Pour l'histoire de la féodalité byzantine

Table of contents :
Préface
Abréviations
Introduction
I. Πρόνοιαι et biens militaires
II. Πρόνοιαι et Χαριστίκια
III. Phase initiale du système de la pronoïa, au temps de la prédominance de l'aristocratie des hauts fonctionnaires civils
IV. Développement du système de la pronoïa au temps de la domination de l’aristocratie militaire
V. Les pronoïaires byzantins sous la domination latine
VI. Les pronoïaires dans l’Empire de Nicée
VII. Les pronoïaires dans le Despotat d’Épire
VIII. La pronoïa à l’époque des premiers Paléologues. Hérédité de la pronoïa. Lutte entre pronoïaires et monastères
IX. La pronoïa au temps de l’invasion turque. Donation de biens monastiques en pronoïa
X. La pronoïa à la veille de la chute de l’Empire byzantin. Les Pronoïaires comme administrateurs territoriaux
XI. La pronoïa dans l’État serbe au Moyen Age
XII. La pronoïa dans la Zéta sous la domination vénitienne

Les praktika byzantins
I. Datation des praktika étudiés
II. Destination des revenus enregistrés dans les praktika
III. Le domaine féodal et le village serf
IV. Les revenus d'Andronic Doukas et les versements de ses paysans serfs
V. Mode d'inscription des principaux versements paysans dans les praktika tardifs
VI. Différences dans la situation de fortune des paysans serfs
VII. Fluidité de la population paysanne serve. Augmentation rapide des domaines des grands féodaux
VIII. Les éleuthères
IX. Le praktikon du pronoïaire Michel Monomaque
X. Prédominance de la rente monétaire. Taxes supplémentaires et corvées

Index
Table des matières

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CORPUS BRUXELLENSE HISTORIAE BYZANTINAE SUBSIDIA I

POUR L'HISTOIRE DE

LA FÉODALITÉ BYZANTINE PAR

Georges OSTROGOBSKIJ Professeur ά Γ Université de Belgrade Membre de l’Académie serbe des Sciences

Traduction française DE

He n r i GRÉGOIRE Membre de l’institut de France

publiée avec la collaboration de Pa u l LEMERLE Directeur d’études à l’École des Hautes Études (Sorbonne)

Ou v r a g e pu b l ié a v e c

l e concour s du

Ce n t r e

n a t io n a l b e l g e

DE RECHERCHES BYZANTINES

BRUXELLES Éd it io n s

’In s t it u t d e Ph il o l o g ie Or ie n t a l e s e t Sl a v e s

de l

1954

e t d ’His t o ir e

PRÉFACE

A Byzance connue en Occident, la terre est la base de l'économie médiévale, et les diverses formes, coutumières ou juridiques, de possession du sol expliquent ou reflètent la hiérarchie sociale. En ce qui concerne le moyen âge occidental, ces problèmes complexes ont été bien débrouillés par plusieurs générations d’historiens. Pour Byzance, c’est aux travaux des savants russes, dont les premiers remontent à la fin du siècle dernier, c’est aux recherches de Vasiljevskij, de Th. Uspenskij, de Pančenko, d’autres encore plus près de nous, qu’il faut recourir. Mais ces

études sont en russe, en serbo-croate, en bulgare : pour cette raison, elles n’avaient pas encore, si l’on ose dire, passé dans le courant scientifique de l’Occident. Le premier service, et non le moindre, que l’on attend des deux traductions publiées ici, c’est de faire connaître, à travers la critique lucide du meilleur spécialiste de ces problèmes, les résultats obtenus par un demi-siècle de travail des savants slaves, et, dans une large mesure, de dispenser le lecteur « occidental » de recourir à la bibliographie slave. Les pénétrantes études de G. Ostrogorskij, mises ainsi à la portée de tous, vont permettre à l’histoire byzantine, dans l’une de ses branches les plus importantes, de rattraper le retard qu’elle avait pris sur l’histoire de l’Occident. Ces études sont au nombre de deux, et l’ordre où elles sont im-

primées n’est ni chronologique, ni même logique, si l’on se place au point de vue de la « recherche ». La seconde, consacrée aux

praktika, c’est-à-dire aux textes fondamentaux pour la connaissance du régime de la terre à Byzance, a paru la première, en 1948,

VI

PRÉFACE

en langue russe (Q : elle fait essentiellement l’examen critique, minutieux et pénétrant, de la documentation connue à cette date, et pose les fondations sur lesquelles il allait être possible d’édifier. Cet édifice, c’est le livre sur la pronoïa, publié en 1951 en langue serbo-croate (1 2), et dont la traduction est imprimée en tête du présent volume : il replace dans un cadre historique très large — bien qu’il puisse, de l’aveu même de l’auteur, être encore élargi — les données fournies par les prakiika, ainsi que par les autres sources, et, partant de là, pose le problème dans son ampleur et apporte des solutions. Il a, de plus, le grand intérêt et l’originalité de ne point se borner à Byzance, mais de traiter aussi des terres serbes. La science ne s’arrête pas. Quels que soient l’intérêt et l’importance décisive de ces deux études, elles ne mettent pas le point final aux difficiles problèmes qu’elles traitent. On connaît aujourd’hui un plus grand nombre de prakiika que G. Ostrogorskij n’en avait à sa disposition en 1948 : quelques-uns sont publiés, d’autres encore inédits. II est d’autre part évident que dans la Pronoïa, comme dans toute recherche originale frayant une voie nouvelle, il y a une part d’hypothèse ou d’interprétation : il s’en faut que tout soit clair dans l’histoire de l’économie et de la société byzantines, ou même dans l’histoire de la terre et de son statut. Ce livre, et par là encore il sera générateur de progrès, ce livre va provoquer la discussion, susciter la controverse : et d’abord sur le titre même qui lui a été donné, sur ces mots de féodalité byzantine, que l’auteur emploie dès la première ligne de son texte, et que l’on a tenu ici à inscrire sur la couverture — pour éveiller l’attention du lecteur plus encore que pour suggérer un rapprochement peut-être trompeur, pour indiquer une certaine ressemblance dans les problèmes, sans pour cela préjuger des solutions. (1) G. Os t r o g o r s k ij , Vizantijskie piscovye knigi, dans Byzanliiioslavica, IX, 1948, pp. 203-306. (2) G. Os t r o g o r s k ij , Pronija, Prilog isloriji /eudalizma u Vizaniiji i u juznoslovenskim zemljama (Srpska Akad. Nauka, Poscbna izdanja, kn. CLXXVI, Vizantološki Institut, kn. 1), Bcograd, 1951, 8°, vm-200 pp.

PRÉFACE

VII

Le problème de la terre à Byzance est en relation intime avec les deux grands problèmes qui se posaient à l’Êtat byzantin : problème financier, problème militaire. Le régime qui règle la possession et l’exploitation du sol, est lui-même déterminé par la fiscalité d’une part, le recrutement de l’armée de l’autre. Sur l’aspect financier ou, plus spécialement, fiscal de ces institutions, il n’y a pas lieu d’insister ici : tout ce que notre documentation permet actuellement de dire, a été dit par G. Ostrogorskij, dans les pages qu’on va lire, avec une parfaite clarté. Mais l’aspect militaire? La théorie fondamentale de G. Ostrogorskij est que la pronoïa est une institution militaire. Ou plutôt, afin d’éviter de déformer sa pensée, énonçons brièvement les principaux points de sa démonstration. Il montre qu’à l’origine, il y a lieu de distinguer les biens donnés par l’empereur à des personnes privées, chargées de pourvoir à leur administration (εις πρόνοιαν, κατά λόγον προνοίας), et les biens militaires ou στρατιωτικά κτήματα, dont la création est probablement contemporaine de celle des thèmes, et de l’installation massive sur le sol byzantin de Slaves chargés de combler le déficit démographique. Les deux institutions ont évolué dans des sens opposés. Les biens militaires, de faible étendue (la valeur n’en dépasse pas quatre livres d’or jusqu’à Nicéphore Phocas), exploités par des soldats dont la condition est exactement comparable à celle des paysans, assurent pendant plusieurs siècles, du vne au début du xie, la force militaire de l’empire. Mais ils sont menacés par l’ambition et l’avidité de la « noblesse », des « féodaux », dont les empereurs, à partir du xie siècle, seront les défenseurs, et qui, par le développement et la déformation du système de la pronoïa, vont devenir les maîtres du sol, dans le même temps que les « soldats-paysans » seront de plus en plus remplacés par des mercenaires. L’aristocratie militaire, qui triomphe sous les Comnènes de l’aristocratie des hauts fonctionnaires civils, s’établit sur un principe « purement féodal », et peu à peu parvient à se faire

vin

PRÉFACE

donner en pronoïa la plus grande partie du sol, avec les paysans qui le cultivent. Dès la fin du χπθ siècle, s’est instituée pratiquement la division de la terre en deux catégories : les terres patrimoniales, dont l’importance va en diminuant ; les terres pronoïaires, dont l’impor-

tance va croissant. Ces terres pronoïaires sont concédées à titre viager et non transmissible, et, depuis les Comnènes, en échange du service militaire. Sans doute, l’absence dans l’État byzantin d’une structure hiérarchique, d’un pouvoir à plusieurs degrés, fait que

politiquement la féodalité byzantine reste loin de la féodalité occidentale ; mais sur le plan économique et social, selon G. Ostrogorskij, il n’y a pas de différences essentielles. Et par là s’explique, après la quatrième croisade, la rapide adaptation des Latins : les pronoïaires grecs conservent leur pronoïa, en prêtant serment aux barons francs et en leur fournissant le service armé, et dans la Chronique de Morée, « pronoïa » et « fief » désignent la même chose. Le contact avec l’Occident accélère, sous les Paléologues, ce processus de féodalisation et, par suite, de décadence. La pronoïa, entre les mains de l’aristocratie militaire, en reste le principal instrument, avec un fait nouveau : elle devient héréditaire, en totalité ou en partie. Elle ne se confond pas pour cela

avec la propriété patrimoniale, car la terre pronoïaire reste toujours υπό την τον δημοσίου χεϊρα, et ne peut pas être cédée à des tiers.

Mais le seigneur, en échange du service militaire, y

jouit de pouvoirs « féodaux » de plus en plus étendus, qui absor-

bent peu à peu les droits de l’État, en ce qui concerne la perception des impôts, ou les droits de justice : Gémiste Pléthon, sur ses terres, est un véritable gouverneur or képhali. Telle est, ramenée à un schéma trop per nuancé, l’évolution que peint G. Ostrogorskij. On voit l’importa , ce des problèmes soulevés : c’est de la structure même de l’emj ire byzantin qu’il s’agit, et d’une explication de son déclin. On re, Dumbarton Oaks Papers, IV (1948), 87-91, 104 sq. ; Id ., On the social stri. dure and économie organisation of the Byzantine Empire in the thirteenth cei ury and later, Byzantinoslavica, 12 (1951), 97-101 et passim. ; Id., The arist ci acy of Byzantium in the thirteenth century, Studies in Roman Econ. and Soc. Hist. in honor of A. Ch. Johnson, 1951, 340-346, 352 sq. ; A. P. Ka ž d a n , Agrarnye otnošenija v Vizantii XIII-XIV vu., Moscou 1952, 202-223 ; G. Ro u il l a r d , La vie rurale dans l’Empire byzantin, Paris 1953, passim. Sur la pronija en Serbie, outre les ouvrages spéciaux cités plus haut : Jir e č e k , Islorija III, 66-69 ; T. Ta r a n o v s k i , Srpsko pravo, 33-37.

INTRODUCTION

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Le mémoire d’Uspenskij représente incontestablement pour l’époque où il parut, un travail d’une valeur extraordinaire. Mais il est compréhensible qu’avec les matériaux dont on disposait alors, Uspenskij ne pouvait pas encore donner une image exacte et complète du développement de la pronoïa dans l’empire byzantin (x). Mais il avait bien compris l’essence du système de la pronoïa, lorsqu’il le définit comme une « attribution de terres habitées et d’autres biens de rapport à un noble comme récompense de services rendus et sous condition d’accomplir un service déterminé » (1 2). Et il ajoutait : « surtout à titre de récompense pour des services militaires et à condition de continuer à prêter le service militaire » (3). Mutafčiev arrive à des conclusions opposées. Le mérite incontesté (et il est grand) de Mutafčiev réside en ceci qu’il a étudié un grand nombre de documents, qu’il a consulté (bien que non d’une manière exhaustive) un matériel considérable consistant en documents encore inconnus au temps de la publication de l’étude d’Uspenskij, et qu’en outre il a étudié avec soin des textes d’écrivains byzantins qui contiennent des informations sur la pronoïa. Pour ce qui est de ses résultats, si l’on peut appeler « résultats » des conclusions absolument négatives, il faut dire que les recherches de Mutafčiev sur l’essence de la pronoïa ont obscurci la question plutôt qu’elles ne l’ont éclaircie. Sa thèse principale est que la pronoïa byzantine, contrairement au sentiment d’Uspenskij, n’avait aucun caractère militaire. Les πρόνοιαι se. donnaient aux militaires ; mais on les donnait aussi à des personnes qui n’avaient rien de commun avec l’armée. D’autre part, les propriétés patrimoniales, elles aussi, étaient grevées de l’obligation du service militaire. Il faut en conclure, selon Mutafčiev, que la pronoïa, à Byzance, n’avait point de caractère particulièrement militaire ; si, par accident, elle vient à être grevée d’une obligation militaire, elle ne se distingue pas des autres espèces de possessions grevées, elles aussi, de la même obligation. Mutafčiev reconnaît, il est vrai, que, dans les documents serbes et vénitiens, le caractère militaire de la pronoïa saute aux yeux ; mais, à son avis, de ces

(1) Dans ses travaux ultérieurs, Uspenskij, malheureusement, n’est plus revenu sur la question de la pronoïa, et n’y a pas touché même dans le mémoire Socialnaja euoljucija i feodalizacija υ Vizantii, Annaly, 2 (1923), 95-104. (2) Us pe n s k ij , Pronija, 1. (3) Us pe n s k ij , Pronija, 22.

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LA PRONOÏA

faits on ne. peut tirer aucune conclusion sur l’essence de la pronoïa byzantine : car la pronoïa a pu, chez les Slaves du Sud, prendre une importance qu’elle n’avait jamais eue à Byzance. Comme nous le verrons, cette conception est tout à fait fausse. Il est exact, toutefois, que les πρόνοιαι n’étaient pas données exclusivement à des militaires, et que les biens patrimoniaux étaient grevés, eux aussi, de certaines obligations militaires — et non seulement les propriétés privées, mais encore les biens des monastères. Mais, par exemple, dans la Russie médiévale aussi, des pomestija étaient octroyées en récompense, non seulement de services militaires, mais encore d’autres espèces de service public. Et le service militaire n’était pas supporté exclusivement par les pomestija : il était dû également par les ooičiny. Et cependant, personne n’a nié la signification militaire du système du pomestie russe. Au surplus, le service armé de la pronoïa ne signifie pas toujours le service militaire personnel du pronoïaire. Donc le fait que tel ou tel pronoïaire n’était pas un soldat ne prouve nullement que sa pronoïa ne fût pas grevée de l’obligation de prêter le service militaire. Au contraire, l’appartenance à l’armée de la grande majorité des pronoïaires byzantins parle clairement en faveur de la signification militaire de la pronoïa. D’autre part, le fait que les propriétés héréditaires, entre autres obligations, étaient grevées aussi de l’obligation du service militaire, ne veut pas dire qu’elles prêtaient le service militaire dans la même mesure que les πρόνοιαι. Enfin, on ne saurait comprendre comment la pronoïa, dans l’État serbe, où elle, a pénétré, venant de Byzance, et se manifestant d’abord dans les territoires conquis par les Serbes sur Byzance ·— comment la pronoïa, dans ces conditions, peut avoir dès le début un caractère, militaire, si la pronoïa à Byzance ne l’avait pas déjà. L’erreur principale de Mutafčiev est la suivante. Il a perdu de vue que tout phénomène historique, au cours du temps, évolue et change d’aspect. Et il ne s’est pas rendu compte de la chronologie des données diverses fournies par les sources ; il a voulu comprendre le système de la pronoïa qui, à Byzance, exista pendant quatre siècles, dans une définition globale. Mais quand on veut réduire en formules générales la variété des faits historiques, inévitablement on les vide de leur contenu concret. En somme, Mutafčiev parle beaucoup de ce que la pronoïa... n’était pas, mais il a fort peu de chose à dire de ce qu’elle était, et il ne nous

INTRODUCTION

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explique pas pourquoi elle a joué un rôle capital dans l’évolution interne de l’empire byzantin, du milieu du xie siècle jusqu’à la fin de cet empire (x). Cependant, si nous disposons chronologiquement les matériaux de nos sources, comme on doit le faire dans toute investigation historique, nous y trouverons facilement que les données d’après lesquelles la pronoïa n'a pas de caractère militaire se réfèrent surtout au premier stade de son développement. Dans la première — et très brève — période de son évolution, la pronoïa, certes, n’avait pas de signification militaire, mais elle acquit cette signification dès le temps des Comnènes — et depuis l’obligation de service militaire, incontestablement, est restée une particularité caractéristique et essentielle du système de la pronoïa. Dans le présent mémoire, nous examinerons d’abord en détail ihistoire de la pronoïa à Byzance, en partant des données des sources byzantines, car, avant tout, il convient d’éclaircir la question de la pronoïa à Byzance même, c’est-à-dire en son pays d’origine. C’est ce qu’avait très bien dit Uspenskij : la pronoïa doit être étudiée surtout d’après les sources byzantines (12). C’est seulement après cela que nous aborderons l’histoire de la pronoïa dans l’État serbe médiéval et que, dans la mesure où l’état des sources le permettra, nous suivrons l’évolution de la pronoïa-pronija en Serbie, en Macédoine et dans la Zêta.

(1) Aussi ne puis-je me rallier à l’avis de Fr. Dô i .g e r . tiyz. Zeitschrift, XXVI (1926), 102-113, qui, dans sa recension très riche et très instructive du livre de Mutafčiev, dit que le chapitre sur la pronoïa est le mieux réussi de cet ouvrage. (2) Us pe n s k ij , Pronija, 4.

Ch a pit r e I

Πρόνοιαι et biens militaires Comme on le sait, le mot grec πρόνοια veut dire soin, souci, puis surveillance, contrôle, administration, au sens religieux, Providence, mais aussi prévoyance (ci. prévoir et pourvoir). Quant au sens technique, il vient du fait que le pouvoir impérial donnait à des personnes déterminées des terres et d’autres biens à administrer (ces personnes étant chargées de pourvoir à leur administration) : εις πρόνοιαν, κατά λόγον προνοίας... De là vient qu’on s’habitua à appeler elliptiquement πρόνοια le bien à administrer (*). Dans de nombreux cas, pour de tels biens, on emploie aussi le mot οίκονομία ; aussi οίκονομία et πρόνοια sont-ils souvent des termes synonymes. En ce qui concerne le détenteur de la πρόνοια dans les sources slaves du moyen âge, il s’appelle régulièrement pronijar ; de même en latin et en italien, les documents rédigés en ces langues parlent de proniarius ou de proniario, tandis que, dans les sources byzantines, le mot προνοιάριος est peu fréquent, et, en général, employé non officiellement. Le nom officiel du détenteur d’une pronoïa à Byzance est στρατιώτης. Il suffit de constater ce fait, pour lever tous les doutes sur le caractère militaire de la pronoïa byzantine. Comme dans les sources byzantines, les détenteurs de πρόνοιαι s’appellent stratiotes, exactement comme les propriétaires de biens militaires ou stratiotiques de la période précédente, il se fait que

(1) Évidemment on doit bien se garder de commettre l’erreur de rattacher à l’institution de la pronoïa des textes qui emploient le mot πρόνοια dans son sens primitif et général. C’est ce que fait à plusieurs reprises A. Ka ž d a n , op. cit. 209 sq. dans le chapitre qu’il a consacré à la question de la pronoïa. 11 arrive ainsi à découvrir l’existence de la pronoïa au ix® siècle. Il confond, en outre, la pronoïa avec les χαριατίκια et même avec les σολέμνια... Par suite de ces confusions et d’autres encore, le phénomène de la pronoïa perd naturellement tout contenu réel.

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LA PRONOÏA

les savants n’ont pas toujours reconnu la différence essentielle entre la pronoïa, d’origine relativement récente, et les biens militaires constitués dès la naissance du régime des thèmes, au haut moyen âge j1). Cependant la différence entre le pronoïaire et le stratiote de l’ancien type est non seulement grande, mais encore très importante pour l'intelligence du développement historique, et social de l'empire byzantin. Aussi devons-nous nous arrêter un instant au système des biens militaires, pour bien marquer la différence qui existe entre le système des anciens biens militaires et celui de la pronoïa propre aux derniers temps de Byzance. Car, pour préciser la nature de la pronoïa comme, phénomène socialohistorique, il faut avant tout que nous la placions dans le cadre de l’évolution socialo-historique de l’empire byzantin, et que nous lui assignions la place qui lui revient dans ce développement. Nous ne pouvons toutefois pas donner ici une caractéristique détaillée du système des biens militaires (1 2). Il importe seulement à notre propos de retracer à grands traits l’histoire de l'évolution des biens militaires et de souligner ses particularités, celles qui font que ce système se distingue fondamentalement du système de la propriété pronoïaire. Comme on le sait, déjà dans l’empire romain, on donnait, dans les régions frontières, des biens aux soldats qui devaient défendre ces frontières. Ce système du service militaire à la frontière, dont la base économique était constituée par les propriétés terriennes des soldats garde-frontières resta en vigueur à Byzance, où les limitanci romains reçurent le nom grec d’akrites.

(1) Nous voyons pareille confusion de la pronoïa et des biens militaires chez No v a k o v ič , Pronijari, et Jir e č e k , Istorija, III, 66 sqq., de même que chez He is e n b e r g , Palaiologenzeit. Cette erreur a déjà été signalée, dans sa critique des conceptions de Novakovič et de Jireček, par Ta r a n o v s k i, Srpsko pravo, 34 sqq., qui a marqué très clairement la différence entre pronoïa et bien miltaire. Cette différence essentielle a été également soulignée dans mes travaux cités plus haut, ainsi que dans les excellentes Unlersuchungen d’E. Stein. (2) Cf. Va s il j e v s k ij , iWateiïaly, Trudy, IV, 230 sqq. ; Sk a b a l a n o v ič , Gosudarstoo i cerkovl, 300 sqq. ; Us pe n s k ij , Voennoe ustrojstvo Vizantijskoj Imperii, Izveslija de l’institut archéologique russe de Constantinople, t. VI (1900), 199 sqq. ; E. St e in , Sludien zur Geschichte des byzantin ischen Rebelles, Stuttgart 1919, 131 sq. ; G. Os t r o g o r s k ij , Agrarian Conditions, 196 sq., 204 sq. ; Geschichte, 57 sq., 131 sq. (2e éd., p. 79 sq., 154 sq.).

Πρόνοιαι e t b ie n s m il it a ir e s

11

Par la création du régime des thèmes au vne siècle, les militaires se voient attribuer des possessions dans tous les thèmes, c’est-àdire sur tout le territoire qui restait à l’empire et qui se trouvait sous son administration directe. De cette manière, l’organisation militaire, du Bas-Empire romain, dont les troupes mercenaires constituaient la base principale, est remplacée par un ordre nouveau dont le noyau est composé de soldats habitant les thèmes byzantins. Le déficit démographique, une des principales causes île la crise, non seulement du système militaire, mais encore de tout le système économique et politique de l’empire romano-byzantin, fut comblé par l’afflux de masses énormes de Slaves qui, pénétrant en terre d’Empire, avaient rajeuni, pour ainsi dire, l’organisme vieilli de l’empire romano-byzantin et avaient insufflé une vie nouvelle à la vie militaire comme à l’organisation économique de l’Empire. Non seulement dans la péninsule des Balkans, qui, en majeure partie, s’était transformée en un territoire purement slave, mais en Asie Mineure, depuis le vne siècle, pénètrent des Slaves que l’empire byzantin y avait installés, soit comme στρατιώται, soit comme paysans. Le phénomène d’une large couche de paysans libres à Byzance, qui se développe parallèlement à la classe des siratiotes habitants des thèmes, est la principale expression de cette, profonde rénovation intérieure qu’a subie Byzance depuis le vne siècle, à la suite de réformes de structure, comme à la suite de la pression des forces de l’immigration slave. La résistance extraordinaire et la force toujours plus grande de l’empire byzantin depuis le vne jusqu'au début du xie siècle, s’expliquent par le renforcement de l’Etat, dont la puissance économique et financière se fondait principalement sur la petite propriété des paysans libres et la force armée des stratiotes. En fait, le stratiote qui possède sa parcelle de terre n’est rien d’autre qu’un paysan tenu au service militaire. Comme le paysan, de même le stratiote travaille lui-même sa terre, avec les membres de sa famille. Il est beaucoup moins accablé d’impôts que le paysan, et reçoit même une petite solde, mais en revanche il doit, à l'appel, se rendre à l’armée avec son cheval et ses armes. Ainsi, la vie du stratiote est essentiellement la meme que celle du paysan et souvent stratiotes et paysans appartiennent à une seule et même communauté paysanne. Les biens qui appartiennent aux stratiotes comme bases de leur existence, matérielle et qui leur rendent possible l’accomplissement de leurs devoirs militaires,

12

LA PRONOÏA

correspondent par leur étendue et par leur valeur, plus ou moins, aux parcelles des paysans riches ou moyennement aisés. D’après une novelle de Constantin Porphyrogénète, la valeur minimante des biens d’un stratiote cavalier et des marins des thèmes du littoral grevés de l’obligation de construire et de gréer leurs navires devait être de 4 livres d’or, tandis que la valeur des biens des marins de la flotte impériale, qui touchaient une solde, était de 2 livres d’or (*). Il y a des raisons pour considérer le revenu annuel normal d’un bien militaire comme étant de 18,5 nomismata (12). D’après les Basiliques (34 ), les stratiotes ont pour héritier leur fils aîné, qui, avec le bien paternel, assume l’obligation du service militaire, tandis que les autres fils se fondent dans la masse paysanne ou bien acquièrent de nouveaux biens militaires. De la novelle, citée plus haut, de Constantin VII il résulte que les stratiotes avaient le droit de transmettre leur bien en héritage, avec leur obligation militaire, « en ligne ascendante, descendante ou collatérale, à leurs descendants légitimes ou naturels, et même à des héritiers étrangers à la famille comme à la classe militaire» (J),

(1) Ze po s , Ju s graeco-romanum, I, 222 sq. ; Dô l g e r , Regesten, 673. (2) Cf. le récit bien connu de Théophane sur les mesures fiscales de l’empereur Nicéphore I (Théophane, 486), où il est dit, entre autres, que Nicéphore obligeait les pauvres eux-mêmes à prêter le service milit lire, et que ces pauvres devaient être équipés et armés par les autres membri de la communauté paysanne qui, à cet effet, payaient 18,5 nomismata (δεύτε > ιν συν ταύτρ κάκωσιν, προσέταξε στρατεΰεσθαι πτωχούς και έξοπλίζ ·. τθαι παρά των όμοχώρων, παρέχοντας καί άνά όκτωκαίδεκα ήμίσους > )μ ιαμάτων τφ δημοσίφ, καί άλληλεγγνως τά δημόσια). (3) Basiliques, V, ρ. 190 (éd. Heimbach). On trouve la mêm : chose sous une forme abrégée dans la Synopsis Bas., IV, cap. xxi, et Ha r i în o po u l o s , 182, cap. xn. Chose étonnante, Mu t a f č ie v , Vojniški zemi, 20 qq., estime que les stipulations des Basiliques et de la Synopsis (xe siècle se réfèrent, non aux stratiotes, mais aux mercenaires, bien qu’on ne puisse miprendre de quelle succession il puisse être question dans le cas de mercen'.n es, forcément instables ; en revanche, Mutafčiev rapporte aux stratiotes le texte d’Harménopoulos (xive siècle), sans remarquer que celui-ci répète littéralement le texte de la Synopsis. (Il faut rappeler qu’Harménopoulos ne peut pas sans réserves être considéré comme une source pour le xiv8 siècle, car son oeuvre est une compilation qui souvent ne reflète pas les réalités historiques de son temps). Cette théorie, dont le caractère erroné fut relevé dans sa critique par Dôlger (B. Z., XXVI, 1926, p. 109 sqq.), repose sur l’idée absolument inexacte que les biens stratiotiques ne sont nés qu’au xe siècle. (4) Jus., I, 223 : είτε κατιόντες εΐεν προς οϋς παραπέμπονται είτε ανιόν-

ΠρόνΟΙΚΙ

ET BIENS MILITAIRES

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en d’autres termes, à tous les héritiers que les lois envisagent, même — et la chose est vraiment extraordinaire — à des nonmilitaires, qui, sans doute, du fait de leur appel à la succession, héritent des obligations militaires du στρατιώτης. En revanche, la novelle interdit formellement aux στρατιώται de prendre comme héritiers les hauts fonctionnaires ou dignitaires (άξ κυματικούς). Pareillement, à l’occasion de la vente de biens militaires, on relève que l’achat de ces biens n’était pas permis aux personnages considérables, aux nobles, aux dignitaires et aux institutions ecclésiastiques, comme en général à tous les « puissants », c’est-à-dire tous les degrés de la hiérarchie jusqu’aux σχολάριοι, les gradés inférieurs des régiments de la garde. Ainsi, les membres de la classe supérieure ne peuvent être propriétaires de biens militaires. Comme dans la novelle citée plus haut de Constantin VII, de même, dans toutes les autres manifestations législatives du xe siècle, en faveur de la petite propriété — paysanne et militaire — contre les empiètements des grands propriétaires féodaux, les villageois et les stratiotes sont comptés dans la classe des «pauvres» et s’opposent clairement à la catégorie des « puissants ». En fait, au point de vue social et économique, il n’y a entre paysans et stratiotes aucune différence essentielle. Leur sort fut exactement pareil. A partir du xe siècle, stratiotes et paysans étaient menacés d’un péril commun. Les grands propriétaires, dont la puissance économique s’accroissait rapidement, s’efforçaient de mettre la main sur les biens paysans et militaires et de transformer leurs possesseurs en serfs-πάροικοί. L’autorité impériale essayait d’enrayer ce processus et de défendre les biens des paysans et des stratiotes, dont l’affaiblissement sapait les fondements de la puissance militaire et économique de l’État. Cependant, dans la lutte longue et acharnée entre le pouvoir τες είτε εκ πλαγίου ... γνήσιοι η φυσικοί η εξωτικοί παγανοί κληρονόμοι. Cette dernière expression est traduite inexactement par Dô l u e r , Regesten, 673, par « auslândische Erben ». Παγανός a ici son sens primitif, rusticus «paysan». [M. Ostrogorskij a raison de critiquer la traduction de M. Dôlger. Mais il a tort de rendre παγανός par rusticus. Εξωτικός, lat. extrancus, est attesté dans le sens d’étranger à la famille par la novelle XXII (20, 2) de Justinien, où il est question d’héritiers n’appartenant pas à la famille. Mais quant à παγανός, il est évident que le mot signifie ici « civil », par opposition à στρατιώτης H. G.J.

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LA

PliONOÏA

central et l’aristocratie féodale des grands propriétaires (x), celle-ci finalement triompha. Déjà Nicéphore Phocas, le représentant typique de la noblesse d’Asie Mineure, voulut priver la paysannerie des privilèges que lui avait assures ia législation précédente ; au meme moment, Nicéphore Phocas s’efforcait d’élever la valeur des biens militaires de 1 à 12 livres d’or, et par là même de détacher les stratiotes de la classe paysanne (1 2). Basile II (976-1025) reprit et renouvela, il est vrai, la lutte pour la petite propriété terrienne et la mena avec une extrême énergie, mais il fut le dernier souverain byzantin qui s’opposa aux appétits politiques et économiques de l’aristocratie féodale. Ses faibles successeurs capitulèrent sous la pression de celle-ci et I on vit commencer un processus de croissance rapide et irrésistible de la grande propriété foncière, et en même temps de décadence rapide de la petite propriété paysanne et militaire, un pioces.ms de féodalisation rapide de l’Empire à la suite duquel, au xiP siècle, la structure socialoéconomique de l’Empire byzantin change complètement. Il n'y a point de doute que ce processus ait été la cause principale de la décadence intérieure de l’Empire byzantin qui aboutit fatalement à sa destruction totale. Un des principaux facteurs de la féodalisation de l’État byzantin fut, précisément, la pronoïa. Il est vrai, les stratiotes et les biens militaires ne disparurent pas complètement. Ils continuent à exister à I epoque byzantine tardive, comme existent les paysans libres (3). Mais, en comparaison de l’époque précédente, leur nombre et leur importance sont nuis, et les stratiotes ne sont plus le noyau des forces militaires de l’empire comme ils l’ont été du vne siècle jusqu’au début du xie, au temps de la splendeur militaire de Byzance (4). (1) I.'histoire de celle lutte. c|ui représente le moment et le facteur les plus importants — et même décisifs — dans l'évolution sociale et économique de Byzance, est admirablement faite dans l’élude classique de Va s il j e v s k i.t , Muterialy, Trudy IV, 250 sqq. ; cf. aussi Os t k o g o r s k ij , Agrarian Conditions, 204 sqq. (2) Le sens social de cette mesure de Nicéphore Phocas a bien été senti déjà par C. Ne u m a n n , Die Weltstellnng des byz. Heiclws i>or de.n Kretizzügcn, Leipzig, 1894, 56. (3) Nous trouvons encore des paysans libres dans des actes du xive siècle. Cela a été mis en relief, déjà, par 1-'. I. L's pe n s k ij , K istorii krestjanskogo zemleidadenija υ Vizantii, Ž.M.N.P.. 225 (1883), p. 30 sq., 301 sq. (4) M. Mu t a f č ie v , dans ses Vojniški zeini, poursuit l’histoire des στρατιώται jusqu’au milieu du xive siècle, époque où, d'après lui, ils disparaissent. Au sur-

Πρόνοιαι e t

b ie n s m il it a ir e s

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Tandis que, dans l’économie agraire, domine la grande propriété foncière, les petits propriétaires de terres militaires, ou stratiotes, ont cessé de former, dans l’Empire byzantin des derniers siècles, la base des foi ces armées de cet empire : ce sont les mercenaires étrangers qui constituent cette base et, à côté d'eux, depuis l'époque des Comnènes, les grands propriélaires-pronoïaires. Les pronoïaires remplacent, au moins dans une certaine mesure, les stratiotes de l’époque antérieure. Le système de la pronoïa, dans la Byzance des derniers siècles, succède à Γeffondrement du cadre et de la classe des stratiotes et est une conséquence de cet effondrement. Ainsi s’explique que, dans les sources byzantines, les pronoïaires s’appellent habituellement stratiotes, exactement comme s’appelaient les militaires propriétaires de petits domaines paysans. Et, d’autre part, l’appellation de pronoïa, entrée, dans l’usage pour désigner de grandes propriétés grevees de l’obligation du service militaire, s’emploie parfois aussi à propos des parcelles des derniers stratiotes de l’ancien type. A la différence des biens militaires de la période antérieure qui, comme, nous l’avons déjà vu, faisaient l’objet d’une succession héréditaire libre et sans restriction, la pronoïa, du moins au début, était une possession personnelle, d’ordinaire viagère, qui se donnait à des conditions déterminées, pour les mérites personnels du pronoïaire, et qui ne pouvait être ni aliénée, ni transmise successoralement. Ainsi, dans le système de la pronoïa, s’exprime plus fortement le principe de possession à titre conditionnel. Mais la différence fondamentale entre, les biens militaires et les πρόνοιαι ne consistait pas dans la différence de leurs statuts juridiques, d’autant plus, comme nous le verrons, qu’avec le temps, les πρόνοιαι se transforment de plus en plus souvent en possessions héréditaires. La différence essentielle entre pronoïaires et soldats du type ancien réside dans l’opposition de leurs natures sociales et économiques, comme nous avons tâché de le. montrer dans l’exposé précédent. Les pronoïaires et les stratiotes représentaient deux milieux sociaux différents. Tandis que les stratiotes de l’ancien type appartenaient à la classe de la paysannerie libre, et comme paysans,

plus, il faut noter que Mïitaf'iev rapporte aux οτρατιώται plus d’un texte qui, en réalité, parle de pronoïaires. et cela à l’appui de sa théorie selon laquelle la pronoïa n’a jamais eu de caractère militaire.

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LA PRONOÏA

travaillaient eux-mêmes la terre, les pronoïaires appartenaient à la classe de l’aristocratie féodale. Ce sont les nobles et les grands propriétaires pour lesquels travaillent des serfs parèques, dépendant d’eux, et qui cultivent leur terre. Ce sont les puissants (δυνατοί) que la législation byzantine du xe siècle oppose si clairement aux paysans et aux soldats, et contre lesquels elle a tenté opiniâtrement, mais en somme vainement, de défendre les terres des paysans et des militaires. Au xe siècle, ces δυνατοί aspiraient à l’hégémonie économique et politique. Au siècle suivant, ayant brisé l’opposition du pouvoir central, ils ont obtenu cette hégémonie, et l’ont transformée en instrument de leurs intérêts de classe. Après une longue lutte entre les courants rivaux de l’aristocratie victorieuse, lutte qui constitue le contenu principal de l’histoire du second et du troisième quart du xie siècle, arrive au pouvoir, avec la dynastie des Coumènes, l’aristocratie militaire. C’est de son sein que viennent les grands propriétaires militaires, c’est-à-dire les pronoïaires. La ressemblance entre les biens militaires et la pronoïa était seulement apparente. L’essence des deux concepts et leur rôle historique étaient absolument différents et même opposés. Les propriétés militaires formaient la base essentielle des forces de l’Empire byzantin. Les πρόνοιαι ont été l’un des éléments de sa décadence (x).

(1) Il faut dire que la conclusion d’Uspenskij n’est point '.acte. Il dit dans sa Pronija, 30 : « La pronoïa doit être envisagée comme ui contre-poids au système qui menaçait d’engloutir la petite propriété et qu >e manifeste d’une manière si menaçante dans les actes du Xe et du xie siècle ». , .u contraire, la pronoïa fut l’une des manifestations les plus claires de cet » dre qui non seulement menaçait d’engloutir la petite propriété, mais qui l’< r gloutit effectivement. Beaucoup plus juste est la remarque de Sk a b a l a n o v ., Gosudarstvo i Cerkool, 266 : « Le système de la pronoïa représentait le dang- · le plus grand pour la paysannerie, sa liberté et sa prospérité. La donation en pronoïa de terres menaçait directement la communauté rurale. Les pays: ns libres tombèrent dans la dépendance des pronoïaires auxquels ils deva ent payer des taxes et fournir des corvées ; à tous les points de vue, ils se rapprochèrent des parèques et leur situation incontestablement empira (tout cela est parfaitement exact, seulement, au lieu de « ils se rapprochèrent des parèques », il aurait fallu dire : « ils devinrent des parèques #). Les πρόνοιαι étaient dangereuses pour la communauté paysanne et pour les paysans, ne fût-ce que parce que grâce à elles, s’accrurent et le nombre des nobles et leur force économique ».

Ch a pit r e II

Πρόνοιαι et Χαριστίκια En dépit de la similitude de leurs fonctions essentielles, les πρόνοιαι et les biens militaires représentaient donc deux catégories socialo-historiques non seulement différentes, mais même opposées. Au contraire, les χαριστίκια nous offrent une catégorie socialohistorique semblable à la pronoïa. Cependant, les χαριστίκια n’avaient pas ces fonctions de droit public qui étaient caractéristiques de la pronoïa et des biens militaires. Comme on sait, le système charisticaire consiste dans l’attribution, par la voie de la lettre de donation (διά χαριστικής), de monastères et de biens monastiques à des personnalités spirituelles et surtout à des laïques. Comme tuteur du monastère qui lui est dévolu, le charisticaire veillait à sa prospérité économique et, en même temps, jouissait de ses revenus. De telles donations émanaient avant tout, à l’origine, des puissances ecclésiastiques ; plus tard, et cela dans une mesure toujours plus large, le pouvoir impérial lui-même y procéda en s’inspirant non tant de l’intérêt des monastères que du désir de récompenser les hommes qui s’étaient distingués à son service. Les χαριστίκια représentaient une source de revenus que convoitaient, bien entendu, les représentants de l’aristocratie byzantine, qui réclamaient et mendiaient de telles donations. Le cas n’était pas rare d’un même personnage tenant sur la base d’un χαριστίκιον plusieurs monastères. Ainsi, par exemple, Psellos avait au moins cinq χαριστίκια dans diverses régions de l'empire (τ). II n’est pas utile que nous entrions dans une étude détaillée du système charisticaire (12). Ce système nous intéresse, mais seule-

(1) Cf. Sk a b a l a n o v ič , Gosudarstuo i cerkoui, 259. (2) La littérature sur le système charisticaire n’est pas aussi indigente que celle qui concerne la pronoïa. Le travail capital (paru dans les Izvestija del’Inst. russe de Cple V, 1902, pp. 1-32) d’Uspenskij où sont enregistrés les principaux documents et sources est le suivant : Us pe n s k ij , Mnenija i pos-

La Pr o n o ïa . — 2.

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LA PRONOÏA

ment dans la mesure où il peut contribuer à éclairer la question de l’origine et de l’essence du système de la pronoïa. Ce que nous en avons dit suffit à faire ressortir les points essentiels de ressemblance et de différence entre pronoïa et χαριστίκιον. L’une et l'autre espèce de possessions prend naissance par une donation. Obtenant une donation, les pronoïaires et le charisticaire deviennent administrateurs du bien donné. L’appellation de χαριστίκιον évoque l’acte même de donation, tandis que l’appellation de la πρόνοια se réfère à son but. Mais comme la jonction administrative est caractéristique aussi des charisticaires, parfois, à leur administration s’applique le terme de πρόνοια dans son sens le plus général ; et les charisticaires eux-mêmes, outre leur appellation habituelle de χαριστικάριος, φροντιστής, επίκουρος, έφορος, s’appellent parfois προνοητής (x). Soit dit en passant, cette dernière appellation n’est nulle part appliquée aux pronoïaires (2) et comme nous l’avons déjà indiqué (voyez plus haut, p. 9), l’expression même de προνοιάριος est employée à propos des pronoïaires byzantins très rarement et en général non officiellement. Comme les pronoïaires, de même les charisticaires appartenaient à la classe supérieure de la société féodale. Comme la pronoïa, le χαριστίκιον est un phénomène caractéristique de l’ordre féodal, pareil au benejicium occidental. Ni la donation à titre de pronoïa, ni la donation à titre de χαριστίκιον ne créait de droit de propriété sur le bien attribué, mais conférait seulement un droit d usage précaire et conditionnel. Il est vrai, pour les biens monastiques attribués aux charisticaires, on dit souvent qu’ils se confèrent en présent—διά δωρεάς ou κατά δωρεάν, δωρεαστικώς, δωρεαστικω λόγοι, et quant aux biens charisticaires ils s’appellent souvent δωρεαί. Cependant, la décision du Concile de Constantinople de 1163 déclare expressément que cette donation de biens, en fait, n’est pas effectuée

tanovlenija. Consulter aussi Va s il j e v s k ij , Materialy, Ž.M.N.Pr., 202, pp. 4Ü0 sq. ; Sk a b a l a n o v ić , Gosudarslvo i Cerkovl, 253-262 ; W. Nis s e n , Die Dialaxis des Michael Attaleiates von 1077, Jena 1894, 233 sq. ; F. Ciia l a n d o n , Essai sur le règne d’Alexis Ier Comnène, Paris, 1900, xxvni sq., 283 sq. ; Xa n a l a t o s , Beitrâge, 32 sqq. ; N. Su v o r o v , Viz. Vrem., 12 (1906), 225 sqq. (1) Décision du concile de 1027, citée dans les décisions conciliaires de 1071 : Us pe n s k ij , Mnenija i postanovlenija, 19. (2) Ch a r a n is , Monustic properlies, 87, se trompe en affirmant que npoνοητής était le véritable nom des pronoïaires byzantins.

Πρόνοιαι e t Χαριστίκια

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à titre de présent, mais à titre de location, ον δωρεαστικώς ... άλλά μισθωτικώς i1). Comme nous le verrons, les Byzantins mettaient la pronoïa elle-même en rapport avec des contrats de bail et de fermage. On comprend qu'il y a ici confusion faite entre deux conceptions tout à lait différentes, car ni le χαριστίκιον, ni, encore moins, la pronoïa, ne peuvent être identifiés avec une location ou un fermage, formule de droit privé dont découlent des obligations d’une nature exclusivement économique et financière ; mais la dite confusion est très caractéristique, car elle montre clairement que les Byzantins eux-mêmes se rendaient très bien compte du caractère temporaire et conditionnel de la possession du charisticaire et du pronoïaire, bien qu’ils ne fussent pas capables de le définir exactement, de le traduire en termes de droit. En dépit de leur ressemblance, le χαριστίκιον et la pronoïa représentent deux institutions complètement différentes. La différence consiste non point en ce que l’on donne comme χαριστίκιον, des biens d’église, et tomme pronoïa, surtout des terres d’État, mais dans le fait que les χαριστίκια ne pouvaient naturellement prêter, ni le service militaire, ni aucune espèce de service de droit public, tandis que ces services pouvaient être rendus par les πρόνοιαι, lesquelles en conséquence prirent dans la vie de l’État byzantin une place beaucoup plus considérable que les χαριστίκια (ž). Mais, comme nous le verrons, ce n’est qu’avec le temps que les πρόνοιαι elles-mêmes acquirent une importance militaire. C’est pourquoi, dans la première phase de son évolution, la pronoïa ressemble beaucoup au χαριστίκιον.1 2

(1) Us k pe n s k ij , Ainenija i postanovlenija, 34-35. (2) Sk a b a l a n o v ič , Gosudarsti’o i cerkovl, 262, considère à tort que le système des charisticaires supplanta celui des pronoïaires, et que nous avons moins de données sur les pronoïai que sur les charistikia. Ce qui est exact, c’est que sur le système des charisticaires nous avons dans les décisions des conciles constantinopolitains du xte et du xiie siècle et dans une série d’homélies consacrées à cette question un matériel aussi riche que facilement accessible, tandis que pour le système des pronoïaires nous n’avons que des données occasionnelles éparses çà et là : la conséquence est que le système des χαριστίκια est beaucoup mieux étudié que celui de la πρόνοια. Cependant, en parcourant les données des actes et historiens byzantins, chacun peut se convaincre facilement que le système de la pronoïa a joué un bien plus grand rôle que le système charisticaire, et il serait fort étonnant qu’il en fût autrement.

Ch a pit r e III

Phase initiale du système de la pronoïa, au temps de la prédominance de l’aristocratie des hauts fonctionnaires civils

La pronoïa est mentionnée pour la première fois au milieu du xie siècle, à propos d’une personnalité célèbre, celle du fameux Constantin Lichoudès (Κωνσταντίνος Λειχούδης) qui fut premier ministre au temps de Constantin IX Monomaque (1042-1055) et d’Isaac Comnène (1057-1059) et qui devint, après la déposition de Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople. Constantin IX Monomaque lui donna en pronoïa les Manganes, et accompagna cette donation d’un acte d’immunité ; και την των Μαγγάνων ανέθετο πρόνοιαν καί τά περί της ελευθερίας αυτών ένεπίστευσεν έγγραφα (1). Comme on le sait, les épigones de la dynastie macédonienne se montrèrent fort généreux dans l’octroi de dons et de bi· is ; les biens d’État étaient distribués à droite et à gauche, avant l’avènement au pouvoir d’Isaac Comnène. L’empereur Isaac s iïorça de récupérer les terres domaniales que ses prédécesseurs a > aient ainsi dilapidées. Il s’efforça, en particulier, d’obtenir que fût estituée à l’État la propriété des Manganes, donnée à Lichoudè:, et, à cette fin, il alla jusqu’à recourir à la pression, presque au Chantage. Il fit savoir à Lichoudès, déjà élu patriarche, qu’il ne perr. ittrait pas son intronisation avant qu’il ne lui eût retourné les documents (les droits, τά δικαιώματα) relatifs à la possession des Manganes. Lichoudès se soumit, remit à l’Empereur les documents que celui réclamait, et devint patriarche (12).

(1) Zo n a r a s , ΠΙ, 670, 79. Cf. Sk y l it z ê s , II, 645, 1-3 : καί τής των Μαγγάνων προνοίας καί των δικαιωμάτων φνλαξ παρά τοΰ είρημένον βασιλέως καταλειφθείς. (2) Sk y l it z ê s , II, 645, 3-13; Zo n a r a s , III, 670, 9 - 671, 4.

PHASE INITIALE DU SYSTÈME DE LA PRONOÏA

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Au premier abord, on pourrait penser que, dans les textes cités, le mot pronoïa n’a pas encore de valeur terminologique spéciale, et veut dire « sollicitude », « soin », « cure » au sens général du mot, surtout chez Skylitzès qui de plus, quelques lignes plus bas, indubitablement, et cela deux fois, emploie cc mot dans l’acception la plus générale, en disant que Lichoudès, comme patriarche, s’est montré plein de sollicitude (προνοητικός), non seulement pour l’église, mais encore, en général, pour toutes les affaires, de sorte que rien n’est resté étranger à sa sollicitude (τής αυτόν προνοίας) θ. Cependant, si l’on regarde de plus près les textes de Skylitzès et de Zonaras (Zonaras, évidemment, dépend du récit de Skylitzès, mais il a su le styliser plus adroitement, en se servant, peut-être, d’une autre source non conservée), il devient clair que les Manganes n’ont pas été seulement confiés à la sollicitude de Lichoudès, mais que la possession de ce riche domaine avait été cédée par l’État à ce grand personnage. Lichoudès obtient un acte de donation de l’empereur Constantin Monomaque, et par là des droits si précis et si indubitables à la propriété des Manganes que l’empereur Isaac Comnène dut mettre en oeuvre des moyens extraordinaires pour le forcer à renoncer à ces droits. Cette renonciation forcée s’exprime dans les termes employés par l’historien : Lichoudès cède ses δικαιώματα à l’empereur Isaac, expression qui, dans les documents byzantins, est très souvent employée pour désigner des titres de possession (a). Cette première donnée sur une attribution de pronoïa n’avait pas été remarquée par F. I. Uspenskij, mais déjà Mutafčiev s’en est servi, et même il y a vu une des preuves les plus décisives de sa thèse que la pronoïa n’avait point de signification militaire. Mutafčiev insiste sur ce fait : ce premier bien donné en pronoïa

(1) Sk y l it z è s , II, 645, 14-15. (2) Ces expressions de Skylitzès των δικαιωμάτων φύλαξ... καταλειφθείς (qui ont un sens tout à fait déterminé et précis : gardien des documents sur la propriété de Manganes), Goar déjà les avait inexactement interprétées, Goar qui, dans ses notes à la chronique de Skylitzès (Cédrénus, II, p. 885) leur attribue un sens trop large en interprétant regiorum iurium defensor, qui est regius procurator. Ce même point de vue, semble-t-il, est aussi celui de J. B. Bu r y , Roman Emperors from Basil II to Isaac Komnenos, Selected Essays, Cambridge, 1930, 191, qui cite seulement ces paroles de Skylitzès en les détachant du contexte sur la donation en pronoïa des Manganes à Lichoudès, sans envisager le problème dans son ensemble.

