Les armées du Proche-Orient ancien (IIIe-Ier mill.av. J. –C.): Actes du colloque international organisé à Lyon les 1 er et 2 décembre 2006, Maison de l'Orient et de la Méditerranée 9781407302324, 9781407333601

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Les armées du Proche-Orient ancien (IIIe-Ier mill.av. J. –C.): Actes du colloque international organisé à Lyon les 1 er et 2 décembre 2006, Maison de l'Orient et de la Méditerranée
 9781407302324, 9781407333601

Table of contents :
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Title Page
Copyright
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS
PRÉFACE
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
L’ARMÉE D’AKKAD
L’ARMÉE DES ROIS D’UR : CE QU’EN DISENT LES TEXTES
SAMSÎ-ADDU ET SES SOLDATS
LE CHAR DE GUERRE EN SYRIE ET PALESTINE AU BRONZE RÉCENT
L’ARMÉE D’APRÈS LA DOCUMENTATION DE NUZI
THE ORGANIZATION OF THE MIDDLE ASSYRIAN ARMY: SOME FRESH EVIDENCE
LE DEVELOPPEMENT DE L’ARC EN MÉSOPOTAMIE
LES ARMES DE TERQA
LE “VISAGE DE LA BATAILLE”: LA PENSÉE MILITAIRE CLASSIQUE ET L’ÉTUDE DE LA GUERRE ET DU COMBAT AU PROCHE-ORIENT ANCIEN
LES FORTERESSES ASSYRIENNES DE LA VALLEE DU MOYEN EUPHRATE
LES SYSTÈMES DÉFENSIFS D’OUGARIT AU BRONZE MOYEN ET RÉCENT
LORSQU’UNE VILLE EST EN ÉTAT DE SIÈGE : ÉTUDE DE CAS NÉO-ASSYRIENS
LA STRATÉGIE DES ROIS NÉO-BABYLONIENS CONTRE L'ASSYRIE, DE 616 À 606 AV. J.-C.
ARMES ET ARMÉES DES DIEUX DANS LES TRADITIONS MÉSOPOTAMIENNES
KINGS GO INTO BATTLE. REPRESENTATIONS OF THE MESOPOTAMIAN RULER AS A WARRIOR
LA MUTILATION DU CORPS DE L’ENNEMI
LES CÉRÉMONIES TRIOMPHALES EN ASSYRIE

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BAR  S1855  2008  

Les armées du Proche-Orient ancien

ABRAHAMI & BATTINI (Eds)  

Textes édités par

(IIIe–Ier mill. av. J.–C.)

Philippe Abrahami et

LES ARMÉES DU PROCHE-ORIENT ANCIEN

Laura Battini

Actes du colloque international organisé à Lyon les 1er et 2 décembre 2006, Maison de l’Orient et de la Méditerranée

BAR International Series 1855 9 781407 302324

B A R

2008

Les armées du Proche-Orient ancien (IIIe–Ier mill. av. J. –C.)

Les armées du Proche-Orient ancien (IIIe–Ier mill. av. J. –C.)

Textes édités par

Philippe Abrahami et

Laura Battini Actes du colloque international organisé à Lyon les 1er et 2 décembre 2006, Maison de l’Orient et de la Méditerranée

BAR International Series 1855 2008

ISBN 9781407302324 paperback ISBN 9781407333601 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781407302324 A catalogue record for this book is available from the British Library

BAR

PUBLISHING

TABLE DES MATIÈRES

Table des matières Liste des figures Liste des tableaux Liste des abréviations Préface Remerciements Introduction

« Armées et Armement » P. Abrahami B. Lafont N. Ziegler J. P. Vita B. Lion N. Postgate D. Collon B. Bellucci et O. Rouault

i iii vii ix xiii xv xvii

L’armée d’Akkad L’armée des rois d’Ur : ce qu’en disent les textes Samsî-Addu et ses soldats Le char de guerre en Syrie et Palestine au Bronze récent L’armée d’après la documentation de Nuzi The Organization of the Middle Assyrian Army : Some Fresh Evidence Le développement de l’arc en Mésopotamie Les armes de Terqa

« Stratégie et Occupation du territoire » J. M. Cordoba Le ‘visage de la bataille’. La pensée militaire classique et l’étude de la guerre et du combat au Proche-Orient A. Tenu Les forteresses assyriennes de la vallée du moyen Euphrate Y. Calvet Les systèmes défensifs d’Ougarit au Bronze moyen et récent L. Battini Lorsqu’une ville est en état de siège : étude de cas néoassyriens F. Joannès. La stratégie des rois néo-babyloniens contre l’Assyrie, de 616 à 606 av. J .-C.

« Symbolique et Scénographie de la guerre » M..-G. Masetti Armes et armées des dieux dans les traditions mésopotamiennes P. Miglus Kings go into Battle. Representations of Mesopotamian Ruler as a Warrior G. Minunno La mutilation du corps de l’ennemi P. Villard Les cérémonies triomphales en Assyrie

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1-22 23-48 49-56 57-70 71-82 83-92 93-112 113-134

135-150 151-176 177-184 185-206 207-218

219-230 231-246 247-256 257-270

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 Figure 2 Figure 1 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 1 Figure 2 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 Figure 9 Figure 10 Figure 11 Figure 12 Figure 13 Figure 14 Figure 15A Figure 15B Figure 16 Figure 17A Figure 17B Figure 17C Figure 18A Figure 18B Figure 19A Figure 19B Figure 20 Figure 21A Figure 21B Figure 22 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6

Stèle de Naram-Sin Stèle de Tello, époque akkadienne Carte de l’empire des rois d’Ur III Restitution d’un char de guerre Patère « de la chasse » (Ougarit) Sceau-cylindre avec scène de chasse en char Carte du Mittani Armes de la maison dite de Shurki-Tilla (Nuzi) Armes de la maison de Shilwa-Teshub (Nuzi) Armes de la maison dite de Zike (Nuzi) Procédures possibles de recrutement de l’armée BAN et ITIM dans les textes médio-assyriens Détail d’un vase de Tell Halaf Détail de la palette « des chasseurs » Stèle de la chasse d’Uruk Empreinte d’un sceau-cylindre de Suse Sceau-cylindre d’époque uruk Empreinte d’un sceau-cylindre de Suse Plaque en calcaire de Mari Stèle de Tello, époque akkadienne Détail de l’empreinte d’un sceau-cylindre akkadien Kudurru de Marduk-nadin-ahhe Empreinte d’un sceau-cylindre du Bronze récent Détail d’un sceau-cylindre du Bronze récent Détail du bol en or de Hasanlu, Bronze récent Bas-relief d’Ashurbanipal Bas-relief de Tiglath-Phalasar III Bas-relief d’Ashurbanipal Anneau de pouce d’archer en bronze Bas-relief d’Ashurbanipal Bas-relief d’Ashurbanipal Dessin d’un détail de la Fig. 17B Bas-relief d’Ashurbanipal Bas-relief de Zincirli Bas-relief d’Ashurnasirpal Bas-relief d’Ashurnasirpal Bas-relief d’Ashurbanipal Bas-relief d’Ashurnasirpal Bas-relief d’Ashurbanipal Détail d’une empreinte d’un sceau-cylindre néo-assyrien Plan de la ville de Terqa Stèle de Terqa Dépôt d’objets en bronze dans une tombe Harpé en bronze du XVe siècle av. J.-C. Ustensiles en bronze cachés dans un mur paléo-babylonien Creuset ovale en argile, avec des traces de coulure de bronze

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21 22 48 68 68 69 80 80 81 81 92 92 103 103 103 103 104 104 104 104 105 105 105 105 106 106 107 107 108 108 108 109 109 110 110 110 111 111 112 112 120 121 121 122 122 123

Figure 7 Figure 8 Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure du catalogue Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 Figure 9 Figure 10 Figure 11 Figure 12 Figure 13 Figure 14 Figure 15 Figure 16 Figure 17 Figure 18 Figure 19 Figure 20 Figure 21

Moule à armes et outils Balles de fronde du milieu du IIIe mill. Dessin de la pointe de lance TQ 23-198 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 22-181 Dessin et photo de la pointe de lance TQ23-182 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 25-95 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 25-96 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 25-367 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 26-42 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 26-51 Dessin et photo de la pointe de lance TQ 26-93 Dessin et photo du poignard TQ 26-117 Dessin et photo du poignard TQ 23-485 Dessin et photo du poignard TQ 22-30 Dessin et photo du poignard TQ 26-39 et TQ 26-40 Dessin et photo du poignard TQ 23-189 Dessin et photo de la hache TQ 26-119 Dessin et photo de la hache TQ 25-97 Détail de la stèle des vautours Reliefs de la bataille de l’lia Dalle 1 des reliefs de la bataille de l’lia Dalle 2 des reliefs de la bataille de l’lia Dalle 3 des reliefs de la bataille de l’lia Carte du moyen Euphrate à la fin du IIe mill.- début du Ier mill. Onze forteresses de la région de Haditha Relief de ‘Ana Citadelle de Glei’eh Plan du fort de Yemniyeh Organisation militaire de la vallée de Haditha Plan de Ras Shamra Plan des zones fouillées en 1935 Entrée de la forteresse royale d’Ougarit Siège dans un bas-relief de Tiglat-phalasar III Siège dans un bas-relief de Sargon II Représentation de siège avec bélier Représentation de siège avec échelle Représentation de campement militaire Déportation des vaincus Combat avec arcs et lances Frondeurs Prise de Lachish Représentation de la ville d’Arbèles Détails des fortifications d’Assur Exemple d’enceinte néo-assyrienne de forme régulière Importance des tours Plan de la porte Shamash de Ninive Plan de Baigan Soldats disposés sur deux lignes défensives Points morts de la courtine Problèmes de la forme rectangulaire Tour commandant la courtine Nombre des soldats défendant une tour et les courtines voisines Exemple des aspects symboliques des fortifications

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123 124 125 125 126 126 127 128 128 129 129 130 130 131 131 132 132 133 147 147 148 148 149 173 173 174 174 175 175 181 182 183 199 199 200 200 200 201 201 201 202 202 202 202 203 203 204 204 204 204 204 205 205

Figure 1 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 Figure 9 Figure 10 Figure 11 Figure 12 Figure 13 Figure 14 Figure 15 Figure 16 Figure 17 Figure 18 Figure 19 Figure 20 Figure 21 Figure 22 Figure 23 Figure 24 Figure 25 Figure 1 Figure 2 Figure 1 Figure 2 Figure 3

Carte du Proche-Orient à la fin de l’empire néo-assyrien Ninurta combattant contre un lion-griffon Hache cérémonielle de Ras Shamra Harpé en bronze de Ras Shamra Stèle des vautours Stèle de Naram-Sin Relief de Darband-i-Gaur Stèle de Mardin Stèle de Dadusha Sceau paléo-babylonien de Shu-ilia Sceau paléo-babylonien de Mukannishum Sceau akkadien de Kish Couvercle en pierre d’Assur Bas-relief de Sargon II Relief de Bisitun Mosaïque de la « Ville du Faune » à Pompeï Vase de la « Scarlet Ware » Dessin de la bataille de chars dans l’étendard d’Ur Sceau proto-dynastique de Kish Sceau d’Ishqi-Mari Plaque protodynastique en pierre d’Ur Assurnasirpal II sur son char Tiglath-phalasar III sur son char Assurbanipal sur son char Le char de Teumann dans la bataille de Til Tuba Détail des bas-reliefs de la salle XXXVI du palais de Sennacherib Détail des bas-reliefs de la salle XXXVI du palais de Sennacherib Détail des bas-reliefs de la salle XXXVI du palais de Sennacherib Détail des bas-reliefs de la salle XXXVI du palais de Sennacherib Têtes coupées des vaincus déposées devant les scribes Mutilation de la main Bas-relief d’Assurbanipal Bas-relief d’Assurbanipal représentant Ninive Bas-relief d’Assurbanipal

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218 228 228 229 239 240 240 240 240 241 241 241 241 242 242 243 243 243 243 243 244 244 244 245 245 246 246 246 246 254 255 269 269 270

vi

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Tableau 1 Tableau 2 Tableau 1 Tableau 2 Tableau 1 Tableau 2 Tableau 1

Mode d’organisation militaire des rois d’Ur III Extraits de WVDOG 99.123 Extraits de WVDOG 99.125 Surface des forteresses de la région d’Haditha Les camps temporaires du début du Ier mill. Dimensions des murs urbains paléo-babyloniens Dimensions des murs urbains néo-assyriens Campagnes militaires néo-babyloniennes

vii

34 86 87 153 160-3 189 191 209

viii

LISTE DES ABRÉVIATIONS A AASyr. AASOR AAS AbB AfO AHw AJA Akkadica AlT Amherst

Belleten BiMes BIN BPOA BSAOS CAD

Textes de Mari inédits ou hors collection ; textes d’Adab. Annales archéologiques arabes syriennes. Revue d’archéologie et d’histoire (Damas). Annual of the American Schools of Oriental Research (New Haven & Cambridge, Mass). J.-P. Grégoire, Archives administratives sumériennes (Paris). Altbabylonische Briefe in Umschrift und Übersetzung (Leiden). Archiv für Orientforschungen ; Beih. (Berlin & Graz). W. von Soden, Akkadisches Handwörterbuch (Wiesbaden). American Journal of Archaeology (Princeton & Baltimore). Akkadica. Périodique bimestriel de la Fondation Assyriologique Georges Dossin (Bruxelles). D. J. Wiseman, The Alalakh Tablets, London ; numéro d’inventaire. T. G. Pinches, The Amherst Tablets, I : Texts of the Period Extending to and Including the Reign of Bûr-Sin (London). Archäologische Mitteilungen aus Iran (Berlin). J.-M. Durand & D. Charpin (éds.), Mari, Ébla et les Hourrites : dix ans de travaux, deuxième partie. Actes du colloque international (Paris). Anatolian Studies. Journal of the British Institute of Archaeology at Ankara (London). Ancient Near Eastern Studies. Analecta Orientalia (Roma). Antiquitas. Reihe 3 : Abhandlungen zur Vor- und Frühgeschichte, zur klassischen und provinzial-römischen Archäologie (Bonn). Antiquity. A Quarterly Review of Archaeology (Gloucester). Alter Orient und Altes Testament (Kevelaer & Neukirchen-Vluyn & Münster). Altorientalische Forschungen (Berlin). American Oriental Series (New Haven). Archivi reali di Ebla : Testi (Roma). Archives royales de Mari (Paris). Assyriological Studies (Chicago). Acta Sumerologica (Hiroshima). Monographic Journals of the Near East. Assur (Malibu). Athenaeum. Studi periodici di letteratura e storia dell’Antichità (Pavia). Andrews University Cuneiform Texts (Berrien Springs, Mich.). Aula Orientalis (Barcelona). Ausgrabungen in Uruk-Warka. Endberichte (Mainz). Baghdader Mitteilungen (Berlin). Baghdader Forschungen (Mainz am Rhein). Bibliothèque archéologique et historique, Institut Français d’Archéologie du Proche-Orient (Paris). Bulletin of the American Schools of Oriental Research (New Haven). Berliner Beiträge zur Vor- und Frühgeschichte (Berlin). Berliner Beiträge zum Vorder Orient (Berlin). The Babylonian Expedition of the University of Pennsylvania., Series A : Cuneiform Texts (Philadelphia). Belleten. Türk Tarih Kurumu (Ankara). Bibliotheca Mesopotamica (Malibu). Babylonian Inscriptions in the Collection of James B. Nies, Yale University (New Haven). Biblioteca del próximo oriente antiguo (Madrid). Bulletin of the School of Oriental and African Studies (London). The Assyrian Dictionary of the University of Chicago (Chicago).

CDLI

Cuneiform Digital Library Initiative, http://cdli.ucla.edu/.

AMI Amurru 2 AnSt. ANES AnOr Antiquitas Antiquity AOAT AoF AOS ARET ARM AS ASJ Assur Athenaeum AUCT AulaOr AUWE BagM BaF BAH BASOR BBV BBVO BE

ix

CHÉU CM CMAO CMO CNIP CRAI CRRA CT DCS EA Eblaitica Emar VI FAOS FM HANEM/S HdO HLC HSAO HSS IAA Imgula Iraq Isimu ITT JAC JANES JAOS JCS JEN JEOL JESHO JNES K KAJ KAV Ktèma KTU LAPO LNT M MAD MARI MARV MC MCS MDOG MDP

G. Contenau, Contribution à l’histoire économique d’Umma (=Bibliothèque de l’École des Hautes Études, IVe section, Sciences philologiques et historiques 219), (Paris). Cuneiform Monographs (Groningen & Leiden). Contributi e materiali di archeologia orientale (Roma). Cahier de la Maison de l’Orient (Lyon). Carsten Niebuhr Institute Publications (Copenhagen). Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (Paris). Compte rendu de la…e Rencontre Assyriologique Internationale. Cuneiform Texts from Babylonian Tablets in the British Museum (London). D. Charpin & J.-M. Durand, Documents cunéiformes de Strasbourg conservés à la Bibliothèque Nationale et Universitaire (Paris). J. A. Knudtzon (éd.), Die El-Amarna Tafeln (= VAB II/1 [1908/15] – II/2 [1909/15]). Eblaitica. Essays on the Ebla Archives and Eblaite Language (Winona Lake). D. Arnaud, Recherche au pays d’Atata. Emar VI/1- 4 (= ERC, Synthèse n° 18, 1985-87). Freiburger Altorientalische Studien (Fribourg). Florilegium Marianum (Paris). History of the Ancient Near East/ Monographs/ Studies (Padova). Handbuch der Orientalistik (Leiden). G. A. Barton (éd.), Haverford Library Collection of Cuneiform Tablets or Documents from the Temple Archives of Tello, I- III (Philadelphia & London). Heidelberger Studien zum Alten Orient (Heidelberg). Harvard Semitic Series (Cambridge, Mass). Israel Antiquities Authority. IAA Reports (Jerusalem). W. Sommerfeld (Hrsg.), Imgula (Münster & Marburg). Iraq. Journal of the British School of Archaeology in Iraq (London). Isimu. Revista sobre Oriente Próximo y Egipto en la antigüedad (Madrid). Inventaires des Tablettes de Tello (Paris). Journal of Ancient Civilizations (Changchun). Journal of the Ancient Near Eastern Society of Columbia University (New York). Journal of the American Oriental Society (New Haven). Journal of Cuneiform Studies (New Haven & Ann Arbor). Joint Expedition with the Iraq Museum at Nuzi (Paris & Philadelphie). Jaarbericht van het Voor-Aziatsch-Egyptisch Gezelschap (depuis 1945 : Genootschap) Ex Oriente Lux (Leiden). Journal of the Economic and Social History of the Orient (Leiden). Journal of Near Eastern Studies (Chicago). Kuyunjik (BM London), numéro d’inventaire. E. Ebeling, Keilschrifttexte aus Assur juristischen Inhalts (= WVDOG 50, 1927). O. Schroeder, Keilschrifttexte aus Assur verschiedenen Inhalts (= WVDOG 35, 1920). KTEMA. Civilisations de l’Orient, de la Grèce et de Roma antiques (Strasbourg). M. Dietrich, O. Loretz & J. Sanmartìn, Die Keilalphabetischen Texte aus Ugarit (= AOAT 24/1 1976). Littératures anciennes du Proche-Orient (Paris). G. G. W. Müller, Londoner Nuzi-Texte, Wiesbaden, 1998. Textes de Mari inédits ou hors collection. Materials for the Assyrian Dictionary I-IV (Chicago). Mari, Annales de Recherches Interdisciplinaires (Paris). Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte (Berlin). Mesopotamian Civilizations (Winona Lake). Manchester Cuneiform Studies (Manchester). Mitteilungen der Deutschen Orientgesellschaft zu Berlin (Berlin). Délégation en Perse, Mémoires (Paris).

x

MEE Mesopotamia MHEOP Minos MSL MVN MVSum NABU Ni. Nik. 2 OBO OBTCB OIP OLA OLZ

Or OrAnt Orient OSP

Paléorient PDT Philippika PINHAS PRU PSD RA RGTC RHA RHR RIH REMA RIMA RIME RlA RS RSO RTC SAACT SAA/B/S SAOC SAT SbMünchen

Materiali epigrafici di Ebla (Napoli). Mesopotamia. Copenhagen Studies in Assyriology (Copenhagen). Mesopotamian History and Environment Occasional Publications (Louvain). Minos. Revista de filologia egea (Salamanque). B. Landsberger et al., Materials for the Sumerian Lexikon (Roma). Materiali per il vocabulario neosumerico (Roma). Materiali per il vocabolario sumerico (Roma). Nouvelles Assyriologiques Brèves et Utilitaires (Paris). Textes de Nippur (Istanbul). M. V. Nikol’skij, Dokumenty chozâjstvennoj otetnosti drevnej Chaldei iz sobraniâ N.P. Lichaeva II: Epocha dinastii Agade i epocha dinastii Ura 1915 (Moscow). Orbis Biblicus et Orientalis ; SerAr. = Series archaeologia (Fribourg & Göttingen). P. Talon, Old Babylonian Texts from Chagar Bazar, Akkadica Supplementum 10, Bruxelles : Fondation assyriologique Georges Dossin, 1997. Oriental Institute Publications (Chicago). Orientalia Lovaniensia Analecta (Louvain). Orientalistische Literaturzeitung. Monatsschrift für die Wissenschaft vom ganzen Orient und seine(n) Beziehungen zu den angrenzenden Kulturkreisen ; depuis 1920…vom Vorderen Orient und seine Beziehungen zum Kulturkreise des Mittelmeeres (Berlin & Leipzig). Orientalia (Roma). Oriens Antiquus : revista del Centro per la antichità e la storia dell’arte del Vicino Oriente (Roma). Orient. The Reports of the Society for Near Eastern Studies in Japan (Tokyo). 1. A. Westenholz, Old Sumerian and Old Akkadian Texts in Philadelphia. Part one : Literary and Lexical Texts and the Earliest Administrative Documents from Nippur, BiMes 1, 1975, Malibu. 2. A. Westenholz, Old Sumerian and Old Akkadian Texts in Philadelphia. Part two : The ‘Akkadian’ Texts, The Enlilemaba Texts and the Onion Archive, CNIP 3, 1987, Copenhagen. Paléorient. Revue pluridisciplinaire de préhistoire et proto-histoire de l’Asie du Sud-Ouest (Paris). F. Yıldız /T. Gomi, Die Puzri-Dagan-Texte der Istanbuler Archäologischen Museen II, (= FAOS 16, 1988). Marburger altertumskundliche Abhandlungen (Wiesbaden). Publications de l’Institut historique et archéologique néerlandais de Stamboul (Leiden). Palais royal d’Ugarit. Mission de Ras Shamra (Paris). The Pennsylvania Sumerian Dictionary (Philadelphia). Revue d’Assyriologie et d’Archéologie Orientale (Paris). Répertoire géographique des textes cunéiformes (= TAVO Beihefte Reihe B Nr. 7). Revue Hittite et Asianique (Paris). Revue de l’histoire des religions (Paris). Ra’s Ibn Hni’, numéro d’inventaire. Revue des Études Militaires Anciennes (Paris). Royal Inscriptions of Mesopotamia, Assyrian Periods (Toronto). Royal Inscriptions of Mesopotamia, Early Periods, (Toronto). Reallexicon des Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie (Berlin). Ras Shamra (Louvre et Damas), numéro d’inventaire. Ras Shamra-Ougarit (Paris). F. Thureau-Dangin, Recueil de tablettes chaldéennes, Paris, 1903. State Archives of Assyria Cuneiform Texts (Winona Lake). State Archives of Assyria / Bulletin/Studies (Helsinki & Winona Lake). Studies in Ancient Oriental Civilization (Chicago). Sumerian Archival Texts (Bethesda). Sitzungsberichte der (Königlich-) Bayerischen Akademie der Wissenschaften Phil.-hist. Klasse

xi

SCCNH SEL Semitica SLB SLT SMS StOr Subartu Sumer Syria TAVO TCL TCS TBR TCTI TÉL TIM TR Trouvaille. TUAT TUT UAVA UCP UE

UET UF Ugaritica UNT UVB VAB VAT VS WO World Arch. WMAH WVDOG WZKM YBC ZA ZAW ZDPV

(München). Studies on the Civilization and Culture of Nuzi and the Hurrians (Winona Lake & Bethesda). Studi Epigrafici e Linguistici sul Vicino Oriente Antico (Verona) Semitica. Cahiers publiés par l’institut d’études sémitiques de l’Université de Paris (Paris). Studia ad tabulas cuneiformes a de Liagre Böhl collectas pertinentia (Leiden). E. Chiera, Sumerian Lexical Texts from the Temple School of Nippur (= OIP 11, 1929). Monographic Journals of the Near East. Syro-Mesopotamian Studies (Malibu). Studia Orientalia (Helsinki). Subartu. European Centre for Upper Mesopotamian Studies (Turnhout). Sumer. A Journal of Archaeology (and History) in Iraq (Bagdad). Syria. Revue d’art oriental et d’archéologie (Paris). Tübingen Atlas des Vorderen Orients (Wiesbaden). Textes cunéiformes du Louvre (Paris). Texts from Cuneiform Sources (Locust Valley, NY). D. Arnaud, Textes syriens de l’âge du Bronze Récent (= AulaOr Suppl. 1, 1991). B. Lafont & F. Yıldız, Tablettes cunéiformes de Tello au Musée d’Istanbul : datant de l’époque de la IIIe Dynastie d’Ur, (=PIHANS 65/77, Istanbul). Ch. Virolleaud & M. Lambert, Tablettes économiques de Lagash (époque de la IIIe dynastie d’Ur ) (Paris). Texts in the Iraq Museum (Baghdad & Wiesbaden). Tell al-Rim Ashmolean Museum (Oxford), numéro d’inventaire. H. de Genouillac, La trouvaille de Dréhem: étude avec un choix de textes de Constantinople et Bruxelles (Paris). Texte aus der Umwelt des Alten Testaments (Gütersloh). G. Reisner, Tempelurkunden aus Telloh (Berlin). Untersuchungen zur Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, (Berlin). University of California Publications in Semitic Philology (Berkeley). Ur Excavations. Publications of the Joint Expedition of the British Museum and of the University Museum, University of Pennsylvania, Philadelphia, to Mesopotamia (London & Philadelphia). Ur Excavations : Texts (London). Ugarit-Forschungen (Kevelaer, Neukirchen-Vluyn & Münster). Ugaritica. Mission de Ras Shamra (Paris). H. Waetzold, Untersuchungen zur neusumerischen Textilindustrie (= Studi economici e technologici 1, Roma). Vorläufiger Bericht über die von der Notgemeinschaft der DeutschenWissenschaft in UrukWarka unternommenen Ausgrabungen Vorderasiatische Bibliothek (Leipzig). Vorderasiatische Museum, Tontafeln (Berlin), numéro d’inventaire. Vorderasiatische Schriftdenkmäler der (Königl.) Museen zu Berlin (Berlin). Die Welt des Orients Wissenschaftliche Beiträge zur Kunde des Morgenlandes (Wuppertal & Göttingen). World Archaeology, Journal (London). H. Sauren, Wirtschaftsurkunden aus der Zeit der III. Dynastie von Ur im Besitz des Musée d’art et d’histoire in Genf (Napoli). Wissenschaftliche Veröffentlichungen der Deutschen Orient-Gesellschaft (Leipzig). Wiener Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes (Wien). Yale Babylonian Collection (Yale University, New Haven). Zeitschrift für Assyriologie und verwandte Gebiete (Lieipzig) ; depuis 1939… und Vorderasiatische Archäologie Zeitschrift für Alttestamentlichen Wissenschaft (Berlin). Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins (Wiesbaden).

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PRÉFACE

Ce livre est né des intérêts communs de deux membres de l’UMR 5133 ‒ Archéorient (Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon) : un assyriologue (Philippe Abrahami, Université Lumière Lyon 2) et une archéologue, spécialiste des fortifications (Laura Battini, CNRS). Trois autres collègues et membres d’Archéorient, P. Lombard (CNRS), Pierre Villard (Université Blaise Pascal ‒ Clermont-Ferrand II) et Juan Pablo Vita (CSIC ‒ IEIOP, Saragosse) intéressés par le fait militaire, se sont joints à nous. De là est né le projet de recherche sur « Les armées et l’art militaire au Proche-Orient ancien ( 3ème - 1er millénaires) : archéologie, technologie, philologie » . Intégré au programme scientifique de l’équipe 3 de l’UMR 5133 (http://www.archeorient.mom.fr), ce projet est élaboré autour de deux axes de recherche : (1) la constitution et l’organisation des armées (systèmes de recrutement, administration, hiérarchie, vie militaire…) ; (2) les pratiques de l’action (contrôle, défense et occupation du territoire, logistique, génie, architecture, équipement…). L’objectif de la constitution de ce pôle de recherche, est de contribuer au développement des études militaires pour la période et l’aire géographique concernées où la documentation textuelle et archéologique très riche, justifie pleinement la réalisation d’un tel projet. Pour y parvenir, des rencontres régulières sont prévues qui permettront aux archéologues, épigraphistes, historiens et spécialistes des images, de croiser leur point de vue sur le fait militaire. La création d’une revue spécialisée dans l’histoire militaire du Proche-Orient ancien qui assurera la publication d’articles et d’une chronique bibliographique, est également envisagée afin d’offrir une meilleure visibilité à ce domaine de recherche. La première de ces rencontres s’est tenue à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée du 1er au 2e décembre 2006 avec l’intitulé « Les armées du Proche-Orient ancien 3ème – 1er millénaire » . Réalisée dans une approche résolument interdisciplinaire, elle a réuni vingt chercheurs, enseignants chercheurs et doctorants spécialistes des textes, des images et de l’architecture rattachés à différentes universités (Cambridge, ClermontFerrand 2, Durham, Lyon 2, Paris 1, Pavie, Rome « La Sapienza » ), institutions (British Museum, EPHE, IFPO) et équipes de recherche du CNRS (UMR 5133, UMR 7041, UMR 7192) et du CSIC (IESOP). Le thème très ouvert de cette manifestation dont le présent ouvrage constitue l’édition des actes, a permis de regrouper des contributions abordant des sujets variés tels que : l’organisation des armées et leur fonctionnement (textes de Ph. Abrahami, B. Lafont, B. Lion, N. Postgate) ; la relation d’autorité prise sous l’angle spécifique de l’empathie et de l’indulgence du chef vis-à-vis de ses subordonnés (N. Ziegler) ; les indications textuelles et iconographiques révélant l’existence d’une pensée militaire et l’analyse des principes stratégiques et tactiques orientant la conduite des opérations sur le terrain (études de J. Cordoba et F. Joannès) ; l’examen de réseaux défensifs à une échelle régionale (texte d’A. Tenu) ; la présentation de systèmes de fortifications et des procédés d’assaut et de siège (contributions de L. Battini pour les capitales et les villes provinciales de l’empire néo-assyrien et d’Y. Calvet pour Ougarit). Ont été également réunis dans cet ouvrage plusieurs articles relatifs aux armes dans leurs caractéristiques techniques et leurs dimensions de représentation (synthèses proposées par D. Collon sur l’arc et par J.-P. Vita à propos du char de guerre au Bronze récent, ainsi que l’exposé de B. Bellucci et O. Rouault portant sur les armes mises au jour à Terqa). La dimension symbolique du fait militaire comme acte de propagande mettant en scène la puissance du souverain, apparaît également dans les contributions qui ont pour thème : l’iconographie du roi combattant (P. Miglus) ; l’organisation des cérémonies triomphales et le sort réservé aux captifs (textes de G. Minunno et P. Villard) ainsi que la vertu magique des armes divines et leur utilisation dans le cadre d’un projet politique de légitimation du pouvoir royal (M-G. Masetti-Rouault). Si nous avons limité le champ géographique et historique de ce premier colloque en ne prenant en compte que les territoires syriens et mésopotamiens qui sont nos principaux champs de recherche, nous envisageons cependant d’élargir ponctuellement ce choix dans l’une des prochaines rencontres en associant des chercheurs spécialistes de l’Égypte ancienne, des mondes hittite et achéménide.

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Ce premier colloque s’est déroulé sur deux jours et prévoyait un temps de parole de vingt minutes par communication. Chaque séance fut suivie de discussions qui ont été l’occasion d’échanges fructueux. Voici le programme :

Vendredi 1er décembre 2006 ORGANISATION DES ARMÉES ET OCCUPATION DU TERRITOIRE 14h00-14h10 Ouverture du colloque. 14h10-14h30 Discours d’introduction. 14h30-14h50 P. Abrahami : L’armée d’Akkad. 14h50-15h10 B. Lafont : Quelques remarques sur l’armée des rois d’Ur. 15h10-15h30 N. Ziegler : Les soldats de Samsî-Addu. 15h30-15h50 F. van Koppen : Kassites in the Old Babylonian Army. 15h50-16h20 Discussion. 16h20-16h40 Pause. 16h40-17h00 L. Battini : Lorsqu’une ville est en état de siège : étude de cas néo-assyriens. 17h00-17h20 J.-P. Vita : Le char de guerre en Syrie et Palestine au Bronze récent. 17h20-17h40 Y. Calvet : Les systèmes défensifs d’Ougarit au Bronze moyen et récent. 17h40-18h00 B. Lion : L'armée d'après la documentation de Nuzi. 18h00-18h20 N. Postgate : Middle-Assyrian Military Administration. 18h20-18h40 A. Tenu : Les forteresses assyriennes de la région du moyen Euphrate. 18h40-19h00 Discussion. Samedi 2 décembre 2006 ORGANISATION DES ARMÉES ET OCCUPATION DU TERRITOIRE 08h30-08h50 P. Miglus : Kings go into Battle. Representations of the Mesopotamian Ruler as a Warrior. 08h50-09h10 F. Joannès : Les premières campagnes des rois néo-babyloniens : considérations stratégiques. 09h10-09h30 J. Cordoba : Le visage de la bataille : la pensée militaire classique et l’étude de la guerre et du combat au Proche-Orient ancien. 09h30-10h00 Discussion. 10h00-10h30 Pause. ARMEMENT, REPRSENTATION ET SYMBOLIQUE 10h30-10h50 G. Philip : The Well-Dressed Warrior: Weapons as Status Markers in the Mediterranean Basin during the 3rd and 2nd Millennia B. C. 10h50-11h10 M. Masetti-Rouault : Armes et armées des dieux dans les traditions mésopotamiennes. 11h10-11h30 D. Collon : Le développement de l’arc en Mésopotamie. 11h30-11h50 B. Bellucci et O. Rouault : Les armes de Terqa. 11h50-12h10 G. Minunno : La mutilation du corps des ennemis. 12h10-12h30 P. Villard : Les cérémonies triomphales au 1er millénaire av. J.-C. 12h30-13h00 Discussion.

Nous avons été ravis du succès de la manifestation qui a attiré un public nombreux sur Lyon, ce qui n’est pas très fréquent dans nos disciplines. Qu’il nous soit ainsi permis de remercier tous les participants, le public et les collègues de la Maison de l’Orient et d’espérer que le succès de la première manifestation se répète aux prochaines rencontres.

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REMERCIEMENTS

Le colloque et les actes qui en sont l’aboutissement normal n’auraient pas pu se réaliser sans l’aide de nombreuses personnes et sans le soutien financier de plusieurs institutions, que nous tenons ici à remercier. L’UMR 5133-Archéorient et l’Université Lyon 2 nous ont fourni un solide budget et ont mis à notre disposition tous les moyens et les aides possibles pour la bonne réussite du colloque et de la publication. L’Association des Amis de la Maison de l’Orient et la Maison de l’Orient elle-même ont soutenu le projet, en accordant des contributions financières importantes. Nous sommes redevables ensuite au Ministère des Affaires Etrangères pour son aide précieuse et son efficacité. De même, d’importantes contributions pécuniaires ont été versées par la Ville de Lyon et le Conseil Régional en vue de la publication des actes. Que toutes les institutions ici citées trouvent la vive expression de notre reconnaissance. Mais un colloque est fait aussi et surtout de gens. Nous tenons à remercier d’abord les invités, qui ont participé avec intérêt et dans une vraie volonté de compréhension du fait militaire. L’ambiance détendue et en même temps studieuse qui en a résulté a laissé de très bons souvenirs. Nous voulons ensuite remercier les collègues de la Maison de l’Orient, tout particulièrement Pierre Lombard, directeur de l’UMR 5133 Archéorient, puis Agnès Piédimonte, secrétaire d’Archéorient, ensuite Olivier Rouault, directeur de la mission de Terqa et enfin Gauthier Devilder, infographiste de la Maison de l’Orient, réalisateur de l’affiche du colloque et dispensateur de quelques précieux renseignements qui ont permis de dénouer des difficultés concernant les images du présent volume. Qu’il nous soit permis de même de remercier tout particulièrement Pierre Villard pour les relectures des articles, ainsi que Dominique Collon et Jack Sasson pour la correction des résumés en anglais. Il est notre devoir aussi de remercier les nombreux étudiants, les anciens militaires et toutes les autres personnes qui, étant intéressées au sujet du colloque, nous ont honoré de leur présence et de leur intérêt. C’est à Brigitte Abrahami et à Pierre Villard, nos conjoints respectifs, que vont les remerciements les plus chers, pour leur soutien et pour la patience dans les moments d’organisation du colloque et de préparation des actes.

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INTRODUCTION

Dans les études sur le Proche-Orient ancien, l’histoire militaire est un domaine qui manque de visibilité alors même que les questions militaires imprègnent l’ensemble des sociétés du monde proche-oriental. La guerre est l’un des aspects les plus fréquents et communs de la société antique. Jusqu’à présent, les recherches, pourtant, se sont intéressées en priorité aux conflits dans leurs dimensions stratégiques, idéologiques, et économiques. Ce que nous avons voulu organiser à Lyon est le premier d’une série des colloques dédiés aux aspects les moins traités de la thématique militaire, comme la stratégie de la guerre, la tactique du combat, la conquête du territoire et les coûts des actions défensives et offensives. Mais, bien sûr des éléments symboliques sont constamment présents dans l’explication et dans la réalisation des guerres ainsi que dans l’érection des fortifications. Car la guerre est juste, donc voulue par les dieux et les murailles érigées contre les ennemis servent également à exalter le roi et à prouver au peuple et aux étrangers la force du pays. Les aspects symboliques de la guerre ont cependant fait l’objet de nombreux travaux alors que les études techniques et tactiques sont restés aux marges de la recherche. Et aucune synthèse n’a pas encore été produite sur ce sujet dans le cadre d’une rencontre internationale. Ce premier colloque a eu un caractère volontairement assez large puisqu’il s’agissait de la première prise de contact entre différents spécialistes du fait militaire, dans une perspective pluridisciplinaire réunissant, spécialistes des textes, des images et archéologues. Les articles se regroupent en trois thématiques « Armées et Armement », « Stratégie et Occupation du territoire » et « Symbolique et Scénographie de la guerre ». Toutes les communications lues à Lyon sont ici publiées, sauf deux : celles de G. Philip et de F. van Koppens. C’est avec regret que nous avons dû choisir entre attendre ces collègues surchargés de travail, ou publier assez rapidement. Cette seconde solution nous a paru la plus raisonnable pour faire profiter la communauté scientifique des résultats du colloque.

