Précis de l'histoire du Mouvement ouvrier allemand [Reprint 2021 ed.] 9783112590386, 9783112590379

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Précis de l'histoire du Mouvement ouvrier allemand [Reprint 2021 ed.]
 9783112590386, 9783112590379

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PRÉCIS D E L'HISTOIRE D U M O U V E M E N T OUVRIER ALLEMAND

Précis de l'Histoire du Mouvement ouvrier allemand

AICADEMIE-VERLAG 1964

• BERLIN

Erschienen im Akademie-Verlag GmbH, Berlin W 8, Leipziger Straße 3—4 Copyright 1964 by Akademie-Verlag GmbH Lizenz-Nr. 202 • 100/161/64 Gesamtherstellung: VEB Druckerei „Thomas Müntzer" Bad Langensalza Bestellnummer 552I/B • ES 5C4 (6B6).

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

La La La La La

première période principale deuxième période principale troisième période principale quatrième période principale cinquième période principale

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10 13 14 17 22

CHAPITRE I

Les débuts du mouvement ouvrier allemand. Formation du communisme scientifique et création du premier parti révolutionnaire du prolétariat par Karl Marx et Friedrich Engels. La révolution de 1848—49. (Période du début du mouvement ouvrier allemand jusqu'en 1849)

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CHAPITRE II

Le développement du communisme scientifique par Karl Marx et Friedrich Engels. La lutte en faveur d'un parti de masse révolutionnaire de la classe ouvrière allemande et pour l'unification révolutionnaire et démocratique de l'Allemagne. La fondation de la Première Internationale. La fondation du Parti Ouvrier Social-Démocrate. (Périodede 1849 à 1871)

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CHAPITRE III

Les enseignements de la Commune de Paris (1871). Le centre du mouvement ouvrier international se déplace vers l'Allemagne. La lutte de la classe ouvrière allemande contre le militarisme prusso-allemand et l'évolution de la social-démocratie allemande vers un parti de masse révolutionnaire. La constitution de la Deuxième Internationale. (Période de 1871 à la fin du siècle)

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CHAPITRE IV

Le début de l'époque de l'impérialisme. Le transfert du centre du mouvement ouvrier international vers la Russie. La naissance du léninisme et la fondation du Parti bolchevik sous la direction de V. I. Lénine. Les luttes de masses de la classe ouvrière allemande — sous l'influence de la révolution de 1905—1907 en Russie — contre la réaction et le danger de guerre. Cristallisation des trois courants dans la social-démocratie allemande et la prépondérance de l'opportunisme. La lutte des Gauches allemands contre l'impérialisme et le militarisme allemands ainsi que contre l'opportunisme au sein du mouvement ouvrier. (Période de la fin du siècle à 1914)

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CHAPITRE V

La guerre mondiale impérialiste. La faillite de la Deuxième Internationale. Le passage ouvert des dirigeants de droite du Parti Social-Démocrate et des syndicats dans le camp de l'impérialisme. La lutte des Gauches allemands contre la

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guerre impérialiste, le social-chauvinisme et social-pacifisme. L'essor du mouvement de masse contre la guerre. L'influence de la Révolution de Février en Russie sur l'Allemagne. (Période de 1914 à 1917)

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CHAPITRE V I

La Grande Révolution Socialiste d'Octobre et ses répercussions en Allemagne. L e début de l'époque historique universelle du passage du capitalisme au socialisme. La Révolution de Novembre et la fondation du Parti Communiste Allemand. (Période de novembre 1917 à janvier 1919)

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CHAPITRE v u

La crise révolutionnaire d'après-guerre. La fondation de la Troisième Internationale. L'importance du III e Congrès mondial de l'Internationale Communiste et l'aide de V. I. Lénine à la classe ouvrière allemande. La lutte de la classe ouvrière et des travailleurs sous la conduite du P.C.A. pour la défense et l'élargissement des droits et libertés démocratiques, contre les positions-clés de la contre-révolution. Le développement du P.C.A. en un parti révolutionnaire de masse. La lutte pour la libération sociale et nationale du peuple allemand en 1923. (Période de janvier 1919 à la fin 1923) , . . .

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CHAPITRE VIII

La stabilisation relative du capitalisme. La lutte de la classe ouvrière et deS travailleurs sous la conduite du P.C.A. contre la reconsolidation de l'impérialisme et du militarisme allemands. La formation du Comité Central avec à sa tête Ernst Thàlmann et l'évolution du P.C.A. en parti marxiste-léniniste de masse. (Période de 1924 à l'automne 1929)

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CHAPITRE I X

La crise économique mondiale. Le combat du P.C.A. pour l'unité d'action de la classe ouvrière et pour un large front antifasciste contre la dictature fasciste menaçante. (Période de l'automne 1929 à janvier 1933) 105 CHAPITRE X

L'instauration de la dictature fasciste et la préparation de la deuxième guerre mondiale par l'impérialisme fasciste allemand. L'importance du VII e Congrès mondial de l'Internationale Communiste. La lutte du P.C.A. pour l'unité d'action de la classe ouvrière et le front populaire antifasciste pour renverser la dictature hitlérienne et pour empêcher la guerre. (Période de janvier 1933 à août 1939) . . 1 1 5 CHAPITRE X I

La deuxième guerre mondiale déclenchée par l'impérialisme fasciste allemand. La lutte de la résistance antifasciste soùs la conduite du P.C.A. pour mettre fin à la guerre en renversant la dictature hitlérienne. L'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne hitlérienne et la Grande Guerre Patriotique du peuple soviétique. La fondation du Comité National « Allemagne Libre ». L'anéantissement du fascisme hitlérien sous les coups de la glorieuse armée soviétique. (Période de septembre 1939 à mai 1945) 126

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CHAPITRE XII L a f o r m a t i o n d u c a m p socialiste. L a lutte d e la classe o u v r i è r e a l l e m a n d e et de ses alliés s o u s la d i r e c t i o n d u parti marxiste-léniniste p o u r la c r é a t i o n d e l ' o r d r e antifasciste-démocratique. L ' u n i f i c a t i o n d e la classe o u v r i è r e par la f u s i o n d u P . C . A . et d u S . P . D . e n Parti Socialiste U n i f i é d ' A l l e m a g n e . L e m o u v e m e n t d u C o n g r è s d u p e u p l e p o u r l ' u n i t é et u n e p a i x juste, c o n t r e la p o l i t i q u e impérialiste de la scission de l ' A l l e m a g n e . ( P é r i o d e de 1945 à 1949)

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CHAPITRE XIII L e r e n f o r c e m e n t d u c a m p socialiste. L a f o n d a t i o n d e la R é p u b l i q u e D é m o c r a t i q u e A l l e m a n d e . L a lutte m e n é e s o u s la c o n d u i t e d u S . E . D . , par la classe o u v r i è r e et les partis et o r g a n i s a t i o n s de masses, u n i s dans le F r o n t N a t i o n a l d e l ' A l l e m a g n e d é m o c r a t i q u e , p o u r la c o n s o l i d a t i o n d u p o u v o i r o u v r i e r et p a y s a n et p o u r la c r é a t i o n des bases d u socialisme e n R . D . A . , ainsi q u e p o u r le rétablissement de l ' u n i t é d e l ' A l l e m a g n e e n tant q u ' E t a t d é m o c r a t i q u e et p a c i f i q u e . ( P é r i o d e d e 1949 à 1955)

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CHAPITRE XIV L e socialisme d e v i e n t la f o r c e d é t e r m i n a n t e d e l ' é v o l u t i o n sociale. L e X X e C o n g r è s d u P . C . U . S . et les C o n f é r e n c e s des partis c o m m u n i s t e s et o u v r i e r s en 1 9 5 7 et i 9 6 0 à M o s c o u . L a lutte m e n é e , s o u s la c o n d u i t e d u S . E . D . , par la classe o u v r i è r e et ses alliés u n i s dans le F r o n t N a t i o n a l d e l ' A l l e m a g n e d é m o c r a t i q u e p o u r la s a u v e g a r d e d e la p a i x et p o u r la v i c t o i r e des r a p p o r t s d e p r o d u c t i o n socialistes en R . D . A . ( P é r i o d e de 1956 à 1 9 6 1 )

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CHAPITRE XV L e X X I I e C o n g r è s d u P . C . U . S . L e V I e C o n g r è s d u S . E . D . et le p r o g r a m m e d e la c o n s t r u c t i o n e n g r a n d d u socialisme. ( P é r i o d e de 1961 à n o s j o u r s )

. . . .

195

E x t r a i t d u c o m m u n i q u é d e la 2' Session d u C o m i t é C e n t r a l d u Parti Socialiste Unifié d'Allemagne

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INTRODUCTION

Le Manifeste du Parti Communiste, acte de naissance du communisme scientifique, et la Ligue des Communistes, premier parti ouvrier international et en même temps premier parti ouvrier allemand révolutionnaire, furent créés il y a plus de cent ans. Lorsque, la veille de la révolution de 1848—49, Karl Marx et Friedrich Engels publièrent le Manifeste Communiste, ils l'introduisirent par les mots suivants : « Um spectre hante l'Europe — le spectre du communisme». Aujourd'hui, ce «spectre» est devenu la force la plus puissante de notre époque. Le socialisme, alors raillé et moqué, est aujourd'hui une réalité vivante sur de grandes parties de la terre, et devient le facteur décisif dans l'évolution de la société humaine. Le Manifeste Communiste et la Ligue des Communistes marquèrent le commencement de l'histoire des mouvements ouvriers international et allemand. Cela marqua le début de la marche triomphale du mouvement communiste dans le monde entier, marche triomphale qui, de la Ligue des Communistes qui comptait environ 400 adhérents, mena au puissant mouvement mondial des 88 partis communistes et ouvriers comptant plus de 40 millions de communistes. Cette marche triomphale atteignit son apogée, pour l'instant, dans le système socialiste mondial, et dans le passage de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques à la construction en grand de la société communiste. Des partis communistes et ouvriers éprouvés au combat dirigent aujourd'hui la destinée de puissants pays socialistes. Le communisme, rêve des exploités et des opprimés, devient une réalité dans notre génération. Dans tous les pays, dans tel pays plus tôt, dans tel autre plus tard, grâce à la lutte de la classe ouvrière et des masses populaires, conformément aux lois historiques, le capitalisme s'écroule et le socialisme et communisme se réalisent. Par son nouveau programme, le Manifeste Communiste de notre époque, le Parti Communiste de l'Union soviétique indique la voie et le but de cette marche triomphale. «Le communisme remplit le rôle historique qui consiste à délivrer tous les hommes de l'inégalité sociale, de toute forme d'oppression et d'exploitation, et des terreurs de la guerre, et crée sur la terre la paix, le travail, la liberté, l'égalité, la fraternité et le bonheur de tous les peuples ». (Programme du P. C. de l'Union soviétique). L'évolution en Allemagne constitua et constitue une partie intégrante de ce processus historique. Au cours d'une lutte compliquée et pleine

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de sacrifices qui dura plus d'un siècle et qui fut marquée par des victoires importantes et des défaites amères, lutte menée contre des classes puissantes d'exploiteurs riches en expériences et contre une forte influence de l'opportunisme de droite et du radicalisme de gauche, le mouvement ouvrier allemand révolutionnaire est devenu la force qui dirige la nation. La classe ouvrière allemande détient le patrimoine de tout ce que le peuple, au cours de son histoire, a produit de grand, de progressiste et d'humaniste. Après l'anéantissement du régime hitlérien par le glorieux peuple soviétique, la classe ouvrière, à la tête des masses populaires, remplit sa mission historique dans une partie de l'Allemagne, en préparant, après avoir exterminé l'impérialisme, la victoire du socialisme, et en frayant ainsi le passage aux lois qui régissent l'histoire. E n Allemagne également, les problèmes vitaux de la nation ne peuvent être résolus que par la défaite de l'impérialisme et par l'édification de la société socialiste. Le chemin qui y mène est tracé dans le programme du socialisme que le VI e Congrès du Parti Socialiste Unifié d'Allemagne (S.E.D.) avait adopté, et qui se base sur les expériences de l'histoire des mouvements ouvriers allemand et international et exprime la sagesse du parti de la classe ouvrière et du peuple entier. «Assuré qu'il trouvera l'approbation de l'ensemble des travailleurs, le Parti Socialiste Unifié d'Allemagne présente à tout le peuple allemand son programme de la construction en grand du socialisme en République Démocratique Allemande, de la lutte pour la paix et les intérêts de la nation. Les idées du marxisme-léninisme déterminent déjà le penser et l'action de grandes parties de l'humanité. Elles marquent de leur empreinte notre siècle qui est celui de la victoire du socialisme et communisme. Au pays natal du socialisme scientifique également, en Allemagne, les idées du socialisme, de la paix et de l'humanité triompheront; elles détermineront la nouvelle ère dans l'histoire du peuple allemand, l'ère de la vraie liberté ». (Programme du S.E.D.) L'évolution historique du mouvement ouvrier international a passé par différentes périodes principales qui sont en même temps les périodes principales de l'histoire du mouvement ouvrier allemand.

La première, période principale de l'histoire du mouvement ouvrier allemand remonte au début du mouvement ouvrier et de la naissance du marxisme, depuis la Ligue des Communistes et du Manifeste Communiste, jusqu'à la fondation du Parti Ouvrier Social-Démocrate (1869) et à la Commune de Paris (1871). Dans l'histoire du mouvement ouvrier international, c'est l'époque où 10

le prolétariat industriel moderne s'est constitué en classe, époque de la première action indépendante de la classe ouvrière contre la bourgeoisie, époque de la naissance et de l'élaboration de l'idéologie scientifique du prolétariat, de la formation et du développement du premier parti révolutionnaire de la classe ouvrière et de la Première Internationale. A v e c le prolétariat industriel moderne naquit la classe dont la mission historique est de libérer l'humanité de toute exploitation et oppression, de la misère et des guerres, d'établir la dictature du prolétariat et la société vraiment humaniste du socialisme et du communisme. E n remplissant ces tâches, la classe ouvrière combattait non seulement pour ses propres intérêts de classe, mais aussi pour les intérêts des travailleurs et de la nation. L e Manifeste du Parti Communiste a motivé la mission historique de la classe ouvrière, et il a indiqué la voie qui mène à l'accomplissement de sa mission historique. Par son mot d'ordre d'une portée historique universelle: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!», le Manifeste fut le premier document programmatique du mouvement ouvrier international et du communisme scientifique. C'est sur l'initiative de'Karl Marx et de Friedrich Engels que fut créée la Ligue des Communistes. La tâche principale de cette Ligue et de la Première Internationale, fondée ultérieurement, fut de développer dans la classe ouvrière la conscience de sa mission historique et de la rendre apte à remplir sa tâche historique mondiale. Karl Marx et Friedrich Engels ont réuni les mouvements ouvriers des différents pays dans la Première Internationale, ont propagé dans la lutte contre toutes les sectes et écoles nonprolétariennes, petites-bourgeoises, les idées du communisme scientifique et ont élaboré les principes fondamentaux de la stratégie et de la tactique de la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière internationale. D e cette manière, ils créèrent les conditions nécessaires à la formation de partis révolutionnaires du prolétariat dans les pays respectifs. Marx et Engels accomplirent l'œuvre la plus grande de l'esprit humain. Elle est valable non seulement pour la classe ouvrière allemande, mais pour toute la nation, son histoire et son avenir. «Chaque Allemand peut et doit être animé d'un sentiment de fierté en pensant que c'est la nation allemande qui a donné à l'humanité le génial penseur et ardent révolutionnaire Karl Marx et son compagnon d'armes Friedrich Engels », est-il dit dans l'appel du Comité Central du S.E.D. à l'occasion de l'année Karl Marx en 1953. «La doctrine de Marx et Engels, le marxisme, est le plus important patrimoine et le plus grand trésor culturel de la nation allemande grâce auxquels elle a acquis la considération la plus haute de tous les peuples du monde ».