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LA PRONOÏA

est un monastère, et le bénéficiaire de la donation est un haut dignitaire aulique, qui deviendra par la suite patriarche (*). En réalité, il n’est pas tout à fait clair s'il s’agit ici du monastère de S. Georges aux Manganes, qu’avait bâti Constantin IX Monomaque, ou du vaste domaine impérial des Manganes, que Basile Ier avait mis à part comme une sorte de fondation spéciale, les revenus provenant de la maison impériale des Manganes, ό τά Μάγγανα λεγόμενος οίκος βασιλικός, devant alimenter la table impériale (12). A vrai dire, il est difficile d’imaginer que toute cette « fondation des Manganes », ce grand domaine impérial, ait fait l’objet d’une donation à Lichoudès, même si l’on tient compte de la légèreté d’esprit et de la folle prodigalité de Constantin Monomaque ; mais d’autre part, si l’empereur n’avait donné à Lichoudès que le monastère, il devient difficile d’expliquer pourquoi Isaac Comnène a insisté avec tant d’opiniâtreté pour en obtenir la restitution. Autre chose : pourquoi cette donation de monastère n’estelle pas qualifiée de χαριστίκιυνΊ Pourquoi emploie-t-on à son sujet une expression nouvelle, celle de πρόνοια'! Quoi qu’il en soit, il faut bien reconnaître que la pronoïa attribuée à Lichoudès ne pouvait guère avoir quelque chose de commun avec l’accomplissement du service militaire. Dès les années soixante-dix du xie siècle, nous assistons à des collations massives de πρόνοιαι. Du logothète Niképhoritzès, le tout-puissant ministre de Michel VII Ducas (1071-1078), Michel Attaliate dit qu’il accordait à son gré dignités et πρόνοιαι et «prenait» en échange des sommes considérables (c’est-à-dire qu’il vendait ces faveurs) : και τάς τιμάς και τάς πρόνοιας οϊς

(1) Mu t a f č ie v , Vojniški zemi, 42. (2) Th é o ph a n e Co n t in u é (Vila Basilii), 337, 1-10. Comme il ressort du Clétorologe de Philothée (éd. Bury, p. 142, 17) le ciiratoriiim des Manganes > était une sorte d’office pour l’administration des domaines impériaux. Au curateur des Manganes étaient subordonnés les mêmes dignitaires hiérarchiques qu’au « grand curateur », de sorte qu’il est difficile de délimiter l’activité spéciale de ces deux curateurs. Cf. le commentaire de Bu k y , Impérial Administrative System, 100 sq. ; Do l g e r , Finanzverivaltung, 39 sq. Dans les actes d’immunité du xie siècle sont constamment mentionnés les κουράτωρες τον οϊκου των Ελευθερίου καί των Μαγγάνων. Chez Philothée (éd. Bury, p. 142) ό μειζότερος των Ελευθερίου est encore un fonctionnaire soumis au curateur des Manganes (et en même temps au grand curateur).

PHASE INITIALE DU SYSTÈME DE LA PRONOÏA

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έβούλετο χαριζόμενος διά λημμάτων ονχΐ μικρών f1). Il semble bien que même alors, la pronoïa n’est pas liée au service militaire, car il n’y a aucune raison de penser que l’attribution en masse de πρόνοιαι par le logothète Niképhoritzès, lequel vendait aussi des dignités, ait eu aucun autre but que l’octroi de biens de rapport à quiconque s’était assuré, moyennant finance, les faveurs du rapace logothète. Dans ces conditions, on peut dire que la pronoïa, par sa destination, ressemble encore au χαριστικών ; aussi l’acte de donation lui-même est-il désigné par le verbe χαρίζω, habituellement employé, cela va de soi, pour les donations charisticaires. Il vaut la peine de rappeler que le même Attaliate emploie ailleurs le mot πρόνοια pour le système charisticaire, lorsque, dans son τυπικόν, il dit que « souvent, le soin d’administrer des monastères (?/ πρόνοια των τοιουτων) est confié à des femmes, par la voie de donations (ανατίθεται διά δωρεών) » (1 2). Il est vrai que, dans ce cas, le terme de πρόνοια n’a pas le caractère d’un terme technique, mais tout de même, la manière dont il s’exprime donne à penser que pour lui, donation en pronoïa et donation en χαριστικών étaient des concepts très semblables. Cependant, il est clair que les πρόνοιαι distribuées par le logothète Niképhoritzès ressemblaient aux χαριστίκια seulement par leur destination, et qu’elles en différaient par leur nature. En fait, il est difficile de supposer que Niképhoritzès donnait à ses protégés précisément des biens ecclésiastiques et rien que des biens ecclésiastiques. Il est évident que, en distribuant des dignités, Niképhoritzès distribuait aussi de terres d’État, et que ces donations s’appelaient, à cause de cela, πρόνοιαι. Il est incontestable, donc, qu’il s’agit ici du système de la pronoïa, mais du système de la pronoïa au premier stade de son évolution, à l'époque où ce système n'était pas encore lié à l’obligation du service militaire. Il est possible, cependant, que le système de la pronoïa commençait dès lors à prendre un caractère militaire. Cela peut se déduire du titre d’un acte perdu de Michel VII Ducas, ordonnant que les personnes qui reçoivent en don des forteresses ou châteaux

(1) Mic h e l At t a l ia t e , 200, 21-201, 1. Cf. Us pe n s k ij , l'ronija, 5 ; Sk a b a l a Gosudarstvo i Ccrkoui, 264 ; Mu t a f č ie v , Vojniški zemi, 42. (2) K. Σάθας, Μεσαιωνική Βιβλ., I. 44 : ή γάρ πρόνοια τών τοιούτων γνναιξ'ι μίν πολλάκΐζ ανατίθεται διά δωρεών.

n o v ič ,

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LA PRONOÏA

(κάστρα) doivent les tenir personnellement (εφ ενι προσώπω) « quelles que soient ces personnes et de quelque manière qu’elles aient obtenu ces κάστρα » p). Il semble qu’Uspenskij ait eu raison de mettre ce document en rapport avec le système de la pronoïa, bien que son interprétation ne soit pas de tout point convaincante (1 2). Il est clair en tout cas qu’il ne s’agit pas ici de l’administration de ces κάστρα par des représentants du pouvoir impérial, par exemple, par le δονξ du thème, comme le propose Dôlger (3). Le mot δωρεά exclut la possibilité même d’une telle interprétation, et on ne voit pas très bien non plus comment le δούξ aurait pu tenir le château autrement que εφ’ εν'ι προσώπω. Or, les donations au profit de deux personnes étaient habituelles dans le système charisticaire. Si nous avons raison de mettre le titre de l’acte en question en rapport avec la pronoïa, alors, dans l’interdiction de ce mode de donation (à deux personnes) on pourra voir un pas de plus vers le détachement du système de la pronoïa du système du χαριστικών, et, en même temps, un premier pas vers la militarisation du système de la pronoïa — ce que suggère la mention des κάστρα. 11 va de soi que, du bref intitule d’un acte non conservé, je n’ose pas tirer de conclusions trop larges. La surprenante imprécision de l’expression (Νεαρά τον βασιλέως κνρον Μιχαήλ τοϋ Δοϋκα Θεσπίζουσα τούς κάστρα λαμβάνοντας οίονσδήποτε καν όπως ταϋτα λάβωσιν, εφ’ ενι προσώπω ταϋτα κεκτησθαι. και οϋτω νοεϊσθαι τάς δωρεάς), surtout des mots κάν δπως ταϋτα λάβωσιν font penser, en tout cas, à une institution qui n’est pas au point et qui est loin d’être stabilisée. D’autre part, le fait que, à l’époque antérieure à la dynas 'e des Comnènes, la pronoïa n’avait pas encore de signification mi i taire, trouve une confirmation indirecte mais décisive dans l’ou rage célèbre de Kekaumenos. Dans ce livre qui, semble-t-il, da du même empereur Michel VII Ducas, Kekaumenos, comme or ;ait, parle beaucoup d’affaires militaires ; mais nulle part il ne fait mention de la pronoïa. Le même silence est gardé sur la prono ■< par l’écrit de l’auteur inconnu qui complète Kekaumenos, et :pii a été rédigé vraisemblablement au début du règne d’Alexis Ifi Com(1) Ze po s , Ju s ., I, 282. (2) Us pe n s k ij , Pronija, 5. (3) Do l g e r , Reg. 1012.

PHASE INITIALE DU SYSTÈME DE LA PRONOÏA

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nène. Comme récompense pour le service militaire, Kekaumenos ne connaît que la solde (ή ρόγα) et la ration de pain (τα σιτηρέσια). Voyez le conseil que Kekaumenos donne à l’empereur, § 241 : « Aie grand soin de tes soldats ; ne diminue pas leurs soldes (τάς ρόγας αυτών), car le soldat qui reçoit de toi cette solde te vend en échange son sang, Donne à tes hommes des grades (αξιώματα), mais non pas à tous, à ceux-là seulement qui se distinguent (μή πασι, τοϊς ôè έναργήσασιν). Quant aux étrangers (εθνικοί) et aux Romains qui gardent le palais, qu’ils ne soient pas privés de ce qui leur revient, mais qu’ils touchent leur ravitaillement et leur solde intégrale (λαμβανέτωσαν τά σιτηρέσια αυτών ... και τά χορτάσματα και τάς ρόγας αυτών σώας) Q). » Dans les deux écrits, il n’est question que de soldats mercenaires. Nulle part nous n’y rencontrons cette opposition, classique pour l’époque postérieure, des deux catégories de guerriers byzantins : mercenaires et pronoïaires. Kekaumenos et son «continuateur» ne soufflent mot non plus des biens militaires de l’ancien type. Le Stratégikon de Kekaumenos reflète la faillite et la disparition du système militaire au xie siècle, époque où les biens militaires avaient perdu leur importance, et où la pronoïa n’avait pas encore acquis la sienne.

(1) Ce c a u m e n i Strategicon, éd. B. Wassiliewsky et V. Jernstedt, Petropoli, 1896, p. 94, 24-30 ; traduction russe V. G. Vasilievskij, Sovety i rasskazy vizantijskogo bojarina XI i>., St. Petersbourg, 1881, p. 130. Cf. aussi § 247 (p. 98, 7) et § 184 (73, 4 ; trad. russe, p. 103).

Ch a pit k e IV

Développement du système de la pronoïa au temps de la domination de l’aristocratie militaire

Son importance militaire, la pronoïa l’acquit à l’époque des Comnènes. Cette circonstance dont témoignent nos sources — comme nous allons le voir — de la manière la plus complète et la plus irréfutable, n’avait rien de fortuit, mais devait fatalement sortir du développement social et historique de l’empire byzantin. L’époque des épigones de la dynastie macédonienne et de la dynastie des Ducas était une période de domination de l’aristocratie des hauts fonctionnaires auliques. Un des traits caractéristiques de cette époque était une forte décadence des forces armées de l'Empire, car le parti au pouvoir non seulement négligeait l’armée, mais la minait consciemment, pour affaiblir le parti rival, celui des militaires. L’époque de la dynastie des Comnènes était, au contraire, l’époque de la domination de l’aristocratie militaire. Les empereurs de cette époque s’efforçaient naturellement de reconstituer les forces armées de Γ Empire et y réussirent dans une certaine mesure. En conséquence, après les terribles défaites militaires de la fin du xie siècle, Byzance, au xne siècle, vit une nouvelle époque de prestige extérieur et de gloire militaire. Mais les Comnènes n’ont pas rétabli l’ancienne organisation qui reposait sur les biens militaires et qui d’ailleurs aurait difficilement pu être ressuscitée à cette époque. En tout cas, cette résurrection ne répondait pas aux intérêts de la classe féodale dominante, de l’aristocratie des grands propriétaires fonciers dont le renforcement précisément avait été à la fois la cause et le résultat de l’effondrement du système de la petite propriété paysanne. L’organisation militaire créée à l’époque des Comnènes reposait sur un principe purement féodal et qui minait l’organisme même de l’État. Aussi la splendeur de l’époque des Comnènes fut-elle de courte durée et finit par une catastrophe complète. Quant au rétablissement des forces militaires par cette dynastie, son facteur le plus carac-

DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME DE LA PRONOÏA

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téristique fut un large emploi du système de la pronoïa à des fins militaires, que l’époque précédente n’avait pas connu. Liée à l’obligation du service militaire, la pronoïa gagna une importance nouvelle, mais le facteur de désintégration féodale que portait en elle l’institution de la pronoïa en fut accru. La différence essentielle entre l’époque des épigones de la dynastie macédonienne et de la dynastie des Ducas, qui fut le règne de l’aristocratie bureaucratique, et l'époque de la dynastie des Comnènes, caractérisée par la domination de l’aristocratie militaire, se manifeste de la manière la plus claire, dans les témoignages des historiens byzantins. Au sujet de la société du temps des Ducas, Skylitzès nous dit (r) : « Les guerriers déposaient leurs armes, pour se faire avocats et juristes », tandis que Nicétas Choniate nous affirme exactement l’inverse pour l’époque des Comnènes, où, dit-il, chacun « souhaitait être enrôlé parmi les militaires ». Les tailleurs, les valets d’écurie, les maçons, les forgerons abandonnaient leurs durs et improductifs métiers, et se rendaient chez les recruteurs auxquels ils donnaient même des présents pour être admis dans l’armée (1 2). Ainsi le développement politique et social de l’empire byzantin explique pourquoi la pronoïa, qui, sous le règne de l'aristocratie bureaucratique représentait seulement un moyen d’assurer des revenus aux représentants de la classe dirigeante, se transforma, à l’époque de la domination de la noblesse militaire, en un système particulier de propriété terrienne féodale liée au devoir d’accomplir le service des armes. Suivre le développement du système de la pronoïa en utilisant les données qu’on trouve chez les historiens byzantins est une tâche ingrate. Imitateurs du style des anciens prosateurs classiques, les historiens byzantins évitent, et on pourrait dire rougissent, d’employer des mots nouveaux ou des termes anciens pris dans un sens neuf ignoré des écrivains classiques. Dans son Alexiade, Anne Comnène ne mentionne qu’une seule fois les attributions de pronoïa à l’époque de son père, et cela seulement grâce à un véritable jeu de mots qu’elle fait en employant le terme de πρόνοια tantôt dans son sens primitif et général, tantôt dans sa signification technique

(1) Sk y l it z è s , Π, 652. (2) Ch o n ia t e , 273.

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et récente. Louant la générosité de son père, l’empereur Alexis Ier, elle dit : « Mais qui pourrait compter tous ceux qu’il nourrissait chaque jour, évaluer la dépense quotidienne qu’il faisait pour eux? Car il fut pour eux une providence, et il distribuait des pronoïai sur terre et sur mer » 0. Cette donnée est d’autant plus intéressante que, comme nous le verrons par les sources postérieures, en effet, les pronoïai n’étaient pas seulements des terres, mais aussi les produits de la pêche. Sans doute, cette donnée ne suffit pas pour affirmer que cet octroi de πρόνοιαι avait des buts militaires. Mais ceci sera clairement prouvé par d’autres indications des écrivains byzantins, et notamment par les données des actes. Le récit de Nicétas Choniate, qui se réfère au temps de Manuel Comnène, mérite une attention toute particulière (12). Nous en avons déjà détaché un fragment. L’expression πρόνοια, Nicétas Choniate ne l’emploie nulle part dans son récit : il est bien trop « cultivé » pour se servir d’un terme aussi vulgaire ! Et pourtant, il n’y a pas le moindre doute qu’il s’agisse ici d’octrois de πρόνοιαι. D’après Nicétas Choniate, « l’argent destiné à l’entretien des soldats, l’empereur le gardait dans ses caisses comme l’eau dans un réservoir, et il calmait la soif des soldats par des donations de parèques (comme on dit) (3), abusant d’un moyen inventé par ses prédécesseurs, mais dont ils n’avaient usé que rarement et seulement au profit de ceux qui avaient plus d’une fois taille l’ennemi en pièces. 11 ne s’apercevait pas que, de la sorte, il énervait l’énergie des solda s, versait des sommes immenses dans des ventres inertes et mett. 11 à mal les provinces romaines. Car les bons soldats perdirent h sens de l’honneur qui les distinguait dans les périls, puisqu’ils ri avaient plus une propriété exclusive qui les portait à faire montr de valeur guerrière : ce stimulant était maintenant commun à c us. Et les habitants des provinces, qui jadis avaient l’État pour naître, (1) Alexiade, II, 292, 22-25 (éd. Reifferscheid) : Άλλα τις έξαριθ/ ;> σαι τούς καθ’ ημέραν έσθίοντας η την καθ’ έκάστην δαπάνην καί την γε^ομίνην εις έκαστον πρόνοιαν... εκείνος γάρ άφωρίσατο τάς άπο γης καί θαλά -της αύτοίς προνοίας. (2) Ch o n ia t e s , 272, 3 — 273, 17. (3) ταίς λεγομέναις των παροίκων δωρεαίς. Dans la traduction russe, d’ailleurs excellente, de N. Choniate, qu’a fait paraître, à l’Académie spirituelle de Pétrograd, en 1860, V. I. Dolockij, ce passage (p. 269) fait l’objet d’un contre-sens complet.

DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME DE LA PRONOÏA

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souffraient le martyre à cause de l’avidité des militaires. Ce n’était plus l’argent qu’on leur prenait jusqu’à leur dernière obole, mais on les dépouillait de leur chemise même et parfois même on leur enlevait les êtres qui leur étaient les plus chers ». Ces avantages réservés aux militaires expliquent la vogue de la profession. Comme le dit Nicétas dans un passage cité plus haut (p. 27), toutes sortes de gens, même les artisans et les valets d’écurie, se faisaient soldats. « Ceux qu’on admettait ainsi dans les rangs de l’armé? recevaient un diplôme impérial qui leur attribuait des terres irriguées, des champs fertiles et, comme tributaires, des Romains ('Ρωμαίους ύποφόρους) en guise d’esclaves (εν σχήματι δούλων). On pouvait voir ainsi un Romain payer tribut à un semibarbare ignorant jusqu’à la tactique militaire, tandis que le contribuable asservi était un homme d'aspect vénérable, connaissant bien l’art de la guerre et dépassant tellement, par ses qualités, celui qui lui faisait payer une rente servile, que, comparé à son maître, il semblait un Achille ». F. I. Uspenskij affirmait avec raison qu’on pouvait envisager l’époque de Manuel comme la période où se cristallisèrent définitivement les conditions agraires fondées sur la pronoïa et la dépendance de la classe des travailleurs de la terre ^). Cependant, le passage cité de Nicétas Choniate, qui confirme cette conception, F. I. Uspenskij, semble-t-il, ne l’a pas remarqué, bien qu’il fût grand connaisseur des écrits du Choniate. Mutafčiev le cite entièrement, en traduction, avec plus de détails encore que nous n’avons fait, et finalement il reconnaît « qu’il y s’agit sans aucun doute de πρόνοιαι dont les titulaires sont tenus au service personnel» et que, dans ces conditions, à la suite des mesures prises par Manuel, le système de la pronoïa est devenu l’élément essentiel de l’organisation militaire (1 2). Il est vrai que pour sauver sa théorie, Mutafčiev affirme qu’un tel ordre de choses commence et existe seulement sous Manuel Comnène, dont (nous dit-il) le gouvernement se différencie complètement des traditions de l’État byzantin. Cependant, cette affirmation ne concorde pas avec les données des sources, ni avec le récit cité plus haut de N. Choniate. En effet, N. Choniate dit expressément que des donations de parèques aux représentants

(1) Us pe n s k ij , Pronija, 17. (2) Mu t a f č ie v , Vojniški zemi, 47 sqq.

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de la classe militaire, dans certains cas, avaient eu lieu dès le temps des prédécesseurs de Manuel, et que Manuel n’a fait qu’user plus largement de ce moyen, « qu’avaient inventé les empereurs précédents ». Et d’ailleurs, le récit de N. Choniate, si nous le lisons avec plus d’attention, donne une idée assez claire de l’essence et aussi du développement du système de la pronoïa. Si nous laissons de côté les hyperboles rhétoriques de ce passage, nous obtenons ce tableau. Déjà les prédécesseurs de Manuel Comnène, c’est-à-dire, évidemment, son père Jean II et son grand-père Alexis Ier, donnaient à ceux qui s’étaient distingués dans la guerre des parèques-serfs, sans aucun doute avec la terre sur laquelle ils vivaient. Au temps de Manuel, ces donations prirent un caractère massif, et s’obtenaient non tant pour le mérite passé que sous condition de continuer à fournir le service militaire. C’était donc devenu un moyen par lequel on assurait à l’État les forces militaires dont il avait besoin. La différence entre la politique de Manuel et la politique de ses prédécesseurs, que Nicétas Choniate, intentionnellement et sans doute avec exagération, rappelle, cette différence n’était pas de principe, mais seulement quantitative. En quoi consistait cette donation et quels étaient les droits et obligations de celui qui recevait ces dons, c’est-à-dire le pronoïaire? A cette question aussi, le récit de Nicétas Choniate donne une réponse suffisamment claire. A condition de prêter le service militaire, le pronoïaire obtient des biens fonds avec les parèques résidant sur leurs villages et il reçoit à cet effet un acte spécial de l’empereur. L’État renonce partiellement à ses droits en les transférant à un pronoïaire qui jouit des revenus des biens qui lui sont attribués et lève des taxes sur les parèques installés sur ces terres. Les obligations des paysans envers l’État se transforment en obligations envers le pronoïaire : les paysans sont obligés de payer au pronoïaire les taxes qu’antérieurement ils payaient à l’État et de le servir « comme des esclaves », c’est-à-dire de fournir des corvées. Nicétas Choniate a pleinement raison de souligner le facteur de la dépendance fiscale des paysans à l’égard du pronoïaire, car c’est précisément en cela que consiste l’essence même de l’attribution de la pronoïa. Avec une amertume prononcée, Nicétas Choniate dit que les πρόνοιαι parfois se donnaient à des étrangers, en conséquence de quoi la population byzantine des villages tombait sous la dépen-

DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME DE LA PBONOÏA

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dance non seulement des nobles byzantins, mais de semi-barbares, ce qui naturellement blessait l’amour-propre des Byzantins. Il n’y a aucune raison de douter de l’exactitude de cette information, car on sait de source certaine que des chevaliers occidentaux reçurent de l’empereur Manuel de grandes propriétés terriennes. Il n’y a donc rien d’invraisemblable à ce qu’ils aient reçu aussi des πρόνοιαι. Telles sont, par exemple, les grandes propriétés foncières que tenaient, à Byzance, les membres de la famille du marquis de Montferrat — un fait sur lequel déjà F. I. Uspenskij attirait l’attention. Boniface de Montferrat, chef des chevaliers occidentaux de la IVe Croisade, renonce par le traité de 1204, de loto fcudo, quod Manuel quondam defunctus imperator dédit palri meo ^). Puisque la propriété obtenue de l’empereur Manuel par le père de Boniface passa dans sa succession, ce n’était pas une pronoïa au vrai sens du mot, mais il est important que Boniface appelle fief cette possession, en l’identifiant pleinement avec les possessions de la même espèce de l’Occident. Nous ne connaissions, du temps des Comnènes, aucun document fournissant des données sur le système de la pronoïa. Mais aujourd’hui nous disposons de documents impériaux en petit nombre, il est vrai, mais infiniment précieux, sur la pronoïa du temps de la dynastie des Comnènes. En étudiant l’histoire de la pronoïa à une époque très importante pour l’étude de son évolution, nous pouvons partir, aujourd’hui, non seulement des informations des historiens, mais encore des données des actes qui, cela va de soi, représentent la catégorie de sources la plus importante et la plus sûre. Nous pouvons donc contrôler les informations avec lesquelles nous venons de faire connaissance grâce aux historiens, Anne Comnène et Nicétas Choniate, en les mettant en parallèle avec les données, officielles celles-là, des documents byzantins. Cela, nous en sommes redevables à l’édition française des documents de la Lavra de S. Athanase sur la Sainte Montagne (1 2). Il faut toutefois noter ce fait caractéristique. L’édition citée est faite avec le plus grand soin, avec une parfaite acribie. Comme preuve de cette acribie, on peut citer les indices très détaillés non seulement des noms

(1) Ta f e l et Th o ma s , I, 513. Cf. F. I. Us pe n s k ij , Les Empereurs Alexis II el Andronic Comnène, Journal du Ministère de 1’1nstr. Publique, 212 (1880), 125. (2) Ro u il l a r d -Co l l o mp , Actes de Laura, I, Paris, 1937,

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LA PRONOÏA

propres et des termes géographiques, mais encore des termes spéciaux : ces indices, divisés en rubriques spéciales, comprennent 53 pages en 2 colonnes, dont 25 pages sont occupées par les termes spéciaux. Cependant, dans ces immenses indices d’une publication parue en 1937, l’expression de πρόνοια ne figure pas une seule fois, de sorte que quiconque voudrait s’appuyer sur ces indices si détaillés et si copieux, pourrait croire qu’il n’y a rien à tirer de ces actes sur la question de la pronoïa. Et pourtant, par bonheur, il^n’en est pas ainsi. Les actes contenus dans cette publication fournissent des données documentaires extraordinairement précieuses — et, en outre, les plus anciennes qu’on connaisse jusqu’à présent sur les πρόνοιαι et les pronoïaires (x). Particulièrement précieux est l’acte du duc de Thessalonique, Jean Kontostephanos, de novembre 1162 (1 2). Au début de cet acte est citée la requête de l’higoumène de Lavra, Barlaam, dont on n’a conservé que la fin. L’higoumène se plaint à l’empereur d’un certain Koskinas, qui avait enlevé au monastère huit parèques, avait essayé de les établir ailleurs, et les employait comme s’ils étaient à lui. L’higoumène demande qu’on respecte les droits du monastère. Vient ensuite une décision impériale (επίλυσις) de mars de la Xe indiction, c’est-à-dire de 1162. L’empereur (Manuel Ier) ordonne à son neveu, Jean Kontostephanos, de mener une enquête et de restituer au monastère ce qui lui revenait de droit

(1) Cela a été signalé, toutefois, dans un excellent mémoire par F. ïô l g e r , Lavraurkunden, 59. (2) Ro u il l a r d -Co l l o m p , Acies de Laura, n° 57. Dans le docun e it luimême, la date n’est pas conservée, mais elle est citée au verso : noven 1 re XIe indiction, 6671. Comme l’indiction correspond à l’année, il n’y a aucui < raison de douter de la date. En outre on peut identifier Jean Kontostéphan appelé dans l’acte άνεψιός de l’empereur (Manuel), et qui sur son sceau s’appelle Kontostéphane (d’après son père) et Comnène (d’après sa mère). U s’agit évidemment de Jean Kontostéphane, fils du grand-duc Stéphane K ontostéphane, qui joua un grand rôle au temps de Manuel Comnène et qui périt dans la campagne de Corfou, 1149. Il avait épousé la seconde fille de Jean Comnène et par conséquent, son fils était le fils de la soeur de Manuel et Comnène par sa mère. Cf. F. Ch a l a n d o n , Les Comnènes, II, 217. Un autre Jean Kontostéphane, un des envoyés de Manuel en Orient, mars 1160-61, convient moins bien. Il épousa Théodore, fille du césar Jean Roger et de Marie Comnène, fille de Jean Comnène, c’est-à-dire qu’il n’était pas fils de la soeur, mais mari de la nièce de Manuel, et il n’était pas non plus Comnène par sa mère (Ch a l a n d o n , 217, 517).

DÉVELOPPEMENT DIT SYSTEME DE LA PRONOÏA

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Pour répondre à cet ordre, Kontostephanos, comme il le dit dans son acte, réclame à l’iiigoumène avant tout, une description des limites de la propriété monastique (τον κτήματος) (ΓΑρχοντοχώριον, qui se trouvait dans un document (πραζις) signé du logariaste Constantin. Ensuite, il se rendit sur la parcelle litigieuse (τόπος) où se trouvaient les maisons des πάροικοι, que possédait à titre de pronoïa le susdit κύρ Παγκράτιος Ανεμός (l) (précisément la personne qui, dans la requête de l’higoumène, est désignée par le surnom de Κοσκινάς). L’higoumène et les moines présents continuèrent à affirmer que cette parcelle leur appartenait, parce qu’elle se trouvait sur le territoire du bien monastique Αρχοντοχώριον (του προάστειον του Αρχοντοχωρίου). En fait, il fut établi que la parcelle sur laquelle se trouvaient les maisons des parèques du seigneur Pancrace (αί οικίαι των τοΰ κυροϋ Παγκρατίου παρθικών) était à l’Oucst du ruisseau de Τζερνάχοβα, ruisseau qui séparait les biens du monastère de la propriété que tenait en pronoïa le dit seigneur (τό προάστειον τό εις πρόνοιαν κατεχόμενον παρά τον κυροϋ Παγκρατίου) et qui se trouvait à l’Est de ce cours d’eau. Pourtant, Pancrace insistait sur le fait que les maisons de ces parèques se trouvaient à cette place dés le temps de Loukitès, qui tenait en pronoïa le dit bien avant lui (τον προ αύτοϋ κατέχοντας είς πρόνοιαν τό είρημένον προάστειον). Les caloyers ne niaient pas la chose, mais reconnaissaient que le monastère avait donné une parcelle sur la rive occidentale du ruisseau en question aux soldats qui, avant Pancrace, tenaient ce bien en pronoïa (τοΐς πρό του κυροϋ Παγκρατίου είς πρόνοιαν ε'χουσι στρατιώταις), c’est-à-dire à feu Rentinos Romanos et aux frères Théotime et Léon Loukitès, mais à condition que les parèques de ces guerriers en jouissent exclusivement comme d’une terre de culture et qu’ils n’y élèvent point de bâtiments. Comme cette condition avait été violée, les caloyers réclamèrent la restitution de la parcelle litigieuse, d’autant plus que la propriété avait été donnée seulement aux stratiotes prénommés, et nullement à ceux qui après eux occuperaient ce bien en pronoïa (εις τούς μετ’ αυτούς εχειν όφείλοντας, εις πρόνοιαν, τό διαληφθέν προάστειον) qui, comme le bien du monastère, s’appelait Αρχοντοχώριον. Ces stratiotes étant morts, la parcelle devait faire retour au monastère. Ayant fait cette déclaration, (1) Ligne 35 : ή καϋέόρα των παρά τον ρηθέντος κυροϋ Παγκρατίου τοΰ Άνεμό εις πρόνοιαν κατεχομένων. La Pr o n o ïa . — 3.

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LA PBONOÏA

les moines produisirent un ancien acte (πράξις) de décembre 1119 f1). On voyait par cet acte qu’à cette époque, les caloyers de Lavra s’étaient déjà querellés à propos de certaines parcelles avec les prédécesseurs de Pancrace, les στρατιώται André Romanos Rentinos et les frères Théotime et Léon Loukitès, jusqu’à ce que l’affaire fût portée en justice. Finalement, les stratiotes, conformément à l’ordre impérial, se virent concéder une parcelle de terre domaniale pour y bâtir des maisons de parèques, et les caloyers leur abandonnèrent une parcelle qui se trouvait près du courant sur la rive occidentale de la Τζερνάχοβα, moyennant l’obligation contractée par les stratiotes de ne rien bâtir sur cette parcelle, mais de se contenter de la mettre en culture. Insistant sur la restitution de la parcelle litigieuse, les moines ne cessaient de répéter que les conditions de la cession avaient été violées, que de plus le monastère avait fait la dite cession à des stratiotes bien déterminés, et que la parcelle ne pouvait passer entre les mains de leurs héritiers ou successeurs (προς τούς των Λουκιτών διαδόχους), c’est-à-dire à Pancrace. Jean Kontostéphanos se rendit aux raisons des moines, leur remit la parcelle contestée sur la rive occidentale de la Τζερνόχοβα, et installa les parèques de Pancrace sur la rive orientale. Finalement, il est question de ces huit parèques du monastère que Pancrace, d’après la requête de rhigoumène Barlaam citée au début de l’acte, avait enlevés au monastère (12). Par ordre du gouverneur, les parèques, dès lors, avaient été restitués aux terres du couvent. Interrogés en justice, ils avaient déposé qu’originairement ils étaient des parèques du monastère, qu’ensuite ils avaient quitté les terres du monastère et s’étaient établis όπου προσεκάθηντο οι τον κυρίου Παγκρατίου πάροικοι, mais qu’actuellement, après la décision intervenue, ils étaient revenus à leur lieu d’origine. Nous avons analysé cet acte avec tous ces détails, parce qu’on

(1) Vu l’indiction XIII inscrite en toutes lettres, il faut lire 6628, au lieu de 6627. (2) On peut en déduire qu’une petite partie seulement de la requête de l’higoumène nous a été conservée : car, dans la partie principale (perdue) de sa plainte, rhigoumène, à coup sûr, devait parler de l’objet principal de la querelle, objet auquel est consacré la partie fondamentale de l’acte de Kontostephanos. D'ailleurs, dans les derniers mots de sa réclamation, rhigoumène revient à cette question, en exigeant qu’on ne laisse pas à Koskinas ce qui avait été donné antérieurement à son prédécesseur, puisqu’il avait enfreint l’accord conclu.

DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME DE LA PRONOÏA

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peut en tirer plus d’une conclusion importante, et non seulement pour l’époque de Manuel Comnène, mais encore pour celle de ses prédécesseurs. Nous voyons se succéder deux générations de pronoïaires pour ce bien d’Archontochorion dont nous suivons l’histoire pendant plusieurs décades. Il se trouvait près de la propriété de Lavra, portant le même nom. André Romanos Rentinos et les frères Loukitès, sans aucun doute, avaient obtenu ce bien du temps d’Alexis Ier (1081-1118), car dès 1119 ils étaient en querelle avec les moines de Lavra (9- Le bien qu’ils occupaient, conjointement à ce qu’il paraît, a passé ensuite dans les mains de Pankratios Anemas (il est possible, cependant, que Rentinos avait un autre bien, car Pankratios, comme ses prédécesseurs, cite seulement les Loukitès, et les moines, en un passage, l’appellent successeur — διάδοχος — des Loukitès). D’après cela, leur pronoïa n’a point passé à leurs héritiers naturels, mais, après leur mort, a été attribuée à un autre pronoïaire, Pankratios Anemas. C’est là un facteur capital. Il se confirme ainsi que la pronoïa n’était pas une propriété héréditaire, mais seulement un bien personnel qui, après la mort du titulaire, faisait retour à l’État, en attendant une nouvelle dévolution. De plus, entre Pankratios et ses prédécesseurs, on ne reconnaît aucun lien de droit. Les moines insistent particulièrement sur le fait que leur accord conclu avec le premier groupe de pronoïaires ne vaut pas pour Pankratios, et à ce point de vue se rallie le représentant de l’État, le duc Jean Kontostéphanos. Détail intéressant : en précisant le rapport existant entre Pankratios et ses prédécesseurs, notre document évite l’expression de κληρονόμος, habituelle pour indiquer les héritiers au sens du droit privé, et on l’appelle successeur (διάδοχος). Le bien que tenaient les pronoïaires susmentionnés s’appelait προάστειον, mot qui, dans les sources byzantines, est employé à propos de biens fonds d’une certaine étendue. Le nombre des parèques vivant sur ce bien était, semble-t-il, considérable, car

(1) Ceci n’a pas été remarqué par Uô l u e b , Liwraurkunden, 34, qui, précisément sur la base de ce document, affirme que la pronoïa au sens strict et technique est attestée pour la première fois pour l’année 1162. En même temps il dit que la mention d’une pronoïa est à peine imaginable pour le temps d’Alexis Ier. Cependant, non seulement elle peut s’imaginer, mais elle se trouve, comme nous l’avons vu dans l’acte même de 1162. Cf. Ch a u a n is , Monastic Properties, 91, n. 112.

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une partie en était passée à la parcelle monastique voisine, ce qui avait provoqué un litige. Cependant, les pronoïaires cherchent à arrondir leurs possessions, à grossir le nombre de leurs parèques, manifestant, dans cette poursuite de la richesse foncière, un acharnement, une obstination vraiment extraordinaires. Déjà le premier groupe, dès 1119, avait réussi à obtenir du gouvernement une « parcelle de remplacement » pour y établir ses parèques. De plus, il avait obtenu du monastère une parcelle que les moines lui avaient cédée comme terre de culture. De son côté, Pankratios Anemas avait réussi à attirer à lui huit parèques monastiques. Dans ces conditions, déjà, la première mention documentaire de la pronoïa montre les pronoïaires en lutte avec les monastères. Dans ce cas, les pronoïaires conduisent l’offensive, et manifestent un ferme volonté d’expansion. Nous pourrons suivre la lutte entre pronoïaires et monastères pendant plusieurs siècles. Ces deux groupes féodaux, éternels rivaux également avides, se disputent la possession de la terre et celle des paysans, qui, pour les féodaux, sont aussi importants — et souvent plus importants — que les possessions terriennes. La dépendance des paysans à l’égard des pronoïaires-possesseurs de terres était complète. Ils s’appellent simplement « parèques du seigneur Pankratios » ou des pronoïaires précédents, et, de même qu’on dit que le pronoïaire possède son bien en pronoïa, de même on dit qu'il possède en pronoïa des parèques. La parcelle du monastère avait bien été donnée aux parèques comme terre arable, mais tout se passe comme si elle avait été cédée, non aux parèques, mais aux pronoïaires, à telles enseignes qu’après la mort des pr >noïaires, l’accord cesse de valoir, bien qu’il touche directement , ;s parèques. Les quatre pronoïaires que nous trouvons dans cet acte sc t tous des guerriers, στρατιωται. Le mot pronoïaire, par leqr ί l, selon la coutume, nous désignons le titulaire de la pronoïa, J e s’emploie jamais. Les détenteurs de la pronoïa s’appellent excl J >ivement στρατιωται et jamais autrement. Il est difficile d’imap.ier preuve plus tangible que les πρόνοιαι sont données à des fins nilitaires et sous condition de prestation de service militaire. 1 est spécialement important que les πρόνοιαι, comme on le voi ; par cet acte, aient eu un caractère militaire non seulement au temps de Manuel (nous le savions déjà par Nicétas Choniate), mais, dans la même mesure, dès le temps d’Alexis Ier (ce dont jusqu’à présent

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nous n’avions aucune preuve positive). En réalité, les stratiotes Romanos Rentinos et les frères Loukitès obtiennent leur pronoïa, comme nous l’avons déjà dit, avant 1119. Nous ne nous tromperons donc guère en disant que la distribution de nqôvoiai, « sur terre et sur mer », que selon la brève indication, citée plus haut, d’Anne Comnènc, son père avait effectuée avec tant de générosité, servait à des buts militaires et avait pour fin la restauration des forces militaires de l’empire. La supposition que nous avons émise ailleurs, à savoir que la pronoïa avait pris une signification militaire précisément sous Alexis Ier Comnène (*) obtient aujourd’hui une confirmation solide, car d’un côté, nous avons des données documentaires sur les στρατιώται qui tenaient des πρόνοιαι au temps d’Alexis Comnène, tandis que, d’autre part, nous avons pu établir que, avant la dynastie des Comnènes, la dévolution des πρόνοιαι ne poursuivait pas encore de fins militaires. En conséquence, nous pouvons, et cela avec une sécurité beaucoup plus grande, renouveler notre thèse antérieure, que l’emploi du système de la πρόνοια à des fins militaires fut précisément un des moyens que mit en oeuvre Alexis Comnène pour asseoir sur de nouvelles bases les forces militaires, terriblement ébranlées, de l’empire. Notre conclusion sur le caractère militaire de la pronoïa au temps d’Alexis Ier est renforcée par le chrysobulle de cet empereur, donné à Lavra en juillet 1104 (1 2). Fondant nos conclusions avant tout sur l’acte analysé plus haut de Jean Kontostéphanos, qui nous fournit des données suffisantes et complètement assurées, nous profiterons du chrysobulle cité d’Alexis Ie* comme d’un supplément d’information, avec certaines réserves, car les premières lignes de ce document, qui sont pour nous d’une particulière importance, ont tellement pâli que leur lecture n’est pas assurée. D’autre part, les copies faites par les moines de la Laure Spyridon (R1, d’après une copie du χνιπθ siècle) et Corneille (R3) et qui représentent la base principale de la publication des actes par Rouillard et Collomp, donnent une reconstitution en gros logique, cohérente et plausible du texte altéré. D’après cette reconstitution il s’agit (lignes

(1) Os t r o g o r s k y , Geschichte, 269 (294 de la 2e éd.). Br ê h ie r , Institutions, 386. (2) Ro u il l a r d -Co l l o m p , Actes de Lavra, n° 51, p. 137-143,

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1 à 6) de ce qui suit : la Lavra avait, dans le thème de Thessalonique, un προάστειον, Varzachanion, que lui avait donné une nommée Marie, donation qui lui avait été confirmée par chrysobulle impérial. Cependant, le gouverneur de Thrace et de Macédoine, le sébaste Andronikos Skleros, enleva au monastère ce bien et le remit à un certain guerrier (στρατιώτη τινί). Les éditeurs ne donnent cette restitution que dans l’apparat critique et notent : στρατιώτη τινί ne peut se reconnaître dans l’original p). Cependant, il semble que les copistes n’aient rien inventé et qu’en général ils n’aient pas beaucoup réfléchi à ce qu’ils copiaient (ce qui ressort du fait que, par exemple, R1 au lieu de Σκληρός, écrit κληρός), mais qu’ils aient écrit ce qu’ils voyaient et pouvaient déchiffrer. En ce qui concerne spécialement la lecture στρατιώτη τινί que donnent les deux copies, il nous semble qu’elle est correcte, comme le montrent la photographie de l’original dans l'album de planches (1 2) et la comparaison avec la manière dont sont écrits des mots pareils dans la partie bien conservée de l’acte, notamment le mot στρα~ τ(εία), et surtout le mot στρατιών (3). Si nous acceptons cette lecture, il nous faudra conclure que le bien de Varzachanion a été donné en pronoïa exactement comme fut donné en pronoïa à des στρατιώται le bien d’Archontochorion d’après l’acte de Jean Kontostéphanos. Il est évident que le « guerrier » qui obtint Varzachanion ne pouvait être soldat-paysan, mais devait être, comme les στρατιώται mentionnés dans l’acte de Kontostéphanos, un pronoïaire-grand propriétaire. Cela résulte de l’importance même du bien qu’on trouve décrit plus loin dans le chrysobulle, qui, par ailleurs, présente un intérêt extraordinaire pour l’histoire des conditions agraires et de l’état social de la paysannerie assujettie à Byzance. Ce bien comprenait 6.962 modioi (donc environ 580 hectares), dont 3.549 modioi de terre arable ou de pâturages de première qualité et 3.413 modioi de terrain de seconde qualité, accidenté : donc un très haut pourcentage de terre de tout premier ordre. Il y avait encore un moulin et un jardin. Les paysans de ce domaine étaient encore relativement aisés : sur 15 maisons de paysans, il y avait 11 ζευγαρϋτοι et 4 étaient

(1) Ibid., p. 143. (2) Ro u il l a r d -Co l l o mp , Actes de Laura, Album, pl. XXIV. (3) Ibid., pl. XXV, 1. 1 et 5 (= 1. 89 et 93 du texte).

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même διζευγαρατοιί1). Si le gouverneur de Thrace et de Macédoine donnait ce bien en pronoïa, vraisemblablement parce qu’il le considérait comme une terre domaniale, on peut en déduire qu’il avait pour instruction de promouvoir, dans ses provinces, l’octroi des terres domaniales en pronoïa. Et cela voudrait dire qu’au temps d’Alexis Ier, l’attribution de terres en pronoïa ne se produisait pas seulement dans des conditions particulières, comme l’affirme avec une. tendance qui saute aux yeux, Nicétas Choniate, mais qu’elle s’opérait au contraire, systématiquement et sur une grande échelle. L’attribution en pronoïa du bien monastique qui nous occupe était en tout cas la conséquence d’une erreur : en effet, ce bien, comme on le voit par ce qu’il est dit plus loin dans l’acte, se trouvait à une grande distance des autres possessions de la Lavra. C’est pourquoi le monastère, craignant de le perdre une nouvelle fois, supplia l'Empereur de lui donner en échange un des biens impériaux proches de Thessalonique, tandis que cette terre éloignée, mal située pour les intérêts du couvent, serait donnée à l'État (qui selon toute vraisemblance l’accorda derechef en pronoïa) (12). Cet échange de terres constitue d’ailleurs le principal

(1) Sur le rapport entre terres cultivables et non cultivables dans l'économie agraire de Byzance, cf. Les Praklika byzantins, p. 296 ss. et 308 ss. Sur la richesse moyenne des parèques et la rareté des ι'ιζενγαράτοι, voyez ibidem, p. 303 ss. (2) En revanche, et contrairement à ce que pense Dô l g e r , Lavraurkunàen, 59, tout un groupe d’actes de Lavra (n“ 37, de l’année 1801 ; n0 38, de l’an 1084 ; n° 41, de 1086), attribuant à Léon Képhalas divers biens fonds et confirmant des donations antérieurès-faites au dit Képhalas, n’ont aucun rapport avec la pronoïa. Aucune allusion à la pronoïa ne peut se découvrir dans ces actes : car on ne peut considérer comme telle la circonstance que les serfs vivant sur les biens attribués deviennent parèques de Léon Képhalas. En effet, il va de soi que les choses se passaient de même dans les attributions de biens patrimoniaux dont parlent aussi tous ces actes. La preuve directe que nous n’avons pas ici affaire à des pronoïai, mais à des biens patrimoniaux, nous est fournie par le fait que toutes les terres attribuées, en vertu de l’acte 11“ 42, daté de 1089, passent dans la propriété du fils de Léon Képhalas, tandis que les pronoïai, à cette époque, ne sont pas encore héréditaires. Ce n’étaient pas non plus des pronoïai que les immenses possessions du sébastokrator Isaac Comnène, le frère de l’empereur Jean II, car il avait obtenu ces possessions par héritage, et, en 1152, il les lègue à perpétuité au monastère de la Mère de Dieu, près d’Ainos, sa fondation. Cependant, il est remarquable que parmi ces possessions, se trouvaient deux villages où résidaient des stratiotes soumis au sébastokrator Isaac et qui lui payaient des redevances : εϊσί τνες στρα-

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sujet de cet acte si intéressant, dans l’analyse détaillée duquel nous ne pouvons pas entrer ici. Nous voyons donc que le système de la pronoïa, depuis l’époque des Comnènes, s’est largement diffusé et qu’il est devenu un élément essentiel de l’organisation militaire de l’État, et en même temps une importante expression de conditions agraires purement féodales, fondées sur la dépendance de la classe paysanne. Cependant, il paraît que son rôle positif comme facteur de la consolidation des forces militaires ne suffisait pas, et que, d’autre part, son rôle négatif comme facteur de la désintégration féodale était tellement évident, que, non content d’introduire et de fortifier le système de la pronoïa, le pouvoir impérial essaya de créer des biens militaires du type antérieur, en d’autres termes, de restaurer la classe des soldats-paysans. Nos informations relatives à ces faits datent surtout du temps de Jean II, qui, au dire des contemporains, fut le meilleur prince de la famille des Comnènes (*). Et, bien que Jean Kinnamos et Nicétas Choniate soient très brefs sur le règne de Jean II Comnène, les deux historiens n’omettent pas de citer certaines mesures de cet empereur, lesquelles ne peuvent se comprendre autrement que comme un renouvellement de la propriété militaire du type ancien. Il est intéressant et caractéristique qu’à cet effet (autant qu’on peut en juger d’après les données disponibles), on employa des soldats étrangers. Et, comme lors de la première création de biens militaires au vne siècle, ces étrangers étaient surtout des Slaves, cette fois principalement des Serbes. Nicétas Choniate raconte que Jean Comnène, après sa victorieuse campagne contre les Serbes, transféra les captifs en Orient, et qu'après leur avoir assigné des quartiers dans la région de ^icomédie, où il leur alloua quantité de terres, il enrôla les uns c i ns l’armée et imposa des taxes aux autres (2). Cela signifie ç1 te, d’une part, des captifs serbes il fit des soldats, des στρατιω t ai obligés au service militaire, et que, des autres, il fit des pays i is assujettis à l’impôt. Après sa fameuse victoire sur les Petchénègues en 1 "22,

τιώται υποτελείς ημών. Cf. L. Pe t it , Typikon du monastère de le. hosmosotira près d’Aenos, Ιζυ. de l’institut archéologique russe de Constant, nople, 13 (1908), 71, 9-26 (ci. 52, 29). (1) Ch o n ia t e , 63-64. (2) Ch o n ia t e , 23.

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Jean II, de nouveau, transforma les prisonniers en soldats. Selon Kinnamos, beaucoup d’entre eux furent installés sur les terres romaines et, après avoir été inscrits sur les rôles militaires, restèrent longtemps au service de Byzance (i). Ensuite, comme le dit le même Kinnamos, Jean Conmènc partit vers l’Est et, après avoir vaincu les Barbares de ces régions, il en convertit beaucoup à l’orthodoxie et les fit entrer dans les rangs de l’armée romaine (1 2). C’est-à-dire, évidemment, qu’il les installa dans les provinces de l’empire et les encadra dans l’armée byzantine. Manuel Ier suivit l’exemple de son père. A l’occasion d’une de ses campagnes contre les Serbes, conformément au récit du même Kinnamos, il captura « une foule de barbares », dont les uns exerçaient le métier des armes et les autres élevaient du bétail ; il les transporta et les établit à Sardique et dans d’autres provinces romaines (3). Manuel promulgua même un acte qui renouvelait la fameuse novelle de Constantin VII Porphyrogénète, portant que les parcelles des soldats-cavaliers devaient avoir une valeur minimum de 4 livres, les parcelles des marins une valeur de 2 livres d’or, que jusqu’à cette limite elles seraient inaliénables, que personne ne pourrait les acheter (4). Cependant, le renouvellement de ces vieilles dispositions légales à l’époque où prédomine la grande propriété terrienne, fait une impression un peu étrange et irréelle. Une impression également étrange nous reste aussi — du moins à première vue — des mesures de Manuel Ier qui tendent à limiter la propriété foncière des monastères. L’empereur comble les monastères de présents et de privilèges, mais ensuite, en mars 1158, confirmant aux monastères des environs de Constantinople toutes leurs possessions, privilèges et droits de toutes sortes, il interdit tout accroissement ultérieur de la propriété monastique (5). Cepen-

(1) Kin n a m o s , 8, 20-22. Nicétas Choniate (22, 19) nous parle aussi de la transplantation des Petchénègues el de leur encadrement dans l’armée byzantine, ajoutant, cependant, qu’un grand nombre de captifs furent vendus comme esclaves. (2) Kin n a m o s , 9, 5-6. (3) Kin n a m o s , 103, 9-10. (4) Dô l g e r , Regesten, 1535. (5) Ze po s , Ju s , I, 381 sq ; Do l g e r , Regesten, 1119. De cette mesure parlent aussi, chacun d’une manière différente, Ch o n ia t e , 270 sq., et Kin n a m o s , 276. Cf. Ch a r a n is , Monastic Properlies, 82 sq.

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dant, cette défense doit être rapprochée d’une autre mesure du même empereur, défendant l’aliénation de terres données, sauf au profit des représentants de l’ordre sénatorial et de la classe militaire (x) ; cet ordre, qui ne nous est connu que par une brève mention chez Balsamon, fut promulgué en septembre de la VIIe indiction — et, en conséquence, Dolger le date de 1113 ou 1158 ou encore 1173. Plus tard l’empereur renouvela cette décision par un nouvel ordre, dont le texte ne nous est pas conservé non plus (1 2) ; d’après le mois et l’indiction qui figurent chez Balsamon, Dolger date le document de février 1155 ou 1170. Mais alors 1173 évidemment n’entre plus en ligne de compte comme date du premier document. On ne peut accepter davantage le point de vue de Dolger, selon lequel les deux documents ont une tendance antilatine (3), d’autant plus que les Latins, précisément à l’époque de Manuel Ier, pouvaient appartenir, et notoirement appartenaient à la classe sénatoriale et à la caste militaire. 11 semble que ces documents visent plutôt l’accroissement de la propriété monastique et ecclésiastique. D’après cela, on peut supposer que le premier de ces actes a été publié en septembre 1158, aussitôt après la défense de l’accroissement de la propriété monastique de mars 1158, et l’autre en février 1170. Au temps du règne d’Alexis II, ces deux édits ont été révoqués (4). On peut se demander dans quelle mesure ces efforts pour entraver l’accroissement des propriétés monastiques ont été efficaces ; les actes des monastères byzantins, conservés dans les archives, montrent que la propriété monastique s’accroissait continuellement. Il est important toutefois de noter que l’édit de Manuel était suivi d’une décision par laquelle les donations de terres étaient permises exclusivement au profit de membres de l’ordre sénatorial et de la classe militaire, c’est-à-dire au profit des féodaux séculiers, non des féodaux spirituels. Augmentant sans cesse leurs possessions et rivalisant à cet égard avec les monastères, les féodaux séculiers, surtout les militaires-pronoïaires, se trouvaient donc

(1) Ze po s , Ju s , 1, 387 ; Do l g e r , Regeslen, 1333. (2) Ze po s , Ju s , I, 421 ; Do l g e r , Regesten, 1398. (3) Do l g e r , Regeslen, 1553. (4) Ze po s , Ju s , I, 429 ; Do l g e r , Regeslen, 1553. F. I. Us pe n s k ij , Pronija, 7, date erronément la révocation de 1183, et tire des conclusions inexactes de cette date fausse. En décembre 1183, Alexis n’était plus en vie.

