, on ne saurait saisir l’emporion sous une seule acception dans le temps et dans l’espace, et il convient en premier lieu de suivre la distinction de deux grands types d’emporion telle qu’elle a été formulée par A. Bresson,18 suivi par Hansen19 et Demetriou:20 d’un côté, une cité qui ‘a’ un emporion (tel est le cas d’Athènes avec le Pirée), qui est un lieu spécifique, reconnu par une institution et des règles; de l’autre, l’emporion comme établissement réunissant des marchands Grecs, ou de différentes origines (Grecs, Phéniciens), ou comme communauté associant Grecs et indigènes (ainsi Ampurias) qui partagent les mêmes droits (ce sont des emporitai, tant à Ampurias qu’à Pistiros). La situation d’autonomie et les relations de dépendance envers une autorité locale interviennent alors mais de façon non linéaire. 2. LE CAS DE EMPORION/AMPURIAS Emporion-Ampurias se situe dans une région, la péninsule Ibérique, qui a accueilli dans une grande proximité marchands grecs (essentiellement des Phocéens) et marchands phéniciens dont les modalités d’installation sont très voisines, avec notamment une contiguité avec les indigènes ‘immédiatement présents’ (ce qui vaut tant pour Cadix que pour la Palaiapolis ampuritaine), des effectifs peu importants (sauf, peut-être, pour Cadix). Les installations s’étalent dans le temps, courant VIIIe–VIIe siècles (sans entrer ici dans les débats sur les datations) pour les Phéniciens sur le littoral andalou (Huelva, Cadix, Malaga) et Rábita/Fonteta (fin du VIIIe siècle av. J.-C.) sur le littoral alicantin; les Grecs s’établissent à la Palaiapolis plus tard, au début du VIe siècle av. J.-C. Les Ibères se retrouvaient avec les Phéniciens et les Grecs dans des ‘lieux d’échange’, la définition minimale que l’on puisse proposer du mot emporion, et la péninsule Ibérique ne compte pas d’apoikia.21 Le partenariat entretenu par les Ibères avec les Grecs est explicité par les plombs commerciaux de Pech Maho et d’Ampurias;22 dans ces deux cas les Ibères interviennent dans les échanges, en tant qu’‘acteurs’. Quand les Grecs s’expriment sur ces plombs, ils parlent d’emporitai, comme on le voit aussi à Vetren.

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Bresson 1993, 223. Hansen 2006, 3–14. 20 Demetriou 2012, 18–19. 21 Rouillard, Plana et Moret 2015. 22 Lejeune, Pouilloux et Solier 1988; Decourt 2000; J. de Hoz 1995; M. de Hoz 2014, 117– 26; Pena 2014. 19

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Ampurias offre un exemple des difficultés d’étude des modalités d’installation des Grecs:23 la plupart des auteurs antiques (Ps. Scymn. 203–204; Ps. Scyl. 2; Strab. 3. 4. 8) présentent Ampurias comme une fondation des Phocéens de Marseille, quand Tite-Live (34. 9) parle d’une fondation de Phocée. Une filiation directe Phocée-Ampurias est possible quand on relève que l’Ibérie (comme Tartessos, la Tyrrhénie et le golfe de Spina) est présentée par Hérodote (1. 163) comme une région touchée par des makrai nautilai, ces navigations lointaines effectuées par les Phocéens sur leurs pentécontères; sont alors privilégiées les relations avec les barbares, individuelles comme ce fut le cas avec Arganthonios au pays de Tartessos. Relevons alors que ces quatre régions mentionnées par Hérodote sont des régions où nous retrouv(er)ons des emporia. Le lien entre ou le passage des makrai nautilai à l’emporion est ici explicite; il y a là une continuité. Marseille (où certes – dans le mythe de fondation – on retrouve une relation personnelle entre un roi barbare et un œciste) est à part. Il conviendra de voir si cette situation originelle aura un écho dans le temps. La palaiapolis est le lieu exemplaire des relations directes entre des navigateurs grecs (un exemple des makrai nautilai, Hdt. 1. 163) et une communauté ‘barbare’ établie sur un îlot (celui de San Martin de Empuries) vers 590, avec une grande mixité de population car on compte des témoignages phéniciens (dès la seconde moitié du VIIe siècle et jusqu’au deuxième quart du VIe) et étrusques, dans le même temps que les premières importations grecques au début du VIe siècle. Les débats ne manquent pas sur les premiers temps de l’emporion (Phase III de l’îlot), temps de l’installation d’une communauté de Grecs tolérés au milieu d’indigènes établis (Phases I et II). Les maisons de la phase III (début du VIe siècle) sont des structures orthogonales simples qui s’adaptent à un aménagement urbain plus ou moins régulier, avec des rues rectilignes larges de 3 m (soit dix pieds de 29.3 cm). Les débats se posent en ces termes: il s’agit soit d’une innovation introduite par l’installation phocéenne, soit du résultat de l’évolution de la tradition architecturale indigène.24 À compter de la fin de la première moitié du VIe siècle, se développe sur le Turò d’Empuries ce que les auteurs modernes appellent la ‘neapolis’. L’espace est plus grand mais sans dépasser les 3–4 ha et les indigènes sont à proximité.25 Plusieurs éléments permettent de cerner les liens avec Marseille. La vaisselle céramique de Marseille26 est présente à Ampurias (même si sa place semble souvent surévaluée), et le vin de Marseille y est apprécié, mais de moins en 23 Et ce au-delà de la question toujours débattue de l’existence d’un ‘réseau phocéen’ (Lepore 1970; Morel 1997). 24 Aquilué 1999; Moret 2002; Aquilué et al. 2010, 73. 25 Aquilué et al. 2010, 74–75. 26 Aquilué et al. 2001.

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moins au cours des Ve et IVe siècles.27 La numismatique nous éclaire, les monnaies d’Ampurias imitant d’abord (525/450 av. J.-C.) les monnaies de Marseille, elles-mêmes imitant les monnaies phocéennes. Ampurias choisit le ‘carnero’, le mouton et la croix incuse au revers. Puis, les monnaies d’Ampurias ont un poids plus élevé, mais sans légende; toutefois l’usage de ce monnayage est peu étendu dans l’espace. À partir du IVe siècle, Ampurias imite les monnaies d’Athènes (avec Athéna et Chouette) avec légende ‘EM’ et finalement à partir de la fin du IVe siècle, la drachme ampuritaine suit les modèles puniques, siciliens ou carthaginois. Ainsi relève-t-on des signes d’autonomie de plus en plus sensibles au regard de Marseille.28 Ampurias marque sa volonté de disposer d’institutions politiquement autonomes. Ainsi Strabon (3. 4. 8) mentionne la constitution d’une entité politique commune, avec ‘un mélange de lois empruntées aux barbares et aux Grecs’, sans mention de Marseille ni de formule du genre ‘Ampurias emporion de Marseille’. D’autres arguments vont dans le même sens: la frappe de monnaies ‘EM’, à partir du IVe siècle, ou les briques munies du timbre public ‘DÊM’.29 L’emporion d’Ampurias assure en propre, et ce dès la fin du VIe siècle, un rôle de relais commercial, ne serait-ce qu’à la lecture des plombs commerciaux d’Ampurias et de Pech Maho. Le bilan des liens de ‘dépendance’ avec Marseille doit donc être nuancé. La communauté de cultes, avec l’Artémis d’Éphèse, est bien réelle et tient d’abord à l’appartenance au même monde phocéen.30 Les premiers monnayages ampuritains constituent un argument du lien Ampurias-Marseille, mais cela ne s’établit pas dans la durée. Ce lien est affirmé par le Ps. Scymnos (201–210), ce qui est parfois considéré comme suffisant pour affirmer une dépendance de l’emporion catalan.31 De fait ce dossier de la dépendance est peu consistant si ce n’est un épisode situé en 217, quand Massalia aide l’armée romaine à s’établir à Ampurias avant la bataille de l’Ebre.32 L’histoire du territoire d’Ampurias témoigne de la variété des modalités de présence, d’intervention ou d’exploitation de l’hinterland, sachant qu’il y a un tuilage avec des structures romaines. Prenons acte que Strabon mentionne l’existence d’une chôra (3. 4. 9). Des mesures helléniques sont bien attestées autour d’Ampurias,33 mais d’‘autres’ mesures sont aussi présentes. De plus – 27 28 29 30 31 32 33

Aquilué et al. 2004. García-Bellido 2013, 120–27. J. de Hoz 1995, 174. Pena 2000; Hermary 2005. Ainsi ceci suffit à Hansen 2006, 24 (n. 109) et 27–28. Bats 2008, 493. Plana 1994; 1999; 2001; 2012, 158–61; Guy 1999.

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comme le rapporte M. Guy – ‘une visite sur le terrain montrait un parcellaire de gros murs d’épierrement très anciens avec un ré-bornage sur le chemin en mesures romaines, on devait admettre que ces mesures inconnues n’étaient pas récentes mais en gros contemporaines des mesures (hellénistiques-romaines), ou peut-être antérieures?’. Ainsi, poursuit-il, ‘si ces divisions sont anciennes leur origine doit être recherchée dans un parcellaire contemporain ou antérieur à l’installation des Grecs, “ibériques” dirait-on’.34 Il eut bien un cadastre, ou plusieurs, autour d’Ampurias, notamment à l’ouest et au sud de l’établissement grec. Toutefois des questions se posent encore: sur la date d’une première division du terrain; sur l’acteur aussi: est-il un Grec ou un Autochtone ‘initié’, ce que suggère Guy? La mise en œuvre de la terre de l’hinterland ne saurait se réduire à une exploitation en kleros, car à bonne distance (20 km) les champs de silos de Pontos, au nord-ouest d’Ampurias, prouvent exploitation, stockage, exportation.35 Pontos, hors zone cadastrée, naît comme petit centre fortifié, est détruit (par Ampurias?) au début du Ve siècle et devient ensuite un grand centre de production et de stockage de blé; cette réorientation de stratégie économique est attribuée à Ampurias à compter des Ve–IVe siècles. Pontos compte alors des pièces rarement présentes dans les sites indigènes, comme un autel en marbre du Pentélique ou de riches demeures. Au-delà de ces données rapidement réunies ici, les relations de l’emporion avec son environnement indigène sont éclairées par quelques textes. Les plombs commerciaux nous présentent des indigènes ‘acteurs’ des échanges et trois textes témoignent d’une situation entre intérêt réciproque et défiance:36 – Tite-Live (34. 9), au temps de Caton et du débarquement romain à Ampurias, souligne à la fois la défiance et mutui usus desiderium. – Strabon (3. 4. 8–9) mentionne une chôra, évoque une terre marécageuse, sans doute difficile à cultiver, et rapporte que les Grecs et les indigènes qualifiés de prosoikoi vivaient d’abord séparément mais avaient pour des raisons de sécurité une enceinte commune avant de constituer une seule entité politique. – le dernier texte (App. Hisp. 7: ‘des Grecs, habitant aussi bien au voisinage de la localité appelée Emporion’) reste de lecture difficile; s’il s’était agi de Rhodè, Appien l’aurait sans doute précisé, mais il est téméraire de penser à une dissémination autour d’Ampurias quand on ne connaît pas de ferme, ni de tombe grecque dans les environs (App. Hisp. 2. 6). 34 35 36

Guy 1999, 330. Plana 2012, 166–68; Pons et al. 2010; Burch et al. 2010. Rouillard 1991, 274–76.

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3. EN REGARD, MARSEILLE, UNE APOIKIA Marseille n’est jamais dite emporion, mais Aristote (chez Ath. 13. 576 A), dans sa présentation de la fondation de Marseille, souligne d’emblée que les Phocéens pratiquaient l’emporia.37 La Gaule n’apparaît pas dans la liste hérodotéenne (1. 163) des régions affectées par les makrai nautilai, mais Marseille est bien qualifiée d’apoikia (Strab. 4. 1. 4) dans l’épisode d’Aristarchè, le même mot (apoikioi) se retrouvant chez Plutarque (Vit. Sol. 10. 8. 6). Des données spécifiques de Marseille doivent être rappelées au regard du cas de Ampurias: l’existence d’un mythe de fondation et la construction d’un ‘trésor’ à Delphes. Ces deux traits sont déjà explicites, et comme le relevait Fr. Villard, ‘toutes les étapes d’une apoikia ont été parcourues par les Phocéens’: une expédition de reconnaissance, le recrutement d’une troupe de jeunes gens conduits par un ou deux œcistes selon la tradition, la consultation de l’oracle (celui d’Artémis d’Ephèse) avant le départ, le transfert rituel des cultes (par les soins de la prêtresse Aristarchè, qui accompagne les Phocéens), l’accord avec le souverain du pays, qui concède le site de la ville, le mariage avec la fille du roi, enfin une date de fondation’.38 Sur les relations Grecs-indigènes, les données sont nuancées. Le mariage avec une princesse locale (certes, un mythe largement partagé dans la mythologie grecque et plus largement indo-européenne) est bien un reflet de la recherche de rapports harmonieux avec les populations locales, mais Trogue Pompée (chez Justin 43. 3–4) rappelle que Nannos donne outre sa fille ‘un lieu pour fonder une ville’, un point que relèvent Bernard, Bouffier et Tréziny,39 qui voient là le signe d’une installation des Grecs ‘à distance’, toute chose qui n’est pas suggérée par l’usage du mot synoikein utilisé par Aristote (Ath. 13. 576 A), quand il évoque le mariage de l’œciste. Ainsi tout est bien question de nuance. À Ampurias les populations se mêlent vraiment, dans la Palaiapolis, puis on saisit tout à la fois ‘surveillance’ et ‘lois communes’, et des nécropoles juxtaposées et aussi mixtes.40 À Marseille le jeu est là aussi complexe: ainsi, à compter du IVe siècle, les relations avec le roi indigène Catamandus deviennent conflictuelles, précisément au moment où les Marseillais fondent Agde et Olbia. 37 De l’immense bibliographie sur Marseille grecque, je ne citerai que les travaux ayant un rapport précis avec mon questionnement et faisant état des travaux antérieurs et rappellerai ici seulement quelques travaux majeurs: Villard 1960; Bats 1990; 2001; 2012a; 2012b; Bats et Tréziny 1986; Bats et al. 1992; Rothé et Tréziny 2005; Bernard, Collin-Bouffier et Tréziny 2010; Tréziny 2012. 38 Suivant en cela Villard 1992, 168–69. 39 Bernard, Collin-Bouffier et Tréziny 2010, 131. 40 Gailledrat 1995.

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Apoikia, Marseille est une polis, avec ses institutions, son monnayage dès le commencement du dernier quart du VIe siècle (avec un poids euboïcochalcidien),41 que nous connaissons bien grâce au trésor d’Auriol,42 vers 525. Pour affirmer son identité, Marseille dispose de son modèle d’amphore à partir du milieu du VIe siècle.43 La question des territoires44 sous domination peut être abordée à partir de l’espace maritime, quand Strabon (4. 1. 9), relève, à une date tardive, que Marseille s’efforçait de ‘maintenir libre la mer, quitte à leur (les indigènes) laisser la maîtrise du pays’. De la fondation, vers 600 av. J.-C. au IVe siècle av. J.-C., la chôra est un espace limité au bassin géographique de Marseille et à compter du IVe siècle l’espace s’étend de manière discontinue45 vers le Nord et l’Est. L’espace immédiat46 compte des habitats de hauteur qui se multiplient courant VIe siècle, puis parfois déclinent aux Ve et IVe siècles, ainsi l’oppidum de Baou de Saint Mayans, dont la relation avec Marseille reste discutée; peut-on en effet imaginer des sites indépendants ou dépendants de Marseille? Il n’y a aucune trace d’une occupation grecque de l’espace proche de Marseille aux époques archaïque et classique et l’on ne sait si la petite nécropole de Saint-Mauront, au nord de Marseille (Ve–IVe siècles) témoigne de l’existence de fermes grecques ou ne serait pas une nécropole éloignée de la ville. À ce jour, aucun habitat de plaine grec n’est connu avant l’époque hellénistique, dans une zone, il faut le rappeler, fort urbanisée. Mais nous savons – quelques traces d’exploitation de parcelles47 et les ateliers d’amphores48 en témoignent – que la vigne a assuré une bonne part de la richesse de Marseille. Des traces d’installations agraires ont pu être étudiées datées de l’époque hellénistique mais une histoire plus ancienne est probable. À Saint-Jean-duDésert,49 au nord-est de la cité, ont été trouvés des alignements de fosses et de plantations de vignes, avec une orientation à peu près constante; on parle alors de ‘cadastres’, ou plutôt de parcellaire, mais on saisit mal encore dans quelle forme générale cela pouvait s’insérer.

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Brenot 2005. Furtwängler 1978. Bats 1990. Bats et Tréziny 1986; Bats 2001; Tréziny 2005. Bats 2001, 507. Bernard, Bouffier et Tréziny 2010. Bats 2001, 494; Tréziny 2005, 244. Bats 1990. Boissinot 2001; 2010.

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Avec le IVe siècle, l’action des Marseillais50 prend une forme que Strabon explicite: ‘Plus tard, leur courage et leur énergie les rendirent assez forts pour ajouter à leurs possessions quelques-unes des plaines qui les entourent. Ils déployèrent à cette conquête la même puissance militaire qu’à la fondation plus ancienne des villes qui leur servent de bastions (epiteichismata), les unes contre les Ibères, auxquels ils ont transmis leur culte national de l’Artémis d’Ephèse et enseigne à sacrifier selon les rites grecs, d’autres, savoir Rodanossia et Agathè, contre les barbares qui habitent le long du Rhône, d’autres enfin, Tauroentium, Olbia, Antipolis et Nice, contre les peuples des Salyens et contre les Ligyens des Alpes’ (4. 1. 5). Rhodè, au nord de la baie de Rosas, face à Ampurias, est dite fondation de Marseille (Ps. Scymn. 204), mais est ‘disputée’ chez Strabon: polichnion des Ampuritains (3. 4. 8) ou possession des massaliotes (14. 2. 10). De fait, les ‘colonies’ de Marseille, des epiteichismata, sont plutôt un phénomène attaché au littoral gaulois: avec Agde, Olbia, et comme limites extrêmes Nice et Antipolis, au nom sans doute de circonstance.51 4. COMPORTEMENTS ET FONCTIONNEMENTS L’analyse, même trop rapide, du fonctionnement d’un emporion et d’une apoikia dans son volet ‘économique’ montre un faible écart de comportement entre les deux établissements structurellement différents, et ceci nous éloigne de l’opposition avec laquelle nous avons vécu longtemps, ‘cité sans territoire’/ ‘cité avec territoire’, une opposition qui aura eu au moins le mérite de susciter nouvelles enquêtes et nouvelles approches. Les formes d’exploitation et de mise en œuvre de l’hinterland sont variées, avec notamment lotissement et/ou réseau d’établissements plus ou moins dépendants, le cadastre n’étant pas le fait de la seule apoikia. Un emporion, comme Ampurias peut en avoir un – mais peut-on imaginer vivre sans territoire? –, un epiteichisma, comme Olbia ou comme Agde, aussi, qui compterait un peu plus de 300 ha pour le premier et une centaine pour le second.52 Toutefois, dans l’arc nord-occidental de la Méditerranée, bien des questions restent en suspens. Ainsi la datation des cadastres dans cette région aux IIe–Ier siècles av. J.-C. est-elle la plus vraisemblable, voire certaine, mais elle suscite toujours des débats. À Marseille le parcellaire mis au jour dans le secteur de Saint-Jeandu-Désert est daté de l’époque hellénistique, mais une cadastration plus

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Bats 2001; 2004; 2008, 493–95. Gras 2000. Sur Olbia, voir Benoit 1985; Bats 2001, 497.

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ancienne a été reconnue en quelques points autour de la cité phocéenne.53 À Ampurias54 et Agde,55 une phase ‘ancienne’ est présentée aussi comme jugée possible. L’existence de parcellaires est observée pour des établissements à l’histoire différente, Marseille, Ampurias, Agde, Olbia: une apoikia, un emporion exploitant un hinterland et deux établissements dépendants de Marseille, chacun avec un territoire propre. À Marseille et Ampurias s’additionnent et se complètent une occupation immédiatement proche et une exploitation d’un réseau de petits villages: Ampurias dispose des deux et à Marseille le dispositif est plus complexe, avec une chôra, des epiteichismata et des oppida alentour, dont le lien de dépendance vis à vis de Marseille reste difficile à préciser. Les situations sont variées quand on aborde la question de la souveraineté. Le cas de Ampurias au regard de Marseille a été abordé. Le mot epiteichisma est adapté à Agde et Olbia; la place forte la mieux connue est la dernière, avancée en territoire indigène, elle fonctionne comme un quartier de Marseille.56 Agde et Olbia, relevons le encore, ne sont pas dits ‘emporion’ par Strabon, un mot qu’il utilise pour des centres de redistribution;57 concernant ces établissements massaliotes, Strabon s’inscrit dans une vision politique, où Marseille domine politiquement Olbia, ou Agde et aussi Nice et Antipolis. Agde et Obia sont, selon M. Bats, ‘partie intégrante de la cité massaliote même si elles ont pu avoir leurs propres territoires’.58 Les relations entretenues par les Grecs avec les établissements alentour sont différentes dans les cas de Marseille et Ampurias. À Marseille, un pouvoir politique s’exerce sur les établissements grecs côtiers du littoral gaulois et un impact économique marqué est visible par la place de la céramique de Marseille, son commerce du vin, sa stratégie d’approvisionnement auprès des oppida indigènes et l’usage de sa monnaie. Autour d’Ampurias se dessine un espace fondamentalement économique (chôra, villages alentour) dans un espace très limité au fond de la baie de Rosas, et pour l’emporion lui-même une mixité de population au départ, et in fine des lois qui deviennent communes.

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Boissinot 2010, 151. Voir supra, n. 31 et 32. 55 Pour une datation à l’époque hellénistique du cadastre d’Agde, voir Bats 2001, 497 – mais ceci fait suite à des débats sur l’existence d’une zone péri-urbaine cadastrée de taille très modeste (10 ha?) avec une possible pérennité des orientations de la nécropole du VIe siècle dans la fondation du IVe siècle. Voir notamment Benoit 1978; Guy 1995, 441–43; Clavel-Lévêque 1999; Garcia 1987, 96–97; Demetriou 2011, 263–64. 56 Bats 2004. 57 Bresson 1993. 58 Bats 2001, 503. 54

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5. COMMENT ÊTRE GREC

AILLEURS

Nous avons relevé le comportement de Grecs dans des structures différentes; sans doute les modalités de fonctionnement ne sont-elles pas identiques, mais le résultat est voisin. En déplaçant notre regard, on peut reconnaître qu’existent d’autres manières d’être grec, ce que je propose de faire dans une région, le Sud-Est de la péninsule Ibérique où Strabon (3. 4. 6) situe les ‘trois petites colonies de Marseille’, dont la plus fameuse serait l’Hemeroskopeion; mais je ne reprendrai pas ici le débat sur la localisation et sur l’existence même de ces polichnia, pour réfléchir à ce qui se passe dans la région.59 On peut en effet saisir une façon d’être grec dans quelques procédés de la sculpture grecque (par exemple les drapés du style sévère) dans la Dame d’Elche.60 Mais ceci n’implique pas, comme on l’a parfois pensé, une présence permanente d’artisans grecs. Et ceci peut se faire loin d’une implantation grecque. Rappelons que l’atelier présumé de la Dame d’Elche, La Alcudia de Elche, est proche de l’embouchure du Segura où a été reconnu un établissement phénicien (Rábita/Fonteta) et que, autour, l’iconographie orientalisante est partagée par les sculpteurs ibères: ainsi trouve-t-on le sphinx à Agost ou le griffon à Redovan.61 Autre exemple avec l’écriture gréco-ibère, un système basé sur l’alphabet grec pour noter l’ibère;62 l’alphabet grec est d’origine ionienne. Ce système de transcription a une vie éphémère; ailleurs fonctionne un système semisyllabique qui dérive en dernière instance du phénicien. Reste que ce phénomène est le fait de lettrés, ce qui est la preuve d’une présence grecque dont nous ignorons l’ampleur, loin du seul établissement grec connu, Ampurias. Un lieu de rencontre entre Grecs et Ibères était nécessaire, et nous avons eu l’opportunité d’étudier un de ces lieux, La Picola (Santa Pola, Alicante):63 0.3 ha, occupé entre 450 et 330. L’établissement a une forme étrangère au monde ibérique: un plan carré, régulier, des rues parallèles, des pièces alignées (comme dans la phase III de la Palaiapolis), un système défensif complexe (avec mur, talus, fossé, proteichisma). Ce site portuaire est indiscutablement lié à la grande cité voisine, Illici (La Alcudia, Elche) et nous avons alors un schéma simple: un emporion et une ville (indigène). La question de la filiation de cet établissement se posait en ces termes: un établissement grec accepté par Illici, habité par une communauté mixte, ou une fondation des 59 60 61 62 63

Rouillard 1991, 297–306; 2002; Rouillard et al. 2015, 207–14. García y Bellido 1943. León 1998, 36–39. J. de Hoz 2010. Badie et al. 2000.

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Ibères d’Illici, qui auraient bénéficié d’un apport de compétences grecques, qui aurait fonctionné dans la dépendance d’une cité ibère comme relais commercial? Mais peut-on imaginer des Grecs installés utilisant seulement de la vaisselle ibère (certes il y a des vases attiques), sans vin grec, sans lampe grecque, sans monnaie, sans laisser de graffites grecs? Notre seconde hypothèse est la plus vraisemblable. Nous sommes en présence d’une initiative ibère avec participation grecque, celle d’un architecte grec ou formé par les Grecs. Ces derniers ont pu trouver là un lieu d’échanges, dont la sécurité était assurée par une enceinte et sans doute la protection d’Illici, et des courtiers grecs ont alors pu passer, comme ceux que nous connaissons grâce au plomb de Pech Maho. Cet emporion sous contrôle indigène est un lieu qui a permis l’arrivée de schémas grecs, de techniques grecques, toutes choses que l’on retrouve dans quelques caractères de la sculpture ibérique. Mais notre perplexité reste grande face au fait que ce site n’a pas livré la moindre inscription ibéro-grecque. CONCLUSION En envisageant seulement l’emporion à partir des cas abordés ici, quelques brèves remarques s’imposent. Le mot emporion est flexible, et il serait bien téméraire de vouloir en proposer une définition unique. Retenons que s’il y a bien un but économique,64 la confrontation ethnique est certaine et que la dimension culturelle est bien présente, que le milieu soit grec ou non grec; ceci vaut aussi pour le monde phénicien tel que nous pouvons le saisir sur le littoral ibère. S’il y a bien un modèle hispanique d’emporion, avec ces deux traits majeurs que sont une faible taille et une présence immédiate de l’Ibère, il témoigne à lui seul de ‘la richesse foisonnante de l’emporion’ pour reprendre la belle formule de P. Lévêque.65 Quand V. Chankowski présente ‘l’emporion (comme) alternative à la conquête territoriale’,66 elle nous incite à analyser le contenu de l’hinterland. En menant cette étude, la comparaison que nous pouvons faire entre les communautés qui sont un emporion (soit, un des deux types définis par Hansen) et les apoikiai montre que l’écart entre ces deux formes d’installation est assez réduit. Il se situerait pour une bonne part dans le discours, dans le récit de fondation, dans l’histoire de l’établissement (avec par exemple la mention d’un œciste), avec ou non un mythe de fondation. 64 65 66

En suivant Gras 1993, 106. Lévêque 1993. Chankowski et Chankowski 2012, 284.

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UN EMPORION ET LES AUTRES

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Rouillard, P., Plana-Mallart, R. et Moret, P. 2015: ‘Les Ibères à la rencontre des Grecs’. Dans Roure, R. (éd.), Contacts et acculturations en Méditerranée occidentale. Hommage à Michel Bats (Actes du colloque de Hyères, 15–18 septembre 2011) (Études Massaliètes 12; Bibliothèque d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine 15) (Paris), 199–218. Salles, J.-F. 1994: Compte rendu de Bresson et Rouillard 1993. Topoi 4.1, 289–96. Tréziny, H. 2005: ‘Le terroir et les ressources agricoles’. Dans Rothé et Tréziny 2005, 244–45. —. (éd.) 2010: Grecs et indigènes de la Catalogne à la mer Noire (Actes des rencontres du programme européen Ramses 2, 2006–2008) (Bibliothèque d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine 3) (Paris). —. 2012: ‘Topography and Town Planning in Ancient Marseille’. Dans Hermary et Tsetskhladze 2012, 83–107. Vallet, G. 1968: ‘La cité et son territoire dans les colonies grecques d’Occident’. Dans La città e il suo territorio (Atti del settimo Convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto, 8–12 ottobre 1967) (Naples), 67–142. Villard, F. 1960: La céramique grecque de Marseille (VIe–IVe siècle): Essai d’histoire économique (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome 195) (Rome). —. 1992: ‘La céramique archaïque de Marseille’. Dans Bats et al. 1992, 163–70. Will, É. 1993: Compte rendu de Bresson et Rouillard 1993. Revue de Philologie 67.2, 345–50.

UNE QUESTION D’IDENTITÉ DANS LE MONDE COLONIAL: ‘ETHNIQUES’ ET FAUX ‘ETHNIQUES’ DES ESCLAVES EN PROVENANCE DE OU ARRIVÉS DANS LA RÉGION DE LA MER NOIRE Alexandru AVRAM

Abstract Slaves coming from the Pontic region frequently bear ‘ethnics’ referring to cities or regions where they had been sold into the Greek world. An Istrianos is, for example, not a Greek from Istros but a Thracian slave originally sold at Istros before arriving to Rheneia. Moreover, several ‘ethnics’ attested in manumissions from Delphi or Naupactus are to be reconsidered: they do not reflect the bearer’s real origin but simply refer to his sale place. Slave traders sometimes gave complete informations about the slaves they acquired, nevertheless, slave owners often ignored the real origin of their slaves. Moreover, it was sometimes not beyond doubt even for the slave himself, as in the case of one of Xenophon’s mercenaries, who had been a slave in Athens and who discovered his origin by chance while recognising the language of the Macronians he met during the campaign. Therefore, many of the so-called ‘Heracleots’, ‘Tianoi’ or ‘Sinopeans’ recorded as slaves by several inscriptions might be in fact non-Greeks, i.e. Bithynian or Paphlagonian natives sold respectively in Heraclea Pontica, Tion or Sinope. In the same way, the so-called ‘Maeotians’, who are more numerous in Attic, Delphic or Rhodian records than Scythians or Sarmatae, are slaves of North Pontic origin sold on the well known market from Tanais in the Maeotid.

Pausanias est amené à un certain endroit (5. 21. 10–11) à retracer brièvement la biographie d’un athlète célèbre dans son temps, ancien esclave: ‘Nikostratos, un Cilicien de la Cilicie maritime; à part ce qu’on dit dans cette tradition, il n’avait rien de commun avec les Ciliciens. Alors que Nikostratos était encore tout petit, des pirates l’enlevèrent de Prymnessos de Phrygie: il appartenait à une maison qui n’était pas obscure. Il l’amenèrent à Aigéai, où quelqu’un l’acheta’.1 1 Voir, pour cet épisode, Tsetskhladze 2008, 310. Cette histoire est en état de nuancer les propos de Souza 1999, 64: ‘It seems to me very likely that many of the slaves who were sold by pirates were already slaves when they were captured, so that the pirates were not supplying new slaves but simply “redistributing” old ones. Citizens and other free persons could be ransomed or reclaimed more easily and with great urgency than slaves’. Sur le rôle de la piraterie dans le ravitaillement des marchés d’esclaves, voir surtout Garlan 1978; 1984, 64–65; 1987; Gabrielsen 2001; 2005; Wiemer 2002. Spécialement sur la mer Noire: Brashinskii 1973; Tsetskhladze 2002.

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Une mésavanture similaire semble avoir connu, à un âge plus mûr, Ménippos de Sinope,2 un philosophe cynique de la fin du IVe et du début du IIIe siècle av. J.-C. Esclave d’un certain Baton, un ‘Pontique’ (Diog. Laert. 6. 99)3 sans doute de Sinope,4 il fut par la suite affranchi et finit par s’installer à Thèbes, où il reçut la qualité de citoyen (Diog. Laert. 6. 95). Son origine fait débat: car Diogène Laërce le désigne tantôt comme Σινωπεύς (6. 95), tantôt comme Φοῖνιξ (6. 99). Pour sa part, Strabon (16. 2. 29 = C. 759) range un certain Μένιππος ὁ σπουδογέλοιος, ‘qui mêle le plaisant au sérieux’, lequel est à coup sûr le même que notre philosophe cynique, parmi les personnalités originaires ἐκ τῶν Γαδάρων de Phénicie: ce qui, en effet, ferait de Ménippos un Φοῖνιξ. Cette contradiction apparente peut pourtant être expliquée de la meilleure des manières si l’on prend Ménippos pour un esclave d’origine phénicienne (peut-être de Gadara, comme pour Strabon) vendu à un certain moment sur le marché de Sinope: c’est donc ici qu’il aura pris son nom grec et le faux ‘ethnique’ Σινωπεύς. Je pourrais enfin ajouter la biographie de la célèbre courtisane Laïs, prise en captivité lors de l’expédition de Nicias en Sicile. Plutarque l’évoque à deux reprises: Vit. Nic. 15. 4 (Ὕκκαρα, βαρβαρικὸν χωρίον, ὅθεν λέγεται καὶ Λαΐδα τὴν ἑταίραν ἔτι κόρην ἐν τοῖς αἰχμαλώτοις πραθεῖσαν εἰς Πελοπόννησον κομισθῆναι, ‘Hyccara, bourg barbare, duquel provenait, diton, la courtisane Laïs, alors toute jeune encore, vendue avec les autres captifs, et transportée dans le Péloponnèse’) et Vit. Alc. 38. 8 (Λαΐδα τὴν Κορινθίαν μὲν προσαγορευθεῖσαν, ἐκ δ’ Ὑκκάρων, Σικελικοῦ πολίσματος, αἰχμάλωτον γενομένην, ‘Laïs, qu’on appelait la Corinthienne, mais qui avait été faite prisonnière d’Hyccara, petite ville de Sicile’). Originaire donc sûrement de Sicile, elle était désignée d’après son ethnique ‘d’adoption’, Κορινθία. D’où l’incertitude de la postérité sur son origine: de Sicile ou de Corinthe?5 Ces trois exemples sont en état d’attirer notre attention sur une pratique que j’estime fort répandue mais qui ne semble pas avoir suscité l’intérêt qu’elle 2

Susemihl 1891, 44–46; Helm 1931; DPhA IV (2005), M 129. Diogène Laërce cite à ce propos deux sources: δοῦλος, ὥς φησιν Ἀχαϊκὸς ἐν Ἠθικοῖς. Διοκλῆς δὲ καὶ τὸν δεσπότην αὐτοῦ Ποντικὸν εἶναι καὶ Βάτωνα καλεῖσθαι. 4 Il est interdit de l’identifier à Βάτων, ῥήτωρ (Ath. 14. 639d) et historien du IIe siècle av. J.-C., ὁ Σινωπεύς (Plut. Vit. Agis et Cleom. 15. 4; Ath. 6. 251e; 10. 436f; 14. 639d), mentionné aussi parmi les ἄνδρες ἀγαθοί originaires de Sinope (Strab. 12. 3. 11 = C. 546): FGrHist 268 (LGPN V.A [4]; PPE 3052). Cf. Susemihl 1891, 635–36; Schwartz 1897, 143–44. L’écart chronologique entre le floruit de Ménippos et la période présumée d’activité de Baton de Sinope s’oppose à tout lien entre le maître sinopéen de Ménippos et l’historien homonyme (malgré la communis opinio: voir, à titre d’exemple, Robinson 1906, 275–76; Debord 1990, 518, avec n. 12; Ruscu 2008, 97, n. 131). 5 C’est Athénée (13. 589a) qui en fait le point. Voir, pour une présentation critique de l’ensemble des sources sur l’origine de Laïs, Plácido Suárez 2002, 23. 3

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aurait mérité dans les milieux savants: attribuer à des esclaves des faux ‘ethniques’ renvoyant à la ville ou à la région où ceux-ci furent acquis pour la première fois.6 Il y a, à ce propos, tout d’abord le témoignage clair et précis de Varron (Ling. 8. 21): ‘Ainsi, si trois personnes achètent chacune un esclave à Éphèse, la première donne à son esclave le nom d’après celui qui l’a vendu, Artemidorus, et l’appelle Artemas; l’autre donne au sien celui d’Ion, tiré d’Ionie, nom de la région où l’esclave fut acheté; enfin la troisième celui d’Ephesius, car c’est à Éphèse (que la transaction eut lieu). Ainsi de beaucoup d’autres choses, comme on l’a vu’ (sic tres cum emerunt Ephesi singulos seruos, nonnumquam alius declinat nomen ab eo qui uendit, Artemidorus, atque Artemam appellat, alius a regione qui ibi emit, ab Ionia Iona, alius quod Ephesi, Ephesium: sic alius ab alia aliqua re ut uisum est).7 Mais il y a aussi une moisson épigraphique assez riche qui n’attend qu’à être exploitée dans cette même direction. L’un des exemples les plus édifiants est fourni par une épitaphe contenant une liste d’esclaves de Rhénée,8 morts peut-être tous ensemble à la suite d’un accident. Les noms et les ethniques figurent tous au vocatif:

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Ἰσίδωρε Μαιῶτα, Δαμᾶ Μαιῶτα, Ἰσίδωρε Ἀπαμεῦ, Βῖθυ Ἰστριαέ, Καλλιόπη Ὀδησσῖτι, Ὁμόνοια, Ἑρμόλαε Ῥωσεῦ, Ἀντίπατρε Μαζακηνέ, Ἀσκληπιάδη Σιδῆτα, Ἀπολλωνίδη Μαρισηνέ, Νικηφόρε Ἰοπεῖτα, Μενέλαε Μαραθηνέ, Ποσῆ Μαραθηνέ, Ἡρακλείδ Μαιῶτα, Νικία Μαιῶτα, Ἀμμωνία Κυρηναία καὶ θυγάτρ Ἀπολλωνία, Νικήρατε Ἀπαμεῦ,

6 Voir pourtant, brièvement, Hansen 1996, 186; Morris 2011, 184–85. Il n’y a d’ailleurs aucune synthèse de plus large portée consacrée au ravitaillement en esclaves dans le monde grec. 7 Cf. Fraser 2000, 109 et 153; Lewis 2011, 94; Braund 2011, 124: ‘quite apart from the distortions in the process of sale, the application of ethnics to slaves may result from a range of factors, including place of sale into the Greek world’. 8 Klaffenbach 1964, 16–17, n° 28 (SEG 23, 381; cf. Bull. ép. 1965, 61) = EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778. Cf. Robert 1959, 187 = Robert 1989, 217, avec n. 1; Pippidi 1966 = Pippidi 1988, 32–34; Fraser 2009, 104–05, avec n. 2.

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Λαοδίκη Ἀπάμισα, Δάμων Μύνδιε, Ζαιδε Ναβαταῖε, Δαμᾶ Ἰστριανέ, οἱ Πρωτάρχου χρηστοί, χαίρετε.

Il est manifeste que les soi-disant ‘Istriens’ mentionnés aux l. 2 et 19 (annexe, nos A.15–16), par exemple, dont le premier porte d’ailleurs un bon nom thrace, peut-être même conventionnel (Βίθυς),9 ne peuvent être que des esclaves d’origine thrace vendus sur le marché d’Istros, pour être ensuite acheminés vers l’Égée, tout comme la soi-disant ‘Odessitaine’ (l. 3: annexe, n° A.17) n’est qu’une esclave toujours thrace embarquée par son nouveau maître à Odessos, ou qu’enfin, les soi-disant ‘Apaméens’ (l. 2, 15, 16) ne sont que des indigènes (d’Asie Mineure ou du Levant) ayant connu le même sort, cette fois sur le marché abrité par l’une des cités portant le nom d’Apamée. Ces témoignages invitent à mon avis à reconsidérer certains ‘ethniques’ figurant dans les actes d’affranchissement qu’ont fournis surtout Delphes et Naupacte. À Delphes,10 à côté de ceux ‘nés à la maison’ (οἰκογενής, ἐνδογενής, ou, plus rarement, ἐγγενής ou οἴκοθεν)11 et de ceux désignés à l’aide de la formule τὸ γένος + ethnique régional (‘le Thrace’, ‘le Paphlagonien’, ‘le Sarmate’, etc.), qui sont d’ailleurs largement majoritaires, on trouve parmi les affranchis des esclaves dont l’origine est indiquée soit par la formule τὸ γένος ἐκ + nom de la cité au génitif (par exemple, τὸ γένος ἐξ Ὀποῦντος: SGDI 1882 = Reilly 1978, n° 17; τὸ γένος ἐκ (ou ἐχ) Χαλκίδος: SGDI 1844 = Reilly 1978, n° 531; SGDI 1994 = Reilly 1978, n° 2251; τὸ γένος ἐκ Περγάμου: SGDI 2121 = Reilly 1978, n° 560; etc.), soit par un chôronyme se rapportant à une région de la Grèce continentale: τὸ γένος Λάκων(α)/ 9 C’est le plus fréquent de tous les noms thraces (D. Dana 2014, 40–58: occurrences et commentaire), ce qui pourrait suggérer un nom conventionnel donné à un esclave d’origine thrace, tout comme Μάνης pour les Phrygiens ou Τίβιος pour les Paphlagoniens (infra, n. 28). 10 En attendant le cinquième volume du Corpus des inscriptions de Delphes, en préparation par D. Mulliez, voir des présentations générales du dossier des actes d’affranchissement dans Hopkins 1978, 133–71 (chapitre écrit en collaboration avec P.J. Roscoe); Mulliez 1992; Velissaropoulos-Karakostas 2011, 387–92; Jacquemin, Mulliez et Rougemont 2012, 234–39. 11 Voir, entre autres, avec un ethnique comme supplément, une esclave dite τὸ γένος Θηβαῖον ἐνδογενῆ (SGDI 2223 = Reilly 1978, n° 1486). ‘Pour environ 57% de ces esclaves, il s’agit d’esclaves “nés à la maison”, pour les autres d’esclaves achetés et d’origines diverses. Mais ce chiffre d’ensemble marque une évolution spécifique, puisque la proportion des esclaves «nés à la maison» ne cesse de croître’: Mulliez 1992, d’après Hopkins 1978, 140. – En Étolie, l’origine locale de certains esclaves est indiquée à deux reprises par la formule, d’ailleurs unique dans le monde grec, τὸ γένος ἐκ τᾶς χώρας (Klaffenbach 1936, 371, inscription b = Reilly 1978, n° 1475, à Potidania; IG IX.12.1 96b = Reilly 1978, n° 1720, à Phystion): voir, à ce propos, Blavatskaja 1972, 71–72.

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Λάκαινα(ν) (SGDI 2129 = Reilly 1978, nos 622 et 2086; SGDI 1853 = Reilly 1978, n° 1038; SGDI 2075 = Reilly 1978, n° 1331; SGDI 2050 = Reilly 1978, n° 1386; SGDI 1990 = Reilly 1978, n° 1977; SGDI 2068 = Reilly 1978, n° 2052; SGDI 2044 = Reilly 1978, n° 2153; SGDI 1950 = Reilly 1978, n° 3072); τὸ γένος Λακεδαιμονίαν (SGDI 1993 = Reilly 1978, n° 363); τὸ γένος Β(οι)ωτά(ν) (SGDI 2212 = Reilly 1978, n° 938; FD III.3 347 = Reilly 1978, n° 1005; FD III.3 355 = Reilly 1978, n° 1457; FD III.2 233 = Reilly 1978, n° 1548; FD III.4 485 = Reilly 1978, n° 1924; SGDI 2151 = FD III.3 43 = Reilly 1978, n° 2893; FD III.2 131 = Reilly 1978, n° 2908; Daux 1945, 112–14, n° 23) ou τὸ γένος ἐγ Βοιωτίας (SGDI 1974 = Reilly 1978, n° 2755), parfois avec la mention supplémentaire de la cité, τὸ γένος Βοιωτὰν ἐγ Λεπαδήας (sic) (SGDI 2226 = Reilly 1978, n° 453);12 τὸ γένος Φωκίδα/ Φωκίς/Φωκῆ (FD III.2 235 = Reilly 1978, n° 1071; SGDI 2118 = Reilly 1978, n° 1541; SGDI 1861 = Reilly 1978, n° 2061); τὸ γένος Θεσαλλάν (SGDI 1771 = Reilly 1978, n° 2703), voire τὸ γένος Θε[σσα]λὰν ἐξ Σκοτούσσας (SGDI 2133 = Reilly 1978, n° 1959); τὸ γένος ἐξ Αἰτωλίας (FD III.3 9 = Reilly 1978, n° 3227), voire τὸ γένος Αἰτωλὰ ἐκ Καλλιπόλιος (SGDI 1747 = Reilly 1978, n° 3047); τὸ γένος Ἀπειρώταν (SGDI 1901 = Reilly 1978, n° 3124); τὸ γένος Μακέτα(ν) (SGDI 1925 = Reilly 1978, n° 89; SGDI 1872 = Reilly 1978, n° 324; SGDI 2279 = Reilly 1978, n° 2839; SGDI 1940 = Reilly 1978, n° 2858), voire τὸ γένος Μακέτας ἐξ Ὠρωποῦ (SGDI 2082 = Reilly 1978, n° 1369);13 τὸ γένος Μακεδόνα (SGDI 1720 = Reilly 1978, n° 125; SGDI 1880 = Reilly 1978, n° 2299; SGDI 2165 = Reilly 1978, n° 3174); τὸ γένος ἐκ Πιονιᾶν (SGDI 2027 = Reilly 1978, n° 1886). Mais on tombe aussi, plus rarement, il est vrai, sur des ‘ethniques’ tirés de noms de cités: τὸ γένος Μεγαρέα (SGDI 2070 = Reilly 1978, n° 2064) ou τὸ γένος Λιλαιεύς (FD III.3 316 = Reilly 1978, n° 2074). Il est généralement admis que ces ‘ethniques’ ont la même valeur que la formule bien fréquente, et rendant compte de manière plus adéquate de la réalité, ἐκ + nom de la cité:14 cela veut dire tout simplement qu’au moment de l’affranchissement l’esclave appartenait à un maître (citoyen ou non) de telle ville.15 La même explication vaudrait pour les esclaves 12 Ajouter, à Amphissa, une esclave τὸ γένος Βοιώτιον (IG IX.12.3 754 = Reilly 1978, n° 2911). 13 À comprendre, d’origine macédonienne mais appartenant à un maître habitant Oropos (de Béotie). 14 Cf. Hansen 1996, 184: ‘if the slave came from a polis the regular form is not the city ethnic but τὸ γένος ἐξ plus the toponym in the genitive case […], presumably because it was the prerogative of a citizen to be called by an ethnic’. 15 Dittenberger 1907, 19, avait jadis essayé d’expliquer cet état des choses de la manière suivante: ‘Volle Consequenz herrscht hier allerdings nicht, sondern es kommen daneben ziemlich häufig auch Ethnika vor, wie τὸ γένος Ἀλεξανδρῆ, τὸ γένος Λάκωνα, τὸ γένος Μεγαρέα, τὸ

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importés d’Italie: τὸ γένος Ἰταλόν (SGDI 1800 = Reilly 1978, n° 2327); τὸ γένος Ῥωμαίαν (SGDI 1985 = Reilly 1978, n° 523; SGDI 2116 = Reilly 1978, n° 1957); τὸ γένος Βρεττίαν (SGDI 2045 = Reilly 1978, n° 1370). En revanche, il est permis de se poser des questions sur l’origine des esclaves venus des îles égéo-méditerranéennes ou d’Asie Mineure. Une Κύπριον τὸ γένος Κύπριος (SGDI 1749 et 1750 = Reilly 1978, n° 1708) serait, à en prendre la formule au pied de la lettre, une Chypriote: sauf que son nom, tiré lui-même du nom de l’île, est suspect.16 Ne s’agirait-il pas plutôt d’une esclave, peut-être d’origine asiatique, vendue sur le marché de Chypre et ayant reçu à cet endroit même le nom de Κύπριον (ab Ionia Iona […], quod Ephesi, Ephesium, comme disait Varron dans le passage précité)? Même question pour un esclave dit τὸ γένος Πάφιος (SGDI 2250 = Reilly 1978, n° 3192), peut-être vendu sur le marché de Paphos de Chypre, ou pour un autre désigné comme τὸ γένος Τενέδιον (SGDI 2232 = Reilly 1978, n° 1415), passé donc par l’île de Ténédos. Un esclave dit τὸ γένος Κίλικα (SGDI 1936 = Reilly 1978, n° 2329) serait peut-être tout aussi ‘Cilicien’ que l’athlète Nikostratos de Pausanias, évoqué plus haut, c’est-à-dire capturé par les pirates ciliciens et vendu à un certain moment sur l’un des marchés égéens plutôt qu’originaire de cette contrée d’Asie Mineure. On ne saurait se prononcer, en revanche, sur un autre esclave, τὸ γένος Πισίδαν (FD III.2 217 = Reilly 1978, n° 3247): soit (plutôt) vraiment originaire de Pisidie, soit acquis sur un marché de Pisidie. Ou sur une esclave dite τὸ γένος ἐξ Ἀπαμείας (SGDI 1829 = Reilly 1978, n° 2553), peut-être vendue dans l’une des cités portant le nom d’Apamée,17 comme les quatre individus mentionnés par l’inscription précitée de Rhénée.18 Rien de plus édifiant pour l’ambiguïté régnant sur la vraie origine des esclaves acquis en Asie Mineure que ‘l’ethnique’ conventionnel Ἀσιαγενής, γένος Ῥωμαίαν, τὸ γένος Σειδώνιον. Hier ist wohl in der Hauptsache bloße Nachlässigkeit im Spiel, wenn auch die Möglichkeit nicht abzustreiten ist, daß manche der Freigelassenen nicht im Sklavenstande geboren, sondern ursprünglich freie Bürger jener Stadtgemeinden gewesen und erst durch Kriegsgefangenschaft oder andere Schicksalsschläge in Knechtschaft geraten waren’. Plus récemment, Zelnick-Abramovitz (2005, 173) suggère une autre explication qui met en avant non plus le passé supposé, mais l’avenir de l’affranchi: ‘It seems to me that ethnic origin was added as another identifying sign of the manumitted slave, along with his or her name, age, and sex, as well as an indication of a non home-born status. The specification of the slave’s homecity, on the other hand, would emphasize his or her new status as a free person with a new social life, and eligible to rejoin his or her former community. The indication of the home-city was, therefore, another mark of the slave’s newly purchased freedom, along with others’. 16 Cf. Fraser 2000, 152; 2009, 217; Lewis 2011, 97. 17 Sans doute Apamée de Syrie, car les Σύροι sont très bien représentés dans les actes d’affranchissement de Delphes: cf. Mulliez 1992, ca. deux cinquièmes d’esclaves en provenance d’Asie, ‘où les Syriens sont les plus nombreux’ (à moins qu’il ne s’agisse, dans certains cas pour le moins, de Leukosyroi cappadociens). 18 Ajouter, à Amphissa, un esclave τὸ γένος Λαοδικῆ (IG IX.12.3 721c = Reilly 1978, n° 663).

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‘né en Asie’, que l’on trouve à Delphes (SGDI 1739 = Reilly 1978, n° 381: τὸ γένος Ἀσιαγενῆ) et ailleurs.19 La même interprétation vaut à mon avis pour les esclaves en provenance d’Alexandrie (τὸ γένος Ἀλεξανδρῆ: SGDI 1740 = Reilly 1978, n° 1391; FD III.3 33 = Reilly 1978, n° 2681), de Sidon (τὸ γένος Σειδώνιον: SGDI 1727 = Reilly 1978, n° 2387) ou – supposément (τὸ γένος ἐξ Ἡρακλείας τᾶς ἐκ τοῦ Πόντου φάμενον εἶμεν, ‘dit être originaire d’Héraclée du Pont’) – d’Héraclée du Pont (annexe, n° A.14): esclaves d’origine non grecque vendus respectivement à Alexandrie (d’Égypte), à Sidon et à Héraclée du Pont. À Naupacte, à part les esclaves dits γένος Βο[ι]ωτίαν ἐκ Θεσπιᾶν (IG IX.12.3 640d = Reilly 1978, n° 2487; un Béotien appartenant à un maître de Thespies), τὸ γένος Μακεδόνα (IG IX.12.3 639, 3 = Reilly 1978, n° 2122; un Macédonien) ou τὸ γένος Ἀμφιπολίτας (IG IX.12.3 639, 6 = Reilly 1978, n° 1806; un esclave appartenant à un maître d’Amphipolis), on trouve dans les actes d’affranchissement une esclave et sa fille τὸ γένος Σκύριοι (IG IX.12.3 616 = Reilly 1978, nos 1402 et 2357), un esclave γένος Ἀντιοχῆ (IG IX.12.3 624g = Reilly 1978, n° 687) et un autre τὸ γένος Μάγνης (IG IX.12.3 631 = Reilly 1978, n° 1481). Dans ces trois derniers cas il serait peut-être permis de soupçonner des esclaves vendus respectivement sur l’île de Scyros et dans l’une des cités portant le nom d’Antioche et de Magnésie. Qu’en reste-t-il de l’identité de ces marchandises humaines? Presque rien. Car le nom change dans la plupart des cas (cf. Pl. Cra. 87d): il devient soit conventionnellement grec, et cela pas forcément conformément au schéma présenté par Varron mais selon une multitude d’usages,20 soit un ethnonyme renvoyant à l’origine – réelle ou supposée – de l’esclave (‘le Thrace’, ‘le Scythe’, ‘le Paphlagonien’, ‘le Bithynien’, etc.).21 19 Dans les inscriptions IG II2 12060 d’Attique (à comprendre Μέλας Ἀσιαγενής, ‘Mélas, né en Asie’, et non comme deux noms consécutifs de personnes, Μέλας et Ἀσιαγένης) et Arvanitopoulos 1953, 8, n° 320 = McDevitt 1970, n° 983, de Démétrias (à comprendre Κερκίων Ἀσιαγενής, ‘Kerkiôn, né en Asie’, et non, comme dans SEG 3, 488, ‘Kerkiôn et Asiagénès’), Ἀσιαγενής n’est pas un nom de personne (Ἀσιαγένης) mais une épithète indiquant l’origine micrasiatique du porteur. LGPN II retient Ἀσιαγένης comme nom de personne dans l’inscription attique, alors que dans LGPN III.B il y a une entrée Ἀσιαγένης, avec renvoi à l’inscription de Démétrias, mais avec l’ajout ‘n. pr.?’. 20 Voir, en général, Masson 1973 = Masson 1990, 147–61; Vlassopoulos 2010. On attend aussi la communication ‘Choisir un nom d’esclave: usages et traditions familiales’ faite par D. Mulliez à un colloque de 2002 dont les actes n’ont toujours pas été publiés (cf. Jacquemin, Mulliez et Rougemont 2012, 335). 21 Voir, à ce propos, Zelnick-Abramovitz 2005, 172; Lewis 2011, 96, avec la remarque digne d’être retenue qu’il y a aussi ‘a small number of slaves who bear names reflecting cities which lay on the trade routes from barbarian territories’. Vingt-quatre esclaves (16%) figurant sur la liste attique IG I3 1032 portent des noms ethniques barbares: Robertson 2008, 86 (cf. Vlassopoulos 2010, 126–28). Pour un Σκύθης de cette liste, voir annexe, n° B.4.

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Pire encore, il est, selon toute vraisemblance, tout à fait possible que l’esclave ignore lui-même son origine.22 S’il s’agit d’un petit enfant capturé par des pirates ou des brigands et, une fois vendu dans une ville portuaire, aussitôt acheminé vers d’autres horizons – le cas de l’athlète Nikostratos devrait être paradigmatique plutôt qu’isolé – il demeure peu probable que le pais garde pour le reste de sa vie des souvenirs très clairs de son enfance. Et si cela est pourtant envisageable, pour le moins dans certains cas,23 que dire de son éventuel fils, un oikogénès qui n’aura connu que la demeure de son maître, et point le pays d’origine de son père ou de sa mère? Il y a, à ce propos, un récit très instructif dans l’Anabase de Xénophon (4. 8. 4–7). Arrivé au pays des Makrones, l’un de ses mercenaires, lequel avait été jadis esclave à Athènes, constata avec stupeur qu’il reconnaissait la langue de ce peuple: ce n’est donc qu’alors qu’il prit connaissance de son origine.24 Enfant, il aurait été peut-être capturé et puis vendu dans l’une des villes du Pont sud, avant qu’il ne fût confié à un maître à Athènes. Son premier maître aurait pu être au courant de son origine, à moins qu’il ne se contentât de noter qu’il venait d’acquérir un pais d’origine asiatique, un Ἀσιαγενής. Mais une fois l’esclave revendu à un autre maître à Athènes, il est hautement à supposer que ce dernier n’en savait plus rien. Ou bien: c’est le père du concerné qui aurait connu cette aventure, alors que le futur mercenaire n’était qu’un oikogénès ignorant totalement l’origine de ses ancêtres. Parmi les documents exceptionnels que sont les lettres sur plomb en provenance des cités situées au nord de la mer Noire, se trouve une épître de Phanagoria de ca. 530–510 av. J.-C.,25 dont la teneur est la suivante (l. 1–4): ‘cet esclave-ci a été vendu dans la région de Borysthène; son nom est Phaüllès’, ὁ παῖς: οὗτος ἐ Βορυσθένεος ἐπρήθη: ὄνομα: αὐτῶι: Φαΰλλης. Ce jeune esclave, vendu à Borysthène (Olbia), était sans doute prévu pour une nouvelle vente, peut-être à Phanagoria même. Soit dit au demeurant, vu le quasi mutisme des sources quant à l’usage de la main d’œuvre servile dans les villes du Pont 22 Cf. Fraser 2009, 109: ‘that the place of origin might not be beyond doubt in Greece, even among Greek slaves, is shown by a manumission from Delphi in which a slave is described as τὸ γένος ἐξ Ἡρακλείας τᾶς ἐκ τοῦ Πόντου φάμενον εἶμεν’ (SGDI 1959; voir supra et annexe, n° A.14). 23 Voir, à titre d’exemple, une esclave syrienne à Athènes, à laquelle Antiphan., Neot., fr. 166 K–A, attribue les propos suivants: παῖς ὢν μετ’ ἀδελφῆς εἰς Ἀθήνας ἐνθάδε ἀφικόμην ἀχθεὶς ὑπό τινος ἐμπόρου, Σύρος τὸ γένος ὤν, ‘étant enfant, je me suis rendue ici, à Athènes avec ma sœur, apportée par un commerçant; je suis une Syrienne de naissance’. Cf. Lewis 2015, 324. 24 Cf. Andreau et Descat 2006, 85; Braund 2011, 130. 25 Vinogradov 1998, 160–63, n° 3 (SEG 48, 1024; M. Dana 2007, 87–88, n° 12; Eidinow et Taylor 2010, E11; Ceccarelli 2013, 337–38, n° 4). Cf. Braund 2002; 2011, 129; Andreau et Descat 2006, 44-45; Bravo 2007, 55; PPE 2602.

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nord à l’époque archaïque,26 il est à supposer que c’était un long voyage vers le bassin égéen qu’attendait cette jeune recrue plutôt qu’un débarquement à Phanagoria, pour y être employée sur place.27 Il s’agit à mon avis d’un courrier typique des commerçants d’esclaves échangeant des informations concernant l’identité de leurs marchandises humaines. On a vu que cela avait son importance relative. Force est donc d’admettre qu’à côté des noms conventionnels d’esclaves donnés d’après les régions de leur provenance réelle, on leur adjoignait, bien fréquemment, dirais-je, à en juger d’après le témoignage précité de Varron, des faux ‘ethniques’ d’après le nom de la ville ou de la région où ceux-ci avaient été achetés. Ce qui est en état de nuancer notre démarche. Si un esclave s’appelle ‘le Bithynien’, il n’y a plus de doute quant à son origine; s’il s’appelle, par exemple, Tibeios, on est en droit de lui attribuer, d’après son nom typique, une origine paphlagonienne.28 Mais s’il s’appelle, disons, Ménippos, comme notre philosophe de Sinope, et qu’il est en même temps désigné comme ‘Sinopéen’, les choix deviennent du coup multiples. On peut supposer tout au plus qu’à un certain moment il a été vendu sur le marché d’esclaves de Sinope, tandis que rien ne laisse entrevoir ce qui s’était passé avant cet épisode: auraitil été capturé aux alentours de cette ville ou, bien au contraire, aurait-il été acheminé vers Sinope par voie maritime d’une tout autre région que l’on peut chercher n’importe où dans le Pont, voire dans la Méditerranée? Il y a, certes, des cas où l’ethnique rend correctement compte de l’origine du concerné. Une tradition, il est vrai, assez suspecte veut que le philosophe cynique connu sous le nom de Bion de Borysthène (ca. 335-245 av. J.-C.)29 ait eu comme parents un pêcheur d’Olbia (Borysthène) et une prostituée originaire de Sparte. À un certain moment, le père, son épouse et leur enfant furent vendus comme esclaves à Athènes, ce qui pourrait indiquer qu’il existait 26 Tant la documentation sur le commerce des esclaves est plutôt satisfaisante, grâce notamment aux lettres sur plomb ou sur tessons, tant l’usage de la main d’œuvre servile dans les cités de la mer Noire demeure sujet à caution. Il n’y a, en effet, que peu de choses à tirer des sources à ce propos. Je viens de traiter de ces questions dans une communication que j’ai faite au colloque de Clermont (mars 2016), actuellement en cours d’impression. 27 Plus prudent à ce propos, Braund 2011, 129: ‘we should not suppose that the slave trade was only centripetal, running on Greece and the Aegean. There were markets everywhere and many routes to market’. 28 Cf. Strab. 7. 3. 12 = C. 304: ἐξ ὧν γὰρ ἐκομίζετο, ἢ τοῖς ἔθνεσιν ἐκείνοις ὁμωνύμους ἐκάλουν [scil. les Athéniens] τοὺς οἰκέτας, ὡς Λυδὸν καὶ Σύρον, ἢ τοῖς ἐπιπολάζουσιν ἐκεῖ ὀνόμασι προσηγόρευον, ὡς Μάνην ἢ Μίδαν τὸν Φρύγα, Τίβιον δὲ τὸν Παφλαγόνα; Men. Her. 21; Perinth. 3; Theophr. Char. 9. 3. Pour Μάνης comme nom typique d’esclave à Athènes, voir Vlassopoulos 2010, 124. Voir aussi Lewis 2011, 93, 100 et 102. 29 Voir, pour l’ensemble des sources (surtout Diog. Laert. 4. 46–58) et leur traitement critique, Kindstrand 1976; DPhA II (1994), B 32; PPE 2596.

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à Olbia vers la fin du IVe siècle une loi permettant de transformer un homme libre en un esclave pour un délit que l’on suppose des plus graves. Quoi qu’il en soit, l’ethnique Borysthénitès porté par Bion correspond parfaitement à la réalité: il l’aura sans doute porté même avant qu’il ne fût affranchi.30 Mais que dire par exemple des ‘Héracléotes’ (en grande partie, sinon tous du Pont) ou des ‘Tianoi’ – qui, de surcroît, portent des noms typiques, comme Μα (annexe, n° A.11) ou Τίβειος (n° A.12) – attestés sans patronyme par des monuments funéraires d’Athènes? Ou des affranchis dits ‘Héracléotes’ de Chéronée (n° A.13) et de Delphes (n° A.14)? Ou des Amiséniens, des Héracléotes et des Sinopéens dont les noms sont révélés, toujours sans patronyme, par des épitaphes de Rhodes, Symè ou Cos? À mon avis, il faudrait en comprendre selon le cas des Bithyniens vendus à Héraclée du Pont ou à Tios, des Paphlagoniens vendus à Sinope ou à Amisos, etc. Enfin, une autre méthode susceptible de vérifier l’ampleur du même phénomène est de traiter de manière comparée les occurrences d’esclaves ou affranchis dits ‘Scythes’, ‘Sarmates’ et ‘Méotes’. Il est connu que le Pont nord fut pour le monde égéen depuis l’époque archaïque, comme le montrent surtout les lettres sur plomb, une source de choix pour le ravitaillement en esclaves.31 Mes enquêtes prosopographiques n’ont pourtant abouti à enregistrer que neuf esclaves dit ‘Scythes’ (annexe B), dont quatre à Athènes, tous de la fin du Ve siècle, tout au plus quatre à Rhodes, tous de basse époque hellénistique et un autre à Chalcis d’Eubée: ce qui est, quoi qu’on en dise, infime. Les esclaves ou affranchis dits ‘Sarmates’ sont en quelque sorte mieux représentés, avec dix-huit entrées, grâce notamment à la documentation fournie par les actes d’affranchissement de Delphes (annexe, nos C.4–13, soit plus que la moitié). À une seule exception près (n° C.3), d’ailleurs incertaine, aucun des documents attestant des esclaves et des affranchis sarmates n’est antérieur au IIe siècle av. J.-C., ce qui rend parfaitement compte d’un phénomène historique connu par ailleurs: à la suite de la pression exercée à partir du début du IIe siècle par les Sarmates sur les Scythes habitant le littoral nord-pontique, les premiers ont tendance à se substituer aux autres, ce qui, du coup, les rend plus visibles dans les sources. Mais nous comptons en plus, à partir peut-être du IVe siècle (annexe, n° D.2), mais surtout durant les deux derniers siècles de l’époque païenne, vingt-et-un esclaves ou affranchis dits ‘Méotes’32: sans 30 Cf. la possibilité envisagée dans Dittenberger 1907, 19 (cité supra, n. 15), à propos des ‘ethniques’ attestés dans les actes d’affranchissement de Delphes. 31 Vinogradov 1998 (qui a pourtant tendance à confondre le commerce des esclaves avec l’emploi effectif de la main d’œuvre servile dans les cités du Pont nord); Avram 2007, avec le point sur cette question. 32 Pour les esclaves dits ‘Méotes’, voir Blavatskii 1969.

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doute faudrait-il en supprimer quelques uns, dont le statut n’est pas assuré, mais le chiffre demeure, quoi qu’il en soit, remarquable, du moins par rapport à la rareté des occurrences d’esclaves scythes et sarmates. Grâce à Strabon (11. 2. 3 = C. 493), nous savons qu’il y avait au bord de la Méotide (mer d’Azov), à Tanaïs,33 un point d’échange des plus florissants entre les Grecs et les populations locales qui assurait entre autres le ravitaillement en esclaves: ‘(Tanaïs) servait de marché d’échange à la fois pour les nomades d’Asie et d’Europe et pour les navigateurs venus du Bosphore (trafiquer) sur le lac [la Méotide], les premiers procurant des esclaves, des peaux et en général ce que peuvent offrir les nomades, les seconds apportant en contrepartie des vêtements, du vin et tout ce qui est propre à la vie civilisée’,34 ἦν δ᾿ ἐμπόριον κοινὸν τῶν τε Ἀσιανῶν καὶ τῶν Εὐρωπαίων νομάδων καὶ τῶν ἐκ τοῦ Βοσπόρου τὴν λίμνην πλεόντων, τῶν μὲν ἀνδράποδα ἀγόντων καὶ δέρματα καὶ εἴ τι ἄλλο τῶν νομαδικῶν, τῶν δ᾿ ἐσθῆτα καὶ οἶνον καὶ τἆλλα ὅσα τῆς ἡμέρου διαίτης οἰκεῖα ἀντιφορτιζομένων. Mieux encore, les témoignages archéologiques suggèrent que ce marché était d’au moins trois siècles plus ancien que son attestation littéraire due à Strabon, ce qui correspond grosso modo à la période pendant laquelle se concentrent les attestations épigraphiques d’esclaves dits ‘Méotes’ dont il vient d’être question. Cela étant, il est hautement à supposer que, comme il m’est déjà arrivé de le faire remarquer, ‘l’ethnique’ Μαιώτης était adjoint à ces esclaves sur le marché de Tanaïs même,35 ce qui faisait occulter leur origine scythe, sarmate, sinde, dandare, colchidienne ou autre. Je dirais donc en guise de conclusion que les faux ‘ethniques’ adjoints aux esclaves renvoient dans la plupart des cas à la ville – ou, comme pour la Méotide, à la région – où ceux-ci furent embarqués pour la première fois, avant qu’ils ne gagnassent Athènes, Rhodes et les autres centres où ils sont attestés par les témoignages épigraphiques actuellement à notre disposition. Varron n’avait pas tort. De ce point de vue, la documentation fournie par la région de la mer Noire incite à une belle étude de cas.36

33 Pour les résultats des fouilles archéologiques, voir entre autres Arseneva et Shelov 1988; Arseneva, Bezuglov et Tolochko 2001; Böttger 2002; 2005; Arseneva 2005; Fornasier 2009. 34 Traduction de F. Lasserre, Strabon, Géographie, tome VIII (livre XI) (Paris 1975), 44, légèrement modifiée. 35 Heinen 2001, 492; Avram 2007, 244. 36 Je remercie mon ami Dan Dana (CNRS–ANHIMA, Paris) d’avoir attentivement relu le manuscrit de cette contribution et de m’avoir fait part de ses commentaires toujours stimulants.

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A. ESCLAVES ET

AFFRANCHIS ORIGINAIRES DES RÉGIONS DE LA MER NOIRE ET PORTANT DES ETHNIQUES ‘CIVIQUES’

Athènes 1. [Τ]ελεσίς ([Τ]έλεσις, IG) — esclave? — χρηστή — [Ἀπο]λλωνιᾶτις (du Pont?) — IIIe siècle av. J.-C. — IG II2 8354 [FRA 1174]; PPE 396. 2. Δᾶος — esclave? — Ἡρακλεώτης — IVe/IIIe siècles av. J.-C. — IG II2 8614 [FRA 1817; Ameling 1994, 132; LGPN V.A (11)]; PPE 1140. Cf. Bull. ép. 1961, 290; Robert 1973, 440. 3. Αδα — esclave? — χρηστή — Ἡρακλεῶτις (du Pont?) — IVe siècle av. J.-C. — IG II2 8554 [FRA 1689]; PPE 1009. Cf. Robert 1973, 441: ‘est de la ville du Latmos’. 4. Ἁρμονία — esclave? — Ἡρακλεῶτις (du Pont?) — IIe/Ier siècles av. J.-C. — IG II2 8577 [FRA 1752]; PPE 1073. 5. Δορκάς — esclave? (contra: Bull. ép. 1969, 206) — Ἡρακλεῶτις (du Pont?) — IVe siècle av. J.-C. — IG II2 8635 [Fragiadakis 1988, 346, n° 193; FRA 1880]; PPE 1204. 6. Δωρίς — esclave? — χρηστή — Ἡρακλεῶτις (du Pont?) — date incertaine — Koumanoudis 1993, n° 1723ε = Sympleroma 1069; PPE 1207. 7. Κρίτων — esclave? — χρηστός — Ἡρακλεώτης (du Pont?) — ? IVe siècle av. J.-C. — IG II2 8704 [FRA 2016]; PPE 1357. 8. Τέχνη — esclave? — Ἡρακλειῶτς (du Pont?) — ? IVe siècle av. J.-C. — Petritaki 2005, 205 (SEG 61, 188). 9. [..]των — esclave? — χρηστός — [Ἡ]ρακλεώτης (du Pont?) — IVe/ e III siècle av. J.-C. — AthAg XVII 490 = Sympleroma 1124 [FRA 2291]; PPE 1661. 10. Κρίτων — affranchi et héritier du philosophe Lycon [DPhA IV (2005), L 83] — Χαλκηδόνιος — seconde moitié du IIIe siècle av. J.-C. — Diog. Laert. 5.72 et 74 [Merle 1916, B 54; Fragiadakis 1988, 356, n° 420; FRA 7281; LGPN V.A (1)]; PPE 2239. 11. Μα — esclave? — Τιανή — milieu du IVe siècle av. J.-C. — IG II2 10448 [FRA 7131; LGPN V.A (4)]; PPE 3093. 12. Τίβειος — esclave? — Τιανός — Ve/IVe siècles av. J.-C. — IG II2 10450 = CAT 1.262 [FRA 7134; Bäbler 1998, 231, n° 37; LGPN V.A]; PPE 3096. Cf. Scholl 1996, 205 et 279, n° 212. Chéronée 13. [ - ]χιος — affranchi — τ[ὸ γ]ένος Ἡρ[α]κλεώτας (du Pont?) — début du IIe siècle av. J.-C. — Darmezin 1999, 73, n° 103 (SEG 49, 506) [Avram 2008, 96, n° 15]; PPE 1709.

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Delphes 14. Παρά[μ]ονος — affranchi — τὸ γένος ἐξ Ἡρακλείας τᾶς ἐκ τοῦ Πόντου φάμενον εἶμεν — 184/3 av. J.-C. — SGDI 1959 [Reilly 1978, n° 2226; Avram 2008, 96, n° 25; LGPN V.A (31)]; PPE 1728. Cf. Fraser 2009, 109. Rhénée 15. Βίθυς — esclave (Πρωτάρχου χρηστός) — Ἰστριαός — fin du IIe – début du Ier siècle av. J.-C. — Klaffenbach 1964, 16–17, n° 28 (SEG 23, 381; Bull. ép. 1965, 61) = EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 2 [LGPN IV (60)]; PPE 2143. Cf. Robert 1959, 187 = Robert 1989, 217, avec n. 1; Pippidi 1966 = Pippidi 1988, 32–34. 16. Δαμᾶς — esclave (Πρωτάρχου χρηστός) — Ἰστριαός — fin du IIe – début du Ier siècle av. J.-C. — EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 19: voir supra [LGPN IV (10)]; PPE 2144. 17. Καλλιόπη — esclave (Πρωτάρχου χρηστή) — Ὀδησσῖτις — fin du IIe – début du Ier siècle av. J.-C. — EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 3; voir supra [LGPN IV (4)]; PPE 2541. Rhodes 18. Ἀθηνας — esclave? — Ἀμισενά (sic) — ? IIIe siècle av. J.-C. (Fraser) — Maiuri 1916, 178, n° 181 [Morelli 1955, 144; Debord 1990, 522, n. 32; LGPN V.A (35)]; PPE 341. Cf. Fraser 1977, 93, n. 46. 19. Ἀνδρικός — esclave? — [χρ]ηστός — [Ἀ]μισηνός — date incertaine — NS 147 [Morelli 1955, 144; Debord 1990, 522, n. 32; LGPN V.A (5)]; PPE 342. 20. Κάλλων — esclave? — χρηστός — Ἀμισηνός — époque hellénistique — IG XII.1 400 [Morelli 1955, 145; Debord 1990, 522, n. 32; LGPN V.A (2)]; PPE 347. 21. Μῆνις — esclave? — χρηστός — Βυζάντιος — IIe/Ier siècles av. J.-C. — Maiuri 1916, 164, n° 106 [Morelli 1955, 150; LGPN IV (10)]; PPE 784. 22. [ - ]ρυς — esclave? — χρηστός — [Βυ]ζάντιος — ? époque hellénistique — NS 167 [Morelli 1955, 150]; PPE 785. 23. [Δι]ονύσιος — esclave? — [χρ]ηστός — [Ἡρα]κλεώτας (du Pont?) — date incertaine — NS 172 [Morelli 1955, 153; Avram 2008, 102, n° 134]; PPE 1911. 24. [Εὔτ]υχος (I) — esclave? — χρηστός — Ἡρακλεώτας (du Pont?) — date incertaine — Maiuri 1916, 177–78, n° 178 [Morelli 1955, 153; Avram 2008, 102, n° 135]; PPE 1914.

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25. Εὔτυχος (II) — esclave? — χρηστός — Ἡρακλεώτας (du Pont?) — ? époque hellénistique — Papachristodoulou 1979, 434 (SEG 38, 789) [Avram 2008, 102, n° 136]; PPE 1915. 26. Σπάρτα (lecture suspecte d’après une copie fautive, peut-être Σ(τρά)τα ou Σ(τ)άρτα d’après Scrinzi) — esclave? — Ἡρακλεῶτις (du Pont?) — date incertaine — Scrinzi 1898, 282, n° 32 [LGPN V.A]; PPE 1925. 27. Σωκράτης — esclave? — χρηστός — Ἡρακλεώτας (du Pont?) — IIIe/ e II siècles av. J.-C. — SGDI 4021 = IG XII.1 426 [Morelli 1955, 153; Ameling 1994, 161; Avram 2008, 103, n° 144; LGPN V.A (121)]; PPE 1926. Cf. Saprykin 1997, 291. 28. Σωτηρίς — esclave? — Ἡρακλεῶτις (du Pont?) — date incertaine — Maiuri 1916, 160, n° 80 [Morelli 1955, 153; Avram 2008, 103, n° 145]; PPE 1927. 29. Διονύσιος — esclave? — Σινωπεύς — ? époque hellénistique — IG XII.1 465 [Robinson 1906, 272; Morelli 1955, 170; Debord 1990, 522, n. 32; Ruscu 2008, 85, n. 34; LGPN V.A (859)]; PPE 2979. 30. Ῥοδίνα — esclave? — Σινωπίς — époque hellénistique — Zervoudaki 1978, 404 (SEG 35, 893) [Ruscu 2008, 85, n. 34; LGPN V.A, s.v. Ῥοδίνη (6)]; PPE 2982. 31. Σοφοκλῆς — esclave? — Σινωπεύς — IIIe/IIe siècles av. J.-C. (LGPN V.A) — IG XII.1 466a [Robinson 1906, 278; Morelli 1955, 171; Debord 1990, 522, n. 32; Ruscu 2008, 85, n. 34; LGPN V.A (4)]; PPE 2984. 32. Χαρμοσύνα — esclave? — Σινωπίς — IIe siècle av. J.-C. (LGPN V.A) — SGDI 4038 = IG XII.1 467 = Berges 1996, 141, n° 199 [Robinson 1906, 279; Morelli 1955, 171; Debord 1990, 522, n. 32; Ruscu 2008, 85, n. 34; LGPN V.A, s.v. Χαρμοσύνη (3)]; PPE 2985. Symè 33. [Δ]ωροθέ[α] — esclave? — Ἡρακλεῶ[τις] (du Pont?) — ? époque hellénistique — IG XII.3 14 [Avram 2008, 103, 153]; PPE 1938. Cos 34. Διονύσιος — esclave? — Τυρανός — Ier siècle av. J.-C. — I.Cos [2] EF 52; PPE 3358. Astypalée (provenance du monument non assurée) 35. Ἐρώτιον — esclave? — Ἀμισηνή — date incertaine — IG XII Suppl. 153 [Debord 1990, 522; LGPN V.A (3)]; PPE 348.

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B. ESCLAVES SCYTHES Athènes 1. Δ[ιο]νύσιος — χαλ[κ]εύς, esclave du citoyen Ἀξίοχος Ἀλκιβιάδου Σκαμβο̄νίδε̄ς — Σκύθε̄ς — 414/3 av. J.-C. — IG I3 422.II.198–99 [Fragiadakis 1988, 345, n° 177; FRA 6909; Cojocaru 2004, 373, n° 61; LGPN IV (415); Avram 2012, 299, n° 204]; PPE 3057. 2. Σῖμος — esclave — τὸ γένος Σκύθε̄ς — 414/3 av. J.-C. — IG I3 427.I.7–8 [Fragiadakis 1988, 369, n° 693; FRA 6910; Cojocaru 2004, 378, n° 159; LGPN IV (10); Avram 2012, 300, n° 205]; PPE 3058. 3. Ignotus (I) — esclave du métèque Κε̄φισόδο̄ρος — Σκύθε̄ς — fin du Ve siècle av. J.-C. — IG I3 421 (SGHI I 79), l. 42 [Grakov 1939, n° 70; Cojocaru 2004, 378, n° 163; Avram 2012, 300, n° 209]; PPE 3060. 4. Ignotus (II) — esclave de Θεοδωρ[ - ], recruté à titre exceptionnel dans l’armée — Σκύθης — ? peu après 405 av. J.-C. — IG II2 1951 = I3 1032.VI.128 [Avram 2012, 300, n° 210]; PPE 3061. Rhodes 5. Ἀφροδείσιος — esclave — Σκύθας — Ier siècle av. J.-C. — SGDI 4061 = IG XII.1 526 (lu Ἀφροδίσιος) = NS 233 = Berges 1996, 147–48, n° 247 [Grakov 1939, n° 116 = 117; Morelli 1955, 183; Cojocaru 2004, 371, n° 34 = 372, n° 38; LGPN IV (10); Avram 2012, 300, n° 211]; PPE 3064. 6. Καλλιόπη — esclave — Σκύθαινα — IIe/Ier siècles av. J.-C. — SGDI 4062 = IG XII.1 527 [Grakov 1939, n° 118; Morelli 1955, 183; Cojocaru 2004, 375, n° 101; LGPN IV (3); Avram 2012, 300, n° 212]; PPE 3065. 7. Κιθαιρών — esclave — Σκύθας — IIe/Ier siècles av. J.-C. — Papachristodoulou 2001, 179 (SEG 50, 1015) [Avram 2012, 300, n° 213]; PPE 3066. 8. Φίλων — esclave — χρηστός — Σκύθας — ? Ier siècle av. J.-C. – Ier siècle ap. J.-C. — NS 421 = Berges 1996, 133, n° 146 [Morelli 1955, 183; LGPN IV (60); Avram 2012, 300, n° 214]; PPE 3067. Chalcis (Eubée) 9. Δρίμακος — esclave — Σκύθης — ? IVe/IIIe siècles av. J.-C. — IG XII.9 1132 [LGPN IV (2); Avram 2012, 300, n° 215]; PPE 3068.

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ALEXANDRU AVRAM

C. ESCLAVES ET AFFRANCHIS SARMATES Athènes 1. Σωτηρίς — esclave — χρηστή — Σαρματίς — IIe siècle av. J.-C. — IG II2 10243 [FRA 6599; Cojocaru 2004, 379, n° 176; LGPN IV (2); Avram 2012, 297, n° 181]; PPE 2791. 2. Ὑγίνων (lecture non assurée) — esclave — Σαρμάτης — date incertaine — IG II2 10244 (Ὑγυλίνων?, éd., Ὑγίνων, app. cr. dubitanter, ce qui serait plus plausible) [Grakov 1939, n° 109; FRA 6600; Cojocaru 2004, 379, n° 182; LGPN IV (12); Avram 2012, 297–98, n° 182]; PPE 2792. Rhamnonte 3. [Μ]ελισσίς — esclave? — χρηστή (lecture non assurée) — ματίς (lecture non assurée) — première moitié du IIIe siècle av. J.-C. — IG II2 12064 ([Μ]ελισσὶς ∕ ΕΛΩΜΑΤΙΣ ∕ ΠΗΣΤ - ); Wilhelm 1978, 80 (SEG 28, 338): Σαρματὶς ∕ χρηστή [FRA 6598; Cojocaru 2004, 376, n° 116; LGPN IV; Avram 2012, 298, n° 183]; PPE 2792. Delphes 4. Αφ[ - ] — affranchi — [τὸ] γένος Σαρμάτας — ca. 153–144 av. J.-C. — FD III.2 228 [Grakov 1939, n° 93 (Ἀφ[ροδίσιος]); Cojocaru 2004, 372, n° 37 (Ἀφ[ροδίσιος]); Avram 2012, 298, n. 184]; PPE 2794. 5. Ἀφροδισία (I) — affranchie — τὸ γένος Σαρμάτισσα — ca. 153–144 av. J.-C. — SGDI 2274 [Grakov 1939, n° 94; Reilly 1978, n° 466; Cojocaru 2004, 371, n° 36; LGPN IV (8); Avram 2012, 298, n° 185]; PPE 2795. 6. Ἀφροδισία (II) — affranchie — τὸ γένος Σαρμάτισσα — 145/4 av. J.-C. — FD III.3 24 [Reilly 1978, n° 473; LGPN IV (9); Avram 2012, 298, n° 186; Jacquemin, Mulliez et Rougemont 2012, 244–455, n° 131]; PPE 2796. 7. Εἰρήνα — affranchie — τὸ γένος Σαρμάτη — 142/1 av. J.-C. — SGDI 2142 [Grakov 1939, n° 95; Reilly 1978, n° 824; Cojocaru 2004, 373, n° 68; LGPN IV, s.v. Εἰρήνη (11); Avram 2012, 298, n° 187]; PPE 2797. 8. Ῥόδα — affranchie — τὸ γένος Σαρματίς — ca. 153–144 av. J.-C. — Amandry 1943, 73–75, n° 4 [LGPN IV (3); Reilly 1978, n° 2416; Avram 2012, 298, n° 188]; PPE 2798. 9. Σώπολις — affranchi — τὸ γένος Σαρμάτας — ca. 113–100 av. J.-C. — SGDI 2110 = FD III.3, 104 [n° d’inv. 17(1)] [Grakov 1939, n° 96; Reilly 1978, n° 2648; Cojocaru 2004, 379, n° 172; LGPN IV (5); Avram 2012, 298, n° 189]; PPE 2799.

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10. Φίλα (I) — affranchie — τὸ γένος Σαρμάτισσ[α] — 168/7 av. J.-C. — SGDI 1724 [Grakov 1939, n° 97; Reilly 1978, n° 3058; Cojocaru 2004, 379, n° 185; LGPN IV (31); Avram 2012, 298, n° 190]; PPE 2800. 11. Φίλα (II) — affranchie — τὸ γένος Σαρματίς — ca. 153–144 av. J.-C. — Amandry 1943, 71–72, n° 2 [LGPN IV (32); Reilly 1978, n° 3057; Avram 2012, 298, n° 191]; PPE 2801. 12. Φιλοκράτεια — affranchie — τὸ γένος Σαρμάτη — 142/1 av. J.-C. — SGDI 2142 [Grakov 1939, n° 95; Reilly 1978, n° 3123; Cojocaru 2004, 379, n° 186; LGPN IV (2); Avram 2012, 298, n° 192]; PPE 2802. 13. Ignota — affranchie — [τὸ γένος] Σαρματίς — ca. 153–144 av. J.-C. — SGDI 2108 [Grakov 1939, n° 98; Cojocaru 2004, 380, n° 205; Avram 2012, 298, n° 193]. Naupacte 14. Φρυνέα — affranchie — τὸ γένος Σαρμάτισσα — peu après 137/6 av. J.-C. — IG IX.12.3 638, 3 [Reilly 1978, n° 3185; LGPN IV; Avram 2012, 298, n° 194]; PPE 2803. Physkeis (Locride) 15. [Σ]ωσώ — affranchie — τὸ γένος Σα[ρματίς] — milieu du IIe siècle av. J.-C. — IG IX.12.3 679 [Reilly 1978, n° 2838; LGPN IV (3); Avram 2012, 298, n° 195]; PPE 2804. Rhodes 16. Ἀθανώ — esclave — Σαρματίς — première moitié du IIe siècle av. J.-C. — SGDI 4060 = IG XII.1 525 [Grakov 1939, n° 115; Morelli 1955, 183; Cojocaru 2004, 370, n° 5; LGPN IV; Avram 2012, 299, n° 197]; PPE 2806. 17. Ἡσύχιον — esclave — [Σα]ραμάτισσα (sic; plutôt [Σα]ρ{α}μάτισσα) — date incertaine — Jacopi 1932, 227, n° 95 [Morelli 1955, 183; Avram 2012, 299, n° 198]. 18. Ignota — esclave — Σαρματίς — ? époque hellénistique — Papachristodoulou 1979, 433 (SEG 38, 789) [Avram 2012, 299, n° 199]; PPE 2807.

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ALEXANDRU AVRAM

D. ESCLAVES

ET AFFRANCHIS DÉSIGNÉS COMME ‘MÉOTES’

Athènes 1. Δόλων — esclave — Μαιώτης — IIe siècle av. J.-C. — IG II2 9252 [FRA 3450; Cojocaru 2004, 373, n° 65; LGPN IV; Avram 2012, 290, n° 100]; PPE 2479. 2. Ἰάς — esclave — χρηστή — Μαιῶτις — IVe siècle av. J.-C. — IG II2 9253 [FRA 3451; Bäbler 1998, 282, n° 127; Cojocaru 2004, 374, n° 92; LGPN IV; Avram 2012, 290, n° 101]; PPE 2480. 3. Κέρδων — esclave — Μαιώτης — IIe siècle av. J.-C. — IG II2 9254 [FRA 3452; Cojocaru 2004, 375, n° 105; LGPN IV (9); Avram 2012, 290, n° 102]; PPE 2481. 4. Μόνιμος — esclave — Μαιώτης — IIIe/IIe siècles av. J.-C. — Vanderpool 1966, 283, n° 10 (SEG 23, 144) = Sympleroma 1208 [FRA 3454; Cojocaru 2004, 376, n° 119; LGPN IV (7); Avram 2012, 290, n° 104]; PPE 2483. 5. Πίστος — esclave — Μαιώτης — ? basse époque hellénistique — IG II2 9257 [FRA 3456; Cojocaru 2004, 377, n° 141; LGPN IV (7); Avram 2012, 290, n° 106]; PPE 2485. 6. Σωτήρ[ιος?] — esclave — χρηστ[ός] — Μαιώτη[ς] — ? IIe/Ier siècles av. J.-C. — AthAg XVII 536 = Sympleroma 1210 [FRA 3457; Cojocaru 2004, 379, n° 177; LGPN IV (1); Avram 2012, 290, n° 108]; PPE 2487. 7. [ - ]ίκας ([Δο]ρκάς, Papadopoulos dubitanter) — esclave — χρηστή — Μαιῶτις — date incertaine — Sympleroma 1211 [FRA 3458; Avram 2012, 290, n° 109]; PPE 2488. Rhamnonte 8. Ἀρτεμίσ[ιος] — esclave — Μαιώτ[ης] — IIe siècle av. J.-C. — I.Rhamnous 234 = Sympleroma 795 [LGPN IV (3); Avram 2012, 290, n° 110]; PPE 2489. Ἀρτεμισ[ία] ∕ Μαιῶτ[ις] également possible. Méthana 9. Ignotus — esclave — Μαιώτης — date incertaine — IG IV 866 [Cojocaru 2004, 380, n° 201; Avram 2012, 290, n° 111]; PPE 2490. Delphes 10. Ἀγάθων — affranchi — τὸ γένος Μαιώτας — 182/1 av. J.-C. — SGDI 1992 [Grakov 1939, n° 91; Reilly 1978, n° 65; Cojocaru 2004, 370, n° 2; LGPN IV (32); Avram 2012, 290, n° 112]; PPE 2491.

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11. Εὐταξία — mère de Παρνάσσιος — affranchie (avec sa fille, Παρνάσσιος τὸ γένος οἰκογενής) — τὸ γένος Μαιῶτις — ca. 153–144 av. J.-C. — SGDI 2163 [Grakov 1939, n° 92; Reilly 1978, n° 1132; Cojocaru 2004, 374, n° 77; LGPN IV (1); Avram 2012, 290, n° 113]; PPE 2492. Rhénée 12. Δαμᾶς — esclave (Πρωτάρχου χρηστός) — Μαιώτης — fin du IIe – début du Ier siècle av. J.-C. — Klaffenbach 1964, 16–17, n° 28 (SEG 23, 381; cf. Bull. ép. 1965, 61) = EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 1 [Cojocaru 2004, 372, n° 53; LGPN IV (9); Avram 2012, 291, n° 115]; PPE 2494. Cf. Robert 1959, 187 = Robert 1989, 217, avec n. 1. 13. Ἡρακλείδς — esclave (Πρωτάρχου χρηστός) — Μαιώτης — fin du IIe – début du Ier siècle av. J.-C. — EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 11 [Cojocaru 2004, 374, n° 87; LGPN IV (109); Avram 2012, 291, n° 116]: voir supra; PPE 2495. 14. Ἰσίδωρος — esclave (Πρωτάρχου χρηστός) — Μαιώτης — fin du IIe – début du Ier siècle av. J.-C. — EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 1 [Cojocaru 2004, 375, n° 98; LGPN IV (30); Avram 2012, 291, n° 117]: voir supra; PPE 2496. 15. Νικίας — esclave (Πρωτάρχου χρηστός) — Μαιώτης — début du Ier siècle av. J.-C. — EAD XXX 418 = IG IX.12.4 1778, l. 12 [Cojocaru 2004, 376, n° 128; LGPN IV (32); Avram 2012, 291, n° 118]: voir supra; PPE 2497. Rhodes 16. Διονυσόδω[ρο]ς — esclave — χρηστός — Μαιώτας — ? époque hellénistique — NS 229 [Grakov 1939, n° 113; Morelli 1955, 182; Cojocaru 2004, 373, n° 63; LGPN IV (20); Avram 2012, 291, n° 119]; PPE 2499. 17. Εἰήνα — esclave (plutôt qu’épouse) d’un quelconque Ἑρμ[ο]πολίτ[ας] — χρηστά — Μαιῶτις — ? époque hellénistique — Hiller von Gaertringen 1898, 394, n° 64 = SGDI 4351 [Morelli 1955, 182; LGPN IV (10); Avram 2012, 291, n° 120]; PPE 2503. 18. Λυσίμαχος — peut-être époux de Σαπίς — esclave — χρηστός — Λυσίμαχος καὶ Σαπὶς Μαιῶται — IIe/Ier siècles av. J.-C. — Jacopi 1932, 232, n° 122 [Morelli 1955, 182; LGPN IV (78); Avram 2012, 291, n° 121]; PPE 2500. 19. Σαπίς — peut-être épouse de Λυσίμαχος — esclave — Jacopi 1932, 232, n° 122 [Morelli 1955, 182; LGPN IV; Avram 2012, 291, n° 122]; PPE 2501. Cf. Fraser 1977, 56: ‘probably slaves, or at least of humble origin, seem to have been buried together’. 20. Τίμων — esclave — Μαιώτας — Ier siècle av. J.-C. — IG XII.1 514 = SGDI 4055 [Grakov 1939, n° 114; Morelli 1955, 182; Cojocaru 2004, 379, n° 178; LGPN IV (2); Avram 2012, 291, n° 123]; PPE 2502.

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ALEXANDRU AVRAM

Chalcis (Eubée) 21. Γέλων — esclave — Μαιώτης — époque hellénistique — Karapaschalidou 2000, 413 (SEG 56, 1025; cf. D. Knoepfler, Bull. ép. 2011, 341bis); PPE 3309.

BIBLIOGRAPHIE Abréviations AD AthAg XVII Bull. ép. CAT DPhA EAD XXX FD III FGrHist FRA I.Cos I.Heraclea I.Rhamnous IG LGPN NS PPE SEG SGDI SGHI Sympleroma

Αρχαιολογικόν Δελτίον (A = Μελέτες, B = Χρονικά). D.W. Bradeen, The Athenian Agora XVII: The Funerary Monuments (Princeton 1974). Bulletin épigraphique. Dans Revue des études grecques (Paris). C.W. Clairmont, Classical Attic Tombstones (Kilchberg 1993). R. Goulet (éd.), Dictionnaire des philosophes antiques (Paris 1994– ). M.-T. Couilloud, Exploration archéologique de Délos XXX: Les monuments funéraires de Rhénée (Paris 1974). Fouilles de Delphes III: Épigraphie (Paris 1909–85). F. Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker (Berlin/Leyde 1923–54). M.J. Osborne et S.G. Byrne, The Foreign Residents of Athens. An Annex to the ‘Lexicon of Greek Personal Names’ (Studia Hellenistica 33) (Louvain 1996). M. Segre, Iscrizioni di Cos (Monografie della Scuola Archeologica di Atene 6) (Rome 1993). L. Jonnes, The Inscriptions of Heraclea Pontica (Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien 47) (Bonn 1994). V. Petrakos, Ὁ δῆμος τοῦ Ῥαμνοῦντος. Σύνοψη τῶν ἀνασκαφῶν καὶ τῶν ἐρευνῶν, 1818–1998, t. 2: Οἱ ἐπιγραφές (Βιβλιοθήκη τῆς ἐν Ἀθήναις Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρίας 182) (Athènes 1999). Inscriptiones Graecae (Berlin 1903– ). A Lexicon of Greek Personal Names (Oxford 1987– ). A. Maiuri, Nuova silloge epigrafica di Rodi e Cos (Florence 1925). A. Avram, Prosopographia Ponti Euxini externa (Colloquia Antiqua 8) (Louvain/Paris/Walpole, MA 2013). Supplementum epigraphicum Graecum (Leyde 1923– ). H. Collitz, F. Bechtel et al., Sammlung der griechischen DialektInschriften (Göttingen 1884–1915). M.N. Tod, A Selection of Greek Historical Inscriptions (Oxford 1933; 1948). V.N. Bardani et G.K. Papadopoulos, Συμπλήρωμα τῶν ἐπιτυμβίων μνημίων τῆς Ἀττικῆς (Βιβλιοθήκη τῆς ἐν Ἀθήναις Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας 241) (Athènes 2006).

Amandry, P. 1943: ‘Actes d’affranchissement delphiques’. Bulletin de correspondance hellénique 66–67 (1942–43), 68–83. Ameling, W. 1994: ‘Prosopographia Heracleotica’. Dans I.Heraclea, 115–68.

UNE QUESTION D’IDENTITÉ DANS LE MONDE COLONIAL

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GREEKS ON BOTH SIDES: INTERACTIONS BETWEEN COLONISTS AND LOCAL PEOPLES IN ANCIENT EPIRUS* Adolfo J. DOMÍNGUEZ

Abstract This paper analyses the ways of contact between the Greek colonies established in and around Epirus and the local populations of this territory from the known evidence. After examining in detail how each of them (Corcyra, Ambracia, Apollonia) interacted with the Epirote territory, I try to show how the fact that the local populations of Epirus spoke Greek could have favoured these processes of interaction. The political and social development of Epirus from the 5th and 4th centuries BC can be explained, to a large extent, by these circumstances. Likewise, the construction of a Greek identity among the Epirotes has been favoured by these colonisation processes.

1. INTRODUCTION The territory to the north of the Ambracian Gulf and on the coast of the Ionian Sea, which in time would be known as Epirus, was already visited by Greeks of different origins in the Mycenaean period.1 In some coastal and inland areas, this Mycenaean presence may have had an important influence. Permanent settlements may have even arisen in some spots, in particular around the old mouth of the Acheron river2 and the River Thyamis (now known as the Kalamas).3 In the same way, the role that one inland centre, Dodona, played in the Mycenaean period is still a matter of debate. The Dodona sanctuary went on to be of great importance in later centuries and indeed is one of the sites in Epirus to provide us with the most Mycenaean elements.4 Whether or not it was a cult area in the 2nd millennium BC cannot, at present, be confirmed in full.5 Nevertheless, the fact that Dodona was already a widely known and * This article has been written as part of Research Project HAR2014-53885 funded by the Spanish Ministry of Economy, Industry and Competitiveness. 1 T. Papadopoulos 1976; Soueref 2001. 2 Tartaron 2001; 2004; 2005. 3 Tartaron 2017, 211, 216. 4 Soueref 2001, 49–51. 5 Kleitsas 2014.

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visited sanctuary in Homer suggests that at least in the 8th century BC its fame as a centre of an Oracle had spread well beyond the inland regions of Epirus (Figs. 1–2). Another topic to consider is the Greek character of the Epirotes. Here is not the place to define the Hellenicity of the Epirotes, though, because it would be difficult to know whether even the Greeks from the 8th century had considered what it meant to ‘be Greek’.6 I will limit myself an observation on the language spoken by the Epirotes. Although the appearance of writing in Epirus was relatively late compared with the rest of the Greek world, we know that the oldest surviving examples show that the Greek alphabet was used in Epirus to write the Greek language.7 Regardless of ancient debates on the languages spoken in ancient Epirus, it is accepted nowadays that the Epirote peoples spoke Greek8 in particular north-western Doric, although it was almost certainly not a homogeneous territory in this respect.9 There is no convincing evidence to suggest that other non-Greek groups lived in the territory, despite the fact that some ancient authors (Thucydides 2. 80. 5–7) saw Epirotes as barbarians. I shall return to this point later. The limitations imposed by the epigraphic sources of Epirus, written always in Greek, may reflect just part of the reality and may hide the influences of other neighbouring languages, such as Illyrian, especially in the north. Although some authors highlight this possibility,10 this does not mean that we cannot be certain that a significant part of the local Epirote peoples must already have spoken Greek in Epirus or in surrounding areas when the first colonists from other areas of southern Greece settled there. It is also interesting to note that, despite the importance that the Corinthian colonists had in Epirus, the type of alphabet used by the local peoples in this territory, as we see in the Dodonaean tablets, does not derive from the alphabet of Corinth but rather reflects a different typology, and may have Euboean origins.11 We do not know whether the Greek colonists saw the Epirote peoples as ‘Greek’ or not. Neither can we be sure to what extent a ‘Greek identity’ had developed in the 8th century. In the same way, we do not know if the Epirote peoples considered themselves to be Greek or not, although the reply to this 6

Hall 2004. Lhôte 2006, 332. 8 Méndez Dosuna 1985, 18–19. 9 Filos 2015, 40, 43; 2018, 224–42. 10 Filos 2015, 41; 2018, 215–47. 11 Lhôte 2006, 332: ‘l’alphabet de Dodone n’a aucun rapport avec l’alphabet corinthien: l’alphabet corinthien est plutôt du type “bleu” et l’alphabet de Dodone est plutôt du type “rouge”, c’est-à-dire de type eubéen’; Filos 2015, 44. 7

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Fig. 1. Main places mentioned in the text (© A.J. Domínguez).

question may well be negative. In any case, both the Greeks who began to visit the Epirote shores throughout the 8th century and the peoples who lived on this coastline spoke the Greek language. We do not know if this was of great importance, although it may have made it easier for Greeks to visit the region, and this is confirmed by the knowledge that the Greeks had of Dodona in the 8th century, as well as other finds of pottery of the 8th century from inland Epirus that will be mentioned later. The archaeological finds from this time made in the sanctuary,12 as well as the references to the same in Homer, are proof of Greek visits to Dodona and its religious nature. Despite certain attempts 12

Dieterle 2007, 170–81; Choinas 2016, 132.

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Fig. 2. Areas of influence of the Corinthian colonies (© A.J. Domínguez).

to interpret Homer’s references to the peculiar priests of the sanctuary, the Selloi, as evidence of its different nature,13 both Achilles’ invocation (Iliad 16. 233–237) and Odysseus’s visit (Odyssey 14. 327–330; 16. 296–299) suggest that it was a familiar spot. In the latter case, Odysseus’s visit to the sanctuary was encouraged by his friendship with Pheidon, king of Thesprotia (Odyssey 14. 314–317; 19. 287–290). With a more precise date, its mention in Hesiod (frags. 240, 319) is another point in favour of it being known to the Greeks before the end of the 8th century. I will not deal here with the question of the ‘Pelasgian’ nature of the sanctuary, as suggested in Homer and Hesiod.14 13 14

Nilsson 1967, 427. McInerney 2014.

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2. THE GREEK COLONIES IN LAND AROUND EPIRUS. AN OVERVIEW Let us now look at the information given in literary sources on the Greek colonies established in or next to Epirote territory. First, let us deal with the supposed Eleian colonies that are only mentioned in a speech attributed to Demosthenes (7. 32) that refers to the control over them that Philip of Macedonia had in 343/2 BC. Whilst their existence has, generally speaking, been accepted, based on what is in reality an exaggerated or incorrect interpretation of archaeological evidence,15 I believe that I have demonstrated with strong arguments that these Eleian colonies did not, in fact, exist.16 With this in mind, there are only two other groups of colonies, which also have a notably different presence in literary tradition. On the one hand, the colonies or establishments of Euboean origin and, on the other hand, those of Corinthian origin. With regards to the Euboean settlements, our main source evidence is Plutarch (Moralia 293 a–b) who refers to the fact that the first settlers in Corcyra were from Eretria, expelled by force by the Corinthians who had beaten them in a war (meta dunameos kai to polemo kratountos). Although research has not unearthed much archaeological evidence to support this first possible Euboean colonisation,17 some authors have insisted upon the real existence of a first Euboean settlement on the island, basing themselves on other arguments,18 even when others still reject this possibility.19 In any case, in other parts of Epirus and adjacent areas a Euboean presence is also noted, in places such as Orikon (Ps.-Scymnus 441–443) or the land of the Amantes (Pausanias 5. 22. 2–4), although these link back to the emigrations that took place after the Trojan War.20 It is difficult to ascertain exactly whether this Euboean presence consists of a process of colonisation or if, on the contrary, it should be considered as contact. This contact, of a difficult nature to pinpoint, would have been instigated by peoples of Euboean origin sailing through these waters and taking advantage of the important presence of Euboean cities in the Italian Peninsula and Sicily from at least the middle of the 8th century BC. In this way, although at this stage we cannot give more detail, it should not be forgotten that the local alphabet used at the Dodona sanctuary may perhaps be related to a Euboean alphabet.

15

Dakaris 1971. Dominguez 2015; 2017. 17 Kallipolitis 1982. 18 Kalligas 1982; Antonelli 2000; Cabanes 2008, 163–65; Sasel Kos 2015, 8–9; Psoma 2015, 145–46. 19 Morgan 1998. 20 Domínguez 2014; Metallinou 2010, 13–15. 16

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It is the colonists of Corinthian origin who will undoubtedly go on to have the greatest presence in Epirus. Let us disregard other places that on occasion may have had an impact on Epirote territory21 and focus on the three that may have been most active in Epirus. On the one hand, Corcyra and Apollonia which, although not strictly located in Epirus, are in its immediate surroundings and, on the other hand, Ambracia, which is in Epirote territory. The oldest of these three colonies, and undoubtedly the most powerful, was Corcyra. There is little doubt that, whether or not there was an initial Euboean settlement there, the Corinthian colony existed towards the end of the 8th century BC, as archaeological finds (though few in number) show.22 Ancient authors, such as Strabo (6. 2. 4), date this colony back to around the time of the founding of Syracuse. Although we should perhaps not take this in a fully literal sense it does, in any case, show that the occupation of Corcyra by Corinthian colonists would in effect date back to the last quarter of the 8th century BC. New discoveries or the publication of excavation materials may modify this data or make it more specific.23 With regards to Apollonia of Illyria, this was a joint establishment between Corinth and Corcyra (Ps.-Scymnus 439–440; Strabo 7. 5. 8; Pausanias 5. 22. 5), although other authors consider it to be a purely Corinthian settlement (Thucydides 1. 26. 2; Pliny NH 3. 26, 145; Plutarch Moralia 552e; Dio Cassius 41. 45; Stephanus of Byzantium. ss.vv. Apollonia and Gulakeia).24 Our sources do not give us much information on the date it was founded, but archaeological discoveries, in particular the Corinthian pottery found in the necropolis, suggest that the Greeks settled there at the end of the 7th century BC, between 610 and 600 BC.25 Its important relationship with the Aoos river, situated 10 stadia from the city, is highlighted by several ancient authors (Hecataeus FGrHist 1 F 102b–c; Herodotus 9. 93; Strabo 7. 5. 8). Finally, let us now turn to Ambracia. This Corinthian colony was founded by Gorgos, one of Cypselos’s bastard sons, in around 625 BC. It was located at a distance from the coastline of the Ambracian Gulf, but still linked to it via the Arachthos river (Strabo 7. 7. 6). Other authors specify that the colony was situated in Thesprotia (Stephanus of Byzantium s.v. Ambrakia). Pottery fragments have been found that date to before the colony’s founding, including Corinthian geometric pottery from throughout the 8th century (Middle and Late Geometric styles) sometimes alongside local traditional handmade pottery. 21 22 23 24 25

Macedonia, Acarnania, Aetolia and Thessaly. Kallipolitis 1982. Preka-Alexandri 2010, 28. Antonelli 2000, 108–09. Bereti et al. 2007, 129–31.