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La première période principale de l'histoire du mouvement ouvrier allemand se caractérise surtout par la lutte révolutionnaire dont le but est le renversement du pouvoir des princes et des hobereaux allemands, pour résoudre le problème national sur une base démocratique bourgeoise. L'événement décisif de cette lutte fut la révolution démocratique bourgeoise de 1848—49. Sa tâche principale consistait à résoudre la contradiction qui existait entre les nouvelles forces productives nées du capitalisme et les rapports de production semi-féodaux encore prédominants, en mettant fin au morcellement féodal et en créant l'Etat national bourgeois allemand. En tant que représentants du prolétariat, Karl Marx et Friedrich'Engels, en commun avec leurs compagnons de lutte, étaient les seuls à combattre pour résoudre avec conséquence la question nationale: pour une république démocratique allemande indivisible, vivant en paix et en amitié avec les peuples voisins. La grande bourgeoisie allemande s'opposa dès le commencement de la révolution à la lutte des masses populaires. Elle capitula complètement devant l'absolutisme féodal et, pactisant avec lui, elle trahit la révolution, les intérêts de l'unité nationale et la démocratie. Ainsi la contre-révolution absolutiste féodale remporta la victoire. De ce fait, l'unité nationale ne fut pas le fruit de la révolution démocratique bourgeoise, mais s'est constituée sous la conduite de la monarchie prussienne comme résultat de la lutte contre-révolutionnaire menée contre toutes les forces démocratiques. Ce ne fut pas la démocratie mais le militarisme prusso-allemand qui déterminait le caractère de l'Etat national allemand en train de se constituer. Cela marqua pour longtemps de son empreinte l'évolution historique en Allemagne. La bourgeoisie allemande, déjà à cette époque, s'était avérée incapable de résoudre le problème national. Le combattant le plus tenace dans le mouvement populaire pour l'unification nationale et la démocratie fut, dès sa naissance, le mouvement ouvrier allemand révolutionnaire, héritier de toutes les traditions progressistes de l'histoire allemande. Depuis, c'est lui qui a mené et qui mène encore le combat pour la démocratie, pour la souveraineté du peuple allemand, pour l'unité nationale et l'indépendance de l'Allemagne. Dans la révolution de 1848—49 et dans les années qui précédaient la création du Parti Ouvrier Social-Démocrate et jusqu'à la Commune de Paris, les forces révolutionnaires, sous la conduite de Karl Marx et Friedrich Engels, combattaient dans les conditions compliquées du particularisme des petits Etats allemands, pour libérer la classe ouvrière de la tutelle de la bourgeoisie dans les domaines de l'idéologie, de la politique, et de l'organisation, et de toutes les influences petites-bourgeoises comme le lassallisme et pour propager le marxisme dans le mouvement

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ouvrier allemand. Dans la lutte pour l'unification nationale de l'Allemagne, par la voie d'une révolution démocratique bourgeoise et comme résultat du développement de la lutte de classe entre bourgeoisie et prolétariat, fut fondé à Eisenach, en 1869, le parti révolutionnaire indépendant de la classe ouvrière allemande. Le Parti Ouvrier Social-Démocrate se constitua dans les confrontations idéologiques avec l'opportunisme de Lassalle sous l'influence décisive de Karl Marx et Friedrich Engels et de la Première Internationale qu'ils dirigeaient.

La deuxième période principale de l'histoire du mouvement ouvrier allemand s'étend de la fondation du Parti Ouvrier Social-Démocrate en 1869 et de la Commune de Paris de 1871 jusqu'au début de l'impérialisme, au seuil du X X e siècle. Dans l'histoire du mouvement ouvrier international, c'est l'époque de la première tentative de la classe ouvrière, d'ériger son propre pouvoir de classe, l'époque de l'accroissement du mouvement ouvrier et de sa préparation aux luttes de classes décisives contre la société des exploiteurs. La Commune de Paris, première lutte héroïque dans l'histoire de l'humanité pour faire triompher la révolution prolétarienne et pour établir la dictature du prolétariat, fut d'une importance décisive pour le développement ultérieur du mouvement ouvrier. La Commune de Paris confirmale marxisme dans la pratique révolutionnaire. De cette première révolution prolétarienne, Karl Marx tira des conclusions fondamentales pour le développement du communisme scientifique, particulièrement en ce qui concerne la voie à suivre par la classe ouvrière pour ériger son pouvoir politique. Avec l'écrasement de la Commune de Paris se termina l'époque de la victoire et de la consolidation du capitalisme dans les pays avancés. Au cours des dernières trente années du X I X e siècle commença la transition du capitalisme de la libre concurrence au capitalisme monopoleur. L'accroissement rapide du mouvement ouvrier international trouva avant tout son expression dans la Deuxième Internationale, fondée en 1889 à Paris. Le résultat historique de son activité au cours de cette époque consista en ce qu'elle favorisa, dans un grand nombre de pays, la fondation de partis ouvriers indépendants. Après l'ècrasemeet du mouvement ouvrier français, les ouvriers allemands se trouvèrent placés à l'avant-garde de la lutte prolétarienne. A partir des années 70 jusqu'à la fin du siècle, la social-démocratie allemande rallia beaucoup d'ouvriers sous son étendard révolutionnaire et 'à 13

devint, particulièrement au cours de la lutte contre la Loi antisocialiste, le parti le plus considéré et le plus influent du mouvement ouvrier international. Instruit sans relâche par Karl Marx et Friedrich Engels dans toutes les questions concernant la politique, l'idéologie et l'organisation, ce parti devint, sous la direction d'August Bebel et de Wilhelm Liebknecht, un parti de masse au sein duquel le marxisme s'imposa. Pendant ces années, la social-démocratie allemande apprit à se servir des institutions parlementaires bourgeoises de l'Empire. Elle fonda sa propre presse quotidienne et ses propres institutions d'éducation. Le Parti réunit au sein des syndicats et autres organisations de masse placés sous sa direction les forces du prolétariat allemand pour les préparer aux futures luttes de classes. Mais la social-démocratie allemande ne tira pas les enseignements essentiels de la Commune de Paris malgré que Karl Marx, dans sa critique du projet de Programme de Gotha ait révélé la ligne fondamentale opportuniste de ce projet. On ne réussit pas à supprimer tous les courants petits-bourgeois dans le mouvement ouvrier. Une forte tendance opportuniste teintée de lassallisme demeura. L'avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière allemande lutta aussi pendant ces décades pour résoudre conséquemment la question nationale fondamentale. Le fait que l'unification de l'Allemagne se fit sous la forme de l'Empire prusso-allemand et que la fondation de l'Etat national était liée à la guerre franco-allemande et à l'écrasement sanglant de la Commune de Paris a eu.des conséquences néfastes pour la nation. A l'ordre du jour resta donc,, conformément aux intérêts de la nation, la transformation révolutionnaire démocratique de cet Etat national visant à la constitution d'une république démocratique bourgeoise et à l'abolition des derniers vestiges du particularisme des petits Etats allemands, et, en premier lieu, la lutte contre le militarisme prussoallemand.

La troisième période principale de l'histoire du mouvement ouvrier allemand commence avec l'impérialisme, au seuil du X X e siècle, et va jusqu'à la Grande Révolution Socialiste d'Octobre en 1917. Dans l'histoire du mouvement ouvrier international mûrissaient les conditions de la révolution prolétarienne. Ce sont les années dans lesquelles naissait le léninisme, sur la base de la doctrine marxiste, ce sont les années de la création du parti de type nouveau en Russie et de l'élaboration de la stratégie et tactique de la classe ouvrière pour la lutte contre l'impérialisme et pour la conquête du pouvoir politique. 14

Vers la fin du siècle dernier, l'impérialisme devint le système dominant dans le monde entier. L'impérialisme, c'est un capitalisme monopoleur, parasitaire, agonisant. Il aggrave toutes les contradictions propres au capitalisme, avant tout la contradiction principale du capitalisme — la contradiction entre le caractère social de la production et la forme de l'appropriation capitaliste privée. Par l'aggravation de la contradiction entre le capital et le travail se développe en même temps la contradiction entre une petite clique de monopolistes et les larges masses du peuple. L'impérialisme qui engendre nécessairement de guerres impérialistes, est dans son essence hostile à la démocratie et ennemi mortel des intérêts vitaux de toute nation. Les contradictions de l'impérialisme mettaient nécessairement la révolution socialiste à l'ordre du jour. Etant" la seule force historique qui soit capable de résoudre — à la tête des masses populaires exploitées et opprimées — les contradictions de la nouvelle époque, la classe ouvrière se plaçait maintenant au centre du développement social. En conquérant le pouvoir politique et en libérant les forces productives des entraves des rapports de production capitalistes, la classe ouvrière sauvera la nation des corrupteurs capitalistes monopolistes et militaristes, et la mènera, comme nation socialiste, vers une nouvelle ère heureuse. Dans ces nouvelles conditions qui exigèrent une réponse à la question de la voie à suivre pour conquérir le pouvoir, le développement universel du marxisme et la création de partis ouvriers de type nouveau fut une nécessité historique. Il fallait, avant tout, vaincre l'influence de la bourgeoisie sur la classe ouvrière et détruire le révisionnisme qui naquit inévitablement avec l'impérialisme. Dès la fin du siècle, le révisionnisme fut pour les classes régnantes le moyen décisif pour diviser le mouvement ouvrier de l'intérieur et pour maintenir la domination de la bourgeoisie impérialiste. La création de partis de type nouveau — tout en combattant le révisionnisme — fut la condition principale pour surmonter la division de la classe ouvrière et pour l'unifier sur une base révolutionnaire. De cette façon seulement la classe ouvrière pouvait et peut remplir sa mission historique. Ce ne fut qu'en Russie, le pays qui était devenu le point crucial de toutes les contradictions sociales et le centre du mouvement ouvrier révolutionnaire international, que fut résolu le problème de la voie à suivre par la classe ouvrière pour s'emparer du pouvoir. V. I. Lénine développa le marxisme conformément aux conditions historiques de l'impérialisme et créa la doctrine de la révolution socialiste. Sous sa direction se forma, dans la lutte contre l'attaque générale révisionniste dirigée contre le marxisme, le premier parti de lutte marxiste-léniniste de la classe ouvrière qui servit d'exemple au mouvement ouvrier révo15

lutionnaire international tout entier. Ce fut le commencement de l'étape léniniste du mouvement ouvrier international. Le marxisme-léninisme devint l'arme spirituelle la plus puissante dans la transformation révolutionnaire de la société. C'est la révolution démocratique bourgeoise de 1905 à 1907 en Russie qui a confirmé la justesse de la politique de Lénine, ainsi que son importance et sa valeur internationales. Elle fut la première révolution dans l'époque de l'impérialisme, posant tous les problèmes principaux de la lutte de classes dans les nouvelles conditions historiques et prouvant que, dès lors, tous les problèmes vitaux de la nation ne pourraient être résolus que sous la direction de la classe ouvrière, ayant à sa tête un parti de type nouveau. Pendant cette révolution V. I. Lénine, à la tête du parti bolchevik, élabora la stratégie et la tactique du prolétariat dans la révolution démocratique bourgeoise à l'époque impérialiste et développa dans son œuvre «Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique» les questions fondamentales du passage de la révolution démocratique bourgeoise à la révolution socialiste. Dès le commencement de la nouvelle ère, la liquidation de l'impérialisme allemand, impérialisme des hobereaux et des bourgeois, devint une nécessité vitale pour notre nation. La lutte de la classe ouvrière contre la politique de guerre impérialiste et pour sa libération sociale répondait aux intérêts pacifiques et démocratiques de la nation. Les nouvelles conditions de la lutte de classes exigeaient de la classe ouvrière allemande en alliance avec les paysans travailleurs et les couches moyennes qu'elle renversât la domination impérialiste et militariste, qu'elle s'emparât du pouvoir politique et qu'elle édifiât une Allemagne pacifique, démocratique et socialiste. De cette façon seulement on pouvait résoudre la question vitale nationale en Allemagne. Vu les préparatifs de guerre que firent l'impérialisme et le militarisme allemands, la lutte de classes s'aggrava extraordinairement. Des discussions idéologiques se développèrent au sein de la social-démocratie allemande entre les forces marxistes révolutionnaires et les forces opportunistes. Les Gauches, conduits par Karl Liebknecht, Rosa Luxembourg et d'autres, furent les seuls à défendre le marxisme contre toutes les attaques opportunistes, et à soutenir fermement le point de vue de la lutte de classe révolutionnaire. Leur grand mérite national consiste à avoir mené la lutte la plus conséquente contre le militarisme et la menace de la guerre impérialiste. Mais contrairement à la Russie, le léninisme et les expériences des bolcheviks ne devinrent pas encore la base de la lutte du mouvement ouvrier allemand pendant ces années. Les révisionnistes et centristes cachèrent les œuvres de V. I. Lénine à la classe ouvrière allemande et empêchèrent que les formes d'organisation et les 16

méthodes de lutte qui convenaient à un parti de type nouveau, s'imposèrent dans la social-démocratie. Et les Gauches ne comprirent pas la nécessité de donner une forme organisée à l'orientation révolutionnaire au sein de la social-démocratie et de la lutte conséquente qu'il fallait mener pour exclure les révisionnistes du parti. Ils ne tirèrent pas les enseignements nécessaires de la révolution russe de 1905 à 1907, ni des ouvrages importants de V. I. Lénine. Ainsi, la question de trouver le chemin à suivre pour conquérir le pouvoir en Allemagne, resta sans réponse. Un parti de type nouveau ne fut pas encore crée. Au contraire, l'avance des forces opportunistes eut pour conséquence, pendant la période d'avant-guerre, la transformation de la social-démocratie en un parti réformiste. On le vit, quand la première guerre mondiale éclata. Malgré la volonté de combat de grandes parties de la classe ouvrière allemande, les chefs opportunistes du parti et des syndicats passèrent alors ouvertement dans le camp de l'impérialisme, trahirent manifestement toutes les traditions révolutionnaires et les principes marxistes de la classe ouvrière, et rejoignirent les positions du socialchauvinisme. Ils divisèrent le mouvement ouvrier allemand. Le 4 août 1914, la crise de la social-démocratie éclata ouvertement. La II e Internationale dont la social-démocratie allemande était le parti le plus puissant, s'écroula. Les Gauches, malgré des conceptions erronées, se montrèrent la seule force en Allemagne, qui donnât une orientation révolutionnaire à la classe ouvrière, combattît la guerre, défendît les vrais intérêts de la nation, et restât ainsi fidèle à l'internationalisme prolétarien. Ils furent les héritiers de Karl Marx et de Friedrich Engels et continuèrent les grandes traditions de lutte de la classe ouvrière allemande et de toutes les forces progressistes du X I X e siècle.

La quatrième période principale de l'histoire du mouvement ouvrier allemand s'étend de la Grande Révolution Socialiste d'Octobre en 1917 jusqu'à la libération de l'Allemagne du fascisme en 1945. Dans les annales du mouvement ouvrier international, ce sont les années de la victoire de la Grande Révolution Socialiste d'Octobre, de l'édification du socialisme dans un pays, de la naissance du mouvement mondial du communisme et du déploiement du léninisme dans le mouvement ouvrier révolutionnaire. La Révolution d'Octobre introduisit l'époque du passage du capitalisme au socialisme sur le plan mondial. En édifiant le premier Etat socialiste, le prolétariat de la Russie dirigé par le parti bolchevik et par 2

Précis de l'histoire

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V. I. Lénine, montra pour la première fois à la classe ouvrière comment, dans la pratique, elle devait réaliser son rôle déterminant dans l'histoire du monde, c'est-à-dire renverser la régime de la classe capitaliste et établir le pouvoir politique de la classe ouvrière alliée aux paysans travailleurs. La première dictature victorieuse du prolétariat et le triomphe du socialisme dans un pays ont montré l'unique voie possible, pour résoudre toutes les contradictions de l'impérialisme, et ont réfuté dans la pratique toutes les théories opportunistes qui essayaient et essayent de soumettre la classe ouvrière à l'impérialisme. La Révolution d'Octobre fut le premier pas vers la victoire du socialisme à l'échelle mondiale. Ainsi, le capitalisme finit par être une fois pour toutes le système dominant du monde. Le monde fut divisé en deux camps: celui du capitalisme agonisant et celui du socialisme s'affermissant. Dès lors la lutte entre ces deux camps constitua le contenu principal de l'histoire universelle. La Révolution d'Octobre amena la pleine expansion de la crise générale du capitalisme qui avait commencé avec la première guerre mondiale. Le triomphe de la Grande Révolution Socialiste d'Octobre eut pour résultat le déploiement rapide du marxisme-léninisme dans le mouvement ouvrier international. L'existence du pouvoir soviétique accéléra dans beaucoup de pays capitalistes la rupture complète entre les éléments révolutionnaires, réellement internationalistes du mouvement ouvrier et l'opportunisme, et leur ralliement dans des partis communistes. Au mois de mars 1919 fut fondée la Troisième Internationale, l'Internationale Communiste. Les expériences fondamentales du Parti Communiste de l'Union soviétique, avant-garde du mouvement ouvrier international dans sa lutte pour le pouvoir et pour la construction socialiste servirent d'exemple et de leçon à tous les partis communistes et ouvriers, les encourageant dans leur combat. V. I. Lénine élabora concrètement le plan pour la construction du socialisme en Union soviétique, formulant ainsi les lois générales pour l'édification de la société socialiste en tout pays. La victoire de la Grande Révolution Socialiste d'Octobre qui établit dans le monde un rapport de forces tout à fait nouveau, érigea le pouvoir soviétique, bastion pour la lutte libératrice de la classe ouvrière et des masses populaires du monde entier, pour la paix, l'indépendance nationale, la démocratie et le socialisme. L'U.R.S.S. indiqua à tous les peuples et avant tout aux peuples des pays coloniaux et dépendants, la voie à suivre pour résoudre la question nationale. Encouragée par l'exemple que donnait la Révolution d'Octobre, la classe ouvrière allemande s'éleva, lors de la Révolution de Novembre 1918, contre l'impérialisme et le militarisme allemands. Cette révolution 18

fut dictée par la volonté du peuple de finir sans tarder la guerre impérialiste. Suivant les mots d'ordre de la Ligue spartakiste, les meilleures parties du prolétariat allemand luttèrent pour le renversement de l'impérialisme et pour une alliance étroite de la révolution allemande avec le jeune Etat soviétique. Cependant, les dirigeants de droite de la social-démocratie et des syndicats trahirent la révolution, en refusant, selon leur position de classe bourgeoise, de reconnaître le rôle dirigeant de la classe ouvrière et la nécessité de la prise du pouvoir politique par le prolétariat. Les illusions démocratiques que les dirigeants sociaux-démocrates avaient répandues pendant des années dans la classe ouvrière et parmi les travailleurs, firent croire à de larges masses que par le renversement de la monarchie et par l'acquisition de quelques droits démocratiques, on aurait déjà conquis le pouvoir politique et que la cause du peuple l'aurait emporté. Par suite de leur alliance avec le capital monopoleur allemand et avec le militarisme, les dirigeants de droite de la socialdémocratie et des syndicats soumirent de grandes parties de la classe ouvrière et des travailleurs à la politique de la classe régnante. Puisque les dirigeants sociaux-démocrates de droite avaient trahi la révolution, qu'un parti révolutionnaire du prolétariat manquait et que de larges parties de travailleurs ne savaient pas clairement le chemin à suivre pour conquérir le pouvoir, la classe ouvrière ne pouvait pas remplir sa mission historique dans la révolution et pas même mener à bonne fin la révolution démocratique bourgeoise. Elle essuya une défaite. Le pouvoir du capitalisme monopoleur et du militarisme allemands resta intact. Au feu de la Révolution de Novembre le Parti Communiste Allemand naquit et ainsi fut posée la première pierre pour la fondation du parti de lutte marxiste-léniniste de la classe ouvrière allemande. Ainsi les meilleures forces de la classe ouvrière tirèrent les leçons de la lutte de classes menée depuis la fin du siècle. En Allemagne également, fut née maintenant la force qui menait la classe ouvrière et ses alliés sur la voie de la lutte pour le pouvoir politique. La défaite de l'impérialisme allemand dans la première guerre mondiale, l'asservissement impérialiste de l'Allemagne par le traité rapace de Versailles et l'aggravation extrême de la contradiction insurmontable entre les intérêts des monopolistes, militaristes et hobereaux d'un côté, et ceux de la classe ouvrière et des masses populaires de l'autre, firent de l'Allemagne le point de jonction de toutes les contradictions impérialistes, et le chaînon le plus faible dans le système des Etats impérialistes. La lutte de classes en Allemagne, un des pays du monde où l'industrie est des plus développées, avec une classe ouvrière organisée à un très haut degré, prit de ce fait une position-clé dans les vastes com2'