Le premier thème est introduit par Philippe Abrahami qui s’est intéressé à l’armée akkadienne en partant à la fois des sources écrites et de la documentation iconographique. Cette riche masse de documents offre des perspectives nouvelles dans le domaine des études militaires. Cet article fait le point sur les soldats (aga3-us2 et lu2-tukul), l’organisation du service, la rémunération des militaires, le régime des tenures, la hiérarchie, la constitution des unités, les effectifs, l’armement et la stratégie. Les questions du fonctionnement et de l’organisation de l’armée aux différentes époques sont traitées également par B. Lafont, N. Ziegler, B. Lion et N. Postgate. Bertrand Lafont prend en considération l’armée à l’époque de la troisième dynastie d’Ur, en partant d’une documentation très variée (archives administratives, inscriptions royales, textes littéraires…). Il arrive ainsi à traiter pour la première fois un tableau assez complet sur l’armée. Cette dernière était composée de soldats de métier (aga3-ús), armés par l’administration centrale, et de conscrits (erin2). Elle était commandée par un général (shagina), des capitaines (nu-banda3) et enfin des lieutenants (ugula-gésh-da). Des garnisons étaient affectées dans les trois capitales politique, religieuse, historique (Ur , Uruk, Nippur) et au cœur du royaume (Nigin et Garshana). Le silence des textes, en revanche, ne permet pas à l’heure actuelle, d’étudier les effectifs, la poliorcétique et la stratégie militaire. Nele Ziegler, spécialiste de l’époque paléo-babylonienne, s’est intéressée aux rapports entre le roi et ses soldats pendant le règne de Samsî-Addu et à travers sa correspondance. Ce roi était conscient de l’importance du soutien de l’armée pour consolider son règne. Par les distributions des terres des soldats décédés (têbibtum), le don de présents (comme les vêtements ou les anneaux en or), choisis en fonction du grade hiérarchique des bénéficiaires, par une politique de défense des faibles, qui prévoyait notamment un partage équitable du butin, par des actes de clémence occasionnelle et par les repas réunissant les soldats, le roi et les officiers supérieurs, il s’assura une fidélité qui explique au moins en partie la longévité de son règne.

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Au Bronze récent, l’introduction du char de guerre provoqua de gros changements dans l’armée. Pablo Vita analyse l’utilisation du char de guerre (akk. narkabtu et ougar. *markabtu) en Syrie et en Palestine en temps de guerre et de paix. Un officier supérieur (LÚ.GAL GI.GIGIR.ME ou LÚ.UGULA GI.GIGIR) commandait les chars et de lui dépendait un « chef des conducteurs de chars » et peut-être un « chef des dix » (rb ‘rt). Ce dernier semble montrer que l’armée avait adopté l’unité de dix chars comme unité tactique minimale. En campagne, des soigneurs de chevaux et des techniciens de chars suivaient l’armée. Les chars étaient affectés dans différentes localités du royaume selon les nécessités et en défendant les routes d’accès au pays et les frontières les plus menacées. Le char ne servait pas seulement à la bataille : il était utilisé pour la surveillance, pour le transport des messagers, comme escorte des caravanes et pour la chasse. En temps de paix, il était probablement démonté en pièces pour pouvoir l’entreposer. On connaît l’existence d’ateliers de réparation qui devaient de même être responsables de la construction des chars, utilisant notamment le bois et le cuir. Les fouilles archéologiques ont permis de retrouver des pièces appartenant aux chars (fragments de joug, embouts et pommeaux). À Nuzi également, ville dépendante d’Arrapha et appartenant au royaume du Mittani, les combattants en char (rakib narkabti) étaient très importants. Étant très exposés à l’ennemi, ils portaient des cuirasses et des casques en bronze assez lourds (respectivement 16-25 Kg et 1,8-3 kg). En revanche, pour une plus grande souplesse de l’action, les simples soldats étaient vêtus plus légèrement : corselet en cuir, casque et bouclier. Des armes et des fragments de cuirasse ont été retrouvés à Nuzi dans le palais mais aussi dans des grandes maisons. La guerre, donc, concernait l’État et une élite sociale et militaire. Des archives privées et palatiales complètent les informations sur la guerre : les autorités mittaniennes veillaient à la protection de Nuzi, défendue par un système de fortification partiellement connu, qui devait en contre partie livrer des chars au Mittani. Les mentions des combats sont rares ainsi que les informations sur la composition de l’armée et de la hiérarchie militaire. La situation dans l’Assyrie du XIIIe s. est assez différente et la nouvelle documentation disponible permet de nouvelles analyses (textes de Tell Chuera, Tell Sheikh Hamad, Tell Sabi Abyad, Kar-Tukulti-Ninurta et Tell Ali). Nicholas Postgate est parti des sources disponibles pour tenter de comprendre l’organisation de l’armée médio-assyrienne du XIIIe s., le système de recrutement et l’équipement. Bien que l’on ne puisse pas tracer un tableau définitif, les renseignements disponibles permettent déjà de dresser une première esquisse. L’armée était composée d’une partie de déportés et des Assyriens qui devaient faire leur service ilku. Les sources textuelles sont plus riches aujourd’hui pour les déportés qui sont donc davantage analysés dans cet article. Les déportés étaient partagés en plusieurs services : la majeure partie dans les maisons privées, certains dans le service d’État et d’autres dans l’armée. Ceux qui étaient entrés dans l’armée étaient équipés en vêtements et en armes par le palais. Plusieurs points restent encore obscurs : on ignore la fonction de certaines catégories de personnel (comme les ERIN.MESH hurudate) et si certaines catégories de personnel pouvaient changer d’affectation (par ex. les ERIN.MESH perrute ou les dépendants). La question des armes a été prise en considération par D. Collon et O. Rouault. Dominique Collon suit l’évolution de l’arc composite en se basant sur les données iconographiques et archéologiques, de la plus ancienne représentation (époque halafienne, vers 4500 av. J.-C.) jusqu’à l’époque néo-assyrienne. Si l’arc est peu utilisé et donc peu représenté au Protodynastique et au Bronze moyen, à l’époque akkadienne et surtout au Bronze récent les images d’arc sont beaucoup plus fréquentes pour s’accroître encore au Ier mill. La première représentation de carquois et des flèches avec empennage de plumes remonte à l’époque akkadienne, tandis que l’apparition de l’arc composite angulaire et du thème du roi portant un arc et deux flèches datent du Bronze récent. Au Ier mill. apparaissent l’anneau de protection du pouce de l’archer et une extrême variété de flèches. La dernière innovation (VIIe siècle av. J.-C) concerne l’arc et les flèches « scythes » associés au carquois gorytos. Benedetta Bellucci et Olivier Rouault se sont aussi occupés des armes en partant de la documentation archéologique et textuelle de Terqa. Les fouilles ont permis de retrouver des armes ordinaires, comme des pointes de flèches, des lances, poignards, couteaux, épées, balles de fronde. Parfois il est difficile de distinguer entre armes et ustensiles de cuisine, tout particulièrement pour les poignards, les couteaux et les haches. Mais il est possible qu’un même instrument ait pu servir à des usages très variés. Le contexte de trouvailles le plus fréquent est celui des tombes, masculines mais aussi féminines, et c’est là que les armes se sont le mieux conservées, surtout celles de bronze. Le dépôt d’armes en bronze dans les tombes constituait une manière de thésaurisation du précieux métal. Mais d’autres contextes sont aussi attestés : sols, remplissages et cachettes. Les

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fouilles ont dégagé aussi plusieurs niveaux archéologiques - paléobabylonien et Hana – marqués par des traces évidentes d'activité de production.

La deuxième thématique envisage la compréhension des stratégies militaires. L’article de Joaquin M. Cordoba permet une réflexion importante sur les méthodes que l’on peut appliquer à la compréhension des faits militaires. On peut rester à un stade superficiel, en citant ce que les textes et les images nous communiquent, ou bien on peut essayer d’aller plus loin, en prenant en compte les ouvrages des grands classiques de la guerre. En partant des œuvres de C. von Clausewitz, de Ch. Ardant du Picq et du Modèle d’évaluation quantitatif de T. N. Dupuy, J. Cordoba propose une relecture de deux batailles : celle d’époque protodynastique entre Umma et Lagash et celle d’époque néo-assyrienne d’Ulaia. On comprend mieux, entre autres, l’importance de la préparation des troupes, de leur moral et de leur esprit combatif dans l’assurance de la conduite de la guerre, l’importance de l’ordre tactique pour la solidité des troupes, et l’importance d’une étude sur le taux de rendement des troupes pour calculer les chances de victoire. Suivent trois études sur les différentes manières d’occuper le territoire en fonction défensive dans la ville (Yves Calvet et Laura Battini) ou sur les frontières (Aline Tenu). Yves Calvet a fait le point sur le système défensif d’Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent. Au Bronze moyen la ville, qui jouait un rôle politique sur la scène internationale, éclairé dès l’époque amorrite par la documentation mariote, était entourée d’une enceinte, en pierre, fouillée par Schaeffer très ponctuellement, mal conservée et aujourd’hui couverte par les déblais des fouilles sur l’acropole. Au Bronze récent, la ville disposait de deux lignes défensives : l’une pour la ville basse, l’autre pour l’acropole. La première est peu connue, juste à l’ouest et sur une courte distance. Il semblerait s’agir d’un rempart dont subsiste seulement un glacis. La deuxième consiste en un glacis, une tour d’entrée et une poterne. La tour et la poterne ne permettent l’accès à la zone royale que de l’extérieur de la ville. Cela constitue un autre indice de l’existence d’une muraille extérieure, entourant toute la ville basse. Trois autres portes permettaient l’accès à la ville, une au sud, et probablement une à l’est et l’une au nord. Laura Battini a analysé la capacité des structures défensives à résister aux sièges. Le cœur de l’empire, les capitales, était particulièrement défendu par rapport aux autres villes : la forte augmentation de l’épaisseur du mur urbain, de la largeur des tours et de la taille des portes ne concerne que les capitales. Ces augmentations traduisent en architecture au moins en partie les changements tactiques : l’augmentation de l’épaisseur du mur est une protection contre la force accrue des instruments de siège. L’augmentation de la largeur des tours est de même liée à la plus grande puissance des béliers. En outre, le matériel de composition, la brique crue, rend le mur encore plus résistant aux instruments de siège car il amortit donc bien les chocs des projectiles et des béliers. Pourtant, les défenses des autres villes ont aussi été conçues selon les principes canoniques de la construction militaire : épaisseur considérable, flanquement par de nombreuses tours construites à peu de distances, renforcement par un fossé, présence de plusieurs lignes défensives… Mais le gigantisme de Nimrud, Khorsabad et Ninive ne s’explique pas seulement par des principes militaires : il est une véritable démonstration de force économique et de puissance. La connaissance des frontières est assez limitée dans les trois millénaires d’histoire mésopotamienne, sauf pour l’époque médio-assyrienne et pour la région du Moyen Euphrate. Les fouilles de sauvetage du barrage d’Hadita conduites sur le moyen Euphrate de 1978 à 1986 ont profondément changé la connaissance de la région. D’abord, la présence de quatre-vingts sites démontre l’importance du Moyen Euphrate à l’époque du Bronze récent et du Fer. Puis, l’identification de plusieurs forteresses et camps militaires temporaires est un témoin de l’attention portée à la sauvegarde des frontières. L’analyse d’Aline Tenu porte à revoir en partie les conclusions de S. J. al-Shukri, selon lequel le contrôle militaire assyrien se fondait sur une série de forteresses et de campements temporaires. On pourrait affiner l’analyse et distinguer entre les places fortes, enserrées de rempart et protégeant des bâtiments ; les citadelles et fortins ou tours de surveillance, occupés par une petite garnison, qui dépendait pour toute nécessité des sites voisins ; les camps retranchés, défendus par une muraille mais sans restes architecturaux ; et, en dernier lieu, les campements de toile, peut-être habités par des nomades militarisés, identifiés grâce à l’abondance des tessons retrouvés en surface. Enfin, Francis Joannès conclut cette deuxième thématique en proposant une nouvelle analyse des événements militaires néo-babyloniens qui ont conduit à la chute de l’empire néo-assyrien. La littérature

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précédente a en effet trop insisté sur le rôle joué par les Mèdes dans ces faits. Selon cette nouvelle analyse, les Mèdes ont certes aidé les Babyloniens à conquérir l’empire assyrien mais ils se sont limités à piller les villes. Par contre, les Babyloniens, après une défaite en 616, ont compris la nécessité d’une guerre d’usure qui donne le temps de renforcer les ressources économiques faibles du pays et qui permette de pallier la différence en effectifs par rapport aux assyriens. Ainsi, ils élaborèrent un plan en trois étapes d’abord pour isoler le cœur de l’empire assyrien et le détruire, puis pour faire tomber le dernier bastion assyrien (Harran) et enfin pour conquérir les territoires syro-palestiniens.

L’importance de la propagande royale est le sujet du troisième thème « Symbolique et scénographie de la guerre » qui comprend cinq communications. Maria-Grazia Masetti-Rouault s’est intéressée aux armes divines et magiques en tant qu’objet littéraire spécifique. Elle a recherché dans les littératures et iconographies syrienne, mésopotamienne et hittite le mythologème qui associe l’arme et la conquête du pouvoir. Forgé au Bronze ancien en Syrie (Ebla), ce thème s’est particulièrement développé en Syrie intérieure au Bronze moyen (Terqa, Mari) et puis sur la côte au Bronze récent avec le cycle de Ba’al. En Mésopotamie, le thème apparaît seulement au Bronze moyen dans le cycle de Ninurta, puisque le panthéon sumérien n’aime pas la violence et le sang. Mais l’arme de Ninurta n’est pas encore liée à la conquête personnelle du pouvoir : le dieu conquiert le pouvoir pour Enlil, non pour lui-même. C’est seulement au Ier mill. avec Marduk que le mythologème est repris dans la même signification qu’en Syrie. Car cette fois, la conquête du pouvoir est pour Marduk. Dans la mythologie hurrite et hittite le thème apparaît dans le cycle de Kumarbi et Teshub, qui semble influencer la mythologie grecque (Zeus châtrant Kronos et prenant ainsi le pouvoir sur le monde). L’article de Peter Miglus porte plus particulièrement sur les images figurant le roi guerrier, à pieds ou en char, où souvent le caractère symbolique prévaut sur la description d’un fait militaire précis. Cela est le cas des plus anciens témoignages du roi guerrier à pieds, qui remontent à l’époque uruk finale. À partir du Protodynastique III, et surtout avec Akkad, les images de rois guerriers sont insérées à des moments précis des événements, comme pour la Stèle des Vautours ou la stèle de Naram-Sin. Mais là encore, il s’agit plus d’un signe de victoire que d’une présentation du comportement réel du roi dans la bataille. L’image du roi qui piétine ses ennemis, formée à l’époque akkadienne, abandonnée presque complètement au milieu du IIe mill., continue au Ier mill. et se retrouve dans la défaite de Gaumata par Darius Ier à Bisitun. Le roi guerrier en char est rarement représenté au IIIe mill. et ce thème prend souvent une signification cultuelle ou cérémonielle, probablement en rapport avec le char divin. Ce dernier, en effet, servait pour transporter les images ou symboles divins, mais était aussi un objet de révérence, peut-être même une divinité aniconique. Avec l’introduction du char dans l’armée au milieu du IIe mill. av. J.-C., le char devient l’objet de prestige d’une élite. Bien qu’on manque de représentations royales, le thème devait être commun, comme le démontre sa large utilisation au Ier mill., même lorsque, après la bataille de Qarqar (853), ce n’étaient plus les chars mais la cavalerie qui décidait du sort de la guerre. Mais jamais le roi néo-assyrien n’est représenté combattant sur un cheval, probablement pour des raisons cultuelles et du fait de la force de la tradition. Giuseppe Minunno analyse les pratiques de mutilation réalisées sur les corps des prisonniers et des cadavres. La partie mutilée était de préférence la tête qui permettait d’identifier l’ennemi tué et d’apporter la preuve de sa mort, mais la pratique de la mutilation des mains ou des organes génitaux est aussi bien documentée. Ces organes sont aussi des symboles de force et de vigueur. Le choix de la partie à mutiler dépend parfois de la possibilité d’identifier l’ethnos de l’ennemi et aussi sa position sociale. Ainsi il est possible que les têtes coupées portées dans des sacs à dos appartiennent à des ennemis de rang élevé, tandis que les têtes coupées portées à la main étaient celle de simples soldats. Parfois on associait plusieurs mutilations : la tête et les génitaux par ex. Enfin, les têtes pouvaient être portées par des simples soldats, mais parfois, pour montrer le rang des personnalités mutilées, elles étaient portées par des notables appartenant parfois à la famille du mutilé. Les têtes étaient empilées en pyramides, autour des villes ennemies ou en face des portes urbaines, ou bien étaient accrochées aux arbres ou à des poteaux. La mutilation a été utilisée également par des rois vassaux qui envoyaient au souverain la tête d’individus hostiles ou bien par des rois vassaux rebelles tuant leur souverain et envoyant sa tête au roi adverse. Enfin, l’article de Pierre Villard conclut le livre, en s’intéressant à l’organisation des entrées triomphales (erb li) à l’époque des Sargonides. La majeure partie des cérémonies avait lieu dans les villes

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saintes d’Assyrie, principalement Arbèles et Ninive. Mais la documentation textuelle cite également des fêtes accompagnées de musique à l’entrée du roi dans son camp militaire après une victoire. Dans les villes, les triomphes sont liés au retour de l’armée et devaient se produire après une grande bataille. À travers l’analyse des sources textuelles et des bas-reliefs palatiaux concernant le triomphe de 653 (célébrant la victoire sur les Élamites), on peut se faire une idée du déroulement de ces cérémonies, bien que rien ne prouve l’existence d’un modèle standard de célébration de la victoire. Le roi entrait dans la ville par une porte chargée de significations religieuses, il faisait une libation sur les têtes des ennemis morts, tandis que d’autres têtes ennemies étaient exposées ainsi que des ennemis vivants, parfois enchaînés avec des ours, des cochons ou de chiens. L’exposition et le supplice des ennemis vaincus fait également partie de la cérémonie. Des personnages barbus ou imberbes, portant une coiffure de feuillage, peut-être identifiables avec les kurgarrû, étaient vraisemblablement chargés de mimer certains épisodes de la campagne. Les cérémonies triomphales étant souvent liées à la fête de l’akitu d’Ishtar, le roi se rendait aussi dans les sanctuaires de la déesse pour accomplir les sacrifices et observer la fête. Bien que la documentation soit très limitée, Assur pouvait aussi être un des lieux de célébration des victoires et était au moins le cadre de lecture publique des lettres du roi au dieu Assur et du dieu au roi.

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L’ARMÉE D’AKKAD

Philippe ABRAHAMI*

RÉSUMÉ : Les différentes sources écrites paléo-akkadiennes (les lettres et surtout les inscriptions royales et les textes administratifs) combinées à la très riche documentation iconographique disponible pour cette période, offrent des perspectives prometteuses de recherche dans le domaine des études militaires. Cet article propose un tour d’horizon provisoire sur les sujets essentiels concernant le fonctionnement des armées tels que : les catégories de soldats, la mobilisation, les périodes de service, l’armement, les effectifs ou encore les différentes formes de combat (bataille rangée, embuscade, siège). ABSTRACT : Old Akkadian written sources (letters, and especially royal inscriptions and administrative texts), when combined with the wealth of contemporaneous iconographic material, give access to a promising field of research on Akkad’s military establishment. This paper is a provisional survey of basic subjects and issues that need to be considered when assessing how wars were launched and armies operated, among them: categories of soldiers, mobilization, period of service, armament, numbers, logistics and military tactics (pitched battle, siege, ambush). MOTS-CLÉS : armement, bataille rangée, char, effectif, embuscade, garde d’escorte, hiérarchie, ki‫܈‬rum, nubanda3, ordre de marche, panoplies, période de service, ratio d’encadrement, siège (Armanum), soldat (du roi), tenures, šagina. KEY WORDS : Array of weapon, ambush, chariot, escort, hierarchy, ki‫܈‬rum, land allotment, marching order, subdivision of troops, nu-banda3, number of soldiers, period of service, pitched battle, siege (Armanum), (king’s) soldier šagina, weapons.

L’inventaire du CDLI compte actuellement 8077 tablettes paléo-akkadiennes. Plusieurs sites ont fourni des lots importants notamment Girsu (2000), Umma (463), Suse (135), Adab (1165), Nippur (706), Tutub (67), Ešnunna (282) et Gasur (220). Dans leur majorité, ces textes sont des documents administratifs qui témoignent de la gestion de maisonnées et de centres politiques ou religieux d’importance locale et régionale1. Environ une centaine de lettres provenant pour la plupart du sud de la Babylonie viennent s’ajouter à cette documentation. La troisième composante des sources écrites est représentée par les inscriptions commémoratives des rois d’Akkad (IR) qui pour la plupart nous sont connues grâce à des copies, généralement considérées comme très fiables, réalisées à l’époque paléo-babylonienne, lorsque les monuments sur lesquels elles étaient gravées, étaient encore en place 2. Le traitement des questions militaires a fait l’objet de quelques travaux concernant : la stratégie à laquelle eut recours Rimuš dans la campagne contre Ur (Buccellati 1993) ; la tactique utilisée lors de l’assaut contre la ville d’Armanum à l’époque de NarƗm-Sîn (Foster 1982 g) ; l’armement (Civil 2003, Salonen 1965) ainsi qu’une étude lexicographique et paléographique de l’idéogramme signifiant le combat (Sommerfeld 1999). L’exploitation des sources iconographiques d’un point de vue militaire a également été réalisée par quelques auteurs (Amiet 1976, Nigro 1998 et Winter 1999). Dans le cadre de deux synthèses sur la période d’Akkad, l’organisation de l’armée a fait l’objet de remarques importantes (Foster 1993 et Westenholz 1999), que le *. 1.

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Université Lumière Lyon 2 et UMR 5133, Archéorient, Lyon. Pour une présentation générale du profil des sources administratives et de leur provenance, cf. Foster 1982 c et Westenholz 1984, p. 17-19 Westenholz 1996, p. 119.

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présent article se propose de prolonger, le thème du colloque sur « Les armées du Proche-Orient ancien » , offrant l’opportunité de traiter le sujet plus en profondeur. Cette étude propose un tour d’horizon des points essentiels dont l’analyse devrait nous permettre de mieux connaître le fonctionnement des armées, à l’époque d’Akkad, tels que : les catégories de soldats, les modalités d’accomplissement du service militaire ; l’organisation des unités (hiérarchie, effectifs et subdivisions) et l’armement. Ont été également rassemblées, les données relatives aux différentes formes de combat (bataille rangée, siège et embuscade). 1. LES SOLDATS 1.1. aga3-us2,(lugal) et lu2-tukul (lugal) Dans les textes paléo-akkadiens, les aga3-us2 sont peu mentionnés et leur implication dans des activités purement militaires ௅ service de garnison ou expéditions militaires ௅ n’est pas clairement documentée 3. D’ailleurs, ils n’apparaissent pas dans les inscriptions royales, où les soldats qui composent les armées en campagne sont désignés par le terme guruš 4. C’est plutôt leur rôle dans des missions de sécurité qui prévaut comme l’escorte de messagers ou le convoiement des bateaux5. Sans doute les aga3-us2 que l’on voit être intégrés à de grandes « maisonnées » , ont-ils assuré avant tout un service de garde. C’est probablement le cas de ceux qui sont recensés dans OSP 2 16, au sein de trois listes regroupant différents corps de métiers, qui se terminent par l’indication : « ceux de la maison d’Akalle / d’Ila / Dingirge-abe » ( šu-ut e2 NP) 6. L’appellation d’« aga3-us2 de NP » assez fréquente dans la documentation, pourrait correspondre à la situation de rattachement décrite dans OSP 2 16 7. On peut considérer que le rôle de ces soldats était d’assurer la garde de la personne mentionnée et plus globalement, la sécurité de sa « maison » , dépendant probablement hiérarchiquement du « chef de la maison » 8. On ne sait pas si ces établissements recrutaient leur propre force de sécurité ou bien si ce personnel était mis à leur disposition. RTC 97 mentionne « 14 hommes, aga3-us2 de Šarkališarri » (14 guruš, aga3-us2 ! šar-ga-li3-lugal-ri2-me) et leur nu-banda3. Ce groupe relève de la catégorie des soldats que les textes désignent comme étant des « soldats du roi » (aga3-us2 lugal), sans comporter toutefois d’indication précise quant à la nature de leur mission 9. On remarquera cependant que cette catégorie de soldats ne recoupe pas celle des « hommes d’armes du roi » (lu2tukul lugal) 10. Dès lors, le terme aga3-us2 lugal pourrait caractériser un soldat rattaché à « la maison du roi » , assurant notamment la sécurité des palais et des domaines royaux. La garde rapprochée du souverain, par contre, aurait été confiée aux lu2-tukul qui apparaissent par ailleurs spécialisés dans des missions d’escorte 11. Un certain Mamahursag qui se définit comme le « chef de ceux de l’arme » dans une inscription gravée sur une coupe en bronze, qu’il offre à NarƗm-Sîn, pourrait avoir été le commandant de l’une de ces unités 12. Il n’est pas

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L’interrogation de la base de données du CDLI livre seulement une trentaine d’occurrences pour les textes paléoakkadiens. Pour la définition de l’aga3-us2 en tant que soldat de l’armée permanente dans la documentation d’Ur III, cf. la contribution de B. Lafont dans cet ouvrage. Grégoire 1970, p. 31 définit le guruš comme un homme sans spécialité, engagé « pour réaliser toute sorte de besognes». Le terme désigne des hommes mobilisés comme on le voit d’après ITT 1 1418 qui indique : « Total 179 guruš, hommes levés » (šu-nigin 179 guruš lu2-zi-ga). RTC 237 rev. : 3 qui mentionne la paire : aga3-us2 « élamite » / messager du Marhaši ; RTC 255 cite « 8 soldats haleurs de bateau » (8 aga3-us2 ma2-gid2-me). Dans OSP 1 33, la présence d’« hommes de char » (lu2-gišgigir) et de « bateliers » (lu2 ma2-gur8) parmi le personnel enregistré dans cette liste, suggère également une mission d’escorte. Il s’agirait d’une personnalité haut placée dans la hiérarchie cléricale à l’époque du règne de Sargon, cf. OSP 2 16. OSP 2 124 ii : 12 ; 128 iv : 14 et probablement 130 iv : 2 ainsi que Nik. 2 45. Références à des aga3-us2 ugula e2 dans OSP 2 139 : 8’ ; 178 : 4 et MAD 4 80 : 9. Pour des références aux aga3-us2 lugal voir les exemples cités ci-dessous et Nik. 2 48, une distribution de denrées alimentaires à un aga3-us2 lugal, un harpiste et un chanteur. La composition de ce groupe suggère un contexte de parade. Aga3-us2 et lu2-tukul-lugal apparaissent côte à côte dans un bordereau de distribution de pain cf. Nik. 2 31 et Foster 1982 a, p. 16. Foster 1982 a, p. 15 . Pour Ur III, cf. les textes réunis par Lafont 1985, n° 69 et suivants. Des lu2-tukul peuvent être affectés à un sanctuaire cf. Foster 1982 a, p. 112 (lu2-tukul eš3-da gub-ba). Dans ITT 1 1287 (cf. Steinkeller 1991, p. 229), un lu2-tukul escorte cinq individus qu’il conduit en prison à Lagash en vue de leur jugement. Le lu2-tukul semble avoir été rattaché à une « municipalité », à moins que le toponyme (lu2-tukul urusag-rig7) soit là simplement pour indiquer la provenance du groupe. Pour des lu2-tukul employé à la sécurité des convois de bateaux cf. BIN 8 298 : « homme d’arme du bateau de Meluhha » (lu2-tukul ma2 me-luh-ha-ka). ugula šu-ti giš-tukul cf. RIME 2, p. 168 n° 2007.

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impossible que ces « soldats du roi » aient été regroupés lors des campagnes militaires, en une sorte de régiment royal dont le souverain aurait pris directement le commandement. La présence d’aga3-us2 sur le chantier de la reconstruction de l’Ekur peut être due au besoin d’un supplément de main d’œuvre ou bien à la nécessité d’assurer la garde 13. La même interprétation est possible à propos des aga3-us2 mentionnés dans un décompte de travailleurs / jours (OSP 1, 31). Les remises de poutres et de piles de briques à des aga3-us2 mentionnées par ITT 1 1168 et ITT 5 9269, 8, correspondent également à des contextes en rapport avec la réalisation de travaux de construction. Deux libellés d’étiquettes de paniers à tablettes, répertoriés dans le registre des « archives » ITT 2 4690 concernent la gestion des effectifs et l’approvisionnement des aga3-us2. La première étiquette porte la mention « panier des aga3-us2 » , panier qui devait contenir des rôles, tel ITT 1 1353, une liste recensant les noms d’une dizaine de « nouveaux aga3-us2 » (aga3-us2 gibil-me). La seconde d’après son libellé, « panier du pain des aga3-us2 » , était probablement attachée à un couffin où étaient rangés les comptes relatifs aux rations alimentaires de la troupe 14. L’approvisionnement des aga3-us2 est aussi évoqué par deux lettres de la Diyala et un reçu concernant des céréales livrées durant les travaux de la reconstruction de l’Ekur 15. Des aga3-us2 sont également cités dans des contrats comme témoins ou comme prenant part à une transaction de prêt (OSP 2 71) 16. On voit aussi certains exercer la fonction de commissaire 17. 1.2. Les nisk/qu Dans la plupart des cas, les textes dans lesquels sont mentionnés des nisk/qum ne permettent pas de saisir la véritable nature de leur activité 18. À quelques exceptions près cependant, qui offrent des indices suggérant leur appartenance à la sphère militaire. Un texte d’Adab enregistre la remise de « 840 pains (…) aux nisk/qu et aux aga3-us2 » 19. ITT 5 9383, un bilan des effectifs réalisé suite à « l’inspection du rempart » (gurum2bad3), recense 99 nisk/qu et 435 « citadins » 20. La mention du rempart évoque un service de garde et si l’on considère que le terme « citadins » représente une troupe de « conscrits » , les nisk/qu pourraient quant à eux avoir été des soldats professionnels. Comme autre élément indiquant l’occupation militaire des nisk/qu, il y a le fait que l’expéditeur de la lettre provenant de Girsu, leur attribue ainsi qu’à leur commandant, le crédit d’une victoire décisive : « il a sauvé la ville, ses nisk/qu doivent partir à Uruk » 21. Le sens de soldats d’ « élite » , proposé par le AHw (p. 795) qui envisage de dériver le terme de nisqu ( « choisi/ de première qualité » ), conviendrait assez bien au passage de cette lettre qui met en avant l’efficacité militaire des nisk/qu 22. L’ordre bref notifié dans MAD 1 278, de saisir (lƯhuz) un nisk/qu « marqué » (zag-šu4) est très intrigant. S’il s’agit bien d’un individu et non d’un animal « de choix » dont la mention aurait été omise ou sous-entendue, il faudrait alors considérer ce soldat comme un (ancien ?) esclave 23. Cependant, la possibilité pour un nisk/qum d’exercer la fonction de « commissaire » ௅ fonction peu compatible avec un statut servile ௅ montre cependant que ce cas représente une situation particulière 24. 1.3. L’organisation du service : conscription, affectation, périodicité et remplacement Hormis ITT 5 9383, d’autres documents relatifs à des inspections (gurum2) concernent du personnel dans des contextes probablement militaires. C’est, par exemple, le cas de la note datée de l’année de la victoire 13

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Des aga3-us2 apparaissent dans un décompte de travailleurs / jours dans OSP 1, 31. De même dans BIN 8 144 où l’on voit des artisans (giš-kin-ti) et des aga3-us2 qui sont encadrés par le même nu-banda3 (entrée F cf. Foster 1982 f, p. 17). ITT 2 4690 i : 7’ ; ii : 8’, cf. Foster 1982 c, p. 25. Pour une autre mention de « pisan aga3-us2 » cf. ITT 1 1425, 3. OSP 2 6 ; Kienast & Volk 1995, p. 160 : Di 6 et Di 7. Dans la seconde lettre, il est reproché au destinataire d’avoir interrompu (parƗsum) les livraisons de pains. RTC 82 16 ; ITT 4 7001, 12 (aga3-us2 lugal). BIN 8 162, 22 (aga3-us2 lugal) ; MAD 4 80, 9 (aga3-us2 ugula e2). Les mentions d’officiers (nu-banda3 / ugula) encadrant des nisk/qu se trouvent dans A 1027 2 (= OIP 14 162), cf. Zhi 1989, p. 376 et ITT 4 7052 rev. : 5 (= MVNS 6 52). Noter également les références aux nisk/qu lugal, dans des textes inédits, citées par MAD 3 p. 206. Le CAD traduit par « a class of person » , cf. CAD N/2 p. 272 a. A 1015, cf. Zhi 1989, p. 374 et L. 4631 cité par Foster 1982 a, p. 85. Foster 1981. Kienast & Volk 1995, p. 116 : a-lam u2-ba-li-i‫ ܒ‬ni-is-qu2-Ğu a-na unuki lu it-tal-ku. Le sens de « soldat d’élite » est également fondé sur la juxtaposition des entrées lexicales aga3-us2-ni-is-kum et aga3-us2 sag-ga2-na cf. SLT 109 iv : 22 et 23. Pour les marques de propriété, cf. de Maaijer 2001 ; Gelb, Steinkeller & Whiting 1991, p. 242 et Foxvog 1995. Pour un nisk/qu maškim, cf Foster 1982 b, n° 14 p. 24 .

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de NarƗm-Sîn contre Simurrum, inscrite sur une étiquette qui porte la mention : « Nabi-Ulmaš a inspecté » 25. ITT 1 1449 traite également d’une revue qui concerne l’unité, d’un nu-banda3 dont l’effectif compte 159 hommes. DCS 83 porte la mention « inspection de la troupe » (gurum2 erin2) : « au total 546 guruš, 13 hommes mobilisés (lu2-zi-ga) » . Quant aux opérations de levées, elles ont donné lieu à des rôles tel que CT 50 103, une liste de noms dont le décompte total indique : « 101 hommes (valides), individus mobilisés » (101 guruš lu2 ziga). Parfois l’affectation est précisée. Dans ITT 1 1418, 159 hommes (guruš lu2-zi-ga) sont concernés : 9 individus sont déclarés « malades » (9 lu2-tu-ra). Les affectations sont de nature diverses : les messagers (lu2 kingi4-a-me), la prison (e2-eš2), le commissaire des troupeaux (maškim udu) et les hommes d’armes (lu2-tukulla2) 26. Certains individus dans les registres d’enrôlement figurent aussi avec la mention zi-ga libir, qui indique que ces gens avait déjà été mobilisés lors d’une levée précédente (RTC 253). Le service de garde (en-nun) représente une affectation souvent citée 27. L’expression « coucher au rempart » que l’on rencontre sur certains rôles, est probablement aussi en rapport avec la garde de la ville 28. Dans une lettre de Girsu, afin d’assurer ce service, l’effectif nécessaire est prélevé sur le personnel rattaché à différentes « maisonnées » : « (Concernant) 1 de la maison d’Ur-gar le messager rapide, 1 de la maison de […], 1 de la maison de Lugal-ezem, l’administrateur du temple, dis à mon seigneur : ils couchent au rempart » 29. La conscription des particuliers, celle du personnel des institutions domaniales et des « maisons » détenues par les serviteurs royaux au titre de leur charge, a certainement eu un caractère ponctuel. Pour faire face à une menace ou pour les expéditions militaires, il a probablement fallu mobiliser au-delà de l’armée de métier. Toutefois, le fait que des soldats non professionnels aient assumé un service militaire sur une base périodique, s’avère également possible. La disparité des effectifs entre les groupes concernées par l’ « inspection du rempart » , ITT 5 9383 (94 + 36 + 65 + 51), suggère qu’il s’agit plutôt d’unités assignées en même temps à différentes sections de la muraille. Toutefois avec CT 50 100, le différentiel entre les 6 « sections » enregistrés étant moins important – sauf pour le dernier groupe (44 + 44 + 32 + 51+ 54 + 23) – on peut envisager que ce décompte représente un système de rotation fondée, en l’occurrence sur une période de service, peut-être de deux mois annuels. Notons que certains soldats professionnels pourraient ne pas avoir exercé leur métier à « plein temps » . L’expression d’ « engar nisk/qu » qui qualifie un individu responsable de l’apport-mašdaria d’un chevreau, peut recevoir plusieurs interprétations 30. On peut envisager le cas d’un cultivateur ayant en charge les tenures des nisk/qu et employé par ce groupe 31, ou bien considérer qu’il s’agit d’un « conscrit » exerçant le métier d’agriculteur, qui aurait été affecté à une unité de nisk/qu. La troisième explication serait d’envisager le cas d’un soldat professionnel disposant du temps libre nécessaire afin d’exercer d’autres activités 32. Le paiement d’une somme d’argent pouvant servir de moyen de substitution à l’accomplissement d’une corvée, il n’est donc pas impossible que ce type d’aménagement ait également prévalu pour les individus mobilisés dans le cadre du service militaire 33.

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Sommerfeld 1999, p. 124 n°65 : na-bi2-ul3-maš in tu-tuki ib-ri2. Pour l’interprétation de la scène du sceau de Kalki comme représentant une tournée d’inspection cf. Nigro 1998, p. 95. Cf. également ITT 1 1379 (effectif de 198 guruš) ; Tutub n°8 et suivants, cf. Sommerfeld 1999 et Sallaberger 2000, p. 116 et OSP 1 43, indique la provenance des hommes mobilisés : « x hommes conduits depuis NG » (x lu2 NG-ta balah5). CT 50 100 ; ITT 2 4507 ; CT 50 99 (en-nu Lagaški-me). Ce dernier texte, concerne 6 individus enregistrés nominativement par deux avec le nom de leur nu-banda3. Dans ITT 1 1065, des rations de laines sont distribuées à 46 guruš, à raison de 10 mines par individu. Ils ont en charge la garde (en-nun) de la « maison » de dNanshe-inimme. Les titres de nimgir uku3 (Foster 1982 e, p. 350) et gal uku3 (Gelb 1955, n° 12) sont considérés comme associés au processus de la levée. Lu2-dab5, expression bien documentée à Ur III, désigne un enrôlé de force cf. OSP 1 23 iv : 30 et OSP 1 48. ITT 2 4559 : lu2 bad3-da na2-[me ? xxx], cf. Foster 1981, p. 190. Dans CT 50 101, il est question de gens qui « couchent au palais » (lu2 e2-gal-a na2-me). Les effectifs répartis en plusieurs unités sont faibles, toujours inférieurs à 10. Gir. 15, cf. Kienast & Volk 1995, p. 84 : « 1 é Ur-gar lu2-kas4-kam (…) 1 é Lugal-ezem sanga-kam, lugal-mu u2-nadu11 bad3-e im-ma-na2 » . Ur-Ištaran, l’expéditeur de la lettre est probablement « nu-banda3 du palais » cf. Kienast & Volk 1995, p. 85. A 1092, 10 cf. Zhi 1989, p. 383. Pour un berger (na-gada) qualifié de nisk/qu dans la documentation d’Ur III, cf. le dossier étudié par Doherty 1986, p. 83. Engar nisk/qu serait parallèle à engar lugal « cultivateur du roi » cf. Foster 1982 f, p. 16 (entrée B). Même interprétation pour le lu2-tukul engar (MC 4, 53). Steinkeller 1993, p. 143.