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Some finds have even been dated earlier (pieces from the Protogeometric period, perhaps from the north-western Peloponnese or Ithaca).26 This has led to the suggestion that there was a Corinthian settlement in the region beforehand that would have interacted with the local peoples living there, as the pottery remains discovered would suggest. That settlement is said to have lasted 150 years and to have enjoyed peaceful relationships with the local peoples.27 Some remains of tombs have also been found from this period that correspond to this small settlement and that assist us in dating it.28 The finds from different areas of the current city Arta29 do not provide any evidence of a developed urban scene or even proof that walls once stood there. This makes it difficult to identify what kind of settlement this may have been. In any case, it is quite likely that it was not of an urban nature and was, at best, an area dedicated to trade and cultural exchange. We cannot even be fully certain, given the sparse archaeological evidence, that it had a continual existence throughout the period of time suggested by some authors. Despite this, the presence of these materials that date to different moments throughout the 8th century do demonstrate Corinth’s interest in Epirote territory, possibly around the same time that they became interested in Corcyra, where they would eventually settle. Also interesting to note is the presence of locally produced pottery in the same levels from the 8th century from Ambracia. This is because it indicates a certain degree of interaction with the local peoples, although we cannot ascertain what kind of contact this may have been. In the same way, the fact that Ambracia is several kilometres inland would suggest that the Corinthians who visited this area must have done so with the approval of the locals. Another point to highlight, especially in the second half of the 8th century, is that bronze tripods begin to appear in Dodona.30 This would indicate the beginnings of a cult in the sanctuary and the arrival of exotic products there. Although we cannot be sure, given the information mentioned above, it is quite probable that one of the routes for foreign visitors to Dodona may have begun in what would then become Ambracia, although there were also other routes (though with less archaeological support). We should not forget that this city was the starting point, at least in the 5th century, for the overland route mentioned by 26

Vokotopoulou 1982, 78–86. Vokotopoulou 1982, 97; Tzouvara-Souli 1992, 16; Pliakou 1999, 49–50. 28 Pliakou 2000, 76. 29 Plot O.T.E. in Zerva Square, plot Κούρτη, in the street Ayios Vasileios 26 and plot Osios Gregorios, in front of the church of the Ayii Anargiri. 30 Evangelidis 1956, 155; 1958, 105; Evangelidis and Dakaris 1959, 176; Dieterle 2007, 170–91; Pliakou 2008, 144; Kleitsas 2016, 70; Vasileiou 2016, 59. 27

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Thucydides that linked this region with the area in which, at that time, the city of Apollonia stood (Thucydides 1. 26. 2). On the other hand, the references in Homer to Odysseus’s visit to Dodona, mentioned above, suggest that he travelled to the sanctuary via Thesprotia and thanks to his friendship with Pheidon (Odyssey 14. 316–330). It is also the case that Ambracia was located in this territory, as indicated by authors such as Stephanus of Byzantium (s.v. Ambrakia).31 Whether or not Homer’s tale resonates the real relationships that may have existed between Greek sailors and the local peoples of Thesprotia is not certain. However, the arrival of valuable objects in the area around Dodona in the second half of the 8th century suggests both a desire amongst the local peoples to open up the sanctuary to others and the existence of certain guarantees for those who undertook the journey there, ensuring that they and their belongings were protected. Finally, and although not a necessary requirement, it is probable that these interactions, which are confirmed in Homer and are at least partially confirmed by archaeology, may have been encouraged by the fact that both parties shared certain values, including the fact that they both spoke the same language. In this way, and although the existence of men of Corinthian origin in a place that with time would occupy the polis of Ambracia would have initiated contact between groups from southern Greece and the local inhabitants of Epirus, it is quite probable that the influence of a polis like Corcyra may have been greater in the short term. Consequently, let us begin with Corcyra. 3. CORCYRA AND WESTERN EPIRUS Although we lack a great amount of detail on how quickly this city developed in the earliest stages of the Archaic period and the stages of occupation of the whole island on which the polis of Corcyra stands, it cannot be denied that it was its strategic positioning on the routes that linked the Ionian Sea with the Adriatic and the central Mediterranean that led to the city’s notable growth. In this context, the control that it had over the straits that separated the island from the continent, especially to the north, where the distance is much less (2.5 km), must have been a priority for the city, at least when it began to become a naval power. And this seems to have happened relatively early on. One well-known event mentioned by Thucydides is that during the civil war that broke out in Corcyra in 427 BC, the surviving members of the aristocracy (around 500 in number), took hold of a series of forts owned by the city on the mainland and from there organised raids on the island (Thucydides 3. 85. 31

Ambrakia, polis Thesprotias.

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2). Although this does not imply that in the Archaic period this was already the situation, it does seem possible that from an earlier date Corcyra had shown interest in continental areas. This is also supported by the archaeological evidence referred to later on. With this in mind, let me mention a few places of interest. The first of these is Bouthroton. In the eastern saddle of the acropolis, remains have been found of what has been interpreted as a sanctuary that would have been established at the beginning of the 7th century BC. In the centre of the eastern side of the acropolis a large south-facing wall was found dating to the 6th century BC and constructed of polygonal masonry. It seems to have been a terracing wall to create a platform on which to install a great altar. There were no buildings but there was a thick layer of tiles, which indicates that there had once been some there. A series of imported pottery of good quality was also found, which supports the idea that a sanctuary once existed in the area. Another polygonal wall was built some time later than the first and, with part of it supported by the first wall, it widened the terrace towards the west. In addition to this function, it also seems to have been an important visual marker for the whole area, in particular for those who approached the site from the south. As the wall does not continue along the rest of the hill, it has been suggested that it was not used for defence but that, in addition to its functional use, it would have been used to mark out the boundaries of the sanctuary’s temenos. The whole area seems still to have been used in the Hellenistic period, without doubt for religious reasons, as is supported by some of the repairs made to the oldest part of the ancient wall. On the other hand, on the westernmost part of the hill on which Bouthroton stands, what is thought to be a bothros was excavated. This bothros contained pottery from the 7th and 6th centuries (including fragments of Little Master Cups), indicating the presence of another cult area. It seems that the site remained abandoned between ca. 475 and 350 BC. At the beginning of the 3rd century BC, a sanctuary to Asclepius was built at the foot of the acropolis and from this moment on, this seems to have become an important point of interest for the city.32 The Archaic pottery found at Bouthroton is for the most part of Corcyrean origin.33 Bouthroton was resettled between ca. 350 and 300 BC by the Chaonians.34 On a Late Antique gate an architectural element was reused, clearly from the Archaic period, with a relief depicting a lion devouring a bull. Whether 32 Greenslade et al. 2013, 47–52; Hernandez 2017, 220–30, 245–49 gives an alternative chronology and interpretation for these walls. 33 Haxhis 1998. 34 Hernandez 2017, 256–58.

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this is the architrave of an Ionian temple, as was initially thought35 or the lintel of a monument entrance,36 it is an element of undoubted importance for our appreciation of the degree of monumentalisation that the site reached in the Archaic period. The relief dates to the last quarter of the 6th century BC, although the fact that it was reused means that we cannot be sure of its original location or use. Notwithstanding, Hernandez has suggested recently that this frieze must belong to a temple dedicated (according to him) to Athena Polias, placed on the acropolis, beneath the later Christian basilica; he has also suggested close similarities between this temple and the Kardaki temple at Corcyra.37 The obvious presence of material elements that point towards the Greek world and that have no direct parallels in Archaic Epirus seems to indicate that Corcyra was active in the area, being perhaps part of its peraia.38 It is yet to be ascertained whether this is in fact a stable Corcyrean settlement in the region, or just a point of exchange or emporion. Another possibility is that this is a local settlement that, through contact with the Corcyrean world, initiated a process of cultural appropriation of certain elements, essentially religious in nature, in a process of territorial, and eventually political, organisation. Whatever the case may be, current research has unearthed hardly any signs that this was a local settlement, at least in what has been published to date. For this reason, it is difficult to see how the local peoples may have participated, although the sanctuary, which appears to have been one of the most prominent elements of the site for a considerable amount of time, seems to have played an intermediary role between colonising groups and the locals. The dubious adscription of the lion relief to a sanctuary or a monument entrance means that we cannot give more information but, in any case, it is important evidence of the residents of Bouthroton’s ability to carry out important construction work in the 6th century BC. I am therefore inclined, given the information available, to consider Bouthroton to be a site linked to the city of Corcyra, one that may have been a stopover or control centre for the straits and, at the same time, an area of trade and cultural exchange with the local peoples. There is insufficient information at hand to know whether the Corcyrean occupation was received without resistance and with the approval of the local peoples. Nor do we know whether the Trojan legend in which Bouthroton played a significant role was of importance at that time (Virgil Aeneid 3. 291–505).39 35 36 37 38 39

Ugolini 1942, 61–63. Pojani 2007, 63. Hernandez 2017, 230–44. Arafat and Morgan 1995; Greenslade et al. 2013, 4; Hernandez 2017, 212. Biraschi 1983.

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In other locations close to Bouthroton, such as Cape Stillo or Vagalat, walled-off areas have been discovered, fashioned with Cyclopean masonry, with parallels in other parts of Epirus, in the same way as their material culture. These remains date to the long period between the Bronze Age and the beginnings of the Iron Age (1700–900 BC). No remains of Greek pottery have been found there, suggesting that they must have been abandoned by the 8th century. Both their building techniques, using large blocks of stone, and their location at key points for overland links in the area, do however suggest that a local population of relative importance existed here before the Greeks. What is more, perhaps these peoples interacted with other more southerly areas (Ephyra and Kastriza at the mouth of the Acheron) where a Mycenaean presence has been documented.40 Although the example of Bouthroton may be the most important one, it is not the only area that seems to provide evidence for a Corcyrean interest in Epirote land. If we move southwards, we find a panorama that may be comparable to a certain extent with what we have seen. Facing this part of the island is another Epirote region of great importance: the area surrounding the mouth of the River Thyamis (nowadays the Kalamas), which provided an inland route into Epirus. Certain settlements of clear interest have been discovered all over this area. First, Pyrgos Ragiou, where a fortified site was built in the Classical period, clearly to control the area around the mouth of the river, especially if we bear in mind that in antiquity the area must have been an island or at most a peninsula. It is one of the sites that has been suggested to have had a link with Corcyra’s establishment of Toroni or Toryne, which is usually identified with Lygia.41 Information is sparse for the Archaic period, however, and the presence of some terracotta remains recovered in digs carried out to the southeastern part of the wall are of particular interest. These finds date back to between the beginning of the 6th and the middle of the 5th century; the oldest, of the kind that depict a standing girl, have parallels in similar terracottas discovered in Neochori and Mastilitsa. Three heads have also been found with a polos that date to between the beginning of 6th century and beginning of 5th century and a figure on a throne with a peplos dress from the mid-5th century. All are Corinthian or Corcyrean, though the remains of another terracotta were also found and it has been suggested that it is of Attic origin, dating to 7th century BC.42 It is thus possible that in the Archaic period there was a cult 40

Lima 2013. Funke et al. 2006, 349; Tzortzatou and Fatsiou 2006, 42–43; Metallinou 2008. It was Dakaris (1972, 32–34) who made the identification based on the sources: Ptolemy Geog. 3. 14. 5; Strabo 7. 7. 5; Theophr. Hist. pl. 4. 8. 8; Pliny NH 18. 122. 42 Tzortzatou and Fatsiou 2006, 69–70. 41

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area on this hill, even though we cannot be sure whether there were other kinds of structures there too. Pyrgos Ragiou is without doubt linked to a much more important settlement located nearby and visible from it. This settlement stood on the peninsula of Lygia and some authors have identified it as the old Toroni, which was supposedly a colony of Corcyra and was part of the island’s peraia.43 The site spreads over three hills: on the easternmost there is a small fort that controls the access to the peninsula on which the settlement stands. It is generally accepted that it dates back to before 427 BC. To the west of this hill there is a second one, which seems to have been the main hill. There is a larger fort on this middle hill and remains of old buildings have been found there. Based on these finds, this settlement has been dated to between the 5th and 3rd centuries. The westernmost hill has the largest fortified precinct of the three; based mainly on historical criteria, it dates to between 427 and 343/2 BC.44 Despite what some authors have suggested, there is no exact data on the location of Toroni or Toryne except for the reference in Ptolemy, who positions it between Sybota and the Acheron (Geog. 3. 14. 5) and who cannot confirm whether or not it is a colony of Corcyra. We are also unsure if these two names refer to the same place or to two different ones. In the same way, the chronological data taken from the mural typology,45 above all, is not particularly precise. In the bibliography, these fortifications appear as the oldest in Thesprotia46 and are seen as proof of Corcyrean control over this part of Epirus’s coastal territory.47 Although the archaeological data is not indisputable, the area’s topography, its proximity to Corcyra and historical arguments48 mean that it is indeed plausible that we have here an area that was visited by Corcyrean colonists from the Archaic period onwards. Despite this, we cannot be sure when these fortified precincts were built and by whom. Where we may be able to witness some kind of external influence is in another settlement, some kilometres to the north. This is called Mastilitsa or Masklinitsa and is located on a hill of clear strategic value: from here watch can be kept over a wide stretch of land, including Lygia and Pyrgos Ragiou, as well as part of the plains of Kalamas. Following the accidental discovery of a necropolis from the Classical, Hellenistic and Roman periods, research was 43 Dakaris 1972, 32–34; Ptolemy Geog. 3. 14. 5; Strabo 7. 7. 5; Theophr. Hist. pl. 4. 8. 8; Pliny NH 18. 122; Funke et al. 2004, 349. 44 Vlachopoulou-Oikonomou 2003, 160–62; Tzortzatou and Fatsiou 2006, 61. 45 Dakaris 1972, 147. 46 Riginos 2006, 131. 47 Dakaris 1972, 147. 48 Christophiopoulou 2004.

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conducted in the area and a fortified settlement and remains of structures were discovered, although their dating is not clear.49 The necropolis was composed of cist tombs and some had been looted. Those that did hold remains contained mainly Attic pottery from the beginning of the 5th century.50 To the south of the necropolis a structure of great interest was discovered which has been interpreted as a cult-place. The building’s dimensions were 13.8 × 9.5 m, it faced in an east to west direction and it was made up of two quadrangular sections with other rooms around them, some of which were covered with tiles. The altar seems to have been positioned opposite the eastern façade because animal bones and some black-figure pottery were discovered inside. The materials found within the building date to the end of the 7th century and the 6th century, making this the oldest cult building discovered in the whole of Epirus. In addition to two undecorated Corinthian aryballoi, finds include spearheads, swords, arrowheads, bronze rings, bronze lotus-flower adornments and the fragments of a gold snake. Also found was a piece of terracotta representing a female deity that could date to the 6th century BC.51 As some authors have already noted, Mastilitsa is the first example of an organised settlement in Thesprotia, and references have been made to its ‘colonial’ character, linking it to Corinth or Corcyra. This is because there are no similar organised structures in Epirus until the 4th century. The inhabited centre does not provide us with much information other than displaying similar building structures to those of the sanctuary, although the remains of occupation point towards only the Late Classical and Hellenistic periods.52 The kind of tomb found in the necropolis, however, has no parallels in the area in either the local populations or in the Corinthian colonies, although it has been suggested that the prevalence of cist tombs may be due to the abundance of limestone in the area.53 The only feature worthy of comment regarding the grave-goods is the predominance of Attic pottery. Although on the shore of the Ionian Sea we have not come across significant evidence of contact with Greek colonists from before 7th century, chance discoveries from inland areas tell us that this contact must have occurred from at least the 8th century onwards. Evidence of this can be seen in sites such as Mavromandilia, located in the middle course of the Cocytus and as a result only accessible via land. A large deposit of pottery was found there, which had 49 50 51 52 53

Vlachopoulou-Oikonomou 2003, 163–65. Riginos 2004b, 65–66; Tzortzatou and Fatsiou 2006, 72–73; 2009, 46–50. Riginos 2004a, 232–33; Christophiopoulou 2004; Tzortzatou and Fatsiou 2006, 68, 70–73. Tzortzatou and Fatsiou 2006, 74–75. Tzortzatou and Fatsiou 2006, 73.

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undoubtedly fallen from a higher point nearby, mainly from the Geometric period. Thus it could date to the 8th and 7th centuries BC, although it is possible that there are older remains there as well. Most of this pottery was handmade and undecorated, but there are also examples of matt-painted and geometric pottery with painted decoration. Matt-painted pottery is of the usual type found in north-western Greece and has parallels in settlements such as Vitsa. The Geometric pottery corresponds to the Late Geometric and Subgeometric periods, although some pieces may be from the Middle Geometric. Most would date to between the 8th century and the beginning of the 7th century. The main types of pottery found are skyphoi, kotylai cups, kraters and oinochoes. The decorative motifs are those often used in the Geometric period. They seem to be mainly Corinthian and some may come from a workshop of some kind in western Greece, perhaps Ithaca. A Thapsos-class skyphos was also found. These pieces of pottery have been found to have parallels in Vitsa and Ambracia.54 The finds in Mavromandilia are similar to others made elsewhere in Epirus, where pottery from the Geometric period has been found. In addition to the sites already cited, these include the necropoleis of Kato Meropi in Pogoni55 and Liatovouni in Konitsa,56 as well as the settlement of Dourouti.57 The presence of Greek geometric pottery in inland areas of Epirus is proof, above all, that exchanges were taking place. These may have consisted of interaction between the local peoples and ultimately included contact, at least in coastal areas, between Greek traders and the Epirotes. Unfortunately, at present, and with the exception of Ambracia, the points where this contact may have taken place have yet to be located. In any case, this phase of interactions gave rise, from the 7th century onwards, to intensified activity with regards to new Greek settlements, starting undoubtedly with Corcyra. As we have seen, the problem here is whether or not in the 7th and 6th centuries the insular city had begun to develop the peraia that is documented for the final third of the 5th century. Based on the information that is available, I believe that it had already started to do so, and that this presence would consist of both Greek-style cult areas at sites such as Bouthroton and Mastilitsa and the likely development of a network of fortified points to control the coast and access to the mouth of the Thyamis (Pyrgos Ragiou, Lygia). All of these points are also located in continental areas facing the two extremes (north and south) of the island of Corcyra, which 54 55 56 57

Tzortzatou and Fatsiou 2006, 63–67; 2009, 39–43. E. Andréou 1991. Vlachopoulou-Oikonomou 2003, 93–94; Douzougli and J. Papadopoulos 2010. Vokotopoulou 1982, 77; Gravani 2004, 555–56.

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are the closest to the continent.58 Greek-style cultic practices must not have been too foreign to the local peoples and it is most likely that they did not seem too strange given the presence, though from the 6th century onwards, of some religious elements like terracottas. Such elements have been discovered, as we have seen, in Pyrgos Ragiou, although their presence here may be due to the fact that it was a control point for Corcyra. Another piece has also been found between Neochori and Gkrikas (Paramythia) alongside a range of Corinthian pottery. The terracotta depicts a female figure wearing a chiton, with a flower in one hand and a piece of fruit in the other. It dates to the first half of the 6th century BC, based on similar pieces from Corcyra.59 In the same way, on the western slope of the so-called ‘Nekromanteion’ some terracotta pieces have been found that could date to the end of the 6th century BC.60 The importance of the cults of female divinities, especially Artemis, in the Corinthian colonies has been underlined by some authors.61 Indeed, the presence of offerings, particularly those made of bronze, is of considerable importance for the Dodona sanctuary at this time (and in the 6th century in particular).62 Although Dodona represents an exception for Epirus throughout the Archaic period as a whole, there is little doubt that the activity carried out there and that attracted the Greeks from other areas would have an influence on the local peoples who also used the sanctuary. Despite this, both their ways of life and funerary customs were not drastically altered even when the number of Greek objects increased in both areas. In addition to the archaeological data, which suggest that Corcyra had a clear interest in Epirote land, we have well-known information from Thucydides who tells us that the oldest naval battle (naumachia) known was the one fought between Corinthians and Corcyreans 260 years before the end of the Peloponnesian War (ca. 664 BC) (Thucydides 1. 13. 4). Of course, we do not know the details of the type of battle nor where this took place.63 Until their alliance with Athens, the Corcyreans insisted that they had never before established voluntary alliances (Thucydides 1. 32. 4). Therefore, this battle must have been fought in their own waters or in areas that they considered theirs and within their area of interest. This may therefore mean that Corinth was threatening the interests of Corcyra both on the island and on the continent. It may 58 Hernandez 2017, 251–56 has recently dealt with the possible limits of the peraia of Corcyra. 59 Tzortzatou and Fatsiou 2006, 67–68. 60 Vokotopoulou 1973, 46; 1982, 77. 61 Quantin 2011. 62 Katsikoudis 2014, 43–52. 63 Antonelli 2000, 62–63.

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also be that their interest in having a large fleet dates back to the Archaic period; in the moments before the Peloponnesian War Thucydides tells us that they had 120 triremes (1. 25. 4). This fleet would have guaranteed them clear control over their surrounding area and Epirus must have been, without doubt, within its main range of activity. Between the end of the 7th century and the beginning of the 6th, Corcyra seems to have been controlled by Corinth, as we can see from the fact that the son of the tyrant Periander, Lycophron, governed the city and was killed there by the Corcyreans (Diogenes Laertius 1. 94). This led to 300 young men from the best families being sent in retaliation to Sardis to be castrated, although the Samians would finally free them, allowing them to return to their city. When Periander died the Corcyreans would have been freed from Corinthian control (Herodotus 3. 48–53; Diogenes Laertius 1. 95). Herodotus (5. 92) also recounts the episode of the embassy sent by Periander to consult the oracle of the dead in Thesprotia, which shows the growing Corinthian interest in Epirus at a time when control over Corcyra and the founding of new colonies allowed it. Clearly, it is the link between Corinth and Corcyra that allows these new settlements to take place, possibly including Apollonia and the northernmost Epidamnus (Thucydides 1. 24. 1–3). Corcyra’s naval and military projection in the area of Epirus is well represented by an invaluable epigraphic source, although its interpretation is a source of controversy. This is a funerary stele dedicated to a man named Arniadas who died valiantly amongst the ships in the waters of the Arachthos (IG IX.12.4 880). The epic tone of the inscription is evident, with clear Homeric references,64 and some authors have even seen influences from the epic poetry of Eumelus65 or echoes of ‘performed battle poetry’.66 The explicit reference to the place of death must have had clear social value, if we link the use of epic diction to a specific episode of relevance for his peers.67 The inscription is usually dated to between the end of the 7th century and the beginning of the 6th century BC68 and some authors suggest that Arniadas died in the conflict between Corcyra and its metropolis Corinth, when the latter was focused on founding Ambracia.69 However, although this is the most common interpretation, the vague dating means that it cannot be confirmed and 64

Lumpp 1963; Raubitschek 1968. Friedländer and Hoffleit 1948, 29–30. 66 Bowie 2010, 357. 67 Derderian 2001, 101; Camerotto 2015, 43–44. 68 Jeffery 1990, 233–34. 69 Antonelli 2000, 101–12; Fantasia 2017, 25; Tzouvara-Souli 1992, 17–18 identifies the battle in which Arniadas died with the conflict between Corinth and Corcyra mentioned by Thucydides 1. 13. 4. 65

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it could equally be possible that Corcyra, under control of the Cypselidai may have helped Corinth found Ambracia. It may also be the case that this founding was not as peaceful as on some occasions is assumed. If this were the case, Arniadas would not have died at the hands of Corinthians but ultimately at the hands of the local peoples. We know that hostility continued with the local peoples: almost half a century later a cenotaph was built by the Ambraciots in honour of a number of dead in a battle with the Pyraiboi or Perrhaebi, as we shall see later. In any case, this Arniadas is clearly one of the members of Corcyrean aristocracy (the Kerkuraion andron ton proton) mentioned by Herodotus (3. 48). Other authors have questioned whether Arniadas may not have just died fighting against pirates,70 and this shows how difficult it is to reconstruct the history of these Corinthian colonies. In any case, and despite the traditional hostility that existed between Corcyra and Corinth, echoed in ancient authors (Herodotus 3. 49; Thucydides 1. 13. 4; 1. 25. 4),71 there are moments of collaboration in the founding of new colonies, especially when Corcyra was under the control of Corinth. An example of this can be seen in the establishments of Epidamnus and Apollonia.72 Whether Arniadas died fighting the Corinthians to avoid the founding of Ambracia or if, on the other hand, he died fighting alongside them against the Epirotes or in another conflict, is a matter that cannot at present be resolved. 4. AMBRACIA AND INLAND EPIRUS Having looked at the possible evidence of Corcyra’s activity in Epirus, it is time to return to Ambracia. As we have seen, before the Greek city was established, contact had already taken place between the local peoples and the Corinthians. This contact may have been limited to trade but it is also possible, as I have already suggested, that this was one of the main points of access to inland Epirus, and to the area of Dodona in particular. The dates that literary tradition gives us for the founding of the city by Gorgos, the bastard son of Cypselos, are strongly supported by archaeological evidence. The main urban outline for the city already existed by the beginning of the 6th century and was scarcely modified in the centuries following. Houses began to be built there from then onwards and at times on top of the levels of inhabitation and burials of the settlement that had existed previously.73 The pottery found in some of the ancient houses that have been excavated, 70 71 72 73

Psoma 2015, 159. Graham 1983, 146–49; Cabanes 2008, 165–66; Stickler 2010, 116–25. Metallinou 2010, 16. Vokotopoulou 1982, 78–86; Pliakou 2000; I. Andréou 1993.

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produced locally but also imported from Corinth above all, dates to the end of the 7th century onwards. Attic pottery begins to appear from the 6th century.74 When the city was founded, the necropoleis were placed beyond the city walls; in the necropolis in the south-east, located on the route leading to the port of Ambracus, a large funerary monument was excavated, a cenotaph in reality, carrying a metrical inscription of ten verses that can be dated to the mid-6th century and which has been the subject of a number of studies. The inscription recalls the death of an embassy who almost certainly died in an ambush, and even though the text has a lacuna at that point, it has been deduced that it came from Corinth. It also names four Ambracian citizens who would have died in this ambush. Other reconstructions do not include Corinth and, as a result, those names in the cenotaph would only be citizens of Ambracia, although a stele was also discovered in the same excavation, perhaps part of the monument, which alludes to some Corinthians who had also died. Whether or not this stele belonged to the monument has been the subject of debate.75 What we are concerned with here is that those responsible for these deaths are mentioned in the inscription as ‘the sons of the Pyraiboi’. Bousquet rejects their link with the historical Perrhaebi, who lived to the east of the Pindus mountain range and, at most, accepts their relationship with the Peraiboi who according to the Iliad (2. 749–780) lived near Dodona.76 Cassio, on the other hand, suggests that they could be a western group of these Perrhaebi and that, in any case, there is no linguistic reason to suggest that the words Pyraiboi and Perrhaebi do no refer to the same people.77 Basing himself on Strabo (1. 3. 21; 9. 5. 2), who refers to the fact that the Perrhaebi were emigrants and the way of life around the Pindus mountains where emigration must play an important role, Randone suggests that ‘popolazioni come quella dei Perrebe dovevano costituire una minaccia endémica nell’area epirótica’.78 Other authors have insisted that the very nature of the text would suggest that ‘the Pyraboi are thereby presented as a persistent, even eternal, threat’.79 The age and size of the monument, and the unusual length of the epigram, its clear quality and its interaction with the visitors who stood before it80 are 74

Pliakou 1999; 2000, 86; 2009. I. Andréou 1986; Andréou and Andréou 1988; Matthaiou 1991a; 1991b; Bousquet 1992, 596–606; D’Alessio 1995. 76 Bousquet 1992, 600–01. 77 Cassio 1994, 104–05; Fantasia 2017, 32–39. 78 Randone 2013, 37–41. 79 Graninger 2014, 232–33. 80 Day 2007, 30–38. 75

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elements that would suggest that the episode and its eventual future repercussions were of importance to the city. From the very beginning, then, Ambracia was surrounded by different Epirote peoples, such as the Molossians, the Athamanes and the Amphilochians,81 even though we must wait until the Roman period to know in some detail where part of its boundaries ran – thanks to an inscription that tells us that the boundaries were between the Greek city and the Molossian locality of Charadros.82 It is quite probable that Ambracia’s activity in southern Epirus was intense and it could be that part of the material elements found in Epirus, both pottery and bronze and mainly Corinthian in type, might have reached inland regions through Ambracia.83 In the same way, Ambracia may have had an influence over its adjacent territories. This is especially true in Kassopaea when urbanisation processes began from the 4th century onwards,84 without doubt as a local response to the Greek world’s continual activity in these lands. It may also have been due to the political changes going on in the whole region, at least from the 5th century onwards, when Epirote peoples found themselves in the midst of the Peloponnesian War in the 420s BC (Thucydides 2. 80–81). At that time, Ambracia definitely managed to mobilise a large Epirote army with the help of the Spartans to attack the Acarnanians, which suggests that at this point in history, the Corinthian colony had finally become drawn to these peoples, to the detriment of her sister colony and rival, Corcyra.85 We know that at least the coastal peoples of Thesprotia, as Thucydides tells us (1. 47. 3), were friends with Corinth in around 433 BC. There are some specific references to Ambracia in the Dodonaean tablets for the end of the 5th century and during the 4th century (618 A, 814 A, 891 B, 1473 A, 2089 A, 2265 Β, 2295 Α, 3549 Α, 3979 Β).86 4.1. Ambracia and the Amphilochians In addition to this activity, which was an integral part of Ambracia’s policy with regards to the Epirote world, we should also pay some attention to the special relationship that the city had with the Amphilochian ethnos and, in particular, with their process of political organisation. 81

Riginos 2010, 73. Habicht 1986; Charneux and Tréheux 1988; Salviat 1997; Karatzeni 1997. 83 Vokotopoulou 1975, 161–72; J. Papadopoulos 2009, 235–38; 447–48; Douzougli and J. Papadopoulos 2010, 52–59. 84 Riginos 2010. 85 Fantasia 2011, 258; 2017, 43–59. 86 Dakaris et al. 2013 I, 180, 219, 234, 364, 485; 2013 II, 12, 19, 287, 370. 82

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Thucydides relates a complex story about Amphilochian Argos, which he refers to when speaking of Ambracia’s campaign against the city in 430 BC.87 Founded by Amphilochus, son of the seer Amphiaraus, on his return from Troy ‘along with the rest of Amphilochia’ (Argos to Amphilochikon kai Amphilochian ten allen ektise), the men from Argos called upon their neighbours the Ambraciots to form a combined community (xunoikous). It is from this moment on that, through influence from Ambracia, the Argives began to use the ‘Greek language that they use today’ (ellenisthesan ten nun glossan), whilst the rest of the Amphilochians were referred to as barbarians (oi de alloi amphilochoi barbaroi eisin) (Thucydides 2. 68. 2–6). We cannot tell from Thucydides’ tale exactly when the Ambraciots had arrived in Argos, beyond the generic ‘many generations later’ (pollais geneais usteron) (2. 68. 5). However, we should not forget that, although he tells us that it was the Amphilochians who ‘called’ or ‘invited’ (epegagonto) the Ambraciots, in this act we should see evidence of the Greek city’s clear interest in extending its control over its eastern borders, establishing itself alongside the local inhabitants (xunoikous). Scholars take the information given in Thucydides very literally and discuss the greater or lesser ‘Hellenisation’ of Argos and the Amphilochians by the Ambraciots,88 whether or not the Amphilochians were ‘Hellenised’ by Argos89 and the existence of ‘hybrid cultures’.90 Despite these opinions, I am rather inclined to believe that what we have here is Thucydides’ own impression, and it is he who assigns Greek and barbarian identities here as he pleases. On this occasion, perhaps the distinction for Thucydides could be found in the fact that during the campaign of Cnemos it may be that the Amphilochians took the side of the Spartans, who were helped by the Chaonians and ‘other barbarian neighbours’. In this way, although they had control over the territory, they could not take over Argos.91 It is therefore possible that Thucydides felt inclined to include allies of Athens (Argos) amongst the Greeks, whilst he has no qualms in considering the enemies (the rest of the Amphilochians) barbarians. Unfortunately, we do not know whether the Amphilochians considered themselves to be Greek or not, other than the definition that Thucydides assigns them. It is likely the case, however, given the name of ethnos, which derives from the name of a famous participant in the Trojan War, and the (undeniably) Greek character of its capital. 87

Hammond 1937; Domingo-Forasté 1988, 73–86; Fantasia 2006; 2017, 59–74. Malkin 2001, 195–96. 89 De Luna 2003, 222–25. 90 Fragoulaki 2013, 261–62. 91 On the possible start of Cnemos’s campaign in the Amphilochian territory, see Visconti 2011, 708, with previous bibliography. 88

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Although Thucydides insists calling those who were not, barbarians, at least in the sense that they spoke Greek, it seems likely that this coexistence may have been encouraged by common links between the members of the elite in Amphilochia and the city of Ambracia at least. It may be similar to the tale told by Strabo about the city of Emporion (3. 4. 8), where he insists that the barbarians ‘wished’ (eboulonto) to live alongside the Greeks and that with time ‘they created a constitution of mixed Greek and barbarian laws’ (politeuma sunelthon mikton ti ek te barbaron kai Ellenikon nomimon), a result which has taken place in many other places (oper kai ep’allon pollon sunebe). In my opinion, the difference lies in the fact that it would be difficult to consider the Amphilochians barbarians, despite what Thucydides tells us. What is interesting about the case of Amphilochia is that the city’s inhabitants seem to ‘have become’ Greeks, whilst the rest of the Amphilochians carried on as barbarians. It is likely that Thucydides was assigning a Greek identity to the Amphilochians who lived in the city, whilst he considers those who live in the territory barbarians, unless it was the Ambraciots themselves who wanted to establish this dichotomy.92 In any case, subsequent events will show how this cohabiting ended when the Ambraciots expel the Amphilochians from Argos and all of them (those expelled from the city and the rest of the ethnos) put themselves in the hands of the Acarnanians93 and ask for help from Athens. Phormion re-established them in the city alongside the Acarnanians, enslaving the Ambraciots in the process (around 435 BC) (Thucydides 2. 68. 6–9).94 The defeat of Ambracia at Olpai and Idomene in 426 BC (Thucydides 3. 105–14) opened the doors for the integration of the whole of Amphilochia, even its capital, Argos, in the Acarnanian Confederation. It also put an end to the important position that Ambracia had held with regards to Epirus and that was evident in its great influence in its campaigns in the area between 430 and 426 BC.95 All of the events surrounding the relationship between Ambracia and the Amphilochians show how the territory had initially been controlled by Ambracia, perhaps through founding a city through the synoecism of the local peoples, even though this may be distorted by Thucydides’ continual references to the Amphilochians’ barbarian nature. This encouraged significant cultural interaction between the Ambraciots and Amphilochians, even though towards the end of the 5th century their different interests led to a breakdown in their 92 The possibility that Thucydides could have used directly Corinthian information was suggested, after a thorough analysis, by Stroud 1994; cf. Visconti 2011, 710. 93 Fantasia 2010a, 154–55. 94 Fantasia 2006. 95 Fantasia 2010b, 285–89.

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relationship and the long process of conflict described by Thucydides. The Amphilochians’ decision, the alliance with the Acarnanians and then with Athens, seems to have been implemented according to the usual rules of behaviour for the Greeks; in the same way, in the agreements that led to the end of the war after the defeat of Ambracia we see these laws of behaviour at play.96 It is hard to accept that the Amphilochians or their southern neighbours, the Agreoi (Thucydides 3. 106. 3, 111. 4, 113. 1), surrounded by Greek peoples like the Ambraciots and Acarnanians, should be barbarians (i.e. speakers of a nonGreek language).97 Before moving on to the next point, I would like to end here by noting that, at least during the last part of the 5th century, which is the period for which we have the most information, Ambracia and Corinth shared a good relationship with the different Epirote peoples. This is evident in all of their participation in the campaign organised by the city with Sparta’s help to attack the Acarnanians and from which Thucydides can give us one of the few glimpses of these peoples at that time and their systems of government. After the campaign failed in 429 BC, however, the Epirotes did not appear as allies of Ambracia in their campaign against Argos in 426 BC. Various different explanations have been offered for this.98 In the same way, Corinth seems to have enjoyed a good relationship with Epirus, as we can see from its use of the coastal areas of Epirus as stop-over points for its fleet.99 On the other hand, Corcyra, whose interaction with the Epirus must have been significant, does not seem to have been on such good terms with the territory, other than the control that it still had over some coastal areas in around 427 BC, when the civil war broke out there (Thucydides 3. 69–85; 4. 46–48).100 In any case, it is likely that the Epirote peoples sent mercenaries to the city at times; at least during the civil war the oligarchs seem to have made use of them (Thucydides 3. 73, 74, 85; 4. 46. 2). 5. APOLLONIA IN ILLYRIA AND

THE

NORTHERN BOUNDARIES OF EPIRUS

The last colony to act directly in Epirus was Apollonia, even though it was founded in Illyrian land. We have already seen how there was no consensus in the ancient authors about whether this was an exclusively Corinthian colony 96 97

Fantasia 2010a, 157. On the Agreoi and its identification as barbarians in many ancient sources, see Antonetti

1987. 98

Beaumont 1952, 65; Fantasia 2011, 262–63; Visconti 2011, 711–12. Stickler 2010, 119–23. 100 Fantasia 2008. 99

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or if the Corcyraeans had also had a part to play in its establishment. The initial number of colonists would have been quite small (Aristotle Pol. 1290b 11–14) (around 200 to be precise), and the founder the Corinthian Gylax (Stephanus of Byzantium ss.vv. Apollonia and Gulakeia) in the period of Periander (Plutarch Moralia 552e). It is usually thought that the colony was founded in around 600 BC,101 and sometime later, in around 575 BC, new colonists arrived from Dispontion in the Pisatis following the destruction of their city by the Eleians (Strabo 8. 3. 32). The prospecting and excavations carried out have not found considerable evidence of population in the area of the Greek city in the Archaic period, even though from here relationships with the native establishments nearby must have been maintained. It has been suggested that the western boundaries of the territory may have been defined by a sanctuary in Islamaj, which does seem to have been in use in the Archaic period.102 However, little is known about the development of Apollonia in the Archaic period or its activity in neighbouring lands. The bibliography is most concerned with the relationship that the city had with the Illyrian peoples.103 Here we will focus our attention above all on a piece of information given in Pausanias linked to Apollonia’s conquest of the city of Thronium, in Abantis or Amantis, possibly in around the mid-5th century. Pausanias tells us of a monument in Olympia and transcribes its epigraph, a fragment of which was discovered in the excavations of the sanctuary. He tells us that the Apollonians ended up conquering the polisma of Thronium, with whom they shared their borders (omoroi); that a group of Locrians and Abantes from Euboea came and settled in this region, close to the Ceraunian mountains, after the Trojan War (Pausanias 5. 22. 3); and that this site was located in the land of Thesprotia, which gives an impression of error, perhaps instead of Chaonia (modern authors, however, doubt that this territory corresponds to Chaonia).104 The exact location of Thronium is unknown, although various suggestions have been made.105

101

van Compernolle 1953. Davis et al. 2007, 18–23. 103 Mano 2006. 104 Cabanes et al. 2008, 67. The ethnicity of the Amantes is not well established by the sources; Stickler 2010, 127: ‘Ob es sich bei ihnen um Griechen oder Barbaren handelte, geht aus unseren Quelle nicht sicher hervor’. 105 Cabanes et al. 2008, 149: ‘Sur la côte, il faut penser au site de Triport, au nord de Vlora; vers l’intérieur, Thronion pourrait correspondre à Olympè (au village de Mavrovo), voire à Amantia elle-même (au village de Ploça)’. However, these authors prefer to identify Thronion with Triport (216–18). See also Hammond 1967, 495–96; Cabanes 2002, 62; 2007, 534–35; Antonetti 2010a, 433. See, however, J. Papadopoulos 2016, 239–40. 102

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With regards to the centre of the city of the Amantes, Amantia, this has been located on top of a hill in Ploça, 43 km to the south-east of Apollonia. There is a certain tendency amongst authors to consider these peoples not to be Epirotes, but there is no real reason to exclude them from Chaonia, the region to which they seem to have belonged. Nor is there sufficient reasoning to believe that their Hellenic nature may have been acquired,106 rather than for seeing them as always having been Greek. Amantia seems to have had a way out to the sea, considering the existence of two places of this name in Ptolemy’s Geography (3. 12. 4, 19).107 Although we cannot be sure of the exact circumstances that led Apollonia to attack their neighbours to the south, it is likely that this may have been in some way due to the control over the lower Aoos river, which was the northernmost end of the overland route that crossed all of Epirus, starting from Ambracia. There may have been some traces of this route, during the Roman Republic, in some of the information given by Livy, who alludes to the route that Lucius Cornelius Scipio travels from Apollonia to Lamia, crossing Epirus and Thessaly (37. 6. 2),108 and in the other direction, the route followed by Gnaeus Manlius from Macedonia to Apollonia, via Thessaly and Epirus (38. 41. 15).109 Perhaps the war against Thronium and the Amantes was no straightforward border battle, if we take into consideration the splendour of the Olympian monument, with no less than 13 statues, which was raised by the son of Myron, Lycius. A number of authors have analysed the different symbolic themes of this monument and I shall not delve further here.110 I wish to emphasise the importance that this war (in which Corinth may have also fought) may have had for Apollonians, and the great booty taken. It is tempting to think that, through this war, Apollonia opened itself up to the route of penetration of the Aoos river, which may well have been called the Aias by the Apollonians (Hecataeus FGrHist 1 F 102b). The implicit echoes of Locrians throughout the tale can be seen in the news given by Valerius Maximus (1. 5[ext.].2), in the sense that the Apollonians ended up turning Aias into a god and they always positioned him at the head of their troops, although we do not know to what period this information relates.111 106 Cabanes et al. 2008, 204–09, 216–18; the archaeological elements found in the excavations carried out both at Triport and Amantia link them with the rest of the Epirote domain. 107 Cabanes et al. 2008, 219–21 identify this coastal Amantia with the site of Kanina. 108 Apolloniae exposito exercitu per Epirum ac Thessaliam uenire. 109 Cn. Manlius per Macedoniam in Thessaliam exercitum traduxit. inde per Epirum Apolloniam cum peruenisset … 110 See most recently Dominguez 2014, with previous discussions. 111 Tunc Aeanti ut dea immolauerunt et deinceps omnibus proeliis duce uti instituerunt.

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The construction of the temple of Sthyllas, located 1 km to the south of the city in a position that dominates the sea, the plain and the course of the Aoos, has been linked to the control that Apollonia exerted on the southern part of its territory and, therefore, to a later moment, to the destruction of Thronium;112 nevertheless, and although its chronology is not certain, its construction is usually placed towards 480 BC.113 Whatever the case may be, an ancient tradition tells us of the close relationship (sunetheia) that one inhabitant of Apollonia, Pherecles or Pherecrates, had with Dodona, since the Spartan Lysander contacted him to try to bribe the sanctuary’s priestesses and achieve the end of the inherited royalty of Sparta (Diodorus Siculus 14. 13. 1–5; Plutarch Vit. Lys. 25. 3).114 Interestingly, there is only once reference to Apollonia in the tablets found at Dodona in the 4th century. This reference may indeed allude to the city that we are dealing with here (366 A)115 and another consultation by a certain Deinocles the Apollonian (no. 50 Lhôte).116 To this we must also add a consultation made by the Apollonians at the beginning of the 5th century BC about Evenius and the sacred flocks of Apollo (Herodotus 9. 93–95). 6. CONCLUSIONS This contribution has analysed the main evidence (archaeological, epigraphic and ancient authors) of the contact between the Greeks established in Epirus or its immediate surroundings. The information given by these different sources varies somewhat. Archaeology confirms the presence of possible Greek settlements or, on occasion, of just cult areas on the continent opposite Corcyra. The fact that the findings are to a certain degree isolated and with different dates, means that it is difficult to consider them part of a continual process throughout time. Despite this Corcyra may well have been interested from the very beginning in controlling the coast or, at least, in installing control points that were useful to it and necessary for its naval projection, which is well documented by the first half of the 7th century. The Greek presence in Ambracia, before the Corinthian colony was founded, may well have facilitated the latter although it was not necessary. The funerary epigraphy of the Corcyrean Arniadas, which is usually interpreted as anti-Corinthian in nature, might equally be a sign of the support that this city may have given to the colonists 112 113 114 115 116

Quantin 1999; Lenhard and Quantin 2007. Cabanes et al. 2008, 158. Piccinini 2011. Dakaris 2013 I, 122–23. Dakaris et al. 1993, 55; Lhôte 2006, 123–27.

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sent by Corinth to found Ambracia. This would have been at a time when the island city may have been under the control of the tyrant Periander, whose brother Gorgos would be the oikistes of the new city. If this were the case, the act of violence that led to Arniadas losing his life could have been a sign of the violence that occurred in the founding of the city of Ambracia. A monumental inscription on the cenotaph of Ambracia also speaks of conflict with a local population, the Pyraboi or Perrhaebi. This sequence of events must have had a massive impact on the city considering the great effort and expense to commemorate it. Ambracia also appears have encouraged integration with the Epirotes of Amphilochia. This process gave rise to a new urban centre that would be called Argos, in which a process of linguistic levelling would take place that is not well explained by Thucydides, who is determined to consider the Epirotes as barbarians, using a restrictive criteria of what it is to be Greek, one that is not even shared by all of his contemporaries. The eventual conflict with Ambracia would lead the Amphilochians to unite in the Acarnanian Confederation without their Greek identity being questioned at any point. Finally, Apollonia’s conquest of Thronium and part of Amantia received important recognition in the construction of an imposing monument in Olympia and perhaps in Apollonia itself; it is hard to believe that a monument of this type was built to commemorate some obscure victory over a marginal barbarian population. In addition to the other meanings that this monument may have had, we must consider that Apollonia might have wished to present itself before the rest of the Greeks as the conqueror of a people who undoubtedly were part of the Chaonians, who had governed the whole of Epirus in the past (Strabo 7. 7. 5) and who, in the last third of the 5th century, made an agreement with the Ambracians to conquer Acarnania (Thucydides 2. 80. 1). These peoples were considered the most belligerent of all the Epirotes (Thucydides 2. 81. 4). In any case, this paper demonstrates a continuity in contact and in relationships in which linguistic identity, despite the evident differences in ways of life, must have favoured the processes of adapting to cultural ways from other areas of Greece. The example of Dodona is interesting in this respect, since the fact that some Greeks visited this sanctuary is well documented from the second half of the 8th century BC onwards; in addition, some of the oldest Greek archaeological data that we have in Epirus (for example, Mastilitsa and Bouthroton) suggest that religion may have been an integrating element. The diffusion of the Greek myths and their adoption and adaptation by the Epirote elite to construct their own identities is a well-studied topic that I will not deal with here, but it must have gone hand in hand with the different kinds of contact documented in other sources such as those studied here.

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The arrival of the Greeks in the different territories in which they founded their cities led to radical changes and gave rise to processes which have been given various names at various times, such as ‘Hellenisation’ and ‘Hybridity’, depending on the theoretical position adopted by the observer. The difference in the case of Epirus is that the peoples who were in contact shared certain elements, including, most poignantly, their language and cults. As a result, the interaction between groups that shared a common cultural foundation, although they may have differed in many other aspects in the first centuries of their contact, led to phenomena that are quite peculiar. In none of the areas in which the Greeks were present does the process end with the recognition of the Greek ethnic identity of the peoples with whom the Greek colonists mixed. It is only in Epirus that we see how, already in the 6th century BC, these local populations were deemed to be Greek by other Greeks, as we can see in the wedding of Agariste, the daughter of Clisthenes, in which a Molossian nobleman is involved. And there is no need to give Thucydides credit for his statements that the Epirotes were not Greek, because his idea of what it meant to be Greek was quite limited by his Athenian perspective. From the Archaic period onwards, the direct contact between Greeks from the south and the Epirotes, which we can only follow in a fragmentary manner using the evidence available, led to an ethnic identity that sprang from objective data such as language, religion and cults. Here we have, then, three of the four requisites that the authors writing in Athens in the 5th century BC deemed essential to define to hellenikon. BIBLIOGRAPHY Abbreviations AD FGrHist IG

Αρχαιολογικόν Δελτίον (A = Μελέτες, B = Χρονικά). F. Jacoby, Die Fragmente der griechischer Historiker (Berlin/Leiden 1923–1954). Inscriptiones Graecae (Berlin 1903– ).

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OSTRACISME CYRÉNÉEN, PÉTALISME SYRACUSAIN: GÉNÉRATIONS SPONTANÉES?* Hugues BERTHELOT

Abstract This paper deals with ostracism, a political procedure of exile usually related to Athens but one that can be found in several other Greek cities throughout the Mediterranean world. It aims at challenging the traditional idea that ostracism spread from Athens, where it was born, and that it should necessarily be linked to a democratic regime. The study of the most documented examples of ostracism outside Athens, in Syracuse and in Cyrene, whose testimonies are very different one from another, shows that both Doric colonies knew this procedure under an aristocratic regime: ancient families tried to protect their political power by institutionalising the violent intra-elite system of expulsion.

Dans le Contre Alcibiade, où il se présente comme l’un des trois Athéniens alors passibles d’ostracisme, le Ps.-Andocide décrit cette procédure comme une anomalie athénienne à deux titres.1 La première anomalie tient à la contradiction entre ostracisme et le serment prêté par le peuple et la Boulè: alors que nulle peine d’exil ou de prison ni nulle condamnation à mort ne peut se faire sans procédure judiciaire, l’ostrakophorie se déroule sans accusation ni défense (Ps.-Andocide Contre Alcibiade 3); la seconde anomalie procède d’une exagération visant à dénoncer la procédure: l’ostracisme serait propre aux Athéniens.2

* Nous tenons à remercier ici Mmes Michela Costanzi (Université de Picardie Jules Verne, TRAME) et Madalina Dana (Université Paris I, ANHIMA) pour leur invitation au colloque au cours duquel ces réflexions ont été présentées; nos remerciements vont également à Mme Catherine Dobias-Lalou et à MM. Alexandru Avram et Adrian Robu, qui enrichirent ce propos par leurs remarques au cours de la discussion qui suivit notre intervention. 1 Nous ne reviendrons pas sur la paradoxale anomalie qu’est ce discours lui-même, discours dans lequel l’orateur déplore de ne pouvoir s’exprimer: ce plaidoyer contre l’ostracisme ne saurait être tenu dans le cadre d’une telle procédure, durant laquelle les débats n’étaient pas autorisés. 2 Ps.-Andocide Contre Alcibiade 6: Ῥᾴδιον δὲ καὶ ἐντεῦθεν γνῶναι τὸν νόμον πονηρὸν ὄντα · μόνοι γὰρ αὐτῷ τῶν Ἑλλήνων χρώμεθα, καὶ οὐδεμία τῶν ἄλλων πόλεων ἐθέλει μιμήσασθαι.

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Tant la littérature que l’archéologie nous font cependant connaître des procédures similaires dans d’autres cités qu’Athènes: Aristote écrit qu’on en trouvait à Argos, information corroborée par une scholie à Aristophane, qui joint à la liste les cités de Mégare et Milet (Arist. Pol. 5. 1302b; Schol. ad Ar. Eq. 855); quant à Diodore de Sicile, il décrit l’introduction du pétalisme à Syracuse (11. 86–87). Ont également été mis au jour des ostraka à Argos (un tesson), Mégare (un tesson), Chersonèse Taurique (quarante-cinq tessons) et à Cyrène (douze tessons).3 Une constante dans l’analyse de ces procédures est la volonté de lire leur instauration en lien avec la procédure athénienne, qui préexisterait à toutes les autres, et en lien avec une constitution démocratique, dont l’ostracisme serait une institution symptomatique: Athènes serait donc un modèle pour toutes ces cités, et l’ostracisme serait l’apanage des cités démocratiques. Cela conduit parfois à tordre la chronologie ou l’interprétation des faits: ainsi, C. Kritzas, dans l’étude qu’il consacre au seul et unique ostrakon mégarien, date le tesson d’après son profil de la fin du Ve siècle ou du début du IVe siècle av. J.-C., mais sa volonté de le lier aux épisodes démocratiques de la cité le conduit à placer l’ostracisme soit vers 460, soit vers 427–424, deux dates relativement éloignés de la date donnée par les études céramologiques.4 Deux arguments principaux peuvent instiller le doute sur la réalité d’une telle vision. À Chersonèse Taurique, l’ostracisme aurait été instauré dès la fondation de la cité par des colons venus d’Héraclée du Pont en 528/7 av. J.-C.: la procédure aurait donc préexisté à son instauration à Athènes, qu’on place en 508/7, sous l’archontat de Clisthène, ou en 488/7, année au cours de laquelle eut lieu le premier cas avéré d’ostracisme, celui d’Hipparchos fils de Charmos.5 En outre, la diffusion de l’ostracisme ne se limite pas aux seules cités qui étaient, comme Athènes, ioniennes: si Milet l’était, Argos, Mégare Syracuse et Cyrène étaient doriennes, tandis que les colons de Chersonèse Taurique se caractérisaient par la diversité de leurs origines.6 Aussi avons-nous choisi, pour interroger la pertinence du lien entre Athènes et l’ostracisme, de nous arrêter sur les deux cités coloniales que sont Syracuse 3 Argos: Pariente et al. 1986, 764–65; Mégare: Kritzas 1987; Chersonèse Taurique: Vinogradov et Zolotarev 1999; Cyrène: Bacchielli 1994. Pour une vision globale des procédures d’ostracisme, voir Siewert 2002; sur l’ostracisme athénien, voir Brenne 2001. 4 Kritzas 1987. 5 L’interprétation de ces ostraka et la chronologie proposées par Vinogradov et Zolotarev (1999) ont été fortement contestées. Voir ainsi Dubois 2000, n° 487; Avram 2008, n° 409; 2009, 212–14; Robu 2014, 97–99. 6 La fondation de Chersonèse Taurique fut le fait de colons ioniens, déliens et héracléotes, Héraclée du Pont ayant elle-même été fondée par des Mégariens et des Béotiens. Voir Vinogradov et Zolotarev 1999; Robu 2014, 293–306.

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et Cyrène. L’exclusion, délibérée, de notre étude de Chersonèse Taurique tient au fait que l’ostracisme est attesté à Mégare, tèthopole de la cité, dont elle pourrait justement avoir hérité la procédure;7 celle-ci est en revanche inconnue pour Corinthe, la métropole de Syracuse, et pour Théra, la métropole de Cyrène, ce qui interdit un hypothétique héritage. Les deux cités invitent à des démarches presqu’opposées, dans la mesure où les informations dont nous disposons diffèrent fortement: d’abord, le pétalisme syracusain n’est attesté que par la littérature, quand l’existence de l’ostracisme cyrénéen est assurée par l’archéologie; ensuite, le pétalisme, instauré en 454, ne resta en vigueur que brièvement, tandis que nous ignorons a priori tant la date d’instauration que la durée d’application de la procédure à Cyrène; en outre, la nature du régime syracusain au moment du pétalisme est incertaine, celle du régime cyrénéen dépendant de la date qu’on assignera aux ostraka; enfin, nous ne connaissons aucun Syracusain ayant été ‘pétalisé’ (à supposer qu’il y en ait eu), tandis qu’il nous est impossible de savoir lequel des individus dont le nom figure sur les tessons dut s’exiler de Cyrène. Le témoignage de Diodore indique qu’une pratique similaire à celle en vigueur à Athènes, pour reprendre l’analyse de l’historien d’Agyrion, fut introduite à Syracuse en 454, sous l’archontat à Athènes d’Aristôn et sous le consulat de Q. Fabius Vibulanus et L. Cornelius Curitinus à Rome.8 La cause immédiate de cette imitation fut la tentative de prise du pouvoir par un dénommé Tyndaridès, s’appuyant sur les basses couches de la société syracusaine; les causes profondes sont du même ordre: multiplication des événements de pareille nature – on notera l’emploi par Diodore du participe présent γινομένου, qui donne à penser que plusieurs entreprises semblables eurent lieu la même année – et manifestation de l’aspiration à la tyrannie d’autres individus (τῶν ἀνδρῶν ἐπιθυμούντων). Cette situation critique conduisit à la mise en place du pétalisme, procédure tirant son nom du support, τὸ πέταλον, la feuille d’arbre ou de plante (d’olivier en l’occurrence), sur lequel était inscrit le nom de la personne désignée comme devant être exilée. Outre la différence de nom, d’autres divergences avec le modèle athénien apparaissent: l’exil était prononcé non pour dix ans, mais pour cinq, sans que nous sachions quel traitement était réservé aux biens du ‘pétalisé’; la nécessité 7 Nous avons forgé le néologisme tèthopole pour désigner la métropole d’une métropole sur le terme τήθη, qui désigne la grand-mère. 8 Diod. Sic. 11. 86–87. Il n’est point besoin de revenir sur le décalage de six années existant entre la chronologie varronienne et celle de Diodore: tant Varron que Tite-Live placent le consulat commun de Q. Fabius Vibulanus, son troisième, et de L. Cornelius Malugniensis Uritinus en 295 ab Vrbe condita, soit en 459 av. J.-C.

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de réunir un éventuel quorum, fixé à 6000 citoyens à Athènes, n’est nulle part mentionnée; enfin, rien n’est dit de l’existence d’un vote préalable au vote de pétalisme proprement dit.9 Rien n’assure par ailleurs que les régimes politiques dans lesquels ostracisme et pétalisme furent introduits aient été comparables. Si l’ostracisme fut institué dans le cadre de la mise en place de la démocratie isonomique clisthénienne ou dans les années qui suivirent, les sources antiques divergent sur la nature du régime syracusain qui succéda à la tyrannie. De la description par Diodore du changement de constitution en 466, à la chute de Thrasybule, il ne semble pas que nous puissions déduire l’instauration de la démocratie: ‘Après avoir renversé la tyrannie de Thrasybule, ils réunirent une assemblée, et, après avoir délibéré au sujet du type de démocratie, votèrent d’un commun accord’ (11. 72. 2);10 Diodore indique donc que fut alors menée une réflexion sur la nature de la démocratie à mettre en place, c’est-à-dire sur la quantité de gouvernement populaire à introduire. Le paragraphe suivant nous éclaire quelque peu sur ce point: ‘Ils allouèrent absolument toutes les magistratures aux anciens citoyens; quant aux étrangers qui avaient été faits citoyens sous Gélon, ils jugèrent bon qu’ils n’eussent pas part à cet honneur’ (11. 72. 3);11 dans la nouvelle démocratie syracusaine, les néo-citoyens ne furent pas privés du statut qui leur avait été accordé à la fin du premier quart du siècle mais ils virent leurs droits être rognés: fut alors instaurée dans les faits une citoyenneté à deux vitesses, ou plutôt à deux étages. Les passages de la Politique d’Aristote paraissent en revanche entrer en contradiction les uns avec les autres. Illustrant son propos sur les changements de constitution consécutifs à la chute d’une tyrannie, Aristote cite Syracuse comme exemple d’une cité ayant adopté la demokratia, à l’éviction justement des frères de Gélon en 466 (Arist. Pol. 5. 1316a32–33)12 – qu’on retrouve dans ce passage quatre des six modèles constitutionnels définis au livre III (1279b4–10) assure en outre qu’il faille reconnaître dans ce régime celle des constitutions qui avait pour objet l’intérêt des pauvres; le témoignage de Thucydide est concordant, qui indique que les villes attaquées par Athènes lors 9 À Athènes, l’ekklesia votait lors de la sixième prytanie pour savoir si un vote d’ostracisme devait avoir lieu (Arist. [Ath. Pol.] 43. 5), vote qui se tenait le cas échéant lors de la huitième prytanie. 10 Καταλύσαντες τὴν Θρασυϐούλου τυραννίδα συνήγαγον ἐκκλησίαν, καὶ περὶ τῆς ἱδίας δημοκρατίας βουλευσάμενοι πάντες ὁμογνωμόνος ἐψηφίσαντο… 11 Τὰς δὲ ἀρχὰς ἁπάσας τοῖς ἀρχαίοις πολίταις ἀπένεμον · τοὺς δὲ ξένους τοὺς ἐπὶ τοῦ Γέλωνος πολιτευθέντας οὐκ ἠξίουν μετέχειν ταύτης τῆς τιμῆς. 12 Aristote cite Sicyone comme exemple de cité où la tyrannie fut remplacée par une autre tyrannie, Chalcis où elle le fut par une oligarchie, Syracuse où elle le fut par une démocratie, Lacédémone et Carthage où elle le fut par une aristocratie.

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de l’expédition de Sicile étaient, comme elle, des démocraties (Thuc. 7. 55). En revanche, dans sa description du changement de constitution de 413, à la suite de la victoire sur les Athéniens, Aristote indique que la politeia en vigueur fut remplacée par une demokratia (Arist. Pol. 5. 1302a27–29);13 rien ne permettant de penser que le mode de gouvernement ait changé entre 466 et 413, les deux passages semblent se contredire. Un troisième passage évoque le chute de la tyrannie à Syracuse: Les constitutions s’opposent: le dèmos s’oppose à la tyrannie, comme, pour citer Hésiode, ‘le potier au potier’ – et en effet la démocratie est l’ultime tyrannie –, ainsi que la royauté et l’aristocratie du fait de l’opposition de leur caractère institutionnel – c’est pourquoi les Lacédémoniens ont renversé un très grand nombre de tyrannies, ainsi que les Syracusains du temps où ils étaient bien (καλῶς) gouvernés (Arist. Pol. 5. 1312b4–9).

Ce passage appelle des interprétations contradictoires. Les mentions de la basileia et de l’aristokratia comme constitutions antithétiques de la tyrannie semblent être illustrées par les exemples lacédémonien et syracusain: Syracuse aurait été une aristokratia au moment où elle participa au renversement des tyrannies siciliennes, c’est-à-dire dans les années qui suivirent immédiatement la chute de Thrasybule; cette lecture semble cependant aller à l’encontre de tout ce que nous savons de la Syracuse du milieu du Ve siècle. Néanmoins, le commentaire mélioratif d’Aristote sur la qualité de la constitution en vigueur – ἐπολιτεύοντο καλῶς – restreint le champ des possibles, seules la basileia, l’aristokratia et la politeia pouvant être ainsi qualifiées; la première solution étant inenvisageable, on pourrait envisager, afin de concilier l’ensemble des mentions, que le régime instauré ait été une politeia ayant un net accent aristocratique. Tous ces éléments donnent l’image de l’instauration d’un régime à michemin entre aristocratie et politeia, qui aurait cherché l’intérêt commun et non l’intérêt du ‘populaire’ (Arist. Pol. 3. 1279a34–39 ):14 ainsi, la tentative de prise du pouvoir par Tyndaridès, qui s’appuyait sur les pauvres, fut dans un premier temps contrecarrée institutionnellement; par ailleurs, si un gouvernement démagogique fut ensuite instauré, ce ne fut que la conséquence de la sécession de l’aristocratie syracusaine qui vivait dans la crainte de l’exil, les 13 Aristote invoque le rôle joué par le peuple dans la déroute athénienne pour expliquer le changement de constitution. 14 ‘[Nous avons coutume d’appeler] aristocratie le gouvernement d’un petit nombre (plus nombreux qu’un seul), soit parce que ce sont les meilleurs qui dirigent, soit parce qu’on dirige en vue du meilleur état de la cité et de ceux qui l’ont en commun; lorsque le grand nombre gouverne en vue de l’intérêt commun, on lui donne le nom commun à toutes les constitutions, politeia’.

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gouvernants habituels ayant fait le constat que le pétalisme n’était pas une arme anti-tyrannique mais un moyen pour le peuple d’écarter du pouvoir les plus capables: la procédure dont ils auraient accepté à l’origine l’instauration aurait été retournée contre eux, le ‘populaire’ usant du pétalisme dans sa volonté de rabaisser ceux qui auraient été trop haut non pas du fait du caractère excessif de leurs ambitions, mais du fait de leurs seules qualités. Aussi, quoiqu’en dise Diodore, qui établit un parallèle entre Athènes et Syracuse par l’emploi du verbe μιμήσασθαι, il n’est pas assuré que la procédure ait été effectivement empruntée par la seconde à la première: nom différent, modalités différentes,… Il n’est surtout pas certain que le cadre institutionnel dans lequel la procédure fut introduite ait été comparable à celle d’Athènes. Dans le cas de Cyrène, la problématique est sensiblement différente. Alors qu’Athènes et Syracuse, puissances économiques et maritimes dominantes dans leurs régions respectives, entretenaient une véritable rivalité dont l’expédition de Sicile de 415 fut un symptôme, Athènes et Cyrène entretenaient des liens forts, ce que reflète l’expression ‘Cirene, Atene d’Africa’, forgée par l’archéologue italien Luigi Pernier en 1931: Athènes fut le modèle, Cyrène l’émule cherchant à copier, égaler, rivaliser. Plusieurs indices conduisent à reconnaître dans douze tessons incisés retrouvés à Cyrène des ostraka d’ostracisme (IGCyr 0819 I–IX, 0820, 0821 et 0822). Un indice céramologique d’abord: les incisions ont été faites après cuisson et après fragmentation des formes; l’absence de forme discriminante interdit néanmoins de pouvoir dater précisément ces tessons. Un indice paléographique ensuite: s’il est impossible de discerner une main unique, on constate une forte homogénéité dans les tracés, ce qui conduit à conclure à leur contemporanéité – la forme des lettres oriente vers une datation entre la fin du Ve et le début du IVe siècle.15 La stratigraphie ne se révèle d’aucune utilité en la circonstance: les tessons ont été exhumés de couches formées lors du relèvement du niveau de l’agora au début de l’époque hellénistique. Deux indices textuels enfin. On trouve ordinairement sur ces tessons un anthroponyme au nominatif et le patronyme au génitif; or, sur IGCyr 0819 IV, les deux noms ont été écrits par deux mains différentes et, sur IGCyr 0822, le patronyme a été délibérément abrégé alors qu’il était matériellement possible de l’écrire dans son intégralité: l’ajout du patronyme ne peut s’expliquer que parce qu’il permit d’éviter une éventuelle ambiguïté entre deux individus au cours d’une procédure où une confusion aurait été fâcheuse. 15

Voir le lemme des différents ostraka dans les IGCyr.

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Quatre individus furent visés par la procédure: Praxiadas fils de Zènis (IGCyr 0819 I-IX), Philôn fils de Lusis (IGCyr 0820), Aristippos fils de Damo[-] (IGCyr 0821) et Peithagoras fils d’Euk[l-] (IGCyr 0822); notons qu’il n’est pas assuré que nous puissions déduire du nombre bien plus important de tessons incisés au nom de Praxiadas qu’il fut effectivement ostracisé. La prosopographie cyrénéenne est en l’espèce fort peu instructive, aucun de ces quatre hommes n’étant attesté par ailleurs, mais il est possible de relier deux d’entre eux à d’autres Cyrénéens connus par l’épigraphie. Praxiadas fils de Zènis est fort probablement l’aïeul de Zènis fils de Praxiadas, stratège lors de la victoire de Cyrène sur deux tribus libyques, les Maques et les Nasamons, ca 335 av. J.-C. (IGCyr 0171, l.5): leur appartenance à une famille de la haute aristocratie cyrénéenne ne fait donc guère de doute. Aristippos est quant à lui peut-être lié à deux lochages: Aristippos fils d’Euagoras, lochage des soldats montés ca 345 (IGCyr 0840, l.126), et Euagoras fils de Damotimos, lochage des quadriges ca 330 (IGCyr 0148, l.45); les officiers étant recrutés parmi les milieux aristocratiques, Aristippos devait y appartenir, s’il est bien un parent des deux autres Cyrénéens. Philôn et Lusis sont bien trop courants dans l’anthroponymie cyrénéenne pour qu’on puisse établir des hypothèses plausibles; Peithagoras enfin n’est attesté qu’à une demi-douzaine de reprises, et majoritairement plus bas dans la chronologie, dans les cinquante premières années de l’époque hellénistique, la perte partielle du patronyme étant un obstacle supplémentaire à une éventuelle reconnaissance. L’incertitude sur la date de ces ostraka, fondée uniquement sur la paléographie, rend incertaine l’interprétation à donner à la procédure d’ostracisme cyrénéenne. Entre 420 et 380 av. J.-C. en effet, les termini attribués grâce à la graphie à l’incision des ostraka, Cyrène connut trois régimes différents: une république à tendance aristocratique qui s’acheva en 401 avec la révolution populaire menée par un dénommé Aristôn, une brève démocratie radicale en 401, mal documentée, puis une démocratie modérée, fruit d’un compromis entre l’aristocratie et le dèmos cyrénéens, au cours de cette même année 401 (Diod. Sic. 14). La possibilité que ces procédures d’ostracisme aient eu lieu sous la démocratie radicale est nulle: les aristocrates les plus éminents ou les plus vindicatifs avaient été tués ou exilés, et ces temps troublés ne devaient guère se prêter à un vote d’ostracisme. L’introduction de la procédure est donc à placer soit sous le régime modérément aristocratique, soit sous le régime modérément démocratique. L. Bacchielli, qui datait les ostraka de la seconde moitié du Ve siècle, attribuait sans équivoque la procédure au régime mis en place à la chute des Battiades et inférait de l’absence de source littéraire la nature

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extraordinaire et non durable de la procédure;16 mais cette attribution s’explique en grande partie par le fait qu’il considérait qu’à la royauté battiade avait immédiatement succédé un régime réellement démocratique où auraient cohabité en plus ou moins bonne intelligence le dèmos et l’aristocratie, et non une république, pour reprendre le terme employé par A. Laronde.17 La solution la plus simple serait, de prime abord, de placer l’adoption de l’ostracisme au moment où fut décidée l’instauration d’une démocratie modérée, à la fin de l’année 401 av. J.-C. Dans cette perspective, l’ostracisme aurait alors été une concession faite par le parti aristocratique au dèmos, qui aurait ainsi eu un moyen institutionnel d’exiler, selon des modalités qui nous échappent, un partisan de l’oligarchie dont les positions auraient été trop extrêmes ou les prétentions trop évidentes: ce serait alors, à l’imitation d’Athènes, un moyen de protéger la jeune démocratie cyrénéenne contre les ambitions individuelles (Arist. [Ath. Pol.] 22).18 Néanmoins, un passage de la Politique d’Aristote nous paraît s’opposer à une telle solution: Par ailleurs, de tels expédients sont également utiles à la démocratie de cette nature, qu’utilisèrent Clisthène à Athènes, lorsqu’il voulut accroître la démocratie, et ceux qui instituèrent le gouvernement démocratique à Cyrène; doivent en effet être créées d’autres tribus et phratries plus nombreuses, être regroupés les cultes privés en un petit nombre de cultes publics et être imaginés tous les moyens de les mélanger au mieux les uns aux autres et de désunir les anciennes relations (Arist. Pol. 6. 1319b).

Détaillant les mesures communes mises en œuvre à Athènes par Clisthène et à Cyrène lors de l’instauration de la démocratie, le Stagirite ne dit mot de l’ostracisme, qu’il attribue pourtant à Clisthène (Arist. [Ath. Pol.] 22 );19 on comprendrait dès lors mal qu’Aristote n’en dise rien si l’ostracisme avait été mis en place à ce moment-là. Cela serait d’ailleurs d’autant plus étonnant que le Lycée devait avoir une connaissance approfondie du régime politique cyrénéen et ses évolutions successives, ayant rédigé une Κυρηναίων πολιτεία en très grande partie perdue.

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Bacchielli 1994. Laronde 1987. 18 ‘On employa alors pour la première fois la loi relative à l’ostracisme, qui avait été instituée à cause de la suspicion à l’endroit de ceux au pouvoir, parce que Pisistrate était chef du peuple et stratège lorsqu’il s’institua tyran.’ La faillite du système de l’ostracisme et la radicalisation de la démocratie athénienne conduisirent le dèmos à légaliser le meurtre; IG II3 320, l. 7–11: ‘si quelqu’un se porte contre le peuple pour établir une tyrannie ou instaure une tyrannie ou renverse le peuple des Athénien ou la démocratie à Athènes, que celui qui tuerait celui qui ferait cela soit sacré (osios).’ 19 ‘Clisthène, qui visait la foule, en institua d’autres nouvelles, parmi lesquelles la loi sur l’ostracisme fut instituée.’ 17

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Faut-il donc privilégier l’hypothèse la moins évidente? Si l’ostracisme avait été effectivement une mesure mise en place dès la seconde moitié du Ve siècle, il faudrait alors y reconnaître une composante pseudo-démocratique de la république, une version institutionnelle de ce que S. Fordyke nomme ‘the intraelite politics of exile’:20 l’ostracisme consistait en l’appropriation, et la modification, par le dèmos de cette pratique aristocratique. Alors que la compétition entre les élites pour s’assurer le pouvoir, les exils, parfois massifs, qui l’accompagnaient et les récurrentes et violentes volontés de retour des exilés contribuaient à l’instabilité de la cité, l’ostracisme eut pour effet de renforcer la cité et d’établir une distinction entre les régimes démocratique et aristocratique.21 À Cyrène et à Syracuse, l’instauration de l’ostracisme aurait répondu à une logique légèrement différente: conscientes des conséquences néfastes des querelles internes entre grandes familles, tant pour les individus eux-mêmes que pour la pérennité du modèle républicain, les élites, pragmatiques, se seraient résolues à instaurer une procédure permettant l’exil provisoire de l’un d’entre eux. Ce ne serait donc, ni dans un cas ni dans l’autre, une procédure voulue par le dèmos pour modérer les ambitions d’individus issus des milieux aristocratiques, mais bien plutôt une mesure d’autorégulation consentie par des élites aristocratiques tenant le premier rôle dans le gouvernement de leur cité et soucieuse de voir le régime persévérer dans son être. Athènes est, du point de vue de l’ostracisme, une exception, mais pas l’exception que l’on pourrait croire. Elle n’est pas, comme le suggérait le Ps.Andocide, la seule cité grecque à avoir adopté et utilisé une telle procédure: d’autres, ioniennes, doriennes ou mixtes, ont connu une période de leur histoire où une procédure institutionnelle d’exil eut cours; d’aucunes ont même dû la lui emprunter. Qu’Athènes soit fréquemment considérée par les auteurs anciens comme le modèle dont s’inspirèrent d’autres ne saurait tenir à la seule différence de renom entre les cités. Néanmoins, nous ne pouvons ignorer que ce type de procédure se retrouve majoritairement dans des cités dites doriennes dans lesquelles l’importance de l’aristocratie est particulièrement sensible. Peut-être conviendrait-il donc de renverser la perspective: Athènes était une exception car elle fut la seule cité à faire de l’ostracisme un instrument démocratique, Athènes était une exception car elle fut la seule cité ionienne à innover en introduisant l’ostracisme,22 Athènes était une exception car elle fut la 20

Forsdyke 2005. Forsdyke 2005, 145–46. 22 Milet, cité ionienne, imita probablement Athènes lorsqu’elle introduisit sa propre procédure, qui n’est d’ailleurs pas attestée archéologiquement. 21

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seule cité à parvenir à conserver cette procédure sur une période relativement longue sans que ses travers ne la discréditassent immédiatement. Quant à Syracuse et Cyrène, elles furent autrement grecques que ne l’étaient leurs métropoles: en adoptant une procédure inconnue de Corinthe et de Théra, elles offrirent un témoignage de la vitalité de la vie politique dans les cités du monde colonial; paradoxalement, ce fut en puisant dans un fonds que l’on peut penser panhellénique, celui des pratiques aristocratiques, qu’elles se distinguèrent.

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IDENTITÀ COLONIALI: EREDITÀ, COSTRUZIONE, DISCORSO POLITICO Maurizio GIANGIULIO

A Mario Lombardo per i suoi settant’anni Abstract The purpose of this piece is to argue against the common assumption that Greek ‘colonies’ were provided by their mother cities with a set of characteristic cultural traits giving them a distinctive identity since the time of their foundation. There is also scope for rethinking the meaning of the term nomima, which is usually referred to such a set of traits left as an inheritance from the mother cities. In fact its use patently belongs to the cultural context of the age of the Sophists, and there are no reasons to assume that either the term or the idea implied by it were in use earlier. Taking a more nuanced view of the colony-mother city relationships, and seeing identity as a form of situational and contextual self-identification must lead to lay emphasis on the processes of construction, negotiation and overlapping of the different tiers of self-understanding which sum up to ‘colonial identity’. In this framework the construction of the very notions of mother city and colony is explored, and the identities of both the Achaean colonial world and the Chalcidian colonies are examined as case-studies. The last issue which is discussed in this paper concerns the colonial identities predicated in Sicily both on the Dorian-Ionian (Chalcidian) division and on Sikelia understood as an allegedly common homeland of the Greek colonists (Sikeliotai). One is lead to wonder whether there are cogent reasons to assume that such identities resulted from colonisation itself rather than from the political developments from the age of the Deinomenids on. A closer look at the evidence seems to suggest that the saliency of sub-ethnic identities in Sicily resulted both from the ideologies which supported the conquests of Syracuse under the tyrants and the reactions to them. Similarly, the notion of Sikeliotai appears to be closely connected to the effort of Syracuse to promote a sense of togetherness among the Greeks of all Sicily in order to resist Athens in the 420s. The notion was probably current before the Conference of Gela and might date back to the time of the ‘common resolutions’ of the Sicilian cities after the fall of the last tyrant of Syracuse. Arguably, however, it can hardly have been predicated on a supposed Sicilian ‘Hellenicity’ triggered by opposition to the natives seen as ‘Others’. The cultural logic of Archaic Sicily did not rely on such a very ‘colonial’ perception.

C’è motivo di ridimensionare il diffuso assunto secondo il quale le colonie greche avrebbero ereditato dalla madrepatria un insieme di artefatti culturali che a ognuna conferiva un’identità distintiva. Anche il termine nomima, di solito riferito a tale insieme, deve essere riesaminato. Chi legga in modo sfumato il

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rapporto madrepatria-colonia e al tempo stesso prenda le distanze da concezioni essenzialiste dell’identità riconoscerà l’importanza dei processi di formazione che coinvolgono i livelli e le forme di cui ogni ‘identità coloniale’ si compone. In questo quadro varrà la pena di attirare l’attenzione sul fatto che l’immagine stessa della madrepatria può essere variamente costruita in ambito coloniale, così come può accadere per il ruolo svolto dalla colonia in occasione dei processi di insediamento. E poi l’attenzione dovrà concentrarsi sulle dinamiche identitarie di alcuni ambienti coloniali occidentali (quelli acheo e calcidese) che esemplificano bene la natura processuale dei fenomeni culturali implicati. La discussione può allargarsi alle identità siciliane di tipo ‘sub-ellenico’ (Dori e Ioni-Calcidesi) e regionale (i Sikeliotai). Un problema chiave è se vi siano ragioni per supporre che siano state una risultante della colonizzazione in sé, o se non sia il caso, piuttosto, di pensare che esse abbiano a che vedere con le relazioni politiche tra le città siciliane nel V sec. Anche la nozione di Sikeliotai, più che risalire alle origini coloniali ed essere riferita ad una identità ellenica innescata dalla contrapposizione tra mondo coloniale e realtà ‘indigene’, sembra in realtà connessa con la strategia politica siracusana di proclamare un’appartenenza comune delle città siciliane allo scopo di attivare una resistenza ad Atene. 1. PER UN APPROCCIO AL PROBLEMA Non sono pochi i temi-chiave della storia greca che l’Ottocento ha mutuato dall’antiquaria sei-settecentesca e trasmesso al XX sec. E’ certamente il caso dei rapporti tra metropoli e colonia. L’idea che le apoikiai riproducessero gli istituti metropolitani fece la sua comparsa con Spanheim e poi fu accolta da Heyne.1 Successivamente, la Staatskunde positivistica la riprese e la canonizzò.2 Nel XX sec. la convinzione che i tratti distintivi della vita pubblica di una colonia derivassero dalla polis che l’aveva fondata divenne una vulgata. Peraltro negli anni Trenta alla scuola di M.P. Nilsson si era vista la necessità di indagini di dettaglio circa i fatti di trasmissione culturale dalla madrepatria alla colonia. Ma i risultati cui, ad esempio, perveniva lo studio sottile di Krister Hanell furono utilizzati in maniera schematica, semplicemente a conferma dell’idea che le colonie riproducessero le strutture metropolitane.3 Ancora nel 1983, quando Norbert Ehrhardt si occupò dell’eredità milesia nelle colonie, 1 2 3

Spanheim 1717, 568–83; Heyne 1785. Busolt 1926, 1270. Vd. Hanell 1934 (p. 5 per il rapporto di discepolato con Nilsson).

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il postulato della trasmissione originaria servì a colmare le lacune della documentazione: se un culto o un istituto era attestato in una colonia, allora doveva esistere nella metropoli all’epoca della fondazione coloniale.4 In anni recenti, l’idea dell’eredità metropolitana nelle colonie è stata enfatizzata. Ad esempio, si è insistito sul fatto che i culti, le gerarchie del pantheon locale, il calendario, i nomi delle magistrature, delle istituzioni e delle suddivisioni delle tribù civiche rappresenterebbero le caratteristiche identificanti di una polis. Vi farebbe riferimento Tucidide nell’‘Archeologia siciliana’ con il termine nomima.5 2. NOMIMA Come si è sempre fatto, a partire da Heyne, quanto scriveva Tucidide sui nomima delle colonie siciliane continua a essere considerato un dato che riflette direttamente le origini. Se il praeceptor Germaniae insisteva sulla ‘religionum et sacrorum, legum et institutorum communio’ tra metropoli e colonie,6 oggi si insiste sul fatto che i nomima definivano l’identità di una città coloniale. Essi sarebbero stati formalmente riconosciuti nelle colonie, e visti come un insieme di artefatti culturali e di elementi strutturali necessari e funzionali all’integrazione comunitaria. Pertanto, sin dalla fondazione sarebbe stato necessario individuarli, e incardinarli nell’ordine sociale, possibilmente ad opera dell’ecista.7 Rileggiamo Tucidide: Gela fu fondata in comune da una spedizione coloniaria ‘mista’ guidata da Antifemo, che veniva da Rodi ed Entimo, di provenienza cretese; ebbe nomima dorici (6. 4. 3). Quando i Geloi colonizzarono Agrigento nominarono due ecisti e conferirono alla colonia i nomima geloi (6. 4. 4). Imera fu colonizzata da Zancle, i più dei coloni erano di Calcide, ma furono compartecipi della colonizzazione gli esuli da Siracusa chiamati Miletidi; la lingua fu una mistione di calcidese e dorico, mentre furono i nomima calcidesi a prendere piede (6. 5. 1). Si noti che il testo consente una lettura che non implica necessariamente decisioni comunitarie contestuali alla fondazione intorno a quali nomima dovessero essere privilegiati a seguito di una scelta artificiale tra alternative.8 Ad ogni modo, il punto cruciale non è questo, ma è l’interpretazione storica di questi passi. È necessario pensare che 4

Ehrhardt 1983. Vd. Malkin 2003a, 67–70; 2003b, 164–66; 2011, in particolare 104. 6 Vd. Heyne 1785, 315–16; per la definizione di praeceptor Germaniae, von WilamowitzMoellendorff 1921, 46. 7 Malkin 2003a, 67–70; 2003b, 164–65; 2011, 189–97. 8 Come si opina in Malkin 2003, 68. 5

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il termine nomima sia arcaico, che appartenga al lessico della colonizzazione e dall’epoca delle fondazioni definisse il complesso di culti, calendario, istituzioni politiche e strutture civiche di una colonia? E che al tempo della fondazione di Gela esistessero nomima dorici, e che al momento della fondazione di Imera si fronteggiassero in alternativa nomima dorici e calcidesi? Nel V sec. l’aggettivo nomimos, non attestato prima (Aesch. Sept. 334), comincia a essere usato in riferimento alle pratiche ed ai costumi sociali in precedenza, soprattutto in Erodoto, denominati nomoi e nomaia. Come dimostrato da Martin Ostwald, ciò avviene in concomitanza con il progressivo slittamento di nomos verso il valore di ‘norma positiva’.9 Insomma, tutte le valenze di ordine etnografico e antropologico di nomos confluiscono in nomimos. Pare chiaro, dunque, che l’assenza di attestazioni arcaiche non può dipendere da eventuali lacune documentarie. Quanto al neutro plurale nomima, esso si riferisce al complesso di costumanze tradizionali, pratiche sociali, credenze e tradizioni che nel loro insieme compongono l’assetto culturale di una comunità. Tale complesso include anche le regole della vita associata in generale, ma un riferimento alle strutture istituzionali o all’assetto del pantheon o ai dettagli dell’organizzazione civica nel migliore dei casi resta assolutamente implicito, e non è scontato debba essere presupposto. Inoltre, nomima non è affatto un termine del lessico coloniale, nemmeno in Tucidide, il quale, ad esempio, lo usa anche per i valori collettivi e le pratiche sociali di Sparta o di tutti i Greci.10 In generale è termine cui lo storico ricorre per identificare e contrassegnare le costumanze pubbliche e private di una comunità politica. Un approccio sicuramente in linea con l’attenzione antropologico-etnografica erodotea ai nomoi come indicatori delle specificità di un gruppo umano rispetto a un altro.11 Anche l’associazione di nomima e phone che si trova nel passo su Imera non deriva da una specifica attenzione di Tucidide alla società coloniale imerese, perché ricorre altrove, in riferimento ad Atene.12 Ma si deve notare che soprattutto Erodoto usa phone e nomoi come parametri dei rapporti tra gruppi e popolazioni differenti.13 Nel caso di Imera in Tucidide, siamo dunque di fronte a un caso di approccio ad una realtà locale in prospettiva etnografica.14 9

Su quanto esposto in sintesi nel testo è fondamentale Ostwald 1986, 89–136. Thuc. 1. 71. 3; 77. 6; 5. 105. 4 (Sparta); 3. 59. 1 (i nomima koina degli Elleni). 11 Vd. ad es. Thuc. 1. 135; 140. 3; 3. 99; 4. 104; 114. 3; 3. 2. 2, con Ostwald 1986, 98. 12 Thuc. 7. 57. 2 (Ateniesi, Lemni e Imbri hanno la stessa lingua e gli stessi nomima), con la discussione in Fragoulaki 2013. 13 Thuc. 1. 171. 1; 2. 32. 6; 42. 4; 4. 23. 2; 106; 108. 2; 111. 1; 7. 70. 1; 85. 1 (phone); per i nomoi come parametro della differenza tra popolazioni, vd. soprattutto Thuc. 1. 172. 1 (i Cari hanno una lingua vicina a quella dei Cauni, ma distinta; i Cauni hanno nomoi molto diversi dai Cari), 4. 19. 1 (i Budini non hanno né la stessa lingua né la stessa diaita dei Geloni). 14 Si osservi che le notazioni tucididee sulle origini coloniali e le forme dialettali miste (metaxy) riscontrabili a Imera sono analoghe a quelle erodotee sugli Ammoni dell’oasi di Siwa, 10

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Del resto tutta la presentazione della colonizzazione greca nell’‘Archeologia siciliana’ riflette proprio i criteri di lettura della realtà contemporanea da parte di Tucidide: in particolare l’insistita attenzione ai fatti di colonizzazione, in una prospettiva centrata sulla ‘classificazione’ di poleis e regioni in rapporto alle relazioni coloniali, specialmente quelle tra madrepatria e colonia;15 la marcata enfasi sui rapporti di oikeiotes e syngeneia tra città e gruppi etnici;16 il frequente ricorso alle categorizzazioni di tipo ‘sub-ellenico’ (Dori, Ioni, Calcidesi, Eoli).17 Le osservazioni tucididee su Gela, Agrigento e Imera vanno interpretate in questo quadro complessivo. In definitiva, non è per niente ovvio assumere che Tucidide registri la presenza nelle colonie di un set di elementi, quali calendario, magistrature pubbliche, istituzioni politiche, suddivisioni civiche, che sarebbero caratteristicamente Dorici o Calcidesi. Piuttosto, il termine nomima semplicemente attribuisce un’identità etnica ‘sub-ellenica’ alle colonie. Tucidide insomma si sta muovendo su un terreno generico, e in sostanza ripropone elementi chiave dell’approccio e dello stile intellettuale che avevano caratterizzato l’etnografia erodotea. Ascrivere a una colonia siciliana nomima dorici o calcidesi significa in fondo contrassegnarne quella che oggi chiameremmo la ethnicity. Siamo di fronte a un atteggiamento coerente con l’attenzione che, nelle Storie, Tucidide, in genere, consacra al dato etnico.18 In Sicilia, la contrapposizione tra identità dorica e ionico-calcidese dovette in realtà essere particolarmente marcata, almeno a partire dagli anni Trenta ed essersi accentuata all’epoca della prima e della seconda spedizione ateniese.19 Ma sappiamo che un’autoidentificazione in chiave dorica, con un richiamo alle ‘leggi della norma di Illo’ ed alle ‘regole di Egimio’, proprie dei Dori scesi dal Pindo a Sparta (Pind. Pyth. 1. 61–66), venne affermata da Ierone e Terone già negli anni Settanta in chiave di ostilità nei confronti dei Calcidesi, apoikoi degli Egiziani e degli Etiopi, e tradizionalmente provvisti (nomizontes) di una lingua a metà (metaxy) tra quella degli uni e quella degli altri. 15 La circostanza è opportunamente rilevata e mappata in Ridley 1981 (23 casi) e soprattutto Hornblower 1996, 74–80. 16 Molto importanti in proposito Hornblower 1996, 61–74 e Fragoulaki 2013. 17 Alty 1982; Hornblower 1996, 70–74; Fragoulaki in stampa. 18 Alty 1982 è essenziale al riguardo. Alty ha ragione di sottolineare l’importanza delle identità ‘sub-elleniche’ all’epoca della Guerra del Peloponneso (contro Will 1953 che le riduceva a mera espressione retorico-propagandistica), ma il problema cruciale è se davvero si tratti di identità etniche radicate nell’autocoscienza collettiva sin dall’età arcaica, o non piuttosto di strategie identitarie messe in campo nell’ambito dei contrapposti schieramenti all’epoca delle contese tra Atene e Sparta a partire dagli anni Cinquanta del V sec. Il problema è vasto e coinvolge il ruolo dell’autocoscienza etnica nella storia greca arcaica e classica. Chi scrive condivide, al di là di talune interpretazioni di dettaglio, più il punto di vista di Ulf 2009 che non quello di Hall 2002. In ogni caso è lettura imprescindibile lo stato dell’arte di ordine teorico tracciato in Hall 2015. 19 La presentazione tucididea degli eventi ne è un chiaro riflesso.

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in concomitanza con il ripopolamento dorico di Imera e con la fondazione di Aitna.20 Si può dubitare invece che la contrapposizione in chiave etnica di Dori e Calcidesi sia in misura apprezzabile più antica, di VI sec. Soprattutto, non si vede perché si dovrebbe pensare che risalga all’epoca delle fondazioni coloniali tra VIII e VII sec.21 Se le cose stanno in questi termini, diviene difficile sostenere che in Tucidide si rifletta meccanicamente la dimensione identitaria originaria delle colonie. L’enfasi sui nomima dorici o calcidesi è invece più storicamente verosimile che sia il risultato della lettura tucididea (e almeno in parte di Antioco alle sue spalle) della situazione siciliana nel contesto delle spedizioni ateniesi in Sicilia. In effetti, nulla obbliga a farne la registrazione di identità coloniali ‘sub-elleniche’ vitali a partire dall’epoca delle fondazioni, come se le colonie siciliane si fossero date nomima (o nomoi, o nomaia se si volesse tener conto della cronologia del termine) dorici e calcidesi tra VIII e VII sec. E dunque, è quantomeno problematico ammettere che la dimensione identitaria coloniale fosse contrassegnata da caratteri originali trasmessi dalla madrepatria. Si deve poi tener conto del fatto che le scienze sociali privilegiano ormai una prospettiva costruttivista, attenta alle dinamiche identitarie e a tutti gli elementi di gradualità, plasticità, fluidità, condizionamento situazionale che quelle dinamiche contraddistinguono. Né mancano perplessità serie circa concezioni ‘reificate’, e ‘forti’, dell’identità in generale.22 Per parte sua, la ricerca antichistica ormai insiste sempre di più sulla strutturazione graduale, nel corso del tempo, delle istituzioni pubbliche, della comunità civico-politica e dell’identità collettiva della polis. Insomma, il rapporto tra polis metropolitana in formazione e polis coloniale anch’essa in formazione non può più essere concepito in termini legati alla tradizione ottocentesca. Certo, resta vero che la documentazione rivela la presenza nelle colonie di elementi derivati dall’ambito metropolitano. E tuttavia, natura e importanza dell’eredità metropolitana sono da indagare ulteriormente e ripensare. Qui si propone solo qualche sondaggio. 20 Prima furono assediate Callipoli, Nasso, Zancle e Leontini, poi conquistate Nasso e Catania, i loro cittadini deportati a Leontini e sostituiti con coloni siracusani e peloponnesiaci; Catania fu rifondata con il nome di Etna, Imera prima conquistata e poi ripopolata con coloni dorici, Zancle rifondata con il nome di Messene e occupata da contingenti messeni. Vd. al riguardo Luraghi 1994. Sull’auto-identificazione in chiave dorica della tirannide ieroniana vd. Poli Palladini 2001, 321–23; Thatcher 2012, 76–83 (Hieron the Dorian); Sammartano 2015, 614–15; K. Morgan 2015, 333–37 (Dorian constitutionalism [sic!]). 21 Questa tendenza a considerare originarie le identità coloniali di tipo ‘sub-ellenico’ è sottesa a tutta la discussione sui nomima in Malkin 2011, 99–100, 104–05, 108–12, 171–73 e 189–97. 22 Fondamentali per consapevolezza metodica e ampiezza della documentazione Brubaker e Cooper 2000 e Brubaker 2004.

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3. EREDITÀ Possiamo continuare a dare per scontato che le colonie ricevessero dalla madrepatria un set di tratti e caratteri distintivi? La risposta – è bene dirlo subito – non può essere netta, né in un senso, né nell’altro. Quanto sappiamo sembra suggerire che si possa parlare di ‘eredità metropolitana’ solo in un certo senso, solo in parte, e solo in riferimento a processi di formazione e definizione nel tempo. Nella documentazione relativa alla maggior parte delle colonie sono attestati fatti religiosi, politico-istituzionali o linguistici di matrice metropolitana. Al riguardo non possono esservi dubbi. Ma il punto essenziale è che la documentazione fa di questa eredità metropolitana solo uno dei molti aspetti della cultura di una colonia. Ad esempio, accanto a culti e istituzioni di matrice metropolitana, ne esistono spesso altri specificamente locali, ovvero di provenienza allotria. Un pantheon coloniale, ad esempio, difficilmente riproduce, nella sua articolazione interna e nelle sue gerarchie, quello della madrepatria, come si vede bene proprio nei casi in cui nelle colonie si ritrovano importanti analogie con i culti metropolitani, come ad es. a Taranto, a Cirene, a Selinunte o nelle colonie megaresi del Ponto, o in quelle milesie. In questo senso, il caso di Siracusa e del rapporto tutt’altro che lineare del suo patrimonio cultuale con quello di Corinto è molto istruttivo.23 Lo stesso si può dire per quanto riguarda le istituzioni politiche. Non è tanto importante la semplice presenza di coincidenze specifiche di rilievo (le hekatostyes nelle colonie megaresi del Ponto,24 la basileia a Cirene, l’eforato a Taranto). E’ più importante che alcune di queste coincidenze non siano originarie, o siano addirittura dubbie (Taranto25); che una determinata istituzione assuma in ambito coloniale connotazioni molto specifiche (la monarchia battiade a Cirene); o che, più in generale, le coincidenze facciano parte di un assetto politico-istituzionale che è comunque specifico del mondo coloniale, e non derivato in quanto tale dalla madrepatria. Non diversamente stanno le cose con i calendari,26 notoriamente una vera e propria ‘pièce de résistance’ di ogni difesa della tesi secondo la quale le 23

Vd. Reichert e Südbeck 2000. Ferraioli 2012; Robu 2014, 333–60. 25 Per Malkin 2011, 191 l’eforato, non esistente a Sparta all’epoca della fondazione di Taranto (Nafissi 2009), sarebbe stato adottato forse nel VI sec. da Taranto, oppure mutuato da Sparta dalla sua colonia. In realtà, sulla base della documentazione, che non è più antica del IV sec. e fa dell’eforato una magistratura eponimica, si deve ritenere dubbio che l’eforato a Taranto sia esistito in età arcaica (vd. al riguardo Lombardo 2012, 414–15). 26 Vd. in generale Samuel 1972 e ora Trümpy 1997; dal punto di vista del metodo resta importante Hanell 1934. 24

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colonie avrebbero una precisa identità distintiva originale derivante da una preesistente altrettanto precisa identità metropolitana. Ebbene, prendiamo il caso delle colonie megaresi di area pontica, nelle quali è indubbio siano presenti elementi metropolitani molto specifici sul piano religioso e istituzionale. A fronte della stretta vicinanza tra i calendari delle colonie, in particolare di Bisanzio, Calcedone e Eraclea, Hanell non riusciva però a decidere se si trattasse di un diretto riflesso della realtà metropolitana ovvero delle relazioni tra le colonie successive alla fondazione. A complicare il quadro, egli sottolineava i vistosi elementi argivi del calendario delle colonie megaresi, gli addentellati corinzi, e soprattutto gli elementi beotici.27 I calendari delle colonie megaresi non erano ‘einfache Wiederholungen’ di quello di Megara Nisea.28 In definitiva, il calendario della metropoli viene ‘trasferito’ nelle colonie solo in certi casi, ad esempio quelli della milesia Olbia, o delle colonie euboiche dell’Egeo settentrionale, o di Taso29 In molti altri casi, come appunto quello delle colonie pontiche megaresi, ma in realtà anche quello delle colonie corinzie della Grecia nord-occidentale,30 i calendari testimoniano complessi processi di assemblaggio. Si riscontrano sempre dei punti di partenza metropolitani, ma spesso nelle colonie essi si ritrovano inseriti in quadro ampio e diversificato di rapporti e riferimenti diversi. Un quadro analogo emerge sia nel caso della cultura materiale, sia nel caso dei costumi funerari. In entrambi i casi, l’esame delle evidenze in questa prospettiva è agli inizi, ma ad esempio la ceramica sembra indicare con molta chiarezza il carattere misto e ibrido della cultura materiale delle colonie siciliane sin dalla loro installazione.31 Non diversamente, l’analisi dei costumi funerari di necropoli coloniali d’Italia meridionale e Sicilia sembra rivelare una notevole disomogeneità a tutti i livelli, che lascia pensare fossero assenti forti tradizioni collettive ereditate dalla madrepatria in grado di condizionare e uniformare il complesso degli usi funerari all’interno delle compagini coloniali.32 Insomma, si profila un panorama di diversificazione, pluralità e disomogeneità che ancora una volta non si concilia con l’idea di una identità originaria delle colonie. 27 Hanell 1934, 205–06. Sulle origini e la fisionomia coloniale di Eraclea è molto importante ora Avram 2009. 28 Hanell 1934, 193. 29 Vd. Ehrhardt 1983, 118–22 (Olbia), Knoepfler 1989; 1990 (colonie euboiche); Salviat 1992 (Taso). 30 Vd. soprattutto Hadzis 1995. 31 Delamard 2014. 32 Shepherd 1995; Jackman 2005; discussione e ulteriore letteratura in Sammartano 2015, 596, n. 8.

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In definitiva, non si vorrà assumere a priori che l’identità collettiva delle colonie sia stata determinata ed espressa da un set di tratti distintivi caratteristici trasmesso con la fondazione. Anche se una dettagliata rassegna delle forme e proporzioni diverse assunte dall’eredità metropolitana nel mondo coloniale resta tutta da fare. Importa aggiungere che l’idea stessa di una sorta di ‘imprinting’ metropolitano sulla colonia presuppone una concezione di identità difficilmente sostenibile da un punto di vista teorico. Si tende ancora a dare per scontato che una formazione sociale debba avere una identità, in quanto aspetto ed elemento costituente intrinseco della sua natura. Ma dopo il ‘linguistic turn’ e l’affermazione delle prospettive costruttiviste è inevitabile prendere le distanze rispetto a questa concezione essenzialista. Di più, non mancano ormai ragionevoli proposte di sostituire al discorso genericamente identitario l’attenzione a fenomeni più specificamente definiti: i processi e le forme di auto-identificazione, auto-comprensione, costruzione e affermazione del senso di appartenenza e della consapevolezza di essere parte di un gruppo.33 Da questo punto di vista le ‘eredità metropolitane’ devono essere ripensate. Tra l’altro, nella realtà della situazione coloniale i vari elementi di matrice metropolitana dovevano essere riconosciuti come tali, negoziati e affermati nel quadro dei processi che, parallelamente all’integrazione della comunità civico-politica, portavano alla definizione di forme di auto-identificazione e auto-comprensione come comunità politica. Dunque, il discorso deve spostarsi dall’eredità metropolitana ai processi identitari e alle loro forme. 4. COSTRUZIONE Costruire la madrepatria I casi in cui in una colonia sono compresenti più componenti originarie non sono gli unici nei quali l’investimento identitario sulla filiazione da una madrepatria prese forma nel corso del tempo, anche attraverso processi di selezione talora connessi con mutamenti degli equilibri interni della polis coloniale. Al di fuori delle colonie ‘miste’,34 è, ad esempio, il caso di Cirene ad offrire indicazioni importanti, perché mostra come la memoria culturale manipolasse insieme, in un intreccio di costruzioni di senso, sia l’immagine della colonia 33

Rilevanti considerazioni in questo senso sono in Brubaker e Cooper 2000. Manca uno studio sistematico delle colonie che la tradizione letteraria dichiara fondate o popolate a partire da più di un ambiente metropolitano; per l’impostazione del problema è ancora imprescindibile Mazzarino 1964. 34

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stessa, sia il rapporto con la madrepatria. Per quanto attiene a quest’ultimo aspetto, appare abbastanza chiaro che le tradizioni di stampo battiade (presenti soprattutto in Pindaro) privilegiano e enfatizzano il legame con Sparta anche più che non quello con Tera.35 In effetti, nella Pitica quarta per Arcesilao IV si insiste (vv. 50–56; 254–62) a presentare Batto (e quindi i re Battiadi) come discendente sia dell’Argonauta Eufemo, che, giunto in Libia, ebbe in dono da un nume locale una zolla di terra (vv. 20–23; 34–37) in pegno di una futura colonizzazione, sia dei Minii, la progenie degli Argonauti che da Lemno si trasferì a Sparta e lì si unì all’eroe Theras partito per colonizzare Tera. In questa possente costruzione mitistorica, la colonizzazione della Libia appare predestinata ad avere luogo quattro generazioni dopo Eufemo. A spiegazione della fondazione di Cirene, avvenuta in realtà 17 generazioni dopo gli Argonauti, è chiamata la caduta in mare nei pressi di Tera della zolla affidata ad Eufemo. Così, la logica narrativa presenta il rapporto di Cirene con Tera come quasi accidentale. La madrepatria di Cirene – questo pare il senso delle storie accreditate presso la corte battiade – è Sparta almeno quanto Tera. La discendenza di Batto dai Minii, com’è stato osservato,36 ‘non solo assicura un legame diretto tra Sparta e Cirene, ma anche in certa misura proietta le origini di questa città nel quadro della genesi delle grandi poleis doriche del Peloponneso’. Siamo di fronte a una complessa costruzione culturale e simbolica che connette Cirene a Sparta, anche al di là di Tera. La metropoli di Cirene viene costruita in modo diverso dopo la caduta dei Battiadi.37 Quella che Erodoto presenta come tradizione cirenea non collega in nessun modo Batto a Sparta; mentre nella versione terea è Tera che acquista un ruolo importante quale madrepatria, il ruolo dei Minii, pur se non obliterato, vi è minimizzato, e soprattutto essi sono presentati come protagonisti di un comportamento negativo a Sparta. E’ assolutamente degno di nota quanto profondamente e quanto a lungo la storia intenzionale delle proprie origini a Cirene abbia continuato a coinvolgere il tema della madrepatria. L’identità delle poleis coloniali Ora, accanto alla ‘costruzione della madrepatria’ è particolarmente importante prestare attenzione all’ auto-identificazione delle colonie. Di nuovo nel caso di Cirene vediamo che i racconti di fondazione in Erodoto ne fanno l’assoluta 35

Vannicelli 1993, 128–29 e Giangiulio 2009, 94; per una panoramica generale vd. Malkin

1994. 36 37

Vannicelli 1993, 129, e nel complesso, 127–31. Discussione in Giangiulio 2001, 134–37.

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protagonista della colonizzazione della Libia, subordinando ad essa, o piuttosto oscurando, iniziative coloniali minori che l’archeologia suggerisce essere state parte di un’iniziativa coloniale più vasta e complessa.38 E anche nella tradizione battiade è implicata la posizione unica e centrale di Cirene nella colonizzazione della Libia. Ma la costruzione dell’immagine di sé da parte delle colonie prende anche altre forme. In generale, visto che né i racconti delle origini, né il culto dell’ecista sono il meccanico riflesso dei fatti di fondazione, perché la memoria culturale per sua natura riformula il passato, si può affermare che le origines urbis sono in buona parte il frutto di una costruzione identitaria.39 Da questo punto di vista i casi di Cirene e di Crotone sono emblematici. Le rispettive storie di fondazione conferiscono alle città un’aura religiosa particolare. Una forte enfasi viene posta, sia nella tradizione battiade (Pindaro), sia in quelle post-battiade (Erodoto), sul ruolo determinante svolto dall’oracolo delfico nella fondazione di Cirene. E lo stesso vale per la ktisis di Crotone nella storiografia occidentale di V sec. In entrambi i casi, il fondatore stesso risulta una sorta di agente umano di Apollo, cosicché la nascita delle colonie risulta l’espressione diretta della volontà divina. Viene dunque proclamata una particolare, distintiva, contiguità con Delfi. Evidentemente, è in gioco la costruzione e la proiezione di un aspetto cruciale dell’auto-identificazione collettiva.40 Nei processi identitari anche la moneta coniata e la relativa iconografia occupano un posto importante All’auto-identificazione espressa dalla memoria delle origini si affianca l’affermazione comunitaria legata alla creazione di una zecca pubblica e all’adozione dello strumento monetale da parte della polis. Ma sul piano identitario intervengono anche, e con molto peso, i simboli monetali: in alcuni casi la convergenza con le storie delle origini è molto marcata, come a Crotone, perché tanto la storia oracolare dell’ecista Miscello quanto il tripode delfico nella monetazione cittadina sin dall’inizio delle coniazioni intorno al 530 a.C. rappresentano un rimando molto preciso al santuario di Apollo a Delfi.41 In definitiva, sia la memoria delle origini coloniali nelle sue forme narrative e rituali, sia l’autocomprensione della comunità espressa dalla iconografia monetale testimoniano il fenomeno della costruzione di forme e livelli identitari collettivi. Un fenomeno che tende a disporsi entro un arco cronologico lungo e in un quadro di plasticità e disponibilità alla riformulazione. 38 39 40 41

Vd. al riguardo Giangiulio 2009 e Costanzi 2013. Giangiulio 2001; 2007; 2012; Hall 2008. Più ampia discussione in Giangiulio 2001. Più dettagliata analisi in Giangiulio 1989, 134–47, 155–60.

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Sfaccettature particolari assume la dimensione identitaria nel caso di alcune situazioni coloniali che non rientrano nel modello del rapporto metropolicolonia di tipo interpoleico. È il caso, in Occidente, delle colonie achee e di quelle di Calcide. Le colonie achee Il punto chiave è che, nella documentazione antica, da un lato nessuna comunità dell’Acaia peloponnesiaca è mai considerata metropoli di una colonia magnogreca, e dall’altro le colonie sono definite ‘degli Achei’. Che queste vedessero nell’Acaia peloponnesiaca la loro madrepatria è ciò che Polibio presuppone quando ascrive agli Achei di Magna Grecia l’istituzione di un santuario comune di Zeus Homarios come luogo di riunione e comune deliberazione e l’adozione dei costumi e delle leggi, di fatto della politeia, degli Achei metropolitani (Polyb. 2. 39. 5–6).42 Ma gli eventi devono essere collocati negli anni Venti del V sec., in un contesto molto diverso da quello arcaico.43 Se poi quest’immagine dell’Acaia sia più antica non vi sono elementi certi per deciderlo. E’ vero: per Antioco, Metaponto sarebbe stata fondata da Achei ‘mandati a chiamare’ dall’Acaia; e, per Pausania, Caulonia sarebbe stata fondazione achea in Italia, con ecista Tifone di Aigion.44 Tuttavia, non ne consegue che Sibari e Crotone nel VII sec. considerassero l’Acaia, ovvero gli Achei, una realtà unitaria e una metropoli. Perché, in realtà, l’origine di Metaponto e Caulonia può essere ricondotta tanto alle reti e alle direttrici della mobilità dalle quali le stesse Sibari e Crotone erano nate, quanto ai rapporti di contiguità e interconnessione tra territori vicini nella zona centrale dello spazio acheo peloponnesiaco. Certo, si pone il problema degli idronimi sibariti Krathis e Sybaris che chiaramente derivano dall’area compresa tra Boura ed Aigai e non da quella, peraltro tutto fuorché lontana, tra Helike e Rhypai.45 Ma questa presenza si spiega meglio in termini di contiguità territoriali alla partenza, che non ipotizzando una organizzazione coloniale achea fondata su forme di coesione di matrice etnica. L’Acaia, intesa come lo spazio coeso di un ethnos degli Achei, non può essere una nozione di VIII sec., ed è improbabile sia stata vista come madrepatria sin dal momento delle fondazioni in Italia meridionale. Tanto più che la diffusa idea della natura etnica della colonizzazione achea ha senso solo se si presuppone che nell’VIII sec. esistesse una compagine degli Achaioi, radicata 42

Sulla forma organizzativa della ‘lega achea’ magnogreca, vd. Mele 2008, 474–77. Documentazione e discussione analitica in Giangiulio 1989, 177 n. 52. 44 Vd. rispettivamente Antioco di Siracusa, FGrHist 555 F 12 e Paus. 6. 3. 11. 45 Vd. Strab. 8. 7. 5 (Sybaris in Acaia) e Hdt. 1. 145; Strab. 8. 7. 4; Paus. 7. 25. 11–12; 8. 15. 9 (Krathis in Acaia). 43

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in un territorio definito, provvista di identità collettiva, di un mito delle origini e di una storia condivisa. Peraltro si è scritto che ‘le colonie achee di VIII e VII secolo mostrano di possedere lo stesso patrimonio genetico a partire dall’VIII secolo posseduto dai loro consanguinei del Peloponneso […] è presupposta altresì una cultura, che si identifica nella coscienza comune di essere Achei ed originari della Tessaglia “eolica e ftiotica”’.46 A ben vedere però non ci sono né elementi di fatto, né modelli della teoria sociale che spingano a postulare l’esistenza di gruppi ‘sub-etnici’ greci sin dall’inizio del I millennio. Invece, una prospettiva che eviti ogni essenzialismo considererà l’ethnicity acheo-metropolitana un fenomeno piuttosto sfuggente prima del V sec. e cercherà di seguire le tracce dei processi che gradualmente ne costituirono i diversi livelli (tiers): la strutturazione dello spazio subregionale acheo; la costruzione di una coesione culturale degli Achei; l’appropriazione dell’etnonimo epico Achaioi e l’articolazione di una ‘acaicità’ riferita nello stesso tempo alla dimensione epica e a una mitistoria genealogica agganciata alla linea di discendenza Pelope, Agamennone, Oreste, Tisameno.47 Sulla base di quanto sappiamo dell’Acaia peloponnesiaca non si può, in buon metodo, postulare un’identità originaria, risalente alla ‘early Iron Age’, come pure si è sostenuto.48 Sulla base di questa premessa è possibile impostare in termini non convenzionali la discussione intorno alla dimensione identitaria delle colonie achee. La documentazione spinge a avviare il discorso dalla storia di VI sec., che registra un fenomeno molto peculiare e significativo. Non esiste un altro ambito coloniale in cui arrivino a prendere forma, in un definito momento della vicenda locale, tanto una fitta rete di vere e proprie commonalities tra le poleis dell’area, quanto tangibili spinte all’integrazione e persino tendenze unificanti. L’elenco delle commonalities appare straordinario: l’alfabeto (e a quel che pare il dialetto);49 il culto di Hera e in particolare le sue modalità extra-urbane;50 l’artigianato artistico (e in parte la cultura materiale), che esprime forme di vera e propria koine culturale;51 la cultura architettonica, le sue tecniche e le sue realizzazioni, ai più vari livelli di impegno dimensionale e artistico;52 l’urbanistica;53 il sistema ponderale e la monetazione incusa.54

46 47 48 49 50 51 52 53 54

Mele 2002, 90. Ampia discussione al riguardo in C. Morgan 2002; Giacometti 2001; Arena 2007. C. Morgan e Hall 1996, 198. Status quaestionis in Giangiulio 1989, 164–65 e num. 11–12. Giangiulio 2002; Osanna 2002; ora Pirenne-Delforge e Pironti 2016. Sabbione 1984; Croissant 2002. Mertens 2002. Mertens 2006; Greco 2016. Parise 1973; Kraay 1976, 162–64; Parise 1987.