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bats entre le socialisme ascendant et l'impérialisme à son déclin. Le sort de l'impérialisme, du moins en Europe, dépendit en grande mesure de l'issue de la lutte de classes en Allemagne. Depuis la fin de la première guerre mondiale, tous les efforts que fit la classe ouvrière en Allemagne sous la conduite du Parti Communiste Allemand (P.C.A.) pour résoudre la question vitale nationale, se butèrent non seulement à la résistance acharnée du capital monopoleur allemand, mais aussi à celle de l'impérialisme américain, anglais et français. L'intérêt de classe des puissances impérialistes à maintenir en Allemagne l'ordre du capitalisme monopoleur et l'orientation antisoviétique de l'impérialisme allemand contribua essentiellement à ce que la lutte de la classe ouvrière allemande et de tous les travailleurs pour la paix, la démocratie et le socialisme devint extrêmement compliquée, se prolongea et qu'elle fut particulièrement pénible et pleine de sacrifices. Dans les conditions de l'époque du passage du capitalisme au socialisme et de l'essor de l'Union soviétique qui devint une puissance mondiale, les contradictions de la situation de l'impérialisme allemand s'aggravèrent encore plus qu'auparavant. La défaite qu'il essuya pendant la guerre intensifia l'agressivité particulière de l'impérialisme allemand reconsolidé vers l'extérieur, notamment contre l'Union soviétique et elle agrandit encore son hostilité contre toutes les aspirations démocratiques vraiment humanistes en Allemagne même. L'impérialisme allemand se vit forcé d'appliquer des méthodes raffinées pour exercer sa domination, parce que maintenant des conditions plus favorables pour imposer la paix et la démocratie en Allemagne et pour résoudre la question vitale nationale du peuple allemand étaient données. Les succès de la construction socialiste en Union soviétique donnèrent à la nation allemande la possibilité de s'assurer la paix par la collaboration étroite et amicale, sur le plan économique et politique, avec le premier Etat des ouvriers et paysans. Dans le peuple allemand grandirent les sympathies pour une perspective pacifique et démocratique de l'Allemagne et pour le socialisme. La volonté de combat de la classe ouvrière grandit et le contradiction insurmontable entre les intérêts des impérialistes et militaristes et ceux de la nation s'aggrava encore plus. Les forces du capital monopoleur et du militarisme allemands d'un côté, celles de la classe ouvrière et des masses populaires conduites par le P.C.A. de l'autre, se confrontèrent dans une lutte de classes acharnée. Tandis que les forces les plus réactionnaires et les plus agressives de la classe régnante cherchaient une issue dans le fascisme et la guerre, le P.C.A. entreprit à la tête de la classe ouvrière, tous les efforts pour sauver l'Allemagne du danger de la dictature fasciste et de la guerre. Héritier légitime de toutes les traditions révolutionnaires du mouve20

ment ouvrier allemand et de toutes les traditions progressistes humanistes de l'histoire allemande, le P.C.A. fut le seul parti à montrer le chemin pour préparer la chute de l'impérialisme et du militarisme allemands et pour résoudre ainsi les questions vitales nationales du peuple allemand. La préoccupation essentielle du P.C.A. fut d'organiser la lutte pour imposer les revendications communes de la classe ouvrière et des travailleurs et pour défendre les intérêts vitaux de toute la nation. Dans ces luttes, le P.C.A. s'attacha à réaliser l'unité d'action entre les communistes, les sociaux-démocrates, les travailleurs chrétiens et sans-parti, et à rallier tous les travailleurs et toutes les forces démocratiques sous la conduite de la classe ouvrière, et à surmonter la division du mouvement ouvrier allemand. L e triomphe du socialisme ayant commencé à l'échelle mondiale, et l'Allemagne étant devenue le chaînon le plus faible dans le système des Etats impérialistes, le révisionnisme de la social-démocratie gagna une importance encore plus grande pour le maintien de la domination de classe impérialiste. Les dirigeants de droite du Parti Social-Démocrate Allemand (S.P.D.) et des syndicats ne se bornèrent pas à poursuivre leur politique antinationale et antisociale de collaboration de classe avec l'impérialisme allemand et de la division de la classe ouvrière du 4 août 1914. D e plus, sous la République de Weimar, ils menèrent eux-mêmes, assumant des fonctions gouvernementales importantes, la politique usurpatoire de la grande bourgeoisie allemande, sous le mot d'ordre d'un prétendu troisième chemin. Leur instrument idéologique par excellence pour subordonner la classe ouvrière et les masses laborieuses à la domination de classe du capital monopoleur, fut l'anticommunisme. E n refusant le front unique avec les communistes, les dirigeants sociauxdémocrates de droite affaiblirent la classe ouvrière qui, de ce fait, ne fut pas en mesure d'empêcher l'établissement de la dictature fasciste par le capital financier. Les milieux les plus réactionnaires et les plus agressifs du capital monopoleur allemand et du militarisme aidés par le régime hitlérien, réprimèrent brutalement la classe ouvrière et les masses du peuple et déclenchèrent la seconde guerre mondiale pour conquérir la domination mondiale. Leur tentative de faire tourner en arrière la roue de l'histoire, se termina nécessairement par une écrasante défaite dont l'étendue surpassa de beaucoup la débâcle à la f i n de la première guerre mondiale. Bien que la social-démocratie eût perdu par sa politique une position après l'autre, et que son parti fût interdit finalement par le régime, hitlérien, la majorité des dirigeants sociaux-démocrates de droite s'orienta, même à l'époque du fascime, vers des fractions de la grande bourgeoisie 21

allemande et vers les puissances impérialistes occidentales et empêcha la lutte commune de tous les adversaires de Hitler. Cette politique de pactisants, hostile aux ouvriers et antinationale, aggrava les contradictions au sein de la social-démocratie. Certains groupes de membres et de militants sociaux-démocrates passèrent à la lutte antifasciste commune avec les communistes. Le P.C.A. fut la seule force de la nation qui indiquât et à la vlasse ouvrière et au peuple allemands le moyen de s'affranchir de la dictature fasciste. Il tira les leçons de la lutte antifasciste en Allemagne et de l'évolution du Front Populaire en France et en Espagne. Dans ses conférences de Bruxelles et de Berne, le Parti élabora la stratégie et la tactique conduisant au renversement du fascisme hitlérien et à la reconstruction antifasciste-démocratique. Ainsi il répondit à la question comment en Allemagne également la lutte pour le pouvoir politique de la classe ouvrière pouvait être menée victorieusement. Ce programme prouva sa vitalité quand, l'Allemagne libérée du fascisme hitlérien par l'Union soviétique, la transition du capitalisme au socialisme s'imposa alors avec une force irrésistible à l'Allemagne aussi. Le P.C.A. devint ainsi le puissant agent antiimpérialiste, démocratique et socialiste de la classe ouvrière allemande et de la nation. Au cours de luttes idéologiques acharnées contre l'impérialisme, contre l'opportunisme de droite et contre le sectarisme de gauche, il devint un parti marxiste-léniniste. Dans des luttes très dures qui avaient exigé beaucoup de sacrifices, le Parti a acquis bien des expériences qui lui permettaient de résoudre les tâches historiques dans l'intérêt de la nation. Il apprit à appliquer la théorie marxiste-léniniste aux conditions de la lutte de classes en Allemagne et à guider le peuple allemand dans la voie de la paix, de la démocratie et du socialisme.

La cinquième période principale de l'histoire du mouvement ouvrier allemand s'etend de la victoire du peuple soviétique sur l'Allemagne hitlérienne en 1945 et de l'édification de l'ordre antifasciste-démocratique en Allemagne de l'Est jusqu'à nos jours. Dans l'histoire du mouvement ouvrier international c'est l'époque du développement et de la consolidation du système mondial socialiste et de la transition de l'U.R.S.S. à la construction en grand de la société communiste, l'époque de l'essor prodigieux des partis communistes et ouvriers dans le monde entier. Le mouvement communiste mondial devint la force politique organisée la plus influente d'aujourd'hui, l'élément le plus important du progrès social.

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Par la victoire que remportèrent l'Union soviétique et ses alliés de la coalition antihitlérienne sur les agresseurs fascistes lors de la seconde guerre mondiale, le rapport de forces à l'échelle internationale s'améliora d'une façon décisive en faveur de la démocratie et du socialisme. Tandis que l'Union soviétique sortait consolidée de la guerre, la crise générale du capitalisme s'aggravait considérablement. Le système mondial capitaliste fut saisi d'un processus de déchéance et de décomposition profondes. A la suite de la seconde guerre mondiale se cristallisèrent deux grands camps dans le monde, le camp socialiste comprenant un tiers du monde, guidé par l'Union soviétique, et le camp impérialiste avec les Etats-Unis d'Amérique à sa tête, dont la sphère de domination et d'exploitation a subi de sensibles limitations. Le socialisme se transforma en un système mondial et devient le facteur dominant dans la politique mondiale et dans le développement de la société humaine. L'encerclement de l'Union soviétique par les impérialistes fut ainsi définitivement rompu et vaincu. L'époque de la transition du capitalisme au socialisme dont la Grande Révolution Socialiste d'Octobre avait été le prélude, entra dans une nouvelle phase. La pleine victoire du socialisme est inévitable. La transition vers la société communiste commence. L'impérialisme des Etats-Unis devint le plus grand exploiteur international et le bastion principal de la réaction mondiale, dans lequel la décomposition du capitalisme apparaît le plus. Par des blocs d'agression militaire, sous la conduite des Etats-Unis, l'impérialisme mondial essaie d'arrêter la marche triomphale du socialisme et du communisme. Cela ne peut pourtant pas empêcher sa chute inévitable, cela ne pourra qu'aggraver les contradictions au sein de l'impérialisme. Le changement dans le rapport de forces international a créé des conditions favorables pour la lutte de libération nationale et révolutionnaire des peuples opprimés et dépendants. Dans ces annés, la lutte de libération nationale mena à la formation de plus de 40 nouveaux Etats en Asie, Afrique et Amérique Latine. L'écroulement total du colonialisme est inévitable. Après la création du système mondial du socialisme, la désagrégation du système de l'esclavage colonialiste sous l'assaut du mouvement de libération nationale représente le fait historique de plus important. Dans la lutte contre la politique belliciste agressive des forces réactionnaires de l'impérialisme le mouvement démocratique pour la paix ralliant tous les peuples, se forma et se consolida. Ce mouvement est le plus puissant mouvement politique de masse dans l'histoire de l'humanité. La nouvelle situation internationale donne à tous

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ceux qui défendent la paix, s'ils s'unissent étroitement, la possibilité réelle de bannir la guerre de la vie des peuples. La victoire historique de l'Union soviétique et des forces de la coalition antihitlérienne sur l'impérialisme fasciste allemand et la libération de l'Allemagne du fascisme hitlérien amorcèrent un revirement décisif de l'histoire allemande. Elles permirent à la classe ouvrière unie avec toutes les forces démocratiques et antifascistes d'extirper le fascisme et le militarisme allemands et frayèrent au peuple allemand la voie vers la réorganisation de l'Allemagne, en Etat antifasciste, démocratique, épris de paix. Seul, le peuple allemand lui-même, conduit par la classe ouvrière, pouvait résoudre la tâche principale, démocratique et nationale, qui découlait des enseignements tirés des deux guerres mondiales. L'Appel du i l juin 1945 qu'a lancé le P.C.A. et auquel le Comité directeur du S.P.D. donna son approbation, montra le chemin à sùivre. Ce document du parti révolutionnaire de la classe ouvrière allemande montra comment le problème vital du peuple travailleur et de notre nation doit être résolu. Cette politique concordait avec les intérêts de tous les peuples épris de paix et trouva sa consécration, au point de vue du droit international, dans les Accords de Potsdam. Comme classe dirigeante de la nation, la classe ouvrière défendit alors par l'édification d'un nouveau régime pacifique, vraiment démocratique et socialiste et par l'établissement du pouvoir d'Etat des ouvriers et des paysans en même temps les intérêts fondamentaux de toutes les autres classes et couches intéressées à la lutte contre l'impérialisme et le militarisme. S'appuyant sur l'alliance avec toutes les forces antifascistes et démocratiques et en concordance avec les idées de la nouvelle époque de l'histoire universelle, elle se mit à réaliser, aussi en Allemagne, la transition du capitalisme au socialisme. Les conditions primordiales pour réaliser cette tâche sociale et nationale, dans son propre intérêt et dans l'intérêt du peuple tout entier étaient l'établissement de l'unité d'action de la classe ouvrière et la suppression définitive de la division du mouvement ouvrier. La fusion, réalisée dans l'Allemagne de l'Est, du P.C.A. et du S.P.D. en Parti Socialiste Unifié d'Allemagne (S.E.D.) couronna la lutte pour l'unité révolutionnaire du mouvement ouvrier, menée depuis Karl Marx et Friedrich Engels, et fut un triomphe du marxisme-léninisme. Le révisionnisme en Allemagne subit une grave défaite. La création du parti ouvrier unifié, l'alliance de la classe ouvrière avec les paysans, le rassemblement de toutes les forces démocratiques prêtes à aider à la reconstruction, dans le Bloc des partis antifascistes, de même que la constitution de la Confédération des Syndicats Libres Allemands

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(F.D.G.B.) comme organisation de classe des ouvriers, de la Jeunesse Libre Allemande (F.D.J.), et d'autres organisations de masse antifascistes démocratiques, tout cela a permis à la population laborieuse de l'Allemagne de l'Est d'organiser elle-même sa vie et de réaliser la transformation antifasciste démocratique. Enfin, la ligne progressiste dans la politique allemande pouvait l'emporter dans une partie de l'Allemagne. La lutte plus que centenaire du mouvement ouvrier allemand contre l'exploitation et l'oppression, et les traditions humanistes de la bourgeoisie allemande, traditions de la lutte pour les droits de l'homme et le progrès, trouvèrent ici leur réalisation. En Allemagne occidentale, les puissances d'occupation impérialistes sous la conduite des Etats-Unis, s'alliant aux grands capitalistes et hobereaux réactionnaires et s'appuyant sur les dirigeants sociauxdémocrates de droite, empêchèrent l'union de la classe ouvrière et le développement des forces démocratiques. Ils organisèrent la scission de l'Allemagne pour sauver encore une fois les postes de commandement du capital monopoleur allemand. Ils sabotèrent les Accords de Potsdam, s'attachèrent à la restauration politique, économique et militaire de l'impérialisme et militarisme allemands et imposèrent à nouveau la domination antinationale du capital monopoleur au peuple. Par la constitution de l'Etat séparatiste de Bonn, les forces les plus réactionnaires de l'Allemagne occidentale séparèrent, à l'aide des forces d'occupation impérialistes, les trois zones occidentales de l'ensemble national. Renonçant à l'idée de l'Etat national, le régime clérico-milicariste d'Adenauer chercha, dans le cadre de l'O.T.A.N. et en alliance aver les Etats-Unis, activement soutenu par des dirigeants sociauxdémocrates de droite, à suivre de nouveau le chemin de la revanche, de l'agression et de la guerre contre les Etats socialistes. A l'encontre du S.P.D. de l'Allemagne de l'Est et de la conception de nombre de membres et de militants sociaux-démocrates dans les zones occidentales, les dirigeants sociaux-démocrates de droite autour de Schumacher méprisèrent les leçons de deux guerres mondiales. Aveuglément anticommunistes, ils ne se bornèrent pas à soutenir, comme dans les années de la République de Weimar, la politique des monopolistes, militaristes et hobereaux, mais ils luttèrent contre les conquêtes révolutionnaires de la classe ouvrière et des travailleurs en Allemagne de l'Est. Maintenant en Allemagne occidentale la division de la classe ouvrière, ils renoncèrent à une politique nationale allemande, soutenant activement le rétablissement de la domination capitaliste des monopoles et du militarisme. Ils contribuèrent à diviser l'Allemagne et à transformer l'Allemagne occidentale en un Etat impérialiste allié aux Etats-Unis, force principale de la réaction mondiale. 25