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1.4. La rémunération des soldats et le régime des tenures Si l’on dispose d’un cas probable d’argent versé à des troupes revenant d’une expédition, le mode de rémunération le plus courant – pour toute les formes de service revêtant un caractère permanent d’ailleurs – a consisté en l’attribution de terres de fonction 34. Les informations sur le régime de ces attributions foncières ont été étudiées en détail par B. R. Foster à partir de la documentation de Girsu et d’Umma. Les renseignements livrés par ces textes révèlent la nature du terrain, sa localisation et la qualité des titulaires dont des militaires et des officiers 35. La surface du fonds est également souvent mentionnée : on peut voir ainsi qu’un nisk/qu bénéficie de 1800 à 3600 m2 de terrain (50 à 100 sar) et un nu-banda3 est enregistré avec 3600 m2 (100 sar) de « terrain en friches » (gana2-šub-šub-ba). Ces « terres de subsistance » sont parfois comptabilisées par groupes de bénéficiaires (gana2-šuku aga3-us2/erin2/ nisk/qnj-me) 36. BIN 8 144, une tablette provenant d’Umm-elJir, l’ancienne Mugdan, un site proche de Kish, enregistre ainsi l’attribution de 32,4 ha (90 iku) « aux soldats du nu-banda3 Šumu-kƯn » , terres qui avaient été prélevées sur le domaine de l’ensi2 37. Il est probable que l’officier devait ensuite veiller à la répartition des parcelles entre les hommes de son unité 38. Le fait que deux individus soient enregistrés sur la même parcelle, est probablement un indice qu’ils ont pu partager le service associé à ce bénéfice foncier 39. Si l’administration prenait soin d’établir la liste des fugitifs et des morts 40, c’est aussi probablement , parce que de tels rôles servaient à opérer les redistributions de terres. Il s’agirait là d’un témoignage indirect du fait que le droit du tenancier était normalement révoqué lorsqu’il n’était plus en mesure d’accomplir son service 41. Dans certains cas, il semble cependant que le transfert de ces terres de fonction à un tiers ou leur rétrocession à l’autorité centrale, ait donné lieu au versement d’une indemnité au bénéfice de l’ancien propriétaire ou de son ayant droit, sans doute pour prendre en compte des situations sociales difficiles 42. 2. L’ORGANISATION DE L’ARMÉE 2.1. Le haut-commandement : remarques à propos du šagina et du nu-banda3 dans le IR Dans les IR, preuve de leur statut éminent, les généraux (šagina), sont identifiés par leur nom et cités parmi les « Grands » aux côtés des ensi2 dans les listes de prisonniers 43. Certaines légendes décrivant les images gravées sur les monuments commémoratifs, montrent que les généraux étaient aussi représentés : « Sur le socle, en bas à sa gauche : Zinuba le frère de l’ensi2, Ašarmupi son vizir, Lugalgalzu, l’ensi2 de Zabala, Ur-Sîn son vizir, Lugal-Ka gouverneur de Ki.AN, Gišša son grand vizir, Kituš-id gouverneur de Lagaš, Adda, général » 44. 34

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MAD 5 n° 9 enregistre une distribution de 1520 litres de céréales et 19 sicles d’argent à environ une quarantaine d’individus dépendant de différents ugula. Selon la restauration proposée par I. J. Gelb, l’occasion aurait été le retour d’une campagne en pays Guti : šu-nigin2 40 [la2 2 ?] guruš, 1/3 ša ma-na la2 1 gin2 ku3-babbar, šu-nigin2 5 (GUR) 20 (SILA2) še-gur, (espace) [iš]-tum, [um]-ma-na-at, [ma-ti g]u-ti-im, [i-tu-ru]-nim ou [ip-hu-ru]-nim. Foster 1982 d. Foster 1982 d, p. 20 et p. 34 : 1,3 ha (360 sar) pour des nisk/qu-me et 32,4 ha (5 bur3) pour les erin2 cf. Kienast & Volk 1995, p. 86, (Gir n° 16). Foster 1982 f, p. 15-18 : 90 gana2 aga-us2 aga3-us2 nu-banda3 su-mu-GI et col. iv : 12 iš-tu ki-nu-mu-pi2 ensi2 lu-lu u-še‫܈‬i2. Abrahami 2005, p. 18. Foster 1982 f, p. 14. A. 900, cf . Zhi 1989, p. 347, une étiquette portant le libellé : « panier des tablettes des nisk/qu fugitifs et morts » . Cf. l’article de N. Ziegler dans ce volume pour l’époque paléo-babylonienne. Abrahami 2005, p. 17. Steinkeller & Postgate 1992, p. 99. Wilcke 1997, p. 23, texte J vi :16-21 : šu.nigin2 31 guruš ra-bi2-a-ni u3 6143 lu2xgana2-tenû in kaskal i-ik-mi. Ce groupe des « Grands » comprend : un général, un ancien d’Uruk, un gal sukkal, un šabra e2, des ensi2 des nu-banda3 de différentes villes (Ereš, Uruk, Adab, Nippur, Lagaš), un messager et un ugula mar-tu mar-tu. Noter que dans l’un des groupes de témoins cités par l’obélisque de Maništušu, le šagina apparaît juste après le gal-sukkal cf. Gelb, Steinkeller & Whiting, p. 123 A3 col. xi :14. A propos du titre de « général » cf. Kutsher 1989, p. 43. Westenholz dans OSP 2, p. 96, traduit par « Duke » : « In view of his high status, his responsability for a province (M. Lambert), his military rank (Goetze), his duty to furnish workers and troops (Goetze), I have translated šagina as Duke (…) » . Kienast & Sommerfeld 1994, p. 159 et p. 282 ignorent la dimension militaire du titre, qu’ils traduisent systématiquement par « gouverneur » cf. la critique de Frayne 1992, p. 622 à ce sujet. RIME 2, p. 44 n° 2 :1 : « muš2 ki-gal ki-ta gub3-bu-na zi-nu-ba šeš ensi2 a-ša-ar-mu-pi5 sukkal-Ğu lugal-gal-z[u] ensi2 zabala3ki ur-den-zu sukkal-Ğu lugal-Ka ensi2 KI.AN.KI giš-ša3 gal- sukkal-Ğu ki-tuš-id2 ensi2 lagaški ad-da šagina » ou encore RIME 2, p. 22 n° 8, légende 8 et 9 qui mentionne la représentation du général du Parahšum et du frère du roi.

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Selon ce même type de source, un général akkadien, Lugal-uru-si, apparaissait sur un autre monument, avec en légende le titre de « šagina de Sumer et d’Akkad » . Sargon lui, était représenté avec Ra[…] « son général » 45. Ces deux titres témoigneraient d’une forme d’organisation bicéphale du pouvoir dans laquelle le šagina aurait concentré la plus grande partie de l’autorité militaire. Dans la documentation provenant de Girsu, c’est un général qui reçoit la plus grande dotation foncière (1,94 ha ; 540 sar) qui est supérieure à celle du sukkal 46. À Nippur d’ailleurs, le général, Ilsu-qarrƗd, probablement le gouverneur militaire de la ville, disposait d’après l’ « archive des oignons » , d’une « table » comme l’ensi2 et le roi 47. Ces officiers supérieurs ont pu se voir confier des missions qui sortaient néanmoins de leur domaine de compétence propre. Ainsi d’après un nom d’année de Šar-kali-šarrƯ, la direction du chantier de reconstruction de l’Ekur fut confiée au général Puzur-Ištar 48. Sont aussi mentionnés, cependant, dans la documentation administrative et juridique, des šagina dont l’autorité se limitait à l’exercice du commandement d’un corps de troupes comme l’indique par exemple les titres de « šagina des archers » et de « šagina des lances » 49. Plusieurs documents d’Umma du règne de Šar-kali-šarrƯ, enregistrent des distributions de denrées alimentaires (pain, huile, bière, farine, poisson) à des groupes composés des mêmes catégories de personnel. Les bénéficiaires y sont désignés d’après leur titre, la profession qu’ils exercent ou leur localité d’origine 50. B. R. Foster a considéré que les destinataires de ces rations constituaient en fait la « maisonnée » d’un général 51. Cet officier apparaît, en effet, en tant que responsable du groupe, du fait de sa position en tête (USP 35 ; MM 731) ou en fin de liste (StrKt 43 ; MCS 9 233). Dans ce dernier texte, il semble réceptionner les rations pour l’ensemble du groupe ou en avoir supervisé la distribution car son nom est inscrit après le décompte final juste avant la date 52. La présence d’un scribe et d’un devin (USP 35 ; USP 36 ; MCS 9 233 ; Serota 14) constitue un point de rapprochement intéressant avec la composition de l’état-major des corps d’armée à l’époque paléo-babylonienne telle que documentée à Mari 53. Celle d’un médecin et d’un informateur est toutefois spécifique aux unités akkadiennes 54. Un autre parallèle avec l’organisation hiérarchique de la période babylonienne ancienne peut être avancé, car on voit apparaître dans ce groupe de textes d’Umma, le titre de PA PA (rabû ša ‫ې‬a‫ܒܒ‬Ɨtim) dans la séquence : šagina / PA PA 55/ nu-banda3 sikkatim 56 (USP 35 ; USP 36 ; MM 731). Le caractère militaire de ces 45

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RIME 2, p. 103 n° 5 légende 2’ : ki-[ta] šagina, ki-en-gi ki-uri, lugal-uru-si, et RIME 2, 32 n° 13, 23 : « Sargon, roi de l’univers, Ra[xxxx] son šagina » (sar2-ru-gi lugal kiš ra-[x – x – x] gir3-nita2- Ğu mu-sar-ra ki-gal-ba). Noter également la formule N[P] « son général » par rapport à Erridu-Pizir (RIME 2, p. 221 n° 1, 20). Comparer avec l’expression « général de (tel roi) » récurrente dans les archives de Mari, qui désigne le « général en chef » cf. Abrahami 1998. Foster 1982 d, p. 19. OSP 2, 142. mu šar-ka3-li2-lugal-ri2 puzur4-eš4-tar2 gir3-nita2 e2-den-lil2 du3-da bi2-gub-ba-a, RIME 2, p. 182 ii.e. Il n’est pas certain que le Puzur-Ištar destinataire de la lettre Ad 12 (cf. Kienast & Volk 1995, p. 53) soit la même personne cf. Westenholz 1996, p. 121. Lipit-Ili est un autre général attesté sous Šar-kali-šarrƯ cf. RIME 2, p. 203 n° 2007. On remarquera qu’en dehors du roi, le cercle des personnes citées dans les noms d’année, se limite : aux dirigeants ennemis capturés (cf. Gelb & Kienast 1990, p. 51 n° 12 et n° 13 ; p. 54 n° 27) ; à certains hauts personnages de l’état comme l’ensi2 de Nippur au moment de sa nomination (i-da-tuš) à Urusagrig (p. 60 n° 59) ; ou encore aux membres du haut clergé (le grand prêtre et la grande prêtresse, cf. p. 53 n° 20 et p. 60 n° 60) et aux administrateurs-sanga (p. 60 n° 57 et n° 58) pour commémorer leur installation. Voir également les commandants de troupes mentionnés comme récipiendaires de pains et de bière dans CT 50 64 ; MVN 3 40 ; BIN 8 333. Pour les šagina affectés à des postes spécifiques d’après la tradition lexicale cf. CAD, Š/I, p. 170 : šagina uru / ka2-e2-gal etc… Foster 1982 a, p. 98 et p. 110 : USP 36 (7 mu 6 iti [x]+3 u4) ; USP 35 (7 mu 5 iti 10 u4) ; StrKt 43 ([x] mu 8 iti 27 u4) ; MCS 9 233 (iti halida mu-a-kam […m]u 8) ; Serota 14 ([..] mu 8 iti 26 u4) ; MCS 9, 234 (7 mu 7 iti 22 u4) ; MM 731 (6 mu 9 iti 21 u4) édition par Molina 1991, p. 139. Foster 1993, p. 26 : « a général and his large personnal staff » ; Foster 1992, p. 75 : « a Sargonic general’s suite » . Foster 1982 a, p. 99. Durand 1988, p. 22-23. « 1 médecin, 1 devin, le fils de l’ensi de Hašuanum, 1 lu2-eme » . Pour le lu2-eme, plutôt qu’un incantateur, un rapprochement avec les ša lišƗnu bien documentés à Mari, est préférable cf. Molina 1991, p. 141 n. 15. Le « scribe des troupes » est aussi mentionné dans le récit de l’« Insurrection générale » cf. Wilcke 1997, p. 23 J iii : 27-33. Pour ses attributions cf. Foster 1992, p. 75. Le rabû ša ha‫ܒܒ‬Ɨtim est bien documenté à l’époque paléo-babylonienne en tant qu’officier cf. Stol 2004, p. 810. Foster 1982 a, p. 112 considère qu’il s’agit du responsable « des verrous » et en fait un « booty officer ? » . On peut envisager un rapprochement avec le rab sikkatim qui dans les textes divinatoires apparaît comme responsable de la

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unités, commandées par un šagina apparaît donc fondé. La présence de servantes rappelle la composition de l’ugnim, terme qui dans la documentation d’Ur III, désigne un « camp » ou une « garnison » avec ses militaires et l’ensemble du personnel chargé de l’intendance et de l’administration 57. Dans les IR, le nu-banda3 semble être positionné au même rang que le šagina. Comme lui, il est identifié par son nom et intégré au groupe des « Grands » dans les listes de prisonniers 58. Pour certaines des villes citées dans l’« Insurrection générale » , le nu-banda3 forme une paire avec l’ensi2 59. On retrouverait ici l’indication de la partition entre un pouvoir civil et militaire, le nu-banda3 assumant la fonction de « commandant en chef » . La compétence du nu-banda3 à l’échelle d’une ville ou d’un territoire est suggérée par l’expression « nu-banda3 + NG » , formule qui s’applique à Adab, Ereš, Uruk, Lagaš et Nippur 60. La présence en tant que témoin d’un nubanda3, aux côtés de l’ugula uru dans un contrat de prêt, montre que son rôle de commandement étendu à une ville, n’est pas spécifique aux IR 61. Toutefois par rapport au šagina, le domaine d’intervention du nu-banda3 apparaît nettement moins circonscrit à la sphère militaire 62. On voit par exemple des nu-banda3 diriger un « atelier » 63. D’ailleurs, les artisans travaillant sur le chantier de l’Ekur, étaient encadrés par un nu-banda3 64. Un ugula était responsable de chacun des corps de métiers. On peut envisager que ce responsable disposait de la compétence technique lui permettant de superviser la réalisation des travaux. La gestion globale de l’ « atelier » (la planification des opérations, l’intendance, la gestion des matières premières etc…) étant plutôt du ressort du nu-banda3 65. 2.3 Constitution des unités, effectifs et ratio d’encadrement On a pu voir avec ITT 5 9383 que les unités affectées à la défense du rempart, étaient composées de manière mixte associant des soldats professionnels (nisk/qu) à des « conscrits » dans un rapport de 1 pour 4 66. Les titres de « général des flèches » et de « général des lances » indiquent une spécialisation des unités sur le plan de l’armement 67. Dans une inscription de Sargon, le terme ki‫܈‬rum désigne les unités du corps expéditionnaire en campagne contre Uruk : « Ilaba est son dieu ! Sargon le roi de la totalité, frappa la ville d’Uruk avec 9 ki‫܈‬rum d’Akkad. Il fut victorieux au combat » 68. A. Westenholz a proposé d’identifier ce corps expéditionnaire aux 5400 hommes de troupe (erin2 / guruš) qui « mangent quotidiennement du pain (devant lui = Sargon) » 69. On notera que cet effectif ne concerne que la ville d’Akkad, qui a pu représenter, l’aire de

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garde des portes de la ville cf. CAD, S, p. 254a et Stol 2004, p. 667. Pientka-Hinz 2006, p. 67 propose de lire nu-banda3 ZI-GA-tim et considère qu’il s’agit d’un officier chargé du recrutement. Uniquement dans Serota 14 et peut-être MCS 9 233 : 321 g[eme2 ?] [x] guruš, cf. Foster 1982 a p. 98 et la contribution de B. Lafont dans ce volume. Wilcke 1997, p. 23 J iv : 27 et vi : 16. D’après la formule : NP1 ensi2 NG, NP2 nu-banda3-Ğu, cf. RIME 2, p. 105 n°6 ii : 34’. Wilcke 1997, p. 23 J v : 26. Noter la mention d’un nu-banda3 mar-tu dans la Stèle de la Victoire de Tello, cf. Foster 1985, p. 20 : AO 2679, 9’ et d’un ugula mar-tu-mar-tu dans l’« Insurrection générale » , cf. Wilcke 1997, p. 23 J vi :1115. Gelb 1955, n° 4. Pour la période babylonienne ancienne, cf. la remarque du CAD L, p. 99 : « The distinction between the military and the civilian rank is difficult in most refs » . nu-banda3 ku3-dim-e, cf. OSP 2 50 ou encore la mention d’un nu-banda3 giš-kin-ti, cité comme témoin dans l’une des ventes de terres dans l’obélisque de Maništušu (C3 xvi :14) cf. Gelb, Steinkeller & Whiting 1991, p. 136. OSP 2 11. L’ « atelier » était composé de 77 fondeurs, 86 joailliers, 10 tailleurs de pierre, 54 charpentiers et 81 manœuvres (guruš). La traduction de « work director » proposée par Westenholz 1999, p. 62 convient tout à fait. Noter le titre d’« ugula nubanda3 » , cf. Foster 1982 e p. 38, qui pourrait suggérer un échelon intermédiaire entre le šagina et les nu-banda3. Foster 1981, p. 190. Gelb, Steinkeller & Whiting 1991, p. 123, A3 col. xii : 5 et 13. il3-a-ba4 il-su Ğar-ru-gi lugal kiš in 9 ki-‫܈‬e2-ri2 a-kà-dèki uruki unugki sag-giš-ra u3 in kasšudun iš11-ar (RIME 2, p. 16 n° 3 : 1). La forme attendue devrait être ki‫܈‬rƯ. Pour ki‫܈‬rum comme désignant une unité dans les contextes de bataille, cf. CAD K, p. 437 et CAD P, p. 163 (comme complément d’objet du verbe purrurum « défaire » ). Noter aussi la mention d’un « ki‫܈‬rum de droite » , CAD K, p. 437b. Une question à Šamaš contient la séquence : rassembler – former un corps de bataille – marcher – combattre (putahhurum / kuta‫܈܈‬urum / alƗkum /gištukul murub4 u me3 epƝšum cf. Starr 1990 p. 265, n° 281 : 5’). À Mari, l’expression ‫܈‬abam kaúƗrum (également attesté au Dt) apparaît dans le même type de contexte, cf. ARM 26/1 121 : 12. Westenholz 1999, p. 68. RIME 2, p. 29 n° 11 : 34 ; p. 31 n° 12 : 27’ : 5400 erin2 u4-šu2-še3 igi-ni-še3 ninda i3-ku2-e 5400 guruš u-um-Ğum6 ma-har-Ğu ninda ku2.

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recrutement ou le secteur d’affectation de cette unité, voire les deux à la fois 70. En fait, il s’agit de la seule donnée disponible qui nous renseigne sur l’effectif d’un grand corps d’armée akkadien. En effet, si les effectifs sont indiqués dans les IR (principalement chez Rimuš), les chiffres se rapportent toujours aux prisonniers et aux pertes subies par l’ennemi 71. Selon la proposition d’A. Westenholz, l’organisation de ce corps expéditionnaire aurait donc reposé sur neuf « régiments » comptant chacun 600 soldats, subdivision que l’on retrouve également comme structurant les grands corps d’armées dans la documentation d’Ur III 72. Ce niveau d’effectif est aussi attesté pour des unités autonomes par plusieurs décomptes de rations provenant d’Umma 73. On notera aussi que dans l’obélisque de Maništušu, l’achat des terres de Marda est fêté par un banquet à Kazallu, qui réunit 600 hommes 74. Le décompte CT 50 103 montre d’autre part très clairement que la gestion des affectations était réalisée par groupe de 9, chiffre qui semble donc avoir une fonction opératoire 75 et non pas seulement symbolique 76. Dès lors, la mention des « 9 bataillons d’Akkad » parrait assez crédible. Il est difficile de pronostiquer sur l’articulation hiérarchique de cette grande formation. On pourrait penser que les « 9 nu-banda3 Akkad » (10 la2 1 nu-banda3-e a-ka3-de3ki) mentionnés dans l’« Insurrection générale » avait chacun en charge le commandement d’un ki‫܈‬rum mais il s’agit en fait d’officiers ennemis retenus prisonniers 77. D’après la liste des captifs de la ville de Kiš, il est possible d’établir le rapport d’un šagina pour au moins 4 nu-banda3 78. À propos des ratios d’encadrement, signalons également d’après un rôle nominatif, l’unité de 60 individus (dumu-dumu-uš) qui est subdivisée en trois groupes de 20 personnes, placés chacun sous les ordres d’un ugula 79. 70

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Pour a-ka3-de3ki comme désignant la ville, cf. par exemple mu bad3 a-ka3-de3ki , cf. OSP 2, 166 et dans l’inscription de Bassetki RIME 2, p. 114 n° 10 : 49-50 où a-ka3-de3ki renvoie à uruki-Ğu (l. 24). Le « pays d’Akkad » (ma-ti uriki) est mentionné dans une inscription votive, cf. RIME 2, p. 206 n° 2012 (Gelb & Kienast 1990, p. 119). C’est également le cas pour les inscriptions royales assyriennes, cf. De Odorico 1995, p. 8-10 et p. 195-200. On peut considérer qu’il s’agit de registres de comptabilité intégrés tels quels à l’inscription (cf. par exemple RIME 2, p. 48 n° 4 et n° 6). Notez aussi que les chiffres sont donnés à l’unité près. Comme autre argument en faveur de leur crédibilité, on peut avancer l’hypothèse que Rimuš et NarƗm-Sîn, s’engagent par serment sur l’authenticité de leur récit (RIME 2, p. 54 n° 6 : 77 et Wilcke 1997, p. 24 J vii : 28) et qu’au moins une partie des prisonniers comptabilisés, représentait la part de butin vouée aux divinités (cf. Wilcke 1997, p. 24 J vii : 21-27). Néanmoins l’hypothèse d’une fiction comptable n’est pas à écarter (cf. les remarques de De Odorico 1995, p. 88 pour les inscriptions assyriennes). Par rapport à la population intra-muros d’Umma à l’époque d’Ur III (cf. Adams 2008, § 9.3, estimée entre 15000 à 20000 habitants), ces chiffres paraissent considérables (cf. RIME 2, p. 43 n° 2 :10. Umma et Ki-an totalisent 8900 morts, 3540 prisonniers et 3600 « déportés » ). Pour les chiffres concernant Ur et Lagaš, cf. Westenholz 1999, p. 42. Cf. ici même l’article de B. Lafont. Le ratio d’un nu-banda3 pour 600 soldats est documenté par un passage de l’épopée de Lugalbanda, cf. Kutscher 1989, p. 44. Foster 1982 a, p. 23 et cf. ITT 2 2830 qui indique un effectif de 602 guruš affectés à la fabrication de briques. Pour des unités regroupant de 100 à 200 individus, se reporter à la documentation réunie par Foster 1993, p. 26 n. 11. D’après OSP 2 6, les 40 gur de céréales livrés aux soldats affectés à la surveillance du chantier de l’Ekur, correspondraient à un effectif d’environ 180 individus. Gelb, Steinkeller &Whiting 1991, C3 col. xxiii : 18, p. 138 : « 600 hommes ont mangé du pain à Kazallu : 600 hommes pour un jour (soit) 1200 en deux jours » (600 guruš in ga-za-luki ninda i3-ku2 600 guruš šu 1 u4 1200 guruš šu 2 u4). 20 guruš unugki 9 guruš lagaški 18 guruš isin, nu-banda3 NP1 / 9 guruš lagaški nu-banda3 NP2 /9 guruš lagaški 9 guruš ziga nu-banda3 NP3 / 9 guruš lagaški 9 guruš zi-ga, nu-banda3 NP4 / 9 guruš zi-ga nu-banda3 NP5 / šu-nigin 101 guruš lu2 zi-ga-me. Chez NarƗm-Sîn, le chiffre 9 correspond au nombre de batailles remportées en une année, évènement, qui a probablement inspiré son accession au rang de divinité, cf. RIME 2, p. 112 n° 9 : 7 et p. 113 n° 10 : 13 et Westenholz 1999, p. 54. Pour la fonction paradigmatique de 9 avec le sens de « final / définitif » cf. Westenholz 1997, p. 237. Dans la tradition plus récente 9 est mis en correspondance avec le signe NIR (le joug) cf. Pearce 1996, p. 468. Sommerfeld 2000, p. 424 a considéré qu’il s’agissait d’officiers akkadiens « tenus prêts » (šu-du8-a). Mais le verbe signifie toujours « captifs » cf. Wilcke 1987, p. 26 ii : 21-31 et Kienast & Sommerfeld 1994, p. 160. Les « 9 chefs » (10 la2 1 guruš ra-bi2-a-ni), faits prisonniers cf. RIME 2, p. 107 n° 6 iv : 19’ (cf. la correction de Westenholz 1996, p. 116a) pourraient correspondre au même groupe. Noter également 9 autres commandants cités dans Wilcke 1997, p. 23 J iv : 15-19 . Kutsher 1989, p. 43-44. OSP 1 47. À rang égal, les ratios d’encadrement peuvent varier considérablement. Par exemple, 1 nu-banda3 pour 198 individus dans ITT 1 1379. Les artisans de l’Ekur sont divisés en deux groupes : le nu-banda3 Lurda a sous sa responsabilité 348 hommes (89 guruš et 227 artisans encadrés par 32 ugula). Son collègue Ilsu-rabi n’ayant lui que 81 individus sous ses ordres. Le ratio ugula / artisans varie de 10 à 18 selon les spécialités, cf. OSP 2 11. Les textes de Tutub nous montrent un taux d’encadrement d’un ugula pour une moyenne d’une trentaine d’hommes, cf. Sommerfeld 1999, p. 151.

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3 L’ARMEMENT 3.1. L’armement défensif La documentation figurative ne fournit pas de représentation de boucliers. L’absence de tenue offrant une protection est remarquable comme sur la stèle de NarƗm-Sîn où les soldats apparaissent habillés d’un pagne frangé ou d’une jupe et torse nu pour certains 80. Cependant, en la supposant suffisamment épaisse, voire fabriquée en cuir, l’étole serrée à la taille que portent les soldats figurés sur la stèle de Nassyrié les a peut-être préservés des frappes de l’adversaire 81. Mais elle aurait sans doute été moins efficace, comparée à la cape bardée de pointes que revêtent les soldats représentés sur une incrustation en ivoire de Mari 82. Par contre, dans l’ensemble des scènes militaires figurées sur les monuments commémoratifs, tous les soldats akkadiens apparaissent équipés d’un casque avec pointe au sommet, disposant parfois d’oreillettes ou d’un couvre-nuque 83. Sur la stèle de Nassiriyé, les stries pourraient figurer le revêtement protecteur du casque 84. Pour ce qui est des textes, des informations précises proviennent de MDP 14 86, une liste d’armes remises à des nu3-banda2, dont des casques en bronze pesant 830 gr (1 mine 2/3) et d’autres en cuir de bœuf et de chevreau. De la laine, probablement utilisée pour le rembourrage, est aussi mentionnée, à raison de 166 gr (1/3 de mine) par casque 85, de même que trois « casques-aigle » (ti8mušen), vraisemblablement des pièces d’apparat « leur argent » étant estimé à 83,3 gr (10 sicles) chaque 86. Dans l’inventaire RTC 229 (ii’ : 3-4), quelques dizaines de casques de ce type sont cités dont certains sont qualifiés de « qualité supérieure » (sig5 : « bon » ). Le « casque-aigle » est bien attesté dans les archives d’Ebla en version d’apparat et dans un modèle ordinaire fabriqué à grande échelle (+ de 500 unités), preuve qu’il constituait un équipement standard 87. V. Scheil a envisagé plusieurs hypothèses pour expliquer l’origine de cette appellation : la présence d’appendices en forme d’ailes voire l’utilisation de plumes entrant dans la fabrication ou servant d’élements de décoration 88. Des casques en cuivre et d’autres en roseaux tressés sont aussi documentés (ITT 1, 1125). L’inventaire du mobilier voyageant avec NarƗm-Sîn, lors de son déplacement à Girsu (RTC 222 ii : 3), fait référence à des modèles de luxe (3 casques sertis en or) 89. 3.2. Arcs, flèches et carquois Par sa double courbure, l’arc tenu par NarƗm-Sîn sur la stèle, peut être identifié à un arc composite 90. Sur le même monument, l’archer envoyé en reconnaisance, dispose d’un arc qui présente un profil identique. Sur le sceau de Kalki, le garde escortant Ubil-Ištar, le frère de Sargon, est également équipé de ce type d’arc 91. Deux archers sont représentés sur la stèle de la Victoire de Tello (Fig. 2). L’un tient l’arme de la même façon que NarƗm-Sîn sur la stèle : le ventre de l’arc (côté corde) étant logé à l’intérieur du coude de sorte qu’en dépliant le bras, l’archer est immédiatement en position de tir. D’après le profil de l’arme, il s’agirait également d’un arc composite. Avec le second archer, on voit l’arme entrée en action, la flèche étant sur le point d’être décochée comme le montre l’extrême tension des branches. Chacun d’eux est équipé d’un carquois auquel pend une cordelette avec au bout une sorte de mèche 92. L’ensemble arc – flèches – carquois constitue la contribution mašdaria consignée dans un texte d’Adab, A. 2736, récemment édité par M. Civil 93. Au total 23 arcs (gišba-na), 6 + x carquois (e2-mar-uru5) et 80 81

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. . 89 . 90 . 91 . 92 . 93 . 88

Cf. Fig. 1.Sur l’uniforme, cf. Nigro 1998, p. 96. Börker-Klähn 1982, n° 22b. Amiet 1976, p. 10. Dans MDP 14 86, des bandes d’étoffes sont distribuées à des soldats (tug2nig2-la2 nig2-SU). Elles sont fabriquées avec 10 mines de laine (environ 5 kg) chacune. On sait par ailleurs que le tug2 nig2-la2 pouvait être porté sur le buste, la tête ou la taille cf. Waetzoldt 1980, p. 25. Parrot 1971, pl. 14, 4. Börker-Klähn 1982, n° 21b ; n° 21c ; n° 26. Börker-Klähn 1982, n° 22. MDP 14 86 ii :10. Etude détaillée du document par Scheil 1913, p. 39 ; reédition partielle du texte par Wilcke 1972. Obv. col. 2 :13sq. : « 3 casques à plumes d’aigle, leur argent ½ mine, 10 sicles chaque » (3 sag-šu [a2]-mušen, ku3babbar-su-nu [1/2 ma-na] in 10 gin2-ta). Waetzoldt 1990, p. 29. Sur ce point, cf. Waetzoldt 1990, p. 29 et Scheil 1913, p. 32. Foster 1980, p. 34. Pour l’arc et les flèches, cf. la contribution de D. Collon dans cet ouvrage et Postgate 2004. Nigro 1998, p. 94. Börker-Klähn 1982, n° 21b et n° 21c. Civil 2003.

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403 « (pointes de) flèches » (giš-kak) sont délivrés par plusieurs individus dont l’ensi2 d’Adab, deux généraux, un « homme de char » et des responsables-šabra 94. L’une de ces livraisons concerne 60 kak-ba-na, expression qui désignerait, selon M. Civil l’ensemble du projectile et non plus uniquement la pointe 95. MDP 14 86 montre que les flèches (gišti) et les arcs sont placés dans des contenants-danagar qui reçoivent jusqu’à une quarantaine de pièces chacun. Ce texte indique également la quantité d’« un sicle d’argent » par arc, indication que l’on peut comprendre comme se rapportant au prix de l’arme ou bien au métal utilisé comme élément de décoration 96. Les 22 carquois enregistrés dans MDP 14 86 sont fabriqués chacun avec ½ peau de bœuf et 10 sicles de laine 97. Des arcs d’apparat sont mentionnés dans l’inventaire RTC 222 (col. ii :4 sq). Réalisés en or (quantité non conservée), ils sont qualifiés de « grand » ou de « petit » . On peut considérer qu’il s’agissait de modèles réduits ou bien peut-être de vraies armes avec des parties décorées en métal précieux. La mention dans cet inventaire de 120 flèches de couleur (kak-dar-a) est probablement une allusion à l’empennage 98. Certains arcs ont pu disposer d’un revêtement si l’on en croit la mention dans ce même texte, d’arcs « recouverts » (si-ga) en cuir clair (obv. col. ii : 7 : [ x gi]š ban kuš-babbar2) ou sombre (rev. col. i : 8 : 4 gišban kuš gi6), il s’agirait alors d’un type d’arc renforcé 99. 3.3. Lances et javelots La scène figurée sur le registre inférieur de la stèle de la Victoire de Tello, montre un soldat dirigeant vers le bas, une lance partiellement conservée, pointée vers le sol, probablement contre un adversaire que l’on peut restituer dans la cassure. Sur la seconde partie de la stèle, dans le registre du milieu, un soldat pousse devant lui un prisonnier tenant une lance verticalement. On remarquera au bas de la hampe, une protubérance qui pourrait en avoir facilité la prise 100. Des lances en cuivre figurent parmi les armes enregistrées dans MDP 14 85 et 86. Qualifiées dans le n° 85, de « petites » et étant donné leur poids, 125 gr (15 sicles), il s’agirait plutôt de grosses javelines 101. ITT 2 4386, une petite tablette – peut-être une étiquette – porte la mention « lame de lance, son poids » (eme gišgid2-da, ki-la2-bi) mais sans indication de la valeur pondérale. Concernant le moyen utilisé pour fixer la lame au fût, du bitume semble avoir été utilisé comme moyen d’assemblage 102. De plus, un reçu d’Umma concerne la livraison de courroies en cuir (kušdam2-ga), en donnant une indication sur leur emploi ( « à/pour placer (sur ?) la pointe de

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.

Le terme /ti/ désigne habituellement une flèche. Dans le titre « gir3-nita2 lu2-giš-ti » , il pourrait s’agir par métonymie de l’arc cf. Westhenholz 1999, p. 68. Noter que dans la documentation d’Ebla, gišti désigne parfois la pointe de la flèche cf. Waetzoldt 1990, p. 6. Il est aussi question de plusieurs milliers de gi-bar-bar dans un texte d’Adab (cf. PSD B p. 116, qui traduit par « projectile » et cf. Zhi 1989, p. 385 A. 1104). 95 . Civil 2003, p. 52. m. à m. « pointe d’arc » . urudukak ne désigne pas toujours la pointe d’une flèche, cf. ITT 5 6789, où cet élément pèse 500 gr. Noter qu’à l’époque babylonienne ancienne, les erin2 giškak-pan sont vraisemblablement des archers cf. AbB 4 n° 22, 7 et CAD Š/II p. 449. 96 . Rev. col. 3 : 10’ : « 38 arcs, leur argent est de 38 sicles, 1 sicle chaque » ([4]0 la2 2 gišban ku3-babbar-su-nu 2/3 ša la2 2 gin2 in 1 gin2-ta). 97 . Rev. col. 1 : 9’ : « 22 car[quois], [11] peaux de bœufs, ½ peau chaque, leur laine 220 sicles, 10 sicles chaque » (22 e2 [mar-uru5] , kuš gu4-su-nu [11], in ½-ta sig2-su-nu 3 [2/3 ma-na], in 10 [gin2-ta]). 98 . Noter parmi les ustensiles du « prince » col. iv : 10, la mention de 14 pointes en cuivre dont la « tête » est plaquée avec du bronze (14 urudu kak sag-ba zabar gar-ra) et à la ligne suivante, il est question de « pointes brillantes » (urudukak kun2na). 99 . Rev. col.i :10 « + 3 arcs dont le lien est recouvert de cuir foncé » ([ x ] 3 gišban dur-ba kuš gi6 si-ga). Même description dans ITT 5 6748. L’arc est livré par Ur-dgiš-gigir, le « fabriquant d’arc » (gišban-dim2). Pour ce sens du verbe si-ga, cf. Ferwerda 1985, p. 18 n. 2. RTC 222 ii : 8 mentionne également des carquois. 100 . Börker-Klähn 1982, n° 21b ; n° 21c ; n° 26a. C’est aussi le cas des hampes sur lesquelles sont fixées les enseignes représentées sur la stèle de NarƗm-Sîn. 101 . Dans les textes de Mari, les lances (giššukur) les plus légères pèsent 250 gr. 125 gr. correspond au modèle le plus lourd de la javeline-zamrƗtum, identifiée comme telle, car ses valeurs pondérales la situent entre la lance et la flèche cf. par exemple ARM 22 204 ii : 3 sq. 102 . Cf. BIN 9 415 (cité par Civil 2003, p. 52) : « 6 hampes de lances, leur bitume – 8 litres – a été placé sur les flèches (ou leur pointe) » (6 gi giš-gid2-da, esir2-é-a-bi 8 sila3 giškak-pana ba-an-gar). On aurait démonté les lames de lances et réutilisé le bitume ainsi que les hampes, afin d’en fabriquer des flèches. Notez qu’il est question ici de lances avec hampe en roseau.