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en meilleure position grâce à l’appui du pouvoir impérial qui, au temps de la dynastie des Comnènes, défendait surtout les intérêts de l’aristocratie militaire. L’aristocratie féodale qui s’était considérablement renforcée au temps de Manuel Ier, affermit encore davantage ses positions au temps de son fils mineur Alexis 11, lorsque les affaires de l’État étaient aux mains de l'impératricc-veuve, la Latine Marie, et de son amant, le protosébaste Alexis Comnène. Le gouvernement d’Andronic Ier, énergique et bien doué, qui s’efforça de mettre un frein à l’ambition de la noblesse féodale et un terme à sa domination, fut seulement un bref épisode, et la fin tragique d’Andronic prépara le triomphe de l’aristocratie féodale sous la dynastie des Anges. Le quart de siècle pendant lequel Byzance, descendant de la haute situation politique où l’avait élevée Manuel, glissait rapidement vers la catastrophe inévitable, fut une époque de décadence et de décomposition. Arrêtons-nous aux rares données sur la pronoïa qui sont conservées pour cette époque. Avant tout, il faut que nous nous occupions de l’ordre du κεφαλή de Crète, le grand hétériarque Constantin Ducas, d’octobre 6692, qui pose des questions fort embrouillées. Ce document a été publié dans le recueil de Miklosich et Millier, où il est daté de 1184 (au lieu de 1183) mais néanmoins attribué à Alexis II (!). F. I. Uspenskij, observant qu’en 1184 Alexis n’était plus en vie, attribue ce document tout simplement à Alexis Ier Comnène (1 2). Ceci est incompréhensible, d’autant plus que le nom d’Alexis se trouve seulement dans l’intitulé de Miklosick et Müller, tandis que le texte même du document ne contient aucun nom impérial... Dans la souscription du κεφαλή Constantin Ducas, il est dit seulement qu’il était έξάδελφος de l’empereur. La faute de Miklosich et de Müller, en ce qui concerne le calcul de l’année, n’a pas été remarquée par Dôlger, qui date de 1184 ce document, et, en conséquence, l’attribue au règne d’Andronic Ier. Il se demande seulement si la tendance latinophile de ce document convient bien à la personnalité d’Andronic Comnène (3) (soit dit en passant, cette tendance latinophile, d’après nous, n’apparaît nulle part dans l’acte en question).

(1) M.M., III, p. 235-237. (2) Us pe n s k ij , Pronija, 5. (3) Dô l g e r , Regesten, 1561.

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Il a échappé à Dôlger qu’E. Gerland a donné une nouvelle édition excellente de ce document, édition qu’il présente en deux recensions grecques et une version italienne (x). Gerland considère le document comme émané d’Isaac II l’Ange et le date d’octobre 1191. Cependant, le commentaire de Gerland (12) prouve seulement que ce document est antérieur à celui de 1192 que Gerland publie ensuite. Gerland ne prouve pas du tout que le premier document soit de 1191 et n’explique pas pourquoi il est nécessaire de changer si radicalement la date de 1183 qui nous est transmise (au lieu de 6692, il faudrait écrire 6700 : comment expliquer pareille erreur?). On ne voit pas clairement pourquoi nous n’accepterions pas simplement la date que porte le document et qui correspond à octobre 1183. A vrai dire, Alexis II fut tué en septembre 1183, mais, naturellement, en Crète, on pouvait ignorer cette mort en octobre de la même année. Si nous acceptons comme date de ce document octobre 1183, il est clair que la nomination de Constantin Ducas au poste de κεφαλή de Crète, dont il est parlé au début du document, était un fait accompli sous Alexis II. Constantin Ducas avait toutes les raisons de s’appeler εξάόελφος de cet empereur. Comme l’a déjà montré Karl Hopf (34 ), il avait épousé la nièce de Manuel Ier, c’est-à-dire la cousine d’Alexis II (*), tandis que Isaac II et Andronic étaient des parents plus éloignés de Constantin Ducas. Nous avons cru nécessaire de débrouiller un peu l’écheveau compliqué que constitue cet acte. Cependant, pour nous, il n’est pas d’une importance immédiate d’établir sa véritable date. Il est même d’importance secondaire pour nous de savoir si cet acte est authentique dans toutes ses parties et s’il ne s’y trouve pas des additions, liées aux droits de propriété de la famille de Scordinos ; il semble d’ailleurs que Gerland avait raison en affirmant l’authenticité du document, dont les fautes de langue seraient attr buables à une transcription tardive (5). Pour nous, la seule cho j j (1) Ge r l a n d , Noblesse créloise, 90-98. (2) Ge r l a n d , Noblesse créloise, 21 sqq. (3) Ho pf , Geschichte, I, 179. (4) Observation peu claire d’UsPENSKi.r, Pronija, 7, n. 5 : « Le κε d’un village ou d’un groupe de villages. Aussi le susmentionné Alexis de Bigano fut-il, propter sua fidelissima opéra, placé par les recteurs du gouvernement vénitien en qualité de chef et de pronoïaire : caput et proniarius territorii vocati Cazapi et ville Baladrini et de Ixexi ; le 15 mai 1421 le Grand Conseil lui confirma, à lui et à ses fils, cette possession (4). Vlada Kalodjordjevié, sur la recommandation des recteurs vénitiens, pour les mérites de son père et son propre zèle, fut fait chef et pronoïaire du village d’Obliqua. Dans sa prière il demandait à être caput et proniarius ville vocale Obliqua., secunduni consuctudincm paysii et per ilium modum, quo tenebat precessor suus et sicut alia capita et proniarii omnium aliarum villarum nostrarum illius provincie tenent. La décision du Grand Conseil du 12 novembre 1447 portait: sit caput et proniarius dicte ville Oblique ea conditione qua erat precessor suus (5). D’un tout particulier intérêt, de ce point de vue, est le matériel contenu dans le cadastre de Skadar de 1416. On y trouve enregistrés tous les villages du district de Skadar. D’abord sont indi-

(1) (2) (3) (4) (5)

Ibid., Ibid., Ibid., Ibid., Ibid.,

15 et 4. 6 et 10. Cf. Acta Albaniae, II. n" 752. 10. 5. 15-16.

228

Τ,Λ PRONOÏA

quées les personnes se trouvant à la tête de divers villages, et ensuite vient une liste nominative des propriétaires de diverses maisons se trouvant dans chaque village, avec désignation des taxes de chacun. Les personnages qui sont à la tète de chaque village s’appellent cavo ou proniario ou caoo et proniario. Makušev se trompe lorsqu’il dit que c’est seulement à titre exceptionnel qu’un personnage pouvait être institué comme « pronoïaire et chef » du village qu’on lui attribuait. Il se trompe lorsqu’il dit que sur 114 villages du district de Skadar enregistrés dans le cadastre de 1416, il n’y a que 5 cas pareils f). Si l’unification des fonctions de pronoïaire et de chef de village était une rarissime exception, Vlada Kalodjordjević n’aurait pu, dans sa prière citée plus haut, demander que le village d’Obliqua lui fût donné aux mêmes conditions auxquelles tiennent leurs terres alia capita et proniarii omnium aliarum villarum nostrarum illius prouincie. II est vrai que, dans le cadastre de Skadar de 1416, «les pronoïaires et chefs » sont mentionnés seulement sept (et non cinq) fois et que André Omoy et son neveu Coiacin sont inscrits deux fois. Mais cela ne veut pas dire que, de plus de cent villages enregistrés dans le cadastre de Skadar, sept seulement étaient soumis à des personnes qui exerçaient les fonctions de chefs et de pronoïaires. Makušev n’a pas remarqué que de telles personnes, dans la majorité des cas sans aucun doute, ne tenaient pas seulement les villages, à propos desquels leurs noms sont inscrits, mais encore les villages des environs qui sont cités immédiatement à leur suite. Ainsi André Omoy et son neveu Coiacin sont enregistrés comme proniarii et cavi du village Boisa (12). Cependant, ensuite viennent quatre villages avec la mention solo Boisa, mais sans l’indication habituelle du possesseur (3). Il n’y a pas de doute que ces quatre villages, totalisant 29 maisons, étaient la possession d’André Omoy et de Coiacin, faisant partie du territoire de leur village de Boisa. Pour Boisa même, neuf maisons sort enregistrées qui, comme la majorité de toutes les maisons du cad stre de Skadar, payaient au gouvernement vénitien chacune un du ’at et un modius de blé. De plus, pour ce village principal du pi noïaire sont enregistrés (1) Ibid., 9. (2) Lj u b ič , Skad. zemljišnik, 37. Co r d ig n a n o , Catasto di (3) Co r d ig n a n o , Catasto di Scutari, 90-91.

'itari, 89.

LA PRONOÏA DANS LA ZÊTA SOUS LA DOMINATION VÉNITIENNE

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huit hommes d’armes qui, eu qualité d’hommes de guerre professionnels, ne payaient aucune redevance. Les mêmes André Omoy et Coiacin possédaient comme cavi et proniarii la cité de Balezo. Cette agglomération, qualifiée ville dans le cadastre, avait 25 maisons ; en premier lieu dans la liste apparaît le comandadore Domenego Molasiri, qui ne paye aucune taxe, tandis que tous les autres habitants, parmi lesquels huit prêtres, payent chacun un ducat, et presque tous un modius de blé Q). Après la liste des habitants de la ville de Balezo sont mentionnés cinq petits villages, qui ont ensemble 29 maisons, et cinq villages inhabités (12). Tous ces villages sont marqués soto Balezo et pour aucun d’eux n’est mentionné un autre possesseur quelconque, de sorte que, dans ce cas encore, il faut supposer que tous ces villages appartenaient à la pronoïa d’André Omoy. Quant à Balezo, ce n’était que le centre de sa pronoïa, qui, comme sa pronoïa de Boisa, embrassait une quantité de possessions. Bien complexe était aussi la pronoïa de Gin Muraro, cavo et proniario du gros village de Grisa, auquel sont attribuées 38 maisons et qui a son comandador (3). A ce village, et par conséquent à la pronoïa de Gin Muraro, appartiennent indubitablement les champs et les vignobles qui s’y trouvent, et trois villages de 22 maisons, cités ensuite, avec l’indication in terren de Grisa, mais sans mention de propriétaire (4). De même, notons que le village de Podgora (Podegora), qui consiste en 19 maisons et qui a son commandeur Radoslav (Radosclauo) Drossina (il est vrai qu’il est mentionné à la fin et qu’il paye, comme les autres habitants de ce village, la taxe habituelle d’un ducat et d’un modius de blé), n’était pas la seule possession de son pronoïaire et chef André Otto, qui le tient avec son frère et toute une série d’autres pronoïaires (5). Car ensuite sont enregitrés encore cinq petits villages sans aucun maître, mais avec la (1) Ibid., 91-92. Sur Balezo, cf. Šu f f l a v , Stddie u. Burgen Albaniens, Wien 1924, 25. (2) Ibid., 92-94 : Radizo Omoy (Raducius Homoy), père de Coiacin, avait été confirmé comme pronoïaire de Balezo le 16 septembre 1404 (Acta Albaniae, II, n° 752). Déjà dans un acte du 9 juillet 1403 il s’appelait pronittrius quinque villarum (Acta Albaniae, II, n° 737). (3) Ibid., 94-95. (4) Ibid., 96-100. (5) Ibid., SI.

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LA PRONOÏA

mention solo Podegora ; un de ces villages, Egressi, a son comandador Pâli Egressi, affranchi des redevances habituelles, que doivent en revanche ses deux parents, Jon et Lazaro Egressi, et trois autres propriétaires de maison de ce village (x). Le cavo et proniario Bitri Chiliothi est expressément cité comme propriétaire de trois villages, qui sont enregistrés ensemble et qui totalisent 24 maisons (12). Dans la liste des proprietaires de maisons figure en premier lieu le cavo e proniario Bitri Chiliothi luimême ; ainsi, il habite dans un de ces villages, à la différence des grands propriétaires cités plus haut, qui ont leurs lieutenantscommandeurs. Bien entendu, il ne paye aucun impôt, à la différence des autres propriétaires de maisons des villages qui lui sont subordonnés, lesquels, à eux tous, payent chacun un ducat, et la majorité un modius de blé par tête. Seul un village, mais un très gros village, Trompsi grandi, possède un proniario e cavo Bitri Ysi (3). Il se trouve aussi en tête de la liste des propriétaires de maisons de son village, qui consiste en 68 noms ; parmi eux nous trouvons encore quelques représentants de la famille des Ysi et d’autres familles de pronoïaires ; leurs taxes ne sont pas inscrites. De dimensions modestes était le domaine du cavo e proniario Rajko (Rayco) Precali ; il est moindre que celui de la plupart des personnages titrés seulement pronoïaire, et même de quelques-uns de ceux qui s’appellent seulement cavi. Rajko Precali avait un hameau de 10 maisons, et habitait lui-même dans l’une d’elles (4). Les personnages nommés dans le cadastre de Skadar simplement pronoïaires, et non pronoïaires et chefs, n’avaient pas de possessions aussi complexes que les pronoïaires et chefs, cités plus haut, des villages de Boisa, de Balezo, de Grisa et de Podgora. Quelquesuns d’entre eux possédaient cependant plusieurs villages et étaient considérablement plus riches que le cavo e proniario Rajko Precali. Ainsi, el nobele homo ser Marin Bonzi, avec ses héritiers, possédait, comme pronoïaire, 6 villages, ou, si l’on veut, 5 agglomérations distinctes ; pour 2 villages, la liste des maisons manque, tandis que ses 3 autres agglomérations (dont l’une compre-

(1) (2) (3) (4)

Ibid., Ibid., Ibid., Ibid.,

84-85. 124. 152. 102.

LA

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231

naît 2 villages) comptent globalement 37 maisons et ont chacune son « commandant » (comandador) (x). Le. pronoïaire Jonema Precali, avec son frère et ses héritiers, avait un village de 18 maisons et 2 petits villages de 3 maisons chacun. Le pronoïaire luimême habitait dans l’un de ces petits villages, qui s’appelait comme lui Precali, tandis que dans le grand village de Dayci le remplaçaient deux comandadori, Giergi Dayci et Dayci Bari ; là se trouvait aussi André Chrisolichochi el grande qui, comme les deux commandeurs, était affranchi de toute taxe, tandis que les autres habitants donnaient la taxe habituelle d’un ducat et un modius de blé (1 2). Le pronoïaire Nicolas Salume et son neveu Vukica (Vucheze) Salume, outre un petit village de 6 maisons, en avaient encore un autre, de 5 maisons, qu’ils tenaient ensemble avec le pronoïaire Radoslav (Radosclauo) Romestina (3). Le pronoïaire portant le nom sonore de J on Bestole el Grande da Isamarise, avait en pronoïa seulement le petit village de Bellani, avec 6 maisons, mais le même Jon Bestole el Grande était cavo du grand village de Sumarisi où il vivait ; sur le registre des maîtres de maison de ce village, qui compte 50 maisons, est inscrit en tête Jon Bestole el Grande cavo en personne (4). DemêmeDabeseio Bonci avait comme pronoïaire le village de Piera Negra de 8 maisons et le village voisin de Vladami, avec 3 maisons. Ce Dabeseio Bonci est certainement le même que Deleseio Bonci, chef du grand village de Barbarossi, qui comptait 37 maisons ; ce village, comme le village pronoïaire Piera Negra, avait son comandador de la même famille Dayci, de laquelle provenaient aussi les deux commandeurs de Jonema Precali (5). Vuk Gubečić, chef du village de Luorsi, de 12 maisons, était inscrit aussi comme cavo du village de Somesi, où se trouvaient 19 maisons (6). Cependant, ce dernier village, il le tenait certainement en pronoïa, car sur la liste des

(1) Ibid., 107, 115, 132 et 140. (2) Ibid., 132 et 141. (3) Ibid., 88 et 86. (4) Ibid., 138 et 134. . (5) Ibid., 101, 102 et 122-123. Le nom deDeleseio, donné par L.iurné, Skad. ZemljiSnik, p. 44, est corrigé en Dabeseio dans la nouvelle édition de Co r d i g n a n o (p. 122), qui ne m’était pas encore connue quand j’ai rédigé le texte original de mon travail. (6) Ibid., 117 et 119.

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maîtres de maison il figure en tête comme Vucho Gubecich proniario ; après lui vient Petro Costa comandador — un fait aussi ordinaire dans les villages de pronoïaires qu’il est extraordinaire dans les villages à la tète desquels ne se trouve qu’un eavo. On peut remarquer que beaucoup de pronoïaires, que nous apprenons à connaître dans le cadastre de Skadar, avaient entre eux des liens de parenté. Etaient certainement parents ser Dabeseio Bond (ou Bonzi) et le grand pronoïaire, noble homme ser Marin Bonzi (ou Bonci) ; de même Jonema Precali et le pronoïaire et chef Rajko Precali. Nicolas Sigeci et ses frères, pronoïaires du petit village de Sigeci, où ils habitaient eux-mêmes et où se trouvaient encore quelques représentants de la même famille de Sigeci, étaient évidemment apparentés à Démétrius Sigeci qui, avec ses fils et ses héritiers, possédait (vraisemblablement aussi en pronoïa) le village voisin de Chimechechi f1). Ces pronoïaires n’ava:ent chacun qu’un petit village ; de même, n’avaient qu’un village : Zuane Engeiese, pronoïaire du village de Gleros (avec 19 maisons et un co~ /lumdador) et le pronoïaire Bitri le Slave (βί(ιί Sclavo) qui vivait lui-même dans son village Andrea Schiavo, petit hameau de 10 maisons (2). Les possessions de ces petits pronoïaires ne sont pas plus grandes que certains villages soumis aux cmu, et même sont inférieures à quelques-uns de ceux-ci. Dans ces conditions, dans certains cas, il n’y a point de limite bien marquée entre chefs de village et pronoïaires, au point de vue de l’étendue de leurs possessions, de même qu’il n’y a pas de différence bien tranchée entre pronoïaire et pronoïaire-chef. Mais les sources analysées par nous permettent néanmoins d’affirmer une certaine gradation entre ces trois groupes. En règle générale, les possessions des pronoïaires s’emportent en étendue et en valeur sur celles qui sont soumises à des « chefs », et des domaines les plus considérables sont ceux des pronoïaires-chefs, c’est-à-dire de;: pronoïaires qui sont en même temps « chefs » de l’un ou l’autre dt’age. Ce rapprochement entre les propriétaires fonciers-pronoïaires et les fonctionnaires-chefs des villages est pieu ment justifié dans les conditions féodales, dont le caractéristique e..- ’a confusion des principes de droit privé et de droit public. Les pronou'"°s sont non çl) -fôid. 11« et 120. Ç2) Ibid., lit' et 11 S.

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seulement les possesseurs mais encore les administrateurs des domaines qui leur ont été attribués, et les chefs de village, de leur côté, ne sont pas seulement administrateurs de ces biens. Le gouvernement vénitien regarde la fonction de pronoïaire comme un officiiim (x). La conception même du pronoïaire-chef le prouve. Les pronoïaires puissants, dans certains cas, oppriment et évincent presque les administrateurs des différents villages et deviennent pronoïaires-chefs ; tandis que les chefs des grands villages, de leur côté, tendent à devenir chefs et pronoïaires. Comment ce processus s’est-il développé, c’est ce qui est assez clair par l’exemple de Jon Bestole, de Dabeseio Bonci, de Vuk Gubečié, qui, dans un village, agissent comme pronoïaires et, dans l’autre, comme cavi. Il est caractéristique que Jon Bestole et Dabeseio Bonci étaient chefs précisément de très grands villages qui comptaient des dizaines de maisons, tandis que la majorité des villages du district de Skadar, qui étaient soumis à des c a pî , étaient de dimensions très modestes, avaient rarement, plus de 10 maisons, et souvent beaucoup moins (1 2). De même, il est bien caractéristique que Vuk Gubečié, comme nous l’avons déjà vu, est qualifié de cavo, c’est-à-dire chef, du village de Somesi, dans le titre ou rubrique, mais que, dans la liste des maisons de cc village, il figure comme pronoïaire. Il est encore plus significatif que Bitri Ysi, qui, dans le cadastre de Skadar de 1416. apparaît comme ptutiiario c cavo du village de Trompsi Grandi, dans une note du comte (cornes) de Skadar en date de 1403 est encore cité comme caput ville de Transis. Cette note du comte et capitaine Donato de Porto, du 9 juillet 1403 (3), présente pour nous un grand intérêt. Ce document démontre l’exactitude des conclusions que nous avons tirées des données du cadastre de Skadar, car Donato de Porto, dans son rapport, d’une part considère les pronoïaires et les chefs de village (1) Ainsi, souvent dans le document du 16 septembre 1404, par lequel Radizo Omoy est confirmé en qualité de pronoïaire de Balezo: Acta Albaniae, II, n» 752. (2) Des grands villages sous l’administration d’un cavo se rencontrent rarement dans le cadastre de Skadar. Une exception caractéristique est le cas de Totnasio Schiavo, scrivan de la corte in Schiavo, qui fut cavo de deux grands villages dans le district de Skadar (v. Co r d ig n a n o , Catasto di Scutari, 70 et 76). (3) Acta Albaniae, II, n° 737.

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comme un groupe de représentants de la haute aristocratie locale, et, d’autre part, il confirme qu’il y a entre eux une certaine gradation. Nous avons cité plus haut un acte du 6 mai 1402, par lequel le gouvernement vénitien, sur la proposition de son comte de Skadar, a décidé qu’aux pronoïaires de son territoire serait attribuée tous les ans une certaine quantité de drap. A cette fin, le gouvernement vénitien prévoit une dépensé annuelle de 300 hyperpres, et ordonne à son comte d’effectuer la distribution avec tout le soin nécessaire, pour éviter toute querelle possible, et d’adresser au gouvernement un rapport exact et détaillé sur ladite distribution. Dans sa dépêche du 9 juillet 1403, déjà plusieurs fois mentionnée par nous, Donato de Porto précisément informe le gouvernement de Venise de la manière dont il a mené à bonne fin la tâche qui lui avait été confiée. Après avoir reçu les deux pièces (petia) de drap oui lui ont été envoyées, il les a distribuées de la manière qui lui paraissait la plus équitable ; mais comme la quantité envoyée n’était pas suffisante, et comme le prix du drap était très élevé, il n’a pas pu donner du drap à tous ceux à qui il avait l’intention d’en envoyer, mais seulement aux pronoïaires et à quelques chefs de village. Exprimant l’espoir que les années prochaines les conditions du marché du drap seront plus favorables, le comte dit que, dans ce cas, il pourra procurer une pièce de bon drap écarlate au prix maximum d’un ducat par coudée ou brasse (brachio), et qu’il la distribuera inter nobiles et magnos proniarios ; qu’ensuite il achètera encore une ou deux pièces de drap, au prix de quarante sous la brasse, et qu’il les distribuera inter alios proniarios et capita villarum minoris conditionis, et que, s’il peut, sans dépasser la somme totale de 300 hyperpres, se procurer encore deux ou trois pièces de futaine (fustaneum), il les distribuera inter aliquos alios servitores oestre dominationis dans diverses villes. Tous ces comptes du représentant de l’autorité vénitienne à Skadar expriment bien l’état de la hiérarchie dans son district : au sommet quelques pronoïaires en très petit nombre, les plus respectés et les plus puissants, auxquels il faut à tout prix fournir du drap de la meilleure qualité ; après eux vient la fouie des pronoïaires et des chefs des petits villages, auxquels on donne du drap ordinaire. Ces deux groupes constituent les deux étages de l’aristocratie féodale ; plus bas on trouve les bourgeois qui se contenteront de futaine, si la futaine est bon marché. Dans ces conditions, le cadre supérieur féodal, dans la circonscrip-

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tion de Skadar, était constitué par les pronoïaires et les chefs des villages, mais entre eux le cornes de Skadar distingue les gens d’importance majeure et mineure — confirmant cette gradation que nous avons constatée dans la liste cadastrale de Skadar. Au reste, comme nous l’avons de même déjà constaté grâce aux données du cadastre de Skadar, la cloison entre pronoïaires et chefs des villages n’était pas étanche, au contraire. Les chefs des plus grands villages jouissaient d’une considération supérieure à celle, de beaucoup de pronoïaires. A son rapport sur l’affaire du drap, le comte a joint une liste des personnes entre lesquelles était distribué le drap envoyé de Venise. Dans cette liste, nous voyons 11 pronoïaires et 4 chefs des villages. A côté des pronoïaires et des chefs des villages, se trouvent seulement un personnage dominas Coia, qui a obtenu la majeure partie de 13 coudées de drap, et le voïvode du district, Petrus Mangulfi, porté pour 10 coudées. Outre le voïvode, ont reçu chacun 10 coudées : le représentant d’une grande et puissante famille albanaise, le pronoïaire Georges Dukagin ; le seigneur de la ville de Balezo, que nous connaissons déjà : le proniaruis quinque mllarnm Badezo Omoy, de même, que Bitri Ysi, caput du village de Tronsis. Cependant, comme nous le savons, Bitri Ysi devint bientôt pronoïaire, et dans le cadastre de Skadar, il apparaît comme pronoïaire et chef (proniario e cauo) de son grand village. Huit coudées de drap sont attribuées, ensemble, à deux pronoïaires de la famille qui nous est bien connue de Precali ; six coudées par personne à deux pronoïaires dont l’un était proniarius trium villarum, et la même quantité à deux chefs des villages ; les autres devaient se contenter de quatre coudées par personne, de trois ou même de deux... Si proches que les pronoïaires soient des chefs des villages d’après toute leur situation sociale, d’après certaines de leurs fonctions, ils s’en distinguent nettement, non seul'ment par un prestige supérieur, mais encore par leurs tâches militaires spécifiques. L’obligation de prêter le service militaire est tout aussi caractéristique des pronoïaires du district de Skadar qu’elle l’était des pronoïaires byzantins et serbes. Nous avons vu que, sur le cadastre de Skadar, à côté des noms des villages soumis aux pronoïaires, sont souvent mentionnés des comandadori, que d’habitude nous ne trouvons pas pour les villages soumis aux caïd l1)· (1) Une exception : le village de Baladrini qui se trouve, d’après le cadastre de Skadar, sous un cavo, et qui a son comandador (Co r d ig n a .n o , Catasto

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LA ΡΚΟΝΟΪΛ

En règle générale les comandadori apparaissent dans les villages des grands pronoïaires qui possèdent plusieurs villages et qui ne résident pas dans leurs pronoïai. Les comandadori sont les lieutenants de ces pronoïaires dont iis remplissent les fonctions de commandants des forces armées des villages en question — tandis que les petits pronoïaires, qui vivent dans leurs pronoïai, commandent eux-mêmes leurs villages. Très caractéristique est la mention de huit homini dorme au village de Boisa, au centre de l’important complexe de possessions des pronoïaires André Omoy et Coiacin. Il va de soi que les pronoïai, dans la région de Skadar, avaient un caractère militaire déjà avant la domination vénitienne. Comme le système même de la πρόνοια, de même ses fonctions militaires naquirent et se développèrent en Zêta à l’époque où celle-ci faisait partie de l’Etat serbe, et se maintinrent sous la domination vénitienne comme un héritage de l’époque précédente. Pour lever à cet égard tous les doutes, il suffit de rappeler une fois encore, l’acte déj cité du 9 mars 1100, acte par lequel le gouvernement

di Scutari 127). Cependant, ce village avait été antérieurement en possession du puissant pronoïaire Georges Dukagin (Acta Albaniae, II, n" 726 : v. Ma k u š e v , Pronija, 44). Nous pouvons suivre, au cours de plusieurs dizaines d'années, l’histoire de ce village, qui se trouve tantôt sous l’administration d’un cavo, tantôt en pronoïa, et qui, en conséquence, peut servir d’illustration du fait qu’entre la possession du pronoïaire et l’administration du cavo, il n’y avait pas de frontière nette. Le comte de Skadar donna à Georges Dukagin les villages de Baladrini et de Cacarichi, et le Grand Conseil confirma ses droits de propriété par son arrêté du 5 mai 1403. Ensuite, en 1416, selon le cadastre de Skadar, le village de Baladrini se trouvait sous l’administration du cavo Alexis Began : il avait 15 maisons. De même se trouvait, d’après le cadastre de Skadar, sous l’administration d’un cavo le village voisin de Cacarichi (11 maisons). Cependant, le 15 mai 1421, le Grand Conseil avait déjà donné, en pronoïa, le village de Baladrini au même Alexis de Bigano, qui, pour sa fidélité éprouvée, avait été fait par les recteurs de Skadar, caput et proniarlus territorii vocati Cazapi et ville Baladrini et de Ixexi (Ma k u š e v , Pronija, 5). 11 semble que le village de Baladrini soit resté fort longtemps en pronoïa aux mains d’Alexis de Bigano. Mais ensuite, comme nous le savons par les représentations faites par Progan, fils d’Alexis Bigano, au Grand Conseil, ce bien se trouva sans pronoïaire, sine proniario, se révolta contre le gouvernement de Venise et fit cause commune avec Skanderbeg. Pour cette raison et en considération des services de son père, le Grand Conseil, par décicion du 7 juin 1448, donna le village de Baladrini en pronoïa à Progan et à ses frères (Ma k u š e v , Pronija, 11).

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vénitien voulait que les pronoïaires de Skadar et de Drivaste accomplissent les mêmes obligations qu’ils assumaient au temps de leurs anciens maîtres, surtout en ce qui concerne le service militaire à cheval (equilare). il en résulte que le service militaire dans la cavalerie était, déjà sous le gouvernement serbe, l’obligation fondamentale des pronoïaires de Skadar. Cette obligation demeure aussi sous la domination vénitienne. Ce n’est pas seulement le cadastre de Skadar, mais beaucoup d’autres documents vénitiens de toutes les phases de la domination vénitienne sur le littoral de la Zêta qui témoignent des fonctions militaires des pronoïaires de Skadar. Nous avons mentionné déjà quelques documents où les pronoïaires de Skadar vantent leurs prouesses guerrières au service de Venise, ou les exploits de leurs pères, pour se faire confirmer leurs droits de possession ou en obtenir une nouvelle πρόνοια. En voici un exemple caractéristique. C’est le cas du pronoïaire Paul Pamaliote, qui pridie. dum cum comité nostro Scutaii in servitiis nostris equitasset, tianseundo quoddam /lumen, submersus est. A son parent, Progan, le Grand Conseil avait donné en πρόνοια une partie du village de Bulchia, à cette condition que ipse Proganus tenealur servire noslro dominio, sicut tenebatur pre~ jatus Paulus et sicut teneanfur alii Pamalioii nostri (*). Dans l’instruction donnée au provisor Jean Bollani, le 13 mars 1455, le gouvernement vénitien parle des biens de pronoïa dont les détenteurs cum suis equis nobis servire tenentur (a). La possession de la pronoïa, comme telle, entraîne l’obligation de prêter le service militaire. Selon une expression caractéristique de la meme instruction de l’année 1455, les pronoïaires doivent prêter le service militaire iure proniarum suarum. La nature et l’étendue du service dépendent de l’importance des possessions et des moyens du pronoïaire. Comme nous l’avons déjà indiqué, les pronoïai étaient, dans la circonscription de Skadar, de grandeur diverse et, en conséquence, différentes aussi étaient les obligations des pronoïaires. Les petits pronoïaires devaient personnellement leur service, et même ils n’étaient pas tous tenus de servir à cheval. L’instruction susmentionnée du 13 mars 1455

(1) Ma k u š e v , Pronija, 16. (2) Lj u b ić , Listine, X, n° 62, p. 52.

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LA PRONOÏA

fait une différence entre les pronoïaires qui jure proniarum suarum devaient tenir des chevaux et les pronoïaires qui, iure proniarum suarum, non obligarentur lenere equos : évidemment, pour autant que ces derniers eussent aussi des chevaux, le gouvernement vénitien ne s’oppose point à ce qu’ils les gardassent et prêtassent le service en cavaliers (Q. Les gros pronoïaires, au contraire, figurent à la tète d’unités de cavalerie , cvilains d’entre eux avaient, comme nous l’avons vu, leurs comandadori, qui commandaient des groupes de guerriers venant de leurs villages. Quant à savoir quels pouvaient être les effectifs de ces troupes, l’exemple de Georges Dukagin nous apporte des précisions. Un des plus puissants pronoïaires de Skadar du début du xve siècle, que le cornes de Skadar, Donato de Porto, dans son rapport, cite dans la catégorie supérieure de pronoïaires, Georges Dukagin, selon l’acte du 5 mai 1403, avait 40 cavaliers et 100 fantassins, «toujours prêts à exécuter tous les ordres de nos recteurs»(12). Cette donnée est precieuse, car, ni dans les documents byzantins, ni dans les actes serbes, nous n’avons jamais aucune indication semblable sur le nombre des soldats que pouvait commander un pronoïaire. De pareilles précisions ne sont données que par la Chronique de Morée à propos de la féodalité occidentale en Grèce (3). Comme force militaire au service de Venise, les pronoïaires de Skadar sont subordonnés aux représentants locaux du gouvernement de \Aenise, et se trouvent sous la surveillance directe et le commandement des recteurs de Venise. Les pronoïaires de Skadar se trouvent à la disposition du prooisor vénitien, et parfois, comme Paul Pamaliote, cité plus haut, suivent le cornes de Skadar dans ses expéditions. Envoyant, l’an 1469, en Albanie son prooisor, le noble Josaphat Barbaro, le gouvernement vénitien lui commande de veiller à ce que les pronoïaires s’acquittent de leurs obligations et

(1) Ibid., 52-53. (2) Acta Albaniae, n° 726. (3) P. Ch a r a n is , On tfte Social Structure and Economie Organizaiion of the Byzantine Empire in the Xlllth Century, Byz.antinoslavica, 12 (1951), 106, n. 62, attire l’attention sur un texte intéressant de Marino Sanudo qui mérite d’être signalé, bien qu’il ne s’agisse pas ici d’un pronoïaire au sens propre. D’après le témoignage de Sanudo, ed. Hopf, Chroniques gréco-romanes, p. 123, l’empereur Michel VIII, octroyant au Megas Dux Licario l’île d’Eubée, lui imposa l’obligation de le servir avec 200 cavaliers (con obbligazion di servirlo con 200 cavallieri).

LA PRONOÏA DANS LA ZF.TA SOUS LA DOMINATION VÉNITIENNE

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tout particulièrement ui equitenf et stent in castris apud le ad obedientiam tuam. Si les pronoïaires ne se conforment pas aux ordres reçus, le provéditeur et les recteurs, sous la juridiction desquels ils seront (sub quorum jurisdictione erunt), prendront les mesures nécessaires j1). Par conséquent, pendant toute la durée de la domination vénitienne sur le littoral de la Zêta, le gouvernement vénitien exigea catégoriquement des pronoïaires locaux qu’ils s’acquittassent ponctuellement de leurs obligations militaires. Cependant, les pronoïaires ne faisaient pas toujours leur devoir, comme on le voit par les documents vénitiens eux-mêmes — surtout par les documents des derniers temps. Évidemment, les pronoïaires sentaient les difficultés croissantes du gouvernement vénitien, et se mirent à esquiver l’obligation du service militaire. Dans l’instruction citée plushaut au provéditeur Jean Bollani, du 13 mars 1455, le gouvernement vénitien se plaint que certains pronoïaires ne s’acquittent point des devoirs de leur charge (1 2). Et, dans l’inLruction que nous venons de citer au provéditeur d’Albanie Josaphat Barbare, du 2 juin 1469, nous rencontrons cet aveu caractéristique : Habemus multos proniarios in provincia ilia, qui habent certas obligationes, quas minime observant (3). En insistant auprès du provéditeur pour qu’il rappelle à l’ordre les pronoïaires de la Zêta, le gouvernement vénitien lui-même, dirait-on, n’est pas convaincu du succès de ses démarches, mais semble prévoir la désobéissance des pronoïaires. En dehors du service militaire, qu’ils accomplissaient au début avec zèle, et plus tard sans enthousiasme, les pronoïaires de Skadar devaient à la République de Venise, au titre de dîme, certaines taxes imposées à leurs villages. Ils devaient non seulement servire mais encore solvere. Sur les obligations fiscales des pronoïaires, les documents vénitiens contiennent beaucoup de détails intéressants et de données précises, que nous n’avons pas dans les autres documents. La richesse des documents vénitiens à cet égard n’est pas fortuite. Elle s’explique par le fait que le système des obligations fiscales imposées aux pronoïaires sous la domination vénitienne s’est considérablement développé et élargi.

(1) Lj u b ić , Lisline, X, nu 467, p. 445. (2) Ibid., n° 62, p. 52. (3) Ibid., n° 467, p. 445.

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En effet, dans les documents byzantins, et malgré leur nombre, nous ne trouvons guère de données sur les obligations financières des pronoïaires. II semble bien que les pronoïaires byzantins n’avaient aucune obligation de cette espèce, mais gardaient pour eux tous les revenus de leurs biens comme une rente féodale. En parlant des obligations des pronoïaires, tes documents byzantins ne soulignent que celle de servit. Sur cette obligation de servir, et surtout de servir militairement, les documents serbes insistent, eux aussi,en premier lieu. Cependant, en outre, les pronoïaires serbes, étaient, selon le Code de Dusan,obligés de payer à l’État un hyperpre pour chaque maison de paysan ; à part cela, ils n’avaient, à ce qu’il paraît, au moins à l’époque de Dusan, aucune obligation fiscale, et jouissaient fies fruits de tous les travaux de leurs serfs. En Zêta, les pronoïaires, déjà sous le régime serbe, étaient chargés de certaines autres obligations, comme on le voit par le document vénitien cité plus haut du 9 mars 1400, par lequel il est exigé des pronoïaires de Skadar et Drivaste l’exécution au profit de Venise d’obligations qui leur incombaient antérieurement envers leurs anciens maîtres, pour lesquels ils étaient tenus d’equitare et certas angarias (acere É). En quoi consistait au juste l’obligation du pronoïaire de la Zêta au temps de la domination serbe, cela ne ressort point clairement de celte expression vague certas angarias. Angaria doit ici signifier quelque service d’ordre civil ou économique, mais point une corvée, un travail au sens propre du mot, car de ces travaux les pronoïaires serbes, comme nous l’avons vu, étaient fort expressément exemptes. Kappelons que l’acte de Lazare Brankovié, de 1457, qui parle du devoir des pronoïaires, lequel est de travailler et de guerroyer, da rabotaju i vojuju, entend par rabota, non pas des corvées paysannes, mais le service civil, par opposition au service militaire. Mais, quoi qu’il en soit, il est clair en tout cas que les obligations des pronoïaires de la Zêta, dès le temps serbe, ne se bornaient pas au paiement de l’hyperpre, qui constituait la seule obligation fiscale des pronoïaires serbes au temps d’Étienne Dusan, 11 est très vraisemblable que, dans la Serbie elle-même, à cause de la dureté des temps et du péril turc, les obligations fiscales des pronoïaires furent aggravées. Sous la domination vénitienne, le système des taxes imposées aux pronoïaires se développa et se compliqua. Cependant, ce sys(1) Lj u b ić , Listine, IV, n° 583, p, 422.

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tème, indubitablement, dérive de l’ordre et de la coutume qui s’étaient établis et formés dès l’époque de la domination serbe, comme le montrent les noms slaves des diverses taxes que levaient les pronoïaires de Skadar au profit du gouvernement vénitien. Nous avons des données claires et précises sur les obligations fiscales des pronoïaires envers la domination vénitienne, grâce au cadastre de Skadar de 1416, dont le but principal, précisémenl, était la fixation des revenus (pie Venise tirait de la circonscription de Skadar. Du cadastre de. Skadar il ressort que, dans tous les villages de la région de Skadar, on exigeait, en règle, pour chaque maison un impôt d’un ducat et d’un modius de blé. Donnant la liste de tous les propriétaires de maison de chaque village, le cadastre de Skadar, pour la grande majorité des noms, note précisément ces taxes. C’est seulement un petit nombre de personnes qui se trouvent dans la position privilégiée ou de ne rien payer, ou de payer moins ; ainsi, naturellement, les pronoïaires et les chefs de village ne payent rien pour eux-mêmes ; sont exempts de taxes, habituellement aussi, les comandadori, comme aussi quelques personnes de condition, tandis que quelques autres sont exemptées seulement du paiement du ducat, ou plus souvent, seulement de donner du blé. Cependant, le paiement d’un ducat et le don d’un modius de blé représentaient les principales, mais non les seules redevances de Skadar. A ces redevances principales venaient s’ajouter certaines taxes additionnelles. A la fin de la liste des propriétaires de maisons des différents villages, le cadastre de Skadar chaque fois note expressément que, en plus des taxes levées, c’est-à-dire du paiement du ducat et de la livraison d’un modius de blé, chaque maison devait payer, à Noël et à Pâques, 4 gros au titre d'obrok (l'obrocho che e grossi quatro per casa) et payer aussi la dîme sur le millet (la diesma del mio) (x). Il est caractéristique qu’en plus on rappelle qu’au cas où, dans un village, le nombre de maisons augmenterait, le montant de la taxe serait proportionnellement relevé ; de chaque nouvelle maison on exigera un ducat, un modius de blé, l’obrok et la dîme sur le millet. (1) Ljubič ne cite ces mentions de taxes additionneiles que pour les deux premiers villages (Skad. zemljišnik, 33). Mais, comme il l’indique expressément, elles se trouvent aussi dans tous les autres cas. L’éditeur les a omises pour réduire la masse des textes qu’il publiait. On les trouve à présent dans la nouvelle et complète édition de Cordignano. La Pr o n o ïa . — 16.

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Γ.Α ΡΠΟΝΟΪ A

Toutes ces taxes, en espèces et en nature, les pronoïaires, comme les chefs de chaque village, devaient les lever sur les habitants de leurs villages et les fournir à l’État vénitien. Dans ces conditions, ces taxes se retranchaient de la rente féodale des pronoïaires ; elles représentaient leur obligation fiscale envers l’État vénitien. Si nous comparons le montant de ces impôts avec les obligations fiscales des pronoïaires serbes de l’époque d’Étienne Dušan, il est clair que les taxes ont été considérablement aggravées depuis cette époque. Au temps de Dušan, en effet, comme nous venons de le rappeler, les meropsi ou colons, sur les terres pronoïaires, ne donnaient que l’hyperpre impérial. Selon un autre article du Code de Dušan, on considérait comme revenu impérial le kabal (modius) de blé que chacun devait abandonner à titre de soće et de certaines autres taxes : notons que l’abandon d’un kabal de blé pouvait être remplacé par le paiement de l’«hyperpre en dinars» (χ). Donc, au temps de Dušan, les paysans, sur les terres des feudataires, payaient à l’État un hyperpre ou un modius de blé. Cependant, selon le cadastre de Il 16, les pronoïaires et les chefs des divers villages de la région de Skadar, donnaient au gouvernement vénitien, sur chaque maison clu territoire qui leur était soumis, un ducat en monnaie et un modius de blé, et en plus, encore 4 gros (Vobrok et la dîme pour le millet. Or, aux données du cadastre de Skadar correspondent pleinement les données des autres documents vénitiens contemporains. Ainsi, l’acte du Sénat, du 10 février 1416, relève que les frères Paul et Nicha Bntadossi, pronoïaires du village de Saint-Auracio, qui consistait en 12 maisons, devaient payer la dîme sur toutes ces possessions ; les autorités vénitiennes locales fixèrent leurs obligations comme suit : Nicha Bntadossi soluere debeat ducatos duodecim et lotidem inodios f rumen ti et obrochum, quod est grossi quatuor pro domo, et decimam miley (1 2). Ainsi, exactement comme nous l’avons vu dans le cadastre de Skadar, Nicha Butadossi était obligé de payer pour chaque maison de son village, un ducat, un modius de froment et 4 gros d’obrok, plus la dîme du millet (3). Ici encore se fait une réserve caractéristi-

(1) No v a k o v ić , Zakonik, §§ 68 et 198. (2) Ma k u š e v , Pronija, 13-14. (3) Dans le cadastre de Skadar, le village de Sancto Auracio est enregistré à la troisième place (Lj u b ic , Skad. zemljišnik, 33 ; Co r d ig n a n o , 69). A la

LA PRONOÏA DANS LA ZETA SOUS I.A DOMINATION VÉNITIENNE

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que :si, avec le temps, le nombre des maisons augmente, Nicha Rutadossi devra donner autant de ducats, de modii de blé et d'obrok de, plus qu’il y aura de maisons en excédent, tandis que, si le nombre diminue, il devra tout de même donner la somme fixée de 1'2 ducats et 12 modii de blé avec Vobrok et la dîme du millet. La diminution des taxes, naturellemenl, n’était pas dans l’intérèl de Venise. Aussi, les pronoïaires devaient-ils veiller â ce (pie leurs villages ne fussent pas désertés et que la capacité des ’ontribuables ne fût pas réduite, ce qui d’ailleurs ne répondait pas à leur propre intérêt. Les obligations fiscales des pronoïaires de Skadar sont eu somme demeurées les mêmes pendant toute l’époque de la domination vénitienne. Il est vrai que, plus tard, l’obligation de la dîme sur le millet tomba, mais, en revanche on exigeait la taxe dite soie, qui, dans les documents postérieurs, est régulièrement mentionnée à côté du paiement de Vobrok. IVobrok, et particulièrement le soie, a ici une autre signification que dans l’Élat serbe des Némanides. Cependant, l’emploi de ces expressions techniques montre que la tradition du système fiscal serbe continue à vivre sur le territoire de la Zêta et sous la domination vénitienne. Comme jadis, Vobrok et la dîme du millet, ainsi, à présent, le « sioch » et le « broch », constituent en pays de la Zêta, sous la domination vénitienne, des taxes complémentaires, qui sont venues s’adjoindre aux obligations fiscales de base — paiement d’un ducat et abandon d’un modius de blé. Solutio ducati et modii, ac syoch et broch, ainsi ont formulées les obligations fiscales des sujets vénitiens dans les instructions données au représentant de Venise à Antibari, le 8 mai 1444, les-

tête de ce village se trouve Nicha Butadossi, qui pourtant n’est pas à cet endroit titré pronoïaire, mais cavo, ce qui, encore une fois, indique bien la similitude des fonctions de pronoïaire et de cavo. La liste des propriétaires de maisons est ouverte par Nicha Butadossi, cavo ; viennent ensuite, comme dans l’acte du 10 février 1416, les noms de douze autres propriétaires de maisons (3 appartiennent à la famille même de Butadossi). Aucune taxe n’y est enregistrée. On pourrait supposer que c’est précisément celle circonstance qui a provoqué une décision spéciale, et un acte spécial du gouvernement de Venise pour ce village ; mais avec cette hypothèse ne cadre pas, semble-t-il, la date de l’acte du Sénat de Venise, à moins que cette date ne soit pas exactement reproduite par Makušcv. Il faudrait voir si l’acte a réellement précédé l’établissement du cadastre de Skadar (qui est daté du 10 novembre 1416).

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LA PRONOÏA

quelles se réfèrent à une décision du Grand Conseil du 9 mai 1424 (x). De même, l’acte du 12 novembre 1447 fait dépendre l’attribution de la pronoïa au village d’Obliqua à Vlada Kalodjordjević, de sa promesse que pro dicta villa il donnera sioch et broch, e.t modium et ducatum camere noslre Scutari. De plus, il est stipulé que Vlada doit payer ces taxes sicut rcspandeiil et solvant alla capita et proniarii villarum Scutari et sicut per statuta et consuetudines provincie Albanie fieri debet (12). Pareillement encore, dans un autre document, dont la date malheureusement ne nous est pas donnée par Makušev, l’attribution de la pronoïa au noble albanais Rajko Monoti est conditionnée par l’engagement qu’il a pris de service secundum conditionem territoriorum et solvere ducatum, sioch et broch et modium (3). Le gouvernement vénitien veillait très jalousement à ce que les pronoïaires accomplissent toutes leurs obligations. De même qu’il insistait sur l’accomplissement du service militaire, il exigeait le paiement complet de toutes les taxes imposées. A défaut de satisfaire à ces obligations, la pronoïa pouvait être retirée. Un cas curieux est celui du pronoïaire Zaphalia qui, sur plainte du provisor vénitien d’Ulcinj, par décision du gouvernement vénitien du 21 mai 1431, fut privé de sa pronoïa, parce que, d’accord avec les habitants de son village, il n’avait acquitté que la moitié de la dîme qu’il devait. Comme le montant des taxes dépendait du nombre des maisons habitées de son village, le pronoïaire Zaphalia, de connivence avec les habitants de son village, avait dissimulé le véritable nombre des maisons de sa pronoïa (4). L’exigence d’une exécution complète et ponctuelle des obligations militaires comme des obligations fiscales est clairement marquée dans l’instruction vénitienne citée plus haut, du 8 mai 1444. Le gouvernera nt de Veni e rappelle à son représentant à Antibari la décision du Conseil du 9 mai 1424 : les recteurs de l’Albanie ne doivent jamais se permettre d’exempter aucune personne du service auquel cette personne est astreinte, ni du paiement du ducat et du modius, du soée et de l’obrok, mais doivent toujours exiger le paiement de toutes ces taxes et la prestation du

(1) (2) (3) (4)

Lj u b i C, Listine, IX, 191. Voyez plus bas, π. I de la p. 245. Ma k u š e v , Pronija, 16. Ibid., 16. Ibid., 13.

LA PRONOÏA DANS LA ZÊTA SOUS LA DOMINATION VÉNITIENNE

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service à l’État vénitien en hommes et en chevaux, suivant l’état des terres de chacun θ. Les requêtes en exemption des taxes se sont toujours heurtées, de la part du gouvernement de Venise, à des refus catégoriques. On a même repoussé la requête du puissant pronoïaire Georges Dukagin, qui demandait non seulement qu’ou lui confirmât le droit de possession sur les villages de Baladrini et de Cacarichi, qui lui avaient été attribués, mais aussi que ces villages fussent exemptés de la dîme. Par décision du Grand Conseil, du 5 mai 1403, les droits de possession de Dukagin sont reconnus, mais sa requête, tendant à l’exemption des taxes, est rejetée, sans égard au fait que Dukagin, comme il le disait dans sa requête, entretenait au service de Venise 40 cavaliers et 100 fantassins, que les villages en question étaient si petits qu’à la culture de ces terres, 6 bæufs seulement pouvaient suffire. Le gouvernement vénitien insistait si opiniâtrement sur l’accomplissement de toutes les obligations fiscales, non seulement pour conserver ses revenus, mais pour que le paiement de la dîme à Venise signifiât la reconnaissance de sa souveraineté. C’est pourquoi Venise préférait donner aux pronoïaires des « secours » en espèce, plutôt que de leur permettre de ne pas payer les taxes convenues. Tout en rejetant la requête de Dukagin, tendant à exempter de toute taxe ses 2 petits villages, le gouvernement vénitien décide de lui accorder un subside de 60 hyperpres et de 12 coudées de drap pour pouvoir s’habiller, pro possendo facere sibi unnm clainidem et unum caputem (12).

(1) Lj u b ić , Listine, IX, 191 : « Denotamus tibi, quod in nostro consilio rogatorum 1424 die 9 niaii captum fuit, quod rectores Albanie nullo modo possint absolvere aliquem a servitiis, que facere debet pro territorüs suis, nec etiam a solutione ducati et modii, ac syoch et broch, ymo ab omnibus cxigant dictum ducatum et modium, ac sioch et broch, et nihilominus tenentur service nostro dominio cum personis et equis secundum conditionem territoriorum suorum. » (2) Ma k u š e v , Pronija, 14. Il est vrai, cette même année 1403, en partageant entre les représentants de la noblesse de Skadar le drap envoyé de Venise, le cornes et capitaine Donato de Porto, comme nous l’avons vu, donna à Dukagin, non 12, mais 10 coudées. Sur les villages de Baladrini et de Cacarichi v. plus haut, η. 1 de la p. 235. Selon le cadastre de Skadar, ces villages, outre l’obrok habituel et la dîme sur le millet, payaient globalement 24 ducats et

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LA PHONOÏA

Dukagin n’était pas le seul pronoïaire qui reçût de Venise une aide financière, et, parfois, cette aide était assez considérable. Makušev mentionne, malheureusement sans citer le document, deux pronoïaires, dont l’un recevait mensuellement 25 ducats pour l’entretien de 10 cavaliers, et l’autre 7 ducats pour l’entretien de 3 cavaliers (Q. Quant au drap, il était distribué, comme nous l’avons vu, à un assez grand nombre de pronoïaires et d’autres notables de Skadar, qui de leur côté devaient payer tribut à la République de Venise. 11 va de roi que le poids des charges imposées aux pronoïaires retombait sur la population qui leur était sujette. L’augmentation de ces charges signifiait une aggravation du fardeau fiscal de la population vivant sur le territoire donné en πρόνοια. Ce que Venise demandait de plus aux pronoïaires, ceux-ci devaient l’exiger de la population. Car il va de soi que ce que le pronoïaire donnait à l’État, il le devait prélever sur les habitants de sa πρόνοια. C’est ce que montre, d’ailleurs, assez clairement le cadastre de Skadar, qui calcule et note les taxes, pour chaque maison prise à pari. Cependant, outre les impôts quil prélevait sur la population au profit du gouvernement, le pronoïaire devait garder pour lui une partie des revenus. Dans le cas contraire, il eût été insensé de se charger de la pronoïa. Il est indubitable, pourtant, que la pronoïa était extrêmement profitable au pronoïaire. Comme il ressort des documents, les féodaux de Skadar se donnaient beaucoup de mal pour obtenir une pronoïa et cela signifie que les revenus qu’ils Liraient de la population sujette n’étaient pas à dédaigner. Cependant, en payant au gouvernement vénitien les mêmes taxes que les villages à la tête desquels était un cauo, les villages de pronoïaires étaient en outre grevés de l’obligation du service militaire. En d’autres termes, la situation de la population dans les villages pronoïaires était, comme Makušev l’a très exactement noté, fort difficile. Aussi n’est-il pas étonnant que, par exemple, la commune d’Ulcinj considérât comme une grâce spéciale {gratin specialis) que sa terre ne fût pas donnée en πρόνοια (2). 22 modii de blé. 11 y avait bien 15 maisons à Baladrini et 11 à Cacariclii, mais ni le c de Caearichi, ni le comandador de Baladrini ne payaient de taxe ; en outre, deux personnes à Baladrini ne payaient pas la taxe en blé. (1) Ma k u š e v , Pronija, 17. (2) Ibid., 18.