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Con le commonalities si intrecciano tendenze ora al raccordo, all’azione comune, persino all’aggregazione, soprattutto nella forma di grandi compagini sovrapoleiche e territoriali guidate da una polis egemone. Il raccordo tra i centri achei si concretizza già ad inizio VI sec., al momento della fondazione di Posidonia da parte di Sibari, con l’organizzazione di un contesto santuariale per Hera nel contempo urbano ed extra-urbano, come a Metaponto e Crotone; con l’impostazione di un impianto urbano che ricalca quello di Metaponto; con lo sviluppo di un’architettura templare profondamente analoga, ancora una volta, a quella metapontina. Quanto poi all’attacco di Sibari, Crotone e Metaponto a Siri intorno o poco dopo il 570,55 esso non solo testimonia una precisa capacità di azione comune, per quanto la leadership sibarita possa essere stata determinante, ma soprattutto rappresenta un momento decisivo della costruzione di un grande sistema coloniale acheo coerente dal punto di vista politico-territoriale. Delle tendenze all’aggregazione non vi è testimonianza più significativa della struttura egemoniale sibarita.56 Un’esperienza che si dispone almeno lungo tutto l’arco del VI sec. e si caratterizza in primo luogo per i suoi vasti orizzonti territoriali, che coinvolgevano, sulla base di vari strumenti diplomatici e diversificati rapporti di tipo politico-economico, non solo gli ambiti coloniali achei, ma anche una vastissima rete di comparti territoriali dell’interno della Lucania, della costa tirrenica a sud di Velia, del bacino del Crati fin nel cuore della Sila. Il dominio di Sibari fu al tempo stesso una plaque tournante di strette relazioni tra i centri achei e un formidabile fattore di interazione culturale con gli ambienti anellenici dell’interno. Nei processi implicati entravano in gioco – deve essere sottolineato – le commonalities achee, non gli specifici aspetti identitari delle diverse poleis. Ora, esattamente questo intreccio di commonalities e spinte centripete, non può non aver avuto ripercussioni sul piano identitario già nel VI sec., alimentando solidarietà collettive e forme di auto-identificazione in chiave achea. Non c’è modo di considerare le une e le altre come la conseguenza di un’identità etnica originaria, o manifestazione del gruppo etnico degli Achei. Anche perché a rivelarsi determinante nei processi implicati è un solo ambiente, quello di Sibari, e non la presunta unità etnica. E’ Sibari che ebbe un ruolo egemone nell’ambito acheo e fu il polo di attrazione e insieme di propulsione nel più ampio contesto regionale. Insomma, i verosimili risvolti identitari in chiave achea delle dinamiche storiche centripete del VI sec. sono in realtà la risultante del ruolo di Sibari. Nel mondo coloniale questi risvolti identitari 55

Giangiulio 1989, 248–51. Sul cosiddetto ‘impero di Sibari’ vd. soprattutto Greco 1994; Mele 2008, 469–74; Giangiulio 2014. 56

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appaiono intrecciati con un riferimento alla ‘acaicità’ omerica, e al mondo degli eroi epici, insomma con quelle che ad altro proposito sono state chiamate ‘tales of epic ancestry’.57 In effetti, ancora in pieno V sec., la cultura della committenza metapontina di Bacchilide faceva appello proprio al ruolo degli eroi achei quali fondatori della città (vd. Bacchyl. 11. 119–123). Inoltre, alla luce delle relazioni coloniali con gli ambienti metropolitani, non poté essere mancata, anche un’interazione dell’identità acheo-coloniale con l’ethnicity acheo-peloponnesiaca tra VI e V sec.58 Prima della metà del V sec. gli Achei dell’Acaia proclamavano la loro discendenza da Pelope e Agamennone. L’epigrafe di un donario ‘comune’ degli Achei a Olimpia, tra l’altro provvisto di un’iconografia ‘epica’ iliadica che rimandava al celeberrimo episodio del sorteggio dell’avversario di Ettore tra gli eroi achei a Troia, è precisa testimonianza di un frammento di mitistoria genealogica, che oltretutto potrebbe aver avuto corso già nel VI sec.59 Il bricolage identitario degli Achei di Magna Grecia si rivela in tutta la sua complessità: doveva aver preso forma una modalità di auto-identificazione in cui convivevano un senso di appartenenza a un ambiente culturale comune, quello del mondo coloniale acheo, e un riferimento tanto all’orizzonte epico quanto all’Acaia peloponnesiaca. Come si vede, siamo di fronte a un processo di costruzione di una rete di livelli e riferimenti identitari achei che si distende tra VI e V sec. Un processo, e non una definizione puntuale. Pertanto appare riduttivo pensare a una ‘identità achea’ formatasi al momento dell’attacco a Siri,60 facendo tra l’altro troppo conto dell’ottica ‘etnicista’ della fonte di Trogo-Giustino (‘pellere ceteros Graecos …’). E ancora meno pertinente sarebbe pensare alla fondazione di Metaponto, e volerla intendere quale espressione di una solidarietà ‘achea’ orientata in senso anti-dorico e anti-tarantino, in questo caso assumendo lo scenario storico allestito da Antioco di Siracusa come testimonianza dei reali rapporti di VII sec. nel Metapontino. Invece, quella rete di livelli e riferimenti identitari achei dovette in buona parte formarsi nel corso del VI sec., al tempo dell’impero sibarita. Forse in parte sopravvisse alla caduta di Sibari e alle trasformazioni del ruolo di Crotone nei primi decenni del V sec. Quale conformazione avesse al momento del crollo del Pitagorismo intorno alla metà del secolo è impossibile dire, ma è degno di nota che a Metaponto, in una data che in ogni caso non sarà stata molto anteriore, né molto posteriore, fosse importante, come 57 58 59 60

Mutuo parte dell’acuto titolo di Larson 2007. Giacometti 2001; C. Morgan 2002; Arena 2007. Per il donario e le iscrizioni relative, vd. Paus. 5. 25. 8–10 (su base autoptica). Come pensa Jonathan Hall (2002, 64–65).

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testimonia Bacchilide nell’epinicio 11,61 una rappresentazione delle origini coloniali radicata nella ‘acaicità’ epica. Un’identità coloniale nella forma di una ‘special relationship’ con la madrepatria acheo-peloponnesiaca venne affermata dopo Turi e dopo la guerra turino-tarentina, probabilmente negli anni Venti. Le colonie di Calcide Piuttosto diverse rispetto al mondo acheo appaiono le dinamiche identitarie riferibili all’ambiente delle colonie di Calcide in Occidente. Ma anche in questo caso, costruzione e decostruzione sono all’ordine del giorno. Mentre risulta problematica ogni interpretazione in chiave di originaria identità comune.62 Come si è mostrato in precedenza, l’insistenza tucididea sui nomima calcidesi e sull’elemento calcidese in contrapposizione al dorismo siceliota si presta ad essere letta soprattutto in riferimento al momento della guerra del Peloponneso e delle spedizioni ateniesi in Sicilia. Relativamente all’epoca precedente, offrono importanti elementi di valutazione la legislazione e la monetazione. Stando ad Aristotele (Pol. 1274a), Caronda di Catania sarebbe stato il legislatore della sua città e delle altre città calcidesi di Italia e Sicilia. Le sue leggi, o ad ‘un Caronda’ attribuite, sono verosimilmente posteriori a quelle di Zaleuco, del quale Caronda sarebbe stato discepolo, ma si deve ritenere molto incerto se esse siano di VII, e non di VI, sec.63 Ancora meno sappiamo dell’epoca nella quale le leggi di Caronda di Reggio (Eraclide Lembico fr. 55 Dilts) furono adottate (Arist. Pol. 1274b 23–26) dai Calcidesi di Tracia per il tramite del reggino Androdamante, ma, trattandosi di norme sui delitti di sangue e i diritti delle epiclere, non si dovrebbe scendere più in basso dell’epoca arcaica. Ora, non appare pertinente un’interpretazione strettamente letterale di Aristotele che accrediti l’idea che Caronda avesse legiferato contestualmente per le città calcidesi occidentali. Invece, è chiaro che bisogna supporre un processo di diffusione tra centri coloniali vicini. Quanto alla monetazione, adottata, pare, a partire dal 530 a.C. circa,64 essa mette in luce due aspetti strutturali significativi. Da un lato, il comune riferimento delle emissioni – che sono quelle di Imera prima e poi di Nasso, Zancle 61 Sull’epinicio e il suo contesto tra Metaponto e Peloponneso settentrionale, vd. ora Giangiulio 2002, 299–304; Kowalzig 2007, 297–327; Cairns 2010; Nicholson 2016, 277–307; Foster 2017. Peraltro il dibattito deve ancora sedimentare. 62 Opportune le posizioni sfumate assunte in Cordano 2008. 63 Da tenere presente la discussione in Hölkeskamp 1999, 130–43. Una panoramica attenta alla documentazione nel suo complesso è in Cordano 1978. 64 Per una sintesi sulle emissioni catanesi, Consoli 2009.

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e quindi Reggio, ma non di Catania – ad un medesimo sistema ponderale; dall’altro il carattere assolutamente distintivo (dracma di 5.8219 gr.) del piede monetale, che ha analogie solo rispetto al sistema lidio e una probabile lontana origine levantina.65 Ci si potrebbe chiedere se legislazione e monetazione presuppongano una preesistente identità comune o piuttosto non contribuiscano alla costruzione di essa. Il problema va naturalmente posto in termini meno rigidi, ma c’è motivo di preferire la seconda delle due possibilità. Legislazione e monetazione calcidesi lasciano riconoscere sia tendenze al raccordo tra poleis distinte, sia un’inclinazione a compiere cruciali esperienze comunitarie in parallelo e forse, talora, in collegamento tra molte di esse. Siamo di fronte a tendenze attive dal tardo VII al tardo VI sec., che tuttavia in questo lasso di tempo non danno luogo né a forme strutturate di coesione o di azione politica collettiva, né a spinte centripete. Da questo punto di vista l’ambito calcidese appare meno integrato di quello acheo. In definitiva, si deve pensare a un processo lungo e complesso. In una prima fase, le generazioni successive a quella dei fondatori avranno strutturato un’autoidentificazione come coloni di Calcide che risolveva in questa chiave l’originaria presenza della componente cicladica nel caso di Nasso,66 o quella ‘siracusana’ nel caso di Imera. Potrebbe aver contribuito in questo senso anche la consapevolezza di alcune commonalities calcidesi, come il sistema ponderale e probabilmente il calendario, nonché il dialetto e l’alfabeto.67 Anche il culto di Apollo Archegeta avrà consolidato una trama di interrelazioni perlomeno tra le colonie calcidesi.68 Ma una coscienza di una comunanza originaria, ammesso che abbia preso pienamente forma, non deve aver avuto particolare salienza.69 Certo non basta a garantirla enfatizzare la progettualità che sarebbe stata insita nel ruolo ecistico di Tucle (ruolo che si registra peraltro nel caso di Nasso e Lentini, ma non di Catania), e nemmeno la supposta organizzazione complessiva della spedizione coloniaria da Calcide alla Sicilia.70 Le relazioni 65

Un quadro degli aspetti metrologici della monetazione più antica è in Consoli 2009. Esauriente discussione di documentazione e letteratura pertinente in Sammartano 2015, 604–05 e note. 67 Su dialetto ed alfabeto calcidesi, con riguardo anche alla situazione di Imera, in cui secondo Tucidide si sarebbero mescolati tratti dorici e calcidesi, nonché a quella di Nasso, nel cui alfabeto si trova un segno dell’alfabeto ‘azzurro-chiaro’ di Nasso cicladica, è ora fondamentale Dell’Oro 2017 (in part. sulla dedica nassia a Enyo che attesta un grafema nassio-cicladico, vd. 168–72). 68 Per uno status quaestionis, vd. ora Sammartano 2015, 607–08 e note. 69 Sulla nozione di salienza dal punto di vista teorico, Stryker e Serpe 1994. 70 Le letture della documentazione che enfatizzano in chiave modernizzante la ‘progettualità’ di un disegno coloniale complessivo di Calcide in Sicilia (vd. ad es. Moggi 2009) sembrano tutt’altro che inevitabili. 66

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interpoleiche di epoca successiva, dettate dalla contiguità geografica e dalle interazioni, anche competitive, tra i diversi centri, secondo dinamiche da ricondurre anche alla peer-polity interaction, al massimo avranno incentivato la diffusione delle leggi di Caronda e più tardi della monetazione. E’ un fatto però che, più tardi, il mondo calcidese fu profondamente scompaginato da Ippocrate, Terone e Ierone: una vera e propria destrutturazione interessò Nasso, Leontini, Zancle, Catania ed Imera.71 I riflessi negativi sul piano delle identità collettive furono sicuramente pesantissimi. La relativa ricostituzione degli assetti civici nei tardi anni Sessanta del V sec., a seguito della caduta delle tirannidi, può aver portato a recuperare aspetti e livelli della dimensione identitaria delle città calcidesi, probabilmente in questo momento riflessa nella denominazione comune di tipo ‘etnico’ Calcidesi. Tuttavia un’identità collettiva calcidese in chiave contrastiva anti-dorica pare ipotizzabile solo nel momento in cui si saldò il rapporto con Atene (negli anni Trenta?) e le relazioni con Siracusa tornarono difficili. Di questa etnicità si coglie un riflesso in Tucidide. Essa appare fortemente politica, esito di, e al tempo stesso stimolo a, una contrapposizione a Siracusa e al dorismo da essa sbandierato. 5. DISCORSO POLITICO ‘Non è per niente disonorevole, infatti, fare delle concessioni tra elementi affini: i Dori ai Dori, i Calcidesi ai popoli della loro stirpe e, in generale, fra vicini e fra persone che come noi coabitano in una stessa regione, circondata dal mare, e portano lo stesso nome di Sicelioti’ (Tucidide 4. 64. 3, trad. di M. Moggi). Com’è noto, soprattutto queste parole messe in bocca da Tucidide al Siracusano Ermocrate sintetizzano il valore identitario che al termine Sikeliotai sarebbe stato conferito in quel Congresso di Gela dell’estate del 424 che pose fine alle ostilità tra le città di Sicilia e creato le condizioni per il ritiro delle forze ateniesi dall’isola. I Sicelioti, titolari di un’identità regionale che superava le affiliazioni di tipo sub-etnico (Dori, Ioni Calcidesi), sarebbero inoltre stati coloro che possedevano in comune i beni della Sicilia (61. 3) e agivano in comune in soccorso della Sicilia tutta e della sua libertà. Dunque prospettiva pan-siceliota, appartenenza comune a un ambito regionale, coesione e solidarietà al di là dell’appartenenza etnica. Naturalmente ci si deve chiedere se questa prospettiva unitaria e pansiciliana non sia stato Tucidide ad attribuirla ad Ermocrate. Tanto più che il discorso del Siracusano a Gela potrebbe essere stato redatto dopo la fine della grande spedizione ateniese e costruito in parallelo a quello di Alcibiade prima 71

Supra n. 20.

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della spedizione.72 Come che sia, non ci sono però argomenti per pensare che la rappresentazione dei Sicelioti da parte di Ermocrate sia una del tutto libera elaborazione dello storico. Tucidide usa Sikeliotai in vari casi, e in alcuni con una connotazione semplicemente descrittiva, ‘neutra’.73 Perché avrebbe coniato un neologismo da usare sia con una funzione descrittiva sia in un’accezione profondamente caratterizzata da valenze politiche e identitarie pan-siceliote? E perché avrebbe dovuto attribuire all’Ermocrate di Gela l’idea che l’identità siceliota supera quelle dorica e calcidese, con una contrapposizione Sikeliotai/Ateniesi allophyloi, e invece all’Ermocrate di Camarina nel 415 un forte appello, sempre in chiave anti-ateniese, all’orgoglio etnico dorico, se non ci furono elementi in un senso e nell’altro nelle posizioni assunte da Siracusa? Non è più storicamente pertinente ammettere che Sikeliotai, lungi dall’essere un neologismo tucidideo, allo storico ateniese preesistesse? Così come pare plausibile, alla luce degli eventi, ritenere che Siracusa, nel contesto storico della prima spedizione ateniese in Sicilia, abbia effettivamente contrastato la narrativa ateniese dell’intervento a sostegno dei consanguinei Ioni Calcidesi affermando una (certo non meno strumentale) identità pan-siciliana a sostegno dell’ideale della ‘Sicilia ai Sicelioti’. Il punto chiave è che nell’estate del 424 le contese tra le città di Sicilia ebbero fine, e l’intesa comune raggiunta spinse gli Ateniesi a rientrare in patria. Siamo di fronte insomma ad un fatto storico. Quel che l’Ermocrate tucidideo voleva accadesse, in effetti accadde. Una spiegazione è evidentemente necessaria. E la più sensata è che, a Gela, ideologia e prassi della solidarietà pan-siciliana abbiano avuto effettivamente un ruolo chiave. Tucidide può aver esaltato il ruolo di Ermocrate, e addirittura aver anticipato agli anni Venti un ruolo di leadership che il Siracusano ebbe solo un decennio dopo, e naturalmente, le argomentazioni messe in bocca all’Ermocrate di Gela è tutt’altro che certo gli appartengano in tutto e per tutto. Tuttavia è difficile che Tucidide non abbia costruito sulla base di un nucleo di realtà storica. Un problema distinto è quello cronologico. A quale fase della vicenda storica siciliana può essere fatta risalire una consapevolezza identitaria dei Sikeliotai? E’ essenziale sottolineare che la solidarietà dei Sikeliotai che si espresse a Gela si manifestava soprattutto come solidarietà politica, e rinuncia a divisioni e contese tra le poleis, nonché cooperazione delle poleis stesse a un unico obiettivo pragmatico. In altri termini, la coesione dei Sikeliotai appare 72 Su Ermocrate in Tucidide e sul discorso a Gela vd. soprattutto Landmann 1932; Bender 1938; De Sanctis 1972; Hinrichs 1981; Hornblower 1996. Bibliografia italiana in Miccichè 2010 e Sammartano 2015. 73 Vd. ad es. Thuc. 3. 90. 1; 4. 58. 1, con Malkin 2011, 109.

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più una coesione interstatale che una appartenenza collettiva ad un gruppo. Siamo insomma di fronte a una forma peculiare di ‘identità’, che è inscritta in gran parte all’interno del discorso politico-diplomatico, e soprattutto di esigenze pragmatico-politiche è funzione. Su questa base fa difficoltà separare l’identità siceliota da un contesto storico-politico in cui, soprattutto per Siracusa, si profila una minaccia ateniese. E pertanto è difficile collocarla prima della Guerra del Peloponneso. La sua costruzione doveva avere naturalmente dei presupposti. Non poté essere stata né arbitraria, né completamente artificiale. Un presupposto è una rappresentazione della Sicilia come spazio politico potenzialmente unitario. Se due riferimenti in Erodoto a Gelone quale titolare di un dominio sulla Sicilia hanno qualche attinenza con l’immagine del proprio potere costruita dai tiranni siracusani,74 allora la visione di un’entità di natura territoriale e politica, non semplicemente geografica, dev’essere maturata nel contesto dell’autorappresentazione della tirannide negli anni Settanta del V sec. Un secondo presupposto è la nozione di una comunanza tra le poleis di Sicilia che si fa fondamento di raccordo politico e decisione solidale. Si tratta di istanze che dopo la fine di Trasibulo a Siracusa ed il crollo delle tirannidi in generale dovettero sorreggere la successiva ricostruzione degli assetti civici interni alle città e degli equilibri tra le città. Il grande riassetto di ampia parte dell’isola trovò espressione nell’accordo generale di riconciliazione del 461: il koinon dogma (Diod. Sic. 11. 76. 1–2).75 Né si può escludere che, poco dopo, ‘il momento di Ducezio’, con la costruzione di una dimensione identitaria sicula che però si appropriava di pratiche sociali e stili culturali greci in chiave di acculturazione antagonistica, abbia favorito un primo formarsi di una nozione di grecità specificamente siceliota.76 E’ possibile che un’auto-identificazione di grecità siceliota abbia preso qualche forma nei decenni tra Imera e la metà secolo. Ma a quanto pare non la nozione di Sikeliotai che presupponeva un’identità che si fondava su coesione e solidarietà e si contrapponeva agli allophyloi estranei alla Sicilia. Avrebbe dovuto essere saliente, se fosse esistita, al tempo di Imera e di Cuma, nel momento della contrapposizione a Cartaginesi ed Etruschi, ai ‘barbari’. Ma, all’epoca, Ierone si proclamava, stando alla Pitica prima di Pindaro, campione di una Grecità che si voleva tutt’uno con quella metropolitana, e salvatore dal servaggio di una Hellas in cui la lotta della Sicilia contro i barbari si 74

Vd. Hdt. 7. 157. 2 (Gelone archon Sikelias) e 163. 1 (Gelone tyrannos Sikelias). Sul contesto storico dell’epoca vd. Giangiulio 2015, 81–83. 76 Ancora importante Rizzo 1970; da tener presenti, nella vasta letteratura relativa, Antonaccio 2001; Jackmann 2006; Giangiulio 2010, 20. 75

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‘fondeva’ con quella della Grecia metropolitana contro i Persiani.77 In quel clima politico-ideologico non sembra vi possa essere stato posto per i Sikeliotai. Né era compatibile con la proclamazione di una identità siceliota il forte richiamo di Ierone, in qualità di fondatore di Aitna a suggello di una radicale destrutturazione del mondo coloniale calcidese, ai valori del dorismo.78 Il problema dell’origine della definizione di Sikeliotai e dell’identità al termine connessa sarebbe superato se si ammettesse che un’identità ‘regionale’ greca sia esistita da sempre, sin dalle prime fondazioni greche. E che l’identità dei Greci di Sicilia sia un risultato della colonizzazione stessa, in particolare una conseguenza della consapevolezza dei tratti culturali greci che accomunavano i coloni e li individuavano nei confronti delle popolazioni non-greche.79 Ma anche, come si è sostenuto, un risultato del riferimento di tutti i Greci di Sicilia all’altare di Apollo Archegete a Nasso.80 Tuttavia il celebre testo tucidideo che evoca la consuetudine degli inviati (i theoroi) alle feste panelleniche metropolitane di sacrificare da quell’altare alla partenza dall’isola (6. 3. 1), in realtà non dice che tutti i theoroi di tutte le colonie siciliane compivano quel sacrificio, né dice che quei sacrifici erano una pratica originaria, instauratasi all’epoca delle fondazioni. Ma non è dubbia soltanto l’immagine di un’originaria e generale convergenza rituale su Nasso delle colonie siciliane. E’ anche dubbio che le dinamiche coloniali reali, vale a dire esperite nelle concrete relazioni territoriali, personali e culturali con gli ambienti ed i gruppi anellenici, si siano fondate sulla dicotomia ‘greco/non-greco’. Tutto quello che sappiamo dell’arcaismo siciliano dice che la logica culturale di quel contesto non fu oppositiva. Le dinamiche relazionali che l’‘Archeologia Siciliana’ evidenzia non appaiono aver messo in gioco contrapposizioni etniche e identitarie forti.81 Queste furono costruite tardi, soprattutto nel V sec., e in gran parte all’interno del discorso politico e diplomatico. Presupporre identità coloniali necessariamente originarie, fortemente distintive, espressione di autocoscienze di gruppo esclusive, sia pure basate sulle tendenze dei networks alla connessione, significa in fondo esitare a ‘decolonizzare’ la storia greca.

77

Vd. a questo riguardo Sammartano 2015, 616–18 e K. Morgan 2015, 337–40. Supra n. 20. 79 Come vorrebbe Malkin 2011, 107–12. 80 Come opportunamente rilevato già da Antonaccio, Hall e Sammartano (vd. Sammartano 2015, 608 e n. 38, con la bibliografia). 81 Giangiulio 2010. 78

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PART II

CIRCULATIONS DES MODÈLES ET ‘CULTURE COLONIALE’

RITUELS ‘A MYSTÈRES’ ET POLIS ENTRE LA SICILE ET LA MER NOIRE: RÉFLEXIONS MÉTHODOLOGIQUES Claudia ANTONETTI

Abstract Within the complex dialectic between mother countries and apoikiai, the idea of a precise reproduction in the Greek colonial world of the original cultural patterns has recently been abandoned in favour of a focus on the various contributions of the different geopolitical contexts of the Greek Mediterranean world. In line with this position, this paper concentrates on the testimonies of Orphic-Bacchic mystery rituals, which were widespread in the West, in Magna Graecia and Sicily, as well as in northern Greece and the Black Sea, using them as an instrument of research, comparison and in-depth study of the development of the polis and of the relations between the poleis. This perspective lends itself particularly well, if seen in diachrony and in context, to consider the sociality of the polis in its various and multifaceted components: of status (elites, kings, tyrants) and of gender (male/female). The issue of ‘mystery’ religions normally evokes an experience of the periphery of the Greek world, but as discoveries progress, this ‘periphery’ extends more and more: even in this case, the research carried out shows that it is a concept from which it is good to distance yourself.

Au sein de la dialectique complexe entre les mères-patries et les apoikiai, l’idée d’une reproduction précise, dans le monde colonial, des modèles culturels d’origine vient d’être justement abandonnée au profit d’une focalisation sur les apports originaux des différents contextes géopolitiques du monde grec méditerranéen. Un bon point de départ pour mieux connaître ces réalités différentes et pour mettre en lumière d’éventuelles interconnexions, c’est de considérer le rôle joué par la ritualité à mystères en dehors de la ‘petite’ Grèce des mères-patries à travers quelques exemples: en Occident, dans la Grande Grèce et la Sicile, et à l’Est, dans la Grèce du Nord et la mer Noire. Réduire le champ de l’enquête est ici indispensable pour proposer quelques réflexions générales sur un sujet très complexe et glissant: le discours – qui ne vise pas à être exhaustif, mais critique – va essayer de ne pas s’étendre beaucoup au-delà du IVe siècle av. J.-C., une époque qui s’est révélée être la clé de voûte de l’évolution de ces modèles de savoir religieux. Quant au choix de ces derniers, je me propose de privilégier les témoignages orphico-bachiques qui sont relativement nombreux

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dans ces deux régions à l’étude et en même temps pas aussi universellement répandus que les mystères de Déméter et Coré ou les rites dionysiaques toutcourt. Je suis consciente du problème du rapport entre ‘les mots et les choses’, donc de l’extrême difficulté de saisir les réalités antiques, de pouvoir opérer des distinctions, de donner des définitions qui ne peuvent être, dans le cas de figure, que de nature opératoire (ici, par exemple, les définitions de telete, orgia, mysteria).1 Le problème a été clairement ciblé par le récent débat critique avec d’importantes mises au point; tout d’abord, la notion de mystères liés à une idée d’unité et de diffusion univoque est une idée moderne: pour en donner un exemple significatif, les mystères dionysiaques, qui ont catalysé l’activité religieuse de la majorité des associations cultuelles hellénistiques, se révèlent, à une étude historique attentive, pratiqués sous formes multiples et différentes.2 Les mystères, un produit culturel typiquement grec dans lequel domine le regard rétrospectif, visant le mythe fondateur, plutôt que le regard en perspective (eschaton) qui se développe surtout dans la période postclassique, ne peuvent pas être l’objet d’une typologie précise:3 on dira plutôt qu’à l’expérience des Grecs, déjà à fin VIe–début Ve siècle av. J.-C., était familière une série de pratiques rituelles – caractérisées par l’ésotérisme et l’initiation – définissables par la catégorie en question4 qui toutefois n’impliquaient aucun changement dans le statut social de l’individu. Ils représentaient l’espace cultuel et rituel ‘qui donne forme à la marge, où la mort se situe, et à la dynamique de la transformation impliquée par les oscillations incessantes entre le plan de la mort et celui de l’immortalité et sans laquelle les échanges culturels et sociaux ne sont pas possibles’.5 D’autre part on se heurte, encore aujourd’hui, à des approches différentes du rapport entre les mystères et la polis – le thème qui est ici au centre de l’intérêt – et qui vont de l’opposition, la séparation, l’altérité, à une conception totalement ‘publique’ et inclusive des rites et des cultes,6 selon une interprétation 1 Le terme mysteria, originairement exclusif aux Mystères d’Eleusis, a subi, tout comme telete, une extension progressive à l’âge hellénistique, tandis que l’utilisation de orgia est plus restreinte. Toujours dans cette période, les orientations eschatologiques et les éventuelles poussées sotériologiques des mystères grecs semblent également avoir reçu un nouvel élan, l’eschatologie et la sotériologie n’étant à l’origine pas indispensables au phénomène en question. Cf. Scarpi 2002, xiv–xviii, xxiv et passim; Pirenne-Delforge et Scarpi 2006, 160–61. 2 Jaccottet 2006, 225–26. Cf. Jaccottet 2003. 3 Scarpi 2002, xii; Pirenne-Delforge et Scarpi 2006, 161. 4 Sfameni Gasparro 2006, 185–86. 5 Scarpi 2002, xiv (la traduction de l’italien m’appartient). 6 Cf., par exemple, les positions de Scarpi 2002, xii–xiii et passim; Burkert 2003, 499; Bravo 2007.

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modernisante du ‘public et privé’7 qui n’est pas forcément la meilleure pour comprendre l’Antiquité. Trancher n’est pas facile, probablement même pas nécessaire, vu la nature ambiguë des mystères, qui d’une part, regardant à rebours aux mythes fondateurs, justifient le présent cultuel et civique, et d’autre part, orientés prospectivement comme ils le sont vers l’eschaton, peuvent être porteurs de formes potentielles de rupture des schémas sociaux. Comme Paolo Scarpi le souligne, c’est probablement à ces cultes qu’était confiée la tâche de canaliser et, donc, de réorienter dans un sens civique la poussée subversive que toute transition entraîne inévitablement avec elle.8 En tout cas, les mystères ne sont pas imaginables en dehors de l’univers multiple des poleis grecques. Au sein de cette dialectique toujours en évolution, l’impact de l’Orphisme est particulièrement complexe à établir: on considère, d’habitude, que ce phénomène religieux ne semble pas avoir favorisé ni assumé un rôle ou une fonction proprement institutionnelle; sa contribution principale est vue dans le mode de vie qu’il a prêché, cet orphikos bios (dont les relations avec le Pythagorisme sont évidentes) qui prend racine en particulier dans les zones ‘de frontière’ du monde grec, la Grande Grèce, les îles, la Thessalie, la mer Noire.9 Si nous mettons de côté pour l’instant la tradition littéraire complexe qui se rapporte à l’Orphisme10 pour nous concentrer sur les témoignages directs de ce mouvement religieux, c’est-à-dire les textes écrits sur des lamelles d’or ou des plaquettes d’os, les premières retrouvées dans des contextes funéraires grecs et de Grande Grèce, les dernières dans le temenos urbain oriental d’Olbia pontique,11 il faudra convenir – d’après le consensus aujourd’hui dominant dans la critique – que la matrice bachique du phénomène est ancienne et originale, 7 Voir sur le sujet Dasen et Piérart 2005 et, sur la nature des associations cultuelles, les réflexions de Gabrielsen 2015. 8 Scarpi 2002, xxviii–xxix. 9 Scarpi 2002, 350–51. 10 Cf. au moins Borgeaud 1991; pour les textes, POE 2. 11 Un accès facile au complexe des textes: sans les plaquettes en os d’Olbia, dans Pugliese Carratelli 2001 et dans Bernabé et Jiménez San Cristóbal 2008; complet, dans POE 2.2 et Graf et Johnston 2013, 1–49; sélectif pour les lamelles mais avec les témoignages littéraires commentés, dans Scarpi 2002, 356–437. Pour ce qui est du classement des lamelles, Zuntz 1971 avait d’abord proposé une subdivision des documents en trois groupes basés sur d’évidentes analogies de structure et de contenu: A. Textes dans lesquels Perséphone est présente; B. Textes dans lesquels on retrouve Mnémosyne et la formule ‘Je suis un enfant de la Terre et du Ciel étoilé’; C. Textes de contenu cosmogonique (Thourioi). De nouveaux documents apparus dès le début des années soixante-dix du siècle dernier ont suggéré à Pugliese Carratelli 2001 une nouvelle subdivision simplifiée, toujours basée sur Zuntz, en deux catégories: lamelles avec Perséphone et lamelles avec Mnémosyne. Aujourd’hui, après la parution des témoignages thessaliens, olbiopolitains et macédoniens, ces catégorisations ne satisfont plus; bien que je reconnaisse la valeur fondatrice des éléments distinctifs présents dans les représentations religieuses de la documentation primaire, la nécessité d’étudier aussi les convergences est certainement préférable (cf. n. 13).

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et pas seulement une évolution tardive.12 Les textes orphico-bachiques témoignent donc d’une croyance dans l’origine divine de l’âme et dans la valeur éthique de la réincarnation et d’une tension eschatologique (en partie aussi sotériologique), déclinée dans des contextes différents qu’il vaut la peine d’évaluer, pas seulement et pas tant pour comprendre comment ils pourraient avoir modifié un modèle original commun (qui est généralement attribué aux principaux centres de l’Ionie asiatique comme Milet) et dont l’existence est sous discussion,13 mais aussi pour reconnaître la contribution de ce vaste monde grec ‘colonial’ (le terme me soit ici permis)14 ou ‘périphérique’ qui va nous réserver d’intéressantes surprises. Aux yeux d’un historien, n’échappera pas la connotation périphérique et excentrique15 qui est toujours évoquée en rapport aux contextes de découverte des textes orphico-bachiques, l’appel presque automatique à la nécessité d’un ‘archétype’ qui vient toujours de l’extérieur, d’un point central de l’hellénisme (bien que la circulation de textes sacrés soit évidente et prouvée). Les différences notées d’un cas à l’autre sont interprétées plus comme des ‘exceptions’, des ‘cas particuliers’,16 que comme des expressions caractéristiques du contexte local, dont on a ici par contre l’intention de mettre en relief la créativité. Que la pratique du culte orphico-bachique ait été, au moins apparemment, en conflit avec les modèles de la cité est une opinion répandue, même si ouvertement contredite par certaines sources, avant toutes Platon (Resp. 2 364e–365a),17 mais l’étude des contextes (lorsque possible) est en gré de montrer l’interférence et la complémentarité réciproque entre la polis et les cercles exclusifs de ces initiés18 qui, malgré le secret rituel et leurs pratiques cultuelles réservées, n’ont certainement pas pu échapper au dynamisme incessant du devenir civique, à sa dimension compétitive, aux liens de réciprocité qui en découlaient, quelques fois même à la responsabilité du pouvoir. Même pour les textes si caractérisés et réservés aux cercles étroits de leurs utilisateurs tels que les lamelles d’or, qui représentent des symbola de l’identité de l’initié 12

Cf. déjà Graf 1991, 96–97; ensuite Tortorelli Ghidini 2000; Graf et Johnston 2013, 137–58. Tortorelli Ghidini 2000, 19. Sur le modèle littéraire, cf. Bernabé et Jiménez San Cristóbal 2008, 231–33; Graf et Johnston 2013, 61–65. Sur le modèle linguistique et littéraire, cf. Cassio 1995. 14 Avec toutes les précautions du débat soulevé par les ‘post-colonial studies’: cf. Malkin et Müller 2012. 15 Pour un rejet de ce concept, cf. Hall 2001, 166. Sur le caractère inadéquat de cette notion du point de vue théorique, cf. les contributions du volume édité par Brock et Hodkinson 2000. 16 Cf. Vernant 2003, 68; Bravo 2007, 79 et 81. 17 Cf. commentaire dans Scarpi 2002, ‘Orfismo’ F3. 18 Cf. l’intéressante définition de ‘supplementary’ attribuée par Graf et Johnston 2013, 180–81, à la marginalité spéciale de ces cercles d’initiés. 13

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et des signes précis de reconnaissance,19 c’est souvent la réalité contextuelle qui peut fournir la clé interprétative des ‘variantes’ ou des innovations les plus significatives au niveau cultuel ou épistémologique. Un bon exemple de ce type d’enquête est représenté par la lecture croisée des lamelles d’or d’Eleutherna (historiquement le port de Phaistos) avec une inscription de Phaistos, selon une exégèse brillamment conduite, à partir d’une intuition de Kern, par Pugliese Carratelli et ensuite par Tortorelli Ghidini. La Grande Mère de Phaistos qui ‘apaise la soif des pieux’ et dont la dévotion civique est mentionnée dans une inscription de Phaistos du IIe siècle av. J.-C. (I.Cret I. 23. 3), pourrait être la même qui distribue l’eau du salut que l’initié doit boire d’après les lamelles d’or d’Eleutherna pour trouver sa propre identité.20 ‘Le scénario mystérique (source et formule) des lamelles peut faire référence à cette forme d’initiation publique’.21 En Crète, d’ailleurs, le témoignage de Diodore de Sicile semblerait confirmer que les initiations, hautement secrètes à Samothrace et à Eleusis, sont célébrées publiquement (5. 77. 3). Un cas en partie analogue pourrait être enregistré à Thourioi, si l’on pouvait identifier, au sein des pratiques cultuelles locales, la fonctionnalité des personnalités religieuses dont les noms sont inscrits dans la lamelle en or, presque illisible, retrouvée dans le ‘Timpone grande’, qui servait de boîtier à la plus petite, interne.22 Je me demande si la mention, ici, de Cybèle, dans l’expression Kybeleia Korra, ne puisse pas faire référence, non seulement à une théologie répandue à l’intérieur du cercle mystérique du défunt de rang auquel se rapporte la découverte, mais aussi à une dévotion locale plus étendue pour la déesse, comme en témoigne la fameuse dédicace votive pour la Kybala de Locres Epizéphyrienne. Cette dévotion très ancienne, entre le VIIe et le VIe siècle av. J.-C., plaide en faveur d’une ouverture précoce de la Grande Grèce au culte en question.23 La circonstance est fort intéressante pour l’inextricable entrelacement de la double dimension – entre racines anatoliennes et faciès grec – du personnage divin de la ‘Mère des Montagnes’ aux appellations multiples, parmi lesquelles Cybèle, et de son culte, caractérisé par la dimension de la manie et de l’orgiasmos qui sont des connotations particulières, fortement communicatives et cathartiques, très appréciées par les fidèles.24 19 Parmi les interprétations possibles de ces documents, je souscris à l’argumentation approfondie de Tortorelli Ghidini, celle de symbola (Tortorelli Ghidini 1991; 2008). 20 Graf et Johnston 2013, nos 10, 11, 12, 13, IIe–Ier siècles av. J.-C. 21 Tortorelli Ghidini 1995, 216 (la traduction de l’italien m’appartient), que suit Pugliese Carratelli 2001, 86–93. 22 Sur le contexte de découverte, cf. Bottini 1992, 27–38. Pour le texte, cf. Graf et Johnston 2013, n° 4 (Thurii 2). 23 Del Monaco 2013, n° 41. 24 Sfameni Gasparro 2006, 195–96.

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Le fort sentiment d’appartenance qu’elles généraient est également sensible dans la lamelle d’or de Phérai, publiée il y a presque dix ans, qui révèle l’invocation d’un défunt à faire partie d’un thiase d’initiés et aux orgia de Déméter Chthonia et de la Mère des Montagnes (Oreia).25 Ce témoignage ne peut être lu séparément du courant dominant de la religiosité locale: Sarah Johnston observe que la proximité entre cette lamelle et une autre, déjà connue depuis longtemps comme provenant de la même cité et à peu près contemporaine (seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.) et dans laquelle Andrikepais et Brimo apparaissent associés, présuppose l’existence d’un plus grand panthéon thessalien mystérique au sein duquel ont doit compter Andrikepais, Brimo, Déméter, la Mère des Montagnes (c’est-à-dire Rhéa) et évidemment un important culte bachique local.26 Mais cette ambiance sacrée correspond au contexte liturgique conservé par le papyrus de Gurôb, où sont invoqués Brimo, Déméter, Rhéa/Mère, Erigepaios et les Courètes (POE 2. 2, F 578), confirmant ainsi son appartenance au même fond orphique panhellénique. S’il ne s’agit pas d’une épiclèse de Perséphone,27 Brimo pourrait cacher la présence d’Enodia, la grande déesse de Phérai.28 Déméter aussi est une des grandes divinités identitaires de l’ethnos thessalien mais les attestations de culte réelles pour la Chthonia sont en Grèce rarissimes et conduisent plutôt vers le Péloponnèse (Hermione et Sparte) (Paus. 2. 35. 4–8; 3. 14, 5). Dans ce paysage pauvre de confrontations, un témoignage épigraphique intéressant, quoique d’époque plus tardive, vient de Callatis. Ici sont mentionnés des θοινᾶται de Déméter Chthonia, un collège sacré de ‘banqueteurs’,29 tandis que la même divinité est mentionnée dans une liste importante de théonymes (datant du IVe siècle av. J.-C.) gravée sur une stèle opistographe qui porte de l’autre côté une réponse de l’oracle de Delphes.30 Puisque la liste des théonymes rappelle les présences divines signalées par Pausanias dans le cœur de Mégare (la mère-patrie de Callatis par les biais d’Héraclée du Pont)31 et que l’on sait que le temenos sacré de la cité pontique fut réaménagé au 25 Parker et Stamatopoulou 2007. Cf. Ferrari et Prauscello 2007. La connexion entre les deux déesses reste problématique. 26 Graf et Johnston 2013, n° 27 (Pherae 1); cf. n° 28 (Pherae 2). Graf et Johnston 2013, 203–04 (Johnston). 27 Solution préférée par Johnston (Graf et Johnston 2013, 199). 28 Interprétation suivie par Chrysostomou 1994, 339–46; Bernabé et Martin Hernández 2013, 134, et Tortorelli Ghidini à paraître: cette savante opère une comparaison originale avec la première colonne des soi-disant ‘Getty Hexameters’, où un grand espace est donné à Hécate Enodia. Sur Hécate Chthonia, cf. Serafini 2015, 291–95. 29 Avram 1999, n° 40 (fin du Ier siècle av. J.-C.). 30 Avram 1999, n° 48 A (cf. 48 B). 31 Cf. Avram 2009.

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cours du IVe siècle, les premiers éditeurs de l’inscriptions, Avram et Lefèvre, s’interrogeaient sur la possibilité d’une ressemblance souhaitée, et peut-être sanctionnée, par l’oracle de Delphes.32 La constatation pourrait sembler peu importante et limitée à éclairer en particulier le panthéon original mégarien – qui présente des convergences non négligeables avec le Péloponnèse et la Grèce centrale33 – si ce n’était que Callatis est, après Olbia, la ville de la région pontique qui a donné les plus riches témoignages du culte bachique et des rites orphiques. L’ambiance mystérique de la polis devait être envahissante – en relation à plusieurs divinités – mais une documentation exceptionnelle, remontant au IVe siècle av. J.-C., souligne la centralité ‘du culte du dieu extatique et des mystères qui lui sont adjoints à Callatis’.34 Le thiase bachique local, très actif, avait une fonction publique et accomplissait même des initiations nécessaires pour participer au culte officiel de la cité;35 il disposait dès le IIIe siècle av. J.-C. d’un antre initiatique, une structure voûtée ‘qui imitait selon des représentations mythiques la grotte’ de Dionysos.36 La découverte la plus importante, pour notre discours – et aussi la plus malchanceuse – fut celle réalisée au début des années ’60 dans la nécropole de Callatis, où fut découvert un tumulus endommagé, datable au IVe siècle avancé, avec à l’intérieur une sépulture éminente: un défunt, simplement enveloppé dans un linceul funéraire avec une couronne de branches métalliques et un équipement funéraire essentiel, tenait dans sa main droite un rouleau de papyrus inscrit. L’austérité de l’enterrement et ses modalités rappellent de très près celles du ‘Timpone grande’ de Thourioi.37 Suite à la destruction du papyrus qui l’accompagnait on ne peut rien inférer, sinon la grande similarité avec les habitudes des contemporains cercles orphico-bachiques de Grande Grèce. Pour ce qui est du papyrus, et donc de l’importance du livre sacré et de la transmission écrite pour ces initiés, la comparaison est avec la découverte de Derveni, en Macédoine (POE, 2. 3, IV Appendix). Olbia pontique est peut-être le cas le plus connu et le plus clair, grâce à des documents qui s’échelonnent dès la fin de l’époque archaïque, de l’existence d’une vraie communauté d’Orphikoi qui sont en même temps des dévots de 32

Avram et Lefèvre 1995, 21. Avram 1999, 91–92, 344. Antonetti 1997; 1998; 1999; Robu 2015. 34 Avram 1999, 98; cf. 97–100. 35 Avram 1999, 97–100 et nos 35, 44, 45, 47 et passim. Cf. Avram 2002 et Jaccottet 2006, 223–24. 36 Avram 1999, 300; cf. n° 35, lignes 39–40; 44, l. 42; 80, l. 3. Sur la diffusion des thiasoi dans l’aire pontique, cf. Avram 2015. 37 Preda 1961, 295–98. Cf. Pippidi 1971, 121 et Bottini 1992, 40, 46, 149–50. 33

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Dionysos. Le dossier des témoignages directs est composé par les célèbres tablettes d’os inscrites du Ve siècle av. J.-C., retrouvées dans le temenos urbain oriental et dont la fonctionnalité (‘membership tokens’, sortes pour les cérémonies orphiques, symbola)38 est encore aujourd’hui discutée. Mais ce dossier se compose aussi d’autres types d’inscriptions, telles que dédicaces, ostraka, inscriptions funéraires et une masse importante de découvertes archéologiques qui dessinent l’image d’une polis profondément imprégnée de pratiques mystériques.39 Le plus ancien témoignage, de la fin du VIe siècle, est un miroir en bronze retrouvé dans une sépulture féminine de la nécropole urbaine portant sur le bord l’inscription Δημώνασσα Ληναίο εὐαὶ καὶ Λήναιος Δημόκλο εἰαί, à savoir ‘Démonassa, fille de Lénaios, évohé et Lénaios, fils de Démoclès, évohé’ (IGDOP, n° 92). Le double cri rituel est exprimé ici par un père et une fille, apparemment des adeptes des mystères bachiques, mais l’élément remarquable est avant tout le miroir même qui représente l’objet-symbole de la ‘passion’ de Dionysos enfant, le jouet avec lequel il est attiré par les Titans et ensuite dépecé. Le miroir est donc un double symbole: de l’illusion, parce que ce qu’on y voit est seulement un reflet, et de la connaissance, puisque c’est en regardant dans le miroir qu’on se reconnaît.40 Il est remarquable qu’une allusion claire à ce même héritage religieux émerge des graffitis des trois tablettes en os qui sont considérées à l’unanimité orphiques: la première présente, en opposition, les mots-clés ‘vie – mort – vie, vérité’; la deuxième ‘paix – guerre, vérité – mensonge’; la troisième ‘mensonge – vérité, corps – âme’ (IGDOP, n° 94 a, b, c).41 La ‘vérité’ que les Orphiques d’Olbia reconnaissent comme une prérogative de Dionysos renvoie donc à une conception dualiste et anti-somatique du soma/sema:42 ces maigres témoignages de foi pourraient donc impliquer déjà une croyance dans la renaissance des âmes tandis que la présence constante du nom du dieu (Dionysos) ‘semble montrer que le mythos prévaut toujours sur le logos, que l’ensemble est tombé sous les formes d’un culte religieux’.43 Un autre témoignage à cet égard vient du graffito gravé sur une kylix à vernis noir où l’on reconnait le vers 39 du neuvième chant de l’Odyssée: ‘D’Ilium le vent m’a poussé et m’a amené chez les Cicones’. La résonance particulière de cette citation homérique qui rappelle un ‘voyage’ en 38

Status quaestionis dans Tortorelli Ghidini 2000, 28. Cf. Vinogradov et Kryžickij 1995, 115–17 et passim. 40 Cf. Bottini 1992, 156 et Lévêque 2000, 81. 41 L’attribution à l’Orphisme est contestée pour les tabelles n° 93, peut-être attribuable à des thiasites d’Apollon Boréas, selon Avram, Bîrzescu et Zimmermann 2008, 113–14 et n° 95, selon Bravo 2007, 82 et n. 52. 42 Tortorelli Ghidini 2000, 15 et 29. 43 Casadio 1991, 125 (la traduction de l’italien m’appartient). 39

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Thrace, la patrie d’Orphée ‘et le siège de nombreux phénomènes du mouvement de la psychè’,44 a été bien mise en évidence par E. Dettori qui, en lisant l’inscription par rapport à son support – une coupe du symposium –, pense que ‘le verset sur la kylix pourrait représenter, en fin de compte, le «manifeste» synthétique d’un “Ulysse” orphique qui, dans les vicissitudes du héros voyageur a trouvé, même formellement, la manière d’exprimer ses attentes eschatologiques’.45 Il serait donc le témoignage d’un orphisme dionysiaque mûr, au point de comporter des communautés de symposiastes. L’enracinement profond de cette pensée religieuse dans le contexte plus large de la zone olbiopolitaine est difficilement contestable: même si on ne voulait pas considérer comme des témoignages positifs d’un culte mystérique le récit d’Hérodote concernant le roi scythe Scylès et son initiation et participation à un thiase bachique dans la polis des Boristhénites,46 ou celui du malchanceux Anacharsis qui aurait importé de Cyzique dans l’Hylaiè les mystères de la Magna Mater47 – un culte confirmé par des inscriptions entre le VIe et le Ve siècle av. J.-C.48 –, il suffirait de réfléchir sur la spécificité du support des tablettes orphiques, particulier à Olbia, l’os, pour conclure que, même si l’on veut à tout prix supposer que le message religieux originel provenait de l’extérieur, il a été par la suite vite décliné sous des formes locales, peut-être considérées comme typiques de la dimension religieuse (votive, associative?), puisque nous connaissons des plaques en os utilisées pour des inscriptions de membres de thiasoi cultuels alors que beaucoup d’entre elles sont aussi anépigraphes.49 La question d’une contiguïté cultuelle ne pouvant pas être contournée, pour le moment elle reste ouverte. L’hybridation entre formes expressives – orales et écrites – et pratiques rituelles n’est pas un thème secondaire dans notre discours: que ce dernier puisse devenir un élément central de l’analyse, c’est démontré par le cas de la Macédoine où, ces dernières décennies, se multiplient les découvertes des lamelles en or ‘orphiques’ provenant de nombreux contextes funéraires différents (Amphipolis, Pella, Méthone, Europos, Vergina, Héraclée, etc.).50 44 Dettori 1994, 300, avec bibliographie précédente (la traduction de l’italien m’appartient). Le graffito n’est malheureusement pas daté. Cf. SEG 30, 933: Ἰλιό[θεν]/ με φ[έρων]/ ἄνεμ[ος]/ [Κικ]όνεσσι/[πέλ]ασσεν. 45 Dettori 1994, 300 (la traduction de l’italien m’appartient). 46 Hdt. 4. 78–80. Ainsi Bravo 2007, 81–82 contrairement à la majorité des autres savants. 47 Hdt. 4. 76–77. Cf. Borgeaud 1996, 30. Avram 2014, 227 pense que les vrais responsables de l’introduction du nouveau culte auraient été soit des emporoi de Cyzique se rendant à Olbia soit des ressortissants des cités pontiques qui se seraient rendus à Cyzique. 48 IGDOP, n° 81; cf. n° 24. 49 Une bonne exemplification dans Bravo 2007, en particulier 85. 50 Cf. Graf et Johnston 2013, nos 30–38.

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La documentation ne dépasse pas, pour le moment, la deuxième moitié du IVe siècle av. J.-C., est relative surtout à des femmes et se présente sous une forme très simple: des lamelles rectangulaires, rondes ou à feuille de myrte ou d’olivier, placées sur la bouche ou la poitrine du défunt et portant, dans la majorité des cas, des noms propres; dans quelques exemples isolés on trouve l’indication de l’apostrophe (qui est aussi une consécration) à la divinité: Εὐαγής, ἱερὰ Διονύ/σου Βαχχίου εἰμὶ/ Ἀρχεβού[λ]η/ Ἀντιδώρου et Φερσεφόνηι/ Ποσείδιππος μύστης/ εὐσεβής.51 À partir des contextes funéraires de l’époque hellénistique, on commence à trouver la formule de salutation à la divinité de la part du défunt, chairein. Sarah Johnston a défini cette typologie de tablettes ‘proxy tablets’, en soulignant sa diffusion – également documentée en Elide et en Achaïe pour la même époque52 – qui parle en faveur d’une préparation ‘en série’ de ces documents où le nom personnel est souvent le seul élément identificateur, celui que la divinité (Perséphone ou le ‘Seigneur’ ou Pluton) est capable de reconnaître comme son propre adepte et ainsi d’accueillir chez lui dans l’au-delà.53 Johnston et Graf ont aussi souligné, avec raison, la transition réussie d’une ‘fonction d’information’ à une ‘fonction performative’ dans les textes de ces tabelles tardives.54 Pour ma part, je pense qu’il vaut la peine de réfléchir sur les lamelles qui sont présentées comme une salutation à la divinité, car il est évident qu’ici le modèle de communication est bien celui d’une lettre.55 Puisque la formule épistolaire stable avec en tête le nom de l’expéditeur au nominatif et celui du destinataire au datif se diffuse au courant du IVe siècle, l’apparition de cette forme dans les lamelles de la période hellénistique est parfaitement cohérente. Mais, qui plus est, comme cette formula valetudinis propre au document épistolaire a le but de maintenir le lien familial et amical entre les correspondants,56 sa transposition dans le domaine sacré dénonce le haut degré d’intimité entre les fidèles et la divinité, la proximité que l’on cherchait à établir avec le dieu, une des nouveautés de la religion de l’époque hellénistique. Il faut enfin souligner l’hybridation de modèles de communication écrite en principe différents, de la lettre au signe de reconnaissance pour le salut; la mobilité envisagée ici est bien celle post mortem. 51 Graf et Johnston 2013, nos 30 et 31. SEG 42, 619b; SEG 45. 782; SEG 51. 788. Cf. Hatzopoulos 2006a, 135 sur l’interprétation, non univoque, de la modalité d’expression, et 136 sur l’identité de ce Poseidippos. 52 Cf. Graf et Johnston 2013, nos 20–24. 53 Johnston dans Graf et Johnston 2013, 134–35. 54 Johnston dans Graf et Johnston 2013, 185. 55 Cf. Graf et Johnston 2013, nos 37–38. 56 Dana 2016, 126–27 avec bibliographie précédente.

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Mais il ne faut pas perdre de vue le contexte qui, dans ce cas, est d’une grande importance: si de nombreuses tombes qui ont livré des textes orphiques sont simplement à ciste ou des sarcophages, d’autres sont des constructions élaborées, des sépultures monumentales aux décors complexes qui contribuent à former un langage funéraire articulé, aujourd’hui très étudié. Comme M. Hatzopoulos l’a souligné, les lamelles ‘dites orphiques’ commencent à apparaître en Macédoine en nombre significatif et ‘nous aident à percer le secret des croyances sur l’au-delà que les anciens Macédoniens partageaient avec d’autres Grecs “périphériques” et comprendre la fonction des saisissants, voire mystérieux, monuments hypogées communément appelés “tombes macédoniennes”’.57 Mise à part la définition de Grecs ‘périphériques’ – puisqu’on a vu comme les textes orfico-bachiques soient aujourd’hui très répandus et pas réductibles à cette définition –, il s’agit ici d’une idée importante, pour la première fois clairement proposée et avec laquelle il faut se confronter: à la suite d’études précédentes qui ont mis en évidence comment la peinture et le mobilier funéraires renvoient à un culte de Dionysos eschatologique où, comme en Grande Grèce, Perséphone et Hadès sont toujours présents,58 l’interprétation globale pour les tombeaux macédoniens est celle de monuments typiques de croyances dans l’au-delà. En plus, ‘comme Anne-Marie Guimier-Sorbets l’a justement rappelé, si la tombe monumentale macédonienne se rapproche par sa fonction d’un autre bâtiment, c’est bien d’un hérôon, où le défunt git dans une prothesis éternelle (…) Ainsi dans cette terre des confins du monde grec, l’archaïsme et la célébration du héros et la modernité des religions du salut coexistent et se combinent’.59 L’hypothèse ci-mentionnée ouvre des pistes importantes de recherche car l’omniprésence de la pratique en Macédoine et la diffusion généralisée du modèle du tombeau macédonien, dans le reste du monde grec et non grec, posent le problème de l’acceptation et de la compréhension de l’idéologie funéraire sous-jacente à ces bâtiments: l’héroïsation du défunt, un point qu’aujourd’hui il faudrait mieux analyser et vérifier à grande échelle. La Macédoine pourrait avoir joué, à partir du IVe siècle, un rôle important de ‘plaque tournante’ entre l’Égée et le Nord, tout comme entre l’Est et l’Ouest. Pour ce qui est de la diffusion vers le Nord, il faudrait mieux définir, par exemple, la situation qui se créé dans la chôra occidentale de Callatis entre IVe et IIIe siècle av. J.-C. où est attestée une enclave de peuplement scythe, vivant apparemment en condition de dépendance de la polis, dominée par des dynastes 57 58 59

Hatzopoulos 2006b, 95. Brécoulaki 2006; Guimier-Sorbets et Morizot 2006, avec bibliographie précédente. Hatzopoulos 2006a, 138 avec référence à Guimier-Sorbets 2001, 223.

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locaux: la visibilité archéologique de cet établissement est déterminée par une série de tombes à chambre funéraire voûtées et à dromos, évidemment réservées à l’élite. Les édifices sont bâtis sur le modèle des tombeaux macédoniens (qui semble avoir influencé également l’architecture de certains bâtiments consacrés au culte bachique), mais ils rappellent aussi les tombes de la noblesse scythe du Nord de la mer Noire.60 Entre temps, le même territoire de cette chôra (à Albeşti) a restitué pour le IIIe siècle de petits autels mobiles en terre cuite avec des représentations orphiques: Orphée et Perséphone, Dionysos entre le jeune Ampélos et Arianne dans son union mystique avec Dionysos.61 La situation est très complexe, mais pourrait aussi être lue, au moins partiellement, à la lumière d’un transfert culturel, qui verra inévitablement l’élément scythe comme partenaire actif. Je refuse d’adhérer à l’attitude d’incrédulité générale chaque fois que dans les sources mention est faite d’une initiative culturelle entreprise par un Scythe vers le monde grec, comme dans le cas de Scylès ou d’Anacharsis.62 Pour ce qui est de la diffusion du modèle du tombeau macédonien vers le Sud de la Grèce, la question n’a pas été posée, que je sache, dans les termes que je suis en train d’éclaircir ici. Et pourtant l’interprétation de complexes monumentaux héroïques-funéraires tels celui de Calydon difficilement peut être donnée seulement dans une clé locale.63 De ce cadre aux multiples facettes et en transformation la Sicile semblerait être exclue, si la découverte de la lamelle d’or orphico-bachique d’Entella n’était pas intervenue, une fois de plus une découverte d’une sépulture féminine datable entre le IVe et IIIe siècle av. J.-C. Malgré tous les problèmes soulevés par le texte, pour lequel il n’y a pas encore une véritable édition critique, les vers clairement lisibles mentionnent le mot ‘héros’ et les symbola, les ‘mots de passe’ pour l’au-delà:64 ils attestent ainsi d’une héroïsation de la défunte. C’est bien cet aspect particulier de la vision orphico-bachique, l’héroïsation, qui semble donc être l’arrivée commune, à partir du IVe siècle av. J.-C., d’une pensée religieuse multiforme, mais depuis longtemps partagée sous des formes contextuelles locales. La tension eschatologique à l’intérieur de pratiques d’héroïsation socialement acceptées depuis longtemps, même si initialement dans des cercles restreints d’adeptes, a dû s’accentuer et se répandre 60

Avram 1999, 20–21; 2006, 68–70. Buzoianu et Bărbulescu 2016, 415–17. 62 Cf. supra, n. 46 et 47. 63 Cf. pour une nouvelle interprétation de la structure, Charatzopoulou 2006 et, toujours à Calydon, un nouveau bâtiment analogue d’époque hellénistique (Dietz et al. 2011). 64 Graf et Johnston 2013, n° 8. 61

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à l’époque post-classique, dans ces mêmes contextes locaux, qu’on ne peut plus aujourd’hui appeler ‘périphériques’ mais plutôt ‘panhelléniques’. C’est ce que les tombeaux macédoniens suggéreraient, si leur interprétation comme des structures destinées à une prothesis éternelle était correcte. Il y a donc une convergence évidente avec le développement général de la religion grecque dans la transition du monde classique au monde hellénistique. Mais ce qui semblerait distinguer les pratiques mystériques, c’est la présence significative, sinon majoritaire, de femmes parmi les mystai, une présence constante à partir des premières attestations jusqu’au plus tardives et dans tous les contextes historiques considérés. Une conclusion à mes yeux importante que j’espère sera susceptible d’un suivi de vérification et d’enquête.

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CULTES ET SANCTUAIRES SUR LES RIVES DU BOSPHORE THRACE: TRADITIONS MÉGARIENNES ET DÉVELOPPEMENTS LOCAUX Adrian ROBU

Abstract The cities of Byzantium and Chalcedon contain rich evidence for the study of religious institutions. There are, on the one hand, ‘Megarian deities’, and on the other, cults which revel much more local developments. In the first category, we can mention Artemis Orthosia at Byzantium or Apollo Pythaios at Chalcedon, and also heroic cults such as those of Polyeidos, of Ajax, of Saron, and of Hipposthenes at Byzantium. Besides the Megarian cults, several others show us religious innovations and confirm the dynamic of cultic life in the Propontic and Pontic Greek cities. Here I study several gods and heroes who offer protection to sailors passing through the Bosporus. The navigation of this region is very difficult, the sailors need a guide to pass through the straits, and in the ancient sources it is often a deity who helps them. The sailors give thanks to Poseidon and to the 12 gods at Hieron, to the ‘Old Man of the Sea’ in the territory of Byzantium, or to the local hero named Stomianos at the entrance of the Black Sea. It is my intention to study all these cults in order to show the connections between the gods and the heroes who guided sailors through the Bosporus.

Byzance et Chalcédoine, les deux apoikiai mégariennes du Bosphore thrace, offrent une documentation particulièrement riche pour le domaine du religieux. De manière générale, on peut identifier dans ces cités, d’une part, des divinités qui rappellent des traditions de la métropole, et, d’autre part, des cultes apparus à une date plus récente, autrement dit, des développements cultuels locaux. Je me propose de m’intéresser dans un premier temps aux cultes héroïques d’origine mégarienne célébrés à Byzance et à Chalcédoine. Dans un second temps, mon enquête portera sur les dieux et les héros protecteurs des marins dans la région du Bosphore thrace. On a affaire à un dossier riche, composé à la fois de récits et d’inscriptions, qui permet de saisir de manière singulière l’évolution des cultes appartenant à l’horizon mégarien dans le milieu colonial.

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HÉROS MÉGARIENS À BYZANCE ET À CHALCÉDOINE Les deux cités-sœurs du Bosphore thrace furent fondées par des Mégariens dans la première moitié du VIIe siècle. Dans le cas de Byzance, les récits évoquent aussi la participation des Béotiens, des Argiens, des Corinthiens et même des Carystiens de l’Eubée à la fondation de la cité.1 Les modernes ont bien noté l’origine mégarienne de plusieurs cultes célébrés par les Byzantins et les Chalcédoniens. On peut citer ici le culte d’Artémis Orthôsia à Byzance ou le culte d’Apollon Pythaios à Chalcédoine, deux divinités qui se retrouvent également à Mégare.2 De plus, des héros mégariens sont attestés dans les colonies. Ainsi, Calchas, le célèbre devin de l’Iliade, apparaît dans certains récits comme le fondateur de Chalcédoine et il peut être considéré comme le héros éponyme de la cité. Or, une légende locale de Mégare fait de Calchas un Mégarien.3 Mieux encore, d’autres héros mégariens ont donné leurs noms à différents endroits du Bosphore et firent l’objet d’un culte à Byzance: c’est le cas de Polyeidos, d’Ajax, de Saron, d’Hipposthénès.4 Notons qu’un héros béotien, Schoiniklos, est également attesté à Byzance: on détient là un indice de la présence des éléments béotiens dans cette colonie mégarienne du Bosphore thrace.5 Dans la liste des héros mégariens présents à Byzance, Saron est l’éponyme du golfe Saronique,6 tandis que Polyeidos et Ajax sont des figures héroïques bien documentées dans la métropole mégarienne. Pausanias rapporte que le devin Polyeidos construit à Mégare un sanctuaire de Dionysos. Situé par le Périégète aux abords de l’agora, ce lieu de culte conserve le souvenir de Polyeidos et de sa famille: le tombeau d’Astykrateia et de Mantô, les filles de Polyeidos, se trouvait à l’entrée du temple, et les statues de Dionysos Patrôos et de Dionysos Dasyllios furent consacrées respectivement par le devin et par son petit-fils, Euchénor (Paus. 1. 43. 5).

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Robu 2014a, 248–85 (avec la bibliographie). Hanell 1934, 164–70, 183–84; Loukopoulou 1989, 103–09; Antonetti 1999. 3 Ps.-Symeon Chronique, in Parisinus gr. 1712, fol. 72v. Sur l’origine mégarienne de Calchas, voir Pausanias 1. 43. 1. Cf. Robu 2014a, 223–26. 4 Denys de Byzance 14, p. 7 (Polyeidos et ses fils), 32, p. 15 (tombe d’Hipposthénès) et 39, p. 17 (Ajax: mention d’un Aianteion, le culte est établi suite à un oracle), 71, p. 26 (autel de Saron; éd. R. Güngerich). 5 Denys de Byzance 34, p. 15 (éd. R. Güngerich), évoque le sanctuaire de Schoiniklos, le cocher du devin Amphiaraos. 6 Hanell 1934, 189. 2

CULTES ET SANCTUAIRES SUR LES RIVES DU BOSPHORE THRACE

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La présence d’Ajax, le roi de Salamine, à Byzance rappelle les liens entre Mégare et Salamine, île dont la possession a été disputée à l’époque archaïque par les Mégariens et les Athéniens. À Mégare, le culte d’Athéna Aiantis (d’Ajax) venait souligner les prétentions des Mégariens sur l’île de Salamine (Paus. 1. 42. 4).7 Les connexions entre Mégare et Salamine sont par ailleurs documentées dans les colonies: outre le culte d’Ajax à Byzance, le nom du père d’Ajax, Télamon, attesté à Mégare, fait partie à l’époque hellénistique de l’onomastique de la cité de Chersonèse Taurique.8 De même, deux autres héros attestés dans les colonies peuvent avoir un lien avec Salamine et Mégare: Sciros/Sciron et Kynosouros apparaissent, l’un à la suite de l’autre, dans une liste de héros de Mésambria, une colonie mégarienne.9 Les deux héros peuvent avoir une origine mégarienne, voire salaminienne: Kynosouros est l’éponyme d’une presqu’île de Salamine,10 ainsi que d’une subdivision civique mégarienne, la ‘centaine’ (hekatostys) Kynosouris.11 Fils de Pélops et d’Hippodamie, Kynosouros était le frère d’Alcathoos, le bâtisseur de remparts de Mégare.12 Quant à Sciron, les Mégariens le considéraient comme l’arrière-grand-père d’Ajax. À l’image d’Athéna Aiantis, ce héros rappelle les prétentions mégariennes sur Salamine.13 DIVINITÉS ET HÉROS PROTECTEURS DES DU BOSPHORE THRACE

MARINS SUR LES RIVES

Outre des cultes qui renvoient à des traditions mégariennes, on trouve dans les apoikiai des dieux et des héros qui relèvent des développements cultuels locaux et montrent la dynamique des faits religieux dans le monde colonial. Cela est notamment le cas de Byzance et à Chalcédoine, deux cités fondées par les Mégariens sur les rives du Bosphore thrace, dans une région de passage reliant la mer Égée au Pont-Euxin.14 À cet égard, il convient de rappeler que la navigation est particulièrement difficile dans ce secteur de la Propontide. On a besoin d’un guide pour trouver le bon chemin et c’est souvent un dieu ou un héros qui est invoqué par les marins pour la traversée du détroit. Ainsi, selon Denys de Byzance, le ‘Vieillard de la Mer’ aurait montré le bon chemin 7

Cf. Robu 2014a, 71. Robu 2013a. 9 IGBulg I2, 318, col. II, l. 2: Σκῦρο[ς], l. 3: Κυνόσο[υρος]; cf. Robert 1959, 217 (= Robert 1989, 247). À la ligne 2, on peut envisager aussi la restitution Σκύρω[ν]. 10 Curtius et Kaupert 1895, 26–27; Bürchner 1925; Philippson 1952, 870. 11 IG IV2.1 42. Cf. Robu 2014a, 72, 339–41. 12 Höfer 1890; Stoll 1894. 13 Anonyme de Mégare FGrHist 487 F 1 (apud Plut. Thes. 10. 1–4). Cf. Vian 1952, 145–49; Brelich 1956, 139–40; Antonetti 1994, 543–44. 14 Sur les particularités géographiques du Bosphore thrace, voir Russel 2017. 8

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aux Argonautes lors de la traversée du Bosphore, et il aurait aussi aidé les Mégariens à installer la cité de Byzance. Ce dieu protecteur des marins faisait l’objet d’un culte: il était célébré sur un cap, au sommet d’un promontoire, sur la rive européenne du Bosphore thrace, juste après l’endroit appelé Archéion, là où la navigation est particulièrement difficile. Le ‘Vieillard de la Mer’ était connu sous plusieurs noms, et grâce à Denys de Byzance, on apprend: τοῦτον οἱ μὲν Νηρέα φασίν, οἱ δὲ Φόρκυν, ἄλλοι δὲ Πρωτέα, τινὲς δὲ πατέρα Σημύστρας, οἱ δ’ Ἰάσονι καὶ τοῖς σὺν αὐτῷ φραστῆρα τοῦ πλοῦ καὶ τῆς ἐκβολῆς τῶν στενῶν ἡγεμόνα γενέσθαι. Λακιάδης (?) δέ τις μάντις τὸ γένος ὤν, δίδωσι τὸν χρησμὸν τοῖς ἐπεσσομένοις τῇ γενέσει τῆς ἀποικίας, ἐξ ἐνυπνίου φαντασίας προειπών, ὡς χρὴ θύειν Ἁλίῳ τῷ Γέροντι· καὶ δημοσίᾳ τετίμηται. Les uns l’appellent Nérée, d’autres Phorkys, d’autres Protée; selon quelques-uns, il est le père de Sémystra; d’après certains, il avait donné des instructions nautiques à Jason et à ses compagnons et leur avait servi de guide pour sortir du détroit. Lakiadès (?), un devin d’origine (?), rend un oracle à ceux qui devaient présider plus tard à la fondation de la colonie: instruit par une vision qu’il avait eue en songe, il leur ordonne de sacrifier au ‘Vieillard de la Mer. Celui-ci reçoit un culte public.15

On soulignera que le culte du ‘Vieillard de la Mer’ est qualifié de démosion: il est aux frais de la cité et remonte à l’origine de Byzance. C’est le devin Lakiadès qui ordonna aux Mégariens de sacrifier au ‘Vieillard de la Mer’. Ce dieu aurait même servi de guide aux Argonautes pour le passage du Bosphore. Le ‘Vieillard de la Mer’ est appelé par différents noms: Nérée, Phorkys, Protée. On a ici une liste des dieux de la mer, qui apparaissent déjà chez Homère. Ils sont tous liés au monde préolympique et à Poséidon, et chacun est qualifié ailleurs de ‘Vieillard de la mer’. Ainsi, Protée est le fils de Poséidon (Apollod. Bibl. 2. 105), et dans l’Odyssée, il a le don de la prophétie (Hom. Od. 4. 349, 365). Un autre vieux de la mer est Nérée (cf. Hom. Il. 1. 358; 18. 141). On rappelle que Nérée s’est fait remarquer par son combat contre Héraclès, un combat richement illustré dans l’art grec. Il est le fils aîné de Pontos et de Gaia et le père des Néréides (leur mère est Douris). Nérée conseille déjà les Argonautes, par le biais de Glaukos, d’abandonner leur querelle suscitée par l’abandon d’Héraclès en Mysie (Ap. Rhod. Argon. 1. 1310–1328). De même, Glaukos sauve les Argonautes d’une tempête dans la mer Noire, en leur prescrivant par la suite de sacrifier aux Douze Dieux à Hiéron (voir ci-après) (Denys Scytobrachion FGrHist 32 F 14).16 15

Denys de Byzance 49, p. 20 (éd. R. Güngerich), trad. Vian 1974, 101.  Cf. Vian 1974, 98.

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Phorkys, en tant que fils de Pontos et de Gaia (Hes. Theog. 237), est donc le frère de Nérée. Selon d’autres auteurs, il serait le fils d’Ouranos et de Gaia (Pl. Ti. 40e) ou le fils de Poséidon et de Gaia.17 Il est figuré comme un dieu à la barbe blanche, tenant parfois le trident dans une main.18 Oppien, auteur au IIe siècle ap. J.-C. d’un poème intitulé Halieutiques, range Phorkys et Nérée dans la liste des dieux de la mer à côté de Poséidon (Oppien Halieutiques 2. 35–36). Dans l’Odyssée, Phorkys gouverne sur la mer inféconde et sa fille, la nymphe Thoôssa, est la mère du Cyclope Polyphème; le Cyclope a pour père Poséidon (Hom. Od. 1. 72). Phorkys est appelé halios gerôn, le ‘Vieillard de la mer’, et il donne son nom à un port d’Ithaque. Les Phéaciens déposent Ulysse à Ithaque dans le port de Phorkys, un port, rappelle Homère, que les Phéaciens connaissaient bien (Hom. Od. 13. 96, 345). Phorkys apparaît aussi dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes. Sur le chemin de retour, à cause d’une tempête, les Argonautes échouent sur les côtes de l’Afrique. Ils naviguent sur le lac Triton en Libye, sans pouvoir trouver la sortie. Triton, fils de Poséidon, leur apparaît et leur montre le chemin vers la Crète. Mais les Argonautes ont du mal à identifier cette divinité maritime, et Jason adresse sa prière à la fois à Triton, Phorkys et Nérée (Ap. Rhod. Argon. 4. 1586–1600). Les Argonautes font des sacrifices, et à l’endroit de l’épiphanie, à Port-Argô, ils trouvent, nous dit Apollonios, ‘des traces du navire ainsi que les autels de Poséidon et de Triton’ (Ap. Rhod. Argon. 4. 1620–1622). Selon Carystios de Pergame, les roches Cyanées/Symplégades, situées à l’embouchure du Pont, étaient aussi appelées les ‘portes de Phorkos’ (Φόρκου πύλαι).19 Qui plus est, Phorkys fait l’objet d’un culte dans la mer Noire, à Istros. On possède pour cette cité un dossier épigraphique fort intéressant, composé de trois dédicaces à Phorkys: la première, inscrite sur un fragment de vase datant de la première moitié du VIe siècle av. J.-C., a été découverte dans la ‘Zone Sacrée’ d’Istros, là où il y avait les principaux lieux de culte de la cité; les deux autres ont été inscrites respectivement sur une tuile et sur une borne sacrée du IIIe siècle.20 Le dieu était donc honoré dans un bâtiment et son temenos était délimité par des bornes. Il convient de noter que le culte a été pratiqué à Istros dès le VIe siècle jusqu’à l’époque hellénistique: il s’agit par conséquent de l’un des cultes les plus anciens célébrés par les Istriens. Il n’est Schol. ad Aesch. Pr. 793, l. 27: Φόρκυνος τοῦ υἱοῦ τοῦ Ποσειδῶνος καὶ Γῆς. Magri 1994. 19 Carystios fr. 16 (éd. K. Müller), cité par la schol. ad Theoc. 13. 22; cf. Vian 1974, 101; Dan 2013, 87, n. 5. 20 Bîrzescu 2006. 17 18

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pas exclu que le culte ait été introduit par les Milésiens pour remercier le ‘Vieillard de la Mer’ de les avoir aidés à franchir le Détroit du Bosphore. On aurait ainsi une explication pour cette convergence entre le panthéon d’Istros et celui de Byzance. Par ailleurs, Denys de Byzance rapporte que, selon d’aucuns, le ‘Vieillard de la Mer’ serait le père de Sémystra/Sémestrè, une nymphe locale. Le même auteur mentionne un autel de Sémystra sur un promontoire de la Corne d’Or, à l’endroit où les ruisseaux Kydaros et Barbysès se rejoignent et se jettent ensemble dans la mer. Sémystra/Sémestrè est, selon une légende, la mère de Byzas, le fondateur de Byzance. Mais un autre récit mythologique considère cette héroïne comme la nourrice de Céroessa, fille de Zeus et d’Inô, et éponyme de la Corne d’Or. De même, une légende locale fait de Byzas le fils de Céroessa et de Poséidon. Il s’agit sans doute de la version la plus répandue de la généalogie de l’œciste de Byzance, du moins à l’époque impériale, lorsque Byzas et Céroessa décorent les monnaies frappées par la cité.21 Le Bosphore est peuplé par d’autres héros, qui facilitent le passage des navigateurs ou qui s’y opposent. Parmi ces derniers, on peut mentionner Amycos, le roi des Bébryces. Amycos est le fils de Poséidon et de Mélia, une nymphe bithynienne. Selon Apollonios de Rhodes, il défia les Argonautes dans un combat de pugilat, conformément à la loi du pays qui demandait aux étrangers de passage de se mesurer à lui. Amycos est vaincu par Pollux et meurt après le combat (Ap. Rhod. Argon. 2. 1–97).22 Il donne son nom à un lieu dans le territoire de Chalcédoine, à une époikia, sur la rive asiatique du Bosphore thrace. Il y avait aussi dans la région un hérôon d’Amycos.23 Les Argonautes sont aidés par Phinée, devin et chef des Thraces situés sur le Bosphore. Phinée conseille aux Argonautes de sacrifier à Apollon Mantèios, ‘donneur d’oracles’ (Ap. Rhod. Argon. 2. 493).24 Selon une légende locale, un autre héros qui sert de guide aux Argonautes est Barbysès, un roi thrace qui donne son nom à un fleuve traversant le territoire de Byzance, et qui est considéré par une tradition comme un héros indigène. Il fut le père de Phidaleia, l’épouse de Byzas; le tombeau de Phidaleia est signalé sur le Bosphore par un rocher, suite à l’intervention de Poséidon.25

21

Robu 2014a, 286–87 (avec les références). Cf. Prêteux 2015, 248. 23 Androitas de Ténédos FGrHist 599 F 1; cf. Vian 1974, 99–100; Dana 2016, 216–17. 24 Cf. Vian 1974, 103, qui note l’existence sur la rive européenne du Bosphore d’un Jasonion, un autel d’Apollon érigé dans un bosquet de lauriers. 25 Denys de Byzance 24, p. 12, et 59, p. 24 (éd. R. Güngerich); Chronicon Paschale I, 493– 495 (éd. L. Dindorf). Cf. Robu 2014a, 286. 22

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Du reste, les marins remerciaient aussi une autre divinité, le Héros Stomianos, dont le lieu de culte se trouvait au bord de la mer Noire, au cap Karaburun. On possède une série de dédicaces au Héros Stomianos datant de l’époque hellénistique et du début de l’époque impériale, dont plusieurs ont été trouvées à Karaburun. Ce cap est situé à environ 35 km à l’ouest du Bosphore, à un endroit particulièrement dangereux pour la navigation. L’épiclèse Stomianos a une origine géographique: elle renvoie au Στόμα τοῦ Πόντου. Sortant de la mer Noire, les marins demandaient au Héros Stomianos la protection divine pour l’entrée dans le Bosphore (I. Byzantion 25–29).26 LE SANCTUAIRE DE POSÉIDON ET DES DOUZE DIEUX À HIÉRON On connaît dans la région du Bosphore d’autres endroits qui servent de repères aux marins et qui abritent un lieu de culte. Le plus célèbre parmi ces points d’escale est sans doute Hiéron. Situé sur la côte asiatique du Bosphore, sur un promontoire (aujourd’hui Kavak Burnu), Hiéron se trouve à quelques kilomètres de l’embouchure pontique. Au XIIe siècle, on a construit à cet endroit une forteresse, le château Yoros, dont le nom renvoie à l’une des divinités célébrées ici à l’époque impériale, Zeus Ourios (en latin Iouis Urius). D’ailleurs, le site s’appelait Jovisurius dans l’Antiquité tardive.27 Hiéron étant une escale importante pour les navires traversant le Bosphore, on y célébrait plusieurs divinités: Poséidon, les Douze Dieux, Zeus Ourios.28 Selon A. Moreno, on devrait également localiser à Hiéron le sanctuaire d’Artémis qui apparaît chez Ptolémée et Hésychios Illustrios (Ptol. Geog. 5. 1. 2; Hésychios FGrHist 390 F 33).29 Mais ce lieu de culte devrait probablement être situé plus près de Chalcédoine, dans le port de Phrixos (aujourd’hui Kanliçe), qui est un port chalcédonien.30 Le culte de Zeus Ourios (‘Qui envoie des vents favorables’) est un développement tardif, sans doute de l’époque hellénistique.31

26  Cf. Robert 1959, 195–96 (= Robert 1989, 225–26); Bulletin épigraphique 1978, 316; Vian 1974, 97; Prêteux 2015, 261–65. 27 Moreno 2008 a rassemblé dans une étude récente les sources textuelles sur Hiéron, les témoignages des voyageurs et les vestiges que l’on a trouvés ici, des découvertes peu nombreuses, en l’absence de fouilles archéologiques. 28 Moreno 2008, 669–70. 29 Moreno 2008, 669. 30 Hanell 1934, 184; Avram 2000. 31 Vian (1974, 95, n. 20) note que le premier témoignage sur le culte de Zeus à Hiéron serait celui de Mnaséas (IIIe–IIe s.), cité par la schol. ad Aesch. Pers. 745. Une épigramme du Ier siècle, I. Kalchedon 14, mentionne Zeus Ourios et Poséidon.

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Les Antiques considéraient le culte de Poséidon et celui des Douze Dieux comme les cultes les plus anciens, en les rattachant à des traditions argonautiques. La première attestation est fournie par Pindare, qui attribue aux Argonautes la fondation du sanctuaire de Poséidon (Pind. Pyth. 4. 203–207). Selon Pindare, la présence d’un troupeau de taureaux signale aux héros l’endroit du sacrifice. Les Argonautes y trouvent aussi un autel de pierre récemment élevé. S. Georgoudi considère qu’il s’agit probablement de l’autel des Douze Dieux, dont la construction est attribuée, par d’autres récits, à Phrixos, lors de son voyage en Colchide, ou à ses fils.32 Mais on peut avoir affaire en réalité, chez Pindare, à un autel de Poséidon. Par ailleurs, c’est à Hiéron que le Spartiate Pausanias consacra en 478, peu de temps après avoir libéré Byzance de l’occupation perse, un cratère de bronze à Poséidon. Hérodote et Nymphis d’Héraclée nous renseignent sur cette dédicace. Hérodote compare le vase qu’il a vu en Scythie, près d’Olbia, au cratère consacré par Pausanias sur le Bosphore (Hdt. 4. 81). Au IIIe siècle, Nymphis, historien d’Héraclée du Pont, rapporte que la dédicace inscrite sur le cratère est une dédicace à Poséidon. Nymphis note aussi que le cratère, encore visible à son époque, se trouvait dans le temenos des Douze Dieux (Nymphis d’Héraclée FGrHist 432 F 9).33 Cette mention invite à penser que Poséidon et les Douze Dieux étaient célébrés dans le même sanctuaire: les Douze Dieux avaient peut-être un autel dans l’ancien temenos de Poséidon. Chez Apollonios de Rhodes, le premier à avoir sacrifié aux Douze Dieux fut Jason (Ap. Rhod. Argon. 2. 531–537). La même information apparaît chez Polybe, avec la seule différence que pour l’historien achéen, Jason sacrifia aux Douze Dieux à son retour de Colchide, tandis que selon Apollonios de Rhodes le sacrifice aurait eu lieu lors du voyage des Argonautes vers le mer Noire (Polyb. 4. 39. 5–6). Dans les deux sources, on ne trouve plus mention de Poséidon. Je me demande, étant donné que les Douze Dieux ne sont pas mentionnés dans les sources littéraires avant le IIIe siècle, si le culte des Douze Dieux n’est pas un développement tardif, de l’époque hellénistique, tout comme c’est le cas du culte de Zeus Ourios.34 De fait, la tradition qui relie les Argonautes aux Douze Dieux est, à mes yeux, suspecte, car Jason intègre une liste de héros ou de chefs d’expédition, fondateurs mythiques d’autels des Douze Dieux, tel que Deucalion en Thessalie, Héraclès à Olympie, Agamemnon sur le promontoire Lekton en Troade, Théoclès à Léontinoi, en Sicile.35 32

Georgoudi 1998, 74–75. Cf. Ellinger 2005, 60 et 252–53, n. 105. 34 On a aussi trouvé à Hiéron un règlement sur la prêtrise des Douze Dieux qui date du Ier siècle av. J.-C. (I. Kalchedon 13). 35 Hellanicos de Lesbos (FGrHist 4 F 6 a–b) mentionne l’autel des Douze Dieux bâti par Deucalion en Thessalie. Pour les autels des Douze Dieux construits par Héraclès à Olympia, voir 33

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Du reste, selon un passage des Argonautai de Denys Scytobrachion, les rites accomplis par Jason à Hiéron en faveur des Douze Dieux sont inspirés par Glaukos, une divinité maritime (Denys Scytobrachion FGrHist 32 F 14). Ce récit rapporte que les sacrifices des Argonautes aux Douze Dieux ont eu lieu à Hiéron, un site qui se trouve, selon Denys Scytobrachion, dans le territoire de Byzance. Ainsi, cette tradition fait de Hiéron un site appartenant aux Byzantins. On remarque aussi que le héros fondateur de la cité, Byzas, est celui qui accueille les Argonautes. Il n’est pas exclu que cette tradition attribuant la fondation du culte de Douze Dieux aux Argonautes ait une origine byzantine. Elle est probablement le reflet des différends entre les Byzantins et les Chalcédoniens au sujet d’Hiéron, ces derniers revendiquant eux-aussi la possession du lieu en raison d’un héritage.36 C’est probablement dans le contexte des rivalités entre Byzantins et Chalcédoniens que les Douze Dieux prennent de l’importance à Hiéron à l’époque hellénistique et tendent à remplacer Poséidon comme divinité principale. Je note au passage que le culte de Poséidon est bien documenté à Byzance et à Chalcédoine, ainsi que dans la métropole Mégare.37 Poséidon occupe une place centrale dans le panthéon de Byzance, à l’époque hellénistique du moins, sans doute en raison de la vocation maritime de la cité du Bosphore thrace. Preuve en est le fait que les Byzantins représentent souvent ce dieu et son attribut, le trident, sur leurs monnaies aux époques hellénistique et impériale.38 Le temple de Poséidon était situé sur l’acropole de Byzance, à l’endroit du premier établissement des Grecs, et ce bâtiment est qualifié d’antique (archaios) par Denys de Byzance.39 CONCLUSION Les Byzantins et les Chalcédoniens rappellent à l’époque hellénistique et romaine leur origine mégarienne à travers la célébration de divinités mégariennes telles que Apollon Pythaios, Artémis Orthôsia ou encore Poséidon, mais Pind. Ol. 10. 43-50 (et les scholies). Grâce à Strab. 13. 1. 48 = C. 605, on apprend qu’Agamemnon consacra un autel aux Douze Dieux sur le mont Lekton. Pour la célébration des Douze Dieux par Théoclès à Léontinoi, voir Polyaen. 5. 5. 2. Cf. Long 1987, 153, 159; Georgoudi 1998; Robu 2014a, 133–34. 36 Denys de Byzance 92, p. 29 (éd. R. Güngerich). Cf. Vian 1974, 98; Robu 2014b, 198–99. 37 Antonetti 1997, 89–90; Robu 2013b. 38 Head 1911 (réimpr. 1963), 268–69; Schönert-Geiss 1970, 56, 75–80; 1972, 33–34; Price 1993, pl. III, nos 59–67, 75, 80, 82; Stancomb 2000, pl. I, no 5. 39 Denys de Byzance 9, p. 5 (éd. R. Güngerich): Ποσειδῶνος νεώς, ἀρχαῖος μέν, παρ´ ὃ καὶ λιτός, ἐπιβεβηκὼς δὲ τῇ θαλάττῃ; Hésychios, FGrHist 390 F 15: Ποσειδῶνος δὲ τέμενος πρὸς τῇ θαλάττῃ ἀνήγειρεν, ἔνθα νῦν ὁ τοῦ μάρτυρος Μηνᾶ οἶκος διακεκόσμηται. Cf. Miller 1899.

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également par le biais des cultes héroïques, à savoir les cultes en l’honneur de Polyeidos, d’Ajax, de Saron ou d’Hipposthénès. On peut également identifier un groupe de culte lié au caractère particulier de cette région comme zone de contact entre la mer Egée et le Pont-Euxin. Ainsi, la traversée du Bosphore thrace est facilitée par l’intervention des personnages divins. Dans la saga des Argonautes notamment, on voit apparaître des divinités et des héros qui s’associent à la fondation de Byzance, comme Poséidon, Byzas ou le ‘Vieillard de la Mer’/Phorkys, ou qui ont un rapport étroit avec cette cité, tel le dieu-fleuve Barbysès. Si les ancêtres mythiques des Byzantins ont aidé les Argonautes à franchir le Détroit, cela permet aux Byzantins de l’époque hellénistique de justifier leurs prétentions sur des lieux de culte situés sur les rives du Bosphore et dont l’origine remonterait aux Argonautes, tel que le sanctuaire d’Hiéron consacré à Poséidon et aux Douze Dieux. De même, force est de constater que plusieurs dieux ou héros célébrés sur les rives du Bosphore ont un rapport étroit avec Poséidon: le ‘Vieillard de la Mer’, Amycos, Byzas, la nymphe Sémystra, Phidaleia, la fille du dieu-fleuve Barbysès. On a affaire ici à un ensemble de héros et de dieux, qui peuvent servir de guide aux marins. Cela appuie l’idée que Poséidon et les héros qui y sont associés occupent une place de premier rang parmi les divinités célébrées sur les deux rives du Bosphore thrace. Le culte de Poséidon, divinité faisant partie du bagage des apoikoi mégariens, s’insère ainsi dans le paysage du Bosphore thrace et il est à l’origine de nouvelles traditions mythiques. Ces cultes locaux confirment la capacité d’innover des Grecs dans le milieu colonial et mettent en lumière le rôle de l’environnement dans l’élaboration du paysage religieux et mythique des apoikiai. BIBLIOGRAPHIE Abréviations FGrHist

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DES SACRIFICES POUR UN DIVIN AJAX. ÉPIDAMNIENS, APOLLONIATES, EUBÉENS ET LOCRIENS: LES COMPLEXITÉS DE L’HELLÉNISME COLONIAL EN ILLYRIE MÉRIDIONALE François QUANTIN

Abstract At the end of the Augustan Principate or under Tiberius, Valerius Maximus mentions in an anecdote the cult of the Homeric hero Ajax in Apollonia of Illyria, and his elevation to the rank of god. The worship or the mythical presence of the hero allows us to study again the historical geography of the region of Apollonia during the Archaic period. At the same time, a proposal for the restoration of a votive inscription from Olympia allows the formulation of the hypothesis of a war between Apolloniates and Locrians in this region. The Corinthian cultural and religious appearance of Apollonia is due as much to the meeting with the Illyrians as to an antagonism with other Greeks, Euboeans but also north-western Locrians.

Dans le champ thématique des études coloniales les régions antiques situées à l’ouest du Pinde offrent l’opportunité singulière d’analyser à la fois et de manière inextricablement liée la rencontre entre les migrations coloniales composées de Grecs du Péloponnèse et de Grèce centrale, et des populations et des cultures dites ‘indigènes’, parmi lesquelles on compte celles des Illyriens au nord, mais aussi des tribus épirotes comme les Molosses et les Thesprôtes et d’autres Grecs d’origine méridionale (Fig. 1). Ce monde grec et hellénisé oblige à revenir au sens originel du mot ‘indigène’ car plusieurs générations et diverses tonalités culturelles de groupes de migrants grecs se côtoient ici:1 l’espace et le temps coloniaux sont investis par la rencontre de Grecs indigènes constitués par les peuples épirotes et des Grecs d’origine coloniale dont les descendants sont par définition des indigènes, et de colons grecs appartenant à la vague coloniale corinthienne continentale de la fin du VIIe siècle av. J.-C. dont l’installation est documentée sans équivoque par les sources littéraires, ce qui n’est pas le cas des présences eubéennes et corinthiennes précoces. Le rôle 1 Mis à part l’emploi du mot dans l’empire colonial français, c’est je crois la notion faussement voisine d’autochthonie, dont l’usage est souvent abusif aujourd’hui, qui donne une tournure essentialiste à l’indigénat (Quantin 2015).

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Fig. 1. Carte de l’Épire septentrionale et de l’Illyrie méridionale (© Philippe Lenhardt, INRAP, IRAA CNRS/AMU).

de Corcyre, mal connu, augmente encore la complexité de la situation, car l’État insulaire possède une peraia et participe à des fondations continentales tout en menant une politique hostile à sa métropole Corinthe.2 Dans ces régions comprises entre les rivages orientaux sud-adriatiques et le Pinde, les ‘indigènes’ 2

Stickler 2010; Quantin 2012; Antonetti et Cavalli 2015.

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parlent, écrivent et agissent en Grecs. Au nord de la Chaonie en revanche existe à côté du grec sous sa forme corinthienne, mais sans doute pas seulement, une langue mal connue, l’illyrien.3 La ‘déduction’ grecque s’exerce donc ici le plus souvent en pays grec. Les Corinthiens d’Ambracie s’installent dans des régions de langue grecque et ont très tôt des relations avec les Thesprôtes et les Molosses qui se succèdent pour exercer une tutelle sur le sanctuaire de Dodone, où ont été découvertes des lamelles oraculaires écrites grâce à un alphabet vernaculaire qui avait cours dans le bassin de Ioannina, mais sans doute ailleurs aussi en Épire, à la fin de l’archaïsme. Les travaux de P. Cabanes sur les institutions4 et ceux d’É. Lhôte sur les aspects linguistiques5 montrent que ces régions nord-occidentales participent à l’hellénisme, même si leur faciès culturel et leur genre de vie paraissent aux yeux de Thucydide d’un grand archaïsme suffisamment éloigné de ses modèles pour exclure les Épirotes du monde civilisé. Dans ces régions, les Corinthiens rencontrent sans doute aussi des Grecs déracinés, des Éléens, des Eubéens, mais aussi des Locriens comme nous allons le voir. AJAX L’APOLLONIATE À la fin du principat d’Auguste ou sous Tibère, Valère Maxime rapporte une anecdote qui mentionne le culte du héros homérique Ajax à Apollonia d’Illyrie, et son élévation au rang de dieu.6 Ajax, fils de Télamon, est présent dans le groupe statuaire offert par les Apolloniates à Olympie au Ve siècle av. J.-C., à côté de Thétis et en face de Déiphobos, ce qui pourrait donner à cette tradition une consistance documentaire et une certaine antiquité.7 En voici la traduction: Les Apolloniates non plus n’eurent pas à regretter leur attitude: alors qu’ils étaient en mauvaise posture dans une guerre contre les Illyriens, et qu’ayant demandé du secours aux Épidamniens, ils s’étaient entendu dire par eux qu’ils leur envoyaient comme assistance le fleuve qui coulait à proximité des remparts d’Épidamne, qui s’appelait Ajax, ils répondirent:

3

de Simone 2004. Cabanes 1976; 2003. 5 Lhôte 2006. 6 Val. Max. 1. 5. ext. 2 (les présages): Ne Apolloniatae quidem paenitentiam egerunt quod, cum bello Illyrico pressi Epidamnios ut sibi opem ferrent orassent atque illi flumen uicinum moenibus suis nomine Aeanta in adiutorium eorum sese mittere dixissent: ‘Accipimus quod datur’ responderunt eique primum in acie locum perinde ac duci adsignarunt. Ex insperato enim superatis hostibus successum suum omini acceptum referentes et tunc Aeanti ut deo immolauerunt et deinceps omnibus proeliis duce uti instituerunt. 7 Antonetti 2007; 2010. 4

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‘Nous prenons ce qu’on nous donne!’, et lui assignèrent la première place sur la ligne de bataille, comme s’il se fût agi de leur chef. Contre toute attente, ils vainquirent leurs ennemis, et l’on attribua ce succès, quand il fut connu, à ce présage. Dès lors, ils instituèrent des sacrifices à Ajax comme à un dieu, et dans la suite en firent leur chef dans toutes leurs batailles.8

Pour qui a visité Durrës, Épidamne-Dyrrhachion dans l’Antiquité,9 cette anecdote pose une première difficulté qui n’est pas liée à son invraisemblable scénario: Épidamne ne possède pas de fleuve mais une lagune, et on saisit donc mal à première vue le cynisme épidamnien. Apollonia est en revanche située près du cours de l’Aôos, la Vjosë actuelle (Fig. 1) que plusieurs sources qui remontent à Hécatée de Milet nomment justement Aias.10 Il est ainsi vraisemblable que l’Aôos, le fleuve de l’aube, ait d’abord été appelé Aias, c’est-à-dire Ajax selon la transcription issue de la forme latine du nom du héros. Il est de même assez probable que la lagune ou bien une lagune qui séparait la ville d’Apollonia de la mer dans l’Antiquité11 ait été nommée Aecicus, selon une notice de Vibius Sequester.12 En conséquence, et à défaut d’un meilleur indice de datation, il n’est pas invraisemblable de faire remonter cette guerre contre des ‘Illyriens’ mentionnée par Valère Maxime aux époques archaïque ou classique, avant la modification du nom du fleuve. À cette période de l’histoire d’Apollonia la seule guerre connue est celle que les Apolloniates menèrent contre les LocrioEubéens de Thronion. La victoire fut commémorée par l’offrande à Olympie d’un groupe statuaire dans lequel le héros Ajax figure en bonne place.13 Quoi qu’il en soit, dans le texte de Valère Maxime, Ajax est un fleuve (flumen), ce que d’autres sources confirment. Mais afin de donner du sens à l’humour

8

Traduction de Guillaume Bonnet et Marie-Claire Ferriès, dans Dimo et al. 2007, 59. Sur la topographie et l’urbanisme de Durrës, cf. Santoro 2003. Le Ps.-Scylax nomme un fleuve à Épidamne, le Palamnos, dont le cours doit être bien modeste, mais le distingue très bien de l’Aias d’Apollonia (Périple 26 s.v. Taulantioi). 10 Strab. 6. 2. 4: βελτίων δ᾽ Ἑκαταῖος, ὅς φησι τὸν ἐν τοῖς Ἀμφιλόχοις Ἴναχον ἐκ τοῦ Λακμοῦ ῥέοντα, ἐξ οὗ καὶ ὁ Αἴας ῥεῖ, ἕτερον εἶναι τοῦ Ἀργολικοῦ, ὠνομάσθαι δ᾽ ὑπὸ Ἀμφιλόχου τοῦ καὶ τὴν πόλιν Ἄργος Ἀμφιλοχικὸν καλέσαντος: τοῦτον μὲν οὖν οὗτός φησιν εἰς τὸν Ἀχελῶον ἐκβάλλειν, τὸν δὲ Αἴαντα εἰς Ἀπολλωνίαν πρὸς δύσιν ῥεῖν; Strab. 7.5.8: εἶθ᾽ ὁ Ἄψος ποταμὸς καὶ ὁ Ἄωος, ἐφ᾽ ᾧ Ἀπολλωνία πόλις εὐνομωτάτη, κτίσμα Κορινθίων καὶ Κερκυραίων, τοῦ ποταμοῦ μὲν ἀπέχουσα σταδίους δέκα τῆς θαλάττης δὲ ἑξήκοντα. τὸν δ᾽ Ἄωον Αἴαντα καλεῖ Ἑκαταῖος καί φησιν ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ τόπου τοῦ περὶ Λάκμον, μᾶλλον δὲ τοῦ αὐτοῦ μυχοῦ, τόν τε Ἴναχον ῥεῖν εἰς Ἄργος πρὸς νότον καὶ τὸν Αἴαντα πρὸς ἑσπέραν καὶ πρὸς τὸν Ἀδρίαν. Cf. aussi le Ps.-Scylax Périple 26, et Æas, fleuve d’Épire, chez Plin. HN 3. 145; Ov. Met. 1. 580; Lucain 6. 361. 11 Éric Fouache, dans Dimo et al. 2007, 13. 12 Vibius Sequester De Fluminibus 25: Aous, Apolloniae, in mare Ionium decurrens; De Lacubus 184: Aecicus, Apolloniae: l’Aecicus, sur le territoire d’Apollonia. Il pourrait s’agir aussi d’une lagune résiduelle retenant des eaux du fleuve après sa défluviation loin au sud. 13 Cf. Castiglioni 2003; Antonetti 2007; Piccinini 2013. 9

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cynique des gens d’Épidamne, qui comme nous, s’étonnent de voir donner à un fleuve le nom d’un héros achéen ayant combattu à Troie, il faut admettre deux faits: les Apolloniates ont eux-mêmes utilisé cet hydronyme original,14 que le nom soit de leur cru ou bien qu’il soit hérité; Aias est plus vraisemblablement dans le texte le petit Ajax, fils d’Oïlée et non le fils de Télamon, sans quoi la répartie épidamnienne perdrait sa pertinence, et, comme nous le verrons, son mordant.15 Le grand Ajax est fils de Télamon, qui est le frère de Pélée, tous deux enfants d’Aiakos et Endeis, Aiakos étant fils de Zeus et Aigina. Dans la littérature post-homérique, Ajax, au même titre qu’Achille, est donc un Éacide. Il est le héros grec le plus valeureux après Achille (Hom. Od. 11. 550–551). Dans l’Iliade, il conduit les guerriers de Salamine (Hom. Il. 2. 557). La prière aux dieux lui paraît être superflue, car sa force et son excellence au combat suffisent (Hom. Il. 17. 626–647; Soph. Aj. 748–783). Les armes d’Achille attribuées à Ulysse, Ajax projette de tuer tous ses hommes, mais frappé de mania, il massacre les bêtes de l’armée grecque et se suicide. Sa présence dans la région d’Apollonia sous la forme d’un hydronyme ou bien du héros luimême bénéficiant de sacrifices en remerciement de son aide serait difficile à expliquer. À Athènes, Ajax reçoit un culte (Paus. 1. 35. 3) et les éphèbes lui offrent des sacrifices (Syll.3 717. 25–27). Depuis les réformes de Clisthène, il est le héros éponyme de la tribu Aiantis, malgré ses origines salaminiennes. Le culte d’Ajax à Athènes remonte sans doute au conflit entre Athènes et Mégare à propos de Salamine. Selon J. Svenbro, consacré Athénien, Ajax n’en reste pas moins ambivalent, car il s’oppose à Athéna, fait preuve d’‘autonomie religieuse’, et est un suicidé.16 Rien à Apollonia ne permet de rendre raison du culte du grand Ajax fils de Télamon. Chez Arktinos de Milet (Ilioupersis 527–530), pendant le sac de Troie, le petit Ajax, fils d’Oïleus, viole Cassandre, prêtresse d’Apollon qui implorait la protection de son maître divin. Il commande les Locriens à Troie17 et il est un héros important pour les Locriens de l’Est comme de l’Ouest18 et meurt non pas à Troie comme le fils de Télamon mais à Gyrai d’une tempête et

14 Le changement de nom du cours du fleuve et l’emprunt de l’hydronyme à l’onomastique héroïque trouvent un parallèle intéressant en Étolie avec le Lykormas qui devint le fleuve Événos, fils d’Arès et de Démonikè (Apollod. Bibl. 1. 7. 7–8). 15 Une alternative serait de considérer que les Épidamniens font ici un jeu de mot car αἰαϊ est en grec une exclamation de douleur, en général traduite par ‘hélas!’ (Svenbro 2004, 163–65). 16 Svenbro 2001, en particul. 125. 17 Hom. Il. 2. 527–535 (texte qui mentionne le Boagrios près de Thronion; cf. Lycoph. Alex. 1146). 18 Strab. 9. 4. 2; Lerat 1952, 14. Sur Ajax en Locride, cf. récemment Kramer-Hajos 2012.

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de forfanterie.19 Le héros locrien est ainsi plus à sa place dans cette région marquée par une présence eubéo-locrienne associée à Thronion, toponyme manifestement transféré depuis la Locride vers l’Illyrie méridionale. L’hydronyme Aias pourrait ainsi avoir une origine locrienne, ce qui expliquerait qu’après la victoire les Apolloniates le débaptisèrent pour lui donner un nom à tonalité héliaque plus adapté à ce que l’on peut savoir des divinités d’Apollonia aux VIe et Ve siècles (Cf. Hdt. 9. 93), époque de la victoire contre Thronion. Les ‘Illyriens’ de Valère Maxime sont probablement les descendants des Eubéo-Locriens de Thronion d’Illyrie, ville assurément située au sud de la Vjosë, nommée dans l’Antiquité Aias puis Aôos. Le rapport avec les Locriens me paraît être renforcé par une autre anecdote, italiote en l’occurrence. D’après Pausanias les Locriens d’Italie demandèrent de l’aide à Ajax fils d’Oïleus dans la guerre qui les opposa aux Crotoniates, en raison de leurs origines opontiennes.20 Lors d’une bataille, sans doute celle du fleuve Sagra vers le milieu du VIe siècle av. J.-C., le stratège des Crotoniates Léonymos attaqua l’armée locrienne là où il avait entendu dire que se tenait Ajax. Le stratège fut blessé et la Pythie lui annonça que s’il se rendait sur l’île Blanche à l’embouchure de l’Istros dans le Pont-Euxin, Ajax le guérirait de sa blessure. Les Locriens conservèrent la tradition de laisser dans leur dispositif tactique une place vide pour Ajax.21 Dans cette histoire, la première ‘apparition’ d’Ajax est due à une évocation et une rumeur: le héros est convoqué au combat en vertu de ses origines locriennes, et rien n’interdit de penser qu’une image d’Ajax est au premier rang. La seconde est à sa manière de même nature puisqu’il s’agit de l’eidôlon du héros qui apparaît à Léonymos sur le modèle de la consultation nécromantique à la fin du chant X et au chant XI de l’Odyssée. Dans les récits apolloniate et locrien Ajax est une ‘idole’ emblématique que l’on poste au premier rang et qui permet aux Locriens de vaincre les Crotoniates et aux Apolloniates de triompher des Eubéo-Locriens si mon interprétation des ‘Illyriens’ est bonne.22 Le cynisme épidamnien paraît être alors plus 19 Gantz 2004, 1223–24. Dans Nauplios Pyrkaeus, Sophocle met sans doute en scène la vengeance de Nauplios (mort de son fils Palamède) qui allume des feux au cap Kaphéreus à la pointe sud-est de l’Eubée pour provoquer le naufrage de la flotte achéenne au retour de Troie. 20 Paus. 3. 19. 12: […] Αἴαντα τὸν Ὀιλέως ἐς τὰς μάχας ἐπικαλουμένων, ὁ Λεώνυμος Κροτωνιάταις στρατηγῶν ἐπῄει τοῖς ἐναντίοις κατὰ τοῦτο ᾗ προτετάχθαι σφίσι τὸν Αἴαντα ἤκουε. Pour l’ensemble du dossier littéraire, cf. van Compernolle 1969. Les Dioscures spartiates sont aussi appelés par les Locriens. 21 Conon Narr. 18: Λοκροὶ μαχόμενοι, ἐπεὶ συγγενὴς αὐτοῖς Αἴας ἦν, ἐν τῇ παρατάξει χώραν κενὴν ἐῶσιν, ὡς δῆθεν Αἴας ἐν ᾗ παρατάττοιτο. 22 Anecdote analogue chez Paus. 6. 20. 4–5, un enfant est placé, nu, devant l’armée éléenne contre les Arcadiens: il se transforme en serpent pendant l’attaque – métamorphose bien attestée chez les héros –, et reçoit ensuite un culte sous le nom de Sosipolis en association avec Ileithyie.