Cette politique sans perspective qui se trouve en contradiction profonde et insurmontable avec les intérêts de la classe ouvrière et ceux de toutes les forces démocratiques éprises de paix, doit inévitablement amener la crise dans la social-democratie ouest-allemande. Contre la politique de division de l'Allemagne et de restauration de l'impérialisme dans les zones occidentales, naissait le mouvement du Congrès du peuple pour l'unité et une paix équitable. Ce mouvement rassemblait les forces patriotiques de toute l'Allemagne, sous la conduite de la classe ouvrière, qui s'appuyaient sur le développement antifasciste démocratique en Allemagne de l'Est. C'est de ce mouvement qu'est sorti par la suite le Front National de l'Allemagne démocratique. Après la scission de l'Allemagne résultant de la création de l'Etat ouest-allemand de Bonn, se constituait avec la République Démocratique Allemande, sous la direction de la classe ouvrière, le premier Etat ouvrier et paysan de l'histoire allemande. En combattant politiquement et idéologiquement l'adversaire de classe sur le territoire de la R.D.A. et les forces du capitalisme monopoliste en Allemagne occidentale, le passage à la révolution socialiste se fit pacifiquement et démocratiquement. Par la constitution de la République Démocratique Allemande se forma l'unique Etat allemand légitime où l'on a tiré les leçons de l'histoire, où l'on a appliqué les stipulations des Accords de Potsdam et où l'on a supprimé l'impérialisme. Sa fondation ne fut pas seulement un tournant dans l'histoire de l'Allemagne mais aussi dans celle de l'Europe. E n tant que premier Etat allemand pacifique, la R.D.A. mena une nouvelle politique extérieure de paix et d'amitié avec tous les peuples, sur la base de l'égalité des droits et du respect de la souveraineté. La R.D.A. démontre que le peuple travailleur, sous la conduite de la classe ouvrière, est à même de résoudre définitivement et démocratiquement le problème national vital de notre peuple en édifiant le socialisme. Sous la conduite de son parti marxiste-léniniste, le S.E.D., la classe ouvrière unie, fidèle à sa mission historique de champion de la paix, de la démocratie et du socialisme, réalisa, en alliance avec les paysans, les intellectuels et les autres couches-du peuple sur le territoire de la République Démocratique Allemande la plus grande révolution de l'histoire allemande. Le contenu principal du mouvement ouvrier allemand au cours des périodes principales précédentes consista dans l'organisation et l'éducation du prolétariat, dans l'appropriation et la défense de la conception du monde révolutionnaire de la classe ouvrière contre 26

toutes les formes d'apparition de l'idéologie bourgeoise, dans la lutte quotidienne contre les classes régnantes d'exploiteurs, pour la défense des intérêts immédiats des travailleurs et de la nation, dans le but de gagner la majorité de la classe ouvrière et de tous les travailleurs pour le renversement de la bourgeoisie et pour l'édification du socialisme. En entrant dans la nouvelle période principale, ce contenu changea fondamentalement dans une partie de l'Allemagne. En R.D.A., la classe ouvrière, autrefois classe opprimée et exploitée, devenait la classe dominante qui, en alliance avec les paysans travailleurs et autres couches laborieuses, exerce le pouvoir, supprime l'exploitation de l'homme par l'homme et, appliquant consciemment les lois objectives de l'évolution historique, organise, oriente et dirige la reconstruction dans tous les domaines de la vie sociale et ce, dans l'intérêt de toute la nation. A présent, le mouvement ouvrier est appelé à éduquer la classe ouvrière pour réaliser cette mission historique. Le contenu principal devient maintenant l'édification et la consolidation de la nouvelle société socialiste vraiment humaniste qui ne connaît ni exploitation, ni misère, ni crises, la lutte pour développer les forces productives dans l'intérêt de toute la nation et en tenant compte des intérêts communs des pays socialistes, ainsi que le large déploiement des forces créatrices du peuple entier. Le nouveau contenu du mouvement ouvrier signifiait un rehaussement extraordinaire du rôle et de la responsabilité du parti de la classe ouvrière. Le S.E.D. devint le parti de type nouveau sachant toujours mieux assumer son rôle dirigeant. Le Parti apprit à élaborer une politique de la construction du socialisme et à la réaliser en commun avec le Front National de l'Allemagne démocratique ainsi qu'avec les partis et organisations de masse démocratiques, politique qui assure à toutes les couches du peuple la perspective d'une vie dans la paix, la liberté, la justice et le bien-être. Le Parti fournit sa contribution féconde au développement du marxisme-léninisme et prouva que le socialisme peut être édifié même dans les conditions compliquées d'un pays divisé, ayant une frontière temporairement ouverte sur l'impérialisme, dans un pays hautement industrialisé, en Europe centrale. Dans sa lutte, le Parti s'appuya toujours sur les conquêtes de la science la plus avancée et sur les traditions démocratiques et humanistes de l'histoire allemande. Tandis que la bourgeoisie impérialiste de l'Allemagne occidentale met la science au service de sa politique antinationale et conserve toutes les traditions réactionnaires, qu'elle contrarie l'esprit de l'humanisme et de la paix proclamé par les grands philosophes, savants, poètes et artistes allemands, la République Démocratique Allemande, sous la conduite du parti de la classe ouvrière, est 27

devenue la patrie de la science et des arts liés au peuple et tournés vers la pratique. Cela s'exprime non seulement dans l'encouragement et le développement universels qui sont accordés aux sciences, mais aussi dans l'ampleur des soins consacrés au patrimoine progressiste, culturel et spirituel de la nation allemande. La R.D.A., qui fait partie du puissant camp socialiste, est devenue l'obstacle insurmontable pour les projets d'agression des impérialistes et militaristes ouest-allemands. Elle est l'avant-poste du socialisme dans l'Europe occidentale, le véritable représentant des aspirations pacifiques du peuple allemand. Son évolution concorde avec la loi historique fondamentale de notre temps et influence de plus en plus le rapport de forces des classes en Allemagne occidentale, en faveur de la classe ouvrière et de toutes les forces pacifiques et démocratiques. Dans le pays natal du communisme scientifique, le socialisme sera mené à la victoire en communauté fraternelle avec l'Union soviétique et tout le camp socialiste. Tandis que le gouvernement de la R.D.A. et le Front National de l'Allemagne démocratique, sous la conduite du parti de la classe ouvrière, firent tous les efforts pour assurer la paix en Europe, et pour l'entente des deux Etats allemands, le régime clérico-militariste d'Adenauer renforçait les préparatifs d'une nouvelle guerre au mépris total du rapport de forces international. Les forces impérialistes et militaristes firent de l'Allemagne occidentale le foyer le plus dangereux d'une guerre atomique en Europe. Cette politique antinationale est soutenue activement par les forces anticommunistes et revanchardes dans la social-démocratie ouest-allemande, forces qui ont ouvertement rejoint la position de l'impérialisme allemand. La menace sérieuse de la paix en Europe et le danger imminent d'une nouvelle catastrophe nationale partant de l'impérialisme et militarisme ouest-allemands mettent, pour le peuple allemand, de plus en plus impérieusement à l'ordre du jour la liquidation de toutes les séquelles de la seconde guerre mondiale par la conclusion d'un traité de paix et par la solution du problème de Berlin-Ouest. L'évolution en Allemagne force la classe ouvrière à être pleinement consciente de sa responsabilité. A l'époque de la transition du capitalisme au socialisme, la vie et l'avenir de notre nation exigent la défaite de l'impérialisme et du militarisme et la victoire du socialisme dans toute l'Allemagne. C'est la tâche historique de la R.D.A. d'opposer la politique vraiment nationale de la paix, de la démocratie et du socialisme à la funeste politique antinationale de l'impérialisme et du militarisme allemands. Par sa politique, elle montre à tout le peuple allemand le chemin vers un avenir heureux. A cet effet, le pas décisif à

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faire est de consolider la R.D.A. comme bastion de la paix en Allemagne, d'assurer sa souveraineté politique et sa force économique, de faire triompher le socialisme en République Démocratique Allemande. Le i j août 1961 a démontré au monde entier le véritable rapport de forces en Allemagne. La conception revancharde des impérialistes et militaristes ouest-allemands a fait manifestement faillite. Il devint clair pour tous qu'en Allemagne non plus, on ne peut faire tourner en arrière la roue de l'histoire. Les cinq périodes principales de l'histoire du mouvement ouvrier allemand qui viennent d'être évoquées, prouvent que les aspirations et les intérêts nationaux et légitimes du peuple allemand, notamment la création d'un Etat allemand uni, pacifique et démocratique ne pourront trouver leur réalisation que sous la conduite de la classe ouvrière et de son parti marxiste-leniniste. Elles prouvent que, seule, la politique des communistes s'est trouvée et se trouve en accord avec la loi qui régit l'histoire. Le chemin qui va de la proclamation du Manifeste Communiste par Karl Marx et Friedrich Engels à notre temps, prouve que seuls les communistes, par leur lutte pour la défense des intérêts de la classe ouvrière, etaient en même temps les pionniers de la nation et qu'ils n'ont cesse de l'être. Les communistes sont, comme seul parti, ceux à qui l'Histoire à donné raison. Le résultat le plus important de l'histoire du mouvement ouvrier allemand consiste dans le fait que dans un tiers de l'Allemagne, en République Démocratique Allemande, le pouvoir ouvrier et paysan a été établi et que les rapports de production socialistes ont triomphé dans tous les domaines de l'économie nationale. Les tâches fondamentales de la période de transition du capitalisme au socialisme en R.D.A. furent ainsi accomplies. La R.D.A. participe activement au développement du système économique socialiste mondial et soutient la lutte des jeunes Etats nationaux anti-impérialistes pour leur souveraineté et l'édification de leur propre économie nationale. Le mouvement ouvrier international dont le mouvement ouvrier allemand est une partie intégrante, se trouve maintenant au début d'une nouvelle période d'évolution. Le X X I I e Congrès du Parti Communiste de l'Union soviétique inaugura cette période par le Programme scientifique concernant l'édification de la société communiste. Le marxisme-léninisme connaît des triomphes prodigieux. La déclaration commune des partis communistes et ouvriers de novembre i960 et le nouveau Programme du P.C.U.S. indiquent à la classe ouvrière internationale et à l'humanité entière, donc aussi au peuple allemand, le chemin vers un avenir radieux et heureux, sans exploitation ni guerre, dans le bien-être et dans la paix.

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Le VI e Congrès du S.E.D., en votant son Programme, a tracé la ligne de la construction en grand du socialisme. Il a formulé les tâches à résoudre par le mouvement ouvrier en Allemagne. Le Programme du VI e Congrès et le Document national « La tâche historique de la République Démocratique' Allemande et l'avenir de l'Allemagne », document que le Congrès national du Front National de l'Allemagne démocratique avait voté, constituent la ligne de conduite à suivre par la classe ouvrière allemande et toutes les forces démocratiques et pacifiques, dans la lutte pour la victoire du socialisme en R.D.A., pour la liquidation de l'imperialisme en Allemagne occidentale, pour la réorganisation de l'Allemagne dans l'esprit de la paix, de la démocratie et du socialisme.

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CHAPITRE I

Les débuts du mouvement ouvrier allemand. Formation du communisme scientifique et création du premier parti révolutionnaire du prolétariat par Karl Marx et Friedrich Engels. Fa révolution de 1848—49. (Période du début du mouvement ouvrier allemand jusqu'en 1849 )

Au cours des années trente du X I X e siècle, l'évolution du capitalisme en Europe occidentale atteignit un nouveau stade. La révolution industrielle, débutant au dernier tiers du X V I I I e siècle et produisant le passage du capitalisme manufacturier au capitalisme industriel, s'était imposée au point que le prolétariat industriel moderne se constituait en classe et entrait dans l'arène historique. La contradiction fondamentale de la société capitaliste, l'antagonisme entre la production sociale et l'appropriation capitaliste privée, se manifestait ouvertement. Dans sa lutte contre l'exploitation et l'oppression capitalistes, le mouvement ouvrier en France (révolte des canuts lyonnais) et en Angleterre (chartisme) eut ses premiers démêlés avec la bourgeoisie. En Allemagne, se développait le marché national. Encouragés par la Révolution de Juillet 1830 en France et par l'essor que prit le mouvement antiféodal et national de la bourgeoisie et de la petitebourgeoisie en Allemagne, et sous l'influence du mouvement ouvrier français et anglais, des ouvriers et des compagnons prolétariens allemands commencèrent à devenir politiquement actifs. Dans les années de 1836 à 1838, des compagnons prolétariens qui constituaient alors l'avant-garde politique des ouvriers allemands, et qui pendant leur tour étaient entrés en contact avec le mouvement révolutionnaire français, se détachèrent de la Ligue secrète des Bannis, ligue democrate bourgeoise. Ils formèrent la Ligue des Justes dans laquelle prédominait le communisme ouvrier de Weitling dont les objectifs étaient révolutionnaires mais qui, dans sa motivation idéologique et dans son contenu utopique, n'avait pas encore rompu avec l'idéologie

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bourgeoise. La Ligue des Justes constitua le premier degré qui devait, un peu plus tard, mener à la création de la Ligue des Communistes. Au cours des années quarante du X I X e siècle, le centre du mouvement révolutionnaire en Europe se déplaça en Allemagne. C'est ici que la lutte pour la révolution démocratique bourgeoise était directement liée au déploiement de la lutte de classes du prolétariat contre la bourgeoisie. L'antagonisme entre le féodalisme et le capitalisme s'enchevêtrait avec celui qui existait entre le capital et le travail. La révolte des tisserands en Silésie de 1844 fut le premier grand combat du prolétariat allemand avec la classe des exploiteurs capitalistes. Il provoqua un essor du mouvement politique de masse dans toute l'Allemagne et accéléra l'évolution de la conscience de classe prolétarienne dans la classe ouvrière. L'Allemagne, patrie de Karl Marx et de Friedrich Engels, devint le pays natal du communisme scientifique. En tant que démocrates révolutionnaires, Karl Marx et Friedrich Engels avaient lutté, au début des années quarante du X I X e siècle, contre la réaction feodale et critiqué le libéralisme bourgeois. Au cours de la lutte pour la défense des intérêts du peuple, ils rejoignirent en 1843—44 les positions de la classe ouvrière, rompirent avec l'idéalisme et élaborèrent dans les prochaines années les principes du matérialisme dialectique et historique. Combattant dans une âpre lutte les idéologies hostiles à la classe ouvrière et s'appuyant sur les expériences des luttes de classe des travailleurs anglais, français, et enfin, des travailleurs allemands et partant des résultats de la pensée scientifique existants, Karl Marx et Friedrich Engels créèrent les bases du communisme scientifique. Le communisme scientifique est l'héritier légitime de toutes les grandes œuvres que l'humanité a créées au cours de toute son histoire. Ses sources furent le socialisme utopique français, — et les idées révolutionnaires françaises en général —, l'économie politique classique anglaise, et la philosophie classique allemande. Dans des œuvres telles que « La Sainte Famille », « L'Idéologie allemande », « La Situation de la classe laborieuse en Angleterre » et « Misère de la Philosophie » Karl Marx et Friedrich Engels ont élaboré la nouvelle idéologie. Dans les années 1846 et 1847, l'avant-garde du mouvement ouvrier allemand commença à adopter le communisme scientifique comme nouvelle conception philosphique. Ce processus fut dirigé et organisé par Karl Marx et Friedrich Engels. A cet effet, ils fondèrent le Comité de correspondance de Bruxelles, centre d'organisation, politique et idéologique. Ils propagèrent la conception philosophique scientifique en luttant sans cesse contre toutes les doctrines et sectes bourgeoises 32

et petites-bourgeoises du socialisme, contre le socialisme réactionnaire allemand ou « vrai » socialisme, contre le communisme suranné de Weitling et le proudhonisme petit-bourgeois. De la transformation de la Ligue des Justes en Ligue des Communistes résulta le premier parti révolutionnaire prolétarien indépendant se basant sur le comunisme scientifique. En créant la Ligue des Communistes, Karl Marx et Friedrich Engels avaient créé la base pour tous les futurs partis révolutionnaires du prolétariat. La révolution de 1848—49 est née de l'antagonisme entre les nouvelles forces productives engendrées par le capitalisme, et les rapports de production semi-féodaux qui dominaient encore. Son déclenchement fut favorisé par la crise économique de 1847 et haté par la Révolution de Février 1848 en France. La révolution en Allemagne fut une partie des révolutions démocratiques bourgeoises dans les pays de l'Europe. La tâche principale de la révolution en Allemagne était de créer l'Etat démocratique bourgeois national en liquidant le morcellement féodal. Il s'agissait de liquider définitivement le féodalisme et de frayer le chemin à la société capitaliste. Karl Marx et Friedrich Engels publièrent, à la veille de la révolution démocratique bourgeoise allemande le Manifeste du Parti Communiste. L'objectif déclaré de la Ligue des Communistes était la suppression de l'exploitation de l'homme par l'homme, l'édification d'une société sans classes, dirigée selon un plan, et comme condition préalable, la révolution prolétarienne. Par le Manifeste du Parti Communiste, Karl Marx et Friedrich Engels donnèrent une motivation scientifique de l'inévitabilité de la chute du capitalisme. La Ligue des Communistes soutint tout mouvement pour la démocratie, la liberté, la justice et le progrès national. Partant de la notion que la société capitaliste devait s'imposer nécessairement en Allemagne, l'avant-garde révolutionnaire de la jeune classe ouvrière allemande s'engagea d'abord pour la réalisation conséquente de la révolution démocratique bourgeoise. Cela répondait, dans cette situation, aux intérêts de la classe ouvrière et à ceux de toute la nation. « Toute l'Allemagne sera déclarée République une et indivisible. » Karl Marx et Friedrich Engels placèrent ce mot d'ordre de combat en tête des « Revendications du Parti Communiste en Allemagne » qui avaient été publiées par eux après la parution du Manifeste Communiste comme programme du mouvement ouvrier pour la révolution de 1848—49. Par ce programme de lutte dont le contenu visait l'anéantissement politique et économique total de l'absolutisme féodal, les communistes orientèrent toutes les forces démocratiques — le prolétariat, les paysans, la petite-bourgeoisie et certaines parties de la bour3