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la lance » )103. On peut penser à des lanières ayant servi d’attaches ou bien aux banderoles qui ornent les hampes des porte-enseignes sur la stèle de NarƗm-Sîn. 3.4. Haches, masses d’armes et poignards Différents modèles de haches sont représentés sur les monuments d’Akkad 104: hache marteau 105; hache à collet avec lame à bords parallèles (avec ou sans talon) 106 ; hache en epsilon 107 ; hache à lame rectangulaire avec manche incurvé 108. Sur la stèle Sb1 du Louvre, les dignitaires formant le cortège de Sargon ௅ qui tient à la main une masse d’arme ௅ portent chacun à l’épaule un modèle composite 109. Cette hache se présente en effet comme une massue dans sa partie supérieure. Elle est dotée d’un manche très incurvé dans lequel vient se loger une lame arrondie 110. Sur la stèle Sb2 du Louvre, Sargon est représenté alors qu’il frappe avec une masse d’arme un captif dont la tête émerge d’un filet dans lequel sont retenus des prisonniers assis 111. La scène pourrait d’ailleurs illustrer le récit de l’exécution des ensi2 de Sumer : « (Sargon) frappa 50 gouverneurs avec la masse d’arme d’Ilaba de même que la ville d’Uruk » 112. Confiée au roi par la divinité, la masse d’arme est dotée d’un pouvoir surnaturel qui lui garantit la victoire : « NarƗm-Sîn, le puissant par la masse d’arme d’Ilaba son seigneur, les a effectivement capturés et les voua en offrande, en vérité !» 113. C’est probablement, son statut d’armé « prêtée » par la divinité qui explique le fait que la masse d’arme ait constitué un ex-voto courant, offert pour remercier la divinité d’avoir accordé la victoire, acte qui pourrait donc être interprété comme une restitution symbolique de l’objet à son propriétaire après utilisation 114. Le seul témoignage visuel de soldats équipés avec un poignard se trouve sur la stèle de Nassiriyé dans une scène de parade : les soldats lèvent devant eux dans un geste de présentation, une ceinture munie d’un poignard placé dans un fourreau 115. Dans l’inscription de l’obélisque de Maništušu, des couteaux (naplaqtu et patarru) et des haches hazzinum sont remis, comme paiement additionnel aux vendeurs des terres et en tant que rémunération destinée aux opérateurs de la vente (scribe, arpenteur, responsable du cadastre) 116 : « 6 hacheshazzinum en bronze, 3 maššatum en bronze, prix d’une arme 5 sicles d’argent » ou « [ x haches-hazzinum en bronze, x couteau-naplaqtum en bronze], 1 couteau-patarrum en bronze : prix d’une arme 5 sicles d’argent » 117. Ces armes sont sans doute de bonne qualité puisque leur valeur correspond à ¼ du prix d’un esclave mâle 118. Il est intéressant de constater, d’après cette information, que les soldats ne disposaient pas d’un « monopole » des armes. Celles-ci ont pu être assez répandues dans la société du moins au sein de certaines catégories de la 103

. Foster 1982 a, p. 38, USP 15 : « 10 courroies, le scribe Giša a reçu en vue de placer la lame de la lance » (10 kušdam2ga giš-ša3 dub-sar-e IGI giš-gid2-da-/ka si-si-de3 šu ba-ti) et cf. Steinkeller & Postgate 1992, p. 75. Pour igi (l’ « œil » ) comme désignant la pointe d’une javeline cf. Selz 1989, p. 526 à propos de Nik 298 où la lame pèse 130 gr. 104 Cf. le petit répertoire des formes de lames, constitué par De Morgan 1900, p. 150. 105 . Börker-Klähn 1982 n° 18i et Deshayes 1960, pl. 36 n° 5. 106 . Börker-Klähn 1982, n° 21b et Deshayes 1960, pl. 25 n° 1. 107 . Börker-Klähn 1982 n° 20 et cf. Salonen 1965, pl. 4 n° 2. 108 . Börker-Klähn 1982 n° 26f et n°22a. La lame est fixée par des rivets enserrant la lame qui s’enroule autour du manche, cf. Deshayes 1960, pl. 33 n° 14. 109 . Börker-Klähn 1982, n° 18. On pourrait penser à une représentation de la garde royale, mais le kaunakès et la cape froncée suggèrent plutôt des personnalités de haut-rang : les généraux de Sargon ? 110 . Börker-Klähn 1982 n° 18d ainsi que Nigro 1998, p. 96 et n. 33 qui note : « The superior extension of the handle over the blade might indicate the ceremonial function of this weapon » . 111 . Börker-Klähn 1982 n° 19b. 112 . RIME 2, p. 13 n° 2 :15 : 50 ensi2 in šita2 il3-a-ba4 u3 uruki sag-giš-ra. Noter que l’expression sag-giš-ra (akk. nêrum) « frapper/ battre » au propre « frapper la tête avec du bois » illustre parfaitement la scène. 113 . Wilcke 1997, p. 24 J viii :8-12 : na-ra-am-den-zu da-num2 in šita il3-a-ba4 be-li2-su lu ik-mi-su-nu-ma lu u2-sa-ri2-busu-nu in ki-nim. Voir dans cet ouvrage, la contribution de M. G. Masetti-Rouault. 114 . En particulier RIME 2, p. 145 n° 32 et cf. également n° 35 à n° 39 et p. 166 n° 2005 et n 2006. 115 . Börker-Klähn 1982 n° 22a. 116 . Dans la vente C3 p. 135, les bénéficiaires reçoivent chacun une hache hazi et un vêtement tug2-šu-se3-ga. Le naplaqtu est associé par le CAD N/1 p. 305 à un « couteau de boucherie » cf. naplaqu et palƗqu A. Pour l’identification du patarru à un type de couteau cf. CAD P, p. 275 avec bibliographie. Noter que RTC 230 mentionne le rivet de fixation de la lame (1 urudukak eme-gir2). Les poids des haches hazzinum sont bien documentés et se situent en général autour de la mine cf. les références données par Salonen 1965, p. 15. Noter le poids de 1,75 kg (3 mines ½) dans OSP 2 44. 117 . Gelb, Steinkeller & Whiting 1991, p. 129 et p. 132 : 6 uruduha-zi zabar, 4 uruduna-ap-la-aq-tum zabar, 3 urudumas-sa-tum zabar nig2-šam2 1 gištukul 5 gin2 ku3-babbar (Côté C col. viii : 11 sq.) ; [x uruduha-zi zabar, x uruduna-ap-la-aq-tum zabar], 1 uruduba-da-ru-um zabar, nig2-šam2 1 gištukul 5 gin2 ku3-babbar (côté C col. i : 16 sq). 118 . Cf. Gelb, Steinkeller & Whiting 1991, p. 290.

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population (grands propriétaires terriens, détenteurs d’un savoir technique et « fonctionnaires » ) probablement en tant que marqueur de statut social. L’identification de l’arme maššatum mentionnée ci-dessus est incertaine. Sa position dans des séquences d’armes permet, cependant, d’envisager deux hypothèses. Dans la partie de l’inventaire RTC 222 (col. 4 : 7-8) répertoriant les ustensiles appartenant au prince (dumu-lugal), elle est citée juste avant les grands couteaux (gir3-gal) : 90 pièces plaquées or et argent y sont enregistrées. RTC 230, également un inventaire, mentionne côte à côte le grand couteau et le maššatum. On notera, d’ailleurs, que dans la séquence des armes offertes en guise de gratification dans l’obélisque de Maništušu, le maššatum alterne avec les poignards patarrum et naplaqtum. Ces quelques indices suggèrent donc un rapprochement avec un poignard. Cependant dans l’hymne D de Šulgi (l.189), cette arme est associée à l’arc et au grand bouclier de siège (kuš e-ib2-ur3). La séquence /arc – bouclier – maššatum/ pourrait être mise en relation avec l’équipement dont dispose l’« unité de siège » , composée d’un archer opérant sous la protection du grand bouclier maintenu par son coéquipier, luimême armé d’une lance 119. L’identification du maššatum à une lance semble une hypothèse également crédible, du fait que le nom de cette arme peut être rapproché du meššitum qui, dans les vocabulaires akkadiens, est cité avec d’autres types de lances 120. 3.5. Panoplies et entretien Les représentations de soldats sur les monuments commémoratifs montrent différentes associations d’armes. Sur la stèle de Nassiriyé, l’équipement du soldat comprend un poignard, une hache à rivet et un casque 121. Sur celle de NarƗm-Sîn, les soldats disposent tous d’un casque et d’une hache, la seconde arme étant soit une lance soit un arc 122. L’arc équipe l’éclaireur. La nature de sa mission, qui en principe n’exige pas d’être au contact avec l’ennemi, requiert une capacité à se mouvoir facilement et explique le recours à cette arme dans le cadre d’opérations de reconnaissance. Pour l’archer escortant le personnage royal sur le sceau de Kalki, ce serait plutôt le caractère prestigieux de l’arc composite qui aurait dans ce cas prévalu 123. Le sceau de Kalki montre aussi marchant à la suite du scribe, un soldat probablement un officier qui lui dispose d’une hache et d’une fronde. Il s’agit de l’unique représentation de cette arme qui ne semble pas non plus apparaître dans la documentation écrite mais qui pourtant est bien attestée archéologiquement grâce aux balles de frondes mises au jour dans les niveaux de l’époque akkadienne de différents sites 124. Les sources textuelles nous donnent quelques renseignements sur la contenance des carquois. La proportion de 2 carquois pour 120 flèches dans RTC 222 permet d’en estimer la contenance à 60 flèches. On notera que dans les apports en arcs et flèches enregistrés par A. 2736, le rapport d’un arc pour 30 flèches apparaît de manière récurrente 125. D’après la liste de distribution MDP 14 85, chaque soldat reçoit un casque et un nombre variable de lances (gid2-da) allant de 2 à 5, ce qui suggère que l’on a plutôt affaire à une arme utilisée en projection comme dans le n° 86. Signalons également l’association hache-poignard et hache-meššitum qui est documentée en paiement dans l’obélisque de Maništušu. On notera pour conclure, la sortie, dans un texte d’Adab qui enregistre des dépenses de saindoux, d’½ litre associé à l’ « arme (gištukul) de lugal-uzgane » . Comme l’usage alimentaire est ici exclu, Y. Zhi a considéré que le saindoux a pu servir à l’entretien de l’arme, probablement pour la graisser, emploi qui ne semble pas être documenté par ailleurs 126. 3.6. Le char Contrairement à la période présargonique, les données sur l’utilisation militaire du char sont absentes de la documentation visuelle et ne sont pas non plus explicites pour ce qui est des textes 127. Sur les caractéristiques

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. . 121 . 122 . 123 . 124 . 125 .

Abrahami 2005, p. 13. Durand 1983, p. 366 et Civil 1987, p. 187. Le maššatum est d’ailleurs cité à côté de la lance dans Šulgi B, 34. Börker-Klähn 1982 n° 22a. Börker-Klähn 1982 n° 26. Nigro 1998, p. 94. Cf. Westenholz 1999, p. 66 et un peu antérieurement à Tell Bazi, cf. Otto 2006, p. 12. Le carquois de l’archer contient au moins deux flèches dans la stèle de NarƗm-Sîn et trois sur la stèle de Tello, cf. Nigro 1992, p. 98 n. 67. Celui sur le sceau de Kalki ne semble en avoir que deux. 126 . A. 697 Zhi 1989, p. 210. Noter également dans BIN 8 320, la mention d’huile pour « traiter les chars » cf. Foster 1982 c, p. 21. Pour l’usage artisanal du saindoux cf. Lion & Michel 2006, p. 95. 127 . Bauer 1998, p. 525. 120

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typologiques, on peut mentionner le « char à deux roues » , cité dans une lettre d’Adab 128 – indice probable de l’existence de modèles à 4 roues – et le modèle « subaréen » figurant dans une liste de mobilier (A.700) 129. Deux chars dont l’un est de type « subaréen » (1 gišgigir2 šubur e2-ba, 1 gišgigir2 du3-sila3 e2-ba), font partie de l’inventaire des biens destinés à être partagés entre les héritiers de Lugal-inime-gištuku, un habitant de Nippur, ancêtre d’Enlilemaba 130. Le fait que « la caisse » (e2-ba) soit mentionnée de manière indépendante, suggère qu’il s’agissait probablement d’un modèle démontable. Dans les textes de Tutub, des šnjt gišgigir, « ceux du char » , apparaissent dans des listes nominatives mal conservées. Le contexte d’un déplacement (royal ?) est suggéré par la présence dans ces rôles, de messagers, d’échansons, de « (gens) de la chaise » et de cuisiniers 131. On peut considérer qu’il s’agit là d’un témoignage indirect de l’accompagnement de convois par des chars, probablement utilisés pour le transport des personnes ou de biens voire même dans le cadre de missions d’escorte 132. Le fait que les officiers supérieurs aient pu disposer d’un char, est suggéré par un reçu attestant de la remise d’une roue à un šagina 133. Dans la liste des personnes mentionnées par A. 2736 comme fournissant des arcs et des flèches, la position de l’ « homme du char », juste après un général, constitue peut-être un indice du fait qu’il était au service de cet officier, assurant l’entretien et la conduite du véhicule. 4. L’ARMÉE EN OPÉRATION 4.1. L’ordre de marche La stèle de NarƗm-Sîn montre le déplacement d’un corps expéditionnaire akkadien dans un environnement boisé et montagneux qui constitue le théâtre opérationnel de la campagne contre les Lullubu 134. Le roi, présenté comme le véritable artisan de la victoire, domine la scène par sa taille et sa position sur le registre supérieur. Les troupes qui gravissent la montagne sont organisées en colonne et représentées sur au moins trois plans 135. La colonne figurée juste au dessous du roi, est composée de deux soldats armés de haches à collet, qui portent des emblèmes fichés sur de longues hampes disposant de banderoles : cinq globes ainsi qu’un lion ailé cabré (l’Anzû ?). Le commandant qui marche en avant, dispose lui d’une hache à manche incurvé et d’une lance. Il se différencie du reste de la troupe également par son aspect extérieur. Il porte la barbe et un pagne alors que les soldats qui le suivent sont vêtus d’une longue jupe fendue. La deuxième colonne placée sur le plan intermédiaire, présente la même organisation : trois soldats dont le commandant barbu, vêtu du pagne et équipé cette fois d’une seule arme que l’on distingue mal (peut-être une épée ?) 136. Ses subordonnés sont armés d’une hache à collet. Étant donné la ressemblance entre les deux colonnes, il est probable que la hampe qu’ils tiennent de la main gauche, se terminait également par des banderoles et des emblèmes à l’instar des porteenseignes du niveau supérieur. Le positionnement de l’archer, détaché au devant la colonne, indique qu’il accomplit une mission de reconnaissance 137. La composition de la scène accentue la perception d’éloignement : l’artiste a représenté le cadavre d’un ennemi dégringolant, figure qui sépare l’éclaireur du reste de la troupe. Son isolement est encore renforcé à cause des arbres qui l’entourent, suggérant ainsi que l’avance prise sur le reste de la colonne lui a permis d’atteindre la zone boisée de la montagne. 128

. . 130 . 131 . 129

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A. 636 cf. Kienast & Volk 1995, p. 49. Zhi 1989, p. 310. OSP 2 45. Sommerfeld 1999, n° 8, n° 10, n° 11, n° 15. Dans le fragment n° 10, l’effectif total est de 280 personnes. En même temps que les « hommes du char » sont également mentionnés des individus rattachés à la « maison du char » (šnjt giš e2gigir2). On a probablement affaire à un lieu de stockage ou à un atelier de fabrication cf. également dans cet ouvrage, l’article de J.-P. Vita. Des lu2-gišgigir sont mentionnés dans le même type de contexte cf. OSP 1 33 : 42 hommes de char, 32 hommes de bateaux, 13 échansons, 10 soldats (42 lu2-gišgigir, 32 lu2 ma2-gur8, 13 mu sagi, 10 aga3-us2). Sallaberger 2000, p. 116 considère qu’il s’agit plutôt de listes de conscription indiquant l’affectation des personnels mentionnés. OSP 2 34. Noter la mention d’un âne royal (1 anše lugal) dans USP 26 18, cf. Foster 1982 a, pl. 13. Il pourrait s’agir de la monture du roi ou de l’animal servant à tracter le char à bord duquel le souverain circulait. Pour l’interprétation de ce texte cf. les remarques de Steinkeller 1987, p. 195. Edition de l’inscription dans RIME 2, p. 143 n° 31. Amiet 1976, p. 29. Pour l’étude et la reconstitution du nombre de niveaux initialement représentés, cf. Nigro 1992, p. 78 et Winter 2002. Börker-Klähn 1982 n° 26i. De Morgan 1900, p. 148 et Winter 1999, p. 66.

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L’ordre de marche d’une armée se déplaçant en terrain hostile apparaît donc représentée sur ce monument de façon réaliste : disposition en colonnes des troupes qui circulent sur des itinéraires différents et sont précédées par des éclaireurs. Le commandant marche en avant suivi de porte-enseigne. Un passage de « l’Insurrection générale » témoigne indirectement de la présence de tels emblèmes avec l’armée en campagnes peut-être même au milieu de la bataille ou en tout cas installés suffisamment à proximité de la zone des combats pour que l’adversaire ait pu parvenir à s’en emparer : « (…) leurs enseignes, NarƗm-Sîn le puissant les fit passer par les portes de son dieu. Par Inanna-Annunitum et Enlil je jure qu’il ne s’agit pas de mensonges, c’est certainement vrai ! 138. Rien n’indique précisément la fonction de ces bannières. Symbolisant peut-être une divinité dont la présence aux côtés de l’armée était assurée par leur truchement, on peut aussi leur prêter un usage tactique comme signe de ralliement du bataillon lors des manœuvres 139. On notera également la présence d’un « porte-enseigne » (lu2 šu-nir) cité avec des hommes en service (lu2 gub-ba-me) dans DCS 83, un décompte établi suite à l’inspection de la troupe (gurum2 erin2). 4.2. Le combat : batailles rangées, embuscades et sièges Les IR nous livrent quelques brèves descriptions de combats que l’on peut assimiler à des batailles rangées dans la mesure où le récit semble bien décrire l’action de deux armées qui se livrent combat dans un choc frontal 140 : « A Nagurzam, ils se sont tous deux placés pour le combat pour la deuxième fois et il (Sargon) a été victorieux. Puis une troisième fois à Ur, ils se sont tous deux attaqués l’un l’autre et il (Sargon) a remporté la victoire » 141. « Zaraha et l’Elam au milieu de Barahšum pour le combat se sont réunis mais il (RƯmuš) les a vaincus » 142. « Année où Naram-Sîn a vaincu Simurrum à Kirašeniwe » 143. « Année où ŠarkališarrƯ s’est placé pour le combat contre l’Elam et Zaraha en face d’Akšak et de … et (les) a vaincus » 144. Le « champ de Sîn » est cité à deux reprises dans l’ «Insurrection générale » pour désigner le lieu où s’est déroulée la bataille qui opposa l’armée d’Akkad à Ipপur-Kiš et ses alliés : Dans le champs de Sîn, ils se sont placés pour le combat et ont lutté l’un contre l’autre » 145. La disposition des troupes en ordre de bataille y est explicitement évoquée : « Entre Tiwa et Urum, dans le Champ de Sin, il se mit en ligne et attendit le combat » 146. On peut estimer que la spécialisation des unités du point de vue de l’armement ௅ démontrée par les titres de « général des flèches » (gir3-nita2 lu2 gišti) et de « général des lanciers » (gir3-nita lu2 gišgid2-da) ௅ devait certainement avoir une transposition tactique sur le terrain à travers un plan de bataille qui réglait l’agencement des ces formations spécialisées 147. Une lettre provenant de Girsu, décrit les dispositions tactiques prises pour faire face à une attaque des Gutis : « Ainsi (parle) Iškun-Dagan à Lugalra : Cultive les champs et protège le bétail. Ne dis pas en plus : “Ce 138

. Wilcke 1997, p. 24, J vii : 21-27 : šu-nir-ni-Ğu-nu na-ra-am-den-zu da-num2 in ka2-ka2 i3-li2-Ğu u-Ğa-bi-ir dIn[anna annu-ni-tam] u3 [den-lil2 u2-ma] [la Ğu-ra-tum] lu ki-ni-iĞ-ma. Sur la présence des étendards divins avec l’armée en campagne voir notamment les remarques de Pongratz-Leisten, Deller & Bleibtreu 1992, en particulier p. 292. 139 . Nigro 1998, p. 291et Suter 2000, p. 188. Les cinq globes ont été rapprochés par Amiet 1976, p. 31, de l’un des emblèmes figurant sur un fragment de la stèle de Gudéa cf. Suter 2000, p. 388 ST60. 140 . Pour kasšudul (= REC 169) correspondant à l’akkadien tƗhazu (Kienast & Sommerfeld 1994, p. 305), cf. la discussion de Sommerfeld 1999, p. 125-127 ainsi que Sallaberger 2000, p. 118a, qui explique le recours à l’idéogramme šudul « joug » avec le sens de combat, du fait de l’homophonie entre nƯrum (joug) et nêrum « frapper/ tuer » . Pour la paléographie du signe cf. Krebernik 1991, p. 135. kasšudul est souvent utilisé comme complément d’objet des verbes šakƗnu (placer) et ša’Ɨru (vaincre). Pour les occurrences de ša’Ɨru à Mari et dans la version babylonienne ancienne de l’« Insurrection générale » cf. Durand 1998, p. 171 n. c. 141 . RIME 2, p. 17 n° 3, 22 : in na-gur8-za-amki kasšudul iš-ni-a-ma, iĞ-ku8-na-ma iš11-ar u3 in uri2ki uĞ2-x-ta2-li2-Ğa-ma, im4 ta2-ah-‫܈‬a-ma iš11-ar. Pour le duel au début de la phrase, cf. Westenholz 1996, p. 121a. 142 . RIME 2, p. 52 n° 6 : za-ra-haki u3 nimki in qabx(DA)-li2 pa2-ra-ah-Ğumki a-na kasšudul ip-hu-ru-ni-im-ma iš11-ar. 143 . RIME 2, p. 87 : in 1 mu dna-ra-am-den-zu REC 448bis Ği-mu-ur4-ri-[imki] in ki-ra-še3-ni-we iš11-a-ru. Pour la correction še3 dans Kirašeniwe cf. Westenholz 1996, p. 119. 144 . RIME 2, p. 183 : in 1 mu Ğar-ka3-li2-lugal-ri2 kasšudul nimki u3 za-ha-raki in pu-ti ud-uh2ki u3 sag-li iĞ-ku-[nu] iš11-a-[ru]. 145 . RIME 2, p. 105 n° 6 ii : 9’ : in sig7-ri2 den-zu kasšudun iĞ2-ku8-na-ma i-ta2-ah-za-ma. 146 . RIME 2, p. 104 n°6, 3’’ : in ba-ri2-ti a-haki u3 ur2xu2ki in sig7-ri2 dSîn iĞ2-du2-ud-ma kasšudul u-qa2-e. Concernant le « Champ de Sîn » et sa situation géographique cf. Kutsher 1986, p. 41. Pour šadƗdum (ĞadƗdum) plutôt que « camper » , cf. Kutscher 1986, le sens de « se mettre en ligne » est préférable cf. CAD Š/1, p. 28a. 147 . Cf. l’obélisque de Maništušu, col. xii : 5-6 et col. xiii : 13-14, p. 123-124. Foster 1985, p. 23, a considéré que chacun des registres de la stèle de Tello était associé à un type d’unités : archers, porteurs de hache et lanciers.

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sont les Gutis, je n’ai pas mis en culture les champs”. Installe des commandos (maqqƗti) tous les 5 km et quant à toi, mets en culture les champs. Lorsqu’ils remarqueront les troupes (ennemis), qu’ils portent pour toi l’attaque et (toi) fais rentrer un à un le bétail dans la ville... » 148. Le terme maqqƗtu a été compris contextuellement comme désignant des « postes / gardes » . L’action dont sont chargés les « gardes » est décrite par l’expression tibûtam našûm qui peut s’interpréter soit par « mobiliser » soit par « attaquer » 149. En optant pour le premier sens, on considèrera que le plan décidé par Iškun-Dagan était défensif, au moins dans un premier temps : les gardes étaient chargés de donner l’alerte en cas d’attaque, ce qui devait permettre d’organiser la mobilisation ainsi que le repli à l’abri des remparts des gens occupés à travailler dans les champs 150. Le second sens, plus en accord avec l’étymologie du terme, suppose par contre scénario offensif : la mise en place de troupes prêtes à se battre et préalablement installées en embuscade. En effet, l’un des sens dérivés du verbe maqƗtu « survenir / arriver / faire irruption » donne dans les contextes militaires « attaquer / charger » . La forme parrƗs suggère que l’on a affaire à des unités spécialisées dans des attaques éclairs d’où le sens proposé de « commandos » 151. La distance d’environ 5 km représenterait le périmètre de la zone mise sous surveillance dans lequel auraient été postés ces commandos, aux endroits où le passage des troupes Gutis était attendu, afin de les prendre en embuscade. Étant donné les fréquentes références à la prise de villes dans les IR, on peut considérer qu’il s’agissait d’un objectif de première importance permettant d’obtenir la défaite totale de l’adversaire. Singulièrement, cependant, les éléments d’informations disponibles concernant la poliorcétique sont rares dans les IR, les relations concernant cette forme de combat, se limitant le plus souvent à une phrase type : « Il frappa la ville de… et détruisit son rempart » 152. Du fait du style condensé de la formule, on ne peut savoir si le démantèlement des remparts, représente un moyen d’action militaire ௅ ce qui suppose l’utilisation de procédés tels que la construction de rampes, des travaux de sape 153, la mise en action de béliers ௅ ou bien une mesure politique réalisée une fois la ville conquise et destinée à empêcher toute tentative de rébellion. Il semble que, dans certains cas, ce soit la bataille rangée qui ait décidé du sort de la ville. Le récit de la prise de Kiš dans l’« Insurrection générale » illustre assez bien ce processus tactique 154 : la ville tombe non pas suite à un siège ou à un assaut mais consécutivement à un combat ayant opposé attaquants et défenseurs à l’extérieur des remparts : « Il (NarƗm-Sîn) le poursuivit (Iphur-Kiš) jusqu’à Kiš et à proximité de Kiš à la porte de Ninkarrak, ils ont tous deux mené combat pour la deuxième fois et lutté l’un avec l’autre. Par le jugement d’Annunitum et d’An, NarƗm-Sîn, le fort vainquit par le combat à Kiš, le Kišite (…) il frappa la ville de Kiš et abattit son mur, il fit sortir le fleuve à l’intérieur (de la ville) et y précipita 2525 hommes » 155. 148

. Kienast & Volk 1995, p. 270 et p. 91 : en-ma iĞ-ku-un-dda-gan a-na lugal-ra gana2-lam ’a3-ru-uš u3 maš2-anše u3-‫܈‬u2-ur a-pu-na-ma gu-ti-um-ma-mi3 gana2-lam u3-la a-ru-uš a taq2-bi2 a-na ½ da-na-ta ma-aq-qa2-ti Ğu-ši2-ib-ma at-ta2 gana2lam ’a-ru-uš ki guruš guruš u-wa-ka3-mu ti-bu-tam2 li-Ğe-u3-ni-ku-um-ma maš-anše a-na uruki-lim [Ğu]-ta2-ri2-ib. La lettre date probablement du règne de Šar-kali-šarrƯ. 149 . Le CAD N/2 p. 109, traduit par « attaquer » ( « s’ils t’attaquent » ). Le CAD T p. 391, signale un contexte difficile à traduire. L’expression figure cependant dans le paragraphe a) où sont regroupées les attestations de tibûtum avec le sens de « levée / mobilisation » . Noter que tibûtum est couramment associé avec les verbes tebû et bašû et une seule fois seulement avec našû dans la présente lettre. Noter également le sens de « se lever / attaquer » pour našû dans l’inscription de Basetki cf. RIME 2, p. 113 n° 10 : 18. 150 . Pour maqqati cf. Kienast & Volk 1995, p. 91. Le reflux à l’intérieur des remparts en cas de danger est bien attesté par les textes de Mari, cf. Abrahami 1999, p. 133 et dernièrement Charpin & Durand 2003. 151 . Noter également le sens de maqƗtu : « se jeter sur » dans le CAD M/1 p. 242 b (1.c). 152 . Kienast & Sommerfeld 1994, p. 257 : sag-giš-ra / nêrum. 153 . Foster 1982 g, p. 34, a considéré que l’expression KI-Ğu e-ni pourrait décrire ce procédé. Kienast & Sommerfeld 1994, p. 162 traduisent plutôt par « remodeler » / « refondre » , conformément aux attestations de ce verbe avec ašru en complément d’objet (cf. CAD E p. 174 : « déplacer un site / bâtiment de son endroit d’origine » dans une connotation négative à propos des temples notamment). L’expression a-ša-ri2-šu i-ni (ki-be2 bi-gi4 dans la version sumérienne) apparaît à propos de Kiš dans une inscription de Sargon, cf. RIME 2, p. 12 n° 1 : 91, qui traduit « Sargon (…) altered the two sites of Kiš » et cf. également le commentaire de Gelb & Kienast 1990, p. 162. 154 . Ce scénario tactique est illustré à l’époque amorrite par les noms d’années du roi Yahdun-Lim qui rendent compte de victoires remportées « à la porte de la ville de NG » cf. Abrahami 1999, p. 134a. 155 . RIME 2, p. 106 n° 6 : 14’ : u3 a-di3-ma kiški ir3-da-Ğu4-ma u3 al le-ti kiški ka2 dnin-kar2 kasšudul iš11-ni-a-ma, iĞ-ku8-nama [i-ta2]-ah-za-ma in di-[ku5] an-nu-ni-tum u3 an-nim na-ra-am-den-zu da-num2 in kasšudul in kiški kiški-ši-am iš11-ar (…) uruki-lam kiški sag-giš-ra u3 bad3-Ğu i3-gul-gul i7 in qer-bi2-Ğu u-Ğu-‫܈‬i2 u3 qe3-re-eb uruki-lim 2525 guruš-guruš u-Ğaam-qi3-it. La ville semble ici en partie détruite par une inondation, provoquée par le détournement du cours d’eau. Pour l’utilisation de ce procédé comme moyen d’attaque ou de défense cf. Abrahami 1999, p. 132b.

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L’inscription de NarƗm-Sîn qui relate la destruction d’Ebla et d’Armanum, nous livre des informations tout à fait intéressantes sur le dispositif défensif de la seconde de ces deux villes 156. L’inscription d’origine était gravée sur une statue en diorite représentant le souverain, offerte à Sîn en hommage de la victoire obtenue (col. iii : 11sq et 32). Un « plan » de la ville était probablement aussi gravé sur ce support – peut-être sur le piédestal de la statue – associé à des légendes donnant le nom des remparts, leur « hauteur » (sukud bad3) ainsi que la « hauteur de la montagne » (sukud Ğa-du-im) 157. La ville est ainsi décrite comme disposant de trois lignes de défense 158 : - Le « rempart du quai ?/ extérieur ?» : hauteur (= sukud bad3) 9,9 m (20 coudées) 159. - Le « rempart puissant » constituait la deuxième ligne de défense, un peu plus élevé : hauteur 14,8 m (30 coudées). - Le « grand rempart » , formait la troisième ligne qui est aussi la plus haute : hauteur 21,78 m (44 coudées). Les trois remparts étaient mis en relation par la phrase : « depuis le rempart X au rempart Y, Z coudées, hauteur de la montagne » . F. R. Kraus a proposé d’interpréter l’expression « hauteur de la montagne » (sukud Ğa-du-im) comme se référant au différentiel d’altitude entre chacune des murailles 160. Toutefois, selon cette hypothèse, les hauteurs décrites seraient considérables. Il est plus probable, que l’expression représente en fait la longueur de la pente s’élevant entre les différents remparts 161. B. R. Foster a associé à cette description un scénario dynamique. Il s’agirait du plan d’attaque de la ville 162. Les données relatives à la « hauteur de la pente » décriraient en fait le parcours en quatre étapes des assaillants : l’attaque initiale depuis le fleuve portée contre le « mur du quai / extérieur » ; une fois la zone intermédiaire entre le « rempart du quai / extérieur » et le « rempart puissant » sous contrôle, un second corps de troupes aurait eu la voie libre pour pénétrer dans ce secteur sans avoir à combattre 163 ; des attaques séparées auraient été ensuite menées en deux points différents du « rempart puissant » ; enfin l’assaut final réalisé conjointement par les deux corps de troupes contre le « grand rempart » . On pourrait tirer un argument en faveur de cette lecture originale, en considérant les cas d’attaque initiale portée contre le secteur de la ville bordée par le fleuve, que documentent les archives de Mari et qui pourrait indiquer que cette zone constituait un point structurellement faible du dispositif défensif 164. Cependant, il serait étonnant que le récit de cet assaut ait été complètement omis et n’ait trouvé aucun écho dans le texte de

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. RIME 2, p. 132 n° 26. Il s’agit d’un document tout à fait atypique. Les descriptions de fortifications ne sont pas courantes, cf. cependant par exemple, le genre des textes topographiques avec la description et les dimensions de l’Imgur-Enlil à Babylone, cf. George 1992, p. 130 et pour Nuzi, cf. Lion (à paraître). Dans une étude récente, Otto a proposé d’identifier Armanum à la ville d’Armi, mentionnée dans les archives d’Ebla, qu’elle envisage de situer sur l’emplacement de la citadelle de Bazi qui surplombe Tell Banat, cf. Otto 2006. 157 . Pour la reconstitution d’un monument de Rimuš d’après les indications du scribe-copiste, cf. Buccellati 1993. 158 . RIME 2, p. 135 n° 26 iv : 20 : iĞ2-tum bad3 da-ni-im a-na bad3 gal 130 kuš3 sukud Ğa-du-im 44 kuš3 sukud bad3 iĞ2-tum bad2 ka3-ri2-im a-na bad3 da-ni-im 180 kuš3 sukud Ğa-du-im 30 kuš3 sukud bad3 šu-nigin2 404 x kuš3 sukud iĞ2-tum qa2qa2-ri2-im a-na sag bad3 uruki-lam (…) iĞ2-tum i7 a-na bad3 ka3-ri2-im 196 kuš3 sukud Ğa-du-im 20 kuš3 sukud bad3 iĞ2tum bad3 ka3-ri2(*)-im a-na bad3 da-ni-im 156 kuš3 sukud Ğa-du-im 30 kuš3 sukud bad3. 159 . Deux lectures ont été proposées : ka3-wi !/ri2 !-im, cf. Otto 2006, p. 5. Le signe intermédiaire est difficile à identifier. Il ne correspond pas à un RI2 (cf. col. v : 11) ni à WI. En col. vi : 11 la copie montre clairement ka3-GAL-im. Ce qui n’est pas non plus satisfaisant. On notera qu’une lecture kƗrim est néanmoins probable dans la mesure où ce rempart jouxte le cours d’eau, cf. col. vi : 10. 160 . Kraus 1948, p. 86. Le « grand rempart » s’élèverait à 64,3 m (130 coudées) au dessus du « rempart puissant » et culminerait à 199,9 m (404 coudées) par rapport au niveau du sol. Le « rempart du quai » serait à 97 m (196 coudées) au dessus du niveau du fleuve ; le « rempart puissant » à 89,10 m (180 coudées) au dessus du « rempart du quai » et à 77,22 m (156 coudées) au dessus de ce même rempart du côté du fleuve. Pour les différentes suggestions permettant de parvenir au total de 404 coudées cf. Otto 2006, p. 4. 161 . Gadd & Legrain 1928, p. 81 et Otto 2006, p. 6. 162 . Foster 1982 g, p. 86. 163 . B. R. Foster déduit la pénétration sans combat de ce second corps de troupe, à cause de l’omission de la description du parcours ascensionnel entre le sol et le « rempart du quai » . 164 . Abrahami 1999, p. 132a. On a affaire à des tours d’assaut installées dans le piâtum (terme qui désigne l’embouchure d’un canal et en l’occurrence probablement la passe d’accès au port de la ville) cf. ARM 5 2, 13-14 et M. 7511 cité par Durand 1987, p. 214 n. 38 et la contribution d’A. Tenu dans cet ouvrage, à propos des forteresses qui ont comme caractéristique d’être ouvertes sur le fleuve.

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l’inscription. Il est donc préférable de s’en tenir à une vision statique et plus « classique » en considérant que cette formule représente une légende inscrite sur le plan de la ville. 5. Conclusion La présente étude avait pour objectif de proposer un panorama aussi complet que possible de l’organisation de l’armée d’Akkad. Elle devra être prolongée sur des aspects laissés de côté tels que l’analyse stratégique de l’action militaire où l’approche prônée par J. Cordoba dans cet ouvrage pourrait mener à des résultats intéressants. Et surtout, ce travail devra être complété en menant des études plus fines, recherche désormais facilitée car la documentation administrative, jusqu’à présent dispersée dans de multiples publications, se trouve à présent en partie rassemblée dans la base de données du CDLI. Ce formidable outil, utilisé de manière systématique en procédant à des interrogations ciblées, permettra d’organiser les informations en dossiers.

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Figure 2 : Stèle de Tello, Paris, Musée du Louvre, AO 2678 (d’après Amiet, L’art d’Agadé au Musée du Louvre, Paris, 1979, fig. 25a p. 90 et fig. 25b p. 91)

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L’ARMÉE DES ROIS D’UR : CE QU’EN DISENT LES TEXTES Bertrand LAFONT* šeš-mu-ne aga3-ús lugal-la « mes frères sont soldats du roi » (Enki-hegal et Enkita-lu, 181)

RÉSUMÉ : Pour l’époque des derniers rois sumériens (Troisième Dynastie d’Ur, XXIe siècle avant notre ère) et malgré l’énorme masse documentaire disponible, on ne sait pas grande chose sur la façon dont furent organisées, du point de vue militaire, les défenses au centre ou à la périphérie du royaume, c’est-à-dire des pays de Sumer et d’Akkad, ni comment furent menées les multiples guerres de conquête entreprises bien au-delà des frontières. L’information demeure au total très partielle et fragmentaire, qui permettrait de comprendre le système d’organisation militaire de cette période si importante dans l’histoire de la Mésopotamie ancienne. Afin d’essayer d’entrevoir ce qu’a pu être l’armée des rois d’Ur, la seule méthode de recherche possible est de partir en quête des informations ponctuelles et éparpillées dans la multitude des sources écrites disponibles (archives administratives, inscriptions royales, textes littéraires, etc.) et de les organiser en dossiers, en essayant bien sûr, quand cela est possible, de les croiser avec les informations données par l’archéologie ou l’iconographie. Ainsi, le relevé systématique des attestations de quelques termes caractéristiques du vocabulaire militaire dans les archives administratives (aga3-ús, erin2, nam-ra-ak, ugnim, kaskal, noms d’armes, mentions de généraux, etc.), ou l’attention portée aux textes littéraires contemporains et aux sources autres qu’administratives qui évoquent combats ou organisation des troupes permettent d’y voir plus clair. On peut alors tenter de répondre en partie à plusieurs questions, qui sont importantes quand on traite des armées de l’Antiquité : l’organisation militaire (troupes, armée régulière, différentes catégories de soldats, mobilisation, périodes et temps de service, rôle des aga3-ús, etc.) ; le commandement et la hiérarchie ; l’armement (armes et matériel de guerre) et la conduite des combats ; l’occupation du territoire et les garnisons ; et pour finir la question des effectifs disponibles. ABSTRACT : For the time of the last Sumerian kings (Third Dynasty of Ur, 21st Century B.C.) and in spite of the huge documentation available, we know almost nothing about the way in which the defences of the centre and the periphery of the kingdom ௅ i.e. the countries of Sumer and Akkad ௅ were organized from a military point of view, nor how the many wars of conquest undertaken by these kings, well beyond their borders, were carried out. Information which would make it possible to understand the military organization of this period, which was such an important one in the ancient history of Mesopotamia, remains, on the whole, very partial and fragmentary. To obtain an idea of the army of the kings of Ur, the only method is to go in search of specific information scattered in the multitude of available written sources (administrative archives, royal inscriptions, literary texts, and so on) and to organize them in files, while trying, where possible, to cross-refer these data with data provided by the archaeological or iconographic sources. In this way, the systematic checking of all the occurrences of some characteristic words of military vocabulary in the administrative files (aga3-ús, erin2, nam-ra-ak, ugnim, kaskal, names of weapons, references to generals, and so on), or the attention paid in contemporary literary texts and in non-administrative sources which evoke battles or the organization of troops, make it possible to obtain a better understanding of the matter. One can then try to answer several questions which are important when armies in Antiquity are concerned : the military organization (troops, regular army, various categories of soldiers, mobilization, on-duty periods, the role of the aga3-ús); hierarchy, authority and command; armament (weapons and weaponry) and battle strategies; territory occupation and garrisons ; and perhaps the questions of strength and available numbers.

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MOTS-CLÉS : armes, armée permanente, banquets (naptanum), butin (nam-ra-ak), camp militaire (ugnim), effectifs, escorte, garnisons, hiérarchie, homme de troupe (erin2), période de service (bala-gub-ba), soldat professionnel (aga3-ús), lieutenant (ugula). KEY WORDS : Booty (nam-ra-ak), escort, garrisons, hierarchy, lieutenant (ugula), meal (naptanum), military camp, number of soldiers, on-duty periods (bala-gub-ba), professional soldier (aga3-ús), regular army, troops (erin2), weapons.