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clair: le petit Ajax, un héros impie et ennemi puisqu’il est Locrien, mais aussi peut-être un fleuve qu’il faut traverser pour investir le territoire de Thronion, ne peut guère aider les Apolloniates; contre toute attente, il le fit, et composa ainsi le motif central d’une anecdote qui piqua la curiosité de Valère Maxime. L’humour des Épidamniens est donc profondément cynique: ils font référence à cette tradition archaïque locrienne de placer au premier rang Ajax,23 sous la forme d’une image ou d’une place vide, non pas en bonne part mais parce qu’Ajax-Aias est pour eux un fleuve et non le héros homérique, ou bien car les Apolloniates affrontent non pas des Illyriens comme l’écrit Valère-Maxime, mais des Locriens, ceux de Thronion. En résumé, il est très vraisemblable que le fleuve nommé Ajax dans le texte du moraliste ne soit pas un fleuve d’Épidamne, mais l’Aias des Apolloniates, futur Aôos. Il est probable aussi que ce dossier documentaire ne renvoie pas, ou pas seulement, au culte d’un dieu-fleuve, mais que le nom de ce fleuve soit d’origine locrienne et constitue donc un vestige de la toponymie locrienne de la région, au même titre que Thronion. Rien n’interdit de penser que, conformément à la fin du texte de Valère Maxime, les Apolloniates rendaient un culte à Ajax, reprenant une coutume locrienne. LA PLUS ANCIENNE OFFRANDE APOLLONIATE

CONNUE À

OLYMPIE

Une inscription d’Olympie pourrait fournir une confirmation de l’existence en Illyrie méridionale archaïque d’un horizon culturel locrien. Elle est gravée sur un casque de type chalcidien en bronze à garde-joues ‘en faucille’24 décorés de part et d’autre de la calotte de deux satyres buveurs et couchés, au front de motifs décoratifs composés de palmettes, feuilles d’eau dressées et bordées, méandres et figurations de mèches de cheveux en boucles (Fig. 2).25 Le long de l’arête axiale de la calotte une inscription incomplète à droite est ainsi lue par E. Kunze et complétée par R.S. Stroud:26 ΑΠΟΛΛΟΝΙΑΤΑΙ [.]Ο[.] ΑΟΚΡ[---]. Dans les Neue Inschriften von Olympia la lecture est ΑΠΟΛΛΟΝΙΑΤΑΙ ΔΟ[..]ΟΚΡ[---] (NeueIvO 188, n° 155). Le casque a été découvert le 15 décembre 1965 dans le secteur sud-est d’Olympie, hors de l’Altis, à 8.45 m de profondeur dans une pièce au nord de l’aile est de l’‘Octogone’27 dans une

23 Cette version est en effet plus ancienne que celle de l’appel aux Dioscures lors de la bataille de la Sagra (van Compernolle 1969, 741 et 747–55). 24 Type II de Hermann Pflug: Bottini et al. 1988, 138. 25 Musée d’Olympie, n° d’inv. B 6900 (27.8 × 26 cm). 26 Kunze 1994, 32, 40–41, fig. 49 et 50; SEG 46, 471. 27 Kunze 1994, 3, Beilage I n° 21.

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Fig. 2. Casque de type chalcidien gravé de deux satyres banqueteurs découvert à Olympie (d’après Kunze 1994, pl. I, fig. 46–47).

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couche d’époque classique d’où proviennent des objets en bronze archaïques, et il est bien daté typologiquement des années 490–480.28 Les commentateurs ont tous reconnu depuis E. Kunze une dédicace d’Apolloniates commémorant par l’offrande d’un casque leur victoire sur un peuple ou une cité dont le nom n’est pas intégralement conservé. Grâce à la photographie et au fac-similé de Kunze (Fig. 3) je lis ΑΠΟΛΛΟΝΙΑΤΑΙ Α[.]Ο ΛΟΚΡ[---], et propose de restituer ainsi selon le modèle le plus courant des dédicaces de butin (nominatif du peuple vainqueur + ἀπὸ suivi du génitif désignant le peuple vaincu29): Ἀπολλωνιάται ἀ[π]ὸ Λοκρ[ῶν], avec éventuellement [ἐκ Θρονίου] si ces Locriens sont ceux de Thronion en Illyrie méridionale. Si la restitution d’ἀπὸ est correcte, un verbe de consécration sous-entendu n’est pas nécessaire, ni un mot comme laphyra ou skyla spécifiant la nature de l’offrande.30 Entre les deux omicron la lecture d’un lambda de type eubéen me paraît être certaine. La lecture ἀπὸ est en revanche plus fragile, car Kunze n’a rien lu entre l’alpha et l’omicron et le cadrage de la photographie a exclu cette partie du texte endommagée par les déformations du bronze (Fig. 3). Une phrase construite avec un ethnonyme au génitif pluriel non précédé de ἀπὸ est bien entendu possible.31 De quels Apolloniates s’agit-il? Pour Kunze en 1994, comme pour C. Rolley dans sa chronique tenue dans la Revue archéologique, ‘ceux de la côte Adriatique sont à Olympie les plus vraisemblables’.32 L’attribution aux Apolloniates d’Illyrie méridionale est évidente pour H. Baitinger en 2001,33 pour C. Antonetti en 2007,34 comme pour les auteurs des Neue Inschriften von Olympia en 2013 (NeueIvO n° 155). La colonie d’Illyrie est en effet la seule Apollonia connue à Olympie par d’autres sources, grâce à la dédicace du groupe statuaire de Lykios fils de Myron et à la statue de Méneptolémos d’Apollonia sur le golfe Ionien, vainqueur à la course (Paus. 5. 22. 2–4; 6. 14. 13). Le casque appartient au type II défini par H. Pflug.35 Ce Chalkidischer Helm ne prouve pas bien entendu que les Apolloniates remportèrent une victoire militaire sur Chalcis d’Eubée; sa diffusion et sa fréquence aux époques 28

Kunze 1994, 40. Cf. Baitinger 2001, 244. Cf. Lazzarini 1976, nos 973–988. 30 Exemple: IvO. n° 254, col. 373–376: σκῦλα ἀπὸ Θουρίο̄ν Ταραν-|τῖνοι ἀνέθε̄καν Διὶ Ὀλυ-|μπίο̄ι δεκάταν. Un bon parallèle est fourni par l’inscription suivante gravée sur un saurôtère (Lanzenschuhe), le talon d’une lance: Μεθάνιοι ἀπὸ Λακεδαιμονίο̄ν (IvO. n° 247, col. 361–364, fin VIe–début Ve siècle, cf. Baitinger 2001, 193, n° 976, pl. 46 et 74b). 31 Cf. par exemple NeueIvO nos 148–153. 32 Rolley 1995, 401–02. 33 Baitinger 2001: Illyrische Kolonien, 22; Apolloniatenweihung, 244. 34 Antonetti 2007, 103. 35 Bottini et al. 1988, 149, n° 61, au sujet de cet exemplaire, et 138, fig. 2 pour la typologie. 29

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Fig. 3. Photographie et fac-similé de l’inscription dédicatoire (d’après Kunze 1994, 36, fig. 49–50).

archaïque et classique interdit de l’exploiter pour cerner ou confirmer l’identité des adversaires des Apolloniates.36 Les deux satyres banqueteurs travaillés au repoussé et par gravure de part et d’autre de la calotte du casque (Fig. 2) sont de même couramment représentés sur des armes ou sont plus généralement associés au combat.37

36 37

Cf. Feugère 1994, 19–22; Bottini et al. 1988, 137–38. Kunze 1994, 36–37, n° 4; Paléothodoros 2001; Lissarrague 2013, 175–89.

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Le lambda, lettre dont la lecture est ici assurée en raison de l’évidence de la mention d’Apolloniates, est de type eubéen, attesté aussi en Attique, en Béotie et en Locride.38 L’inscription est sans doute contemporaine ou de peu postérieure à la dédicace provenant de la colline 104 à Apollonia dans laquelle le lambda a très vraisemblablement la forme d’un crochet, comme dans la dédicace du groupe sculpté offert par les Apolloniates à Olympie.39 Il s’agit d’un cas d’alternative alphabétique: à Apollonia dans le premier quart du Ve siècle av. J.-C. le lambda ‘corinthien’ peut être remplacé par la forme dite ‘eubéenne’, pour laquelle on ne peut pas alléguer l’intervention d’un lapicide éléen puisque le lambda d’Élis est en forme de crochet avec la pointe vers le haut.40 La lettre inscrite à gauche de ΟΚΡ[…] est très vraisemblablement un lambda de même forme que les précédents. La restitution d’un anthroponyme formé sur -kratos41 paraît ici invraisemblable. S’il s’agit d’un nom de peuple,42 je ne trouve pas d’autres candidats que les Locriens. L’HYPOTHÈSE D’UNE LOCRIDE D’ILLYRIE Cette lecture peut paraître à première vue incongrue, car elle postule l’existence d’une Locride illyrienne voisine d’Apollonia. Nos connaissances sur ces régions aux VIe et Ve siècles ne sont pas nombreuses, néanmoins la présence de Locriens n’est pas une hypothèse gratuite. Le toponyme Thronion en Abantide d’Illyrie indique en effet une composante locrienne,43 attestée par le commentaire que donne Pausanias de la dédicace apolloniate à Olympie qui mentionne 38 LSAG, Table of letters; Guarducci 1967 I, 144, ‘calcidese’. Cette lettre a d’abord paru être un obstacle pour Kunze 1994, 40, à l’attribution de cette consécration aux Apolloniates d’Illyrie: ‘Der schriftcharakter, vor allem das euböische Lambda, scheint nun allerdings dieser Zuweisung entgegenzustehen’, au profit de ceux de Chalcidique. Néanmoins le style du casque plaide nettement pour la ‘westlichen Kolonialwelt’ selon Emil Kunze. Cf. NeueIvO 188. 39 La présence de ce lambda ‘eubéen’, le futur L du latin, pourrait s’expliquer à Apollonia par la nécessité de ne pas confondre cette lettre avec le gamma noté dans beaucoup de régions du monde grec par une lettre qui a la même forme que le lambda utilisé à Corinthe et à Corcyre. À Dodone, l’alphabet épichorique est aussi de type ‘rouge’, ‘eubéen’, mais le lambda fait exception en adoptant dans les deux exemples connus la forme en crochet (Lhôte 2006, 332–34). 40 LSAG, 206 (= alphabet d’Arcadie). Notre lambda serait en Élide un upsilon. 41 Dans la liste de noms attique IG I3 1187 (colonne I, ligne 38: […]ΟΚΡ[…]), il faut restituer un mot comme Sôkratès ou Hermokratès. 42 Hypothèse admise par tous depuis Kunze 1994, 41, qui propose que ce peuple soit illyrien, et que son armée soit équipée d’une arme provenant d’Italie du Sud. Cette interprétation manque d’un rapprochement avec un ethnique connu. 43 Ces Locriens viennent de Thronion de Locride Epiknemidia, à l’ouest des Thermopyles à quelques kilomètres des rives actuelles du golfe Maliaque (cf. Pritchett 1982, 155–59, pl. 97–103; Pritchett 1985, 167–71, pl. 61–65). Cf. Aeschin. De falsa legat. 132; TL 36. 20. 5; Diod. Sic. 16. 33; Lycoph. Alex. 1148–1149 (mention des aguiai de Thronion). Une autre attestation épigraphique de l’existence de Thronion en Abantide illyrienne est une question posée par cette ville

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les Locriens avant même les Abantes.44 La très vraisemblable présence à Apollonia du Locrien Ajax fils d’Oïleus, criminel car il tenta de violer Cassandre fille de Priam et prophétesse, et sacrilège parce qu’il profana la statue d’Athéna à Troie, atteste un horizon mythique et sans doute une hydrotoponymie locrienne. Dans le Catalogue des vaisseaux, les Locriens, οἳ ναίουσι πέρην ἱερῆς Εὐβοίης, dans le passage cité par Strabon (Hom. Il. 2. 535; Strab. 9. 4. 7), sont guidés par Ajax fils d’Oïleus. Le passage suivant concerne l’Eubée.45 Le troisième récit de Conon dans la Bibliothèque de Photius rapporte une tradition selon laquelle le roi de Schérie, Phaiax, eut deux fils, Alkinoos qui régna sur Corcyre et Lokros qui partit en Italie et fonda Locres Épizéphyrienne en passant par le Latium. Cette tradition n’est en général pas retenue comme fiable par les savants,46 mais il est néanmoins remarquable qu’une fois de plus Eubéens et Locriens soient rapprochés dans le contexte de la dynamique diasporique occidentale. On ne voit pas quels autres Locriens les Apolloniates pourraient avoir vaincus. Ce casque dit chalcidien est donc vraisemblablement une arme locrienne, peut-être prise sur un soldat de Thronion d’Illyrie, ville située en Abantide, vraisemblablement à Treport.47

à Zeus Naios et Dionè dans leur sanctuaire de Dodone (Dakaris, Vokotopoulou et Christidis 2013, n° 1184B). 44 Paus. 5. 22. 2–4: ‘Près du lieu-dit l’Hippodamion, il y a une base de pierre semi-circulaire qui porte des statues de Zeus, ainsi que de Thétis et de Héméra, qui viennent supplier Zeus pour leur enfant. Voilà pour le centre de la base. Dans les gens qui ont l’attitude de combattants, il y a, chacun à une extrémité de la base, Achille et Memnon; selon le même principe sont opposés l’un à l’autre un Barbare et un Grec: Ulysse et Hélénos (car tous deux avaient la plus haute réputation de sagesse dans l’une et l’autre armée), face à Ménélas Alexandre, à cause de leur haine originelle, face à Diomède Énée et face à Ajax, fils de Télamon, Deiphobos. Ce sont les œuvres de Lykios, fils de Myron; les gens d’Apollonie de la mer Ionienne ont fait cette consécration; et sous les pieds de Zeus il y a un poème élégiaque gravé en lettres anciennes: “Nous sommes dédiés en souvenir d’Apollonie, la cité qu’en mer | Ionienne fonda Apollon aux cheveux non coupés. | Après avoir pris les extrémités de la terre Abantide, ils ont dressé ici ces statues | avec l’aide des dieux, sur la dîme qu’ils avaient prise à Thronion”. Le pays nommé Abantide et le bourg de Thronion qui s’y trouve étaient en Thesprotide, dans les monts Kérauniens. La flotte des Grecs fut dispersée, comme ils revenaient de Troie; les Locriens de Thronion à l’embouchure du Boagrios, et les Abantes d’Eubée, les uns et les autres représentant huit navires, furent emportés vers les monts Kérauniens. Ils s’y établirent, fondèrent la cité de Thronion, et donnèrent d’un commun accord le nom d’Abantide à la portion de territoire qu’ils possédaient; voilà que par la suite, vaincus par leurs voisins les Apolloniates, ils sont expulsés. Apollonie, elle, dit-on, a été fondée à partir de Corcyre les Corinthiens, eux-mêmes, ont une part du butin’ (M. Casevitz, J. Pouilloux et A. Jacquemin [Paris 1999], 63–64). 45 Cf. Lerat 1952, 13. 46 Cf. Lerat 1952, 22. Le récit justifie pour Conon la sungeneia entre les Locriens d’Italie et les Phéaciens. 47 Pour l’hypothèse de localisation de Thronion à Treport d’où provient une inscription archaïque, cf. Bereti, Quantin et Cabanes 2011.

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Le caractère corinthien de l’alphabet utilisé à Apollonia est bien établi.48 L’usage du lambda eubéen dans cette dédicace, si loin de l’Eubée, de l’Attique, de la Béotie, de la Locride ou de la baie de Naples et du détroit de Messine ne peut guère renvoyer qu’à des faits ou des traits locaux, épichoriques, comme dans le cas de l’alphabet de type eubéen dont l’adoption dans la région de Dodone n’est pas élucidée mais bien établie.49 Il doit être ajouté à la liste des indices d’une présence eubéenne ancienne dans le sud de l’Adriatique, indiquée par de la céramique découverte à Otrante,50 et à Ithaque,51 évoquée par les sources littéraires au sujet de Corcyre (Plut. Mor., Quaest. Graec. 11. 293ab), d’Orikos52 et de la région d’Apollonia,53 et attestée par l’inscription d’Olympie qui mentionne une Abantide voisine d’Apollonia et maintenant par cette caractéristique alphabétique de la dédicace d’un casque chalcidien dans le même sanctuaire péloponnésien. Tout se passe comme si Apollonia participait à cette géographie culturelle eubéenne, à une Adriatique odysséenne et eubéenne.54 Comment? L’usage d’un lambda ‘eubéen’ ajoute en réalité un argument supplémentaire à l’hypothèse d’une composante eubéenne de l’histoire et de la société apolloniates. On ignore si la ktisis de l’Apollonia corinthienne ou corintho-corcyréenne fut brutale, à 48

Lhôte 2006, 330. Lhôte 2006, 332–34. 50 D’Andria 1985. 51 Malkin 1998a, 94–119; 1998b. 52 Cf. Bereti et al. 2011. 53 Apollod. Epit. 6. 15β (de Tzetz scholia ad Lycoph. 911): Μετὰ δὲ τὴν Ἰλίου πόρθησιν Μενεσθεὺς Φείδιππός τε καὶ Ἄντιφος καὶ οἱ Ἐλεφήνορος καὶ Φιλοκτήτης μέχρι Μίμαντος κοινῇ ἔπλευσαν. εἶτα Μενεσθεὺς μὲν εἰς Μῆλον ἐλθὼν βασιλεύει, τοῦ ἐκεῖ βασιλέως Πολυάνακτος τελευτήσαντος. Ἄντιφος δὲ ὁ Θεσσαλοῦ εἰς Πελασγοὺς ἐλθὼν καὶ τὴν χώραν κατασχὼν Θεσσαλίαν ἐκάλεσε. Φείδιππος δὲ μετὰ Κῴων ἐξωσθεὶς περὶ τὴν Ἄνδρον, εἶτα περὶ Κύπρον ἐκεῖ κατῴκησεν. Ἐλεφήνορος [voir Iliade, 2, 536–545] δὲ ἀποθανόντος ἐν Τροίᾳ, οἱ σὺν αὐτῷ ἐκριφέντες περὶ τὸν Ἰόνιον κόλπον Ἀπολλωνίαν ᾤκησαν τὴν ἐν Ἠπείρῳ. Traduction de Lamboley 2005, 21: ‘Après le pillage d’Ilion, Ménesthée, Pheidippos, Antiphos, les compagnons d’Éléphénor et Philoctète naviguèrent de conserve jusqu’à Mimas. Ensuite Ménesthée arrivé à Mélos y établit son royaume, Polyanax le roi de l’île venant de mourir. Antiphos le fils de Thessalos arrivé chez les Pélasges et s’étant emparé de leur territoire, lui donna le nom de Thessalie. Pheidippos avec des gens de Kos fut poussé à Andros puis à Chypre où il s’établit. Éléphénor quant à lui était mort à Troie, mais ses compagnons entraînés jusque dans le golfe Ionien s’établirent à Apollonia en Épire’. Cf. le commentaire de Lamboley 2005, p. 16-17, qui tire du choix du verbe oikein et non oikizein l’idée que ‘les Eubéens n’ont pas fondé Apollonia, mais [qu’] ils ont habité la région d’Apollonia; le vocabulaire n’est pas celui de la colonisation, car l’épisode renvoie à la période précoloniale’. La remarque est fondamentale: les Eubéens ont habité, contrôlé la région de la future Apollonia, mais ne sont pas les auteurs de la ktisis qui conduit à la création de la polis des Apolloniates. Leur lien avec le territoire est d’ailleurs très bien illustré par le fait que dans l’inscription du groupe de Lykios offert à Olympie ils sont éponymes de la région, l’Abantide, et non de l’une de ses villes ou de son centre principal (πόλισμα ou πόλις chez Paus. 5. 22. 3 et 4), Thronion, toponyme rare et singulier d’origine locrienne. 54 Cf. les travaux de Lorenzo Braccesi, en particulier Braccesi 2003, 33–46. 49

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l’instar de celle de Corcyre elle-même, ou négociée avec les populations locales composées par des Illyriens mais aussi sans doute par des Eubéens et des Locriens. Les sources épigraphiques – l’inscription du casque chalcidien étudiée ici et la dédicace apolloniate d’Olympie lue par Pausanias – nous apprennent que vers 490–480 et peu après le milieu du Ve siècle av. J.-C. les Apolloniates remportèrent deux victoires, la première contre des Locriens si ma restitution de la plus ancienne dédicace connue des Apolloniates à Olympie paraît convaincante, la seconde contre Thronion, ville fondée en Illyrie méridionale par les Locriens de Thronion sur le Boagrios et des Abantes d’Eubée (Paus. 5. 22. 4).55 Dans le premier cas l’adversaire principal paraît être locrien et unique – les Locriens d’Abantide –, tandis que l’élément eubéen semble être pris en compte par Apollonia. D’abord chronologiquement: les Eubéens ont précédé les Corinthiens dans cette région d’après le récit d’Apollodore,56 et ils ont été rejoints par des Locriens à une période indéterminée, à moins que ces derniers aient été présents dès l’origine; il faudrait alors parler d’une présence eubéo-locrienne, comme L. Mercuri l’a précisément observé en Calabre.57 L’extraordinaire pourrait être dans le cas d’Apollonia le caractère pacifique des relations entre les colons corinthocorcyréens et les Eubéens, indiqué par le métissage de l’alphabet apolloniate marqué par l’usage jusqu’au début du Ve siècle du lambda eubéen.58 L’élément eubéen paraît ici être assimilé par les Apolloniates, qui choisissent comme fondateur Phoibos aux cheveux non coupés, le dieu de l’Hymne homérique à Apollon59 qui est aussi le fondateur de Delphes. Un patrimoine culturel eubéen s’exprime de manière ténue à travers ces rares données apolloniates remontant à la période archaïque. L’affrontement avec les Locriens de Thronion, venus de la Thronion de Locride orientale, est lui bien établi.60 À l’époque des Guerres Médiques, auxquelles elle ne participe d’ailleurs pas, Apollonia paraît être occupée au sud par un conflit local l’opposant à des Locriens, dont on sait qu’ils pactisèrent avec les Perses,61 et des Eubéens. Quoi qu’il en soit, cette dédicace met en perspective 55

Cf. n. 44. Cf. n. 53. 57 Mercuri 2004, 285–86. Cf. aussi Wilkes et Fischer-Hansen 2005, 324: ‘… expansion of Apollonia is implied in the dedication at Olympia of spoils from the destruction of the EuboianLokrian settlement at Thronion’. 58 M. Guarducci constata que l’alphabet syracusain n’était pas corinthien mais locrien, et tenta de montrer que rien n’interdisait de penser que des Locriens prirent part à la fondation de Syracuse (Guarducci 1952, 106–07). Ces deux lambda sont encore trop isolés pour proposer l’hypothèse d’une participation d’un contingent eubéen à la fondation d’Apollonia ou bien celle d’une occupation eubéenne antérieure du site de la ville. 59 Lamboley 2005, 17–18. 60 Rappelons l’hypothèse présentée au début de cette contribution: la présence locrienne pourrait avoir laissé une trace dans l’hydronymie: l’Aôos est d’abord nommé Aias. 61 Selon Hdt. 7. 132, les Locriens ont offert à Xerxès la terre et l’eau; il s’agit vraisemblablement des Locriens de l’Est voisins des Thermopyles (Lerat 1952, 28–29). 56

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historique l’ex-voto du groupe statuaire d’Olympie, qui est aussi la consécration d’une partie d’un butin pris sur d’anciens occupants grecs de la région. Les adversaires des Apolloniates sont aussi des Hellènes venus de Grèce centrale.62 Ces affrontements que l’on peut qualifier de ‘coloniaux’ ou d’‘inter-coloniaux’ ne voient pas seulement, ni, peut-être dans le cas d’Apollonia, principalement, s’opposer des Grecs à des Illyriens, mais des Corinthiens à des Grecs de Grèce centrale et continentale. Ces ‘modes de contacts’ polémiques ne constituent pas nécessairement des conflits dont les termes sont exportés de Grèce méridionale, mais ils sont néanmoins une continuation outre-mer des guerres archaïques métropolitaines. Ces pratiques militaires et territoriales ont certainement contribué à façonner les réalités institutionnelles et l’imaginaire des colonies. Dans le cas de l’Illyrie méridionale, Épidamne paraît avoir principalement combattu contre des Illyriens, qui d’ailleurs jouent un rôle important au début de la Guerre du Péloponnèse, alors qu’Apollonia, d’après nos sources, affronte des Grecs pour établir un vaste territoire. Or les deux cités représentent deux modèles coloniaux très différents: Épidamne est une cité libérale ouverte aux influences extérieures tandis qu’Apollonia conserve jalousement une constitution oligarchique et s’ouvre tardivement aux innovations, comme par exemple la monnaie introduite au IVe siècle av. J.-C.63 Les deux cités rendent un culte important à Artémis qui porte dans les deux cités l’épiclèse sôteira,64 mais l’État apolloniate promeut parallèlement la déesse agrotera/agrota dont l’iconographie est hiératique. La déesse exerce la fonction de gardienne de la cité, de vigie. Cette insistance cultuelle sur cette fonction artémisiaque, souvent interprétée comme une caractéristique héritée d’une déesse illyrienne dont on ne sait rien, trouve un contexte explicatif meilleur dans les relations polémiques que les Apolloniates ont entretenu avec leurs voisins grecs. Dans l’expérience coloniale, des Grecs ne rencontrent pas seulement des populations natives mais aussi d’autres Hellènes. Ce milieu diasporique, polémique et concurrentiel, est, tout autant que la confrontation des Grecs avec les cultures épichoriques, constitutif de l’histoire et de la culture coloniale hellénique. Au-delà de l’opposition entre l’altérité radicale et l’identité irréductible, le scénario colonial donne ici un rôle à une notion intermédiaire que l’on pourrait appeler une altérité intérieure, une identité complexe, ou, à la manière d’Irad Malkin, un Middle Ground traversé aussi bien par des conflits que par des échanges pacifiques.65

62 63 64 65

Lire à ce sujet les analyses de Costanzi 2009. Gjongecaj et Picard 2007. Dufeu-Muller et Shehi 2009; Quantin 2004; 2017. Malkin 2002.

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UNE AUTRE FAÇON DE PARLER GREC: POINTS DE VUE ANCIENS ET MODERNES SUR LE LEXIQUE DE CYRÉNAÏQUE Catherine DOBIAS-LALOU

Abstract Although the first settlers of Cyrene came mainly from Thera, other Greeks of different origins joined the expedition and other arrivals occurred later on. Moreover, the Greeks had also some forms of contacts with the Libyan nomads who lived in the area before their arrival. The dialect of ancient Cyrenaica is thus a special one, which is in some way the ‘Libyan language’ mentioned by Herodotus and erroneously interpreted as the language of the Libyan tribes. Focusing on the vocabulary, this paper studies a series of items which reflect various origins. Battos, the name of kings, bounos ‘hill’, telesphoria ‘ceremony’ are pure Greek words with a special semantic load related to the local conditions; lachos, may be explained in two different ways (‘part due to someone’ or ‘vegetables’) and remains ambiguous in the context of its unique use; triakatioi ‘three hundred’ became the name of the ‘ephebes’ and aporytiazon was created for their ‘master of cavalry’; amnammos was also created in Cyrenaica for ‘grandson’. Beside those cases of clearly Greek origin, few items have a foreign origin: smireus ‘measure for liquids’ can be assigned to no definite stem; silphion and zegeries, as names of local plants and animals, are the only words for which a Libyan origin seems certain.

Le grec ancien, enseigné aujourd’hui sous la forme pratiquée à l’écrit par les Athéniens de l’époque classique, consistait en réalité en de multiples variétés, les dialectes, assez différents les uns des autres pour être ressentis comme tels, mais assez proches pour ne pas offrir un obstacle complet à la communication et laisser aux locuteurs-récepteurs le sentiment de parler une même langue ‘grecque’. Dans ce cadre multi-dialectal, l’idiome dont usent les autorités dans les actes publics fait partie des institutions et reflète donc de façon intéressante la représentation que les cités voulaient donner d’elles-mêmes. Il existe ainsi un dialecte cyrénéen, qui ne se confond pas en tous points avec celui de Théra, la métropole principale, mais qui est le fruit d’influences reposant sur des apports divers et des contacts variés. Ce dialecte présentait des particularités dans son système phonologique et morphologique et à un moindre degré dans sa mise en œuvre syntaxique. J’ai choisi ici de m’intéresser au lexique, dont j’examinerai quelques éléments révélateurs d’une certaine originalité, à laquelle déjà les auteurs anciens étaient sensibles.

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Quelques remarques préalables sont nécessaires. La légende de la fondation de Cyrène montre le rôle joué par les Crétois dans l’arrivée des premiers colons vers 630.1 Le troisième roi, Battos II, vers 580, fit appel à une nouvelle immigration, qui vint du Péloponnèse, de Crète et des îles égéennes. Ces évènements se situent avant nos premiers échantillons épigraphiques, qui ne sont guère antérieurs à 550 av. J.-C. Se pose d’autre part la question des rapports avec les Libyens nomades, dont les terrains de parcours ont été partiellement recouverts par les installations grecques et qui ont fréquenté les Grecs et parfois adopté leur mode de vie sédentaire. Même si leur langue nous est pratiquement inconnue, des faits d’adstrat sont a priori envisageables et le domaine lexical, qui se réfère directement aux realia, est généralement le plus favorable à de telles pénétrations.2 Dans le creuset colonial, la langue est donc un domaine parmi d’autres où peut se déceler ‘une autre façon d’être grec’. Chronologiquement, le dialecte cyrénéen, attesté dans les inscriptions aussi bien publiques que privées pendant la période de l’indépendance, commence à être concurrencé à partir de la fin du IVe siècle par la koinè dans les relations avec le pouvoir lagide. Il se trouve même presque effacé de la sphère publique dans des cités dont la fondation, ou la refondation, est due aux souverains d’Alexandrie, à savoir Ptolémaïs, l’ancien port de Barka, Bérénikè qui prit la place d’Euhespérides et Taucheira, renommée Arsinoè. Quant à Apollonia, qui ne fut que le port de Cyrène jusqu’à l’extrême fin du IIe siècle av. J.-C., les rares inscriptions archaïques ou classiques que le site a livrées suffisent à montrer que le dialecte y était vivant comme dans la cité principale. En dehors de Cyrène, le seul site ayant livré en quantité des documents archaïques est Taucheira, où de nombreux graffitis sur des céramiques importées témoignent d’un culte de Déméter et Korè. Mais ils peuvent émaner de voyageurs ou de commerçants et ne témoignent pas nécessairement de l’état du dialecte. Les traits distinctifs des dialectes nous sont accessibles à travers le filtre de l’alphabet, lequel a connu, lui aussi, dans un premier temps des variantes régionales. Les inscriptions archaïques de Cyrénaïque usent d’un alphabet épichorique apparenté à celui de Théra, mais distinct de lui sur quelques points. Il présente notamment un flottement pour le rendu graphique de l’aspirée kh: on observe deux signes, le plus fréquent en forme de croix +, qui est aussi employé à Théra, l’autre en forme de trident ૰, d’origine probablement 1 Il n’existe pas de telles traditions mythiques pour les autres cités, Barca, Taucheira et Euhespérides, que l’on a généralement considérées comme des sous-colonies de Cyrène. Un point de vue différent est défendu par Costanzi 2013. 2 L’idiome de la famille libyco-berbère qui devait être parlé par ces populations n’a laissé aucune trace écrite dans cette région. La recherche d’éventuelles influences se révèle particulièrement difficile et ses résultats décevants (Dobias-Lalou 1987 et 2000, passim).

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rhodienne.3 Comme d’autres régions, la Cyrénaïque a adopté vers la fin du Ve siècle un alphabet standard, dit ionien ou milésien. La période précédente offre l’intérêt de nous montrer une région coloniale tâtonnant pour établir son propre système en fonction de ses besoins phonétiques. Hérodote donne au livre 4 un long Libykos logos, exposé historique, géographique et ethnographique, retraçant la fondation de Cyrène (vers 630 av. J.-C.) et son histoire jusqu’en 415 et décrivant aussi l’arrière-pays et les tribus qui l’occupaient avant l’arrivée des Grecs. Déjà sensible au particularisme lexical des Cyrénéens, Hérodote nous en a livré quelques données. Or il existe une ambiguïté dans le mot Λίβυες que l’on a pris souvent comme désignant exclusivement les indigènes non grecs, alors que de nombreux auteurs antiques en usent aussi pour désigner les Grecs installés en Libye. Quand Hérodote parle de la ‘langue libyque’, ‘Λιβυκὴ γλῶσσα’, cette expression peut recouvrir des cas de figure différents, que nous devons nous efforcer de distinguer. 1. Un exemple de cette prétendue ‘langue libyque’ sur lequel Hérodote est particulièrement explicite est celui du nom du fondateur et premier roi, devenu nom dynastique, Battos. Le sens d’un tel nom en grec n’est pas inconnu d’Hérodote, à qui les Théréens et les Cyrénéens ont bien dit que le futur fondateur était bègue (βάττος). Il s’agit manifestement d’un sobriquet parfaitement adapté au personnage. D’ailleurs déjà Pindare, contemporain d’Hérodote, nous indique son premier nom: Ἀριστοτέλης (Pyth. 5. 88). Or Hérodote, qui ne mentionne pas le nom d’Aristotélès, donne une explication différente (4. 155): Λιβύες γὰρ βασιλέα βάττον καλέουσι, καὶ τούτου ἕνεκα δοκέω θεσπίζουσαν τὴν Πυθίην καλέσαι μιν Λιβυκῇ γλώσσῃ, εἰδυῖαν ὡς βασιλεὺς ἔσται ἐν Λιβύῃ ‘Les Libyens appellent leur roi battos et c’est pour cette raison, à mon avis, que la Pythie en prophétisant l’appela en langue libyque, car elle savait qu’il serait roi en Libye’. La réponse de la Pythie commence en effet par Βάττ’, ἐπὶ φωνὴν ἦλθες ‘Battos, tu es venu pour ta voix’, ce qu’Hérodote glose ὥσπερ εἰ εἴποι Ἑλλάδι γλώσσῃ χρεωμένη· Ὦ βασιλεῦ ἐπὶ φωνὴν ἦλθες ‘comme si elle disait en usant de la langue grecque: Roi, tu es venu pour ta voix’. La confiance d’Hérodote dans la vision prospective de la Pythie est grande et il lui prête un jeu de mots qui n’est pas nécessaire. Pour autant, rien ne prouve qu’Hérodote ait considéré cette prétendue ‘langue libyque’ comme la langue indigène non grecque.4 On peut aussi comprendre que selon lui le 3

Marengo 2010b, 21–23; Dobias-Lalou 2016, 67–68 et 78. Les vaines tentatives faites tout à tour pour relier βάττος à un mot libyque, voire égyptien, ou inversement pour donner une étymologie libyque au grec βασιλεύς ont été écartées par Masson 1976a. 4

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nom propre était devenu un nom commun dans le dialecte des Grecs de Libye, à la manière de notre poubelle ou, mieux, du tsar russe. L’enquêteur était probablement sensible au décalage entre les deux noms qui se sont succédés dans le lignage royal, le sobriquet Βάττος et le nom double aux connotations nobles Ἀρκεσίλαος, et au fait que c’est bien le moins noble des deux qui a fourni le nom de la dynastie des Βαττιάδαι. Il a donc jugé bon de souligner que c’était à Cyrène un nom royal. L’information donnée – ou prêtée – à Hérodote a été comprise de bonne heure comme fournissant un appellatif et se retrouve dans toute la tradition grammaticale. Chez Hésychius notamment, on aboutit à une glose à double détente, qui se présente comme la collision de deux homonymes (B 349): Βάττος· βασιλεύς, τύραννος Λίβυες· τραυλόφωνος, ἰσχνόφωνος ‘Battos: roi, tyran, les Libyens; bègue, ayant du mal à parler’. Ce cas, finalement, relève non de la lexicologie, mais de l’anthroponymie, domaine où les contacts avec le libyque sont les plus évidents. Mais ceci est une autre histoire, que je ne développerai pas ici.5 2. Dans le vocabulaire, un autre cas de figure est fourni par les βουνοί, qui sont à Cyrène l’objet d’un emploi particulier, dûment signalé par Hérodote.6 D’un côté, ce substantif n’est pas un mot seulement cyrénéen, mais semble plus largement dorien à l’origine. Son plus ancien emploi se trouve sous la forme d’un adjectif dérivé, βοῦνις, par lequel le chœur qualifie la terre d’Argos chez Eschyle (Supp. 117, 128 et probablement 776). La coloration dorienne est confirmée dans les inscriptions, par exemple dans le règlement de frontière entre Samos et Priène effectué au IIe siècle av. J.-C. par des juges rhodiens: un βουνός y sert de repère pour le bornage (I.Priene 37–38, l. 167–168). Le substantif a fini par pénétrer dans la koinè. On le trouve dans la Septante et dans des papyrus à partir du IIe siècle et son dérivé βουνίον a abouti au βουνί du grec moderne, qui a complètement évincé ὄρος au sens de ‘montagne’. Chez un géographe comme Strabon, aux environs de notre ère, les référents de ce mot restaient flous, oscillant entre la colline basse et l’éperon escarpé.7 Et précisément, par le comique Philémon (fr. 142K) nous savons qu’à Athènes au début de la période hellénistique le mot n’était pas bien compris, aussi le grammairien atticiste Aelius Dionysios (IIe siècle ap. J.-C.) le qualifiet-il de βάρβαρος. Plus nuancé, l’atticiste Phrynichos en fait un dialectalisme: 5

Sur ce point, le meilleur exposé reste celui de Masson 1976b. Une version développée de la démonstration qui suit, notamment pour l’étymologie, est donnée dans Dobias-Lalou 2017. 7 Baladié 1980, 124–27, donne une étude détaillée des emplois chez cet auteur. 6

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ὀθνεία ἡ φωνὴ τῆς Ἀττικῆς (Ecl. 332).8 L’emploi de βοῦνις par Eschyle et les commentaires qu’en donnent les scholies anciennes ont pu contribuer à ce point de vue. On comprend donc que l’Ionien Hérodote, qui est le seul à témoigner de l’emploi cyrénéen du mot, ait pu éprouver le même sentiment d’étrangeté. Il mentionne cette particularité lexicale à propos des trois périodes de récoltes que permet la nature du territoire: trois emmarchements se succèdent du Nord au Sud, de la mince bande côtière où est situé le port (τὰ παραθαλάσσια) jusqu’au vaste plateau supérieur, au rebord duquel est située Cyrène (ἐν τῇ κατυπερτάτῃ τῆς γῆς); entre les deux se situent τὰ ὑπὲρ τῶν θαλασσιδίων χώρων τὰ μέσα (…), τὰ βουνοὺς καλέουσι (4. 199), ‘les espaces intermédiaires dominant la zone côtière, qu’on appelle bounoi’. Si l’on examine de plus près le faciès géographique de cette zone, que l’on traduit généralement par ‘collines’, on s’aperçoit que c’est une pénéplaine faiblement vallonnée, ponctuée de points hauts où étaient implantées des fermes fortifiées (pyrgoi), contrastant avec les vastes étendues du plateau supérieur. Cette zone se partageait entre des polycultures protégées par des murets, développées au pied des pyrgoi, et des friches arbustives qui servaient de pacage aux animaux, surtout vers la bordure septentrionale, moins exploitée dès l’Antiquité.9 Sur les champs clos eux-mêmes, après la récolte, qui se faisait assez tôt dans cette zone, on pouvait laisser paître les animaux. Je propose une explication étymologique pour ce mot à partir de *βου-νόος ‘qui nourrit les bovins’, réduit à βουνός comme *βοᾱθόος est à l’origine de βοηθός et, plus proche encore, *βου-σ(σ)όος qui a donné βουσός ‘sente à bœufs’. Le second membre repose sur *-no(s)os que l’on connaît dans des composés mycéniens, mais ces mots sont sortis de l’usage, victimes de la concurrence avec *νό(ϝ)ος simple et en composition. La racine indo-européenne *nes- ‘assurer la survie’ s’est spécialisée en grec dans le sens d’‘assurer le bon acheminement’ dans νόστος et νέομαι, mais a pu aussi aboutir à ‘nourrir’ (cf. all. nähren).10 Nous avons une autre trace de ce composé dans le toponyme d’un dème d’Épidaure Βουνοία / Βουνωία connu par des inscriptions du IVe siècle av. J.-C. (IG IV2. 1 96, l. 52; 103, l. 101 et 109). 8 Voir déjà les remarques de Cassio 1987 à propos de ce jugement, qui indique une appartenance au dorien littéraire. 9 Les grands espaces découverts permettant le dry farming se trouvent sur le plateau supérieur, voire sur le gradin intermédiaire, mais dans sa partie occidentale, autour d’El Merj (ancienne Barka). La description d’Hérodote vaut pour la zone en contrebas de Cyrène, aujourd’hui appelée Useita, bien décrite dans une perspective de géographie historique par Attiyah el Jiteily et Laronde 1999. Voir aussi Laronde 1987, 285–93. 10 DELG s.v. νέομαι.

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Les ‘collines’ qui ponctuent cette région ont pu par glissement devenir le référent principal du mot, mais ce n’est pas certain. Comme ce sens dérivé n’est pas inconnu dans d’autres contextes, tous doriens, rien ne prouve que les seuls mamelons de Cyrénaïque aient conduit à la généralisation du sens de ‘hauteur, éminence, montagne’. Le plateau intermédiaire cyrénéen ne peut pas par lui-même passer pour une montagne.11 Ni sur le plateau lui-même ni de Cyrène on ne peut voir autre chose qu’une étendue moutonnante. Comme l’un des premiers emplois au sens de ‘montagne’ remonte à la Septante, on a supposé que c’était un néologisme introduit sous l’influence de l’important noyau d’émigration cyrénéenne présent à Alexandrie. Ce n’est à mes yeux qu’une vague possibilité. Pour conclure, nous devons jusqu’à plus informé considérer ce mot non comme une invention coloniale, mais comme un mot dorien d’emploi régional, lié à un cadre géographique précis qui peut-être a entraîné un glissement sémantique. 3. Dans la tradition littéraire, Callimaque est une autre source pour notre connaissance de mots spécifiquement cyrénéens. Bien qu’ayant accompli l’essentiel de sa carrière de poète et de savant à Alexandrie, il n’a pas oublié sa patrie et l’évoque parfois explicitement.12 Dans un passage de l’Hymne à Apollon (2. 71–79) où il salue le dieu sous l’épithète de Καρνεῖος, ‘conformément à la tradition de ses pères’ (ἐμοὶ πατρώϊον οὕτω) il rappelle le mythe de fondation et attribue à Aristotélès (Battos) la création de la telesphoria: δεῖμε δέ τοι μάλα καλὸν ἀνάκτορον, ἐν δὲ πόληι θῆκε τελεσφορίην ἐπετήσιον, ᾗ ἐνὶ πολλοὶ ὑστάτιον πίπτουσιν ἐπ’ ἰσχίον, ὦ ἄνα, ταῦροι ‘Il te construisit un très bel édifice seigneurial et dans la cité institua la célébration annuelle au cours de laquelle en grand nombre tombent pour la dernière fois sur la hanche, seigneur, les taureaux’.

Il s’agit donc de ‘l’accomplissement’ d’un sacrifice solennel offert à Apollon Karnèios dans le cadre d’un culte officiel. Cette indication trouve son répondant précis dans les inscriptions cyrénéennes: des dédicaces sont faites par un ou des hommes qualifiés par le participe présent ou aoriste du verbe τελεσφορέω. Dix mentions sont connues,13 datant toutes du IVe ou du IIIe siècle, mais l’état 11 La région, prise dans son ensemble est en effet nommée aujourd’hui Djebel el-Akhdar, ‘la Montagne verte’, car elle se présente par rapport à l’altitude 0 du littoral comme un massif, culminant à plus de 600 m. 12 Meillier 1979, en particulier dans les chapitres IV à VII. 13 Liste des occurrences: Dobias-Lalou 2000, 209, où la quatrième inscription, alors inédite, est maintenant SEG 57.2005. Une occurrence fragmentaire supplémentaire récemment publiée est IGCyr 108500. On peut maintenant retrouver toutes ces inscriptions sur le site des IGCyr.

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lacunaire de certaines d’entre elles interdit une présentation globale trop rigide. Du reste, on peut constater une grande diversité de formulaires, cachant probablement des démarches variées. Une seule s’inscrit dans la catégorie des inscriptions honorifiques: une femme a fait ériger dans le sanctuaire d’Apollon la statue d’un homme Καρνεῖα τελεσφορήσα[ντα]. Toutes les autres semblent pouvoir être classées comme des dédicaces, mais ce sont en même temps des bases de statues, ce qui leur confère secondairement un caractère honorifique. Elles émanent d’un ou plusieurs hommes τελεσφορέων / τελεσφορέντες. Dans certains cas seulement ce verbe est complété par le nom de la fête: au moins une fois Καρνῆια et, de façon moins prévisible, deux fois Ἀρταμίτια. Dans un cas seulement, une divinité destinataire de la dédicace est mentionnée et il s’agit fort probablement d’Apollon.14 L’adjectif τελεσφόρος qualifiant un prêtre se retrouve aussi dans deux inscriptions d’époque romaine.15 Si le vocabulaire est d’étymologie claire et s’inscrit dans une tradition large, cet emploi semble typique de la région. En effet le verbe est connu ailleurs, soit au sens de ‘mener à son aboutissement’, ‘porter à la perfection’, soit, en relation avec le sens technique financier de τέλος, ‘rapporter une taxe’ (Xen. Vect. 3. 5). Ce dernier emploi nous met probablement sur la piste, avec l’aide de l’unique cas où dans les inscriptions une autre précision permet de déceler une obligation religieuse, celle de la dîme (IGCyr 016400): [Λέν]τιχος Ἀμμωνίω Καρ[νῆια τελε]σφορέων δεκάταν ἀνέ[θηκε Ἀμμ]ώνιον Ἐπιχάρμ[ω]

La télesphorie devait donc consister à s’acquitter d’un devoir religieux. Apparemment, cette famille de mots appartenant au fond lexical grec a connu à Cyrène un développement particulier, pour un sens technique dont le détail exact nous échappe. 4. Certains des idiomatismes cyrénéens ne nous sont connus que par l’épigraphie et dans ce domaine l’état de la documentation se renouvelle sans cesse. On connaît par une publication de 201016 un petit fragment de vase attique à figure noire daté de la fin du Ve s., provenant du quartier de l’agora et portant un graffiti consistant en un seul mot: ΛΑΧΟΣ. L’éditrice, S.M. Marengo, ne pouvait se référer qu’au seul mot λάχος alors connu, le neutre sigmatique qui fait partie de la famille de λαγχάνω et désigne la ‘part’ à laquelle on a droit 14 Le nom divin étant réduit à A[- par la cassure, Apollon est hautement probable, mais Artémis n’est pas totalement exclue. Ces deux divinités sont les dieux δαμοτελεῖς à Cyrène. 15 CIG 5145; SECir 13. 16 Marengo 2010a, 153, n° 23 et fig. 4 (d’où IGCyr 112900).

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légitimement.17 Attesté dès les textes les plus anciens dans un sens concret s’il s’agit d’un κλῆρος détenu par quelqu’un (Mantinée, IG V.2 262, l. 20) ou abstrait, s’il s’agit de la destinée, ce mot a suivi l’évolution diachronique du verbe correspondant et exprime au début du IIe siècle ap. J.-C. l’attribution par tirage au sort de terrains lotis (Rhodes, DGE, 289.88). Plutôt poétique dans ses emplois littéraires anciens, il est devenu plus fréquent dans la prose tardive. Le grec moderne a encore le diminutif λαχίδι ‘parcelle’. S.M. Marengo proposait avec prudence l’idée qu’il pût s’agir d’un récipient permettant d’emporter une part de viande du sacrifice. Elle renvoyait notamment à un passage de Xénophon (An. 5. 3. 9) où est décrite la fête qu’il institua pour Artémis à Scillonte, avec un sacrifice suivi de la distribution à chacun des participants de la part de viande qui lui revenait (λάχος).18 On pourrait aussi s’appuyer sur un passage de l’historien Myrsilos cité par Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom. 1. 23. 5 et 24. 1) où λάχος est employé pour la part prélevée sur les récoltes et l’élevage, promise aux dieux dans le cadre d’une εὐχή.19 On remarquera que le mot conserve là son sens ancien de ‘part revenant de droit’ à quelqu’un, en l’occurrence la divinité.20 Que cette part consiste en viande ne peut découler que d’un contexte précis, dont nous sommes privés. Or une nouvelle piste vient de s’ouvrir et pourrait être plus prometteuse. Une stèle de Larisa tout récemment publiée organise la vente par la cité de lots de ‘terres cavalières’ (ἱππότεια), c’est-à-dire assignées aux citoyens de la classe des ἱππεῖς.21 L’opération répond à un souci de mise en ordre, car certains lots ne sont pas exploités comme ils le devraient. Les anciens détenteurs peuvent renouveler leur possession en payant une redevance, tandis que les autres terres seront mises en vente. Différents cas de figure sont prévus, notamment celui de πόσσα μὰ τοῦν ἱπποτείουν πεφυτευμένα λάχος ἔνθι εἲ οἰκία ἔνεστι ‘tous ceux des lots cavaliers qui se trouvent plantés en légumes verts ou (sur lesquels) se trouve une maison’ (l. 51). Syntaxiquement, la construction la plus probable fait de λάχος un accusatif pluriel de forme normale en thessalien, objet interne du participe passif πεφυτευμένα. Le substantif est 17 Perpillou 1996, 165–204. Du même, sous une forme plus ramassée, l’article remanié par lui du DELG2, 1322 (notice datant de 1999). 18 Cette pratique de distribution est décrite par Plutarque (Quest. conv. 2. 10. 1 = Mor. 642e– 643e), mais λάχος n’y est jamais employé. 19 La même junctura chez Euseb. Praep. Evang. 4. 16. 14 et 15. 18 pourrait provenir de la même source. 20 En Crète, à Lyttos, d’une façon assez semblable, mais à travers l’écran de l’hétairie (ἀνδρήιον), le λάκσιον dû contractuellement par le scribe Spensithios semble être une contribution à une offrande collective à laquelle les dieux ont droit (SEG 27, 631 b.14). Voir le commentaire de Genevrois 2017, 214–15. 21 Tziafalias Helly 2013. L’inscription fait l’objet dans le Bulletin épigraphique 2015 de la notice n° 394 et les mots nouveaux, dont λάχος, y sont relevés au n° 123.

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donc un masculin thématique. Conjointement, certains terrains portent le nom d’ἰμιτολαχία (l. 9) ‘demi-part cultivée en légumes verts’, comme d’autres sont des ὀσπρίαι ‘terrains cultivés en légumes secs’ (l. 22), deux formations où le suffixe -ία a une valeur collective.22 On voit ainsi réapparaître un substantif λάχος tombé en désuétude à cause de son homonymie avec l’autre λάχος et remplacé le plus souvent par le dérivé λάχανον, qui a le même suffixe que par exemple βότανον. Ces mots appartiennent à la famille de λαχύς ‘velu, duveteux’, λόχος et λόχμη ‘fourré’, le sens commun de la base étant ‘être velu’.23 L’identification du mot λάχος comme ‘légumes verts’ sur le tesson cyrénéen devient fort possible aussi. Mais pouvons-nous trancher entre les deux mots? Le fragment est trop petit pour permettre de reconstituer la forme du récipient.24 C’est donc le contexte de la découverte qui pourrait nous aider à choisir sa fonction. Or le tesson a été trouvé en remploi dans un remblai, sous le dallage de l’agora daté de l’époque d’Hadrien. Des espaces cultuels ont certes existé à proximité au tournant du Ve et du IVe siècle: un premier temenos de Déméter et Korè, contre le côté ouest de l’agora et le temenos de l’Anax présentent les escharai caractéristiques des cultes chthoniens;25 une eschara se dressait également dans le prytanée; le modeste temenos consacré alors à Apollon contenait bien un bômos, mais il n’était pas de taille à accueillir les grands sacrifices suivis de distribution des viandes, qui se déroulaient dans le sanctuaire principal d’Apollon en contrebas du quartier de l’agora. Il convient donc d’éliminer l’idée d’une part emportée par le fidèle. En revanche, une part due à la divinité, une offrande rituelle, est possible. Qu’elle consistât en légumes n’aurait rien d’anormal pour Dèmèter et Korè, voire pour le mystérieux Anax.26 Finalement, deux voies s’ouvrent à nous. Dans la situation d’énonciation, au nominatif d’étiquette, la superposition des formes se double d’une possible superposition des sens. S’il s’agit du neutre, c’est la ‘part’ due à des divinités – et le contexte fait plutôt penser à une offrande végétale –, si c’est le masculin, il désigne expressément les ‘légumes’ offerts. Tout ce que l’on peut dire pour conclure, c’est que les Cyrénéens ont conservé soit un mot ancien, rare et plutôt poétique, soit un mot complètement disparu sauf en Thessalie au profit d’un dérivé moins ambigu. 22

Pour les mises en culture de légumes contraires à la loi voir Tziafalias Helly 2013, 173–74. La mise en ordre de cette famille est due à de Lamberterie 1975; 1990, 732–42. 24 R. Leone, qui a préparé les fiches céramologiques pour S. Marengo, ne peut parler que d’une ‘forma aperta’. 25 Temenos primitif de Déméter et Korè: Bacchielli 1981, 27–38; temenos de l’Anax: Santucci 1998. 26 Pour Santucci 1998, l’Anax pourrait être Aristée, fils d’Apollon et Cyrène, divinité à vocation agricole. 23

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5. Parmi les gloses attribuées par les lexicographes anciens aux Cyrénéens ou aux ‘Libyens’, un cas bien connu est celui des τριακάτιοι. Formellement, il s’agit de la forme dorienne du nombre ‘trois cents’. À Cyrène c’est d’abord le nom d’une unité militaire d’élite qui continue probablement les Trois Cents de Sparte. Il a désigné ensuite les futurs citoyens-soldats, dans le cadre de l’éphébie hellénistique.27 Son apparition dans les inscriptions de Cyrène a permis d’élucider une glose d’Hésychius où le mot était légèrement corrompu en *εὔφημοι. Ici, comme pour βουνός et λάχος, il s’agit d’un mot du vocabulaire général ayant reçu à Cyrène une application concrète spécifique, probablement par fossilisation d’un trait institutionnel local.28 6. D’autres mots peuvent, jusqu’à preuve du contraire, être traités de créations propres aux Cyrénéens. Nous restons dans le domaine de la formation militaire avec le mot ἀπορυτιάζων. Ce terme est attesté plusieurs fois dans les inscriptions parmi des titres d’officiers encadrant la formation des éphèbes. La liste canonique de l’encadrement comprend quatre τριακατιαρχέντες, un ἀπορυτιάζων, trois γυμνασιαρχέντες, plus un pour les πρεσβύτεροι. A partir du IIe siècle ap. J.-C., les particularités dialectales disparaissent au profit de la koinè, les triakatiarkhai sont remplacés par des ἐφηβαρχοί et le second terme disparaît.29 J’ai proposé de reconnaître dans ce mot, qui est manifestement un participe présent, la trace d’un présent délocutif ἀπορυτιάζω signifiant ‘crier “à bride abattue!”’, donc ‘faire prendre le grand galop’: il s’agirait d’un maître de cavalerie.30 Selon toute probabilité, il s’agit d’une création des Cyrénéens, dont on sait combien, au contact des Libyens autochtones, ils ont développé l’art de la cavalerie montée et attelée. Ce serait donc un néologisme lié au contexte culturel propre aux Grecs de Libye. 7. Un autre exemple de néologisme cyrénéen est le nom du ‘petit-fils’ et de la ‘petite-fille’: ἄμναμμος. Son histoire philologique est assez compliquée.31 On dispose maintenant de deux exemples épigraphiques à Cyrène. L’un figure dans une inscription honorifique de la fin du IIe ou du début du Ier siècle av. J.-C.: Ἀκέσανδρον Θεοχρήστω | [Ἀ]κέσανδρος Τιμάρχω | τὸν ἄμναμμον (IGCyr 108900). L’autre se lit dans la titulature d’un personnage de rang 27 Pour le développement de l’éphébie hellénistique et le glissement d’emploi du mot dans les inscriptions de Cyrène, voir Cordiano 2001, 267–72. 28 Un tel processus est illustré de la manière la plus évidente à Amiens, seul lieu de France conservant encore le mot hortillonnage, dérivé du picard ortel ‘jardin’ (du latin hortellus). 29 Dobias-Lalou 2000, 241–43. 30 Dobias-Lalou 2000, 244–46. 31 Dobias-Lalou 1998.

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sénatorial rédigée en 111/2 apr. J.-C.: Π. Σήστιος Πολλίων, Γ(αίου) Σηστίου Φλώρου υἱός, ἄμναμμος Μ(άρκου) Ἀντωνίου Φλάμμα (SEG 18, 744). Ces deux mentions épigraphiques ont permis de revoir le texte des deux poètes alexandrins qui ont employé le mot, Lycophron et Callimaque. Les manuscrits de Lycophron, qui use quatre fois de ce mot, oscillent entre les formes ἀμνάμος et ἀμνάμμος, mais c’est la première forme qui a été généralement préférée par les éditeurs. La deuxième syllabe y est métriquement longue, donc dans la première forme a serait nécessairement long et il s’agirait de l’adjectif qui est en attique ἀμνήμων, ce qui aboutit à un non-sens. Chez Callimaque, on a un fragment avec ἀμνάμμων, qui est un nominatif singulier, donc suffixé différemment, et un autre fragment transmis par un papyrus endommagé à cet endroit et ne fournissant que les lettres μω encadrées de lacunes, mais on y retrouve sans hésitation ce mot grâce à la traduction latine de Catulle (progenies). Comme beaucoup de mots rares, celui-ci, sous ses deux variantes en -ος et en -ων, a été répertorié dans la tradition lexicographique, où l’on retrouve la même hésitation entre -μ- et -μμ-. Les témoignages épigraphiques cyrénéens doivent maintenant conduire à retenir partout les formes ἀμναμμ-. Hors de Cyrène, le seul emploi épigraphique connu se lit dans une épitaphe de Lyttos en Crète des environs de notre ère Εἰρήνα Σωτηροῦ τῇ ἀ|μνάμμῳ καὶ Ζώσιμος | τῇ θυγατρὶ | μνήμης χάριν | ἐτῶν η´ (IC I, 212, n° 98b). L’étymologie, entrevue par certains des lexicographes, est clairement grecque: le redoublement du thème ἀμν(ο)- du nom de l’‘agneau’, employé métaphoriquement comme nom de l’enfant, exprime la filiation comme une réduplication. Dans la colonie ‘riche en brebis’, ce langage imagé n’est pas surprenant. Il est donc parfaitement plausible que Callimaque lui-même ait exporté ce vocable cyrénéen à Alexandrie, où le savant Lycophron, friand de mots rares, s’est empressé d’en user. Il est possible qu’il y ait joui d’un certain succès, puisqu’un papyrus semble bien présenter sa forme abrégée: Ἰωσῆς ὁ καὶ Τεύφιλο(ς) ᾱμ Δόσθωνο(ς) (C.Pap.Jud., 428, 101/2 ap. J.-C.). Quant à l’unique emploi crétois, il peut s’expliquer dans le cadre de l’unité administrative de la province romaine de Crète-Cyrénaïque. Tout concourt donc à faire de ce mot une véritable création cyrénéenne de souche grecque. 8. Un autre mot qui reste à notre connaissance uniquement cyrénéen ne recevra pas aussi facilement une étymologie grecque. Hésychius connaissait le mot σμιρεύς· μέτρον οἰνικὸν εἰς Πεντάπολιν Λιβύης. Or des comptes de démiurges datés du IIIe et du IIe siècle attestent ce mot comme nom d’une unité de liquides, non seulement pour le vin, mais aussi pour l’huile. Il est parfois

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écrit en plein,32 mais plus souvent abrégé, réduit à une ligature faite d’un mu surmonté d’un sigma.33 On ne connaît ce mot nulle part ailleurs. Si le suffixe de dérivation –εύς appartient bien au grec, le radical, avec son groupe initial sm-, plaide pour une origine non grecque. Il existe une famille de mots dont la base σμυρ- se présente aussi parfois sous la forme σμιρ-: son représentant le mieux connu est σμυρίς ‘poudre d’émeri’. A moins qu’il ne soit dérivé du nom de Smyrne, dont la région produisait ce minerai, les autres pistes étymologiques conduisent vers un Orient plus lointain. Du reste aucun rapprochement sémantique ne peut être soutenu avec le mot σμιρεύς. Notre ignorance reste donc entière sur l’origine de ce mot cyrénéen.34 L’absence d’explication grecque convaincante ne permet pas pour autant d’en faire un emprunt au libyque, le radical smir- ne répondant pas aux rares caractéristiques connues de cette langue. 9. Du reste, d’un point de vue général, le scepticisme reste de mise à propos d’une éventuelle influence de la langue libyque sur le dialecte cyrénéen. Elle se limite essentiellement à l’intrusion de quelques mots d’emprunt, liés au contexte naturel. Il est évident que le nom du silphion, plante sauvage exclusivement régionale et, selon nos informations, récoltée par les tribus libyennes qui le livraient en tribut aux Cyrénéens, est assurément un mot libyque. Les flottements de la transposition en grec et en latin, silph- (dans σίλφιον) / selp(dans σέλπον) et sirpe /serp- (dans *lac serpicium > laser) sont révélateurs de systèmes phonétiques contrastifs par rapport à la langue source: la voyelle a été perçue comme intermédiaire entre e et i, la nature de la liquide oscille entre l et r, l’occlusive labiale, peut-être emphatique, a pu sembler comparable au ph du grec, sans équivalent en latin. Dans l’une et l’autre langue, il s’agit purement et simplement d’un mot d’emprunt. Mais nous sommes sûrs que les Grecs de Libye ont intégré ce mot à leur vocabulaire, pour les transactions portant sur cette plante et parfois aussi lorsqu’ils parvenaient à l’acclimater 32 IGCyr 063900 (290/280) [οἴνω? σ]μιρεύς; IGCyr 013800 B, l. 6 [οἴνω σμιρε]ὺς [- - - , ἐ]λαίω, unité non répétée. 33 IGCyr 014600, l. 8 et 9: ἐλαίω ὁ [σ]μ(ιρεύς) et, plus clairement, οἴνω ὁ σμ(ιρεύς); IGCyr 014100, l. 1: ἐλαίω σμ(ιρεὺς); IGCyr 014300, l. 20 ἐλαίω ὁ σμ(ιρεὺς), et ligne suivante οἴνω, sans répétition de l’unité; IGCyr 014600, l. 7 ἐλαίω ὁ σμ(ιρεύς), l. 8 [ο]ἴνω ὁ σμ(ιρεύς); IGCyr 107150, l. 11 οἴνω ὁ σ[μ(ιρεύς)], ne gardant trace que du petit sigma superposé, et à la ligne suivante ἐλαίω probablement sans répétition de l’unité. Restitution nécessaire en IGCyr 014500, l. 19 pour le vin seulement, l’huile ne figurant pas. 34 Minon (2017, 194) signale un rapprochement possible avec le phratronyme argien Σμιρείδας. Une éventuelle connexion péloponnésienne ne sort guère notre mot de son isolement; une coïncidence formelle reste possible.

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dans leur jardin, comme cela est arrivé au frère de Synésios (Epist 104.1). Ils l’ont aussi fait connaître au reste du monde grec, si bien que Théophraste lui consacre une longue notice (HP 6.3.1-7). 10. Différent est le cas d’un autre mot relevé par Hérodote dans la liste des animaux spécifiques des régions parcourues par les Libyens nomades, ayant peu de contact avec les Cyrénéens (4. 192). Les ratides qu’il nomme ζεγέριες portent bien un zoonyme indigène. Mais quand Hérodote insiste sur le caractère libyque de leur nom, son exposé, à première lecture, suscite la perplexité: οἱ δὲ ζεγέριες (τὸ δὲ οὔνομα τοῦτό ἐστι μὲν Λιβυστικόν, δύναται δὲ κατ’ Ἑλλάδα γλῶσσαν βουνοί) ‘les zegeries (ce nom est libyque et signifie en grec bounoi [“collines”])’35. Pour la première assertion, on rapproche aujourd’hui d’un ratide, qui pourrait être le goundi, très répandu dans le Nord de l’Afrique, car il est appelé en berbère d’Augilah eqzer36. Quant à la deuxième phrase d’Hérodote, je me demande s’il ne s’agit pas d’une confusion avec le nom berbère de la ‘montagne’ azgar, qui est assez proche phonétiquement. A la différence du nom du silphion, ce zoonyme n’a pas nécessairement été intégré dans le dialecte des Grecs de Libye. Hérodote ne dit rien de tel, il ne fait que rapporter une information touchant les Libyens nomades. On le voit, l’installation des Grecs dans cette région d’Afrique n’a pas conduit à la création d’un vocabulaire profondément marqué par des traits empruntés sur place. Cela contraste avec l’introduction d’un stock non négligeable de noms de personne d’origine libyque, qui a pu se faire par les femmes libyennes unies aux colons grecs.37 L’acculturation en matière linguistique semble s’être faite à sens unique. En revanche, la position géographique relativement écartée de la région et l’arrivée successive de plusieurs vagues de colons grecs a favorisé la conservation de quelques lexèmes archaïques, tous fortement marqués par l’appartenance dorienne, mais pouvant provenir de différents horizons, comme cela est aussi avéré pour certains traits phonétiques et morphologiques. Il a suffi alors de légers infléchissements de sens pour adapter ces mots hérités aux réalités d’un monde nouveau. En y ajoutant quelques néologismes, on a mis au point ‘une autre façon de parler grec’. 35 Les lexicographes ont enregistré ce nom sous des formes divergentes: ζεγεριαι pour Hésychius peut remonter, au prix d’une re-suffixation, à la forme d’Hérodote. 36 Müller 1827, s.v. Rat; Paradisi 1962. Une autre hypothèse sur l’identification de l’animal se trouve chez Kadar 1972, 16. 37 Sur la place des femmes dans les entreprises de colonisation, voir la contribution d’I. Malkin dans ce volume. En 321, le diagramma de Ptolémée stipulait encore que le droit de cité était accordé aux fils d’un Cyrénéen et d’une femme libyenne originaire d’une aire s’étendant de Tobrouk jusqu’au fond de la Grande Syrte (IGCyr 010800, l. 2–4).

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ÉDIFICES D’ASSEMBLÉE CIRCULAIRES GRECS, UNE PARTICULARITÉ OCCIDENTALE* Airton POLLINI

Abstract Buildings erected specially for the Assembly (ekklesiasterion) and identified with certainty are few. Among the oldest buildings of stone are examples in the Greek colonial cities of Metapontum, Poseidonia and Agrigento. They are the only ones to have a circular shape, whereas those identified in Aegean Greece have a semi-circular shape. Without any ambition to present a definitive answer, it is interesting to wonder about this Western specificity and its possible origins. Can the circular form be linked to the very active Pythagorean currents in southern Italy and Sicily? Rather, it seems to be an Archaic vision that was related to the oldest traditions and legends.

Un commentaire sur les édifices de réunion publique dans le monde grec d’Occident s’insère nécessairement dans la lignée d’études relativement récentes sur l’urbanisme grec,1 qui est très largement fondée sur les acquis des recherches entreprises dans les contextes coloniaux. De plus, il est essentiel de souligner l’importance des travaux de R. Martin sur l’agora grecque,2 mais un traitement approfondi de l’historiographie et des dernières évolutions dépasse largement les propos envisagés ici. En ce qui concerne les édifices d’assemblée en Occident, trois monuments ont leur fonction de réunion politique assurée, à Métaponte, à Poseidonia et à Agrigente (Fig. 1), mais deux cas sont plus problématiques, à Rhégion et à * Je voudrais tout d’abord remercier Michela Costanzi et Madalina Dana pour l’occasion de participer à cette publication, mais aussi pour la confiance qu’elles m’ont témoignée en me permettant de présenter des recherches encore en cours; ces pages constituent uniquement des résultats partiels. Le thème des édifices de réunion circulaires, et des agoras occidentales plus en général, m’a été suggéré par M.-Chr. Hellmann, une grande savante très généreuse. Ces pages lui sont humblement dédiées. 1 Voir à ce propos les travaux fondateurs de R. Martin (Martin 1974), ainsi que le développement dans l’historiographie italienne: Greco et Torelli 1983, avec une mise au point bibliographique dans Greco 2005. Plus récemment, voir Hellmann 2010, chapitre 4, et la synthèse de Lafon, Marc et Sartre 2011. Voir aussi Owen et Preston 2009, notamment l’introduction, 1–13. 2 Martin 1951. Voir une brève synthèse historiographique dans Ampolo 2012b, mais aussi dans Sielhorst 2015, 7–15, qui ne se limite pas aux études sur l’époque hellénistique dans son état de la recherche.

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Fig. 1. Carte de la Grande-Grèce et de la Sicile, avec indication des cités grecques coloniales (© A. Pollini).

Morgantina. L’édifice de Rhégion a été découvert en 1921 et a été daté de la fin du IVe siècle. Les vestiges connus ne font état que d’un hémicycle, non pas d’un édifice circulaire, tel que nous intéresse ici. En outre, sa fonction est loin d’être établie, mais semble être plutôt liée à des spectacles ou concours; il s’agirait donc plus probablement d’un théâtre, d’une capacité estimée entre

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1500 et 1600 personnes.3 Pour Morgantina, est connu un grand escalier, large d’environ 52 m, avec trois sections de 13 ou 15 degrés reliés en angle très ouvert, daté du deuxième quart du IIIe siècle av. J.-C. et pouvant contenir jusqu’à 1000 personnes environ. Son identification avec un lieu d’assemblée, un ekklesiasterion, est très discutée, et il ne s’agit aucunement d’un édifice circulaire: l’hypothèse la plus vraisemblable le rattache à des fonctions de représentation, comme par exemple des théâtres.4 Comme le propos dans cette contribution se limite aux édifices d’assemblée circulaires, les cas de Rhégion et de Morgantina ne feront donc pas l’objet de cette étude. Enfin, une dernière précision préalable est nécessaire. Comme le rappelle M.-Chr. Hellmann,5 compte-tenu des coûts de construction et d’entretien assez élevés, on peut comprendre pourquoi plusieurs cités n’avaient pas un édifice spécifique pour les réunions politiques, cela pouvant se faire soit sur une esplanade ouverte à l’agora, soit dans les théâtres ou autres monuments qui remplissaient ainsi des fonctions multiples. Le cas d’Athènes, où l’Assemblée se réunissait sur les pentes de la Pnyx, n’est que le cas le plus célèbre d’une cité dépourvue d’un ekklesiasterion entièrement construit en pierre. La fonction d’assemblée est aussi difficile à établir, même quand on possède un édifice: cela dépend de sa capacité et d’une architecture qui convienne à la réunion de bon nombre de citoyens avec un orateur débout au centre. Enfin, les seuls cas connus de bâtiments pour réunion construits en pierre avant l’époque classique en Grèce continentale se trouvent à Athènes et à Olympie,6 mais il s’agit plutôt des bouleuteria, donc d’une taille moins importante et avec une fonction politique plus régulière.7 Aussi, la majorité absolue des exemples connus ne remontent pas avant l’époque hellénistique. Nos trois cas d’étude sont, de ce fait, assez exceptionnels, aussi bien pour leur forme que pour leur chronologie.8

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Orsi 1922; Martorano 1986; Mitens 1988, 145–47; Andronico 2002. Kolb 1981, 85–87. Voir aussi Sjöqvist 1958; Bell 2012. À propos du théâtre de Morgantina, voir Mitens 1988, 105–08 et Sposito 2011. 5 Hellmann 2013. 6 Hellmann 2010, 248. 7 Hellmann 2010, 248. Pour une liste complète, voir Hansen et Fischer-Hansen 1994. L’ekklesiasterion le mieux conservé est celui de Priène, mais il est plus tardif, cf. Ciotta 2007. 8 La première phase de l’édifice de Métaponte est datée du milieu du VIe siècle, celui de Poseidonia de la première moitié du Ve siècle av. J.-C. et il existe un débat sur celui d’Agrigente (dans le Ve ou dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.). Deux autres édifices ont été proposés, sans confirmation pour l’instant, à Rhégion et à Morgantina. Sur cette spécificité coloniale d’Occident, voir Hellmann 2013. 4

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MÉTAPONTE L’ekklesiasterion-théâtre de Métaponte9 se situait dans le secteur défini comme l’agora dès les premiers temps de la cité grecque, dont la fondation par les colons achéens est datée vers 630 av. J.-C.10 La zone présentait au départ une sorte de tribune de gradins en bois (des ikria), détruite par un incendie vers la fin du VIIe siècle.11 À cet emplacement, deux demi-cercles délimitaient un espace central rectangulaire allongé mesurant 12–14 m × 18–20 m et formaient un terrassement entouré par un mur d’enceinte. L’ensemble de la structure, dont la construction doit être établie sans doute au milieu du VIe siècle, comportait un diamètre total de 62 m et pouvait accueillir environ 7500 personnes. À l’extérieur du mur de soutènement, un autel à l’intérieur d’un petit enclos, tel un mur de téménos, était dédié à Zeus Agoraios, avec un cippe inscrit de la première moitié du VIe siècle qui l’identifie: Dios agora, souvent restitué en Dios agoraio. Ces éléments permettent d’affirmer une fonction politique certaine, sans doute concomitante avec des fonctions agonales, concours de musique probablement. Une deuxième phase de l’ekklesiasterion voit le jour dans la première moitié du Ve siècle, avec la reprise de la majeure partie de la structure précédente, pour la consolider en pierres, avec l’espace rectangulaire allongé central rehaussé et mieux défini, encadré par trois gradins (12,8 × 19,05 m).12 Pour cette phase, D. Mertens calcule sa capacité entre 7500 et 8000 personnes. Ce n’est qu’à une troisième phase, vers la fin du IVe siècle av. J.-C., que l’édifice prend la forme d’un théâtre, avec la cavea en hémicycle, l’orchestra circulaire et un bâtiment de scène. Les fonctions multiples, politiques et agonales, sont ainsi renforcées. Bien que l’édifice ait certainement servi à plusieurs fonctions, politiques et agonales pour le moins, sa chronologie est particulièrement remarquable, dès le milieu du VIe siècle pour une monumentalisation en pierre. POSEIDONIA À Poseidonia, les fouilles franco-italiennes dirigées par E. Greco et D. Theodorescu13 ont découvert, en 1977 dans l’agora, un édifice circulaire dont onze gradins ont été restitués (Fig. 2); selon l’estimation la plus vraisemblable, 9

Hellmann 2010, 287–89; Mertens 2006, 319–21. Adamesteanu, Milanezi et Siciliano 1992, 65; De Juliis 2001, 43; Greco 1992, 45; Guzzo 2011, 307–09; La Torre 2011, 52–53. 11 Mertens et De Siena 1982, 22–23; Mertens 1999, 257; 2009, 77–78. 12 Mertens 2006, 334–39. 13 Greco et Theodorescu 1983. 10

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Fig. 2. Ekklesiasterion de Poseidonia-Paestum (© A. Pollini).

il pouvait contenir entre 1100 et 1400 personnes assises.14 De ce fait, l’édifice est certainement un ekklesiasterion,15 construit dans la première moitié du Ve siècle, entre 480 et 470 av. J.-C., et utilisé jusqu’à la conquête romaine de la cité en 273 av. J.-C. Tout d’abord, on a pu identifier la réalisation d’un rituel de sacrifice (une hécatombe) et de consommation des mets sur place16 pour que, ensuite, l’ensemble de l’espace soit entièrement comblé par un remblai de terre et de tessons, vraisemblablement vers 250 av. J.-C. Une fois le terrain nivelé, une structure sacrée de forme rectangulaire a été édifiée à sa place puis, avec le déplacement du centre politique de la cité et l’établissement du forum plus au sud, la nouvelle élite romaine de Paestum fait construire un comitium circulaire pour remplacer l’ancien ekklesiasterion. Deux aspects de ce contexte nous intéressent plus particulièrement ici. L’édifice circulaire a été construit dans le deuxième quart du Ve siècle et est à peu près contemporain de la deuxième phase de l’ekklesiasterion de Métaponte. 14 Greco et Theodorescu 1983, 44 et 179, fig. 32. Hansen et Fischer-Hansen 1994, 69–71 proposent de voir jusqu’à 1700 personnes assises. 15 Greco 2000. 16 Legouilloux 2000 compte au moins 40 bovins, ce qui laisse supposer le sacrifice d’une cinquantaine d’individus, selon un rituel qui est plus proche des pratiques romaines que grecques. Voir aussi l’analyse de la céramique, en particulier à vernis noir (Serritella 1997).

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D’autre part, il est toujours utilisé pendant la période d’hégémonie lucanienne de la cité, entre la fin du Ve siècle et la conquête romaine. Cette utilisation est confirmée notamment par la découverte, in situ, d’un cippe inscrit en osque, mais avec l’alphabet grec, sur quatre lignes, avec une dédicace à Jupiter, daté dans le premier quart du IIIe siècle, avec un terminus ante quem de la déduction de la colonie latine de Paestum en 273 av. J.-C.17 Si Statis, le nom du dédicant, est bien attesté dans le milieu osque d’Italie, les seules deux dernières lettres lisibles ne permettent pas d’identifier le gentilice. De même, en l’absence d’éléments de comparaison, l’épiclèse de Jupiter (Jouis – …annaris) ne peut pas être restituée, tandis que la formule de dédicace, βρατηις δατας, est bien attestée en milieu indigène, notamment dans le sanctuaire de Méfite à Rossano di Vaglio, en Basilicate.18 Sans une identification de l’épiclèse de la divinité, aucune interprétation plus poussée pour les fonctions de l’édifice à l’époque lucanienne n’est possible. Pour cette phase, nous pouvons uniquement affirmer la présence d’une dédicace de la part d’un magistrat qui adresse ses remerciements au nom de l’ensemble de la communauté. Par conséquent, si la fonction d’édifice de réunion est assurée pour l’époque grecque de la cité, nous savons uniquement que le monument continue d’être utilisé pendant l’hégémonie lucanienne et jusqu’à la conquête romaine, sans que l’on puisse déterminer avec précision dans quelles conditions. AGRIGENTE À Agrigente, l’édifice qui nous intéresse a été découvert par E. De Miro dans les années 1960 dans le secteur de l’agora supérieure.19 L’archéologue propose l’identification de deux agoras, une plus ancienne, dite agora inférieure, à proximité du temple d’Héraclès, délimitée au nord-ouest par deux leschai aux fonctions de grandes salles de réunion (et pas des simples stoai), au nord-est par un prytaneion et au sud-ouest par le stenopos A. Les deux leschai relèvent de deux phases d’utilisation, une tardo-archaïque et classique, l’autre protohellénistique des IVe–IIIe siècles. Le matériel céramique et en terre cuite datable de la fin du Ve siècle retrouvé dans les niveaux de destruction de la première phase est mis en parallèle avec la guerre contre Carthage de 406 av. J.-C. Dans un deuxième moment, le centre politique de la cité se déplace vers l’agora supérieure, avec la construction de deux édifices de réunion politique, 17 [σ]τατ[ι]ς [----ι]ες/ιουϜηι [----] α| ναρηι/α[----] fεδ[/βρατηις δατας/Statius […]ius. Joui […]anari dicauit [?]/ gratiae datae: Greco et Theodorescu 1983, 137–38. 18 Cf. Torelli 2011. 19 De Miro 1967.

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Fig. 3. Ekklesiasterion d’Agrigente (© A. Pollini).

un ekklesiasterion et un bouleuterion. L’ekklesiasterion d’Agrigente (Fig. 3) est en fait une structure à trois quarts de cercle, avec un diamètre maximum de 48 m. Dix-neuf ou 20 rangées de gradins encerclent un espace circulaire central, une sorte d’orchestra de 5,60 m. de diamètre. On a estimé la capacité du koilon à environ 3000 personnes d’après les dimensions des gradins. Le quart manquant du cercle fut occupé par des structures romaines plus tardives, mais plusieurs spécialistes ont proposé, sur la base de la comparaison avec les exemples de Poseidonia et de Métaponte, qu’à l’origine il s’agissait d’un cercle complet.20 Ses fonctions politiques sont bien attestées puisqu’il se situe dans le secteur identifié comme la seconde agora de la cité et à proximité d’un bouleuterion. Lors de sa découverte, il a été daté du IIIe siècle, mais plus récemment, De Miro le remonte à la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. Bien que plus tardif que les deux exemples précédents, il s’agit encore une fois d’un monument construit à l’époque classique. 20

De Miro 2006; Mertens 2006, 319–21.

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ARCHITECTURE ET SYSTÈMES POLITIQUES Dans l’état actuel de nos connaissances, il est très difficile de tirer des conclusions définitives sur ces édifices d’assemblée circulaires. Tout d’abord il est important de rechercher les rapports entre les formes architecturales et leurs fonctions. Dans cette volonté d’esquisser des liens entre l’architecture et l’organisation politique et sociale des cités d’Occident, Agrigente constitue le seul cas où nous disposons de mentions écrites sur ses assemblées.21 Pour Métaponte et Poseidonia, Fr. Ghinatti se limite à rappeler l’existence des édifices dont nous avons parlé pour émettre des hypothèses sur les formes d’assemblée.22 Compte tenu notamment de l’utilisation de l’ekklesiasterion de Poseidonia par les Lucaniens, rien ne permet une quelconque attribution mécanique d’un lien de cause à effet entre un monument et un certain type d’organisation politique. Ainsi, dans le cas d’Agrigente, Diodore de Sicile (13. 87. 5), en parlant du siège carthaginois de 406 av. J.-C., mentionne la réalisation de l’assemblée (ἐκκλησία) en désordre et dans le tumulte.23 Aussi, outre un fragment de Timée qui parle d’une assemblée des Mille,24 une inscription vaguement datée de la basse époque hellénistique, probablement du IIe siècle av. J.-C.,25 fait état de trois institutions, une synkletos, une boula et une alia. L’alia est clairement le terme utilisé pour l’assemblée populaire, d’où vient le mot qui désigne le décret (ἀλίασμα, δόγμα τᾶς ἀλίας). On peut ainsi, dans le cas d’Agrigente, supposer une correspondance entre l’assemblée populaire de l’ensemble des citoyens, appelée alia, et l’édifice identifié comme ekklesiasterion. Pour les deux autres termes, Ghinatti propose d’interpréter la boula, comportant une tribu de proédrie, un prostatès et un paraprostatès, avec un système représentatif de type électif à l’origine et en mutation après la conquête romaine; pour la synkletos composée de 110 membres, il propose un conseil oligarchique de même type des 80 d’Argos ou des 101 de Cyrène, une sorte de survivance des conseils aristocratiques ou oligarchiques.26

21

Ghinatti 1996. Sur Agrigente, voir p. 27–39. Ghinatti 1996, 122–23. Voir aussi De Miro 2012, 101. 23 θορύβου δὲ καὶ πολλῆς κραυγῆς ἐπεχούσης τὴν ἐκκλησίαν, παρελθὼν Μένης ὁ Καμαριναῖος. 24 Timée (FGrHist 566 F 134 apud Diogène Laërce, 8. 64): ‘…plus tard, Empédocle supprima l’assemblée des Mille trois ans après (sa création), ce qui prouve qu’il n’était pas seulement riche, mais aussi qu’il était favorable au peuple’ (trad. Lachenaud 2017). 25 IG XIV 952 (= SGDI 4254 = DGE 307 = Dubois 1989, 210–15, n° 185). L’inscription n’est pas datée précisément et la fourchette chronologique proposée varie de la fin du IIIe jusqu’au milieu du Ier siècle s. av. J.-C. Dubois 1989 indique vaguement sa chronologie dans la basse époque hellénistique. 26 Ghinatti 1996, 38–39. 22

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En conclusion, l’auteur propose de voir la société d’Agrigente comme étant de type conservatrice ou fermée, qui passe d’une institution des Mille qui existaient encore au milieu du Ve siècle à une structure de survivance aristocratique en plein IIe siècle av. J.-C. L’organisation précise des institutions d’Agrigente reste insaisissable dans le détail, malgré la possibilité de lien étroit entre l’architecture et l’organisation politique de la cité. Si une assemblée populaire pouvait exister et avoir lieu dans l’ekklesiasterion, nous ne connaissons pas ses compétences précises ni son pouvoir réel de décision. EXCURSUS ÉGÉEN:

LA

SKIAS DE SPARTE ET L’AGORA DE DELPHES

Outre les trois monuments qui nous intéressent, il est opportun de faire une brève excursion dans le monde égéen à la recherche d’éléments de comparaison. L’édifice circulaire de Sparte, connu depuis sa publication par Charles Waldstein en 189327 en tant que sanctuaire dédié à Zeus et à Aphrodite, a fait l’objet d’un réexamen récent par E. Greco et O. Voza dans le sens de son identification avec la Σκιάς,28 mentionnée par Pausanias (3. 12. 10–11).29 L’édifice se situe dans l’extrémité sud-ouest du rectangle de l’agora de Sparte, tel qu’il peut être défini par l’analyse des photos aériennes, ainsi que par les recherches entreprises par Ch. Christou. L’édifice circulaire mesure 41,30 m de diamètre et est formée d’un mur avec une crépis à trois degrés, puis d’une autre structure circulaire centrale, très mal conservée, d’un diamètre de 17,16 m, caractérisée par le négatif de l’emplacement d’une colonnade. Il faut donc restituer une structure couverte et délimitée par cette colonnade, ce qui correspondrait parfaitement avec la définition même du terme skias: comme une tholos, un édifice circulaire pourvu d’un toit.30 Ce qui nous intéresse, outre la forme circulaire, est la datation proposée dans la deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C.

27

Waldstein et Meader 1893; Waldstein 1894. Greco et Voza 2016. 29 ἑτέρα δὲ ἐκ τῆς ἀγορᾶς ἐστιν ἔξοδος, καθ’ ἣν πεποίηταί σφισιν καλουμένη Σκιάς, ἔνθα καὶ νῦν ἔτι ἐκκλησιάζουσι. ταύτην τὴν Σκιάδα τοῦ Σαμίου φασὶν εἶναι ποίημα, ὃς πρῶτος διαχέαι σίδηρον εὗρε καὶ ἀγάλματα ἀπ’ αὐτοῦ πλάσαι. ἐνταῦθα ἐκρέμασαν οἱ Λακεδαιμόνιοι τὴν Τιμοθέου τοῦ Μιλησίου κιθάραν, καταγνόντες ὅτι χορδαῖς ἑπτὰ ταῖς ἀρχαίαις ἐφεῦρεν ἐν τῇ κιθαρωδίᾳ τέσσαρας χορδάς. πρὸς δὲ τῇ Σκιάδι οἰκοδόμημά ἐστι περιφερές, ἐν δὲ αὐτῷ Διὸς καὶ Ἀφροδίτης ἀγάλματα ἐπίκλησιν Ὀλυμπίων· τοῦτο Ἐπιμενίδην κατασκευάσαι λέγουσιν, οὐχ ὁμολογοῦντες τὰ ἐς αὐτὸν Ἀργείοις, ὅπου μηδὲ πολεμῆσαί φασι πρὸς Κνωσσίους. 30 Cf. Robert 1939, 46–155. 28

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Le passage de Pausanias indique que la Skias se situait à proximité de la sortie de l’agora et que des réunions (ἐκκλησιάζουσιν) avaient lieu dans cet édifice. Aussi, le périégète mentionne-t-il la cithare de Timothée de Milet qui était accrochée aux murs, ce qui mène à penser à une destination liée aux représentations ou concours musicaux. Ce monument semble avoir des fonctions multiples et peut-être prioritairement liées à l’univers de la musique. On est loin d’un rapprochement direct avec les ekklesiasteria circulaires occidentaux, mais la Skias de Sparte permet de mettre en perspective les édifices qui nous intéressent, notamment par sa chronologie haute. À Delphes, la zone connue comme l’‘Aire’, délimitée au nord par le mur de soutènement de la terrasse du temple, dit mur polygonal, a fait l’objet d’un réexamen récent par A. Jacquemin et D. Laroche.31 Leurs recherches ont tout d’abord permis de revenir sur l’hypothèse formulée par Martin et suivie par G. Roux et Hellmann sur l’identification de l’agora civique de Delphes à cet emplacement. D’une part, à partir de la restitution d’un nouveau monument, érigé sur la base SD 210 qui serait en réalité ronde, l’espace libre de construction se réduit. D’autre part, les brèves notices de P. Amandry32 sur l’existence d’un alignement de pierres de 6 m de longueur et dessinant un arc de cercle conservées sous le portique des Athéniens ont été reprises et mises en rapport avec le nouveau monument et la forme circulaire de l’espace. Ainsi, Jacquemin et Laroche voient une agora de forme circulaire formée, d’un côté, par les pierres conservées sous le portique et, de l’autre côté, par l’orientation des bases conservées devant le portique des Athéniens. Cette nouvelle hypothèse propose un espace ouvert, celui de la place de l’agora civique, avec une superficie comprise entre 700 et 800 m2, pouvant accueillir environ 700 personnes distribuées autour d’un espace central faisant office d’une orchestra. La forme circulaire de cette agora, comprise notamment comme lieu d’assemblée, est un élément supplémentaire qui doit être pris en considération pour notre discours. En revanche, il s’agit plutôt d’un espace libre et uniquement un alignement de pierres en arc de cercle faisant penser à des gradins d’un seul côté de la place a été découvert. Par conséquent, la comparaison avec les trois cas occidentaux analysés semble encore mince.

31 32

Jacquemin et Laroche 2014. Voir aussi Martin 1951, 239–40; Hellmann 2010, 256. Amandry 1953, 56.

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PYTHAGORICIENS ET LA QUESTION DES COMITIA ROMAINS Si l’on ne trouve pas de parallèle dans le monde grec égéen, il est opportun de faire allusion, bien que très rapidement, au débat sur les origines du comitium romain. D’après F. Coarelli et M. Humm, le premier état du comitium romain, celui d’un temple augural, aurait été carré, pour prendre la forme circulaire vers la fin du IVe siècle, ce qui serait un emprunt des ekklesiasteria circulaires d’Occident,33 transmis ensuite comme modèle aux colonies.34 Prenant appui sur l’importance des courants pythagoriciens en Grande-Grèce35 et leur empreinte dans la Rome médio-républicaine, surtout par la présence des statues de Pythagore et d’Alcibiade aux angles du comitium, citées par Pline l’Ancien (in cornibus comitii positas) (HN 34. 12. 26), la forme circulaire a été liée à ces courants pythagoriciens. Concernant la fonction symbolique du cercle, celui-ci représentait, dans l’imaginaire collectif des citoyens grecs, l’espace de la polis, et cela depuis l’époque archaïque, comme l’on peut saisir à partir des poèmes homériques. Mais dans la géométrie pythagoricienne, le cercle possède une véritable dimension cosmique: il est la figure géométrique la plus parfaite parce qu’il reproduit en deux dimensions le volume de la sphère, image idéale de la Terre et du Cosmos.36 En revanche, la restitution du comitium romain comme circulaire a été mise en question par les recherches de M.-C. Amici.37 Par conséquent, tenant compte de l’ensemble des données disponibles et sur la base des exemples assez fréquents de gradins en bois circulaires ou semi-circulaires des théâtres et amphithéâtres, d’après Humm, à la fin du IVe siècle, des gradins rectilignes sont remplacés par d’autres circulaires, mais édifiés en bois. C’est uniquement dans les colonies, à Cosa et à Paestum notamment, que les comitia pouvaient être monumentalisés en pierre. La question est complexe, puisqu’elle met en rapport des conceptions pythagoriciennes notamment du monde grec occidental, des raisons politiques, religieuses et idéologiques des Romains, avec des vestiges archéologiques à Rome d’interprétation difficile. En tout cas, les liens entre les conceptions pythagoriciennes et leur éventuelle transcription concrète en monuments sont très labiles. Jamblique affirme que Pythagore aurait fait construire à Samos, avant donc son arrivée à Crotone, un hémicycle (et non un édifice circulaire) en 33 Cf. Coarelli 1983, 146–52. Voir discussion dans Humm 2005, 613–28, en particulier p. 624–25. Voir aussi Humm 1999; 2004; et, en dernier lieu, 2014. 34 Sont connus les comitia circulaires des colonies de Frégelles, Alba Fucens, Cosa et Paestum. 35 Sur le pythagorisme en Grande-Grèce, voir en particulier Mele 1982; 2000; Musti 1988. 36 Sur la théorie des sphères de Pythagore, voir Humm 2015. 37 Amici 2005, cité par Chillet (à paraître).

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guise d’école, où pouvaient encore se tenir les réunions de décision politique de la cité (τῶν κοινῶν βουλεύονται)38 à l’époque de la source de Jamblique, peut-être Apollonios.39 En définitive, le rattachement de la forme circulaire des trois édifices d’assemblée occidentaux à une tradition pythagoricienne reste sujet à caution. Le parallèle des comitia circulaires est certainement un point fort, mais ne semble pas encore être suffisant pour une affirmation définitive. ASSEMBLÉES HOMÉRIQUES ET LES CERCLES DU POUVOIR Si la forte présence des courants pythagoriciens en Grande-Grèce peut contribuer à l’explication des édifices circulaires d’assemblée en Occident, un autre raisonnement peut s’avérer plus prometteur. En analysant les origines de l’agora grecque, Martin développe l’idée que des lieux d’assemblée circulaires devaient être associés à une tombe ou à un espace funéraire important pour la communauté. Si la forme d’assemblées circulaires est dès l’Iliade uniquement un souvenir, la tradition littéraire, chez Pindare et chez les Tragiques (Pind. Pyth. 5. 96–98; Eur. El. 707–712; Soph. OT 16), a renforcé encore le cliché d’un ‘cercle sacré’.40 Ce même lien entre l’agora civique et un monument funéraire existe dans les cités grecques coloniales avec la présence de cénotaphes en l’honneur des héros fondateurs dans l’agora de certaines cités. C’est bien le cas notamment de Poseidonia41 (Fig. 4) ou de Cyrène,42 qui possédaient des herôa en l’honneur du héros fondateur, ktistès, en pleine agora civique: dans les deux cas, il s’agit d’un cénotaphe entièrement recouvert par un tumulus de terre entouré d’un petit muret circulaire (Fig. 5). Pour notre discours, la forme circulaire des tumuli qui couvrent ces cénotaphes, qui rappelle la tradition la plus ancienne décrite dans les poèmes homériques, est particulièrement évocatrice et vient corroborer notre hypothèse. Le parallélisme entre les honneurs rendus à des héros fondateurs légendaires et réels, ainsi que l’élaboration de discours qui tentent d’inscrire 38 Iambl. VP 5. 26: καὶ πρῶτον μὲν διατριβὴν ἐν τῇ πόλει κατεσκεύασε τὸ Πυθαγόρου καλούμενον ἔτι καὶ νῦν ἡμικύκλιον, ἐν ᾧ νῦν Σάμιοι περὶ τῶν κοινῶν βουλεύονται, ‘Et après s’être instruit de tout cela, il revient à la maison, se remettant à l’étude de ce qu’il avait interrompu. Et en premier lieu, il fit construire dans sa ville, en guise d’école, un amphithéâtre, appelé “l’hémicycle de Pythagore”, où aujourd’hui les Samiens délibèrent des affaires publiques’ (trad. Brisson et Segonds). 39 Brisson et Segonds 1996 (Jamblique), 157, n. §26-1. La référence à un ‘aujourd’hui’ peut faire référence à l’époque de la source d’Apollonios. En tout cas, Porphyre (VP §9, éd. É. des Places, Les Belles Lettres, 1982) utilise la même source que Jamblique. 40 Martin 1951, 54–56. 41 En dernier lieu, Greco 2014. Voir aussi Greco et Theodorescu 1983. 42 Stucchi 1965, 58–65; 1975, 12–13. Pour un bref commentaire sur l’agora de Cyrène, voir Luni 2006, 133–38.

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Fig. 4. Herôon de Poseidonia, monument en l’honneur du fondateur (© A. Pollini).

plusieurs communautés grecques dans une tradition très ancienne produisent une vision archaïsante de légitimation de ces communautés.43 À Poseidonia notamment, l’herôon construit vers 510 av. J.-C. est dans l’axe d’un petit temple de Zeus Agoraios et de l’ekklesiasterion circulaire. Les deux structures circulaires, avec uniquement 120 m de distance l’une de l’autre, fonctionnent en miroir et contribuent à inscrire l’espace civique. La forme circulaire de ces constructions rappelle ainsi le cliché des ‘cercles sacrés’ et maintient le souvenir des assemblées circulaires décrites dans les épopées homériques.

43 On peut rappeler, d’autre part, que les spécialistes d’architecture antique ont déjà souligné certains éléments archaïsants dans plusieurs monuments occidentaux. Pour rester à Poseidonia, l’Héraion I du sanctuaire urbain méridional, la cosidetta Basilica, dont la construction s’achève vers 510 av. J.-C., est-il un exemple symptomatique, avec ses neuf colonnes en façade et sa colonnade centrale, comparable au plus ancien temple d’Apollon de Métaponte (B1). Il s’agit d’un édifice sacré très clairement ‘archaïsant’, qui maintient un lien avec une tradition ancienne et déjà en désuétude au moment de sa construction. Cf. Mertens 2006, 140.

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Fig. 5. Herôon de Poseidonia, restitution axonométrique et en 3D (d’après Greco 2014, 32, fig. 28 et 29).

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En guise de conclusion, faudra-t-il considérer l’hypothèse que la forme circulaire de ces lieux d’assemblée en Occident, à Métaponte, à Poseidonia et à Agrigente, soit voulue comme une vision archaïsante de l’architecture politique. Il s’agirait d’une volonté de se rattacher aux formes les plus anciennes des réunions politiques des communautés grecques, celles transmises par la tradition homérique et déjà abandonnées depuis fort longtemps, dans un processus d’auto-affirmation des nouvelles sociétés coloniales. Les Grecs des colonies ont été créatifs et novateurs en édifiant des monuments en l’honneur des héros fondateurs, des herôa, et des ekklesiasteria circulaires dans les agoras, d’une part, mais en les rattachant à une symbolique et à une représentation traditionnelle et archaïsante, d’autre part. Ainsi, pour rappeler le titre d’un article de S. Montel,44 peut-être les Grecs des colonies voulaient se faire passer par plus Grecs que ceux des métropoles et utilisaient non seulement les offrandes dans les grands sanctuaires panhelléniques, mais aussi une certaine conception archaïsante de l’architecture pour se réclamer des clichés des traditions communes à tous les Grecs.

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IDENTITÉS TARENTINES ET RECOMPOSITIONS MÉMORIELLES: LES OFFRANDES DE DELPHES Arianna ESPOSITO

Abstract Between Greece and Magna Graecia, the sanctuary of Delphi – also frequented by Westerners – is an essential ‘place of memory’ for all Greeks, centre for the affirmation of Greeks’ common identity and for its proclamation on a Panhellenic scale following the Graeco-Persian wars. This paper proposes some elements of reflection for a comparative analysis of the two monuments of Taras in the sanctuary of Delphi. I attempt to underline the implications of collective and identitarian phenomena of the memory commemorations related to the two monuments. I highlight different reasonings and adopt an analysis from a viewpoint related to the political and cultural history of the colony of Taras.

L’ambition de cet article est de suggérer des pistes de réflexion pour mieux appréhender les modes d’élaboration de l’identité grecque en milieu colonial.1 Les guerres médiques amènent à la composition d’une vision radicalement binaire du monde.2 Or, à leur terme, un lien symbolique est établi par la propagande occidentale entre les batailles de Salamine et d’Himère, et entre celles de Platées et de Cumes,3 à l’aune desquelles vont se préciser les contours de l’identité hellénique. Le début du Ve siècle av. J.-C. correspond ainsi à un moment de fixation des identités grecques occidentales qui trouve son pendant dans l’espace métropolitain.4 Dans ce contexte, la présence des Grecs de Sicile 1 Cet article est une version remaniée d’un chapitre de ma thèse de doctorat soutenue en décembre 2005 à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, sous la direction d’Alain Schnapp, ‘Entre Sybaris et Tarente: archéologie d’une frontière. Identités, mythes et territoires dans le golfe de Tarente (IXe–Ve s. av. J.-C.)’. Outre mon directeur, je remercie pour l’intérêt qu’ils n’ont cessé de témoigner pour mes recherches les professeurs Emanuele Greco et Mario Lombardo. Qu’ils trouvent tous ici le modeste fruit de ma très sincère reconnaissance. Je voudrais adresser mes remerciements à Anne Jacquemin et à Gian Luca Grassigli pour leurs remarques et leurs précieux commentaires. Je dédie cet article à Marie-Christine Hellmann, sa grande générosité scientifique et humaine est sûrement ce que ma mémoire gardera avant tout d’elle. 2 E. Hall 1989; Dubuisson 2001. Les guerres médiques jouèrent assurément le rôle de catalyseur pour la représentation bipolaire du monde opposant Grecs et Barbares à l’époque classique. 3 Esposito et Pollini 2013, 27–28, avec la bibliographie. 4 J. Hall 2004.

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et de Grande-Grèce dans les grands sanctuaires internationaux de Grèce continentale constitue assurément un élément incontournable de la construction de l’identité grecque. Le cadre panhellénique de Delphes s’impose alors comme une véritable vitrine pour la mise en scène de l’unité culturelle grecque revendiquée après les guerres médiques. Dans cet article, nous aborderons un cas d’étude souvent traité, celui des offrandes de Tarente. Le développement des ouvrages et des publications qui en rendent compte incite pourtant à la réflexion et au débat. L’idéologie mobilisée par les traditions relatives à la fondation de Tarente semble attribuer à cette cité de la Grande-Grèce le rôle de garante de la grécité en milieu occidental.5 En parallèle, les offrandes tarentines à Delphes correspondent à la volonté de Tarente d’afficher sa propagande dans le sanctuaire le plus fréquenté de la Grèce à la suite des guerres médiques. Quelle place et quelle représentation donne-t-elle à ses rapports avec les non-Grecs à un moment où s’affirme le concept de barbare? C’est à cette époque en effet que remonte le grand phonos, la défaite calamiteuse des Tarentins, épisode relaté par Hérodote comme étant le plus grand massacre de Grecs dont on ait connaissance.6 Les témoignages littéraires semblent confirmés par les traces archéologiques, si l’on s’accorde à considérer comme l’indice le plus sûr des possibles conséquences du barbaros polemos,7 la guerre expansionniste de Tarente contre ses voisins indigènes, l’abandon complet du sanctuaire d’Oria – Monte Papalucio, situé aux marges de la chôra tarentine, dans la décennie 480–470.8 Peut-être faudrait-il également insérer dans ce contexte le site de Cavallino, où l’on observe des traces d’incendie, de comblement des puits, de destruction de la muraille et d’une partie de la nécropole.9 Entre Grèce et Grande-Grèce, le sanctuaire de Delphes, ‘lieu de mémoire’10 grec – fréquenté également par des Occidentaux – peut se révéler un instrument de compréhension historique essentiel. Ce sanctuaire paraît, en effet, 5

Russo 2004. Hdt. 7. 170; Diod. Sic. 11. 52. Conflit qui voit Tarente s’allier à Rhégion. Cordano 1976; Cavaliere 2013, 30. 7 D’après l’expression de Nenci 1976. 8 Lombardo 1989a; 1989b; voir aussi D’Andria 1988, 662–63; 1991; Mastronuzzi 2013. Ce sanctuaire semble avoir été un point central des transactions entre populations d’origines diverses: des Messapiens, des Tarentins, mais aussi des Métapontins s’y rendaient entre la seconde moitié du VIe siècle et le début du Ve siècle av. J.-C. M. Lombardo a justement expliqué la nature de ce site en fonction des trafics commerciaux sur la côte adriatique le long de la voie isthmique Tarente-Brindisi. Après une césure d’environ un siècle et demi, le site fut de nouveau fréquenté au cours du IVe siècle av. J.-C. 9 D’Andria 1988, 661. 10 Nous empruntons à l’historien Pierre Nora cette expression célèbre, par laquelle l’auteur désigne ces lieux, figures ou événements autour desquels s’est formée la mémoire collective d’une société (Nora 1984–92). 6

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jouer le rôle de siège par excellence de l’affirmation de l’identité grecque en opposition aux barbaroi, et de sa proclamation à une échelle panhellénique. Notre étude propose de dresser un tableau des recherches portant sur les deux offrandes tarentines à Delphes. Selon la reconstruction historique généralement admise, les deux monuments auraient servi à commémorer deux victoires de la première moitié du Ve siècle av. J.-C., séparées par quelques décennies. Notre objectif sera d’appréhender les implications politiques des phénomènes mémoriels relatifs aux deux monuments. Nous tenterons pour cela de les analyser en mettant en évidence des logiques différentes mais, à notre sens, complémentaires. Les offrandes dédiées dans les sanctuaires panhelléniques sont des monuments politiques par excellence, non seulement parce qu’elles ont été généralement dédiées par des poleis, mais également en tant qu’emblème de leur indépendance politique.11 Ces monuments reflètent les réalités et les ambiguïtés qui sont à la base de la mémoire de la polis. Ils renvoient aux rapports complexes entre le politique et l’art, et à l’étroite interpénétration des deux, considérée comme un discours vrai que les cités composent sur elles-mêmes.12 LES OFFRANDES DES TARENTINS À DELPHES Les Tarentins sont à l’origine non pas d’une, mais de deux offrandes.13 En raison de la position qu’elles occupent dans le sanctuaire delphique, ces deux offrandes sont généralement connues comme les Tarentins ‘du bas’ et les Tarentins ‘du haut’ (Fig. 1, Atlas 114 et Atlas 409).14 La première offrande, les Tarentins ‘du bas’ (Atlas 114),15 se situe peu après l’entrée du sanctuaire, près du bord inférieur de la voie sacrée, au sud, entre l’hémicycle argien (Atlas 112) et le Trésor de Sicyone (Atlas 121), c’està-dire sur le tronçon méridional de la voie qu’empruntent les pèlerins et les visiteurs du sanctuaire. Sur une base mesurant plus de 13 m de long, étaient disposées des statues en bronze dues à Agéladas d’Argos (qui avait déjà travaillé pour Tarente)16 et représentant seize chevaux et des femmes captives, autrement dit le butin de la victoire.17 Le monument célèbre en effet le sac 11

Marconi 2006. Voir Neer 2007; Scott 2010. 13 Jacquemin 1992, 19; 1999a, 197–98, nos 455–456; 2006, 4. 14 Mes remerciements à D. Laroche qui m’a permis de publier son plan. 15 Paus. 10. 10. 3; 10. 11. 1; Beschi 1982, 227, fig. 1; Jacquemin 1992, 197; 1999a, 354, n° 456; Rougemont 1992, 161; Ioakimidou 2000, 69–71, pl. 6–7. 16 Beschi 1982, 232; Cavaliere 2013, 24–26. 17 Paus. 10. 10. 6–8. La restitution conventionnellement admise envisage en effet quatre groupes de quatre chevaux en bronze (le chiffre de 16 vient de P. de La Coste-Messelière, à partir de l’étude d’A. Martinaud et d’É. Bourguet: cf. La Coste-Messelière 1948), conduits 12

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Fig. 1. Plan restitué du sanctuaire d’Apollon à Delphes avec les différents monuments mentionnés dans le texte (© D. Laroche/École française d’Athènes 2018).

d’une communauté messapienne.18 Pour la première fois dans l’histoire du sanctuaire, le butin prélevé sur l’ennemi est exposé sous la forme d’un groupe statuaire monumental:19 les autres offrandes commémorant les victoires grecques avaient en effet jusqu’ici plutôt affiché des groupes de statues humaines, héroïques ou divines – par exemple, les deux offrandes athéniennes après Marathon (Atlas 110 et 225) –, des attributs delphiques (c’est le cas du chacun par une femme indigène. Mais l’offrande a fait l’objet d’une nouvelle étude en 2015. À la suite de la découverte d’une pierre médiane, on a déduit que le monument était plus profond et moins long qu’on ne le pensait. Le groupement des chevaux par quatre, déduit du voisinage assuré de deux blocs, a impliqué le recours au terme finalement malencontreux de ‘quadrige’. La restitution traditionnelle du monument est donc remise en question. Je remercie chaleureusement D. Laroche et A. Jacquemin d’avoir partagé ces informations. L. Beschi (1982, 229) s’interrogeait déjà, d’une façon générale, sur la signification de la présence d’un quadrige,‘tipo monumentale pienamente giustificabile in un donario agonistico, ma non così direttamente comprensibile in una decima per una vittoria’. 18 Lombardo 2011a; 2014. 19 Il s’agit du type de l’‘offrande perpétuelle’, puisque sur la base figurent des captives et des chevaux (Jacquemin 1999b, 151).