LA PRONOM DANS Ι.Λ ZÊTA SOUS LA DOMINATION VÉNITIENNE

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Le chiffre élevé de la rente féodale touchée par les pronoïaires ressort aussi du fait que souvent plusieurs pronoïaires possédaient un seul village ; donc, les revenus devaient être assez considérables pour satisfaire plus d’une partie prenante. Nous avons déjà noté des cas de co-possession de la pronoïa à Byzance et en Serbie. Dans la région de Skadar, le phénomène était, seinble-til, particulièrement répandu. A côté de grands pronoïaires, exploitant plusieurs villages, il y avait des cas oii plusieurs personnes détenaient ensemble une pronoïa. Il arrive même que quelques personnes obtiennent ensemble une partie de village. Ainsi, par un acte du 11 juin 1446, est confirmée une décision du comte de Skadar du 11 juin 1443, par laquelle trois personnages, Božidar Andrié, André Makušié et Božidar Novakovié, pour le service fidèle qu’ils ont fourni, reçoivent in pioniam la moitié du village de Sinoderi (^1). Ordinairement il y avait deux ou trois de ces pronoïaires associés et la plupart étaient parents. Souvent le pronoïaire détenait sa pronoïa ensemble avec ses frères, ses fils ou autres parents. Cependant, dans la région de Skadar, on trouve, parfois tout un groupe de personnes qui, ensemble, possèdent une pronoïa. Parfois, ces groupes sont très nombreux et en ce cas ils ne possèdent pas des villages isolés, mais tout un ensemble de villages. Particulièrement nombreux était le groupe qui, avec le pronoïaire et cavo André Otto à sa tète, possédait Podgora et cinq villages voisins. Dans le cadastre de Skadar, on trouve noté ceci : Villa clamada Podegora, de la quale e proniario e cavo Andrea Otto e fradelli e Radas Otto e Zacharia Lubici c fradelli, e Zorzi Mida e fradelli e Masarecho Otto e fradelli e Nichugla Bachsio e fradelli (12). Comme Makušev l’a exactement noté, ce groupe se composait d’au moins 16 personnes, même si l’on suppose que, dans aucun cas où l’on parle de frères, il ne s’agit de plus que de deux frères. Tous ces personnages devaient tirer des revenus de la pronoïa, bien que ces revenus ne dussent pas nécessairement être les mêmes pour tous. Tranchant le litige entre Michel Omoy et ses trois frères, qui, avec lui, tenaient une pronoïa, la Grand Conseil de Venise, le 6 septembre 1445, décida qu’une moitié du revenu devait appartenir à Michel,

(1) Ibid., 7. (2) Lj u b ić , Skad. zemljišnik, 35. Co k d ig n a n o , Catasto di Scutari, 81.

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LA PRONOÏA

et l’autre moitié aux autres trois frères. Comme Michel était l’aîné de ces frères, et comme la pronoïa avait été donnée pour ses services, il doit être à vie chef et pronoïaire de ce village (sit caput et proniarius ville, quousque vixerit), mais les revenus doivent être partagés (serf utilitas proniarii dividatur) (*). Ainsi, dans le cas où des frères tenaient en commun une pronoïa, on considérait comme le pronoïaire effectif l’un d’entre eux, habituellement sans doute l’aîné, tandis que les revenus étaient partagés entre les co-possesseurs : mais il est clair que la part du pronoïaire en titre était beaucoup plus importante que celle de ses associés. La tenure d’une pronoïa conjointement avec les frères, fils et autres parents du pronoïaire, suggère assez clairement que la pronoïa, dans la région de Skadar, avait pris le caractère d’une possession de famille héréditaire. Cependant, il existe aussi des données directes prouvant que la succession héréditaire de la pronoïa, assez répandue à Byzance, habituelle en Serbie, était considérée comme un phénomène normal dans le pays de la Zêta également. Makušev a sous-estimé la signification de ces données quand il arrive aux conclusions que voici; «Parfois les pronoïai sont données seulement pour un usage passager, parfois viagërement ; souvent les pronoïai sont confirmées après la mort du pronoïaire, à ses fils et à d’autres parents ; il existait aussi la pronoïa héréditaire ». Citant ces diverses possibilités et les opposant l’une à 1 autre Makušev, dans un autre endroit, dit : « La pronoïa s’accordait le plus souvent à titre viager : quousque vixerit » (1 2). Cependant, cette formule n’exclut pas la possibilité d’une succession réelle. Si, à l’occasion du litige entre Michel Omoy et ses frères, dans la décision citée un peu plus haut du Grand Conseil, du 6 septembre 1445, on nous dit que Michel Omoy sera pronoïaire et chef de son village quousque vixerit, cela signifie évidemment qu’à sa mort lui succédera l’un de ses frères. Malheureusement, Makušev ne nous dit pas quel village M. Omoy tenait avec ses frères. Nous avons vu que, déjà en 1403, un représentant de cette famille, Radizo Omoy, avait en pronoïa cinq villages et qu’au cours de l’année suivante, en plus lui avait été conférée en πρόνοια la « ville » de Balezo. Cependant, dans le cadastre de Skadar, c’est-à-dire

(1) Ma k u š e v , Pronija, 9. (2) Ibid., 10 et 19.

LA PRONOÏA DANS LA ZETA SOUS LA DOMINATION VÉNITIENNE

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en 1416, Balezo et le village de Boisa avec 4 villages des environs se trouvent déjà en possession pronoïaire de son fils Coiacin et de son frère André, et, en vertu de l’acte daté du 13 février 1418, Coiacin et André Omoy reçoivent en outre une confirmation formelle de la possession de Balezo f1). Les terres que le pronoïaire détient à vie, après sa mort, deviennent ordinairement la possession de ses héritiers. A cette fin ils reçoivent une confirmation, et par ces confirmations réitérées de génération en génération, confirmations qui, au surplus, n’ont souvent qu’une signification formelle, se crée précisément le droit positif de succession d’une pronoïa devenue héréditaire de fait. Il est vrai, comme c’est le pouvoir suprême qui est le propriétaire de la pronoïa et comme il en dispose à son gré, l’hérédité des πρόνοιαι ne représente pas un droit ferme et sans condition du pronoïaire et de ses héritiers. Habituellement, après la mort du pronoïaire, on reconnaissait le droit de possession à ses successeurs, mais l’État pouvait prendre une autre décision, c’est-à-dire transmettre la pronoïa à une autre personne ou ne pas la transmettre, du tout. Nous avons vu, par exemple, que Progan, fils d’Alexis de Bigano, a dû faire des démarches spéciales pour obtenir le village de Baladrini, qui antérieurement formait une pronoïa de son père et qui, ensuite, resta sans pronoïaire. L’important, toutefois, est que sa requête fut exaucée et il est caractéristique que la pronoïa lui fut attribuée conjointement avec ses frères. Or, qui plus est, déjà Alexis de Bigano lui-même avait, en son temps, demandé que son droit de possession sur Baladrini et un village voisin fût confirmé en sa feveur et en faveur de ses fils (çonfirmare sibi et filiis suis). Et le Grand Conseil, par un acte du 15 mai 1421, accueillit sa demande, de sorte qu’il n’est pas tout à fait clair pourquoi Progan, dans sa requête, ne se réfère pas à cette décision, mais, en revanche, s’étend longuement sur les mérites de son père et sur le fait que le village de Baladrini, resté sans pronoïaire, s’était révolté et avait pris le parti de Skanderheg. Par le même acte du 15 mai 1421, par lequel la pronoïa d’Alexis de Bigano lui était confirmée, à lui-même ainsi qu’à ses fils, le Grand Conseil accueillit également la demande de Stefan Milutin de Skadar, quod ipse et sui filii masculi legitimi tantum confirmentur in proniaria ville de Postropati (2). (1) Ibid., 12. (2) Ibid., 5.

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LA PRONOÏA

Il semble donc que l’hérédité de la pronoïa, dans la région de Skadar, fût un phénomène habituel et normal. Les pronoïai passaient par succession de génération en génération, et demeuraient longtemps aux mains d’une seule et même famille : un document du 7 juin 1117 en lémoigne avec une clarté toute particulière. Ce document contient nolaminenl une requête de trois pronoïaires de Skadar, Radoslav Romestina, Nicolas et Vukica Salume. Les requérants exposent comment predecessores sive iwi et proavi cormn semper juerint pioniarii υϋΐαηιιη Xagnevo, Police et Sailli disiriclus nostri Sciitari et ipsas villas iure patrimonii lenueiüil. L’exactitude de leur déclaration est confirmée par le comte et capitaine de Skadar et le prouisor vénitien f1). La confirmation de leur droit sur les villages mentionnés n’avait dans ce cas qu’une signification purement formelle, car ces villages étaient, dans le. cadastre de Skadar déjà (c’est-à-dire en 1116), inscrits comme pronoïai de Radoslav Romestina, de Nicolas Salume et de son neveu Vukica (Vucheze) Salume (2). Le fait que les pronoïaires des villages susmentionnés étaient aïeuls et bis-aïeuls de ces pronoïaires qui possédaient les dits villages en 1416, montre que ces villages appartenaient déjà à la même famille sous la domination serbe, et que le même ordre de succession a été observé sous la domination vénitienne, en dépit du changement survenu dans le chef du pouvoir suprême, et que cet ordre de succession était reconnu par le nouveau gouvernement. La mention des ancêtres de Radoslav et de ses amis comme possédant la pronoïa iure putrimuiiii rappelle l’expression analogue κατά λόγον γονικότητος employée par les chartes byzantines pour caractériser la possession de la pronoïa héréditaire. Mais, de même qu’à Byzance, qui a fini par connaître la pronoïa héréditaire, les possessions des pronoïaires de la Zêta ne cessent pas d’être considérées comme des pronoïai, et ne se transforment pas en propriétés patrimoniales, mais présentent toujours le caractère d’une possession conditionnée par un service déterminé auquel le concessionnaire s’est obligé. Nous rencontrons, dans les documents de la région de Skadar, de nombreuses données sur la succession de la pronoïa, mais nous n’y trouvons pas une seule don-

(1J Ibid., 12. (2) Lj u b ič , Skad. zemliišnik, 36-37. Co r d ig n a .n o , Cataslo di Scutari 86 et 88.

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née indiquant que les pronoïaires eussent le droit de disposer sans limite de leur pronoïa. Cependant, la coutume de la pronoïa héréditaire ne pouvait pas ne pas provoquer, dans certains cas, une dégénérescence du système lui-même. Dans certains documents d'époque tardive, on aperçoit clairement les traces de cette dégénérescence. 'Candis que le Grand Conseil, dans l’acte cité du 15 mai 1421, à la requête dé Stefan Milutin, confirma dans ses fonctions de pronoïaire. Stefan lui-même et sut /iZii masculi, on trouve, d’autre part, une. décision du Grand Conseil, du 20 septembre 1454, par laquelle les vignes du village de Grisa sont attribuées en pronoïa à Nicolas et Stefan Baničić, et leurs frères et soeurs (x). Par un acte fort intéressant, du 18 septembre 1443, les biens de Lécha Zacharia, un grand pronoïaire. de haut mérite, furent donnés après sa mort à sa mère la veuve de Choia Zacharia, à sa sæur et à son cousin, car, dit le texte, sunt veri ac legitimi heredes condam domini Choie Zacharie ei Leche dus /ilii legipiimi successores (2). Dans l’énumération de toutes les possessions, villages, champs et vignobles qu’on leur attribue, il es! stipulé poulies villages de Zaravina et Scliexi qu’ils leur sont donnés en pronoïa. Mais, à l’occasion d’une nouvelle énumération de ces biens, dans la partie finale du document, on fait cette observation seulement pour le village de Zaravina, et on ne dit rien, ni pour Scliexi, ni pour d’autres villages et pour les biens-fonds énumérés. Cependant, immédiatement après, on dit que la commune de Venise conserve pour soi tous les droits (ceux surtout qui nous sont connus : la perception du ducat, du modius, des impôts appelés soče et obrok) in his omnibus proniis supra scriptis. Donc, ici on appelle pronoïai tous ces biens, parmi lesquels se trouvent aussi les vignes, plantées par Choia Zacharia et par sa veuve Bossa ellemême. Il est encore plus intéressant que. la veuve Bossa, sa fille et son neveu s’appellent directement proniarii diciarum villarum. Comme nous le voyons, le concept de la pronoïa et du pronoïaire perd sa précision : l’appellation de pronoïa est employée arbitrairement et abusivement, puisqu’elle s’applique finalement à toute possession terrienne, et qu’on qualifie de pronoïaires une vieille femme, sa fille et son neveu. (1) Ma k u š e v , Pronija, 7. (2) Lj u b ić , Starine, 14 (1882), 5a ss. Voyez aussi la brève confirmation de cette donation, en janvier 1444 (Ibid., 54).

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LA PRONOÏA

Une telle extension de l’acception du terme de pronoïa est le symptôme, comme nous l’avons dit, d’une certaine dégénérescence du système, mais en même temps la preuve de l’immense expansion qu’il avait pris dans le pays de la Zêta. C’est seulement à la suite d’une grande extension de la tenure pronoïaire que l’usage a pu s’introduire de qualifier de pronoïa n’importe quelle propriété foncière féodale. En effet, les documents vénitiens qui se rapportent au district de Skadar, montrent assez clairement que là-bas la pronoïa était le mode principal de possession de la terre, et qu’elle avait fait considérablement reculer le système de la propriété patrimoniale. Il n’y a pas de doute que cette signification de la pronoïa ne date pas seulement de la période vénitienne, mais qu’elle s’était considérablement répandue dans la période antérieure, lorsque la Zêta entra dans le cadre de l’État serbe. Comme à Byzance et dans la Serbie elle-même, de même dans la Zêta, le danger extérieur obligea en quelque sorte le pouvoir à protéger le système de la pronoïa comme droit de possession grevé de l’obligation du service militaire et contrôlé par l’État. Au temps de la domination vénitienne, l’évolution commencée antérieurement se poursuit, car le gouvernement vénitien lui aussi est intéressé au renforcement du système pronoïaire. Bien qu’au milieu du xve siècle apparaissent çà et là les signes de la dégénérescence du système, pronoïaire, et bien qu’à cette époque, comme nous l’avons vu, le gouvernement se plaigne que les pronoïaircs ne s’acquittent pas fidèlement de leurs obligations, le système de la pronoïa continue d’exister ; beaucoup de données que nous avons utilisées plus haut viennent précisément de documents de cette époque. La pronoïa existe dans la région de la Zêta jusqu’à la fin de la domination vénitienne, et elle continue après la chute de cette domination (x). Tandis que, pour la région de Skadar, nous disposons d’un grand nombre de données sur la pronoïa, jusqu’à présent nos informations pour les autres districts de la Zêta sont malheureusement très rares. Cependant, nous disposons de données sur la pronoïa pour la Zêta septentrionale du temps du gouvernement des Crnojević. Elles

(1) C’est à cette époque tardive qu’on a constaté aussi la survivance du système de la pronoïa à Corfou. M. La s c a r is , Cinq notes, 270 ss., vient de publier un contrat conclu devant le notaire de la ville de Corfou le 26 décembre 1472 et où figure le noble homme Στεφάνής Φιομάχος προνιάριος.

LA PRONOÏA DANS LA ZÊTA SOUS LA DOMINATION VÉNITIENNE

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ne sont pas sans intérêt et, en dépit de leur indigence, elles complètent sur certains points nos riches matériaux pour Skadar. Ces données plutôt maigres sont précieuses néanmoins, parce qu’elles prouvent que la pronoïa existait en Zêta en dehors du district de Skadar, et que, dans ces conditions, le tableau du système de la pronoïa que nous avons pu esquisser sur la base de ces matériaux vaut aussi pour le reste de la Zêta. Enfin, ces données, si peu nombreuses qu’elles soient, sont intéressantes, parce qu’elles ne se bornent pas à la période vénitienne, mais qu’elles portent aussi sur une période plus récente, prouvant par là que le système de la pronoïa subsista au Monténégro après la disparition de la domination vénitienne. On trouve de curieux renseignements sur les droits judiciaires des pronoïaires dans le traité du 5 avril 1455, par lequel les tribus de la Zêta se soumettaient à Venise. Le traité garantit les droits des pronoïaires locaux, et stipule qu’aucune personne soumise à un pronoïaire ne pourra avoir de procès avec ce pronoïaire devant aucun seigneur, alcima persona, cite sia sullo piuniaro, c.he non possa aver zudisio cum el suo proniaro deuanti algun signor ; mais, si l’on a des plaintes à faire valoir contre un homme soumis à un pronoïaire, on pourra l’appeler en justice devant le tribunal du seigneur ou du voïvode (\), c’est-à-dire Stefan Crnojevié, qui, à cette époque gouvernait le Monténégro sous la souveraineté vénitienne, comme capitaine et grand voïvode de la haute Zêta. Cette intéressante décision montre assez clairement l’absence de toute protection légale qui était le sort des habitants soumis à un pronoïaire, et qui n’ont absolument aucun recours légal contre leur maître (12). Le pronoïaire, lui, a évidemment le droit de juger ses hommes — comme l’avaient aussi, semble-t-il, les pronoïaires byzantins des derniers temps de l’empire. Si les « hommes » du pronoïaire ne se trouvaient pas sous sa juridiction, il n’aurait pas été nécessaire de proclamer que lo homo del proniaro pouvait quand même être cité à comparaître devant le tribunal du voïvode.

(1) No v a k o v ić , Zak. Spomenici, 123. Lj u b ić , X, 68 ; Jir e Če k , Isiorija, IV, 155, cite inexactement ce traité comme stipulant que « les litiges entre, les pronoïaires et leurs paysans ne peuvent être tranchés qu’en présence du voïvode Stéphane Crnojevié ». (2) Cf. pourtant l’interprétation différente de cette décision que donne V. Ču b r il o v ić , Istor. Časopis, 3 (1952), 200.

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LA PRONOÏA

Comme capitaine et voïvode de la haute Zêta, Stefan Crnojevié distribuait des pronoïai. L’abbé du monastère catholique de Ste-Marie à Rotezo se plaignait que le voïvode Stefan eut enlevé au monastère un village et qu’il eût donné une moitié de ce village à l’église orthodoxe, et l’autre moitié à certains pronoïaires (/« mikï a unit gie.ria crecha, e l'altra milà a certi homeiii proniari). Sa plainte est citée dans un acte du gouvernement vénitien, du ). Le praktikon de Lavra ne connaît pas le terme υίκοόμετον, et emploie le terme τέλος (’) ; mais il est curieux de noter que dans un cas, il remplace le mot τέλος par le vieux terme χροσοτελεϊα. qui était en usage depuis l’époque d’Anastase I, en ajoutant que les parèques payaient aussi une taxe nommée κεφαλιάτικοι’ : on apprend ainsi que six familles de parèques de la propriété Sykai payaient au couvent de Lavra 30 hvp. comme chrysotélie et 5 hyp. comme kephaliatikon (8). Tandis que le mot τέλος a un sens tout à fait général et se traduit dans le praktikon slave de Chilaudar par le mot dan = contribution, le terme oîxoïqievor, est certainement dérivé du mot οίκος (maison), c’est-à-dire de ce qui est la marque essentielle d’un paysan

(1) Xén., n° 6, 11 sq. ; Zogr. n° 53, 12 sq-, n° 15, 8 sq., n° 17, 11, sq., n° 29, 8 sq., ; Chil. n° 92, 18 sq. Parfois avec la précision το στιχεκον τέλος, c’est-àdire impôt inscrit dans la rubrique de chaque paysan : Zogr. n° 53, 14, n° 29, 76 ; Lavra, p. 167 ; Esph., p. xiv. (2) Xén. n" 7, 11, sq ; Chil. n° 38, 46, sq. (3) Xén., n’ 11, 12, sq, 152 sq, 251, sq. (4) Zogr. n°15, 36 (total: 12 hyp.), n° 17, 65 (27 hyp.), n°29,83 (34 1/2 hyp.) ; Xén. n° 6,41 (5 hyp. 22 kératia) ; Esph. p. xiv (87 1/4 hyp.), p. xv (180 hyp.). (5) Xén. n» 11, 41 et 297. (6) Xén., n° 6 ; Zogr. n° 15, n° 17 et n° 29. (7) Lavra, p. 168 deux fois. (8) Lavra, p. 168.

LES ΡΒΛΚΤΙΚΑ BYZANTINS

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sédentaire et possédant (x). C’est probablement dans ce sens que dans le praktikon du couvent du Ménoikeion (malheureusement très mal conservé) l’impôt des paysans est désigné à deux reprises comme οικιακόν τέλος, et une fois comme ενοίκιακον τέλος (12). Le terme οικούμενον, parmi tous les praktika connus, n’est employé à propos de ménage de paysans, dans la rubrique de chacun d’eux, que dans le praktikon du pronoïaire Michel Mononiaquc ; mais là encore, il n’est pas employé pour désigner l’impôt des ménages, simplement nommé τέλος, mais figure soit immédiatement après l’énumération des membres de la famille paysanne, soit après l’énumération des membres de la famille et du bétail (et cela seulement dans le recensement des paysans du premier des deux villages de Moiwmaque), et sert probablement à caractériser une famille possédante (34). Nous pouvons le comparer avec le terme Υποστατικόν, c’est-à-dire doté d’un lot de terre dans le praktikon du couvent russe du Mont Athos : sur six ménages de paysans, quatre sont désignés de cette façon (l’un est zeugarate, 2 boïdates) et ils payent chacun 2 hyp, ; deuxautres ménages, que n’accompagne pas cette désignation, payent 1 hyp. chacun (*). A la fin de certains praktika, on trouve l’indication très intéressante que V οΙκούμενον, ensemble des impôts versés par ménage de paysans, sera prélevé par le seigneur en deux termes annuels, moitié au mois de septembre, moitié en mars (56 ). Le praktikon de Lavra indique que les impôts dus au fisc étaient également payés par les paysans en deux versements annuels : διά δύο τού έτους καταβολών (°).

VI. — Différences dans la situation de fortune des paysans serfs. Le montant de l’impôt d’un ménage de paysans dépendait, naturellement, de la situation de fortune, en premier lieu de l’étendue des terres arables ou des vignobles et de la quantité de bétail, dans une certaine mesure aussi du nombre des membres de la famille capables de travailler. (1) Ceci a déjà été indiqué par F. Dô l g e r , Zum Gebühreiuuescn der Byzanliner, p. 22, qui définit correctement οικούμενον comme taxe fondamentale, mais considère, à tort, cette taxe comme un impôt prélevé en faveur du fisc. Les circonstances seules décidaient si cet impôt était prélevé par l’État ou parle seigneur féodal : dans tous les cas que nous connaissons, il était entièrement attribué aux couvents et au pronoïaire. (2) Μ. M., v. 124 = Solovjcv-Mošin nu 42, 61 ss. (3) Zogr., n° 28, 8 sq. (4) Ross., n° 27. (5) Zogr., n° 17, 83 ; Esph., p. xv et xvm : απαιτείν τε τδ οίκούμενον διά δνο τον ετονς καταβολών, ήγουν κατά μέν Σεπτέμβριον τά ήμισν, κατά δέ τον μάρτιον τά έτερα ημισυ. Cf. Chil. Slave 570. (6) Lavra, p. 168.

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Nous trouvons, en feuilletant les praktika, des paysans de conditions très différentes. Certains villages sont très pauvres, d’autres, assez prospères, et le population d’un même village est, à son tour, composée de familles dont la situation de fortune est très variable. Une documentation particulièrement abondante nous est fournie, à ce propos, par le praktikon slave de Chilandar qui nous tait connaître 127 ménages paysans répartis en 6 villages, appartenant, en 1300, en totalité ou en partie, au couvent serbe du Mont Atlios. En étudiant attentivement les données détaillées de ce praktikon, on peut se faire une idée assez claire de la situation de la paysannerie byzantine en ce temps-là. Particulièrement intéressantes sont les données concernant le village de Gradac, domaine le plus important de Chilandar à cette époque, composé, à lui seul, de 71 ménages et qui comprenait, nous l’avons déjà vu, plus de 8000 mod. de terres seigneuriales indivises. Gradac se composait de plusieurs parties nettement distinctes, puisque ce grand village avait appartenu à 7 propriétaires laïques différents avant de devenir la propriété du couvent de Chilandar. Sa partie la plus riche, qui englobait ‘20 ménages paysans, avait précédemment appartenu, probablement en propriété patrimoniale, à un certain Vardanis. Le reste se trouvait antérieurement partagé entre six pronoïaires : 7 ménages appartenaient à la pronoïa de Manuel Déveltzinos (Dévlitzinos), 9 à la pronoïa de Gazis Syrianou, 19 à la pronoïa des « enfants » de Kyprianos, tandis que les 3 autres pronoïaires ne disposaient chacun que d’une famille paysanne. Enfin une catégorie particulière était constituée par 7 maisons de paysans sans terre, d’éleuthères. Quant aux 5 autres vdlages mentionnés dans le praktikon slave de Chilandar, seul le village de Mounzeni était dans la totalité propriété de Chilandar, les 4 autres seulement partiellement ; dans ces derniers, les 5 ménages du village de Kondogrica faisaient précédemment, eux aussi, partie d’une pronoïa. Lorsqu’on compare les divers groupes des paysans de Chilandar, la prospérité relative des habitants de Gradac saute aux yeux. Parmi les 26 familles qui appartenaient précédemment à Vardanis, il y en a 20 qui possèdent des terres arables et des vignes, et leurs lots arables sont assez importants : 6 ménages possèdent 100 mod., 3 ménages 70 mod., 10 ménages 50 mod., et il ne se trouve qu’un seul paysan doté de 25 mod. ; 18 familles possèdent une pairedebæufs, 6 possèdent un bæuf, et il n’y a que 2 familles qui possèdent seulement du petit bétail. On n’y trouve pas un seul paysan qui ne possède ni terre, ni bétail. Toutefois, même dans cette partie la plus prospère du village, plusieurs ménages sont dans une situation assez misérable, très différente de celle de la plupart des voisins. Ainsi un paysan possède un seul bæuf et un demi mod. de vignoble, et il est taxé, en conséquence, de 2/3 hyp. ; un autre possède un bæuf et une vigne d’un mod. et est imposé d’un hyp. ; un troisième a 3 porcs et une vigne d’1/2 mod. et paye 1/2 hyp. Un exemple typique de richard villageois nous est donné par le paysan Georges, en tête de liste : il

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est propriétaire d’une paire de bæufs, de 4 vaches, de 2 cochons, de 8 mod. de vignoble et de 100 mod. de terre arable, et est imposé de 5 hyp. Les ménages qui le suivent dans la liste, celui de Basile Apostatis, de son frère Michel et de Couman, fils de Jean Apostatis, atteignent presque le meme niveau ; chacun possède 100 mod. de terre, une vigne convenable et une quantité assez importante de bétail de labour ou d’élevage : 2 payent comme taxe 4 hyp. chacun, et le troisième seulement 3 hyp., quoiqu’il soit en réalité plus riche que le second. Ainsi on peut observer, même dans un village serf, une importante concentration de biens entre les mains d’une famille ou d’un clan. Ce phénomène fort intéressant est illustré par une série d’autres exemples, tirés du même praktikon slave de Chilandar. Dans cette même partie du village de Gradac, on trouve les 3 ménages des 3 fils de Frougos Christodoulos : chacun possède 70 mod. de terre, des vignes ou des vergers ou des jardins potagers, du bétail de labour ou d’élevage ; chacun a ses ruches, et ils ont reçu leurs lots en héritage ou en dot ; ils payent chacun 2 1 /2 hyp. Ils sont suivis par 3 ménages liés par la parenté ou par le mariage, les Akritas ou Akritini, qui payent de 2 à 2 1/2 hyp. pour 50 mod. de terre, un lot de vignes et une quantité assez considérable de bêtes de labour ou autres. L'exemple des Akritini est particulièrement intéressant, car cette famille nombreuse de paysans enrichis se retrouve dans plusieurs autres domaines de Chilandar. Dans l’ancienne pronoïa de Manuel Déveltzinos, qui est aussi une des plus riche des domaines de Chilandar, sur 7 ménages, 4 sont des représentants de la famille des Akritini ; 3 d’entre eux appartiennent à la catégorie la plus aisée, possédant chacun 100 mod. de terre, un lot de vignes, une paire de bæufs et une grande quantité de gros et de menu bétail ; 2 d’entre eux payent 4 hyp., et un 5 hyp. Ce dernier possède 2 bæufs, 3 vaches, 50 moutons, un cheval, un âne, 20 cochons, 4 mod. de vigne et 100 mod. de terre. L’unique ménage de paysans venu au couvent de Chilandar de la pronoïa de Nicolas Philomatis appartient aussi à un membre de la famille des Akritini. Enfin, hors des limites de Gradac, dans le village de Mounzeni, on rencontre, parmi les 3 parèques riches, Michel Akritinos et son gendre, Jean, qui ont chacun 100 mod. de terre et une paire de bæufs, et payent 3 hyp. de taxe. Notons encore que les 5 familles, d’ailleurs de fortune modeste, qui appartenaient à l’ancienne pronoïa de Skorève au village de Kondogrica, sont toutes liées entre elles par la parenté ou le mariage. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, les plus fortunés des paysans sont ceux qui viennent à Chilandar de la propriété patrimoniale de Vardanis et de la pronoïa de Déveltzinos. Parmi les plus riches paysans de Chilandar, il y avait aussi un Basile, fils de Théodore Kallinos, chef de Tunique ménage venu au couvent de l’ancienne pronoïa de Nicéphore Chrysos : il possédait un zeugarion, 5 vaches, 8 ruches, 10 cochons, 2 lots de vigne de 6 mod.

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chacun, un verger de 2 mod., et 125 mod. de terre, ce qui représente la plus grande surface de terre attribuée à un seul ménage paysan ; il payait 5 hyp., taxe la plus élevée de toutes celles qui sont mentionnées par le praktikon slave de Chilandar: seuls deux autres ménages en payaient autant. Les paysans de la pronoïa de Gazis Syrianou sont beaucoup plus pauvres. Sur 9 ménages, il n’y en a que 4 qui jouissent d’une certaine aisance, tandis que 4 autres ne possèdent même pas de terre. La partie du village de Gradac qui appartenait précédemment à la pronoïa des fils de Kyprianos est dans une situation particulière. Ici, pas une des 19 familles ne possède de terre, et 6 familles seulement possèdent des lots de vigne. Mais 13 de ces paysans sans terre possèdent un zeugarion, et 4 un bæuf ; d’où il résulte, soit dit en passant, que la notion de « zeugarion » n’est pas absolument liée à un lot de terre, et désigne simplement, dans le praktikon de Chilandar comme dans les autres praktika du xive siècle, un attelage d’une paire de boeufs Q). Ne possédant pas de terre, mais dans la plupart des cas des bêtes de labour, ces paysans prenaient sans doute à ferme la terre seigneuriale dont il y avait à Gradac des quantités très considérables. On en compte 68 âmes réparties entre 19 ménages, mais ils sont plus pauvres que les 27 personnes formant 7 ménages de l’ancienne pronoïa de Déveltzinos, et payent ensemble 17 5/6 hyp., tandis que les anciens paysans de Déveltzinos payent 18 hyp. Toutefois, malgré leur pauvreté, ces paysans de l’ancienne pronoïa des fils de Kyprianos se distinguent essentiellement, grâce au bétail de labour dont ils disposent, non seulement des éleuthères, mais aussi de nombreux parcques indigents installés sur les domaines de Chilandar, en dehors du village de Gradac. Parmi les autres domaines de Chilandar, on ne trouve qu’à Mounzeni et à Anô-Lozikion (Lužac) des parèques aisés, mais on y trouve aussi des éleuthères indigents. Quant aux trois autres domaines de Chilandar, on y voit, à de rares exceptions près, une masse de pauvres. A Kamenica, sur 16 ménages paysans, et à Kumica, sur 15 ménages, pas un seul de ceux-ci ne possède de terre. A Kondogrica, un seul paysan possède un petit lopin de 13 mod. La majorité possède des vignes et un peu de bétail, d’autres n’ont rien du tout : à Kondogrica, 4 familles seulement possèdent de petits vignobles, 11 ne possèdent pas le moindre lopin de terre, 3 n’ont pas même de bétail. Comme on le voit, il y a là un contraste énorme avec les paysans de certaines parties de Gradac. Si nous voulons, pour plus de clarté, donner une statistique de l'état de fortune des paysans serfs enregistrés dans le praktikon slave de Chilandar, nous arrivons au résultat suivant. Sur 127 ménages

(1) Des parèqnes sans terre, mais zeugarates, sont également mentionnés dans une charte de Manuel I Comnène de 1145. Voir Μ. M., Vf, 104; παροίκους ζενγαράτονς ατελείς καί μήτε γην Ιδίαν έχοντας.

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de paysans appartenant au couvent de Chilandar, en 1300, 43 seulement possèdent des lots de terre (dont 33 à Gradac) ; parmi eux, un paysan est propriétaire de 125 mod., 11 de 100 mod., 3 de 70 mod., 23 de 50 mod., 1 de 30 mod., 3 de 25 mod., 1 de 13 mod. 70 ménages possèdent des vignes, dont 38 possèdent aussi des champs. Enfin 52 familles ne possèdent pas de terre (35 parèques, et 17 éleuthères sur 19) ; 50 ménages ont une paire de bæul's chacun, 41 un boeuf ; 36 ménages n’ont pas de gros bétail et 16 ménages n’ont pas de bêtes du tout. Pour donner une idée plus nette de la situation des paysans les plus pauvres de Chilandar, nous devons encore noter que, des 35 ménages de parèques et 17 d’éleuthères sans terre, 9 parèques (dont 8 avaient appartenu à l’ancienne pronoïa des fils de Kyprianos) et un éleuthère ont une paire de bæufs, 10 parèques et 5 éleuthères un bæuf, 10 parèques et un éleuthère du petit bétail ; 5 parèques et 10 éleuthères n’ont absolument rien, ni lots de terre, ni bétail, et rien d’autre n’est enregistré que les noms des membres de ces familles indigentes. Cette différence marquée dans la fortune des paysans de Chilandar se reflète naturellement dans les charges auxquelles sont soumis les ménages.

3 ménages payent 5 hyp. (tous 3 à Gradac). 5 ménages payent 4 hyp. (les 5 à Gradac) 7 ménages payent 3 hyp. (4 à Gradac, 3 à Mbunzeni). 9 ménages payent 2 1/2 hyp. 14 ménages payent 2 hyp. 10 ménages payent 11/2 hyp. 28 ménages payent 1 hyp. 6 ménages payent 2/3 hyp. 34 ménages payent 1/2 hyp. 7 ménages payent 1/3 hyp. 3 ménages payent 1/4 hyp. 1 ménage paye 1/8 hyp. (Σ). On peut considérer comme prospères les ménages qui payent 2 1/2 hyp. et plus, ainsi que certains, mais pas tous, parmi les ménages imposés de 2 hyp. Quant à la majorité des paysans qui payent 1 hyp., sans parler de ceux qui payent encore moins, ils sont tous très pauvres et Ainsi :

(1) Be z o b r a z o v (op. cil., 88 ss.) donne des renseignements statistiques détaillés concernant les impôts des paysans de Chilandar ; mais ses données comportent des lacunes et erreurs. On trouve également une série de données statistiques chez Us pe n s k ij (Matériaux pour l’histoire de la propriété foncière siècle, p. 22 sq.), mais le sens en est obscurci par le fait qu’Uspenskij au attribue à la notion de « zeugarion » une signification qu’elle n’a pas dans le praktikon de Chilandar, et plus encore par le fait qu’il divise les paysans de Chilander en paysans appartenant au couvent, paysans de pronoïaires et paysans libres.

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beaucoup, on l’a vu, ne possèdent absolument rien. Le montant de l’impôt est naturellement défini avant tout par la grandeur des lots de terre, et aussi la quantité de bétail, le bétail de labour étant particulièrement pris en considération. Mais il serait vain de chercher une règle fixe et immuable d’après laquelle on aurait évalué les divers biens taxables, lors de l’établissement de l’assiette des impôts. Il existe, certes, un certain rapport entre les biens des paysans et les taxes qui leur sont imposées ; mais la distribution est souvent très inégale, et l’on peut noter de nombreux cas où des ménages de fortune égale sont imposés inégalement, tandis que des ménages de fortunes inégales payent le même impôt. On trouve aussi pas mal de cas où des paysans pauvres payent un impôt plus élevé que leurs voisins plus fortunés. L’exemple des ménages les plus indigents dont la propriété consiste en quelques rares éléments imposables, montre de la façon la plus claire dans quelle mesure tel ou tel élément influait sur le montant de l’impôt. Nous reviendrons sur cette question lorsque nous étudierons la condition des paysans les plus pauvres, les éleuthères. Pour l’instant, il suffira de noter qu’un ménage possé dant une paire de boeufs et rien d’autre ne paye habituellement pas moins d’un hyp. I1), et un ménage possédant un bæuf, pas moins de 1/2 hyp., tandis que le bétail non destiné au labour exerce généralement une influence beaucoup moins grande sur l'impôt. D’autre part, les familles complètement indigentes ne payent pas phisd’1/2 hyp., et habituellement moins (12). De nombreuses conclusions tirées du praktikon slave de Chilandar sont parfaitement applicables à la documentation fournie par d’autres praktika des xinc-xiv° siècles. Riche en renseignements divers, ce praktikon slave de Chilandar, qui reflète si bien la situation des paysans byzantins serfs, de situation de fortune fort variée, peut servir de point de départ excellent pour l’étude comparée des données concernant l’économie de la paysannerie serve, incluses dans les autres praktika d’époque tardive. Les villages Eunouchos et Lipsochorion, donnés au même couvent de Chilandar en 1318, ainsi que la partie du village de Mamitzon donnée en 1323 à Kallinikos, hiéromoine de Chilandar, puis transmise au couvent même, sont beaucoup plus homogènes dans leur composition. A Mamitzon, sur 36 ménages paysans donnés à Kallinikos, il n’y en a pas un seul qui ne possède de terre, et 25 ont en plus une petite vigne. Toutefois, les paysans de ce village ne sont pas riches en bétail : seuls 17 ména(1) Il y a une seule exception ; Kostas Katodikos, de l’ancienne pronoïa des fils de Kyprianos (Chil. slave, 286) paye, contrairement à ses voisins qui se trouvent dans la même situation de fortune, non pas 1 hyp., mais seulement 1/2 hyp., probablement parce qu’il n’y a pas d’autres travailleurs dans le ménage que lui-même et sa femme. (2) Une exception qui est peut-être due à une erreur est constituée par la famille indigente d’André Parapappas, taxée de 2/3 hyp. (Chil. slave 324).

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ges possèdent une paire de boeufs, et 5 un seul bæuf ; il est curieux de noter que cet unique bæuf est enregistré comme 1/2 zeugarion. Les autres têtes de gros bétail sont également peu nombreuses, le menu bétail n’est pas mentionné du tout, et 10 ménages des plus indigents ne possèdent aucun animal. Il en résulte qu’une partie assez importante des habitants de Mamitzon ne pouvait pas labourer sans recourir à l’aide de voisins plus fortunés. Ainsi, même dans ce village relativement prospère, Γaisance esl loin de se retrouver dans tous les ménages, d’autant plus que. les dimensions des lots de terre attribués aux diverses familles sont fort différentes : 3 ménages possèdent plus de 100 mod. (le maximum est de 120), 10 de 70 à 100 mod., 7 de 50 à 70 mod., 6 de 20 à 50 mod., et 10 moins de 20 mod. L’impôt varie proportionnellement de 1/4 à 4 hyp. ; 8 ménages payent moins d’un hyp., preuve incontestable d'une grande pauvreté. Le praktikon pour les village d’Eunouchos et de Lipsochorion nous met en présence d’un état de choses assez curieux. Les parèques de ces villages, en particulier ceux d’Eunouchos, appartiennent aux plus fortunés de tous les paysans que nous connaissons par les praktika parvenus jusqu’à nous. Mais il n’y a parmi eux pas un ménage doté de terre arable. Par contre, presque tous possèdent des vignes, parfois assez grandes ; beaucoup ont aussi des vergers et des potagers, et la plupart une quantité considérable de gros et de menu bétail. De toute évidence, les habitants de ces agglomérations s’adonnaient surtout à la viticulture, au jardinage et à l’élevage. Mais il ne faudrait pas en conclure que l’agriculture ne les intéressait pas : sinon comment expliquer la grande quantité de bêtes de labour dont disposaient les paysans d’Eunouchos et de Lipsochorion, qui pourtant ne possédaient pas de terre arable? Dans aucun autre praktikon on ne trouve des bêtes de labour en une telle abondance. Nous avons déjà fait observer que les paysans possesseurs de deux paires de boeufs sont fort rares, et nous avons pu constater, en étudiant le village de Gradac, que même parmi les paysans les plus fortunés, il n’y avait pas un seul ménage disposant de plus d’une paire de boeufs. A Eunouchos et Lipsochorion, cependant, il n’y a pas moins de 5 ménages avec 2 zeugaria, 3 ont 3 boeufs chacun, 13 ont un zeugarion et 7 un boeuf chacun. Des 32 ménages de ces 2 villages, il n’y en a que 3 pour lesquels on n’a recensé aucun bétail de labour. Sur les 29 ménages disposant de bêtes de labour, 27 possèdent encore d’autres têtes de gros ou petit bétail ; à Eunouchos, presque tous les paysans sont possesseurs de gros et de menu bétail, parfois en assez grande quantité. Tous les ménages, hormis 2, possèdent des vignes ; mais là encore, les dimensions des lots sont fort différentes et varient de 1 1/2 à 10 mod. La moitié des paysans dispose de petites parcelles de 2 à 3 mod. ; deux n’ont que 1/2 mod., tandis que certains possèdent des lots importants de 7 à 8 mod., et dans deux cas même, de 10 mod., ce qui représente le plus grand vignoble inscrit dans les praktika au nom d’un ménage de paysans. Une certaine partie des habitants

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d’Eunouchos et plus de la moitié de la population de Lipsochorion sont dans une situation peu enviable : 5 ménages imposés de moins de 1 hyp., sont des indigents ; les biens de 8 autres ménages, imposés de 1 à 1 1/2 hyp., sont également très restreints. Par contre, toute une série de ménages de Lipsochorion, et surtout d’Eunouchos, possèdent des lois suffisants de vignobles, et du bétail en abondance. Théophane Aldouvinis, du village d’Eunouchos, avec sa femme et ses deux fils mariés, dispose de 2 paires de boeufs, 4 vaches, 2 che■ vaux, 20 cochons et 120 moutons, 10 mod. de vignoble et mi jardin d’un inod. ; ses impôts s’élèvent au chiffre très rare de 7 nom. : c’est le paysan le plus riche de tous ceux pue nous trouvons dans les praklika connus. Tout de suite après cet Aldouvinis, sont recensés les ménages de son frère et de son cousin germain, plus modestes, mais encore assez importants. Une fois de plus, nous assistons à la concentration de biens entre les mains d’une famille enrichie. A titre de comparaison, nous pouvons citer les données du praktikon de Lavra de 1319, concernant le métoque de Gomatou à Lenuios. La liste des parèques, dans la partie de ce métoque nommée Chlion, s’ouvre avec un certain Georges Kalos dont la famille se compose de sa femme, son fils, sa fille, et son frère avec sa femme et sa fille. Ces gens possèdent 3 maisons, 2 paires de boeufs, 2 vaches, 3 ânes, 1 mulet, 199 moutons, 1 moulin à eau et 12 figuiers ; iis payent, eux aussi, 7 hyp., quoiqu’ils ne soient pas aussi riches que Théophane Aldouvinis du village d’Eunouchos C1). Ensuite vient la veuve Hélène, soeur de Georges, qui dirige son ménage avec l’aide de 2 fils et d’une fille, et possède 2 maisons, une paire de boeufs, un âne, la moitié d’un moulin à vent, 1 champ de 15 mod. et une vigne nouvellement plantée de 2 mod. ; ses impôts s’élèvent à 4 hyp. Mais en dehors de ces 2 ménages, composés de membres d’une même famille, on ne trouve plus à Chlion d’autres ménages tant soit peu prospères. Une famille possède une cabane, un bæuf, une vache, un âne et une vigne de 2 mod., et paye la taxe étonnamment modique de 2/3 hyp. Une. autre famille possède, en plus de sa cabane, un âne et 4 moutons et paye aussi un impôt infime de 6 kokkia (kératia), c’est-à-dire 1/4 hyp. ; pour 3 familles, on n’enregistre que leur cabane et un impôt

(!) Dans tous les praktika du xiv*·’ siècle qui nous sont connus, nous ne trouvons que ces 2 ménages imposés à un taux aussi élevé. Après eux viennent les 3 contribuables sus-mentionnés du village Gradac, imposés de 5 hyp. Un taux de 4 hyp. est relativement fréquent. Au xve siècle, époque où la valeur de l’argent continue à diminuer, les taux sont naturellement plus élevés (Voir ci-dessous nos considérations sur le praktikon de Lavra de 1420). Nous pouvons laisser de côté les données du fragment de praktikon du Ménoikeion, de 1344, ou 1345, lequel inscrit en deux cas, pour les ménages dont aucun bien n’est inventorié, un impôt de 9 nom., et pour 1 ménage, plus de 14 nom., tandis qu’un ménage doté d’un vignoble et de 100 mod. de terre paye 4 nom.

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de 4 kokkia pour chacune ; 4 familles n’ont aucun bien inventorié et le montant de leurs impôts n’est même pas indiqué. A Niagara, autre partie du même métoque, beaucoup plus populeuse, il n’y a qu’un seul ménage aisé, dont le chef, Théodore Longinos, installé avec sa femme, son fils et sa fille, possède (on ne sait trop pourquoi) 4 maisons ou bâtiments, ainsi qu'une paire de boeufs, un âne, une vache, 2 cochons, une barcasse et un vignoble de 10 mod. (les vignobles de cette dimension ne se trouvent que très rarement chez les paysans), mais il ne paye que 2 hyp., chiffre qui paraît très bas pour une telle fortune. Il y a encore 2 ménages de Niagara dotés de petits lots de vigne et de quelque bétail, qui sont taxés une fois de plus au taux étonnamment bas de 1/3 hyp. Quant à tous les autres paysans de Niagara, ils sont inscrits sans aucune mention de bien ni de taxes : il n’y a pas moins de 73 de ces familles indigentes. Mais après avoir énuméré tous les parèques de ce métoque, le praktikon indique que les parèques, fortunés et indigents, versent au couvent une somme globale de 103 hyp. et 14 nom. (le terme « nomisme » signifie probablement en l’occurrence « kokkia » ou «kératia» ; il est donc employé dans le sens général de monnaie). On pourrait en conclure que chaque famille de parèque paye un impôt de taux défini, considéré comme connu et non enregistré spécialement. On enregistrerait uniquement les versements supplémentaires des paysans fortunés, ce qui expliquerait peut-être l’insignifiance, déjà notée, de ces versements en comparaison des biens inventoriés ; ils représenteraient seulement une partie de la somme effectivement payée par le contribuable, un supplément au taux de base uniforme pour tous et pour cette raison non mentionné. Nous savons effectivement que des impôts étaient payés par des paysans complètement indigents, fait confirmé par ce même praktikon de Lavra dans lequel nous lisons que 103 hyp. et 14 nom. étaient versés au couvent par les parèques fortunés et indigents. Ce qui reste obscur, c’est le montant des paiements exigés des parèques du métoque de Lavra, étant donné qu’après soustraction des paiements spécialement indiqués (dont le total s’élève à 15 hyp. et 2 kératia), chacune des 87 familles inscrites, dont 80 totalement indigentes, doit payer en moyenne 1 hyp., tandis que, à en juger d’après les autres praktika, les familles indigentes payaient généralement de 1/6 à 1/2 hyp. Aux 103 hyp. et 14 « nomismata » représentant le total des impôts perçus sur les ménages de paysans, le praktikon ajoute un revenu de 6 hyp. provenant de pêcheries appartenant au couvent, et aboutit ainsi au total définitif de 109 hyp., dans lequel disparaît le surplus de 14 « nomismata ». Est-ce là une négligence du rédacteur du praktikon, ou est-ce l’éditeur qui aurait commis une erreur ? On ne saurait le dire sans avoir vu le manuscrit. De toute façon, l’édition dont nous disposons ne présente qu’une base peu solide pour notre analyse et il est possible que mainte perplexité dans laquelle nous plonge ce texte se trouvera dissipée lorsque nous posséderons enfin une édition critique de toutes les chartes de Lavra.

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Comme nous l’avons déjà noté en étudiant le problème de la date des praktika de Lavra, celui qui fut publié après le praktikon de 1319, mais qui en réalité le précède et devrait être rapporté, à notre avis, à 1299, donne deux listes de parèques pour le même métoque de Gomatou à Lemnos : la première liste cite 24 familles d’anciens parèques de Lavra, la deuxième 59 familles paysannes appartenant à Lavra au moment où fut rédigé le document. Au moment de la rédaction du praktikon de 1319, Lavra possédait à Lemnos, nous l’avons vu, 87 familles paysannes. L’augmentation très sensible du nombre des familles s’explique incontestablement par l’affluence d’éleuthères. La partie finale du document qui contient la première liste des parèques de Lavra prévoit spécialement l’installation d’éleuthères sur les domaines du couvent, et donne la garantie qu’ils seront exempts des impôts destinés au fisc, autrement dit elle cède leurs versements au monastère. La pauvreté de nombreux paysans de Lavra, la fluidité de leur milieu, l’absence de familles nombreuses, la présence de célibataires, tout cela prouve que beaucoup d’entre eux étaient des éleuthères. Nous nous arrêterons par la suite plus longuement sur les éleuthères, lorsque nous aurons à étudier les praktika de Xénophon, qui contiennent des données beaucoup plus détaillées et précises à leur sujet. Les deux listes de paysans de Lavra à Lemnos donnent, clans le document que nous datons de 1299, une simple énumération de noms, sans indiquer les impôts versés par chacun des paysans ni les biens qu’il possède. Toutefois, ce document indique que les 24 familles de la première liste payent au couvent une somme totale de 41 hyp. Dans le praktikon de Lavra de 1420, qui concerne deux propriétés du couvent situées dans le district de Thessalonique, nous trouvons éga lement le simple total des impôts payés par les paysans de ces propriétés, et point d’indication, à quelques rares exceptions près, des sommes versées par chacun des paysans, ou des biens qu’ils possèdent. A une exception près, même les membres des familles paysannes ne sont pas enregistrés : le document se contente de citer les noms des chefs de famille. Dans le domaine de Sykai, 6 ménages paysans payaient au couvent 30 hyp. de chrysotélie et 5 hyp. de képhaliatikon ; ils payaient également des taxes pour leurs zeugaria et leurs ruches, sans compter d’autres servitudes et corvées. Dans le domaine de Gomatou (homonyme du métoque de Lavra à Lemnos), comme nous l’avons vu (p. 291, η. 1), à cette époque, les paysans ne payaient pas leurs impôts principaux au monastère, mais au fisc, en fait aux pronoïaires. C’est ainsi que 16 familles paysannes versaient au « fisc » 70 hyp. sous la rubrique générale de « télos » et payaient en plus le « képhaliatikon », dont le taux n’est pas indiqué. Par ailleurs, ils étaient obligés de faire au couvent des versements pour chaque zeugarion et. pour chaque ruche ; en remplacement de la corvée, les zeugarates payaient 4 hyp. chacun, les boïdates 3 hyp., et les veuves 1 hyp. Tous ces chiffres montrent en premier lieu que le taux des impôts au xve siècle était beaucoup La Ph o n o ïa . — 21.