Précis de l'histoire

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geoisie — vers la lutte commune pour la rélisation conséquente de la révolution démocratique bourgeoise, et la création d'un Etat national conforme aux intérêts du peuple. Cela aurait créé en même temps une base propice pour la lutte libératrice ultérieure du prolétariat. La revendication de fonder une République une et indivisible, visait surtout la Prusse et l'Empire des Habsbourgs. Par leurs revendications, les communistes se dressèrent catégoriquement contre la bourgeoisie libérale qui, dans sa majorité, tendait vers une Allemagne sous la conduite de la Prusse. En même temps, ils se distancèrent nettement des forces petites-bourgeoises qui voulaient conserver l'ancien système des petits Etats. L'Etat national allemand.qui ne pouvait être constitué qu'en luttant contre la noblesse et les dynasties devait renoncer à opprimer d'autres peuples et soutenir leur mouvement révolutionnaire d'indépendance nationale. (Friedrich Engels : « Une nation ne peut pas devenir libre et en même temps continuer d'opprimer d'autres nations. ») Karl Marx et Friedrich Engels et leurs compagnons de lutte de la Ligué des Communistes démontrèrent en tant que représentants prolétariens conséquents de la démocratie qu'une politique d'entente entre les peuples et une politique de paix ne s'identifiait pas avec le pacifisme. Dans son propre intérêt et dans l'intérêt de toute la nation, la classe ouvrière doit être prête à combattre les forces de la réaction, au besoin, l'arme à la main. Dans les premières semaines de la révolution, les masses populaires portèrent des coups sérieux aux potentats féodaux absolus partout en Allemagne. Au sud et au sud-ouest de l'Allemagne, les paysans et les ouvriers agricoles se révoltèrent et contraignirent les seigneurs féodaux à renoncer à leurs privilèges. A Berlin, le peuple refoula la soldatesque prussienne après des luttes acharnées sur les barricades. Partout la classe ouvrière prit une part remarquable aux combats contre la réaction, pour les droits et libertés démocratiques; elle consentit les plus grands sacrifices et se montra le défenseur le plus conséquent des intérêts vitaux du peuple allemand. Craignant la classe ouvrière, la majorité de la bourgeoisie allemande pactisa avec la réaction des hobereaux. La bourgeoisie allemande se montra hostile à la lutte de masse révolutionnaire et au mouvement antiféodal des paysans et trahit la lutte libératrice d'autres peuples. La défaite des travailleurs parisiens dans la bataille de juin 1848 fut le tournant dans le développement des révolutions en Europe. Exploitant la peur de la bourgeoisie libérale devant la classe ouvrière, la contre-révolution en Allemagne également — surtout la caste réactionnaire des hobereaux prussiens — rassemblait ses forces et préparait la défaite des masses révolutionnaires par la force des armes. L'étouffement de l'insurrection d'octobre à Vienne et le coup d'Etat contre34

révolutionnaire de novembre à Berlin donnèrent aux forces réactionnaires une supériorité décisive en Allemagne. A la différence de la bourgeoisie libérale qui, par la voie d'un accord, n'aspirait à participer au pouvoir politique que pour sa propre part, de larges parties de la petite bourgeoisie combattaient pendant la révolution pour des droits et libertés démocratiques et donnaient bon nombre d'éminents combattants à la cause de la démocratie. Mais la petite bourgeoisie allemande échoua comme force dirigeante. A rencontre de la petite bourgeoisie française de 1793 —1794, elle n'était plus à même en 1848—49 de remplir, par ses propres forces, la mission qui lui incombait après la trahison de la bourgeoisie à savoir: la poursuite de la révolution démocratique. Il s'avérait évident que seulement sous la conduite conséquente de la classe ouvrière et de son parti, le potentiel révolutionnaire de la petite bourgeoisie pouvait agir avec efficacité. Le prolétariat qui dans toutes les luttes de masses était au premier rang, commença, au cours de la révolution, à prendre conscience de son rôle. Des ouvriers passaient à la création de propres organisations autonomes. Ceci se refléta dans la fondation de nombreuses associations ouvrières locales. Ce mouvement mena même à la formation de rassemblements régionaux et nationaux, bien qu'encore peu cohérents, de différentes organisations ouvrières. En 1848—49 furent créées, pour la première fois, des organisations syncicales à l'échelle nationale. Les membres de la Ligue des Communistes jouèrent un rôle prépondérant dans la fondation et le développement d'un certain nombre d'organisations ouvrières locales. Mais la plupart des associations ouvrières se trouvaient encore complètement sous l'influence de la petite-bourgeoise, se bornant à des objectifs économiques. Même la Confrérie des travailleurs (Arbeiterverbriiderung) fondée pendant la révolution, — et qui fut une association sans liens serrés, des organisations ouvrières locales les plus différentes à l'échelle nationale, — se proposa des buts qui ne dépassèrent pas une réorganisation bourgeoise et un réformisme petit-bourgeois. Karl Marx et Friedrich Engels luttèrent à la tête de la Ligue des Communistes, envisageant de fonder un large mouvement démocratique. La « Neue Rheinische Zeitung » (Nouvelle Gazette Rhénane) dirigée par Karl Marx et Friedrich Engels, rassemblant un groupe de membres éminents de la Ligue, dont Wilhelm Wolff, Karl Schapper et Josef Moll, fut « l'organe le meilleur et sans égal du prolétariat révolutionnaire » (V. I. Lénine). Dans ce journal, Karl Marx et Friedrich Engels levèrent l'étendard de la démocratie révolutionnaire et firent en même temps de grands efforts pour former la conscience de classe et pour l'organisation autonome de la jeune classe ouvrière allemande. Dès le début, ils militèrent pour la solution démocratique 3

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du problème agraire, exigèrent une étroite alliance de lutte de la classe ouvrière avec la paysannerie. Les dirigeants du mouvement ouvrier révolutionnaire allemand avaient des relations étroites avec les représentants éminents de la littérature révolutionnaire. A la lumière des expériences politiques gagnées dans la révolution et sous l'influence de la aNeue RheînischeZeitung », la classe ouvrière commença à se détacher peu à peu de l'influence politique de la bourgeoisie et de la petitebourgeoisie. Karl Marx, Friedrich Engels et les membres de la Ligue des Communistes se préoccupèrent, du premier au dernier jour de la révolution, de promouvoir ce processus et de créer un parti de masse prolétarien révolutionnaire à l'échelle nationale. Ils multiplièrent ces efforts du fait de la trahison de la bourgeoisie et vu l'attitude politique instable de la petitebourgeoisie, surtout à partir du commencement de 1849. Dans les grandes révoltes de l'année 1848—49, la classe ouvrière des villes constitua le noyau militant. Les membres de la Ligue des Communistes prirent une part éminemment active aux luttes armées de 1849, l ° r s de la Campagne constitutionnelle du Reich. Là, pour la première fois dans l'histoire de notre peuple, des communistes allemands ont conduit quelques formations armées. La révolution allemande de 1848—49 subit une défaite. Elle demeura une révolution bourgeoise démocratique inachevée. La responsabilité de la défaite incombait à la bourgeoisie qui historiquement était appelée à diriger la révolution, mais qui, craignant le prolétariat et les autres masses populaires, trahit les intérêts du progrès et de la nation et s'allia à la réaction féodale. En 1848—49, la classe ouvrière n'était pas encore objectivement en mesure de prendre en mains la direction des masses populaires. La défaite fut un grand malheur pour la classe ouvrière allemande et pour tout le peuple allemand. Toutes les forces antidé-mocratiques, agressives, et pour cette raison antinationales purent, par la suite, déterminer de façon décisive le développement historique en Allemagne. La révolution de 1848—49 compte pourtant parmi les plus grands événements progressistes de l'histoire allemande. C'était le premier soulèvement vraiment national des masses populaires, dans la lutte contre la réaction personnifiée par les féodaux et les hobereaux, dans la lutte pour une solution révolutionnaire et démocratique de la question nationale. Dans la révolution, la classe ouvrière s'est montrée, pour la première fois, la force nationale la plus décisive. Le marxisme et le premier parti prolétarien révolutionnaire — la Ligue des Communistes, son programme et sa tactique — s'étaient confirmés en 1848—49 pour la première fois devant l'histoire. Malgré la défaite de la révolution, la victoire définitive et le triomphe du mode de production capitaliste ne pouvaient plus être empêchés.

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CHAPITRE II

Le développement du communisme scientifique par Karl Marx et Friedrich Engels, ha lutte en faveur d'un parti de masse révolutionnaire de la classe ouvrière allemande et pour l'unification révolutionnaire et démocratique de l'Allemagne, ha fondation de la Première Internationale. La fondation du Parti Ouvrier Social-Démocrate. (Période de 1849 à 1871 )

Après la défaite de la révolution, la contre-révolution victorieuse se servit de tous les moyens, interdictions et mesures d'oppression contre les différentes organisations ouvrières. Dans ces conditions changées, Karl Marx et Friedrich Engels commencèrent, en collaboration avec d'autres dirigeants ouvriers, à réorganiser la Ligue des Communistes. Depuis l'été 1850 là conjoncture capitaliste réduisit à néant les espoirs en un nouvel élan révolutionnaire pour le proche avenir. Karl Marx attira l'attention des membres de la Ligue sur la nécessité d'établir des relations plus étroites avec la classe ouvrière, afin de préparer en Allemagne la fondation d'un parti de masse prolétarien. La Ligue acquit, peu après la révolution, une influence plus grande sur de nombreuses associations ouvrières encore existantes. En même temps, Karl Marx se dressa contre les velléités révolutionnaires d'une fraction petite-bourgeoise au sein de la Ligue des Communistes qui, indépendamment des conditions objectives, voulait déclarer la « volonté comme seule force motrice de la révolution ». Après le procès contre les communistes à Cologne, premier essai de la réaction d ' « exterminer » le parti ouvrier révolutionnaire, la Ligue des Communistes fut dissoute, sur la proposition de Karl Marx et Friedrich Engels, parce qu'elle ne répondit plus aux nouvelles conditions de la lutte de classes. Karl Marx et Friedrich Engels tirèrent les enseignements politiques des multiples expériences acquises au cours de la révolution européenne des années 1848—49, particulièrement en ce qui concerne le problème de l'Etat et le rôle du parti et de ses alliés. Ils en élaborèrent les enseignements et leurs conclusions théoriques surtout dans les œuvres telles

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que « La Guerre des paysans en Allemagne », « La Campagne constitutionnelle en Allemagne», «Adresse de l'administration centrale à la Ligue (mars 1850) », «Révolution et contre-révolution en Allemagne », «Les Luttes de classes en France (1848 — 1850) », «Le dixhuit Brumaire de Louis Bonaparte ». Dans ce dernier ouvrage, en particulier, Karl Marx caractérisa amplement la nature politique de l'Etat bourgeois et son rôle comme instrument de classe dirigeante dans la société capitaliste. Il développa les idées du Manifeste Communiste en constatant que la prise du pouvoir politique par le prolétariat nécessite la destruction du vieil appareil d'Etat, bureaucratique et militariste, des classes des exploiteurs. Dans ces travaux Karl Marx et Friedrich Engels exprimèrent des idées fondamentales concernant l'alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie et démontrèrent que les paysans ne trouvent leurs alliés naturels et leurs dirigeants que dans la classe ouvrière. Au cours des années 50 et 60, le mode de production capitaliste prit un essor rapide dans l'industrie et dans l'agriculture allemandes. La bourgeoisie devint la classe la plus puissante du point de vue économique. Dans l'agriculture, le développement du capitalisme atteignit son but en employant les méthodes prussiennes. Les intérêts opposés qui existaient entre les hobereaux et la bourgeoisie perdirent leur caractère antagoniste. Parallèlement au développement fougueux du capitalisme, la classe ouvrière s'accrût rapidement. Durant les années de 1852 à 1859, le nombre des luttes économiques du prolétariat s'amplifia. Les travailleurs étaient organisés dans des associations professionnelles locales et dans d'autres associations ouvrières qui furent le berceau de l'organisation syndicale. A partir de la crise économique internationale de 1857, les travailleurs des fabriques se distinguèrent de plus en plus dans ces luttes. Par de nombreuses grèves qui eurent lieu dans beaucoup de parties de l'Allemagne, les ouvriers opposèrent une résistance opiniâtre aux effets de la crise. Lors du développement du mouvement démocratique national général en Allemagne depuis 1 8 5 9 , r a s s e m b l a i t de larges couches du peuple, les luttes des ouvriers prirent un caractère de plus en plus politique. La bourgeoisie libérale et les forces petites-bourgeoises démocratiques 'exercèrent, au début, une forte influence idéologique et politique sur les organisations ouvrières existantes. Après la révolution de 1848—49, la création de l'unité nationale était possible en suivant deux voies diamétralement opposées: la voie de la « révolution d'en bas » (une république allemande unie résultant d'un mouvement populaire révolutionnaire contre les dynasties et leurs suppôts sociaux et politiques en Allemagne même, et en dehors 38

du pays) ou la voie de la « révolution d'en haut » (l'unification sous l'hégémonie de l'Etat prussien et la conservation de la plupart des dynasties). La première solution correspondait aux intérêts du peuple allemand, tandis que la deuxième servait ceux des forces contre-révolutionnaires. Elle fut prise sous la direction de Bismarck et soumit toute l'Allemagne à la domination du militarisme prussien. Au cours de la lutte pour une république unie et démocratique, les travailleurs les plus avancés commencèrent à se débarrasser, en ce qui concerne l'organisation et la politique, de l'influence de la bourgeoisie. De cette volonté de se séparer de la bourgeoisie libérale tint compte Ferdinand Lassalle par la fondation de l'Association Générale des Travailleurs Allemands en mai 1863. Son mérite historique «est d'avoir fait de la classe ouvrière, d'appendice de la bourgeoisie libérale qu'elle était, un parti politique indépendant » (V. I. Lénine). Toutefois Lassalle n'offrit pas de perspectives révolutionnaires à la classe ouvrière. Au contraire, il créa l'illusion de la possibilité de passer pacifiquement au socialisme, à l'aide de l'Etat existant. Au sein de l'Association Générale des Travailleurs Allemands il nourrit, ainsi que son successeur Schweitzer, un culte de la personnalité incompatible avec le caractère de la classe ouvrière. Lassalle donna à la classe ouvrière une fausse orientation quant au but et à la tactique de la lutte de classe prolétarienne, au cours des années 60. Par la théorie non-scientifique de la « Loi d'airain », il répandit parmi les ouvrièrs des conceptions dirigées contre la lutte de classe économique et contre les syndicats. Lassalle essaya, par le mot d'ordre démagogique de coopératives de production subventionnées par l'Etat, de lier les ouvriers à l'Etat exploiteur des hobereaux et des bourgeois. Suivre cette ligne du « socialisme gouvernemental royal prussien » aurait signifié prendre parti pour Bismarck, pour le militarisme prussien des hobereaux et de la grande bourgeoisie et, par là, pour l'établissement de l'unité allemande par le fer et le sang. Pendant les années 60 également, les meilleurs représentants de la classe ouvrière allemande s'avérèrent les défenseurs les plus résolus d'une solution démocratique de la question nationale. A partir de 1863, une lutte violente se développa, au sein du mouvement ouvrier allemand, entre les partisans d'une politique ouvrière prolétarienne et ceux d'une politique ouvrière bourgeoise, et qui fut l'expression du contraste existant entre le marxisme et le lassallisme, lutte qui avait pour sujet la voie à suivre pour réaliser l'unité nationale allemande, soit au moyen de la révolution, ou au contraire sous l'égide de l'autorité supérieure prussienne. Les ouvriers luttaient en même temps de plus en plus âprement contre l'exploitation capitaliste et erigèrent de nouveau des syndicats centraux. Au cours de ces luttes la majorité des membres de 39