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trépied de Platées) ou apolliniens (Apollon de Salamine, Atlas 410b, palmier de l’Eurymédon, Atlas 420).20 Comme le rappelle M. Denoyelle,21 la présence de captifs barbares, ici les femmes indigènes, et de spolia, en l’occurrence les chevaux, préfigure le modèle même du triomphe romain. Du monument on a retrouvé une partie de la base (Fig. 2), avec l’inscription dans un état malheureusement fragmentaire, refaite ultérieurement, selon toute vraisemblance au IVe siècle.22 La seconde offrande, celle des Tarentins ‘du haut’ (Atlas 409),23 se situe dans la partie supérieure du sanctuaire (Fig. 3): sa base rectangulaire borde, en effet, le mur qui longe la voie sacrée, face à l’autel d’Apollon, aux pieds de la colonne mentionnant tous les Grecs qui avaient battu les Perses à Platées (Atlas 407) au moment des guerres médiques, à proximité du monument commémorant la victoire de Salamine (Atlas 410b). Les deux offrandes sont donc situées dans des zones de passage extrêmement fréquentées, mais la deuxième occupe un emplacement exceptionnellement important et prestigieux.24 Dans ce cas aussi nous possédons, outre le témoignage de Pausanias (10. 13. 4), une partie de la base avec une inscription (Fig. 4):25 ‘Les Tarentins ont dédié (ce monument) à Apollon comme dîme du butin pris sur les Peucétiens’. Il s’agit encore une fois d’une inscription fragmentaire et remaniée au IVe siècle av. J.-C. 20

Montel 2010, 207–08. Cf. M. Denoyelle, ‘Barbaros polemos. La guerre des indigènes et les mutations de l’imagerie en Grande-Grèce aux Ve et IVe siècles avant J.-C.’, communication au colloque ‘Architectures pour la guerre et pour la paix. L’humanisme civil et militaire dans l’Europe du XVIe au XVIIIe siècle’, organisé par Emilie d’Orgeix et Olga Medvedkova, Institut national d’histoire de l’art, 3–4 décembre 2010. Je tiens à remercier tout spécialement Martine Denoyelle qui m’a donné accès à son article inédit. 22 Cf. Jacquemin 1995. L’inscription signalant qu’il s’agit d’une offrande réalisée après la victoire sur les Messapiens est, de fait, postérieure, relevant plutôt du IVe siècle avant J.-C. Alors que j’écrivais cet article, Anne Jacquemin m’a très gentiment fait part de l’état de sa nouvelle recherche en cours: l’inscription du Ve siècle n’affichait pas le même texte que celle du IVe siècle, la différence portant justement sur l’ethnonyme des vaincus. L’inscription du Ve siècle fait référence à un sous-ensemble messapien, les gens de Valesio, dont le nom, BAΛΕΘINOI, est attesté par les sources, les monnaies d’argent du IVe siècle mais, vraisemblablement, du Ve siècle aussi, et par le caducée en argent avec légende (IIIe siècle) Blattihi kalatoras baletθihi (MLM 1 Ta). Cf. Lombardo 1992; Siciliano 2011. 23 Paus. 10. 13. 10; Beschi 1982, 227, fig. 2; Jacquemin 1992, 198; 1999a, 353, n° 455; Rougemont 1992, 162; Ioakimidou 2000, 71–73, pl. 8–10. 24 En raison de l’exiguïté de la voie et de la concentration, à la même époque, d’offrandes dans ce secteur à l’est de l’autel, le spectateur n’avait pas le recul nécessaire pour apprécier l’œuvre avec ses dix ou onze statues, d’après la restitution communément admise. Les statues furent alors placées à environ 3 m au-dessus de la voie, à une hauteur qui devait leur restituer une nette visibilité de loin, depuis l’esplanade du temple et la place du pronaos, par exemple (Montel 2010, 208). 25 Amandry 1949. 21

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Fig. 2. Plinthe de l’offrande statuaire des Tarentins ‘du bas’, état 2000 (© S. Montel).

L’hypothèse de reconstitution se fonde sur la seule description fournie par Pausanias (10. 13. 16).26 L’offrande se composait d’un groupe central flanqué, de part et d’autre, de deux rangs de fantassins et de cavaliers.27 Dans la scène principale figurait Opis, le roi des Iapyges accouru pour porter secours aux Peucétiens, mourant, et les deux héros mythiques de Tarente, Taras et 26 27

Cavaliere 2013, 27–32. Beschi 1982.

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Fig. 3. Mur bordant le côté est de la ‘voie sacrée’, couronné par la base du groupe statuaire des Tarentins ‘du haut’, état 2000 (© S. Montel).

Fig. 4. Inscription de la dédicace de l’offrande dite des Tarentins ‘du haut’ (© A. Pollini).

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Phalanthos, avec, non loin de ce dernier, un dauphin.28 D’après l’analyse de L. Beschi, l’hypothèse d’une composition présentant entre deux ailes d’hoplites et de cavaliers, ordonnés de façon paratactique, une scène d’affrontement avec le corps d’Opis à terre, et Taras et Phalanthos le menaçant, paraît vraisemblable. La composition a été interprétée comme une forme d’autoreprésentation de la communauté de Tarente, organisée autour du héros fondateur et du héros éponyme de la ville flanqués des protagonistes de la victoire.29 La présence des chevaux, constante dans les deux offrandes, est l’indice d’une différenciation par rapport aux autres Grecs qui combattaient sur le mode hoplitique, alors que les Tarentins se distinguaient par leur savoir-faire équestre et leurs élevages de chevaux.30 Il s’agissait donc d’une offrande monumentale – la base mesure environ 8 m31 –, œuvre du fameux Onatas d’Égine et d’un autre artiste,32 Calamis, Calynthos33 ou Callitélès – élève, fils ou collaborateur d’Onatas? – ou Agéladas,34 montrant au reste de la Grèce, au cœur du sanctuaire panhellénique de Delphes, les effets de la puissance tarentine et la nature de l’adversaire barbare. Il est intéressant à cet égard de souligner que, si la description de Pausanias est complète et fidèle, le monument célèbre visuellement la victoire sur le roi des Iapyges, plutôt que contre les Peucétiens. Nous y reviendrons. LE CONTEXTE DE CRÉATION Malheureusement les noms des artistes ne suffisent pas à dater avec précision le monument. Pour la seconde offrande, on a avancé une datation postérieure à 467 av. J.-C.,35 sans pour autant parvenir à une certitude.36 Cette estimation 28 Phalanthos, en effet, aurait fait naufrage dans le golfe de Krisa avant d’atteindre l’Italie et c’est un dauphin qui l’aurait sauvé et ramené à terre (Paus. 10. 13. 10); Lacroix 1992, 172; voir aussi Corsano 1979. 29 Nafissi 1995, 306–11. 30 Cf. Greco Pontrandolfo et Rouveret 1983, 1063. 31 La base des Tarentins est longue de ca. 7,55 m, profonde de ca. 1,63 m et haute de ca. 2,96 m. 32 Knoepfler 1986, 606–07, n. 50. 33 Beschi 1982, 235. 34 Cette question a suscité de nombreux débats, car le texte de Pausanias est corrompu et aucune restitution n’est assurée (Amandry 1949, 459). Voir aussi Beschi 1982, 233–34; Lacroix 1992, 171, n. 100. Muller-Dufeu (2002, n° 510) évoque la collaboration entre Onatas et Agéladas. Je remercie S. Montel pour nos échanges à ce propos. Cf. Russo 2004, 86–87 et Cavaliere 2013, 27–32, pour une synthèse raisonnée des différentes propositions. 35 Les dates traditionnellement données pour Onatas d’Égine permettent de descendre jusque vers 460 (voire 456, d’après Beschi 1982, 233). Knoepfler (1986, 606–07, n. 50) propose 465. Pour la date de 467, voir infra n. 43. 36 Jacquemin 1995, 197: le monument des Tarentins ‘du bas’ daterait de 470, l’offrande de la région de l’autel de 460, mais son emplacement et sa relation étroite avec Atlas 408 (l’offrande

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semblait censément correspondre aussi bien à ce que nous savons de l’activité présumée d’Onatas37 qu’à l’analyse de la composition du monument. Le monument offre un mélange de représentations humaines contemporaines de la victoire et de figures héroïques.38 D’après Beschi, la mention de la participation commune des deux héros, Taras et Phalanthos, ainsi que d’Opis, le roi iapyge, se conformerait à un procédé qui paraît avoir été conçu dans l’art grec ‘attorno al 460 circa’. À cet égard, il rapproche cette offrande de la fresque historique de la ‘Bataille de Marathon’, réalisée par Mikon et Panainos dans la Stoà Poikilé, et de la base de Marathon (ou Monument de Miltiade) à Delphes (Atlas 110).39 L’iconographie et la composition revêtent donc une importance fondamentale,40 avec, bien entendu, toute la prudence que requiert leur analyse, dans la mesure où nous nous fondons sur le seul témoignage de Pausanias. L’offrande réalisée par Onatas marquerait ainsi un virage à la fois d’un point de vue formel et iconographique. Une analyse approfondie des caractéristiques stylistiques du corpus des terres cuites tarentines de la première moitié du Ve siècle a conduit Á. Bencze à insister sur le lien profond qu’elles entretiennent avec un groupe d’œuvres liées à Égine: il s’agit de certaines sculptures des frontons du temple d’Aphaia (principalement les figures du fronton ouest, mais aussi une partie du fronton oriental et trois des soi-disant Nichtgiebelkrieger) et de quelques petits bronzes d’origine probablement éginète, œuvres pour lesquelles la littérature récente a envisagé une date plus tardive que celle généralement retenue. Ce lien soulève bien évidemment une série de questions concernant le possible contexte historique permettant le contact entre le milieu tarentin et les ateliers de plastique éginètes. L’hypothèse de Bencze est très séduisante: le style sévère aurait de fait commencé seulement après les guerres médiques, ce qui en définitive pourrait permettre de relier les formules stylistiques observées à Tarente à Onatas d’Égine justement. En admettant une phase préparatoire d’environ six crotoniate) et Atlas 407 (le trépied de Platées), ainsi que la présence immédiatement au Nord de l’Apollon de Salamine (Atlas 410b), inciteraient à remonter la date. Mais en l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas être plus précis sur la chronologie; seul un réexamen sur place des monuments pourra permettre de fixer les dates, en prenant en compte les conditions matérielles de construction par exemple. Pour les Tarentins ‘du bas’, les recherches en cours d’A. Jacquemin considèrent justement l’ordre topographique de remplissage. Elle a d’ailleurs entrepris un travail s’inscrivant dans cette perspective pour les offrandes phocidiennes à l’occasion du colloque du DAI de 2017 (Jacquemin à paraître). 37 Bencze 2017, en particulier 114–15, pour une mise en perspective des différentes hypothèses. 38 Jacquemin 1999b, 150. 39 Beschi 1982, 236; Greco Pontrandolfo et Rouveret 1983, 1061. 40 Sur la laïcisation de l’art au Ve siècle av. J.-C. et sur sa portée éminemment politique, surtout à la suite des guerres médiques, cf. Valenza Mele 1990.

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ans, les sculptures des deux frontons d’Aphaia auraient été réalisées ‘entro il 470’. Elles appartiendraient donc toutes à un moment qui peut correspondre à la première décennie du floruit d’Onatas.41 L’apparition de nouveaux types de style éginète dans le répertoire de Tarente pourrait alors s’expliquer par une nouvelle mode engendrée par le monument des Tarentins ‘du haut’. Même si les détails de cette transmission nous échappent, la connexion semble être tout à fait plausible, d’autant plus si l’on considère le rôle joué par Égine contre l’avancée perse à Salamine, mis en évidence par A. Stewart.42 LA LECTURE EXTERNE: LE BARBAROS POLEMOS Du point de vue chronologique, le terme central est figuré par le phonos des Tarentins, moment culminant du barbaros polemos. Cet affrontement, dont le développement nous échappe presque complètement, se situe dans la première moitié du Ve siècle av. J.-C., et a dû se conclure, du moins pour son épisode principal, aux alentours de 473 av. J-C.43 On a alors alternativement envisagé toutes les options possibles, et par conséquent admis que les deux offrandes puissent être toutes deux antérieures ou même postérieures au phonos.44 M. Lombardo a insisté sur une datation haute, antérieure au phonos, y compris pour la seconde offrande. De son point de vue, les deux offrandes seraient à interpréter comme un double témoignage du barbaros polemos saisi lors de son déroulement même. Les Tarentins auraient en ce sens exploité la vitrine privilégiée offerte par le sanctuaire panhellénique pour afficher les deux victoires remportées. Ils ont pu revendiquer par ce biais leur propre grécité et, simultanément, esquiver toute accusation possible de n’avoir pas participé aux guerres contre les Perses, puisqu’ils étaient engagés eux-mêmes dans un combat contre leurs propres barbares. Cette hypothèse est convaincante, mais il 41

Bencze 2017, 119, avec bibliographie. Stewart 2013. 43 La date de 473 av. J-C. ne fait pas l’unanimité (Cordano 1976), toutefois le débat s’articule autour d’un intervalle très restreint et proche de cette date: 473–467 av. J.-C. Pour le débat, voir la synthèse et les propositions dans Nafissi 1995, 308. 44 D’après certains auteurs (Wuilleumier 1939, 53–54; Ciaceri 1942, 278–79; Amandry 1949; Moretti 1973; Beschi 1982; D’Andria 1988, 667), la victoire sur les Messapiens est antérieure au phonos dont parle Hérodote, tandis que la victoire sur les Peucétiens est postérieure. Jeffery (1961) soutient l’inverse: c’est la victoire sur les Peucétiens qui est antérieure au phonos. Pour Nenci (1976, 728–30), mais déjà pour F. Lenormant en 1881, les deux offrandes sont toutes les deux postérieures au phonos. Dunbabin (1948, 149), Corsano (1979) et Lombardo (1992) soutiennent en revanche que les deux victoires précèdent le phonos. Pour une mise au point critique des diverses positions cf. Cordano 1976; Lombardo 1992, 90–91; Nafissi 1995; Jacquemin 1999a. Nenci (1976) baisse la date de la seconde offrande à 433 av. J.-C. Voir aussi infra Russo 2004 à propos du floruit d’Agéladas. 42

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nous semble nécessaire de nuancer le caractère pour ainsi dire historique de la défaite tarentine. Tout d’abord, parce que cet épisode est exprimé en ces termes seulement par Hérodote. Or, son inspiration anti-tarentine, notamment dans le cadre de cet épisode justement, a été amplement signalée, en premier lieu par Lombardo lui-même:45 c’est le récit de l’alliance entre Tarente et Rhégion contre les Iapyges qui mène Hérodote à décrire, dans le cadre d’une histoire de Rhégion, la défaite subie par la cité chalcidienne et la cité laconienne en 473 av. J.-C. Si l’auteur n’évoque pas la victoire tarentine célébrée par le groupe statuaire de Delphes, cela peut donc être dû au fait que son récit est centré sur les événements touchant Rhégion. En somme, Hérodote rappelle la défaite calamiteuse des Tarentins, et non les victoires tarentines, parce que les intérêts de la mémoire hérodotéenne sont partiaux et en contradiction avec la mémoire delphique des deux offrandes.46 La question qui demeure fondamentale est bien celle-là: pourquoi les Tarentins ont-ils consacré deux offrandes? Pour répondre à cette question, plusieurs hypothèses ont été avancées:47 la diversité des ennemis (Messapiens pour l’offrande des Tarentins ‘du bas’, Peucétiens et Iapyges pour celle des Tarentins ‘du haut’), ou des épisodes historiques évoqués (ainsi l’offrande avec les femmes captives pourrait être une évocation du sac de Carbina, pendant lequel les Tarentins utilisèrent la violence contre les femmes refugiées dans les sanctuaires).48 D’après F. Russo, on ne peut pas ignorer l’existence de deux sculpteurs nommés Agéladas. L’offrande tarentine ‘du haut’ serait bien l’œuvre du sculpteur Agéladas, mais du plus jeune, conformément au témoignage de Pline l’Ancien (HN 34. 49) qui en situe le floruit en 432. Elle aurait donc été réalisée à la suite de l’affrontement entre Tarentins et Messapiens en lien avec la fondation d’Héraclée. La réponse doit être ailleurs. Le pillage d’une communauté messapienne, mis en scène sur le monument des Tarentins ‘du bas’, est suivi de la défaite mémorable infligée à Tarente. À la suite de cette catastrophe, et peut-être aussi grâce à elle, la situation politique à Tarente change. L’engagement militaire, lourd et constant, avant le phonos, doit avoir concerné largement les couches ‘hoplitiques’ de Tarente, ce qui a dû entraîner des nouvelles revendications politiques, voire même des possibles formes d’absorption dans les sphères dirigeantes.49 Les enjeux politiques, idéologiques et mémoriels ont alors évolué. 45

Lombardo 1992, 84–85; Nafissi 1992, 211. Cordano 1995, 53–54. 47 Russo 2004. 48 Mais il est difficile de croire que les Tarentins aient choisi de célébrer un épisode considéré comme étant un sacrilège afin de commémorer leur valeur (Russo 2004). 49 Giangiulio 2017, 25. 46

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ARIANNA ESPOSITO PERSPECTIVE INTERNE: UN NOUVEAU CADRE D’APPRÉHENSION DU PASSÉ DE

LA POLIS

En effet, si ces différentes hypothèses sont basées sur un faisceau d’arguments assez convaincants, elles délaissent néanmoins la perspective interne à Tarente. Franchissons un degré de plus dans le raisonnement. En considérant ici un point de vue ‘occidental’, centré sur les aspects politiques, sociaux et militaires, on peut avancer une autre hypothèse qui fait surgir inévitablement la question de la perception et de la représentation de l’identité tarentine. Aristote dans la Politique (5. 1303a 3–6) attribue à cette défaite le changement de régime de la polis, et fait de cet épisode une question purement interne.50 Déjà E. Greco se demandait ‘se la “delfizzazione” delle colonie non cammini di pari passo con un processo di strutturazione della polis occidentale, in rapporto ai suoi assetti interni, e non solo a quelli internazionali’.51 Dans l’histoire de Tarente, la grande défaite de 473 av. J.-C. n’est pas un fait isolé, car elle s’accompagne d’un changement conséquent de la structure politique de la cité et d’un nouveau dispositif urbain et territorial.52 À la suite de la cuisante déroute infligée par les Iapyges, on observe l’abandon des établissements ruraux dispersés dans le territoire et la concentration des habitants dans la ville. Au milieu du Ve siècle, on assiste alors à une véritable expansion du système urbain, avec la construction d’une enceinte d’environ 11 km qui vient entourer une zone d’environ 510 hectares (au lieu des quelques dizaines d’hectares de la ville d’époque archaïque), englobant les nécropoles aussi. Les Tarentins ne semblent plus intéressés par l’expansion vers l’est et la péninsule salentine, mais plutôt vers l’occident et la Siritide, où sera fondée Héraclée.53 Greco a déjà signalé le lien entre ces deux phénomènes, le changement politique et le nouveau dispositif urbain et territorial, et expliqué la planification de la ‘città nuova’ par la nouvelle articulation de la société ainsi que par une nouvelle gestion de la propriété foncière et, probablement, des sols agraires.54 Aristote rappelle par ailleurs le nombre important d’aristocrates morts au combat. M. Moggi,55 à partir du commentaire de ce passage, formule l’hypothèse d’une influence d’Athènes sur cet épisode, et signale que ‘il disastro militare deve aver provocato un indebolimento generale dell’aristocrazia e, in generale, 50

Giangiulio 2015; 2016, 211–12; Erdas 2016, 154. Greco 1992, 221. 52 Moggi 2002, 75. 53 Lombardo 2015. 54 Greco 1981. 55 Moggi 2002, 75: ‘con la metabolé è certamente da collegare un nuovo assetto della proprietà fondiaria’ (n. 112); Lombardo 2002, 255–56 et 2015, 488 à propos du contexte politique et économique de Tarente à la suite du changement de régime. 51

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della classe dei cittadini di pieno diritto’. Il s’ensuit que ‘il phonos, con le profonde alterazioni provocate all’interno del corpo civico, rappresenti veramente la causa principale o quanto meno l’occasione determinante del cambiamento politico-istituzionale … e non un semplice terminus post quem’. Lombardo n’exclut pas que les Tarentins aient alors sollicité, dans le même sanctuaire de Delphes, des conseils sur leur avenir, peut-être même une ratification religieuse de leurs projets de ‘réforme’ politique et urbaine.56 L’offrande des Tarentins ‘du haut’ peut alors être lue comme la réponse d’une cité profondément réorganisée, pour affirmer sa grécité et son pouvoir, ni l’une ni l’autre n’ayant été ébranlés, que ce soit par la défaite militaire ou par le changement de régime. Ch.W. Hedrick57 a souligné l’importance symbolique d’une tradition associée à des dédicaces monumentales. Il suggère que les dédicaces et les monuments publics ont pu servir à renforcer, voire à façonner les traditions orales. Les monuments constituent alors un instrument possible de transmission du passé, la tradition monumentale pouvant servir à renforcer, certifier et parfois même créer de nouvelles traditions orales. De fait, l’offrande des Tarentins ‘du haut’ présente un programme iconographique complexe. Pour le monument des Tarentins ‘du haut’, le décor sculpté affiche une véritable scène de guerre, pour celui des Tarentins ‘du bas’ il semble renvoyer plutôt à la soumission d’un territoire, en montrant notamment les femmes captives.58 Dans cette première offrande, avec la scène du butin conquis par la victoire sur les barbares, ces derniers n’ont pas la dignité du combattant: les protagonistes sont les femmes captives. La seconde offrande est, en revanche, très différente: sa situation topographique et son iconographie concourent à énoncer l’importance de ces barbares et le danger qu’ils représentent. Nous assistons en somme à un crescendo épique de la narration, où apparaissent les deux héros fondateurs figés dans le moment même où ils terrassent l’ennemi barbare à travers la métaphore de son roi armé. Cette présence indique la reconnaissance de la part des Tarentins de l’existence d’un monde autochtone ‘politiquement’ structuré, incarné par la figure du roi.59 Il n’en pouvait être autrement: si la seconde offrande est censée figurer le rachat après une dure et grave défaite, le phonos, la figure du barbare ne pouvait être représentée sous les traits d’un ennemi ‘primitif’, surtout s’il fallait, par ce même document, se justifier aux yeux des autres Grecs qui avaient battu les Perses. On peut comprendre la 56 57 58 59

Lombardo 1994. Hedrick 2002. Cordano 1995. Greco-Pontrandolfo et Rouveret 1983, 1064.

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position d’emphase maximale, à proximité du trépied de Platées et devant le temple d’Apollon, par référence à la tradition relative à l’oracle de fondation de Tarente. A. Jacquemin reliait l’iconographie du monument à la légende tarentine de l’oracle faisant de Tarente le fléau des Iapyges.60 Or, désormais, la plus grande partie des chercheurs rattache également l’élaboration du texte de l’oracle de fondation de Tarente au contexte du barbaros polemos.61 La mémoire collective de l’‘histoire intentionnelle’ est sans cesse réactivée par les consultations oraculaires.62 Il faut se demander si, dans le cas spécifique de Tarente, la commémoration mise en scène par le monument des Tarentins ‘du haut’ a pu alors agir comme un mode d’expression politique d’une nouvelle mémoire collective. LES POLITIQUES DE MÉMOIRE CRÉATRICES D’IDENTITÉ Si, d’après la littérature archéologique, il a été souligné à maintes reprises que l’emploi des deux héros fondateurs ne suffit pas à indiquer un rapport avec la Tarente démocratique,63 puisque rien n’empêchait l’adoption de ce même sujet dans le cadre de la Tarente aristocratique,64 on conviendra toutefois que l’apparition du couple de personnages dans l’émission monétaire contemporaine, avec d’ailleurs une ambigüité entre l’identité de Phalanthos et de Taras et l’iconographie de l’homme au dauphin, paraît significative.65 Mais le dolphin rider du monnayage de Tarente apparaît au début sans attributs parce que son identité est manifeste: il s’agit bien d’Apollon Pythien dans son rôle d’œciste. Le célèbre monument d’Onatas offert par les Tarentins à Delphes a vraisemblablement contribué à accroître la confusion.66 Il est tout à fait probable, en effet, qu’à la fin de l’époque archaïque, l’allusion à Apollon au prisme du dauphin était aisément comprise dans tout le monde colonial, évoquant le rôle de la promotion et de la protection menée par le sanctuaire de Delphes dans la naissance de nombreuses apoikiai. La signification apollinienne attribuée au 60

Strab. 6. 3. 2; Diod. Sic. 8. 21. 3; Jacquemin 1992. Cavaliere 2013, 32. 62 Giangiulio 2010. Voir également Gehrke 2001, en particulier 300 s. pour les notions de memoria, d’histoire intentionnelle et d’imaginaire de la communauté; Lombardo 2011b. 63 L’hypothèse est avancée d’emblée dans Greco Pontrandolfo et Rouveret 1983, 1064: ‘… la città si rappresenta mitologicamente e non attraverso la figura di un capo. Sono indizi che questo donario è stato commissionato dalla Taranto democratica che esalta se stessa attraverso la figura degli eroi fondatori…’. Voir aussi Beschi 1982, 238. 64 Lombardo 1992, 94. 65 De même que Phalanthos, Taras est naufragé et sauvé par un dauphin (Serv. ad Verg. G. 2. 197). Cf. Stazio 1983. Sur les relations entre les deux héros et le monnayage, cf. Garraffo 1995, 148–49; Erdas 2016; voir aussi Corrado 2010, 47–48. 66 Corrado 2017, 36. 61

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dauphin et au delfiniere à la fin de l’époque archaïque et tout au long de l’époque classique dans certaines villes italiotes a probablement été partagée dans toute la région du golfe de Tarente, y compris dans l’arrière-pays, aussi grâce à la propagation précoce des cercles pythagoriciens.67 On ne peut pas exclure que le delfiniere ne traduit pas l’image du fondateur d’un seul centre, mais renvoie plutôt à une divinité ancestrale territoriale.68 Entre 480 et 425 av. J.-C., se diffuse aussi la frappe de monnaies présentant sur le R/ le type de l’œciste,69 un personnage masculin drapé assis sur un siège et identifié soit avec le demos, soit avec Phalanthos, soit avec Taras.70 Une hypothèse souvent retenue est que ces monnaies font allusion aux deux traditions de fondation, avec le fondateur éponyme et Phalanthos associés. Très probablement, les deux figures fusionnent entre le milieu du Ve siècle et le milieu du IVe siècle av. J.-C. Un parallèle peut être avancé avec le monnayage crotoniate, où Héraclès œciste71 finit par éclipser le fondateur historique de la ville, Myskellos.72 De façon analogue, Phalanthos est éclipsé, à l’époque classique, par l’éponyme Taras, un grec ‘indigène’…73 Ce constat, présent dans la tradition historiographique de P. Wuilleumier à L. Lacroix, et implicitement suivi par I. Malkin, suggère que l’émergence de l’éponyme Taras est aussi liée à l’éclipse d’Apollon par Poséidon,74 épisodes qui sont tous à rapprocher, d’après les trois chercheurs, des changements survenus à Tarente en 467. Malkin a insisté sur la différence entre rôle de l’œciste et rôle de l’éponyme,75 notamment pour ce qui relève des poleis archaïques et classiques. E. Lippolis, en s’appuyant sur la succession chronologique fixée dans l’Antiquité et résumée en Taras fecit, auxit Phalantus (Serv. ad Verg. Aen. 6. 773), a avancé l’hypothèse que Phalanthos représente le noyau originel des colons laconiens, les Phalanthiadai, tandis que Taras figure le paradigme

67

Corrado 2010, 47 et 52. Carroccio 2011, 124–25. 69 Les dates généralement retenues oscillent entre 485 et 473 (Stazio 1983, 140). Pour une mise au point voir Taliercio Mensitieri 2012, 17. 70 Wuilleumier 1939, 38; Lacroix 1965, 97–99; Lippolis 1982, 96–97; Malkin 1987, 219–21; Garraffo 1995, 148–49; Nafissi 1995, 296. 71 Pour une discussion sur la figure de l’œciste, ‘ipotesi infondata’, voir Carroccio 2011, 109–10, avec bibliographie. 72 Malkin 1999, 163. 73 Wuilleumier 1939, 38; Lippolis 1982; Nafissi 1995, 296; Taliercio Mensitieri 2012, 17. 74 Malkin 1999, 167–68; Jacquemin 1999a, 194, sans le dire aussi nettement, suggérait aller dans ce sens. Pour le rapport entre Taras, Poséidon et le dauphin ou entre Phalanthos, Apollon et le dauphin, voir Corsano 1979, 133–34, 138–39; Carroccio 2011, 107–08. Contra Corrado 2017, 37. 75 Malkin 1985. 68

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d’une nouvelle composante politique.76 Enfin, M. Nafissi a démontré que Phalanthos est une figure génétique, liée aux familles nobles qui se targuent d’origines spartiates, tandis que Taras (avec le mythe du naufrage) est le symbole de la promotion sociale pour tous les habitants du territoire, indépendamment de leurs origines.77 Dans cette perspective, Phalanthos représenterait la mémoire de la ktisis, fondant historiquement et idéologiquement les privilèges aristocratiques, tandis que Taras serait le symbole de l’importante transformation politique, sociale et urbaine, marquée par l’avènement de la démocratie, le nouveau régime menant à la reconnaissance de classes auparavant subordonnées. À partir de ces observations, à notre sens, la seconde offrande, les Tarentins ‘du haut’, réaffirme avec force la fidélité de la colonie, sa grécité, avec l’aval d’Apollon delphique, tout en justifiant, aux yeux des autres poleis ayant participé aux guerres médiques, son propre engagement contre les barbares, ses barbares. La forme la plus saillante de l’identité tarentine est alors une combinaison de son identité hellénique, par opposition aux barbares, et de sa nouvelle identité civique et politique. Par sa composition, le monument réunit par conséquent plusieurs affirmations: tout d’abord, celle d’avoir amené à son terme la prévision, voire la tâche même assignée par l’oracle, faisant de Tarente le fléau des Iapyges. Par ce même message, Tarente s’inscrit ainsi dans la continuité de son histoire, en dépit du changement politique survenu. Une continuité toutefois affichée dans la différence, par l’essor et la présence de Taras.78 Le recours aux deux héros est fondamental à bien des égards pour saisir les variations et les nouvelles fixations de l’identité tarentine. La valeur de ‘normalisation’ de l’oracle et sa portée symbolique pour l’identité des Tarentins reviennent à légitimer la ‘nouvelle’ fondation de l’ancienne colonie, avec sa nouvelle configuration urbaine et l’intégration des habitants de la chôra. Nous devrions peut-être utiliser davantage les oracles en fonction du temps historique dans lequel ils sont transmis. Il faut, en d’autres termes, considérer l’incidence contemporaine des oracles qui sont des moyens de légitimation.79 Ils figurent en fait le souvenir du rapport avec le dieu qui sanctionne la justesse et le fondement des entreprises. Ils incarnent, pour cela, l’expression de l’autoconscience civique.80 De ce point de vue, comme l’a souligné G. Rougemont, la fixation historiographique des histoires de fondation au début du Ve siècle et la forte présence à Delphes des colonies occidentales dans ce siècle se greffent

76 77 78 79 80

Lippolis 1982, 96–97. Nafissi 1995, 292–93. Malkin 1999, 168; voir aussi Lippolis 1982. Lombardo 2011b, en particulier 146–47. Nafissi 1992.

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dans le même climat historique.81 La tradition sur l’oracle et la seconde offrande seraient alors deux manières d’énoncer et d’afficher un message unique à un moment significatif pour la polis. Les deux visent à célébrer une re-fondation de la cité,82 opération qui ne peut se passer en ce sens d’une réélaboration de l’identité mythique visant à établir une cohérence entre les deux différentes traditions relatives à l’origine de la cité. * *

*

Tarente doit s’inventer, au fil de son histoire, sa propre identité. L’exemple de la seconde offrande tarentine nous semble le montrer de façon explicite. En effet, il est fort vraisemblable que le recours à un double œciste soit la conséquence d’une ‘double mémoire’: la mémoire grecque, imposée par la tradition, et la mémoire locale, nouvellement établie car formulée à la suite des transformations internes de la cité. Taras, le héros éponyme qui dans l’oracle déjà se rattachait à la région, servit de point d’ancrage à cette nouvelle mémoire de l’identité locale et, dans ce sens, il a pu encourager les colons à affronter l’hostilité des indigènes. Mais il y a plus. Taras étant le fils de Poséidon et de Satyria,83 il manque dans cette tradition le rapport de l’oikistès à la terre, rapport impliquant une altérité initiale puis une conquête, comme pour Phalanthos.84 L’éponymie accompagne, confirme, perpétue les gestes du fondateur, puisque l’apparition du héros et celle du peuple qui lui est homonyme tiennent lieu de constitution de la ‘nouvelle’ Tarente. La polis n’est pas seulement institutionnellement refondée, elle l’est aussi culturellement. En suivant l’hypothèse de Bencze, on pourrait par ailleurs ajouter qu’elle l’est aussi ‘visuellement’, car l’esthétique inaugurée par l’offrande d’Onatas à Delphes montre un renouvellement soudain et décisif, souhaité par la communauté réformée pour commémorer la première victoire de ce qui était à ses yeux le début d’une nouvelle ère. La question de l’identité est donc résolument double: une identité commune avec les autres colonies, en fonction du mouvement général de la grécité, mais également une identité vis-à-vis de la cité elle-même, ‘re-née’. Pour Delphes, 81

Rougemont 1992. Cette portée pour l’iconographie de l’offrande a été notamment envisagée de façon rapide mais stimulante dans le cadre d’un discours sur le mythe en images par Pontrandolfo 1998, 109. 83 Paus. 10. 10. 6–8; Lacroix 1992, 173; Nafissi 1995, 292. 84 Defradas 1954, 237 et note 1 souligne l’ascendance égeo-crétoise de Phalanthos en opposition au caractère local de Taras. Corsano (1979, 133) parle de ‘personnage lié à la terre’, contrairement à Phalanthos qui arrive de loin. 82

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en particulier, il demeure vrai que la déclaration de ‘grécité’ de Tarente dans le sanctuaire panhellénique doit d’emblée se lire dans le cadre d’une revendication de l’identité hellénique à la suite de la victoire des cités grecques sur l’Empire des Mèdes.85 Ce contexte international demeure toujours valable, et coïncide par ailleurs avec le renouvellement des modalités de définition et d’expression de la grécité même, perçue désormais dans son opposition aux barbares. Mais le monument des Tarentins ‘du haut’ est un symbole plus que religieux. Il est un instrument qui participe à l’élaboration d’une propagande à la fois locale et internationale. En cela, il est l’expression d’une véritable grécité occidentale.

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85

Jacquemin 1999a, notamment 192–94 et 353–54.

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WOMEN AND THE FOUNDATION OF GREEK COLONIES Irad MALKIN

Abstract Our sources are mostly silent on whether or not Greek women participated in the foundation of Greek colonies. One current view, that colonisation was a ‘men only’ affair followed by intermarriage with ‘native women’, seems to be gaining ground. This is especially so among archaeologists working in southern Italy and historians who promote the notion of ‘hybridity’ as a salient feature of Greek migrations and settlement. Material evidence (for example ‘native fibulae’) has been used, unsuccessfully, as indicators of the presence of native women. DNA studies seem inconclusive, whereas studies of weaving, now under way, may yield further results for mixture in the areas of Greek settlements. The question relates to the first and second generation of settlers, not to mixture in later periods. The negative case ‘no women’ is based mostly on an argument from silence, while disregarding the role of religion. A priori, it seems highly improbable that women were absent since both polis – and oikos – religion (birth, initiation, marriage and death) were heavily dependent on feminine cults and rituals and on a depository of feminine transmitted knowledge. We do possess two names of priestesses known to have come because of their specialised knowledge. If each region of colonisation had known intermarriage on a large scale, the overall result of Greek colonisation could not have possibly been that of the ‘Small Greek World’ phenomenon, whereby essentially colonies along the shores of the Mediterranean and the Black Sea generally resembled each other and remained Greek (in fact, became more so). On the other hand, mixed marriages would have resulted in different, local cultures, all very doubtfully ‘Greek’.

(…) There might be times when there was an unusual dearth of such men in the city itself: so if any girl, being at a loss to find a spouse on the spot, sees one that has emigrated to a colony (apoikia) and desires that he should become heir to her father’s property, if so be that he is related, he shall proceed to the lot (klêros), according to the ordinance of the law… (Plato Leg. 925b, trans. R.G. Bury). … and as for those who came from the very town-hall of Athens and think they are the best born of the Ionians, these did not bring wives with them to their settlements, but married Carian women whose parents they had put to death (Herodotus 1. 146. 2, trans. A.D. Godley).

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Fig. 1. Greek, Phoenician and Etruscan settlements in the Archaic period (in Malkin 2011, 4, fig. I.1).

Were Greek women present at the foundation of Greek colonies?1 Herodotus’s story seems to say they were not, at least in the specific case of Miletus. Relating to pre-historical times, is the story representative of a norm whereby Greek colonists were men who came alone and married local women?2 Stories about the foundation of Miletus belong to the quasi-historical genre of foundations, relating to the Dark Ages, and relating to mass migrations (abandoning the motherland). In contrast, however, in two historical cases involving abandonment and mass migrations, it is made explicit that women did join the men. That is what happened when the Phocaeans ‘… launched their fifty-oared ships, embarked their children and women and all their movable goods’ and 1 I wish to thank Michela Costanzi and Madalina Dana for their kind invitation and encouragement. Special thanks to Elena Iaffe at Tel Aviv University, Department of Classics, for help as my research assistant. Thanks too to Massimo Osanna and especially to Massimo Nafissi for help on Orthia at Taras. 2 See Graham 1984. Cf. Saltini Semerari 2016 who provides a general review of previous scholarship. However, while Graham focuses on the role of women in religion as essential, she quotes a comment on piracy and proceeds without ever mentioning or addressing his main thesis and argument. See also Morris 1999.

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sailed westward. The Teians, adds Herodotus, did the same. Something similar probably happened with the fugitives of Colophon.3 Herodotus goes on to say that Milesian women do not eat with their husbands; so it may be simply an aetiological tale, explaining this exceptional custom.4 Yet even if not true, would Herodotus have thought it was a norm for the colonists to be exclusively men?5 The issue is more historiographical than historical. Herodotus focuses on the specific question ‘Who are the purest Ionians?’ His answer is in line with his general derogatory attitude to Ionians: Herodotus basically points out the paradoxical absurdity of those Milesians claiming to be ‘pure’. ‘Pure Ionians’ is an oxymoron, since if those ‘who came from the very town-hall of Athens’ murdered Carian husbands and took their Carian women, it implies that Ionians in Herodotus’s day are descendants of Ionian men and non-Greek, Carian women.6 He was not considering here norms in Greek colonisation. So the story, which in any case relates to pre-historic times and may be aetiological (why do Milesian women not eat with their husbands?),7 is exceptional in several ways and cannot be taken seriously either as a piece of a collective Ionian (Milesian) memory or as a reflection of later colonisation practices. Abducting/raping local women, such as the rape of the Sabine women, is not even a topos (a literary commonplace) to be found in the numerous, nonhistorical and legendary foundation stories that we have.8 No ancient author reported or invented such stories, and Herodotus’s ‘account’, pricking Ionian pride and claiming they are all ‘mixed-race’, may not be taken as referring to the reality of settlement practices. It is important to phrase the question correctly. The question relates to the first and perhaps the second generation of settlement, not to the centuries that followed, when mixtures of all types find their expression, especially in the 3

Herodotus 1. 164 and 167. Lombardo 1986; 1998. Asheri et al. 2007, 177. 5 See Graham 1984, 329. Hodos 1999, 66: ‘Herodotus’ specification that the founders of Miletos did not take women to the colony but married Carian women instead suggests that in his opinion it was normal practice for colonists to include women (1. 146. 2–3)’. It suggests nothing of the kind, as I argue. Cf. Rougé 1970, 312; van Compernolle 1983; Coldstream 1993. Note that in another ‘pre-historic’ story, Minyan migrants to Sparta were integrated in the civic body and the women they had brought with them married local Spartans (Herodotus 4. 145). 6 Herodotus’s barb is directed against this claim although he generally dislikes racial purity, which he considers equivalent to stagnation and decadence. He can be explicit when provoking: elsewhere he points out that if the Athenians insist on their origins as autochthonous that would imply they were originally not Greeks but Pelasgians, the ‘original’, non-Greek inhabitants. See Herodotus 1. 56–57; 1. 57. 3 (that Athenians were Pelasgians); 1. 58. 2–3; 8. 44. 2. 7 Asheri et al. 2007, ad loc. 8 Prinz 1979; Schmid 1948; Mac Sweeney 2013; 2015. 4

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archaeological evidence.9 For the first generation there are two possible scenarios: a bridge-head of a warring party of men, establishing a foothold on some promontory or an off shore island, and while laying the physical, religious, and social order of their new settlement, (1) take women from the region they have arrived at; each settler then establishes a new oikos, the family household, with a non-Greek woman, (2) invite women from their own metropolis or from other Greek places within, say, the first twenty years of the colony’s existence, with each settler establishing a new oikos, while being married to a Greek woman. Let us note there were sometimes issues of inheritance and family ties that mostly escape us.10 There could be other varieties, of course (for example, some men married local women, others invited a cousin from home), but for the sake of the argument let us concentrate on these two diametrically opposed positions. The distinction between a mostly male migration and a mixed gender migration is significant in the history of any colonisation. Observing other periods of migration and colonisation we note a marked difference between these two types of settlement. Consider a large-scale example: before the emergence of national independence in the 19th century, some 1,200,000 migrants moved from Spain and Portugal to the new world. At least 75% of them were males. They obviously joined with native women and the result is the current mixed ethnic makeup of Latin America. In contrast, migration to the northern part of the continent (which is today the USA and Canada) had a much higher proportion of women, and settlement was more family oriented. The result was a relatively ‘White’ makeup in the North. ‘New England was really a new England’.11 Moreover, as general patterns, first-generation female settlers tend to produce more children, as was the case with the expressed efforts to encourage women to migrate to Canada.12 Was the Greek colony analogously, a ‘home away from home’ (apoikia), patterned along the same lines with a Greek female half of the population, or was it analogous to a métissage? No one would claim that there never were mixed marriages in new settlements. Miltiades, for example, married a Thracian princess, Hegesipyle (Herodotus 6. 39. 2). Greek Selinous and Elymian Segesta had formal contracts enabling marriage between the citizens of both (Thucydides 6. 6. 2). Foundation 9 Thus, a place such as Morgantina, for example, which seems to indicate mixing and mutual influences, is not quite helpful for the question of ‘first generation’ (see Lyons 2000). 10 As Plato’s passage, quoted above, illustrates. Such issues are prominent in the Naupaktos decree (van Effenterre and Ruzé 1995, no 43. Cf. Malkin 2016). 11 Mörner 1976. Cf. Galenson 1981; Greene 1988. Cf. Scheidel 2003. 12 Livi-Bacci 1992, 9–10.

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legends tell a very similar story about the founders of Lampsacus and Massalia (both colonies of Phocaea) who married local princesses for the sake of accommodation with the locals.13 The Corinthian aristocrat (a Bacchiad and a Herakleid) Demaratus (but not in the context of a city foundation) migrated to Italy, moved to Tarquinii, became a citizen and married an Etruscan wife (Cicero Tusc. 5. 109. 5–9). We also hear of mixed communities: the ‘Hellenoscythians’ or the Geloni, who spoke a mixed Greek and Scythian language, after having first moved away from the coast and the sea connecting them to other Greeks. Thucydides speaks of ‘Greeks and Pelasgians’ on Acte in Chalcidice, etc.14 The Inventory of Poleis published by the Copenhagen Polis Centre lists some one hundred communities dating from different periods and with varying degrees of mixture.15 However, except for two quasi-historical princesses, none of the above seem to be relevant to the time of foundation. I reiterate: the question pertains to the foundation of colonies, not to the subsequent centuries when each specific settlement and its secondary settlements developed their own history. By ‘foundation’ I mean the life-span of the oikistes, the founder, or at least not more than one or two generations (some 40–60 years). Battos of Cyrene, for example, was placed in the ground of Cyrene’s Agora ca. 600 BC; he had been active in Libya as founder since the 640s.16 The general scantiness of sources and the tendency of those extant to be silent about women is a major hindrance. In general, Greek ktiseis (foundation accounts) mention only men, but this means little as it is a general feature. Also, aside from the names of oikistai, usually no specific names of colonists 13 Protis: Justinus Epit. 43. 3–4; Athenaeus 13. 576; cf. Aristotle frg. 549 Rose. Lampsakos: Plutarch Mor, De mul. virt. 18. 255a–e. 14 Herodotus 4. 17. 1; 4. 108. 2; Thucydides 4. 109. 3–4. Cf. Casevitz 2001. La Genière (1983, 266) assumes, with no proof, that marriages between Greek men who came alone and local women quickly resulted in a society of mixhellenes. Yet Herodotus’s examples of precisely such situations demonstrates that such societies were only of partial Greek character. Cf. van Compernolle 1983 for a similar, ‘only men’ approach. 15 I thank Thomas Heine Nielsen, my colleague at the European network of Ancient Greek Historians, for providing me with the following list: Emporion; Abakainon; Aitna; Alaisa; Galeria; Henna; Hippana; Imachara; Longane; Morgantina; Mysistratos; Nakone; Tauromenion; Laos; Poseidonia; Temesa; Adria; Ankon; Brentesion; Lissos; Spina; Lete; Sindos; Therme; Traïlos; Akrothooi; Charadrous; Dion; Kleonai; Olophyxos; Thyssos; Berga; Datos; Myrkinos; Sirra; Kypsela; Alexandropolis; Pistiros; Orgame; Gorgippia; Nymphaion; Pantikapaion; Theodosia; Gyenos; Phasis; Artaiou Teichos; Plakia; Skylake; Antandros; Azeia; Gargara; Amos; Amynandeis; Amyzon; Bargylia; Chalketor; Chios; Euromos; Halikarnassos; Hyrmisseis; Idrias; Idyma; Kalynda; Karyanda; Kedreai; Kindye; Latmos; Medmasos; Mylasa; Olymos; Pedasa; Telemessos; Termera; Tralleis; Xanthos; Aspendos; Perge; Side; Mallos; Posideion; Naukratis. 16 Malkin 2009.

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are mentioned in our sources.17 Another exception is specialists such as prophets (for example the Iamidai) or cult initiators, both men and women.18 Cyrene in Libya seems to offer a better case for mixed marriages among Greeks and Libyans. Having set out from Thera, the settlers spent two years on an offshore island, then proceeded to the mainland and settled for seven years in Aziris (Azilis), before proceeding, with Libyan cooperation, to their permanent site of Cyrene (Herodotus 4. 150–161). Poetical traditions elaborate on this. Pindar perhaps alludes to it when he says: For the sake of a Libyan woman they went to the city of Irasa, as suitors of the very famous daughter of Antaios with the beautiful hair. Many excellent kinsmen sought her (…) (Pindar Pyth. 9. 105–125, trans. D. Arnson Svarlien).

Antaios was a primordial being, vanquished by Herakles; Irasa, which the Greeks did not get, and over which many had lost their lives long after Cyrene’s foundation, represents colonial aspirations rather than reflecting realities.19 More to the point but of a much later date is the poetry of the Hellenistic Callimachus, a proud Cyrenaean who writes in the Hymn to Apollo (85–87) of the time the colonists were in their interim settlement of Azilis (Aziris): Greatly did Phoebus rejoice as the belted warriors of Enyo danced with the yellow-haired Libyan women when the appointed season of the Karneian feast came round (trans. H.G. Evelyn-White).

This is late foundation lore and cannot be given too much credence. On the other hand, since Cyrene had been the only colony in Libya, relatively distant from the southern shores of the Mediterranean where much of the Greek colonial activity took place, and serving as the source for other Greek foundations inside Libya, we do note some exceptions. We need not forget that the first exception is in its foundation story: Cyrene’s was a ‘colonisation by invitation’ since the site of Cyrene itself was indicated to the settlers by Libyans. Two generations after its foundation Cyrene expanded and got into conflict with Libyans. Then, following a civil strife, a reform backed by Delphi created new tribes, one of which consisted of the ‘Therans and the perioikoi’, apparently the dispossessed Libyans.20 The latter, it may be assumed, involved Libyan women as well. And yet that the distinction had been kept between who was a Greek and who was a Libyan (if that is what is meant by perioikoi)

17 Aside from the 4th-century foundation decree where we get some 180 personal names: Syll.3 141 18 For example; Telines at Gela (Herodotus 7. 153), the priestesses Kleoboia (Pausanias 10. 28. 3) and Aristarche, for which see the discussion below. 19 Malkin 1994, 169–91. 20 Herodotus 4. 161 with the discussion of Asheri et al. 2007, ad loc.

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points not to a métissage but to its opposite. In any case, these events do not pertain to the time of foundation, but to the third and fourth generation following it. Elsewhere Herodotus, interested in food taboos, mentions the peculiarity of the Greek women of Cyrene who supposedly ‘shared eating taboos with the local Libyan women’.21 Actually this is not what Herodotus says: he says that both Libyan nomads and Greeks were independently influenced by Egyptian religion. This does not seem to have much to do with intermarriage but with acquired habits: (…) they (the Libyan nomads) will not touch the flesh of cows; and they rear no swine. [2] The women of Cyrene, too, consider it wrong to eat cows’ flesh, because of the Isis of Egypt; and they even honour her with feasts and festivals; and the Barcaean women refuse to eat swine too, as well as cows (Herodotus 4. 186, trans. A.D. Godley).

The unique situation in Libya (no other mother city) allowed for alliances between Greek princes and ‘Libyans’; the foundation of Barke is spoken of in such terms (Herodotus 4. 160). There was also a Cyrenaian king named ‘Libys’, which seems to suggest xenia relations according to which one named his son after the ethnic of his guest-friend (for example, Thessalos, Tyrsenos).22 By the Hellenistic era we note that the distinction between Greeks and Libyans was kept: Ptolemy I ordered that the sons of Cyrenaian men and Libyan women were to have equal rights (which means they did not have such rights until then).23 Thus whereas Cyrene presents the best case for intermarriage in the literary evidence, it is obscure, sometimes mythological, it does not point to the first two generations of foundation, and actually shows that the distinction between Greeks and Libyans was kept alive even in the Hellenistic era. That Greek colonists did have Greek wives when they first settled is made explicit in the one case that might have settled the issue (Diodorus Siculus 12. 10. 6–7). It concerns the Athenian foundation of Thourioi, ostensibly a panhellenic venture. Thourioi (Herodotus too was among the settlers) was established together with the remaining citizens of the previously destroyed Sybaris. It is significant that tensions between the newcomers and the former Sybarites concerned also the wives of both groups, all of whom seem Greek: For a short time only did the Thourians live together in peace, and then they fell into serious civil strife, not without reason. The former Sybarites, it appears, were assigning the most important offices to themselves and the lower ones to the citizens who had been enrolled later; their wives they also thought should enjoy precedence among the citizenesses in the offering of sacrifices to the gods, and 21 22 23

Saltini Semerari 2016, 79. Malkin 1990. SEG 9, 1, l. 1–3.

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the wives of the later citizens should take second place to them; furthermore, the land lying near the city they were portioning out in allotments among themselves, and the more distant land to the newcomers (Diodorus Siculus 12. 11. 1–2, trans. C.H. Oldfather).

So clearly, at least at Thourioi, wives did accompany their husbands. It is inconceivable that native women of the first generation would demand to conduct, or even have any knowledge of, Greek sacrificial ritual. But how representative was Thourioi? As often happens in debates among ancient historians, what is representative for some is highly exceptional for others. Indeed, Thourioi was a relatively late colony of the Classical era and exceptional at that. Still the question must be posed: Did those Greek wives represent traditional practices that go back to the archaic era? My argument henceforth will lean to the former, and what the wives were quarrelling about gives us a further key: cult and religion. What the women of Thourioi were arguing about was the order of precedence ‘in the offering of sacrifices to the gods’. The very right to participate in those sacrifices (and the implied special knowledge for the ritual) is taken for granted and is not the point of contention. The ‘citizenesses’ belong to the cultic community just like the men do. In general, it was access to cult that gave expression to citizenship, and women belonged, not least, because of their special role in both the polis- and the household-cults. How non-Greek women could have fit in remains an unanswered, even an unraised, question. Could they participate (with song and dance) in prayers and hymns in the Greek language? Would they know the cultic mysteries surrounding birth and death? Could native women manage and participate in the exclusively feminine Thesmophoria, for example? T. Hodos attempts to by-pass Graham’s a priori argument that knowledgeable Greek women were sine qua non for the well-being of the polis and its religion by claiming that a single priestess could have taught the non-Greek women all they needed to know about the religion of the community.24 But this is highly unlikely. First, priestesses were not responsible for all feminine cults but had specialised functions.25 The two names we have of colonial priestesses concern precisely such a specific function. In the pan-Hellenic sanctuary of Delphi, exposed to all Greek eyes, the famous painter Polygnotos painted a picture of Kleoboia, a young priestess, bearing the rites of Demeter from Paros to its colony Thasos. On her knees was a chest customarily made for Demeter. The episode is placed at the time of Thasos’s foundation: ‘they say that she was 24 25

Hodos 1999. As is evident from Connelly 2007, 195.

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the first to bring the orgies (ta orgia) of Demeter to Thasos from Paros’ (Pausanias 10. 28. 3). The other priestess is Aristarche: when the Phokaians set sail from their home in Asia Minor westwards to found Massalia, they were ordered by an oracle to take for themselves as leader (hegemon) a priestess of Artemis of Ephesos, a Goddess who had once ‘led’ the Ionians in their original move eastwards. Taking sacred elements (aphidrumata, probably a cult image and perhaps some remains from an existing altar) with which to found a new cult, Aristarche left Ephesos and sailed away with the Phokaians. She was remembered as a ‘foundress’ of a specific cult which was also disseminated to Iberia and Italy (Rome’s Aventine Diana’s statue was an exact copy, for example).26 So we do get two names of priestesses as cult initiators, and their names remembered because of that fact. Their obvious specialised functions do not support the idea that they had an all-encompassing knowledge about polis religion to teach the natives. It could be claimed, of course, that the reason we hear of those women is that in general women did not come; they were the exceptions. This is possible, of course, but highly unlikely: first, because the sources give no hint in that direction; second, precisely because of the context to which the priestesses belonged: the full spectrum of Greek religion.27 Polis religion is not the only issue.28 Women practiced religion also around the household. For the individual settler his first priority was to found a new oikos, located on the kleros he would receive.29 The oikos was essential, and so was the religious activity linked with it. It is this wide spectrum of oikos religion which presents yet another strong a priori case for the need of Greek women precisely at the beginnings of a colony’s life. We need to remember that women’s rituals at the oikos revolved around the major life-cycle and implied the application of private, specific knowledge, taught from mother to daughter: pregnancy and birth, marriage, death, mourning, and rituals around the corpse. If a man, a new settler, meant to establish a new oikos, knowledgeable Greek women were absolutely necessary to achieve this goal.30 No priestess could have kept a school to transmit such knowledge to a group of two hundred native women.31 26

Strabo 4. 179. I have studied this in detail in Malkin 1991 and 2011, chapters 5–6. Cf. Rougé 1970, 312; Hodos 1999, 66. 28 Cf. on ‘polis religion’ (re-assessment) Kindt 2012. 29 This is often repeated. The earliest reference: Archilochus fr. 293 West = Athenaeus 1. 167 d. 30 Cf. Goff 2004; Dillon 2002, part 3, 209–92. 31 Two hundred is about the average for a colonial bridgehead. For example, the number is approximately similar for the two warships that constituted the bridgehead at Cyrene in the 7th century (Herodotus 4. 153) and the 200 settlers at Black Corcyra in the fourth (Syll.3 141). Two hundred is a significant number; for the sake of proportion the initial community at Jamestown, 27

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M. Dillon and B. Goff provide some telling illustrations for the religion of the oikos. Pregnant women would take daily walks to the temple of childbirth deities; while giving birth other women attend, participating in a complex ritual activity; special rituals involving Eileithyia and Artemis were the secret domain of women; they would cry the ololuge at birth and attend the amphidromia, the ritual integration of the newborn in the oikos; the grandmother visits temples right after a birth and make dedications. Women are also responsible for rites around the wedding and most of the ritual activity falls on the bride: for example, visiting the ceremonial brideroom in the temple of Artemis at Athens and Cyrene. More women were involved in the procession to the husband’s house. The brides had their attendants, nympheutria (Pausanias 9. 3. 7) and choruses of young women, singing and dancing. In the day after a wedding there were processions with gifts led by a kanephoros, a girl with a basket, and so on. Death is also a matter of the oikos and women have a special role in tending the corpse and lamenting. The notion of the oikos is extended in special cases: On the death of a Spartan king women cross the city beating on a lebes (used in weddings and funerals) and a free man and a free woman from each household were required to mourn (Herodotus 6. 23. 3). One major consideration is that unlike festivals, none of those activities depended on fixed, appointed times.32 This meant that women had to apply their special knowledge at a moment’s notice. If half of the entire community consisted of non-Greek women, that too would have been close to impossible. The presence of women in religion was ubiquitous. Strabo, who writes like a 19th century rationalist, comments: … All agree in regarding women as the chief founders of religion and it is the women who provoke the men to the more attentive worship of the Gods, to festivals, and to supplications, and it is rare thing for a man who lives by himself to be found addicted to these things (Strabo 7. 3. 4, trans. H.L. Jones).

J. Connelly quotes The Captive Melanippe (frg. 494K): And in divine affairs – I think this is of the first importance – we (women) have the greatest part (…oracles…). As for the holy rituals performed for theatres and the Nameless Goddesses, these are not holy in men’s hands; but among women they flourish, every one of them. Thus, in holy service woman plays the righteous role’.

Virginia, consisted of half that number. (‘History of Jamestown’, Jamestown Rediscovery retrieved on 15 November 2017 from https://web.archive.org/web/20090416222010/http://www. apva.org/history/index.html). 32 Goff 2004, 35.

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Vase paintings illustrate the active participation in ritual and cult, showing women with cult utensils and other cult-items, leading processions, offering prayers and libations, adorning animal victims, presiding over sacrifice, sprinkling incense, and tending to flames on the altar. Women’s specialised knowledge (for example, how to wash a female xoanon) was not something non-Greek women could have taught their children.33 Note, for example, the following feminine sacrificial details in a Milesian inscription of 276/5 BC:34 Whenever the priestess performs the sacrifice on behalf of the city …. The priestess shall supply the things needed for initiation in all secret rites … whenever a woman wishes to initiate (someone) in the rites of Dionysos Bacchios – whether in the city, in the countryside, or on the islands, she must pay a stater to the priestess at each biennial celebration (LSAM 48, l. 1–20).

Had local or ‘native’ household cults been taught to young daughters by their ‘foreign’ mothers, Greek colonies, all the way from the shores of the Black Sea to the western Mediterranean, would have quickly assumed a very different, discrete character. It is a simple, a priori, yet forceful argument: Greek poleis, whether in the mainland or elsewhere, usually appear ‘similarly Greek’ in their pantheons, calendars and cults. The similarity is especially remarkable with specific cults and sacred calendars found in both mother cities and colonies.35 Many of the polis cults were related to the feminine sphere of religion (male priests would normally serve male Gods and female priestessesGoddesses) and relied on a repository of ritual behaviour that was mostly feminine. The order of sacrifice, the point of contention at Thourioi, illustrates the close involvement of women in public rituals and as probable sharers in the ritualised feast. Robin Osborne presents us with an excellent study of the role of women in sacrifice. The few cases where women are explicitly forbidden access to sacrifice, as at Thasos, appear quite exceptional (in fact illustrating that usually women did have such access). Moreover, Osborne seems to successfully refute M. Detienne’s position that women did not share in the distribution of sacrificial meat.36 Greek communities were comprehensively defined (men and women) by cult. Proxenia decrees, for example, (allowing exceptions) demonstrate this well.37 The case of the trial Apollodorus against Neaera

33 34 35 36 37

Dillon 2002; Graham 1984; Malkin 1991. Connelly 2007, 179. Malkin 2011, chapter 6; see especially Robu 2014. Osborne 1993 contra Detienne 1989. Mack 2015; for female proxenoi: 25, n. 8.

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illustrates beyond doubt that miasma (pollution) threatened the city when a non-citizen female did participate in a polis cult. A ‘sacred law’ of Cyrene from the 4th century BC (containing a list of injunctions) derives its legitimacy from the framework of Cyrene’s foundation. It contains regulations for purification, many of which obviously concern women. Note how the special knowledge implied in such purifications is linked with the Apollo’s ‘charter’ for Cyrene’s foundation and the future well-being of the entire community, Cyrene: ‘Apollo pronounced. You should practice the following purificatory practices and solemnities and cult activities and so inhabit Libya forever’. It is as if the promise ‘to inhabit Libya forever’ depends on the religious bundle, masculine and feminine, that was the Greek cultic community’.38 So to what extent were non-Greek locals, whether natives or new migrants who came from the hinterland toward the coast, involved in the initial phases of settlement? We need to remember that many of the ‘native’ communities too were in the process of formation and movement,39 and some may not have been too eager to have their daughters intermarry. Despite some scholarly efforts, mixed marriages on any significant scale at the time of initial settlement remain a phantom. When we do hear something explicit about mixed marriages it is in a highly-formalised diplomatic agreements consisting in contracts between well-defined existing political entities that had been in existence for some time. Such were the later formal arrangements for inter-marriage among Segestans and Greeks in the 5th century (Thucydides 6. 6). Had intermarriages been so common, why were such formal agreements necessary? Using material indicia to trace non-Greek women has proven problematic, yielding scanty, ambiguous, hypothetical, and sometimes ideological reconstructions.40 It is necessary to note that ‘intermarriage’ is a ‘clean’, a-sexual term;41 it is misguided because it blocks the search for other likely contacts between men and women, such as prostitution or other informal contacts. By analogy, in the Old Testament, in the book of Judges, the hinterland hero Samson goes to a prostitute in the coastal Philistine city of Gaza (for such pursuits he chose to be far from home), illustrating a possible analogy between coastal Philistines (speaking an Aegean language) and hinterland Israelites, and costal Greek colonies and hinterland populations.42

38 39 40 41 42

Rhodes and Osborne 2003, 494–505, no. 97; Hodos 2006. Hodos 2006. See the balanced discussion of Shepherd 1999. Cf. Hodos 1999, 67. Malkin 2015.

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For a while a hypothesis related to fashion was in vogue. It was suggested that ‘Italic’ fibulae indicate the existence of women ‘from the mainland’, especially Etruscan, who supposedly came over to the island of Pithekoussai.43 Discussing women and colonisation, following G. Buchner, N. Coldstream basically limits himself to the highly exceptional Pithekoussai (ca. 750–675), a non-polis site (emporion?), not to later cases. Even if one were to accept the implication of fibulae, Pithekoussai is too exceptional, too early, and too unlike other Greek settlements that only started to be founded intensively a generation later. Moreover, since Etruscans were not natives to the bay of Naples, and like the Greeks were also maritime newcomers, assuming they had brought women with them (as Coldstream does) but not the Greeks merely shifts the question.44 Moreover, Coldstream does not take into account that the local, non-Etruscan elites of the Bay of Naples which also included women. In any case it is all highly conjectural. ‘In what circumstances, then, might (my emphasis) women from southern Etruria have migrated to the earliest Greek colony at or soon after its foundation?’. His solution is another hypothetical: ‘I suggest, then, that some at least of the first women at Pithekoussai moved there because of precolonial encounters at places like Veii’.45 His hypothesised second-generation Euboean-Etruscan children were bi-lingual, with some interesting implications for the diffusion of the Greek alphabet. All this remains highly speculative.46 When may we regard an object as signifying foreign ethnicity of women? C. Morgan rightly observes that only those artefacts which are used with social or political significance, and only under particular circumstances, deserve to be considered a mark of ethnicity.47 The detailed studies of T. Hodos and G. Shepherd seem to refute the fibulae hypothesis, in favour of issues of fashion and especially trade. Moreover, as G. Shepherd has shown for Sicily, both women-fashion, burial customs and even (as D. Mertens shows) architectonic styles, seem to have developed regionally, among Greek (or Sikeliote) communities.48

43 Buchner 1975; Guzzo 1982; Coldstream 1993. Discussion and refutation: Hodos 1999; Shepherd 1999. For interpretations of the pottery as possibly indicating intermarriage at Pithekoussai, see de La Genière 1972; cf. de La Genière 1983. Cf. d’Agostino 1999; Kelley 2012. For skeletal evidence (inconclusive, it seems), see Becker 1995. 44 Cf. Malkin 1998, 156–77; 2002. 45 Coldstream 1993, 94. 46 As are his comparisons to the case of the etiological story of the Carian women in Herodotus’s version about Miletus (Coldstream 1993). 47 Morgan 1999, 134. 48 Shepherd 1999; 2012. Cf. Coldstream 1993; Hodos 1999; 2006, Mertens 1990; 1996.

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Let us zoom in for a moment: L’Amastuola, a hinterland site in fashion for those claiming hybridity, is located in the region of Taras, a colony of Sparta founded around 706 BC.49 Its apparently mixed nature stands in contrast to the Greek-Spartan features of Taras itself, features that without the participation of women on a significant scale would seem most unlikely. The nomima of Taras are characteristically Spartan, and apparently came to include even Ephors. There were Spartan-like cults of Zeus Agoraios, Apollo Karneios, and Poseidon of Tainaron whose priests, at Taras, were called Tainaristai. At Tainaron we get the reverse direction: we learn ‘…that the colonists of Italy and of Taras’ dedicated a statue of Athena next to the temple of Poseidon at Tainaros. The Dioskouroi were also worshipped as were the Atreidai. The Spartan festival of the Hyakinthia, where women undoubtedly had a prominent role, is also found at Taras where Hyakinthos also had his tomb.50 Just consider some of the well-attested functions of women in the context of Spartan religion, and try to imagine Taras with native women and none of the following:51 specificities of cults, including dedications to Artemis and especially Eileithyia in the context of childbirth; the dance, music, procession, and song of girls’ choruses; the Hyakinthia and the weaving of the chiton to Apollo (Xenophon Hell. 4. 5. 11; Pausanias 3. 16. 2). In general, weaving implies recognisably Greek patterns. At the temple of Orthia were found small lead object representing weaving.52 Pausanias mentions 66 temples at Sparta, 35 of them were dedicated to feminine deities, corresponding to Aristotle’s statement that at Sparta women constituted ‘one half of the polis’ (Aristotle Pol. 1269b. 18). ‘Religious ceremonies at Sparta’, claims Plutarch, ‘were common to both boys and girls’ (Plutarch Mor. 239c). The recent study by N. Richer about Spartan religion 49

Burgers 1998; 2004; Crielaard and Burgers 2012. Tainaron: Pausanias 3. 12. 5; Hyakinthios: Polybius 8. 30. For some of Taras’s nomima, see Malkin 1994, 115–42. Wuilleumier 1939, 474–519. Osanna (1992, 4) advances an argument based on destruction of the previous settlement to argue that local men were massacred and their women taken by the colonists (a similar case is pointed out for Syracuse). However, it is an argument from silence and does not take into account the arguments from Tarentine religion advanced here. 51 See also Nafissi 2009. 52 Orthia too was worshipped at Taras (see Abruzzese Calabrese 2009). For a different reading of the relevant inscription, see Vallarino 2013. Weaving: Foxhall and Stears 2000; Sofroniew 2011. One would need to wait for the results of studies of looms and weaving, currently under way, to explore the field further. It would be natural to expect the results will indicate the presence of non-Greek women (slaves, wives, laborers). People do mix. But one would need to build a special case for the claim that mostly single Greek men came and founded their colonies with no Greek women. See http://www.tracingnetworks.ac.uk/content/web/showNews. jsp?id=12. In general, further studies of women’s specific work are needed (see Esposito and Zurbach 2010, 52). 50

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illustrates the point.53 There was a three-day Thesmophoria at Sparta, exclusively feminine, and significant for the well-being of the polis in general. The number of women actually involved in blood-sacrifice is also impressive, implying their fuller integration in the civic body. More specifically, women had a special role in the cult of Dionysos Kolônatas and at his shrine near the Spartan Eleusinion at Bryseai, where only women were allowed to view the statue (Pausanias 3. 14. 4–5). The wives of Spartan magistrates would meet separately to celebrate a mysterion (Plutarch Mor. 775e), perhaps similar to the Athenian Anthesteria. This emphasises the general role of women in secret cults and mysteries. In short, a full integration of the social, political, and civic body would have been impossible with only half the religion. There are three names of women who joined the first generation that have survived, the two priestesses mentioned above and Aithra, the Spartan wife who accompanied her husband Phalanthos to Taras. Her story seems folkloristic but may reveal the expectation that an oikistes would be accompanied by his wife.54 There was a tradition that Locri Epizephyrii was founded (in the early 7th century BC) with Spartan participation, not an inconceivable idea as such.55 It shared similarly doubtful themes with Taras’s foundation story: both were settled by bastards; while the Lokrian husbands were busy at war on the side of the Spartans, the women had intercourse with slaves and the colonists were their progeny.56 Locri was famous in antiquity for its strict code of laws, attributed to Zaleukos, for its hereditary oligarchy and the women of the ‘Hundred Houses’ and for its ancient sanctuaries, some of which, probably those to Aphrodite and Persephone, seem contemporary with the foundation. The ‘Hundred Houses’ of Locri seem to indicate the existence of an aristocracy of first settlers that included women. Domenico Musti has further argued for cult-specific functions (‘sacred prostitution’ for Aphrodite), reserved for those women.57 The sanctuary of Persephone was considered ‘the most famous temple in Italy’ (Diodorus Siculus 27. 4. 2) and her worship at Locri may have overlapped with that of Aphrodite. The scenes on a series of pinakes discovered there provide a rich, explicit expression of ritual activities of women.58 Lokroi, then, seem to provide another case where Greek women in their special religious function were associated with temples that were established during the first generation of foundation. 53 54 55 56 57 58

Richer 2012. Pausanias 10. 10. 6–8. Cf. Malkin 1987, 147–52; 1994, 115–21. Pausanias 3. 3. 1. Cf. Malkin 1994, 62–63. Polybius 12. 5–11; Pembroke 1970. Cf. Malkin 1994, 139–42. Musti 1977. Prückner 1968; Sourvinou-Inwood 1978. Cf. Redfield 2003.

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Fig. 2. Pinax representing Persephone, shrine of Persephone at Locri (Wikimedia Commons. Photograph courtesy of Museo Nazionale Archeologico at Reggio Di Calabria, Italy).

CONCLUSION There are other venues to explore, such as onomastics, especially concerning periods later than the first generation of settlement,59 and the implications of physical archaeology. Concerning religion, women were an integral part of it. Neither on the private level of the oikos, nor on the collective religion of the polis, would it have been possible to conduct worship without specialised feminine knowledge. When observing the entire Greek world, we may note that close to four hundred new city states were created after the 8th century. Dispersed as they were from the Ukraine to Spain, Greek poleis were remarkably similar to each other in some salient traits, religion and its organisation being one of the prominent ones. As I argue elsewhere, we may observe a network-phenomenon of a ‘Small Greek World’,60 whereby Cyrene in North 59 60

Hall 2004, especially 41 with nn. 23, 24. Malkin 2011.

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Africa, Massalia in southern France, Miletus in Anatolia, and Sinope on the shore of the Black Sea, were far more similar to each other than to their immediate neighbours. So I end with a return to the Small Greek World: suppose only Greek men came to found new settlements and took for themselves local women; since those women had no knowledge neither of the religion of the oikos nor of that of the polis, it is safe to assume that they would have practiced different rituals, or the same rituals differently, and that home-education (mother-daughter, for example), would have been specific to each site and region. Dialects too would have been greatly affected. Thus, within one or two generations each Greek colony, or at least each ‘region’ in which Greeks settled, would have developed along very different, idiosyncratic lines to such a degree that we would not have had a ‘Small Greek World’, characterised by Greek commonalities, and enhanced through (mostly maritime) networks. Libyan, Italian and Crimean women, for example, would have significantly changed regional characteristics. But since they were not a part of the foundation that set the template for centuries, so I argue, they did not, and we can indeed observe a Small Greek World where Greek religion is easily, and reciprocally, recognised. So those who still make the claim that Greek women did not come during the first generation of settlement, and soon after the initial military operation and the conquest of the settlement-site, need to confront this set of issues.

BIBLIOGRAPHY Abbreviations LSAM SEG Syll

F. Sokolowski, Lois sacrées de l’Asie Mineure (Paris 1955). Supplementum epigraphicum Graecum (Leiden 1923– ). W. Dittenberger, Sylloge inscriptionum graecarum (Leipzig 1883).

Abruzzese Calabrese, G. 2009: ‘Una dedica ad Orthia: appunti per una ricerca’. In D’Angela, C. and Ricci, F. (eds.), Il Castello aragonese di Taranto: Studi e ricerche 2004–2006 (Atti del II Seminario, Taranto, Castello aragonese, 6–7 giugno 2007) (Taranto), 209–14. Asheri, D., Lloyd, A. and Corcella, A. 2007: A Commentary on Herodotus Books I–IV, ed. by O. Muray and A. Moreno (Oxford). Becker, M.J. 1995: ‘Human skeletal Remains from the pre-colonial Greek emporium of Pithekoussai on Ischia (NA): Culture contact in Italy from the early VIII to the II century’. In Christie, N. (ed.), Settlement and Economy in Italy 1500 BC to AD 1500 (Papers of the Fifth Conference in Italian Archaeology) (Oxbow Monograph 41) (Oxford), 273–81.

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PART III

PRODUCTIONS MATÉRIELLES ET IDENTITÉS CULTURELLES

SÉLINONTE (SICILE): FONDATION MÉGARIENNE AUX CONFINS DE L’HELLÉNISME* Martine FOURMONT

Abstract The specific aspect of Selinous/Sélinonte/Selinunte arises from its geographical position, and its relations with the other peoples living in the area. Allogenic presences in Archaic Selinous, cultural and commercial exchange with Phoenicians, Elymians and Sicanians, and long-distance trading (for metals, for example) are all components of the identity of this Megarian colony. Some aspects of its workshops are studied, revealing important creativity and originality (in architecture, in sculpture in stone and clay, etc.), and the history of taste in Selinous and stylistic characterisation of its production. Altogether, as a port-of-trade open to the main trading currents, and as a colony with a large territory, Selinous presents an original character.

Il y a quelques années, un colloque intitulé Il greco, il barbaro e la ceramica attica1 s’est intéressé à la réception de l’imagerie grecque en milieu barbare, au ‘vedere greco’. Il me semble que nous nous plaçons en quelque sorte aujourd’hui dans la perspective inverse. Pour rester proche du thème qui nous est proposé, mes remarques concerneront essentiellement les productions sélinontines antérieures à la destruction de 409 av. J.-C. de la part des Carthaginois,2 sans tenir compte de la période où le site passe à l’Épicratie (Diod. Sic. 24. 1). On verra que la colonie mégarienne n’a pas attendu cette date pour insuffler dans nombre de ses créations un air non grec, aujourd’hui compris comme local ou régional, mais qui, probablement, reflète aussi une situation bien particulière de son peuplement. * C’est pour moi un grand plaisir de me trouver à Amiens et à Paris pour parler de Sélinonte, à l’invitation de Michela Costanzi et Madalina Dana que je remercie vivement. Sélinonte, en fait, reste un peu à l’écart des grands sujets enseignés ou exposés en France. Seul mon âge fait que je parle avant le Directeur du Parc archéologique de Sélinonte, avec qui, depuis maintenant 30 ans, je partage tant de souvenirs et d’idées concernant les questions sélinontines. Je le remercie pour son soutien et son accueil. Mes vifs remerciements vont au Parco, à la Soprintendenza Archeologica di Trapani et au Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’ de Palerme. C’est grâce à ces trois institutions que j’ai pu mener mes recherches. 1 Giudice et Panvini 2005. 2 Première destruction en 409 av. J.-C.: Thuc. 6. 1. 4; Diod. Sic. 13. 59. 4. Les deux auteurs parviennent à deux dates différentes pour la fondation de Sélinonte.

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ARCHITECTURE Commençons par regarder l’architecture monumentale, ce qui revient à dire les temples puisque, à part les stoai, les autres types monumentaux sont à peine connus. Il est admis que le temple d’Apollon à Syracuse3 a été le modèle des grands temples archaïques siciliens, pour Sélinonte, en particulier. Si l’Apollonion syracusain est fortement marqué par l’architecture de Corinthe, il présente déjà, disons, une ‘anomalie’, avec l’adjonction de l’élément ‘adyton’ qui caractérisera les temples de Sicile, mais pas tous – et sans pour autant réserver à la Sicile la forme d’édifice sacré avec adyton, que nous trouvons en Grèce propre, ou encore à Paestum, dans la Basilique, dédiée à Héra, dans la deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C. À Sélinonte se définissent des caractéristiques formelles propres, en particulier la largeur importante des ouvertures dans les temples, ou encore dans le propylon archaïque qui donnait accès au sanctuaire urbain.4 Cette large ouverture se trouve déjà dans les premiers édifices, du type megaron, de la génération antérieure aux temples à peristasis, par exemple au sanctuaire de la Malophoros (Fig. 1),5 et se maintient dans le plan du propylon de ce dernier,

Fig. 1. Megaron du sanctuaire de la Malophoros (d’après Mertens 2010, fig. 4). 3 4 5

Mertens 2010, 65. Mertens 2010, fig. 5. Temple de Héra, Mertens 2010, fig. 2.

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alors qu’il date de la fin du Ve siècle (Fig. 2), et dans lequel, comme l’a souligné Margaret Miles,6 se trouvent mélangés des détails attiques à un fond ‘local’ immuable. Ainsi, le profil du chapiteau d’ante et certaines moulures, le système de toiture avec ses poutres en bois, et la présence d’une recherche pythagoricienne des proportions, caractéristiques des créations architecturales occidentales, se combinent avec des façades dont les proportions, plus élancées, et le chapiteau sont un écho du dorique attique que nous trouvons en Grèce propre.

Fig. 2. Propylon du sanctuaire de la Malophoros (d’après Mertens 2010, fig. 45). 6

Miles 1998, 53–57.

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Une autre particularité est la présence d’une peristasis particulièrement profonde (Fig. 3), où il est inutile de chercher à reconstituer un embryon de pseudo-diptère. Ce dispositif est lié à des rituels de procession autour de la structure centrale du temple, tandis que l’augmentation progressive des niveaux de sol, depuis le pronaos jusqu’à l’adyton, accompagne le parcours vers sa partie plus sacrée. Dans la deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C., le temple C (Fig. 4) devient, à son tour, le modèle pour l’architecture religieuse en Sicile. Un cas unique, en Sicile et en Occident, est représenté par le temple G, dont les travaux, selon Dieter Mertens,7 ne peuvent avoir débuté après 520 av. J.-C., mais ils se sont déroulés sur une longue période.8 Ce géant hypèthre ne peut être confronté qu’au Didymaion de Milet, plus tardif – ou encore au vieux temple d’Athéna de l’Acropole d’Athènes, qui aurait pu l’inspirer. Or, si son plan, hypèthre, est le seul du genre à Sélinonte, il conserve encore l’adyton, avec une solution toute différente (Fig. 5).9

Fig. 3. Temple F. Large peristasis (d’après Mertens 2010, fig. 21). 7 Je préfère le plan de Hittorff et Zanth 1870, pl. 63–64, auquel Zoppi 2012 consacre un article. Ce plan – par ailleurs trop allongé – mentionne deux accès de communication entre la cella et l’opisthodome, particularité qui est tombée dans l’oubli par la suite. 8 Voir l’inscription variablement datée entre le second quart et la fin du Ve siècle, et les notes de l’Archivio Storico du Musée ‘Antonino Salinas’ de Palerme – Dossier 706, 1871–74 – qui démontrent que le temple était utilisé, même s’il n’a jamais été terminé: lors de son premier et partiel dégagement, on a trouvé de nombreux vases en verre, offrandes qui n’ont jamais gagné les dépôts. 9 Le parallèle peut de nouveau être établi avec le Didymaion.

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Fig. 4. Temple C et progression des niveaux (d’après Mertens 2010, fig. 17).

Le temple E, d’époque sévère, présente des détails (Fig. 6) qui ne correspondent pas à l’évolution générale du dorique du temps, en particulier le chapiteau d’ante aux proportions allongées et au profil tendu, dont l’arrondi supérieur du bec est réduit au minimum; la partie concave est peu recreusée, et sa moitié inférieure est pratiquement verticale. Une autre ‘invention’ sélinontine est l’adjonction d’un astragale, moulure ionique, que nous voyons apparaître, par exemple, sur le couronnement du même temple E.10 À Sélinonte, apparaît dans le temple A – considéré par Mertens comme légèrement antérieur à la deuxième moitié du Ve siècle –, le premier exemple dans l’architecture grecque d’escalier en colimaçon intégré à la structure interne de

10

Shoe Meritt 1952, pl. IV, 3–4.

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Fig. 5. Temple G (d’après Mertens 2010, fig. 26).

l’édifice (Fig. 7),11 alors que ses dimensions réduites le rapprochent des temples d’Agrigente;12 l’inclinaison des colonnes vers la cella renvoie directement aux modèles attiques. L’autel du temple A, avec son ordre dorique complet (Fig. 8), y compris les colonnes, est une autre invention de Sélinonte, qui ne sera dépassée qu’à l’époque hellénistique.13 LES PRODUCTIONS FIGURÉES Je ne traiterai pas ici de façon exhaustive de l’évolution du décor architectural, mais m’arrêterai plutôt sur certains détails qui, à mon sens, ne cadrent pas totalement avec une lecture strictement hellénique, ou encore corinthienne, généralement admise. Les métopes antérieures au temple C Ce sont les ‘piccole metope’ des temples X et Y, dont l’emplacement est inconnu. Elles constituent deux séries, conservées au Musée Salinas de Palerme; 11 12 13

Mertens 2010, 90. En particulier du temple de la Concorde, Mertens 2010, 88. Mertens 2010, 91; Voigts 2011.

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Fig. 6. Temple E, ante (© M. Fourmont. Courtoisie du Parco Archeologico di Selinunte – Cave di Cusa).

Fig. 7. Temple A, avec escalier en colimaçon (d’après Mertens 2010, fig. 39).

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Fig. 8. Temple A, autel (d’après Voigts 2011, fig. 143 et 147).

à la première est attribuée la seule métope au sphinx, la deuxième a conservé quatre métopes: deux représentent Déméter, avec Perséphone, sa fille, et avec Hécate, lorsque cette dernière accueille mère et fille, au retour de l’Enfer, une représente la Triade apollinienne; la dernière, Europe sur le taureau (Fig. 9), retient mon attention: en effet, le traitement de l’œil du taureau me paraît lié aux œuvres phénico-puniques. On peut se référer au petit taureau de Tell Arqa, au Liban, mais, plus proche, à celui de Kerkouane (Fig. 10), qui fut détruite par les Romains au milieu du IIIe siècle, dans les mêmes années que Sélinonte. Marie-Christine Villanueva-Puig a souligné combien sont rares les représentations d’Europe sur le taureau dans la céramique attique à figures noires, pour laquelle seuls sont recensés cinq cas.14 C’est, en fait, avec la figure rouge que le thème se développe. De son côté, Clemente Marconi15 insiste sur l’image comme symbole du voyage sur la mer, et donc des colonies lointaines: nous la retrouvons, par exemple, à Paestum. 14 Villanueva-Puig 1987, 131–32. L’auteur démontre que les autres scènes représentant une femme sur un taureau renvoient aux Nymphes. 15 Marconi 2007, 90–96 et 210–12.

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Fig. 9. Petite métope: Europe sur le taureau (d’après Fourmont 2013, fig. 70).

Fig. 10. Kerkouane, protomé de taureau (© M. Fourmont).

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La céramique L’étude des productions sélinontines figurées est à peine à ses débuts; il n’y a d’ailleurs pas si longtemps qu’on peut démontrer l’existence de productions à vernis noir,16 à côté des innombrables séries communes ou encore dans le style de Gnathia.17 Mais, il existe au Musée Archéologique Régional ‘Antonino Salinas’ de Palerme, un vase jadis à figures noires, décoré de scènes incisées (Fig. 11). Marconi18 s’en sert pour souligner l’importance du thème du poisson à Sélinonte, et le date ‘vraisemblablement de la première moitié du VIe s.’. Il remarque l’indéniable ressemblance avec la métope de l’‘Enlèvement d’Europe’, qui, pour moi, aura inspiré l’artisan, même s’il existe quelques rares exemples de ce motif dans la céramique corinthienne. Or, outre l’illustration de Marconi et de Christiane Dehl-von Kaenel, dans son ouvrage sur la céramique de la Malophoros,19 j’ai pu vérifier l’iconographie de deux fragments grâce à un cliché de l’Archivio Fotografico du Musée ‘Antonino Salinas’. En travaillant l’image à l’aide de Photoshop, j’ai restitué les personnages qui, sur le pont d’un bateau, s’affairent à manœuvrer la voile. Cette scène, pour évanide qu’elle soit, présente un grand intérêt pour notre démonstration. En effet, outre le fait qu’elle nous donne une image de la vie quotidienne à Sélinonte, elle révèle un minuscule détail: le personnage qui, au centre et vers le bas, monte la voile, n’a rien d’un Grec. Par contre le profil, l’œil, la chevelure et la boucle qui pend à son oreille en font un parfait Punique. Ceci démontre bien que l’image du Punique est présente à Sélinonte dans les années où s’érigent les temples qui vénèrent le Panthéon hellénique. Ce même type physique, cette même boucle à l’oreille se reconnaissent sur un petit autel généralement considéré comme une œuvre corinthienne (Fig. 12). Les terres cuites Les arts dits mineurs foisonnent de traits particuliers par rapport à la Grèce propre. Si certains sont partagés avec les autres productions de la Sicile grecque, d’autres sont propres à Sélinonte. La caractéristique commune à toutes les fondations coloniales, au moins celles occidentales – mais pas seulement, je pense à Thasos – est la combinaison nouvelle des traits iconographiques et stylistiques qui définissent les grandes productions de Grèce de l’Est, de Corinthe, d’Athènes et d’autres 16 17 18 19

Fourmont 1992. Fourmont 2016. Marconi 2007, 211 et fig. 98. Dehl-von Kaenel 1995, 403 et n° 4000.

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Fig. 11. Vase sélinontin archaïque à figures noires, avec personnages sur un bateau (© M. Fourmont. Courtoisie du Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme).

Fig. 12. Petit autel, avec figure de démon à boucle d’oreille (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme).

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sites. Cet aspect a bien été dégagé par Francis Croissant dans son étude sur la transmission des modèles corinthiens dans les colonies achéennes durant la deuxième moitié du VIIe siècle.20 On pourrait relever ce même libre agencement et mélange des ‘traits importés’ dans les terres cuites sélinontines archaïques, inspirées par les modèles corinthiens, mais aussi de Grèce de l’Est, ou encore, un peu plus tard, par les productions attiques. Je citerai quelques exemples, tirés des innombrables illustrations connues depuis la publication d’Ettore Gabrici pour ses fouilles au sanctuaire de la Malophoros,21 en 1927, et, depuis lors, étudiés par séries typologiques qui permettent de dégager des caractéristiques originales. La collection des figurines de terre cuite du Musée Pepoli de Trapani, composée en grande partie d’exemplaires provenant de Sélinonte, a été étudiée par Luana Poma.22 Même s’il s’agit d’une collection, et non pas d’un ensemble exhaustif d’objets provenant d’un lieu précis, les remarques de L. Poma, qui tiennent compte de toute la bibliographie publiée depuis le volume de Gabrici, sont révélatrices d’un aspect qui, cette fois, est spécifique de Sélinonte. Il s’agit des emprunts directs aux créations puniques. Ces emprunts se rencontrent dans des particularités techniques, mais aussi dans l’iconographie, et ceci sur une longue période, qui couvre les époques archaïque et classique. Du point de vue technique, et comme le signalait déjà Maurizio Riotto en 1984,23 l’adjonction de certains éléments, comme les bras (Fig. 13), vient du monde punique, tout autant que le type de la figurine avec le bras, cette fois solidaire du corps, mais levé vers la tête (Fig. 14), ou celui avec les deux bras levés, ou encore la présence d’éléments en demi-lune sur le pectoral (Fig. 15) des séries dites d’Athéna Lindia étudiées par Martine Dewailly.24 Ce détail me conduit à signaler que les emprunts existent également en sens opposé: les Puniques ont emprunté à Samos le motif des statuettes avec un disque sur la poitrine (Fig. 16),25 qui renvoie à des cymbales, alors que Sélinonte reprend le trône des figurines gréco-orientales.

20

Croissant 2003. J’avais relevé ce singulier éclectisme, voir Fourmont 1991. Gabrici 1927. 22 Poma 2009. 23 Riotto 1984. 24 Dewailly 1992. 25 Par exemple, la figurine en ivoire Samos inv. E 148: Brize 1997, fig. 15. Cette statuette, offrande datable de fin du VIIe/début du VIe siècle, renvoie à une série d’ornements de ‘tuemouche’ de Nimrud (Barnett 1975, 103–06, Cat. S, 191–235, pl. 72–76). Brize 1997, section 39, souligne toutefois le décalage chronologique de plus d’un siècle avec les objets trouvés à Nimrud. 21

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Fig. 13

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Fig. 14

Fig. 13. Terre cuite avec bras ajoutés (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme, N.I. 180 n). Fig. 14. Terre cuite avec bras levé (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme).

L’existence de terres cuites d’influence punique est confirmée par l’étude des protomés d’Elsbeth Wiederkehr Schuler,26 dont le groupe 11 est représenté par 68 exemplaires, répartis en 6 types (Fig. 17). Ces productions occupent la période 510–480 av. J.-C., mais son groupe 3 mélange, en plus, des traits ioniens et puniques. À la même époque, les ateliers sélinontins créent les protomés réunies dans le groupe 12 de la Wiederkehr Schuler. Il est caractérisé 26 Wiederkehr Schuler 2014, 183–90, ‘groupe 11, modèles puniques’. Cet aspect punicisant a été bien compris des habitants de Mothyae où, dans le tophet, ont été trouvés trois des types produits à Sélinonte: types 1B, 9D et 12G (Wiederkehr Schuler 2014, 70, n. 11).

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Fig. 15. Terre cuite avec bras levés et pectoral (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme, N.I. 260 n).

par ‘des joues aplaties, presque sans pommettes, des yeux effilés aux paupières souvent larges […] et une bouche droite, aux lèvres serrées, sans sourire ou avec un sourire à peine perceptible’,27 qui ne sont pas sans rappeler les visages de certaines des métopes du temple C. À part quelques rares références à des modèles de Grèce de l’Est, partagées avec le groupe 4, d’influence ionienne,28 ce groupe ne trouve rien d’équivalent dans les productions de la Grèce propre, ni de l’Occident. Cette fois, pas de trace de l’habituel éclectisme, et c’est ce groupe qui, bien que représenté par peu d’exemplaires, est défini par le plus grand nombre de types. Dans cette série existent des statues de grandeur naturelle.29 Tout ceci démontre la grande liberté et le foisonnement formel de ces créations sélinontines. 27 28 29

Wiederkehr Schuler 2014, 191–92. Croissant 1983, 69–91, pl. 17–27, attribue ce groupe à Chios. Voir Wiederkehr Schuler 2014, 73, diagrammes 6–7.

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Fig. 16. Samos, figurine d’ivoire avec disque pectoral, inv. E 148 (d’après Brize 1997, fig. 15).

Ces caractéristiques se trouvent également présentes dans certaines statuettes de terre cuite de même époque. Il semble que l’on puisse les attribuer à un même atelier et à deux artisans actifs de la fin du VIe siècle jusqu’au seuil du style sévère,30 qui s’inspirent donc probablement des métopes du temple C, dont la construction a commencé presqu’un demi-siècle plus tôt, mais a dû se prolonger jusque vers 510, si l’on suit l’analyse stylistique de Marconi.31 D’autres représentations ne rentrent véritablement dans aucune catégorie; il s’agit d’un certain nombre de terres cuites dont les caractéristiques ne sont plus grecques, et ne sont pas connues dans les productions non helléniques 30

Le type 12J illustre clairement le passage à ce nouveau style. Marconi 2007, 179–84. L’auteur propose de reconnaître la main de trois sculpteurs, dont le ‘maître’ serait d’origine corinthienne ou syracusaine. Une telle analyse est donc en opposition légère pas rapport à celle de Wiederkehr Schuler pour son groupe 12. 31

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Fig. 17. Protomé: Wiederkehr groupe 11 type 11A1.1 (d’après Wiederkehr 2014, 54, pl. 44).

voisines. Je pense à cette tête32 si fraîche, mais inclassable (Fig. 18), avec cette coiffure que l’on rencontre dans d’autres terres cuites plus ‘régulières’, et dont 32 Riotto 1984, 68, fig. 9–9bis. Wiederkehr Schuler la place dans son groupe 14, ‘inclassable’; il s’agit du type 14H1.1 (Wiederkehr Schuler 2014, 87, pl. 77), toutefois l’auteur ne peut assurer qu’il soit question d’une protomé.

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le profil est vraiment hors de toute comparaison possible. Il doit s’agir d’une autre facette de la créativité des coroplates sélinontins. D’autres représentations, protomé, mais aussi figure indépendante, ou buste, démontrent que cette caractéristique ne concerne pas seulement la série étudiée par la Wiederkehr Schuler. Je donne l’illustration d’un autre buste (Fig. 19),33 juste pour rappeler que toutes les terres cuites de Sélinonte ne sont pas comme les exemplaires ici présentés. Mais le célèbre ‘Éphèbe’, cette fois œuvre d’un bronzier (Fig. 20), est lui aussi marqué par de nombreux particularismes.34 Il est intéressant de constater que la période de majeure influence du monde punique se situe dans les décennies de fin VIe–début Ve siècle, c’est-à-dire lorsque la menace sur l’Hellénisme atteint son apogée, en Grèce propre comme en Occident.35 À côté des groupes 11 et 12, paraissent les créations influencées par des modèles coloniaux siciliens ou d’Italie méridionale.36 On reconnaît des protomés produites dans les ateliers d’Agrigente, Géla, Camarina, Syracuse, Locres, Métaponte et Medma, mais, même au VIe siècle, cette influence sur les productions sélinontines reste faible. Tout ce groupe démontre qu’il a été créé par contamination des statuettes. Cette influence ‘occidentale’ perdure dans le Ve siècle.37 Elle se place en parallèle avec ce que Mertens remarque dans l’architecture, par exemple pour le dispositif du pronaos du temple G, avec ses 4 × 2 colonnes qui rappelle celui du temple d’Athéna à Paestum.38 Le moment est venu de rappeler que certaines defixiones sélinontines indiquent clairement la présence de Puniques, en particulier de personnages dénommés Magon, de rappeler enfin qu’au lendemain d’Himère, Giscon est accueilli par Sélinonte où il finit ses jours (Diod. Sic. 13. 43. 5), ce qui fait rêver de parvenir, un jour, à identifier sa tombe. J’ajouterai un unicum, un didrachme39 (Fig. 21) authentifié par la regrettée Aldina Tusa Cutroni, et daté de 480–466, qui présente dans un carré incus les habituelles lettres qui abrègent le nom de Sélinonte plus le signe de Tanit. 33 Ce buste provient de la maison située à l’angle de la rue EE2, en face de l’îlot FF1 Nord, que j’ai fouillée dans les années 1970. L’objet est aujourd’hui exposé au Musée Archéologique Régional ‘Antonino Salinas’ de Palerme. 34 Il s’agit d’une statue de ca 0.85 m de haut, trouvée dans la nécropole de Galera-Bagliazzo, au Nord de la ville antique. 35 Ces tensions aboutiront aux batailles de Salamine et d’Himère, en 480 av. J.-C. 36 Wiederkehr Schuler 2014, 207–29, groupe 13. 37 Un exemplaire date même du IVe siècle, Wiederkehr Schuler 2014, 71. 38 Mertens 2010, 82. 39 ‘Didrachm 480/466. UBS Gold and Numismatics, Auction 56, Lot number 60, January 28th 2003. Price realized: 750CHF. Selinon leaf. Parsley leaf in incuse square. Traces of lettering (monogramm -S-L-L). Weight: 8.01 g.’. La monnaie a été remarquée par Antonello Rizzo que je remercie.

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Fig. 18. Terre cuite: tête juvénile avec frange en boudin gaufré Wiederkehr 14H1.1 (d’après Wiederkehr 2014, 87, pl. 77).

Fig. 19. Buste provenant de l’îlot EE2 (fouilles M. Fourmont) (© Archivio Fotografico del Museo Archeologico Regionale ‘Antonino Salinas’, Palerme, N.I. 66249 n).

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Fig. 20. Éphèbe de bronze (d’après Moreno 2010, fig. 10).

Fig. 21. Didrachme de Sélinonte avec signe de Tanit au revers (Internet, UBS Gold and Numismatics, Auction 56, Lot number 60, January 28 2003. Courtoisie A. Rizzo).

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À partir des années postérieures à 480 av. J.-C., se développe un courant attique que nous avons entr’aperçu en architecture et que nous retrouvons dans les belles séries de peplophores, elles aussi mêlées d’autres éléments (Fig. 22). Née de sa position maritime, et ayant rapidement développé des échanges avec les autres populations de l’Ouest sicilien, dont elle conquiert d’ailleurs une partie du territoire, Sélinonte devait avoir le visage d’une grande cité portuaire où se croisent toutes les populations de la Méditerranée, celui d’une sorte de Marseille de l’Antiquité. Il y a donc une ou des explications locales et régionales à sa nature particulièrement mélangée, et à l’éclectisme de ses productions, mais il est bon de ne pas oublier que cet échange d’éléments entre les cultures devient un phénomène

Fig. 22. Terre cuite: Péplophore (© M. Fourmont).

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généralisé dans toutes les expressions de la culture grecque au lendemain de Salamine et d’Himère, lorsque se développe un esprit d’émulation entre les cités, qui ont désormais formé leur propre style. Ce phénomène reflète une véritable émergence d’un sentiment d’identité régionale occidentale, qui va de pair avec l’internationalisation qui se dégage des réflexions sur l’architecture, comme le démontre M. Miles dans son étude du propylon de la Malophoros.40 Cette présentation a en fait touché les trois niveaux que, de son côté, Henk Versnel reconnaît dans la culture religieuse grecque ‘marquée par une multitude d’horizons: un horizon local, un national et un international’.41

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Voir supra, n. 6. Versnel 2011, 110.

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LES FORTIFICATIONS DE LA SICILE OCCIDENTALE ET DANS LA CHÔRA DE SÉLINONTE Enrico CARUSO

Abstract The particular focus on the part of classical archaeologists on Greek culture in Sicily means that modern scholarship has all too often neglected the contribution of other people who appear to have played a critical role within the island’s history, including the indigenous (the Sicels, Sicans and Elymians) and the Phoenicians. In keeping with this line of interpretation, scholarship on fortifications has generally regarded the Greek as the only culture to have made substantial contributions in Sicily both as regards defensive and obsidional techniques, as best revealed by the case of the Euryalus castle in Syracuse. Likewise, the fortifications of the North Gate in Selinous/ Sélinonte/Selinunte are generally considered as one of the main accomplishments of the Sicilian Greeks. As a consequence of this approach, Phoenicians and Punics, considered in earlier scholarship as the inventors of war machines and new original defensive systems, have been relegated mainly to the role of spectators, in one of the fields where they may in fact have been the more creative. The fortifications found in western Sicily, by featuring a number of original solutions, which are repeated over time and in different centres, strongly suggest that it was precisely the experience of Phoenicians and Punics that helped developing, within the context of the Punic Eparchy in western Sicily in the 4th and 3rd centuries BC, a series of cutting-edge solutions. There is, in this regard, a link connecting the fortifications of Phoenician Motya with those of Punic Lilybaeum: this second centre features a series of original solutions which are without comparison in the rest of Western Sicily. Likewise, the fortifications of Eryx, Segesta, Monte Adranone and Heraclea Minoa present us with unique solutions alien to the Greek tradition. Attributable to the Phoenician-Punic component in this part of the island, these solutions find the most significant application in the fortification system of the North Gate at Selinous.

Très rarement les données archéologiques ont trouvé une correspondance aussi précise qu’avec ce que nous raconte Diodore de Sicile (14. 18. 2–5) à propos de la construction des murs d’enceinte de l’Épypole de Syracuse, particulièrement du mur Nord. À part les renseignements sur l’étonnante rapidité de la construction de ces derniers, bâtis, comme l’a bien montré D. Mertens,1 en un 1

Mertens 2001, 249–52; 2012, 23–24.

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temps très court, cette description parle également de l’édification, par tranches successives, d’un mur d’enceinte qui suit le sommet et le bord d’une colline, ce qui accroît sa valeur défensive. Les études plus récentes ont montré que l’Euryale, qu’on avait imaginé dans un premier temps être l’œuvre de Denys l’Ancien, a été construite sur une très longue période qui se déroule sur deux siècles, par conséquent durant les règnes de Denys, de Timoléon et d’Agatocle (Fig. 1). Diodore nous apprend aussi que la construction procède de façon continue en suivant le bord de l’escarpement, et avec une absence presque totale de tours tout au long du périmètre, sauf aux points névralgiques plus importants, les portes: par exemple, il n’existe que 10 tours sur presque 6 km dans le secteur nord.2 En effet ce que nous savons de la poliorcétique dans les villes grecques de Sicile nous montre des solutions simples que l’on retrouve adoptées sur la plupart des sites. Quelle est cette solution simple, que l’on suit sur plusieurs siècles? S’agit-il des murs qui longent le bord d’un haut-plateau, parfois une ligne de rochers, normalement sans l’adjonction, ou avec un nombre très réduit de tours, parfois une ou rarement deux à proximité des portes qui sont du type ‘à tenailles’,

Fig. 1. Le Château Euryale de Siracuse, phases de construction (d’après Tréziny 1996, 350).

2

Mertens 2012, 23.

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comme, une fois encore, à Syracuse?3 Les exemples de Sicile sont nombreux, et ils se répètent de façon constante. Si l’on prend l’exemple de Camarina, on voit que les parties visibles de l’enceinte du VIe siècle montrent de longs murs avec seulement trois tours, une du Ve siècle, près de la porte orientale (mais les fouilles n’ont jamais été achevées),4 et deux autres sur le bord sud, une vraisemblablement près d’une porte.5 À Morgantina, dans le centre de la Sicile, on connaît les murs du périmètre de la ville archaïque sur la Colline de la Cittadella, et ils sont sans tours. Mais c’est aussi dans la ville classique, fondée au milieu du IVe siècle av. J.-C., sur le site de Sella Orlando, que l’on peut remarquer une organisation menée sans solution de continuité, donc encore une fois sans tours, à part trois sur le côté sud, et peut-être près de la porte orientale qu’on connaît très peu, imaginée seulement pour des raisons obligées qui dépendent de l’aménagement du côté oriental de la ville et de ses rapports avec la chôra.6 À Tyndaris, dans la ville fondée par Denys l’Ancien, en 396 av. J.-C., on retrouve des murs le long de la terrasse et des tours aux extrémités de la porte à tenailles,7 en vrai demi-cercle (Fig. 2), qui nous rappelle les portes de Leontinoi ou de Syracuse (Fig. 3), bâties par le même Denys. Dans la partie occidentale de l’île, totalement phénicienne, on trouve des murs d’enceinte crénelés, ponctués de tours équidistantes. Le cas de Mothyae, l’ancienne colonie phénicienne, nous montre un agencement, le mieux étudié à ce jour par A. Ciasca, où, au cours des siècles, les fortifications ont été remaniées plusieurs fois jusqu’au moment où elles prennent leur forme définitive de circuit ponctué de tours rectangulaires construites à l’origine avec un rapport de 1:2, mais qui évolue jusqu’à rejoindre celui de 1:1.8 Seule la Porte Nord, dont J. Houel nous a laissé une gravure qui la représente vue du Nord, à la fin du XVIIIe siècle, quand celle-ci était encore dans son organicité, montre un dispositif singulier,9 absolument original – en grande partie démonté dans un deuxième temps, le mur est aujourd’hui disparu –, avec un mur avancé sur le côté droit de la porte qui conduit à une tour avancée de forme trapézoïdale (Fig. 4). Ce dispositif sera, à mon avis, repris par la suite 3

Mertens 2001, 244–45, fig. 3. Di Vita 1998, 206–10. 5 Torelli 1992a, 207. 6 Caruso à paraître c. 7 Cavalieri 2000, 190–92, fig. 4–6. 8 Ciasca 1986, 222–23 (phase a), et 225–26 (phase d). 9 Ciasca 1980–81, 865: ‘In corrispondenza di questa fase [fase c] è probabilmente da collocare uno spostamento del nucleo della Porta Nord verso il mare’. Ciasca 1995: ‘Nella fase quarta (fig. 3) la cortina raggiunge lo spessore di m 5.20, con torri quadrate di m 11-12. […] In corrispondenza della Porta Nord viene ristrutturata e prolungata la difesa aggettante..’, 275–76. 4

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Fig. 2. Tyndaris, la porte à tenailles (d’après Cavalieri 2000, 191, fig. 4).

comme modèle poliorcétique, et dans plusieurs cas, dans l’Ouest de l’île. Ce type de fortification servait évidemment à obliger les ennemis à tourner autour de la tour avancée avant de rejoindre la porte sous le tir de l’artillerie. La Porte montre un passage double, d’entrée et de sortie, que nous retrouverons à Ségeste comme aussi à Sélinonte. On retrouve les mêmes murs crénelés à Éryx, la ville élyme, toute proche de l’établissement phénicien de Mothyae. Cette ville antique présente, comme j’ai pu le démontrer dans mes études sur ses fortifications, des phases dont, comme pour Mothyae, on peut assez bien suivre l’évolution: sur le côté ouest, près de la Porte Trapani, on retrouve les tours rectangulaires avec un rapport de 1:2. Plus loin, presque à mi-parcours, on reconnaît une tour un peu plus tardive, avec un rapport de presque 1:1, rapport que l’on retrouve encore

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Fig. 3. Portes ‘à tenailles’ de Leontinoi et Syracuse (d’après Cavalieri 2000, 193, fig. 5–6).

dans la plus grande tour, la plus récente, bâtie avant l’abandon de la ville en 250 av. J.-C., à l’extrémité nord-est de l’enceinte, près de la Porte Spada (Fig. 5.1). Enfin, nous voyons une tour rectangulaire dont la forme et le sens peuvent être comparés avec la tour de la Porte Nord de Mothyae, et que l’on verra par la suite.10 La Porte Spada présente trois phases: l’originale, la médiévale, et une dernière moderne. 10

Caruso à paraître b.

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Fig. 4. Les murs d’enceinte de Mothyae, secteur nord-occidental, et la Porte Nord (d’après Ciasca 1993, tav. VI).

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Fig. 5. Secteur nord du plan d’Éryx avec les monuments principaux et les murs d’enceinte (© E. Caruso).

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En effet, le plan des fortifications a été étudié à la fin du XIXe siècle par A. Salinas (Fig. 6). Il avait alors eu le mérite de montrer qu’il s’agissait d’une construction phénicienne, grâce à la découverte de lettres en alphabet phénicien gravées sur les blocs. Dans son étude, Salinas ne signale aucune tour dans le secteur sud, par contre il signale un ‘propugnacolo’ sur le côté de la Porte du Carme,11 qu’il imagine ‘moderne’ (Fig. 6d) et dans lequel nous reconnaissons une tour avancée (Fig. 5 et 7). Cette tour dont on voit combien elle est en saillie par rapport à l’enceinte, et qui se trouve en avant sur le côté droit de la porte, possède finalement une forme régulière: une tour presque carrée à l’extrémité d’un mur (Fig. 7). Je ne crois pas que ce schéma soit moderne ou médiéval car il ressemble trop à ce que nous rencontrons à Mothyae et, on le verra, dans les remparts de Ségeste, encore une fois, ville élyme dans la région de l’Éparchie punique. Le plan de la fortification de Ségeste nous montre deux lignes fortifiées dont la plus ancienne est la plus basse, tandis que la plus récente se trouve en deuxième plan, en arrière par rapport à la première (Fig. 8).12 Les deux lignes fortifiées sont tout à fait différentes. Au centre de la première ligne, nous trouvons une porte, la Porte de la Vallée13 (Fig. 9). Cette porte a plusieurs phases (Fig. 10). Tout d’abord, une bipartition au centre, et des murs qui pliaient à angle droit; dans une seconde phase, un renforcement, grâce à l’adjonction de deux tours en correspondance des revers des angles internes des murs. Ici nous trouvons de nouveau le rapport de 1:2. Puis, un côté de la porte sera fermé; plus tard encore, la porte sera complètement fermée, devenant ainsi à son tour un véritable rempart; enfin, semble-t-il, un fossé sera creusé.14 Mais ce sera seulement au IIIe siècle av. J.-C. que la ville, probablement détruite, sera refondée par Agatocle avec un nouveau nom: Dikaiopolis, la ville de la Justice,15 et c’est probablement à cette période qu’est bâtie la deuxième ligne fortifiée. Cette ligne, en effet, ne trouve aucune comparaison avec les autres enceintes fortifiées. Elle est composée d’une alternance de segments entre deux tours, longs de 44 m, à l’intérieur desquels vient s’insérer un segment avec, à midistance, un redent saillant de 2 m (Fig. 11), ce qui permet de mieux éloigner l’assaillant en le tenant sous le tir des flèches. Mais c’est une autre chose qui, à nos yeux, rend la deuxième ligne de fortification intéressante: la présence d’une tour avancée à droite de la porte 11 12 13 14 15

Salinas 1883, passim, fig. 1d. Cabianca et Camerata Scovazzo 1996, 52, fig. 43. Favaro 1997, passim. Favaro 1997, 689–90. Bruno Sunseri 2000, 188–90.