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plus élevé qu’au xiv°, phénomène parfaitement naturel, puisque, avec la décadence de l’Empire,la dévaluation de l’argent s’accentuait. Nous constatons ensuite qu’à Sykai et à Gomatou, les paysans possédaient des boeufs et des ruches, et que parmi les ménages de Gomatou, on fait même une distinction entre les zeugarales et les boïdates. II en résulte qu’avec cette méthode d’enregistrement, l’absence d’indications concernant les biens des paysans n’indique nullement qu'ils en étaient tous dépourvus. Il faut probablement en dire autant des paysans inscrits dans le praktikon de 1299, puisqu’on leur applique la même méthode d’enregistrement que celle du praktikon de 1420, avec liste de noms sans aucune autre indication, suivie du total de tous les impôts payés par les paysans. Il en va autrement avec le praktikon de 1319. Pour autant que ce document n’indique pas les biens de certains paysans et les énumère en détail chez d’autres (mentionnant dans certains cas même la possession d’une maison, en l’absence de tout autre bien), ôn est amené à conclure qu’ici les paysans enregistrés sans indication de biens ne possédaient effectivement rien. Comme nous l’avons vu, cette catégorie représentait, dans ce cas, la majorité écrasante. Cette inégalité dans la situation de fortune des paysans, que nous avons déjà mentionnée en commentant d’autres praktika, se manifeste ici avec un relief parliculier. Dans les praktika de Chilandar (slave et grecs), nous avons constaté la présence d’un certain nombre de paysans pauvres, mais aussi celle d’une majorité plus ou moins fortunée. Dans le praktikon de Lavra de 1319, nous trouvons par contre plusieurs ménages aisés et une majorité écrasante de paysans complètement démunis de biens. Puisque, ici, plusieurs familles sont spécialement indiquées comme possédant des maisons, et 3 familles comme possédant uniquement une maison, pour lesquelles ils payent 1 kératia supplémentaires, il faut en conclure que les autres, soit 77 familles sur 87, ne possédaient pas de demeure à elles, et vivaient comme ouvriers agricoles, plutôt que comme paysans, dans ces maisons communes construites pour les parèques, dont nous avons déjà parlé.

VIL — Fluidité de la population paysanne serve. Augmentation rapide des domaines des grands féodaux. En passant des données inexactes et souvent obscures des praktika de Lavra aux renseignements plus précis fournis par les praktika du couvent de Zographou, nous nous trouvons de nouveau sur un terrain plus solide. Le système d’enregistrement adopté par les rédacteurs de ces documents est à peu près le même que celui des praktika de Chilandar dont nous venons de prendre connaissance. Un hasard particulièrement ,heureux, la présence de trois praktika donnant un inventaire détaillé de tous les domaines du couvent de Zographou en 1294, 1300 et 1320, nous permet de suivre pendant un quart de siècle l’extension progressive des propriétés terriennes

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du couvent, ainsi que le destin des paysans attachés à la glèbe. Une comparaison des données contenues dans cespraktika, et dans d’autres documents de Zographou, a été faite dans l’étude déjà citée de V. A. Mošin. f1). De notre côté, nous avons déjà confronté certains éléments en étudiant le problème de la date des praktika île Zographou. Nous pouvons donc nous borner ici à quelques observations, en concentrant notre attention sur des questions d’ordre général concernant les droits et la situation de la paysannerie serve. Lors de la rédaction du praktikon de 1294, les propriétés du couvent de Zographou étaient encore peu étendues: 3 familles de parèques assez pauvres étaient seules installées dans ces domaines. Mais déjà en 1300, les domaines du couvent bulgare se sont sensiblement agrandis et le nombre de ses ménages paysans passe de 3 à 15. Cependant la situation de fortune des parèques de Zographou reste extrêmement modeste. Une seule famille possède un petit lot arable de 15 inod., 10 autres ont de petits lots de vignes ; 7 seulement (soit moins de la moitié) ont un bæuf, aucun parèque ne possède un attelage d’une paire de bceufs ; quant aux autres bêles, il n’y en a presque pas. Des 2 ménages d’éleuthères, un seul possède une vache, l’autre n’a rien, et 2 ménages de parèques n’ont, eux non plus, aucun bien. Ces indigents payent 1 /4 hyp. chacun, tandis que les 2 ménages les plus fortunés payent 1 1/2 hyp., et la majorité 1 hyp. Vers 1320, parallèlement à l’extension rapide des domaines du couvent, le nombre des parèques s’élève à 22 familles. On constate aussi une amélioration dans l’état de fortune des ménages paysans, quoiqu’elle n’atteigne pas, de loin, le niveau de l’enrichissement du couvent lui-même. Maintenant, 9 ménages possèdent des lots de terre, mais de dimensions très diverses, allant de 1 à 100 mod. ; et les lots les plus importants ne se trouvent pas dans les anciens domaines de Zographou, mais dans les nouveaux. Le bétail a augmenté lui aussi : 5 parèques possèdent des zeugaria. Mais la majorité, soit 16 familles, ne disposent pas de bêtes de labour, et 10 familles n’ont aucun bétail. Il est intéressant de noter que les 2 détenteurs des grands lots de 100 mod. sont dans cette situation et donc dans l’impossibilité de cultiver leurs champs sans avoir recours à l’aide de voisins, qui ont du bétail, mais sont démunis de terres ou n’en possèdent qu’une très petite parcelle. Les vignes, parfois très petites, se trouvent chez presque tous les ménages, mais une bonne moitié des parèques de Zographou sont très pauvres, et 2 familles totalement indigentes : voilà pourquoi 10 ménages payent moins de 1 hyp. d’impôt. D’autre part, 7 ménages, assez aisés, payent de 2 à 3 hyp., tandis qu’en 1300 pas un seul des parèques de Zographou ne versait plus de 1 1/2 hyp. La somme des impôts payée par feu paysan,

(1) V. A. Mo š in , Les praktika de Zographou, Recueil P. Nikov 292-300.

p.

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qui représentait en 1294 seulement 3 hyp., atteint 12 1/2 hyp. en 1300, et 27 1/3 hyp. en 1320 C). Toutefois les praktika de Zographou n’offrent pas seulement la possibilité de comparer l’état de fortune des divers ménages paysans, mais aussi d’étudier les changements survenus avec le temps dans la fortune d’une même famille. En étudiant la chronologie des praktika de Zographou, nous avons déjà fait la connaissance de Constantin Pendikondaris et de ses héritiers. Tandis que ce paysan possédait, en 1300, un bæuf, 4 niod. de vignes de bonne qualité et 5 mod. de vignes incultes, et payait 11/2 hyp., sa veuve et son fils disposent, en 1320, d’une paire de boeufs, de 4 têtes de gros bétail, de 4 mod. de vignes, de 13 mod. de terre arable et payent 2 2/3 hyp. ; sa fille possède une vache et paye 1/6 hyp. ; son frère, installé de son côté, a une paire de boeufs, 2 têtes de gros bétail, 5 mod. de vigne, 6 mod. de terre arable et paye lui aussi 2 2/3 hyp. (1 2). Des changements moins importants se sont produits dans l’état de fortune d’autres paysans : chez certains, on constate une diminution et non pas une augmentation de leurs biens. Ansi la veuve Eudoxie Vlachianna possédait en 1294 une vigne de 1/2 mod. et ne possède plus rien en 1300 ; son impôt a baissé, de ce fait, de 1/2 à 1/4 hyp. (3). Théodore le Forgeron possédait, en 1294, un bæuf. 2 vaches et une vigne de 1/2 mod. ; en 1300, son fils et héritier Georges n’a plus qu’un

(1) Le praktikon de 1320 (Zogr. n" 17, 65) indique comme somme totale 27 hyp. (1/3 hyp. est payé par un paysan, omis par erreur et noté séparément : voir n° 17, 84). Mais si l’on additionne les chiffres des taxes donnés dans le texte pour chaque ménage séparément, on obtient un total non pas de 27 hyp., mais de 28 5/6. Dans son article sur ies actes du couvent de Zographou, p. 408, Bezobrazov a déjà noté ce désaccord, et a émis la supposition que les éditeurs du texte ont mal déchiffré un ou plusieurs des chiffres indiqués pour le paiement individuel des paysans. Cet auteur a également noté qu’un ménage disposant en tout de 2 1/2 mod. de vignes, n’aurait pas dû payer 2 1/2 hyp., comme l’affirme le texte (n° 17, 45) dans le cas de Jean, fils de Léon Diadromitis (effectivement Georges, fils d’Alexis Chorvalas, qui détenait, en plus d’un vignoble de 2 1/2 mod., 100 mod. de terre arable, se trouve imposé de 2 1/2 hyp., tout comme Démétrius, fils de Georges Phlevotomos, possesseur d’une paire de bæufs, de 2 vaches, d’un âne et de 7 mod. de vignoble : voir n° 17, 59 et 40). Mais Bezobrazov émet une hypothèse assez étrange, en remplaçant cette taxe par une taxe de 1 hyp. et en diminuant la taxe perçue sur un autre paysan de 1 hyp. à 2/3 hyp., pour faire disparaître la différence de 1 5/6 hyp. Cette différence peut être éliminée d’une façon beaucoup plus simple et plus convaincante : de toute évidence, le fils de Léon Diadromitis payait en réalité 2/3 hyp., et non pas 2 1/2. Une telle erreur a pu se produire facilement, tandis qu’il est fort peu probable que Regel, Kurtz et Korablcv aient pu déchiffrer dans un cas 2 1/2 au lieu de 1, et dans un autre cas remplacer 2/3 par 1. (2) Zogr. n° 15, 22 et n» 17, 20, 23, 24. (3) Zogr. n° 53, 14 et n° 15, 9.

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bæuf et une vigne de 2 mod. ; en 1320 le même Georges possède une vigne d’1/2 mod., un terrain insignifiant, et n’a plus aucune bête (τ). En 1294, la veuve Marica avec son fils Étienne et sa bru Kali avaient un bæuf, 2 vaches, un âne, 20 moutons et une vigne avec jardin d’un mod., et payaient 11/2 hyp. ; en 1300, Étienne, fils de cette veuve, et sa femme Kali ont un bæuf, un âne, une vigne de 3 mod., un jardin d’I 1/2 mod., et une vigne inculte d’un mod., et ne payent qu’un hyp. ; finalement, en 1320, la veuve d’Étienne, Kali, paye la même taxe, pour une vigne de 12/3 mod., un potager de 11/2 mod., un jardin de 2 1/2 mod., un lot de terre arable de 6 mod., mais aucun bétail (12). Comme exemple de changement insignifiant, on peut citer le paysan Démétrius Xandas, qui, en 1300, a un bæuf et une vigne de 2 mod., et en 1320, une vache et la même vigne de 2 mod. Mais lors du premier praktikon, il avait auprès de lui sa femme Marie, son fils Jean et son beau-frère Georges, tandis que dans le second praktikon, il a pour épouse Irène, deux fils Jean et Nicolas, et une fille Marie (3). Des changements semblables, dans la situation économique des parèques installés sur les domaines du couvent, pourraient nous faire croire que ces parèques jouissaient d’une liberté illimitée dans la disposition de leurs biens (4). Mais une telle conclusion manquerait de base solide. Les champs des parèques, leurs vignobles, vergers et jardins potagers, tout comme leur bétail, représentaient incontestablement une propriété héréditaire : on se les transmettait de mari à femme, de père à fils, on les donnait en dot aux filles et aux sceurs, et il arrivait qu’on en fasse un objet d’achat ou de vente. Les documents indiquent fréquemment que te! ou tel lot représente la propriété héréditaire d’un parèque, reçue comme dot de sa femme, et parfois même, mais assez rarement, acquise par achat : c’est ainsi que s’expliquent les fluctuations dans l’état de fortune des familles paysannes et l’inégalité que nous y constatons souvent. Mais la liberté individuelle du parèque était en réalité entravée par sa dépendance fiscale et par les autres obligations qui l’engageaient à l’égard du seigneur, et ce lien puissant limitait naturellement sa liberté dans la disposition de ses biens. Lorsqu’il s’agissait de transmettre une slasis de parèque, par héritage ou comme dot, dans les limites du village serf, les intérêts du seigneur ne s’en trouvaient nullement touchés, puisque la somme globale de la rente féodale ne s’en trouvait pas diminuée. Mais pour aliéner une terre de parèque à des tierces personnes en dehors du vil-

(1) Zogr., n° 53, 12 ; n° 15, 8 et n° 17, 11. (2) Zogr. n° 53, 17 ; n° 15, 33 ; n° 17, 33. (3) Zogr. n° 15, 27 et n° 17, 28. (4) Cette opinion est partagée par V. A. Mo š in , Les praktika de Zographou, j. 300.

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lage, le consentement préalable du seigneur était indispensable Q), et il est permis de supposer que le seigneur n’était nullement porté, en dehors de cas exceptionnels, à autoriser une aliénation de terres de parèques, au détriment de la solvabilité de ses serfs et avec comme conséquence une diminution de ses revenus. Inversement l'accroissement des biens des parèques était avantageuse pour le seigneur, pour autant qu’elle entraînait une élévation des redevances paysannes. Nous avons vu comment s’agrandit la propriété de Constantin Pendikondaris, laquelle en 1300 payait pour un ménage 11/2 hyp. et, 20 ans plus tard, morcelée en 3 ménages séparés,payait déjà 5 1/2 hyp. au couvent de Zographou. Quand un ménage de paysans tombait en décadence, le seigneur s’efforcait cependant de maintenir, autant que possible, l’impôt à son taux ancien. Ainsi, la taxe de 1 hyp. perçue, en 1294, de Théodore le Forgeron, est encore versée en 1300 et en 1320 par son fils Georges, malgré la diminution de ses biens et la disparition de certains éléments imposables. Mais dans certains cas, il fallait se résigner à un abaissement de la taxe, ne fût-ce que dans une mesure insignifiante. Ainsi, Jean Karamalis, détenteur de 2 mod. de vignoble, versait en 1300 1/2 hyp. ; dans le praktikon de 1320, il est dit que sa vigne périclite, et l’impôt est ramené à 1/3 hyp. (12). Nous avons vu aussi que la taxe avait été ramenée de 1/2 hyp. à 1/4 hyp. dans le cas de la veuve Eudoxie Vlachianna, qui avait perdu son unique vigne, et de 1 1/2 hyp. à 1 hyp. dans le cas des héritiers de la veuve Marica, qui ne possédaient plus de bétail. Le seigneur était obligé de consentir à une diminution des taxes paysannes probablement pour les mêmes raisons qui, selon les explications pertinentes du traité fiscal byzantin du xc siècle (3), obligeaient parfois l’État lui-même à alléger le fardeau fiscal : on pouvait craindre que le contribuable, incapable de supporter le far-

(1) Un exemple caractéristique nous est fourni par l’acte de 1301, concernant la vente par les parèques d’Alexis Amnon, d’une terre de 25 mod. au couvent d’Esphigménou. Cette vente a lieu « avec le consentement et l’approbation » du seigneur Alexis Amnon qui, guidé par de pieuses considérations, donnait à son tour au couvent un lot de terre arable de 6 mod., ce qui est mentionné, en post-scriptum sur le titre de vente de ses paysans (Esph. n°4). Il est à noter, en passant, que l’acte des paysans d’Amnon, gens tout à fait illettrés, devrait présenter un certain intérêt pour les linguistes. (2) Zogr. n° 15, 8 et n° 17, 11. (3) La première édition de ce document remarquable a été faite par W. AsmwnNEB, A Byzantine Trealise o/ Taxation, Journal oj Llellenic Studies, 35 (1915) 76-81. Nous devons une nouvelle édition avec commentaire détaillé à F. Dô l g e r , Beitrage zur Geschichle der byzantinischen Pinanzuenvaltung, Leipzig et Berlin 1927. Voir aussi mes études : Le traité fiscal byzantin, Recueil à la mémoire de N. P. Kondakov (1926) 109-124 et Die Idndliche Steuergemeinde des byzantinischen Reiches im X Jh., Vierlelfahrschr. für Sozial- und Wirtschaftsgesch., 20 (1927), 1-108.

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deau des impôts, abandonnât ses terres en causant ainsi un dommage encore plus considérable à ceux, qui en escomptaient les revenus. Les savants ont déjà signalé la grande mobilité, la fluidité de la population paysanne de Byzance. Théodore Uspenskij a été le premier à noter ce phénomène, quoique en passant : il a même exprimé l’opinion que les parèques auraient eu le droit de passer d’un propriétaire à l’autre ; mais il n’a pas fourni d’argument tant soit peu solide à l’appui de celle thèse (B. Mošin s’est attardé plus longuement sur ce problème, en s’appuyant sur les données des praktika de Zographou qui, selon lui, « mettent en question les opinions existantes sur les formes et le caractère du rattachement des parèques à la glèbe » (12). La fluidité de la population agraire à Byzance, surtout dans ses couches les plus pauvres, était effectivement très grande : c’est incontestablement un trait important et caractéristique de l’histoire des paysans byzantins. Toutefois, cette fluidité n’était pas aussi irrésistible que le suppose V. Mošin, et rien ne nous permet de douter du rattachement des parèques à la glèbe. L’opinion que Mošin se fait d’un droit illimité des parèques à disposer de leurs biens, tout comme ses doutes à propos de leur rattachement à la glèbe, résultent en réalité chez cet auteur des dates erronées qu’il attribue à la rédaction des praktika de Zographou. C’est là un exemple particulièrement propre à faire comprendre tonie l'importance d'une chronologie exacte des documents étudiés. Si le praktikon de Zographou n° 15 se rapportait effectivement à l’an 1315, comme l’ont supposé ses éditeurs et Mošin lui-même, et si les changements très importants, dans la composition des parèques de Zographou, qui résultent d’une comparaison de ce praktikon avec celui de 1320 s’étaient effectivement produits dans l’espace de moins de 5 ans, la question posée par Mošin serait certainement légitime. Mais nous avons vu que ce praktikon avait été rédigé en 1300, et non en 1315: par conséquent les changements se sont produits au cours de 20 ans, et non de 5 ans, et dans ces conditions le problème soulevé par Mošin change sensiblement d’aspect. Nous arrivons en réalité au résultat suivant : les 3 ménages de paysans inscrits dans le praktikon de 1294 se retrouvent tous en 1300 ; des 15 familles enregistrées par le praktikon de 1300, on ne retrouve dans le' praktikon de 1320 que les membres et héritiers de 6 d’entre elles, tandis que les 9 autres familles ont disparu complètement. Ainsi une grande fluidité de la population paysanne serve peut être considérée comme établie, mais le fait du rattachement des parèques à la glèbe reste néanmoins indiscutable. On ne saurait douter que les redevances des parèques au seigneur, inventoriées dans les praktika, signifiaient leur rattachement à la terre seigneuriale. C’est (1) Th. Us pe n s k ij , Les traces des praktika ά Byzance, Journal du Ministère de l’Instructon publique, 231 (1884), 312, note 2. (2) V. Mo š in , Les praktika de Zoyraphou, p. 300.

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là-dessus qu’est basé tout le système de l’économie féodale, qui se reflète avec tant de netteté dans les documents étudiés. Les parèques ne possédaient certainement pas un « droit » de libre déplacement, mais, en fait, beaucoup d’entre eux se déplaçaient, entrant ainsi dans la catégorie des fugitifs. De là proviennent ces lots tombés en déshérence, si souvent mentionnés dans les documents byzantins, et qui gardent généralement les noms de leurs anciens propriétaires, même après la désertion de ceux-ci. Le traité fiscal du x® siècle que nous venons de mentionner, donne, lui aussi, des renseignements précieux sur cette provenance des lots tombés en déshérence ζ1). Au cours des derniers siècles de Byzance, époque de décadence économique, la fluidité de la population paysanne s’accentue. Ce sont surtout les paysans pauvres qui se déplacent d’un endroit à un autre, tels des nomades. A cette catégorie appartient la majorité des parèques du couvent de Zographou : dans l’intervalle entre le praktikon du 1300 et celui de 1320, ce sont les paysans les plus pauvres qui disparaissent. Le montant de l’impôt par ménage, dans le praktikon de 1300, variait, nous l’avons vu, entre 1/4 hyp. et 1 1/2 hyp. Il n’y avait que deux familles, les plus fortunées, qui payaient 1 1/2., hyp. et toutes deux sont restées sur place : nous en retrouvons les membres dans le praktikon de 1320. Par contre quatre autres familles, qui ne possédaient aucun bien et versaient 1/4 hyp. chacune, disparaissent sans traces : deux de ces dernières appartenaient à la catégorie des éleuthères, la plus pauvre et la plus mobile dans la paysannerie byzantine. Cette fluidité due aux difficultés de la situation économique des paysans, aux guerres ruineuses et aux autres fléaux, était encore stimulée par les propriétaires féodaux qui essayaient d’attirer sur leurs domaines des paysans appartenant à autrui. Nous avons là un phénomène typique de l’économie féodale, que Byzance n’est pas seule à connaître. N’ayant pas le « droit » de passer d’un endroit à l’autre, les paysans le font en réalité, en profitant de la lutte que se livrent pour la main-d’æuvre les propriétaires féodaux. Les vrais vainqueurs de cette lutte sont les seigneurs les plus puissants, possesseurs de grands domaines privilégiés, qui exercent sur les paysans un attrait particulier. Ils absorbent la paysannerie libre, qui s’appauvrit et se ruine ; ils absorbent aussi les paysans serfs, enlevant aux petits propriétaires à mesure que ceux-ci s’affaiblissent, à la fois leurs terres et leurs laboureurs. En jetant un coup d'æil sur n’importe quelle charte conservée dans les archives des couvents, on constate tout de suite l’augmentation rapide et incessante des domaines des grands monastères, représentants typiques de la grosse propriété féodale. Une excellent illustration nous en est fournie par ces trois mêmes praktika de Zographou, dont la documentation est très complète et se prête particulièrement

(1) Ed. As h b u r n e r , paragr. 5, 12 = éd. Do l o e r , p. 116, 118-119,

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aux comparaisons. li y avait, certes, pas mai de couvents plus riches que celui de Zographou ; il arrivait assurément à ce couvent, non pas seulement d’acquérir des paysans, mais aussi d’en perdre (quoique en quantité moindre). Toutefois il suffit de comparer ses praktika, pour voir avec quelle rapidité extraordinaire augmentait la fortune du couvent, qu’il s’agisse de terrains ou de paysans serfs. En 1294, le couvent ne possède que des domaines assez modestes, et seulement trois familles serves ; en 1300, ces domaines ont presque doublé, le nombre des paysans est monté de trois à quinze familles et la rente féodale de 19 à 46 hyp. Pendant les vingt années suivantes, les domaines du couvent ont, encore une fois, plus que triplé, le nombre des paysans a doublé, et la rente féodale triplé (*). Mais deux ans plus tard le monastère acquiert des droits définitifs sur une série de nouveaux lots, représentant une superficie totale de 220 mod., que le recenseur du thème de Thessalonique, collaborant à la rédaction du praktikon de 1320, avait, prétend-on, « oublié » d’enregistrer dans ce document (12). Cette augmentation des domaines des couvents est particulièrement rapide parce que toute la population de Byzance, depuis l’empereur et jusqu’au plus pauvre hère, se croit obligée, pour faire preuve de piété, d’offrir des dons aux établissements monastiques. Quant aux célèbres couvents bulgare et serbe du Mont Athos, la prospérité de leurs domaines bénéficiait, en outre, de considérations de haute politique : les empereurs de Byzance voulaient s’assurer le bienveillant appui des souverains de la Serbie et de la Bulgarie, et ne pouvaient se permettre, tenant compte de l’affaiblissement de leur propre puissance, de refuser à ces alliés les faveurs qu’ils sollicitaient pour leurs couvents, en contre-partie des services rendus dans le domaine politique (3). Mais les richesses des autres couvents, tout

(1) Abstraction faite des vignes, dont la superficie ne peut être calculée exactement d'après le praktikon de 1320, le couvent de Zographou possédait, comme nous l’avons déjà indiqué, 1240 mod. de terrain en 1300 (dont 15 mod. seulement en propriété des ménages paysans) et 3.907 mod. en 1320 (dont 309 en possession des paysans). En 1300, on comptait 36 paysans disposant de 53 mod. de terre arable, de vignes et de jardins ; en 1320, 70 serfs disposant de 359 1/3 mod. Le revenu global du couvent se chiffrait à 46 hyp. en 1300, et à 138 1/6 hyp. en 1320. (2) Zogr., n° 21, de décembre 1322. (3) Des indications intéressantes à ce sujet, ainsi que des renseignements précieux concernant le rôle joué par les moines de Chilandar dans les relations diplomatiques serbo-byzantines au xiv° siècle, comme agents diplomatiques des rois serbes à Byzance, se trouvent dans les articles de V. Mo š in : La vie du vénérable P. Isaïe, higoumène du couvent russe du Mont Athos, dans le Recueil de la Société archéologique russe en Yougloslavie, III (1940), 125 ss. et V. Mo š in Pu r k o v ič , Les higoumènes de Chilandar au Moyen-Age, Skoplje 1940.

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comme celles des grands féodaux laïques, augmentaient avec une rapidité non moins grande. Sous ce rapport, les couvents ne représentent qu’une forme particulière de la grande propriété terrienne, forme dont l’étude est facilitée par le nombre considérable des chartes ecclésiastiques conservées, mais qui en réalité n’est nullement différente des autres formes de la propriété féodale. En s’efforçant d’augmenter leurs domaines, les couvents byzantins, tout comme les autres féodaux de l’Empire, font preuve d’une énergie peu commune, s’emploient avec une persévérance remarquable à arracher au pouvoir central faiblissant de nouvelles donations et de nouveaux privilèges, tout en menant avec leurs voisins une lutte acharnée et perpétuelle pour chaque lopin de terre litigieux, pour chaque droit de propriété contesté, VI11 f1). — Les éleuthères.

Ce n’est pas seulement à l’acquisition de nouveaux domaines que tendaient les féodaux byzantins. Avec une obstination non moins grande, ils s’efforçaient d’acquérir de nouveaux paysans attachés à la glèbe : la terre n’était qu’un capital mort tant qu’il n’y avait pas de parèques pour la travailler. En faisant donation d’un domaine, le pouvoir central faisait en meme temps don des paysans qui y étaient installés, et cédait aux féodaux redevance et main-d'æuvre. Non contents de ces dons, les féodaux byzantins, toujours à la recherche d’une main-d’æuvre accrue, installent dans leurs propriétés des hommes dits « libres » (ελεύθεροι), obtiennent pour ceux-ci l’exemption de tout charge fiscale, et s’assurent ainsi pour eux-mêmes le droit de percevoir à l’avenir les redevances. « Les hommes libres », ces éleuthères qui ont tant intrigué les chercheurs, représentaient, nous l’avons déjà dit, un élément appauvri, instable. C’est pourquoi on les désigne souvent comme étrangers (ξένοι) ou simplement comme indigents (πτωχοί'). Ce sont des hommes ne possédant aucun bien, dégagés de toute redevance ou obligation, non inscrits par le fisc dans les listes des imposables, non plus que dans les praktika des seigneurs féodaux : c’est pourquoi les documents les désignent également comme » inconnus du fisc » (τφ δρμοσίω ανεπίγνωστοι) et comme «non inscrits dans les praktika d’autres propriétaires » (μή καταγεγραμμένοι έν πρακτικοϊζ τινων άλλων). La mention constante de ces nouveaux arrivés, dans les documents

byzantins, fournit un témoignage formel, comme l’a déjà fait remarquer Uspenskij (12), de la mobilité de la population agraire de Byzan(1) Ce chapitre, légèrement remanié et complété, a paru en langue serbe, dans le Recueil de la Faculté de Philosohie de Γ Université de Belgrade, sous le titre : Les éleuthères. Contribution à l’histoire des paysans à Byzance. (2) Th. Us pe n s k ij , Les traces des praktika byzantins, Journal du Min. de l’Inst. Publ. 231 (1884), 312, note 2.

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ce, mais ne prouve nullement, quoi qu’en ait dit ce même auteur, que les paysans avaient le « droit » de passer d’un propriétaire à l’autre. C’est la conclusion contraire qui s’impose, puisque le droit d’installer des nouveaux venus était formellement conditionné par l’absence de toute obligation de ces hommes à l’égard de l’État ou à l’égard d’un autre seigneur, et par l’absence de toute inscription à leur sujet dans un praktikon quelconque. Autrement dit, un propriétaire n'avait pas le droit d’installer chez lui un paysan inscrit dans le praktikon d’un autre seigneur, et à son tour le paysan enregistré dans un praktikon, et attaché de ce fait à la glèbe du détenteur de ce document, n’avait pas le droit de choisir un autre maître. Il en résulte que les parèques, qui constituaient la masse écrasante de la population paysanne serve, étaient attachés à la glèbe et n’avaient certainement pas le droit de se déplacer. Mais les éleuthères n’avaient, eux non plus, ce droit que pour autant qu’ils n’étaient pas engagés à l’égard de quelqu’un, ou enregistrés quelque part ; ils le perdaient à partir du moment où, s’étant installés d’une façon plus durable sur les terres d’un seigneur, ils étaient enregistrés dans son praktikon et soumis à des redevances en sa faveur. On ne saurait guère douter que ces « hommes libres » sortaient habituellement du même milieu serf, et n’étaient dans la plupart des cas que d’anciens parèques qui avaient réussi à s’enfuir des domaines de leurs seigneurs, en brouillant les pistes. Leur « liberté » ne les rattachait nullement à une catégorie sociale définie : elle ne signifiait qu’un affranchissement provisoire de toute obligation fiscale, résultant de l’absence d’une propriété quelconque et d’un domicile permanent. En s’installant sur les terres des couvents ou des seigneurs laïques,ils perdent aussitôt ce semblant de liberté, assument des obligations à l’égard des propriétaires, mais continuent pendant un temps assez long de se nommer élcuthères, et ne se confondent pas immédiatement avec les anciens parèques. Ces éleuthères peuvent être considérés, habituellement, comme une main-d’æuvre supplémentaire venue renforcer les parèques anciennement installés. Il y avait toutefois des villages entiers habités uniquement par des éleuthères, et des domaines qui ne disposaient pas d’autres paysans en dehors d’eux. Les praktika du couvent de Xénophon fournissent à ce sujet une documentation des plus intéressantes. Tout comme les praktika de Zographou de 1294, 1300 et 1320, ceux de Xénophon de 1300, 1318, 1320 et 1338, permettent de suivre le destin d’un domaine et de ses paysans. Jusqu’à présent, personne ne s’est encore donné la peine d’étudier ces praktika de Xénophon, qui mériteraient pourtant une attention particulière, étant données l’importance et la variété des renseignements qu’ils contiennent sur les paysans installés dans cette propriété monastique. Tout comme les praktika de Zographou et le praktikon slave de Chilandar, ceux de Xénophon ont été établis lors d’un recensement général des domaines du thème de Thessalonique, et ils contiennent, comme les autres documents rédigés dans la même circonstance, un

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inventaire de toutes les propriétés du couvent de Xénophon au Il nous est donc possible de nous faire par eux une idée assez claire de la situation économique du couvent de Xénophon pendant les quatre premiers décennats du xive siècle. Richement doté par Alexis 1 Coninène (*), ce couvent, comme, les autres établissements du Mont Athos, tombe en décadence à l’époque de la domination latine et des tentatives unionistes de Michel VIII Paléologue. Mais ensuite il prend un essor rapide sous Andronic II, ami des moines, et rentre en possession, en mars 1300, de son métoque le plus important, Stomion, à Kalamaria, dont l’étendue est considérablement agrandie à cette occasion (12). A en juger par l’inventaire d’octobre 1300, dans le premier praktikon, le couvent possédait déjà à cette époque des propriétés assez importantes. Mais c’est seulement sur le métoque principal, Stomion, d’une surface de 2410 mod., que nous trouvons installés un certain nombre de paysans, en tout six familles avec vingt-sept membres, tous probablement nouveaux venus et désignés pour cette raison comme προσκαθήμενοι μίσθαρνοι (3). Tous ces « ouvriers agricoles nouvellement installés» ne possèdent aucun bien, et ne sont même pas encore imposés. Toutefois, étant enregistrés dans le praktikon du couvent, ils sont déjà considérés (tomme attachés à la glèbe : la formule finale habituelle indique que Xénophon possédera toutes les terres figurant dans le praktikon avec les ouvriers agricoles qui y sont, mentionnés : σι’ψ τοις είρημένοις μισθάρνοις (45). Il est probable que le couvent ne possédait pas d’autres paysans. Le praktikon mentionne, certes, à deux reprises, en parlant de la terre arable de Lorion, que « divers parèques y sont installés » (®) : mais ces parèques ne sont plus cités dans la formule finale concernant les droits de propriété de Xénophon, ni dans aucun autre document, de ce couvent : il est donc permis de supposer que ces parèques ne lui appartenaient pas. Par contre, les éleuthères, installés à Stomion, sont mentionnés dans les documents ultérieurs du couvent, et tous les praktika commencent par eux l’énumération, sans toutefois les désigner comme « journaliers agricoles ». Déjà le deuxième praktikon du couvent, moment où fut effectué le recensement.

(1) Voir Xénoph. n° 1, et les annotations de l’éditeur, L. Petit, p. 2 sq. (2) Xé n o ph . n° 2. (3) Xé n o ph . n° 3, 11. (4) Xé n o ph . n° 3, 105. (5) Xé n o ph . n° 3, 58 et 83 : ή είρημενη των Λωρίων γη παρά διαφόρων παροίκων κατεχομένη. Cette terre avait été acquise par le couvent, avec deux lots de 325 et de 300 mod., en échange d’un domaine de 1000 mod. situé à Cassandra : on peut en conclure qu’elle avait une superficie de 375 mod., puisque des documents ultérieurs nous confirment que pour effectuer cet échange, le sébaste Apelméné a effectivement remis à Xénophon 1000 mod. de terrain. Voir Xénoph. n° 6, 51 et n° 7, 121.

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en janvier 1318, les nomme simplement « parèques ». Ils sont tous soumis à l’impôt ('), et leur nombre s’est sensiblement accru. Le praktikon de 1318 enregistre 17 familles paysannes à Stomion ; d’autre part, 4 familles apparaissent au métoque de Hiérissos, sans doute récemment acquis par le monastère et ayant, selon le praktikon de 1320, une superficie de 400 mod., en partie achetés et en partie donnés par divers bienfaiteurs (1 2) ; une famille, enfin, était installée au métoque de Néakitou. Ainsi le couvent de Xénophon avait réussi à attirer sur scs domaines un assez grand nombre de nouveaux éleuthères : en 1318, il disposait déjà de 22 ménages paysans avec 57 membres. Quoique ces gens soient désignés dans le praktikon de 1318 comme parèques, et dans celui de 1338 comme προσκαθήμενοι (3), on ne saurait douter qu’il s’agit, en l’occurence, d’éleuthères, non seulement parce qu’on nous dépeint leur dénuement, mais aussi parce que le chrysobulle d’Andronic II l’établit d’une façon formelle. En confirmant tous les droits de propriété de Xénophon, ce chrysobulle note la présence de paysans rattachés aux nionastè res à Stomion, Néakitou et Hiérissos, c’est-à-dire précisément sur les trois métoques du couvent où ils se trouvaient selon les praktika : à ce propos, le chrysobulle indique nettement que ces paysans étaient des éleuthères. Parlant des domaines de Néakitou et de Hiérissos, il s’exprime dans les mêmes termes : er είσι καί προσκαθήμενοι τινες ελεύθεροι (4). Pour la terre de Stomion, le document est encore plus affirmatif : έν fi προσκάθηνται καί τινες πτωχοί ελεύθεροι καί μή καταγεγραμμένοι εν πρακτικοίς τινων (5). Il ne faut pas interpréter la remarque que ces éleuthères indigents ne sont pas enregistrés dans d’autres praktika, comme signifiant qu’ils ne figurent dans aucun document de ce genre, puisqu’ils étaient notoirement inscrits dans les praktika de Xénophon : on indique seulement qu’ils ne sont pas inscrits dans les praktika d’autres propriétaires, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas attachés à de tierces personnes dont les droits se trouveraient lésés si le couvent de Xénophon les installait sur ses terres comme serfs. Car le fait d’être inscrit dans le praktikon d’un propriétaire signifiait qu’on était son parèque, son serf. Toutefois, ces éleuthères errants n’étaient incontestablement, dans la plupart des cas, rien d’autre que des parèques fugitifs qui s’étaient échappés d’un domaine. Parmi les « parèques » de Stomion, inscrits au praktikon de 1318, nous découvrons quelques-uns de ces « journaliers agricoles » qui nous

(1) Xé n o pil n» 6, 11, sq. (2) Xé n o ph . n» 7, 270 sq. (3) Xé n o ph . n» 11, 152. (4) Xé n o ph . n» 8, 64 et 91. Au sujet de l’attribution de ce chrysobulle à Andronic II, voir ci-dessus p. 147. (5) Xé n o ph . n° 8, 56.

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sont déjà connus par le praktikon de 1300. Cette année-là, Georges Kalénos avec sa femme Marie, ses fils Jean et Théodore et sa fille Théodora, se trouvaient en tête de liste ; en 1318, nous retrouvons Jean, fils de Kalénos, avec ses frères Théodore et Démétrius (x). En 1300, nous apprenons que Jean Lachanas et sa femme Marie avaient une fille, nommée Kali ; en 1318, on nous parle de Georges, gendre de T.achanas, époux de Kali (4). Le document de 1300 enregistre Jean Kelliotis avec sa femme Théophano et sa fille Argyri ; celui de 1318 nous apprend que Jean Kelliotis et Théophano sont toujours en vie et ont acquis une vache ; leur fille n’est plus auprès d’eux, mais nous la retrouvons sous le nom d’Argyri, femme de Xénos Kelliotis, lequel, selon toute probabilité, a pris le nom de famille de son beau-père (3). Quant aux trois autres familles installées à Stomion en 1300, on n’en retrouve plus trace. Avec les années, certaines familles paysannes acquièrent quelques biens : pourtant on reste frappé par la pauvreté extrême dans laquelle elles vivent toutes. Les anciens habitants de Stomion ne sont pas mieux lotis que les autres : Kali fille de Lachanas, avec son mari, possède tout au moins un boeuf, une vache avec son veau, et un minuscule vignoble de 11/2 mod., et paye 1/2 hyp. d’impôt, tandis que Jean Kelliotis et sa femme Théophano n’ont absolument rien acquis au cours de ces dix-huit années, en dehors d’une vache, et ne versent que 1/4 hyp. au fisc ; leur fille Argyri, son mari et ses deux fils, ne possèdent aucun bien, et payent le même impôt ; les fils de Kalénos sont restés aussi pauvres qu’ils étaient, mais sont imposés, on ne sait pour quelle raison, de 1/2 hyp. En somme, sur les 22 familles paysannes inscrites au praktikon de 1318, deux seulement possèdent un lot infime de vignes ; ces deux familles et deux autres encore disposent d’un bæuf chacune ; sept familles ont du petit bétail, et onze ménages, c’est-à-dire la moitié du total, n’ont ni terres ni bétail. On peut supposer que ces paysans ne s’occupaient pas d’agriculture, mais travaillaient dans les salines, souvent mentionnées par les praktika du couvent. Se trouvant dans un état de pauvreté extrême, les paysans de Xénophon versaient des impôts relativement très bas : trois ménages payaient 1/2 hyp. chacun, trois 1/3 hyp., neuf 1/4 hyp., et sept 1 /G hyp. Entre le taux de l’impôt et la situation de fortune du contribuable, il y a une corrélation qui, toutefois, n’est pas toujours stricte-

(1) Xé n o ph . n° 3, 12 et n° 6, 32. (2) Xé n o ph . n° 3, 13 el n° 6, 15. Au n® 6, 13 on trouve aussi un certain Panayotis Lachanas. (3) Xé n o ph . n" 3, 14 et n° 6, 14 et 22. Notons en passant qu’avec Argyri sont mentionnés ses deux fils, ce qui confirme une fois de plus qu’un temps assez considérable s’est écoulé entre la rédaction du premier et celle du second praktikon de Xénophon, puisque, en règle générale, seuls des enfants adultes, capables de travailler, étaient enregistrés.

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ment observée. D’une façon générale, nous constatons que les possesseurs de vignes payent 1/2 hyp., les possesseurs de boeufs 1/3 hyp., les possesseurs de menu bétail 1/4 hyp., et ceux qui ne possèdent rien, 1/6 hyp. Mais il y a une série d’exceptions à celte règle. Ainsi le taux d’1/6 hyp. est appliqué uniquement aux paysans qui ne possédaient rien, mais à côté de sept ménages indigents, imposés de 1 /6 hyp., nous trouvons trois ménages, tout aussi dénués de biens, qui ■ payent 1/4 hyp., tandis que les fils de Kalénos versent même 1/2 hyp. Cela s’explique probablement par une différence dans la composition des familles : effectivement, dans la plupart des cas, les ménages imposés de 1/6 hyp. disposent d’une main-d’æuvre moindre que ceux qui payent 1 /4 hyp. Mais il ne devait pas exister de règle rigide et immuable, et l’on ne saurait expliquer pourquoi, par exemple,Georges Vlachos, avec sa femme et son fils, paye 1/6 hyp., tandis que son voisin, Michel Mitilinos, ayant aussi une femme et un fils, paye 1 /4 hyp. i1), ou pourquoi les trois fils de Kalénos payent 1/2 hyp., tandis que, selon le praktikon de 1320, un certain Skamandrinos, avec ses deux fils et son beau-frère, ne paye que 1/6 hyp. (1 2). D’autre part, les deux ménages détenteurs de vignobles payent effectivement 1/2 hyp. chacun, et les deux ménages possesseurs d'un bæuf, 1/3 hyp. Mais celle même somme de 1/3 hyp. est payée par la famille de Georges Anyphantis, installée à Néakitou, quoiqu’elle ne possède qu’un âne (du reste, comme nous le verrons par la suite, son impôt sera abaissé jusqu’à 1 /G hyp.). 11 est vrai que celte famille comptait parmi ses membres trois hommes,et si l’on se basait là-dessus, elle aurait dû payer, semble-t-il, en disposant d’un âne, plus que les frères Kalenoi qui, eux, n’avaient rien en dehors de leurs propres bras. Le système d’imposition peut donc être défini dans ses lignes générales, mais certains détails, certaines considérations complémentaires, qui influençaient le montant îles taxes, restent insaisissables. La somme globable de l’impôt par ménage, versé au couvent de Xénophon par les 22 familles paysannes, est indiquée clans le texte dans les termes suivants : όμοϋ το οίκούμενον νπέρπυρα πεντακόσια είκοσι δύο (3). Il s’agit là, indiscutablement, d’un malentendu : les petites sommes versées par les paysans de Xénophon n’auraient jamais pu atteindre la somme de 522 hyp. Il faudrait donc remplacer le texte déchiffré et imprimé par l’éditeur par le suivant : όμοΰ το οίκούμενον ύπέρπνρα πέντε, κοκκία είκοσι δύο. En additionnant les chiffres indiqués pour les ménages paysans séparés, nous arrivons effectivement à cette somme totale de 5 hyp. et 22 kératia (ou kokkia). En passant du deuxième praktikon de Xénophon au troisième, c’est-à-dire de la situation économique de ce couvent en janvier 1.318 à celle qui existait en novembre 1320, nous nous apercevons que

(1) Xé n o ph . n° 6, 21 et 26. (2) Xé n o ph . n" 6, 32 et ne 7, 5(1. (3) Xé n o ph . n° 6, 41.

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pendant ces deux ans et dix mois, les domaines se sont agrandis, et onze nouvelles familles d’éleuthères ont fait leur apparition, dont neuf se sont installées à Néakitou et deux à Hiérissos. A Stomion, par contre, aucun changement n’est intervenu, ni dans le nombre des ménages paysans ni même dans la composition des familles et de leurs biens. Il n’y a que le veau du gendre de Lachanas qui est maintenant enregistré comme vache (en 1318, on lui compte une vache et un veau, et en 1320, deux vaches), tandis que disparaissait le petit âne de son voisin Jean Mitilinos (en 1318, ce dernier possédait un âne et un jeune âne, en 1320, il ne possède qu’un âne). Pour le reste, rien n’est changé : la situation lamentable des paysans ne s’est pas améliorée d’un iota, et les impôts sont restés les mêmes (*). Ce qui étonne particulièrement, c’est l’absence de tout changement dans la composition des familles : cela s’explique par le fait, déjà mentionné, que les praktika enregistrent uniquement, parmi les membres de la famille, ceux qui sont aptes à travailler, et ne tiennent pas compte des enfants en bas âge. Les changements intervenus dans la population du métoque de Hiérissos sont, eux ausi, sans importance : à la famille d’Antoine, qui comptait un seul fils en 1318, un deuxième est venu s’ajouter, probablement devenu majeur ; ce même Antoine a perdu une vache et ne conserve qu’un bæuf, mais paye toujours le même impôt, 1 /3 hyp. (-) ; Jean Tsankaris avait deux nièces en 1318, il ne lui en reste plus qu’une seule en 1320 (3). Les familles d’éleuthères nouvellement installées à Hiérissos et à Néakitou ne possèdent aucun bien : leur arrivée est encore trop récente. Huit de ces familles sont imposées au taux le plus bas de 1/6 hyp., deux familles ne payent aucun impôt; cependant une autre famille paye 1 /4 hyp. Ainsi, le pourcentage des paysans instal-

(1) C'est uniquement dans le cas de Michel Vlachopoulos, possesseur d’un âne, que l’impôt se trouve abaissé de 1/4 hyp. à 1/6 (voir Xé n o ph . n" 6, 28 et n° 7, 26) ; le seul ancien habitant de Néakitou, Georges Anyphantis, également possesseur d’un âne (voir Xé n o ph . n° 6, 39 et n° 7, 91) a, lui aussi, bénéficié d’une réduction de l’impôt de 1/3 à 1/6 hyp. La raison en est peut-être l’adoption d’un taux uniforme de 1/6 hyp. pour presque tous les nouveaux contribuables de domaine de Néakitou. — La coïncidence complète des listes des paysans de Stomion, dans les praktika de 1318 et de 1320, nous permet de faire quelques petites rectifications au texte. Dans n" 7, 16, tel qu’il est publié nous lisons : Γεώργιος ό γαμβρός τον Λαχανά έχων Καλήν ... αμπέλων ... μοδίον α' ήμισυ ; on pourrait en conclure que la vigne du gendre de Lachanas s’est agrandie de 1 1/6 à 1 1/2 mod. ; le montant de l’impôt ne serait pas indiqué du tout. Mais, d’après n° 6,17, il faudrait rectifier la lacune comme suit: άμπέλιον ... μοδίον ai έκτον, τέλος νπέρπνρον ήμίσν. Une autre correction moins importante peut-être faite, en rectifiant n° 6, 31 d’après le texte n° 7, 29. (2) Xé n o ph . n° 6, 33 et n“ 7, 37. (3) Xé n o ph . n° 6, 37 et n° 7, 41.

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lés sur les métoques du couvent et ne possédant aucun bien se trouve encore augmenté ; ils ne représentent plus la moitié, comme en 1318, mais exactement 2/3 ; sur trente-trois ménages, il y en a vingt-deux pour lesquels on n’enregistre rien en dehors de leur nom et du montant de leur impôt ; deux familles seulement disposent, comme par le passé, d’une vigne minuscule. La somme globale des impôts versés par ces indigents a pom taid augmenté : elle représente maintenant 7 hyp. 6 kératia, contre 5 hyp. 22 kératia deux ans plus tôt. En étudiant plus attentivement le taux des impôts pesant sur la population paysanne la plus pauvre, nous constatons un trait caractéristique du système fiscal byzantin, diamétralement opposé à cette doctrine de l’impôt progressif qui nous paraît la seule naturelle. Pour autant qu’une taxe définie est imposée même aux plus petites fortunes, pour autant qu’une taxe infime est versée même par des gens ne possédant aucun bien, lé taux de l'impôt n’augmente pas en rapport avec l’accroissement de la fortune, et subit même une diminution relative : les contribuables les plus pauvres versent un impôt par feu relativement plus grand, et les plus riches un impôt relativement plus modique. Ainsi, 22 ménages d’éleuthères du couvent de Xénophon, avec leur 57 membres, imposés d’après le praktikon de 1318 pour une somme globale de 5 hyp. et 22 kératia possèdent tous ensemble 4 bæufs, 0 vaches avec un veau, 4 ânes avec un petit, 2 cochons et 2 2/3 mod. de vigne ; tandis qu’une famille de 5 membres, acquise par le couvent de Chilandar avec l’ancienne pronoïa de Nicéphore Chrysos et disposant d’une paire de boeufs, de 5 vaches, 8 ruches, 10 cochons, 6 mod. de vigne, un jardin de 2 mod. et 125 mod. de terre arable, ne paye que 5 hyp. Z1). D’après le praktikon de Xénophon de 1320, 33 ménages d’éleuthères, avec 105 membres, payent au total 7 1/4 hyp., en possédant tous ensemble 4 boeufs, 7 vaches, 4 ânes, 2 cochons et 2 2/3 mod. de vigne, autrement dit, leurs biens ne se sont pas accrus, et seul le nombre de contribuables a augmenté ; tandis qu’au village Eunouchos, du couvent de Chilandar, le paysan Théophane Aldouvinis avec une famille de cinq membres, possesseur de 2 paires de boeufs, 4 vaches, 2 chevaux, 20 cochons, 120 moutons, 10 mod. de vigne et un jardin d’un mod., ne paye que 7 hyp. (1 2). En comparant les praktika de Xénophon des années 1300 et 1318, nous avons pu constater des changements importants dans la composition des familles de paysans installées sur la terre du couvent ; en comparant les praktika de 1318 et 1320, nous avons noté l’apparition de nouvelles familles d’éleuthères, sans qu’un changement notable soit intervenu dans les familles antérieurement installées ; enfin, en comparant les praktika de 1320 et 1338, nous nous apercevons, une fois de plus, que de très grands changements se sont produits. Ceci vient

(1) Chil. Slave 219. (2) Chil. n“ 38, 49. La Pr o n o ïa . — 22.

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confirmer la chronologie établie par l’éditeur. D’autre part, la similitude complète de la situation de Stomion, le métoque le plus important du couvent de Xénophon, à deux ans et dix mois d’intervalle, d’après le deuxième et troisième praktikon du couvent, nous démontre une fois de plus, que les changements importants intervenus dans la situation des paysans de Zographou, dans l’intervalle entre la rédaction du deuxième et celle du troisième praktikon de Zographou (voir p. 267 ss.), ne pouvaient se produire en 5 ans, ou plus exactement en 4 ans et sept mois, comme le prétendait V. Mošin, en attribuant la rédaction du deuxième praktikon au mois d’octobre 1315, mais que ces changements deviennent possibles, et même parfaitement explicables, dès qu’il est établi que le deuxième praktikon de Zographou se rapporte à 1300 et qu’il est antérieur de vingt ans au troisième. En analysant le praktikon de Xénophon de 1338, nous verrons qu’entre 1320 et 1338 la composition de la paysannerie de Xénophon a subi des changements autrement plus importants que celle des paysans de Zographou entre 1300 et 1320. Cette fluidité encore plus grande des paysans de Xénophon s’explique naturellement par leur extrême pauvreté, et par le fait qu’ils appartiennent à la catégorie des éleuthères. Au cours de l’intervalle qui sépare les praktika de Xénophon de 1320 et de 1338, le nombre des paysans installés sur ses métuques s’est considérablement accru : au lieu de 33 ménages avec 106 personnes aptes du travail, nous trouvons 55 ménages avec 175 personnes. Toutefois, ces chiffres ne donnent pas une idée suffisamment exacte de l’affluence de nouveaux éleuthères sur les domaines du couvent, car la paysannerie rattachée à ce couvent n’a pas seulement subi une augmentation en nombre, mais aussi des changements extrêmement importants dans sa composition. Le praktikon de 1338 contient à peine une dizaine des paysans enregistrés en 1318 et 1320. Tous les autres ont disparu, et un grand nombre, de nouveaux éleuthères, non moins pauvres, sont venus les remplacer. Le fait que des paysans en nombre toujours croissant venaient remplacer les anciens laboureurs des métoques de Xénophon, sans tenir compte de la situation peu enviable de leurs prédécesseurs, est certainement un signe de la misère extrême des paysans byzantins à cette époque, et de l’accroissement parmi eux du vagabondage. Le nombre des ménages paysans installés à Stomion a passé vers 1338 de 17 à 19, et la majorité de ces gens sont de nouveaux venus. Parmi les paysans qui nous sont connus par les praktika antérieurs, nous pouvons citer en premier lieu cette Argyri, inscrite en 1320 comme fille de Jean Kelliotis, et en 1318 et 1320 comme femme de Xénos Kelliotis et mère de deux fils ; dans les listes de 1338, elle figure comme « veuve Argyri, femme de feu Kelliotis » (r). Elle est maintenant le chef de la maison, où sont installés auprès d’elle sa (1) Xé n o ph . nu 11, 19.