La situation est pour le moins paradoxale : au cours du dernier siècle du IIIe millénaire avant notre ère, de nombreux témoignages attestent que les rois de la IIIe dynastie d’Ur, influencés sans doute par le modèle impérial initié près de deux siècles avant eux et pour la première fois par les rois d’Akkad, ont mené depuis le cœur du pays de Sumer de multiples guerres de conquête à l’extérieur des frontières de leur royaume. Et pourtant, très peu de documents ou de renseignements sont disponibles sur les armées qui ont mené ces expéditions guerrières ; on ne sait pas grande chose non plus sur la façon dont ces rois ont organisé, du point de vue militaire, les défenses au centre ou à la périphérie de leur royaume, c’est-à-dire des pays de Sumer et d’Akkad. L’information demeure au total très partielle et fragmentaire, qui permettrait de comprendre le système d’organisation militaire de cette période si importante dans l’histoire de la Mésopotamie ancienne 1. À partir du milieu de ses quarante-huit ans de règne, c’est le deuxième souverain de la dynastie, Šulgi (Š, 2094-2047 en chronologie traditionnelle), qui a lancé le processus d’expansion territoriale et de conquêtes (Fig. 1). Les noms d’année utilisés pour dater les documents de son temps, source essentielle pour toute enquête sur l’histoire militaire 2, montrent qu’il mena ainsi des campagnes contre les villes ou territoires de : • • • • • • • • •

Dêr (année 21, zone A de la carte ci-jointe) Karahar (année 24, puis 31 ; zone B) Simurum (années 26, 32 et 44 ; zone B) Harši (année 27, puis 48 ; zone B) Anšan (année 34 ; zone D) Šašrum (année 42 ; zone C, c’est la Šušarra d’époque OB) Urbilum (année 45 ; zone C, actuelle Erbil) Kimaš (année 46, puis 48 ; zone B) Hu’urti (année 48 ; zone B)

Les expéditions militaires se sont poursuivies sous ses trois successeurs, moins fréquentes cependant vers la fin de la période : Règne d’Amar-Suen (AS) : • Urbilum (année 2, zone C) • Šašrum (année 6, zone C) • Huhnuri (année 7, zone D)

* 1 .

2

.

Institut français du Proche-Orient, UMIFRE 6 MAE-CNRS, Damas. La constatation est unanime : « It is surprising that the huge administrative archives of the last three centuries of the third millennium B.C. contain almost nothing about army organization and supplies » (Civil 2003, p. 49), « We still understand very little about the Ur III army in general » (Michalowski 2006, p. 53), « A study of the military in the Ur III period is desperately needed » (Allred 2006, p. 58), etc. Cette faiblesse de notre information dans ce domaine vient notamment du fait que les principaux grands lots d’archives d’Ur III qui ont été retrouvés et sur lesquels on s’appuie aujourd’hui pour écrire l’histoire de la période sont des archives provinciales, qui nous renseignent sur l’organisation et l’administration des provinces (Umma, Girsu, etc.) ou sur certains secteurs très particuliers de l’administration royale (Drehem) : nous font défaut les archives du pouvoir central, alors que c’est lui qui avait à régler principalement les questions militaires. On ne doit donc jamais oublier, à cause de cette lacune même, que la façon dont nous rendons compte de l’histoire des rois d’Ur, essentiellement à partir de ces archives provinciales, est en réalité très biaisée et incomplète. À leur propos, voir Frayne 1997, p. 91-110, 235-244, 285-294 et 361-368 ; Sallaberger 1999, p. 140-178. Voir aussi Widell 2003. M. Civil a pour sa part observé qu’environ un tiers du total des noms d’années de l’époque d’Ur III commémore précisément des événements à caractère militaire (Civil 2003, p. 49).

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Règne de Šu-Suen (ŠS) :

• •

Simanum (année 3, zone C) Zabšali (année 7, zone C)

Règne d’Ibbi-Suen (IS) :

• • •

Simurum (année 3, zone B) Huhnuri/Anšan (année 9, zone D) Suse/Adamšah/Awan (année 14)

À simplement relever et étudier ces noms d’année, on constate que, pendant près d’un demi siècle, une fois tous les deux à quatre ans, et même parfois chaque année, de grandes campagnes militaires ont été entreprises hors des frontières du royaume, dans le cadre d’une politique volontairement expansionniste, mais dont les visées étaient également préventives et défensives, tant étaient grandes les menaces potentielles représentées par les populations présentes aux frontières. Ces campagnes, suffisamment marquantes pour que certaines d’entre elles aient été gardées en mémoire dans la littérature oraculaire jusqu’à l’époque séleucide 3, furent menées essentiellement dans deux directions : • la région du Zagros (régions de la Diyala et des deux Zab) et celle du Haut Tigre (Kurdistan) d’une part 4, • l’Élam (Khuzistan) et le sud/sud-est iranien (Fars et jusque vers le Kerman) d’autre part 5. Cela a donc fini par dessiner, au plus fort de l’expansion territoriale des rois d’Ur, une zone frontière considérable s’étendant du sud-est anatolien jusqu’aux rives iraniennes du Golfe Persique. Mais contrairement à la situation ayant prévalu à l’époque de l’expansion akkadienne, la zone du Moyen-Euphrate, celle du Khabur et les régions plus occidentales (Syrie centrale et côtière) sont demeurées à peu près complètement hors de ces entreprises 6 : les relations avec les pays de l’ouest et du nord-ouest semblent avoir été pacifiques, reposant notamment sur une alliance étroite avec Mari 7. Ces expéditions militaires lointaines, puisque menées en des régions parfois distantes de la ville d’Ur de plus de mille kilomètres à vol d’oiseau, et qui plus est dans des milieux montagnards souvent difficiles, ont dû représenter des entreprises considérables, qui obligent à supposer une organisation militaire solide, des armées importantes et une logistique complexe. On comprend donc à quel point il est frustrant de constater que l’énorme masse documentaire dont on dispose pour cette période, toutes ces archives provenant de Drehem, Umma, Girsu, Nippur ou Ur (80.000 tablettes publiées à ce jour, disponibles désormais via deux bases de données accessibles par internet, BDTNS et CDLI) 8, ne disent presque rien sur ces armées, ni sur l’organisation militaire des rois d’Ur. On ne parvient pas à retrouver clairement, dans cette multitude de textes, comment les soldats étaient recrutés, ravitaillés, entretenus, équipés, armés, organisés, mis en marche, lancés au combat. Les enquêtes menées à travers les vestiges de la bureaucratie néo-sumérienne ne donnent que de maigres résultats, même si certains sont assez intéressants cependant. On a donc l’impression qu’aucune administration militaire proprement dite n’a jamais existé, en tout cas aucun organisme spécifique qui ait produit et laissé des archives immédiatement exploitables sur ce thème (mais voir ci-dessus n. 1). Dès lors, la seule méthode de recherche possible est de tenter de partir en quête des informations ponctuelles et éparpillées dans la multitude des sources disponibles (archives administratives, inscriptions royales, textes littéraires, etc.), en essayant bien sûr, quand cela est possible, de les croiser avec les informations 3 4

5 6

. . . .

7

.

8

.

Cf. Frayne 1997, p. 105. Ce que W. Hallo a appelé « the Hurrian Frontier » (Hallo 1978), suivant une sorte d’arc allant de la Diyala jusqu’à la région du Tür ‘Abdin et à celle de Diyarbakır. À propos de ces campagnes et de la localisation de toutes ces villes, voir également Frayne 1997, Frayne 1999 et Sallaberger 2007, le tout étant sommairement résumé sur la carte ci-jointe. Pour ces régions, voir notamment et en dernier lieu Steinkeller 2007. La mention d’une possible campagne militaire de Šu-Suen vers le Yamhad (Frayne 1997, p. 290) n’est rien moins que certaine : voir récemment Sallaberger 2007, p. 437. « Tout le système défensif des rois d’Ur est orienté vers l’Est et le Nord-Est, comme si on avait la certitude à Ur qu’aucune menace ne pouvait venir de l’Ouest. Cela ne peut se comprendre que dans le contexte d’une alliance étroite entre les deux cours [Ur et Mari], sanctionnée on le sait par des mariages dynastiques et d’intenses échanges » (Butterlin 2007, p. 240). Voir également à ce sujet Michalowski 2005. CDLI : http://cdli.ucla.edu. BDTNS : http://bdtns.filol.csic.es. Je tiens notamment à remercier vivement Manuel Molina, non seulement pour m’avoir régulièrement procuré depuis plusieurs années des mises à jour de sa précieuse base de données, largement mise à contribution dans le cadre du présent travail, mais aussi pour m’avoir fait part de ses observations à la lecture d’un premier jet de cet article.

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données par l’archéologie ou l’iconographie. Il s’agit en réalité d’une enquête considérable qui, s’il fallait être exhaustif, nous mènerait bien au-delà de ce qu’il est possible de faire dans le cadre de la présente contribution. En utilisant cette méthode, on ne procèdera ici que par simples petites touches et par la brève évocation de quelques pistes de recherche 9. 1. DE QUELQUES TERMES CARACTÉRISTIQUES DU VOCABULAIRE MILITAIRE DANS LES ARCHIVES ADMINISTRATIVES

La première enquête que l’on peut mener consiste bien sûr à relever tous les textes administratifs d’Ur mentionnant la présence de « soldats » (aga3-ús, erin2). La surabondance de documents qu’on obtient alors, dont un grand nombre pas forcément significatifs, est particulièrement difficile à organiser en dossiers. Nous reviendrons néanmoins, bien entendu, sur ces différentes catégories de soldats et sur ce que l’on peut tirer des listes de textes ainsi obtenues. III

Un autre terme caractéristique dont il est intéressant de rechercher les attestations est celui de nam-raak, akk. šallatum, « butin » . La petite centaine de textes mentionnant ce mot, que les bases de données permettent aujourd’hui de rassembler, font apparaître assez clairement, une fois classés par ordre chronologique, les occasions qu’eurent les armées d’Ur III d’accumuler et de rapporter du butin au cours de différentes campagnes victorieuses, corroborant le plus souvent les informations données par les noms d’années ou par les inscriptions royales mentionnant leurs expéditions militaires 10 : • • • • • • • • • • •

nam-ra-ak An-ša-anki (Š 33) nam-ra-ak kur Mar-tu (Š 40, Š 44, Š 46, Š 47, Š 48, AS 1, AS 4) 11 nam-ra-ak Lu-lu-buki (Š 44, cf. Maeda 1992, p. 157) nam-ra-ak Šu-ru-ud-hu-umki (Š 44, AS 4) nam-ra-ak Ur-bil3-lumki-ma (Š 45, Š 48) nam-ra-ak LÚ.SU(.A) (Š 47, Š 48) 12 nam-ra-ak Ha-ar-šiki (Š 48) nam-ra-ak Hu-ur5-tiki (Š 48) nam-ra-ak Ki-maški (Š 48) nam-ra-ak Ša-aš-ruki ù Šu-ru-ud-hu-umki (AS 4) nam-ra-ak iri Nergalki / iri Mes-lam-ta-è-a (AS 5)

On voit que ce sont les campagnes de Šulgi qui ont été largement les plus « profitables » en termes de butin accumulé sur l’ennemi et que les rois d’Ur ont cessé de rapporter des trésors de guerre dès le milieu du règne d’Amar-Suen : il n’y a plus aucune attestation après l’année 5 de ce roi. Une analyse fine serait nécessaire, mais un rapide examen de l’ensemble des textes ainsi regroupés nous apprend que ce butin est essentiellement constitué de femmes (geme2 nam-ra-ak) 13, d’hommes (lú nam-ra-ak) 14 et d’animaux (gu4 nam-ra-ak / udu nam-ra-ak / máš nam-ra-ak) 15, butin qu’il convient de nourrir et d’entretenir (šà-gal nam-ra-ak / še-ba nam-ra-ak / ì-ba nam-ra-ak) 16. Le butin est également composé de biens matériels : laine (siki nam-ra-ak, YBC 14537) 17, 9

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Le colloque de Lyon, pour lequel la présente communication a été préparée, était déjà achevé lorsque j’ai eu ensuite connaissance, d’abord du livre de Hamblin, « Warfare in the Ancient Near East to 1600 BC » (Hamblin 2006), avec les comptes rendus auxquels il a donné lieu (Charpin 2006), mais également de la thèse d’Allred, soutenue à l’université Johns Hopkins (Allred 2006) et dont D. Owen m’a aimablement communiqué une copie, ce pour quoi je le remercie bien sincèrement ici. Voir également à ce sujet Maeda 1992, notamment p. 157-158. Sur le « kur mar-tu » , voir désormais l’étude de W. Sallaberger (Sallaberger 2007, p. 444-450). Depuis les propositions de P. Steinkeller (résumées dans Steinkeller 1990), LÚ.SU(.A) est compris comme étant la notation de Šimaški, malgré les réserves de F. Vallat (Vallat 2002, col. 432-433). Concernant Šimaški, voir désormais et en dernier lieu Steinkeller 2007. TUT 159, Nik. 2 329, UET 3 1763, TCTI 1 989, etc. Les références aux textes sont ici données selon les normes des abréviations retenues et détaillées sur les sites web du CDLI et de la BDTNS. TCL 2 5502+5503, etc. TCL 2 5502+5503, TCL 2 5485, YBC 14189, Princeton 1 130, PDT 2 802, OrSP 47-49 122, AUCT 1 28, etc. STA 2, TCL 5 6039, SAT 2 884, OrSP 47-49 342, Garshana 579, BPOA 1 1249, TCTI 1 989, etc. Réf. M. Sigrist, via BDTNS.

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paniers asphaltés au contenu non précisé (TCL 5 6036), objets métalliques de valeur (TSU 39), peaux de bêtes (Princeton 1 130, OIP 115 355), etc. Ces textes permettent aussi de voir comment, une fois l’armée revenue au pays, une partie du butin est offerte au roi (Ontario 1 50, etc.) ou en ex voto aux divinités des temples 18. Ces quelques informations sur le butin sont importantes car elles montrent à quel point ces armées en campagne furent prédatrices, s’entretenant elles-mêmes vraisemblablement sur le dos des vaincus 19, mais parvenant malgré tout à rapporter chez elles des surplus, au moins jusqu’au milieu du règne d’Amar-Suen, dont on constate que le roi et les temples étaient les principaux bénéficiaires (esclaves, bétail, trésors, objets et matériaux divers, matières premières). Une autre recherche du même type peut être menée autour du mot sumérien ugnim, akk. ummanum. Ce mot signifie-t-il simplement « l’armée » / « les troupes » (cf. les bases de données électroniques ePSD et ETCSL), ou bien désigne-t-il aussi le « camp militaire » , et même un nom propre de lieu où serait localisé l’un de ces camps, notamment quand la façon de l’écrire se termine par le déterminatif KI, caractéristique des noms de lieux ? 20 R. Englund, qui s’est le premier posé cette question, a estimé qu’ugnim était « la troupe militaire réunie à l’occasion de la mise en œuvre d’une expédition » 21. Mais il est curieux que, pour ce mot dont l’orthographe est sujette à bien des variations, la cinquantaine d’attestations que procurent les bases de données (donc assez peu de textes au total) proviennent quasiment toutes de Girsu 22. Serait-ce à dire que seule la province de Girsu rassemblait, en un lieu précis, l’armée royale prête à partir en campagne ? Ce qui est intéressant, quoi qu’il en soit, c’est de constater que, dans la cinquantaine de textes regroupés dans ce dossier, se retrouvent fréquemment les catégories et professions suivantes, associées au mot ugnim : a) erin2 ugnimki (ITT 4 7131, MVN 3 257, TCTI 2 4262, HLC 27 pl. 64) b) ugula / nu-banda3 ugnimki (CT 1 04-94-10-15, HLC 2 pl. 52) c) lú-níg-dab5 ugnimki (CT 10 45 21394, MCS 1 25, TUT 251, CT 9 47 19100, HLC 384 pl. 145) d) e) f) g) h)

šabra ugnimki (ASJ 14, 232, 83) dub-sar ugnimki (Ontario 2 504) gìr-sè-ga ugnimki (HLC 29 pl. 23, HLC 2 pl. 52, WMAH 115, ASJ 19 144 128, UNT 16) geme2-kikken2 ugnimki (CT 10 44 19065, WMAH 176, HSS 4 3, HLC 291 pl. 126, STA 10) bahar2 ugnimki (TUT 154, MVN 22 171)

On voit donc qu’ugnim semblerait (au moins à Girsu) être un lieu, une sorte d’établissement militaire, clairement organisé sous la forme habituelle des « maisonnées » (é, bîtum, « household » ). On y retrouve : • d’un côté [a, b, c] tous les soldats (erin2), les officiers (ugula, nu-banda3), une catégorie spécifique de conscrits (lú-níg-dab5) 23, en bref la troupe et ses officiers ; • et de l’autre côté [d, e, f, g, h] l’administration et l’intendance chargées de faire fonctionner et d’approvisionner l’ensemble : intendant-en-chef (šabra), scribes (dub-sar), domesticité (gìr-sè-ga), meunières (geme2-kikken2), potiers (bahar2). Pour approfondir la question, un premier texte mentionnant ugnim mérite d’être cité en détail. Il provient, comme presque tous les autres, de Girsu et il est daté de l’année IS 3 :

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nam-ra-ak a-ru-a dŠara2-šè : RA 15 61, MVN 14 569, YOS 4 67, ASJ 7 191. Voir aussi les ex voto pris sur le butin (namra-ak) et offerts à divers temples d’Ur, Uruk et Nippur dans le texte MVN 13 113. Et voir encore, dans le même sens, l’inscription de Šu-Suen RIME 3/2.1.4.3, col. iv, v et vi (Frayne 1997, p. 304-305) où est précisément décrit tout ce qu’il advient du butin amassé par ce roi (mais qui n’est cette fois corroboré par aucun texte d’archive). Il conviendrait d’ajouter à ces textes concernant nam-ra-ak d’autres documents, comme TCL 5 6044 qui récapitule en détail les « trésors du pays d’Elam » (gil-sa kúr Elam) rapportés à Sumer et engrangés à Umma en Š 35 à la suite de la campagne contre Anšan : voir pour cela Steinkeller 2007, p. 226-227 n. 45 et 46, où l’auteur précise : « The hundreds of precious objects listed there clearly represented only Umma’s share of the loot. Thus, the size of the entire Anšan treasure, most of which probably ended up at Ur and Nippur, must have been truly colossal. » . Voir par exemple les textes où du butin est distribué aux soldats : MVN 13 423, MVN 13 428, etc. C’est comme cela qu’il avait été compris, en 1974, dans le Répertoire géographique (RGTC 2, p. 203). Englund 1990, p. 132-133. Un seul texte mentionnant ugnim provient de Drehem : TIM 6 34, pour lequel voir ci-dessous §5 texte P. Pour la catégorie des lú-níg-dab5, voir Maekawa 1995, p. 175-176.

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[A] 22 135 (Fs. Gordon) (1) 532,0.3. še gur (2) 158,0.0. zíz gur (3) erin2 ugnimki(=KI.SU.LU.ŠÈ.GAR.KI)-/ma-ke4-ne (4) u4 kaskal mar-tu-šè ì-re-ša-a (5) šu ba-ab-ti (6) kišib Lú-dnanna (7) ù Iš-ku-un-é-a (8) ki Gu-za-na-ta (9) Ù-ma-ni / šu ba-ti (Date : -/VII/IS 3) « 159.600 litres d’orge (et) 47.400 litres de farine, reçus par les troupes du camp militaire (ugnim) lorsqu’elles sont parties en expédition contre les Amorrites. Sceaux (apposés par) Lu-Nanna et Iškun-Ea. Umani a réceptionné (cela des mains) de Guzana. » C’est surtout la quantité de nourriture distribuée aux hommes de troupe de l’ugnim (ici avec le déterminatif KI des noms de lieux) qui retient l’attention : elle est considérable (200.000 litres) et suppose donc une armée importante. Les deux individus qui ont apposé leur sceau sur la tablette (Lu-Nanna et Iškun-Ea) sont par ailleurs bien connus comme étant des généraux de l’armée (šagina). Et Guzana, qui procure les céréales, est lui-même désormais bien attesté comme étant un important pourvoyeur des troupes en denrées diverses 24. Cette campagne contre les Amorrites n’a pas laissé beaucoup d’autres traces dans la documentation et ne fut donc sans doute pas très glorieuse, sachant d’ailleurs qu’en ces temps-là, la situation était devenue difficile pour le roi d’Ur, précisément à cause de la menace amorrite 25. Une autre tablette administrative est également instructive à cet égard : [B] MVN 10 149: II 6-9 26 (6) 70 guruš u4 1-šè (7) ugnim(=SU.KU.ŠÈ.KI.GAR.RA) Má-ganki-šè bala-a (8) 30 guruš u4 1-šè (9) ugnim(=SU.KU.ŠÈ.KI.GAR.RA) An-ša-anki-ta bala-a « 70 journées de travailleurs qui ont assuré le transfert de l’armée (ugnim) jusqu’à Magan ; 30 journées de travailleurs qui ont assuré le transfert de l’armée depuis Anšan. » Ce qui retient l’attention dans cet exceptionnel extrait de texte, qui appartient au petit dossier de la campagne militaire menée par Šulgi contre Anšan 27, c’est de voir l’armée rassemblée (ugnim) et envoyée en expédition par le roi être ainsi prise en charge et transportée par un certain nombre d’hommes – sans doute des marins manœuvrant des bateaux – jusqu’à Magan, à l’extrémité du Golfe Persique, puis de voir au retour cette même armée revenir et être prise à nouveau en charge pour son transport, mais cette fois depuis Anšan en Iran et par un plus petit nombre d’hommes (pour une armée amoindrie du fait des pertes humaines durant les combats ?). Ce texte, qui date précisément de « l’année où Anšan a été détruite » (Š 34), est intéressant aussi pour l’information qu’il procure sur la voie maritime qui fut empruntée pour aller combattre Anšan. En définitive, selon les contextes et l’origine de la documentation, ugnim semble donc être à la fois le lieu de rassemblement ou camp de départ des troupes de l’armée royale, flanquées de toute l’intendance et des services d’économat, et l’armée elle-même une fois qu’elle s’est « mise en marche » ou qu’elle s’apprête à le faire après avoir été rassemblée (cf. le latin agmen). Un dernier mot caractéristique dont il est intéressant de rechercher les attestations disponibles est le mot kaskal, akk. harrânum, gerrum, « expédition ». Si l’on met de côté les très nombreuses utilisations de ce mot dans la catégorie des Messenger Texts, on voit émerger quelques documents livrant d’intéressantes informations en lien avec notre sujet. Ainsi ce texte de Drehem daté du 25/VII/AS 6 : [C] SAT 2 913 = MVN 5 115 (1) 12 udu (2) 83 u8 (3) 25 máš (4) 35 ud5 (5) mu aga3-ús kaskal-ta er-ra-ne-šè « 12 moutons, 83 brebis, 25 chevreaux, 35 chèvres pour les soldats revenus d’expédition. » Ce sont au total 155 têtes de petit bétail qui sont ainsi réservées pour nourrir, non pas la troupe des conscrits, mais les soldats professionnels de l’armée régulière (aga3-ús, voir ci-dessous) au retour d’une de leurs campagnes. Si l’on considère que toute cette viande a été consommée en une seule occasion (ce que rien ne 24

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Voir son dossier dans Steinkeller 1982, p. 641-642. Frayne 1997, p. 366-368, avec la bibliographie afférente. Pour ce texte, voir Englund 1990, p. 132-133 et figure 13. C’est le document le plus clair, dans tous les textes d’archives d’Ur III, pour comprendre ugnim comme étant, dans ce cas, « l’armée en ordre de marche ». Dossier pour lequel voir Steinkeller 2007, p. 226-227 n. 45 et 46, avec les textes TLB 3 145 et 146, HLC 384, SNAT 260, etc.

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prouve bien sûr), sachant qu’un mouton peut nourrir environ une soixantaine de personnes 28, ce sont environ 9.000 hommes qui auraient été bénéficiaires de cette dépense (voir ci-après §7). On retrouve le même genre de distributions alimentaires dans un contexte similaire avec un lot de trois tablettes d’Umma, toutes datées quant à elles de l’année ŠS 1, sans davantage de précision quant au jour exact : [D] UCP 9-2 7, Torino 2 507 et Nik. 2 337 4,0.0. kaš DU gur / aga3-ús kaskal-ta / gen-na « 1.200 litres de bière ordinaire pour les soldats revenus d’expédition » (dans le troisième de ces textes, la quantité est 4,4.1. kaš = 1.450 litres). Il s’agit donc cette fois de distributions de bière en faveur des soldats, sans doute en trois occasions successives, tout cela pouvant sans doute être mis en relation avec la coutume du banquet offert par le roi à ses troupes à leur retour de campagne, coutume désormais bien documentée, par exemple à travers une série de textes d’Umma relatifs à la tenue de banquets-naptanum 29. À raison de deux litres par personne et par occasion, il se pourrait qu’entre 600 et 700 hommes aient ainsi été régalés successivement de bière en cette circonstance. Au total, ce genre d’enquêtes sur « quelques termes caractéristiques du vocabulaire militaire dans les archives administratives » pourrait bien sûr être menées sur beaucoup d’autres mots encore, les noms d’armes par exemple (voir plus bas §5). Elles sont désormais grandement facilitées, redisons-le, depuis que sont disponibles les bases de données électroniques BDTNS et CDLI, permettant des recherches exhaustives des données qu’il est ensuite possible de trier selon de multiples critères (date, lieu d’origine, etc.). 2. L’APPORT DES TEXTES LITTÉRAIRES ET DES SOURCES AUTRES QU’ADMINISTRATIVES On a vu à quel point les noms d’année qui ont servi à dater les règnes des cinq souverains d’Ur III sont importants pour reconstruire une histoire militaire de leur époque. De fructueuses recherches ont déjà permis de relier ces noms d’année à des pièces d’archives administratives ou aux inscriptions royales qui donnent des informations sur la façon dont les campagnes ont été menées 30. Mais à propos de ces noms eux-mêmes, comment comprendre par exemple celui de l’année Šulgi 20, dont le libellé est le suivant : [E] Nom de l’année Šulgi 20 mu dumu Uri5ki-ma lú-giš-gíd-šè ka ba-ab-kéš « Année où les citoyens d’Ur ont été conscrits comme lanciers. » P. Steinkeller y a vu un témoignage de la mise en place, cette année-là, d’une armée de métier par Šulgi, dans le cadre d’une série de vigoureuses réformes entreprises dans les deux derniers tiers de son long règne 31. Ces vues ont été débattues depuis lors 32 et il pourrait tout aussi bien ne s’agir ici que d’un simple événement ponctuel, certes intéressant en soi mais peut-être limité dans ses effets, le besoin s’étant fait sentir d’introduction circonstancielle, cette année-là, d’un corps de lanciers (lú-giš-gíd) supplémentaire dans l’armée 33. La Correspondance royale d’Ur (CRU) offre également des informations particulièrement intéressantes sur l’organisation militaire. Sans revenir ici sur l’actuel débat relatif à « l’authenticité » des documents qui la composent 34, la lettre CRU 1 nous montre le grand vizir du royaume Aradmu y relater au roi Šulgi son entrevue avec Apillaša, chef militaire dans la région du Zagros. Aradmu rapporte ainsi à propos d’Apillaša :

[F] CRU n°1 (ETCSL 3.1.1) (19) aga3-ús sag-gá-na 5 li-mu-um-ta-àm zi-da gùb-bu-na íb-ta-an-gub-bu-uš « 5.000 soldats de ses soldats d’élite se tenaient à sa droite et (autant) à sa gauche. » 28

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. . 33 . 34 . 32

Cf. Allred 2006, p. 65. Voir Lafont (à paraître), « À propos des repas collectifs et banquets naptanum à l’époque d’Ur III » . Voir notamment les nombreux rapprochements et notices établis par Frayne dans Frayne 1997 (aux pages notées cidessus n. 2). Steinkeller 1991, p. 16-17. Cf. le résumé des débats dans Sallaberger 1999, p. 148. Voir désormais à ce sujet, Allred 2006, p. 7 n. 11. Cf. Huber 2001. Voir depuis lors Hallo 2006 et désormais Cavigneaux 2007.

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Voilà donc ce puissant chef militaire mis en place par le roi d’Ur, dont on apprend que la troupe à sa disposition est composée d’au moins 2×5.000 = 10.000 soldats qui sont dits aga3-ús sag-gá-na, mot à mot « soldats de sa tête » (traduits parfois par « soldats d’élite ») 35. Aucun autre texte de cette période ne parle de façon aussi explicite d’autant de soldats d’un seul coup (cf. §7 ci-dessous). Apillaša est bien connu dans nos textes, comme étant un chef militaire particulièrement important de l’époque d’Ur III et on le retrouvera d’ailleurs plus loin (§5 texte P). Mais ce qui est intéressant ici, c’est de le voir mettre en scène l’accueil d’un émissaire royal, Aradmu, qu’il reçoit à la tête de sa troupe d’élite composée de dix mille soldats 36. Sur le thème cette fois de la conscription, le Cylindre A de Gudéa offre pour sa part des informations importantes dont on pourrait sans doute tirer profit pour savoir comment étaient levées des troupes au cœur même du royaume de Lagaš, juste avant que celui-ci ne soit absorbé dans le territoire des rois d’Ur. On y lit ainsi 37 : [G] Cylindre A de Gudéa, XIV (7) u4-ba ensi2-ke4 kalam-ma-na zi-ga ba-ni-gar (…) (11) iri dù-a á-dam-gar-ra-na (12) gú-giš-ba-ra dNanše-ka (13) zi-ga ba-ni-gar (14) gu4-huš-zi-ga gaba-gi4 nu-tuku (15) gišeren-bar6-bar6-ra lugal-bi-ir dab6-ba (16) im-ru-a dNin-gír-su-ka-ka (17) zi-ga mu-na-gál (18) šu-nir-mah-bi lugal-kur-dúb sag-bi-a mu-gub « En ce temps-là, le prince (Gudéa) imposa une levée sur son pays 38. (…) Sur les villes fortes, sur les établissements ruraux, sur les franges du désert 39 de Nanše, il imposa une levée. Une levée eut lieu pour lui, (faite) sur les clans de Ningirsu (ayant pour emblème) “Taureau furieux se dressant sans rival” (et) “Porteur de cèdre blanc pour son maître”. Il plaça à leur tête leur grand étendard “Roi qui anéantit l’ennemi”. » L’intérêt de ce passage (qui se poursuit en fait jusqu’à la l. 27), où l’on voit Gudéa procéder à des levées en masse de corvéables sur l’ensemble du pays pour réaliser la construction du temple de Ningirsu, est qu’il s’agit de l’un des rares documents de cette époque faisant possiblement allusion à ce processus de conscription. Il montre en outre comment celle-ci se faisait par clan ou tribu (im-ru-a), chacune avec son emblème (šu-nir) ou son totem et n’épargnait personne. Il s’agit certes ici d’un enrôlement pour des travaux civils, mais l’on peut sans doute se référer à pareille pratique pour imaginer ce qu’ont pu être alors les processus d’enrôlement militaire lorsqu’il fallait lever des troupes pour partir en expédition (voir ci-dessous §3). Autre texte de la littérature de cette époque, l’Hymne Shulgi D apporte, quant à lui, de multiples informations sur les armes utilisées au combat (voir ci-dessous §4). Dans la partie de ce document où il évoque la destruction de ses ennemis, Šulgi affirme d’abord 40 : « Je placerai mon emblème (šu-nir) à la bordure du pays ennemi » (giššu-nir-mu kur-ra zag-ba ga-àm-dù, l. 177). Puis il décrit toute une série d’armes qu’il utilisera en précisant quels effets elles auront sur ses adversaires : la lance (giš-gíd-da, l. 177), la hache de guerre (gištukul-

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Cette traduction « soldat d’élite » repose sur l’entrée lexicale aga3-ús-ni-is-kum (akk. nisqum ?), mais cette interprétation n’est pas retenue par CAD N/2, p. 272 (qui distingue niskum et nisqum). Voir par ailleurs, dans les listes lexicales, le titre de šagina aga3-ús sag-gá-na (MSL 12 48 435). Il est intéressant, par comparaison avec l’époque précédente, de mettre cela en relation avec les 5.400 soldats réunis autour de Sargon d’Akkad pour manger quotidiennement à sa table (5400 erin2 u4-šú-šè igi-ni-šè ninda ì-gu7-e), RIME 2/1, p. 29-31 n° 11 et 12. Voir Edzard 1997, p. 78, Suter 2000, p. 394 et ETCSL 2.1.7. En comprenant, comme l’ont fait Jacobsen, Edzard ou Suter, que le verbe zi-ga--gar signifie bien « imposer une levée » . Mais on ne retrouve hélas jamais cette expression sous cette forme dans les textes d’archives. Selon Jacobsen 1987, p. 405 n. 63, « Gugišbarra seems to mean “edge of the desert” » . Klein 1981, p. 78-79.

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ha-zi-in, l. 191), l’arc complexe (? GIŠ.ŠUB = illuru, l. 188) 41 et d’autre noms d’armes dont la traduction n’est pas toujours bien assurée. Il est aussi question, dans ce passage, de l’arc ordinaire (gišban, l. 180), des flèches (gišti, l. 181) et du carquois (é-mar-uru5, l. 179). Ce sont en tout cas là des armes offensives, censées lui assurer la victoire. Ces passages littéraires sur les armes et leur usage trouvent un écho dans un dernier texte littéraire que l’on mentionnera ici : il s’agit de la Lamentation sur la Destruction de Sumer et d’Ur, où il est question des armes utilisées pour le combat 42 : [H] LDSU (382) Uri5ki-ma uruduha-zi-in gal-gal-e igi-bi-šè ù-sar ì-ak-e (383) giš-gíd-da á mè-ke4 si íb-sá-sá-e-ne (384) gišban gal-gal gišilluru kuše-íb-ùr-ra téš im-da-gu7-e (385) gišti-zú-ke4 muru9 šèg-gá-gin7 bar-ba mi-ni-in-si (386) na4 gal-gal-e ní-bi-a pu-ud-pa-ad im-mi-ni-ib-za « Devant la ville d’Ur, de formidables haches étaient affûtées. Des lances, bras armé de la bataille, étaient apprêtées. De terribles arcs, des arcs complexes allaient s’entre-dévorer avec des boucliers de cuir. Aux alentours, des flèches à pointes crantées saturèrent le ciel comme un nuage de pluie. De redoutables pierres (de fronde) provoquèrent ensemble un grand vacarme. » Haches de guerre et lances pour le corps-à-corps ; arcs et frondes comme armes de jet : voilà de quoi semble constitué l’armement offensif de base dont on se sert ici pour combattre. D’un point de vue méthodologique, ces quelques pistes montrent en définitive comment l’on peut procéder pour recueillir un minimum d’informations sur le sujet qui nous retient ici. En poursuivant les enquêtes de ce genre et en faisant la synthèse des résultats, on peut tenter un bilan, certes maigre, mais néanmoins assez sûr, permettant de répondre en partie à plusieurs questions importantes quand on traite des armées de l’Antiquité : l’organisation militaire, la hiérarchie, l’armement, les garnisons, les effectifs. Ce sont ces différents points que l’on peut, dès lors, rapidement aborder ci-après. 3. LES TROUPES, L’ARMÉE REGULIERE ET LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE SOLDATS Pour faire bref, sans doute faut-il s’en tenir à un principe essentiel : l’armée du pays, quand elle est mobilisée, ne se distingue sans doute pas de la population masculine du royaume. Tout homme valide (= ce que les textes dénomment les guruš) est susceptible d’être appelé et les troupes sont levées au sein même de la population, comme on l’a vu plus haut dans le récit de Gudéa. À longueur d’année, chaque individu (guruš) doit donc accomplir un temps de service obligatoire en tant qu’« homme de troupe » (erin2 = akk. ‫܈‬âbum). Il peut alors, en fonction de la conjoncture ou des besoins, être affecté à des tâches civiles (travaux publics, travaux agricoles, etc.), ou militaires. Ainsi l’administration distingue-t-elle, pour chacun, le temps où il est en service (il entre alors dans la catégorie des erin2-bala-gub-ba) et le temps en dehors du service, qu’il est libre d’organiser davantage à sa guise (il participe alors de la catégorie erin2-bala-tuš-a). Maekawa, à qui l’on doit cette importante découverte, a montré par touches successives dans plusieurs travaux 43 comment est organisée, dans le cadre de la corvée, cette alternance sur un rythme mensuel de la situation des erin2 : à Girsu, on les voit passer d’un mois sur l’autre de la catégorie des erin2-bala-gub-ba à celle des erin2-bala-tuš-a. Dans le cadre de la conscription militaire cependant, il est vraisemblable qu’il faille imaginer un rythme différent, sachant que, comme l’écrit K. Maekawa, « the yearly length of days of the corvée to be assigned to a single person still remains to be studied » 44. On peut

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. . 43 . 42

44

.

Pour cette arme, voir en dernier lieu Postgate 2004. Michalowski 1989, p. 61-63 ; ETCSL 2.2.3. Voir tous ses nombreux articles sur ce sujet, résumés en dernier lieu dans Maekawa 1998, p. 73-76, avec la bibliographie afférente. Voir depuis lors et tout récemment, sur la question des erin2, les articles de Koslova (Koslova 2008) et de B. Studevent-Hickman (Studevent-Hickman 2008). Maekawa 1998, p. 75.