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Fig. 6. Murs d’Éryx et lettres d’alphabet phénicien (d’après Salinas 1883, tav. 1).

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Fig. 7. Détail de la fig. 5: le ‘propugnacolo’ au nord de la Porte Spada (© E. Caruso).

méridionale.16 La tour, avec son plan presque trapézoïdale, est rattachée par un mur à la muraille (Fig. 12), tout comme à Mothyae et à Éryx. Les remparts de la capitale de l’Éparchie carthaginoise, Lilybée, forteresse punique fondée par Carthage en 396 av. J.-C., ne trouvent aucune comparaison avec les autres villes de Sicile. Les systèmes défensifs que j’ai étudiés,17 il y a quelque temps, donnent l’impression d’être tout à fait originaux et d’échapper à toute connaissance de la poliorcétique antique. Encore dernièrement, en effet, H. Tréziny remarquait que les fossés qui entourent complètement une 16 17

Camerata Scovazzo 1992, 145–46, pl. X. Caruso 2003, passim; 2006, passim; 2008, passim.

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Fig. 8. Le Monte Barbaro: fortifications de Ségeste (d’après Camerata Scovazzo 1996, 52, fig. 43).

ville sont rares, même à l’époque hellénistique.18 Mais, au IVe siècle, il existait déjà à Lilybée (Fig. 13) un fossé très long – 2 km – et de grande largeur: au moins 20 m. Cette largeur, comme on verra, est peut-être agrandie au IIIe siècle av. J.-C. jusqu’à env. 30 m,19 qui étaient la distance entre les murs et le fossé. Des tours carrées de presque 14 m de côté étaient construites à 39 m de distance l’une de l’autre.20 Elles protégeaient les murs du côté est, dont l’épaisseur atteignait 6 m, tandis que, du côté de la mer, les murs étaient larges de 2 m seulement.21 18 19 20 21

Tréziny 2011, 291. Caruso 2003, 172–76; 2006, 285–86. Caruso 2006, 287–88, fig. 101; 2008, 79–80, fig. 7. Caruso 2006, 287; à paraître a.

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Fig. 9. Ségeste, la Porte de la Vallée (d’après Favaro 1997, tav. CXXVIII).

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Fig. 10. Ségeste, phases constructives de la Porte de la Vallée (d’après Favaro 1997, tav. CXXX).

Aux murs occidentaux, avec tours et fossé, s’ajoutaient des galeries souterraines qui passaient au-dessous du fossé (Fig. 14). Cet extraordinaire et monumental système a été capable de résister à toutes les attaques pendant 200 ans: Lilybée a résisté aux sièges de Denys l’Ancien, en 368, de Timoléon, en 340, de Pyrrhus, en 278, des Romains, pendant 10 ans, entre 260 et 251, et à celui d’Athénion, en 104 av. J.-C. Encore une fois, le modèle de construction étant

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Fig. 11. Ségeste, redent saillant de l’enceinte de la deuxième fortification (d’après Camerata Scovazzo 1996, 122, tav. 6).

Fig. 12. Tour avancée de la deuxième ligne des fortifications de Ségeste (d’après Camerata Scovazzo 1996, 52, fig. 48).

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Fig. 13. Lilybée, les fortifications: fossé, murs et tours (d’après Caruso 2006, fig. 90).

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Fig. 14. Lilybée: mur, tours carrées, ‘posterulae’, fossé et galerie souterraine (d’après Caruso 2006, fig. 101).

oriental, les murs de Lilybée étaient couronnés de merlons arrondis,22 comme à Mothyae,23 Carthage,24 Kerkouane,25 et Saint-Blaise26 (Marseille) et le fossé était franchi grâce à des ponts soutenus, du côté externe de celui-ci, par une pile taillée dans la roche.27 Avant de passer à Sélinonte, il faut rappeler que sa métropole, Mégara Hyblaea, avait une enceinte datant du VIe siècle, d’une longueur de 3 km, avec cinq tours rondes et un fossé profond d’1.75 m.28 Dans la partie orientale du site, il y avait l’agora, de forme trapézoïdale, qui a servi de modèle pour celle 22 23 24 25 26 27 28

Caruso 2006, 285, fig. 98–100; 2008, 79, fig. 6; à paraître a. Isserlin 1973, 142–44; Whitaker 1991, 139–40, fig. 20. Rakob 1991, pl. 37. Fantar 1998, 36–37. Tréziny 1992, 342–45, fig. 5–8. Caruso 2008, 89–90, fig. 20. Tréziny 2005, 93.

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de Sélinonte.29 Cette cité est fondée par Mégara Hyblaea dans une région complexe, où les relations avec les autres populations en présence – Sicanes, Élymes et Phéniciens – ont produit des solutions originales, y compris dans l’aménagement des fortifications, qui n’ont rien en commun avec les autres villes grecques de Sicile. Avant tout, Sélinonte est construite sur un ensemble de collines séparées par deux fleuves. Le plan urbain présente des îlots composant un dessin centré sur l’agora trapézoïdale30 qui rappelle celle de Mégara Hyblaea et aussi de Mégara Nisea, mère-patrie de Mégara de Sicile. La ville était immense et très riche (Fig. 15). Hors les murs, elle avait deux zones à destination cultuelle: la Colline Orientale et les sanctuaires de la Gaggera. Les murs de la ville archaïque et classique étaient construits à proximité des fleuves. Les recherches récentes ont permis de retrouver, à l’est, une porte à deux voies, flanquée d’une tour légèrement avancée, et avec une terminaison arrondie (Fig. 16). Vers le sud-ouest, nous voyons une tour externe rectangulaire,31 ajoutée au mur. Cette ville si bien aménagée, avec ses deux ports fluviaux, qui s’ouvrent sur la mer, est détruite par les Carthaginois en 409 av. J.-C. En 408 av. J.-C., le site est reconquis par Hermocrate qui décide de reconstruire Sélinonte en lui donnant une nouvelle enceinte qui, suivant la tradition poliorcétique grecque, remonte sur la colline32 (Fig. 17). Les murs passent alors en couronne autour de l’agora et des temples urbains. Au nord, directement en relation avec l’agora, est créée une porte à cour, la Porte Nord, qui n’est pas la Porte Nord de l’Acropole. Le terrassement réalisé pour agrandir l’espace du sanctuaire urbain, et bordé par la stoa en L, est englobé dans les fortifications. Sur l’agora, nous trouvons de nouvelles constructions, mais la partie septentrionale du site est peu à peu abandonnée, et la ville de Sélinonte, désormais une ville tout à fait punique, se réorganise autour de l’acropole. Selon Mertens, qui a étudié les fortifications de Sélinonte, et à la suite de J. de La Genière et de D. Theodorescu, le mur d’enceinte nord de l’acropole s’appuie sur le mur de ‘spina’ des îlots sur lequel la muraille est construite;33 l’entrée à la ville passe par la Porte Nord, en correspondance avec la grande artère nord-sud.

29 30 31 32 33

Mertens 2015, 376–77. Voir n. 29. Mertens 2006, 175–76, fig. 306–307. Mertens 2015, 379. Mertens 1988–89, 576–78.

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Fig. 15. Maquette de Sélinonte: la ville archaïque, les murs et les zones suburbaines de la colline orientale et occidentale (d’après Mertens 2015, 375).

Le Mur Nord, réalisé avec les blocs réutilisés et enlevés aux constructions voisines, se présente comme un mur épais de 4.00 m sur les deux côtés de la porte. Successivement, deux tours qui flanquent la porte seront construites, et l’épaisseur du mur entre les tours est alors portée à 6.20 m. Selon Mertens, cette solution a été réalisée par Denys l’Ancien en 368.34 La forme des tours présente encore un rapport de 1:2 dans la partie centrale, plus épaisse, en correspondance du mur agrandi, mais ce rapport passe à 1:1 vers l’est et vers l’ouest, là où le mur a gardé son épaisseur originale. 34

Mertens 2003, 270.

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Fig. 16. La Porte Est de Sélinonte (d’après Mertens 2006, 176, fig. 307).

Mertens ne voit dans cette solution aucune influence carthaginoise.35 Mais, si l’on regarde la porte en demi-cercle et ‘à tenailles’ de Tyndaris (Fig. 2), on doit se demander pourquoi Denys Ier aurait changé d’avis et de style à Sélinonte. Ou alors, peut-être Denys n’est-il pas l’auteur de cette porte… En effet, Mégara Hyblaea, la ville détruite par Gelon et reconstruite sur la partie nord-est du site par Timoléon et par Agathocle entre 340 et 309, présente au sud une porte, la principale, ‘à tenailles’ 36 (Fig. 18). Cela veut dire 35 36

Mertens 2006, 423–24. Torelli 1992b, 322; Di Vita 1996, fig. 1.

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Fig. 17. Sélinonte après 409 av. J.-C.: les murs d’Hermocrate (d’après Mertens 2015, 378).

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Fig. 18. Mégara Hyblaea: plan de la ville hellénistique et sa porte sud ‘à tenailles’ (d’après Di Vita Gaffà 1985, 399, tav. I).

que cette solution s’imposait encore tout à fait pour la tradition grecque à la fin du IVe siècle. La Porte Nord de Sélinonte (Fig. 19) est ouverte dans un mur large de 6.20 m: l’épaisseur est donc identique aux 6.00 m des murs de Lilybée, et peu éloignée de celle des murs de Mothyae, dont l’épaisseur est de 5.00 m/5.50 m.

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Fig. 19. Sélinonte: la Porte Nord – IIe phase (d’après Mertens 2006, 423, fig. 729b).

Les deux tours rectangulaires, larges de 6.60 m, sont disposées de façon symétrique par rapport à la porte, et distantes de 45 m l’une de l’autre. Les murs sont distants de 11.50 m du fossé, qui est profond d’un peu moins de 3 m et large d’à peu près 15 m. Donc le modèle peut être retrouvé dans les schémas adoptés dans le monde phénico-punique, à Carthage et Kerkouane, et en Sicile occidentale, comme à Mothyae ou Éryx. Dans les villes satellites de la chôra de la colonie mégarienne, par exemple à Adranon,37 on retrouve, à l’époque de la domination punique, des solutions dont on remarque l’origine vraisemblablement orientale, comme les tours très avancées placées sur le côté droit de la porte, encore une fois comme à Mothyae, Ségeste et Éryx. Comme à Sélinonte et Mégara Hyblaea, l’enceinte d’Adranon suit les lignes des courbes de niveau avec une solution continue, sans tours.38 Seules seront ajoutées par la suite des tours arrondies qui renforceront la fortification. À l’extérieur des murs, se trouvent la nécropole et les sanctuaires suburbains. Les fortifications seront ensuite modifiées, la porte centrale sera fermée et, au nord, une porte sera ouverte entre deux tours carrées. Ces dernières changent ensuite de forme et deviennent arrondies. Au sud, nous voyons la création d’une grande structure fonctionnelle et le sanctuaire des divinités chthoniennes (Fig. 20). Au cours du IIIe siècle av. J.-C., un mur sera construit qui inclut une construction qui fonctionne comme une tour, et, à l’extrémité sud, est bâtie une grande tour qui présente un rapport de 1:1. À Adranon, on retrouve aussi le même agencement d’un mur avec une tour à droite de la porte, qu’on a vu dans les exemples précédents (Fig. 21). 37 38

Fiorentini 1998, fig. 1. Fiorentini 1998, 12; Trombi 2015, 24.

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Fig. 20. Monte Adranone: Adranon et son circuit de fortification (Fiorentini, panneau, Musée de Sambuca di Sicilia).

À Heraclea Minoa,39 la ligne des fortifications de la ville fondée par les Sélinontins est crénelée, comme à Mothyae, Éryx ou Lilybée. À l’extrémité est des remparts, du côté de la ville qui a glissé au bas de la falaise, on retrouve un mur de bel appareil et une tour ronde qu’on peut imaginer liée à l’enceinte par un mur qui n’a pas encore été découvert. Les tours arrondies sont typiques du IIIe siècle et cela explique pourquoi, à Sélinonte, nous retrouvons une tour avancée en demi-cercle, liée dans sa partie arrière par un mur, comme nous l’avons vu précédemment à Mothyae, Éryx, Ségeste et Adranon. De ce fait il nous semble que la galerie fondée dans le fossé devant la Porte Nord de Sélinonte ne doit pas être comprise comme l’œuvre d’Agatocle,40 dont la présence dans la ville, limitée à quelques mois, ne pouvait permettre la création d’un système défensif que, de surcroît, nous ne retrouvons pas dans le monde grec, même si on l’a plusieurs fois comparé à l’Euryale de Syracuse. 39 40

De Miro 2014, 47, fig. 18, pl. XI. Mertens 2015, 383–84; 1988–89, 581–85, fig. 1c.

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Fig. 21. Monte Adranone: le ‘propugnacolo’ devant la Porte Sud (© E. Caruso).

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À mon avis, la grande galerie fondée dans le fossé peut être mise en relation avec le proteichisma, la deuxième ligne construite à l’est de l’Acropole, et commencée mais jamais achevée sur le côté ouest, réalisée au cours du IIIe siècle av. J.-C. En Sicile, les fortifications qui se doublent d’une seconde ligne d’enceinte, se rencontrent seulement à Lipari,41 Sélinonte42 et à Lilybée.43 Ce n’est donc pas un hasard si, au IIIe siècle, les deux dernières villes ont fait partie de l’Éparchie punique, et si la Sicile, en 278, a dû se préparer à résister à l’attaque de Pyrrhus qui a conquis toute l’île, sauf Lilybée. Celle-ci, que Diodore qualifie d’inexpugnable (36. 5. 3), avait creusé un très grand fossé; j’imagine que cela doit faire référence non pas à la création du fossé, mais plutôt à son élargissement, de 20 à 30 m. Mais il y a plus encore: la ville doit se doter d’une deuxième ligne fortifiée, dont nous parle encore Diodore (24. 1), ligne formée par un mur qui a les mêmes dimensions que le proteichisma de Sélinonte, et qui présente des portes entre deux tours et des tours à crémaillère à proximité du port.44 La recherche en histoire et en archéologie a toujours regardé vers la Grèce et les Grecs de Sicile, ignorant ou laissant au deuxième plan les cultures non helléniques, même si celles-ci étaient bien présentes dans la partie occidentale de l’île. Seul H. Tréziny, pour Lilybée, a récemment souligné le rôle actif des Carthaginois dans l’évolution des techniques défensives de Sicile.45 Pour le reste, à propos des fortifications de Sélinonte, tout en attribuant au grec Denys Ier la construction de la Porte Nord au IVe siècle av. J.-C. et la Galerie des archers à Agathocle dans le IIIe siècle av. J-C., on est même allé jusqu’à nier l’œuvre des Puniques sur leur propre territoire, y compris dans les anciennes villes grecques passées sous le contrôle de Carthage à partir de 396 et définitivement après le traité du 374. Nous ne pouvons pas continuer à voir l’histoire seulement comme nous la racontent les Grecs; même si les Puniques ont en partie adopté la culture grecque, ils ne sont pas grecs pour autant. Il est certain que, dans les périodes de paix, les deux cultures vivaient en toute harmonie et prospérité, alors que les historiens nous racontent la guerre plutôt que la paix.

41 42 43 44 45

Cavalier 1972, passim; Bernabò Brea et Cavalier 1998, 204–05, fig. 55 et 58. Mertens 1988–89, 581–85, fig. 1c. Caruso 2006, 295; 2003, 185–87 et 191–95. Giglio 2006, 274, fig. 85. Tréziny 1996, 350.

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L’histoire nous enseigne que ce n’est pas à travers une lecture univoque que nous pouvons faire croître la connaissance. Elle devrait nous faire comprendre que les a priori ne mènent jamais à de bonnes solutions. Sinon, nous regardons dans la nuit à travers des vitres fumées qui nous empêchent de voir clair et, encore moins, de distinguer les nuances de couleurs.

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UNE QUESTION D’IDENTITÉ: LES DIVINITÉS FUNÉRAIRES DE CYRÉNAÏQUE Morgan BELZIC

Abstract The local tradition of the Cyrenaican Funerary Goddesses or ‘Mourning Women’ are one of the largest and most impressive set of Greek funerary sculptures. One of the curious features about these busts and half-statues is the dichotomy of the heads, sculpted with or without faces. After presenting the general characteristics and the evolution of these sculptures, this paper discusses questions related to the ancient identities of Cyrenaica, specifically the original identification as Persephone and other scholarly interpretations of aprosopia, as well as consideration of the possible sources of this unique image. The aim is to better define the purely Cyrenaican nature of these sculptures, belonging to a Greek local tradition rather than an external influence. The paper then considers the connections between the Funerary Divinities and the Cyrenaican society, individuals, sponsors, recipients and craftsmen, in order to explain the heterogeneity of the details in the uniformity of the types. Finally, by comparing some statues of the two main traditions, testimonies of a singular and plural identity, the paper raises the question of the influence of individual and collective choices on this production.

La Cyrénaïque fut une région de contacts entre peuples méditerranéens, faisant cohabiter ou se métisser populations grecques et libyennes et recevant à divers degrés l’influence de ses voisins égéens, égyptiens, phéniciens ou italiques. Cela peut expliquer les particularismes locaux sensibles à travers le patrimoine archéologique des cités d’Euhespéridès-Bérénikè, de Taucheira, de Barca, de Ptolémaïs ou d’Apollonia, et surtout de leur métropole, Cyrène. Certaines des plus évidentes originalités régionales vis-à-vis du reste du monde méditerranéen résident dans le domaine des morts. Cyrène dispose, ou disposait au vu des évolutions récentes, de l’une des plus vastes nécropoles du monde antique. Rarement un cimetière aura tant mérité l’appellation de ‘ville des morts’. Sur des kilomètres, routes, chemins, escaliers, cours et places desservent une myriade de tombeaux aux formes d’une extraordinaire variété.1 Troglodytes aux façades sculptées le long des dépressions rocheuses, hypogées surmontés 1

Stucchi 1975; Thorn 2005; Greve 2014.

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de véritables murs de scène et sarcophages excavés disputent ce paysage agricole aux tumuli, tholoi, mastabas, chapelles ou mausolées. Cette profusion de monuments à Cyrène, qui se répète en de moindres fréquences autour des autres sites de la région, faisait dire à Fr. Chamoux: ‘Je ne crois pas qu’aucune autre cité antique offre le spectacle de nécropoles aussi étendues: nulle part on a au même degré le sentiment que l’humanité se compose de plus de morts que de vivants’.2 Curieusement, à cette hétérogénéité architecturale répond au contraire une homogénéité des marqueurs funéraires. Une tradition de sculptures funéraires propre à la région s’impose dès l’époque archaïque, initialement à Cyrène et Barca, et se perpétue jusqu’à la fin de l’époque hellénistique, bien que la chronologie reste à préciser (Fig. 1). Destinées à orner la partie supérieure externe des divers monuments, ce sont des sculptures majoritairement en marbre, matériau nécessairement importé depuis l’Égée, représentant la partie supérieure de corps féminins. Ces figures tronquées, dénommées depuis Chamoux en 1953 ‘divinités funéraires’,3 se déclinent en bustes, demi-statues et trois-quart de statues. L’abréviation du corps est loin d’être leur unique originalité. Aux rares attributs, souvent évocateurs de l’au-delà, s’adjoint le fait que près de la moitié des œuvres ne dispose en lieu et place du visage que d’une surface lisse ou tubulaire, volontairement laissée libre des yeux, du nez et de la bouche. Ce phénomène unique, qualifié d’aprosopie,4 absence de visage, est certainement ce qui a le plus attiré le regard des critiques. Il existe pourtant d’autres catégories non moins fascinantes. L. Beschi a dressé une minutieuse étude de ces sculptures en 1972, répertoriant cent soixante-trois exemplaires complets ou fragmentaires.5 Nous en inventorions actuellement près du double; elles devaient se compter en milliers. La seule zone méthodiquement fouillée, sur un seul demi-hectare, en a livré au moins dix-sept fragments, plutôt de petites dimensions et en calcaire tandis que ne sont connues habituellement des œuvres en marbre assez imposantes (Fig. 2).6 Beschi s’est attelé à répartir l’ensemble des sculptures à sa disposition en vingt types de A à V, en fonction de la hauteur de coupe, de la position des bras et du vêtement, répartir en quatre groupes plus ou moins chronologiques. Actuellement, du fait de l’augmentation du nombre de sculptures connues, cette classification nécessite une révision complète et ne peut être utilisée en 2

Chamoux 1953, 287. Chamoux 1953, 300. 4 Ferri 1929, 4. 5 Beschi 1972: 159 sculptures sont cataloguées, dont nous continuons à employer la numérotation (n° Bes. 1–159). 6 Rowe 1956 et 1959; Thorn 2005, 239–84, fig. 164–206. 3

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Fig. 1. Divinité funéraire, Cyrène (© Asmaïl Dakil Al Hasi, Musée de Cyrène).

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Fig. 2. Divinité funéraire n° Bes. 15 de l’enclos N.81-B, devant le sarcophage N.81-I, d’après les photographies de la mission archéologique, Victoria University of Manchester (© Archives de la Society for Libyan Studies, fond Dixon, 2014.0069, sans numéros).

l’état. L’emploi même du mot ‘type’, qui sous-entend l’existence d’un modèle et sa répétition, doit être abandonné dans la majorité des cas. Il existe tout de même un ensemble de schémas généraux, peu nombreux, eux-mêmes subdivisés en une multiplicité de variantes et sous-variantes, mais nettement dominés par un groupe hellénistique arborant un schéma identique, que nous qualifions de ‘canonique’, regroupant environ les deux tiers des sculptures connues.7 De nombreux exemplaires, respectant un schéma commun, forment à eux seuls une variante ou un schéma spécifique. L’évolution générale distinguée dans ses grandes lignes par Beschi change partiellement. Les divinités funéraires apparaissent, a priori, au VIe siècle. Elles se divisent dès le départ entre bustes, majoritaires à Cyrène, et troisquart de statues, majoritaires à Barca, qui s’inspirent du type de la korè, essentiellement sous influence cycladique, dans les dernières générations de 7

La nouvelle classification sera présentée ultérieurement.

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la dynastie des Battiades. L’aprosopie semble alors systématique. Entre le milieu du Ve siècle et le milieu du IVe siècle, alors que Cyrène constitue désormais ce que l’on qualifie de ‘république’ aristocratique, la forme en demistatue s’impose et l’aprosopie est concurrencée par les premiers visages, le tout sous une forte influence attique. À partir la fin du IVe siècle, lors de la domination lagide de la Cyrénaïque, les demi-statues, dont la hauteur de coupe baisse pour rejoindre souvent le trois-quart de statue, se figent dans une moins grande variété de schémas, dominés par un ‘groupe canonique’ (types Beschi I–O) constitué de la grande majorité des sculptures connues (Fig. 1, 3, 4, 5). L’époque hellénistique est marquée par la déclinaison de tendances stylistiques différentes pour les vêtements, conservant l’empreinte classique, praxitélienne en particulier, sur la plupart des visages. L’aprosopie diminue considérablement, malgré des reprises, en particulier au sein d’une tendance rétrospective. Nos repères chronologiques, stylistiques, épigraphiques et archéologiques, s’interrompent assez brutalement au Ier siècle av. J.-C., lorsque la région échoit aux mains des Romains. Aucune divinité funéraire ne peut être placée sûrement à l’époque impériale, tandis que la tradition des portraits funéraires semble connaître ses premières lueurs sous les Julio-claudiens.8 L’identification de cette représentation, si elle est bien unitaire théoriquement, se heurte à l’absence complète de sources littéraires et à la diversité des solutions proposées par les artisans pour le corps, la gestuelle, le vêtement, les attributs, les coiffures et, surtout, les visages. Et ce n’est pas seulement l’identité du personnage qui est en jeu: à travers la statue, sa base et la tombe, c’est aussi l’identité de son destinataire qui se révèle, le défunt auquel elle est associée, et par extension celle de ses créateurs. Ces sculptures témoignent de l’identité d’une cité, Cyrène, et de son empreinte sur l’ensemble de la région qu’elle dominait. ANONYMAT ET APROSOPIE: L’IDENTITÉ DES

DIVINITÉS FUNÉRAIRES

La première question soulevée par ces sculptures est celle de l’identité du ou des personnages représentés, intimement liée à l’interprétation de l’aprosopie. L’identification de ces représentations féminines fit – et continuera de le faire encore longtemps – l’objet de multiples hypothèses. Leur unicité et leur nature même interrogent. Il ne s’agit en aucun cas des défunts eux-mêmes, comme le remarquait avec dérision Chamoux, la majorité des bases portant des noms masculins; Beschi ajoutait que cette association évacuait la question d’une

8

Rosenbaum 1960, 15.

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image, ‘même idéalisée’, du défunt9. Deux possibilités demeurent, celle d’allégories ou de divinités. La première identification de cette catégorie fut proposée en 1911 par R. Norton.10 Évoquant la possibilité qu’il s’agisse d’une déesse, il met en doute cette hypothèse car l’absence de visage pourrait être due à une surface de préparation pour la mise en place d’un portrait. Il les dénomme ainsi ‘mourning women’, probablement par analogie entre la gestuelle et l’anakalypsis des exemplaires qu’il avait découverts dans la nécropole Nord de Cyrène et les représentations des stèles funéraires attiques ou du Sarcophage des pleureuses de Sidon au Musée d’Istanbul. Silvio Ferri, en 1929, notait l’impossibilité matérielle de ces ajouts et l’aspect volontaire de cette omission.11 Faisant entrer ces sculptures dans ce qu’il qualifiait de ‘divinità ignote’, il emploie le concept d’aniconisme et adopte le terme aprosopia que nous lui empruntons. Il suppose qu’elles héritaient de la divinisation du tumulus funéraire surmonté d’un sema aniconique. Elles pourraient alors être des émanations de la déesse mère originelle, Gè, plus tard associée à Déméter. Chamoux a favorisé l’idée d’une divinité funéraire en raison de la présence du polos et de symboles chtoniens, alabastres et serpents. Elle serait, plus que Déméter, probablement sa fille Perséphone, épouse d’Hadès, effectuant le geste d’anakalypsis, symbolique de l’épouse.12 Il faudrait ajouter à la liste des attributs les grenades, liées au mythe de la déesse, qui sont difficilement identifiables sur le très original buste disparu n° Bes. 613 mais bien visibles sur une demi-statue inédite ayant récemment circulé sur le marché de l’art.14 De plus, la disposition même des vêtements du groupe canonique se retrouve dans l’iconographie des déesses éleusiniennes. J. Cassels,15 A. Rowe,16 et la plupart des études postérieures ont tenu pour acquis cette identification.17 Beschi a étayé, avec plus de prudence,18 l’hypothèse de Perséphone, devenue de manière un peu figée l’identification retenue depuis lors. Rappelant que Pausanias mentionne des figures divines exécutées en bustes ou en demi-statues (Paus. 9. 16. 5; 2. 10. 7; 9. 4. 4),19 souvent pour 9

Chamoux 1953, 295; Beschi 1972, 315. Norton 1911, 160–61. 11 Ferri 1929, 8. 12 Chamoux 1953, 300. 13 Ferri 1929, 7; Paribeni 1959, 25; Beschi 1972, 213–14. 14 http://www.bonhams.com/auctions/16853/lot/205/ (consulté le 16/10/2017). 15 Cassels 1955, 3–4. 16 Rowe 1959. En 1959, une petite exposition consacrée aux ‘Perséphones’ de Cyrène a été présentée par la mission au musée de l’Université de Manchester. 17 Greve 2006, 66–71. 18 Beschi 1972, 336. 19 Beschi 1972, 316. 10

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des figures de Déméter ou de sa fille, il puise dans la littérature les diverses épithètes de Perséphone faisant écho à l’aprosopie, ‘invisible’ selon Sophocle, déesse ‘qu’on ne voit pas’ ou ‘qui ne voit pas’, ‘qui se couvre’ et ‘dont on ne parle pas, inconnue’ selon Nonnos ou Euripide. La résonance entre Perséphone, aprosopie et voile semble parfaite.20 Le débat sur la nature et le nom du personnage paraît définitivement clos en 2005 avec l’article de J. Thorn et S. Reynolds, à la lumière de l’inscription Thea lue sur le polos de la petite demi-statue n° Bes. 13.21 Elle leur permet d’accentuer ce rapprochement, puisque l’épouse d’Hadès est dénommée ainsi, par exemple, sur deux reliefs du Ploutonion d’Eleusis. Perséphone, divinité chthonienne, liée aux morts autant qu’à la terre nourricière dans laquelle ils sont déposés, épouse divine, personnage central des cultes à mystère, cumule des qualités qui conviennent parfaitement à cette image, dans une région où, par ailleurs, le culte de Déméter et Perséphone a joui de faveurs particulières.22 Néanmoins, pris un à un, aucun des arguments n’est parfaitement décisif pour identifier Perséphone. Ni les poloi, ni les alabastres, ni le voile ne lui sont spécifiques et pourraient orner une mortelle. L’inscription isolée sur le polos d’une unique sculpture et le flou volontairement entretenu par cette dénomination ne permettent pas de certifier qu’il s’agit d’une déesse en particulier. Quant aux bracelets serpentiformes, ils sont eux-mêmes rares dans la production sculpturale grecque et ne s’observent guère spécifiquement sur les rares images de la déesse. Le doute sur la nature divine du personnage est permis, surtout au regard de trois divinités funéraires inédites qui adoptent des attributs très proches des personnages féminins des stèles funéraires attiques: boîte à bijoux pour une divinité funéraire découverte sous l’Hôtel al Manara à Apollonia23 et ‘poupées’ ou figurines pour deux divinités funéraires illégalement exportées hors de Libye, l’une saisie à Londres en 2013,24 l’autre encore aux mains des trafiquants. S’il peut s’agir encore de l’évocation du monde des jeunes filles et des épouses, auquel participe Perséphone, il y a une confusion possible entre mortelles et immortelles. Finalement, seule l’accumulation d’indices permet de soutenir l’hypothèse de Perséphone. Ces quelques éléments montrent toute la diversité – et donc toute la difficulté – de cette image qui, telle qu’elle nous apparaît, mêle des éléments nettement funéraires avec des éléments plus généralement relatifs à la féminité. D’autres attributs étaient rapportés en métal: nous sommes loin de disposer 20 21 22 23 24

Frontisi-Ducroux 2008. Thorn et Reynolds 2005, 97. Grosjean-Agnes 2009. Marini 2013, 198. Je remercie Sophie Marini pour ces documents et informations. Belzic 2017, 107.

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actuellement de toute la gamme des possibilités. Cette diversité est telle qu’en dehors de la récurrence de l’abréviation du corps, il n’existe, entre certaines œuvres, nul élément commun, au point de pouvoir douter de l’existence d’un seul et unique personnage. Si nous ne disposions pas d’une série aussi importante, il serait impossible d’établir un lien certain entre un buste aprosope de la première période et un trois-quart de statue prosopique hellénistique. L’aprosopie constitue sans doute le meilleur argument en faveur d’une nature divine de la représentation. L’on ne doit plus retenir la séparation en trois phases ni pour l’évolution des visages – aprosopes, semi-aprosopes puis figurés – ni pour les corps – bustes, demi-statues puis trois-quart de statues – telle que décrite par Chamoux. Pourtant, il apparaît toujours évident que l’aprosopie est la forme initiale de cette divinité, et que son emploi a diminué entre les époques archaïque et hellénistique, bien que nous soupçonnions l’existence d’un important retour à l’aprosopie à l’époque hellénistique. Le visage, intégré progressivement dès le début du Ve siècle, est devenu majoritaire en quelques décennies. Cette transition rapide s’est accompagnée de la perte du polos, remplacé par le voile seul dans la plupart des cas, et de la disparition des alabastres. Il semble que les thèmes iconographiques, de même que la stylistique, converge avec l’art attique prédominant en Méditerranée. La permanence de l’aprosopie exclut la possibilité d’un changement complet de la nature du personnage, très certainement une divinité, très probablement Perséphone, sur l’ensemble de la période. Elle nous conduit toutefois à ne pas être parfaitement catégorique dans cette identification. Il se pourrait que les Cyrénéens aient volontairement entretenu le flou autour de l’identité du personnage. Il y a une individualisation de la divinité funéraire dans ses détails qui s’oppose au cadre général. Gardons-nous donc de vouloir nommer une déesse dont, in fine, une partie des Cyrénéens a tenu à conserver le visage invisible et le nom innommable. Il s’agit, à ce stade de nos connaissances, d’un personnage sans nom, de même qu’il est souvent sans visage, ponctuellement aprosope, invariablement anonyme. La deuxième question centrale des études concerne l’origine et les sources de cette représentation. L’abréviation du corps, en buste ou en demi-statue, trouve des échos à travers l’ensemble du monde grec,25 tous supports confondus, en particulier pour des représentations féminines, sans qu’on ne puisse suspecter de liens avec la Cyrénaïque. Nombreuses sont les cités où furent produites des représentations féminines partielles, en particulier les protomés en terre cuite,

25

Sturgeon 1975.

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qui soulèvent des problématiques d’identification similaires.26 Parmi les traditions les plus proches figurent les demi-statues en calcaire du Bosphore, dont une mention récente d’A. Trofimova explique qu’elles seraient liées à une ancienne tradition locale pré-scythe inconnue dans le reste du monde grec,27 que l’auteur illustre pourtant par un buste féminin muni de bracelets serpentiformes, qui existent également à Cyrène sans qu’un lien identique soit possible. L’analogie entre le raisonnement des chercheurs surpasse ici l’analogie entre les sculptures. L’exemple de Théra est tout aussi intéressant, puisqu’elle a livré, peut-être en plus grande quantité que le reste des Cyclades, des demistatues funéraires, qui pourraient être en étroite relation avec celles de sa colonie28. Pourtant, le plus souvent, les bustes théréens disposent d’une cavité aménagée pour recevoir une tête bouchon. Il s’agissait plutôt de portraits, masculins ou féminins, reprenant en buste des types statuaires plus communs. Les exemplaires les plus anciens pourraient être hellénistiques, mais seul un exemplaire est intégralement conservé.29 Non seulement les demi-statues de Théra sont plus tardives mais leur signification semble bien différente. Il apparaît en substance que ces deux traditions sont autonomes. La création des bustes et demi-statues funéraires semble débuter dans les Cyclades plus tardivement et si parenté il y a, elle n’est ni évidente ni immédiate. La seule cité où il est possible de suspecter une influence directe de Cyrène est Alexandrie, où un exemplaire au moins de divinité funéraire est réputé y avoir été découvert, peut-être lié aux migrations importantes de Cyrénéens en Égypte à l’époque ptolémaïque.30 On ne peut dès lors que souligner l’antériorité et la spécificité des bustes cyrénéens. Seule l’aprosopie et ses avatars distinguent nettement cette production du reste de l’art méditerranéen. Chamoux disait de ce phénomène qu’il avait ‘excité la sagacité des exégètes’ avant d’emprunter leur pas.31 Fr. FrontisiDucroux résume admirablement ces épisodes dans son dernier article.32 Sur l’origine même de l’aprosopie, il faut retenir trois possibilités qui ne s’excluent pas complètement: celle d’une origine libyenne, d’une influence phénicienne ou de la résistance de traits proprement grecs. La première, bien étayée récemment par S. Marini, fait remonter aux contacts et aux mélanges avec les populations libyennes l’origine des cultes mortuaires spécifiques aux 26 27 28 29 30 31 32

Croissant 1983. Pour une discussion récente sur ce sujet, voir Chryssanthaki-Nagle 2006. Trofimova 2007, 54, fig. 6.5. Hiller von Gätringen 1904, fig. 207. Collignon 1910, 302; Karouzou 1968, 190 n° 780; Beschi 1972, 322; Sturgeon 1975, 232. Adriani 1961, 34, n°s 41–42, fig. 100–101; Queyrel 2014, fig. 22. Chamoux 1953, 293. Frontisi-Ducroux 2016, 246–47.

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Cyrénéens et d’une forme locale de litholâtrie.33 Plusieurs éléments convergent et rendent plausible cette idée, mais elle se heurte, pour ce qui est de la sculpture, au manque de sources matérielles et littéraires. Les divinités funéraires que Beschi considérait comme des productions libyennes,34 réputées provenir de Benghazi, sont malheureusement mal situées et leur parcours chaotique ne permet pas d’en affirmer la provenance;35 Marini suppose qu’il s’agissait plutôt d’œuvres votives.36 E. Fabbricotti développe une autre hypothèse au regard du ’buste au collier’ de Barca, cité qui a livré le plus important ensemble de divinités funéraires archaïques37. Tout en restant prudente, elle met en parallèle ses bijoux et l’absence certaine de visage, malgré la lacune de la partie supérieure, avec des objets phéniciens et cypro-phéniciens qui renverraient à la tendance ’aniconique’ de l’art phénicien. L’auteur reste prudente et ne pose qu’une piste de réflexion. Les contacts entre Cyrène et le monde phénicien sont nombreux, la Libye orientale étant sous leur influence et autorité, et les liens entre Théréens et Phéniciens précèdent la colonisation (Hdt. 4. 147). L’antériorité de la documentation cypro-phénicienne joue en faveur de cette idée. Toutefois, le monde hellénique regorge d’exemples d’abréviations et d’abstractions, sans qu’il ait lieu d’invoquer une influence extérieure. Si l’on doit rejeter à propos de l’aprosopie le qualificatif d’aniconisme, notion largement réétudiée par M. Gaifman,38 l’art grec est parcouru par un art partiellement figuratif, où le symbole remplace la figuration. Bétyles, hermai, stèles et kioniskoi en sont les aspects les plus évidents; l’art des marqueurs funéraires est particulièrement riche de ces symboles. Simples pierres dressées et stèles aniconiques ont cohabité avec les formes les plus naturalistes dans les nécropoles grecques. D. Kurtz et J. Boardman, dans Greek Burial Customs, présentent un ensemble de marqueurs funéraires qui, d’un bout à l’autre du monde grec, montrent cette figuration partielle intégrée à l’art grec, et placent les ‘divinités funéraires’ de Cyrénaïque dans un très large contexte où leur originalité réside, justement, en ce qu’elles sont nettement plus anthropomorphes, par conséquent moins ‘aniconiques’, que la plupart des autres semata.39 Frontisi-Ducroux s’est livrée à une explication minutieuse des limites de l’emploi de ce terme pour les divinités funéraires40 car si leur visage est absent, il s’agit bien de 33 34 35 36 37 38 39 40

Marini 2013, 469. Beschi 1972, 220–22. Fabbricotti 2001, 121. Marini 2013, 471. Fabbricotti 1996; 2002, 48–49. Gaifman 2012, 47–48. Kurtz et Boardman 1971, 325. Frontisi-Ducroux 2016, 250.

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l’image d’un corps et d’une tête dont seuls les yeux, le nez et la bouche sont abstraits, mais qui concrétisent le sens de cette représentation, le regard, la respiration et la parole étant les trois principales manifestations de la vie. Elle souligne la manière dont les sculpteurs ont provoqué volontairement le contraste entre l’absence de visage, la surface lisse et vide qui la remplace, et le reste de la silhouette en multipliant les effets décoratifs de la chevelure, du voile ou des ornements. Au mieux peut-on donc parler d’un ‘aniconisme partiel’, si cela a encore un sens. Cyrène, comme Théra, semble particulièrement riche de monuments singuliers qui pourraient être liés à des formes d’abstractions ou de substitutions.41 L’un des deux seuls reliefs de façade conservé à Cyrène, sur la tombe N.17,42 associe précisément, à une date assez basse, trois de ces types de marqueurs, disposés ensemble sur le même type de bases: un hermès, une divinité funéraire et une stèle lisse. Thorn propose de reconstituer, avec la tête aprosope et le pilier découverts séparément en 1955 par la mission Rowe dans les vestiges de la tombe E.161, un pilier hermaïque de divinité funéraire.43 Enfin, des témoignages de formes singulières évoquant l’aprosopie ont été réunis par Beschi, issus de plusieurs sites à travers la Méditerranée, de Corinthe à Pompéi,44 auxquels on pourrait ajouter entre autres les petites têtes de Chersonèse.45 Des éléments analogues à l’aprosopie existent hors de Cyrène. Rien ne permet donc de lier l’émergence des divinités funéraires à l’import d’une tradition extérieure ou antérieure à la société cyrénéenne elle-même. Nous devons donc considérer les deux principales particularités des divinités funéraires, l’aprosopie et l’abréviation du corps, comme le résultat d’une culture matérielle et religieuse propre. Elle se développe sur les fondements, cela est bien naturel, d’un substrat grec commun, et n’interdit pas de forts apports liés aux échanges avec les cultures préétablies ou voisines. Toutefois, la création des divinités funéraires ne se résume pas à un syncrétisme formel ou conceptuel. Pour ce que l’on en sait actuellement, il s’agit d’une complète innovation cyrénéenne, spontanée, liée au développement de croyances locales, dont on ne peut affirmer qu’elle puise son origine directe ni à Théra ni parmi les peuples libyens, qui ne semble pas non plus avoir véritablement influencé le reste de la Méditerranée.

41

Di Filippo Ballestrazzi et al. 1976; Valentini 1996; 2002. Thorn et al. 2009, 30; Greve 2014, 248. Un autre relief de la nécropole occidental vient d’être mis au jours fortuitement, en 2016, dans la nécropole Ouest, et représente a priori une divinité funéraire seule. Je remercie Hamid Alshareef pour cette information. 43 Rowe 1959, 5; Thorn 2005, 135; Thorn et al. 2009, 184. 44 Beschi 1972, 332–33. 45 Posamentir 2011, 227–28. 42

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MORGAN BELZIC

COMMANDITAIRES ET ARTISANS: L’IDENTITÉ DE LA

CITÉ

Au-delà de la question de l’identité générale de la cité, l’emploi des divinités funéraires relève de pratiques individuelles et familiales, comme le révèlent les modes de présentation que nous pouvons restituer à partir des données archéologiques. Norton, comme R. Pacho avant lui, notait que les divinités funéraires reposaient sur des bases retrouvées à leur côté portant le nom d’un seul défunt.46 Les découvertes in situ, de même que le relief de la tombe N.17, ne laissent aucun doute à ce sujet. Ces bases, dont nous avons inventorié une centaine d’exemplaires, sont en marbre à de rares exceptions près. Leur seul décor tient en des moulurations en partie supérieure et inférieure, lisses ou ornementées, sur trois côtés seulement; signe qu’elles n’étaient pas destinées à être vues de dos, tout comme les sculptures supportées. Seules neuf divinités funéraires ont pu, de manière certaine, être associées à leur base. Au moins trois bases étaient, elles, destinées à des stèles. Une cavité d’encastrement rectangulaire sur le plan de support l’atteste, et cette configuration est connue pour la tombe N.171 (Fig. 3).47 La grande majorité des bases dont nous avons pu vérifier le plan de support ne comporte aucun système d’assemblage, mais une infime partie d’entre elles disposait de goujons et mortaises simple ou double, compatible avec le même système observé sous certaines divinités funéraires. Moins de 20% des noms sont féminins, mais les femmes représentent près de la moitié des bases associées de manière certaine ou hypothétique aux demi-statues. Quant aux noms, ils sont très majoritairement grecs et ne se distinguent pas particulièrement dans l’onomastique cyrénéenne; si certains ont des consonances libyques, il s’agit rarement d’occurrences nouvelles. La datation paléographique permet de préciser que l’emploi des bases n’est attesté qu’à partir de la seconde moitié du IVe siècle et jusqu’au milieu du IIe siècle, soit moins de la moitié du temps supposé de production des divinités funéraires. Elles permettent surtout de prouver l’association entre une sculpture et un individu pour des tombes pourtant généralement familiales. L’emploi des bases accompagne la monumentalisation des architectures et des divinités funéraires. La majorité des tombes visibles aujourd’hui sont les hypogées à façades excavées et à façades partiellement ou totalement maçonnées. Celles qui sont conservées sur la totalité de leur hauteur disposent, sur l’entablement, d’une sorte de terrasse plane, peu profonde, destinée à exposer les marqueurs funéraires. N’y sont attestées avec certitude que les nombreuses divinités funéraires et les rares stèles lisses, épigraphes et anépigraphes. En parallèle, les toits des 46 47

Pacho 1827, 384; Norton 1911, 160. Tomlinson 2006.

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Fig. 3. Vue des ruines de la tombe N.171 lors de son dégagement en 1915 par les troupes italiennes. De gauche à droite: divinité funéraire n° Bes. 38 de Megô fille de Mnasarchos, base de Philon fils de Mnasarchos, stèle de Mnasarchos fils de Theuchrestos, base d’Euklès fils de Mnasarchos et base de Theuchrestos fils de Mnasarchos (© Archives de la Society for Libyan Studies, fond Cyrene, 2014.0088, pochette, ph. E 897).

tombes maçonnées, rectangulaires ou circulaires, laissent apparaître des bases faîtières, certainement destinées à exposer les demi-statues en guise d’acrotère, parfois dans un naiskos. La théâtralisation de l’architecture des nécropoles, où les divinités funéraires jouent le premier rôle, atteint son apogée avec la création au IIIe et IIe siècles des hypogées à fausse façade.48 Au-dessus de caveaux aménagés dans le sol du plateau des nécropoles Est et Sud, une façade aveugle se dressait, tel un décor, imitant et surpassant même les façades des hypogées des versants septentrionaux. Les tombes S.1,49 S.450 et S.38851 en sont les meilleures représentantes. Leur principal point commun est d’avoir conservé de 48 49 50 51

Tomlinson 1967; Greve 2006. Cherstich 2005. Cherstich 2006. Frigerio 1997.

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nombreuses indications de la présence des divinités funéraires sur leurs bases, associées à des stèles. Les cinq bases pour divinités funéraires et stèles de la tombe S.388 montrent qu’il s’agit de membres d’une même famille, inhumés ici plusieurs générations durant. Deux bases pour stèles portent des noms masculins, trois autres pour divinités funéraires des noms féminins. La tombe S.4 a offert deux divinités et deux bases portant des noms féminins, liées à une stèle rendue fameuse par Olivier Masson, appelée ‘stèle généalogique de Cyrène’, rendant compte d’au moins huit générations ayant précédé le défunt, Kléarchos.52 Cette division de genre entre stèle masculine et demi-statue féminine est intéressante, mais n’est pas visible ailleurs que sur ces tombes émanant des plus grandes familles aristocratiques. Se remarquent, dans le cas de ces deux tombes, deux formes différentes de célébration de l’individu au sein d’un monument unique célébrant le groupe familial. Au début ou au milieu du IIIe siècle, la tombe monumentale N.171 ou Tombe des Mnasarques, dégagée en 1915, regroupait à elle seule moins de cinq bases inscrites, une stèle anépigraphe et quatre demi-statues, représentant une succession de trois ou quatre générations d’une même famille, étudiée plus tard par A. Laronde53 (Fig. 3). Trois de ces demi-statues ont pu être associées à leur base par Beschi, représentant deux générations successives. L’intérieur de la tombe comprenait neuf loculi. Une seule des lastres de fermeture fut découverte, comportant trois noms issus de la même famille au IIe siècle apr. J.-C.54 Dès lors, si l’on extrapole le nombre d’occupants dans cette tombe, il y aurait eu environ trente-six occupants; matériellement, malgré ses imposantes dimensions de près de 15 m de long pour au moins 7.60 m de hauteur, il n’y aurait jamais eu la place de disposer plus d’une quinzaine de demi-statues: la plus étroite des bases mesure 90 cm, la plus haute des divinités funéraires presque deux mètres. Il est donc évident que tous les occupants d’une tombe, même au sein de l’une des plus grandes familles aristocratiques comprenant des stratèges, des prêtres d’Apollon et d’autres magistrats, ne disposaient pas d’une divinité funéraire. De plus, une base, la plus ancienne, était destinée à une stèle de trois mètres de haut, ce qui indique à nouveau l’existence d’alternatives aux demi-statues. L’utilisation des divinités funéraires n’est donc pas uniquement conditionnée par l’appartenance à une classe sociale, à un genre, ni même à une famille.

52 53 54

Masson 1974. Laronde 1987, 54–58. Beschi 1972, 182.

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La fonction de ces divinités funéraires n’est pas simplement ornementale ou décorative. Il est difficile de distinguer s’il s’agit d’un motif protecteur, apotropaïque, ou d’une offrande. La religion funéraire cyrénéenne nous échappe en grande partie. Cyrène se caractérise par la présence, dans la nécropole, de la majeure partie des solutions architecturales funéraires connues ailleurs dans le monde hellénique et au contraire par une gamme extrêmement limitée d’ornements. Ainsi, la variété des tombes, qui illustre la diversité des possibilités et la liberté des commanditaires à opter pour un choix parfois radicalement différent, s’oppose à l’apparente uniformité des marqueurs funéraires. Néanmoins, rien à ce stade ne permet de comprendre leur fonction précise ni la raison pour laquelle un individu, plutôt qu’un autre, pouvait en disposer. Ni l’origine, ni le rang, ni la fonction, ni le sexe du défunt ne semblent déterminer leur association à une divinité funéraire. Notons toutefois qu’aucune divinité aprosope n’a été découverte avec une divinité prosopique, alors qu’elles devaient se succéder le long des mêmes chemins sur des tombes contemporaines. Reste à considérer la possibilité de choix individuels, conditionnés par les croyances et les pratiques de la famille et de la cité, qui laissaient la liberté au futur défunt ou à ses proches de commander un type de marqueur funéraire au sein d’une gamme restreinte, stèle ou divinité essentiellement, puis d’en déterminer la forme et le style, bien plus divers en revanche, qu’il arborerait. Ces choix pourraient être également responsables de la présence ou de l’absence de visage sur les divinités funéraires, liés à des croyances familiales qui, aux époques classique et hellénistique, auraient tiraillé la société cyrénéenne en deux groupes, le premier attaché à une forme de tabou de la représentation, le second choisissant au contraire d’en montrer le visage, avec toute la pudeur du geste d’anakalypsis, avant toutefois qu’une troisième voie ne soit ingénieusement proposée par les sculpteurs cyrénéens. En effet, les responsables de cette individualisation ne sauraient être les seuls commanditaires. La seule présence des divinités funéraire prouve l’existence d’ateliers aussi pérennes qu’actifs sur une période extrêmement longue. Or, pour assurer la vie de tels ateliers, il est nécessaire de recevoir des commandes en abondance et de manière continue. La période hellénistique est la mieux documentée et la plus précise chronologiquement en raison de l’apparition des bases inscrites, liée à la démultiplication des grandes divinités funéraires en marbre. Il est possible de distinguer entre la fin du IVe et le Ier siècle av. J.-C. au moins trois tendances stylistiques dominantes qui pourraient être liées tant à la marque des ateliers qu’à une succession de modes sur de courtes périodes. Sur un ensemble de schémas originaires d’Attique, avec un raffinement tout particulier dans l’art des drapés, les sculpteurs explorent des pistes différentes pour les animer, ce qui permet parfois de repérer le travail d’ateliers distincts.

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La tendance la plus diffuse, que l’on peut qualifier de ‘linéaire’,55 est marquée par la déclinaison de plis continus ou discontinus selon les sculptures, qui dessinent des séries de lignes parallèles, lisibles d’un bout à l’autre du pan du vêtement (Fig. 4). De faible profondeur, ces plis superficiels aux arêtes vives sont rapidement exécutés, d’après des cartons assez précis. Certains sculpteurs ou ateliers ont pu néanmoins pousser le raffinement décoratif jusqu’à l’obtention de ce qu’il convient de qualifier de ‘chefs-d’œuvre’, à l’image de la n° Bes. 106 ou de la divinité funéraire saisie à Londres. Une seconde tendance, que nous pouvons qualifier de ‘plastique’, est caractérisée par un drapé traité en grandes masses superposées avec d’importants décalages de profondeur, sur lesquels les plis forment des surfaces planes (Fig. 5). L’opposition des plis structurels souples aux plis de remplissage secs provoque un jeu de contrastes saisissant entre les volumes. La troisième tendance, ‘chromatique’, est déterminée par des plis abondants, superposés, entremêlés, formant d’infinies variations de surface permettant de jouer sur les tonalités du marbre par des effets de contraste entre ombres et lumières, que Beschi qualifiait ‘d’enrichissement baroque’.56 À angles vifs, alternant plasticité et incisions, les plis principaux sont continus tandis que les plis secondaires s’entrecoupent. Le contraste est immédiat entre un himation presque froissé, vibrant et un chiton aux plis verticaux cannelés (Fig. 1). On ne peut confirmer pour le moment, en raison du manque de sculptures complètes, si ces variations du corps trouvent un écho dans ceux des visages et des coiffures. Au sein de ces différentes tendances stylistiques, avec la constitution d’un éclectisme propre à ces ateliers, émerge l’aspect le plus visible de l’originalité artistique des sculpteurs cyrénéens. Au IIIe siècle apparaissent trois nouvelles catégories de têtes de divinités funéraires qui, bien que rares, représentent une forme d’aboutissement stylistique et iconographique: les têtes aprosopes ou prosopiques voilées ou semi-voilées. Beschi en publiait trois, l’une qu’il avait rattachée à un corps acéphale canonique précédemment publié par Chamoux (n° Bes. 57), et deux autres sans contexte (n° Bes. 158–159). La partie gauche du visage est masquée par un pan du voile, l’une des bordures de l’himation, venant se confondre avec ses traits. L. Llewellyn-Jones a publié rapidement en 2003 la photographie d’une tête issue d’une collection privée en dépôt au Metropolitan Museum de New York depuis 1999, qu’il n’avait pas identifiée comme appartenant à cette catégorie, mais que Frontisi-Ducroux avait reconnue.57 Un corps acéphale de Cyrène (n° Bes. 124) actuellement conservé au 55 56 57

Beschi 1972, 339. Beschi 1972, 338. Llewellyn-Jones 2003, 318, fig. 17; Frontisi-Ducroux 2008, 62, n. 46.

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Fig. 4. Divinité funéraire du Wadi Ezzia, nécropole Ouest de Cyrène (© Musée de Cyrène).

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Fig. 5. Divinité funéraire, Cyrène (© Asmaïl Dakil Al Hasi, Musée de Cyrène).

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musée de Derna, appartient probablement à la même catégorie, au vu de l’arrachement du voile au sommet du cou. Ces cinq sculptures ne proviennent sans doute pas des mêmes ateliers: le travail du marbre est différent, de même que les coiffures et les effets de transparence des plis du voile venant modeler le nez et la bouche. Voilement et dévoilement se confondent, offrant une alternative sensible aux deux formes usuelles. Beschi ignorait néanmoins quatre sculptures apparues après sa publication et formant de nouvelles catégories. Ces effets de transparence sont en effet poussés à leur paroxysme avec la petite divinité funéraire canonique découverte dans les années 1970 dans la nécropole Ouest de Cyrène (Fig. 4). S. Wannis la datait d’époque flavienne, en raison des similitudes entre la coiffure à rangs de boucles superposées et les coiffures en ‘nids d’abeille’ des portraits romains.58 Mais il s’agit de la version hellénistique d’une forme puisant, au sein de la série des divinités funéraires, ses origines dès l’époque tardo-archaïque. Le vêtement tournoyant, relevant de la tendance linéaire, est à replacer plutôt au sein des productions du IIe siècle. Ses traits sont intégralement voilés par l’himation, basculé sur la partie inférieure de la tête, retenu par deux doigts. Les yeux, le nez et la bouche apparaissent nettement sous le textile. L’hésitation est toujours la même: les plis tendus sur le visage se détendent à hauteur des doigts, ne permettant pas de déterminer si la déesse se voile ou se dévoile. Son absolu contraire est apparu plus récemment avec une divinité funéraire canonique rapportée au musée de Cyrène depuis la nécropole dans les années 1990, dont nous n’avons pu, pour le moment, retracer l’historique (Fig. 5).59 Le drapé de tendance plastique est probablement contemporain de la précédente; elle en partage la coiffure, moins soigneusement exécutée. La tête légèrement inclinée est aprosope. Pourtant, l’emplacement supposé des traits est parcouru par un épais pan de l’himation, comme pour masquer leur absence ou, plutôt, redoubler le principe même de l’aprosopie. L’isolement de cette sculpture a été rompu en 2015 avec l’apparition de l’une des trois divinités funéraires saisies aux ports-francs de Genève mais dont nous ne pouvons publier la photographie puisque l’enquête est en cours.60 Avec un schéma corporel inédit, elle dispose d’un vêtement de tendance linéaire très simple, assez proche des deux demistatues canoniques découvertes avec elle. Elle porte avec sa main droite un pan de son himation sur le visage comme pour retenir ses pleurs, à la manière d’une 58

Wanis 1977, 47–49. Frontisi-Ducroux 2008, 62–63, fig. 10. 60 Paolo Conti, ‘Libia: a rischio anche decine di tesori archeologici, stilata la “red list”’, in Corriere della Sera, 4 mars 2016, http://www.corriere.it/esteri/16_marzo_04/libia-rischio-anchedecine-tesori-archeologici-stilata-red-list-850e8068-e1e2-11e5-b31b-034bb632a08d.shtml (consulté le 3/10/2017). 59

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lamentation, un geste connu, par ailleurs, sur l’une des figures du Sarcophages des pleureuses de Sidon. À la différence, ici, qu’il n’y a nulle larme à essuyer, nul sanglot à étouffer: elle est aprosope. Ces deux œuvres peuvent traduire avec éclat une réaction extrême aux tentatives précédentes de lier visage et aprosopie, rappelant que la déesse ne peut avoir de visage et qu’il doit être caché. Pourtant, ces sculptures sont presque toutes issues d’ateliers que l’on peut identifier, et qui ont créé des sculptures appartenant à d’autres catégories. Que les artisans se soient adaptés aux commandes ou aient proposé ces alternatives, ces formules originales relèvent d’un art sculptural proprement cyrénéen déterminé par une émulation interne induite par une concurrence sociale, religieuse et artistique dont les nécropoles, autant que les sanctuaires, sont le théâtre. CONCLUSIONS Les divinités funéraires formaient ainsi une part non négligeable de l’identité cyrénéenne, religieuse et artistique, depuis sa fondation jusqu’à son intégration dans l’Empire Romain. Une identité qui s’établissait avant tout visuellement. Pour quiconque sortait ou entrait dans Cyrène, Apollonia, Ptolémaïs ou Barca, la première chose qui s’étendait hors des portes étaient les tombes, particulièrement concentrées autour des axes principaux, à l’epiphanestatos topos de la cité. Les divinités funéraires en étaient presque toujours l’unique ornement capable d’attirer le regard, loin, par exemple, de la diversité des marqueurs funéraires du Céramique. Il est nécessaire de se représenter l’effet que devait produire pour les passants cette succession de tombes au sommet desquelles, tournées vers le passant le long des routes, en retrait de courtines, trônaient les divinités funéraires. Elles matérialisaient, derrière leur voile ou le poli de leur marbre, l’omniprésente inaccessibilité du royaume des morts. Ce paysage, unique, participe de cette opposition si souvent sensible à Cyrène entre une cité qui tantôt se révèle comme l’un des modèles les plus aboutis de la cité coloniale grecque, tantôt comme une cité trop particulière, trop originale, pour l’être complètement. Les divinités funéraires en sont la démonstration, ne s’écartant jamais dans leurs formes générales et leurs styles des critères communs de l’art hellénique, mais formant, par leur iconographie et leur fonction, un hapax sculptural. Cyrène et sa région montrent bien que le monde colonial grec ne se résume pas à des périphéries ‘marginales’. Sans même parler de son urbanisme, de son architecture ou de son rôle historique et culturel, la qualité et l’abondance de sa production sculpturale61 soulignent à quel point cette marginalité réside surtout dans la place que les études modernes lui ont accordé. Mentions éparses, 61

Paribeni 1959; Huskinson 1975; McAleer 1978; Beschi 1996; Zagdoun et Hamiaux 2004.

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passages rapides, comparaisons hâtives ou occultation complète sont loin de rendre honneur à des ateliers actifs sur plus d’un millénaire, de l’époque archaïque au Bas-Empire, à l’origine de créations normées ou fantasques. Elles suivent tantôt les modes générales initiées dans d’autres pôles, tantôt développent leur propre vocabulaire formel et stylistique. Reléguer les sculpteurs cyrénéens au simple rang d’ateliers marginaux serait minorer à la fois leur adhésion aux principaux courants stylistiques contemporains et la créativité qui se dégage ponctuellement de leurs créations. L’identité de la déesse et ses formes générales témoignent d’une spécificité locale commune aux Cyrénéens. Il est nécessaire, pour les expliquer, de supposer l’existence d’une puissante croyance funéraire locale, véritable fondement social, capable d’imposer des normes aux comportements et de bâtir des conventions de représentation durables, un demi-millénaire durant. Le phénomène de diversification de la divinité funéraire est donc assez similaire à celui des offrandes votives, passant par le choix des individus. Les divinités funéraires, comme les korai avant elles, sont tiraillées entre leur triple destination: être un symbole de conformité et d’appartenance à un corps social constitué, une manifestation de la croyance et une mise en valeur des commanditaires. Il faudrait ajouter à cela la volonté de démarcation des artistes ou des ateliers. Chaque variation visuelle indique un changement dans l’un de ces paramètres. Quelle que soit la période ou la catégorie à laquelle appartient la divinité funéraire, les Cyrénéens se sont attachés à varier les détails tout en respectant un schéma conventionnel, sans que l’on sache précisément qui, des sculpteurs ou des commanditaires, ont été responsables des choix formels et stylistiques, en particulier le choix du type de visage. Prosopie et aprosopie cohabitent ainsi au sein des mêmes générations, jamais pour le moment sur un même monument. Cela soulève une question pour laquelle nous n’aurons, peut-être, jamais de réponse. Celle du choix. Quelles raisons poussaient un commanditaire à opter pour un schéma ou pour un autre, pour une figure avec ou sans visage? Le faisait-il de son vivant, était-ce un choix personnel ou un choix familial? La réponse est à rechercher dans la somme d’individualités qui compose toute société. Chacune de ces sculptures est personnelle, unique, associée au défunt pour l’éternité. Cette personnalisation est source de la diversité de leurs détails. C’est aussi ce qui pourrait contribuer à expliquer la ruine progressive de leur production: la concurrence d’une autre pratique individuelle, sous influence gréco-égyptienne ou italique,62 celle du portrait funéraire, qui augure à l’époque impériale un important bouleversement de l’identité cyrénéenne.

62

Marini 2012.

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UNE AUTRE FAÇON DE MOURIR?* RETOUR SUR LES PRATIQUES FUNÉRAIRES DE MÉGARA NISAEA ET MÉGARA HYBLAEA Reine-Marie BÉRARD

Abstract The nature of social, political, religious and cultural relationships that existed between a colony and its mother-city in the Ancient Greek world is one of the greatest issues of the history and archaeology of Greek colonisation. This paper tries to give new elements of answer to this question by analysing the necropolis and funerary practices of the Sicilian colony of Megara Hyblaea and that of its mother-city, Megara Nisaea. Taking advantage of recent studies and new data, it discusses the validity of the conclusions drawn on this very subject by a first study published 20 years ago. The many similarities of the funerary practices of the two Megarian cities are underlined, whereas the specific evolutions of the funerary practices of the colony are replaced in the larger frame of a comparison with other Sicilian colonies, particularly the neighbouring colony of Syracuse. It shows that both the mother-city and the colonial environment are certainly at play in the formation of new funerary customs in Megara Hyblaea. The economic or/and ideological dimensions of these evolutions are finally discussed.

La nature des relations qui existaient dans le monde grec antique entre une métropole et sa ou ses colonies est l’un des principaux débats de l’histoire et de l’archéologie de la colonisation grecque. Dans quelle mesure les colons reproduisaient-ils dans la colonie les pratiques et les coutumes de la métropole dont ils étaient originaires? Entretenaient-ils des contacts privilégiés avec cette métropole, et sous quelle forme ces hypothétiques contacts peuventils être identifiés? Enfin, comment évoluaient les relations entre métropoles et colonies au fur et à mesure du passage des générations et de la naissance de nouveaux colons qui n’avaient pas connu directement la métropole et ses

* On me pardonnera, je l’espère, cette formule qui fait référence au titre du colloque dans lequel s’insérait cette communication et qui gagne en efficacité ce qu’elle perd en précision: il va de soi que les façons de ‘mourir’ à proprement parler devaient être assez semblables, dans leur diversité, dans l’ensemble du monde grec, et que ce nous abordons ici sera en réalité la façon de gérer la mort, afin d’envisager la possibilité de ses différentes évolutions entre métropole et colonie dans le monde grec archaïque.

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pratiques? Jusqu’à très récemment encore, la réponse à ces questions a été fortement influencée par l’histoire et l’héritage de la colonisation contemporaine qui se voulait à la fois conquérante et humaniste.1 La colonisation grecque a ainsi souvent été pensée en termes de domination, militaire d’abord – puisque les nouveaux arrivants s’étaient emparés des terres indigènes le plus souvent par la force – mais surtout culturelle: les Grecs, maîtres des sciences et de la pensée, auraient porté la Civilisation dans le monde des Barbares. À la fin du XIXe siècle, E. Freeman écrit ainsi explicitement, dans un des premiers travaux consacrés aux Grecs d’Occident: ‘The advance of the Greek over the Sikel was in every way the advance of the higher over the lower man’2 – une opinion qui resta ancrée dans les esprits jusqu’à la fin des années 1960, où J. Boardman décrit encore la Méditerranée de l’Ouest comme un endroit où les Grecs ‘had nothing to learn, much to teach’.3 L’échange a donc longtemps été perçu en termes de domination, le plus fort, c’est-à-dire le Grec, imposant sa culture en même temps que son pouvoir au plus faible, l’indigène vaincu. Une des conséquences majeures de ce mode de pensée a été d’écarter systématiquement la possibilité d’une évolution de la culture grecque en contexte colonial au contact de populations indigènes. Pour T.J. Dunbabin, dans les colonies de Sicile: ‘Any admixture of Sikel blood was so slight as not to affect the purely Greek culture’.4 Cette idée d’une identité grecque inchangée – on dirait presque incorruptible – au contact des sociétés indigènes a été une des grandes théories défendues par Dunbabin qui affirmait sans ambages: ‘I am inclined to stress the purity of the Greek culture in the colonial cities’.5 Cette identité pure, héritée de la métropole, impliquait selon lui une ‘almost complete cultural dependance’ de la colonie par rapport à la métropole, dépendance qui aurait été ‘the pride of most colonials’:6 plus qu’un état de fait, une revendication! La soumission culturelle des indigènes aux colonies, et des colonies aux métropoles a donc longtemps été considérée comme un fait établi dans la Méditerranée grecque antique comme elle l’était dans l’Europe contemporaine. Une culture grecque globale aurait été exportée par les colons depuis leurs cités d’origine et réimplantée dans tout le Bassin Méditerranéen sans que cela n’affecte en rien sa teneur. 1 Voir à ce propos l’analyse des travaux de Dunbabin proposée dans De Angelis 1998. Également: Shepherd 1999; Gras 2006. 2 Freeman 1891, 319. 3 Boardman 1964, 203. 4 Dunbabin 1948, 45. 5 Dunbabin 1948, VI. 6 Dunbabin 1948, VII. L’auteur désigne par ailleurs Syracuse comme une ‘possession’ de Corinthe (Dunbabin 1948, 17).

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C’est en rebondissant sur la formule de Dunbabin – précisément sans doute pour souligner la pesanteur de l’histoire coloniale contemporaine sur l’historiographie de la colonisation antique,7 que Gillian Shepherd a proposé, dans un article de 1995, une analyse comparée des nécropoles et des pratiques funéraires des colonies siciliennes de Syracuse, Mégara Hyblaea et Géla,8 et de leurs métropoles – respectivement Corinthe, Mégara Nisaea, et Rhodes et la Crète, entre la fondation de ces colonies et le début du Ve siècle av. J.-C.9 Intitulé ‘The Pride of Most Colonials: Burial and Religion in the Sicilian Colonies’,10 cet article de synthèse tiré de sa thèse de doctorat11 a connu un très grand succès et il est aujourd’hui encore régulièrement cité pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’il comblait un vide: comme le constate Shepherd elle-même dans son introduction, alors même que les données funéraires sont unanimement reconnues de première importance pour comprendre les systèmes d’organisation sociale et les systèmes symboliques des populations du passé, en contexte colonial, peu de travaux existent qui confrontent les pratiques funéraires des colonies et de leurs métropoles pour essayer d’en tirer des conclusions sur la nature des rapports culturels et religieux qu’elles entretenaient. La raison en est simple: c’est qu’il est extrêmement rare de disposer, à la fois pour une métropole et sa colonie, d’un corpus de tombes fouillées suffisamment grand et suffisamment bien documenté (et publié!) pour pouvoir envisager des confrontations systématiques. Même lorsque ces corpus existent, leur confrontation constitue un travail si monumental que peu d’auteurs ont eu le courage de s’y lancer. Shepherd n’ayant pas craint de faire face à ces importantes difficultés, cet article constitue à ce jour un des rares essais abordant ces questions – par conséquent cité par de nombreuses publications. Une autre raison de son succès est la thèse originale qui y est développée: contrairement aux idées reçues et portées par les chercheurs des années 1950 et 60 déjà évoqués, Shepherd soutenait en effet l’hypothèse d’une rapide 7 Il est cependant étonnant que G. Shepherd ait choisi de ne signaler par aucun signe diacritique la distance qu’elle prenait avec l’expression de ‘pride of most colonials’ qu’elle semble reprendre à son compte dans le titre alors que tout l’article s’y oppose. 8 Le choix des colonies a été dicté par le fait qu’elles étaient à la fois géographiquement et chronologiquement proches (et que les sources écrites attestent les nombreuses interactions politiques et militaires entre elles) mais aussi relativement bien fouillées et publiées – j’insiste sur le ‘relativement’, surtout au moment où Shepherd écrit, comme nous allons le montrer plus loin. 9 Shepherd prend pour borne inférieure de sa recherche la date de 483 av. J.-C., date à laquelle Mégara Hyblaea aurait été défaite et vidée de ses habitants par le tyran Gélon de Syracuse, d’après Thucydide (6. 4). 10 Shepherd 1995. 11 Thèse réalisée sous la direction d’A.M. Snodgrass et soutenue en 1993 sous le titre Death and Religion in Archaic Greek Sicily: A Study in Colonial Relationships. La publication de cette thèse a été plusieurs fois annoncée mais n’est pas encore disponible à ce jour.

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autonomie culturelle et symbolique des colonies par rapport à leurs métropoles. Elle affirmait l’existence d’importantes divergences entre les pratiques funéraires des trois colonies par rapport à leurs métropoles dès les premières décennies de leur existence12 et soulignait, à l’inverse, un jeu de symétries, d’échos et de parallèles entre les pratiques funéraires des trois colonies. Ce jeu reflèterait, selon elle, la construction d’une identité culturelle essentiellement fondée sur une synergie inter-coloniale prenant la forme d’une compétition socio-économique dont les pratiques funéraires auraient été un des moyens d’expression privilégié. Elle propose ainsi une lecture des pratiques funéraires coloniales en termes de concurrence sociale entre cités voisines, bien plus qu’en termes d’idéologie culturelle partagée par un groupe. Cet article pose cependant un certain nombre de problèmes, la plupart inhérents aux lacunes mêmes des sources documentaires disponibles et exploitées par Shepherd – ‘point noir’ de cette étude déjà souligné par F. De Angelis dans un compte rendu paru en 1997.13 En effet, si les trois colonies et leurs métropoles présentent des nécropoles relativement mieux publiées que de nombreux autres sites, la documentation disponible au début des années 1990 n’en était pas moins inégale et limitée sur de très nombreux points. Certains travaux sont anciens, d’autres très incomplets, ce que n’indique pas toujours le caractère très affirmé et définitif des conclusions formulées par Shepherd (un effet, sans aucun doute, de la nécessité qui lui était imposée par le format de l’article de résumer des raisonnements qui devaient être plus nuancés et entourés de plus de précautions dans sa thèse). Ayant moi-même effectué ma thèse de doctorat (aujourd’hui publiée)14 sur les nécropoles de Mégara Hyblaea en exploitant pour cela une documentation encore largement inédite, car en cours de traitement15 – et donc incommunicable au moment où écrivait Shepherd, il m’est aujourd’hui possible de souligner un certain nombre d’inexactitudes, voire de véritables erreurs concernant les cités de Mégara Hyblaea et Mégara Nisaea, des erreurs qui pèsent sur l’ensemble de cet article et interdisent d’en accepter les conclusions de manière aussi directe qu’il a souvent été fait. Je tiens cependant à insister sur le fait que ces erreurs sont bien souvent dues au caractère 12 L’hypothèse avait déjà été formulée par A. Snodgrass en 1971, comme le note Shepherd elle-même dans son introduction. 13 De Angelis 1997. 14 Bérard 2017. 15 Les responsables de la publication de la nécropole Sud ont fait le choix de ne pas publier les tombes par petits groupes à l’occasion de colloques ou de séminaires en raison de l’importance d’avoir une documentation complète avant de pouvoir formuler des interprétations. Ce choix est à l’origine d’un retard dans la publication, en passe d’être comblé par la publication des deux volumes complémentaires que représentent Mégara 6.1 (Duday et Gras à paraître) et Mégara 6.2 (Bérard 2017).

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limité des données auxquelles Shepherd avait accès à l’époque: l’essentiel de la documentation dont elle disposait sur la nécropole Ouest de Mégara Hyblaea est tirée des travaux du célèbre archéologue italien P. Orsi, fouilleur exceptionnel qui a livré des publications et des carnets d’une qualité tout à fait remarquable mais dont les travaux remontent néanmoins à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle et posent un certain nombre de problèmes.16 En outre, le bilan proposé par Shepherd pour Mégara Hyblaea s’appuie largement sur deux articles de synthèse publiés en 1975 et 1976,17 qui présentent les résultats préliminaires des fouilles d’urgence menées par M. Cébeillac dans la nécropole Sud au début des années 1970. Mais ces deux articles, loin d’offrir un catalogue détaillé des tombes, ne présentent qu’un premier bilan des travaux effectués, avec un certain nombre d’hypothèses qui n’ont pas toujours été avérées par la suite.18 J’ai eu la chance d’avoir accès depuis 2010 et de manière durable à une documentation beaucoup plus ample et approfondie sur le site de Mégara Hyblaea.19 Je reste néanmoins consciente qu’il ne s’agit là que d’une partie du problème, puisque je ne suis pas en mesure, à l’heure actuelle, de reprendre l’intégralité de la documentation concernant les sites de Syracuse et Corinthe, Géla, Rhodes et la Crète. Par conséquent, je me propose d’exposer ici un certain nombre de rectifications et de nouvelles propositions pour les deux Mégara, non pas dans une démarche d’accusation mais dans une perspective d’évolution des savoirs qui caractérise, il me semble, le bon fonctionnement de la recherche scientifique.

16 Pour les quelque 300 tombes fouillées par Orsi en 1892, on ne dispose par exemple que de la publication très sommaire des carnets de fouille de son assistant A. Caruso (Caruso 1892) qui présentent de nombreuses lacunes et erreurs par rapport aux carnets de fouilles originaux d’Orsi, comme j’ai pu le montrer en 2017 dans le cadre de mon mémoire de l’École française de Rome. Même la publication des fouilles de 1890 dirigée par Orsi dans les Monumenti Antichi dei Lincei (Cavallari et Orsi 1892) doit être abordée avec précaution: tous les objets découverts et indiqués dans les carnets de fouille ne sont pas toujours marqués dans les listes de la publication; en outre, certaines interprétations proposées par Orsi à l’époque ont pu être revues et corrigées à la lumière de la documentation récente sur la nécropole Sud de Mégara Hyblaea. Sur les limites du travail d’Orsi qui ne conservait pas les tessons voir déjà Gras, Tréziny et Broise 2004, 319. De fait les réserves du Musée de Syracuse ne contiennent pour les fouilles Orsi que des vases entiers, jamais des fragments alors que la situation est totalement différente pour les fouilles récentes. Toutes ces difficultés bien réelles ont sans aucun doute pesé sur l’établissement et l’analyse du corpus qui fait l’objet des travaux de Shepherd. 17 Cébeillac 1975; 1976. 18 De fait Shepherd cite les mises en garde orales que lui avait faites M. Gras à l’époque (n. 5 et 11, 76–77). 19 Bérard 2017; Duday et Gras à paraître.

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UNE TYPOLOGIE DES TOMBES À RÉVISER Un des arguments fondamentaux de Shepherd pour écarter l’hypothèse d’une filiation étroite des pratiques funéraires entre colonie et métropole était de montrer que les pratiques funéraires de Mégara Hyblaea divergeaient d’emblée massivement des pratiques funéraires de Mégara Nisaea, c’est-à-dire Mégare de Grèce. Cependant, comme elle le reconnaissait elle-même, les pratiques funéraires de Mégara Nisaea étaient extrêmement mal connues au début des années 199020 et c’est par comparaison avec Corinthe que Shepherd définit les principaux types de tombes dans la métropole au début de l’époque archaïque: fosses creusées dans la roche, tombes à orthostates (c’est-à-dire des tombes constituées d’un caisson formé de pierres verticales, plus ou moins travaillées et plus ou moins soigneusement agencées) et sarcophages monolithes. Cependant, l’argument décisif de son raisonnement pour prouver l’existence d’une divergence massive des pratiques funéraires entre Mégara Hyblaea et Mégara Nisaea est le suivant: ‘At all events, there is no evidence at Megara for the type of burial which appears to account for most of the late eighth and earlier seventh century burials at Megara Hyblaea, namely inhumation or cremation in amphora’.21 Elle évalue ainsi à 75% la part des tombes d’adulte de Mégara Hyblaea à la fin du VIIIe siècle et jusqu’au milieu du VIIe siècle av. J.-C., qui seraient des inhumations ou des dépôts secondaires à crémation en amphore.22 Or, elle commet ici une erreur fondamentale, probablement due à une lecture erronée des articles de M. Cébeillac qui évoque bien une proportion de 75% de ‘vases sépulcres’ dans la nécropole Sud, dont la très grande majorité contenaient des inhumations et quelques-uns seulement des crémations, mais elle n’indique à aucun moment qu’il s’agissait de sépulture d’adulte.23 En réalité, ces ‘vases sépulcres’ qui sont pour la plupart des amphores de transport, des hydries, des vases de cuisine et quelques pithoi, abritent dans leur très grande majorité des inhumations d’enfant,24 leur 20

Shepherd 1995, 56. Shepherd 1995, 56. 22 Shepherd 1995, 57, fig. 2. 23 Il est vrai, cependant, que le tableau donné en guise de catalogue succinct des tombes dans l’article de 1976 peut paraître trompeur dans la mesure où M. Cébeillac donne parfois une proposition de sexe du défunt pour certains des individus abrités dans des ‘sépulcres en vase’ – ce qui laisserait supposer qu’il s’agirait d’adulte. Ces hypothèses ont cependant été faites sur la seule foi du mobilier d’accompagnement, et la mention ‘femme’ est appliquée indifféremment (et de manière abusive, dans la mesure où il ne s’agit que d’une supposition de genre, et non d’une identification de sexe) aux tombes d’adulte et aux tombes d’enfant. 24 À propos des inhumations d’enfant en vase, Shepherd commet également une erreur en affirmant qu’elles disparaissent de la nécropole Ouest à partir du milieu du VIe siècle. S’il y a une diminution de la proportion de ce type de tombe à cette époque, on ne peut en aucune manière parler d’une disparition totale au profit des sarcophages (Shepherd 1995, 65). 21

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volume interne interdisant catégoriquement l’inhumation d’un adulte. C’est seulement sous la forme de dépôts secondaires à crémation qu’un peu moins de 10% d’entre eux abritaient les restes d’adultes – et rares sont les dépôts de ce type à être antérieurs à la seconde moitié du VIIe siècle et à avoir par conséquent leur place dans un raisonnement portant sur les premières décennies d’existence de la colonie. Cette erreur fondamentale conditionne négativement la suite du raisonnement, puisque c’est sur elle que se fonde l’hypothèse selon laquelle les types de tombes employés pour les adultes à Mégara Hyblaea auraient été d’emblée très différents de ceux employés à Mégara Nisaea, et de là que vient l’idée de chercher à Syracuse le modèle des évolutions mégariennes. Or, le tableau des types de tombes employés pour les adultes à Mégara Hyblaea entre la fin du VIIIe et le milieu du VIIe siècle av. J.-C. est bien différent: si les dépôts secondaires à crémation en vase sont rares pour cette première période, les adultes peuvent en revanche être inhumés dans des fosses creusées dans la roche et munies d’une couverture de pierre, des tombes à orthostates bruts ou réguliers, ou des sarcophages monolithes. Or, ce tableau n’est pas si différent de ce que l’on connaît aujourd’hui des types de tombes employés pour les adultes à Mégara Nisaea. Là encore, les progrès récents de la recherche offrent des données beaucoup plus abondantes que celles dont disposaient Shepherd en 1995. En 2016, Y. Chairetakis a publié un article de synthèse portant sur les 165 tombes archaïques fouillées au cours des quarante dernières années autour de Mégara Nisaea, une synthèse éclairée par les récentes fouilles qu’il a lui-même dirigées dans la nécropole du Nord-Est, au lieu-dit Staurakis.25 Sans retomber dans les travers précédemment dénoncés et s’aventurer à fonder un raisonnement précis sur un corpus limité et sur un article de synthèse auquel manque le catalogue détaillé des tombes, on peut néanmoins proposer quelques remarques sur les types de tombes attestés à Mégara Nisaea. Or, les types de tombes d’adultes identifiés dans la métropole apparaissent comparables à ceux de sa colonie au VIIIe et au VIIe siècle. Il s’agit essentiellement des tombes à orthostates (dont certaines présentent des structures extrêmement proches de cas connus à Mégara Hyblaea) et d’emblée un certain nombre de sarcophages monolithes dont la proportion s’accroît considérablement à la fin du VIIe et au VIe siècle, comme à Mégara Hyblaea. Les tombes en fosse et les inhumations d’enfant en vase sont également (modestement) représentées à Mégara Nisaea.26 Ainsi, sans tirer de ces quelques éléments des conclusions définitives, on peut néanmoins constater l’absence de divergence massive et radicale entre les types de tombe 25 26

Chairetakis 2016. Chairetakis 2016, 227, fig. 8.

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d’adulte en usage à Mégara Nisaea et Mégara Hyblaea dans les premiers temps de l’époque archaïque. Il est vrai cependant, comme le souligne Shepherd, que les nécropoles de Mégara Hyblaea présentent une innovation fondamentale dans la seconde moitié du VIe siècle, la cella hypogée (pour reprendre les termes d’Orsi employés par Shepherd), caveau bâti souterrain constitué de deux rangées de blocs ayant parfois nécessité la mise en œuvre de plusieurs tonnes de pierre. Il s’agit là d’une nouveauté de la colonie dont on ne trouve d’équivalent ni à Mégara Nisaea, ni à Syracuse. Shepherd propose d’interpréter l’invention de ce nouveau type de tombe comme la conséquence d’un jeu de compétition socio-économique entre Mégara Hyblaea et Syracuse. Pour cela, elle propose un graphique censé représenter les différents types de tombe d’adulte à Mégara Hyblaea et Syracuse à la fin du VIIe siècle et au VIe siècle (Fig. 1): elle y affirme qu’à cette époque les tombes de Syracuse se répartissaient en deuxtiers de fosses creusées dans la roche et un tiers de sarcophages monolithes, tandis que Mégara Hyblaea afficherait deux-tiers de sarcophages monolithes et un tiers de caveaux bâtis. Une fois encore, cependant, force est de constater que ce schéma est pour le moins simplificateur, sinon franchement faux. En effet, loin de représenter un tiers des tombes d’adulte de la fin du VIIe et du VIe siècle av. J.-C. à Mégara Hyblaea, les caveaux bâtis comptent pour à peine plus de 5% de ces tombes. Le graphique pyramidal de Shepherd exclut en outre totalement tous les autres types de tombes d’adultes attestés à Mégara Hyblaea pour cette période: les fosses creusées dans la roche, les tombes à orthostates ou encore les tombes à tuiles, qui apparaissent à la même époque que les caveaux bâtis. La situation est donc bien plus complexe qu’il n’y paraît à la lecture de ce graphique. Certes, il est tout à fait possible et même probable que l’apparition des caveaux bâtis dans les nécropoles de Mégara Hyblaea dans le courant du VIe siècle relève de la volonté d’une élite de se distinguer de la masse des autres citoyens mégariens, et peut-être aussi syracusains. Mais il n’est certainement pas possible d’établir de parallèle direct dans la structure funéraire des deux colonies voisines, ni par conséquent d’expliquer toutes les variations de types de tombes dans les nécropoles de Mégara Hyblaea par une volonté de compétition avec Syracuse. PRATIQUES FUNÉRAIRES ET COMPÉTITION SOCIO-ÉCONOMIQUE:

UN CRITÈRE À

RÉÉVALUER

De manière générale, il me semble que l’idée de compétition sociale tend à prendre une place si importante dans le raisonnement de Shepherd qu’elle lui fait parfois écarter trop vite les autres explications possibles. De fait, le choix du type de tombe n’est pas nécessairement le meilleur critère à observer pour

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Fig. 1. Structure des nécropoles de Syracuse et Mégara Hyblaea (tombes d’adultes) (d’après Shepherd 1995, 58, fig. 3).

comprendre les luttes de pouvoir, d’ostentation et de mise en scène sociale entre cités voisines: à moins de supposer que les Mégariens assistaient aux funérailles des Syracusains et inversement, force est de constater que le type de tombe était une donnée qui ne leur était pas immédiatement visible, puisque les tombes étaient recouvertes de terres et probablement entièrement dissimulées. Il serait donc beaucoup plus pertinent de s’interroger sur l’existence de marqueurs de tombes et des éventuels couronnements qu’elles portaient, éléments pérennes et visibles par tous ceux qui passaient sur les routes reliant les deux colonies entre elles. Il est malheureusement difficile de le faire en raison de la rareté des monuments et des marqueurs de tombes conservés à Mégara Hyblaea, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agirait là d’éléments bien plus déterminants pour envisager une rivalité funéraire entre les deux colonies. Shepherd applique également cette grille de lecture de compétition socioéconomique à la quantité et à la qualité du mobilier d’accompagnement avec un enthousiasme tel qu’il dépasse parfois la stricte réalité des données archéologiques. Ainsi, il paraît très exagéré d’affirmer que le nombre des objets métalliques dans les tombes de Mégara Hyblaea ‘shoots up’ et que le métal fut utilisé ‘with a vengeance’ au VIe siècle dans le cadre d’une politique de ‘conspicuous consumption’.27 Les mobiliers d’accompagnement des tombes mégariennes sont certes plus abondants au VIe siècle et montrent une certaine 27 Shepherd 1995, 69. Les seules tombes qui pourraient éventuellement mériter de tels qualificatifs sont quelques tombes du petit groupe de la nécropole Nord, qui constituent cependant une part extrêmement minoritaire des tombes mégariennes (Gentili 1954).

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augmentation du mobilier métallique, mais il s’agit toujours de dépôts modestes, le plus souvent une simple paire d’épingle en bronze, plus rarement des petites fibules, des anneaux ou des boucles d’oreille, mais toujours des objets qui restent, somme toute, relativement communs par rapport aux remarquables parures de bijoux et aux équipements guerriers que l’on trouve par exemple à Métaponte28 à la même époque. De même est-il faux d’écrire à propos des tombes d’adulte que ‘some of the sarcophagi are more on a par with the hypogeic cella in terms of wealth disposal because of their very rich contents’29 car les seuls sarcophages monolithes à se singulariser par un important mobilier d’accompagnement sont en réalité des tombes d’enfant. Ils ne peuvent donc pas être pris en compte dans un raisonnement portant sur des tombes d’adulte. Encore le ‘very rich content’ de ces sarcophages d’enfant doit-il, là encore, être nuancé. S’il y a bien une augmentation du nombre d’objets, dans les tombes de Mégara Hyblaea au cours du VIe siècle, cette évolution apparaît ainsi beaucoup moins ostentatoire et beaucoup moins significative que ne le laisse penser le discours de Shepherd. Au contraire, il me semble intéressant de souligner que cette relative pauvreté des mobiliers d’accompagnement des tombes à Mégara Hyblaea (M. Cébeillac parle de ‘médiocrité générale’30) est une caractéristique que l’on retrouve également à Mégara Nisaea. Dans la métropole comme dans la colonie, plus d’un tiers des tombes environ ne contenait aucun mobilier d’accompagnement31 et les 70% restant contenaient en général un nombre limité d’objets, pour la plupart des petits vases d’argile, d’importation ou de production locale. Cette relative modestie des mobiliers d’accompagnement ne peut certes pas être interprétée directement en termes de pauvreté de la population mégarienne, ni dans la métropole ni dans la colonie, mais elle peut encore moins servir de support à un discours donnant une importance disproportionnée aux rares éléments métalliques qui composent ces dépôts pour affirmer une logique d’ostentation et de compétition sociale à travers les dépôts d’accompagnement dans les tombes de Mégara Hyblaea. LA QUESTION DES

TOMBES PLURIELLES

Un dernier aspect des pratiques funéraires de Mégara Hyblaea auquel Shepherd applique une grille de lecture socio-économique, selon moi contestable, est celui des sépultures plurielles, c’est-à-dire des sépultures qui contenaient plus d’un 28 29 30 31

Voir par exemple les tombes présentées dans De Siena 2008. Shepherd 1995, 57–58. Cébeillac 1975, 18. Chairetakis 2016, 221 pour la métropole; Bérard 2017, 45 pour la colonie.

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individu, soit environ 30% des tombes de Mégara Hyblaea.32 Shepherd propose d’interpréter cette caractéristique en termes d’économie cachée (‘invisible economy’33), puisqu’il s’agirait de rentabiliser le coût des sépultures en pierre, notamment des sarcophages monolithes et des caveaux bâtis, en divisant le coût par le nombre de défunts qui y étaient déposés. À propos d’une tombe de la nécropole Ouest fouillée en 1892 par Orsi et qui contenait au moins cinq enfants, Shepherd parle ainsi de ‘parental burying co-operative’.34 Si elle évoque brièvement le passage de Plutarque (Vit. Sol. 10. 3) mentionnant le fait que les Mégariens enterraient souvent trois ou quatre défunts dans la même tombe, elle l’écarte rapidement sous le triple argument que le passage est trop tardif par rapport aux données archaïques, que l’on ne connaît pas de tombes multiples à Mégara Nisaea et que, quand bien même ce serait le cas, il ne paraît pas plausible que les habitants de Mégara Hyblaea aient décidé de suivre une coutume funéraire de leur métropole à partir du milieu du VIIe siècle alors qu’ils en différaient en tous points auparavant.35 Shepherd propose plutôt d’interpréter l’adoption des sépultures plurielles à Mégara Hyblaea comme une pratique économique, peut-être empruntée à Syracuse (où elle signale également son existence), alors qu’elle était inconnue à Corinthe. Elle souligne au passage que les sépultures plurielles étaient en revanche fréquentes chez les populations sicules voisines36 – suggérant ainsi que cette pratique aurait pu être adoptée par les Syracusains sous l’influence de leur entourage sicule. Or, cette lecture pose plusieurs problèmes. D’abord parce que les tombes plurielles sicules n’ont rien en commun avec les tombes plurielles syracusaines et mégariennes: il s’agit en effet de tombes à chambres creusées dans le flanc de parois rocheuses et dont les grandes pièces – parfois plusieurs pour une même tombe – pouvaient accueillir jusqu’à une vingtaine de défunts.37 La spécificité mégarienne et syracusaine tient au contraire au fait que les dimensions 32 C’est du moins la proportion des tombes plurielles parmi les tombes dont les ossements ont été conservés et étudiés par un anthropologue après la fouille. La proportion des tombes plurielles s’élève à seulement 10% environ parmi les tombes n’ayant pas fait l’objet d’analyses anthropologiques, sans aucun doute parce que les archéologues sur le terrain n’ont pas toujours pu identifier la présence de plusieurs individus dont certains n’étaient parfois représentés que par quelques fragments osseux. La proportion de plus de 40% de tombes plurielles donnée par Shepherd est, en tous cas, largement surévaluée (Shepherd 1995, 67). 33 Shepherd 1995, 68. 34 Shepherd 1995, 68. 35 Shepherd 1995, 67. 36 Shepherd 1995, 67. 37 On a pu compter par exemple jusqu’à quatorze individus dans les tombes à chambre de Pantalica (Orsi 1899, 55), plus d’une vingtaine dans certaines tombes a grotticella de Castiglione di Ragusa (Mercuri 2013, 31) et jusqu’à 36 dans les tombes à chambre de Morgantina (Lyons 1996, 115).

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des structures funéraires utilisées comme tombes plurielles ne permettaient guère la juxtaposition de plus de deux corps, ni en longueur, ni en largeur, et imposait un dépôt en plusieurs moments successifs dès lors qu’elles contiennent plus de deux défunts. Les tombes plurielles grecques et indigènes en Sicile ne sont donc absolument pas comparables. En outre, nous avons déjà montré que les pratiques funéraires de Mégara Hyblaea ne différaient pas tant que cela, à l’origine, des pratiques de Mégara Nisaea. Il ne serait donc pas absurde d’imaginer que la colonie ait pu adopter dans le courant du VIe siècle une pratique connue dans sa métropole. D’autant plus que, et c’est le troisième point, les travaux récents de Chairetakis ont montré que la pratique des sépultures plurielles était également attestée dans environ un tiers des tombes de Mégara Nisaea – soit approximativement la même proportion qu’à Mégara Hyblaea.38 Chairetakis retient quant à lui l’hypothèse d’un choix symboliquement signifiant, se référant au texte de Plutarque en affirmant que celui-ci n’aurait sans doute pas souligné ce trait comme caractéristique des pratiques funéraires mégariennes s’il n’avait eu qu’une simple dimension économique. Il est vrai que ce texte est tardif, et qu’il est difficile d’en tirer des conclusions définitives; plusieurs cas de tombes plurielles de Mégara Hyblaea m’engagent cependant à penser, comme Chairetakis, que la pratique d’inhumer plusieurs défunts dans une même tombe n’avait pas pour unique motivation de faire des économies. Il s’agit des sarcophages pluriels, réaménagés entre deux utilisations pour permettre le dépôt d’un sujet trop grand pour être placé directement dans la cuve. Le cas le mieux documenté est celui du sarcophage Z 130 (Fig. 2),39 dont le petit côté nord-est a été soigneusement découpé pour créer une ouverture rectangulaire de 18 cm de large sur toute la hauteur de la paroi. Dans la cuve, dans l’ouverture et immédiatement en dehors ont été retrouvés divers restes osseux relatifs à au moins sept enfants, dont le plus âgé devait avoir 6 ou 7 ans au moment du décès. Or, un enfant de cet âge ne pouvait pas être placé en décubitus dans la cuve qui mesurait seulement 83 cm de long: c’est donc certainement pour déposer ce dernier enfant dans la tombe que l’ouverture a été pratiquée dans un des petits côtés du sarcophage. De fait, la disposition des ossements indique clairement que les pieds de ce petit défunt dépassaient 38 Chairetakis 2016, 221. Dans la mesure où la pratique des sépultures plurielles est beaucoup plus forte à Mégara Hyblaea qu’à Syracuse, qu’elle était déjà attestée à Mégara Nisaea et qu’elle semble reconnue dans l’Antiquité comme une spécificité mégarienne, il semblerait plus probable de supposer que cette pratique aurait été empruntée par Syracuse à Mégara Hyblaea – et non l’inverse! Il faudra néanmoins approfondir cette question dans les années à venir. 39 Bérard 2017, 271, fig. 72.

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Fig. 2. Relevé en plan du sarcophage Z 130 de Mégara Hyblaea (Relevé MH60, © U. Filianoti).

de la cuve par la fenêtre qui y avait été aménagée, et des éclats de calcaire, produits par la taille du sarcophage, ont été retrouvés à l’intérieur de la cuve, dans l’encoche et à l’extérieur, au milieu des ossements et des pièces de mobilier. Le remaniement du sarcophage alors même qu’il était déjà en place ne fait donc ici aucun doute. L’information, qui peut sembler banale, me paraît en réalité essentielle, dans la mesure où la découpe partielle ou totale d’un côté d’un sarcophage n’était pas chose aisée, en particulier si le sarcophage était déjà en place au moment de cette modification. L’opération était délicate et certainement beaucoup plus exigeante que de creuser une simple fosse à côté du sarcophage pour le dernier enfant trop grand pour la cuve où on voulait le placer; il ne s’agissait donc pas d’une solution de facilité. Si elle a néanmoins été préférée, c’est sans doute qu’il devait être particulièrement important pour les parents ou les proches de ces enfants de les inhumer dans ces sarcophages et pas ailleurs. Or, il est difficile d’imaginer que ce choix ait été guidé par une volonté d’économie cachée pour offrir, à peu de frais, un contenant de prestige à ce dernier enfant. Le sarcophage Z 130 ainsi remanié perdait en effet à la fois une part de sa valeur protectrice – puisque la cuve n’était plus ni étanche, ni hermétiquement fermée

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– et une part de sa dimension symbolique: il faut en effet restituer l’image fort surprenante d’un sarcophage imposant, fermé par une lourde couverture de pierre, mais d’où dépassaient les pieds du dernier petit défunt. Si les parents tenaient absolument à inhumer leur enfant dans un sarcophage monolithe pour des raisons de prestige et d’économie invisible, ils auraient trouvé là une solution bien peu satisfaisante esthétiquement, pratiquement et psychologiquement. Il me semble ainsi plus plausible que de tels remaniements aient été motivés par la volonté de réunir ces enfants et, de manière générale, les individus concernés par la pratique des sépultures plurielles, dans une démarche où le symbolique prime sur l’économique.40 LA QUESTION DU MODE DE DÉPÔT DU CORPS Il me semble enfin nécessaire de m’arrêter sur un dernier aspect des pratiques funéraires de Mégara Hyblaea que Shepherd mentionne à peine – peut-être, précisément, car il ne peut en aucune manière rentrer dans le schéma de compétition économique qui guide toute sa réflexion – alors même qu’il s’agit d’une différence fondamentale avec les pratiques funéraires de Mégara Nisaea. Il s’agit du mode de dépôt du cadavre dans les tombes à inhumation. Alors qu’à Mégara Nisaea comme à Corinthe, les défunts étaient placés en position contractée, les épaules au sol mais les jambes repliées et placées sur le côté, à Mégara Hyblaea à l’époque archaïque, les défunts sont systématiquement placés en décubitus, c’est-à-dire allongés sur le dos, avec les membres en extension. On observe la même opposition entre Corinthe (inhumation en position contractée) et Syracuse (inhumation en décubitus). Cette différence me paraît particulièrement importante à plusieurs points de vue: d’abord parce qu’elle concerne un élément symboliquement fort des pratiques funéraires, le mode de dépôt du cadavre. Cette partie du traitement funéraire implique une manipulation du corps, avec une temporalité imposée par la phase de rigidification cadavérique. La seconde raison qui rend cette modification particulièrement notable est le fait qu’elle se produit d’emblée et de manière simultanée à Mégara Hyblaea et à Syracuse, alors que leurs deux métropoles pratiquaient de la même manière l’inhumation contractée. Enfin, cette évolution est d’autant plus notable que l’inhumation contractée a été longtemps considérée (et l’est encore parfois aujourd’hui malgré l’important article de L. Mercuri qui a montré les erreurs à l’origine de cette supposition)41

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À propos des sépultures plurielles de Mégara Hyblaea, voir Bérard 2017, chapitre 9. Mercuri 2001.

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comme caractéristique des populations indigènes du Sud de l’Italie et de la Sicile à l’époque archaïque. On a ainsi eu tendance à considérer tout individu déposé en position contractée dans une nécropole grecque comme un indigène, alors même que, dans le cas de Mégara Hyblaea et Syracuse, si l’on voulait suivre cette piste, on pourrait plutôt considérer qu’il s’agit là de colons ‘conservateurs’, respectant la coutume de leur métropole, alors que la pratique coloniale était l’inhumation en décubitus.42 L’interprétation en termes ethniques de la position donnée au cadavre inhumé paraît cependant une piste bien délicate à exploiter.43 La question qui demeure, cependant, est celle de la raison de ce changement de position entre les deux métropoles et leurs deux colonies à la fin du VIIIe siècle av. J.-C. – et il reste malheureusement très difficile de se prononcer sur ce point. Est-il possible que l’inhumation en position contractée dans les métropoles ait constitué un moyen de limiter les dépenses liées à la tombe (moins de pierre utilisée, moins d’énergie dépensée pour la mise en place du tombeau)? Ou bien s’agit-il d’une volonté de restreindre l’espace occupé par chaque tombe pour contrôler l’extension des nécropoles – un problème d’espace qui ne se posait pas dans les nécropoles coloniales implantées sur de vastes terrains vierges, du moins de présence grecque? Ces deux hypothèses paraissent peu probables dans la mesure où Mégara Nisaea comme Corinthe – tout comme leur colonies – disposaient d’importants stocks de pierre facilement accessibles, qui permettaient d’inhumer en sarcophage de pierre ou en tombe à orthostates sans que cela constitue une dépense exceptionnelle. L’espace ne semble guère avoir tant manqué, par ailleurs, lorsque l’on regarde le plan des nécropoles métropolitaines et la disposition des tombes qui les occupent. Ce changement de position des défunts n’est donc sans doute pas directement lié à des raisons économiques ou pratiques. Cela dit, il reste difficile, à ce jour, de proposer une explication plus convaincante et nous ne nous y aventurerons pas ici. Tout au plus peut-on souligner qu’il s’agit finalement de l’une des différences les plus immédiatement frappantes entre les métropoles et leurs colonies, tout à la fois que l’une des similitudes les plus notables entre Mégara Hyblaea et Syracuse – avec la pratique des sépultures plurielles. Il me semble donc qu’il y a là un point fondamental qui devrait être plus largement exploré dans les recherches à venir.

42 Les rares inhumations en position recroquevillée connues à Mégara Hyblaea datent cependant pour la plupart de l’époque hellénistique Sur la base des analyses C14, une seule tombe contenant un individu en position recroquevillée daterait de l’époque archaïque. 43 À ce propos, voir également pour Himère Vassallo 2010, 363–64.

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CONCLUSION Que conclure de ce bref retour sur les pratiques funéraires de Mégara Hyblaea et Mégara Nisaea? Malgré les difficultés encore inhérentes à la rareté des données disponibles pour la métropole, cette étude a permis de montrer que les pratiques funéraires de Mégara Hyblaea, loin d’être d’emblée fort différentes de celles de Mégara Nisaea, se signalent plutôt par leur proximité avec cellesci au moins en ce qui concerne les types de tombes et les pratiques liées à la quantité et à la qualité du mobilier d’accompagnement. Les pratiques funéraires de Mégara Hyblaea apparaissent en outre beaucoup moins proches de celles de Syracuse que ne le supposait Shepherd – bien que les deux colonies voisines se rejoignent en deux points importants: l’introduction d’un nouveau mode de dépôt du cadavre et la pratique des sépultures plurielles. L’hypothèse d’une évolution des pratiques funéraires des colonies grecques de Sicile essentiellement motivée par un jeu de compétition économique inter-coloniale doit donc, à mon avis, être fortement relativisée. Cela ne signifie pas pour autant, loin s’en faut, un retour aux anciennes théories d’une filiation étroite et quasiment exclusive entre la métropole et ses colonies. Comme Shepherd, je suis convaincue de l’importance des relations que purent entretenir les colonies entre elles mais aussi avec leur entourage non grec, et du caractère décisif de ces relations pour appréhender la variété des formes de l’identité coloniale. Mais il me semblait important de signaler les points d’achoppement de ce raisonnement, dus, pour la plupart, aux lacunes des sources auxquelles Shepherd avait accès et à une perspective de recherche qui fait la part trop belle à l’économie, souvent au détriment de l’idéologie funéraire. Pour pousser plus loin cette réflexion, il faudrait désormais reprendre de manière systématique la confrontation des données mégariennes avec celles de Syracuse et Géla,44 mais aussi d’autres colonies siciliennes voisines. Il s’agit d’un travail de longue haleine auquel j’espère pouvoir contribuer dans les années à venir – avec le secours de tous ceux qui viendront bientôt, j’en suis sûre, souligner les failles de mon propre raisonnement et contribuer à l’élaboration d’une réflexion toujours plus riche par la mise en commun des hypothèses et de leur vérification comme de leur contradiction.

44 Sur les nécropoles de Géla, on pourra notamment s’appuyer sur le récent ouvrage de C. Lambrugo (2013).

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QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES AMPHORES ARCHAÏQUES À BANDES DE MILET ET LEUR DIFFUSION DANS LE MILIEU COLONIAL Iulian BÎRZESCU

Abstract Milesian transport amphorae decorated with painted bands belong to a less known category of pottery. These were produced during the Archaic period next to transport amphorae without decoration. Both of them have the same shape and were produced in the same workshops. The huge amount of band amphorae in Miletus, in contrast with the few finds outside Miletus sustain the idea that the band transport amphorae were intended to respond mainly to local needs. They had an influence most probably on the local productions from the Northern Aegean region and in the Southern Anatolia. In the Black Sea area these amphorae did not have any influence on the local production, even if they are documented though excavations.

La céramique archaïque à bandes rassemble plusieurs catégories de récipients, qui utilisent un décor peint stylisé, dont l’origine remonte à l’époque géométrique. Ce décor est connu dans Ionie de Sud surtout pour la vaisselle de table1 et il est moins documenté pour les grands vases de transport ou de stockage. À partir de l’Ionie du Sud, cette tradition se répand au VIIe siècle, l’époque de la colonisation, dans différents endroits de la Méditerranée et de la mer Noire. Pour certains cas, il y a eu des tentatives, surtout les dernières années, de proposer une classification de la céramique à bandes.2 Cependant, bien qu’elle soit fort représentée, cette catégorie reste la moins connue de l’Ionie. Parmi les formes céramiques, les amphores de transport font une figure distincte tout d’abord en raison de leur fonctionnalité. Durant la période archaïque, en raison du commerce à grande distance, les amphores de transport acquièrent une importance particulière pour les métropoles de l’Egée. La plupart des centres développent leur propre production amphorique, dans laquelle on note autant d’innovations que de conservatismes dans la forme et le décor. Certains 1

Cook 1998. Un historique de la recherche, bien utile, a été réalisé par Martin Perron, il y a cinq ans, dans sa thèse de doctorat sur la céramique à bandes d’Argilos et du nord de l’Egée (voir Perron 2013, 8–13). Voir aussi Perron 2010; 2012. 2

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de ces centres développent exclusivement des formes sans décor, d’autres maintiennent ou empruntent des décors géométriques des époques précédentes. En très peu de cas la tradition et l’innovation se rencontrent au même endroit. Il s’agit d’abord de l’Ionie du Sud, avec les principaux centres Samos et Milet, où des productions d’amphores de transport sont documentées depuis au moins le VIIe siècle, aussi bien avec un décor géométrique que sans décor, les dernières faisant l’objet de nombreuses études. Les amphores de transport à bandes de l’Ionie du Sud sont peu connues dans la littérature: ce n’est qu’il y a quelques années que l’on a proposé une première analyse des formes.3 Il s’agit d’amphores milésiennes à bandes d’époque archaïque, la catégorie qui englobe principalement les amphores de transport. Dans le contexte du commerce à grande distance, le rôle des amphores de transport a été souvent souligné, Milet étant, par la diversité des formes et décors, un cas particulier. En comparaison avec les amphores de transport sans décor, pour lesquelles il existe une typologie depuis les années 1980, grâce, entre autres, à V. Ruban,4 P. Dupont,5 S. Monachov6 et A. Naso,7 les amphores à bandes ont reçu peu d’attention, même s’il y a eu des tentatives de réaliser une typologie, de la part de Martina Seifert.8 On ne trouve à présent dans les synthèses sur les amphores de transport aucune discussion sur les amphores à bandes. La cause principale de ce traitement différencié entre les amphores à bandes et de transport s’explique surtout par la faible présence des amphores à bandes dans le milieu colonial. Une autre cause pourrait être les petites dimensions de la plupart des amphores à bandes, qui ont été considérées plutôt comme des amphores de table.9 L’usage des amphores à bandes pour le transport des biens locaux est bien documenté depuis peu. Le nombre de découvertes a augmenté à Milet grâce aux fouilles du sanctuaire d’Aphrodite d’Oikous. Même si l’on n’a pas découvert des amphores complètes, quelques exemplaires ont pu être reconstitués. De même, on a trouvé dans le sanctuaire d’Aphrodite plusieurs milliers d’amphores de transport datant de la première moitié de VIIe siècle jusqu’à la fin de VIe siècle; la majorité des fragments appartient aux amphores de transport à bandes. J’estime que plus de 2/3 des amphores de transport trouvées dans ce sanctuaire sont des amphores à bandes. Un grand nombre d’amphores similaires 3 4 5 6 7 8 9

Bîrzescu 2009, 121–25. Ruban 1991. Dupont 1998, 170–77. Monachov 2003, 30–37. Naso 2005, 74–76. Seifert 2004, 13–23. Naso 2005, 76.