l'Union des associations ouvrières allemandes — organisation petitebourgeoise démocratique — prit peu à peu, sous l'influence d'August Bebel et de Wilhelm Liebknecht, une position prolétarienne dans la lutte pour réaliser l'union de l'Allemagne par un mouvement populaire démocratique. Pareillement, le nombre des membres de l'Association Générale des Travailleurs Allemands qui se distançaient du lassallisme antimarxiste et de son régime dictatorial, s'accrût continuellement. Un nombre toujours plus grand de femmes d'ouvriers commencèrent à participer activement au mouvement ouvrier. Ce fut le début d'un mouvement féminin prolétarien. Le processus de clarification politique au sein du mouvement ouvrier allemand; fut nettement favorisé .par l'action de Karl Marx et de Friedrich Engels ainsi que par toute l'activité de la Première Internationale (Association Internationale des Ouvriers). « La I rc Internationale (1864—1872) avait jeté le fondement de l'organisation mondiale des travailleurs pour préparer leur assaut révolutionnaire contre le capital » (V. I. Lénine). Dans le préambule de ses statuts, il fut constaté que l'émancipation de la classe ouvrière doit être acquise en combattant, par la classe ouvrière elle-même. La fondation et l'action de la Première Internationale ont eu une signification extraordinaire pour le développement du mouvement ouvrier allemand. Karl Marx et Friedrich Engels orientèrent la classe ouvrière allemande vers la nécessité de-former un parti indépendant pour réaliser sa mission historique et pour diriger la lutte en vue de résoudre démocratiquement la question nationale. • Friedrich Engels indiqua à la classe ouvrière dans son ouvrage « La question militaire prussienne et le parti ouvrier allemand » qu'elle doit agir, comme représentante conséquente des intérêts nationaux, en faveur des libertés démocratiques bourgeoises. .En 1867 parut en Allemagne le premier tome de l'œuvre principale de Karl Marx « Le Capital », fruit de nombreuses années de travail scientifique et qui avait déjà été préparée par la «Contribution à la critique de l'économie politique », éditée en 1859. Tandis qu'à l'époque de la révolution de 1848—49 Karl Marx et Friedrich Engels avaient avant tout élaboré les idées politiques du marxisme, depuis le début des années 5 o, le développement de la théorie économique du communisme scientifique passait au premier plan. Dans « Le Capital » Karl Marx détruisit l'apologie bourgeoise du capitalisme et mit en évidence, à l'aide d'un nombre colossal de faits, les lois de l'origine et du développement de la production capitaliste. Karl Marx démontra avec une exactitude scientifique la ruine inévitable du régime d'exploitation capitaliste et la mission historique de la classe ouvrière, comme fossoyeur du capitalisme et créatrice de la nouvelle société socialiste. La parution du « Capital » 40

fut un événement historique d'importance universelle. Il devint et est encore, pour le prolétariat et ses organisations, une arme intellectuelle tranchante dans la lutte pour la libération de l'exploitation et de l'opression. La parution du premier tome du « Capital » accéléra l'échec idéologique du lassallisme en Allemagne et favorisa la formation du parti révolutionnaire de la classe ouvrière allemande. Le Parti Ouvrier Social-Démocrate fondé à Eisenach en 1869 et dirigé par August Bebel et Wilhelm Liebknecht se forma selon les principes marxistes. Ses membres se déclarèrent pour le socialisme scientifique et pour l'internationalisme prolétarien de Karl Marx et Friedrich Engels. La Parti Ouvrier Social-Démocrate se trouvait, au sujet de principes décisifs théoriques, tactiques et d'organisation, en contradiction consciente avec la théorie et la pratique de Lassalle. Contrairement au culte de la personnalité pratiqué par Lassalle et Schweitzer dans le mouvement ouvrier allemand et qui fut toujours sévèrement condamné par Karl Marx et Friedrich Engels, l'organisation du Parti Ouvrier SocialDémocrate se basait sur le principe du centralisme démocratique. Ce fut la base du parti révolutionnaire de la classe ouvrière allemande. Ainsi, la condition principale à la création de l'unité du mouvement ouvrier allemand, ayant pour base la théorie de Marx et Engels, était donnée. Karl Marx et Friedrich Engels appelaient le parti fondé à Eisenach « notre parti ». La fondation, par August Bebel et Wilhelm Liebknecht, d'un syndicat se déclarant en faveur de la lutte de classes en 1868 — 69 (Internationale Gewerksgenossenschaften) se trouva étroitement liée à la constitution du Parti Ouvrier Social-Démocrate. La guerre franco-allemande de 1870—71 fut pour la classe ouvrière allemande une dure épreuve politique qu'elle subit brillamment. Lorsque la guerre franco-allemande, jusqu'alors une guerre de défense nationale, se transforma en septembre 1870 en une guerre de conquête, menée par les militaristes allemands contre le peuple français, les travailleurs allemands conscients de classe ne se laissèrent pas tromper par le chauvinisme. « Ni la gloire militaire, ni les paroles d'une ,Reichsherrlichkeit' (gloire de l'Empire) allemande n'eurent de succès parmi eux; la libération de tout le prolétariat européen resta leur but unique » (Friedrich Engels). Dirigés par August Bebel et par Wilhelm Liebknecht les ouvriers allemands socialistes s'opposèrent, unanimement et résolument, dans des conditions extrêmement difficiles, à la continuation de la guerre qui visait à l'oppression du peuple français. Les principes de l'internationalisme prolétarien s'étaient profondément enracinés dans la classe ouvrière allemande et les idées de Karl Marx et de Friedrich Engels avaient trouvé un profond écho dans les rangs des ouvriers allemands.

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CHAPITRE III

Les enseignements de la Commune de Paris (ISJI). Le centre du mouvement ouvrier international se déplace vers l'Allemagne. La lutte de la classe ouvrière allemande contre le militarisme prusso-allemand et l'évolution de la social-démocratie allemande vers un parti de masse révolutionnaire. La constitution de la Deuxième Internationale. (Periode de iSyi a la fin du siècle)

Les ouvriers socialistes allemands prirent passionnément parti pour la Commune de Paris, dans laquelle ils voyaient leur cause la plus légitime. L'intervention intrépide d'August Bebel, de Wilhelm Liebknecht et d'autres en faveur de la Commune de Paris fut l'expression de confiance des meilleurs représentants du mouvement ouvrier allemand en la victoire de la cause de la classe ouvrière, de la démocratie et du socialisme. Dans son ouvrage « La Guerre civile en France » ainsi que dans une lettre à Kugelmann, Karl Marx tira la conclusion de la Commune de Paris, comment la classe ouvrière, une fois qu'elle s'est emparée du pouvoir, doit briser la vieille machine de l'Etat. A la lumière de ces expériences, il dégagea les nouveaux traits de l'Etat prolétarien, qui représente la forme suprême de la démocratie au service des intérêts de la majorité du peuple. La Commune de Paris montra la nécessité d'une politique d'alliance révolutionnaire. Elle prouva que la libération de tous les travailleurs du joug capitaliste n'est possible que si la classe ouvrière possède un parti marxiste révolutionnaire. Le fait que l'avènement de l'Etat national allemand fut étroitement lié à la guerre de conquête menée contre le peuple français, et à l'écrasement sanglant de la Commune de Paris, eut des conséquences tragiques pour le peuple allemand. Tandis que le parti Ouvrier Social-Démocrate ayant à sa tête August Bebel, Wilhelm Liebknecht et Wilhelm Bracke, luttait avec les meilleurs représentants de la bourgeoisie démocratique allemande contre la politique d'annexion du militarisme prussoallemand, défendant les intérêts de la nation allemande, les hobereaux 42

prusso-allemands et les forces réactionnaires de la grande bourgeoisie érigèrent le nouvel Empire par le fer et le sang. Cet Empire ne cessa jamais d'être une force antidémocratique, dirigée contre les ouvriers et contre tout le peuple, et d'opprimer d'autres nations. Dès le début de son histoire apparurent clairement dans la politique allemande les deux tendances de classe diamétralement opposées. Le principal antagonisme de classe existait alors en Allemagne entre le bloc exploiteur des hobereaux et de la grande bourgeoisie d'un côté, et la classe ouvrière qui défendait les intérêts de tous les travailleurs et de toute la nation, de l'autre. L'Etat national constitué d'une façon antidémocratique, fut façonné et dominé par les classes les plus réactionnaires et les plus agressives, par les hobereaux et par la grande bourgeoisie. Cet Etat n'était « qu'un despotisme militaire, à armature bureaucratique et à blindage policier, avec un enjolivement de formes parlementaires, avec des mélanges d'éléments féodaux et des influences bourgeoises » (Karl Marx). Le militarisme prussien apposa d'une façon décisive son cachet à la vie sociale. La domination de la réaction des hobereaux et de la bourgeoisie était en contradiction avec les intérêts nationaux vitaux du peuple allemand. L'unification nationale de l'Allemagne cependant signifiait en même temps que les forces productives de la société capitaliste pouvaient maintenant se développer librement. L'évolution industrielle prenait un essor impétueux. Le prolétariat industriel s'accroissait rapidement et commençait à s'agglomérer dans de grands centres d'industrie. En même temps les premières formes de groupements monopolistes se développèrent dans une série de branches industrielles les plus importantes. La classe ouvrière allemande pouvait alors rassembler ses forces sur la base de l'Allemagne unifiée et de l'essor industriel rapide, et les développer à l'échelle nationale. La grande bourgeoisie s'étant alliée aux forces des hobereaux-militaristes, il appartenait à la classe ouvrière de se mettre à la tête de la lutte des masses populaires contre la réaction. La noble mission nationale de la classe ouvrière allemande consistait maintenant à renverser, à la tête des masses populaires, l'Etat militaire prusso-allemand pour constituer une république démocratique. Sur la base de la lutte de classes qui se déroulait entre la classe ouvrière et la bourgeoisie après la « Reichseinigung » (constitution de l'Empire), le marxisme se propagea rapidement dans le mouvement ouvrier allemand. Le prolétariat allemand fut le premier dans l'histoire qui fît du marxisme sa doctrine. En même temps il pouvait profiter des expériences des travailleurs anglais et français. Tout cela motiva le transfert du centre du mouvement ouvrier international de France en Allemagne. 43

«Pour la première fois, écrivit Engels en 1874, depuis que le mouvement ouvrier existe, la lutte est menée méthodiquement dans ses trois directions, coordonnées et liées entre elles: théorique, politique et économique-pratique (résistance aux capitalistes). C'est dans cette attaque pour ainsi dire concentrique que résident la force et l'invincibilité du mouvement allemand ». Après 1871 mûrissait la fusion des partisans de Lassalle avec le Parti d'Eisenach. Vu les événements historiques de 1870—71, la longue controverse au sujet de la voie à suivre pour atteindre l'unification nationale n'avait plus raison d'être. Grâce à la lutte courageuse qu'il avait menée contre l'Etat militaire prusso-allemand, l'influence du parti d'Eisenach s'accroissait rapidement. Après la « Reichseinigung » se généralisa de plus en plus parmi les prolétaires allemands conscients — au cours de luttes de classes de plus en plus âpres — la reconnaissance du fait que les intérêts de la classe ouvrière ne pourraient être défendus victorieusement que par une lutte commune contre le patronat et l'Etat militaire prusso-allemand. Ces. expériences, ainsi que l'aide que Marx et Engels apportèrent au parti d'Eisenach, firent en sorte que l'influence des dogmes de Lassalle dans le mouvement ouvrier allemand diminua. Les organismes de l'Etat poursuivaient de plus en plus aussi bien le parti d'Eisenach que les partisans de Lassalle, parce que tous deux se trouvaient en opposition avec les classes dirigeantes. La fusion du Parti Ouvrier Social-Démocrate avec l'Association Générale des Travailleurs Allemands, lors du congrès de mai 1875 à Gotha, fut un événement important dans l'histoire du mouvement ouvrier allemand. Le parti de la classe ouvrière revêtait maintenant un caractère vraiment national. La fusion mit fin à la lutte fratricide qui pendant de longues années avait régnée au sein du mouvement ouvrier allemand. A la tête de la classe ouvrière se trouvait alors un parti uni qui était à même de diriger et orienter la lutte contre l'ordre exploiteur des hobereaux et bourgeois et contre le militarisme prussien. Pourtant, le programme du parti adopté au congrès de Gotha ne correspondait pas à l'importance de l'unification. Quelques dirigeants du parti d'Eisenach ayant conclu un mauvais compromis avec les représentants lassallistes, au sujet des problèmes décisifs de la théorie et de la pratique de la lutte de classes, ils sauvèrent l'idéologie des partisans de Lassalle de la faillite totale. Ils tolérèrent que le programme n'exprimât pas la conception marxiste du parti d'Eisenach, mais la conception opportuniste des partisans de Lassalle. Les thèses fondamentales du Programme de Gotha ne correspondaient pas aux principes marxistes et aux expériences de la lutte de classes, et signifiaient un recul par rapport au Programme d'Eisenach. Et surtout les enseignements découlant 44

de la lutte héroïque des communards parisiens ne furent pas tirés. Des idées petites-bourgeoises et des idées bourgeoises, teintées de lassallisme, se firent jour au lieu du communisme scientifique. La critique de Karl Marx au projet du Programme de Gotha représente, à côté du Manifeste du Parti Communiste et du « Capital », le principal document théorique du marxisme. Karl Marx traitait toutes les questions fondamentales de la nouvelle période de la lutte des classes et développa d'une façon créatrice la théorie et politique de la classe ouvrière dans une confrontation idéologique avec le lassallisme et le démocratisme vulgaire, principalement en ce qui concerne les questions de l'Etat et de la révolution (dictature du prolétariat), et des deux phases de la société communiste. Cette critique fondamentale de Karl Marx et de Friedrich Engels faite au Programme de Gotha fut mésestimée et tenue cachée aux membres du Parti par des dirigeants influents de la social-démocratie. L'acceptation du nouveau programme du Parti, à Gotha, fit conserver des conceptions opportunistes au sein de la social-démocratie et fut le germe du futur révisionnisme dans le mouvement ouvrier allemand. Le culte du parlementarisme, la dénégation de la politique d'alliance et les tendances nationalistes propagés par Lassalle, eurent, au cours du développement du mouvement ouvrier allemand, des suites funestes, notamment après le commencement du X X e siècle. Contrairement à la phraséologie lassalléenne du Programme de Gotha, la majorité des membres du parti pratiquèrent pourtant une politique ouvrière révolutionnaire. Les expériences de la lutte de classes et l'aide donnée par Karl Marx et Friedrich Engels (principalement « l'AntiDuhring » de Friedrich Engels) contribuèrent à propager constamment les idées du marxisme. La conscience croissante des ouvriers allemands, la consolidation du Parti Social-Démocrate et son influence grandissante sur les masses laborieuses déterminèrent en 1878 l'Etat des hobereaux et des bourgeois à faire voter la loi d'exception contre la social-démocratie. Bismarck, quoique concevant et pratiquant, dans le cadre des limites que lui imposait sa propre classe, une politique extérieure réaliste en se déclarant — dans les intérêts des classes des hobereaux et des bourgeois — adversaire d'une guerre préventive contre la Russie, poursuivit, en même temps au moyen de la loi contre les socialistes, le but tout à fait irréel d'anéantir le mouvement ouvrier socialiste. La lutte obstinée et pleine d'abnégation de la social-démocratie contre la loi antisocialiste fut caractérisée par V. I. Lénine comme une période héroïque du mouvement ouvrier allemand. La lutte de la social-démocratie pour le développement démocratique correspondait aux intérêts de la classe ouvrière et à ceux de la nation entière. La classe ouvrière, 45

dirigée par la social-démocratie, donna au cours de ces années, un magnifique exemple de son ingéniosité et de sa sagesse révolutionnaires, de son héroïsme et de son esprit de sacrifice, dans la lutte contre la classe des exploiteurs au pouvoir, et contre l'Etat de Bismarck. Le Parti sut appliquer de nouvelles formes de la lutte de classe, à savoir, par exemple, combiner la lutte légale avec la lutte illégale et les actions parlementaires avec les actions extra-parlementaires. Sous la conduite du Parti, une partie toujours plus grande de la classe ouvrière fut enrôlée dans la lutte contre la loi antisocialiste, ce qui se manifesta par l'accroissement des voix sociales-démocrates lors des élections au Reichstag et par la reconstitution du mouvement syndical, qui avait été détruit par cette loi. L'influence du Parti se fit également sentir dans quelques régions rurales. Les fondateurs du communisme scientifique éduquèrent une couche de militants conscients du mouvement ouvrier à l'aide de travaux fondamentaux tels que « La Circulaire », « L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat », « Le Développement du socialisme de l'utopie à la science », de même que « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande ». Sans relâche, ils menèrent la lutte sur deux fronts, d'une part contre les représentants de conceptions opportunistes de droite qui voulaient transformer le parti de classe révolutionnaire en parti réformiste petit-bourgeois, et d'autre part, contre des tendances dogmatiques et du sectarisme de gauche, qui visaient à isoler le Parti des masses, et finalement à le liquider. Dans les ouvrages qu'ils rédigèrent au cours de cette période, le matérialisme dialectique et historique fut développé d'une façon créatrice. Cela se fit par la généralisation théorique des nouveaux enseignements historiques tirés de la lutte d'émancipation menée par le prolétariat, ainsi que des résultats récents les plus remarquables des recherches dans le domaine des sciences naturelles et des sciences sociales. Partant de la conviction qu'il ne peut y avoir d'action révolutionnaire sans théorie révolutionnaire, les fils les plus éminents du peuple allemand, Karl Marx et Friedrich Engels, dotèrent la classe ouvrière et les masses populaires qui luttaient avec elle, de la puissante arme idéologique, le matérialisme dialectique et historique. Les ouvrages des éminents dirigeants ouvriers marxistes, comme « La Femme et le socialisme » d'August Bebel furent un précieux apport à l'éducation révolutionnaire des membres du Parti Social-Démocrate et de parties importantes de la classe ouvrière. Le journal clandestin « Le Social-Démocrate » publié à l'étranger avec l'aide directe de Karl Marx et de Friedrich Engels joua également un rôle décisif dans l'application du marxisme dans le mouvement ouvrier allemand.