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néanmoins considérer en définitive, d’après les archives de Girsu comme celles d’Umma, que les erin2 doivent au total consacrer au moins la moitié de leur temps au service de l’État 45. L’abondante documentation administrative d’Ur III montre quel contrôle étroit et sévère est exercé sur la population pour que personne n’échappe à cette forme de conscription, qu’elle soit civile ou militaire, les hommes étant parfois (= souvent) « attrapés de force par les armes » (gištukul-e dab5-ba). C’est cela qu’évoque également l’existence de plusieurs catégories d’individus « embrigadés » (lú-dab5-ba, dumu-dab5-ba, hé-dab5-ba, etc.), sans parler de ceux que l’on voit chercher à s’enfuir, provoquant en retour leur punition par des peines d’emprisonnement quand ils se font reprendre 46. Ce qui permet de mieux connaître ces personnes pendant leur temps de service, ce sont les nombreux textes enregistrant les rations, alimentaires ou autres, qui leur sont attribuées à ce moment-là. Au total, et même si l’on n’en possède aucune preuve directe, il est raisonnable de penser que les affectations d’erin2, lorsqu’ils sont « en service » (erin2-bala-gub-ba), sont organisées pour satisfaire les besoins de l’État, non seulement dans le cadre de travaux civils (corvée), mais aussi pour toutes sortes d’obligations d’ordre militaire au sein des garnisons du royaume ou pour servir dans l’armée royale, d’où les fréquentes mentions d’erin2 en contexte militaire. Mais on ne sait pas, dans le détail, comment la population masculine du royaume est appelée aux armes, ni comment elle est alors rassemblée et organisée (voir ci-dessus §1 néanmoins le rôle de l’ugnim). Cependant, à côté de la troupe des erin2 à laquelle est donc imposé un service obligatoire mais temporaire et discontinu, les textes montrent clairement qu’il existe aussi une armée permanente composée de soldats professionnels. Ce sont les aga3-ús, akk. rêdû, les « soldats de métier » . Ce terme apparaît dans les textes dès l’époque présargonique, à Lagaš, mais aussi à Ebla 47. Une abondante littérature existe à leur sujet qu’il n’est bien sûr pas question de passer ici en revue. L’idée qui prévaut actuellement est cependant qu’il ne s’agirait pas à proprement parler de « soldats », mais plutôt de « gardes » , étant donné les nombreuses activités de sécurité civile dans lesquelles on les voit être impliqués 48. Les arguments sont au contraire nombreux, semble-t-il, pour affirmer que l’aga3-ús est d’abord bel et bien (et avant tout !) un soldat de l’armée permanente 49. De multiples attestations montrent très clairement l’aga3-ús dans ses activités proprement militaires (quelques exemples ont été donnés ci-dessus §1, textes C et D), notamment dans l’entourage du roi et des chefs de l’armée. Sa vie est celle des soldats (cf. plus bas §6 la question des garnisons), on lui fournit des armes, dont l’utilisation suppose d’ailleurs qu’il soit régulièrement entraîné (cf. texte P au §5, auquel on peut ajouter un texte comme TIM 6 36), et il est clairement soumis à une hiérarchie militaire (cf. ci-dessous §4). Néanmoins, la guerre n’étant évidemment pas un état permanent et les forces armées aux mains du pouvoir royal pouvant être aisément déployées et utilisées dans de nombreux secteurs de la vie civile et de

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Studevent-Hickman 2008, p. 139. Voir Adams 2008, §8.3 et notes afférentes. Références : ARET 2 5, ARET 3 437, ARET 9 16, MEE 1 670 et 718 pour Ebla et une petite centaine d’attestations pour Girsu pré-sargonique. Historiquement, il serait donc légitime de dater de cette époque-là les débuts de l’armée de métier. Selon les informations que procurent les bases de données, on dispose ensuite d’une quarantaine de références à aga3-ús pour l’époque paléo-akkadienne, mais de 1.800 références pour la période d’Ur III ! Voir l’article et le panorama complets donnés par le dictionnaire de sumérien (PSD A/3, p. 51-57). Voir notamment à ce sujet Jagersma & De Maaijer 2003-2004, p. 352 : « aga3-ús is primarily a kind of (body)guard », « a translation as “guardsman” seems to come closer to the Sumerian concept of aga3-ús ». Voir aussi, dans le même sens, Allred 2006, p. 79, repris par Michalowski 2006 p. 53. Le PSD A/3, p. 51 propose pour sa part la traduction « attendant » pour aga3-ús. Sur l’étymologie même du terme aga3-ús, comme le rappellent Jagersma et De Maaijer (Jagersma & De Maaijer 20032004, p. 352), le mot ne signifie pas « celui qui suit [ús] la couronne [aga] » , contrairement à ce qui est souvent affirmé. Dans MSL XII 101, 168-169 aga3-ús est glosé alik urki : il s’agit donc de « celui qui va / qui suit derrière » . Cf. déjà en ce sens Lambert, TEL, p. 164. Le sens premier du mot est donc celui de « suiveur », d’« escorteur » , ce qui cadre bien avec l’équivalent akkadien rêdû. Cela ne remet cependant pas en cause le sens premier de « soldat » pour aga3-ús, celuici pouvant être considéré comme « celui qui marche derrière / qui suit » son chef, à l’image de ce que montre par exemple l’iconographie de la Stèle des Vautours ou de la Stèle de Narâm-Sîn.

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l’administration, notamment pour assurer l’ordre et la sécurité intérieure, on voit simplement l’aga3-ús être aussi employé : • comme garde personnel, non seulement dans la garde royale bien sûr (aga3-ús lugal), mais aussi auprès des plus hauts responsables et chefs de service de l’administration (aga3-ús sukkal-mah / aga3-ús ensi2 / aga3-ús sanga / aga3-ús šabra / aga3-ús šár-ra-ab-du / aga3-ús nu-banda3-gu4 / aga3-ús zabar-dab5 / aga3-ús PISAN-dub-ba / aga3-ús NP) 50 ; • au sein d’équipes chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité dans les nombreux établissements administratifs ou officiels (divers é et divers gìr-sè-ga) 51 ; • comme messager, estafette ou chargé de mission (cf. les Messenger Texts) ; • comme préposé à la circulation, aux transmissions et aux transports, pouvant même dans ce dernier cas être employé pour haler les bateaux ou assurer la sécurité des convois et l’encadrement des équipes de transport, sur le réseau des canaux permettant de circuler à travers le pays de Sumer, comme le montrent les nombreuses références aux aga3-ús má-gíd, « soldats haleurs de bateaux », ou associant les aga3-ús aux activités de batellerie ; • éventuellement pour certaines tâches ponctuelles et exceptionnelles, requérant une main d’œuvre abondante mais temporaire, par exemple à l’occasion de la moisson, l’armée régulière pouvant alors être réquisitionnée par les pouvoirs publics en plus d’autres catégories de la population (TCTI 1 621: i 9 [732 aga3-ús], TEL 239A: i 13 [761 aga3-ús], TCTI 1 742: i 10 [796 aga3-ús], ASJ 13 227 72: ii 9 [900 guruš-u4-1-šè = aga3-ús-lugal-me], ASJ 19 141 126: 23 // TCTI 2 3817 [9.600 aga3-ús], ASJ 8 118 33: 9 [10.800 aga3-ús] ; ces deux derniers textes fournissent des nombres tout à fait exceptionnels – autour de 10.000 hommes – et apportent un éclairage intéressant pour traiter de la question des effectifs : cf. ci-après §7). Concernant les aga3-ús dans ce type bien particulier de documents que sont les « textes de messagers », une double observation doit être faite : dans les Messenger Texts de Girsu tout d’abord, la catégorie des aga3-úsgal et des aga3-ús-gal-gal se rencontre uniquement dans ce genre de tablettes et exclusivement à Girsu : il s’agit donc d’un groupe spécial d’aga3-ús, affecté au service des communications pour le compte du pouvoir royal dans la seule province de Girsu ; en conséquence, les épithètes gal et gal-gal sont ici spécifiques et n’ont pas de valeur hiérarchique par rapport à l’ensemble des autres catégories d’aga3-ús. Dans les textes de messagers d’Umma en revanche, on pourrait s’étonner que n’apparaissent jamais explicitement de quelconques aga3-ús, comme à Girsu. Cela amène alors à se demander si, derrière la catégorie professionnelle notée ka-ús-sá, propre à cette catégorie des Messenger Texts d’Umma, ne se cache pas en réalité l’aga3-ús, dont ka-ús-sá ne serait dès lors qu’une variante phonétique de l’écriture. Les contextes dans lesquels apparaissent ces ka-ús-sá à Umma cadreraient bien, en tout cas, avec pareille hypothèse 52. Quoi qu’il en soit, on constate donc à travers tous ces exemples que ces militaires professionnels que sont les aga3-ús sont en réalité chargés, au sein du royaume, de la sécurité intérieure, de la protection des agents de l’État et des établissements publics et qu’ils contrôlent les divers déplacements et le bon fonctionnement des transports et transmissions, assurant pour cela une couverture de l’ensemble du territoire. En temps ordinaire, les aga3-ús jouent finalement en quelque sorte le rôle qu’occupent par exemple en France les gendarmes qui, dans ce pays, relèvent d’ailleurs précisément du ministère de la Défense et non pas du ministère de l’Intérieur comme c’est le cas des forces de police : ce sont donc des militaires. On notera par ailleurs que le mode de rémunération des aga3-ús se fait, classiquement et comme pour les autres catégories d’employés permanents de l’administration royale, par l’attribution de terres agricoles à

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Sont donc récapitulées dans cette liste, et de façon exhaustive, l’ensemble des fonctions de la haute administration néosumérienne dont les bénéficiaires pouvaient prétendre obtenir la protection et le service d’une garde d’aga3-ús. Un bon exemple de cela se trouve par exemple dans l’étude de quelques gìr-sè-ga qu’avait proposée M. Sigrist il y a plusieurs années (Sigrist 1980, p. 13-28). Venant conforter l’hypothèse ici proposée, Molina me signale l’intéressant parallèle qui pourrait être fait entre a-šà aga3-ús-ne (CT 9 35 21251) et a-šà ka-ús-sá-didli (MVN 3 316). Mais pour valider définitivement la proposition, il conviendrait bien sûr de pouvoir montrer que certains ka-ús-sá des textes de messagers d’Umma se retrouvent ailleurs dans la documentation avec le titre d’aga3-ús. Il convient de remarquer en outre que la grande majorité des 166 références à ka-ús-sá dans les Messenger Texts d’Umma (BDTNS) datent du seul règne de Šu-Suen.

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cultiver d’une part 53, et par l’attribution de « rations » d’autre part. De nombreux dossiers de textes enregistrent ainsi l’allocation en leur faveur de divers types de rations : orge (še-ba aga3-ús), huile (ì-ba aga3-ús), poisson (ku6-ba aga3-ús), laine (siki-ba aga3-ús), vêtements (túg-ba aga3-ús) 54 et l’on verra ci-dessous les deux lettres administratives [textes J et K] qui évoquent cette façon dont ils étaient rémunérés. Fondamentalement donc, les aga3-ús sont des militaires, des soldats de métier, sans qu’il y ait lieu de s’étonner que des membres de l’armée puissent de la sorte être employés aussi à toutes sortes d’occupations en lien avec le maintien de l’ordre et le contrôle des divers transports et déplacements à travers le royaume : ce sont en définitive des soldats faisant également office de gendarmes. Et il est même possible d’aller plus loin encore et d’envisager peut-être que cette catégorie des soldats professionnels (aga3-ús) 55 ait pu éventuellement encadrer la troupe inexpérimentée des conscrits (erin2), une fois que celle-ci était réunie. Un texte au moins semblerait le montrer : OrSP 47-49 466, qui fait une série de décomptes sous la forme : N aga3-ús / N egir-erin2 / nu-banda3 NP, « tant de soldats de métier, tant de conscrits à la suite, (leur) capitaine (étant) NP », document qui montre bien en tout cas la nette séparation entre les deux catégories et où l’on constate qu’il y a alors en moyenne, en la circonstance, 1 aga3-ús pour 4 erin2 qui le suivent. On pourrait donc, pour finir sur ce point, résumer le mode d’organisation militaire des rois d’Ur autour du schéma suivant 56 :

POPULATION MASCULINE DU ROYAUME

ARMÉE ROYALE

guruš, « hommes » aga3-ús (rêdû) soldats professionnels (armée permanente)

+ erin2 (‫܈‬âbum) troupe de conscrits (temps du service)

erin2 (‫܈‬âbum) (hors temps de service)

Deux tablettes d’archive au moins pourraient éventuellement contredire la distinction nette qui est ici proposée entre ces deux composantes de l’armée que sont les conscrits d’une part (erin2) et les soldats

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Pour les terres attribuées aux aga3-ús, voir par exemple les textes CT 7 15 15324: ii 9, CT 9 35 21251: 14, TUT 12: iv 2, TUT 16: vii 4’, CHEU 100: vi 4’, MVN 6 300: i 6-8, UET 3 1039, etc. Il s’agit là d’un dossier qu’il conviendrait de reprendre et d’étudier en tant que tel. Les références aux textes afférents sont faciles à retrouver, sous ces différentes entrées, via les bases de données BDTNS et CDLI (une quarantaine de références au total). Ce sont ces aga3-ús professionnels, ces soldats de métier, que l’on peut éventuellement retrouver comme détenteurs de sceaux-cylindres à leur nom : on connaît actuellement une centaine d’empreintes de ces sceaux d’aga3-ús pour l’époque d’Ur III. La plupart de ces sceaux proviennent des archives d’Umma. Il est notable qu’il s’agisse le plus souvent d’aga3ús-lugal ou d’aga3-ús-ensi2, au service donc du roi ou d’un gouverneur. Dans la rapide description qu’il a proposée il y a une quinzaine d’années de l’organisation militaire des rois d’Akkad, Foster offre, mais sans autre forme de développement, une vision des choses assez similaire pour décrire l’armée paléoakkadienne, écrivant ainsi : « Military organization may have consisted of a core of professionals, supplemented by auxiliary units levied from local populations by district or clan, commanded, ultimately, by the king himself, who took the field with them in the springtime » (Foster 1993, p. 27). Pour l’armée de cette époque, voir aussi Westenholz 1999, p. 65-68, et ici-même la contribution de Ph. Abrahami.

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professionnels de l’autre (aga3-ús). Il s’agit de textes où l’on trouve ces deux termes adjoints (sous la forme erin2 aga3-ús), comme s’il s’agissait d’une seule catégorie. Ainsi : • AfO 18, 105: 3 : erin2 aga3-ús-lugal Gar-ša-naki (voir plus bas §6, texte Q) • MTBM 234: 3 : šà-gal erin2 aga3-ús Deux possibilités existent pour expliquer cette situation : soit l’on a simplement affaire ici à la juxtaposition et à la mise en commun de la force mixte que pouvaient composer les conscrits et les soldats professionnels (« troupe des conscrits et soldats royaux de Garšana » dans le premier cas, « entretien des conscrits et des soldats réguliers » dans le second cas) ; soit il s’agit de conscrits (erin2) qui servent comme soldats (aga3-ús) pendant le temps où ils sont en service (bala-gub-ba). Cette seconde explication mérite considération : elle permettrait notamment de mieux comprendre un texte comme TEL 182, qui enregistre des « rations de grain pour les soldats originaires de Nigin 57 pendant leur temps de service » (še-ba aga3-ús dumu Niginki bala-gub-ba-šè). Selon la description qui a été proposée ici, l’expression bala-gub-ba (« en service ») doit s’appliquer plutôt aux troupes de conscrits erin2, qui alternent entre temps de service et temps hors service, et non pas aux aga3-ús soldats de métier dont la fonction est permanente. Force est donc d’admettre ici que les conscrits pouvaient effectuer leur temps de service en servant dans le corps des soldats aga3-ús 58. Quant à la quinzaine de références où il est question de guruš aga3-ús, elle ne pose pas de problème particulier : il s’agit simplement d’hommes (guruš) engagés ou enrôlés comme soldats (aga3-ús). On remarquera par ailleurs d’autres mises en parallèle qui peuvent être faites entre la situation des erin2 et celle des aga3-ús. Ainsi par exemple, dans la documentation de Tello, la catégorie des erin2 má-u4-zal-la (TCTI 2 2747 ou 3896) vient en parallèle à celle des aga3-ús má-u4-zal-la (TCTI 2 3205 ou 4074) : il faut comprendre qu’il s’agit ici de soldats, conscrits ou professionnels, auxquels était dévolue la responsabilité de faire partir et naviguer un bateau régulier qui devait sans doute quitter Girsu chaque soir par le réseau des canaux du pays de Sumer 59. Deux autres questions importantes méritent encore que l’on s’y arrête : celle du mode de recrutement des aga3-ús et celle du temps pendant lequel ils devaient servir, puisque quelques rares textes font parfois, quoique très succinctement, allusion à ces questions. Comme on le verra, il s’agit le plus souvent de recrutements individuels : •

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Deux tablettes de Tello (ITT 4 7131 et CT 1 04 94-10-15 4: ii 13) évoquent la situation de « soldats royaux réquisitionnés parmi les bergers » (aga3-ús-lugal sipa-ta dab5-ba-me). On y ajoutera une référence aux « soldats aga3-ús réquisitionnés, qui sont au nombre de 15 » (aga3-ús dumu-dab5-ba 15-bi, TSU 9 = TCS 1 234). L’impression qui domine dans ces trois exemples est qu’il s’agit ici d’enrôlement « de force » : le contexte serait donc celui de la conscription pour le temps du service. À l’inverse, il existe un texte d’Umma, daté de Š 47, qui évoque des gratifications versées à un individu le jour où il intègre, en tant que soldat, l’armée régulière : [I] YBC 15411 60 (1) 6 udu dBa-ba6-mu (2) u4 nam-aga3-ús ì-ni-in-ku4-ra « 6 moutons pour Babamu, le jour où il a intégré le corps des soldats réguliers. » Il pourrait alors s’agir ici d’un enrôlement volontaire dans l’armée permanente et l’opposition nette observable dans ces diverses situations viendrait confirmer (bien que ce dernier texte soit, curieusement, un unicum) le schéma proposé ci-dessus distinguant les conscrits et les engagés volontaires.

Pour la localité et la garnison de Nigin, voir ci-dessous §6 et n. 80. On notera d’ailleurs, dans les listes lexicales, l’entrée aga3-ús-bala, « soldat (pendant son) temps de service » (MSL XII 36, 112). Il est possible de faire plusieurs autres mises en parallèle entre erin2 et aga3-ús, comme dans ce passage (l. 6) de la Correspondance royale d’Ur (CRU n° 21, « Aba-indasa to Shulgi », ETCSL 3.1.21) où, pour ugula erin2-kakéš, « officier commandant la troupe des conscrits rassemblés », une variante donne ugula aga3-ús-ka-kéš, « officier commandant la troupe des soldats rassemblés ». Je remercie Marcel Sigrist de m’avoir autorisé à citer ce texte inédit de Yale, dont j’ai eu dans un premier temps connaissance grâce à la base de données BDTNS.

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Deux pièces de la correspondance administrative (Letter orders) traitent quant à elles du recrutement de soldats et de ses conséquences sur la gestion des comptes de rations vestimentaires à distribuer. La première mentionne l’enrôlement de ci-devant vignerons : [J] TCS 1 86 (1) Ka5-a-mu (2) ù-na-a-du11 (3) lú-geštin-a (4) aga3-ús ba-si-ga (5) siki-ba-bi ha-ba-ab-sum-mu (6) še-ba-a zà ha-ab-ús-e « Dis à Ka’amu qu’il donne leurs rations de laine aux vignerons qui ont été versés (comme) soldats et qu’il mette de côté leurs rations d’orge. » Une seconde lettre du même genre, provenant de Tello, utilise le même verbe (sig) pour évoquer le transfert à l’armée d’individus et le paiement de leurs rations : [K] ITT 3 5558 = TCS 1 110 (1) Lú-kal-la-ra (2) ù-na-a-du11 (3) lú še-ba aga3-ús-lugal-ka ba-an-si-ga (4) mu didli-bi-šè (5) sikiba-bi (6) ha-ba-ab-sum-mu (7) [i]m siki-ba ba-[gá-g]á èn ha-ab-tar-re « Dis à Lu-kalla qu’il donne, individu par individu, leurs rations de laine aux bénéficiaires de rations d’orge qui ont été versés (comme) soldats du roi. Et qu’il veille à ce que cela soit placé sur la tablette (d’enregistrement) des rations de laine. » Difficile de dire ici si l’on se trouve dans le contexte de la conscription pour un temps de service obligatoire ou dans celui de l’enrôlement de nouveaux soldats professionnels tout juste engagés.



Mentionnons encore ce texte de Tello qui précise qu’un individu recruté comme soldat doit voir son nom être enregistré sur les tablettes de tenue des rôles (im-ama = akk. ‫ܒ‬uppât ummatim) : [L] ITT 5 6712 (1’) [Ku?]-li (2’) Al-la rá-gab ì-dab5 (3’) nam-aga3-ús-[šè] (4’) im-ama dah-he-dam « Kuli, que Alla le courrier a pris en charge pour (qu’il intègre le) corps des soldats réguliers, est à ajouter aux tablettes du registre. » On voit donc que des rôles nominatifs, énumérant les soldats en activité, et les listes de rations qui leur étaient distribuées, étaient très précisément tenus à jour, sans qu’on n’ait hélas jamais retrouvé, semble-t-il, aucun d’entre eux (mais cf. ci-dessus n. 1). C’est dans cette perspective qu’il est d’ailleurs intéressant de noter également l’existence de la fonction de dub-sar aga3-ús, « scribe des militaires » (ITT 4 7467 = MVN 6 443).



Toujours en ce qui concerne la tenue de ces listes nominatives, un autre texte de Tello précise que doit être effacé de la liste des personnels d’un atelier de tissage un enfant qu’on retire à sa mère, tisseuse, pour qu’il devienne soldat : [M] ITT 5 6795 (1) 1 Ur-dèš-he-nun-ka (2) im-e tak4-a (3) dumu Geme2-ki-gu-la uš-bar (3) aga3-ús-tur-šè (4) inim Lú-inim-níg-ša6-ga (5) šà Gú-ab-baki-ka (6) Date (IS 1) « Un (individu nommé) Ur-Ešhenunka, fils de Geme-kigula la tisseuse, effacé du registre pour (qu’il devienne) enfant-soldat, sur ordre de Lu-inimnišaga dans la (province du) Gu’abba. »



Deux tablettes d’Umma (SACT 2 134 et YOS 4 155) enregistrent, quant à elles, un enrôlement individuel et sont remarquables parce que très parallèles. Elles commencent toutes deux de la façon suivante : (1) 1 Lú-dEN.ZU (2) aga3-ús-ensi2-ka-šè (3) … « Un (individu nommé) Lu-Suen pour (servir comme) soldat du gouverneur. » Le premier de ces deux textes enregistre ce recrutement à partir du mois 11 de l’année ŠS 1, le second à partir du mois 1 de l’année ŠS 6. La question essentielle est ici de savoir s’il s’agit ou non du même individu dans chacune de ces tablettes : Lu-Suen aurait alors été embauché une première fois en l’an ŠS 1, puis renouvelé dans ses fonctions quelques années plus tard. Il serait tentant de le supposer étant donné le grand parallélisme de ces deux textes qui sont d’autre part les seuls de cette sorte dans toute notre documentation. Et ce serait alors particulièrement intéressant car cela permettrait d’envisager une durée moyenne pour le temps de service à accomplir par un aga3-ús engagé : quatre ans, renouvelables ?

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Enfin, cette hypothèse sur la durée du « temps de service » permettrait peut-être d’éclairer le sens de la tablette de Tello ITT 5 6902 qui mentionne des aga3-ús-lugal šu-bar-ra-me, « soldats du roi libérés (du service ?) ». Il existe d’autres tablettes assez nombreuses dans les archives d’Ur III où il est fait mention de telles personnes « libérées » (šu-bar-ra-me) de leurs obligations (ou de leur privation de liberté ?), mais ce texte est le seul qui concerne précisément des aga3-ús. Est-ce à l’issue d’une telle période de quatre ans qu’ils étaient ainsi « libérés » ?

Faute de pouvoir développer davantage, on finira simplement ce chapitre sur les diverses catégories de soldats en rappelant, pour mémoire, que le recours à des mercenaires (contingents de soldats d’origine étrangère) est bien attesté à l’époque d’Ur III. Ce sont notamment, dans les textes d’archives : • les Amorrites (mar-tu) • les Élamites (elam) • les Šimaškiens (LÚ.SU(.A)) Pour les deux premières catégories au moins, on possède de claires et fréquentes attestations associant ces « ethniques » à la fonction d’aga3-ús (aga3-ús-mar-tu, aga3-ús-elam, passim). Mais c’est souvent de manière individuelle qu’on les voit à l’œuvre dans la documentation, notamment dans les Messenger Texts, car en temps ordinaire (= hors expédition militaire), ces individus sont notamment utilisés, tout comme les aga3-ús natifs du pays de Sumer, dans des fonctions d’estafettes et de messagers, assurant les liaisons tant à l’intérieur du royaume que vers l’extérieur. On a du mal à saisir s’ils opéraient aussi, au sein de l’armée, en contingents organisés. Il semble en tout cas que la garde personnelle la plus rapprochée du roi était précisément composée d’une dizaine de ces soldats amorrites (mar-tu) 61. 4. LE COMMANDEMENT, LA HIÉRARCHIE C’est le roi qui mène la guerre et commande aux armées, au moins virtuellement et dans la propagande, ce que laissent voir notamment les noms d’années, l’iconographie ainsi que les inscriptions et hymnes royaux. Auprès de lui et au moins pendant une vingtaine d’années (entre AS 3 et IS 3), il est clair que le sukkal-mah Arad-Nanna 62 a joué un rôle particulièrement important dans la vie militaire du royaume. L’organisation hiérarchique, au sein de l’armée peut être assez clairement reconstituée. On distingue trois grades d’officiers, au-dessus du simple soldat (aga3-ús) 63 : 1) L’officier supérieur, le « général » est le šagina. On connaît grâce aux archives la carrière de quelques grands généraux (dont Apillaša par exemple, dont il a été question ci-dessus, texte F). Et l’on peut donc faire les notices biographiques d’un assez grand nombre d’entre eux. On reparlera de certains d’entre eux à propos de l’organisation militaire du territoire (ci-dessous §6). 2) La catégorie intermédiaire d’officiers est représentée par les « capitaines » (nu-banda3). Le nombre d’hommes qu’un capitaine est susceptible de commander dans son unité peut varier entre cent et quelques centaines. 3) Les officiers de base, les « lieutenants » , sont les ugula. On distingue parmi eux des catégories particulières : ugula-géš-da, « soixantenier », ou ugula-10 (parfois noté nam-10), « dizainier / décurion ».. Tous ces officiers, on le voit dans de multiples textes, peuvent bien sûr commander à la fois des unités d’aga3-ús et des unités d’erin2. Voici trois exemples avec des aga3-ús : • Trouvaille 83: 13 : Kal-bi-si aga3-ús lú-DUN-a A-bu-ni šagina, « Kalbisi le soldat, subordonné du général Abuni. » • MVN 5 162: 5 : Lú-dba-ba6 nu-banda3 aga3-ús, « Lu-Baba, capitaine des soldats réguliers. » • TEL 102: 13-14 : 381 guruš aga3-ús / ugula Du-du, « 381 hommes, soldats réguliers ; (leur) officier (est) Dudu. »

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Cf. mon article à paraître sur les banquets naptanum à Ur III (ci-dessus n. 29). Voir aussi, dans la capitale Ur, les aga3-ús mar-tu šà Uri5ki-ma (HLC 305, pl. 19, MVN 12 112). Sur le rôle des Amorrites dans l’entourage royal, voir aussi Michalowski 2006, p. 59 et ci-dessous n. 71. Pour le rôle et la carrière du sukkal-mah Arad-Nanna à l’époque d’Ur III, voir Sallaberger 1999, p. 188-189, ainsi que Dahl 2007, p. 22-25. Voir déjà, entre autres, Englund 1990, p. 59 figure 5.

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Parmi les très nombreuses tablettes provenant de Drehem qui enregistrent des dépenses d’animaux « à destination de la cuisine pour (nourrir) les soldats » (šu-gíd é-muhaldim mu aga3-ús-e-ne-šè) 64, un texte à paraître prochainement 65 est particulièrement intéressant car il donne pour la première fois le détail de toute la hiérarchie militaire de l’armée des rois d’Ur, avec cette ultime précision que les soldats sont tous ici de retour d’une expédition (texte daté du 22/VII/ŠS 1) : [N] Dahl-Hebenstreit, n° 1 (1) 3 gu4 255 udu (2) u4 21-kam (3) 90 udu (4) šu-gíd é-muhaldim-šè (5) mu šagina nu-banda3 (6) ù ugulagéš-da kaskal-ta (7) er-ra-ne-šè (…) « 3 bœufs et 255 moutons le 21 (du mois), 90 moutons (le 22 du mois), prélevés à destination de la cuisine pour les généraux, les capitaines et les soixanteniers revenus d’expédition. » On constate que seuls les officiers sont ici mentionnés, mais les soldats aga3-ús, habituellement présents dans ce genre de textes, furent sans doute de la fête eux aussi, si l’on en juge par la quantité de viande que dut procurer l’abattage de 3 bœufs et 345 moutons : il convient d’ailleurs de remarquer que si tout cela a été consommé en une seule fois, cela aura sans doute permis de régaler environ 60.000 hommes (ou 30.000 hommes sur deux jours) 66, ce qui est considérable ! Il est à noter enfin que c’est très exactement cet ordre hiérarchique (šagina / nu-banda3 / ugula) que l’on retrouve encore dans le récit épique Gilgameš et Akka : dans l’ultime hommage rendu à son ennemi vaincu, Gilgameš déclare en effet à Akka de Kiš 67 : [O] Gilgameš et Akka (102) Ak-ka3 ugula-mu Ak-ka3 nu-banda3-mu (103) Ak-ka3 šagina-erin2-na-mu « Akka mon lieutenant, Akka mon capitaine, Akka mon général d’armée… » 5. LES ARMES, LE MATÉRIEL DE GUERRE Comment est armé un soldat ordinaire du temps des rois d’Ur ? C’est difficile à dire et il s’agit là d’une question qui, avec celle des effectifs, est sans doute l’une des plus difficiles à traiter. Elle mériterait une recherche approfondie en allant ausculter tous les textes d’archives afin d’y récupérer l’ensemble des noms d’armes et de constituer des dossiers : gišKAK, gišban, giš-gíd, gištukul, gišilluru, giššukur, gír, zà-mi-rí-tum, ha-ziin, etc. On a vu plus haut (ci-dessus §2) les informations qu’il est également possible de tirer, en la matière, des textes littéraires. Trois catégories d’armes offensives apparaissent cependant avec une fréquence plus grande que les autres dans les archives et doivent donc former la base de l’armement du soldat : • la masse d’arme (gištukul), • la lance (giš-gíd), • et l’arc (gišban) 68. L’impression qui prévaut est que la lance constitue l’arme de base des simples conscrits (erin2), l’arc étant plus volontiers utilisé par les soldats de métier (aga3-ús), régulièrement entraînés sans doute à son utilisation 69. On a vu aussi plus haut comment Šulgi avait dû lever, en l’an 20 de son règne, une troupe de lanciers dans sa capitale [texte E]. Pareille organisation militaire autour de trois catégories d’armes pourrait trouver une illustration dans la lettre de Lipit-Eštar citée ci-dessous [texte W], qui mentionne l’envoi au combat d’une troupe de renfort composée, à parts égales, de lanciers (lú-giššukur), d’archers (lú-gišban) et de soldats 64 65

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Ces quelque 800 textes sont une partie de l’objet de la thèse de L. Allred (Allred 2006). Texte de la collection L. Hebenstreit, faisant partie d’un lot de 17 tablettes qui seront prochainement publiées dans la Revue d’assyriologie par J. Dahl et L. Hebenstreit. Je remercie J. Dahl de m’avoir communiqué son article avant sa publication. D’après les calculs proposés par Allred 2006 p. 65, selon lesquels un bœuf permet de nourrir environ 600 personnes et un mouton 60 personnes. ETCSL 1.8.1.1. Sur l’arc, voir en dernier lieu notamment Civil 2003 et Postgate 2004. Voir également ci-après le texte P, ou une tablette comme TIM 6 36. Pour le service accompli par les lanciers, voir Molina (sous presse) commentaire au texte n° 4.

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armés de haches de guerre (lú-dur10-tab-ba). Si cette façon tripartite de voir les choses était confirmée, on tiendrait là sans doute, même s’il est ténu, un indice permettant de réfléchir sur l’organisation de l’armée au cours des combats et sur la façon dont pouvait être envisagée et conduite la stratégie militaire. Qui fournit l’armement ? Il n’est pas sûr que ce soit toujours le pouvoir central en ce qui concerne les conscrits (erin2). En revanche, les soldats professionnels (aga3-ús) sont armés par l’administration royale comme le montre cet intéressant texte provenant de Drehem, daté du 2/XI/AS 2 : [P] TIM 6 34 (1) 1200 gišban (2) 1200 kušsag-è / gišban é-ba-an (3) mu aga3-ús-e-ne-šè (4) Hu-ba-a (5) ù A-pil-la-ša-ar (6) 1 zà-mi-rí-tum zabar (7) giš-bi kù-babbar šub-ba (8) Ah-ba-bu mar-tu (9) lú-DUN-a A-bu-ni (10) ki ugnim(=KI.SU.LU.ÚB.GAR.RA)-šè (11) Bur-ma-ma nu-banda3 lú Zimbirki-ke4 (12) ù Sú-ku-ku-um (13) lúDUN-a Lugal-kù-zu-ke4 (14) in-né-de6-éš (15) ki Di-ku5-mi-šar-ta / ba-zi (16) šà PÙ.ŠA-iš-dda-gan « 1.200 arcs et 1.200 carquois en cuir (pour) paire d’arcs, destinés aux soldats de Huba’a et d’Apillaša. Une javeline en bronze, dont la (hampe en) bois est plaquée d’argent, pour Ahbabu l’Amorrite, subordonné d’Abuni. (Le tout) à destination de l’armée. Burmama le capitaine originaire de Sippar et Sukkukum, subordonné de Lugal-kuzu, leur ont apporté (ces armes) délivrées par Dayyanum-mišar 70 à Puzriš-Dagan. » Apparaît donc ici un contingent de 1.200 soldats aga3-ús employés comme archers, et à qui l’administration fournit arcs et carquois. Leur officier, un « Amorrite » 71, reçoit une arme d’apparat : une javeline plaquée d’argent. Huba’a, Apillaša et Abuni sont par ailleurs tous trois bien connus dans les archives de ce temps comme généraux (šagina) de l’armée royale et c’est sans doute ce même Apillaša que l’on retrouve d’ailleurs comme protagoniste de la Correspondance royale d’Ur (ci-dessus §2, texte E) où il est présenté comme commandant 10.000 soldats aga3-ús. De quoi sont vêtus ces soldats, comment sont-ils protégés ? Les textes sont peu diserts à ce sujet et pour tout ce qui concerne les armes défensives. Il faut insister, pour clore ce chapitre, sur le fait que l’armée d’Ur III est avant tout une armée de fantassins, même si l’utilisation du char de guerre n’est pas complètement exclue, malgré sa quasi-absence dans les textes d’archives 72. 6. L’OCCUPATION DU TERRITOIRE, LES GARNISONS Dans l’article de référence qu’il a proposé il y a une vingtaine d’années sur l’organisation de l’empire qu’ont fini par créer les rois d’Ur 73, Steinkeller a proposé de privilégier une vision bipartite de cet ensemble, distinguant le cœur du royaume, composé d’une vingtaine de provinces contribuant au système de taxation centralisé intitulé bala 74, et la périphérie avec des régions plus ou moins contrôlées par des garnisons sous l’autorité de gouverneurs militaires (šagina) et soumises au tribut (gún ma-da). C’est pour ces « marches » de l’empire que Steinkeller a mis en évidence l’existence d’une série de textes administratifs provenant de Drehem qui montrent, selon lui, comment les garnisons et leur personnel militaire, à la périphérie orientale et nord-orientale de Sumer et d’Akkad, devaient s’acquitter annuellement, auprès du pouvoir central sumérien, d’une taxe composée d’un certain nombre de têtes de bétail et représentant le tribut (gún ma-da) prélevé sur la région où ils stationnaient. Ces textes permettent de retrouver clairement, au sein de ces garnisons, l’ordre que nous avons évoqué au sein de la hiérarchie militaire, à savoir la séquence « général » -šagina / « capitaine » -nu-banda3 / « lieutenant » -ugula / « soldat conscrit » -erin2, puisque chacune de ces catégories devait s’acquitter, en fonction de son rang d’un nombre plus ou moins important

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Pour ce dossier de Dayyanum-mišar, en lien avec les livraisons d’armes, voir Sigrist 1979b et Civil 2003, p. 53 n. 19. Officier « amorrite », garde rapprochée du roi « amorrite » (ci-dessus n. 61), contingents « amorrites » (ci-dessus, fin §3), présence de soldats « amorrites » pour garder la capitale Ur (aga3-ús mar-tu šà Uri5ki-ma, MVN 12 112), etc. : le rôle militaire des Amorrites à l’époque d’Ur III apparaît considérable, cette observation rejoignant celles de Michalowski 2006, p. 53 et 59. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si, à l’époque suivante (paléo-babylonienne), le grade supérieur de la hiérarchie militaire est précisément devenu celui de gal-mar-tu ou ugula-mar-tu (« général »). Cf. le point récemment proposé sur cette question par Hamblin (Hamblin 2006, p. 141-145). Steinkeller 1991. Voir depuis lors la synthèse de Sharlach (Sharlach 2004).

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d’animaux. P. Steinkeller a décompté près de quatre-vingt-dix de ces garnisons, mais sans qu’on ne puisse rien savoir sur leur taille, qui devait évidemment être variable (voir Fig.1) 75. Au cœur de l’empire, la vingtaine de provinces répertoriées relevaient quant à elles de deux hiérarchies distinctes : l’une civile, sous l’autorité du gouverneur civil (ensik) ; l’autre militaire, sous l’autorité d’un général (šagina) faisant office de gouverneur militaire 76. L’une des découvertes importantes faites par Steinkeller touche à l’origine même de ces hauts responsables : si les gouverneurs civils de chaque province sont clairement issus de dynasties locales enracinées au cœur du pays de Sumer, il apparaît en revanche que les gouverneurs militaires ont des noms qui sont souvent de facture akkadienne, hourrite ou élamite, trahissant leur origine « étrangère » ; par ailleurs, ils sont en réalité bien plus « mobiles » tout le long de leur carrière et plus proches, à beaucoup de points de vue, du pouvoir royal. Chaque province du royaume dispose donc d’un ou de plusieurs gouverneurs militaires ou de généraux (šagina), en fonction des lieux de garnisons et de mobilisation des troupes à travers l’empire. Complètement indépendants des ensik, ces šagina relèvent directement de l’autorité centrale, soit du grand vizir (sukkal-mah), soit du roi lui-même. C’est sans doute à eux que revenait la tâche du recrutement et du maintien de forces militaires dans chaque province. Mais la question se pose alors de savoir où étaient situées ces garnisons, problème assez considérable en réalité car elles n’apparaissent guère dans les textes d’archives. Grâce au dossier des textes de Drehem sur la « cuisine » (é-muhaldim) 77, chargée d’entretenir certaines catégories d’aga3-ús en alimentation carnée, on pourrait penser qu’il existe d’abord et comme on s’y attendrait, des garnisons d’aga3-ús au moins à Ur, à Nippur et à Uruk, soit dans les trois capitales (politique, religieuse, historique) du royaume. On trouve en effet, dans certains des 800 textes actuellement disponibles dans ce dossier, la précision du lieu d’attribution de ces dépenses en viande au profit des soldats : šà Uri5ki-ma (Ur), šà Nibruki (Nippur), šà Unugki (Uruk). Mais on pourrait aussi comprendre ici que ces unités de soldats aga3-ús, que l’on voit abondamment être entretenues de la sorte à Ur, Nippur et Uruk, via l’é-muhaldim de Drehem, représentent en réalité la même et unique garde royale d’aga3-ús qui se déplace régulièrement en même temps que le souverain, pour l’accompagner au cours de ses périples dans ces trois capitales. La situation semble la même pour les villes-sanctuaires du royaume où le roi se rend également assez fréquemment, notamment dans le cadre des cérémonies rituelles auxquelles il doit régulièrement participer, comme par exemple les cérémonies de « lustration » a-tu5-a, pour lesquelles il est d’ailleurs accompagné par une catégorie particulière de soldats de sa garde : les aga3-ús-a-tu5-a-me 78. D’après l’ensemble des archives cependant, et en dehors de ces trois villes principales et des capitales provinciales, il existe sans doute au cœur du royaume au moins deux autres garnisons de soldats aga3-ús 79 : 1) l’une à Nigin (localité au sud de la province de Lagaš) 80. Au moins six textes de Girsu mentionnent en effet des aga3-ús dumu Niginki-me (TUT 111, TEL 182, Orient 16 129, TLB 3 148, Amherst 21, MVN 6 443 81), alors qu’il n’existe quasiment nulle part ailleurs d’autre dénomination de ce type (aga3-ús dumu NG) 82 ; 75

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Voir depuis lors l’article de Maeda sur « The Defense Zone » dans ASJ 14 (Maeda 1992). Mais R. Englund semble douter pour sa part de la validité de cette interprétation des textes selon laquelle « les soldats impériaux auraient à verser une taxe à l’État pour avoir le privilège de stationner là où ils effectuent leur service » (Englund sous presse, commentaire au texte n°19). Comme l’explique Adams, « The question is whether the coexistence of the two titles implies the coexistence of separate, parallel structures of governance. (…) Thus, the šagina would exercise authority emanating from his military responsabilities, and in other respects reflecting the fact that a direct royal appointment associated him with carrying out specific royal priorities. The ensi2, on the other hand, was burdened with all the continuing complexities of civic administration » (Adams 2008, §3.7 et 3.8). Ceux contenant l’expression šu-gíd é-muhaldim mu aga3-ús-e-ne-šè, déjà évoquée ci-dessus. Ce sont ces textes qui ont été très récemment étudiés par Allred (Allred 2006). À partir de cette observation, une fois le dossier de l’é-muhaldim rassemblé et mis en ordre (notamment en ordre chronologique), on devrait sans doute pouvoir alors mener des enquêtes détaillées pour savoir où se trouve le souverain à tel ou tel moment, puisque tous les textes sont datés au jour près. À titre de comparaison, c’est ce genre d’enquête fort utile qu’ont permis de mener, dans les archives de Mari, les textes de « repas du roi » . Sans doute existe-t-il encore d’autres garnisons dans le royaume, mais on ne les voit guère dans nos textes, pour les raisons expliquées ci-dessus n. 1. Sur cette localité NINAki ou Niginki, voir De Maaijer 1998, p. 62-64. Pour ce dernier texte, l’expression est NP dub-sar aga3-ús lú Niginki. Elle nous apprend par ailleurs qu’il y a donc un scribe militaire attaché à cette garnison. En dehors de ces six références à des aga3-ús dumu Niginki, on ne connaît par ailleurs que trois références à des aga3-ús dumu Uri5ki-ma.