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apparaît aussi à Milet dans d’autres contextes archéologiques d’époque archaïque. De même, les amphores à bandes sont une présence constante parmi les découvertes du territoire milésien et de la côte carienne.10 Très probablement, il y avait des ateliers pour ce type de vases dans la région comprise entre le sud de Mycale et le sud de la Carie. Ce qui caractérise avant tout ces amphores c’est le décor, qui dans la plupart des cas est simple, consistant en des bandes horizontales et verticales. Les bandes horizontales sont placées habituellement depuis le niveau de la lèvre jusqu’à la partie inférieure du corps, souvent une mince bande étant dessinée sur le pied. Le nombre de ces bandes varie, mais pas leur place; on les trouve à la jonction entre la gorge et l’épaule, sur le corps et parfois sur l’épaule du vase. Dans certain cas, les zones sans décor sont remplies par d’autres éléments géométriques ou exceptionnellement par des dipinti et des feuilles stylisées. Les bandes verticales apparaissent au niveau supérieur des anses jusqu’aux épaules. Souvent pour les amphores milésiennes on trouve des anses bifides, cas où les lignes verticales étaient remplacées par de petites hachures obliques. En général les bandes qui décorent les amphores milésiennes sont minces. On retrouve un tel décor, avec peu de variations, sur d’autres types de vases: hydriai, stamnoi, cratères, etc.11 Les bandes et le décor ont une tradition géométrique, étant adaptés pour les amphores de transport, une catégorie qui acquiert une importance particulière au moment de l’intensification du commerce à grande distance, au VIIe siècle. Des amphores de transport avec un décor similaire sont connues dans l’Ionie de Nord. Le mieux documentés sont les ateliers de Clazomènes et Chios, qui ont produit ces récipients pendant toute l’époque archaïque. Il est possible que d’autres centres aient également produit des amphores à bandes, comme à Téos au VIIe siècle, à en juger d’après quelques découvertes émanant des colonies.12 Les amphores à bandes de Chios et de Clazomènes se sont répandues de la côte marocaine de l’Atlantic jusqu’aux steppes scythiques et la vallée du Nil. Ces amphores ont bénéficié de classifications et d’études détaillées, mais elles sont malheureusement peu connues dans le contexte des ateliers locaux.13 Les centres de Chios et de Clazomènes n’ont pas produit d’autres types d’amphores sans décor, comme Milet, où les amphores à bandes et les amphores sans décor coexistent pendant toute la période archaïque. 10

Voigtländer 2004, 321. Sur les cratères à bandes de Milet, voir Panteleon 2013. 12 Docter 1997, 243, fig. 531. 13 Pour les amphores à bandes de Chios, voir Dupont 1998, 146–50; Monachov 2003, 11–24. Pour les productions de Clazomènes, voir Sezgin 2004. 11

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Même si l’on a affaire à une catégorie bien représentée dans la métropole, les amphores milésiennes de transport à bandes ne sont pas aussi bien répandues que celles de l’Ionie du Nord ou celles de Milet sans décor. Un premier problème qui se pose concerne la place des amphores à bandes dans le cadre de la production amphorique milésienne. Même si elles sont habituellement de dimensions un peu plus petites, les amphores de transport à bandes ne diffèrent pas du point de vue morphologique des amphores sans décor; à Milet il existe plusieurs séries et types des amphores de grandes dimensions sans décor, qui se retrouvent sans exception parmi les amphores à bandes. Les premiers exemplaires complets remontent au troisième quart de VIIe siècle (Fig. 1) et appartiennent à des contextes archéologiques du Sud de l’Italie, de Siris14 et Métaponte.15 Leur nombre augmente dans le dernier tiers de même siècle, comme le montrent les découvertes de Kommos en Crète16 et du Proche Orient (Fig. 2).17 Ces amphores ont été retrouvées en grand

Fig. 1. Milet. Reconstruction d’une amphore de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu). 14 15 16 17

Berlingò 1993, 11, fig. 21. Cavagnera 1995, 55, fig. 43–44. Johnston 2005, 367–68, fig. 29. Dunand 1954, 419, fig. 441 (Byblos); Waldbaum 2011, 310 (Ashkelon).

Fig. 2. Diffusion des amphores milésiennes à bandes au VIIe s. av. J.-C. Le type ‘standard’ (© I. Bîrzescu).

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nombre à Milet, dans des contextes de la seconde moitié de VIIe siècle, la période pendant laquelle Milet a fondé ses premières colonies en Propontide et dans la mer Noire. Pour les colonies, on peut notamment citer deux fragments d’Histria, datés autour de 600 av. J.-C.18 Plus nombreuses sont à cette période les amphores sans décor. Dans d’autres régions, les amphores milésiennes à bandes sont documentées de manière indirecte, comme par exemple dans le nord de l’Egée, où l’on a pu établir le transfert des éléments de décor de l’Ionie en Macédoine, notamment pour la vaisselle de table. Les publications des fouilles des sites comme Méthone ou Argilos montrent clairement l’influence des modèles sud-ioniens en Macédoine depuis le VIIIe siècle. Outre les vases des petites dimensions, les ateliers d’Ionie de Sud exercent aussi une influence sur la production des amphores de transport à bandes de cette région, comme le montrent quelques amphores de Méthone, publiées dans la monographie sur la céramique archaïque du site. De l’avis général des auteurs, nous avons affaire à une production locale.19 Les parallèles les plus significatifs pour ces amphores sont connus à Milet, notamment le type mentionné ci-dessus. Les amphores milésiennes à bandes ont connu une certaine popularité dans le milieu colonial au VIIe siècle, phénomène qui persiste au siècle suivant. Dans le premier tiers de VIe siècle, on assiste à une transformation de la forme des amphores de transport à Milet, que l’on note aussi pour la production des amphores à bandes. Ce changement se situe dans la première moitié du VIe siècle av. J.-C. et conduit à l’apparition des amphores avec un bord caractéristique à la base du cou (Fig. 3–9), bord que l’on retrouve pour les amphores du type Fikellura. Les découvertes de Milet témoignent même d’une intensification de la production des amphores à bandes, ainsi que de l’apparition de plusieurs types d’amphores de transport. Sans exception, les amphores à bandes ont dans cette période des dimensions plus petites que celles sans décor. En ce qui concerne la distribution des amphores à bandes au VIe siècle (Fig. 10), il n’existe pas aujourd’hui beaucoup de découvertes, même si l’on note par exemple sur cette carte plusieurs exemplaires, attestés dans la principale région d’intérêt des Milésiens, la mer Noire. Des découvertes isolées d’Histria,20 Berezan21 et Colchide22 montrent plutôt des importations sans grande envergure pour cette catégorie. Pour les apoikiai du Pont, un autre 18

Bîrzescu 2012, 141. Besios, Tziphopoulos et Kotsonas 2012, 412–13, cat. 75. Sur d’autres analyses des amphores de Méthone, voir Kotsonas et al. 2017. 20 Bîrzescu 2012, 142. 21 Monachov 2003, 248, fig. 18.4. 22 Sens 2009, pl. 30, fig. 1.5. 19

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Fig. 3. Milet, Inv. Z 92.83.28. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphore de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

Fig. 4. Milet, Inv. Z 05.6.425. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

Fig. 5. Milet, Inv. Z 05.19.622. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

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Fig. 6. Milet, Inv. Z 05.19.623. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

Fig. 7. Milet, Inv. Z 05.42. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

Fig. 8. Milet, Inv. Z 01.26. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

Fig. 9. Milet, Inv. Z 05.43.25. Sanctuaire d’Aphrodite. Amphores de transport à bandes, le type ‘standard’ du VIe s. av. J.-C. (© I. Bîrzescu).

Fig. 10. Diffusion des amphores milésiennes à bandes au VIe s. av. J.-C. Le type ‘standard’ (© I. Bîrzescu).

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élément important est le début des productions locales dans des cités comme Histria, Olbia, Berezan, ou Apollonia. À cette époque, on voit apparaître dans ces cités des céramiques à bandes, de petites dimensions. De plus, à la différence du nord égéen au VIIe siècle, dans les cités pontiques les amphores milésiennes à bandes semblent n’avoir exercé aucune influence sur les productions locales. Quant au petit nombre d’importations d’amphores milésiennes à bandes dans la mer Noire, il reste difficile de donner une réponse vu l’état actuel de la recherche. Utilisées surtout pour des besoins locaux, ces amphores accomplissent principalement une fonction de transport et de stockage pour des produits qui circulent à l’échelle locale. Si pour la mer Noire l’importance de ces amphores est réduite, ce ne pas probablement le cas pour le sud d’Anatolie, par exemple la Lycie,23 Tarse24 ou Kinet Höyük,25 où l’on voit se développer une production amphorique à bandes, probablement d’inspiration sud-ionienne. La production d’amphores de transport à bandes de Milet cesse à la fin d’époque archaïque, même si d’autres types d’amphores préservent le décor pendant quelques générations encore. Les quelques cas présentés ici ont eu pour but d’apporter dans la discussion sur les productions locales une catégorie dont, jusqu’aux derniers années, l’on ignorait même l’existence. De plus, le fait qu’à Milet il existe pendant toute l’époque archaïque une production parallèle d’amphores de transport, décorées à bandes et sans décor, représente un cas particulier, mais pas unique. En effet, le même phénomène apparaît au VIIe siècle à Samos. Les amphores samiennes à bandes sont, elles aussi, peu connues, notamment grâce à la découverte de plusieurs exemplaires dans l’Heraion de Samos26 ou en Espagne.27 Je me limiterai ici à proposer quelques conclusions préliminaires sur les amphores de transport à bandes de Milet. Ainsi, une production d’amphores de transport à bandes, à côté d’autres amphores sans décor, est documentée à Milet pendant toute l’époque archaïque. Les amphores de transport à bandes respectent sans exception les mêmes formes que les amphores sans décor, ce qui montre qu’elles ont été produites dans les mêmes ateliers. Le grand nombre des découvertes à Milet et dans ses environs, en comparaison avec le petit nombre trouvé en dehors de Milet, appui l’idée que les amphores de transport à bandes ont été principalement destinées à répondre à des besoins locaux. Dans la mer Noire, région milésienne par excellence, les amphores à bandes 23 24 25 26 27

Yener-Marksteiner 2007, 79–82. Hanfmann 1956, 180–81, fig. 22. Songu 1997, 16–17. Voir par ex. Furtwängler et Kienast 1989, 97, fig. 16.1. Docter 2001, 71–72, fig. 9 a–c (Toscanos).

LES AMPHORES ARCHAÏQUES À BANDES DE MILET

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n’avaient aucune influence dans la production locale, bien qu’elles soient documentées par des fouilles. En revanche, les amphores à bandes de Milet ont très vraisemblablement influencé les productions locales des régions nordégéennes et de l’Anatolie du sud.

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CERAMICA GRECA COLONIALE IN AREE A CULTURA MISTA: I CASI DI PITHEKOUSSAI/CUMA E FRANCAVILLA MARITTIMA Francesca MERMATI

Abstract Pithecusan-Cumaean pottery was produced in a period between the middle of the 8th and the late 7th century BC. If the first products appear more closely related to the Euboean background of the settlers, soon new influences and styles – not only Greek, but also Phoenician and indigenous – are received and reformulated to be replicated in an absolutely original and polymorphic language. The wide diffusion of these objects demonstrates the high likelihood they have, probably also as cultural markers. In such a lively Mediterranean space, the Greek-style pottery of the Sibaritide, in particular from Francavilla Marittima and the Timpone della Motta sanctuary, stands out for similar but inverse reasons. Here early contacts with the Greeks led to the organisation of an atelier, probably managed with the collaboration of the indigenous population, which produces the so-called Oenotrian-Euboean ware. Also, strongly influenced in the first phase by local material culture, they gradually adhere to the new products that become available on the market over time. The foundation of Sybaris around 730–720 BC, with the definitive settling of the Greeks on the coast, makes the dialogue with the pre-existing population groups in the territory even more intense, leading to a more Hellenising local ware that continues at least until the 6th century BC.

[…] atque haec quidem ut supra dixi veteris sunt Graeciae coloniarum vero quae est deducta a Graiis in Asiam Thracam Italiam Siciliam Africam praeter unam Magnesiam, quam unda non adluat? ita barbarorum agris quasi adtexta quaedam videtur ora esse Graeciae.1 Cic. Rep. 2. 9

Verso la metà dell’VIII secolo a.C. la Campania è interessata dall’impatto sulle sue coste di genti di diversa cultura e origine, che fondano prima Pithekoussai e poi Cuma in quell’ampio e complesso fenomeno che è la colonizzazione greca in Occidente. È già stato ampiamente dimostrato come la composizione del gruppo umano al momento dell’installazione sull’isola non fosse etnicamente

1 ‘Se guardate le colonie greche, all’infuori di quella di Magnesia, ce n’è forse una fondata dai Greci in Asia, in Tracia, in Italia, in Sicilia, in Africa, che non sia bagnata dall’onda? Par quasi che, tutt’intorno ai paesi dei barbari, sia stato tessuto un orlo di grecità’.

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e socialmente uniforme, come sembra logico per spedizioni di questa portata guidate attraverso mari frequentati e su rotte percorse da vettori diversi.2 È chiaro, tuttavia, come la matrice della comunità pithecusano-cumana sia in ogni caso, almeno all’inizio, essenzialmente e basicamente euboica. Soprattutto nella prima fase, tra TG I e II pithecusani, e, quindi, nel periodo corrispondente grossomodo alla seconda metà dell’VIII secolo a.C., la produzione locale si concentra nella realizzazione di una serie di oggetti di concezione euboica fortemente legati al background di partenza. La maggiore presenza dei prodotti euboizzanti nel sito insulare sembra dunque confermare l’ipotesi che vede Pithekoussai come primo approdo e come insediamento strutturato e ben organizzato, con modalità di occupazione che coinvolgono vari punti dell’isola. Se la natura di Pithekoussai fosse emporica o realmente coloniale sembra ad oggi un falso problema, date le caratteristiche stesse dell’insediamento evidentemente a vocazione commerciale e produttiva, e articolato pare in nuclei dispersi sul territorio. L’apparente mancanza di mura sembra negargli lo status di centro pianificato e precedentemente definito in base ad un progetto coerente ed unitario.3 Del resto nella stessa madrepatria questa è une fase di sviluppo graduale e complessa, per di più di centri preesistenti e quindi già dotati di una propria fisionomia.4 La mancanza di un tessuto urbano coerente – ma del resto neanche compiutamente individuato per l’insistere del centro moderno sui resti antichi – non impedisce tuttavia di definire sull’isola zone composite come quella orbitante sull’odierna Lacco Ameno. Qui è infatti possibile identificare un’area funeraria posta nella valle di San Montano, forse un’acropoli sul rilievo di Monte di Vico, e nuclei artigianali dedicati a specifiche attività – come il quartiere residenziale/metallurgico di Mazzola – sulla collina di Mezzavia, a cui può essere collegata anche l’area artigianale dedicata alla produzione ceramica individuata sotto la chiesa di Santa Restituta. L’organizzazione spaziale restituisce, dunque, la visione di un centro ben articolato, con le zone ‘sensibili’ poste nell’entroterra e difese dal promontorio dedicato probabilmente alle attività cultuali, che si protende nel mare creando due approdi, uno presso la marina di Lacco e l’altro nella baia di San Montano.

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Un inquadramento in Mermati 2015b, 285–87. Sulla questione basti d’Agostino e Ridgway 1994 (in particolare gli interventi di Ampolo, d’Agostino, De Caro, Greco); Mele 2003; d’Agostino 2009; 2011, 36–37 con interessanti riflessioni. 4 Hansen 2012, 48–61, 75–83. 3

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L’area di Punta Chiarito va invece riferita ad altri tipi di attività, forse legate alla pesca ed all’agricoltura, da alcuni interpretate come occupazioni secondarie di un ricco signore il cui profilo, se esatto, ricorda molto Odisseo. Si tratta di certo di un personaggio – o di un nucleo familiare – dalle discrete possibilità economiche e dalle indiscusse abilità artigianali, capace di leggere e scrivere, cosa che del resto a giudicare dalle testimonianze epigrafiche sembra essere a Pithekoussai abbastanza diffusa se consideriamo documenti come la Coppa di Nestore.5 A Cuma, che invece è per noi la prima colonia greca riconoscibile in Occidente, la cui fondazione è tramandata dalle fonti e che è dotata di quelle caratteristiche che tradizionalmente portano a parlare di una polis – cioè ecisti di cui sono noti nomi e provenienza ed un tessuto urbano identificabile e probabilmente pianificato già in una fase iniziale, con aree e spazi dedicati a precise funzioni – non è stato ancora riconosciuto un vero e proprio quartiere artigianale, sebbene su di esso si possa cominciare a avanzare le prime ipotesi. Le strutture residenziali leggibili sembrano più avanzate rispetto a quelle pithecusane, con abitazioni quadrangolari rispetto alle forme curvilinee insulari. In esse, nel momento di passaggio tra VIII e VII secolo, è possibile identificare tracce di attività artigianali connesse con la lavorazione dell’ambra e la pesa dei metalli.6 Sembra tuttavia di dover accettare, almeno per ora, una nostra fondamentale ignoranza del tessuto residenziale ed artigianale cumano più antico, noto solo da frustuli e forse distribuito in maniera sparsa su un’area ampia.7 Senza voler ripetere questioni già approfondite in altre sedi,8 vale la pena di ricordare brevemente che, a fronte di una produzione ceramica complessa ed articolata distribuita fra le due località – insulare e sulla terraferma – e ben attestata in tutte le aree indagate, incertezze permangono relativamente alla collocazione delle botteghe. Se infatti un atelier ceramico può essere individuato, come già accennato, presso la chiesa di Santa Restituta a Lacco Ameno, non sembrano finora note simili installazioni artigianali a Cuma.9 Pare in ogni caso accertato che i due insediamenti disponessero di proprie attività produttive, confermate da alcune diseguaglianze rilevate nelle argille.10 5

De Caro-Gialanella 1998, 351–52. Greco 2014, 67. 7 Sull’argomento Greco 2009, 389–409; Greco e Mermati 2011, 109–13, con bibl. prec.; d’Agostino e D’Acunto 2009, 497–99; D’Acunto 2009, 81–85; 2015, 179. 8 Mermati 2012, 237–39. 9 Olcese 2010, 185–88; 2013, 36–39. 10 Per la problematica Mermati 2012, 237–39. 6

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Non è finora possibile ipotizzare le dinamiche organizzative delle botteghe, non essendo esse note nella loro articolazione. È ugualmente difficile delineare la personalità dei soggetti coinvolti nella catena produttiva; ma si può ipotizzare che l’attività fosse a gestione familiare e implicasse operatori di diverse classi di età, come sembra essere stato accertato per situazioni coeve in diversi contesti.11 È stato assodato che una manifattura specializzata non necessariamente è in contrasto con dinamiche produttive semi-professionali e con la creazione di oggetti di uso quotidiano.12 La versatilità delle botteghe doveva permettere la realizzazione di classi di oggetti molto diverse fra loro e destinate a una clientela mista, riflesso della comunità, come più avanti si vedrà nel caso di Francavilla Marittima. Non è ad esempio da escludere che il medesimo atelier potesse produrre ceramica di tipo greco e red slip pithecusano. Proprio a Pithekoussai risulta inoltre tanto forte l’autocoscienza dell’artigiano in quanto artifex, da portare alla prima firma autografa finora conosciuta di vasaio o pittore, o forse entrambi. Si tratta del famoso frammento di cratere da Mazzola con iscrizione dipinta sul collo, recante ‘[**]inos mi fece’ ([--]ινος μ’εποίεσε(ν)), per la cui decorazione si dirà oltre. La posizione dell’iscrizione, il suo essere dipinta e posta in una fascetta volutamente lasciata a risparmio, tutto suggerisce una precisa volontà ed una pianificazione della decorazione in vista di tale esigenza.13 È ovvio comunque che la produzione fosse articolata in modo tale da coprire tutte le esigenze delle due comunità, da quelle domestiche e più strettamente legate alla manipolazione dei cibi a quelle funzionali alla ritualità funeraria e cultuale. Il materiale più ricco di cui disponiamo è di certo quello proveniente dalle necropoli: esso permette di apprezzare la tettonica dei vasi nella loro interezza, il che ha facilitato la creazione di una tipologia formale e la definizione del repertorio iconografico letto nel suo organizzarsi di volta in volta sui singoli oggetti e sulle varie forme.14 La possibilità di accedere ai numerosi corredi pithecusani ha inoltre consentito di ipotizzare set destinati a specifici momenti del rito, quali la libagione funebre o l’unzione del defunto. Le opere di maggiore respiro, in genere forme di grandi dimensioni come anfore e crateri, sembrano attestate più frequentemente nelle aree residenziali, confermando un loro 11 Per un discorso generale sull’organizzazione delle botteghe ceramiche in Grecia, Scheibler 1995, 122–37; Lambrugo 2012, 93–100; per il coinvolgimento di operatori di età subadulta nella filiera produttiva in età geometrica, Langdon 2015; per contesti produttivi attici del LG I, Vlachou 2015b. 12 Langdon 2015, 21. 13 Bartoněk e Buchner 1995, 177, B I 43; Settis e Parra 2005, 375, III.94 (scheda di C. Gialanella), con bibl. prec.; Catoni 2010, 123–26. 14 Mermati 2012.

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uso anche e soprattutto nella sfera quotidiana, mentre ai corredi funebri sembrano destinate prevalentemente forme di modulo inferiore – soprattutto brocche, coppe potorie e balsamari – funzionali all’espletamento del rito che ruota intorno al seppellimento. Le anfore sono, in alcuni casi, destinate alla deposizione di infanti, mentre rari sono i crateri, il cui insieme più corposo proviene da quel contesto problematico che è la tomba 168 o della cosiddetta ‘Coppa di Nestore’. Del resto non può sfuggire l’eccezionalità di questa deposizione e del relativo corredo, che ancora oggi porta a dubitare alcuni studiosi della bontà delle dinamiche di scavo, che avrebbero portato alla confusione fra due sepolture, interpretate come unico insieme. Da un esame complessivo della produzione è possibile affermare che nella necropoli venissero utilizzati i medesimi vasi che si ritrovano nei contesti residenziali. La stessa iscrizione della ‘Coppa di Nestore’, per il suo essere essenzialmente connessa ad ambito simpotico anche se graffita, non può non rimandare ad attività tipiche della vita comunitaria. Forse deposta come segno di uno status elevato del fanciullo, o come riferimento ad un’attività negata al giovane defunto da una morte precoce, la coppa si inserisce perfettamente nella coeva produzione rodia.15 Né possono essere connesse ad ambito funebre le rappresentazioni di serpenti singoli e intrecciati, desunti i primi da modelli corinzi, i secondi rilettura locale in chiave corinzieggiante delle catene di otto su modelli euboici. Soprattutto le oinochoai con decorazioni di serpenti si inseriscono nel Gruppo Ischia-Cuma-Tarquinia, che comprende anche decorazioni ittiomorfe, e che in entrambe le versioni è presente sia in abitato che in contesti funerari, in questi ultimi soprattutto al di fuori dell’area flegrea. Di tipo euboico sono nella prima fase gli oggetti ispirati allo Stile di Cesnola, le oinochoai a collo tagliato, le decorazioni nello stile Black and White, i tipici poppatoi a decorazione di filetti verticali, i crateri di grandi dimensioni animati da uccelli palustri campiti a reticolo, spesso rappresentati con la tipica ‘ala spezzata’ peculiare della madrepatria. Non solo singoli elementi, ma veri e propri schemi decorativi vengono traslati nella nuova sede e fin da subito riadattati, seppur minimamente. Così avviene ad esempio per il già citato Stile di Cesnola, che a Pithekoussai si arricchisce del tipico triangolo sotto il ventre del cavallo al pascolo. Non mancano elementi mutuati da repertori diversi, in primis quello corinzio, che portano a versioni locali di skyphoi à chevrons e coppe Aetos 666.16 Queste scelte risultano perfettamente coerenti con le coeve dinamiche commerciali, che vedranno il graduale affermarsi sui mercati mediterranei dei prodotti corinzi, subentrati gradualmente a quelli euboici. Finora 15 16

Per lo status del sepolto della tomba 168, Mermati 2015b, 304–05. Mermati 2013, 98.

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gli oggetti più antichi, in particolare quelli di tipo euboizzante, sembrano maggiormente presenti a Pithekoussai, in linea con l’ipotesi di un primo approccio con la nuova terra avvenuto a distanza di sicurezza. In ogni caso queste affermazioni vanno sempre mitigate tenendo presenti i rinvenimenti cumani degli ultimi anni, che stanno man mano riducendo il forse apparente décalage cronologico.17 La natura essenzialmente greca ed originale, anche se coloniale, di questa produzione porta a non poterla semplicisticamente definire un’imitazione di prodotti allogeni che si intende riprodurre. Ciò ha portato lo stesso Giorgio Buchner a definirla come una ceramica euboica prodotta a Pithekoussai.18 Nell’ambito di questa produzione è tra l’altro possibile identificare mani artigianali dal carattere molto spiccato – fra i quali lo stesso -inos già ricordato – e gruppi di oggetti di certo prodotti da medesime botteghe. Con il passare del tempo, e già nell’ultimo quarto dell’VIII secolo, la produzione si arricchisce di nuove suggestioni che cominciano a circolare nel Mediterraneo insieme a nuovi prodotti. Essendo di certo la costa flegrea un punto di passaggio e di scambio, è ovvio che i nuovi influssi risultino qui percepiti in maggior numero e precocemente, come appunto avviene nelle aree di transito. Tra i nuovi modelli sono particolarmente graditi quelli corinzi. Le versioni locali di questi oggetti sono rese più conformi ai modelli tramite l’utilizzo di un vero e proprio rivestimento, di colore giallo chiaro, che copre il vaso sia all’esterno che all’interno. Singoli motivi decorativi vengono assorbiti e rielaborati. È il caso delle linee intrecciate ad otto che coprono spesso il ventre delle anfore euboiche, e che a Cuma vengono rilette per rappresentare intrecci di serpenti, secondo modelli e schemi maggiormente corinzieggianti. Questi intrecci, insieme a teorie di pesci, caratterizzano un gruppo di vasi che per la loro riconoscibilità diventano ben presto tipici della produzione: le oinochoai Ischia-Cuma-Tarquinia. Su queste brocche trilobate di profilo assolutamente corinzio la decorazione principale, che nei vasi importati è posta invariabilmente sulla spalla del vaso, slitta sul ventre rendendo nuova ed originale la resa decorativa.19 Non vengono inoltre respinte altre influenze, come quella attica. Da quest’ultima arrivano alle coste flegree, spesso attraverso la stessa produzione euboica della madrepatria, dei motivi legati alla vita guerresca: soldati con petto triangolare posto di prospetto e gambe di profilo, irreggimentati, armati e marcianti, 17 Così ad esempio dagli scavi di Cuma sono pochi anni fa emersi frammenti più vicini ai tipi euboici (Cuozzo et al. 2006, 21–22, tav. 2.B; d’Agostino e D’Acunto 2009, 517, fig. 32; D’Acunto 2009, 82–84, fig. 16–31). 18 Buchner 1981, 267. 19 Greco e Mermati 2007.

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con scudi lunati o rotondi ed elmi crestati, a cavallo o su carri da guerra, talvolta feriti e caduti. Si introducono inoltre nuove forme, come la lekane bassa e ampia, o singoli motivi decorativi, quali le trecce di S. Il ruolo di Pithekoussai e Cuma come crocevia culturale è confermato anche dalle ceramiche provenienti dalla parte orientale del Mediterraneo, che qui confluiscono e influenzano le botteghe locali, dando loro un tocco di ‘internazionalità’. È il caso degli aryballoi Kreis-und-Wellenband Stil e delle lekythoi curve, che vengono anche riprodotte più o meno fedelmente. Pithekoussai è infatti senz’altro uno dei punti di arrivo di merci di provenienza orientale, che vengono poi smistate oltre su rotte complesse che mettono in contatto diretto Rodi ed il Tirreno.20 Del resto a Pithekoussai non giungono solo Greci. L’elemento levantino nella compagine pithecusana è già al momento dell’arrivo pienamente inserito non solo attraverso la concreta presenza di genti orientali ma anche tramite usi e consuetudini, come il consumo del vino speziato, testimoniato dalle coppe tripodi e su piede. Tali consuetudini sono state già da tempo recepite, assorbite e rielaborate, per essere inserite in un ‘modo di fare’ che non è più quello del luogo di partenza. Un altro prodotto tipico delle botteghe flegree che rappresenta appieno questa cultura mista greco-fenicia è senz’altro il piatto pithecusano-cumano con labbro a tesa. La maggior parte degli esemplari non proviene da necropoli ma da contesti abitativi ed industriali. La cosa è facilmente spiegabile se ipotizziamo per questi oggetti la funzione di stoviglia da tavola che essi hanno ancora oggi. I piatti flegrei sembrano rifarsi al piatto fenicio con labbro a tesa e ricoperto con ingubbiatura rossa, o red slip, non raro peraltro a Ischia in esemplari originali importati. Piatti di produzione pithecusana a decorazione red slip, e cioè il cosiddetto ‘red slip pithecusano’, provengono anche da altre località della Campania, quali Pontecagnano e Calatia. È inoltre molto significativo che alcuni frammenti siano stati rinvenuti nella stessa Cartagine. Oltre a qualche esemplare che tenta di imitare l’ingubbiatura rossa, la maggior parte degli oggetti mantiene di tipicamente levantino solo la forma, mentre le decorazioni sono adattate al gusto greco locale. Così troviamo uccelli euboici con ala spezzata, ma anche motivi geometrici, e pesci e serpenti ispirati a quelli diffusi nella prima fase orientalizzante corinzia. Le teorie di uccelli euboici danno probabilmente origine alla produzione dei piatti ad aironi tanto diffusi a Caere. Dal foro di Cuma proviene infatti un frammento residuale di un piatto pithecusano del tipo probabilmente con labbro a tesa, databile al primo quarto del VII secolo a.C. Esso presenta all’interno una decorazione a fasce ed all’esterno un airone di tipo

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Peserico 1996.

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assolutamente etrusco.21 Grazie ad apporti di vario tipo e provenienza la produzione acquisisce quindi tratti molto peculiari ed un linguaggio formale e figurativo molto originale, che le permette di mostrare all’esterno una propria fisionomia. Il variegato e multiforme gruppo di persone che si stanzia sulla costa flegrea si va ad incontrare fin da subito – anzi già prima dello stanziamento vero e proprio – con la realtà locale presente sulle coste antistanti, altrettanto variegata e molto più complessa in quanto residente da tempo sul territorio. All’inizio probabilmente lo scambio di oggetti fra queste diverse comunità non fu basato esclusivamente su meccanismi economici, nonostante debba aver funzionato proprio per rendere agevoli tali meccanismi, ma operò in primo luogo come aggregante sociale a garanzia di un mutuo rispetto. I nuovi arrivati, numericamente inferiori ai locali, dovettero necessariamente inserirsi nella preesistente situazione per sperare di vivere stabilmente lì. Gli autoctoni erano inoltre certamente all’altezza dell’interlocutore: essi non venivano visti dai Greci come popoli sottosviluppati da sfruttare, ma come partners commerciali di tutto rispetto. Al momento della fondazione, Pithekoussai e Cuma, come la maggior parte delle neonate colonie greche, si trovano praticamente circondate da centri indigeni molto attivi e vitali: un vero e proprio anello di insediamenti racchiude infatti i due centri. Esso è definito a nord e a sud da Capua e Pontecagnano, mentre ad est l’ampia piana fluviale della Valle del Sarno, occupata dalla Cultura delle Tombe a Fossa, costituisce un’importante via di comunicazione con il sud e con la Campania interna. Il contatto con le genti indigene dovette essere progressivo, e man mano sempre più significativo dal punto di vista culturale. Infatti la semplice presenza di oggetti ‘stranieri’ in un contesto non appare culturalmente rilevante se non si accompagna ad altri indizi di un cambio culturale, e quindi di una pratica sociale nuova. Una prima fase caratterizza il momento iniziale del contatto, che possiamo collocare appunto tra 750 e 725 a.C., nel TG I e negli anni forse immediatamente precedenti. È questo un momento in cui i nuovi arrivati si sono stabiliti sull’isola, ma non ancora organizzati sul territorio. Esso è caratterizzato da una presenza di oggetti flegrei nei corredi indigeni che non sembrano comunque cambiare nulla nel contesto ricevente. I vasi greci prendono il posto di oggetti familiari, senza mutare sostanzialmente la logica di corredo. Le coppe si affiancano o sostituiscono i vasi per bere: così accade anche per le oinochoai, viste come delle brocche. Nel nostro caso, quello della Campania della metà dell’VIII secolo a.C., si può facilmente leggere nei contesti funerari che la penetrazione di elementi esterni nel contesto locale, così come in quello greco, 21

Mermati 2013, 98–100.

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fu graduale, mediata e attenta. Nella prima fase infatti oggetti particolari vengono realizzati tenendo conto delle esigenze di sempre. L’olla-hydria da San Marzano, nella Valle del Sarno, coniuga la forma di un’olla locale con quella di una protohydria greca, che si accompagna ad una complessa decorazione di cui si parlerà più avanti. Il vaso è nel complesso talmente eterogeneo nelle sue caratteristiche da far pensare ad un prodotto realizzato su ordinazione, concepito per un fine preciso o per una defunta dalle caratteristiche particolari. L’hydria, di cui si è già ampiamente parlato in altre sedi,22 è decorata da pannelli contrapposti, in cui troviamo un albero della vita con capri rampanti ispirato allo stile del Gruppo di Cesnola e una Potnia Theròn, entrambi delimitati da motivi sussidiari di tipo euboico. L’elemento lanceolato sulla testa della dea, letto già come un polos da chi scrive, è forse meglio interpretabile come una gemma od un bocciolo, a richiamare il mondo vegetale e rigenerativo del quale la divinità è rappresentazione. Il vaso, sebbene straordinario nella sua elaborazione ‘mista’ e nel suo carattere ibrido, non indica tuttavia un cambiamento culturale nella concezione del corredo di cui fa parte: occupa infatti nella tomba il posto contenitore vaso di impasto di grandi dimensioni, tipico dei corredi indigeni di questa fase e destinato a contenere liquidi. L’hydria è quindi funzionalmente compatibile col suo contesto, nel quale deve aver portato solo un certo esotismo.23 Quello dell’hydria non è un caso isolato. Lo stesso accade a Pontecagnano, dove viene creata un’olla tradizionale per forma, funzione e utilizzo finale, in argilla locale, arricchita da bugne plastiche tipiche dell’impasto, ma realizzata al tornio e decorata con una raffigurazione di tipo greco a cavalli affrontati ed uccelli acquatici. In questo caso si pensa addirittura ad un greco residente in loco, il che è ancora più interessante se pensiamo che la mobilità era biunivoca, e che se da una parte le donne locali sposavano i Greci, gli stessi artigiani greci potevano compiere il tragitto inverso inserendosi senza eccessivi problemi in contesti produttivi diversi da quelli di partenza.24 Questi veri e propri ‘vasi-esperimento’ non hanno un seguito: in genere sono degli unica che non danno luogo a sviluppi o filoni produttivi. Un ulteriore problema è che risulta difficile una vera e propria attribuzione di essi ad una cultura specifica tra quelle che prestano i componenti funzionali alla loro elaborazione. Infatti in primis il luogo di rinvenimento non sembra dirimente. Essi possono essere realizzati in argilla flegrea, ma in un luogo diverso da quello di ritrovamento, e sono concepiti per il contesto in cui li troviamo. Possono inoltre risultare ‘stridenti’ quando sono 22 23 24

Vd. n. 21. Greco e Mermati 2006. Da ultimo d’Agostino 2016, 101, con bibl.

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realizzati con forma e materia prima locale ma con una decorazione assolutamente allogena, come è il caso dell’olla di Pontecagnano, la cui unica anomalia è appunto nella decorazione. In pratica, cosa va considerato maggiormente diagnostico nell’interpretazione di questi oggetti? Materia prima, contesto, forma, o mano artigianale? È in definitiva probabile che nelle fasi iniziali di uno stanziamento queste anomalie, se così si vuol chiamarle, vadano legate proprio alla mobilità individuale o a rapporti sociali trasversali tra le comunità, che possono materializzarsi anche sotto forma di doni, oggetti su ordinazione, legami commerciali o meno tra individui e così via. Non è quindi un caso se questi ‘vasi-esperimento’ si collochino in genere nella fase più antica del contatto, in cui si stanno ancora negoziando equilibri di potere e reciproche identità.25 E’ invece in un secondo momento che le cose sembrano cambiare. Nel TG II, verso il 725 a.C., Cuma è ormai impiantata sulla costa ed inserita nel territorio. Il contatto con i Greci flegrei provoca, nei gruppi indigeni che gestiscono il potere, la necessità di rinegoziare le relazioni di potere al loro interno. Gli oggetti stranieri sono ora espressione di un capitale simbolico funzionale alla dominazione ed al controllo sociale nell’ambito del proprio gruppo; essi diventano per un indigeno di ceto emergente il simbolo della capacità esclusiva di gestire l’intercambio con l’altro. Pertanto, con tutta probabilità, anche alcuni elementi della ritualità greca, o meglio ciò che essa simboleggia, vengono assorbiti e forse rielaborati dalle comunità locali. È naturale pensare, come recentemente si va sempre più sottolineando,26 che molte delle mogli dei primi coloni dovessero essere locali, ed è logico che per pure questioni di vicinanza la maggior parte di esse vivessero in origine non lontano dagli insediamenti greci. È inoltre ragionevole supporre che queste stesse donne abbiano costituito, in un primo momento, la cerniera principale tra le comunità di origine ed i nuovi venuti, di cui padroneggiavano la lingua, gestivano le case, e crescevano i figli.27 Purtroppo proprio gli spazi di vita dei due insediamenti greci sono ancora poco noti. Tuttavia già dalle poche tracce che emergono, tra cui un’abitazione rettangolare nell’area del foro databile all’ultimo quarto dell’VIII secolo a.C., è ben attestata la mescolanza tra le usanze greche e quelle locali. La cellula abitativa ha infatti restituito numerosi frammenti di vasi d’impasto di forme assolutamente indigene.28 La combinazione di diverse tendenze porta alla nascita non solo di consuetudini, ma anche di produzioni 25 26 27 28

Mermati 2015a, 576. Vd. n. preecedente. Per la natura mista del primo insediamento pithecusano, Mermati 2015b, 285–88, con bibl. Greco 2009, 403–04.

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ibride, a metà strada tra le tradizioni locali e quelle greche. In una tecnica assolutamente mista vengono realizzati a Pithekoussai grandi vasi biconici in argilla grezza di forma pienamente indigena ma lavorati al tornio. Non mancano nelle stesse località flegree forme greche realizzate però in impasto, e poste nelle stesse sepolture della necropoli di San Montano. Rientrano tra queste forme le brocche con ansa sopraelevata, che riprendono senz’altro modelli contemporanei realizzati al tornio in argilla depurata. L’unica persistenza della tradizione dell’impasto sembra essere l’ansa a bastoncello, che nella ceramica lavorata al tornio non è mai attestata.29 Queste nuove produzioni miste sono frutto di un sincretismo ormai assolutamente avviato tra le tradizioni locali, e le nuove tecnologie ed i nuovi modelli importati. Possono infatti essere collocate tutte a partire dalla fine dell’VIII secolo a.C., e risultano in associazione con tipi di fibule locali, o al massimo campane. Dopo questa breve disamina delle caratteristiche della produzione pithecusano-cumana e delle connessioni di essa con quelle che maggiormente la influenzano, sembra opportuno prendere in esame due oggetti sui quali compare una decorazione di più ampio respiro. Essa merita un discorso a parte alla luce di più recenti riflessioni, sapendo che i siti flegrei funzionano non solo come luogo di smistamento di prodotti finiti, ma anche di stimoli e suggestioni provenienti da lontano che contribuiscono alla creazione di scene complesse per composizione e significato. Se, come più su accennato, influenze dall’est – e da Rodi in particolare – si concretizzano nel gran numero di balsamari di gusto e ispirazione orientale prodotti in loco, il contatto dovette certamente portare al passaggio di più linguaggi e gusti da una parte all’altra del Mediterraneo, lungo una traiettoria di cui Pithekoussai costituì uno dei principali terminali d’arrivo in Occidente, con conseguente trasferimento di stranieri – probabilmente rodii e cartaginesi – operanti sull’isola.30 Molti prodotti pithecusani sono, come già visto, proprio il frutto dell’incontro fra suggestioni diverse giunte da diversi luoghi, dialoganti fra loro e con quelle locali sulla costa flegrea, infine rielaborate ed armonizzate dalle botteghe pithecusano-cumane. A questo proposito un esempio lampante è costituito dalla brocca cosiddetta ‘a botticella’, dalla tomba 984 di San Montano (Fig. 1). La stessa forma appare come una rilettura forse puramente pithecusana di originali ciprioti già rimaneggiati a Rodi. L’esemplare è finora un unicum nei siti flegrei, mentre analoghe suggestioni possono essere rintracciate in Etruria, a Bisenzio, 29

Mermati 2015a, 576–78. Peserico 1996. Ridgway propendeva invece per una componente fenicio-aramaica: Ridgway 1984, 126–34. 30

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Fig. 1. Brocca ‘a botticella’ dalla tomba 984 di San Montano, Pithekoussai (in Coldstream 2000, 97–98, fig. 3–5).

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probabilmente per il tramite della stessa Pithekoussai.31 Nonostante i caratteri morfologici estremamente eterogenei, il vaso presenta una decorazione assolutamente greca, che riesce a compenetrare elementi propri della ceramica protocorinzia coeva – quali il quadrifoglio con triangoli tra i petali e la catena di soldier birds – con motivi più tipicamente euboici – quali gli ampi fiori a otto petali posti sui lati piatti del corpo a botticella, e il motivo a doppia ascia mutuato dallo Stile di Cesnola. La raffigurazione più significativa è posta sul collo, tanto più significativa quanto rari sono nella produzione i motivi antropomorfi. Qui sono rappresentati tre personaggi femminili che incedono verso destra tenendosi per mano, apparentemente reggendo nella mano destra un lungo elemento lanceolato campito a reticolo, e già interpretato come un fuso.32 Sarebbe, secondo J.N. Coldstream, una rappresentazione delle tre Moire. In realtà, sebbene suggestiva, l’ipotesi si presta ad alcune osservazioni. In primo luogo, come lo stesso autore sottolinea, il primo accenno chiaro alle tre Moire Cloto, Lachesis e Atropos, definite da un nome parlante, è nella Teogonia di Esiodo, mentre in Omero questa scansione non è ancora chiara.33 Se Moira per gli Orfici è una parte, uno dei tre volti della luna,34 il loro numero è comunque variabile: in Omero non se ne fa cenno, ma ancora verso la fine della prima metà del VI secolo sul Cratere François esse sono quattro e compaiono senza attributi, identificate solo dall’iscrizione; in altri contesti, a Delfi ad esempio, esse sono due, una che soprintende alla vita e un’altra alla morte (Paus. 2. 11. 4; 10. 24. 4). Le tre figure sul collo della lekythos flegrea presentano in realtà caratteristiche che permettono una diversa interpretazione. In primo luogo esse sono presentate di certo non stanti, ma in movimento verso destra, come mostra la posizione dei piedi delle figure, e si tengono chiaramente per mano.35 Le chiome sono sciolte e fluttuanti, mentre 31 Per l’oggetto, Mermati 2012, 164–65; per la forma ed il suo inquadramento, Bettini 2007; per il tipo in Etruria, Medori 2010, in particolare 166–67. Un primo discorso sull’elaborazione formale in Coldstream 2000, 93, fig. 3–5. 32 Coldstream 2000, 93–94. 33 Hes. Theog. 217–222. In Omero la moira/aisa è intesa come ‘destino’, ma anche come ‘parte’ e ‘morte’. Nell’unico luogo omerico in cui si parla di Moirai si tratta in realtà di una personificazione del destino proprio dell’uomo, che è quello di avere un cuore adatto per sopportare la sofferenza; Hom. Il. 24. 49. È nell’Odissea che incontriamo invece le Filatrici, Klothes, che filano, appunto, la vita dell’uomo, e lo fanno tutte, anche se in realtà più tardi solo Cloto sarà colei che fila; Hom. Od. 7. 197–198. In Omero divinità non ben precisate filano la sorte umana: ad es. in Hom. Od., 6. 17, dove tali divinità sono definite come maschili da theoi (FrontisiDucroux e Vernant 1998, 90). Per il concetto di moira in Omero, Flores González 2015. 34 Kern 1922, 33/Fr. 33 K. 35 Coldstream (2000, 93) mette in dubbio che le donne si tengano per mano a causa della sovrapposizione delle braccia della seconda e della terza figura; Questo dettaglio non sembra dirimente. Sull’anfora protoattica Louvre CA 2985, alcune donne presentano mani sovrapposte ed incrociate e altre reggono corone, mentre le prime due sembrano tenersi per mano. Su altre

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sulle spalle sembra essere poggiato un mantello. La caratteristica dei capelli sciolti, così come le gonne riccamente decorate, sono in tono con il carattere atticizzante della raffigurazione, che richiama modelli del TG IIb. Il dettaglio dei capelli non costretti in un’acconciatura o in un velo rimanda ad una condizione virginale e di donna nubile, e quindi ad uno stato di fertilità.36 L’interpretazione della scena come una danza rituale sembra essere la più accettabile. Che non si tratti di una semplice processione è del resto evidenziato dalla stessa posizione delle figure sul collo e quindi su una superficie cilindrica che accentua la circolarità del movimento.37 Il pilastrino posto all’estrema sinistra del pannello rappresenta il punto di partenza dell’incedere delle tre donne.38 Triplette di danzatrici che occupano il punto di vista focale del vaso sono particolarmente diffuse sulla ceramica argiva, che predilige peraltro ampie superfici monocrome. Il numero delle figure non sembra comunque essere fisso, ma dipende spesso dalla superficie disponibile o dall’equilibrio della decorazione.39 Anche la presenza sul nostro vaso di riempitivi legati al mondo naturale, come le rosette fra le braccia delle fanciulle ed i motivi a spigolo sovrapposti che sembrano richiamare l’acqua, sono perfettamente coerenti con le raffigurazioni di danze virginali. I tre elementi oblunghi, nei quali Coldstream ha visto dei fusi, possono essere a ragione interpretati come motivi vegetali estremamente stilizzati: che essi vadano spesso a comporre ornamenti fitomorfi più complessi è un ulteriore argomento a sostegno di questa ipotesi. Il vaso non va considerato un monumento isolato se messo in relazione con l’oinochoe del British Museum, a lungo ritenuta pithecusana ed opera di un artista di ambiente euboico, con raffigurazione del geranos di Teseo ed Arianna, e con una simile raffigurazione su un frammento di anfora da Eretria.40 Se le danze esclusivamente femminili vengono introdotte in Attica nel periodo fra TG II e prima fase del Protoattico – e cioè fra 720 e 675 a.C. – il nostro vaso, che può essere collocato nel periodo di transizione fra i due periodi e probabilmente proprio agli ultimi decenni dell’VIII secolo, risulta una precoce versione di tale tema, raffigurazioni di ambito argivo nella stessa catena di figure alcune tengono le braccia sollevate ed altre abbassate, forse a rappresentare i diversi movimenti della danza (D’Acunto 2016, fig. 12, 17, 19). 36 Langdon 2008, 146, 149. 37 Langdon 2008, 159. 38 Nonostante la difficoltà propria di quest’epoca nel rendere le figure frontalmente, nel caso di gruppi stanti i piedi delle figure laterali in genere convergono verso il centro dell’immagine; v. ad es. la raffigurazione sul un idolo campaniforme dalla Beozia, attualmente al Louvre (Louvre CA 623), Szabó 1994, 17, n. 20, fig. 1. Lo stesso stratagemma per segnalare il punto iniziale del movimento circolare è sul Cratere del Naufragio, attraverso il posizionamento in verticale di uno dei grandi pesci (Mermati 2012, 100). 39 Coldstream 1968, tav. 30a–b; Langdon 2008, 159. 40 Langdon 2008, 177–79, fig. 3.24–25; D’Acunto 2016, 209–10.

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soprattutto se consideriamo che l’oggetto è frutto di una rielaborazione e mescolanza di stili e influenze di diversa provenienza.41 La forte caratterizzazione simbolica di questo oggetto, che costituisce l’unico elemento di corredo – peraltro non bruciato sul rogo funebre, con tutto quello che ne consegue in termini di funzione – di una tomba a cremazione, porta ad interrogarsi anche sulla logica di attribuzione al sepolto, che da recenti indagini antropologiche risulta essere un adulto maschio di età compresa fra i 30 e i 40 anni.42 L’oggetto è infatti fortemente connotato simbolicamente e assolutamente coerente nell’abbinamento forma/decorazione, ma difficilmente comprensibile dal punto di vista funerario se abbinato ad un sepolto di sesso maschile, peraltro ben oltre la classe di età a cui il tema iconografico rimanda. La produzione pithecusano-cumana, nell’estrema rarità di rappresentazioni figurate più ‘narrative’, sembra comunque molto ricettiva alle raffigurazioni collegate ad una religiosità femminile di tipo rigenerativo. Lo stesso frammento con firma di -inos trova un unico confronto in Beozia, con il famoso vaso con Potnia Theròn43 (Fig. 2). Anche alla luce del raffronto, più che una sfinge è forse più corretto interpretare l’immagine come una divinità femminile alata molto stilizzata, dove le zone di colore sotto il viso appuntito possono essere lette come un’incertezza del disegno più che come una barba.44 Che si tratti di una figura femminile sembra confermato anche dai lunghi capelli sciolti, che caratterizzano nello stesso identico modo la dea sul vaso beotico, nonché dal lacerto di elemento vegetale che si intravede a sinistra del volto. La stessa ipotesi che si tratti di una sfinge, sebbene interessante per le implicazioni iconografiche e la diffusione del repertorio orientalizzante, non è finora supportata da confronti convincenti, e resta poco più di una suggestione. È inoltre interessante che sul vaso beotico compaiano, accanto alla dea, lupi molto simili a quello sull’anfora dalla tomba 1000 di Pithekoussai.45 Al medesimo orizzonte concettuale va rimandata la decorazione del cratere sporadico Sp 1/5, che si distingue anche per la monumentalità (Fig. 3). Con i suoi 41 cm di altezza, esso è finora, insieme al cratere da Mazzola nello Stile di Cesnola e ad altri pochissimi esemplari anch’essi sporadici dalla necropoli, l’esemplare più grande di questa forma attestato nella produzione.46 Per 41

D’Acunto 2016, 217. Cinquantaquattro 2016, 38; Gigante et al. 2016. 43 Coldstream 2000, 94, in particolare n. 41, fig. 7. 44 Per le varie letture della figura, Mermati 2012, 198–99. 45 Per la quale d’Agostino 1999, in particolare 30. 46 Esso è stato rinvenuto in uno strato di cocci bruciati nella zona NE dell’area B dello scavo dalla quale provengono anche i crateri Sp 1/6-7, di 35 e 32,5 cm di altezza. Altri due crateri di grandi dimensioni, Sp 1/2-3 di 40 e 37 cm di altezza, sono stati invece recuperati da un’altra zona di rogo, meno esteso e spesso del precedente, e dal quale proviene anche il Cratere del Naufragio 42

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Fig. 2. a. Frammento di cratere da Mazzola, Pithekoussai (in Ridgway 1984, 110, fig. 26); b. Anfora beotica da Tebe. Atene (Museo Nazionale 220-5893) (in Boardman 1998, 65, fig. 102.1–2).

questo cratere, come per agli altri rinvenuti nelle lenti di bruciato, non era evidentemente prevista la funzione di sema, in quanto bruciati sul rogo e abbandonati poi in frammenti. Non c’è tuttavia alcun dubbio che, come già evidenziato dagli scavatori, questo vaso fosse di particolare pregio come gli altri provenienti dal medesimo tipo di contesto. L’uso di associare vasi prestigiosi a (Sp 1/1), di minori dimensioni (17 cm ca conservati). Per le due lenti di bruciato, rispettivamente, Buchner e Ridgway 1993, 263–64 e 196–97. Il cratere da Mazzola misura 40 cm. È anche un dato significativo che gli esemplari che possiamo definire ‘monumentali’ non siano stati rinvenuti all’interno delle sepolture ma, a parte i casi dall’abitato, per lo più frammentari e sporadici, lontano da esse, con notevoli problemi di attribuzione alle tombe. Dalla documentazione finora disponibile per il corredo di accompagno sembrano essere preferiti gli esemplari di dimensioni minori, come quelli rinvenuti nella tomba 168, che è tra l’altro la sepoltura che ha restituito quattro vasi di questa forma sia di produzione locale che di importazione, la cui altezza è compresa fra i 26,5 e i 31,9 cm (Buchner e Ridgway 1993, 216–18).

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Fig. 3. Cratere Sp 1/5 da San Montano, Pithekoussai (in Buchner e Ridgway 1993, tav. 235).

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defunti di rilievo ai quali è destinato il rito incineratorio è attestato anche in Attica e in Eubea, e non sempre gli oggetti vengono lasciati visibili presso la tomba: essi sono spesso utilizzati nel corso del rito funebre e poi bruciati in un luogo a ciò deputato, sul quale orbita un gruppo definito di sepolture.47 Già le modalità di utilizzo del vaso ne marcano quindi il valore ideologico. La decorazione principale, suddivisa in pannelli sulla vasca, presenta una figura femminile con ampia gonna frangiata che porta le mani verso il capo in un movimento che, piuttosto che a un lamento funebre, va rimandato ad un gesto rituale benedicente tipico delle divinità femminili legate alla natura e alla fertilità.48 Ciò su cui vale la pena di soffermarsi sono tuttavia i due cavalli in posizione araldica ai fianchi della figura, chiaramente connotati come maschi per la resa dell’organo sessuale, un dettaglio questo che i pittori rendono in genere consapevolmente. Si tratta, quindi, di stalloni, la cui cura diretta e controllata è funzionale ad una corretta riproduzione e selezione. Sul cratere pithecusano gli animali, anche se evidentemente maschi adulti, sono rappresentati liberi: la scelta non è canonica, e serve ad inserire pienamente i cavalli nell’ambiente naturale di cui da figura divina centrale è rappresentazione.49 Nell’Iliade, paragonando l’impeto di Paride a quello di uno stallone, Omero rappresenta quest’ultimo prima legato alla greppia e poi in corsa nella pianura, diretto verso il pascolo delle cavalle. Qui evidentemente avverrà un accoppiamento coerente con il vigore sessuale dell’animale, che corrisponde al vigore fisico dell’eroe (Hom. Il. 6. 503–511). Sulla ceramica argiva la presenza del cavallo – da solo o condotto da un uomo – in scene di danze femminili è già stata messa in relazione con la fertilità e la ritualità legata al matrimonio, in cui il cavallo sciolto rappresenta l’adolescenza e il potere riproduttivo. Questo sembra essere confermato anche dall’iconografia presente sul Cratere dei Cavalli Neri, ritrovato proprio ad Eretria.50 Il dettaglio della minzione in una composizione così schematica non è di certo casuale, e sembra alludere anch’esso al potere sessuale e rigenerativo dello stallone.51 47 Per le pire funerarie di epoca geometrica in Eubea, Blandin 2007, 39–42. Per la pira funeraria da cui proviene proprio il famoso Cratere dei Cavalli Neri, Psalti 2010. Per il significato dei vasi monumentali in contesti funerari, Vlachou 2017, 192–93 (fine X secolo a.C.), 201–02. I vasi pithecusani di cui si discute sono di modulo molto inferiore rispetto a quelli considerati da Vlachou, sebbene di pregio e da isolare nel contesto in esame. A livello ideologico essi devono aver funzionato nello stesso modo. 48 Coldstream 2000, 94, fig. 9–10; Mermati 2012, 194. 49 Per la rappresentazione del sesso dei cavalli sulla ceramica geometrica e le connesse implicazioni legate alle diverse modalità di allevamento di maschi e femmine, Simon e Verdan 2014, 12–16, 19. 50 Simon e Verdan 2014, 18–19; D’Acunto 2016, 236–38. 51 Simons 2009, 332–33.

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In alcune delle raffigurazioni pithecusano-cumane più complesse è dunque interessante riscontrare una riconoscibilissima impronta beotica, come pure interessanti scelte che richiamano la ceramica argiva. Se per la prima è stata ipotizzata la mutuazione da un repertorio beotico influenzato a sua volta da quello euboico, va ancora una volta ricordato che questi passaggi di elementi da una produzione all’altra non fanno altro che rendere evidente come il transito di iconografie e di singoli motivi non sia cosa lineare.52 Non è infatti sempre possibile rimandare un bagaglio decorativo così articolato a poche linee di diffusione, considerata anche la complessità di alcune forme ceramiche, a loro volta composite. Lo stesso sincretismo morfologico e decorativo, che si accompagna in alcuni casi a elaborate simbologie, è leggibile anche nelle produzioni di quegli insediamenti indigeni che affrontano l’impatto con il nuovo, comportandosi in maniera speculare rispetto ai Greci che si trovano a dialogare con le popolazioni epicorie. I contesti indigeni campani offrono un immediato e coerente riscontro per quanto già detto a proposito delle colonie greche flegree. Indicativi sono specialmente i contesti già citati di Pontecagnano e della Valle del Sarno, dove si diffondono sempre di più forme greche realizzate in impasto, come oinochoai trilobate, kotylai, skyphoi, la cui decorazione impressa o incisa tende spesso a riprodurre quella dipinta dei modelli. In particolare Pontecagnano elabora una propria produzione in argilla figulina chiaramente ispirata a quella flegrea, che si affianca non solo all’impasto, ma anche alla ceramica importata da Corinto e ad una corposa quantità di prodotti pithecusano-cumani.53 In particolare, vale la pena di soffermarsi su un ambito assolutamente simmetrico, ma geograficamente e culturalmente diverso. In un discorso sulle ceramiche greche coloniali non si può infatti non considerare la situazione delle coste dell’Italia meridionale, lungo la cosiddetta ‘rotta meridionale’, interessate in maniera diffusa da una circolazione euboica che provoca un evidentissimo impatto sulla cultura materiale locale, ma di cui si stenta a definire i contorni. In effetti la mancanza di studi organici è alla base di una pertinace interpretazione delle coste calabresi per lo più come area di influenza della Sicilia euboica e, in particolare nella fase più antica, come zona di passaggio 52

Coldstream 2000, 94. Cuozzo 2003, 54–55. Tale produzione, su larga scala e collocabile cronologicamente tra la fine dell’VIII e la metà del VII secolo a.C., è attualmente in corso di studio. Per l’importanza che essa riveste nello studio delle produzioni ceramiche campane se ne attende con ansia una tipologizzazione. Il suo ruolo all’interno del repertorio vascolare locale è infatti tutto da definire, con ovvie implicazioni di tipo funzionale ed economico, ma soprattutto socio-culturale e rituale, in particolare in ambito funerario. 53

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verso i lidi campani, che sarebbero stati ritenuti maggiormente idonei a collocare stanziamenti stabili. La stessa fondazione di Zancle è nel racconto tucidideo legata alle dinamiche del golfo di Napoli, e dovette essere un elemento di un’attività coordinata gestita dai coloni sulla base di precise considerazioni funzionali e geografiche. A questo proposito è di particolare interesse la connessione che alcuni hanno ipotizzato fra l’insediamento dei lestai di Zancle – di cui sembrano mancare finora tracce fra i materiali recuperati – e la frequentazione di carattere emporico delle località flegree.54 Per le fasi più antiche della dirimpettaia Reggio la situazione non sembra migliore, dato che elementi relativi alla prima frequentazione ellenica del sito risultano non antecedenti alla fine dell’VIII secolo a.C., e provenienti da contesti abbastanza evanescenti.55 In ogni caso l’influenza degli Eubei in Calabria meridionale non dovette interessare solo le bordure costiere, essendo penetrata verso l’interno attraverso un dialogo più o meno pacifico con le popolazioni locali. A quattro chilometri dalla costa, in corrispondenza di quella che sarà Locri Epizefiri sul mare, la necropoli di Canale-Janchina ha restituito un complesso di oltre un centinaio di vasi italo-geometrici di produzione locale, ma fortemente ellenizzante, e con spiccato carattere euboizzante (Fig. 4). Tali oggetti sono nel presente discorso particolarmente significativi, in quanto la loro fattura è stata in più occasioni connessa a quella flegrea e a quelle etrusche ad essa ispirate.56 I vasi, che si collocano nella seconda metà dell’VIII secolo, paiono frutto di una medesima bottega anche se forse di mani diverse. Le caratteristiche della produzione di Canale-Janchina sono eterogenee e tipiche di un sito in cui si incontrano componenti culturali diverse che cercano di trovare un punto di incontro. Tuttavia essa non sembra essere in relazione diretta con quella pithecusano-cumana, con la quale condivide più che altro una ‘patina euboizzante’ che si riscontra sia nella scelta delle forme che nell’adattamento dei motivi decorativi. Tra le forme notiamo intrusioni massicce dal repertorio locale testimoniate in primis dall’anforetta, che è la più attestata, ma anche dalla tazza/attingitoio di tradizione indigena, che trova paralleli in ambito calabrese, etrusco e falisco.57 Entrambe le forme sono presenti anche in impasto.58 Qualora si tratti di forme ellenizzanti – oinochoe, lekythos e 54 Il riferimento di Tucidide all’arrivo di ulteriori contingenti giunti da Calcide e dall’Eubea a dare man forte ai ‘pirati cumani’ nella fondazione di Zancle è un chiaro argomento a sostegno di una politica espansionistica euboica meditata e di certo non improvvisata. Per un inquadramento complessivo della questione relativa alla fondazione di Zancle, anche in relazione ai siti flegrei e alle tracce più antiche dell’insediamento, Guzzo 2011, 113–22, con bibl. 55 Guzzo 2011, 133, con bibl., ma anche Mercuri 2004, 211–56 e Agostino 2012. 56 Mercuri 2004, 127–31. 57 Per le attestazioni relative all’anfora, Mercuri 2004, 49; per la tazza/attingitoio 102–08. 58 Dalla Collezione Rellini, Piergrossi 2004, vasi globulari biansati nn. 1–7, tazze nn. 11–13.

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Fig. 4. Ceramica da Canale-Janchina (in Mercuri 2012, 975, fig. 4).

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aryballos – esse vengono trasformate e quasi deformate per adattarle ad un gusto evidentemente diverso. Quest’ultimo tende per lo più all’abbassamento del baricentro dei vasi e ad un allargamento dei volumi, portando spesso il vasaio ad atrofizzare la bocca trilobata e il collo in favore di un ventre più ampio e globoso, elementi questi forse derivati dalla familiarità con le forme locali non tornite. La stessa mescolanza di tendenze e scelte si riscontra nell’apparato decorativo che sembra abbinarsi alle forme in maniera assolutamente non canonica e non fedele al modello, in una ricerca di quella che potremmo definire ‘una sensazione esotica’, che dà evidentemente luogo a risultati del tutto originali. Se infatti alcuni vasi si presentano come vere e proprie riproduzioni degli oggetti a cui evidentemente si ispirano, altri propongono motivi decorativi ellenici abbinati a forme di tradizione locale. Gli stessi motivi possono essere riletti e alterati, come la capra attica reinterpretata secondo stilemi orientali o euboici.59 Il fatto che tale produzione venga elaborata da botteghe indigene e non da un atelier coloniale induce comunque a considerare la portata di un fenomeno – l’elaborazione di un repertorio vascolare diverso dal proprio non solo per forme e apparato decorativo, ma anche e soprattutto per tecnologia e modalità di realizzazione. In Campania è possibile osservare qualcosa di simile solo in località come Pontecagnano, che per un lungo arco di tempo hanno condiviso con i Greci prima circuiti commerciali ed in seguito spazi, territori ed aree d’influenza: è questa condivisione prolungata che porta a realizzare in loco prima vasi ibridi di sapore euboico-cicladico e poi una vera e propria produzione ispirata alle botteghe pithecusano-cumane, ormai vicine.60 Stupisce la mancanza a Canale-Janchina, almeno finora, di attestazioni relative a prodotti importati. Tale assenza interessa non solo il periodo precedente a quello in cui vanno collocati i vasi di cui si è discusso, ma de perdura anche nel periodo in cui si sviluppa la stessa produzione ellenizzante. Il livello di quest’ultima è però troppo elevato per non interpretare questa mancanza come una lacuna dovuta a ricerche datate e disorganiche. La riproduzione dei modelli – nonchè la loro cosciente rielaborazione –, presuppone non solo una grande dimestichezza con essi, ma soprattutto la presenza di un’utenza che li gradisce, li comprende e li richiede. Sebbene l’editore degli oggetti non propenda per una presenza in situ di artigiani stranieri, il problema resta tuttora aperto. Esso trova forse una soluzione, seppur ipotetica, nell’esistenza di un comptoir euboico nelle vicinanze, non ancora individuato ma collocato presumibilmente

59 60

Mercuri 2004, 126–27, 69–70. d’Agostino 2016, con inquadramento della questione e bibl. prec.

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a Capo Bruzzano, 20 km a sud del punto dove sorgerà Locri.61 Questo insieme di oggetti va quindi interpretato come la conseguenza di un periodo particolarmente fecondo di contatti e di circolazione di idee e prodotti che sembra terminare con la fine del secolo, al subentrare di diversi equilibri e nuovi protagonisti. Fra questi di certo devono essere annoverati i Locresi, che con gli Euboici instaurano un complesso rapporto di collaborazione focalizzato su Reggio. Del circuito della rotta meridionale devono aver fatto precocemente parte anche i centri posti nel Golfo di Taranto, sebbene ciò non abbia portato subito alla fondazione di colonie vere e proprie, che non compaiono prima della fine dell’VIII secolo a.C. Tale ritardo potrebbe del resto essere giustificato da un posteriore interesse sviluppato dagli Euboici per questi percorsi: le loro rotte più antiche, prima finalizzate ad attività esplorative, poi emporiche e fondative, sembrano prediligere infatti un itinerario da occidente per la frequentazione del bacino tirrenico. Va inoltre considerata l’attenzione di Corinto per il Salento e per il Golfo di Taranto già a partire dalla prima metà dell’VIII secolo a.C., che in una logica di strutturazione delle relazioni antiche porta alla tacita differenziazione delle aree di influenza, non senza sovrapposizioni.62 Una frequentazione attiva e dinamica di quest’area è infatti evidentissima per la fase più antica.63 Una testimonianza di enorme rilievo è, in questo discorso, la presenza di una produzione come quella cosiddetta enotrio-euboica di Francavilla Marittima, attestata a partire dal 770 a.C. Il sito è tanto più interessante in quanto ha restituito una realtà archeologica complessa, orbitante sul santuario del Timpone della Motta ma comprendente anche una necropoli, quella di Macchiabate, e lembi di abitato. La ceramica d’ispirazione greca prodotta in loco, insieme a quella locale d’impasto, è attestata nelle aree residenziali ma viene anche dedicata nel santuario. Anzi la produzione sembra talmente strutturata e specializzata da prevedere forme ed oggetti destinati espressamente al culto. Questa disponibilità di contesti si accompagna tuttavia ad una forte difficoltà di lettura dei materiali, dovuta alla stessa storia delle ricerche nel sito. Se infatti gli scavi degli ultimi anni stanno rendendo noti i nuovi lembi di necropoli ed il quartiere artigianale individuato nell’abitato enotrio, i contesti relativi all’acropoli soffrono di una dinamica delle ricerche discontinua nel tempo, che 61 62

Mercuri 2012, 977–79. De Fidio 1995, 63–68; D’Andria 1995, 468–78; Lippolis 1995, 512–14; Frisone 2002,

301. 63 Per un rapido excursus sui siti che hanno restituito materiale euboico ed enotrio-euboico in Italia meridionale, gli Atti del 50° Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto 2012, incentrati su queste problematiche. Per un quadro generale Bats e d’Agostino 1998 e Guzzo 2012.

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ha portato ad edizioni parziali e incentrate su singole tematiche o su quadri d’insieme molto generali. Non si può inoltre non ricordare la tragica dispersione di materiali e provenienze dovuta non solo alla costante attività dei clandestini, ma anche ai continui spostamenti dei materiali dai vecchi scavi.64 La presenza di ceramica euboica in situ è databile a partire dal MG e si accompagna alla presenza di un atelier inserito in un vero e proprio kerameikos, la cui identificazione presso la cosiddetta Area Rovitti si basa sulla presenza di almeno tre fornaci e scarti di lavorazione.65 Nel kerameikos vengono contemporaneamente realizzate sia le ceramiche di tradizione indigena che quelle enotrio-euboiche, che utilizzano la medesima argilla locale ma con procedimenti del tutto diversi in ogni fase della filiera produttiva, dalla depurazione della materia prima alla decorazione finale.66 Vengono inoltre introdotte significative innovazioni tecnologiche, come l’uso del tornio veloce. Si nota talvolta una certa insicurezza nella realizzazione degli oggetti, particolarmente evidente nel punto di giunzione tra le diverse parti dei vasi di maggiori dimensioni, in particolare le forme chiuse: questo è soprattutto evidente negli esemplari ispirati morfologicamente alla tradizione indigena, come le olle biconiche. Esse sono realizzate congiungendo due parti lavorate indipendentemente al tornio: nel punto di contatto è chiaramente visibile la lavorazione a mano. Viceversa si tenta contemporaneamente di plasmare piccoli vasi, generalmente realizzati in impasto, sul tornio veloce.67 Poca sicurezza si nota a volte anche nella composizione e nella realizzazione dei motivi decorativi, che portano alla produzione di oggetti dallo stile un po’ incerto. Questi dettagli possono spingere ad una doppia interpretazione: o una cattiva gestione del nuovo mezzo – il tornio veloce appunto – e dei nuovi motivi decorativi, o una difficoltà di realizzazione di forme poco conosciute. Gli oggetti della prima fase produttiva presentano caratteristiche assolutamente miste: l’atelier euboizzante realizza oggetti spesso frutto di una emblematica ibridazione fra la ceramica locale enotria lavorata a mano, di cui vengono riprese alcune forme, e un’iconografia fortemente caratterizzata come greca euboica.68 Le forme più comuni sono skyphoi di tipo greco e scodelle di forma indigena, decorate in uno stile di ispirazione euboico-cicladica (Fig. 5). 64 Per la storia delle ricerche ed un inquadramento complessivo, il contributo di de Lachenal in van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2007, 16–81. Per le problematiche relative ai materiali dal Timpone della Motta, Gentile et al. 2005, 651–53. 65 Per la più antica ceramica euboica da Francavilla, Kleibrink et al. 2004, 48–52 (fig. 4.3); Jacobsen 2007, 34–35, nn. 14–19; Mittica 2008, 36; Crudo et al. 2016, 3–4. Per il kerameikos Jacobsen et al. 2009a, 90. 66 Crudo et al. 2016, 17. 67 Kleibrink e Fasanella Masci 2011, 91–92. 68 Jacobsen et al. 2009a; 2009b; Handberg e Jacobsen 2010, 21–28; 2012.

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Fig. 5. Scodelle e skyphoi di produzione enotrio-euboica dall’area Rovitti, Francavilla Marittima (in Jacobsen e Handberg 2010, 23–24, fig. 7–8).

In particolare le scodelle di tipo 1 e 2, decorate con fregi di grandi cerchi concentrici, sono state avvicinate rispettivamente a produzioni di Pontecagnano ed etrusche.69 Tali cerchi tendono ad invadere la vasca delle forme aperte e ad occupare il punto di massima espansione delle forme chiuse – soprattutto vasi biconici – con risultati del tutto originali che non trovano confronti in Eubea (Fig. 6a–b). Ciò appare particolarmente evidente sulle forme che cercano di 69

Jacobsen et al. 2009b, 207–09.

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Fig. 6. Ceramica enotrio-euboica da Francavilla Marittima, Area Rovitti e Timpone della Motta (in Jacobsen e Handberg 2010, 27, fig. 10; 2012, 694, fig. 6a, rielaborati dall’autore).

rifarsi con più precisione ai modelli ellenici. Su uno skyphos a vasca emisferica, di profilo totalmente greco, i cerchi sono stati tracciati per ben tre volte, indicando una notevole incertezza del vasaio nel disegnare una sequenza equilibrata (Fig. 6c).70 Gli skyphoi sembrano seguire comunque lo sviluppo che 70

Jacobsen e Handberg 2012, 694–95.

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hanno anche in Grecia. Se il tipo 1 presenta un gusto maggiormente insulare nella decorazione, con pannelli delimitati da linee orizzontali e verticali che coprono tutta la parte superiore della vasca, il secondo trova corrispondenza in Campania e a Canale-Janchina, e si rifà con tutta probabilità a prototipi greci con confronti da Delos e Atene, attardandosi fino alla seconda metà dell’VIII secolo. Il tipo 3 può essere confrontato con le proto-kotylai greche, sebbene dai contesti di scavo sembri collocarsi nel terzo quarto dell’VIII secolo. Il tipo 2b sembra rifarsi anch’esso a modelli ellenici, ma se ne discosta spesso nella decorazione e tocca già l’ultimo quarto dell’VIII secolo, rientrando quindi nella fase della fondazione di Sibari e dell’arrivo di nuove suggestioni.71 Nella seconda metà dell’VIII secolo a.C. la produzione ceramica locale si arricchisce di ulteriori forme, come lekanai, kalathiskoi, crateri, oinochoai, anfore e olle biconiche, non solo utilizzate nei quartieri residenziali ma rinvenute anche nel santuario del Timpone della Motta; esse compaiono pure nelle sepolture della necropoli di Macchiabate.72 Sul Timpone della Motta è in questa fase in uso l’Edificio Vb, la cui costruzione si data verso l’800 a.C., per una frequentazione che arriva fino alla fine dell’VIII secolo a.C.73 Dal gusto euboico arrivano ora decorazioni figurate di tenore più ambizioso, comprendenti i tipici motivi delle catene di cerchi fra riempitivi – che sulla costa flegrea si trasformano in serpenti incatenati di stile corinzieggiante – ma anche uccelli con corpo campito a tratteggio e cavalli al pascolo nello stile di Cesnola (Fig. 6d–f).74 Tali decorazioni possono essere applicate a vasi di tradizione locale come i biconici o essere poste su forme greche come il cratere, ma relegate in quest’ultimo 71

Per la collocazione cronologica dei tipi e la loro derivazione, Jacobsen et al. 2009b, 210–12. Ad es. i crateri dalle tombe Strada 2 e De Leo 1, indagate in campagne di scavo recenti dall’Università di Basilea. Il primo è inserito in un corredo femminile al posto dell’olla locale. In esso, come avviene in genere per le olle, era deposta una tazza in ceramica matt-painted, suggerendo una percezione del vaso come grande contenitore generico alla pari dell’olla tradizionale. La forma del vaso, sebbene si tratti di un cratere realizzato al tornio e ispirato a prototipi greci, si presenta tuttavia poco equilibrata nell’insieme, con ventre sproporzionato rispetto al piede e punto di massima espansione posto a metà dell’altezza del ventre. Il secondo presenta un profilo più fedele ai modelli, sebbene sia dotato di un coperchio lacunoso poco coerente con la forma in esame, e che ricorda il caso della pisside pithecusano-cumana da Sulcis, anch’essa con coperchio e databile ugualmente all’ultimo quarto dell’VIII secolo: Guggisberg et al. 2012, 3–4; 2015, 106–07. Per la pisside da Sulcis, Mermati 2012, 228–29; 2013, 111–12. 73 Non è questo il luogo per discutere le varie interpretazioni delle fasi dell’Edificio V. Un inquadramento della questione in Guzzo 2012, 222–26, che nega funzione cultuale alle fasi più antiche del complesso. Marianne Kleibrink propone da sempre un’interpretazione come luogo sacro. In proposito v. anche de Lachenal in van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2007, 66–68; da ultimo e con bibl. prec. Kleibrink 2016. 74 Alcuni frammenti di pareti con decorazioni a uccelli che si è potuto visionare nei depositi del Museo Nazionale Archeologico della Sibaritide sono certamente pertinenti a vasi non torniti, almeno nel punto preso in esame. 72

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caso in un punto poco usato nella madrepatria come il piede, dove vengono generalmente utilizzati motivi sussidiari.75 Il piede di cratere da Francavilla nello stile di Cesnola è stato spesso avvicinato per tema e fattura alla produzione pithecusana ispirata agli stessi modelli. A Francavilla manca però il canonico motivo della doppia ascia rovesciata sul dorso degli erbivori, nè è presente il triangolo con appendici pendule tipico delle versioni flegree, forse direttamente mutuato dai prototipi euboici. Sull’esemplare francavillese si trova invece il cosiddetto ‘triangle and box’ che altrove, e in ambito beotico TG II, è chiaramente una mangiatoia.76 La campitura a reticolo delimitato da linee oblique ricorda invece quella del motivo pithecusano.77 Un simile oggetto, che sembra coniugare le caratteristiche dei due precedenti con base triangolare campita a reticolo sovrastata da un elemento rettangolare ma più stretto rispetto a quello beotico, è su vasi da Eretria.78 Siamo quindi di fronte ad una reinterpretazione dei motivi tipo Cesnola che con numerose varianti ricorrono in molte delle produzioni coeve in maniera più o meno fedele all’originale.79 La produzione francavillese ha di certo presenti varie redazioni dello stile, non ultimo forse quello beotico, ai quali attinge nella ricerca di una propria personale versione. La presenza di questo motivo euboico reinterpretato ben si inserisce quindi in un panorama di apporti e stimoli condivisi che coinvolgono anche Pithekoussai, con l’Eubea a fare da perno.80 Probabilmente una utenza diversa rispetto a quella flegrea, che è fondamentalmente costituita dai coloni stessi in una sostanziale identità tra produttore e consumatore, avrà determinato diverse scelte produttive. In questo momento sembra anche che le forme greche comincino a sostituire – o integrare – le forme locali utilizzate nei riti svolti nel santuario, forse anche per nuove pratiche rituali come il consumo di vino, che da questo momento in poi sembra attestato sull’acropoli anche se in misura limitata.81 I vasi di maggiori dimensioni e di stile euboizzante sembrano essere realizzati proprio per la dedica nell’area sacra.82 In particolare per la fase più antica incertezze permangono sulla gestione di queste botteghe e sull’etnia dei figuli. Da un’iniziale lettura come atelier gestito interamente da vasai euboici trapiantati in loco si è giunti a interpretazioni più caute, che vedono nella produzione il risultato di un’attività congiunta indigeno/ 75

Jacobsen e Handberg 2010, 26–29; 2012, 703–05. Jacobsen et al. 2009b, 212–13; Jacobsen e Handberg 2012, 703. 77 Per la questione Mermati 2012, 197–98. 78 Simon e Verdan 2014, 11, 15, fig. 4, su una brocca a collo tagliato dal santuario di Apollo Daphnéphoros a Eretria. 79 Kourou 1998, 175. Per gli esempi beotici, Coldstream 1968, 206–07, pl. 45a. 80 d’Agostino e Gastaldi 2012, 422. 81 Jacobsen 2007, 67. 82 Jacobsen e Handberg 2010, 26–28. 76

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greca, o appunto enotrio-euboica.83 Non mancano posizioni che arrivano a negare del tutto la presenza/partecipazione greca, ipotizzando un’attività curata in toto da maestranze indigene, anche itineranti, in possesso di una particolare maestria e di un’approfondita conoscenza delle tecniche elleniche.84 Il kerameikos sembra comunque gestire differenti produzioni – di tipo indigeno e di tipo greco – per poter soddisfare diversi tipi di esigenze. Questa molteplicità di offerta avrà forse anche causato la parziale sovrapposizione tra forme e decorazioni pertinenti a diversi ambiti culturali. Nel quadro così delineato una componente indigena non è quindi solo possibile, ma altamente probabile. D’altro canto, una produzione così ‘speciale’ come quella di gusto ellenizzante, diversa da ciò che si conosce da sempre e che da sempre si è abituati a gestire, deve necessariamente trovare la sua ragion d’essere prima di tutto in un destinatario che richieda, apprezzi e comprenda il prodotto, trattandosi appunto di un manufatto artigianale che deve essere stato pur sempre una merce. Ora, che si tratti di Greci residenti in loco in nuclei familiari misti e operanti per una clientela altrettanto mista se non greca, o che si tratti di indigeni esperti nella manifattura di prodotti ellenizzanti operanti per una clientela che condivide tale gusto, in entrambi i casi non sembra possibile escludere da questi due scenari la consuetudine con l’elemento greco.85 Tale consuetudine, per dare vita ad oggetti che riescono a penetrare nel chiuso mondo semantico del rituale funerario, deve senz’altro essere stata forte e prolungata, tanto da portare all’accettazione nei corredi del cratere di gusto corinzio al posto dell’olla locale. Lo stesso discorso vale per l’offerta al santuario, e quindi alla divinità, di un vaso compatibile con il rito e con la concezione del sacro propria del luogo, nonché ammissibile da parte della divinità e da essa compreso. Che la produzione cosiddetta enotrio-euboica sia destinata ad un consumo circoscritto lo dimostra la sua rarità nelle aree circostanti.86 Essa è anche poco utilizzata nel santuario, dove le attestazioni sono per lo più limitate a vasi eccezionali per grandezza e decorazione: nella stessa Francavilla essa pare in realtà distribuita coerentemente con quelle che sembrano essere aree di influenza delle varie comunità, indigena e greca, che mantengono a prima vista spazi separati. La sua scarsità nei siti indigeni circostanti è stata spiegata con la poca 83 Per figuli euboici, Mittica 2008, 39–40; Jacobsen et al. 2009a; 2009b. L’idea di una convivenza e di una gestione mista si fa strada in Jacobsen e Handberg 2011, 183; 2012, 688, 703–04. Da ultimo Crudo et al. 2016, 18–19. 84 Per questa lettura, Guzzo 2012, 211–12. 85 Per le forme della tradizione locale – scodelle e olle biconiche – decorate ‘alla greca’ è stata ipotizzata un’utenza indigena, Jacobsen e Handberg 2012, 702. 86 Jacobsen et al. 2009b, 214–15; Jacobsen e Handberg 2012, 705–11.

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familiarità delle comunità epicorie con le pratiche che tali vasi accompagnano, come l’utilizzo del vino. Ciò non sembra particolarmente convincente, soprattutto se consideriamo la situazione della Campania e dell’Etruria meridionale, nonché la polisemia che gli oggetti possono assumere anche in contesti diversi da quello di partenza. Va inoltre richiamata la sostanziale dimestichezza di tutta la fascia costiera, almeno a partire dalla prima metà dell’VIII secolo a.C, con l’elemento allogeno, che risultava interessato da tempo all’area. Allo stato attuale delle nostre conoscenze pare, quindi, che ad utilizzare la ceramica enotrio-euboica sia prevalentemente lo stesso quartiere che la produce. Ciò porta a riflettere anche sulle reti relazionali di Francavilla con i centri in cui è stata rinvenuta ceramica che pare realizzata nell’Area Rovitti: quest’ultima necessita comunque di essere sottoposta a verifiche archeometriche, e ammonta per ora a pochi elementi.87 La presenza di questi lontano dal luogo di produzione è talmente limitata da poter essere imputata a movimenti di singoli individui più che ad una mole di prodotti intesi come mercanzia. Ciò è tanto più interessante se consideriamo l’importanza che il santuario doveva rivestire nell’area sin dall’VIII secolo, e l’inevitabile potere agglutinante che esso doveva avere sul territorio. Nell’ambito della produzione non sembra comunque possibile notare una frattura netta tra il filone più propriamente enotrio-euboico e quelli comprendenti altri vasi di tipo greco, che pian piano soppiantano il gusto euboizzante che caratterizza il periodo precedente. Del resto già al MG II vanno datate le prime attestazioni di vasi importati da Corinto presenti sul Timpone della Motta e nella necropoli, e che diventano più frequenti a partire dal TG: essi sono forse frutto di redistribuzione attraverso circuiti indigeni da parte dell’area idruntina e del suo entroterra. Queste prime importazioni permettono quindi una diretta fruizione di modelli. Si tratta prevalentemente di coppe, ma anche di lekythoi, kyathoi, oinochoai e pissidi: tra queste ultime particolare gradimento sembrano avere quelle globulari.88 Compaiono perciò nella produzione locale della seconda metà del secolo prodotti maggiormente corinzieggianti, fra i quali versioni locali di coppe corinzie tipo Thapsos, con e senza pannello, ma anche pissidi, crateri, oinochoai, kalathiskoi, che si affermeranno a partire dal VII secolo. Tra gli oggetti di maggiore interesse databili in questa fase merita un discorso a parte la pisside cosiddetta ‘Ticinese’, la cui collocazione non è 87 I siti che sembrano aver restituito ceramica enotrio-geometrica di produzione francavillese sono Torre Mordillo, Amendolara, l’Incoronata indigena, Broglio di Trebisacce, Torano Castello, S. Maria d’Anglona. 88 D’Andria 1995, 479; Lippolis 1995, 538–39; Jacobsen 2007, 33–34; Jacobsen e Handberg 2010, 19–21; Jacobsen e Saxkjær 2014, 260–64.

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attualmente nota (Fig. 7). Ad essa, trafugata dall’area del Timpone della Motta dai clandestini, va forse associato un coperchio rinvenuto lacunoso nel 1999 nel corso degli Scavi Kleibrink. Nell’ambito della presente panoramica il vaso sembra avvicinabile per tematica ai tre oggetti di produzione pithecusano-cumana a cui si è più sopra accennato, con scene che includono divinità femminili. La pisside francavillese presenta sulla spalla la decorazione principale divisa in due pannelli: sul primo, una donna, seguita da altre due figure femminili con le mani alzate, incede verso una dea in trono, recando una brocca e una coppa che viene offerta alla dea stessa. Sull’altro lato è presente invece una danza di uomini con le mani alzate, qualificati come guerrieri dall’elmo, che seguono un personaggio che regge uno strumento a tre corde. Sul coperchio un uomo armato di spada prende per mano una donna che regge un vaso, forse una brocca. Le rappresentazioni sono ovviamente di carattere rituale e raffigurano momenti legati alle pratiche sacre che si svolgevano nel santuario, connesse a cerimonie di iniziazione. La pisside, che si inserisce pienamente nella tradizione greca coeva alla quale si rifà sia per la forma che per l’organizzazione della decorazione, è stata attribuita nel corso del tempo a un vasaio etrusco, beota o attico provinciale. L’ipotesi che l’oggetto sia opera di un pittore locale attivo a Francavilla – denominato appunto ‘Pittore di Francavilla Marittima’ e operante nell’ultimo quarto dell’VIII secolo – sembra attualmente la più ragionevole. La specificità della scena rappresentata trova infatti confronti stringenti in oggetti conservati in collezioni private e detti provenienti dall’Italia, con tutta probabilità dalla medesima area. Il vaso è inoltre estremamente coerente con il culto che si amministra nel santuario, orbitante intorno ad una divinità femminile di tipo levantino/cretese associata alla rigenerazione che sovrintende a riti di passaggio, sia femminili che maschili: ad essa vengono offerte libagioni liquide in vasi simili a quelli rappresentati nella scena figurata.89 Nella prima metà del VII secolo a.C., probabilmente anche in conseguenza della sempre più ingombrante presenza sul territorio di Sibari e ad una frequentazione dell’acropoli da parte dei suoi abitanti, affluiscono a Francavilla nuove suggestioni, che rimpiazzano del tutto la precedente ceramica enotrioeuboica: si afferma infatti la cosiddetta colonial ware, la cui produzione durerà almeno fino alla fine del secolo.90 Essa mostra l’influenza di diverse correnti stilistiche, fra le quali sembra predominare appunto quella corinzia, che già 89 Granese e Tomay 2008, 141–44, con ricca bibliografia precedente. Nel medesimo contributo un inquadramento del rituale. Per il culto del santuario del Timpone della Motta anche Kleibrink 2016, 254–65. 90 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 85–169.

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Fig. 7. Pisside Ticinese da Francavilla Marittima, con coperchio rinvenuto sul Timpone della Motta (in Kleibrink 2009, 17, fig. 16, rielaborato dall’autore).

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alla fine dell’VIII secolo aveva portato all’inserimento nel repertorio di nuove forme e nuovi motivi. La produzione sembra concentrarsi sulle forme aperte, soprattutto coppe – skyphoi, kantharoi, kotylai e lekanai –, ma comprende anche forme chiuse, fra le quali domina l’hydria, soprattutto miniaturistica o sottodimensionata. Non mancano, tuttavia, pissidi, oinochoai, e lekythoi coniche. Va ovviamente sottolineato che la colonial ware del sito proviene per lo più dal santuario, e che quindi esso avrà operato una implicita selezione delle forme in esso rinvenute, dovuta alle dinamiche rituali che in esso avevano luogo. Tra le coppe particolarmente attestate sono le versioni locali di skyphoi tipo Thapsos più o meno fedeli ai modelli, che pure sono presenti in quantità con i loro relativi sviluppi morfologici e decorativi. La loro produzione era del resto cominciata già a partire dal terzo quarto dell’VIII secolo, nella versione con pannello.91 Un gruppo consistente di vasi segue l’evoluzione della classe, portando all’amplissima serie delle cosiddette ‘coppe a filetti’, che non sono altro che versioni locali delle coppe protocorinzie sub-geometriche derivate proprio dallo schema Thapsos, che si attardano fino all’inizio del VI secolo. Esse presentano vasca inizialmente monocroma nella parte inferiore, e poi con raggiere sempre più esili. Lo spazio tra le anse resta caratterizzato da un pannello delimitato da gruppi di linee verticali, nel quale i motivi a spigolo si atrofizzano gradualmente. Tale pannello può anche presentarsi come semplice zona risparmiata acroma.92 Tra le coppe non mancano esemplari con labbro decorato da linee e vasca monocroma con fascette a risparmio, ispirate a prototipi ionici.93 L’insistente riproduzione del tipo Thapsos e dei suoi sviluppi a discapito di altre tipologie ugualmente diffuse in madrepatria in questo periodo, come le kotylai del protocorinzio antico e medio – accompagnato dalla persistenza di una forma come la pisside globulare, che ancora all’inizio del VII secolo ripete modelli dell’ultimo quarto dell’VIII – porta a supporre che la produzione si moduli in base alle esigenze del santuario, che evidentemente in questa fase focalizza su di sé le energie delle botteghe ceramiche. L’attardamento e la specializzazione su pochi tipi devono evidentemente riflettere le richieste dell’utenza, orientata su una fruizione di tipo cultuale, notoriamente conservativa.94 In generale comunque anche nell’aderenza ai modelli la produzione locale è capace di trovare una sua fisionomia, che arriva ad alti momenti 91 Jacobsen e Handberg 2011, 180–81; per gli skyphoi corinzi, van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2007, 242–53; Jacobsen e Handberg 2010, 263–73. 92 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 93–108. 93 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 108–13. 94 Jacobsen e Handberg 2010, 34–35.

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espressivi. Un esempio è l’oinochoe dalla I Stipe, databile alla metà del VII secolo a.C. che, pur avendo presenti i prototipi corinzi, devia in una decorazione vegetale esuberante di matrice greco-orientale, con riempitivi di tipo rodio ed un occhio apotropaico sulla bocca ispirato al medesimo orizzonte (Fig. 8b).95 Esemplari fedeli ai modelli e di buona qualità non mancano, com’è il caso di alcune lekythoi coniche di chiaro gusto orientalizzante.96 Una delle classi più attestate dopo la corinzia è senz’altro la ceramica di tipo argivo. Kantharoi monocromi o decorati a bande sono infatti tra gli oggetti più presenti sul Timpone della Motta. La produzione non sembra limitarsi ad esemplari a decorazione lineare od a tutta vernice, come sembrano dimostrare frammenti con ornati più complessi resi a sovradipintura.97 (Fig. 8a) In questo caso tuttavia la presenza di Sibari e delle sue produzioni ceramiche crea un problema di collocazione precisa delle botteghe che, ai fini di un discorso più ampio sulle realtà etniche e sociali presenti nell’area, può essere non solo prematuro, ma anche fuorviante.98 Un elemento da tener presente è che kantharoi di tipo argivo miniaturizzati vengono anche utilizzati nella composizione di oggetti ceramici rituali più complessi e sono dedicati in enormi quantità sull’acropoli, giocando quindi un ruolo di primo piano nelle attività del santuario. Nella produzione della prima metà del VII secolo non manca inoltre un filone che origina una serie di oggetti di stile assolutamente greco-orientale – in particolare oinochoai e pissidi ‘a sacco’ – con motivi di ampio respiro che comprendono catene di palmette e felini affrontati fra elementi vegetali.99 Verso il 700 compare nel santuario anche tutta la serie di vasi miniaturistici e sottodimensionati che si affermano a partire dal 680 e la cui presenza perdurerà fino al VI secolo, quando tutti gli edifici sacri presenti sull’acropoli vengono monumentalizzati con l’obliterazione dei livelli precedenti e un rito di chiusura/nuova dedica. Si tratta di un’incredibile quantità di hydriskai, kanthariskoi e kalathoi, rinvenuti a centinaia in tutto il santuario, prevalentemente stipati in depositi votivi molto corposi in fase con il cosiddetto ‘strato giallo’ dell’Edificio Vd. La forma più attestata è certamente l’hydriska. Nel primo ventennio essa è presente in due varianti, una plasmata a mano e acroma, 95 Tomay et al. 1996, 216, n. 3.85; Tomay 2005, 211, con un inquadramento della produzione anche in relazione a Sibari. 96 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 146–49, P3. 97 Tomay et al. 1996, 218–19, n° 3.96. 98 Per la questione, il contributo di Papadopulos in van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 57–86, in particolare 57–61. Per la problematica, Papadopoulos 2001. Per Francavilla Marittima, Tomay 2002; 2005, 213–14. 99 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 45–47, H5, H9, H10; Jacobsen e Handberg 2011, 180–81, fig. 12.4a-b.

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Fig. 8. a. Kantharos dal Timpone della Motta; b. Oinochoe dal Timpone della Motta, Stipe I (in Tomay et al. 1996, 219, fig. 3.96; 215, fig. 3.85).

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e una tornita con decorazioni ispirate al repertorio euboico, che possono tuttavia guardare anche più a est.100 A partire dal periodo successivo vengono invece preferite decorazioni lineari di tradizione ionica. Anche il profilo sembra evolvere da basso e sferico a sempre più ovoide e allungato.101 Pochi sono gli esemplari di hydrie di dimensioni normali presenti sull’acropoli mentre la maggior parte degli esemplari rinvenuti, quasi tutti di produzione locale, si presentano per lo più di dimensioni inferiori al modulo standard, mentre meno frequenti sono i veri e propri miniaturistici. Le dimensioni di questi vasi oscillano tra un minimo di 5 cm ed un massimo di 32.102 Anche i kanthariskoi, quando non interamente verniciati alla maniera argiva, presentano decorazioni a fasce e linee di colore simili a quelle sulle hidriskai. La maggior parte di essi si colloca nella seconda metà del VII secolo per arrivare fino al VI. Va comunque sottolineato che tra sei differenti tipi di kanthariskoi classificati solo tre si rifanno a modelli argivi precisi, e che per alcuni tipi è stata addirittura proposta una derivazione da prototipi indigeni che avrebbe orientato la fase più tarda della produzione di kantharoi argivi nella regione.103 Hidriskai vengono anche assemblate in un ‘kernos’ evidentemente funzionale al culto del santuario, e che è stato definito kernos cum hydriskai (Fig. 9a–c). Esso presenta una base ad anello generalmente a sezione quadrangolare e la cui larghezza è compresa fra i 10 e i 30 cm. La decorazione annovera raggi, linee, ma anche motivi più complessi come boccioli stilizzati. Anche in questo caso la produzione di questi oggetti comincia all’inizio del VII secolo per estendersi fino al VI.104 Tra le forme miniaturistiche, e quindi non funzionali, vanno inclusi i kalathoi, che compaiono all’inizio del VII secolo per affermarsi verso la metà dello stesso (Fig. 9d). Questa forma è presente nella produzione locale in tre differenti versioni, una delle quali bicroma, con vernice rossa che si alterna a quella di 100

van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 142–43, O8–O9. van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 138–45, con bibl. prec.; Jacobsen e Handberg 2010, 217. 102 In Kleibrink in stampa, Marianne Kleibrink ha sottolineato l’assenza di acqua sul rilievo del Timpone, e la difficoltà per i fedeli di trasportare grandi quantità di liquidi ascendendo un sentiero che ancora oggi mette alla prova i visitatori. La studiosa suppone che i devoti portassero con sé piccole quantità di bevande da usare per le libagioni sacre e le offerte alla dea, lasciando poi i vuoti sull’acropoli come dedica. Non bisogna inoltre sottovalutare la differenza fra oggetti di dimensioni inferiori a quelle standard, che potevano contenere poco liquido ma erano ancora funzionali, e oggetti miniaturistici, non funzionali, con ovvia funzione simbolica: van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 166; Kleibrink forthcoming. 103 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 117–20. 104 La funzione di quest’oggetto è ancora incerta. Un’ipotesi lo vede come una sorta di ‘corona’ fittile che doveva essere portata sul capo in occasione di danze rituali. I danzatori dovevano mostrare forse la propria abilità cercando di non rovesciare il contenuto dell’oggetto, con tutta probabilità acqua (van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 163–66; Kleibrink in stampa). 101

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Fig. 9. Ceramica votiva dal Timpone della Motta, Francavilla Marittima (in Jacobsen e Handberg 2010, 32, fig. 11, rielaborato dall’autore).

colore bruno, e che si ispira ai kalathiskoi dello stesso tipo da Rodi, dall’Argolide e da Atene. Gli esemplari pertinenti ai due tipi a decorazione monocroma sono invece da connettere a modelli dalla Beozia e dalla Eubea. Gli oggetti possono presentare vasca a parete piena o traforata. Alcuni esemplari a parete piena sembrano rifarsi alla produzione corinzia.105 Questi oggetti perdurano nel santuario fino all’inizio del VI secolo a.C., e devono essere connessi con le attività di lavorazione dei tessili attestati sull’acropoli, elemento fondamentale dei riti che ivi si svolgevano. Qui doveva infatti aver luogo la tessitura di stoffe preziose da offrire alla dea in cerimonie di vestizione, forse della statua di culto o di sacerdotesse deputate a impersonare la divinità.106 Alla seconda metà del VII secolo si possono datare invece le lakainai – che riproducono modelli laconici e sembrano essere anteriori di almeno un cinquantennio rispetto al periodo in cui questa tipologia vascolare viene esportata dalla Laconia – ed i pochi frammenti di piatti di tipo corinzio, attestati anche da esemplari importati, che talvolta virano anch’essi verso un gusto maggiormente 105 Mittica 2006; van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 133–35; l’esemplare M5 richiama un analogo oggetto interpretato prima come locale e poi nuovamente edito dalla Stoop come importazione corinzia. Jacobsen e Handberg 2010, 171. 106 van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 133. Per il rito della kosmesis nel santuario di Francavilla, Weistra 2007.

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orientale.107 Che la produzione corinzia ispiri ancora le botteghe locali tra la fine del VII secolo e l’inizio del VI lo dimostra la presenza di alcune lekythoi coniche d’imitazione del tipo completamente coperto di vernice con l’aggiunta leggera di sovradipinture in bianco-crema scialbato o con teorie di cani correnti, nonché una serie di pissidi cilindriche, spesso munite di coperchio e di discreta qualità.108 Ad una fase produttiva ormai stanca vanno invece ascritti alcuni prodotti corinzieggianti della prima metà del VI secolo – kothones e kotylai – che si discostano dai modelli, e che possono anche presentare una decorazione figurata tuttavia abbastanza fiacca.109 Da una breve disamina dei due casi di studio qui presentati è evidente che cambiando l’ordine degli addendi il risultato non cambia. In una fase delicata e feconda come quella che vede, a partire dal secondo quarto dell’VIII secolo, lo stanziarsi dei Greci in Occidente, le produzioni ceramiche di Pithekoussai/ Cuma e Francavilla Marittima mostrano come il contatto generi produzioni che, in un primo momento, proprio a causa di apporti diversi ed attraverso differenti scelte produttive, acquistano una propria fisionomia riconoscibile e ben definita. È soprattutto l’utenza che determina tali scelte. Se infatti a Pithekoussai e Cuma produttore e consumatore coincidono, pur nel dialogo con componenti diverse e aggiuntive, a Francavilla una coesistenza prolungata fra diversi elementi culturali, di cui quello indigeno certamente dominante nella prima fase, avrà portato non solo al gradimento di una cultura materiale allogena, ma a produzioni ad essa ispirate e destinate anche ai locali. Non va inoltre trascurato il ruolo che gli apporti esterni hanno indubitabilmente avuto sulle produzioni di tipo greco in Italia meridionale, apporti che non si limitano al fattore materiale, ma che attraverso quest’ultimo riescono a veicolare contenuti più profondi, anche di tipo cultuale, che si incardinano sugli elementi culturali preesistenti e danno loro forma. La realizzazione di oggetti complessi, polisemici e spesso ibridi, con rappresentazioni di ampio respiro legate al sacro e che si trovano in contesti diversi che vanno dalle comunità greche in terra italica a quelle indigene fortemente influenzate dai Greci, testimonia la presenza di un panorama ideale condiviso, che prende forma proprio a partire dalla metà dell’VIII secolo a.C. Tale panorama si concretizza in oggetti com107 Tomay et al. 1996, 216–17; Tomay 2005, 211–12; van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 120–23 (lakainai), 123–30, H1, H2, H8 (piatti). 108 Lekythoi coniche, Tomay et al. 1996, 217–18, 3.91–3.94; Tomay 2005, 214–15; van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 147–48, P4–P5. Pissidi, van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 153–63. 109 Tomay et al. 1996, 219; Tomay 2005, 215; van der Wielen-van Ommeren e de Lachenal 2008, 132.

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prensibili per l’utenza finale, che consuma e richiede anche nanufatti ispirati a produzioni allogene, e che con troppa semplicità si definiscono ‘copie’. Un’utenza che a questo punto sarebbe interessante definire, per rispondere alla critica domanda di Boardman: ‘copies of pottery: by and for whom?’.110 BIBLIOGRAFIA Agostino, R. 2012: ʻRhegion tra porthmòs e Sila Silva’. In Alle origini della Magna Grecia. Mobilità, migrazioni, fondazioni (Atti del cinquantesimo Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto, 1–4 ottobre 2010) (Taranto), 947–67. Bartoněk, A. e Buchner, G. 1995: ʻDie ältesten griechischen Inschriften von Pithekoussai (2. Hälfte des VIII. bis VI. Jh.)ʼ. Die Sprache 37.2, 129–231. Bats, M. e d’Agostino, B. (a cura di) 1998: Euboica: L’Eubea e la presenza Euboica in Calcidica e in Occidente (Atti del Convegno Internazionale, Napoli 13–16 novembre 1996) (Cahiers du Centre Jean Bérard 16) (Napoli). Boardman, J. 1998: Early Greek Vase Painting (Londra). —. 2003: ʻCopies of pottery: by and for whom?ʼ. In Lomas, K. (a cura di), Greek Identity in the Western Mediterranean. Papers in Honour of Brian Shefton (Mnemosyne Suppl. 246) (Leida/Boston), 149–62. Buchner, G. 1981: ʻPithekoussai: alcuni aspetti peculiariʼ. Annuario della Scuola Archeologica di Atene 59 (n.s. 43), 263–73. Buchner, G. e Ridgway, D. 1993: Pithekoussai 1: La necropoli. Tombe 1-723, scavate dal 1952 al 1961 (Monumenti antichi 55) (Roma). Catoni, M.L. 2010: Bere vino puro. Immagini del simposio (Milano). Cinquantaquattro, T.E. 2016: ʻLa necropoli di Pithekoussai (scavi 1965–1967): variabilità funeraria e dinamiche identitarie, tra norme e devianzeʼ. Annali dell’Istituto universitario orientale di Napoli. Archeologia n.s. 19–20, 31–58. Coldstream, J.N. 1968: Greek Geometric Pottery: A Survey of Ten Local Styles and Their Chronology (Londra). —. 2000: ʻSome unusual Geometric scenes from Eubean Pithekoussaiʼ. In Berlingò, I., Blanck, H., Cordano, F., Guzzo, P.G. e Lentini, M.C. (a cura di), Damarato: Studi di antichità classica offerti a Paola Pelagatti (Milano), 92–102. Crudo, M., D’Andrea, M., Handberg, S., Mittica, G., De Francesco, A.M., Andaloro, E. e Jacobsen, J.K. 2016: ʻL’abitato enotrio di Timpone della Motta (Cs): culture a confronto, relazioni e scambiʼ. Forum Romanum Belgicum, articolo 13.1 (http:// www.bhir-ihbr.be/doc/3_13_11.pdf). Cuozzo, M. 2003: Reinventando la tradizione: Immaginario sociale, ideologie e rappresentazione nelle necropoli orientalizzanti di Pontecagnano (Paestum). Cuozzo, M., d’Agostino, B. e Del Verme, L. 2006: Cuma. Le fortificazioni. 2: I materiali dai terrapieni arcaici (Annali dell’ Istituto universitario orientale di Napoli, Sezione di archeologia e storia antica, Quaderno 16) (Napoli).

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LES PRODUCTIONS CÉRAMIQUES DES GRECS DU MIDI: REGARDS CROISÉS* Daniela UGOLINI

Abstract Greek pottery production in the south of France (6th–4th centuries BC) is proven only in Béziers I and Marseilles, the largest and oldest Greeks cities. Their artefacts have typical Greek shapes and looks but are not identical, highlighting the probably non identical origin of these two communities. The most important differences in between are observed in the field of kitchen. The Massalians did not really produce cooking wares and used native unturned and imported pots (Etruscan, Greek, Punic). On the other hand, the workshops of Beziers I produced massive quantities of cooking wares, but the main form looks like the Etruscan olla. Both practices diverge from the ‘Greek model’, which is surprising, settled as we are into consider culinary habits as representative of identity.

INTRODUCTION1 L’approche des céramiques grecques du Midi (Fig. 1) est, de prime abord, complexe. Marseille s’impose et désormais Béziers I (la première phase – grecque – de la ville de Béziers) aussi, mais des activités potières sont envisagées à Arles et jadis supposées autour d’Agde,2 ce à quoi s’ajoute l’hypothèse, couramment admise et largement mise en oeuvre, de productions indigènes de bonne qualité imitant les grecques dès au moins le milieu du VIe siècle, éventuellement démarrées avec l’aide technique de potiers grecs. Pour cette raison, il est convenu que, par exemple, les céramiques à pâte claire massaliètes, * Je remercie très chaleureusement Laurent Claquin (CCJ, UMR 7299, Aix-Marseille UnivCNRS-MCC) qui m’a donné libre accès à sa thèse; Élian Gomez (Service Archéologique de la Ville de Béziers) et Raphaël Macario (HADES, Toulouse) qui ont autorisé l’illustration de pièces inédites, ainsi que Jean-Christophe Sourisseau (directeur du CCJ, UMR 7299, Aix-Marseille Univ-CNRS-MCC) pour nos conversations sur la céramique de Marseille et pour son aide dans l’identification de certaines pièces. 1 Les dates s’entendent avant J.-C. 2 Arcelin 2008, 111, envisage une production à Arles aux Ve–IVe siècles. La possibilité d’ateliers dans la ‘zone d’Agde’ (Nickels 1978) a été évoquée pour expliquer la présence de céramiques coloniales non massaliètes – antérieures à la création d’Agde et avant que ne soit identifiée Béziers grecque – trouvées à La Monédière de Bessan et au Mont-Joui de Florensac (Hérault). Elle n’est plus utile aujourd’hui et aucun autre argument ne l’appuie.

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Fig. 1. Le Midi avec les sites mentionnés (carte D. Ugolini).

signalées partout dans les publications des sites du Midi, ne soient pas nécessairement fabriquées à Marseille. Cette globalisation est pratique pour l’archéologue, mais ramène inévitablement à la cité phocéenne ce qui ne doit pas toujours l’être, avec le résultat que se construit, par le biais des sites de consommation, une image biaisée du poids de son commerce car les vases peuvent en réalité provenir d’ailleurs, pour partie ou en totalité. D’un autre côté, beaucoup a été écrit sur les modalités des transferts techniques, sur les banquets grec et celtique, sur les compénétrations culturelles et/ou ethniques, sur les traceurs de l’hellénisme etc. Prendre en compte l’éventail des possibilités, ce qui est grec et ce qui ne l’est (ou ne le semble) pas a de quoi effrayer et à plus forte raison que la tendance actuelle est à la multiplication des productions indigènes dont on se demande d’ailleurs si elle est bien réaliste.3 En effet, à côté d’un discours très 3 Notamment en regard de la très faible quantité de vases attribuée à la plupart de ces productions, souvent définies par la couleur des pâtes, un détail morphologique, un motif décoratif, un unique ‘rebut de cuisson’.