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La social-démocratie allemande se transforma, au cours de la lutte contre la loi antisocialiste, avec l'aide de Karl Marx et de Friedrich Engels, en un parti marxiste révolutionnaire. Pourtant, une forte tendance opportuniste qui avait ses origines historiques dans les conceptions de Lassalle, subsistait encore. Le développement toujours croissant de la lutte de masse économique et politique des ouvriers contre la politique antinationale des hobereaux et de la bourgeoisie, se manifesta entre autre par la grève d environ iooooo mineurs en 1889. En 1890, la classe dirigeante fut contrainte d'abolir la loi antisocialiste. La victoire de la classe ouvrière allemande sur cette loi fut la cause principale qui entraîna la chute de Bismarck et prouva que l'avènement du mouvement ouvrier marxiste révolutionnaire ne pouvait être arrêté par la terreur et l'oppression. Après la chute de Bismarck, le gouvernement de l'Empire poursuivit une soi-disante nouvelle ligne politique. La concentration et la centralisation du capital et de la production faisaient des progrès rapides et les monopoles gagnaient une influence croissante sur la politique. La politique coloniale qui avait débuté sous le gouvernement de Bismarck fut poursuivie et renforcée. Dans la politique intérieure, la contradiction entre les classes dirigeantes et les masses populaires s'aggrava. Les classes dirigeantes essayèrent, par des concessions pseudo-libérales et par la force brutale, de soumettre le mouvement ouvrier socialiste à la politique des hobereaux et de la grande bourgeoisie. Les années 90 furent marquées par des tensions croissantes sur le plan de la politique extérieure, en particulier avec l'Angleterre et la Russie. Après l'abolition de la loi antisocialiste, le mouvement ouvrier allemand se développa impétueusement. La social-démocratie devint un parti groupant plus de cent mille membres et exerçant une grande influence sur de larges parties de la classe ouvrière. La lutte contre l'exploitation capitaliste, la conscience de classe des ouvriers, la croissance du prolétariat et l'influence grandissante, de la social-démocratie favorisèrent le ralliement syndical. Les syndicats se constituèrent de façon très diverse, en un réseau très ramifié. Au cours des luttes syndicales, beaucoup de travailleurs acquirent des qualités prolétariennes éminentes comme l'esprit de solidarité, la discipline et la combativité. Sous l'influence décisive de Clara Zetkin, on vit éclore un mouvement féminin socialiste organisé. Sous sa direction le journal « Die Gleichheit » (l'Egalité) devint un organe de lutte de toutes les femmes socialistes-et progressistes, qui prenait parti pour l'égalité des droits et pour la pleine émancipation sociale des femmes. De nouvelles organisations ouvrières telles que des Comités d'étude, des associations gymniques, des chorales ouvrières et des coopératives de consommation virent le jour. 47

Dans le Programme d'Erfurt de 1891, la social-démocratie allemande tira les enseignements de la lutte contre la loi antisocialiste et tint compte de la critique de Karl Marx et de Friedrich Engels au Programme de Gotha, critique dont les membres du Parti ne venaient d'apprendre l'existence que maintenant. Le Programme d'Erfurt « au point de vue théorique se tient dans son ensemble sur le terrain de la science actuelle » (Friedrich Engels). Le programme renfermait la notion juste, selon laquelle l'édification de la société socialiste était conditionnée par la transformation de la propriété privée capitaliste des moyens de production en propriété sociale, et que cette transformation ne pouvait être que l'œuvre de la classe ouvrière, sous la conduite du Parti SocialDémocrate. La situation politique réactionnaire ne permit pas d'inscrire au programme du Parti les revendications directes d'une république démocratique bourgeoise et de la dictature du prolétariat. Aussi s'agissait-il de présenter des revendications de caractère bourgeois démocratique qui, en profitant de tous les moyens légaux, indiquaient à la lutte contre l'Etat militaire prusso-allemand une orientation et un but, et qui faisaient comprendre à la classe ouvrière et les autres masses travailleuses de lutter pour la république démocratique bourgeoise et la dictature du prolétariat. A ce sujet, Friedrich Engels avait attiré l'attention dans sa critique du projet de programme. Mais la version du Programme d'Erfurt adopté par le congrès du Parti ne tint pas non plus suffisamment compte de ces remarques et des indications d'Engels sur la politique de la socialdémocratie allemande. Les lacunes du programme ne résultèrent pas seulement de la situation politique particulière en Allemagne, mais montrèrent en même temps des inclartés théoriques qui existaient dans la direction du Parti Social-Démocrate, au sujet de ces problèmes décisifs. Le fait qu'on passait sous silence, au sein du Parti, les enseignements principaux de la Commune de Paris, empêcha l'élaboration exacte de la stratégie et tactique. Ces lacunes facilitèrent au révisionnistes, à l'époque de l'impérialisme, de se servir abusivement du Programme d'Erfurt pour propager leurs idées opportunistes. Avec la collaboration active de Friedrich Engels, des représentants de partis ouvriers de différents pays, fondèrent en 1889, à Paris, la Deuxième Internationale. Le congrès de fondation prit la résolution de célébrer tous les ans le i e r mai comme jour de lutte de la classe ouvrière internationale contre l'exploitation et l'oppression, pour les droits de tous les travailleurs. La Deuxième Internationale contribua de façon décisive à propager les idées du marxisme et de l'internationalisme prolétarien dans les masses ouvrières de nombreux pays. Cependant, dès le commencement de l'époque impérialiste, le révisionnisme y gagnait rapidement une influence dominante.

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La social-démocratie allemande était le parti le plus influent de la Deuxième Internationale. L'organe théorique de la social-démocratie, le « Neue Zeit » (Temps nouveau) rédigé par Karl Kautsky en collaboration avec Franz Mehring était déterminant pour le mouvement ouvrier international. Les premiers écrits importants de Franz Mehring parurent dans les années 90. Ils contribuèrent, ainsi que les ouvrages de Karl Kautsky de cette époque, à diffuser le marxisme dans le mouvement ouvrier allemand et international. Les conseils de Friedrich Engels furent d'une importance capitale pour le rôle positif que la social-démocratie allemande joua à l'échelle nationale et internationale, à la fin du X I X e siècle. Par la publication, respectivement réédition d'ouvrages fondamentaux de Karl Marx (p. ex. les tomes II et III du « Capital ») et par ses propres travaux ( « La Question paysanne en France et en Allemagne » et autres) Friedrich Engels accorda au mouvement ouvrier allemand et international un soutien important, qui n'avait pas seulement une valeur théorique mais de plus, une grande valeur politique et pratique directe. Déjà dans ces ouvrages Friedrich Engels montra certains faits qui caractérisaient l'époque de l'impérialisme naissant. Du fait de la transition vers le capitaliste monopoliste, de la politique coloniale et de l'armement renforcé de l'Allemagne, le danger de guerre devint de plus en plus grand. Friedrich Engels souligna que par là la nation allemande était mise en danger et que la prochaine guerre ne pourrait être qu'une guerre mondiale. Il se déclara contre la conception que la guerre serait mère de la révolution et se prononça dans son ouvrage « L'Europe peut-elle désarmer? » pour une politique de paix conséquente. Avec le développement de l'impérialisme, des forces opportunistes entrèrent d'une façon de plus en plus marquée et active sur la scène du mouvement ouvrier allemand avec leurs conceptions révisionnistes et réformistes.

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Précis de l'histoire

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CHAPITRE IV

Le début de l'époque de l'impérialisme, he transfert du centre du mouvement ouvrier international vers la Russie. La naissance du léninisme et la fondation du Parti bolchevik sous la direction de V. I. Lénine. Les luttes de masses de la classe ouvrière allemande — sous l'influence de la révolution de 1909—19 oj en Russie — contre la réaction et. le danger de guerre. Cristallisation des trois courants dans la social-démocratie allemande et la prépondérance de l'opportunisme. La lutte des Gauches allemands contre l'impérialisme et le militarisme allemands ainsi que contre l'opportunisme au sein du mouvement ouvrier. (Période de la fin du siècle à 1914)

L'inégalité de développement économique et politique du capitalisme prit d'une façon plus marquée un caractère de développement par bonds dès son entrée dans le stade impérialiste. Un nouveau rapport de forces auquel ne répondait plus l'ancienne répartition des colonies et des sphères d'influence, s'établit entre les grandes puissances. C'est la raison pour laquelle l'impérialisme engendre toujours de nouvelles guerres pour un nouveau partage du monde; il est l'ennemi de la paix. Son orientation vers des conquêtes impérialistes par la force a pour suite la militarisation de la vie sociale tout entière, et un accroissement continu de l'armement 'au détriment des masses populaires. Son agressivité vers l'extérieur correspond à son hostilité contre la démocratie à l'intérieur. L'impérialisme et le militarisme qui est son instrument principal pour l'expansion guerrière et pour l'oppression des masses populaires, sont de leur nature antidémocratiques, et rien d'autre que réaction sur toute la ligne à l'intérieur comme à l'extérieur, dans tous les domaines de la vie sociale. L'impérialisme devint une entrave au libre développement des forces productives. Il les gaspilla en grande mesure pour la préparation et la réalisation de guerres de brigandage et menaça les fondements d'existence de la nation. En devenant impérialisme, le capitalisme entra dans son dernier stade. Toutes les contradictions du capitalisme s'aggravèrent au point que la révolution socialiste devint une nécessité inéluctable. L'impérialisme allemand se distingua dès le début par une agressivité particulière. Le capitalisme s'était développé impétueusement après la constitution de l'Empire. Vers la fin du siècle, l'Allemagne était deve50

nue, après l'Angleterre, la deuxième puissance industrielle de l'Europe. Vu le développement impétueux du capitalisme, l'organisation relativement élevée de son système capitaliste monopolisté ~et financier, et les tendances du capitalisme monopoliste d'Etat en train de se dessiner, l'Allemagne devint le « modèle d'un pays capitaliste avancé » (V. I. Lénine). L'impérialisme allemand entra pourtant dans l'arène internationale au moment où les places à la table des capitalistes étaient déjà distribuées. Cela expliquait l'avidité avec laquelle il réclamait un nouveau partage du monde ainsi que son armement fébrile sur terre et sur mer pour atteindre au moyen de la guerre ses buts d'expansion. Le caractère particulièrement réactionnaire de l'impérialisme allemand fut encore renforcé par le fait que la révolution démocratique bourgeoise dans l'Allemagne du X I X e siècle resta inachevée. Les hobereaux avaient conservé leurs positions-clés dans l'armée et dans tout l'appareil d'Etat et s'étaient liés étroitement sur la basé d'intérêts de classe communs aux capitalistes monopolistes. C'est pouquoi Lénine qualifia de «junkerlichbourgeois » l'impérialisme allemand. De plus, le militarisme prusso-allemand marqua de son empreinte spécifique le caractère particulièrement agressif et réactionnaire de l'impérialisme allemand. Ce caractère se manifesta en Allemagne, en tout premier lieu, par l'oppression renforcée de la classe ouvrière et des masses populaires et par le régime de terreur dirigé contre toutes les aspirations sociales et démocratiques. Par tous les moyens, l'impérialisme allemand se dressa contre la réalisation des lois historiques et essaya d'empêcher la classe ouvrière de remplir sa mission historique. Le militarisme prusso-allemand était l'instrument principal de la politique agressive d'expansion de l'impérialisme allemand et devint une menace permanente pour la paix. Ses aspirations d'expansion tendaient à la conquête de l'hégémonie en Europe et à l'annexion de territoires surtout russe, français et belge. Dans la lutte pour le nouveau partage du monde, il s'orienta avant tout vers l'Asie Orientale, l'Afrique et le Proche-Orient. Le caractère particulièrement agressif et antidémocratique de l'impérialisme allemand se manifesta par la répression sanglante de la guerre de libération menée par les peuples des colonies et des pays dépendants, et par l'asservissement des minorités nationales qui avaient été incorporées à l'Empire allemand (Alsaciens et Lorrains, Polonais, Danois). Aux environs de la fin du siècle, la tendance agressive de l'impérialisme allemand qui avait pour but le nouveau partage du monde s'imposa définitivement en Allemagne. L'antagonisme entre l'impérialisme allemand et l'impérialisme anglais se montra de plus en plus clairement (lutte du capital financier allemand au sujet de la ligne ferroviaire BerlinBagdad). L'impérialisme allemand joua un rôle particulier dans la 4

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répression du mouvement de libération national et anticolonial (participation prépondérante du corps d'expédition allemand à étouffement du soulèvement populaire en Chine en 1900; étouffement de l'insurrection des Héréros en 1904 au Sud-Ouest africain). Le processus de concentration capitaliste qui se réalisait rapidement en Allemagne renforça l'antagonisme entre le capital et le travail. La classe ouvrière fut soumise à l'exploitation brutale par le capital monopoleur. L e processus de concentration accéléra également la prolétarisation de couches de petits bourgeois et de petits paysans ainsi que des intellectuels. Des parties toujours croissantes de la bourgeoisie et de la paysannerie tombaient également dans la dépendance économique du capital financier. La politique de guerre et d'annexion d'une poignée de monopolistes, militaristes et hobereaux entra de plus en plus en contradiction irréductible avec les intérêts delà majorité énorme de la nation. L e prolétariat répondait à cette politique impérialiste par de grandes actions de masse révolutionnaires contre l'exploitation et la course aux armements renforcées, et pour les droits démocratiques du peuple. Mais l'imperialisme allemand parvint à enchaîner, pratiquant un chauvinisme effréné, au char de sa politique d'expansion guerrière rapace, de grandes parties de la nation, bien qu'alors déjà il ne lui présentât d'autres perspectives que la misère croissante et la fosse commune. Le renversement des forces impérialistes et militaristes en Allemagne devint, conformément aux lois historiques, une nécessité absolue et le principe vital de notre nation. Ce combat ne pouvait être dirigé que par la classe ouvrière dont le rôle historique, face à la nation allemande, avait extraordinairement grandi dans les nouvelles conditions. Dès le début de l'époque impérialiste, la lutte de la classe ouvrière allemande pour la solution de la question vitale nationale du peuple allemand devenait un élément inséparable de sa lutte pour la révolution socialiste. Sa lutte contre la politique catastrophique antinationale de l'impérialisme et du militarisme allemands était conforme aux intérêts de toutes les couches du peuple aspirant à un développement pacifique et démocratique de la nation entière. Des rapports véritablement démocratiques à l'intérieur et des relations amicales, durables et solides, avec les autres peuples ne pouvaient être acquis par une lutte contre l'impérialisme et le militarisme sous la conduite de la classe ouvrière. Cette tâche, la classe ouvrière allemande ne pouvait l'accomplir que sous la conduite d'un parti de type nouveau. L e révisionnisme, dans les nouvelles conditions de la lutte de classes, était un moyen décisif dont se servit la bourgeoisie pour diviser et affaiblir la classe ouvrière et pour assurer sa propre domination de classe. Il apparut nécessairement en relation avec l'impérialisme et 52

se manifesta comme un courant hostile au sein du mouvement ouvrier international et par là, également, du mouvement ouvrier allemand. Sa base sociale, c'étaient l'aristocratie ouvrière, corrompue au moyen de fonds provenant des superprofits du capital monopoleur, des petits bourgeois pénétrant dans le mouvement ouvrier, et la bureaucratie ouvrière qui se développait dans les organisations ouvrières. « La dialectique de l'histoire est telle, écrivit V. I. Lénine, que la victoire théorique du marxisme force ses ennemis à se travestir en marxistes ». Le révisionnisme dont Edouard Bernstein était en Allemagne le théoricien en chef, nia la doctrine marxiste de la lutte de classes, de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat ainsi que des alliés de là classe ouvrière. La sous-estimation de la question paysanne propagée par les révisionnistes dans le mouvement ouvrier allemand resta plusieurs dizaines d'années une entrave sérieuse au développement de l'alliance entre la classe ouvrière et la paysannerie en Allemagne. Le révisionnisme prônait, contrairement à la réalité que l'on pourrait, au moyen de réformes, dans le cadre de la société bourgeoise existante, passer peu à peu et pacifiquement au socialisme. ( « L e mouvement est tout — le but final n'est rien ». Edouard Bernstein). Les révisionnistes passèrent aux côtes du nationalisme bourgeois, falsifièrent le contenu delà question nationale et contribuèrent au fait qu'elle fut longtemps sous-estimée dans le mouvement ouvrier allemand. Le révisionnisme (réformisme) se répandit au cours des années comme un poison paralysant au sein du Parti de la classe ouvrière et des syndicats, mina leur force combative tout en prolongeant l'existence de la société capitaliste qui, historiquement, était périmée. Le révisionnisme était dirigé contre la classe ouvrière et contre les autres masses populaires. Comme force alliée à l'impérialisme, il était antinational comme l'impérialisme lui-même. Non seulement les impérialistes, mais aussi les représentants du révisionnisme sont intéressés au maintien de la division de la classe ouvrière. Le principal problème dans la lutte pour la conquête du pouvoir politique est pour la classe ouvrière, dans tous les pays, de surmonter l'influence de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier et de mettre fin à sa division. A cause du caractère particulièrement agressif de l'impérialisme allemand, la suppression de toutes les formes du révisionnisme dans les rangs de la classe ouvrière allemande et l'établissement de son unité révolutionnaire étaient d'une grande importance nationale et internationale. La division de la classe ouvrière allemande a permis aux impérialistes de faire subir de graves défaites à la classe ouvrière et de plonger la nation allemande dans les catastrophes de deux guerres mondiales destructrices. Le développement