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2) et surtout une autre à Garšana. Ce site de Garšana 83 est réapparu dans la recherche récente à travers un lot de près de 1.400 tablettes d’une collection privée, récemment identifiées, malheureusement mises au jour ces dernières années dans les circonstances dramatiques prévalant en Iraq ௅ on n’en connaîtra donc hélas jamais le contexte archéologique ௅ et qui viennent tout juste d’être publiées 84. Il s’agit vraisemblablement des archives d’un domaine privé (?) qui était placé sous l’autorité d’une princesse royale nommée Simat-Ištaran, sœur du roi Šu-Suen, et de celui qui fut sans doute son époux, un certain Šu-Kabta, dont on relèvera avec intérêt qu’il est attesté comme « général » (šagina). Or, en dehors de cet important lot d’archives, un petit groupe de textes particulièrement intéressant, provenant essentiellement de l’administration de Girsu, permet aussi de montrer que se trouvait précisément à Garšana l’une des principales garnisons de soldats du cœur du royaume des rois d’Ur. L’origine « lagashite » de ces textes est intéressante, car Garšana dépendait en fait clairement de la province et du gouverneur d’Umma, au même titre que Nagsu 85, Apisal ou Zabalam. Le tell de Garšana, qui n’a pas encore été identifié, était peut-être situé au carrefour des provinces centrales d’Umma, de Girsu et d’Uruk, et donc au sud d’Umma, sans doute dans la zone du Gu’edena 86. Ce dossier est composé des six textes suivants [textes Q à V] : [Q] AfO 18 105, CUSAS 3 1440. Date : AS 9 (Drehem) (1) 570 kušsuhub2 é-ba-an (2) ki ensi2 Gír-suki-ta (3) erin2 aga3-ús-lugal Gar-ša-naki-ka-ke4 (rev. 4) šu ba-ab-ti (5) nu-banda3 E-lu-da-an (6) šà Unugki (7) gìr Lugal-am-gal (8) Date. « 570 paires de bottes en cuir délivrées par le gouverneur de Girsu, reçues par la troupe (et) les soldats royaux de Garšana. Leur capitaine est Eludan. À Uruk, par l’entremise de Lugal-amgal. » [R] TEL 171, CUSAS 3 1447. Date : IX/ŠS 6 (Girsu) (1) 438,0.0. še (2) gur-lugal (3) níg-ba lugal (4) aga3-ús šà Gar-ša-na (5) ki Al-la-mu-ta (rev. 6) Šu-ì-lí (7) šu ba-ti (8) ì-dub gišTir-ma-nu-ta (9) še Ur-šu-ga-lam-ma (10) Date. « 131.400 litres d’orge (selon la mesure) royale, don du roi (pour) les soldats de Garšana. Šû-ilî les a réceptionnés, (des mains) de Allamu, à l’entrepôt Tirmanu. Orge (géré par) Ur-šugalama. » [S] ITT 3 6174, CUSAS 3 1453. Date : XII/ŠS 9 (Girsu) (1) 3000 kuš udu (2) 600 kuš udu a-gar nu gu7-a (rev. 3) ki Níg-ú-rum-ta (4) mu aga3-ús Gar-ša-an-naki-šè (5) I-pá-lí-is-e (6) šu ba-ti (7) Date. « 3.000 peaux de mouton (et) 600 peaux de mouton non tannées, délivrées par Nigurum pour les soldats de Garšana. Reçues par Ippalis. » [T] ITT 3 5405, CUSAS 3 1491. Date : IS 2 (Girsu). Tablette collationnée au musée d’Istanbul (*) (1) 1897,0.0 še gur (2) aga3*-ús* Gar-ša-na-ke4 (3) šu ba-ab-ti (4) ki ensi2 Gír*-su*ki*-ta (rev. 5) ba-zi (6) kišib sukkal-mah (7) Date. « 569.100 litres d’orge reçus par les soldats de Garšana. Dépense délivrée par le gouverneur de Girsu. Sceau du grand vizir. » [U] MVN 6 280, CUSAS 3 1459 (Girsu) … (14) 20 gú siki (15) aga3-ús dumu Gar-ša-an-naki-me (16) kišib sukkal-mah ra-ra-dam (17) …

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Pour lequel voir initialement Sollberger 1958 et RGTC 2. Owen & Mayr 2007. Dans le cadre du présent travail, on n’a cependant pas eu le temps de tirer parti de tout ce que cet ouvrage apporte de neuf. Concernant ces archives et en attendant d’autres études annoncées, voir par exemple Owen 2006, p. 75-77. Les remerciements des chercheurs doivent être adressés à D. Owen pour avoir rendu rapidement disponible et fait circuler une version électronique des transcriptions des textes de cette collection. Nagsu pourrait être également une autre ville de garnison dans le royaume, si l’on en croit notamment les textes TCL 2 5488, NSGU 120a, TIM 6 36 ou UNT 17. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’un lien ait existé entre la garnison présente à Garšana et celle, sans doute assez proche, qui existait donc peut-être aussi à Nagsu. Voir Adams 2008, §6.12. Pour sa part, D. Frayne propose une localisation plus au nord-ouest, quasiment à mi-chemin entre Umma et Nippur (cf. sa carte dans Owen & Mayr 2007, p. 9), mais on pourra objecter qu’une localisation de Garšana en aval (et donc au sud) d’Umma est plus vraisemblable si l’on considère par exemple qu’il faut 2 jours pour haler un bateau d’Umma à Garšana (CUSAS 3 1442) et 5 jours pour une opération similaire de Garšana à Umma (CUSAS 3 1426).

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« 20 talents (= 600 kg) de laine pour les soldats originaires de Garšana. Le sceau du grand vizir (sukkalmah) est à dérouler (sur la tablette). » [V] TCTI 2 3543, CUSAS 3 1458. Sans date (Girsu) (1) 360 erin2 Lú-ša-lim (2) 500 nu-banda3 La-núm (3) 360 nu-banda3 Šu-ì-lí (4) 147 nu-banda3 PÙ.ŠA-ha-mi (5) erin2 Gar-ša-an-naki (6) … « 360 hommes : (leur capitaine est) Awîlum-šalim. 500 (hommes : leur) capitaine (est) Lanum. 360 (hommes : leur) capitaine (est) Šu-ilî. 147 (hommes : leur) capitaine (est) Puzur-Hammi. (Ce sont des) hommes de troupe de Garšana. » On pourra ajouter à ces textes la mention de « généraux » (šagina) de Garšana (SAT 3 2073, CUSAS 3 1424) ou l’empreinte du sceau du « général » Šu-Kabta dans les archives mêmes de Garšana (CUSAS 3, p. 436). Bien que disparate, le caractère exceptionnel de ce petit dossier 87 mérite donc d’être souligné : il n’a pas d’équivalent ailleurs dans toute la documentation d’Ur III et montre comment sont régulièrement approvisionnés les soldats qui semblent bel et bien être en garnison à Garšana : 570 paires de bottes [texte Q], 3.600 peaux de mouton [texte S], 600 kg de laine [texte U], 130.000 puis 570.000 litres de céréales [textes R et T]. Ces textes sur la garnison de Garšana proviennent de Drehem, de Girsu, ou d’Umma ; ils mentionnent Uruk, Girsu, ou le grand vizir (sukkal-mah), personnage dont on sait qu’il jouait un important rôle militaire et dont la titulature officielle montre d’ailleurs les liens avec Garšana (RIME 3/2.1.4.13, p. 324). Tout cela laisse à penser en définitive que se trouvait là, en position centrale dans le royaume, l’une des principales garnisons de soldats entretenues par l’État néo-sumérien (le texte Q précise qu’il s’agit de « soldats du roi » : aga3-ús lugal) et il n’est pas impossible d’imaginer que le général (šagina) qui la commandait fut précisément, au moins pour un temps, celui dont on a retrouvé les archives qui seraient relatives à son domaine privé et à celui de son épouse : Šu-Kabta. Le dernier document cité [texte V] précise la composition des unités qui stationnaient dans cette garnison de Garšana, sachant qu’elle réunissait donc [cf. texte Q] des hommes de troupes (conscrits erin2) et des soldats de métier (aga3-ús) : chacune de ces unités était commandée par un capitaine (nu-banda3) et comportait entre 150 et 500 hommes (erin2). Et l’on apprend ainsi que le nombre total d’hommes de troupe recensés dans la garnison de Garšana a pu atteindre 1.367 erin2. La suite de ce dernier texte [V], par ailleurs intéressant et atypique, est plus difficile : il semble s’agir en fait d’un décompte relatif à l’affectation des troupes, où sont présentés les effectifs réellement recensés dans plusieurs autres garnisons (?) du royaume, mis en regard des effectifs qui avaient été initialement prévus 88. Et le scribe finit par constater qu’il a un déficit de 340 hommes (erin2) par rapport aux 3.000 qu’on avait espéré réunir dans un premier temps, soit environ 10 % manquant à l’appel. 7. LA QUESTION DES EFFECTIFS Ce dernier document offre une parfaite transition pour aborder un ultime point du présent exposé, certes important mais difficile à traiter faute d’informations adéquates : il touche à la question des effectifs. Si l’on accepte que Garšana constitue bien l’une des principales garnisons du royaume, les 1.300 hommes de troupe (erin2) qui y stationnent [texte V] ne représentent pas quelque chose de bien considérable en fin de compte… ! Il faut cependant bien l’admettre et s’y résoudre : quand on voit apparaître dans nos textes d’archives des unités de soldats, et notamment d’aga3-ús, on constate qu’elles ne comportent que rarement plus que quelques centaines d’hommes. Il est très peu fréquent de rencontrer, dans nos textes, des groupes de soldats supérieurs à 1.000 hommes, exception faite des grandes mobilisations exceptionnelles de main d’œuvre, en période de moisson par exemple (jusqu’à 10.000 aga3-ús rassemblés en ASJ 8 118 33 ; cf. ci-dessus §3). Faute d’information explicite, une méthode possible pour faire réapparaître un nombre d’hommes plus important, réunis à telle ou telle occasion dans le cadre d’activités militaires comme les départs ou retours de campagne, est de prendre en compte, dans les textes de distribution aux soldats de nourriture ou de boisson, les quantités distribuées et consommées. La difficulté, dans ce cas, est que la durée de consommation est rarement précisée : s’agit-il de nourriture pour un jour, dix jours ou cent jours ? Si l’on considère, dans les documents en

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Dossier primitivement réuni et étudié par Sollberger 1958. Pour le commentaire de ce texte, voir Lafont, TCTI 2, p. 288-290.

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rapport avec l’armée que nous avons utilisés ici, qu’il s’agit de distributions opérées dans le cadre de « banquets » offerts pour célébrer une victoire, donc en une seule fois, on obtient les résultats suivants : Texte C : 155 têtes de bétail pour nourrir les soldats de retour d’expédition = 9.000 hommes (ou 4.500 hommes sur deux jours, 3.000 hommes sur trois jours, etc.) ? Texte D : 1.200 litres de bière pour abreuver les soldats de retour d’expédition = 600 hommes ? Dossier du naptanum d’Umma 89 : entre 760 et 1.200 soldats abreuvés de bière ? UET 3 1114 : 1.450 litres de bière ordinaire, 1.500 litres de pain et farine partagés (ha-la-a) entre les soldats (aga3-ús) = 750 hommes ? TUT 120 : 44.500 litres de bière, sur chacun des jours d’un mois entier (pour ce texte, et c’est exceptionnel, la durée de consommation est donc connue), partagés par les soldats (aga3-ús-e ha-laa) = 750 hommes. Texte N : 3 bœufs et 345 moutons pour nourrir les soldats de retour d’expédition = 60.000 hommes (ou 30.000 hommes sur deux jours, 20.000 hommes sur trois jours, etc.) ? Texte P : 1.200 arcs distribués pour armer 1.200 soldats. Texte Q : 570 paires de bottes pour chausser 570 soldats. Texte V : 1.300 hommes dans la garnison de Garšana. TCTI 2 3543 (suite du texte [V]) : décompte d’unités entre 360 et 820 hommes. Très majoritairement et si l’on met de côté les textes [C] et [N], on constate donc que la plupart des textes permettent d’entrevoir une taille des unités considérées variant grosso modo de 300 à 1.300 soldats, avec une moyenne autour de 600. On pourra objecter que rien n’est dit ici sur l’armée composée des erin2 lorsqu’elle était levée en masse dans la population : en ajoutant ces conscrits aux soldats de métier (aga3-ús), elle devait sans doute être beaucoup plus nombreuse. Mais le problème est qu’on ne la voit quasiment jamais dans nos archives ! Un autre témoignage intéressant, relatif à cette question, est offert par un extrait de la lettre « historique » (son statut est donc littéraire) de Lipit-Eštar à Nanna-kiag, qui évoque la constitution et l’envoi d’une armée de renfort, composée de trois unités égales de lanciers, d’archers et de soldats armés de haches ; le total atteint 6.000 hommes (pour ce texte, voir également ci-dessus §5) : [W] Lettre de Lipit-Eštar à Nanna-kiag (ETCSL 3.2.4) (8) á-šè 2 li-mu-um erin2 lú-giššukur (9) 2 li-mu-um erin2 lú-gišban (10) 2 li-mu-um erin2 lú-dur10-tab-ba im-mu-e-ši-sar « Pour l’heure, je t’ai envoyé en hâte 2.000 lanciers, 2.000 archers et 2.000 hommes (armés de) haches de guerre à double tranchant. » C’est ici la tripartition de l’ensemble qui constitue l’information la plus intéressante (cf. ci-dessus §5), car pour le reste, le nombre total de 3×2.000 = 6.000 n’est guère fiable, comme le montrent les variantes données par certaines copies de ce texte, qui font en effet alterner le nombre de chacune des unités entre 2.000, 3.000 ou 4.000 hommes. La situation est sans doute identique pour celui de nos textes qui donne au total, pour toute cette période et parmi tous les documents que nous avons examinés, le plus grand nombre de soldats explicitement attesté en contexte militaire : il s’agit des 10.000 aga3-ús (2×5.000) que commande Apillaša [texte F, ci-dessus §2]. Cette fois encore, il convient de garder à l’esprit que le statut de ce document de la Correspondance royale d’Ur n’est pas celui d’une tablette d’archive mais celui d’un texte littéraire. Et même si un original de la lettre a réellement existé, on ne peut savoir à quel degré de réalité correspond ce décompte de 10.000 soldats : il faut envisager la possibilité que l’auteur de la lettre ait cherché à impressionner son interlocuteur, ou bien que les scribes qui ont « canonisé » ce texte aient éventuellement trouvé avantage à arrondir, exagérer, ou minimiser le total du nombre de soldats. Quoi qu’il en soit, il n’est donc en tout cas jamais explicitement fait mention, dans nos textes, d’armées de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, comme on en voit dans la documentation du temps des rois de Mari ou dans celle des rois néo-assyriens par exemple. Et l’on ne sait finalement pas avec quels moyens les rois d’Ur sont partis engager tous les lointains combats qu’on a évoqués au début de ce travail. 89

.

Cf. ci-dessus n. 29.

43

Rien n’est par ailleurs disponible sur l’armée en campagne, ni sur la poliorcétique (à l’inverse de ce qu’est la situation pour le temps des rois de Mari), ni sur la stratégie militaire : il s’agit là encore de domaines où le silence des sources est, hélas, quasi complet 90. 8. CONCLUSION On conclura ce travail en faisant remarquer que, pour cette époque d’Ur III, ce sont largement les textes des archives de Girsu qui donnent le plus grand nombre d’informations sur l’armée et les militaires. Si l’on n’est pas abusé par le hasard de la distribution de nos sources et notamment par le fait que nous ne disposons d’aucune archive en provenance de la capitale, il apparaît que cette province de Girsu a joué, dans cette perspective et au sein du royaume, un rôle plus considérable que ses voisines. On remarquera enfin que les éléments qu’on a tenté de brièvement rassembler et décrire ici constituent grosso modo les cadres, hérités de l’époque akkadienne, de ce que l’on verra ensuite continuer à fonctionner jusqu’à la fin de l’époque paléo-babylonienne, au moins en ce qui concerne la façon dont l’armée royale était constituée et hiérarchiquement organisée.

90

.

N’a pas du tout été évoqué ici, faute de temps et de place, le dossier des constructions de grandes murailles défensives, entreprises pour protéger le pays : le bàd ma-da en Š 37 (Frayne 1997, p. 106) et le bàd mar-tu en ŠS 4 (Frayne 1997, p. 290-293), ce dont il est notamment question dans la Correspondance Royale d’Ur (CRU). Il s’agit là pourtant d’une question essentielle et d’un dossier riche en informations pour comprendre le mode d’organisation militaire et les défenses du royaume. Voir à ce sujet Michalowski 1976, Frayne 1997, et en dernier lieu Gasche et al. 2002, p. 542-544, ainsi que Sallaberger 2007, p. 444-449.

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Carte de l’empire des rois d’Ur III

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SAMSÎ-ADDU ET SES SOLDATS

Nele ZIEGLER*

RÉSUMÉ : La longévité de l’empire de Samsî-Addu s’explique en partie par le consensus qu’il a su créer en assurant la protection des faibles, l’intégration des vaincus et des différentes composantes ethniques de la population et la fidélité de son armée. Cette dernière était strictement liée au roi grâce à une habile politique de distribution de terres et de cadeaux et de partage des repas. Dans la correspondance avec ses fils, Samsî-Addu est très soucieux du lien qui grâce aux repas pris en commun avec les troupes vient ainsi se former entre militaires et leurs dirigeants et est conscient de s’assurer ainsi leur soutien. ABSTRACT : Samsi-Addu’s reign was very long thanks partly to the consensus that he was able to produce in his subjects. He protected the oppressed, he integrated the defeated and several ethnic elements into society, he made sure of the army’s loyalty. The army was very strictly linked to the king because of a skilled policy of gifts, land distribution and meals shared with the king. In letters to his sons, Samsi-Addu is conscious of the importance of these meals to strengthen the soldiers’ loyalty towards the king and his officers. MOTS-CLÉS : Samsî-Addu, Yasmah-Addu, Zimri-Lim, Išme-Dagan, Assur, Mari, Šubat-Enlil, Moyen Tigre, Moyen Euphrate, Zagros, Turukkéens, soldats, roi, repas, cadeaux, terres, partage du butin, correspondance, ilkum, têbibtum. KEY WORDS : Samsî-Addu, Yasmah-Addu, Zimri-Lim, Išme-Dagan, Assur, Mari, Šubat-Enlil, Middle Euphrate, Zagros, Turukkeans, soldiers, king, meal, gifts, sharing of booty , letters, ilkum, tebibtum.

Au XVIIIe siècle av. J.-C., après avoir conquis Aššur, Samsî-Addu réussit à constituer un vaste empire qui s’étendait entre les rives du Moyen Tigre et celles du Moyen Euphrate 1. Cet ensemble politique très vaste nous est connu grâce à de nombreuses sources textuelles 2, provenant notamment des fouilles de Mari (Tell Hariri), Tuttul (Tell Bi’a) et Tell Chagar Bazar en Syrie, ainsi que de Šušarrâ (Tell Shemshara) dans le Kurdistan irakien. Cet empire fut dirigé, sous l’égide de Samsî-Addu qui s’installa au centre de l’empire à Šubat-Enlil (Tell Leilan), par de hauts administrateurs 3, mais également ses deux fils, qui prirent le titre de « roi », sous la tutelle de leur père, « grand roi » . L’aîné Išme-Dagan, dirigea les contrées orientales de l’empire et était l’héritier désigné, tandis que le plus jeune, Yasmah-Addu, règna depuis Mari sur la partie occidentale du royaume. Les listes royales assyriennes créditent Samsî-Addu de 33 années de règne après la prise d’Aššur, mais les sources écrites sont inégalement réparties : elles sont de plus en plus abondantes au fur et à mesure, livrant de très nombreux détails pour les huit dernières années. La relative longévité de cette construction politique inédite reposait sur de nombreux éléments, notamment sur une organisation astucieuse du territoire, une intégration ou une élimination des élites régionales et une capacité militaire bien employée. Dans le cadre de ce colloque sur les armées 4, c’est ce dernier aspect qui retiendra notre attention. * 1 . 2

. . 4 . 3

CNRS, UMR 7192 Proche Orient, Caucase, Iran : diversités et continuités, Paris. Pour l’histoire de l’empire de Samsî-Addu, cf. Charpin & Ziegler 2003, p. 75-168, qui donne la bibliographie des travaux antérieurs. Voir pour les sources Charpin & Ziegler 2003, p. 8-27. Voir Villard 2001. Pour l’armée et la guerre dans les sources de Mari, cf. Durand 1998, p. 7-416. Pour les effectifs des troupes, voir Abrahami 1992. J’ai par ailleurs présenté une synthèse sur les aspects économiques des guerres de Samsî-Addu (Ziegler 2000) et sur les désignations des composantes d’une armée (Ziegler 1997). Pour une synthèse plus générale sur guerre et armée à l’époque paléobabylonienne voir Charpin 2004 à compléter sur certains points par Charpin (sous presse).

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Dans cette étude je voudrais m’attacher particulièrement aux soldats et à la relation que le « grand roi » voulut établir entre eux et leurs dirigeants. Samsî-Addu avait un grand charisme comme « meneur d’hommes » , un fait que nous percevons encore aujourd’hui à travers sa correspondance. Je voudrais donc souligner quelques éléments qui pourraient montrer la proximité que Samsî-Addu chercha à établir entre lui et ses troupes. Cette proximité me semble être mise en évidence dans l’affectation des soldats, et – de manière particulièrement efficace – , dans les repas que les rois prenaient avec leurs troupes et dans les cadeaux qui leur étaient donnés. On verra pour terminer le souci qu’avait Samsî-Addu des plus faibles, au moment du partage du butin ou lors du retour des soldats à la fin d’une campagne militaire. La mise en évidence de ces procédés permettra de dégager, à travers ce comportement, une idéologie particulière. 1. LA CONSTITUTION DES TROUPES Comme d’usage partout en Mésopotamie, les soldats de l’armée de Samsî-Addu recevaient du roi des terres en échange desquelles ils devaient remplir un service-ilkum, qui était pour eux de nature militaire 5. Après plusieurs années, de nombreuses guerres ou des épidémies, le gouvernement avait besoin de vérifier l’état des effectifs. À cette occasion, il vérifiait les listes d’enrôlement et redistribuait les terres des soldats décédés. Cette procédure s’appelait têbibtum, terme que nous pouvons traduire par « recensement » 6. Lors du recensement, et manifestement seulement à cette occasion, les affectations des soldats pouvaient changer 7. Nous savons que le contrôle des nomades était à cette occasion particulièrement délicat, et Samsî-Addu savait alors s’adapter aux conditions politiques. Lorsqu’on recrutait, on évitait les mélanges d’hommes dans une unité, qui auraient risqué de provoquer des conflits ; on respectait donc les appartenances ethniques, comme le montrent plusieurs textes bien connus 8. Mais à côté des considérations ethniques, même des aspects sociaux pouvaient être pris en compte. Lorsque les plus pauvres étaient dépourvus de tout, il pouvait arriver qu’on les exempte de service militaire, comme le montre cette lettre adressée à Yasmah-Addu 9 : « Comme mon seigneur me l’a dit, je passerai la troupe en revue et ceux qui n’ont pas de champ, de maison, de bovins ni d’ovins, je les ferai sortir (de la troupe) ; et ceux qui sont riches et forts, je (les) ferai entrer en remplacement afin que le faible ne soit pas lésé. » Dans d’autres cas, la distinction entre riches et pauvres conduisait à pourvoir immédiatement ces derniers. Dans une lettre Samsî-Addu explicita son raisonnement lors du recrutement de gardes parmi une population nomade du royaume. Il écrivit à son fils Yasmah-Addu 10 : « Prends parmi les nomades que tu vas recenser une troupe de 400 soldats de bonne qualité pour se tenir à la porte de mon palais. Au sein de cette troupe, 200 hommes, (soit) une section, doivent consister en fils de bonne famille et 200 hommes, (soit) une section, doivent consister en jeunes gens pauvres. Seront-ils dans le besoin ? Les jeunes gens pauvres, je les pourvoirai moi-même bien sur (les ressources) du palais alors que les fils de bonne famille se procureront tout sur les (ressources) de la maison de leurs pères. » L’idée de Samsî-Addu est simple : les gens pauvres lui seront dévoués grâce aux avantages matériels qu’il leur procurera, tandis que les nobles ne dépendent pas – corps et âmes – de leur maître. L’état d’esprit de cette troupe de soldats démunis, que recherche Samsî-Addu manifestement, est une fidélité accrue. La lettre citée ne constitue pas une exception. En témoigne cette lettre du général Mut-Bisir 11 : « Avant mon départ j’ai recruté une troupe à Mari. J’ai fait inscrire nominalement 71 hommes pauvres et j’ai donné (la liste) à Šamaš-magir. »

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Pour le service-ilkum, voir la bibliographie rassemblée dans Lafont 1998 et Stol 2004, p. 747-748 et p. 783 sq. Voir Charpin & Ziegler 2003, p. 127-130 pour le recensement à l’époque de Samsî-Addu, et p. 205 pour celui qui eut lieu sous Zimrî-Lîm. Inéd. M. 5125 : 6-10 « (NP) fait son service [dans] la troupe d’élite (ki‫܈‬rum) du roi. Tant qu’il n’y aura pas de recensement (têbibtum), il ne sera pas possible de le faire muter [de] la troupe d’élite du roi. » Par exemple ARM I 42 (= LAPO 17 448). Inéd. A. 832 : 16-25. ARM II 1 (= LAPO 17 645) : 10-23. Inéd. A. 2378 : 4-11.

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2. LES REPAS DES TROUPES Il est actuellement impossible de calculer le nombre d’hommes sur lesquels Samsî-Addu pouvait compter lors de ses campagnes militaires, ou pour les taches de défense ou de police à l’intérieur de son empire : ce n’était pas à Mari qu’on centralisait ce genre de renseignements, mais vraisemblablement à Šubat-Enlil. Il s’agissait en tout cas de plusieurs dizaines de milliers d’hommes. Évidemment, un lien direct entre ces hommes et Samsî-Addu n’était guère possible. Tel était néanmoins l’idéal du « grand roi » . Dans une lettre, il recommande à son fils Yasmah-Addu de s’attacher avant tout la fidélité personnelle de ses troupes suite à des dons ciblés, pour améliorer le quotidien des hommes 12 : « Là où tu es, tes assises ne sont pas [fermes]! Il n’y a pas d’armée pour assurer la défense de Mari. Au lieu d’ouvrir les jarres et de dépenser de l’argent, don[ne satisfaction] aux soldats, citoyens [du pays, qui vont venir] à Mari [et qui assurent la défense de la ville]. Ceux qui [ne peuvent pas faire] de culture, n’ayant pas de bœufs, ceux qui n’ont pas de farine, de laine, d’huile ou de […, pourvois-les en] bien ; [installe-les] à tes côtés, pour qu’ils assurent ta défense et affermis (ainsi) les assises de Mari. » On voit donc comment Yasmah-Addu était prié d’être attentif aux besoins de ses soldats. Samsî-Addu savait à quel point de petits gestes ponctuels pouvaient avoir un grand effet. Il ajoute 13 : « Qu’ils soient sans cesse conviés au repas en ta présence. Ne leur fais point prendre un repas ridicule, mais qu’ils en aient sans cesse un surabondant ! » Nous avons un aperçu sur les convives de Yasmah-Addu aux repas grâce à un lot de vingt et un textes s’étalant sur environ un mois 14. Les commensaux sont énumérés par groupes, et leur nombre varie entre 110 et 562 mais se situe la plupart du temps entre 180 et 280 15, dont une bonne partie de militaires. On pourrait, à titre d’exemple, comparer deux textes de ce lot : Lafont 1985, n° 4 « 110 soldats (aga-ús) ; 9 nobles ; 120 homme de la section de Mênihum. Total : 239 hommes, qui ont pris le repas sur la rive opposée dans le village du roi. Date : 24-viii-Ikuppiya. » Lafont 1985, n° 17 « 12 capitaines (gal-ku5) ; 16 lieutenants (nu-banda3) ; 25 nobles ; 188 gardes ; 4 Suhéens ; 76 Élamites ; 21 courriers ; 25 porteurs de palanquin ; [24] serviteurs des appartements (ša temmenim) ; 22 porteurs de piques ; 26 barbiers ; 8 supplétifs ; 80 Šinaméens ; 10 échansons ; 10 serviteurs-sâlihum 16 ; 15 Élamites. Total : 562 hommes par qui on doit faire accompagner le roi dans le village. » Selon le premier texte (n° 4), 239 personnes, appartenant presque toutes à des unités militaires, ont participé à un banquet avec le roi. Le deuxième document (n° 17) comptabilise le plus grand nombre de convives attesté par ce lot de textes, 562, dont une partie était formée de militaires : les capitaines, les lieutenants, les gardes, les porteurs de piques, les Šinaméens, les Élamites étaient des soldats, tandis que l’autre partie était formée par des serviteurs du roi, comme les porteurs du palanquin, les courriers et les échansons. Ce qui est intéressant, tant pour les textes des repas du roi Yasmah-Addu, que pour ceux de l’époque de Zimrî-Lîm, est qu’on n’a pas chaque jour un nombre relativement homogène de commensaux. Il me semble donc qu’on peut distinguer, parmi ces convives, d’une part une sorte de « noyau dur » , et d’autre part des invités occasionnels. Le « noyau dur » est constitué par la garde rapprochée du roi et ses serviteurs, qui l’accompagnaient dans tous ses déplacements. Les invités occasionnels étaient selon les jours plus ou moins nombreux. Comme exemple d’invités occasionnels, on relève cette « section de Mênihum » du texte n° 4 17. 12

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ARM I 52 (= LAPO 16 1) : 12-31. Suite de ARM I 52 (= LAPO 16 1) : 32-35. Lafont 1985. Les dates s’étalent entre le 17-viii* et le 20+-ix*-Ikuppiya. Les textes énumèrent des nombres de participants par groupes. Les n° 2, 4 et 9 mentionnent explicitement le repas et les textes n° 2, 3, 12 et 20 distinguent les deux dignités des convives au banquet « assis sur une chaise » et « accroupi » . Voir simplement le tableau de Lafont 1985, p. 165. Le texte n° 9, appartenant au lot mentionne seulement vingtsix personnes « entrées à ৡuprum » . S’il s’agit d’un texte implicite sur les convives, il s’agirait du repas le plus intime que Yasmah-Addu aurait pris alors. Voir Lafont 1985, p. 163 « irrigateur » et Durand 1988, p. 338-339 n. 20 « jardinier, mot à mot “arroseur” » . Dans ce contexte, je propose de l’identifier avec un « serviteur qui asperge le sol » selon la coutume du Proche-Orient qui permet de rafraîchir une pièce et d’éviter la poussière. Mênihum pourrait être le même que le Sim’alite Yumahammu de l’époque de Zimrî-Lîm.

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Ainsi, à tour de rôle, un grand nombre de personnes aurait pu prendre un repas en présence du roi et le voir au moins de loin, et on peut s’imaginer l’impact psychologique d’une telle présence. Dans une lettre malheureusement mal conservée, Samsî-Addu fut encore plus explicite sur le lien qui se créait lors de tels repas. Yasmah-Addu était manifestement en campagne, et stationné à l’est du royaume, proche des bords du Tigre. Dans une première partie du texte, le roi dit qu’il faut donner des repas réguliers ; il livre des indications précises quant aux montants de nourriture qu’on devra fournir aux soldats – et concernant lesquels on ne doit en aucun cas lésiner. Il poursuit en ces termes 18 : « Que cette troupe de 300 hommes prenne régulièrement ses repas en ta présence. Lorsque cette troupe sera relevée de son service, – ayant servi de troupe-pihrum – que la troupe prenne son repas en fin d’après-midi. Lorsque cette troupe prendra son repas, tiens-toi présent devant eux ! [Mu]balsaga [doit ven]ir devant toi. Il doit veiller aux repas de la troupe. [Si] Mubalsaga a un déficit, qu’il écrive ici afin qu’on lui donne ce dont il manque à […]. Lorsque tu auras régulièrement fait prendre à la troupe ses repas, ils se sentiront proche de toi. Ils prendront tes problèmes à cœur et ils diront ceci: “[Puis]que notre seigneur [doit partir] en expédition, […]”. » Être physiquement proche du roi signifiait d’abord pour les soldats « manger à sa faim » . Les soldats d’une garnison se plaignirent de leur éloignement devant leur général 19 : « Nous ne sommes pas proches de notre seigneur (= Yasmah-Addu). Pendant deux ou trois jours, allons-nous ne pas manger ? Pourquoi ne nous pourvoie-t-il pas ici comme nos collègues ? » Le général propose alors à Yasmah-Addu de permettre qu’on égorge soit des moutons, soit un bœuf pour nourrir ses hommes. Je citerai comme élément supplémentaire aussi deux textes de Chagar Bazar selon lesquels l’activité du recensement se termina par d’énormes banquets 20. Le premier, évoqué par OBTCB 19, réunit 2770 hommes du district de Qirdahat avec les plus hauts généraux, Išar-Lîm et Sîn-tîrî ; selon OBTCB 50 le second réunit Yasmah-Addu avec les 3250 nomades mobilisables. Pour conclure : les repas entre le roi et ses soldats étaient une habitude bien ancrée dans les usages de cette époque, et également commun dans les autres royaumes et à d’autres époques 21. Mais Samsî-Addu est le seul à en expliciter l’importance émotionnelle, et à en souligner les avantages : c’est tout l’intérêt des lettres qu’il adressa à son fils Yasmah-Addu. 3. LES CADEAUX Par ailleurs, il était d’usage non seulement d’offrir un repas, mais également de faire des cadeaux, qui reflétaient par leur importance le rang hiérarchique des personnes 22. Un haut fonctionnaire de Yasmah-Addu fit croire à ce dernier qu’Išme-Dagan était bien plus généreux envers ses hommes qu’il ne l’était lui-même 23 : « Beaucoup de cadeaux vont à la troupe d’Išme-Dagan et aux troupes des Bor[ds du Tig]re. Išme-Dagan a fait porter des pendentifs-tillû à sa troupe. Mais mon seigneur n’a pas fait porter de pendentifs-tillû à sa troupe. » Probablement à un autre moment, Išme-Dagan renseigna son frère sur les cadeaux qu’il avait l’habitude de donner 24 : « Tu m’as écrit au sujet des dons d’habits [pour] les serviteurs. [Ic]i, j’ai pris l’habitude de donner [des cadeaux] aux [génér]aux, aux chefs de sec[tion], aux chefs de localités (sugâgum) et aux membres des sections (ummat 18

. . 20 . 21 . 19

22

.

23

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24

Inéd. A. 4265 : 23-42. La traduction est encore préliminaire vu les cassures du texte. Inéd. A. 1160 : 6-10. Pour cela voir Charpin & Ziegler 2003, p. 129-130. À titre d’exemple : deux inscriptions royales de Sargon d’Akkad, copies de l’époque paléo-babylonienne, mentionnent le nombre de ses soldats convives RIME 2.1.1.11 : 29-37 et RIME 2.1.1.12 : 22’-30’. Le thème des « repas du roi avec ses soldats » était peut-être populaire au point d’être caricaturé dans un texte littéraire paléo-assyrien, trouvé à Kaneš : Sargon y mange tous les jours avec 7000 héros et d’autres serviteurs par milliers. Pour ce texte et ses différentes interprétations voir la bibliographie apud Dercksen 2005. Pour le topos du repas Cavigneaux 2005, p. 599. Concernant les cadeaux pour des soldats, le texte le plus extraordinaire me semble être A. 486+, publié dans Villard 1992, qui fournit la liste des cadeaux que le roi de Babylone fit à des soldats mariotes. Ensuite, nous avons de nombreux textes économiques qui énumèrent les cadeaux faits en textiles, bijoux ou armes ou des lettres dans lesquels on réclame de tels dons. Inéd. A. 2450 : 4-10. ARM IV 74 (= LAPO 17 541) : 17-39.