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fille, son gendre et sa petite-fille ; ses deux fils ont disparu. Sa fortune s’est assez considérablement accrue, à l’image de celle de Xénophon : en 1320, elle et son mari ne possédaient encore aucun bien ; maintenant elle nous apparaît comme la plus « riche » paysanne des domaines du couvent avec 1 1/2 mod. de vigne, 1 bæuf et 7 vaches ; et elle paye 2/3 hyp. d’impôts au lieu de 1 /4 hyp. Parmi ces nombreux paysans cpie nous ont fait connaître les actes de Xénophon. Argyri Kelliolis est la seide dont le nom se retrouve dans tous les praktika, et dont la vie se déroule devant nous pendant loule la période étudiée, de 1300 à 1338. En dehors du ménage d’Argyri, il n’y en a que six, parmi les 19 ménages de Stomion enregistrés en 1338, qui pourraient, avec plus ou moins de certitude, être considérés comme descendants des paysans installés en 1320 sur les domaines de Xénophon, dont une partie à Stomion et une autre (deux cas seulement) à Néakitou (*). Ainsi des 17 familles enregistrées à Stomion en 1320, 12 au moins ont disparu sans laisser de traces au cours de ces dix-huit années, et au moins 12 familles de nouveaux éleuthères sont venues les remplacer. Parmi les G familles enregistrées en 1338 à Hiérissos, il n'y en a que 3 qu’on pourrait, à la rigueur, rattacher à 2 familles installées en 1320 sur ce métoque, et une famille installée à Néakitou (1 2). Toutes les autres personnes enregistrées à Hiérissos en 1338 n’ont aucun rapport avec les anciens paysans de Xénophon. Des changements encore plus importants peuvent être constatés dans le troisième endroit où étaient installés les paysans de Xénophon. Le praktikon de 1338 désigne cet endroit sous le nom de Psalidofournia : nous savons, d’après les praktika précédents,que le métoque de Néakitou faisait partie du territoire de Psalida, et que la région avoisinante s’appelait Fournia. Dix ménages, donnés en 1320 comme habitant Néakitou, se sont dispersés pendant cette période de dixhuit ans ; certains des anciens habitants, ou leurs descendants, peuvent d’ailleurs être retrouvés dans trois ménages, enregistrés en 1338 à Stomion et à Hiérissos (voir ci-dessus). Sur le. vaste territoire de Psalidofournia, on voit maintenant 30 familles avec. 105 personnes, toutes nouvellement installées et n’ayant aucun rapport avec les anciens habitants des métoques de Xénophon. Ainsi, au moins 45 nouvelles familles d’éleuthères ont fait leur apparition, pendant ces dix-huit années, en trois endroits, tandis qu’au moins 23 familles anciennes ont disparu sans laisser de traces. Tout en restant très pitoyable, la situation économique de ces paysans de Xénophon s’est pourtant quelque peu améliorée, en comparaison avec le passé, surtout dans l’agglomération la plus ancienne, celle de Stomion. Maintenant neuf familles y possèdent de toutes (1) Pour fies renseignements plus détaillés, voir mon article sur les éleulliéres (en langue serbe), mentionné ci-dessus. (2) Ibid.

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petites vignes (d’une superficie moyenne de 1 niod.). A Hiérissos personne n’en possède, tout comme par le passé ; dans les meilleurs cas, ces paysans ont quelque bétail. Parmi les familles nouvellement installées à Psalidofournia, 9 ont des lots de vigne en friche (χερσαμπελον). Le nombre des bêtes s’est accru : les 55 ménages ont 20 bæufs, contre 4 boeufs pour 33 ménages en 1320. 11 n’y a que 23 ménages, dont 14 nouvellemnt installés à Psalidofournia, qui ne possèdent rien. 11 est permis de supposer que les paysans rachetaient leurs vignes au couvent, à moins qu’ils ne les plantaient eux-mêmes, comme c’est au moins une fois le cas (*). Dans plusieurs cas, on nous dit que la vigne a été reçue en dot, lors d’un mariage (2), comme il est arrivé notamment à un paysan de Psalidofournia ; on peut supposer qu’une partie des nouveaux habitants sont arrivés assez longtemps avant 1338, puisque certains ont déjà pu acquérir quelques biens, ce qui demandait, nous le savons, pas mal de temps, même lorsqu’il s’agissait d’un « enrichissement » insignifiant. Les impôts payés par les paysans de Xénophon s’accroissent à mesure que leurs biens augmentent. Deux ménages de Stomion et un de Hiérissos payent 2/3 hyp. chacun (3), tandis qu’en 1320, personne ne payait une somme semblable. On peut aussi constater une certaine tendance au relèvement du taux de l’impôt, tendance qui se manifeste surtout dans le cas des nouveaux habitants de Fournia : ici des ménages qui ne possèdent rien d’autre qu’un boeuf, payent généralement 1/2 hyp. et un paysan de Stomion est également imposé à ce taux (4), tandis que dans les praktika précédents, des ménages semblables ne payaient que 1/3 hyp. Mais d’autre part, d’après le praktikon de 1338, un propriétaire d’un bæuf, dans cette même agglomération de Psalidofournia, ne paye que 1/3 hyp. (5) ; à Stomion, comme à Psalidofournia on trouve des ménages payant 1/2 hyp., bien qu’ils possèdent non seulement un bæuf, mais aussi une vigne et parfois du menu bétail (G), tandis que deux ménages de Stomion possédant chacun un bæuf et un lot de vigne payent 1/3 hyp. C). A Hiérissos, un ménage qui possède un bæuf, une vache et un âne paye 2/3 hyp. ; un autre, qui possède aussi un bæuf, une vache et un âne, paye 1/2 hyp.; un troisième, pour une vache et un âne, paye 1/3 hyp (8). D’une façon générale, les impôts dans le praktikon de 1338 sont répartis moins également que ceux du praktikon de 1318: les exemples cités, dont on pourrait multiplier le nombre,

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Xé n o ph . Xé n o pii . Xé n o ph . Xé n o ph . Xé n o ph . Xé n o ph . Xé n o ph . Xé n o ph .

n° n° n° n» n° n° n° n°

11, 24. 11, 13, 32, 34 et 264. 11, 21, 25 et 154. 11, 270, 271, 280, 285, 288 et 41. 11, 279. 11, 15, 18, 32, 39, 278. 11, 13 et 33. 11, 154-159.

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démontrent une fois de plus qu’il serait vain de chercher une règle précise selon laquelle les fonctionnaires byzantins auraient fixé dans chaque cas le taux de l’impôt. En 1318, Constantin Pergaménos et Georges Pharisée répartissaient les impôts d’une façon assez équitable, quoique, eux aussi, nous l’avons vu, commettaient des erreurs d’appréciation. En 1338, Constantin Makrinos se laissait guider par son inspiration, en prenant un plus grand soin des intérêts du couvent que de la justice et de l’égalité à l’égard des contribuables. Nous devons, certes, prendre en considération les erreurs qui auraient pu être commises par l’éditeur lors du déchiffrement. Mais ces erreurs ne peuvent pas être importantes, et ne sauraient changer l’impression d’enseble: le total des impôts versés par tous les paysans de Stomion s’élève, d’après le texte publié, à 7 hyp., tandis qu’en additionnant les sommes versées par les ménages séparés, nous obtenons 6 11/12 (l’éditeur a dû déchiffrer eu un endroit, 1/4 au lieu de 1/3) ; la somme totale de Psalidofournia est de 8 hyp., tandis que la vérification donne 8 2/3 hyp. ; la somme totale de Hiérissos n’est pas indiquée dans le document, mais en additionnant, nous obtenons 2 1/6 hyp. Ainsi ces pauvres laboureurs de Xénophon, dont les impôts variaient de 1/6 à 2/3 hyp., versaient au couvent, en 1338, pour l’impôt par feu, mie somme globale qui dépassait 17 hyp. On voit que l’installation d’éleuthcrcs sur les terres d'un seigneur était très avantageuse pour ce dernier. En dehors de la main-d’æuvre, il s’assurait une rente permanente, même lorsque ces paysans étaient dans un état de pauvreté extrême : à mesure que de nouveaux colons affluaient, la main-d’æuvre et la rente féodale s’accroissaient ; en vingt ans, les sommes que Xénophon percevait de ses paysans avaient triplé. 11 ne faut donc pas s’étonner si les féodaux byzantins s’efforçaient, par tous les moyens d’acquérir autant d’éleuthères que possible et de les installer sur leurs terres, en les attirant du dehors ou en les enlevant à leurs voisins. Dans certains cas, cela entraînait des litiges et des procès. Nous en trouvons un exemple fort curieux dans une charte d’octobre 1348, conservée dans les archives du couvent de Kutlumus au Mont Athos C1). Le couvent d’Alypiou, qui fusionna par la suite avec Kutlumus, avait porté plainte contre les « archontopouloi » de Serrés qui s’étaient emparés, au mépris de la loi, de ses éleuthères, et les avaient arrachés au métoque du couvent pour en disposer comme s’ils étaient à eux (ως Ιδίων). Confondus par les témoins, ces archontes se virent obligés de restituer au couvent les éleuthères, et de reconnaître devant le tribunal ecclésiastique de Serrés que les paysans appartenaient effectivement au monastère (Ιδίονς όντας αυτή, sc. τή μονή). Il est à noter que pour prouver ses droits devant les juges, le couvent n’invoqua pas seulement des témoignages dignes de foi, mais aussi un certain nombre de « docu-

(1) Actes de Kutlumus, éd, P. Lemevle, n° 21.

3-12

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nientsanciens» (παλαιγενών δικαιωμάτων), dont un prostagma impérial. Ceci montre une fois de plus que les éleuthères pouvaient être installés sur les terres d’un couvent depuis de longues années, sans perdre leur état et leur nom d’hommes « libres ». L’épisode montre, en outre, à quel point cette « liberté » était en réalité illusoire : ces paysans représentaient un objet de litige entre deux groupes de féodaux et furent reconnus, en fin de compte, comme appartenant à l’un d’entre eux. Condamnés à la misère, les éleuthères travaillaient pour le seigneur, lui payaient des impôts, et ne lui coûtaient pour ainsi dire rien. L’état lamentable des éleuthères de Xénophon indique clairement que ce couvent, tout en tirant d’eux des revenus, ne faisait aucun frais pour améliorer leur situation. Certains documents nous indiquent parfois que des seigneurs attribuaient des terres à leurs serfs, mais cela prouve seulement qu’ils savaient bien gérer leur fortune, puisque les stases paysannes représentaient, comme nous l’avons déjà vu, la partie la plus productive d’un domaine féodal, et puisqu’une augmentation de leur nombre entraînait, en définitive, l’augmentation des revenus du seigneur, l’accroissement de sa rente. Mais il ne faut pas oublier que les seigneurs, guidés uniquement par ces considérations économiques, attribuaient généralement des lots supplémentaires aux paysans relativement fortunés, et disposant de moyens suffisants pour les travailler. Ainsi, dans le praktikon slave de Chilandar, nous trouvons, concernant l’un des paysans du village de Gradac, la note suivante : « et on lui donna aussi 70 kobles de terre » (*). Or ce paysan possédait une paire de bæufs, trois vaches, cinq ruches, une vigne patrimoniale de 3 mod., une vigne reçue en dot de 11/2 mod. et un jardin de 1 1/2 mod. ; à tout ceci viendront s’ajouter 70 mod. de terre arable, qui lui manquait. Certes, nous voyons dans ce même village de Gradac, sur le territoire appartenant anciennement à la pronoïa de Gazis Syrianou avant de devenir propriété de Chilandar, une attribution de terre effectuée en faveur d’un pauvre paysan, Kostas Papilas, qui ne possédait qu’un seul bceuf ; mais il ne reçoit qu’un petit lot de 25 mod. (12). Les indications les plus nombreuses, concernant les lots supplémentaires, se trouvent dans le riche village de Mamitzon, transmis en 1323 à Kallinikos, hiéromoine de Chilandar. Ici, nous tombons à chaque pas sur l’indication : και γην διά παραόόσεως, les lots supplémentaires étant généralement ajoutés à la terre patrimoniale des paysans, dont la surface de ce fait augmente parfois jusqu’à 120 mod. (3). Donc il ne faut pas s’étonner si, dans ce domaine, la moitié du terrain se trouve morcelée entre les ménages paysans. Quant au couvent de Zographou, il ne semble pas avoir attribué de lots à ses paysans, qui pourtant ne disposaient pas de

(1) Chil. Slave 48. (2) Chil. Slave 214. (3) Par ex. Chil. n° 92, 61.

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beaucoup de terres. Si la propriété foncière des paysans de Zographou s’élève de 15 mod. en 1300 à 309 mod. en 1320, cette augmentation s’explique en premier lieu par l’acquisition de nouveaux villages avec, des stases paysannes de 250 mod. de terre arable et de 27 mod. de vignes : pendant cette même période, les propriétés paysannes de Hiérissos, village appartenant depuis longtemps au couvent, ne, s’agrandissent que de 15 à 59 mod., tandis que la superficie occupée par les vignes paysannes diminue de 36 1/2 à 19 1/2 mod., et ceci malgré l’accroissement énorme du domaine (voir p. 328 ss.). Le couvent de Xénophon, lui non plus, n'attribuait pas de terres à ses éleuthères pauvres. La prédominance des terres seigneuriales sur les terres paysannes, caractéristique pour tous les domaines féodaux, atteint son maximum dans les propriétés du couvent de Xénophon. En 1338, la superficie totale des vignes aux mains des paysans s’élevait à 17 3/4 mod. (dont 8 3/4 en friche), tandis qu’en 1320, sur 33 ménages, il n’y en avait que 2 détenteurs de vignes, d’une superficie totale de 2 2/3 mod. Quant à la terre arable, aucun paysan de Xénophon n’en avait jamais possédé. Or ce même monastère possédait, déjà en 1318, plus de 5000 mod. ; en 1320, ce chiffre s’élève à 8000 environ, et en 1338, à plus de 12000 mod. (les indications des praktika de Xénophon à ce sujet sont incomplètes et ne mentionnent pas, contrairement aux autres documens de ce genre,le montant des revenus des terres seigneuriales). On croirait à une plaisanterie en voyant le praktikon de Xénophon de 1338 affirmer, lorqu’il indique la quantité des terres seigneuriales (souvent désignées dans ces documents comme « terres en dehors des stases des parèques »), qu’il existe à Psalidofournia 3600 mod. de terre de labour άνευ μέντοι μερικών τινων οτασίων των e v t ô c τήζ τοιαντης περιοχής ξενοπαροίκων (1). Ne savons-nous pas que les stases de ces xénoparèques ne représentaient pas ensemble plus de 8 2/3 mod. de vignes en friche? Le terme ξενοπάροικοι mérite d’être relevé. Jusqu’à présent, on croyait qu’il désignait les parèques étrangers, c’est-à-dire des parèques venus d’un autre domaine et appartenant à un autre seigneur (12). En l’occurrence, on s’aperçoit que les ξενοπάροικοι ne sont que des éleuthères. Car les paysans de Psalidofournia appartiennent au couvent de Xénophon et ne sont pas rattachés à un autre seigneur, mais sont des éleuthères qu’on appelle parfois, comme nous l’avons constaté, « des étrangers » (ξένοι). Par conséquent, ce ne sont pas des parèques appartenant à autrui, mais des parèques nouveaux, autrement dit des éleuthères. Effectivement, lorsque les actes d’immunité confèrent aux couvents le droit de percevoir les impôts

(1) Xé n o ph . n° 11, 356. (2) Une série de témoignages concernant les xénoparèques ont été rassemblés et interprétés dans ce sens, entre autres par Soloviev-Mošin, p. 471.

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από τε παροικίαν, ξενοπαροίκων καί προσκαθημένων, ou lorsqu’ils confirment le droit de possession μετά και των ξενοπαροίκων καί παρθικών καί προσκαθημένων, ceci ne signifie naturellement pas qu’on leur·

nonfère la possession de parèques détenus par autrui, mais vient seulement confirmer leurs droits sur les paysans qui leur appartiencent, avec énumération des trois catégories fondamentales de la paysannerie dans la dernière époque de Byzance, les parèques, les proskathémènes, les éleuthères (’). Le praktikon slave de Chilandar énumérant les revenus des biens seigneuriaux du village deGradac, note : «Ou tomï žde sele abelopachto odï touždichï parikï B perïpere» (1 2). De toute évidence, le texte original se lisait comme suit : υπέρ τοϋ είς το τοιοϋτον χωρίον άμπελοπάκτου άπό των ξενοπαροίκων ύπέρπυρα δύο. Mais là encore, il ne faudrait nullement en conclure que le couvent de Chilandar louait de la vigne à des parèques étrangers, comme on le croyait jusqu’à présent : cela signifierait plutôt que les vignes seigneuriales du village de Gradac étaient cultivées par des xénoparèques qui versaient au couvent une taxe d’affermage de 2 hyp. par an, c’est-à-dire ces mêmes éleuthères que le praktikon de Chilandar inscrit effectivement comme attachés au village de Gradac. Les praktika de Xénophon fournissent des exemples de villages habités uniquement par des éleuthères T.es éleuthères prédominaient aussi, nous l’avons vu, dans le métoque de Gomatou, propriété de Lavra à Lemnos. Mais dans d’autres praktika, on rencontre aussi des éleuthères rattachés, comme un groupe spécial, à des villages où le gros de la population est composé de parèques. A en juger d’après le praktikon slave de Chilandar, sur les 127 ménages serfs installés dans les villages du couvent, en 1300, il y avait 19 ménages d’éleuthères. Dans le grand village de Gradac, il n’y avait que 7 ménages d’éleuthères sur 71 ; à Kamenica, on comptait seulement 2 ménages d’éleuthères et 16 ménages de parèques. Mais à Mounzeni et à Lozikion, les éleuthères représentaient la moitié de la population serve :

(1) Les passages cités viennent des chrysobulles octroyés par Étienne Dušan à Vatopédi en 1346 et à Xénophon en 1352 (Soloviev-Mošin, n° 11, 44 et n° 25, 21) ; le dernier passage concerne Néakitou, cette propriété du couvent de Xénophon que nous connaisons bien. Faudrait-il en conclure qu’en 1352, il y avait sur les domaines de Xénophon de vrais parèques, tels que le même chrysobulle en mentionne en parlant de Stomion et de Hiérissos? Il est impossible de résoudre ce problème puisque nous ne connaissons aucun acte du couvent de Xénophon dans l'intervalle entre le praktikon de 1338 et ce chrysobulle de 1352. Mais il est permis de supposer que le chrysobulle de Dušan cite, à toutes fins utiles, les catégories principales de la paysannerie serve, et que les termes de ce document ne doivent pas être interprétés littéralement, d’autant plus que les praktika de Xénophon eux-mêmes désignent leurs éleuthères tantôt connue πάροικοι, tantôt comme προσκαθήμενοι, (2) Chil. Slave, 528.

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dans chacun de ces deux villages, on comptait 4 familles de parèques et 5 familles d’éleuthères. Mais tandis que les parèques de ces villages jouissent d’une certaine aisance (à l’exception d’un ménage de Mounzeni, démuni de tout bien), les éleuthères, eux, se trouvent ici encore, dans la majorité des cas, dans un état lamentable. Certes, nous voyons à Lozikion un éleuthère, Georges Achladas, possédant un boeuf, un âne, 30 mod. de terre, payer un hyp. (l), et à Mounzeni, un éleuthère, Kosta Kumačanin, qui a acquis une paire de bæufs et laboure un champ de 50 mod., payer 2 hyp. (12). Mais ce sont là des cas exceptionnels, qui tranchent sur la pauvreté de l’ensemble des éleuthères. En dehors de ces deux ménages, dont la présence parmi les éleuthères est faite pour nous surprendre, aucun des éleuthères de Chilandar ne possédait de terre : 7 autres familles avaient du bétail, mais 10 ménages, sur les 19 installés dans les domaines de Chilandar, n’avaient absolument rien (3). Abstraction faite d’Achladas et de Kumačanin, les éleuthères de Chilandar ne payent pas plus de 1/2 hyp., et ici encore on ne peut établir pourquoi parmi ces indigents les uns doivent verser 1/4 hyp., d’autres 1/3 et d’autres même 1/2 hyp. (45 ). La veuve Kali Radova, qui ne possédait rien, payait seulement, probablement à cause de son veuvage, 1 1 /2 « dinar » (s), ce qui correspond probablement à 1 1/2 iniliar.. soit. 1/8 hyp., le taux le plus bas que nous avons pu rencontrer jusqu’à présent dans les praktika byzantins. Les éleuthères du village de Gradue prenaient à ferme, nous l’avons vu, des vignes du couvent, et pour cela versaient encore 2 hyp. par an. La plupart de ces éleuthères sans terre étaient probablement, eux aussi, de petits fermiers. Élément étranger, les éleuthères byzantins font penser à ces petits détenteurs de terre, dans les villages de l’Occident, qu’on désignait comme « hospites ». Les éleuthères byzantins ne fusionnent pas avec les parèques, tout comme les « hos(1) Chil. Slave, 369. (2) Chil. Slave, 333. (3) A Mounzeni, les quatre ménages de parèques possèdent 3 paires de bæufs, 6 vaches, 55 moutons, 250 mod. de terre, 4 mod. de vigne, et versent 9 2/3 hyp. ; les 5 ménages d’éleuthères ont une paire de bæufs, un boeuf, 50 mod. de terre, et paient 3 3/4 hyp., la paire de bæufs et toute la terre étant en possession de la seule famille de Kosta Kumačanin qui paye, à elle seule, 2 hyp. A Lozikion, les 4 ménages de parèques disposent de 3 paires de bæufs,14 vaches, un cheval, 34 cochons, 30 moutons, 200 mod. de terre arable, 16 mod. de vigne, de 65 ruches, et versent 9 hyp. ; les 5 ménages d’éleuthères disposent de 3 boeufs, 3 vaches, 2 ânes, 6 cochons, 25 moutons, 30 mod. de terre, et sont imposés de 3 hyp. Il reste à noter que les éleuthères de Gradac étaient encore plus pauvres et que les 2 familles d’éleuthères de Kamenica ne possédaient absolument rien. (4) La famille indigente de Michel à Mounzeni était même imposée de 2/3 hyp. Chil. Slave 324. (5) Chil. Slave 305.

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pites » occidentaux ne se confondent pas avec les détenteurs des nianses. Dans le praktikon de Chilandar, ils sont toujours séparés des parèques, sous la rubrique spéciale des éleuthères, dénomination qu’ils conservent même après leur installation sur les terres du couvent. Le praktikon de Zographou de 1300 les sépare des parèques d’une manière encore plus nette : tandis que dans le praktikon de Chilandar, les impôts des éleuthères, quoique cités séparément, sont dans le total englobés avec les impôts par l'eu des parèques de chaque village, le praktikon de Zographou distingue les impôts des parèques et ceux des éleuthères. Comme on l’a vu, les praktika font une distinction entre deux catégories fondamentales de revenus du seigneur : d’une part, les impôts que les parèques payent par feu, de l’autre, tous les autres revenus, comprenant les divers paiements supplémentaires des parèques, ainsi que les revenus des terres seigneuriales indivises et des autres biens du propriétaire. Chacun de ces deux groupes est totalisé séparément, et à la fin on calcule le total de la rente du seigneur. Ainsi le praktikon de Zographou de 1300 donne d’abord la liste des parèques, et les versements fonda mentaux qu’ils font par feu. Après avoir totalisé la somme versée par les parèques comme impôt par feu, appelée ici υικούμενο)·, le document mentionne la taxe supplémentaire parçue sur les parèques, « ophéleia >>, et seulement ensuite deux familles d'éleuthères et leurs impôts, en terminant par un inventaire des terres seigneuriales et de leurs revenus. Ainsi les éleuthères ne sont pas seulement complètement séparés des parèques, mais leurs impôts mêmes ne sont pas additionnés aux impôts par feu, versés par les paysans, mais aux revenus supplémentaires. L’un de ces éleuthères dispose d’une vache, l’autre ne possède rien ; chacun de ces hommes paye un impôt de 1/4 hyp. Au nom du premier, on a ajouté l’explication caractéristique suivante. : εϊπερ εστιν ελεύθερος (x). Ainsi, le trait distinctif des éleuthères, tel qu’il resssort de tous les documents, c’est leur pauvreté extrême (1 2). Ces suobodnici, comme (1) Cette expression correspond parfaitement à l’indication qui se trouve à plusieurs reprises dans le praktikon slave de Chilandar, et qui a beaucoup intrigué les chercheurs : jere sou jelevteri. Malgré l’affirmation de Pančcnko, ceci n’a aucun rapport avec la ville de Hiérissos, mais signifie simplement : « puisqu’ils sont éleuthères . On peut dire avec certitude que, tout comme dans le praktikon de Zographou de 1300, l’original du praktikon slave de Chilandar, rédigé à la même époque et par la même personne, contenait le passage : εϊπερ είσίν ελεύθεροι, ce qui se traduirait, même en serbe moderne, exactement comme l’a fait le traducteur du praktikon de Chilandar: « jer su elevteri ». (2) Les deux paysans avec leur famille mentionnés dans le fragment du premier praktikon d’Esphigménou, après l’énumération des parèques, étaient certainement, eux aussi, des éleuthères (le fragment publié contient seulement une partie du passage qui concerne le dernier des parèques). Le premier de ces paysans est désigné comme προακαθήμενος άνυποτελής, le deuxième comme άνθρωπος άνυποτελής. Toutefois, chacun d’eux faisait certains ver-

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les désigne un passage du praktikon slave de Chilandar, « gens libres», constituaient le prolétariat des campagnes. Dans la plupart des cas, c’étaient certainement des serfs en fuite, ou des paysans libres ruinés. N’ayant pas de foyer, ne possédant aucun bien, ils menaient une existence vagabonde, et même lorsqu’ils s’installaient dans les domaines des féodaux, se. plaçaient sous leur protection et devc. naient leurs dépendants, ils ne sortaient que. rarement de cet état d’extrême misère, ne prenaient pas de domicile fixe, et ne fusionnaient pas avec la population permanente des parèques.

IX. — Le praktikon du pronoïaire Michel Monomaque. Ainsi, nous avons pris connaissance des données fournies par une série de praktika sur les charges et la situation économique de la population paysanne serve installée dans les propriétés des couvents byzantins. Nous avons vu que l’imposition n’était pas toujours égale, mais que, malgré cela, scs règles sont semblables dans tous les praktika que nous avons pu analyser, et que partout se manifeste plus ou moins la mémo corrélation entre Je taux de l'impôt par feu et la situation de fortune des familles paysannes. En principe, les gens tout à fait pauvres, ou ne possédant absolument rien, payent moins d’un hyp. ; un taux d’un ou de un et demi hyp. est appliqué aux paysans très peu fortunés ; et seuls les contribuables imposés de 2 hyp. ou plus disposent d’une certaine aisance. Mais c’est en contradiction radicale avec cette norme générale que nous apparaissent les taux de l’impôt par feu des paysans dans le praktikon délivré en janvier 1333, au pronoïaire Michel Monomaque, après qu’il eut reçu en propriété héréditaire deux villages près du Strymon. Les pronoïai, ces domaines byzantins qu’on donnait primitivement en propriété provisoire, conditionnée par Γaccomplissement d’un service déterminé, se transforment de plus en plus, à partir du xive siècle, en possessions héréditaires : évolution qui indique le renforcement de la classe des grands féodaux, avec la complicité d’un pouvoir central faiblissant (*). C’est de cette façon que le chrysobulle impérial transforme en possession héréditaire une partie de la pronoia détenue par l’éparque Michel Monomaque. 11 est à noter qu’eu définissant le domaine destiné à devenir héréditaire, l’empereur n’en indique pas la superficie, mais le montant des revenus annuels : il confère à Monosements : le premier, qui possédait un mulet, payait 1/4 hyp. ; le deuxième, qui ne posédait rien, payait même (nous ne savons pas pour quelle raison) 1/2 hyp. Contrairement au praktikon de Zographou, mais conformément au praktikon slave de Chilandar, ces versements sont comptés dans la somme globale des impôts par feu versés par les paysans, et désignée, ici encore, comme οίκούμενον. Voir Esph., p. xiv, (1) Voir Pronoia, chap. vin.

348

LES PRAKTIKA BYZANTINS

iliaque, en propriété héréditaire et sans obligation de service, une rente de 50 hyp. (1). Pour assurer cette rente au bénéficiaire, deux villages, Chantax et Nision, lui sont remis à titre héréditaire, tandis que le praktikon délivré contient le calcul détaillé des revenus qui en découlent, exactement comme cela se fait dans les autres praktika qui énumèrent tous les articles dont se compose la somme de la rente féodale. Le système est absolument identique dans le praktikon de Monomaque et dans les praktika des couvents. Il est d’autant plus frappant de constater une différence, en comparant les taux d’imposition d’après lesquels sont calculés les revenus dans le praktikon du pronoïaire Monomaque, et ceux qui sont adoptés à la même époque par les rédacteurs des praktika concernant les biens patrimoniaux des couvents. Il saute, en effet, aux yeux que les paysans serfs de Monomaque payent une taxe par feu beaucoup plus basse que les paysans de même situation de fortune qui sont serfs d’un couvent. Quoique les paysans installés dans les villages proches du Strymon, octroyés à Monomaque, s’adonnassent incontestablement à la pêche (26 ménages sur 27 possédaient des barques monoxyles), les 20 familles de Chantax, sans exception aucune, disposaient toutes des terres arables et de vignes, les 7 ménages de Nision possédaient tous, eux aussi, des champs, et 4 également des vignes ; la majorité écrasante des paysans des deux villages possédaient aussi du bétail. Néanmoins, beaucoup de paysans de Monomaque ne payent que 1/2 hyp. et aucun ne paye plus de 1 1/2 hyp. (1 2), quoiqu’ils soient beaucoup plus riches que les paysans des couvents imposés au même taux. Ainsi Théophylacte, premier dans la liste des paysans de Monomaque, imposé de 1/2 hyp., possédait une paire de bæufs, une vache, 3 cochons, une barque, 1 inod. de vigne et 25 mod. de terre arable (3). Parmi les paysans du couvent de Zographou, on voit imposés au même taux la veuve Eudoxie, qui ne possédait rien en dehors de 1 /2 mod. de vigne, Karamalas qui ne possédait que 2 mod. de vigne (45), et une série de paysans du couvent de Chilandar, qui, eux aussi, n’avaient que de petites parcelles de vigne (·) ou un seul bæuf (6) ou même rien du tout (7). Jean, gendre de Smedko, possesseur d’un bæuf, 2 vaches et un lot de vigne de 1/2 mod., était le

(1) Zogr. n° 29, 4 : ποσότητα νπερπύρων πεντήκοντα κα'ι άνευ δουλείας. (2) A Chantax, 6 familles payaient 1/2 hyp. chacune, 6 familles 11/2 hyp. : à Nision 1 famille payait 1/2 hyp., 3 familles 11/2 hyp. (3) Zogr. n® 29, 16. (4) Zogr. n° 53, 14 et n° 15, 29. (5) Chil. Slave 145, 412, 418, 433. (6) Chil. Slave 211, 246, 275, 280, 296, 307, 481, 489, (7) Chil. Slave 336, 338, 377, 491, 493.

ώς γονικήν αύτοϋ

8 familles 1 hyp. et 3 familles 1 hyp. et

508.

LES PRAKTIKA BYZANTINS

349

plus « riche » parmi les paysans de Chilandar imposés de 1/2 hyp. ζ1), si l’on fait abstraction du prêtre Nicolas le Serbe, qui, bénéficiant des privilèges de l’état ecclésiastique, payait la même taxe tout en possédant un bæuf, 2 chevaux et une vigne d’un mod. (12). Ainsi une taxe de 1 1/2 hyp. était versée, parmi les paysans de Monomaque, par Georges Tzivinis de Chantax, possesseur d’uue paire de boeufs, une vache, deux cochons, une barque, 3 mod. de vigne et un champ de 25 mod., ainsi que par Constantin Bagianos de Nision qui possédait un bæuf, une vache, un bateau, une vigne de 5 mod. et un champ de 70 mod. (3). Parmi les paysans du couvent de Zographou, le même impôt de 11/2 hyp. était versé, par exemple, par la veuve Marica, qui avait un bæuf, deux vaches, un âne, 20 mouton et une vigne avec un jardin de 1 mod., et Constantin Pendikondaris, possesseur d’un bæuf, d’une vigne de 4 mod. et d’une vigne non cultivée de 5 mod. (45 ) ; et parmi les paysans de Chilandar, par Kosta, fils de M. Limlianis, qui avait une paire de boeufs, deux vaches et une vigne de 2 mod., ou par Démétrius Phrougos, qui possédait une paire de boeufs et une vigne de 4 1/2 mod. (6). Mais si nous cherchons des ménages, installés sur les propriétés monastiques, dont la fortune correspond à peu près à celle des paysans de Monomaque, imposés de 1 1/2 hyp., nous constaterons que ces ménages payaient 2 1/2 hyp., comme par exemple le paysan de Chilandar Manuel, originaire de l’ancienne pronoia de Gazis Syrianou, qui avait une paire de boeufs, 3 vaches, une vigne de 1 1 /2 mod. et un champ de 50 mod. (c) ; et parfois même 3 hyp., comme Jean, fils de Christodoulos, paysan du même couvent, qui avait une paire de boeufs, une vigne de 2 mod., un jardin de 1/2 mod. et un lot de terre de 50 mod., ou comme la veuve Théodora, paysanne de Zographou, qui avait une vigne de 4 mod. et une terre de 100 mod., mais ne possédait aucun bétail (7) ; seul le prêtre Démétrius Matzoukis, qui apparaît parmi les paysans de Zographou comme un contribuable privilégié, versait 11/2 hyp. en possédant une vache, 6 mod. de vigne et 50 mod. de terre (8), s’approchant ainsi de la situation de fortune des paysans de Monomaque imposés au même taux. Il serait aisé de multiplier des exemples de ce genre. Mais quoiqu’ils soient très significatifs, il ne nous est pas possible de nous faire une idée complète et exacte du taux de l’imposition en comparant la situation des divers ménages, puisque les exemples cités font ressortir eux-mêmes qu’il y a une inégalité dans la taxation des (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Chil. Chil. Zogr. Zogr. Chil. Chil. Chil. Zogr.

Slave 402. Slave 387. n° 29, 32 et 65. n» 53, 17 et n° 15, 22. Slave 248 et 192. Slave 173. Slave 76 ; Zogr. n" 17, 63. n° 17, 47.

350

LES PRAKTIKA BYZANTINS

ménages, et ceci dans le même village, la même propriété seigneuriale. Pour obtenir un tableau vraiment exact, où la part du hasard, inévitable si l’on choisit des ménages, se trouve éliminée, nous ferons le compte de tous les biens des ménages paysans dans les villages de Chantax et de Nision, donnés à Monomaque, et nous comparerons le résultat avec le compte de tous les biens des ménages paysans dans des villages monastiques pour lesquels la somme le l’impôt par feu correspond approximativement à la somme versée par les ménages de Chantax et de Nision. Comme exemple particulièrement approprié, nous prenons les villages de Hiérissos, Anô-Antigonia et AnôVolvos, qui étaient en 1320 propriété du couvent de Zographou et qui, selon le praktikon de ce monastère, versaient en tout 27 1/3 hyp. d’impôt par feu (voir p. 324, η. 1), contre 27 1/2 hyp. (x) versés par les paysans de Monomaque à Chantax et Nision. Les résultats de cette comparaison sont présentés dans le tableau ci-dessous, où nous donnons également le nombre des paysans installés dans les villages : I - Villages de Monomaque : Chantax et Nision (Zogr., n" 29). II = Villages de Zographou : Hiérissos, Anô-Antigonia, Anô-Volvos

(Zogr., n° 17).

39

26

II

22

37

35

5

22





III

5

14

1

1

9 (3)

39

26

pa r f e u

31

54 1/2 mod. 46 1/2 mod. (12) 8 mod.

734 mod. 309 mod. 425 mod.

27 1/2 hyp. 27 1/3 hyp. 1/6 hyp.

|

Ta x e

6

a r a bl e

36

Te r r e

51

Vig n e s

Ba r q u e s

j

Co c h o n s

j

|

Gr o s b é t a il

27

Têtes

I

Femmes

2 £ < S ïï S K

1

Mé n a g e s

Ze u g a r ia (2 bæufs)

i

!

III = En plus pour Monomaque.

(1) Cette somme est indiquée comme total de l’impôt par feu,par le praktikon lui-même : Zogr. n° 29, 76. Mais si l’on additionne les chiffres indiqués par ménage, on obtient 28 hyp. Quelque chiffre a probablement été mal lu par les éditeurs. (2) Y compris 4 mod. de vigne non cultivés. Par contre un ménage de Hiérissos possède 2 jardins de 1 1/3 mod. et de 11/2 mod., et un autre ménage, 3 figuiers. (3) Par ailleurs, les paysans de Monomaque sont plus riches en bæufs (en dehors des zeugaria, ils possèdent encore 13 bæufs pourl2 ménages,tandis qu’un seul ménage de Zographou possède un bæuf) ; ils ont aussi plus de vaches (17

LES PRA.KTIKA. BYZANTINS

351

Ainsi, malgré un total presque égal pour l’impôt par feu, les paysans de Monomaque sont beaucoup plus riches que ceux du couvent de Zographou, en ce qui concerne le bétail, et surtout la terre. 11 suffit de se rappeler que l’excédent de 425 mod. de terre devrait donner un excédent d’au moins 8 1/2 hyp., même en prenant pour base l’évaluation selon laquelle on calcule le revenu moyen des terres seigneuriales indivises. Or nous voyons que les 27 ménages de Chantax et Nision, de situation de fortune à peu près égale, et tous assez aisés, versent seulement 1/6 hyp. de plus que les 22 ménages de Zographou, quoique plusieurs de ceux-ci soient dans une situation lamentable. Il n’y avait que peu de paysans de Zographou aussi aisés que ceux de Monomaque, mais eux aussi étaient imposés pour 2-3 hyp., tandis que personne, chez Monomaque, n’est imposé à en taux aussi élevé (x). 11 apparaît que cette position privilégiée des paysans de Monomaque s’explique par le fait qu’ils appartiennent à une pronoïa (2). chez les paysans de Monomaque et 13 chez ceux de Zographou),tandis que les paysans de Zographou sont plus riches en ânes ; 8 tic leurs ménages ont un âne chacun, tandis qu’un seul des paysans de Monomaque en a un aussi. (1) Dans les villages de Monomaque. 7 ménages paysans payaient 1 /2 hyp. chacun, 11 ménages 1 hyp.. !) ménages 1 1/2 hyp. Dans tes villages de Zographou, 1 ménage payait 1/6 hyp., 6 ménages 1/3 hyp., 3 ménages 2/3 hyp. (conformément à la note 1 de la p. 324, nous ajoutons ici un ménage pour lequel le texte indique 2 1/2 hyp.), 4 ménages 1 hyp., 1 ménage 11/2 hyp., 1 ménage 2 hyp., 4 ménages 2 1/2 hyp., 1 ménage 2 2/3 hyp. et 1 ménage 3 hyp. (2) Dans son ouvrage Les actes du Couvent de Zographou, p. 412 sq., Bezobrazov a déjà fait remarquer que les paysans de Chantax et de Nision étaient imposés à un taux beaucoup plus bas que les paysans enregistrés dans le praktikon de Zographou de 1320. Mais il n’a donné aucune explication satisfaisante à ce fait qui saute aux yeux de chacun, et il n’était pas en état de le faire, puisqu’il n’a pas remarqué qu’il s’agit en l’occurrence, non pas de paysans appartenant à un couvent, mais de paysans d’une pronoïa. Certes, Bezobrazov a supposé que « dans ce praktikon on ne prend généralement pas en considérations les lots de terre ». Mais il semble qu’il ait été le premier à considérer cette explication comme insuffisante. Ne notait-il pas, après avoir émis une série d’autres hypothèses aussi mal fondées, à propos de divers problèmes soulevés par ce document : « tout cela n’est que suppositions, mais en l’occurrence, on doit malheureusement se contenter d’hypothèses»? Il est effectivement difficile de comprendre comment ces lots de terre, qui représentent l’objet essentiel de l’imposition, n’auraient pas été pris en considération, et pourquoi, dans ce cas, ils seraient inscrits à la rubrique de chacun des ménages paysans. Pourquoi, dans ce cas, la veuve Kyriako, détentrice de 70 mod. de terre et d’une seule vache, est-elle imposée de 1 1/2 hyp., taux le plus élevé dans le praktikon de Monomaque (Zogr. n° 29, 71), tandis que son voisin Photius, possesseur d’un bæuf, une vache, un âne, une vigne de 2 mod.,'mais seulement 3 mod. de terre arable, ne paye pas plus de 1 hyp. (ibid.. 60)? La réponse est qu’il ne possède que très peu de terres, tandis que Kyriako en a beaucoup plus.

352

LES PRAKTIKA BYZANTINS

Il est vrai que les deux villages dont le praktikon de Monomaque donne l’inventaire ont passé de l’état de pronoïa à celui de possession héréditaire libérée de l’obligation du service. Mais de toute évidence, lors de cette transformation, on n’a apporté aucun changement au calcul des revenus : ils sont évalués, dans le praktikon octroyé à Monomaque, au même montant que précédemment, tels qu’ils l’étaient dans le praktikon de sa pronoïa. Il est en effet difficile d’imaginer que l’ordre par lequel l’empereur détachait en faveur de Monomaque, d’une pronoïa qui lui appartenait déjà, une possession héréditaire d’un revenu de 50 hyp., aurait pû être interprété et exécuté autrement que par simple détachement de la pronoïa,et remise,à titrehéré ditaire, d’un domaine dont les revenus, d’après le praktikon de Monomaque, représentaient la somme de 50 hyp. Dans ce cas, la pronoïa, ou plutôt une partie de cette pronoïa, est simplement inscrite, au nom de son ancien possesseur, comme domaine héréditaire, sans autre changement. Mais lorsque le domaine d’un pronoïaire passait entre les mains d’un autre propriétaire, à titre patrimonial, il était naturel que l’on procédât à une nouvelle évaluation des revenus, d’après le calcul adopté pour les domaines patrimoniaux. Nous avons vu qu’une grande partie des domaines du couvent de Chilandar était composée d’anciennes pronoïai, mais leurs revenus et le taux d’imposition des paysans ne se distinguaient guère de ceux des autres paysans de Chilandar, tout en se distinguant nettement des revenus des terres et des paysans de Monomaque. La conclusion à laquelle nous sommes arrivés, au sujet de la situation privilégiée des paysans pronoïaires en ce qui concerne l’imposition, n’est pas seulement importante pour l’étude des particularités des divers praktika, mais aussi pour comprendre l’institution de la pronoïa. En raison même de l’importance de cette conclusion, il est nécessaire de faire certaines réserves, et de rappeler qu’elle ne repose que sur un seul document, puisque nous ne possédons, en dehors du praktikon de Monomaque, aucun inventaire d’un domaine pronoïaire. La publication d’autres praktika de pronoïaires viendra confirmer ou infirmer nos conclusions. D’ici là, nous pouvons renforcer notre thèse en continuant l’analyse du praktikon de Michel Monomaque, et en passant de la taxation des ménages paysans serfs au calcul des revenus des terres seigneuriales du pronoïaire. En effet, si nous constatons qu’un mode particulier d’établissement de l’impôt était adopté pour les serfs du pronoïaire, on pourrait s’attendre à ce que le revenu des terres seigneuriales indivises soit lui aussi calculé d’une façon différente pour les pronoïaires et pour ceux qui détenaient ces terres à titre héréditaire. Le praktikon de Monomaque nous fournit la preuve qu’il en était ainsi. En nous appuyant sur un grand nombre d’exemples, nous avons pu constater qu’en calculant les revenus des terres seigneuriales suites domaines patrimoniaux des couvents, on adoptait généralement une estimation moyenne d’un hyp. pour 50 mod. Dans un cas, nous avons même vu une estimation d’un hyp. pour 25 mod. adoptée pour

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353

une terre de haute qualité, celle d’une partie du village de Mamitzon, octroyée par un praktikon à Kallinikos, moine de Chilandar. Comment a-t-on calculé le revenu des terres seigneuriales de Monomaque? Celui-ci possédait, dans les divers lots de Chantax, 400 mod. de terres seigneuriales indivises, et à Nision, 150 mod. ; au delà du Strymon, il disposait encore d’un jardin de 25 mod., c’est-à-dire au total 575 mod.: le revenu de tous ces lots était évalué à 7 hyp. et englobé dans le total des impôts par feu (ρίκουμενον) des paysans (*). Ainsi, contrairement aux données concordantes des praklika monastiques, l’impôt d’un hyp. est prélevé ici, non pas sur 50, mais sur plus de 80 mod. Il est vrai, si l’on se reporte au praktikon de. Monomaque, que sur les 150 mod. de terre à Nision, il n’y avait que 50 mod. fertiles, tandis que les 100 autres étaient en friche ou marécageux ; mais il devait y avoir aussi des terres de ce genre, en quantité appréciable, dans les domaines monastiques auxquels on appliquait l’estimation générale d’un hyp. pour 50 mod. Quant aux 400 mod. de terre de Chantax, on ne trouve à leur sujet aucune indication spéciale : on pourrait donc en conclure que cette terre était tout entière 'fertile et considérée comme terre de première qualité, de même que le tiers de la (terre de Nision, dont ils est dit qu’elle est ΰπεργος. Effectivement, les terres seigneuriales de Monomaque étaient cultivées directement par ses parèques, tout comme la terre de haute qualité appartenant à Kallinikos, au village de Mamitzon, n’était pas affermée, mais cultivée par corvée des parèques, avec une imposition d’un hyp. pour 25 mod. Par suite le revenu de ces terres seigneuriales de Monomaque était ajouté aux taxes par feu versées par les paysans. Enfin, il ne faut pas oublier que 25 mod. des terres seigneuriales de Monomaque étaient constitués par un jardin, qu’on devait évaluer, de toute évidence, à un taux beaucoup plus élevé que celui appliqué aux terres arables de la meilleure qualité. D’après l’estimation que nous trouvons dans un des praktika du couvent d’Esphigménou (1 2), ce jardin devait donner, à lui seul, un revenu de 4 hyp. Mais même en adoptant, pour toutes les propriétés seigneuriales de Monomaque y compris le jardin, l’estimation moyenne couramment appliquée aux terres seigneuriales indivises, leur revenu devrait atteindre 11 1/2 hyp,, surpassant ainsi le revenu indiqué dans le praktikon de plus de 60 °/o. La situation que nous décrit le praktikon de Monomaque se distingue encore en ceci de la situation générale des propriétés monastiques, que la terre seigneuriale indivise représente généralement dans ces dernier cas une superficie beaucoup plus vaste que la terre attribuée en lots aux ménages paysans, tandis que dans les villages donnés à Monomaque, c’étaient les terres paysannes qui formaient la plus

(1) Zogr. n° 29, 77-83. (2) Esph., p. xvi, indique pour un jardin de 4 mod. un revenu de 2/3 nom., adoptant ainsi une estimation de un nom. pour 6 mod.

La Pb o n o ïa , — 23.

354

l es

pr a k t ik a

b y z a n t in s

grande surface. En effet, les paysans possédaient à Chantax 479 niod. de terre arable, tandis que le seigneur disposait, en propriété immédiate, de 400 mod. ; à Nision, la superficie des lots paysans s’élevait à 225 mod., celle des terres seigneuriales à 150 mod. seulement. Point n’est besoin d’expliquer tous les avantages que comportait une situation semblable pour le propriétaire, puisque la terre distribuée en lots aux ménages paysans représentait toujours, comme nous avons pu le constater, la partie la plus productive, et la plus rentable d’un domaine féodal. Toutefois, nous n’avons aucun motif de considérer cette relation comme typique pour toutes les propriétés pronoïaires. Gradac, village de Chilandar, composé dans le passé par moitiés d’un grand domaine patrimonial et de six propriétés pronioïaires moins importantes, possédait en quantité considérable des terres seigneuriales indivises, six fois plus étendues que les champs de labour attribués aux paysans. Il est permis de supposer que cette terre indivise avait été remise au couvent dejChilandar par des propriétaires de domaines patrimoniaux, comme par les détenteurs de pronoïa. Michel Monomaque avait reçu â titre héréditaire une partie de sa pronoïa, mais le décret impérial n’indiquait pas quelle partie devait être choisie pour cela, se contentant d’en fixer la rente annuelle à 50 hyp. Ainsi le fonctionnaire, chargé de l’opération, pouvait à son gré attribuer à Monomaque, en possession héréditaire, n’importe quelle partie de sa pronoïa, pourvu qu’elle rapportât le revenu indiqué, et il est permis de supposer que ce fonctionnaire, par amitié ou par intérêt, avait attribué à Monomaque, la partie la meilleure et la plus rentable de son domaine, avec une quantité importante de lots paysans, et une quantité relativement moins importante de terre seigneuriale. Nous pouvons expliquer de la même façon la quantité relativement grande de lots paysans qu’on trouve dans le tiers du village de Mamilzon attribué à Kallinikos, hiéromoine de Chilandar. Quels que fussent les motifs, amitié ou intérêt, ou les deux ensemble, par lesquels se laissait guider le grand veneur Jean Vatatzès, chargé de la remise de Chantax et de Nision à Monomaque, il paraît en tout cas certain qu’il prenait bien à cæur les intérêts de Monomaque, et qu’il s’efforçait de lui assurer, par tous les moyens, des avantages. Le praktikon délivré par ses soins le démontre d’une façon flagrante. Ayant reçu de l’empereur l’ordre d’assigner à Monomaque une partie de sa pronoïa transformée en bien héréditaire portant un revenu de 50 hyp., le grand veneur Vatatzès inscrit au nom de Monomaque, en possession héréditaire, des terres et des paysans des villages de Chantax et de Nision, dont les versements devaient s’élever à 5ü 1/2 hyp. par an (x). En vérifiant l’addition des divers articles on arrive même à un chiffre total de 51 hyp. Loin de se contenter de cette décision, Vatatzès attribue à Monomaque, de sa propre intiative, un revenu de 18 hyp. sur les

(1) Zogr. nu 29, 19 3,

Le s pr a k t ik a

b y z a n t in s

355

salines de Choudina et Nevoliana, sous prétexte que ces salines avaient appartenu depuis toujours à Chantax et avaient été détenues par Kassandrinos ζ1), qui était probablement l’ancien pronoïaire. A ces 18 hyp. Vatatzès ajoute ensuite un autre revenu de 15 1/2 hyp. provenant des barques monoxylcs et du débarcadère des marchandises (12). Ces taxes provenaient probablement des mêmes paysans de Chantax qui possédaient tous, comme il est spécifié, des barques : ceci expliquerait l'indication suivante, donnée après les calculs de ces revenus supplémentaires généreusement octroyés à Monomaque par Jean Vatatzès : άΐ’τ'ι οίκουμένου ύπέρπυρα τριάκοντα τρία ημισυ. Ainsi donc, le grand veneur Vatatzès avait fait don à Monomaque, d’une façon parfaitement arbitraire, d’une rente de 84 hyp., au lieu de la rente de 50 hyp. accordée par l’empereur. En tenant compte d’un pareil sans-gêne, qui projette une lumière crue sur les mæurs des fonctionnaires byzantins, on pourrait supposer que la répartition privilégiée des revenus et des taux d’impôts dans le praktikon de Monomaque, que. nous avons soulignée, s’expliquerait moins par une imposition privilégiée des domaines pronoïaires que par une action arbitraire d’un fonctionnaire soucieux d’accorder des avantages spéciaux au pronoïaire en question. Toutefois, nous sommes porté à croire qu’en détachant pour la transformer en possession héréditaire une partie de la pronoïa de. Monomaque, le grand veneur Vatatzès ne pouvait, si effronté fût-il, procéder à un abaissement des taux indiqués dans le praktikon du pronoïaire : la seule chose qui lui était permise était de ne pas les augmenter, et c’est selon toute probabilité ce qu’il a fait. Une réponse définitive à ce problème nous sera fourni par la publication d’autres praktika de pronoïaires, en particulier le praktikon d’Alexis Raoul, dans les archives du même couvent de Zographou. Si l’on constate qu’ici encore les taux sont moins élevés que ceux qui nous sont, connus par les propriétés patrimoniales des monastères, notre conclusion concernant l’imposition privilégiée des terres pronoïaires et de leurs paysans,motivée parles obligations spéciales imposées aux prouoiai, se trouverait confirmée. Dans le cas contraire, on devra effectivement admettre qu’en calculant les revenus des domaines accordés à Monomaque en possession héréditaire, le grand veneur Vatatzès a commis une action arbitraire en faveur d’un parent ou d’un ami. D’ailleurs Michel Monomaque n’eut pas longtemps à jouir de bienfaits de l’empereur Andronic III, augmentés par les soins du grand veneur Vatatzès. A l’époque troublée de la guerre civile qui

(1) Ibid., 93-96. (2) Ibid. 96-98. Le texte indique même 50 hyp., mais il s’agit là probablement d’une erreur : au lieu de πεντήκοντα, il faudrait lire πεντεκαίδεκα ou πεντεκαίδεκα ήμισν, puisque la somme totale des deux articles ou revenus dont Vatatzès faisait cadeau à Monomaque est donnée comme se montant à 33 1/2 hyp.