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de la conscience de classe et l'unité révolutionnaire de la classe ouvrière sont les conditions pour résoudre les questions vitales de notre nation. E n relation avec la première crise cyclique de l'époque de l'impérialisme (1900—1903) la lutte de classes s'aggrava considérablement en Allemagne. La crise accéléra le processus de formation de monopoles et la naissance de puissantes associations patronales. Elle conduisit en même temps à une rapide aggravation des conditions de vie de grandes parties de la classe ouvrière. Appuyé sur la volonté de combat de la classe ouvrière, le Parti organisa une large campagne de réunions contre la loi des tarifs douniers de 1902 et se servit de la tribune du Reichstag et de toutes les possibilités légales pour lutter contre le rejet des charges de l'armement sur les masses populaires. La grande influence sur les masses que le Parti gagna de cette façon se manifesta le plus clairement par sa victoire lors des élections au Reichstag en 1903. A u sein du mouvement ouvrier allemand le renforcement de la lutte de classes se manifesta dans les discussions entre le révisionnisme et les forces révolutionnaires du Parti. A u x congrès du Parti à Stuttgart (1898), Hanovre (1899) et Lubeck (1901) le révisionnisme fut sévèrement condamné. Les Gauches se dressèrent contre le révisionnisme (Rosa Luxembourg : « Réformes sociales ou révolution? » 1898 — 99) e t défendirent dans la théorie et la pratique le marxisme contre le révisionnisme et l'opportunisme. L e développement différent du mouvement ouvrier en Russie et en Allemagne devint alors évident. Pendant que l'Allemagne, à cause du caractère particulièrement agressif et réactionnaire de l'impérialisme allemand, devenait le centre du révisionnisme international, le centre du mouvement ouvrier révolutionnaire international s'était déplacé vers la Russie à la fin du siècle. A u cours du II e Congrès du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie en 1903 fut constitué sous la direction de V . I. Lénine, dans un combat acharné contre le révisionnisme, le Parti bolchevik, le parti le plus révolutionnaire et le plus conséquent du mouvement ouvrier international. V . I. Lénine formula dans ses ouvrages, en particulier dans « Que faire? » et « Un pas en avant, deux pas en arrière » la doctrine du parti de type nouveau. Ce fut un tournant dans l'histoire du mouvement ouvrier international. V . I. Lénine et les bolcheviks furent les seuls à se rendre exactement compte des tâches de la nouvelle époque et à tirer les conclusions nécessaires. Lénine démontra que la classe ouvrière a besoin d'un parti de type nouveau pour conquérir la dictature du prolétariat. Ce devait être un parti qui s'inspire de la théorie révolutionnaire du marxisme, qui réunit les meilleures forces conscientes de la classe ouvrière et des autres travailleurs, possédant une discipline de fer et qui ne 54

souffre pas d'éléments opportunistes dans ses rangs. L e parti doit être en mesure de reconnaître tout problème posé par l'histoire et être capable de diriger les masses populaires dans la lutte pour la solution de ces problèmes. Le parti de eombat marxiste révolutionnaire, comme avantgarde de la classe ouvrière et comme forme suprême de l'organisation de classe du prolétariat, constitué selon les principes du centralisme démocratique, lié le plus étroitement aux masses du peuple laborieux, se distingue par l'unité ferme et inébranlable de sa volonté et de son action. A u congrès du Parti Social-Démocrate Allemand à Dresde (septembre 1903) qui, en raison de la victoire électorale du Parti et de la grève des travailleurs de l'industrie textile de Crimmitschau revêtit une importance particulière, le révisionnisme fut de nouveau repoussé. Mais le congrès se contenta encore une fois uniquement d'une condamnation des révisionnistes sans — comme V . I. Lénine et les bolcheviks — les combattre avec toutes les conséquences du point de vue de l'idéologie et de l'organisation. L'inconséquence montrée au cours de la lutte contre les suppôts de l'influence bourgeoise au sein de mouvement ouvrier permit aux forces opportunistes, tout en se soumettant formellement aux décisions prises, d'exercer en même temps une influence toujours croissante sur l'activité du Parti, des syndicats et des autres organisations de masse prolétariennes, et d'y occuper pas à pas des positions importantes. L e discours d'August Bebel au Congrès de Dresde contre les révisionnistes fut un exemple « comment on doit défendre les conceptions marxistes et lutter pour le caractère vraiment socialiste du parti ouvrier » (V. I. Lénine). L'éminent dirigeant ouvrier allemand August Bebel resta jusqu'à la fin de sa vie l'ennemi mortel de la société bourgeoise et de son Etat. Sa prise de parti passionnée pour la démocratie et le socialisme et contre les corrupteurs de la nation allemande lui valurent l'affection et la vénération des masses populaires. Des générations d'ouvriers révolutionnaires agirent sur le mot d'ordre de Bebel, mot d'ordre antimilitariste et antiimpérialiste: «Pas un homme, pas un sou à ce système ». La lutte d'August Bebel fait partie des meilleures traditions de la classe ouvrière allemande. Mais August Bebel ne reconnut pas la haute mission historique qui incombait au mouvement ouvrier à l'entrée dans le stade de l'impérialisme: la mission de fonder le parti de type nouveau. La grève des 1903 — janvier les associations classe ouvrière

ouvriers de l'industrie textile de Crimmitschau (août 1904) fut la première grande épreuve de force entre patronales capitalistes alliées à l'appareil d'Etat et la allemande organisée. L'intervention des organes de

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l'Etat en faveur des entrepreneurs capitalistes donna à cette grève un caractère de plus en plus politique. L'incorporation continuelle de nouvelles masses de la classe ouvrière et d'autres couches laborieuses dans les luttes politiques et économiques se manifesta par le développement du mouvement féminin prolétarien et par les débuts du mouvement de la jeunesse ouvrière. L'exploitation croissante des apprentis et des jeunes travailleurs conduisit, en automne 1904, à la fondation des premières organisations de la jeunesse ouvrière à Berlin et à Mannheim. Le congrès de la Deuxième Internationale à Amsterdam en 1904 appela à créer des associations autonomes de la jeunesse prolétarienne, tout en soulignant, en raison du danger du guerre impérialiste croissant, l'importance de l'éducation antimilitariste de la jeunesse. Au début de 1905 avait éclaté en Russie, affaiblie par la guerre russojaponaise, la révolution démocratique bourgeoise contre le régime tsariste. La révolution de 1905 jusqu' à 1907 exerça une grande influence sur le développement du mouvement prolétarien et démocratique international, et sur le développement des luttes de libération nationale des peuples coloniaux et semi-coloniaux. Le prolétariat héroïque de la Russie devint l'avant-garde de la classe ouvrière révolutionnaire du monde entier. Dans son ouvrage « Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique », V. I. Lénine étudia les particularités de la révolution démocratique bourgeoise au stade de l'impérialisme, en développant, pour la première fois dans l'histoire du marxisme, la doctrine universelle de l'hégémonie du prolétariat danv la révolution démocratique bourgeoise et la théorie de la transition de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste. En tant que condition principale au succès de la lutte du prolétariat, en alliance avec la paysannerie, V. I. Lénine fit ressortir la conduite par le parti marxiste de la classe ouvrière. Cette théorie de la révolution socialiste fut d'une importance capitale pour la stratégie et la tactique de tout le mouvement ouvrier international. Sous l'influence de la révolution en Russie, les luttes de masses de la classe ouvrière allemande prirent un grand essor. Au cours de la grève des mineurs de la Ruhr en janvier et février 1905 luttèrent plus de 210000 ouvriers sociaux-démocrates, chrétiens, organisés et nonorganisés, de commun accord avec leurs frères de classe polonais. Plus d'un demi-million d'ouvrières et ouvriers prirent part aux grèves et autres luttes économiques de 1905, à savoir plus qu'au cours des années de 1900 à 1904 ensemble. Les nombreuses grèves économiques servirent de base aux luttes politiques de la classe ouvrière allemande, qui commencèrent notamment à la fin de l'année 1905 en Saxe, en 56

Prusse et à Hambourg, et s'en prenaient au droit de vote en trois classes antidémocratique. En janvier 1906, les travailleurs hambourgeois firent la première grève de masse politique en Allemagne. Le puissant essor du mouvement de masse en Allemagne provoqua, sous l'influence de la révolution en Russie, de violentes discussions dans le mouvement ouvrier allemand au sujet de l'emploi de la grève de masse politique, et au sujet du rôle des syndicats. Au cours de ces discussions, trois courants commencèrent à se dessiner dans le mouvement ouvrier allemand : 1 0 Les révisionnistes, qui prônaient la collaboration des classes, le renoncement à la dictature du prolétariat et aux actions de masse révolutionnaires et prêchaient la subordination totale à la légalité bourgeoise en affirmant que le prolétariat pourrait passer pacifiquement et pas à pas à l'aide de réformes au socialisme, sans porter atteinte à l'Etat bourgeois et aux rapports de propriété capitalistes. Les révisionnistes niaient la nécessité pour la classe ouvrière allemande de tirer les leçons de la révolution en Russie et se dressaient violemment contre la propagation et l'emploi de la grève de masse politique dans le mouvement ouvrier allemand. Ils firent tout pour cacher aux ouvriers allemands les enseignements de V. I. Lénine et des bolcheviks, et pour les falsifier. Révisionnisme signifie livrer la classe ouvrière à l'impérialisme. 2 0 Les centristes, qui se déclarèrent en paroles pour le marxisme et contre le révisionnisme, mais en fait, sous le manteau de la préservation de la paix et de l'unité du parti, soutenaient les révisionnistes et les opportunistes notoires et leur applanissaient le chemin. Le centrisme, la plus dangereuse variante de l'opportunisme, commença à se cristalliser au cours des discussions au sujet des nouvelles formes de lutte extraparlementaires révolutionnaires répondant aux conditions de lutte à l'époque de l'impérialisme. Centrisme signifie subordination de la classe ouvrière au révisionnisme et, par conséquent, à l'imperialisme. 30 Les Gauches, avant tout leurs dirigeants Karl Liebknecht, Rosa Luxembourg, Franz Mehring et Clara Zetkin, furent, comme continuateurs des meilleures traditions de la social-démocratie allemande, les défenseurs conséquents d'une politique de classe révolutionnaire pour les intérêts économiques et sociaux de la classe ouvrière et des masses populaires. Ils exigèrent et propagèrent la lutte contre le militarisme et le guerre impérialiste, l'utilisation révolutionnaire du parlement et la combinaison de la lutte parlementaire avec la lutte extra-parlementaire. Les Gauches se déclarèrent catégoriquement, pratiquant les enseignements de la révolution en Russie, en faveur de la grève de masse politique. Ils défendirent les idées de l'internationalisme prolétarien contre 57

la propagande chauvine des fauteurs de guerre impérialistes et contre l'idéologie nationaliste répandue au sein de la classe ouvrière par les opportunistes. Ils revendiquèrent avant tout l'alliance fraternelle de la classe ouvrière allemande avec la classe ouvrière de Russie et de Pologne. Ils se trouvèrent à la tête de la lutte du mouvement ouvrier allemand pour la défense des droits des minorités nationales en Allemagne. Le plus grand mérite des Gauches à l'égard de la classe ouvrière et de la nation fut leur lutte héroïque contre l'impérialisme et le militarisme allemands et contre leur politique intérieure et extérieure de préparation à la guerre. C'était Karl Liebknecht qui analysa dans ses écrits le rôle antinational de l'impérialisme allemand en dévoilant le caractère hostile au peuple du militarisme prusso-allemand. De tous les partisans de la Gauche, il reconnut le plus clairement que seule la victoire de la classe ouvrière sur l'impérialisme et sur le militarisme assurerait à toute la nation un avenir heureux et paisible. La lutte des Gauches allemands contre l'impérialisme, le militarisme et le révisionnisme les rapprocha le plus, parmi tous les courants et groupes révolutionnaires de gauche du mouvement ouvrier international, des bolcheviks. Cependant les Gauches ne reconnurent pas encore l'ensemble des nouvelles conditions de la lutte de classe à l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne. Ils restèrent dans une série de questions fondamentales en deçà des positions léninistes. Les Gauches ne prirent pas en considération les enseignements que V. I. Lénine avait élaborés dans des ouvrages comme « Que faire? » et « Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique » et ne les propagèrent pas dans le mouvement ouvrier allemand. Ils ne comprirent pas l'enseignement de Lénine préconisant d'établir une alliance étroite entre la classe ouvrière, les paysans laborieux et les autres couches travailleuses et oppositionnelles. Les conceptions erronées de Rosa Luxembourg et d'autres au sujet de l'écroulement automatique de la société capitaliste et sa théorie de la spontanéité empêchèrent longtemps les Gauches de comprendre la nécessité de rompre, tant du point de vue de l'idéologie que de l'organisation, avec les opportunistes de tout acabit et de fonder un parti de type nouveau. Comme ils ne se séparaient pas assez tôt des opportunistes, ils ne disposaient pas, lors du déclenchement de la guerre, d'un propre parti qui aurait pu guider les masses dans la lutte contre la guerre impérialiste. Cest seulement au cours de la première guerre mondiale, sous l'influence et avec l'aide de V. I. Lénine et des bolcheviks, que les Gauches commencèrent, pas à pas, à se former en groupe et à se détacher des centristes pour se rapprocher des positions léninistes. 58

Dans le processus de la lutte de classes, les différends au sein du mouvement ouvrier allemand se renforcèrent. Le congrès des syndicats, tenu à Cologne en mai 1905, réprouva la propagande en faveur de la grève de masse. Les ouvriers conscients combattirent pour le maintien des syndicats comme organisation de classe prolétarienne contre l'orientation opportuniste des dirigeants de droite. Tandis qu'au congrès du parti de Iéna en 1905 une résolution qui prévoyait l'emploi de la grève de masse politique fut encore prise sous l'influence de l'enthousiasme des masses pour la révolution en Russie et de l'intervention des Gauches, le congrès du parti de Mannheim en 1906 résolut, sous la pression des révisionnistes, de laisser à la direction réformiste des syndicats le soin de prendre la décision sur l'emploi de la grève de masse. Le Parti fut dégradé en une organisation, en marge des syndicats. Il devint de plus en plus dépendant de la bureaucratie syndicale en ce qui concerne les questions décisives. Cela représenta pratiquement la première victoire ouverte du révisionnisme au sein de la social-démocratie allemande. A u sujet d'autres questions éclatèrent également d'âpres discussions entres les forces marxistes et les forces opportunistes au sein du Parti. Dans la social-démocratie allemande, on discuta des années durant sur l'attitude de la « Fronde de l'Allemagne du Sud » qui se composait de parlementaires et de militants du Parti opportunistes et qui par des « courtisaneries », par l'acceptation du budget dans les différents petits Etats du sud-ouest de l'Allemagne, et par des mesures analogues, abandonnèrent les principes marxistes du Parti qui avaient fait leur preuve, et pratiquèrent le réformisme. On en resta seulement à une condamnation de cette politique réformiste; ceux qui la soutenaient ne furent pas exclus de Parti. A u cours de cette période se constituèrent définitivement les groupes de puissances impérialistes qui s'opposèrent l'un à l'autre pendant la première guerre mondiale. L'impérialisme allemand formula de plus en plus ouvertement ses revendications d'un nouveau partage du monde, renforça la course aux armements et prit des mesures de politique intérieure et extérieure qui tendaient au bâillonnement de la classe ouvrière et au déchaînement de la guerre. A l'aide d'organisations comme 1' « Alldeutscher Verband » (Ligue pangermaniste) les impérialistes déployèrent une propagande chauvine effrénée contre les autres peuples et, en même temps, contre toutes les forces progressistes de la nation allemande. L'incompatibilité de la politique d'agression impérialiste avec les intérêts nationaux apparut de plus en plus clairement. Puisque le danger de la guerre impérialiste croissait toujours, la question comment la classe ouvrière doit lutter contre le militarisme 59

et la préparation à la guerre et comment elle devrait se comporter en cas de guerre, devait être résolue. Les représentants de l'opportunisme au sein de la social-démocratie allemande se déclarèrent ouvertement, en 1907, pour la politique d'armement et pour la politique coloniale de l'Allemagne impérialiste. Au congrès de la Deuxième Internationale tenu à Stuttgart en 1907 V. I. Lénine fit cependant admettre avec Rosa Luxembourg, une proposition additionnelle qui donnait une orientation révolutionnaire à la lutte contre le militarisme et la guerre impérialiste. Plus le danger de guerre devenait grand, plus se renforçait l'activité des Gauches allemands comme propagandistes et organisateurs de la lutte antimilitariste de la classe ouvrière et de la jeunesse ouvrière allemandes. (Le tract de Karl Liebknecht