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riche, le bilan des découvertes concrètes d’ateliers antérieurs au IIe siècle est très court. Les fours d’un potier indigène au Mas de Pascal (Aspiran, Hérault) sont actuellement les seuls attestant l’imitation de ceux de type grec. Éloignés de la côte (± 40 km) et de tout habitat, ils ont très brièvement fonctionné autour de 500, se sont effondrés car mal conçus et ont mal cuit une grise monochrome de mauvaise qualité. Ils sont l’exemple d’un essai qui a échoué par l’acquisition très approximative des techniques plutôt que celui d’une production artisanale aboutie et n’orientent donc pas dans le sens attendu pour le début des activités indigènes.4 Ce constat succinct invite à la prudence et encore davantage si comparé à celui des IIe–Ier siècles, lorsque les fours de potiers indigènes sont plus courants. Les ateliers ont été forcément nombreux dans le temps et dans l’espace, mais cela signifie-t-il que les lieux de production l’ont été également? Les officines d’un même lieu ont pu utiliser argiles et dégraissants variés5 – selon les gisements, les matériaux jugés nécessaires, les qualités recherchées pour les pièces finies, la chronologie – et produire des vases aux caractéristiques différentes, y compris selon l’inspiration et le talent des potiers. D’un autre côté, un atelier donné a pu répondre à la demande d’un marché distant: ses produits ne sont alors pas nécessairement attestés là où ils ont été faits. Fabriquer des vases tournés suppose, à la fois, des structures sociales permettant aux artisans de vivre de leur travail et un savoir-faire hautement spécialisé dont la chaîne opératoire occupe de nombreuses personnes. Ce n’est pas aussi anodin qu’on semble le croire et est même plutôt contraire à l’idée d’initiatives ponctuelles. Les techniques s’apprennent, mais les Grecs du Midi, qui vendaient tant de vases aux indigènes, avaient-ils vraiment intérêt à les transmettre à leurs clients? Ou, dans l’autre sens, les indigènes ont-ils vraiment voulu, ou pu, acquérir d’emblée ces connaissances et se lancer dans l’entreprise?6 Quoi qu’il en soit, l’ouverture d’ateliers exige plus que des compétences. Pour que l’investissement soit rentable, le potier compte sur la demande et sur un réseau de distribution. Un petit site – grec ou non – pouvait s’en passer s’il était approvisionné par un autre régulièrement et à bon prix. Enfin, une production a des chances d’être locale si elle est largement 4 Mas de Pascal: fouilles d’A. Pezin, AFAN/INRAP, 1999–2000 (Ugolini 2010, 439–41, fig. 4.2). Autres indices de potiers indigènes: Mourre de Sève (Sorgues, Vaucluse), ‘rebuts’ de grise monochrome, fin VIe/Ve siècle (Batut 1986), mais pas de four de potier, contrairement à ce qu’on lit parfois; Cayla III (Mailhac, Aude), lame en bronze à encoches qui serait un calibre pour façonner au tour les bords des jarres ibéro-languedociennes, 475–325 (Gailledrat 1997, 211, fig. 120); Mas de Fourques (Lunel, Hérault), grand four de potier, fin du IIIe siècle, production inconnue (non tournée?), peut-être expérimental (Pancin et Ott 2010). 5 Comme par exemple à Géla (I) (Aquilia et al. 2012). 6 Sur ces questions et bien d’autres, voir le très utile Esposito et Zurbach 2015a.

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représentée et répond en grande partie à au moins un besoin, encore que l’argument soit insuffisant par lui-même. En revanche, des attestations limitées par rapport à ce besoin résultent à coup sûr de la distribution, qui n’informe que sur les clients, l’atelier pouvant être loin de ces derniers. Des questions toujours ouvertes concernent donc l’opportunité et/ou la possibilité, cas par cas, de mettre en place des productions tournées, mais aussi la permanence de la non tournée, qui ne disparaît pas, que ce soit par insuffisance de l’offre en vases tournés, par souci d’économie, par fidélité à la tradition, par accès limité aux importations.7 Les lieux de production sûrs ont donc une importance considérable et, à l’heure actuelle, les sites fournissant la preuve indiscutable de leurs activités sur le long terme ne sont que Marseille et Béziers I, deux villes grecques,8 les plus anciennes et les plus grandes, très tôt structurées et dotées de réseaux d’échange, ce qui a l’avantage de réduire et simplifier notre champ d’enquête tout en permettant de toucher les deux côtés du Rhône. Marseille est au cœur de la distribution depuis toujours, tandis que le rôle de Béziers I, d’acquisition plus récente et toujours en progrès, souffre d’anciennes et nouvelles hypothèses et ses vases sont dispersés sous des appellations inappropriées masquant leur portée réelle. Il n’en reste pas moins que Béziers I a produit au moins aussi tôt que Marseille, mais ses vases se raréfient à partir du milieu du IVe siècle et disparaissent vers 300 avec son abandon. C’est donc la période entre 600 et 300, lorsque les deux villes ont coexisté, qui retiendra l’attention. Les données disponibles ne sont toutefois pas équivalentes dans la mesure où les vases massaliètes sont publiés principalement pour d’autres sites que Marseille. Or, comme sous ce terme sont habituellement regroupés des vases pouvant être produits ailleurs, l’incertitude plane sur ce qui est réellement ‘massaliète’. D’un autre côté, sa vaisselle archaïque est mieux connue que la classique,9 à l’inverse de la biterroise, ce qui laisse un certain flou.

7 Phénomène plus accentué à l’est qu’à l’ouest, où un commerce ouvert augmentait et diversifiait les apports, il concerne aussi les sites grecs, y compris Marseille au moins pour partie de sa vaisselle à feu (Claquin 2016). Quant aux indigènes, ceux de Lattes, par exemple, continuent à utiliser abondamment la non tournée pour la cuisson mais aussi pour la table: dans la vaisselle, elle atteint encore une moyenne de 58% au IVe siècle (Py 1999, tableaux). 8 L’identité grecque de Béziers a été avancée pour la première fois dans Ugolini et al. 1991. Depuis, elle s’est considérablement étoffée (dernières synthèses: Ugolini et Olive 2012; Ugolini, Olive et Gomez 2012) et continue de l’être avec l’avancement des recherches. 9 Le IVe siècle y semble mal représenté dans les fouilles (Claquin 2016, 339).

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LES ATELIERS DE MARSEILLE ET DE BÉZIERS I Les témoins des productions de Marseille et de Béziers I – où les fouilles, par comparaison, sont rares et de surface réduite – sont nombreux. Marseille: rue Négrel, four à amphores non micacées (540–510), peut-être d’autres à vaisselle à proximité, pernettes dans les remblais; rue Leca, précédé par un premier (fin VIe siècle, hors fouille), un four à amphores et mortiers du Ve siècle a été remplacé par un autre au IVe siècle; Jardin des vestiges, déchets de coupes et d’amphores, fin VIe siècle; Butte des Carmes, rebuts de coupes, vers 500; sous l’avenue Vaudoyer, surcuits de lasana, d’amphores et de mortiers, Ve siècle.10 Béziers I: Place de la Madeleine, deux fours à vaisselle (l’un fouillé, l’autre vu), fosses à dégraissants, un espace clos de murets (aire de séchage, stockage, vente?), rebuts de grises, claires et à feu, début du Ve siècle; îlot des Chaudronniers, four démantelé vraisemblablement à vaisselle dont des morceaux (éléments de la sole, de l’alandier, de l’évent de la coupole et de la chambre de chauffe d’une structure apparemment comparable aux fours de potier des tablettes de Penteskouphia) ont été trouvés dans un contexte du début du VIe siècle, associés à des tessons de vases importés et locaux (gris, clairs, à feu, pithoi); à proximité, un four à vaisselle (et peut-être un deuxième, détruit par le bâti médiéval), vers 400, production incertaine, mais rebuts de claires, grises, céramiques à feu, mortiers dans cette zone; Saint-Jacques, rebuts de grises et éléments de four, vers 600–575; rebuts de grises, claires, à feu, mortiers, pithoi ici ou là en ville; ZAC La Domitienne, grand four pour les pithoi et rebuts, vers 400–350.11 Les deux villes ont donc produit plusieurs classes céramiques et des objets dont certains répondaient probablement à des besoins uniquement locaux. Du point de vue technique et fonctionnel, les vases peuvent être similaires au point qu’ils sont couramment confondus, mais les deux répertoires ne sont pas tout à fait identiques.

10 Rue Négrel: CAG 13.3, 253, 395–96, fig. 378; rue Leca: CAG 13.3, 470–72, fig. 519–522; Jardin des Vestiges: Bertucchi, Gantès et Tréziny 1995; Butte des Carmes: CAG 13.3, 517; avenue Vaudoyer: CAG 13.3, 424. 11 Béziers, îlot des Chaudronniers: Macario 2017; Place de la Madeleine: Ugolini et Olive 1988 et CAG 34.4, 207, fig. 187, 189–191; Saint-Jacques: inédit (fouille É. Gomez 2017–18); ZAC La Domitienne: Olive, Ugolini et Ratsimba 2009 et CAG 34.4, 349–52, fig. 520–525.

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LES PRODUCTIONS Vases ‘fins’12

Grises monochromes À Marseille, la grise du VIe siècle appartient surtout au ‘groupe 2’, considéré comme véritablement massaliète. Les formes (décorées d’ondes incisées, cannelures, etc.) sont: l’écuelle/bol (formes 1/2), la coupe à haut bord convergent (forme 3), le plat à marli (forme 4), la coupe à anses (forme 5), le/la gobelet/ jatte à profil anguleux (forme 6), le cratère à profil en S ou à courbe et contrecourbe (forme 7), la cruche trilobée et à embouchure ronde (forme 8), la petite olpé (forme 10), le cratère à colonnettes (forme 15), le dinos, la lékanis, l’aryballos, le couvercle (forme 16). Les plus courantes sont les 1/2, 3 et 8.13 Certaines de ces formes seraient issues du répertoire indigène, comme la 3, qui est pourtant l’une des plus caractéristiques de la grise orientale. Elle a eu un grand succès en Provence et même en Italie septentrionale, mais beaucoup moins le long des côtes occidentales.14 Il est donc difficile de croire que sa fortune résulte d’une influence indigène. Quant à la forme 6, elle existe en non tournée, mais aussi parmi les grises orientales et peut se rapprocher également des vases clairs à anses au profil proche.15 Enfin, les cratères de forme 7 sont proches d’exemplaires non tournés du premier âge du Fer, mais aussi d’autres gris ou clairs orientaux, y compris avec leurs pieds hauts, voire de stamnoi.16 Aux Ve-IVe siècles, le ‘groupe 1’ (considéré indigène) devient majoritaire et seule la coupe 3 est représentée. La fréquence des grises atteint 17% des vases 12

Caractéristiques des productions de Marseille d’après Gantès 2000; CAG 13.3, 252–57; Claquin 2016. Nomenclature des Dicocer pour les formes, y compris l’IB-LANG (‘ibérolanguedocienne’) pour les vases biterrois qui y sont classés. À noter que: GR-MONO des Dicocer1–2 et GR-MAS du Dicocer (en ligne) sont identiques; CL-MAS des Dicocer1–2 correspond à CL-MAS, CL-ANC et CL-PEINTE (trois fois le même répertoire) du Dicocer (en ligne); COM-MAS du Dicocer (en ligne) détache de CL-MAS des Dicocer1–2 les mortiers, lékanés et pithoi à pâte fortement micacée. 13 CAG 13.3, fig. 189. 14 Forme indigène: CAG 13.3, 256; forme grecque: Dicocer1, 445 et Dicocer2, 1092. Le vase non tourné est présent dès le Bronze Final II en Occitanie occidentale (Gascò 2011, fig. 6.6), où le vase gris est rare; depuis le Bronze Final IIIa en Provence (Lachenal 2012, fig. 5) où le vase gris est courant. Grises d’Italie du Nord: Zamboni 2013, fig. 3.7–9. 15 Non tournée: en Provence, Lachenal 2012, fig. 1.3 (Bronze Moyen I–Bronze Final I). En Occitanie occidentale, Gascò 2011, fig. 5.7 (Bronze final I–II). En grise de Sicile: R.M. Albanese Procelli, dans Pontic Grey 2009, fig. 5–6 (vases à une anse). En claire: Boardman et Hayes 1973, fig. 23.2209. 16 Dans l’aire étrusque: Ruby 1993, fig. 4. En grise, pieds hauts à Tyras (T. Samoilova et P. Ostapenko dans Pontic Grey 2009, fig. 2.9–10); à Kymé (S. Lagona et M. Frasca dans Pontic Grey 2009, fig. 14). Jarres chiotes claires du VIe siècle: Bergeron 2017, fig. 28. Stamnoi: Dicocer1, GREC-OR St2.

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fins dans le troisième quart du VIe siècle, baisse ensuite à 3% pour remonter à 13% à la fin du Ve siècle. La grise biterroise17 est beaucoup plus abondante: de 40 à 20% des vases fins. Les vases sont surtout lisses, mais des décors sont présents au VIe siècle (cannelures, ondes incisées, cordons en relief, moulures). De très rares pièces portent des décors surpeints en blanc ou en beige. Les formes sont: la coupe mono-ansée (forme 1e), l’écuelle/bol (formes 1/2), le plat à marli (forme 4), la coupe à anses (forme 5), le/la gobelet/jatte à profil sinueux (forme 6), le cratère (forme 7), la cruche trilobée et à embouchure ronde (forme 8), la petite olpé (forme 10), le gobelet skyphoïde (forme 12), le cratère à colonnettes (forme 15), le couvercle (forme 16), la lékanis, le support/pied mouluré. Les plus courantes sont: les 4, 1e, 1/2 et 6. Ce répertoire présente des différences substantielles par rapport à celui de Marseille. La coupe 1e, typiquement grecque, est très fréquente (plus qu’à Marseille?) et la 3 n’est quasiment pas attestée. Les cruches sont peu nombreuses mais plus variées qu’à Marseille (?). La forme 2 serait indigène et des bols similaires existent effectivement dans la non tournée, mais il s’agit d’une forme simple, pratique et universelle, que l’on trouvera partout, y compris dans les cuisines actuelles, et il est donc impossible de la réserver à la culture indigène. Le/la gobelet/jatte à profil sinueux (6) est le pendant du vase anguleux massaliète et a également sa contrepartie indigène. Toutefois, la comparaison reste vague et il est possible d’y voir un lien avec d’autres grises (avec anses) très proches, comme les coupes cantharoïdes de l’Incoronata (Métaponte, I), ou des vases sans anses répertoriés autour de la Mer Noire.18 Il en va de même pour le gobelet skyphoïde (12), rare même à Béziers I et absent à Marseille. On l’a rapproché d’un vase indigène, mais il peut être utilement comparé aussi, malgré l’absence d’anses, au skyphos ou canthare gris ‘achéen’.19 Quant aux supports ou pieds moulurés, ils sont habituellement comparés à ceux des claires ibériques, mais existent également parmi les grises et les claires de Méditerranée orientale.20 17

CAG 34.4, 109–12, fig. 43–47. Formes similaires dès le Bronze Final III en Provence (Lachenal 2012, fig. 5–6). L’Incoronata: Stea 1991, no 23–24, fig. 8, formes rapprochées de prototypes géométriques argiens. Voir aussi nos 28–29, fig. 10–11, 15. Mer Noire: M. Daragan dans Pontic Grey 2009, fig. 4.1. Crète, Kommos, calices de la fin du VIIe siècle: Johnston 2005, fig. 22.171. 19 Forme indigène: Dicocer1, 445. Comparer avec Stea 1991, no 25–40, fig. 9.14, n. 51, canthares dérivés des coupes du VIIe siècle, avec des parallèles à Corinthe. Ces vases existent en bronze, en céramique à vernis noir, avec un décor à bandes ou en grise monochrome, dans l’aire péloponnésienne et en Italie méridionale (Papadopoulos 2001). Voir aussi les canthares gris de Lemnos: L. Danile, dans Pontic Grey 2009, fig. 20. 20 Claires ibériques: Gailledrat 1997, fig. 19–20. Grises orientales: par exemple, dans Pontic Grey 2009, V. Lungu, fig. 5 (Bérézan); J. Bouzek et L. Domaradzka, fig. 11a (Pistiros); à Troie: 18

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L’influence indigène sur les deux répertoires paraît, somme toute, très relative. En revanche, les formes principales diffèrent et l’occurrence de la grise est bien supérieure à Béziers I, où elle perdure jusqu’à la fin de la phase grecque. Céramiques à pâte claire La production à pâte claire a été importante dans les deux villes (CL-MAS et CL-BZ), a été bien diffusée dans le Midi et aussi, en moindre mesure, dans le nord continental.21 Les deux séries ont des pâtes fines. Le mica blanc et/ou doré très fin, naturellement présent dans l’argile, est une constante de la biterroise, alors que la massaliète n’est pas micacée avant la fin du VIe siècle et peut dès lors présenter des paillettes plus grandes. Les potiers massaliotes y ajoutent régulièrement de la chamotte pilée, alors que c’est moins courant à Béziers I, où il semble s’agir plutôt de nodules d’argile naturellement présents. La couleur va du jaune paille au beige et rosé, voire orangé, mais dans la biterroise sont absents les vases très clairs, blanchâtres, si typiques de Marseille. À Marseille, pour des décors fragiles et tendant à s’effacer, on a utilisé le brun ou le noir, jusqu’au jaunâtre par défaut de matière en passant par les nuances intermédiaires. Dans la première moitié du VIe siècle, sont attestées des copies dans le style des ‘chèvres sauvages’ sur des vases rares, peut-être réservés aux contextes cultuels, et des imitations de calices de Chios. Plus tard, des coupes portent des yeux prophylactiques.22 Puis ne restent que des bandes et/ou d’autres motifs simples.23 À Béziers I,24 la couleur dominante des décors est le rouge, pouvant tendre à l’orangé ou au brun clair. Les nuances très foncées, dans la gamme du brun/ noir, sont rares et n’étaient certainement pas recherchées. La peinture est solide et les vases peuvent en être partiellement ou entièrement recouverts et sont alors parfois polis. Des bandes sont le motif le plus courant, mais des ondes Rose 2014, 56, fig. 2.6. Claires corinthiennes de style conventionnel: Risser 2001, fig. 26.601– 602. 21 Il est peut-être utile de préciser qu’à Bourges, lors d’une visite dans les années 1990, les céramiques que C. Olive et moi avons vues en compagnie de J. Troadec (Service archéologique de Bourges) étaient biterroises (grises et claires) et non massaliètes. 22 CAG 13.3, style des ‘chèvres sauvages’, fig. 560; coupes à yeux prophylactiques, fig. 101; imitations des calices de Chios, fig. 186.21–22. 23 Uniquement des bandes pour J.-C. Sourisseau, que je remercie pour son point de vue. Gantès et Bats, CAG 13.3, 254, retiennent aussi les lignes ondées et Bats 2007, 195 ajoute le motif de pétales/gouttes. 24 CAG 34.4, 112–18, fig. 48–59.

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Fig. 2. Céramiques à pâte claire de Béziers I. Jarres, cratères, stamnoi (?), coupes, bols, gobelets, jattes, vases miniature (dessins et DAO B. Calas, M. Fresne, É. Gomez, B. Morhain, C. Olive et D. Ugolini).

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sont attestées (Fig. 2.29, 49; 3. 11, 27–29), ainsi que des feuilles (ou pétales ou gouttes) pendantes ou obliques, isolées ou par groupes (Fig. 2.1–5, 7, 10–12, 14; 3.2). Des frises en rameau d’olivier25 apparaissent plus rarement (Fig. 2.10), comme celles d’oves (Fig. 2.22; 3.2). Une des dernières séries biterroises (IVe siècle) comporte des motifs surpeints en blanc ou beige clair (points et lignes) sur bandes rouges, une technique empruntée au nord-est ibérique, aux vases attiques, ou à la Méditerranée orientale.26 La céramique achrome est abondante à Marseille, où les cruches sont couramment non décorées. À Béziers I, les décors ne sont pas systématiques mais extrêmement fréquents et se font plus rares à partir du milieu du IVe siècle. Les formes sont à peu près les mêmes: bols/écuelles/coupelles (CL 200, 320; IB-LANG 120), coupes mono-ansées (CL 410; IB-LANG 140), coupes à deux anses (CL 420; IB-LANG 150), gobelets/bols carénés (CL 330; IB-LANG 112– 113), cruches trilobées (CL 530; IB-LANG 71–72) et à embouchure ronde (CL 523–527, 540; IB-LANG 62–64), petites olpés (CL 521–522), cratères (CL 464), urnes ou petites jarres (CL 510; IB-LANG 31–32), lécythes (CL 550), amphores de table (CL 573–577), pélikés (CL 572), hydries, lékanides (CL 435), stamnoi (CL 571), dinoi (CL 580), couvercles (CL 710–720), jattes. Les vases de réserve massaliètes – mal connus27 – et biterrois (Fig. 3.1–12) sont proches de spécimens grecs (GREC-OR Jr1) et des jarres ibériques de petit ou moyen modèle (IB-PEINTE 2221a et c), mais les fonds sont toujours annulaires. La série biterroise semble plus diversifiée et comporte des pièces originales. Côté Marseille, le plat à marli (CL-MAS 251), le plat à poisson (CL-MAS 121), la cruche trilobée (CL-MAS 532–533/561), la tasse à une anse (CL-MAS 450) sont courants et les coupes mono-ansées (CL-MAS 411 et 413) plutôt au Ve siècle. Côté Béziers I, les cratères sont bien attestés et semblent plus variés qu’à Marseille.28 On les devine malgré la fragmentation (Fig. 3.13–25, 27–32): à colonnettes, en calice et en cloche, ces derniers semblant proches des corinthiens du style conventionnel.29 Les cruches à embouchure ronde sont très 25 Deux pièces ainsi décorées sont attribuées à Marseille: l’une à Lattes (Dicocer2, 720, n° 3805, vers 400) et l’autre au Cailar (Py et Roure 2002, fig. 21.1, fin Ve siècle). Est-ce bien le cas? 26 Ces vases ne sont signalés qu’à Lattes (Dicocer2, 1131–1133); au Cayla III de Mailhac (Gailledrat 1997, 211); à Emporion (Sanmartì 1988, 109) et maintenant à Béziers I (Macario 2017, pl. 172, 178). Frises analogues à celles de Béziers I sur des hydries thasiennes du IVe siècle: Perron 2013, pl. 24, THA.14–15. 27 Seules les CL-MAS 511–512 y semblent répertoriés, alors que les CL-MAS 513–515 sont ‘rhodaniens’. 28 Bats 2007, 194, fig. 88: cratères locaux, surtout à colonnettes (gris ou clairs), majoritaires au VIe siècle. Aucun ne semble signalé pour les siècles suivants. 29 McPhee et Pemberton 2012, pl. 21.

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Fig. 3. Céramiques à pâte claire de Béziers I. Oénochoés, olpés, petites olpés, hydries (?), amphores de table, pélikés (dessins et DAO B. Calas, M. Fresne, É. Gomez, B. Morhain, C. Olive et D. Ugolini).

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abondantes et aux plus nombreuses variantes qu’à Marseille. Notamment, celle au bord à marli (CL-BZ 525) existe dès la fin du VIe siècle et est fréquemment peinte, alors qu’à Marseille elle est plutôt achrome et d’apparition plus récente.30 Parmi les nombreuses amphores de table (Fig. 3.1–12), il peut y avoir des hydries bien que les trois anses ne soient pas assurées (Fig. 3.3–7) et d’autres seraient plutôt des pélikés (Fig. 3.2). Les gobelets/jattes à profil sinueux (CL-BZ 330: Fig. 2.35, 38–39) sont le pendant des anguleux massaliètes et courants (mais moins qu’en grise). La coupe à bord biseauté, monoansée ou non (CL-BZ 412/241), est omniprésente. La coupe CL 222, le bol CL 331 et la tasse CL 450 ne sont pas attestés jusqu’ici. Les deux répertoires sont clairement grecs31 et les formes concernent la consommation alimentaire, la boisson et la petite réserve. Certaines sont plus courantes ici que là et des variantes se constatent, mais l’impression générale est celle de la dérivation de modèles communs et de la continuité. Pseudo-attique massaliète Au IVe siècle, les potiers massaliotes ont imité les vases attiques (surtout skyphoi et coupes) en une pâte très claire et très fine et un vernis noir s’écaillant facilement jusqu’à disparaître (PSEUDO-AT). Les décors sont incisés, estampés (palmettes, oves, rosettes), surpeints et à figures rouges. Unique en Gaule, cette originale petite production a fourni des vases assez peu diffusés et moins nombreux que les attiques à Marseille même.32 Mortiers et lékanés

Les mortiers de cuisine de Marseille et de Béziers I33 sont les seuls dont la production dans le Midi soit assurée. À Marseille, la série principale a la même pâte que les amphores. Au début et à la fin de la production, les pâtes sont plus fines34 et les décors peints ne sont attestés que sur des exemplaires du VIe siècle (formes 623 et 631). Des cannelures, des appliques plastiques sur les bords, notamment à partir du 30 ‘Emblématique de la massaliète classique et hellénistique’: Dicocer2, 721; CAG 13.3, 254– 55, fig. 188.8. 31 Y compris la tasse CL-MAS 450, courante dans le monde grec (mais d’après un modèle indigène dans Dicocer2, 657, 702), et le gobelet similaire sans anse (forme 6) de Béziers I. Ils appartiennent plutôt à un fond commun méditerranéen (par exemple, tasses d’Athènes: Papadopoulos et Schilling 2003, fig. 2.91). 32 La série la plus abondante est celle de Lattes (Dicocer2, 1175–1210). 33 Analyses des mortiers biterrois dans Gomez 1998, annexe. 34 Les mortiers à pâte fine antérieurs à la fin du VIe siècle pourraient être en partie importés d’Italie méridionale ou de Sicile: Claquin 2016, 335. La typo-chronologie du Dicocer2, 750–796 (CL-MAS) et du Dicocer (en ligne) (COM-MAS) a été revue par Claquin 2016, pl. 53–57.

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IVe siècle, et des becs verseurs peuvent être présents sur ceux à pâte fortement micacée. À Béziers I, au VIe siècle, sont réalisés des mortiers en pâte à pithos (Fig. 4.11), en céramique à feu et en grise monochrome (Fig. 4.10) parallèlement à ceux ayant la pâte principale, qui a la couleur des claires locales, parfois plus grisâtre, et s’impose par la suite. Elle est pétrie avec un abondant dégraissant sableux, utilisé aussi pour des fonds abrasifs résistants. Les décors de cannelures, ondes incisées, appliques plastiques sont relativement courants, comme le bec verseur, mais sont surtout fréquentes les bandes et languettes peintes

Fig. 4. Mortiers de Béziers I (dessins et DAO É. Gomez, C. Olive et D. Ugolini).

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en rouge ou brun clair (et les becs verseurs peuvent alors porter un rameau végétal) (Fig. 4.16), qui confèrent à ces mortiers un aspect ‘grec de l’Est’. Ces ustensiles se conforment globalement aux modèles grecs. Joints aux importés, ils occupent une place importante dans la cuisine biterroise et apparemment encore plus grande dans la massaliote.35 Ils ont été exportés: la production massaliète a été plus longue et plus largement distribuée, mais les biterrois sont nombreux dans leur région,36 malgré des arguties récentes qui les divisent pour les regrouper à nouveau sous l’appellation générique de ‘languedociens’. Outre cette confusion, des incertitudes apparaissent maintenant sur la fonction car la série de l’ouest a l’abrasif, alors que celle de l’est ne l’aurait pas,37 ce qui obligerait à envisager des utilisations différentes. Marseille a produit aussi de rares lékanés.38 Attestées à Béziers I aussi, elles ne sont pas identiques (Fig. 2.34). Vases à feu

Marseille n’a pas produit de vaisselle à feu et ses habitants ont utilisé des urnes indigènes non tournées, des ollae étrusques et, plus rarement, des chytrai, caccabées, lopadès grecques et puniques.39 Des lopadès ont peut-être été tournées localement à petite échelle à partir du IVe siècle et d’étonnants pots à fond plat (en pâte fortement micacée ou non), en principe non destinés au feu, ont été utilisés sur le/près du foyer, dans des proportions qui tendent à augmenter.40 Ces derniers, souvent grands, ne servaient sûrement pas à la cuisson quotidienne de la nourriture familiale: pour réchauffer/maintenir au chaud un gros volume d’une quelconque substance? En revanche, Béziers I a produit massivement des vases à feu (CCT-LOC)41 à pâte finement micacée additionnée d’un abondant et plutôt fin dégraissant sableux, bien cuits et solides malgré des parois assez fines. La couleur va le 35

Béziers I: Gomez 2000a; 2000b; 2008. Marseille: Claquin 2016, 582, 585–86, tabl. 3. Les formes et la distribution – au moins de Pech Maho à Lattes –, au centre de laquelle est Béziers I, en étaient néanmoins l’origine: Ugolini et al. 1991; Gomez 2000a; 2000b, 139; 2008; 2015; CAG 34.4, 118–19, fig. 60–61. 37 Pour Curé 2010, 196, les massaliètes (et autres importés) en étaient couramment dépourvus, contrairement aux ‘languedociens’, ibériques et puniques. 38 Claquin 2016, 587. 39 Claquin 2016, 583–86. 40 Claquin 2016, 590–91, fig. 76: principalement COM-MAS/CL-MAS 511–512 (environ 4% des vases culinaires). À Lattes, ils n’ont pas de traces de feu et sont considérés comme des petits pithoi (512) et des jarres (511, 514). 41 Dans les Dicocer, CCT-BZ dans nos travaux: CAG 34.4, 119–21, fig. 62–64. La fonction des céramiques ‘communes’ (terme regroupant souvent des classes différentes et prêtant à confusion) n’est pas nécessairement une seule pour chaque forme, ni toujours évidente (Esposito et Zurbach 2015b, 17): les chytrai/ollae/caccabées biterroises portent généralement des traces de suie assurant qu’elles ont bien servi à cuire. 36

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plus souvent du noir au gris, mais les nuances de brun, rouge, beige, voire bicolores (nuances de rouge à cœur et de gris/noir en surface ou le contraire) sont courantes. Quelques pièces portent des décors (bandes ou ondes) au brunissoir (Fig. 5.9–11, 34). Le vase principal, disponible en plusieurs tailles, a d’abord une encolure droite ou légèrement divergente et un bord peu épaissi qui le rapproche de la chytra (Fig. 5.1–2, 6). Dans la deuxième moitié du VIe siècle, il a sûrement un fond plat et l’encolure se resserre sous un bord divergent (Fig. 5.4–5, 7) s’épaississant progressivement en amande (Fig. 5.8–14), à large méplat interne, souvent légèrement creux, sur lequel repose le couvercle (Fig. 5.20–24): il est alors très proche de l’olla étrusque. Des caccabées (Fig. 5.15–19) et des mortiers sont produits en petit nombre dès la fin du VIe siècle ainsi que d’autres formes occasionnellement (Fig. 5.25–34). De rares ollae étrusques, quelques chytrai et caccabées (VIe siècle) puis de plus courantes lopadès (dès la deuxième moitié du Ve siècle) ont été importées, mais la chytra/olla42 locale a dominé la cuisson d’une alimentation bouillie/mijotée. Ces vases à feu sont actuellement les plus anciens tournés dans le Midi.43 À partir d’autres sites, on a proposé d’y voir la version tournée de l’urne indigène.44 Si tel était le cas, le passage de l’une à l’autre aurait eu lieu à Béziers I, vers 600, lors de l’implantation grecque, ce qui serait surprenant. Rien ne ressemblant davantage à une urne qu’une autre urne, chacun y décèlera le modèle qu’il voudra, mais – à nos yeux – les vases les plus anciens ressemblent à des chytrai que l’évolution amène vers une frappante ressemblance avec l’olla étrusque et même à la copie conforme de son couvercle (Fig. 5.20). La production et l’utilisation massives d’un tel vase questionne sur le peuplement. La présence d’Étrusques est envisagée à Lattes comme à Marseille et pourquoi pas à Béziers I, où beaucoup d’amphores et des mortiers sont étrusques et où sont répertoriés des graffiti en étrusque.45 Mais, d’autres traceurs sont absents ou rares, comme le bucchero nero, l’olla étrusque et l’étrusco-corinthienne. Il faut peut-être retenir qu’ici on achetait aux Étrusques ce dont on avait envie ou besoin (du vin et de grands mortiers) et qu’il n’y avait pas un aspect identitaire dans ces choix. Rappelons que Marseille a importé beaucoup d’ollae étrusques (et même des biterroises)46 et que Béziers I n’est pas le seul 42

Bats 2007, fig. 87 assimile à la chytra l’urne non tournée utilisée à Marseille et à Olbia. D’autres productions de la zone Orb/Hérault ont été envisagées lorsque les niveaux du VIe siècle de Béziers I étaient encore inconnus et que des vases apparaissaient dans les contextes de ce siècle d’autres sites de cette aire (Ugolini 2002). L’hypothèse ne se justifie plus aujourd’hui, ces pièces étant identiques à celles du VIe siècle de Béziers I. 44 Sanmartì 1986, 172, fig. 15.10–11. 45 Ugolini et Olive 2006; Les Étrusques 2015, 140–41. 46 Vues dans les locaux des dépôts de Marseille à la fin des années 1990, en compagnie de L.-F. Gantès, dans le cadre d’un programme de recherche du Centre Camille Jullian sur la céramique (sous ma coordination). 43

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Fig. 5. Vases tournés à feu de Béziers I et autres avec la même pâte (dessins et DAO É. Gomez, C. Olive et D. Ugolini).

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site grec à avoir produit ce genre de pots: Cumes l’a fait aussi à l’époque archaïque.47 Certes, cette ville était en étroit contact avec le monde italique, mais ces pièces locales suggèrent au moins que les utiliser n’était pas rédhibitoire, comme le montrent d’ailleurs les sites grecs nord-occidentaux.48 Notons enfin que la chytra des origines a un fond plat, qu’elle peut le garder longtemps après et que son profil est parfois très proche de celui de nos vases,49 auxquels, il est vrai, il manque l’anse. Quoi qu’il en soit, ces récipients caractérisant la production locale, constituant le seul exemple du Midi de l’époque d’autosuffisance en vases à feu tournés, largement distribués, deviennent plus rares à partir de 350 et disparaissent du Midi avec l’abandon de la ville. Pithoi

Marseille et Béziers I ont produit des pithoi. Sous ce terme ne sont retenus que des vaisseaux tournés (entièrement ou partiellement) ou non tournés, aux parois épaisses, avec une pâte fortement dégraissée d’une couleur dans la gamme du rouge qui s’obtient par la cuisson dans un four, qu’il ne faut confondre ni avec les jarres indigènes non tournées à pâte gris-brun-noir (qui peuvent copier le pithos grec), ni avec les dolia pré-romains (IIe–Ier siècles) et romains à cause de la chronologie et des pâtes.50 Les pithoi biterrois sont de couleur rouge brique et la pâte contient un abondant dégraissant sableux finement micacé caractéristique; à Marseille la couleur est beige ou rosée et la pâte semblable à celle des amphores. De part et d’autre du Rhône, les pièces antérieures au IIIe siècle semblent respecter ces différences de couleur, comme s’il y avait eu deux ‘écoles’. À Béziers I, le pithos est présent dès le début du VIe siècle et sert déjà pour la vinification,51 comme à Marseille d’après un exemplaire inscrit semblant indiquer le vin contenu,52 mais il a été employé ici et là également pour d’autres usages, les récipients n’étant pas tous poissés. 47

Cuozzo, d’Agostino et Del Verme 2006, fig. 22–23, 24a. Au moins Emporion, Agde (Ugolini 2002), Arles, Marseille. 49 Par exemple à Milet, Mégara Hyblaea et Apollonia du Pont: Claquin 2016, fig. 67b, 69e–g; pl. 80–81. Chytrai particulièrement proches du vase biterrois à Thèbes et à Histria: Ugolini et al. 1991, 169 avec références. 50 Diverses appellations dans Dicocer (en ligne): DOLIUM, DOL-BASALT, DOL-CALC, COM-MAS. La production de Béziers I n’y apparaît pas, mais des pièces sont répertoriées sous DOLIUM. Voir donc notamment Olive, Ugolini et Ratsimba 2009 et CAG 34.4, 121–22, fig. 65–66. Marseille: Ratsimba 2005; quelques récipients dans Dicocer (en ligne) sous COM-MAS 900. 51 Le début de la production biterroise a été d’abord fixé autour de 500 en fonction des exemplaires alors disponibles (Ratsimba 2002, 2006). Depuis, ont été mis au jour des fragments jalonnant le VIe siècle, jusque dans un contexte daté autour de 600 avec des fragments poissés (Macario 2017 et d’autres: Saint-Jacques, fouille É. Gomez 2017–18). 52 Trouvé dans un contexte hellénistique de Saint-Blaise (Bouches-du-Rhône), il est peut-être plus ancien (Bertucchi 1992, fig. 21 et 95). 48

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Amphores

Les amphores de Marseille sont largement majoritaires à Béziers I, qui n’a apparemment pas développé la sienne53 malgré une viticulture précoce dont le produit a dû être consommé localement dans un premier temps. Nous supposons donc que le vin biterrois a été conditionné dans des amphores massaliètes, ce qui contribuerait à rendre compte de la complémentarité économique entre les deux villes et répondrait à la question récurrente sur l’origine du vin, car Marseille n’a pas pu produire d’emblée de quoi remplir le nombre colossal d’amphores distribuées.54 Autres objets

Marseille et Béziers I ont produit des lampes à huile peu exportées55 et des pesons du métier à tisser vertical pour un emploi exclusivement local car ils n’apparaissent que plus tard chez les indigènes du Midi.56 En pâte micacée ou non, à Marseille sont attestés des braseros, kribanoi, lasana, supports; à Béziers I des lasana en céramique à feu,57 des supports (en grise et en claire) et au moins un brasero (en pâte à pithos). Quant aux objets liés aux croyances, nos deux villes semblent ne pas avoir beaucoup développé la coroplathie, mais quelques pièces sont attestées: l’askos à tête figurée, la plaquette en relief, le loutérion (Marseille);58 le vase votif miniature (CL 811) et la statuette (Marseille et Béziers I);59 et, à Béziers I, la poupée articulée et des objets à décor estampé que nous pensons être des autels domestiques.60 53

Des tessons surcuits d’amphores massaliètes ont été trouvés lors de la fouille du four à pithoi (Olive, Ugolini et Ratsimba 2009). Il nous a paru plus raisonnable d’y voir un accident plutôt que l’indice d’une production locale. 54 Une vigne en fonction à partir au moins du début du Ve siècle à Béziers/La Courondelle est à l’heure actuelle la plus ancienne du Midi (CAG 34.4, 340, fig. 501), ce à quoi il faut ajouter les pithoi poissés. Les traces archéologiques de la viticulture de Marseille sont plus récentes (Saint-Jean du Désert, IIIe siècle): Boissinot 2010 suggère sa mise en place plus ancienne par des arguments cadastraux. 55 Marseille (en grise et claire): CAG 13.3, fig. 1025; Béziers I (en grise, claire, céramique à feu et non tournée): CAG 34.4, fig. 67. 56 de Chazelles 2000. Pièces massaliètes: CAG 13.3, fig. 374, 561. Pièces biterroises: CAG 34.4, fig. 69. 57 Marseille: Claquin 2016, pl. 47–50, 59–60. Béziers I: CAG 34.4, fig. 31 (lasana). 58 CAG 13.3, askoi: fig. 347, 38; plaquette figurée: fig. 815; loutérion hellénistique: fig. 568. Un fragment de loutérion a décor estampé (IVe siècle) et un possible pinax massaliètes ont été trouvés à Béziers (inédits). 59 Marseille, CAG 13.3: vase votif, fig. 595; statuette, fig. 375, 564, 697. Béziers I, vase votif: fig. 2.54; statuette: Macario 2017, fig. 243. 60 Béziers I: poupée articulée, première moitié du Ve siècle (inédite); autels domestiques (fin VIe–IVe siècles): CAG 34.4, 123–24, fig. 68 et nouveaux fragments avec d’autres motifs (Macario 2017, fig. 131–132; les Halles 2017: inédit).

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En liaison avec les bâtiments publics, Marseille et Béziers I ont fabriqué l’antéfixe et, à Béziers I, également la plaque de revêtement architectural.61 À Béziers I, ces éléments vont de pair avec une production soutenue de tuiles et couvre-joints commencée vraisemblablement à la fin du VIe siècle. D’utilisation strictement locale, ils étaient suffisamment courants dans la ville pour être présents en nombre dans toutes les fouilles. Aucune tuile n’est entière, mais se distinguent des modules adaptés à des édifices plus ou moins imposants.62 Ces tuiles sont une rareté dans la mesure où les Puniques et les Ibères ne les utilisaient pas, ni les Grecs du nord-ouest méditerranéen, sinon occasionnellement jusqu’à date avancée.63 Béziers I est donc une remarquable exception isolée. En revanche, les Massaliotes ont produit (fin Ve–fin IIe siècle) des objets en forme de déversoir et de gargouille ou chéneau, attestés ponctuellement de Lattes à Olbia, qui servaient peut-être à l’assainissement des toitures en terrasse.64 CONCLUSIONS Les ateliers locaux ont d’abord répondu aux besoins et aux goûts des habitants de leurs villes65 et c’est évidemment là que leurs répertoires sont représentatifs de ces aspects. La distribution des produits témoigne aussi de l’intention commerciale de cet artisanat qui a dû être rentable et s’adapter à sa clientèle indigène. La part indigène paraît marginale dans le cadre de la consommation locale, sinon pour l’offre de produits non fournis par les ateliers locaux, comme dans le cas des urnes non tournées de Marseille, et n’a pas eu une incidence perceptible sur les répertoires tournés, ce qui n’exclut pas que les potiers aient réalisé des vases destinés à une demande différente, que l’on trouvera surtout ailleurs. 61 Marseille: antéfixe (IVe siècle), CAG 13.3, fig. 567. Béziers I: plaque architecturale et antéfixe (IVe siècle), Macario 2017, pl. 193 et 244. 62 CAG 34.4, 123–24, fig. 70. 63 Vitruve (2. 1. 5) décrit en son temps les toits encore en matériaux légers de Marseille, mais de rares fragments de tuiles en pâte micacée sont attestés bien plus tôt (de Chazelles 2010, 315) et une production plus large débuterait dans la seconde moitié du IIIe siècle (Laubenheimer, Le Ny et Goury 1999, 15–16). À Emporion, antéfixes et tuiles importées d’Étrurie et de Sicile (VIe siècle); fragments en pâte massaliète et italique (dès le IVe siècle?), plus courantes dans la deuxième moitié du IIIe siècle et au IIe siècle; antéfixes, acrotères et tuiles de type corinthien (Ve siècle) en pierre du Languedoc (Dupré Raventòs 2005). À Rhodè, fragments en pâte massaliète au IVe siècle (?), plus courants au IIIe siècle (de Chazelles 2010, 315 et n. 7). Une production locale est assurée à Agde dès le milieu du IIe siècle (Gomez 2013, fig. 13). 64 de Chazelles 2010, fig. 203–204. 65 Les céramiques locales augmentent avec le développement des ateliers et de leur capacité de production et deviennent majoritaires à la fin du VIe siècle: ± 70% des vases ‘fins’ à Marseille (CAG 13.3, 252); ± 60% de l’ensemble de la vaisselle à Béziers I et plus de 80% au Ve siècle.

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Chacune des deux villes a une physionomie propre marquée par des choix de formes de vases, de couleur des décors, de motifs, d’occurrences des classes céramiques, d’objets, de matériaux de construction, qui sont la manifestation des origines sans doute différentes de ces deux groupes, comme le confirme la forte prédominance régionalisée de certaines vases, classes et objets, qui partage grosso modo en deux la côte du Midi. Leurs évolutions indépendantes semblent prolonger une sorte d’‘entre soi’ de ces communautés, qui ont des choses en commun et des intérêts partagés, mais se mélangent peu entre elles et, apparemment, encore moins avec les autochtones. S’il s’agit bien d’une forme de traditionalisme, elle expliquerait le petit rôle des influences externes et ferait écho à la politique conservatrice de Marseille soulignée par les sources, qui a dû concerner Béziers I aussi. Le domaine de la cuisine offre des situations différemment atypiques par rapport au modèle grec attendu. Dans la ville portuaire de Marseille, les non Grecs ont pu influencer la composition de la vaisselle, mais pourquoi auraientils pesé principalement sur les vases à feu? Et, si les urnes non tournées y illustrent le choix des épouses indigènes des Grecs,66 on se demande pourquoi ces femmes auraient fait une fixation sur le vase à cuire. La lopas (pour le poisson braisé/frit) aurait pu caractériser très tôt l’alimentation grecque et maritime de Marseille, mais le fait est qu’elle y est rare avant le milieu du IVe siècle,67 comme partout dans le Midi. Dès lors, sa présence, même systématique là ou ailleurs, témoigne certes d’un mode de consommation grécopunique qui a gagné du terrain et peut-être même d’un nouveau désir de resserrer les liens ethniques des origines, mais revêt également des aspects commerciaux68 largement sous-estimés au profit de sa seule valeur en tant que traceur d’hellénisme. Il reste que la vaisselle à feu des Massaliotes était hétéroclite et que lui conférer un côté identitaire est risqué. Il est sans doute préférable d’y voir un opportunisme conjoncturel. Quant à Béziers I, ses ustensiles sont tournés, locaux, homogènes et acquièrent au fil du temps un air italo-tyrrhénien. Est-ce vraiment un problème? Les Grecs d’Occident, d’Emporion à Cumes, ont tous utilisé, et parfois produit, un vase similaire sans que cela implique à tout prix des résidents étrusques ou indigènes, voire une perte de l’identité grecque. Au final, c’est dans la vaisselle culinaire que nos Grecs s’écartent le plus du modèle consacré, ce qui surprend, habitués que nous sommes à privilégier ce domaine dans la reconnaissance identitaire.69 66

Bats 2007. Claquin 2016, 587. 68 Ugolini 2002. 69 Si le fond plat des vases à cuire devait désigner les autochtones (Curé 2015, 111), il y aurait peu de Grecs (utilisateurs du fond bombé) dans le Midi pendant des siècles. Il est plus raisonnable de tenir compte de Dupont 1999, qui souligne la complexité technique de la céramique 67

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Après tout, ce que l’on mange compte davantage que le récipient utilisé pour le préparer. La préférence pour le bouilli/mijoté étant acquise pour les deux villes, qu’elle soit réalisée dans une chytra, une olla, une caccabée ou une urne indigène, la recette peut être la même. La forme de l’ustensile n’induit qu’une façon différente de le porter au feu, encore que cela ne soit pas systématique. En effet, le vase à fond bombé se pose – en principe – sur des supports non toujours signalés là où ce vase est exclusif et, quand ils le sont, leur nombre n’est pas nécessairement proportionnel à celui des récipients. Quant au vase à fond plat, il se place – en principe – directement sur le foyer, au milieu/à côté des braises, sauf que les Étrusques posaient leur olla éventuellement aussi sur des supports. Finalement, tout était permis et il n’est pas évident qu’un fond bombé, qui peut présenter des avantages thermiques, soit plus pratique à l’usage qu’un fond plat. En privilégiant ce que l’on mange, le mortier revêt une importance soulevée depuis longtemps.70 Dans la cuisine, servait-t-il au mélange des composants d’une pâte, pour des mélanges crémeux, pour faire macérer puis concasser les céréales, pour broyer les ingrédients des sauces, pour écraser ceux d’autres préparations?71 L’utilisation des mortiers tripodes levantins et d’autres sans abrasif a été rapportée à l’assaisonnement du vin, une fonction qui a été étendue récemment aux massaliètes trouvés en milieu indigène.72 Il faudrait alors envisager que les Massaliotes en avaient le même usage et que les mortiers de Béziers I avec abrasif servaient à autre chose. Or, l’abrasif caractérise les mortiers grecs dès au moins la fin du VIe siècle, mais il est évidemment plus ou moins apparent sur les pièces archéologiques, souvent usées. Celui des massaliètes (mica), particulièrement fragile, s’émoussait rapidement73 et il est donc rare qu’il soit conservé. Assurer que ces mortiers sortaient de l’atelier systématiquement dépourvus d’abrasif est ainsi impossible. En revanche, l’étude des pièces de Corinthe74 offre une alternative intéressante en associant la multiplication des mortiers avec abrasif à la diffusion de sauces épicées dont les ingrédients y étaient broyés, conformément à une mode orientale qui a d’abord gagné Milet et l’Ionie puis Corinthe et la Méditerranée occidentale. à feu tournée et en attribue la rareté à Istros/Histria non pas aux indigènes résidant dans la ville mais à son coût élevé. 70 Ugolini et al. 1991; Gomez 1998; 2000a; 2000b; 2008; 2015. 71 Matteucci 1987, 250–51; Villing et Pemberton 2010. 72 Curé 2010 corrèle le nombre de mortiers massaliètes à celui des amphores de même origine, et donc au vin qu’elles contenaient, alors que l’abrasif des mortiers ‘régionaux’ et importés trouvés dans l’aire occidentale lui fait exclure ce lien avec les amphores. 73 Comme le fait remarquer Gomez 2015, 617, n. 11. Si l’abrasif était présent à l’état neuf, comme nous le pensons, les mortiers massaliètes devaient être bon marché car la faible résistance de celui-ci obligeait à les renouveler souvent, ce qui contribuerait à en expliquer le nombre élevé. 74 Villing et Pemberton 2010.

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Dès lors, le nombre de mortiers a augmenté considérablement dans les cuisines privées, publiques et des sanctuaires, jusqu’à symboliser l’excès et à investir les genres car utilisé par la femme dans la maison, mais aussi par l’homme pour des mets plus élaborés réalisés par des chefs. Ce cadre correspondrait bien à la production de Béziers I, dont les habitants auraient pleinement adhéré à cette nouvelle cuisine. Il est difficile de croire que le cas de Marseille était différent à cause de ses mortiers supposés sans abrasif.

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—. 2006: ‘De l’arrivée à la consommation: l’impact des trafics et des produits étrusques en Languedoc occidental’. Dans Gli Etruschi da Genova ad Ampurias (Atti del XXIV Convegno di studi etruschi ed italici, Marseille-Lattes, 26 settembre–1 ottobre 2002) (Pise/Rome), 555–81. —. (éds.) 2006: Béziers I (600–300 av. J.-C.): La naissance de la ville (Cahiers du Musée du Biterrois 1) (Béziers). —. 2012: ‘Béziers I: La ville grecque (600/575–300 av. J.-C.)’. CAG 34.4, 98–108. Ugolini, D., Olive, C. et Gomez, É. 2012: ‘Les productions de céramique et de terre cuite de Béziers I (600/575–300 av. J.-C.)’. CAG 34.4, 109–24. Ugolini, D., Olive, C., Marchand, G. et Columeau, P. 1991: ‘Un ensemble représentatif du Ve s. av. J.-C. à Béziers, Place de la Madeleine, et essai de caractérisation du site’. Documents d’Archéologie Méridionale 14, 141–203. Villing, A. et Pemberton, E.G. 2010: ‘Mortaria from ancient Corinth: Form and Function’. Hesperia 79.4, 555–638. Zamboni, L. 2013: ‘Fade to Grey. La ceramica grigia in area padana tra VI e I secolo a.C., un aggiornamento’. Lanx 15, 74–110.

CONCLUSIONS Franco DE ANGELIS

‘Une autre façon d’être grec’, ‘Another Way to be Greek’, and so on in other languages. Whatever language we may choose to translate this phrase into, what lies at the heart of this volume is the translation, in another sense, of ancient Hellenism across time and space. Three questions come to mind as I conclude this volume. How far has scholarship come to arrive at this point, and why is that significant to consider? How do the articles contained in this volume contribute to scholarship? Where can scholarship go next? As the editors sketch out in their introduction, it is a truism that all historical research is informed by its times, and that what is of going concern in everyday life usually trickles down into the historian’s consciousness. This interchange can be explored even further here, as it relates to and raises the question of where, I believe, scholarship currently stands. The very formulation of this volume’s title (which follows that of the original colloquium) is significant. Such a straightforward positive statement of fact is something of relatively recent acceptance. Two decades ago, as scholarship first began seriously to entertain this issue, we would have been more tentative and even framed this phrase as a question. That is because modern scholars have long viewed the issue as largely a negative state of being, considerably more sensitive than one might imagine, when we go back to the frontiers of this field of research to see how the pioneers of scholarship reacted to another way of being Greek.1 The first half of the 19th century saw the emergence of racial theory, which created a taboo situation for colonial societies around the world. The ancient Greek history that the English politician and banker George Grote published in this period (1846–1856) is often considered fundamental for initiating the professional start of the field.2 This work established the new configuration of ancient Hellenism, but it was strongly influenced by contemporary racial discourse. Grote spoke of the Hellenisation of non-Greeks in the ‘colonies’. The relationship was distinctly one-sided in favour of the Greeks: ‘the ascendency 1 2

See now De Angelis 2018. Macgregor Morris 2008, 247.

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of a higher over a lower civilized civilization … the working of concentrated townsmen … upon dispersed, unprotected, artless villages, who could not be insensible to the charm of that superior intellect, imagination, and organization’.3 Hellenisation represented the cultural transformation of backward lands, inhabited by people ‘of rude pastoral habits, dispersed either among petty hillvillages, or in caverns hewn out of the rock’.4 Grote allowed for social relations between incoming settlers and existing natives, though the resulting fusion was couched in a racialised discourse characteristic of the time of a lower end-product caused by miscegenation.5 The Greeks were brought down, in other words, by means of an ‘unrestrained voluptuous license’ and therefore ‘from taking part in that improved organisation’ of Athens and the Greek cities around the Aegean Sea.6 With these views, Grote established the historical framework of Hellenocentrism and Athenocentrism that is still alive today. Indeed, he inserted ancient Greek history into the paradigm of nationalist history that was becoming fashionable. Athens, ancient and modern, was tout court the capital of Hellenism, which in turn was centred on Aegean Greece. The so-called Greek colonies were on the periphery, backward in their development because of their frontier circumstances and especially their racial mixing, and measured against the ideal of Athens and Greece. It is for these reasons that the differences between Greece and ‘colonial’ regions have had a long history of being treated in pejorative terms. Grote mapped his historical narrative on to the well-known anxieties, fears and aspirations of the contemporary settler colonialism that the British empire was then most actively promoting around the globe. Let me illustrate how Grote’s views reflected a real, on-the-ground concern with a roughly contemporary example from British Columbia, where I sit as I write this. In 1865, on the eve of Canada becoming an independent nation of the British empire, and on British Columbia joining this new country, Matthew Macfie published in London an important book arguing for the necessity of a transcontinental railway that would bring together all the lands of Canada from the Atlantic to the Pacific Oceans. As part of his arguments, he drew on historical precedent, stressing how ‘Control of trade with the East has been coveted as a prime source of wealth by western nations from the remotest antiquity’.7 While Macfie does not directly cite Grote, he discusses the great leaders of history, including Alexander the Great, who opened trade with 3 4 5 6 7

Grote 1846–56 III, 495–97. Grote 1846–56 III, 494. Challis 2010. Grote 1846–56 I, ix, 183–84. Macfie 1865, 336.

CONCLUSIONS

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the East.8 Historical precedence certainly helped to fire the imagination, but it was especially two contemporary developments that sealed the case. The first was Captain Sir John Franklin’s failed Artic Expedition of the late 1840s, which had tried to find a shortcut by sea to the East, the so-called Northwest Passage. Its tragic failure sent shockwaves throughout the British empire. The second was the discovery of gold in British Columbia in the 1850s. Both these developments heightened the need for a swift and reliable line of communication with British Columbia. Attention turned to the creation of the railway. Settler colonists would now be needed, to fill the vast landmass to maintain a sovereign presence against the encroachment of the United States of America and Russia interested in squeezing out the British empire from this gold-rich Pacific Northwest and the lucrative base it offered for trade with the East. The railway was completed in 1885, within 20 years of Macfie making the case for it, and Vancouver, a tiny and parochial community then called Hastings Mill, suddenly became a city in need of settlers and development. Before all this happened, administrators in Britain and Canada required a clear sense of the situation on the ground in British Columbia, and Macfie obliges by beginning his Chapter XV on ‘Society in Vancouver Island and British Columbia’ with a detailed overview of the cultural make-up of Victoria, the port town that was then the largest settlement in British Columbia with its population of 5000–6000 inhabitants. Macfie notes the 23 racial crosses in existence and their end-results: ‘From these heterogeneous unions, and from illicit commerce between the various races just enumerated, it is evident that our population cannot escape the infusion of a considerable hybrid offspring’.9 Interesting for ancient Greek scholars is the constant appearance throughout Macfie’s discussion of the women who lived in Victoria and how they compare unfavourably to English women.10 His general warning of the social conditions existing in Victoria and British Columbia is clear: Does the presence, so largely, of inferior races forbode the fatal tainting of the young nation’s blood and signal its premature decay, or will the vitality of the governing race triumph over the contamination with which more primitive types threaten to impregnate it? This is the important enquiry that engrosses the attention of ethnological speculators in the nascent communities of the North Pacific.11

In a similar way to Grote, Macfie showed great concern for the racial purity of the settler colonists. This was a major concern of settler colonialism at the time. 8

Macfie 1865, 336–38. Macfie 1865, 379, emphasis added. 10 Macfie 1865, 396–406. 11 Macfie 1865, 380–81. 9

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Despite the time and space that separated the historical subjects of Grote and Macfie, the distance is collapsed, and modern prejudices were projected back in time, as would be expected by modern Britons who viewed themselves as the direct descendants and heirs of ancient Greece.12 What my comparison also reveals is the chasm with attitudes towards hybridity that exists between the mid-19th century and today. For Grote and Macfie, it is clearly a highly negative condition for which colonial policies must be consciously formulated, to avoid the long-term detrimental human effects of racial debasement. While most scholars of the ancient Mediterranean have jumped on the ‘hybridity’ bandwagon as the fruitful concept to interpret the results of cultural interactions, we should be cognisant not only of how we run the risk of treating those few opposing scholars as Cassandras,13 but also of how words, concepts and ways of thinking that are so acceptable and routine to us today were once highly contested. What legacies that has left are often, like colonialism itself, lying as daily detritus we encounter without really realising that it is detritus, and that it needs to be cleared for a more historically accurate picture of cultural interaction, be it ancient or modern. In other words, the treatment of Greek apoikiai (traditionally mistranslated as ‘colonies’ – another symptom of the problematic historical paralleling) in modern colonial terms continues in often subtle ways. While one may think that we have moved beyond this issue, and that post-colonialism is now firmly entrenched in the scholar’s tool-kit, the legacies of the discarded framework are still apparent, to me at least, in how we go about thinking about the relationship between ancient Greeks. Take, for example, the question of Greek art. Clemente Marconi recently still felt the need to point out how Greek art in southern Italy and Sicily is viewed in relation to the art of Greece: These [artistic] features, which according to this trend of scholarship distinguish the visual culture and architecture of this region from the rest of the Greek world, have sometimes been explained as the result of mixing Greek colonists with native populations. Such an inherently racist interpretation is problematic, not least because it fails to acknowledge the general process of acculturation to Greek culture, including visual arts and architecture, of the native populations in both South Italy and Sicily.14

Such an evaluation would today be akin to saying that a union consisting of someone of European origin and someone of Asian origin would result in offspring who are less creative and less expressive artistically than a union made of two people of European origin. As we can see with this formulation, it is 12 13 14

Challis 2010. Malkin 2017. Marconi 2012, 395–96.

CONCLUSIONS

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categorically wrong and outdated in terms of popular and theoretical thinking, and for that reason the original formulation of ‘colonial’ Greek art should be struck once and for all from our conceptions of antiquity. As Robert Wald Sussman has argued, race is an unscientific myth that troublingly persists.15 I will return to this point below in closing these conclusions, but, for the time being, it is essential to note that talking about ‘Another Way to be Greek’ has been a highly contentious matter fraught with overtones and undertones of earlier generations of prejudice, racism, superiority and aesthetics. While we live in a world that has in many ways moved on, as the editors remind us in their introduction, it is the gulf in between these times, in terms of its size and nature, that needs to be delineated and characterised, so that it is not forgotten or underestimated. As we will see below, I also connect this point with the question of where scholarship can go next. The nineteen articles (besides the introduction) contained in this volume contribute to the development of current scholarship in important ways. They are subdivided into three parts: 1) ‘Héritages, interactions et innovations’ (containing five articles); 2) ‘Circulations des modèles et “culture coloniale”’ (containing seven articles); 3) ‘Productions matérielles et identités culturelles’ (containing seven articles). While the articles contained in each part illustrate well the topics of their subheading, they also interrelate at a level that goes beyond each part. This will be highlighted in what follows, along with what I believe to be the main points and conclusions to be drawn from this collection. One of the main themes to emerge from the articles in the first part ‘Héritages, interactions et innovations’ is that the debates about words, linguistic labels, terminology and their associated concepts have not been exhausted. Pierre Rouillard approaches the ancient words emporion, apoikia and ktisma from an archaeological viewpoint through case studies devoted to Marseilles and Ampurias. He stresses that no one definition can hold for all time and space, and that the political, cultural, social and economic complexities revealed by archaeology cannot be contained by the usage of words in an ancient author. New archaeological data must make us re-evaluate our words, linguistic labels and terminology. A similar tack is taken by Alexandru Avram in his contribution on the ‘false ethnics’ of slaves in literary and epigraphic sources. These ‘false ethnics’ refer to the place of sale for these slaves, and not to their places of birth. Avram throws light on important dimensions of mobility, networks and the movements of people that have been ignored to date, thus revealing how fresh research on words, linguistic labels and terminology can lead to new insights. 15

Sussmann 2014.

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Adolfo Domínguez pays particular attention, in his detailed case study of Epirus, to the language and cultural identity of the local populations encountered by the Greek settlers. In doing so, he emphasises that the Epirote peoples spoke north-western Doric Greek. Whether or not they or the incoming settlers felt or viewed themselves as Greek, the language bond between the two groups facilitated contact and interaction. This is the context, Domínguez shows, for us to question Thucydides’ words, labels and terminology to describe the joint settlement of Ambracia and Argos Amphilochikon. According to Thucydides, the Argives are Greeks, while the Ambraciots are barbarians. Thucydides uses restrictive criteria for Greekness, and his simplistic division has more to do with his limited Athenian perspective and historiographical framing – the Argives, Athens’s allies, are considered Greek, whereas the Amphilochians, Athens’s enemies, are considered barbarian. The interpretations of ‘Hellenisation’ and ‘hybridity’ that modern scholars have built on top of Thucydides’ distinction go too far, says Domínguez. We should instead trade in these words, labels and terminology for the 5th-century definition of Greekness, since the peoples in this region satisfy threequarters of the definition through their sharing of language, religion and cult. In a similar vein, Hugues Berthelot also wonders whether Athenian words, labels and terminology are appropriate for describing and explaining the appearance of ostracism and petalismos at, respectively, Cyrene and Syracuse. He takes a close look at present arguments, including their chronology and cultural contexts, and concludes that these were independent creations of Cyrene and Syracuse. Ostracism and petalismos are more commonly found in aristocratic regimes in Doric cities, though, interestingly, not in Thera and Corinth, the so-called mother-cities of Cyrene and Syracuse. Athens was the exception here, in that it was the only Ionian city to adopt ostracism and apply it to a democracy. Relations between mother-city and ‘colony’ are more thoroughly addressed in Maurizio Giangiulio’s article, which also revisits the question of the transference of nomima from the former to the latter. He observes that nomima are widely assumed to be of Archaic date, but, in fact, the earliest evidence for the word and its accompanying notion that nomima signify ethnicity are of 5th-century date. Giangiulio also has his doubts regarding the Archaic date of ‘homelands’, and he reminds us that migrants were exposed to several cultures abroad, asking whether it was even possible to imprint their original culture in these new environments. Again, Giangiulio sees the projecting back from Classical to Archaic times of words, ideas and contemporary issues that had salience then, but that are unlikely to have been as clearly articulated, if at all, when migrants set out from home to found a permanent settlement abroad.

CONCLUSIONS

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All the articles in this first part demonstrate that recent debates about words, linguistic labels, terminology and their associated concepts have hardly been exhausted, and that they require ongoing scholarly attention as new data and perspectives emerge. Together they form important contributions to thinking about ‘Another Way to be Greek’. The articles contained in part two, on ‘Circulations des modèles et “culture coloniale”’, provide fine examples of deeper thinking regarding the nature and movement of things cultural. Claudia Antonetti, in her contribution on Orphic-Bacchic mystery rituals from Sicily to the Black Sea, begins by doing that, with a series of methodological reflections alongside her case studies. She questions the commonplace connotation that such religions are peripheral to Hellenism, or at least an eccentric part of it. Fresh evidence and further study are steadily eroding this older thinking, allowing Antonetti to embed firmly these mystery rituals in polis religion and society. She makes an important contribution to the regional development of Greek culture, arguing, like Giangiulio in the first part, that the reproduction of any given mother-city in its apoikia should be abandoned in favour of regional developments and their dynamics. A careful balancing act between these two interpretative lines is taken by Adrian Robu in his contribution on the development of the religious cults and sanctuaries established by Megarian settlers on the shores of the Thracian Bosporus. Robu, while discussing the evidence for Megarian deities in this region, notes the religious innovation and dynamism that ensued in recognition of regional geographic circumstances, especially their contact zone nature. He focuses in particular on the emergence of cults of gods and heroes protecting sailors navigating the challenging straits. Robu underlines, like Antonetti, the Greeks’ capacity for religious innovation, while not necessarily forgetting the cults that they brought with them from home. Robu’s contribution includes discussion of Ajax, who is the subject of François Quantin’s contribution on the transition of Ajax from hero to god at Apollonia in Illyria. This occurred in the context of regional antagonism between the Corinthian settlement at Apollonia and the Locrians who settled nearby, as revealed by an inscribed helmet, dating to 490–480 BC, dedicated by Apollonia as booty at Olympia. This Greek versus Greek conflict can be seen as a continuation of tensions transferred from Greece to Illyria, and thus serves as an example of competition within the Greek diaspora. Quantin very valuably observes that the conflict between Apollonia and Locris in Illyria, as played out via Ajax, was another kind of middle ground, a concept usually applied to relations between Greeks and natives. Interaction with the diaspora is a theme also found in the contribution by Catherine Dobias-Lalou on the lexicon of Cyrene’s Greek dialect, particularly

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a series of unique words. She raises the important question of whether the Libyan language influenced Cyrene’s dialect, concluding that, despite the number of Libyan personal names known from Cyrene, the relative remoteness of the region and the arrival of successive waves of Greek settlers helped to keep alive and evolve the city’s Archaic Doric dialect. With this work, Dobias-Lalou offers valuable evidence of another way to speak Greek to be set alongside our usual Athenocentric perspectives of the Greek language and its many dialects. Airton Pollini’s contribution on the round assembly buildings of the western Greeks highlights an architectural peculiarity whose origins and functions are investigated as far as they can on present evidence. He considers whether the concept of the round building could have come from Greece or other parts of Italy, outside the Greek sphere, arriving at a negative conclusion. Instead, Pollini picks up Roland Martin’s old idea that circular buildings developed in the agora around an important tomb or funerary space of the community. This Pollini connects with sacred circles found in ancient Greek writers, further hypothesising that the round buildings of the western Greeks represent conscious archaising on their part as a form of self-affirmation vis-à-vis the Greece that they had left. Questions of identity are also central to Arianna Esposito’s contribution dealing with two of Taras’s dedications at Delphi from around the time of the Battle of Salamis. It is the unique interplay of these dedications, one is to Taras’s victory over its regional neighbours, the Messapians, and the other to the Greeks’ victory over the Persians, that Esposito rightly finds intriguing and deserving of an explanation. She views the dedications as places of memory intended to reaffirm Taras’s original Greekness over the barbarian Messapians and to associate it with the Panhellenic collective identity forged out of the victories over the barbarian Persians. Taras sought to emphasise its double identity, that it could be Greek in one way while relating to being Greek in another. The final contribution in part two by Irad Malkin is devoted to the vexed question of whether Greek women participated in the foundation of Greek ‘colonies’. After considering carefully the existing ancient evidence, comparative perspective from settler societies and the possibility of native women, he expands on the line of his late teacher John Graham that Greek women were essential for the establishment and teaching of oikos and polis religion. Malkin argues that the Greekness of the ‘small Greek world’ would simply not have been possible without Greek women and mothers teaching other Greek women and mothers the necessary religious rituals. A knock-on effect of this argument is Malkin’s scepticism that mixed marriages between native women and Greek men occurred on any significant scale, an argument which he describes as ‘phantom’. This makes me wonder whether the heightened concern for

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female colonial society in the 19th century, for which Grote and Macfie, quoted earlier, were hardly exceptional, motivated scholars of ancient Greek ‘colonisation’ to make it one of the central issues of ‘native-settler’ interaction in a way that may have exaggerated the issue to some degree. All in all, what the articles in this part reveal to me is both the role played by local and regional circumstances and peoples and the connectedness of Greeks abroad with Greeks at home, further illustrating the appropriateness of the term ‘diaspora’ that recent scholarship has employed. In the third and final part, entitled ‘Productions matérielles et identités culturelles’, the importance of taking material culture on its own terms becomes manifest from reading all seven articles. What comes to mind are the words of Charles Eames, the American designer: ‘The details are details. They make the product. The connections, the connections, the connections. It will in the end be these details that give the product its life.’16 Martine Fourmont launches this part with a case study on the important city of Selinous in south-western Sicily. A close and careful reading of the material highlights how PhoenicioPunic culture shaped Selinous’s cultural development before 409 BC, when Carthage destroyed the city. This can be seen in the choice of iconography and craft technology little appreciated until now. Selinous’s western Sicilian setting is the focus of Enrico Caruso’s contribution on the part played by Phoenicio-Punic culture in the development of war machinery and fortifications. This culture is often sidelined in such discussions in favour of the Greeks, but through a detailed study of various sites he demonstrates how cutting-edge solutions were developed. Caruso ends by emphasising how we cannot write history simply through Greek eyes, and that Phoenicio-Punic culture must be included in what made, and was, Greek culture in Sicily, and elsewhere for that matter we might add. Morgan Belzic returns us to Cyrene with an in-depth treatment of the funerary sculpture depicting goddesses or ‘mourning women’ that once crowned in the thousands the city’s burials. These sculptures, although made of imported marble from the Aegean, developed their own characteristics, especially their aprosopia. Of the three possible explanations put forth for the appearance of this feature – Libyan, Phoenician or Greek – Belzic jettisons native or external influences, opting instead for local Greek innovation tied to Cyrene’s religious beliefs and needs. He closes with an important methodological reminder: linking this innovation with the idea of periphery is a modern viewpoint that cannot be substantiated. In the next contribution, Reine-Marie Bérard provides an important reassessment of Gillian Shepherd’s argument that Sicilian Greek burial practices 16

https://www.brainyquote.com/authors/charles_eames.

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diverged from those of their place of origin and were intended as markers of their independent identities. She begins by addressing how the field has changed over the past two decades, when scholarship first started to contemplate seriously the possibility of the local evolution of Greek ‘colonial’ culture. Since then, of course, it has become commonplace to provide local and regional explanations for the development of Greek culture abroad, but, as Bérard demonstrates, recent excavations at Megara Nisaea supply new evidence that reduces significantly the divide in burial practices that Shepherd postulated. Bérard’s work serves as a valuable reminder that culture could be transferred and implanted by migrants, and in doing so she goes far in dismantling the case for another way of burial. Bérard’s research is situated in the larger context of her involvement in the publication programme of the French excavations at Megara Hyblaea, and it is this participation in field research that the next three contributions share with hers. Iulian Bîrzescu draws our attention to Milesian transport amphorae with painted bands. Though produced in the same workshops as the better known transport amphorae without decoration, they are generally found only at Miletus and most likely served local, versus external, needs. This conclusion provides interesting insight into how the differences between these transport amphorae and their markets were indicated. Francesca Mermati, in a highly interesting study devoted to pottery, reveals the intercultural dialogues that occurred between Greeks, Phoenicians and native populations in two southern Italian regions in the 8th and 7th centuries BC. Through close attention to this material, she illustrates how Phoenician and native elements were added to the Greek matrix. Use determined the choices made, and the result was a complex and polysemic hybrid. It is too simple, Mermati observes, to describe this pottery as copies. In a similarly careful study of pottery, Daniela Ugolini focuses on the choices made by consumers in southern French sites between the 6th and 4th centuries BC. To highlight only two such choices, the cooking wares uncovered at Marseilles show strong native features, and those of Béziers were originally derived from the Tyrrhenian area. Ugolini stresses in general that it would be wrong to read into all this a loss of Greek identity or the absence of a Greek presence. This and the previous contribution are very worthy reminders that another way to be Greek could occur through pottery manufacture and usage in ways not commonly thought. As I hope to have shown in my highlights, the contents of this volume provide new research and perspectives on ‘Another Way to be Greek’. Nevertheless, the discussion has hardly been exhausted. This raises the question of where scholarship can go next. As with any edited volume, the contents naturally reflect the personal scholarly networks of the organisers. In this case, this means the western Mediterranean and Black Sea in the Archaic and Classical periods. While certainly other avenues of research exist for these

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regions and time-periods, other geographical regions, such as Croatia, Thasos and Chalcidice, and the Hellenistic period as a whole have not been at all addressed here. The same holds for other research topics, including gender, economy, environment, space and greater attention to ancient and modern historiography. The scholarly framework developed here could be fruitfully applied to all these (and more) topics, times and regions. The two areas of research that the colloquium organisers decided not to focus on, because of the immense attention they had previously received, could also be revisited in future work. These two research areas are, in their own words: 1) ‘un intérêt soutenu pour des phénomènes d’hybridation et d’interpénétration culturelle’, and 2) ‘d’aborder moins les interactions entre les Grecs et les populations locales que les productions originales des Grecs en milieu colonial’.17 The contents of this volume provide much food for thought to revisit whether these two areas of research should be given the prevalence going forward that they have had in scholarly research. Is hybridity really the appropriate framework to describe so many of the results of cultural interaction? Did local populations play as great a role as claimed in modern scholarship? Have local factors been exaggerated somewhat to the detriment of the Greek diaspora? The contents of this volume permit us to reflect upon these questions. While all the articles in the volume provide fascinating new research on ‘Another Way to be Greek’, I would like to emphasise that the end-goal of this exercise is not to generate lists of the original productions. One of the achievements of this volume is that it changes the way we tell the story of the ancient Greeks. This has to be one of the overarching goals of future scholarship. Michel Gras has put his finger on what is at stake; his words deserve quotation in full: La colonisation grecque est-elle une thématique qui veut son autonomie par rapport à l’histoire grecque? Aucunement, et il ne faudrait pas inverser les rôles. Nous n’avons jamais suggéré d’arracher des pages de l’histoire d’Athènes pour mieux comprendre Syracuse, et ceux qui travaillent sur les périphéries grecques suivent de près les travaux sur la société de la Grèce archaïque. Je ne suis pas sûr que la réciproque soit toujours vraie. Paris peut oublier la province mais la province ne peut oublier Paris… Il serait bon, précisément, que l’histoire grecque soit comprise dans les universités européennes [and beyond, I might add] comme l’histoire du monde grec et non seulement comme l’histoire de la Grèce, ne seraitce que pour ne pas pénaliser les jeunes chercheurs qui travaillent sur l’Occident ou la Mer noire. Reconnaissons toutefois que de réelles avancées ont eu lieu sur ce point, au moins en France, depuis trente ans.18 17 Cf. https://www.inha.fr/fr/agenda/parcourir-par-annee/en-2016/novembre-2016/colloque-uneautre-facon-d-etre-grec.html (consulted, 12 June 2018). 18 Gras 2016, 243. Out of a worry that impatient readers of French may gloss over this longish passage and its important message, I offer the following translation: ‘Is Greek colonisation

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What Gras is suggesting also chimes in well with recent scholarly developments in the study in migration history. Between the 1830s and the 1960s, national historiography tended to ignore and malign emigration and immigration as subjects of study: migrants who left were an uncomfortable part of the national story, and immigrants received at the other end were acknowledged only as examples of successful national assimilation.19 It is high time to move the study of Greek history, and the topic of ‘Another Way to be Greek’, from these unfavourable polarisations, and to bridge the gap that Gras has identified. We are now used to talking about mobility, connectivity and the decentring of the ancient world. This is part of the other side of that coin. What, for me, is essential to move forward is a change in mind-set, or at least a willingness to be inclusive and recognise the diversity of the ancient Greek world. Similarities and differences clearly existed in the ancient Greek world. However, as the editors so rightly note in their introduction, negative opinions regarding the value of cultural interactions and their outcomes have existed since antiquity. People in general, and surely not just the ancient élite authors voicing these views, had mixed opinions about mixing. Such differences of opinion continue today about, say, globalisation, immigration and integration. ‘Plus ça change, plus c’est pareil’, as the popular adage states. But that is the very point I seek to make – it is all relative. At the very foundation of how we may feel about ‘Another Way to be Greek’ are value judgments. Value judgments will continue to exist in society at large, but realising that they are precisely that – value judgments – is an important first step in advancing scholarship. The ancient Greeks and their cultural outcomes outside the ‘firewalled’ centre of Greece were not necessarily any better or any worse than others; they just were. They were conditioned by and presented with different local and regional circumstances and opportunities that led to their development. At the same time, they interacted and shared cultural features with other Greeks in the diaspora, but they were not necessarily inferior or secondary in any sense either. We have to come to terms in accepting these facts, unless we want to fall back into the idealisations of ancient Greece and resort to the a subject that wants its autonomy in relation to Greek history? Not at all, nor should one inverse roles. We have never suggested tearing pages out of Athens’s history to understand better Syracuse, and those who work on the Greek peripheries follow closely work on the society of Archaic Greece. I am not sure that the opposite is true. Paris can forget the province, but the province cannot forget Paris… It would be good, to be precise, that Greek history be understood, in European universities [and beyond, I might add] as the history of the Greek world, and not solely as the history of Greece, if only not to penalise the young researchers who work on the West or the Black Sea. Let us recognise, nevertheless, that real advances have been made on this front, at least in France, over the last thirty years’. 19 Harzig, Hoerder and Gabaccia 2009, 1.

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blanket condemnations that divergences from this ideal have long received. This volume as a whole goes a long way in illustrating the inclusivity and diversity of the ancient Greek world, and in doing so it can serve as a salutary reminder of how another way of being has had a deep, and contested, history.

BIBLIOGRAPHY Challis, D. 2010: ‘“The Ablest Race”: The Ancient Greeks in Victorian Racial Theory’. In Bradley, M. (ed.), Classics and Imperialism in the British Empire (Oxford), 94–120. De Angelis, F. 2018: ‘Anthropology and the Creation of the Classical Other’. In Varto, E. (ed.), The Classics and Early Anthropology: A Companion to Classical Reception (Leiden), 349–64. Gras, M. 2016: ‘Observations finales’. In Donnellan, L., Nizzo, V. and Burgers, G.-J. (eds.), Conceptualising Early Colonisation (Contextualising Early Colonisation 2; Institut Historique Belge de Rome/Belgisch Historisch Instituut te Rome, Artes 6) (Brussels/Rome), 243–46. Grote, G. 1846–56: A History of Greece, 12 vols. (London). Harzig, C., Hoerder, D. and Gabaccia, D. 2009: What is Migration History? (Cambridge). Macfie, M. 1865: Vancouver Island and British Columbia: Their History, Resources, and Prospects (London). Macgregor Morris, I. 2008: ‘Navigating the Grotesque: or, Rethinking Greek Historiography’. In Moore, J., Macgregor Morris, I. and Bayliss, A.J. (eds.), Reinventing History: The Enlightenment Origins of Ancient History (London), 247–90. Malkin, I. 2017: ‘Hybridity and Mixture’. In Alessio, A., Lombardo, M. and Siciliano, A. (eds.), Ibridazione e integrazione in Magna Grecia: Forme, modelli, dinamiche (Atti del cinquantaquattresimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto 25–28 settembre 2014) (Taranto), 9–27. Marconi, C. 2012: ‘Sicily and South Italy’. In Smith, T.J. and Plantzos, D. (eds.), A Companion to Greek Art, vol. 1 (Oxford), 369–96. Sussman, R.W. 2014: The Myth of Race: The Troubling Persistence of an Unscientific Idea (Cambridge, MA).

LIST OF CONTRIBUTORS

Claudia Antonetti Université Cà Foscari, Venise [email protected]

Catherine Dobias-Lalou Université de Bourgogne [email protected]

Alexandru Avram Le Mans Université [email protected]

Adolfo J. Domínguez Universidad Autónoma de Madrid [email protected]

Morgan Belzic École Pratique des Hautes Études, Paris [email protected] Reine-Marie Bérard École française de Rome [email protected] Hugues Berthelot Université Paris-Sorbonne [email protected]

Arianna Esposito Université de Bourgogne [email protected] Martine Fourmont Membre honoraire du CNRS, Institut de Recherche sur l’Architecture Antique, Paris [email protected] Maurizio Giangiulio Université de Trento [email protected]

Iulian Bîrzescu Institut d’archéologie ‘Vasile Pârvan’ Bucarest [email protected]

Irad Malkin Tel Aviv University [email protected]

Enrico Caruso Directeur du Parc Archéologique de Sélinonte [email protected]

Francesca Mermati MIBACT – Parco Archeologico dei Campi Flegrei [email protected]

Michela Costanzi Université de Picardie Jules Verne, Amiens [email protected] Madalina Dana Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne [email protected] Franco De Angelis University of British Columbia, Vancouver [email protected]

Airton Pollini Université de Haute-Alsace, Mulhouse [email protected] François Quantin Aix-Marseille Université [email protected] Adrian Robu Académie Roumaine (IESEE)/École Pratique des Hautes Études, Paris [email protected]

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LIST OF CONTRIBUTORS

Pierre Rouillard Directeur de recherche émérite au CNRS ArScAn – UMR 7041 [email protected]

Daniela Ugolini Chargée de Recherche au CNRS Centre Camille Jullian, UMR 7299 Aix-Marseille Univ-CNRS-MC, Aix-en-Provence [email protected]

INDEX

Abantide/Abantes: 81, 171, 172 n. 44, 173– 74. Acarnanian: 77, 79, 80, 84. Achei/acheo: 104, 114–19. Acheron river: 59, 69–70. Adriatique – Adriatic: 66, 162, 169, 173, 214 n. 8. adyton: 260, 262. Agde – Agathè: 20, 22–23, 407, 423 n. 48, 425 n. 63. Agéladas: 215, 220, 222 n. 44, 223. agora: 98, 150, 185, 187, 195, 197–98, 200–01, 203–04, 206, 209, 239, 296– 97, 440. Agoraios (Zeus): 198, 207, 248. Agrigente – Agrigento: 105, 107, 195, 197 n. 8, 200–03, 209, 264, 275. Ajax: 149–51, 158, 161, 163–67, 172, 439. alphabet: 6, 24, 60, 63, 163, 171, 173–74, 180–81, 247, 260, 288–89. Amantes/Amantia/Amantis: 63, 81–82, 84. Ambracie – Ambracia/Ambracian Gulf/ Ambracus: 59, 64–66, 72, 74–80, 82– 84, 163, 438. Amnammos: 179. Amphilochus/Amphilochia/Amphilochian: 77–80, 84, 438. amphore: 21, 338, 351–56, 360, 411, 416, 418, 421, 423, 424, 427 n. 72, 442. Ampurias – Emporion: 14, 16–20, 22–24, 79, 239, 416 n. 26, 423 n. 48, 425–26, 437. Antipolis: 22. Aôos – Aoos: 64, 82–83, 164, 166–67, 174 n. 60. apoikia: 1, 6–7, 13–14, 16, 20–23, 25, 104, 131, 149, 151, 158, 226, 235, 238, 356, 436–37, 439. apoikoi: 106–07 n. 14, 158. Apollon: 59, 64, 66, 138 n. 41, 150, 154, 157, 161, 163, 165–67, 169–75, 184–85,

207 n. 43, 217, 220–21 n. 36, 226–28, 260, 322, 439. Apollonia d’Illyrie/Apolloniate – Apollonia of Illyria: 74–75, 80–84. Apollonia de Cyrénaïque: 180, 309, 315, 328. Apollonia du Pont: 360, 423 n. 49. aporytiazôn: 179. aprosopie/aprosope: 309–10, 313–19, 323– 24, 327–29, 441. architecture: 197, 202–03, 207 n. 43, 209, 259–60, 262–63, 295, 320–21, 328, 436. Argonautes: 112, 152–54, 156–58. Aristarchè – Aristarche: 20, 240 n. 18, 243. aristokratia: 97. Artémis: 18, 20, 22, 73, 149, 150, 155, 157, 175, 185–86, 243–44, 248. artigiano/artigianale – artisan: 24, 115, 268, 273, 313, 320, 328, 364–66, 368, 371–72, 384–85, 391, 409, 425. association cultuelle: 132, 133 n. 7. atelier – bottega – workshop: 21, 24, 72, 221, 259, 271, 273, 275, 323–24, 327–29, 351, 353, 356, 360, 363, 365– 66, 382, 384, 386, 390, 407, 409, 411, 425, 427, 442. Athéna – Athena: 68, 151, 248, 262, 270, 275. Athènes – Atene – Athens: 16, 18, 40–44, 47–48, 50, 73, 78–80, 85, 94–96, 98, 100–01, 104, 106, 107 n. 18, 120, 165, 182, 197, 224, 235, 237, 244, 262, 268, 389, 399, 418 n. 31, 434, 438, 443–44 and n. 18. Athenocentrism: 434, 440. barbare – barbarian: 1–2, 17–18, 22, 34, 39 n. 21, 60, 78–80, 81 n. 104, 84, 172 n. 44, 213 n. 2, 214–15, 217, 220, 222, 225–26, 228, 230, 259, 334, 438, 440.

450

INDEX

barbaros polemos: 214, 217, 222, 226. Battos: 161, 180–82, 184, 239. Bébryces: 154. Béziers: 407, 410–11, 413–28, 442. Black Sea – Mer Noire: 2, 5, 6 n. 19, 33, 40, 41 n. 26, 43–44, 131, 133, 142, 149, 152–53, 155–56, 235, 245, 251, 351, 356, 360, 413, 439, 442–43, 444 n. 18. bottega see atelier bouleuterion: 197, 201. bounoi: 183, 191. Bouthroton: 67–69, 72, 84. British Columbia: 434–35. burial practices – pratiques funéraires: 333, 335–36, 338, 340, 342, 344, 346, 348, 441. Byzance/Byzantin – Bisanzio: 110, 149– 52, 154, 156–58. Byzas: 154, 157–58. Calcedone see Chalcédoine Calchas: 150. Calcide/Calcidesi/calcidese – Chalcis/ Chalcidian: 21, 42, 47, 52, 96 n. 12, 103–08, 114, 118–21, 123, 167–69, 171 n. 38, 172–74, 223, 382 n. 54. calendario: 105–07, 109–10, 119. Callatis: 136–37, 140. Carie – Caria/Carian: 235, 237, 247 n. 46, 353. casque de type chalcidien: 167–70, 171 n. 38, 172–74. cella hypogée: 340. cénotaphe: 206. ceramica – pottery: 17, 21, 25, 61, 64–65, 67, 69, 71–73, 75–77, 110, 247 n. 43, 338, 351–56, 360, 363–66, 368, 373, 375–76, 380–81, 385–86, 389, 392– 93, 401, 407, 409–14, 416, 418, 420– 27, 442. céramiques à pâte claire: 407, 414, 418. céramique grise monochrome: 409, 412– 14. céramique non tournée: 409 n. 4, 410, 412–13, 420, 421 n. 42, 423, 424 n. 55, 425–26. céramique pseudo-attique massaliète: 418.

céramique/vaisselle/vase à feu – cooking wares: 17, 25, 351, 356, 410–11, 420– 23, 425 n. 65, 426, 442. Chalcédoine/Chalcédonien – Calcedone – Chalcedon: 110, 149–51, 154–55, 157. Chaonie – Chaonian: 67, 78, 81–82, 84, 163. Chios: 239 n. 15, 272 n. 28, 353, 414. Clazomènes: 353. colonie ‘miste’: 111. comitium: 199, 205. commerce: 2, 23, 41 n. 26, 42 n. 31, 351– 52, 408, 410 n. 7, 435. connectivité – connectivity: 13, 444. contact(s): 1–2, 4, 6–7, 13, 59, 63, 65–66, 68, 71–72, 74, 83–85, 158, 175, 179, 182, 188, 191, 221, 246, 309, 317–18, 333–34, 363, 423, 438–39. cooking wares see céramique/vaisselle/ vase à feu copies: 98, 401, 414, 421, 423, 442. Corcyre/Corcyréen – Corcyra/Corcyrean: 50, 63–75, 77, 80–81, 83, 162, 171 n. 39, 172–74, 243 n. 31. Corinthe/Corinthien – Corinto – Corinth/ Corithian: 6, 34, 60, 62–63, 66, 69, 71–77, 79 n. 92, 80–84, 95, 102, 109, 150, 161–63, 171, 172 n. 44, 173–75, 239, 260, 264, 268, 270, 273 n. 31, 319, 334 n. 6, 335, 337–38, 343, 347, 381, 385, 392, 413–14 nn. 19–20, 425 n. 63, 427, 438–39. corinzio/corinzieggianto: 367–68, 389, 399– 400. Crotone/Crotoniate: 113–14, 116–17, 166, 205, 220–21 n. 36, 227. Cumes – Cuma/cumano – Kyme: 109, 111–13, 179–85, 187–91, 363–65, 368– 70, 372–73, 377, 381–82, 384, 389 n. 72, 400. Cypselos/Cypselidai: 64, 75. Cyrénaïque: 179–81, 184, 189, 309, 313, 316, 318. Cyrène/cyrénéen – Cirene – Cyrene: 93, 95, 98–99, 100, 316–20, 323–24, 328–29.

INDEX

Dame d’Elche: 24. Delphes – Delfi – Delphi: 20, 33, 36, 38 n. 17, 39, 40 n. 22, 42, 45, 48, 50, 113, 136–37, 174, 203–04, 213–16, 220–21, 223, 225–26, 228–29, 240, 242, 375, 440. Déméter – Demeter: 132, 136, 180, 187, 242–43, 266, 314–15. demi-statue: 310, 313–17, 320–22, 327. demokratia: 96–97. diaspora/diasporique: 1, 5–6, 13, 172, 175, 439, 441, 443–44. Dionysos: 137–38, 141–42, 150, 157, 245, 249. Dodone – Dodona: 59–61, 63, 65–66, 73, 75–77, 82, 84, 163, 171–72 nn. 39 and 43, 173. dorien – dorico – Doric/Dorian: 60, 93– 94, 101, 103, 105–08, 112, 117, 119 n. 67, 121, 182, 183 n. 8, 184, 188, 191, 438, 440. Douze Dieux: 152, 155–58. échange(s) – exchange(s): 1, 4, 7, 13–16, 19, 25, 43, 65, 68, 72, 132, 175, 259, 278, 319, 334, 410. ecista – œciste – oikistes: 17, 20, 25, 84, 105, 113–14, 119, 154, 226–27, 229, 239, 249, 365. écriture gréco-ibère: 24. ekklesiasterion: 195, 197–99, 201–05, 207, 209. élyme: 284, 288, 297. emporion: 13–20, 22–25, 68, 247, 437. Emporion see Ampurias enceinte: 19, 25, 198, 224, 281–83, 285, 288, 296–97, 302–03, 305. Épidamne-Dyrr(h)achion/Épidamnien – Epidamnus: 74–75, 161, 163–67, 175. Épire – Epirus: 59–60, 63–64, 66, 69–75, 77, 79–80, 82–85, 163, 164 n. 10, 173 n. 53. epiteichismata: 22–23. Eraclea – Héraclée du Pont: 33, 39, 42, 94, 110, 136, 156. eredità – héritage: 6–7, 95, 103–05, 108– 11, 138, 157, 334, 437. Éryx: 281, 284, 290, 302–03.

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ethnicité – ethnicity: 4, 81 n. 104, 107, 115, 117, 247, 438. Eubée/Eubéen – Eubean – euboico: 21, 42, 47, 52, 60 n. 11, 110, 150, 161, 163–64, 166 n. 19, 169, 171–74, 364, 367–69, 371, 375–76, 381–82, 384–89, 392, 398. Euryale: 282, 303. exil – exile: 93, 95, 97, 99–101. fortifications: 70, 283–84, 288, 297, 302– 03, 305. four de potier: 409, 411, 423. Francavilla Maritima: 363, 366, 385, 386 n. 65, 390–93, 396 n. 98, 399–400. Géla – Gela: 103, 105–07, 240, 120–21, 275, 335, 337, 348, 409 n. 5. Glaukos: 152, 157. Gorgos: 64, 77, 84. Grande Grèce: 131, 133, 135, 137, 141, 205–06, 214, 217 n. 21. Greekness: 438, 440. hellénisation – Hellenisation: 4, 78, 85, 433–34, 438. Hellénisme – Hellenism: 134, 161, 163, 259, 408, 426, 433–34, 439. Hellenocentrism: 434. Hemeroskopeion: 24. hémicycle: 196, 198, 205, 206 n. 38, 215. Héraclée du Pont see Eraclea Héraclès: 152, 156, 200, 227. héritage see eredità herôon: 141, 154, 207–08. héros – hero: 139, 141–42, 161, 149–51, 154–58, 161, 163–67, 206, 209, 218, 220–21, 225–26, 228–29, 246, 439. Hiéron: 149, 152, 155–58. hinterland: 14–15, 18–19, 22–23, 25, 246, 248. Histria see Istros homeland – métropole – metropolis – madrepatria: 2, 6–7, 74, 95, 102–05, 107–18, 149–50, 157, 162, 179, 206, 209, 238, 309, 333–36, 338–39, 342– 44, 346–48, 351, 354, 364, 368, 390, 395, 438. hybrid/hybridity: 4, 85, 235, 248, 436, 438, 443.

452

INDEX

Iapyges: 218, 220, 223, 224, 226, 228. Illyrie/illyrien: 60, 64, 80–81, 161, 163– 64, 166–67, 169, 171–72, 174–75, 439. indigènes – indigeni – indigenous: 4, 15–21, 23–25, 36, 154, 161–62, 181, 191, 200, 214–15, 216 n. 17, 217, 227, 229, 281, 334, 344, 347, 363, 370–73, 381–82, 384, 386, 390–92, 398, 400, 407–09, 410 n. 7, 412–14, 418 n. 31, 420, 423–27. inhumation: 338–39, 346–47. initié/initiation: 132, 134–37, 139, 235, 245. interactions: 1, 6 n. 19, 7, 13, 59, 65–66, 72, 76, 80, 85, 120, 335 n. 8, 436–38, 441, 443–44. Ionie/ionien – Ionia/Ionian: 24, 35, 38, 59, 66, 68, 94, 101, 134, 164, 169, 172 n. 44, 173, 181, 183, 235, 237, 243, 271–72, 351–54, 356, 360, 427, 438. Istros/Istrien/Histria: 33, 36, 153–54, 166, 356, 360, 423 n. 49, 426–27 n. 69.

lachos: 179, 185–87. Laïs: 34. lambda eubéen/corinthien: 169, 171, 173– 74. lamelles d’or: 133–36, 139, 141–42. lampe à huile: 424. Libye/Lybien – Libia – Libya/Libyan: 112–13, 153, 179–80, 188, 191, 239– 41, 246, 251, 309, 315, 317–19, 327, 440–41. libyque: 99, 181–82, 190–91, 320. Lilybée: 290–91, 293, 296, 301, 303, 305. Locres/Locrien/Locride – Locri/Locrian: 49, 81–82, 135, 161, 163–67, 169, 171– 74, 249, 275, 382, 385, 439.

mariage – marriage: 20, 235, 238, 239 n. 13, 240–41, 243, 246, 247 n. 43, 440. Marseille – Marseilles – Massalia/massaliète/Massalians: 14, 17–18, 20–24, 239, 243, 251, 278, 296, 407–08, 410–14, 416, 418, 420–21, 423–28, 437, 442. Mas de Pascal: 409. Mégara/mégarien – Megara/megareso – Megara/Megarian: 6, 94–95, 109–10, 136–37, 149–52, 157–58, 165, 259, 296–97, 299, 333, 302, 335–44, 346– 48, 423 n. 49, 439, 442. memoria culturale: 111. Ménippos de Sinope: 34, 41. Méote: 42–43, 50. Mer Noire see Black Sea Métaponte/métapontin – Metaponto/metapontino – Metapontum: 114, 116–17, 118 n. 61, 195, 197 n. 8, 198–99, 201– 02, 207 n. 43, 209, 214 n. 8, 275, 342, 354, 413. métissage: 4, 174, 238, 241. métope: 264, 266, 268, 272–73. métropole see homeland metropolis see homeland Middle Ground: 4, 6, 13, 175, 439. Milet/milésien – Mileto/mileso – Miletus/ Milesian: 94, 101 n. 22, 104, 109–10, 134, 154, 181, 236–37, 245, 247 n. 46, 251, 262, 351–61, 423 n. 49, 427, 442. mixité – mixing/mixed/mixity: 3, 17, 23, 79, 85, 235, 237–40, 246, 248, 434, 436, 440, 444. mobilier métallique: 342. mobilité – mobilità – mobility: 5, 6 n. 19, 14, 114, 140, 371–72, 437, 444. Molosse – Molossian: 77, 85, 161, 163. Morgantina: 196–97, 238 n. 9, 239 n. 15, 283, 343 n. 37. mortier: 411, 412 n. 12, 418, 419–21, 427–28. Mothyae: 271 n. 26, 283–85, 288, 290, 296, 301–03. mystères: 131–33, 137–39, 315.

madrepatria see homeland Marathon: 216, 221.

Nasso: 108 n. 20, 118–20. Naupacte: 36, 39, 49.

Jason: 152–53, 156–57. koilon: 201. ktisis: 113, 173, 228. ktisma: 13, 437. ktistès: 206. Kyme see Cumes – Cuma

INDEX

nécropole – necropole – necropolis: 20–21, 23 n. 55, 64, 70–72, 76, 110, 137–38, 214, 224, 275 n. 34, 302, 309–10, 314, 318, 319 n. 42, 321, 323, 327–28, 335– 38, 340, 341 n. 27, 343, 347, 348 n. 44, 366–67, 369, 373, 382, 385, 392. Nérée: 152–53. network – réseau: 4, 13, 17 n. 21, 22–23, 72, 123, 250–51, 409–10, 437, 442. nomima: 6, 103, 105–08, 118, 248, 438. nomos: 166. œciste – oikistes see ecista oikos: 235, 238, 243–44, 250–51, 440. oinochoe: 72, 367–68, 370, 376, 381–82, 389, 392, 395–96. Olbia de Provence: 22–23, 421 n. 42, 425. Olbia du Pont (Borysthène): 40–42, 110, 133, 137–39, 156, 360. Olympie – Olimpia – Olympia/Olympian: 81–82, 84, 117, 156, 161, 163–64, 167–69, 171, 173–75, 197, 439. Onatas: 220–22, 226, 229. oracle: 20, 60, 74, 136–37, 150, 152–54, 226, 228–29, 243–44. orphico-bachique: 131, 134, 137, 142, 439. orphisme: 133, 138 n. 41, 139. ostracisme: 93–96, 98–101. Paestum: 199–200, 205–06, 260, 266, 275. panhellénique – Panhellenic: 102, 136, 209, 213–15, 220, 222, 230, 241, 440. Pech Maho: 14 n. 8, 16, 18, 25, 420 n. 36. péplophore: 278. périphérie/périphérique – periphery: 1–4, 131, 134, 141, 143, 328, 434, 439, 441. Perséphone: 133, 136, 140–42, 249–50, 266, 309, 314–16. pétalisme: 93–96, 98. Peucétiens: 217–18, 220, 222 n. 44, 223. Phaistos: 135. Phalanthos: 220–21, 226–29, 249. Phénicien: 14, 16–17, 24–25, 283–84, 288, 297, 309, 318. Phocée/Phocéen – Phocaea – Phokaia/ Phokaians: 17–18, 20, 23, 236, 239, 243, 408. phonos: 214, 222–23, 225. Phorkys: 152–53, 158.

453

Phrixos: 153, 156. Pithekoussai/pithecusano: 247, 363–70, 372 n. 27, 373–77, 380–82, 384, 389 n. 72, 390, 393, 400. pithoi: 338, 411–12, 420 n. 40, 423, 424 n. 53 et 54. plaques en os: 139. plombs commerciaux: 14 n. 8, 16, 18–19. polis: 21, 37 n. 14, 66, 104–05, 107–08, 111–13, 115–16, 119, 121–22, 131–33, 134, 137–39, 141, 173 n. 53, 205, 215, 224, 227–29, 235, 242–43, 245– 51, 365, 439–40. politeia: 97, 114. polos: 69, 314–16, 371. Pont-Euxin/pontique – Ponto: 42, 109, 136– 37, 139 n. 47, 151, 155, 158, 166, 360. populations locales – local populations: 1–4, 6–7, 20, 43, 59, 71, 174, 246, 438, 443. Poséidon – Poseidon: 149, 152–58, 227, 229, 248. Poseidonia/poséidoniate: 2, 95, 197 n. 8, 198–99, 201–02, 206–09, 239 n. 15. potier: 97, 407, 409, 414, 418, 425. pottery see ceramica pratiques funéraires see burial practices prêtre/prêtresse – priest/priestess: 20, 62, 83, 165, 185, 235, 240 n. 18, 242–43, 245, 248–49. protomé: 271, 274 n. 32, 275, 316. prytaneion: 200. Punique – Punic: 18, 261, 266, 268, 270– 71, 275, 288, 290, 297, 302, 305, 407, 420, 425–26, 441. Pythagore/pythagoricien/pythagorisme – Pythagorean: 133, 195, 205–06, 227, 261. rebut: 408–09 nn. 3–4, 411. réseau see network Rhégion: 195–97, 214 n. 6, 223. Rhénée: 35, 38, 45, 51. Rhodè: 19, 22, 425. Rhodes/Rhodiens – Rhodes/Rhodians: 33, 42–43, 45, 49, 51, 181–82, 335, 337. sacrifice: 153, 156–57, 161, 164–65, 184, 186–87, 199, 241–42, 245, 249.

454

INDEX

sarcophages: 141, 310, 314, 328, 338–40, 342–47. Scythie/Scythe/Scythique – Scythian: 33, 39, 42–43, 47, 139, 141–42, 156, 239, 317, 353. Ségeste – Segesta: 238, 246, 281, 284, 288, 302–03. Sélinonte – Selinunte – Selinous: 238, 259–60, 262–64, 266, 268, 270, 271 n. 26, 275, 278, 281, 284, 286, 297, 299, 301, 303, 305, 441. Sicile/Sicilien – Sicilia – Sicily: 3, 18, 34, 63, 97–98, 103–05, 107–08, 110, 118– 23, 131, 142, 156, 195, 213, 247, 259– 60, 262, 268, 275, 278, 281–83, 290, 297, 302, 305, 333–35, 344, 347–48, 363, 381, 418 n. 34, 425 n. 63, 436, 439, 441. signe de Tanit: 275, 277. Sikeliotes: 103–04, 121–23, 247. silphion: 179, 190–91. Sinope: 33–34, 41–42, 251. Siracusa see Syracuse smireus: 179. Sparte/spartiate – Sparta/Spartan: 41, 77– 78, 80, 83, 106–07, 109 n. 25, 112, 136, 156, 166 n. 20, 188, 203–04, 228, 237 n. 5, 244, 248–49. stoa: 201, 221, 260, 297. synkletos: 202. Syracuse – Siracusa: 6, 64, 93–98, 101–05, 108, 109, 114, 117, 119–22, 248 n. 50, 260, 273 n. 31, 275, 281–83, 285, 303, 333, 334 n. 6, 335, 337, 339–41, 343, 344 n. 38, 346–48, 438, 443–44 and n. 18.

Taras (héros): 218, 220–21, 226–29, 249. Tarente/tarentin – Taranto/tarantino – Taras/ Tarentine: 118, 213–15, 217–30, 248 n. 50, 249, 440. telesphoreô/telesphoria: 179, 184–85. terres cuites: 142, 200, 221, 268, 270–71, 273–75, 316. Thasos/thasien: 242–43, 245, 268, 416 n. 26, 443. théâtre: 196–98, 205, 244, 328. Théra – Tera – Thera: 95, 102, 112, 179, 180, 240, 317, 319, 438. Thesprôtes/Thesprotide – Thesprotia: 62, 64, 66, 71, 74, 77, 81, 161, 163, 172. thiase: 136–37, 139. tholos: 203. Thourioi – Turi: 118, 135, 137, 241–42, 245. tombes plurielles: 342–44, 346–48. triakatioi: 179, 188. tyran/tyrannie – tiranno/tirannide – tyrant: 74, 84, 95, 97–98, 100 n. 18, 103, 108 n. 20, 122, 131, 182, 335 n. 9. urbanisme: 164 n. 9, 195, 328. ‘Vieillard de la Mer’: 151–54, 158. voile: 315–16, 319, 324, 327. voile de bateau: 268. workshop

see atelier

zegeries: 179, 191.

COLLOQUIA ANTIQUA 1. G.R. TSETSKHLADZE (ed.), The Black Sea, Greece, Anatolia and Europe in the First Millennium BC. 2. H. GENZ and D.P. MIELKE (eds.), Insights into Hittite History and Archaeology. 3. S.A. KOVALENKO, Sylloge Nummorum Graecorum. State Pushkin Museum of Fine Arts. Coins of the Black Sea Region. Part I: Ancient Coins from the Northern Black Sea Littoral. 4. A. HERMARY and G.R. TSETSKHLADZE (eds.), From the Pillars of Hercules to the Footsteps of the Argonauts. 5. L. MIHAILESCU-BÎRLIBA, Ex Toto Orbe Romano: Immigration into Roman Dacia. With Prosopographical Observations on the Population of Dacia. 6. P.-A. KREUZ, Die Grabreliefs aus dem Bosporanischen Reich. 7. F. DE ANGELIS (ed.), Regionalism and Globalism in Antiquity: Exploring Their Limits. 8. A. AVRAM, Prosopographia Ponti Euxini Externa. 9. Y.N. YOUSSEF and S. MOAWAD (eds.), From Old Cairo to the New World. Coptic Studies Presented to Gawdat Gabra on the Occasion of his SixtyFifth Birthday. 10. R. ROLLINGER and K. SCHNEGG (eds.), Kulturkontakte in antiken Welten: vom Denkmodell zum Fallbeispiel. 11. S.A. KOVALENKO, Sylloge Nummorum Graecorum. State Pushkin Museum of Fine Arts. Coins of the Black Sea Region. Part II: Ancient Coins of the Black Sea Littoral. 12. A.V. PODOSSINOV (ed.), The Periphery of the Classical World in Ancient Geography and Cartography. 13. A.M. MADDEN, Corpus of Byzantine Church Mosaic Pavements from Israel and the Palestinian Territories. 14. A. PETROVA, Funerary Reliefs from the West Pontic Area (6th–1st Centuries BC). 15. A. FANTALKIN and O. TAL, Tell Qudadi: An Iron Age IIB Fortress on the Central Mediterranean Coast of Israel (with References to Earlier and Later Periods). 16. C.M. DRAYCOTT and M. STAMATOPOULOU (eds.), Dining and Death: Interdisciplinary Perspectives on the ‘Funerary Banquet’ in Ancient Art, Burial and Belief. 17. M.-P. DE HOZ, J.P. SÁNCHEZ HERNÁNDEZ and C. MOLINA VALERO (eds.), Between Tarhuntas and Zeus Polieus: Cultural Crossroads in the Temples and Cults of Graeco-Roman Anatolia.

456

AUTEURSNAAM

18. M. MANOLEDAKIS, G.R. TSETSKHLADZE and I. XYDOPOULOS (eds.), Essays on the Archaeology and Ancient History of the Black Sea Littoral. 19. R.G. GÜRTEKIN DEMIR, H. CEVIZOĞLU, Y. POLAT and G. POLAT (eds.), Archaic and Classical Western Anatolia: New Perspectives in Ceramic Studies. 20. C. KÖRNER, Die zyprischen Königtümer im Schatten der Großreiche des Vorderen Orients. Studien zu den zyprischen Monarchien vom 8. bis zum 4. Jh. v. Chr. 21. G.R. TSETSKHLADZE (ed.), Pessinus and Its Regional Setting. Volume 1. 22. G.R. TSETSKHLADZE (ed.), Pessinus and Its Regional Setting. Volume 2: Work in 2009–2013. 23. I. MOGA, Religious Excitement in Ancient Anatolia. Cult and Devotional Forms for Solar and Lunar Gods. 24. G.R. TSETSKHLADZE (ed.), Phrygia in Antiquity: From the Bronze Age to the Byzantine Period. 25. L. MIHAILESCU-BÎRLIBA (ed.), Limes, Economy and Society in the Lower Danubian Roman Provinces. 26. M. COSTANZI and M. DANA (eds.), Une autre façon d’être grec: interactions et productions des Grecs en milieu colonial/Another Way of Being Greek: Interactions and Cultural Innovations of the Greeks in a Colonial Milieu. 27. G.R. TSETSKHLADZE (ed.), Ionians in the West and East. 28. G.R. TSETSKHLADZE et al. (eds.), Archaeology and History of Urartu (Biainili). 29. M.-P. DE HOZ, J.L. GARCÍA ALONSO and L.A. GUICHARD ROMERO (eds.), Greek Paideia and Local Tradition in the Graeco-Roman East.

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