356

LES PRAKTIKA BYZANTINS

éclata après la mort de ce souverain, le gouvernement de Jean V annula la donation et accorda Chantax au couvent de Zographou, sur la demande de Jean Alexandre, tsar de Bulgarie, par un chrysobulle daté de Janvier 1342 (*).

X. — Prédominance de la rente monétaire. Taxes supplémentaires et corvées. C’est un trait important et caractéristique du régime féodal byzantin, que l’économie des propriétaires féodaux, comme il ressort avec clarté de nos praktika, reposait presque entièrement sur une base monétaire, et que la rente féodale, dont l’évaluation précise était le but essentiel d’un praktikon, était essentiellement une rente versée en espèces. Nous avons vu que les redevances fondamentales des paysans byzantins serfs, les taxes par feu, étaient versées uniquement en espèces, et que les revenus des terres seigneuriales indivises étaient, eux aussi, calculés en unités monétaires. Nous savons qu’en dehors de l’impôt principal perçu séparément sur chaque ménage paysan, ces paysans étaient soumis à toute une série de redevances supplémentaires pesant sur toute la commune villageoise, ou sur toute la population serve d’un domaine féodal. Mais ces redevances supplémentaires, à l’origine généralement payées en nature, se ramenaient elles aussi à des versements en espèces. La corvée paysanne, dans le système de l’économie féodale de Byzance, occupait une place relativement restreinte, moindre que n’importe où ailleurs dans le monde médiéval. L’économie monétaire ayant atteint un niveau très élevé dans l’empire byzantin, la rente en espèces y prédominait sur la rente eu nature ou en corvées, tout comme l’Etat byzantin lui-même percevait en espèces les impôts de tout genre, et remplaçait de plus en plus par des versements en espèces les anciennes redevances en nature, et même l’exécution de travaux publics (a).

(1) Zogr. n° 31. Comme l’indique F. Dô l g e r , Die Mühle von Chantax, Εις μνήμην Σπ. Λάμπρου I (1933), 13 sq., des deux manuscrits de ce chrysobulle conservés dans les archives du couvent, le document B doit être considéré comme authentique, tandis que le document A, ainsi que les actes Zogr. n° 32, 33 et 34, est un faux. (2) C’est en vertu de cela, par exemple, que la αυνωνή, Vannona de l’époque romaine tardive, connue encore par Byzance au vi° siècle comme livraison obligatoire de blé pour l’armée, mais déjà remplacée parfois par des versements en espèces (cf. Cad. Just. X, 27, 2 ; Νου. Just. 130 ; Pr o c o p . III, 1, p. 142-143, éd. Haury) s’était transformée, dès le xe siècle, au plus tard, en impôt foncier perçu en espèces, et c’est sous cette forme que nous l’avons retrouvée entre autres, dans le praktikon de Patmos (cf. G. Os t r g g o r s k y , Die landliche Steuergemeinde des byzantinischen Reiches im X Jh., 49 sp. ; la même évolution a affecté plus tard la σιταρκία, comme l’a déjà démontré V. G. Va s il ie v s -

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C’est uniquement en espèces que sont déjà calculés tous les revenus d’Andronic Doukas dans le praktikon de Patmos, document auquel n’est pas encore familier ce système compliqué de redevances paysannes supplémentaires que nous rencontrons dans les praktika des époques suivantes. Le caractère monétaire de la rente féodale apparaissait avec une netteté particulière dans les propriétés des pronoïaires : plus souvent que pour les autres propriétés, les documents caractérisent une pronoïa par le montant de sa rente, et pour en définir l’importance, ce n’est pas la superficie qu’on indique habituellement, mais le montant du revenu annuel, la ποσότης, exprimée en unité monétaire, comme nous l’avons vu dans le praktikon de Monomaque, auquel on attribuait une propriété représentant une rente annuelle — ποσότης — de 50 hyp. En conséquence, tous les articles de ses revenus — non seulement les taxes par feu de ses paysans, mais aussi toutes leurs redevances supplémentaires — étaient calculés en espèces, et sa rente avait un caractère purement monétaire, sans aucun supplément en nature ou en corvées. Cette forte prédominance de la rente en espèces peut être constatée également dans les praktika des couvents rédigés à la meme époque, quoique dans ces documents nous trouvions parfois, dans des proportions très restreintes, des redevances en nature et des corvées paysannes. Parmi les redevances supplémentaires mentionnées dans le praklikon de Monomaque, la première place revient au ζενγαρατίκιον qui, évalué globalement pour les deux villages recensés dans ce praktikon, représente 9 1/2 hyp., soit plus d’un tiers de l’impôt principal versé par feu paysan, dont le montant s’élevait à 27 1 /2 hyp. Nous avons déjà rencontré le zeugaratikion, comme taxe supplémentaire, dans le praktikon de Patmos ; là non plus il n’était pas réparti séparément entre les ménages paysans, mais perçu sous forme d’imposition générale pour le village ; toutefois, il ne représentait, en l’occurrence, que des sommes infimes (voir p. 305). Une comparaison entre les taux du zeugaratikion dans les praktika d’Andronic Doucas et de Monomaque permet de constater qu’un accroissement important de ces redevances supplémentaires est intervenu avec le temps. De cette augmentation témoignent aussi les praktika des couvents du xine et du xive siècle, qui énumèrent toute une série de taxes supplémentaires. La place qui appartient au zeugaratikion dans le praktikon de Monomaque revient, dans les praktika des couvents, à Υώφέλεια. Les praktika de Chilandar, de Zographou et d’Esphigménou commencent par Γώφέλεια l’énumération des redevances supplémentaires : Matériaux..., Journal du Min. de l’instruction Publ. 210 p. 367). Les versements en espèces remplaçaient aussi des corvées, comme la participation à la construction de navires, et même un service obligatoire tel que la levée d’un certain nombre de matelots (ci. G. St a d t m u e l l e r , Michael Chômâtes, Orientalia Christiana 33, 1934, 171 et 291).

k ij ,

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elle représente 10 °/0 de la somme globale des impôts par feu versés par les paysans C). Ainsi, cette taxe n’est pas aussi élevée que le zeugaratikion dans le praktikon de M. Monomaque ; par contre, les taux des autres redevances supplémentaires sont beaucoup plus élevés dans les praktika des couvents. Le praktikon de Monomaque ne mentionne pas l’opheleia, tandis que les praktika des couvents, à leur tour, ne citent pas le zeugaratikion (12). Toutefois, le praktikon de Lavra de 1420 fait état de la dîme perçue sur les zeugaria paysans, en indiquant le sens primitif de l’impôt du zeugaratikion (3). La dîme sur les cochons, les moutons, les abeilles est mentionnée dans toute une série de praktika comme dans d’autres chartes byzantines, et dans les praktika des couvents ces redevances représentent des sommes assez importantes, notablement supérieures, dans la plupart des cas, à l’opheleia. Certes, le praktikon de Zographou, rédigé en 1320, évalue ces redevances, tout comme l’opheleia, à 2 2/3 hyp. seulement ; mais dans le praktikon slave de Chilandar, elles représentent au total 45 hyp. ; dans le premier praktikon d’Esphigménou, 20 3/8 hyp., et dans le deuxième praktikon d’Esphigménou, 58 hyp., soit 25 % de la somme totale des impôts pesant sur les mêmes paysans (4). Ainsi, toutes ces redevances qui devaient, dans leur signification primitive, être versées en nature, s’étaient transformées en versements permanents en espèces. Le premier praktikon d’Esphigménou mentionne aussi l’obligation de particper à la con-

(1) Ainsi, les paysans de tous les villages de Chilandar payaient, en 1300, comme opheleia, la somme de 18 hyp., tandis que le total de leurs impôts par ménage était de 178 hyp. (Chil. Slave 414) ; les paysans de Zographou payaient, en 1300, 12 1/2 hyp., et 1 hyp. pour l’opheleia (Zogr. n" 15,37) ; en 1320, 27 1/3 hyp. et 2 2/3 hyp. (Zogr. n° 17, 66) ; d'après le praktikon d’Esphigménou, l’impôt par feu des paysans serfs était de 89 1/4 hyp., etl’opheleia, calculée avec plus de précision, était de 9 hyp. moins 2 keratia, soit 8 hyp. 11/12 (Esph. p. xiv). A première vue, on pourrait constater une exception dans le second praktikon d’Esphigménou, où l’opheleia est de 18 hyp., tandis que Ι’οικοόμενον, c’est-à-dire le total des impôts par feu, est de 388 nom. (Esph. p. xv). Mais ce dernier chiffre, qu’il est malheureusement impossible de vérifier, puisque le fragment édité par L. Petit ne contient pas de liste des impôts versés séparément par les ménages paysans, est probablement faux, et devrait être corrigé en 180 hyp., puisqu’il est dit plus loin, après la mention de toutes les redevances supplémentaires et de toutes les rentrées des terres indivises du couvent, que ces articles représentent ensemble 320 nom., tandis que la somme globale de tous les revenus du monastère s’élève à 500 nom. (Esph. p. xvir). (2) La possibilité de substituer ces deux impôts l’un à l’autre a déjà été constatée par V. Mo š in , dans Les actes des Archives du Mont Athos, 213, note 50. (3) La v r a , p. 167 et 168 : ότι όφείλονσι διδόναι προς την μονήν το δέκατον των ζευγαρίων αυτών ... (4) Zogr. η° 17, 66 ; Chil. slave 516-518 ; Esph. χιν, χν,

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struction des villes (καστροκτισία), qui n’est pas mentionnée dans les autres praktika, mais nous est bien connue par divers documents comme une des formes les plus importantes du service, obligatoire à Byzance, et dans d’autres pays (en particulier en Russie, où on la désignait comme « gorodovoe delo »). Ce travail obligatoire est aussi remplacé par un paiement en espèces, et inclus comme, tel dans la rente féodale d’Esphigménou : les paysans versaient au titre de la « construction des villes », 11/2 nom. (*). II est vrai que le deuxième praktikon d’Esphigménou ne fait plus état de cette servitude, mais le témoignage du premier praktikon fournit, de toute façon, un exemple typique de la transformation des servitudes en taxes perçues en espèces. Pourtant cette prédominance des versements en espèces, résultat d’une économie monétaire très évoluée, n’entraînait point la disparition complète des versements en nature et des corvées. Sous ce rapport, on ne saurait parler de principes nettement définis. Nous voyons que déjà au xie siècle, le curateur des domaines d’Andronic Doukas percevait, en espèces, un nomisma en remplacement d’une « annone » de 12 mod. de blé. Cependant nous pouvons constater, dans certains praktika plus récents, le processus inverse : en rémunération pour l’estimation de leurs dépôts de blé et de vin, dont la quantité est définie en l’occurrence par leur valeur en hyperpères, les paysans fournissent un certain nombre de mesures de blé et d’orge, ainsi qu’une certaine quantité de vin (12). La plus caractéristique des redevances en nature, mentionnée comme telle dans toute une série de praktika, est l’obligation pour les paysans d’offrir à leur seigneur des « présents », désignés par le ternie de κανίσκια, « petits paniers ». Un acte du couvent russe du Mont Athos, du xie siècle, nous explique en quoi consistaient ces offrandes, qui tiraient leur nom du panier dans lequel elles étaient présentées au seigneur féodal ou, dans certains cas, aux fonctionnaires : une miche de pain, un poulet, un modius d’orge, une demi-mesure de vin (3). Les praktika du xive siècle n’indiquent pas le contenu du « panier », considéré comme établi par l’usage : il est dit simplement que les paysans doivent offrir annuellement « les trois présents habituels » (4). En certains cas, on précise que ces offrandes doivent être faites à Noël, le dernier jour avant le Carême, et à Pâques (5). Il est évident que ces offrandes représentent une redevance en nature : elles sont d’ailleurs citées à la fin des documents, après le calcul définitif

(1) Esph., p. xiv. (2) Chil. Slave 573 ; Esph., p. xv et xvm. (3) Ross. n° 19, 159 : καί τό κανίσκιον αυτού, ψωμίον εν, όρνίθιον εν, κριθάριον μόδιον εν, οίνου μέτρου το ήμισυ. (4) Τα συνήθη τού έτους τρία κανίσκια : Zogr. η° 17, 91 ; Esph. ρ. χνιι ; Chil. η0 92, 171 ; Chil. Slave 575. (5) Chil. η° 92, 171 ; Esph. p. χιν.

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de tous les versements en espèces, et même après les indications concernant les corvées. Le premier praktikon d’Esphigménou occupe, sous ce rapport, une place à part : même la redevance des kaniskia y est traduite en argent, car on exige « pour les trois kaniskia offerts à Noël, le dernier jour avant le Carême, et à Pâques, six kératia par parèque, soit en tout 5 1/2 hyp. pour le kaniskion » ç1). Ainsi, cette redevance typique comme redevance en nature, la seule encore en usage aux xme et au xive siècle (à en juger d’après les praktika de cette époque), pouvait être remplacée même dans les domaines ecclésiastiques par des versements en espèces. Quant au praktikon du pronoïaire Monomaque, où toutes les redevances sont exprimées en argent et où il n’y a plus trace de rente en nature ou de corvée, il traite le kaniskion comme une simple redevance en argent, qui ne se distingue plus en rien des autres paiements en espèces et a définitivement perdu son sens originel. Il n’est plus question des trois offrandes usuelles au moment des grandes fêtes. Le kaniskion n’est même plus mentionné à part ; il est compris dans le total général, avec deux autres taxes de nature et d’origine tout à fait différentes : le seigneur perçoit de ses paysans 2 hyp. « pour le kaniskion. la dilue des cochons et l’aèr >. Cette dernière taxe lui est d’ailleurs attribuée avec une clause de réserve, puisqu’on en exclut « trois articles : le meurtre, le viol d’une vierge, et la découverte d’un trésor » (1 2). Cette taxe, dite « aèr », mérite une attention particulière, parce qu’elle éclaire le problème si important des droits judiciaires du propriétaire féodal. Le terme αήρ — car c’est ainsi qu’on désigne de plus en plus fréquemment, à partir du xiv® siècle, la taxe connue par les sources plus anciennes sous le nom d/άερικόν — est employée, comme on sait, pour des paiements en espèces perçus primitivement comme pénalité pour diverses infractions au droit, en faveur de la victime et aussi en faveur du fisc (3). Conformément à la pratique

(1) Esph. p. xiv. Dans les Actes des Archives de l’Athos, 246, et Diplômes grecs des princes serbes, 450, V. A. Mošin en tire la conclusion que le kaniskion représentait toujours, à cette époque, un versement en espèces : conclusion non seulement arbitraire, mais directement contredite par la place du kaniskion dans toute une série de praktika de couvents. Ce n’est que dans le premier praktikon d'Esphigménou que le kaniskion versé en espèces est inscrit parmi les autres paiements en espèces. (2) Zogr. n° 29, 89 : υπέρ τον κανισκιού τής χοιροδεκατΐας καί τον άόρος αυτών, ανευ τών τριών κεφαλαίων φόνον, παρθενοφθορίας καί εύρέσεως θησαυρόν, ύπέρπυρα δυο. (3) La signification de l’aérikon a été définitivement élucidée par la publication des actes du couvent de Vazélon à Trébizonde : Th. Us pe n s k ij et V. Be n e š e v ič , Actes de Vazélon, Léningrad 1927. Tiennent compte de cette nouvelle documentation F. Do l g e r , Das άερικόν, Byz. Zeitschr, 30 (1929-30),

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habituelle de Byzance, transformant en impôts permanents des taxes extraordinaires sorties de circonstances particulières (*), on fit subir le même sort à l’aérikon, qui devint un impôt permanent exigé des communes rurales avec les autres impôts permanents (2). L’assimilation des amendes judiciaires aux impôts réguliers fut favorisée par le fait que le principe du droit romain, de la responsabilité individuelle du délinquant, fut remplacé par le principe de la responsabilité collective de la commune, adopté sous l’influence du droit slave, et se traduisant même dans le cas des crimes les plus graves par des amendes en argent, semblables à la « vira » de l’ancienne Russie et à la « vražda » sud-slave (3). C’est ainsi qu’on voit paraître à Byzance, sous forme d’aèr, des amendes en argent pour le meurtre, φονικόν, que les documents serbes contemporains traduisent par « vražda », ainsi que la παρθενοφθορία, amende en espèces pour le crime nommé dans les chartes serbes « dévié razboj » (4).

450-457 ; G. Os t r o g o k s k y , Byz. Neuyr. Jahrb. 6 (1929), 584 sq. ; M. La s c a h is L’acte de Vatopédi du tsar Jean Assen II, Sofia 1930, 46 (en bulgare) ; A. Sol o v ie v et V. Mo š in , Diplômes grecs, p. 583 (en serbe). Les nombreuses explications contradictoires données précédemment par les byzantinistes (dont l’auteur lui-même de la présente étude) se trouvent ainsi dépassées, exception faite pour l’interprétation de B. A. Pa n č e n k o , De l’histoire secrète de Procope, Viz. Vr. 3 (1890) p. 507-511, seul savant qui soit parvenu, avant même la publication des Actes de Vazélon, à approcher de la signification de l’aérikon. Les difficultés, sur lesquelles insistent, aujourd’hui encore, dans leurs remarques (d’ailleurs fort précieuses) A. So l o v ie v et V. Mo š in , sont en réalité imaginaires : elles disparaissent si l’on tient compte des particularités de la politique fiscale de Byzance dont nous parlons par la suite, et dont F. Dô l g e r fait longuement état, avec une parfaite connaissance du problème, dans son étude Z uni Gebührenwesen der Byzantiner, 1 sq. (1) Un exemple très frappant nous est fourni par le δικερατον institué par Léon III en 740 pour la restauration des murs de Constantinople démolis par un tremblement de terre, et perçu ensuite pendant des siècles, sous forme d’impôt ordinaire supplémentaire. Voir G. Os t r o g o r s k y , Die landliche Steuergemeinde, 61 sq. (2) Un exemple particulièrement typique est donné par Skylitzès, d’après lequel Jean Orphanotrophe imposa l’aérikon à divers villages sous forme d’une taxe supplémentaire de 4 à 20 nom., selon leur importance : SkylitzèsCédrénus II, 521. (3) Voir A. So l o v ie v , L’influence slave dans le droit byzantin, dans « Archives des Sciences Juridiques et Sociologiques » 25 (1932), 23 sq. ; G. Ro u il l a r d et A. So l o v ie v , Το φονικόν, Une influence slave sur le droit pénal byzantin, Mnemosyna Pappoulia (1934), 221 sq. (4) Il est reconnu depuis longtemps que la παρθενοφθορία est, en réalité, une amende payable en espèces : pour s’en rendre compte, il suffit de lire le chrysobulle d’Andronic III de 1325, qui libère les domaines du couvent de Patmos τον τέλους τής παρθενοφθορίας (Μ. Μ. VI, 249), Zachariâ ν. Lingenthal,

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L’assimilation des amendes pour crimes et délits, ainsi que d’autres pénalités, à la perception d’impôts, qu’on peut d’ailleurs observer dans d’autres pays au moyen âge, ne contribuait pas seulement à la simplification de l’administration fiscale, mais répondait aussi à un besoin essentiel du système féodal : il importait, lors de la donation d’un domaine, de définir avec précision les revenus du seigneur, et de transformer toutes les rentrées possibles en taxes permanentes perçues périodiquement. Dans les actes d’immunité, par lesquels l’État cédait ses revenus à un bénéficiaire, on trouve dès le xre siècle l’aérikon mentionné avec les impôts et autres charges. En cédant la perception de l’aérikon sur les paysans serfs au féodal, le pouvoir suprême renonçait évidemment en sa faveur aux droits judiciaires correspondants, qui lui avaient appartenu précédemment (*), tout comme il renonçait à ses droits fiscaux en les transférant au seigneur féodal, lorsqu’il libérait ce dernier du payement de tel ou tel impôt. Ce serait une erreur de croire que les diverses formes de l’aèr aient pu perdre définitivement leur signification primitive d’amendes pour infraction à la loi, après leur transformation en taxe perçue périodiquement. Le chrysobulle donné en 1327 par Andronic II au couvent de Zographou dit, sans détour, que le φονικόν et la παρθενοφθορία doivent être perçus sur les domaines de tout genre, sans différence aucune, « afin que soient punis et matés ceux qui les labourent ». C’est uniquement comme faveur spéciale, et tenant compte de la demande de son fils bienaimé et gendre, le tsar bulgare, que l’empereur consent à renoncer à ces recettes au profit du couvent, en confiant de ce fait à celui-ci le soin de « punir » et de « mater » (2). qui rapprochait la παρθενοφθορία byzantine du ius primae iiuetis occidental, dans la seconde édition de son excellente Geschichle. des griechisch-rdmischen Rechies (1877) 247, a rectifié son erreur dans la troisième édition (1892), 345, où il reconnaît que la παρθενοφθορία était une amende payable au fisc. Cette interprétation avait déjà été donnée par V. Va s il ie v s k u , Matériaux..., Journ. du Min. de l’Instr. Publ. 210 (1880), 173 sq., et par T. Fl o r in s k ij , Monuments de l’activité législative de Dušan, Kiev 1888, 57 sq. Il n’était donc guère nécessaire de consacrer une étude spéciale à réfuter une opinion de Zacharià, abandonnée depuis longtemps par l’auteur lui-même, comme l’a fait en 1912, N. Βέης, 'Υπήρχε ius primae noctis παρά Βνζαντινοίς ; Byz. Z., 21 (1912), 169-185. Comme recueil de témoignages de chartes byzantines mentionnant la παρθενοφθορία, l’article de Béès a pourtant une certaine utilité. Voir encore Soloviev-Mošin, 477-479. (1) P. A. Ja k o v e n k o en a déjà parlé dans son étude De l’hisloire de l'immunité à Byzance, Juriev, 1908, p. 30 (en russe). (2) Zogr. n° 26, 59 sq. En exemptant le couvent de Zographou de ces taxes judiciaires, le chrysobulle maintient toutefois, à l’égard de ce monastère, l’obligation de verser l’impôt foncier, la « sitarkia », pour le village de Prevista. Cette obligation n’était pas imposée (comme l’indique le chrysobulle lui-

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En accordant la franchise fiscale, le gouvernement en excluait parfois les impôts les plus importants, cédant ainsi au bénéficiaire une partie seulement de ses droits fiscaux et conservant pour lui-même l’autre partie. Plus fréquemment encore, il excluait de l’immunité les principales taxes judiciaires, autrement dit il limitait les droits de juridiction du bénéficiaire, en lui abandonnant seulement le pouvoir judiciaire inférieur sur ses paysans, mais en maintenant sa propre compétence dans ce qui concernait les délits les plus importants. C’est avec une insistance particulière qu’on exclut de l’immunité le φονικόν et la παρθενοφθορία. Mais à ces deux amendes pour délits graves, on ajoute habituellement, comme troisième article de l’aèr, une taxe d’un tout autre genre : εϋρησις θησαυρόν, « la découverte d’un trésor », c’est-à-dire la part (habituellement la moitié) que l’homme favorisé par la chance devait verser au fisc après avoir découvert un trésor, et que le fisc byzantin ne voulait, dans aucun cas, laisser échapper. Ce sont justement ces trois articles de l’aèr qui ne furent pas, comme nous l’avons vu, cédés à Monomaquc, puisque son droit à l’aèr, transformé en taxe permanente (dont le montant total représentait la somme infime de 2 hyp. par an, y compris les « présents » des paysans, transformés en recettes en espèces, ainsi que la dîme sur les cochons) était reconnu avec la réserve spéciale : άνευ τών τριών κεφαλαίων φόνου, παρθενοφθορίας καί εύρέσεως θησαυρόν. Autrement dit, le droit de Monomaque à juger ses paysans était limité, et ne s’étendait pas aux crimes prévus par les deux premiers articles ; quant aux trésors qui pourraient être trouvés dans ses terres, ils devaient être partagés, non pas avec lui, mais avec le fisc (x). C’est sous les mêmes ré-

même, n° 26, 36) aux domaines enregistrés jusqu’en 1320 dans les praktika de Zographou dont nous avons connaissance : c’est pourquoi elle ne se reflète guère dans les documents que nous analysons ici. — A. Burmov, Du document n° 26 des Actes de Zographou, dans le « Bulletin de la Société historique bulgare » 22 (1947) p. 1 sq. (en bulgare), considère que ce chrysobulle a été signé par Andronic III et que les éditeurs l’attribuent par erreur à Andronic II. L’auteur note avec raison que dans Zogr. n° 27, 8, Andronic III se réfère à un chrysobulle similaire qui émanerait de lui. Mais Andronic III ne fait-il pas, dans Zogr. n° 27, 4 rappel d’un pareil chrysobulle de son grand-père? D’après tous les indices, le chrysobulle n° 26 doit appartenir à Andronic II ; mais il est probable qu’il existait aussi un autre chrysobulle d'Andronic III non parvenu jusqu’à nous, et c’est à ce document que se référerait Zogr. n° 27, 8. Il est permis de croire, d’autre part, qu’Andronic 111 aurait désigné Michel III Šišman, tsar bulgare marié à sa soeur, non pas comme περιπόθητος υιός καί γαμβρός τής βασιλείας μου (expression employée à plusieurs reprises par l’empereur signataire de l’acte n° 26), mais comme περιπόθητος αδελφός και γαμβρός τής βασιλείας μου. (1) Ces trois mêmes articles étaient exclus de l’immunité d’un autre pronoïaire, Alexis Raoul, propriétaire du village de Prevista, dont le praktikon inédit est

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serves au sujet des trois articles qu’était reconnu à Kallinikos, moine de Chilandar, le droit de percevoir l’aèr sur les paysans deMamitzon ; ici les trois redevances sont désignées comme redevances « d’État », et les droits d’aèr concédés à Kallinikos sont identifiés à un revenu annuel de 3 hyp. (1), conformément aux dimensions plus étendues de sa propriété et au nombre plus grand des paysans serfs. Le même droit limité d’aèr était primitivement reconnu au couvent d’Esphigménou par son premier praktikon, qui lui accordait à ce titre, mais toujours avec déduction des trois articles, un revenu de 8 hyp. (2). Mais vingt ans après, le deuxième praktikon d’Esphigménou concède l’oèr à ce couvent sans limitation aucune ; en tenant compte de cet élargissement de sa compétence judiciaire, de l’agrandissement de ses propriétés et de l’augmentation du nombre de ses serfs, l’aèr est évalué à 20 hyp. (3). Un aèr s’élevant à 18 hyp. et ne comportant aucune clause restrictive se trouve également dans le praktikon slave de Chilandar rédigé en 1300 (4). On doit en conclure que, dès cette époque, le couvent de Chilandar disposait, à l’égard de ses paysans, de cette juridiction illimitée dont le couvent d’Esphigménou fut investi entre la rédaction du premier et celle du deuxième de ses praktika. Les praktika de Zographou ne mentionnent pas du tout l’aèr : jusqu’au moment de leur rédaction, soit jusqu’en 1320, le couvent ne disposait donc pas encore de ccttc recette ; en tout cas le recouvrement des articles les plus importants de l’aèr ne lui était pas encore accordé. Mais, comme nous l’avons dit, il obtint aussi ce droit, qui lui fut confirmé en 1327, parmi chrysobulle impérial accordé visiblement à contre-cæur, et uniquement sur les sollicitations du tsar bulgare. Ainsi ce ne sont pas seulement les domaines des féodaux byzantins qui s’étendent avec le temps, mais aussi leurs droits seigneuriaux ; avec ténacité, ils obtiennent de plus en plus fréquemment l’immunité fiscale et judiciaire dans leurs domaines, et le pouvoir central faiblissant se montre de moins en moins capable de leur résister. Il nous reste à examiner les données fournies par les praktika sur les corvées imposées aux serfs dans les domaines des féodaux byzantins. Nous avons vu que, dans l’économie féodale byzantine, les

conservé dans les archives du couvent de Zographou. Voir les indications de V. Mo š in , dans Actes des Archives de l’Athos, 213, note 51. (1) Chil. n° 92, 146 : υπέρ άέρος των άναγεγραμμένων παροίκων, ανευ των τριών δημοσιακών κεφαλαίων, ηγουί' φόνον, παρθενοφθορίας και εύρέσεως θησαυροί), νπέρπνρα τρία. (2) Esph. ρ. χιν. Les actes du couvent d’Esph. n° 11 et 19, dont la date n’est pas établie, confirment l’immunité d’une série de métoques, mais ici encore les trois articles en sont exclus ; le n° 19 exclut, en plus, l’impôt de sitarkia. (3) Esph. ρ. XV. (4) Chil. slave 515.

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redevances en nature jouaient un rôle minime en commparaison des versements en espèces effectués par les paysans. Le rôle de la corvée était également très modeste. Certes, le premier praktikon d’Esphigménou impose aux paysans l’obligation d’une corvée d’un jour par semaine i1). Mais, comme nous avons pu déjà en juger, ce praktikon se distingue par une série de particularités des autres documents de ce genre. Ce qu’il dit de la corvée est insolite. Une série d’autres praktika, dont le deuxième praktikon du même couvent, limitent la corvée paysanne à 12 jours par an, soit un jour par mois. Puisque cette règle est donnée, non seulement par le deuxième praktikon d’Esphigménou, mais aussi par le praktikon slave de Chilandar et par le praktikon de Zographou de 1320 (12), nous pouvons la considérer comme normale pour les domaines féodaux de Byzance au xive siècle. Le praktikon accordé au moine Kallinikos pour le village de Mamitzon indique simplement que les parèques enregistrés seront soumis à la corvée d’usage, d’après la force de chacun (3). Cette formule, qui laisse un champ assez large à l’interprétation, concorde toutefois avec des indications analogues concernant la « force » des parèques dans des praktika qui définissent d’autre part avec précision le nombre des jours de corvée : elle devait donc se rapporter, non pas à la quantité du travail obligatoire, mais à l’époque où il est fourni et à son caractère. Le meme praktikon indique aussi l’endroit où s’effectuera la corvée des serfs : il déclare que la terre seigneuriale de la meilleure qualité doit être cultivée par la corvée de parèques (45), tandis que les autres terres seigneuriales seront affermées. Le praktikon de Lavra rédigé en 1420 fournit un exemple intéressant du remplacement de la corvée par des versements en espèces. On y lit que les paysans du métoque de Gomatou à Cassandra n’effectuent pas de corvée et doivent, de ce fait, verser au couvent de Lavra 4 hyp. s’ils sont zeugarates, 3 hyp. s’ils sont boïdates, tandis que les veuves ne payeront qu’un hyp. (B). Ceci pourrait s’expliquer

(1) Esph., p. xv. (2) Zogr. n° 17, 90 : άγκαρείας ύπερ δλου τον ενιαυτού δώδεκα, καθώς ό πάροικος εύρίσκεται εχων δυνάμεως ; Esph. ρ. χνπ : αγγαρείας πανημερίους ύπερ δλου ενιαυτού δώδεκα, καθώς ο πάροικος ... (le texte contient une lacune, mais les mots non déchiffrés par l’éditeur peuvent être rétablis par analogie avec la citation précédente) ; même décision dans Chil. tlave 575. (3) Chil. n° 92, 168 : εχειν τε άφ’ ένός εκάστου τών άναγεγραμμένων παροίκων τάς άποτεταγμένας και συνήθεις άγκαρείας, μεθ’ οιας εύρίσκεται εχειν δυνάμεως έκαστος. (4) Chil. η° 92, 150 : μετά τής άγκαρείας τών παροίκων. (5) Laora, ρ. 168. Un remplacement semblable de la corvée par des versements en espèces se trouve également dans la liste des impôts de la ville de Lampsaque : voir Th. Us pe n s k ij , Les traces des praktika à Byzance, dans Journ. du Min. Instr. Publ. 231 (1884), 291 et 321 sq.

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par l’absence ou par la faible étendue des terres seigneuriales dans ce domaine. Toutefois les paysans du pronoïaire Michel Monomaque n’étaient pas, eux non plus, soumis à la corvée, quoique le praktikon mentionne, nous l’avons vu, 575 mod. de terre seigneuriale indivise. Monomaque percevait sur cette terre une rente de 7 hyp., qui était simplement ajoutée aux impôts de base versés par les paysans, comme si elle représentait une partie de leurs taxes englobée dans 1’οΙκονμενον. Ainsi cette terre était cultivée par les serfs de Monomaque, mais non au titre de la corvée, dont le praktikon ne dit rien, mais sous condition de verser au propriétaire 7 hyp. par an. Or, étant donnée l’étendue des terres seigneuriales que possédait Monomaque, la corvée y aurait été tout indiquée, et son remplacement par une rente en espèces doit s’expliquer par d’autres raisons. Les versements en espèces se substituaient à la corvée, dans les domaines pronoïaires, tout comme aux autres redevances en nature, qu’on évaluait en argent et qu’on transformait en paiements réguliers. La prédominance de la rente en espèces, typique pour Byzance et constatée dans tous les praktika, se manifeste ainsi avec une clarté particulière dans ce praktikon du pronoïaire Monomaque, où l’on ne retrouve plus la moindre trace de la corvée ou d’une redevance en nature. Une telle prédominance de la rente en espèces distingue essentiellement l’économie féodale byzantine des formes, plus primitives, que connaissent au moyen âge d’autres pays, où l’économie monétaire était moins développée et où les paiements s’effectuaient surtout en nature. Lorsqu’on compare le système byzantin avec celui de n’importe quel autre pays féodal contemporain, on aperçoit aisément l’importance de cette différence. Il suffit de prendre l’exemple de laSerbie, si proche de Byzance, et soumise à son influence culturelle. Quels sont les éléments dont se composait la rente féodale d’un pronoïaire serbe à l’époque de Dušan, et quelles étaient les obligations des serfs à l’égard de leur seigneur dans les pronoïai du royaume serbe? La réponse nous est fournie par l’article 68 du Code de Dušan, destiné à fixer cette obligation et à établir une norme : « Loi pour les méropches [serfs] de tout le pays : qu’ils travaillent poulie pronoïaire deux jours par semaine et qu’ils lui donnent par an un hyperpère royal ; tous ensemble qu’ils lui fauchent le foin un jour et (travaillent) la vigne un jour ; s’il n’a pas de vigne, qu’ils exécutent pour lui d’autres travaux un jour ; et ce que le méropch accomplit, qu’il l’engrange tout ; et qu’on ne lui demande rien d’autre contre la loi ». Ainsi la situation dans les pronoiai serbes était complètement différente de celle des pronoiai byzantines, quoique l’institution de la pronoïa ait été empruntée par la Serbie à Byzance. La même différence dans le caractère de la rente féodale existait, naturellement, entre les domaines patrimoniaux en Serbie et à Byzance. Tandis qu’à Byzance, les paysans étaient généralement soumis à la corvée uue fois par mois, et remplaçaient souvent cette corvée par des verse-

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ments en espèces, les paysans serbes travaillaient en règle générale pour leur seigneur deux fois par semaine pendant toute l’année, et exécutaient en outre à certaines dates (moisson, vendanges, etc.) des travaux spéciaux, étant de surcroît contraints d'engranger toute la récolte (*). C.es corvées supplémentaires qui venaient s’ajouter au travail de base étaient encore un peu plus nombreuses dans les domaines patrimoniaux que dans les pronoiai, comme il résulte d’une comparaison entre l’article cité ci-dessus du Code de Dušan et les chartes accordées, à la même époque, aux couvents de Serbie (12). Le service de la corvée était imposé en Serbie, au ménage paysan en entier, et représentait pour lui la redevance fondamentale. Comme l’a démontré A. V. Soloviev, en s’appuyant sur la documentation du praktikon de Končan conservé dans les archives de Chilandar, dans certains cas une corvée était exécutée par deux ménages, surtout quand il s’agissait de familles peu nombreuses (3). Les chartes des couvents serbes nous présentent aussi tout un système de redevances en nature (4). L’article déjà cité du Code de Dušan, concernant les redevances des paysans pronoïaires, les remplace paru n versement en espèces désigné par l’expression générale de « hyperpre royal » (careva perpera) (5). Ce système simplifié s’explique certainement par le fait que, étant données les conditions de l’économie serbe, les versements en espèces ne jouaient qu’un rôle secondaire, tandis que la corvée avait une importance fondamentale : c’est donc sur elle que se portait, avant tout, l’attention du législateur. A Byzance, par contre, nous observons une grande variété et une différenciation extraordinaire des versements en espèces, puisqu’ils représentaient l’essentiel des redevances paysannes et la base même de la rente féodale. Nous avons soumis à une analyse serrée la documentation que nous fournissent les praktika byzantins pour l’étude de l’histoire sociale et économique. Mais en dehors de ces renseignements, qui représentent certainement le côté le plus intéressant des documents analysés, les praktika contiennent aussi des données précieuses sur la

(1) Au sujet des redevances paysannes dans la Serbie médiévale, voir, pour plus de détails ; St. No v a k o v ić , Les pronoïaires et les baštinci, Glas de ΓAcadémie serbe I (1887), 41 sq. ; T. Ta r a n o v s k i , Histoire du droit serbe dans l’état des Némanides, 1 (1931), p. 41 sq. (en serbe). (2) Cf. St. No v a k o v ić , Zakonski sponienici, p. 431, ΓΓ. Fl o r in s k ij , Afonskie akty, p. 75. (3) A. So l o v ie v , Sokalnici i olroci u uporedno-istoriskoj sueilosti, dans Glasnik Skopskog Naučnog Društva 19 (1938) 128. (4) Voir, par ex., la charte de Dušan accordée en 1348 au couvent des Archanges Michel et Gabriel : A. So l o v ie v , Odabrani spoinenici, 138. (5) Voir aussi l’article 198 du Code de Dušan, qui prend pour base les redevances en nature, mais admet leur remplacement par des versements en espèces.

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composition ethnique de la population, dans les régions auxquelles ces chartes se rapportent. Le caractère slave de beaucoup de noms de lieux et de personnes qu’on y rencontre saute aux yeux. Les noms traditionnellement adoptéspar l’Église, tels que: Georges, Démétrius, Théodore, Irène, Marie, Anne, etc., ne fournissent naturellement aucune indication sur la nationalité de ceux qui les portent. Il n’en est pas de même d’autres noms et surnoms purement slaves, tels que Dobrota, Dobromir, Bogdan, Dragana, Stana, Zorana, Podarica, Dragoč, ainsi que de noms à terminaison typiquement slave, tels que Marica, ou Anica. C’est sur ces particularités, et sur bien d’autres, que les futurs chercheurs devront porter leur attention.

INDEX

Ab r a m it e s , village de R. Sampias, 128, 129. Ac h l a d a s , Georges, parèque de Chilandar, 345. Ac r o po l it e , Georges, historien, 1931. Ad a m , sire, chevalier-pronoïaire, 79. Ad a m , subordonné de l’économe Matzoukis, 264. αήρ (άερικόι1), 114, 116 118, 166, 29 R, 295, 360-364. αγγαρεία, 193, 240, 365 ; v. aussi corvée. Ak o v a , ville de Morée. 57. Ak r it in o s , famille de parèques de Chilandar, 314 ; Jean A., 314 ; Michel A., 314. άκτήμων, 303, 305, 306, 3091. Al b a n ie , Al b a n a is , 226,238,239, 244. Al d o u v in is , Théophane, parèque de Chilandar, 319, 337. Alexandre Lavriolis, 263, 274, 277, 278, 282. Al e x ia d e , 27, 82. Al e x is I Co m n è n e , empereur de Byzance (1081-1118), 24, 28, 30, 35-37, 39,43,45,72!, 82, 188, 290, 296,332. Al e x is II Co m n è n e , empereur de Byzance (1180-1183), 42-44. Al e x is III An g e , empereur de Byzance (1195-1203), 45-47. Al o b e k ô n , district des A., dans la région de Milet, 262, 292. Al o po s , Constantin, pronoiaire, 74,78. Al y pio u , monastère athonitc, 266, 341 Am a r ia n a , village de Dochiariou, 163-169. Am a z o n (Am y z o n ), évêché de Carie, 69, 70. Améliorations, 73, 110-112, 123-128, 132, 134, 135, 153, 182.

La Pr o n o ïa . — 24.

Am n o n , Alexis, apographeus du thème de Thessalonique, 270, 285, 3261. Am n o n , pronoiaire, 145, 146. Anaslasijevié, D., 451. An c h ia n a , village d’Esphigménou, 299. An d r a v id a , ville de Morée, 57. An d r ič , Bo/idar, pronoiaire, 247. An d r o n ic I Co m n è n e , empereur de Byzance (1183-1185), 43, 44. 47. An d r o n ic II Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1282-1328), 96, 971, Ion, 109, 1102, 131, 139, 145149, 1521, 154, 155, 173, 192, 195, 265, 266, 275, 278, 284, 285, 332, 333, 362. An d r o n ic 111 Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1328-1341), 1102, 122, 136, 144-150, 1521, 154-156, 265, 273, 275, 276, 278, 355, 361*, 3622. An d r o n ic Ιλ’ Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1376-1379), 127-130. An é m a s , Pancrace, pronoiaire, 33-36. An g e Co m n è n e , Georges, pronoiaire, 70, 71. An g e Do u k a s , Jean, sébastocrator, 45-47. An g e , Jean, duc du thème des Thracésieus, 73, 74. An g e Do u k a s , Manuel, despote de Thessalonique, 90. An g e , Michel, pronoiaire, 83, 84, 86, 95, 96. An g e Do u k a s Co m n è n e , Théodore, empereur de Thessalonique et d’Épire, 88, 90. An g e l in a , Anna, l'emme du pronoïaire Michel A., 842, 95. Angelov, D., 87, 88.

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INDEX

An g e s , dynastie byzantine, 43, 46, 55, 62. An n a , femme de B. Vlatteros, 65. annona, 307, 3562, 359. άνθρωπέα (hommage), 57. An t ib a r i , 243, 244. An t ig o n ia (An ô -), village de Zograpliou, 350. An t o in e , parèque de Xénophon, 335, 336. άννπόστατος, 310. An y ph a n t is , Georges, parèque de Xénophon, 335, 3361. Ape l m é n é , Démétrius, apographeus du thème de Thessalonique, 140, 141, 2657, 270-272, 332. Ape l m é n é , Michel, sébaste, beau-frère du pronoïaire G. Petritzès, 81. άπογραφεύς, 110, 170, 172, 266, 270, 2711, 273, 275, 278, 282. Apo k a u k o s , Jean, métropolite de Naupacle, 87-91, 120. Apo s t a t is , famille de parèques de Chilandar : Basile A., 314 ; Couman A., 314 ; Jean A., 314 ; Michel A., 314. Ar c h a n g e s , monastère des A., près de Prizren, 196, 3674. Ar c h is t r a t ê g e Mic h e l , monastère de l’A. M., à Lcmnos, 263, 278, 279, 282, 3012. Ar c h o n t it z è s , Michel, parèque de N. Maliasenos, 691. Ar c h o n t o c h o r io n , village de P. Anémas, 33, 35, 38. Ar c h o n t o c h o r io n , village de Lavra, 33. άρχοντόπουλον, άρχοντόπονλος, 56, 126, 341. Ar t a , 208. As e n I, fondateur du second royaume bulgare, 53, 54, 187. As e n II, tsar de Bulgarie (1218-1241), 188. As ie Min e u r e , 11,62,92, 93, 99, 100, 175, 286. As t r a s , Georges, grand stratopédarque, 132.

At h o s , 128, 129, 134, 139, 152, 155, 161-163, 173, 176, 205, 206, 259, 283, 286, 312, 313, 329, 332, 341, 359. At t a l ia t e , Michel, historien, 22, 23. Au r a c io (Sa in t -), village de la région de Skadar, 242. Au r e l io s , village d’A. du pronoïaire Syrgaris, 132.

Ba c h s io , Nichugla, pronoïaire, 247. Ba g ia n o s , Constantin, parèque de M. Monomaque, 349. Ba l a d r in i , village de la région de Skadar, 226, 227, 2351, 245, 219. Ba l e z o , ville de la région de Skadar, 229, 230, 2331, 235, 238, 239. Ba l o č e v ic , Ivan, pronoïaire, fils de Radonja B., 254. Ba l o č e v ic , Radonja, pronoïaire, 254. Ba l s a mo n , Jean, gouverneur de Lemnos, 275, 276. Ba l s a mo n , Théodore, canoniste byzantin, 42. Ba n ič ić , Nicolas, pronoïaire, 251. Ba n ič ič , Stefan, pronoïaire, 251. Ba n j a n e , village de la région de SkopIje, 191, 192. Ba r b a r o , Josaphat, provisor vénitien en Albanie, 238, 239. Ba r b a r o s s i , village de la région de Skadar, 231. Ba r i , village de la région de Smyrne, 65, 66 ; v. aussi Mil a . Ba r l a a m , higoumène de Lavra, 32,34. Ba s il e I, empereur de Byzance (867886), 22. Ba s il e II, empereur de Byzance (976-1025), 14. Ba s il io s , gouverneur de Lcmnos, 278-282. Basiliques, 12. baština, 188-190, 194, 195, 197-201, 212-214, 219-221, 255, 257. Be l l a n i , village de la région de Skadar, 231. βελτίωΰΐς, βελτιονν, 73, 109-111, 128, 132 ; v. aussi améliorations.

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Be s t o l e e l Gr a n d e , Jon, pronoïaire, 231, 233. Bezobrazov, P. V., 260-262, 271, 286288, 303-305, 307-310. 3161, 3241, 3522. βιβάριον, 82-84, 95. Biens militaires, 9-16, 25, 26, 40, 971, 199. Big a n o , Alexis, pronoïaire, 226, 227, 2351, 249. Big a n o , Progan. pronoïaire, 226,2351, 249. Binon, St., 1291, 1301. βοϊδάτης, 171, 303, 305, 306,310, 312, 321, 322, 365. Bo l l a n i , Jean, provisor vénitien, 237, 239. Bo l s a , village de la région de Skadar, 228-230, 236, 219. Bo n if a c e d e Mo n t f e r r a t , 31. Bo n z i , Dabeseio, pronoïaire, 231-233. Bo n z i , Marin, pronoïaire, 230, 232. Bo s n ie , 1881, 218-221. Bo s s a , veuve du pronoïaire Coia Zacharia, 251. Br a n k o v ić , Georges, despote de Serbie (1427-1456), 215, 218, 219. Br a n k o v ić , Lazare, despote de Serbie (1456-1458), 216-219, 240. Br u y è r e s , Gcoffroi de, 57. Br u y è r e s , Hugues de, 57. Br y s is , village de Morée, 182-186. Bu l c h ia , village de la région de Skadar, 237. Bu l g a r e s , Bu l g a r ie , 49, 53, 54, 101, 187, 329, 356. Bury, J. B., 212. Bu t a d o s s i, Nicha, pronoïaire, 242, 243. Bu t a d o s s i , Paul, pronoïaire, 242. Ca c a r ic h i , village de la région de Skadar, 2351, 245. Ca n t a c u z è n e , Nicépiiorc, pronoïaire, 123. capitaine, 233 , 2452, 250 , 254. caput, 227, 228, 233-235, 244, 248. Ca s s a n d r a , 721, 141, 2657, 2771, 283, 290, 302, 332, 365.

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cavalier, 71, 72, 76-79, 126, 223, 238, 245, 246. cavo, 228-233, 235, 2423, 246, 247. Glialandon, F., 172, 322. Ch a l c id iq u e , 170, 263, 2821, 286, 2911. Giia m pl it t e , Guillaume de, 56-58. Ch a n t a x , village de M. Monomaque, 112-14, 119, 121, 122, 262, 273, 302, 346-351, 353-356. Charaiüs, P., 42, 351, 721, 2383. χαρ/,στικάριος, 17-19, 24. χαριστίκιον, 17-19, 22-24. chevalier, 31, 57-59, 61, 73, 74, 79, 88, 126, 141, 178, 179. Ch il a n d a r , monastère athonite, 2, 126, 133, 141-146, 150-152, 191, 192, 195, 204, 212-214, 262, 26.3, 266, 273, 277, 287, 288, 297, 298, 301-303, 310, 313-317, 3293, 337, 342, 345, 348, 349, 352, 354, 358, 364, 367 , praklikon de Ch. HS2, 141, 142, 144, 260-262, 2685, 271273, 277-279, 296, 299, 3003, 311, 313-317, 322, 331, 342, 344, 346, 347, 357, 358, 364, 365. Ch il io t t i , Bitri, pronoïaire, 230. Gh ime c h e c h i , village de la région de Skadar, 232. Ciil io n , possession de Lavra, 319. Ciio m a t ia n o s , Démétrius, archevêque d’Ochrida, 87. Ch o n ia t e , Georges, protovestiarite, neveu de M. et N. Ch., 90, 91. Ch o n ia t e , Michel, métropolite d’Athènes, 54. Ch o n ia t e , Nicétas, historien, 27-31, 36, 39, 40, 48, 53, 54, 89, 90, 120. Ch o r v a l a s , Georges, parèque de Zographou, 3241. Ch o s t ia n a , village de Lavra, 49. Ch o u d é n a , village pronoïaire sur le Strymon, 121, 150-152, 355. Ch o u m n o s , Jean, pronoïaire, 122, 123. Ch o u m n o s , Nicéphore, questeur, 139, 140. Ch o u m n o s , Théodore, chartulaire, 48. Ch r a n č a , guerrier serbe, 196, 197.

372

INDEX

Ch r e l j a , magnat serbe, 204. Ch r is t o d o u l o s , liigoumène du monastère de Jean Prodrome à Patmos, 308. Ch r is t o d o u l o s , Jean, parèque de Chilandar, 349. Ch r is t o u po l is , 153. Ch r o u s ia , pyrgos de Chilandar, 191, 195. χρνσοτελεία, 170, 311, 321. Ch r y s o s , Nicéphore, pronoïaire, 142, 143, 314, 337. Ch y d r o s , pronoïaire, 88. Code de Stéphane Dušan, 3, 137, 198, 200-202, 205, 208, 209, 214, 221, 240, 242, 255, 366, 367. comandador, 229-232, 235, 236, 238, 241. cornes de Skadar, 224, 233, 234, 238, 2452, 247. Co m n è n e , Adrien, frère d’Alexis I. 721, 290. Co m n è n e , Alexis, protosébastc, neveu de Manuel Γ, 43. Co m n è n e , Anne, fille d’Alexis I, 27, 31, 37. Co m n è n e , Tsaac, frère d’Alexis I, 45. Co m n è n e , Isaac, frère de Jean II, 392. Co m n è n e A''r a n e n a . noble byzantine. 75, 77, 79. Co m n è n e s , dynastie byzantine, 7, 15, 16, 24, 26, 27, 31, 40, 43, 55, 63, 174. Conseil, Grand C. de Venise, 225, 227, 2351, 237, 244, 245, 247-249, 251. Co n s t a n t in VII Po r ph y r o g é n è t e , empereur de Byzance (913-959), 12, 13, 41, 971. Co n s t a n t in IX Mo n o m a q u e , empereur de Byzance (1042-1055), 20-22. Co n s t a n t in XI Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1449-1453), 184, 185. Co n s t a n t in , logariaste, 33. Co n s t a n t in o pl e , 18, 41, 92, 93, 160, 3611. Cordignano, F., 222, 223, 2315, 2411. Co r f o u , 2521.

Co r in t h e , 61, 182. Co r o n , 61. corvée, 30, 108, 115, 166, 168, 171, 190, 193, 195, 196, 200-203, 217, 221, 275, 277, 2911, 296, 299, 321, 353, 356, 357, 360, 364-367. Co s t a , Petro, comandador, 232. Cr è t e , 43-45. Cr n o j e v ić , Georges, fils d’Ivan, 254, 255. Cr n o j e v ić , Ivan, fils de Stefan, 254, 255. Cr n o j e v ić , Stefan, voïvode du Monténégro, 253, 254. Cr n o j e v ič , Stefan, fils de Stefan, 254. Cr n o j e v ić i , 252, 256. Ćorović, V., 1881, 1923. Čubrilović, V., 2532, 2571.

Daničić, Dj., 3. Da y c i , village de la région de Skadar, 231. Da y c i , Bari, comandador, 231. Da y c i , Giergi, comandador, 231. όεκατεία, δέκατο?, 99, 305. De v l it z in o s , Démétrius, pronoïaire, 126, 127, 134. De v l it z in o s (De v e l t z in o s ), Manuel, pronoïaire. 141-143. 313-315. De v l it z in o s , Manuel, propriétaire foncier, 166. De v l it z in o s , Philippe, pronoïaire, 149, 150. Dia d r o m it è s , Jean, parèque de Zographou, 3241. Dia s o r in o s , Schinas, parèque de Lavra, 279, 280 ; Anna, sa femme, 279. δικαιώματα, 20, 21, 342. dime, 46, 70, 71, 99, 115, 116, 160, 166, 171, 239, 241-245, 2911, 302, 358, 360, 363. διμοδαϊον, 294. Dinić, Μ., 2161. Dipl o v a t a t z è s , Alexis, pronoïaire, 111, 112, 132. διζευγαράτης, 39, 303, 318. Dj u r d j e v iš t a , village de l’évêché de Prizren, 203.

INDEX

Do b r o v ik ia , village d’Tviron, 159. Do c h ia r io u , monastère athonite, 127, 155-158, 163-166, 168, 169, 171-173, 206. Dôlger, F., 42, 71, 24 , 321, 351, 42, 43, 45-52 , 651, 72, 822, 84 , 952 , 971, 1061, 122, 121, Γ251, 127, 128, 131, 136, 1472, 1502, 155, 1621, 164, 167169, 171, 2631, 275-277, 2791, 284, 289 , 2942, 307 , 3092, 3121, 3603. Do n a t o d e Po r t o , cornes de Skadar, 233, 234, 238, 245. Do u b r o v n ik , 215 ; les archives de D., 215, 2161. Do u k a s , dynastie byzantine, 26, 27. Do u k a s , Andronic, grand domestique, 260, 262, 264, 286, 292, 294, 302, 303, 305, 306, 308-310, 357, 359. Do u k a s , Constantin, gouverneur de Crète, 43-45. Do u k a s An g e l o s , Jean, v . An g e Do u k a s , Jean. Do u k a s , Manuel, v. An g e Do u k a s , Manuel. δουλεία, 59, 81, 124, 127-129. 135, 177 182, 185, 217. δουλευτής, 49. Dr a c h o v a , village pronoïaire, 126. Dr a g o s a l ic , Obrad. noble serbe. 212214. Dr a g o t a s , pronoïaire, 188-195, 200. Dr a m a , 88. Dr iv a s t e , 223, 226, 237, 240. Dr o s s in a , Radoslav, comandador, 229. Dr y a n u v e n a , village en Thessalie, 691. ducat, taxe, 228-230, 242-245, 251, 255. Dr y m o s y r t o n , village de Lavra. 172, Dujčev, I., 462, 521. Du k a g in , Georges, pronoïaire, 235, 245, 246. δυνατοί, les « puissants », 13, 16. Du š a n , Stéphane, roi, puis tsar de Serbie (1331-1355), 2, 1071, 128, 137, 147, 1501, 157-159, 173, 196, 198, 200-209, 211, 214, 221, 240, 242, 271, 284, 2943, 366, 367. Dy r r a c h iu m , 224.

373

Eg r e s s i , village de la région de Skadar, 230. Eg r e s s i , Pâli, comandador, 230. ελεύθερος, 108, 126, 143, 153, 167, 171, 182 , 279 , 287-289 , 2972, 3003, 302, 311, 313, 315-317, 321, 323, 328, 330-333. 336-339. 341-346. En g l e s e , Zuanc, pronoïaire, 232. εννόμιον, 304, 305. ένυπόστατος, 310. έφορος, 18. επίκουρος, 18. Épir e , despotat d’E., 87, 88, 90. 93, 208, 210, 211. επιτελεία, 76, 78, 79. εποικος, 70, 78, 183. esclaves, 411, 297. Es ph ig m é n o u , monastère athonite, 285, 295, 299, 3261, 359, 364 ; praktika d’E., 118, 263, 2701, 284, 285, 294 , 295 , 2961. 299 , 300 , 3462. Eu n o u c h o s , village de Chilandar, 262, 273 , 301, 302 , 3032, 317-319 , 337. Eu pr a x ie , mère du despote Stefan Lazarevié, 214. εϋρεσις θησαυρόν, 109, 1101, 114, 116, 123, 360, 363, 3611. Eustratiadès, S., 274, 275, 277, 2781, 282. εξισωτής, 103, 104.

fermage, 19, 70, 83, 86, 296, 299, 302, 306-309, 315. 344, 315; f. des impôts 101. feudati, 59. feudum, 31. fief, 31, 55, 57-61, 257. Florinskij, T., 2042, 3614. Fo u r n ia , domaine de Xénophon ; v. PSAI.inOFOUBNIA. Fr a n c s , 56, 57, 60, 61. Fr o u g o s , Christodoulos. parèque de Chilandar, 314. Fr o u g o s , Démétrius, parèque de Chilandar, 349. Ga l a ïd a , village d’Andronic Doukas, 304, 306.

374

INDEX

Ga m ma , village d’Andronic Doutas, 3052, 306. Ga z is , pronoïaire, 139, 140, 142. Ga z is , Paul, apographeus de Thessalonique, 163, 170. Ga z is Sy r ia n o u , pronoïaire, 141-143, 313, 315, 342, 349. Gé m is t e , Andronic,fils de G. Pléthon, pronoïaire, 182, 184, 185, 1861. Gé m is t e , Démétrius, fils de G. Pléthon, pronoïaire, 182, 184, 1861. Gé m is t e Pl é t h o n , Georges, 180-186. Ge o r g e s (de famille inconnue), pronoïaire, 123. Ge o r g e s , parèque de Chilandar, 313. Ge o r g e s (Saint), monastère de St. G. Gorgos, près de Skoplje, 187, 190, 1931, 194-196, 200. Ge o r g e s (Saint), monastère de St. G. à Zavlantia en Thessalie, 158. Gerland, E., 44. Ge r v a s io s , higoumène de Chilandar, 150-152. Gl e r o s , village de la région de Skadar, 232. Gl u s i , possession du pyrgos de Chilandar, 195, 1961. Go j a č a , pronoïaire, 226. Go m a t o u , village de Lavra en Chalcidique, 171, 172, 2911, 321, 322, 365. Go m a t o u , village de Lavra à Lemnos, 274, 277, 279, 281, 282, 289, 319, 321, 344. Go n ia Pe t a k i , possession pronoïaire, 69, 702. γονικός, 70, 73, 74, 76, 108 ; γονικότης (κατά λόγον γονικότητος), 107, 123, 126, 132-135, 153, 156, 250 ; γονικεύεσθαι, 111, 132. gornina, 1093. Go u n a r o po u l o s , famille de parèques, 65-68, 79 ; Jean G., 65, 66 ; Michel G., 65, 66 ; Nicolas (Nicodème) G., 65, 66. Gr a d a c , village de Chilandar, 141143, 298, 301, 303, 313-316, 318, 3191, 342, 344, 345, 354. gradozidanie (= καστροκτισία), 1093.

Gr è c e , 56, 93. Grégoire, H., 124 , 792, 855, 952, 2742. Gr é g o r a s , Nicéphore, historien, 62, 174. Gr is a , village de la région de Skadar, 229, 230, 251. Gr u b ič e v ič . pronoïaire, 254. Grujié, R., 1871, 1922 Gu b e č ić , Vucho, pronoïaire, 231-233. Gumplowicz, L., 23.

Ha r m é n o po u l o s , Constantin, 122. Heisenberg, A., 42, 101, 96, 971, 1021, 1032. He n r i de Flandre, 74. hérédité (de la pronoïa), 83, 93-96, 98, 106-112, 123-130, 132-139, 183, 184, 186, 190, 191, 198-200, 217, 220, 248-250, 255, 347, 348. He r m il ie , village de D. Devlitzinos, 126, 127 ; de Dochiariou, 156, 157, 163-169. He r m o n , fleuve, 82-84, 95. TIe x a m il io n , 182, 183, 185. Hié r is s o s , ville de Chalcidique, 145, 150, 211, 3461. Hié r is s o s , village de Xénophon, 265, 333, 336, 339-341, 3441. Hié r is s o s . village de Zographou, 343, 350. Ilopf, K„ 44. hyperpre royal, taxe, 200-202, 240, 242, 255, 367. Immunité, 68, 107, 112, 116-118, 123, 125, 171 185, 289, 290, 295, 343, 362-364. impôts, 73, 77, 82, 97, 101, 107, 109, 114-118, 144, 162, 165-167, 170-172, 181-185. 203, 279, 287291, 298-300, 303, 305-307, 309, 311, 316-323, 326-328, 333-337, 340343, 346-353, 355-358, 361-363,366 ; v. aussi taxes. Is a a c I Co m n è n e , empereur de Byzance (1057-1059), 20-22. Is a a c II An g e , empereur de Byzance (1185-1195), 44, 45.

INDEX

It a l io t e , Georges, parèque de M. Monomaque 113 ; Anna, sa femme, 113; Jean, son fils, 113. Iv ir o n , monastère athonite, 1381, 159, 207. Ja

u u c je ,

village pronoïaire, 214.

Jakovenko, P., 1161, 1171. Je a n II Co m n è n e , empereur de Byzance (1118-1143), 30 , 322, 40, 41, 63. Je a n III Va t a t z è s , empereur de Nicée (1222-1254), 62-65, 82, 831, 1931. Je a n V Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1341-1391), 122-124, 126, 127, 130, 148, 156, 160, 355. Je a n VI Ca n t a c u z è n e , empereur de Byzance (1347-1354), 101-103, 122, 123, 126, 127, 134, 136, 1501, 154, 159, 178. Je a n VII Pa l é o l o g u e . empereur de Byzance (1390), 129, 130, 137, 1642. Je a n VIII Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1425-1448), 182, 183, 185, 284. Je a n Al e x a n d r e , tsar de Bulgarie (1331-1371), 122, 355. Je a n de Thessalie, sébastocrator, 158. Je a n , grand primicier, fondateur du monastère athonite de Pantocrator, 176-178. Je a n , évêque d’Amazon, 69, 70. Je a n Th é o l o g u e , monastère de J. Th. à Patmos, 69, 275, 278. Jireček, K., 42, 101, 971, 1502, 1982, 199, 2531, 256. juridiction (du seigneur), 116-118,123, 253, 361-364. καβαλλάριος, 57, 58, 73, 75, 792, 126, 1411, 178. Ka d ia n o s , pronoïaire, 85. Ka l a m a r ia , 123, 127-129, 157, 158, 164, 206, 332. Ka l a v a r , pronoïaire, 212. Ka l é n o s , famille de parèques de Xénophon : Démétrius, 334, 335 ; Georges, 334 ; Marie, 334 ; Jean,

375 334, 335 ; Théodora, 334 ; Théodore, 334, 335. Ka l ig o po u l o s , Constantin, pronoïaire, 82-84, 86, 95. Ka l l in ik o s , hiéromoine de Chilandar, 1181, 263, 273, 2972, 299, 301, 317, 342, 353, 354, 364, 365. Ka l l in o s , Basile, parèque de Chilandar, 314. Ka l o d j o r d j e (Ca l o g e o r g e s ), guerrier, 194-197. Ka l o d j o r d j e v ić , Vlada, pronoïaire, 225, 227, 228, 244. Ka l o ïd a s , Georges, propriétaire foncier, 72. Ka l o k a mpo s , village de Dochiariou, 164-169. Ka l o s , Georges, parèque de Lavra, 319 ; Hélène, sa soeur, 319. Ka l o t h é t o s , Théodore, propriétaire foncier. 136. 137. Ka m e n ic a , village de Chilandar, 298, 315, 344, 3453. κανίακιον, 114, 116, 359, 360. καπνικόν, 303-305. Ka ps o k a v a d e , pronoïaire, 142, 143. Karadžié, Vuk, 211. Ka r a m a l is , Jean, parèque de Zographou, 326, 348. Ka r b e ia , village de Lavra, 172. Ka r y t a in e , ville du Péloponnèse, 57. Ka s s a n d r in o s , pronoïaire, 121, 150, 151, 355. Ka s t r io n , ville en Laconie, 182, 185. καστροκτισία, 109, 359. κάστρον, 24. Ka t o d ik o s , Kostas, parèque de Chilandar, 3171. Ka t z a r è s , Georges, pronoïaire, 127. Kaidan, A., 42, 91. Ke k a u m e n o s , auteur du Stratégikon, 24, 25. Ke l l io t is , famille de Iparèques de Xénophon : Argyri, 334, 338, 339 ; Jean, 334, 338 ; Théophano, 334 ; Xénos, 334, 338. Ké ph a l a s , Léon, propriétaire foncier, 392.

376

INDEX

κεφαλατίκιον, 165-171, 181, 182, 18-1, 2911, 311, 321. κεφαλή, 43-45, 99, 181, 274, 275, 277. Kič ik a , village pronoïaire, puis monastique, 203. Kin n a m o s , Georges, pronoïaire, 87, 88. Kin n a m o s , Jean, historien, 40, 4L Kl a z o mé n it e s , groupe de pronoïaires, 124, 157. Ko m n e n o u t z ik o s , pronoïaire, 156, 157. Ko n d o g r ic a , village de Chilandar, 142, 143, 298, 313-315. Ko n t o s t e ph a n o s , Jean, duc du thème de Thessalonique, 32-34, 37, 38. Ko n t o s t e ph a n o s , Stéphane, grand duc, 322. Korablev, V., 262, 266, 271. Ko s k in a s , Constantin, parèque de M. Monomaque, 781 ; Théotokos, son descendant, 781. Ko s k in a s (sobriquet), 32-34 ; v. Anémas. Ko u m a n e s , 48-53, 62. Ko u r t ik io s Do u k a s , Jean, duc du thème des Thracésiens, 67, 82, 83, Ko u t z o u c h ia , possession de Lavra. 46, 47, 49. Kr im o t a s , possession de Vatopédi. 158. Kr u š ic a , village de Chilandar, 298. Kténas, Ch., 1561. Ku k a n , village d’O. Dragosalić, 213. Ku l in , ban de Bosnie, 1881. Ku m a č a n in , Kosta, paysan de Chilandar, 345. Ku m ic a , village de Chilandar, 298, 315. Kurtz, E„ 262, 266. Ku t l u mu s , monastère athonite, 212, 341. Ky pr ia n o i , pronoïaires, 142,143,30s1, 313, 315-317. Kyriakidès, St., 1472. Ky r ia k o , paysanne de M. Monomaque, 3512.

La c h a n a s , famille de parèques de Xénophon : Jean, 334 ; Kali, 334 ; Marie, 334 ; (gendre) Georges, 334, 336. λάμπη, 952. La m ps a q u e , 260, 3655. La o o ik e n o s , Jean, notaire, 78. La o d ik e n o s , Nicolas, notaire, 74-76. Lascaris, Aï., 1II31, 217', 2521. La s k a r is , pronoïaire, 204. La s k a r is Co mn iïïn e , Manuel, prolosčbaste, 70. La s k a r is Co m n è n e , Marie, femme du protosébaste Manuel L., 701. La s k a r is Ko t a n ic , pronoïaire, 204. La v r a , monastère athonite, 31, 32, 34-39, 45-49, 721, 170-173, 207, 266, 273, 274, 276, 281, 282, 290, 2911, 311, 320, 321, 344, 365 ; praktika de L., 170-173, 263. 273, 274, 277-282, 289, 2911, 301, 302, 305, 310-312, 319-322, 358, 365. La z a r e , prince serbe, 212 216. Le m b io t is s a , monastère de la Mère de Dieu L., près de Smyrne, 64-67, 72, 73, 76, 78-85, 95, 96. Lemerle, P., 124, 1502, 1521, 2666, 2711. Le m n o s , 132, 176, 263, 274-279, 281, 282, 286, 289, 319, 321, 344. Le pe n d r in o s , pronoïaire, 150, 151. Lé r o s , 296. Lê v o u n is , paysan, 133. Lic a r io , grand duc, 238®. Lic h o u d è s , Constantin, ministre, puis patriarche de Constantinople, 20-22. Lips o c h o r io n , village de Chilandar, 262, 273, 301-303, 317-319. Liv a d ia , bien du monastère de Ménécée, 111. λίζιος, 72, 75. Ljubić, S., 222, 2415. Lj u b ić (Lubici), Zacharia, pronoïaire, 247. Lj u t o v o j , Kosta, propriétaire foncier, 1931. Lo k t is t a , village de J. Choumnos, 122. Lo r io n , possession de Xénophon, 332.

INDEX

Lo r o t o n , village de M. Tarchaniote, 127 ; de Lavra, 172. Lo u k it è s , Léon, pronoïaire, 33-35, 37. Lo u k it è s , Théotime, frère de Léon L., pronoïaire, 33-35, 37. Lo z ik io n , village de Chilandar, 139, 140, 315, 344, 345 ; v. aussi Lu ž a c . Lu r s i , village de la région de Skadar, 231. Lu ž a c , village de Chilandar, 298 ; v. aussi Lo z ik io n .

Ma c é d o in e , 7, 38, 39, 62, 187, 188, 211, 220, 222, 271. Ma g l a v it , propriétaire foncier, 1931. Majkov, A. A., 2, 3, 1983. Ma k r e m b o l it is , Michel, duc de Lemnos, 282. Ma k r in o s , Constantin, domestique des thèmes, 133, 150-157, 341. Makušev, V., 2, 3, 222, 228, 244, 246218. Ma k u š ić , André, pronoïaire, 247. Ma l a c h io n , village de G. Ange, 69-71. Ma l ia s e n o s , Nicolas, propriétaire foncier, 691. Ma l o š e v ić , Šćepan, pronoïaire, 254, 255. Ma l o t è s Pa l é o l o g u e , Constantin, apographeus du thème de Thessalonique, 170. Ma m a s (Sa in t -), village de Vatopédi, 157, 158, 206. Ma mit z o n , village de Kallinikos, hiéromoine de Chilandar, 263, 273, 299, 301, 317, 318, 342, 353, 354, 364, 365. Ma n g a n e s , 20-2. Ma n g u l f i , Petro, voïvode de Skadar, 235. Ma n o t a s , pronoïaire, 190-193, 195197, 200, 217. Ma n t a ia , village de la région de Smyrne, 75, 80. Ma n u e l I Co m n è n e , empereur de Byzance (1143-1180), 28-32, 35, 36, 4144, 48, 62, 63, 174, 188. Ma n u e l II Pa l é o l o g u e , empereur

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de Byzance (1391-1425), 161-166, 169, 170, 172, 174, 175, 282-284, 2942. Ma n u e l , vestiaire, 155, 156. Ma n u e l , parèque de Chilandar, 349. Ma r g a r it è s , propriétaire foncier, 1O71. Ma k ic a , paysanne de Zographou, 325, 326, 349 ; Étienne, son fils, 325 ; Kali, sa bru, 321. Ma r ic a , bataille de la M. (1371), 128, 161, 162, 165, 2911. Ma r ie , impératrice, femme de Manuel I, 43. Ma r m a r a s , pronoïaire, 98-100. Ma r t in , Pierre, sire, chevalier-pronoïaire, 141. Ma r t in o s , Nicéphore, pronoïaire, 147149. Ma t z o u k is . économe des domaines impériaux, 264, 292. Ma t z o u k is , Démétrius, prêtre, parèque de Zographou, 319. Ma t z o u k is , Théodore, secrétaire de la chancellerie impériale, 48. Ma u r o ph o r o s , propriétaire foncier, 122, 123. Ma v r o s , Théodore, parèque de Lavra, 279. Mé a n d r e , fleuve d’Asie Mineure, 62. Mé l a n io n , domaine d’Aiidronic Doukas, 306, 309. Mé l a n o u d io n , thème de M., 70. Mé n é c é e , monastère de Jean Prodrome au mont M., près de Serrés, 1071, 111, 147-150, 263, 284, 312, 319. Mercenaires, 11, 15, 25, 97, 102, 174, 175. meroph, 200, 366. Mé s o po t a mit e , Manuel, sire, chevalier-pronoïaire, 126. Mic h e l VII Do u k a s , empereur de Byzance (1071-1078), 22-24, 264, 292. Mic h e l VIII Pa l é o l o g u e , empereur de Byzance (1259-1282), 69, 831, 92-100, 106, 125, 146, 174, 286, 332. Mic h e l IX Pa l é o l o g u e , fils et coré-

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gent d’Andronic II, 100, 1381, 192, 1961, 2701, 2731. Mic h e l Šiš ma n , tsar de Bulgarie (1293-1330), 3622. Mic h e l Cé r u l a ir e , patriarche de Constantinople (1042-1058), 20. Mid a , Zorzi, pronoïaire, 247. Miklosich, F-, 43, 04, 147, 200, 202, 264, 276, 307. Mil a , village de la région de Smyrne, 65 ; v. aussi Ba r i . Mil e t , 262, 286, 308. Mil u t in (Stefan Uroš II), roi de Serbie (1282-1321), 146, 187-197, 199, 200, 203, 210, 217. Mil u t in , Stefan, pronoïaire, 249, 251. μίσθαρνος, μίσθιος, 296, 332. Mis t r a , 184. Mit y l in a io s . Michel, parèque de Xénophon, 335. modius (taxe) 228-230, 242, 251. Mo d o n , 61. Mo g l e n a , thème de M., 46, 48-52. Mo l a s ir i , Domenego, comandador, 229. Mo n o m a q u e , Michel, pronoïaire, 112123, 125, 135, 144, 1561, 262, 273, 2972, 302, 312 , 347-355, 357 , 358, 360, 363, 366. Mo n o s pit o n , possession du monastère de Ménécée, 147. Mo n o t i , Rajko, pronoïaire, 244. Mo n t é n é g r o , 220, 253, 256. Mo r é e , 56, 57, 60, 181 ; Chronique de M., 56-61, 176. μόρτη, 70, 71, 99. Mošin, V., 42, 1041, 1521, 161-163, 261263, 266-273, 288, 289, 2942, 327, 3293, 338, 3432, 3582, 3602. Millier, J., 43, 64, 147, 260, 262, 264, 276, 307. Mu n z e n i , village de Chilandar, 298, 313, 314, 316, 344, 345. Mu r a r o , Gin, pronoïaire, 229. Mutafčiev, P., 4-6, 123,144,21, 29,821. μύζαι (ai δύο—), 181, 182, 184. Mu z it h r a s , Léon, prêtre, 75-77. My t il è n e , 100.

Na t iv it é de la Vierge, monastère de la — à Cetinjé, 254. Né a Pé t r a , monastère en Thessalie, 691, 98. Né a k it o u , village de Xénophon, 333, 335, 336, 339, 3441. Né m a n j a , Stefan, grand župau. 188. Né m a n id e s , 187, 188, 243. Né o c iio r io n , village de Kutlumus, 212. Né o c iio r io n , village de R. Sampias, 128, 129. Né o k a s t r it è s , Alexandre, pronoïaire, 88. Né o k a s t r it è s , pronoïaire, 156, 157. Né r é z i , village près de Skoplje, 195. Neumann, C., 142. Nia g a r a , possession de Lavra, 320. Nic é e , empire de N., 62-64, 72, 76, 85, 86, 92, 93. Nic é ph o r e I, empereur de Byzance (802-811), 122. Nic é ph o r e 11 Ph o c a s , empereur de Byzance (963-969), 14. Nic o l a s , fils d’Eudokimos, pronoïaire, 176. Nic o l a s (Sa in t -), village de Dochiariou, 166. Nic o l a s l e Se r b e , prêtre, parèque de Chilandar, 349. Nic o m é d ie , 40. Nik é ph o r it z ê s , logothète, 22, 23. Nin o s l a v , Matthieu, ban de Bosnie, 1881. Nis io n , village de M. Monomaque, 112-114, 119, 121, 262, 273, 302, 348-351, 353, 354. νομικός, 74, 78. No v a k o v ić , Božidar, pronoïaire, 247. Novakovié, St., 3, 101, 188, 1983, 199 , 2013, 2042, 209.

Ob l iq u a , village de Skadar, 225, 227, 228, 244. obrok, 241-244, 251. Oc h r id a , 207 ; archevêché d’O., 88. Occident, 93, 126, 175, 178, 210, 289, 296, 345.

INDEX

Od u j e v ić , Théodore, propriétaire foncier, 212. οικοδεσπότης, 75, 77. οικονομία, 9, 84, 97-101, 1071, 108, 124, 126, 127, 130, 140, 111, 145153, 176, 185. οικούμενον, 311, 312, 335, 316, 353, 355, 3581, 366. Ol y n t h o s , village d’Andronic Doukas, 3052, 306. Om o y , André, pronoïaire, 228, 229, 236, 249. Om o y , Coiacin, pronoïaire, 228, 229, 236, 249. Om o y , Michel, pronoïaire, 247, 248. Om o y , Radizo, pronoïaire, 2292, 2331, 235, 248. ωφέλεια, 346, 357, 358. Or a c iio v o , village pronoïaire du Monténégro, 255, 256. όρική, 109. Os a n , pronoïaire, 204. Ostrogorsky, G., 42, 102, 141, 371. Ot t o , André, pronoïaire, 229, 247. Ot t o , Masarecho, pronoïaire, 247. Ot t o , Radas, pronoïaire, 247. Ou s k a , village de la région de Zichna, 106, 1071. Ov il o , village d’Iviron, 159. Pa c h y mè r e , Georges, historien, 63, 64, 921, 93-96, 99, 100, 103, 284. Pa g a s is , Antoine, fondateur du monastère athonite de St. Paul, 129. Pa l é o l o g u e , Andronic, fils de Manuel II, despote de Thessalonique, 1301, 164, 170, 283, 284. Pa l é o l o g u e , Démétrius, fils de Manuel II, despote de Morée, 1861. Pa l é o l o g u e , Hélène, impératrice, femme de Manuel II, 175. Pa l é o l o g u e , Jean, despote, frère de Michel VIII, 100. Pa l é o l o g u e , Théodore, fils de Manuel II, despote de Morée, 181-186. Pa l ê o l o g u e s , dynastie byzantine, 92, 93, 106, 139, 152, 178, 180, 215. Pa m a l io t e , Paul, pronoïaire, 237,238.

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Pa m a l io t e , Progan, pronoïaire, 237. Pa n a r è t e , Jean, pronoïaire, 106, 107, 112. Pa n a r è t e , village de la région de Smyrne, 78. Pančenko, B., 42 , 651, 673, 762, 260, 287, 301, 308, 310, 3461, 360·'. Pa n t é l Éim o n (Sa in t -), monastère athonite, 175, 176, 263 ; v. aussi Ro s s ik o n . Pa n t o k r a t o r , monastère athonite, 176, 177, Papadopoulos-Kerameus, A., 90. Pa pil a s , Kostas, parèque de Chilandar, 342. Pa r a pa pa s , André, parèque de Chilandar, 3172. πάροικος, parèque, 13, 29, 30, 3236, 65-80, 86, 89, 90, 109, 114, 115, 119, 141, 143, 145, 146, 153, 158, 162, 167, 172, 176, 178, 182, 206. 207, 275-277, 280, 289, 290, 292. 296, 299, 303, 305, 310, 311, 315, 316, 318-328, 330-333, 343-347, 353, 360, 365. παρθενοφθορία, 1101, 114, 116, 117, 123, 360-363. Pa š t r o v ić i , région de Zêta, 256. Pa t mo s , 260, 275 277, 282, 28G, 296, 308, 36l4 ; praktikon de P., 260, 261, 285, 292-294, 297, 303-310, 3562, 357. Pa t r ik io t è s , fermier des impôts, 101, 102. Pa u l (Sa in t -), monastère athonite, 129, 130, 137. pêcherie, 82, 83, 85, 86, 302, 320, 348. Pe l a r e g in o n , possession d’Alexis Diplovatatzès, 111. Pe n d ik o n d a r is , famille de parèques de Zographou : Athanase, 267 ; Constantin, 267, 324, 326, 349 ; Constantin, 267 ; Démétrius, 267, 268 ; Irène, 267, 268 ; Jean, 267 ; Marie, 267 ; Nicolas, 267, 268 ; Photiné, 267, 268; Zoé, 267. Pe r g a m é n o s , Constantin, apographeus

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INDEX

du thème de Thessalonique, 1041, 265-267, 2722, 2821, 285, 341. Pe r g a mé n o s , Georges, apographeus de Thessalonique, 161, 170. Pé r ib l e pt o s , église de la Mère de Dieu P. à Ochrida, 207. Pé r ic a r d ik ia , village de Dochiariuu, 164-169. Pe t c h é n è g u e s , 40, 4P. Petit, L., 1521, 262, 263, 265, 270, 273, 284. Pé t r it z è s , Georges, pronoïaire, 81, 821. Pé t r it z è s , Georges, pronoïaire, 81, 821. Pé t r it z è s , Michel, pronoïaire, 80, 81, 821, 86. Ph a n a r io n , forteresse en Morée, 181, 182, 184, 186. Ph a r is é e , Georges, apographeus du thème de Thessalonique. 1041, 265267, 2722, 2821, 341. Ph il o ma t è s , Nicolas, pronoïaire, 142, 143. Piiil o t iié e , auteur du Clétorologe, 222. Piiil o t iié e , patriarche de Constantinople (1354-1355, 1364-1376), 160. Ph io m a c h o s , Stéphane, pronoïaire, 2521. Piil é v o t o m o s , Démétrius, parèque de Zographou, 3241. φλωριατικόν, 181-185. Ph o c a s , stratopédarque, 73. φόνος, φονικόν, 109, 1101, 114, 116, 123, 360-363. Ph o s t é r a s , Georges, parèque d’Andronic Doukas, 304. Piio t in i , Kali, paysanne de M. Monomaque, 113; Jean, son petitfils, 113. Piio t iu s , parèque de M. Monomaque, 3512. φροντιστής, 18. Pie r a Ne g r a , village de la région de Skadar, 231. Pie r r e , fondateur du second royaume bulgare, 53, 54, 187. Pipe r , Michel, pronoïaire, 254.

Pl a n it is , Nicodème, parèque de M. Pétritzès, 80. Podestat (de Drivaste), 223. Po d g o r a (Podegora), village de la région de Skadar, 229, 230, 247. Po l é a s , Georges, prêtre, parèque, fils de Jean P., 77. Po l é a s , Jean, prêtre, parèque du pronoïaire Syrgaris, 75-77. Po l é a s , Thomas, prêtre, parèque, fils de Jean P., 75, 77. pomestje, 2, 6, 1041, 257. Po r t a r é a , village d’Esphigménou, 299. ποσότης, ποσόν, 104, 105, 110, 112, 113, 115, 124, 126, 140, 147, 150, 151, 185, 3481, 357. Po t a mo s , village de Syrgaris, 73, 74, 78. πρακτικόν, praktikon, 51, 52, 78, 80, 85, 95, 104, 168, 111-121, 123, 135, 140, 141, 144, 147, 159, 161, 165, 167, 170-173 ; H, passim. Pr é c a l i , Jonema, pronoïaire, 231, 232, Pr é c a l i , Rajko, pronoïaire, 230, 232. Pr é c a l i , village de la région de Skadar, 231. Pr é v is t a , village de Zographou, 3622, 3631. Pr é v l a k a , village d’Esphigménou, 299. Pr é v l a k a , village de Chilandar, 298. prikija, préija (προικιά), 191, 200, 255. Pr iz r e n , évêché de P., 196, 203. prnjavor, 211. προάστειον, 33, 35, 38. Pr o m o u n d in o s , Nicolas, logariaste, 283. pronia, 223, 225, 226, 237, 238, 247, 251. proniario, 9, 228-230, 232, 233, 247, 253. proniarius, 9, 223, 227-229, 234, 235, 239, 244, 218, 250, 251, 254. pronija, 2-4, 188, 189, 198, 200, 211, 255.

INDEX

pronijar, 9. pronijarević, 209, 210. προνοητής, 18. πρόνοια, pronoïa, 1, passini ; Il, 286288, 29P, 313, 314, 3171, 321, 337, 317, 349, 351, 352, 354, 355, 357, 366. προνοιάριος, προνιάριος, 9, 18, 90, 2521. προνοιασμένος, 58. προνοιαστικώς 70, 71. προνοιάτορας, 59. προνοιάζειν, προνοιΰσθαι, 58. προσκαθήμενος, 109, 144. protocurateur, 292, 293, 307, 359. provisor (vénitien) 225, 237-239, 244, 250. Ps a l id o f o u r n ia , domaine de Xénophon, 339-341, 343. Ps e l l o s , Michel, 17. Ps is in , Mladen, pronoïaire, 214, 215. Pt é iu s , village à Lcinnos, 276, 278. πύργος, 128, 145, 146, 164, 191, 192, 195. Rački, F., 2. Ra d in o s , Jean,apographeus du thème de Thessalonique, 170. Ra d in o s Do u k a s , Stéphane, apographeus du thème de Thessalonique, 170, 283. Ra d in o s , pronoïaire, 145, 146. Ra d k o v ić , Stéphane, logothète, pronoïaire, 2, 218-221. Radojčić, N., 1982. Ra d o l iv o , village d’Iviron, 159. Ra d o s l a v , neveu du trésorier Radovan, pronoïaire, 216, 217. Ra d o v a n , trésorier, pronoïaire, 216, 217. Ra d o v a n , neveu du trésorier R., pronoïaire, 216, 217. Ra o u l , Alexis, pronoïaire, 1122, 117, 120, 2861, 355, 3631. Ra o u l , Jean, protosébaste, grand logothète, 1243. Ra o u l Co m n è n e , pincerne, 98, 99. Ra v d o k a n a k is , Jean, vestiarite, 65-68.

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recteur (vénitien), 225, 227, 238, 239, 244. Re č ic e , village du monastère de St. Georges Gorgos, 187, 194, 195. Regel, AV., 262, 263, 266, 284. Re n d in a , ville de Macédoine, 139, i 70 ; il vicie, 299. rente féodale, 70, 71, 86, 99, 105, 112, 115, 118, 120-126, 131, 140, 147151, 157, 167, 170, 181, 183, 185, 201, 202, 242, 259, 290-295, 309, 325, 329, 341, 342, 346, 348, 355357, 359, 366, 367. Re n t in o s , André Romanos, pronoïaire, 34, 35, 37. Re pa n j a , Georges (Kalogeorges), guerrier serbe, 195, 196. Ré v é n ik ia , district du thème de Thessalonique, 263, 283. Rh o d e s , 100. Ro m a in IV Dio g è n e . empereur de Byzance (1069-1071), 188. Ρωμαίοι, Romains (Byzantins), 25, 29, 53, 60, 61, 100, 129. Ro m a io s , pronoïaire, 148, 149. Ro m a n ie , 604. Ro m e s t in a , Radoslav, pronoïaire, 231, 250. Ro s a io n , village de Dochiariou, laû157. Ro s iè r e s , Gautier de, 57. Ro s s ik o n , monastère russe au Mont Athos, 1101, 176, 283, 312, 359; v. aussi Sa in t Pa n t é l é im o n . Rouillard, G., 42 , 311, 322, 37, 45, 49, 275-277, 2892, 2942, 3613. Ru s s ie , 1, 6, 1041, 257, 359, 361.

Sa l o n iq u e , v. Th e s s a l o n iq u e . Sa l u me , Nicolas, pronoïaire, 231, 250. Sa l u m e , Vukica (Vuehczi), pronoïaire, 231, 250. Sa m a r is i , village de la région de Skadar, 231. Sa m pia s , Radoslav, pronoïaire, 128130, 137. Sa r a k in o s , pronoïaire, 131, 148.

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INDEX

Sa r a n t in o s , Ignace, pronoïaire, 153, 154. Sa r a v a r is , pronoïaire, 211. Sa u v e u r , monastère du S., près de Sinyrne, 96. Sc l a v o , Bitri, pronoïaire, 232. Sc o r d in o s , famille de grands propriétaires de Crète, 44, 45. Sc u t a r io t è s , Théodore, historien, 64. Sécularisation de biens monastiques, 159-162, 168, 169, 172, 173, 175, 2911. Se k ih n ik , village pronoïaire, puis possession de Chrelja, et de Chilandar, 204. Sé l a g it è s , Jean, duc de Mélanoudion, 69, 70, 96. Se l y m b r ia , 160. sénat, sénateurs, 42, 94, 102· Se r b e s , Se r b ie , 1-4, 6, 7, 40, 41, 146, 147. 161, 1,87-191, 197, 199, 201, 202, 205, 208-210, 212, 215, 217220, 222-226, 236, 240, 243, 247, 248, 252, 257, 329, 366, 367. serf, 13, 30, 50-52, 70-73, 86, 109, 110, 115,116, 126, 141, 144, 200, 201, 203, 259, 261, 267, 271, 275, 294, 296, 301, 302, 312, 315, 317, 322, 323, 326, 328, 331. 333, 342, 344, 347, 348, 352, 356, 362, 364366 ; v. aussi πάροικος. sergent, 58, 59. Se r r é s , 106-108, 112, 124-127, 147, 148, 341. service (militaire), 5-7, 22, 23, 27, 30, 36, 37, 40, 56, 57, 59, 63,64,70, 83, 84, 86, 101-103, 112, 120, 124, 125, 127-131, 134, 135, 138, 176178, 180-186, 190-194 197 200217, 218, 221, 223, 225, 226, 235, 240, 244, 246, 250, 252, 256, 347, 348. Sid é r o k a v s ia , village de Lavra, 172, 207. Sid é r o ph a g o s , pronoïaire, 204. Sig e c i , Démétrius, pronoïaire, 232. Sig e c i , Nicolas, pronoïaire, 232.

Sig e c i , village de la région de Skadar, 232. Sim o n , hiéromoine de Chilandar, 145. Simo n is , fille d’Andronic II, femme de Milutin, 147. Sin is a , v. Sy mé o n -Sin iš a . Sin o d e r i , village de la région de Skadar, 247. σιταρκία, 109, 1101, 1621. σιτόκριθον, 284. Siv r i , village à Cassandra, 141, 270. Skabalanovič, N., ΙΟ2, 161, 172, 192. Sk a d a r (Scutari), 223, 226 ; région de S., 222-228, 233-250, 252, 253, 255; cadastre de S., 222, 227-230, 232, 233, 235, 237, 241, 242, 246248, 250. Sk a m a n d r in o s , parèque de Xénophon, 335. Sk a n d e r b e g , 226, 2351, 249. Sk l é r o s , Andronic, gouverneur de Thraee et Macédoine, 38. Sk o pe j e , 187, 188, 191, 1931. Sk o r e v , pronoïaire, 142, 143. Sk r in is , Jean, parèque d’Andronic Doukas, 304. Sk y l it z è s , Jean, chroniqueur, 20, 21, 27, 3612. Sm e d e r e v o , 216, 217. Sm y r n e , 64-67, 71 76, 82, 85. soée, taxe, 221, 242-244, 251. Sokolov, I., 42. σολέμνιον, 91, 721. Soloviev, A., 42, 1071, 1472, 1502, 2561, 2611, 263 , 284 , 2892, 2942, 3432, 361, 367. So m e s i , village de la région de Skadar, 231, 233. Sph o u r n o s , village de la région de Smyrne, 72-74, 76, 78. St a n é s è s , chevalier-pronoïaire, 126. στάσις, 195, 203, 296, 300, 325, 342, 343. Stein, E., ΙΟ2, 1502, 1521. St é ph a n e (Ur o š III) De č a n s k i, roi de Serbie (1321-1331), 192,19e1, 203, 2042, 214. St é ph a n e Du š a n , v . Du š a n .

INDEX

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St é ph a n e La z a r e v ić , despote de Ser- Ta r c h a n io t e , Manuel, pronoïaire, 127, bie (1389-1427), 2, 175, 212-215. 128. tastnina, 190, 191. St é ph a n e Né m a n j a , v . Né m a n j a . St é ph a n e l e pr e m ie r c o u r o n n é ,roi taxes, 71, 70, 78, 82, 83, 85, 107-110, 113-115, 118-120, 143, 162, 164, de Serbie (1196-1228), 196, 197. 172, 180, 181, 183, 185, 202, 203, St é ph a n e To ma š , roi de Bosnie (1443207, 227-229, 240-245, 259, 263, 1461), 2, 3, 211, 218-221. St é ph a n e To m a š e v ić , roi de Bosnie 264, 268, 284-280, 291, 294-299, 302-301, 306, 311, 314, 315, 317, (1461-1463), 219, 221. St é ph a n ia n a , village d’Esphigménou, 320, 321, 326, 335, 337, 344, 348350, 353-357, 359-363 ; v. aussi im299. pôts. St h l a v o s , parèque de Xénophon, τέλος, 311, 312, 321. 153. Te s s a r a k o n t a pe c h y s , Georges, corresStojanović, Lj., 204a, 261, 271. pondant de M. Ghoniate, 54. St o m io n , village de Xénophon, 332334, 336, 338-341, 3441. Th é o d o r a , paysanne de Zographou, 349. St r a t é g o s , Stéphane (Georges), domestique des thèmes, 148. Th é o d o r e II La s k a r is , empereur de στρατιώτης, 9-16, 33, 34, 36-38, 46, Nicée (1254-1258), 62. 46, 49, 57, 63, 64, 80, 81, 83-85, Th é o d o r e Sv e t o s l a v , tsar de Bul87, 88, 95, 98, 101, 102, 124, 125, garie (1300-1322), 100. Th é o d o r e l e Fo k g ii Ko n , parèque de 127, 157, 159, 176, 197, 211. Zographou, 269, 324, 326 ; Georges, St r y mo n , 133, 150, 151, 273, 286, 296, 299, 302, 347, 348, 353. son fils, 269, 324, 325 (Irène, sa Su l e im a n , sultan turc (1402-1410), femme, 269 ; Kali, sa sæur, 269 ; 1651. Kali, sa fille, 269). Th é o l o g it e , Nicolas, pansébaste, colSu l t a n in a , Xénia, femme d’A. Suitanos Paléologue, 130, 131. lègue du domestique des thèmes Su l t a n o s Pa l é o l o g u e , Alexis, proStratégos, 148. noïaire, 130, 131, 148. Th é o ph a n e , chroniqueur, 122. σννωνή, 303-305 , 3562. Th é o ph y l a c t e , Georges, parèque de Sy k a i , village de Lavra, 170, 2911, M. Monomaque, 113, 348; Eudokia, sa femme, 113; Anne, sa fille, 113, 311, 321, 322. Sy me o n -Sin iš a , frère de Dušan, sei- Th e s s a l ie , 691, 90, 93, 99, 158, 159, 206, 208, 210. gneur d’Épire, 208, 210. Th e s s a l o n iq u e , 32, 38, 39, 87, 88, Sy r a l ia t è s , chevalier-pron naire, 791. 90, 149, 161, 162, 164-167, 170, 172, Sy r g a r is , chevalier-pronoïaire, 72-79, 86, 117. 265-267, 270-273, 282-285, 321, 329. Th r a c e , 38, 39, 62. Šafarik, P., 2. Th r a c é s ie n s , thème des Th., 67, 73, Ševčenko, I., 1782. Št ip , 204, 205. 82. Št u k a , village de la région de Štip, timar, 257. 204, 205. To r n ik io s , Démétrius, 67-69, 79. To u r n a y , Othon de, 58. Taranovski, T., 42, 101, 1881,1931, 196, Tr in o v o n , village pronoïaire en Thes1983, 199, 200, 209. salie, 98, 99. Ta r c h a n io t e Gl a b a s , Makarios, dé- Tr o m ps i Gr a n d i, village de la rélégué de l'empereur Jean V, 160. gion de Skadar, 230, 233, 235.

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INDEX

Tr o u l in o s , Georges, pronoïaire, 108112, 117. Truhelka, Ć., 1881. Tu r c s , 99, 161, 165, 173, 175, 216, 218, 219, 221, 257, 28-1. Tu t k o , pronoïaire, 204. Tz a min e n a , Anna, paysanne d’Andronic Doukas, 304. Tz a n g r o ïo a n n e s , village de, 136. Tz a n k a r is , Jean, parèque de Xénophon, 336. Tz a ph a s Or s in i Do u k a s , Jean, grand connétable, 208-210. Tz a ph a s Or s in i Do u k a s , Jean, son neveu, pronoïaire, 208, 209. Tz e r n a c h o v a , ruisseau, 33, 34. Tz ir it h n o s , Constantin, pronoïaire, 88, 90. Tz iv in is , Georges, parèque de M. Monomaque, 349. Tz y r a k is , Nicolas, arpenteur à Cassandra, 2771. Tz y r a pis , Constantin, gouverneur de Lemnos, 274-277, 281, 282. Ug l e š a , Jean, despote, 128, 161, 211, 212. Ul c in j , ville du Monténégro, 246. Uspenskij, J·. I., 1-5, 7, 102, 143, 161, 172, 21, 24, 29, 31, 424, 43, 44“, 53, 56, 58 , 673, 1171, 259-261, 271, 2991, 310, 3161, 327, 330. Uspenskij, K., 2902. Uspenskij, Porf., 284. Va l a c h ie , Grande (Thessalie), 90, 99. Va l a q u e s , 49. Va r d a n ê s , propriétaire foncier, 141143, 313, 314. Va r i , village d’Andronic Doukas, 297, 3052, 306, 308. Va r v a r in i ,groupe de pronoïaires, 155, 157, 158, 206. Va r z a c h a n io n , village de Lavra, 38. Vasiljevskij, V. G., 42, 10a, 141, 172, 251, 64 , 65, 673, 84, 1093, 3562, 3614. Va s s o s , pronoïaire, 88.

V’a t a t z è s , Jean, premier veneur, 112, 121, 1561, 354, 355. Va t o pé d i , monastère athonite, 1102, 132, 137, 157, 158, 161, 206, 3441. Ve n is e , Vé n it ie n s , 61, 93, 222-227, 234-239, 241, 243-247, 251-255 ; archives de V., 3, 222. Ve r v o u l id i , domaine d’Andronic Doukas, 304, 306. Vil l e h a r d o u in , Geofiïoi I, 56-60. Vil l e h a r d o u in , Geoffroi II, 60. Vil l e h a r d o u in , Guillaume II, 61. Višnjakova, A., 651, 673. Vl a c h ia n a , Eudoxie, paysanne de Zographou, 324, 326. Vl a c h o po u l o s , Michel, parèque de Xénophon, 3361. Vl a c h o s , Georges, parèque de Xénophon, 345. Vl a d a mi , village de la région de Skadar. 231. vlasteličié, 195, 196. VT.a t t e r o s , Basile, pronoïaire, 65-68. Vo d n o , village de la région de Skoplje, 195. Vo l o v o n t è s , Constantin, parèque, gendre de L. Muzithras, 75. Vo l v o s (An ô -), village de Zographou, 350. votčina, 6, 1041. Vr a s t o n , village en Thessalie, 98, 99. vražda, 1093. Xanalatos, D„ 172, 632. Xa n d is , famille de parèques de Zographou, 2684, 325. ξένοι, 74, 108, 330, 343. ξενοπάροικοι, 343, 344. Xé n o ph o n , monastère athonite, 133, 140, 153, 265, 266, 2972, 302, 331335, 337-344 ; praktika de X., 1041, 262 , 265, 270 , 272, 273 , 3003, 321, 331-335, 337-340, 343, 344.

Ysi, Bitri, pronoïaire, 230, 233, 235. Za b l a n t ia , village en Thessalie, 158 ; monastère de Z., 158, 206.

INDEX

Za c h a r ia , Coia, pronoïaire, 251. Za c h a r ia , Lécha, pronoïaire, fils de Coia Z., 251. Zacharia von Lingenthal, K. E., 55, 3614. Za ph a l ia , pronoïaire, 244. Zê t a , 7, 187, 222, 224, 227, 236, 237, 239, 24Ü, 243, 244, 248, 250, 252257. ζευγαράτης, 38, 171, 303, 304, 306, 309, 310, 312, 315, 321, 322, 365. ζευγαρατίκιον, 114, 159, 304, 305, 357, 358. ζευγάριον, 69, 113, 139, 140, 164, 166, 1672, 171, 175, 176, 283, 284, 303, 305, 310, 314-316, 318, 321, 323, 350, 358 ; ζ. δουλικόν, 1621, 166 ; ζ. παροικικόν, 1621.

385

Zic h n a , ville près de Serrés, 106, 107, 122, 148. Zlatarski, V., 53. Zo g r a piio u , monastère athonite, 1041, 112, 122, 139, 1 10, 149, 150, 211, 266, 267, 269, 270, 273, 285, 286297-299, 302, 310, 322, 323, 326, 329, 338, 342, 343, 348-351, 355, 356, 358, 362, 364 ; praktika de Z., 1041, 1051, 261, 262, 266, 267, 269, 271-273 , 3003, 322-329 , 331, 338, 346, 350, 3512, 357, 358, 364, 365. Zo n a r a s , Constantin, parèque d’Alopos, 781 ; Nicolas, son descendant, 781. Zo n a r a s , Jean, chroniqueur, 20, 21. Žič a , monastère serbe, 196. žitarstvo, taxe, 1093.

TABLE DES MATIÈRES Pr é f a c e

Ab r é v ia t io n s In t r o d u c t io n

v

................................................................................ d e s o u v r a g e s l e pl u s s o u v e n t

c it é s

.

.

xi

.................................................................................1

Ch a pit r e I. —Πρόνοιαι et biens militaires

....

Ch a pit r e IL —Πρόνοιαι et Χαριστίκια . .... Ch a pit r e III. — Phase initiale du système de la pronoïa au temps de la prédominance de l’aristocratie des hauts fonctionnaires civils..................................................... 20 Ch a pit r e IV. — Développement du système de la pronoïa au temps de la domination de l'aristocratie militaire Ch a pit r e V. — Les pronoïaires byzantins sous la domination latine..................................................................... 55 Ch a pit r e VI.—Les pronoïaires dans l’Empire de Nicée Ch a pit r e VII.—Les pronoïaires dans le Despotat d’Epire

9

17

2G

62 87

Ch a pit r e VIII. — La pronoïa à l’époque des premiers Paléologues. Hérédité de la pronoïa. Lutte entre pronoïaires et monastères......................................................92 Ch a pit r e IX. — La pronoïa au temps de l’invasion turque. Donation de biens monastiques en pronoïa . . .155 Ch a pit r e X. — La pronoïa à la veille de la chute de l’Empire byzantin. Les pronoïaires comme administrateurs territoriaux................................................................... 180 Ch a pit r e XL —La pronoïa dans l’État serbe au moyen âge

187

Ch a pit r e XII. —La pronoïa dans la Zêta sous la domination vénitienne............................................................222 Le s Pr a k t ik a b y z a n t in s ............................................................. 259

I. — Datation des praktika étudiés............................................... 264

IL — Destination des revenus enregistrés dans les praktika III. — Le domaine féodal et le village serf

.

....

286 296

388

TABLE DES MATIÈRES

IV. — Les revenus d’Andronic Doukas et les versements de ses paysans serfs.................................................................. 302

V. — Mode d’inscription des principaux versements paysans dans les praktika tardifs.............................................................. 310

VI. — Différences dans la situation

de fortune, des paysans

serfs......................................................................................... 312 VII. — Fluidité de la population paysanne serve. Augmentation rapide des domaines des glands féodaux . .

322

VIII. — Les éleuthères.................................................................. 330 IX. — Le praktikon du pronoïaire Michel Monomaque

.

.

347

X. — Prédominance de la rente monétaire. Taxes supplémentaires et corvées.................................................................. 356

In d e x ..................................................................................................... 369