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persim), qui se sont rencontrés avec moi. J’ai offert [aux génér]aux un anneau en or de 10 sicles [et un disque solaire en o]r de 5 sicles, — [aux chefs] de section un anneau en arge]nt de 5 sicles [et aussi des vêtements]. — J’ai vêtu les chefs de localités et les membres des sections (ummat persim) avec des vêtements. Je n’ai pas fait de tels cadeaux à ceux qui ne sont pas venus me voir. Si tu as les moyens, fais de tels cadeaux à ceux qui se trouvent devant toi. (Mais) pourquoi ferais-tu apporter (quoi que ce soit) à quelqu’un qui ne se trouve pas auprès de toi ? » Išme-Dagan spécifie le fait qu’il a habitude de faire de tels cadeaux seulement lors de rencontres personnelles, sans doute au cours d’un banquet. Le lien tissé à cette occasion y est encore une fois explicité. Ce même lien est également évoqué par un général, qui relate à Yasmah-Addu les plaintes d’une garnison stationnée dans le Suhûm 25 : « Les chefs de section, serviteurs de mon seigneur, qui se trouvent à Yabliya se plaignent tous en ces termes : “Depuis que nous ne voyons plus la face de notre seigneur, nos frères, les chefs de sections des troupes-pihrum et ceux de devant notre seigneur ont déjà reçu une ou deux fois des cadeaux, (mais) nous n’avons pas été pourvus !” Leur cœur est triste. Que mon seigneur les pourvoie. » 4. LA PROTECTION DES FAIBLES Le souci de la justice était considéré dans le Proche-Orient ancien comme une des obligations primordiales des rois 26. Samsî-Addu n’a pas laissé de Code comme son voisin Hammu-rabi de Babylone, mais sa correspondance montre de plusieurs façons le souci qu’il eut des plus faibles, en particulier à l’égard de ses soldats. 4.1. Le partage du butin Une importante source de revenu pour les soldats des armées victorieuses était constituée par le butin. Les textes que nous avons montrent généralement la part qui revenait au palais, et non celle qui était octroyée aux simples soldats. Dans ce contexte, la lettre ARM II 13 reste une des sources les plus précieuses. Le général Samâd-ahum y explique à Yasmah-Addu qu’il n’avait pas pu procurer un butin plus consistant au roi, puisque lui-même n’avait pas reçu sa part, suite à l’avidité des chefs militaires et malgré un tirage au sort des parts du butin 27 : « Alors que les chefs de section, en augmentant leurs propres parts, ne m’avaient rien donné à moi-même, le 5e jour, ils me procurèrent six esclaves appartenant à des soldats. Je les rendis à leurs propriétaires. » Samâd-ahum montre son désaccord profond avec le comportement des gradés. Spolier des soldats était ressenti comme très grave. Il le fit savoir et décrète 28 : « Quoique vous ne m’ayez pas donné ma part selon le protocole fixé par mon seigneur, (je rappelle) qu’a “mangé” le serment d’obéissance à l’égard de Dagan et d’Itûr-Mêr ainsi que de Samsî-Addu et de YasmahAddu, tout général, scribe militaire, chef de section et lieutenant, qui aura spolié le butin (reçu par) un soldat. » L’affaire arriva même chez Samsî-Addu, qui fit proclamer dans le même sens 29 : « Celui parmi mes serviteurs qui aura (re)pris le butin d’un soldat, aura enfreint le serment d’obéissance à mon égard. » 4.2. La clémence Un des buts de la politique de Samsî-Addu était manifestement de donner aux soldats, mais aussi au reste de ses sujets, le sentiment qu’ils étaient protégés contre les agissements des plus puissants, comme le montre l’exemple précédent. De très nombreuses lettres montrent que des particuliers de tout l’empire allaient à Šubat-Enlil en audience chez le grand roi et pouvaient obtenir un arbitrage en leur faveur. Souvent, ces gens étaient victimes d’injustices, des aléas d’un sort difficile, par exemple suite aux déportations, ou à des calomnies. 25

. . 27 . 28 . 29 . 26

Inéd. A. 776 : 5-18. Charpin 2004, p. 305. ARM II 13 (= LAPO 17 457) : 16-22. ARM II 13 (= LAPO 17 457) : 25-30. ARM II 13 (= LAPO 17 457) : 35-36.

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Quelquefois, les décisions de Samsî-Addu nous semblent dictées, non par son sentiment de la justice, mais purement et simplement par de la pitié. Ainsi, lorsque fatigués d’avoir passé plusieurs années à Qa৬na, les soldats commencèrent à se mutiner ou à déserter, Samsî-Addu décréta qu’il ne fallait pas les punir ni les livrer aux autorités 30 : ce faisant, il allait à contre courant de la discipline militaire, que d’autres responsables réclamaient à cette occasion. Il s’agissait avant tout d’un calcul politique : cette clémence royale cherchait à impressionner favorablement la population concernée. De même qu’il put être clément envers une mutinerie, Samsî-Addu put approuver la générosité de son fils envers une ville rebelle vaincue en expliquant 31 : « Tu les as apaisés et leur as laissé leur liberté. Cette action de toi est en tout point excellente : cela vaut 10 talents d’or ! » Et, pour souligner à quel point cette clémence occasionnelle était en accord avec sa propre façon de voir, il cite une lettre antérieure, qu’il avait envoyée à son fils. Selon cette lettre, il fallait bien traiter les informateurs et captifs pris dans cette région révoltée. La nouvelle de ce bon traitement se répandrait alors et, conclut Samsî-Addu 32 : « Lorsque [tu mon]teras vers ce pays-là, il passera tout entier [de ton côté] comme un seul homme. » 5. CONCLUSION La longévité de l’empire de Samsî-Addu, qui se maintint pendant plusieurs dizaines d’années sur des vastes territoires, peut trouver de très nombreuses explications. Il me paraît sûr, cependant, que Samsî-Addu a essayé d’imposer son pouvoir non seulement par la force, – mais également par une sorte de « soutien populaire » – obtenu concrètement grâce à l’intégration des vaincus et la recherche de popularité auprès de ses troupes. Un des éléments de cette politique était la volonté manifeste de ne pas établir un gouvernement ethnique, qui aurait abouti à la domination d’une seule ethnie ou tribu. De ce fait, il se distingue de rois comme Yahdun-Lîm et Zimrî-Lîm, qui étaient « roi des Sim’alites » . Parmi les plus hauts fonctionnaires de l’empire de Samsî-Addu – pour lesquels on peut déduire l’appartenance ethnique – on ne trouve pas seulement des membres des tribus yaminites mais également des Sim’alites, et vraisemblablement d’autres ethnies encore. Cette ouverture ne vaut pas uniquement pour les élites : elle se manifeste aussi dans le traitement des populations intégrées à l’empire. On n’y voit pas la volonté d’établir une société à deux degrés, constituée de vainqueurs gouvernants et de vaincus. Même s’il est certain que très fréquemment des gens furent déportés et durent recommencer leur vie, la volonté étatique était qu’ils soient bien installés, pourvus de terres, de positions et probablement avec la même hiérarchie sociale que dans leur patrie d’origine. Pour l’armée, nous pouvons voir à quel point Samsî-Addu fit confiance aux troupes constituées de gens dont les villes avaient été conquises peu auparavant. Plus haut, j’ai mentionné la garde Šinaméenne 33 de Yasmah-Addu. Le cas le plus net est celui de la troupe du Nurrugûm, forte de 2000 hommes et qui fut employée seulement un an après la chute du royaume de Nurrugûm et le massacre d’un grand nombre des habitants mâles 34. Samsî-Addu était confiant dans ce mode de gouvernement. Peut-être trop. Lorsqu’il voulut utiliser des troupes constituées de Turukkéens, originaires du Zagros, en les installant dans le centre de son royaume, ceux-ci se révoltèrent et – puisqu’ils étaient armés – constituèrent une menace sérieuse 35. Peu à peu l’ensemble s’effrita et quelques mois après la mort du grand roi l’empire, déjà rongé par les assaillants, s’écroula.

30

. . 32 . 33 . 34 . 35 . 31

ARM I 13 (= LAPO 17 454). ARM I 10 (= LAPO 17 475) : 7-9. ARM I 10 (= LAPO 17 475) : 23-25. Originaire de Šinamum sur le Haut Tigre, cf. Ziegler 1999, p. 494-495. ARM I 90 (= LAPO 17 497) et le commentaire dans Charpin & Ziegler 2003, p. 99. Voir pour les sources Charpin & Ziegler 2003, p. 8-27.

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LE CHAR DE GUERRE EN SYRIE ET PALESTINE AU BRONZE RÉCENT

Juan-Pablo VITA*

RÉSUMÉ : Le char de guerre a été l’élément déterminant et novateur des armées du Proche-Orient et de l’Egypte anciens au cours du IIe millénaire av. J.-C . En particulier tout au long de la seconde moitié de cette période où il constitua le noyau des armées et qui vit aussi les progrès techniques dans sa construction se diffuser très rapidement dans tout le Proche-Orient ancien. Le travail que nous présentons a pour but d’une part d’offrir une vision générale du rôle du char dans les armées de la Syrie-Palestine du Bronze Récent (distribution géographique, missions assurées durant la guerre et en temps de paix, structure des unités opérationnelles, officiers en poste). Les principales sources disponibles (archives d’Ougarit, d’Alalah, d’Emar et d’Amarna, les sources iconographiques, et les données archéologiques), sont également interrogées sur les aspects techniques liés au processus de fabrication et sur la question du système de stockage. ABSTRACT : The war chariot was the novel and decisive element of the armies of the Ancient Near East and Egypt in the 2nd millennium B.C. Throughout the second half of this millennium, the war chariot was the nucleus of the armies while technical progress in its construction quickly spread around the whole of the Ancient Near East. This paper seeks to provide a general vision of the role played by this weapon within the armies of Syria-Palestine in the Late Bronze Age. Accordingly, the main sources available are analysed (archives of Ugarit, Alalah, Emar and Amarna, iconographic sources, archaeological items), as well as information provided by them regarding the process of manufacture of the chariot, the storage system, the structure of the chariot units, officers in charge of this weapon, the geo-strategic distribution of the chariot as well as its role both in war and in times of peace. MOTS-CLÉS : Char de guerre, Syrie-Palestine, Bronze Récent, narkabtu KEY WORDS : War chariot, Syria-Palestine, Late Bronze Age, narkabtu, 1. PRÉSENTATION DU SUJET Le recours au char de guerre a représenté l’élément déterminant et novateur des armées du ProcheOrient et de l’Égypte anciens au cours du IIe millénaire av. J.-C (Fig. 1). La seconde moitié de ce millénaire vit l’apogée de cette arme rapide, légère et maniable, qui pouvait être décisive dans les batailles en rase campagne. Cette période fut celle où le char constitua le noyau des armées et où les progrès techniques dans sa construction se diffusèrent très rapidement dans tout le Proche-Orient. Pour toutes ces raisons, divers auteurs supposent durant cette période l’existence dans tout le Proche-Orient d’une véritable koiné technologique du char de guerre 1. Au cours des dernières décennies, de nombreuses études ont été consacrées au char de guerre tant du point de vue archéologique qu’à partir des sources textuelles. Certaines ont un caractère général embrassant différentes périodes historiques et zones géographiques 2. D’autres, en revanche, se sont plus particulièrement intéressées à une époque ou à une région notamment le ঩atti 3, Nuzi 4, Ougarit 5 ou l’Assyrie 6.

*. 1 . 2 . 3

. . 5 . 6 . 4

CSIC - IEIOP, Zaragoza. Nagel 1966, p. 40 ; Zaccagnini 1977, p. 28 ; Farber 1976-1980, p. 338. Nagel 1966 ; Farber 1976-1980 ; Littauer–Crouwel 1976-1980 ; Littauer–Crouwel 1979 ; Moorey 1986 ; Drews 1993 ; Richter 2004. Sans oublier les travaux déjà classiques tels que Cassin 1968 et Garelli 1968. Beal 1992. Kendall 1975 ; Zaccagnini 1977. Vita 1995. Mayer 1995.

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La zone géographico-culturelle de la Syrie-Palestine, notamment à l’époque du Bronze Récent, a reçu habituellement dans ces travaux une attention marginale, à l’exception toutefois d’Ougarit et de l’étude de M.-G. Amadasi sur les aspects iconographiques du char de guerre en Syrie et en Palestine 7. Les lignes qui suivent ont donc pour but d’offrir une vision globale de l’information qu’offrent sur le char de guerre, les principales archives syro-palestiniennes du Bronze Récent, en tenant également compte, dans la mesure du possible, de l’information archéologique et iconographique. Les points traités dans la présente étude seront : les sources (§ 2), la fabrication et les matériaux (§ 3), le stockage (§ 4), les officiers et les unités opérationnelles (§ 5), la distribution géostratégique du char (§ 6), le char durant la guerre et en temps de paix (§ 7) 8. Cette riche documentation nécessitera d’être intégrée dans le cadre de toute future synthèse sur le char de guerre dans le Proche-Orient ancien. 2. LES SOURCES L’information textuelle la plus importante pour l’étude du char de guerre dans le Proche-Orient ancien, à l’époque du Bronze Récent, est issue de lettres et de documents de la pratique juridico-administrative provenant de Nippur, Nuzi, Alalaপ (IV), Amarna et Ougarit 9. On remarquera qu’au moins trois de ces archives viennent de Syrie-Palestine. À l’heure actuelle, il faut également tenir compte des renseignements qu’offrent sur certains aspects particuliers les textes d’Emar 10 et, plus récemment, ceux de Qa৬na 11. Certes, les textes syro-palestiniens ne reflètent pas l’ensemble des progrès techniques qui eurent lieu à ce moment-là, mais ils contiennent néanmoins des informations d’une grande valeur historique et philologique sur des questions très variées (parties du char, équipage, attelage, armement, fabrication, entretien, stockage, distribution stratégique des chars sur le territoire ou encore organisation tactique des chars dans le cadre des armées). Ces documents font également apparaître le rôle social important que jouait le char de guerre dans les sociétés syro-palestiniennes de cette période. Les sources textuelles sont complétées, pour une bonne part, par les représentations de chars sur des objets artistiques et dans les scènes de sceaux-cylindres 12, ainsi que par les découvertes archéologiques d’éléments de chars. La scène la plus importante où est représenté un char de guerre est peut-être la justement célèbre « patère de la chasse » découverte à Ras Shamra-Ougarit 13 (Fig. 2). Une douzaine et demie environ de sceaux-cylindres découverts à Ras Shamra et à Minet el Beida 14, ainsi que quelques sceaux d’Alalaপ 15 et d’Emar 16, illustrent – de façon inégale et schématique, mais toujours très utile – différents aspects matériels du char. Ras Shamra a également permis de mettre en évidence certains éléments de chars 17. D’autres sources d’informations importantes sur le char syro-palestinien sont fournies par des découvertes archéologiques de chars dans des tombes égyptiennes, ainsi que par des représentations figurées égyptiennes sur des peintures murales et des reliefs, qui montrent des chars aussi bien égyptiens que levantins 18.

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. . 12 . 13 . 14 . 15 . 11

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Amadasi 1965. Une prochaine étude sera spécifiquement consacrée aux conducteurs de chars et aux chevaux. Farber 1976-1980, p. 338. Vita 2002. Richter 2004, p. 507 et p. 511. Voir en général sur cette question Mayer-Opificius 2006. Calvet 2004. Amiet 1992, p. 129-136 ; Yon 1995, p. 441 fig. 8; Schaeffer 1983, pl. 16. Collon 1982, p. 129 nº 118. Ce sceau, dont les meilleurs parallèles stylistiques datent du XIIIe s. av. J.-C., pose une série de problèmes que Collon (1982, p. 130) résume de la façon suivante : « there are seven spokes to the wheel, the box of the chariot seems to drag along the ground, the garments are rendered as if they were not clearly understood and the seated figure and spear underneath the horse do not make sense » , ce qui amènerait à penser qu’il s’agit de « an inept copy of a well-known subject ». Alalaপ a fourni au moins, un autre exemple de sceau-cylindre, datable du XVIIIe s. av. J.-C., sur lequel figure la représentation d’un char cf. Collon 1982, p. 51 nº 17. Beyer 2001, p. 251, p. 264-266, p. 368-370. Selon Beyer (2001, p. 248), les sceaux F 22 et F 23 appartiennent au groupe dont le « style ou certains éléments iconographiques permettent de (les) classer dans la production syrienne » et qui présentent « le décor le plus fin, le plus fouillé de toute la documentation émariote. On sera attentif au fait que la hauteur de chacun des registres n’atteint pas 1 cm ». Caubet 1990 ; Caubet & Yon 2001. Littauer–Crouwel 1979, p. 75-76 ; Littauer & Crouwel 1985 ; Littauer & Crouwel 1979, p. 76 : « The various [Egyptian] sources demonstrate clearly that the chariot was not developed independently in Egypt, but was introduced there, as was the horse, from the Levant, possibly in the XVIIth earlier XVIth century B.C. ».

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3. FABRICATION ET MATÉRIAUX La langue akkadienne dispose de différents termes pour désigner le char, qu’il soit à deux ou quatre roues 19. En certaines occasions, cette terminologie n’est pas univoque ; le terme le plus habituel pour « char de guerre » , narkabtu (GIŠ.GIGIR), était également employé en relation avec d’autres types de chars ayant une fonction, par exemple, cultuelle. Toutefois, les contextes sont d’ordinaire suffisamment explicites et permettent d’éviter les confusions. Le terme akkadien narkabtu est également couramment utilisé dans les textes syropalestiniens pour désigner le char de guerre. Les textes en langue ougaritique ont recours en revanche au mot sémitique local mrkbt, vocalisé *markabtu dans un texte syllabique 20. Divers documents administratifs d’Alalaপ et d’Ougarit montrent que les artisans chargés de la fabrication de chars étaient, de même que d’autres corps de métiers, intégrés dans et contrôlés par l’administration centrale de leurs royaumes respectifs. Trois textes administratifs d’Alalaপ IV (AlT 220 21, 422 22, 425 23) ont trait à des artisans de chars (LÚ.MEŠ NAGAR.MEŠ GIŠ.GIGIR.MEŠ) 24. Les trois documents portent le sceau d’Irkabtu, commandant en chef des armées lors du règne de Niqmepa et, très probablement chargé de contrôler le produit final livré par ces artisans 25. Un autre document administratif montre que des menuisiers se consacrant à la confection de produits tels que des tables (LÚ.MEŠ NAGAR ša BANŠUR), pouvaient être assignés, à un moment donné, à la fabrication de chars 26. À Ougarit également, différents documents mentionnent des artisans de chars (‫ۊ‬rš mrkbt = *‫ۊ‬arašnj markabti 27, LÚ.NAGAR GIŠ.GIGIR 28 = *naggƗr narkabti). Un document administratif en langue ougaritique (RS 15.035 = 4.145) montre qu’à Ougarit, la supervision des réparations des chars étaient à la charge d’un « chef des artisans » (l. 9 : rb ‫ۊ‬ršm). Deux documents administratifs d’Alalaপ (AlT 227 et 425) illustrent le fait que ces artisans pouvaient fabriquer une grande variété de chars du type narkabtu. AlT 425, qui dresse la liste des chars assignés à des menuisiers 29, enregistre onze chars décrits par des termes hourrites ; deux chars reçoivent le qualificatif, par exemple, de šešatup‫ې‬e aratiyanni « avec des roues à six rayons » 30. Grâce à l’archéologie nous disposons en Syrie-Palestine, de quelques exemples tangibles du travail de ces artisans. À Ras Shamra-Ougarit, par exemple, ont été découvertes des pièces appartenant au joug, des embouts en ivoire et en albâtre, ainsi qu’une vingtaine environ de pommeaux d’albâtre 31 qui servaient « à maintenir sur les fourchons de garrot les liens qui attachent

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Farber 1976-1980, p. 337; Richter 2004, p. 507-508. Cf. mar-kab-te dans RS 16.249 : 28 ; Vita 1995, p. 40 ; del Olmo & Sanmartín 2003, p. 575. Wiseman 1953, p. 78 ; von Dassow 2002, p. 896-897. Wiseman 1953, p. 109 ; Wiseman 1954, p. 30. Wiseman 1953, p. 109-110 et pl. 42 ; von Dassow 1997, p. 323-324. Au sujet de AlT 220, 422 et 425 voir, en général, les études de von Dassow 1997, p. 322-324 et p. 357-363 ; von Dassow 2002, p. 896-897, sur lesquelles nous nous appuyons. Aux trois documents AlT 220, 422 et 425, il faudrait ajouter AlT 227 : « The eleven cartwrights and eleven chariots listed in detail in AlT 425 reappear in AlT 227, a text listing numbers of craftsmen and their products, among which are recorded eleven cartwrights and eleven chariots » (von Dassow 1997, p. 324). Ces artisans étaient membres de la classe-e‫ې‬ele, qui comprenait essentiellement des professionnels spécialisés dans différentes fonctions (von Dassow 1997, p. 364-369). Les chars étaient, semble-t-il, employés par les membres de la classe des maryannnj. AlT 221 ; von Dassow 2002, p. 895-897. RS 10.043 : 8 (4.47) ; RS 11.844 : 6.8 (4. 98): RS 15.022+ : III : 20 (4.141) ; RS 15.116 : II : 12 (4.183) ; RS 18.026 : 16 (4.339) ; RS 19.016 : 28 (4.609); RS 25.417 : 9 (4.745). Voir del Olmo-Sanmartín 2003, p. 371 : « cartwright(s) » , p. 576 : « charioteer(s) » ; aussi Heltzer 1979, p. 486 ; Heltzer 1982, p. 87-88 ; Heltzer 1999, p. 450 ; Sanmartín 1995, p. 178 ; Vita 1999, p. 489. Certains textes précisent que les ‫ۊ‬rš mrkbt appartenaient à la catégorie des bnš mlk « hommes du roi » (voir à propos de cette catégorie, Márquez-Rowe 2002) et recevaient des rations du palais, cf. RS 15.022+ (4.141), RS 18.026 (4.339), RS 19.016 (4.609). PRU VI 93 : 13. À la première ligne on lit : ‫ܒ‬up-pí GIŠ.GIGIR.MEŠ a-na LÚ.MEŠ NAGAR ଢap?-pá?ଣ-šu-ú-ša-e-na, voir lecture et commentaire dans von Dassow 1997, p. 323 n. 106. von Dassow 1997, p. 323 n. 107. AlT 227 enregistre neuf chars avec deux autres chars du type ašwani, cf. von Dassow 1997, p. 324 n. 108. Caubet 1990 ; Caubet 1991, p. 265-267. Voir aussi Yon 1997, p. 170-171 ; Yon 2006, p. 160-161 ; Callot 1994, p. 104106.

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les deux colliers au joug » 32. Ces mêmes éléments sont également présents à Alalaপ, ainsi que dans des localités levantines telles que Hazor, Beth Shean, Megiddo, Gezer ou Amman 33. L’albâtre et l’ivoire présents dans les pièces de joug trouvées en Syrie-Palestine, représentent néanmoins des matériaux secondaires. À en juger par les exemples de chars égyptiens conservés 34, c’est le bois – moulé par un procédé de chauffage – , qui garantissant la légèreté et la solidité de la structure, était prédominent 35. Contrairement à la Mésopotamie, le Levant disposait de cette matière première si importante pour la construction des chars. Chaque partie du char était réalisée avec une essence particulière soigneusement choisie 36. C’est ce que suggère un document d’Alalaপ (AlT 422) où est enregistrée la livraison de différents types de bois à des constructeurs de chars 37. Les textes d’Ougarit, en revanche, ne contiennent aucune référence au bois. La pauvreté des renseignements fournis par les textes syriens sur cette question contraste avec les nombreuses mentions relatives au bois de construction pour les chars dans les textes de Nuzi 38 et avec l’attention que les textes mycéniens consacrent aux types de bois destinés à la fabrication des roues 39. Un autre matériau important était le cuir. Utilisé comme revêtement pour le parapet et le plancher de la caisse, le cuir servait aussi à fabriquer les fixations qui assuraient la liaison du timon au parapet et au joug 40. L’utilisation du métal et d’autres matériaux secondaires 41, tels que, par exemple, la laine est aussi documentée 42. À Ougarit, RS 15.079 (= 4.167) est le seul texte administratif qui livre des informations à ce propos. L’or (‫ې‬r‫ )܈‬et un type particulier de cuir (msg d tbk 43) sont mentionnés avec des éléments de char dans des sections différenciées par des traits de séparation où sont énumérées les composantes du char. Le texte concerne sans doute des chars de luxe, peut-être utilisés pour la parade dans la mesure où le véhicule est désigné comme appartenant au roi (cf. ll. 5: mrkbt mlk, et 13-14: d mrkbt mlk). De tels chars sont également mentionnés dans d’autres documents de l’époque tels que : EA 14 une liste d’El-Amarna qui détaille les cadeaux offerts par le roi babylonien Burna-Buriaš ou bien encore les textes égyptiens relatifs aux campagnes de Thoutmosis III et Aménophis III en Syrie-Palestine dans la partie concernée par l’énumération du butin 44. 4. STOCKAGE Dans le quartier nord-ouest de Ras Shamra, a été découvert un grand bâtiment composé de trois pièces disposant d’installations qui servaient probablement de râteliers. C. Schaeffer interpréta la construction comme un manège royal ௅ lieu de dressage de chevaux ௅ et de stockage des chars 45. Mais, comme l’ont montré O. Callot et M. Yon, la disposition des entrées et le type de sol employé dans la grande salle permettent d’écarter cette interprétation 46. Néanmoins, les fouilles faites à Ras Shamra et les textes d’Ougarit offrent d’autres éléments intéressants quant aux endroits et à la façon dont étaient entreposés les chars de guerre. O. Callot, dans ses études sur l’architecture domestique d’Ougarit, a traité la question en détail. En analysant la question des voies de circulation à l’intérieur de la ville, O. Callot a constaté que les chars à deux roues ne pouvaient circuler que « dans les artères les plus larges qui étaient rares » 47. Parmi les éléments appartenant à des jougs de char qu’a fourni Ras Shamra (§ 3) au moins deux furent trouvés dans deux riches demeures de la tranchée sud. Ces découvertes indiqueraient que ces maisons abritaient chacune un char à l’intérieur, mais d’un point de vue 32

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Yon 1995, p. 442. Comme l’ont déjà signalé Amiet 1992, p. 132 nº 306 et Yon 1995, p. 442, il est possible que l’un de ces pommeaux soit représenté sur le sceau-cylindre d’Ougarit RS 9.481. Caubet & Yon 2001, p. 71-72. Littauer & Crouwel 1985. Littauer & Crouwel 1976-1980, p. 346. Littauer & Crouwel 1979, p. 81 ; Wiesner 1968, p. 82 ; Yadin 1963, p. 5 ; Zaccagnini 1977, p. 29-30. Wiseman, 1953, p. 109 ; Wiseman, 1954, p. 30. Kendall 1975, p. 205-206 et p. 217 ; Zaccagnini 1977, p. 29-30. Bernabé 1990-1991, p. 141-143. Wiesner 1968, p. 82 ; Yadin 1963, p. 87 ; Kendall 1975, p. 238-239 ; Zaccagnini 1977, p. 30. Wiesner 1968, p. 82 ; Yadin 1963, p. 5 ; Kendall 1975, p. 236. Kendall 1975, p. 239. Au sujet de l’interprétation de cette expression, voir Sanmartín 1989, p. 342 ; del Olmo–Sanmartín 2003, p. 582 : « leather (covering the) t. (type) » ; p. 858 : « leather of (type) t. ». Vita 1995, p. 50-51. Schaeffer 1939, p. 284, mentionné aussi par Courtois 1979, p. 1209. Callot 1986 et Yon 1997, p. 58-59. Au sujet du complexe palatial d’Ougarit, voir également Margueron 1995, p. 185187. Callot 1994, p. 104-106.

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pratique il fallait que le char soit entreposé après démontage. Un troisième élément de joug fut trouvé dans un local indépendant situé au sud de l’îlot X. O. Callot a suggéré que cet espace servait « de garage au propriétaire d’une maison voisine qu’il était impossible d’atteindre avec un char, ou qui était trop exiguë pour qu’on puisse l’y entreposer » 48. Certains documents administratifs en langue ougaritique pourraient compléter, du moins en partie, les renseignements archéologiques disponibles sur le stockage des chars à Ougarit. Plusieurs auteurs ont d’ailleurs envisagé qu’à Ougarit les chars étaient démontés pour être entreposés 49. Cette hypothèse est plausible dans la mesure où les textes mycéniens témoignent de la pratique consistant à déposer les roues en vue du stockage 50, et la même conclusion peut être tirée du passage V : 729-732 de l’Iliade. Certains textes administratifs ougaritiques supposent également un entreposage en pièces détachées. Le texte RS 15.034 (= 4.145), qui prend note de l’entrée de huit chars dans le palais, enregistre de façon indépendante et en les regroupant les principales parties du char : roues (apnt), timons, caisses et armement associé. RS 15.083 (= 4.169), énumère des armes et des éléments de char dont quatre paires de roues (arb‘ ‫܈‬mdm apnt). Le document RS 11.793 (= 4.88) est encore plus explicite : il indique des paires de roues assignées à des personnes (‫܈‬mdm a[pnt...] bd NP « deux paires de roues à la charge de NP » ; apnm l NP « deux roues pour NP » ; ‫ܔ‬l‫܈ ܔ‬mdm [apnt bd] NP « trois paires de roues à la charge de NP » , très probablement des artisans 51. D’autres documents révèlent l’existence d’entrepôts et de lieux de réparation. Le texte RS 18.130 (= 4.392), dont l’interprétation reste très discutée, a cependant l’intérêt de mentionner, à la ligne 2, la « maison des chars » 52. RS 15.034 (= 4.145), dont il a déjà été question plus haut, signale au verso que le chef des artisans (rb ‫ۊ‬ršm) a envoyé trois paires de roues ‫ۊ‬wyh, autrement dit, « vers le ‫ۊ‬wy » (‫ۊ‬wy + h directionis). Ce terme a reçu diverses interprétations 53, la plus vraisemblable étant celle de « dépôt » (/পƗyu/, /পƯyu/) 54. Ces deux documents témoigneraient donc de l’existence à Ougarit d’un entrepôt (probablement la bt mrkbt « maison des chars » ) 55 et d’un autre espace (le ‫ۊ‬wy) en rapport avec les artisans du char, sans doute un atelier de fabrication et de réparation. 5. OFFICIERS ET UNITÉS OPÉRATIONNELLES Les textes syriens du Bronze Récent offrent également certaines informations relatives aux officiers de chars et aux unités opérationnelles. Cette documentation permet d’entrevoir ce que pourrait avoir été l’organisation des corps de chars. À Emar, par exemple, deux documents juridiques mentionnent, en tant que témoin, l’officier commandant les chars, le « Grand des chars » (Emar VI 11, 22 : LÚ.GAL GIŠ.GIGIR.MEŠ 56), également appelé « Grand des hommes de chars» (TBR 34, 16 : GAL LÚ.MEŠ GIŠ.GIGIR). Mais ce type de contexte n’apporte pas d’informations supplémentaires en ce qui concerne les fonctions ou les attributions concrètes de cet officier 57. À Alalaপ, seules les archives d’une époque antérieure, celles du niveau VII, mentionnent un officier de chars, le « chef des conducteurs de chars » (AlT 54, 25: UGULA KUŠ7.MEŠ). En revanche, les archives d’Ougarit dispensent de plus amples renseignements sur ces questions. Trois documents juridiques témoignent de l’existence d’un « chef des chars » (RS 16.239, 16.157, 16.250 : LÚ.UGULA GIŠ.GIGIR), probablement le plus haut responsable de cette partie de l’armée. Dépendant très probablement de cet officier, on trouve le « chef des conducteurs de chars », mentionné dans un document administratif en langue ougaritique (RS 16.193 = 4.222 : rb kzym) 58. Deux autres documents administratifs (RS 48 49

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Callot 1994, p. 105. Calders i Artís 1977, p. 188 ; del Olmo 1978, p. 49 et n. 9 ; del Olmo 1984, p. 189-190 et n. 499; del Olmo 1979, p. 182 ; del Olmo 1984, p. 198. Lejeune 1968, p. 47. Voir aussi del Olmo & Sanmartín 2003, p. 90. del Olmo & Sanmartín 2003, p. 576 : « workshop of chariots ». Voir la discussion et la bibliographie antérieure dans Vita 1996. Anthroponyme ou substantif avec les significations « réparation » , « campement » , « lieu de réunion » ; voir Huehnergard 1987, p. 127-128 : « vacant, unoccupied, unused (?) » ; Vita 1995, p. 46. Nougayrol 1955, p. 218 : « castel, entrepôt » , dans les textes RS 15.119, 16.246, 15.145 et 15.109+ ; del Olmo– Sanmartín 2003, p. 380 : « storehouse, depot ». Heltzer 1982, p. 101 affirme que « sometimes, however, the workshops were concentrated at the temple-complex, as in the case of the cartwrights (‫ۊ‬rš mrkbt) » . À propos d’Emar VI 117, 22 voir aussi Yamada 1995, p. 304 n. 33. Vita 2002, p. 126-127. Vita 1995, p. 129.

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19.016 = 4.609 et RS 22.231 = 4.714) mentionnent également le « chef des dix » (rb ‘šrt), quoique le contexte ne permette pas de déterminer la nature civile ou militaire de ce poste. Mais on ne peut pas écarter la possibilité qu’il s’agisse d’un officier en relation avec les chars, si l’on tient compte du fait que les corps de chars de l’époque semblent avoir adopté comme unité tactique minimale l’unité de dix 59. La lettre dite « du Général » (RS 20.033 60), fait également allusion aux modalités du regroupement des chars. Ce rapport envoyé par un commandant (probablement un officier ougaritéen) depuis le front, dans la région d’Amourrou, vraisemblablement après la bataille de Qadesh (vers 1270 av. J.-C.) informe le roi de la situation militaire dans laquelle se trouve le secteur sous son commandement. « Ce général » demande également l’envoi de renforts et notamment 3 ta-pal GIŠ.GIGIR.MEŠ (l. 5), que les commentateurs traduisent d’habitude par « trois paires de chars ». Dans une étude récente et exhaustive de cette lettre, M. Dietrich propose, en revanche, de comprendre le terme tapƗlu comme la désignation d’un type d’unité militaire, composée de chars de guerre, de soldats d’accompagnement, de soigneurs de chevaux et de techniciens de chars 61. Cette proposition s’avère très plausible dans la mesure où elle permettrait de mieux comprendre le fond de la lettre, un message long et détaillé, rédigé en utilisant un langage vif, direct, parfois vibrant, mais où transparaîtrait un déséquilibre entre le fond et la forme si, vraiment, il ne s’agissait que de demander six chars en renfort. Néanmoins, à titre de réflexion, il s’avère pertinent de prendre en considération la lettre babylonienne d’époque kassite, non datable avec précision, dans laquelle un autre militaire informe de façon très précise son roi sur la situation, le déploiement et l’affectation d’une unité de cinq chars de guerre 62. La lettre montre donc très clairement la grande valeur militaire que pouvait avoir une petite unité de ce type, capable de combiner, simultanément et de manière efficace, des actions offensives et défensives. 6. DISTRIBUTION GÉOSTRATÉGIQUE DU CHAR Quelques textes syriens dévoilent, ne serait-ce que partiellement, certaines informations concernant la distribution géostratégique des chars à l’échelle du pays 63. C’est le cas, par exemple, du texte administratif en langue akkadienne RS 12.34+ 64, qui offre une information importante sur leur répartition dans le royaume d’Ougarit. Il s’agit d’une liste de personnes précédées d’un chiffre, incluant deux groupes de maryannnj, regroupées en sept localité. Le texte reflète très probablement la concentration temporaire, dans une localité d’Ougarit (ૃUškƗnu), d’un vaste contingent de chars venant de différentes localités du royaume 65. À la première ligne, on lit : « Liste des chars de (la localité de) ૃUškƗnu » . Le reste des localités mentionnées sont ૃAru, ૃAtallig, Ma‫ލ‬rabƗ, Mulukku, Raqdu et Šubbanu. Les chiffres se rapporteraient au nombre de chars assignés à chaque personne 66. Si la localisation des toponymes mentionnés dans les textes d’Ougarit est toujours, en partie, incertaine, les recherches menées notamment par B. Astour, P. Bordreuil, W. H. van Soldt et J. A. Belmonte ces dernières années, ont permis de réelles avancées dans ce domaine. Selon l’étude la plus récente, due à W. H. van Soldt, les localités mentionnées dans RS 12.34+ seraient toutes situées au sud de la ville d’Ougarit, dans les plaines de la côte et au centre du royaume, zone particulièrement bien adaptée à l’emploi de cette arme 67. Le choix de ces localités se justifie également pour des raisons politiques et militaires : elles protègent la frontière la plus conflictuelle du royaume, la frontière méridionale 68, limitrophe du royaume de Siyannu-ૃUšnatu.

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Pour l’Égypte voir Schulman 1964, p. 4 et p. 68) ; pour Nuzi, Kendall 1975, p. 68-69, p. 99 et p. 108. Il convient de se demander également si la conjonction w « et » (au lieu de « mais » , comme l’ont proposé par exemple del Olmo 1979, p. 181, et Dietrich–Loretz 1982-1985, p. 218) à la ligne 6 du texte administratif RS 15.035 (= 4.145), ne doit pas être comprise dans le sens de « en plus » , ajoutant ainsi aux huit chars mentionnés au début (lignes 1-5) les deux auxquels font allusion les lignes 6 et 7. Dans ce cas, on serait en présence d’une unité de dix chars. Nougayrol 1968, nº 20 ; Lackenbacher 2002, p. 66-69. Dietrich 2001, p. 133. Radau 1908, p. 135-139, nº 33a. Au sujet de cette question à Alalaপ, voir les considérations d’Alt 1956, p. 237 et von Dassow 1997, p. 319-322. Nougayrol 1955, p. 192-193. Alt 1954, p. 11 ; Alt. 1956, p. 237 ; Vita 1995, p. 84-85. Pour cette interprétation, voir également Alt 1954, p. 11-12. Voir plus concrètement van Soldt 2005, p. 88-89 : ૃAru, ૃAtallig, Mulukku ; p. 92-94 : Šubbanu, ૃUškƗnu, Raqdu et Ma‫ލ‬rabƗ. Pour un résumé des propositions précédentes, voir Belmonte 2001, p. 37 , 45 , 198 , 274 , 330 , 233 et 180 respectivement. Au sujet des « villes de chars » à Ougarit et dans l’Ancien Testament, voir Vita 1995, p. 84-85. Voir van Soldt 2005, p. 64-70 au sujet de la frontière méridionale du royaume.

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RS 12.34+ est complété, pour une bonne part (l. 1-6), par la première partie du texte administratif en langue ougaritique RS 18.109 (= 4.384). Cette section du document fait allusion à des chevaux qui se trouvent dans (ou viennent de) cinq localités appartenant au district de ૃArr, qui englobait la zone sud et sud-est d’Ougarit 69 : Mulukku, ૃAru, ૃUllamu, Ma‫ލ‬arabƗ et ૃUškƗnu. Sur ces cinq localités, quatre se trouvent également dans RS 12.34+ (Mulukku, ૃAru, Ma‫ލ‬arabƗ et ૃUškƗnu), la cinquième (ૃUllamu) étant également localisée près de la frontière avec Siyannu 70. Les deux documents RS 12.34+ et RS 18.109 (= 4.384) montrent que les unités de chars de l’armée ougaritique et leurs chevaux étaient cantonnés dans différentes localités du royaume, en des points stratégiques sur les routes donnant accès à l’intérieur du pays et le long de la frontière méridionale, positionnement qui impliquait également la dispersion géographique des équipages. 7. LE CHAR DURANT LA GUERRE ET EN TEMPS DE PAIX Au cours de la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C., les royaumes syro-palestiniens de petite ou grande envergure eurent en différentes circonstances à utiliser leurs armées et leurs corps de chars. En passant de la sphère d’influence du Mitanni à son intégration dans l’empire hittite, un royaume aussi modeste, politiquement et militairement, qu’Emar, par exemple, devint un poste avancé hittite face au pouvoir croissant de l’Assyrie. Ces circonstances historiques apparaissent dans les textes, où abondent les mentions témoignant de sièges et d’attaques contre la ville, ainsi qu’aux épisodes de faim et de pénuries qui survenaient suite à ces hostilités 71. Un royaume comme Ougarit ne put éviter, non plus, de prendre part à différentes guerres 72. En tant que vassal et allié du ঩atti, par exemple, Ougarit participa à la bataille de Qadeš qui opposa les forces de Muwatalli et Ramsés II vers 1270 av. J.-C., mais il y eut également des affrontements, de caractère très local, avec le royaume voisin de Siyannu-ૃUšnatu 73. Certains documents témoignent de l’intérêt des autorités hittites à contrôler et à disposer des chars d’Ougarit 74. Le recours aux chars pour le combat dans le monde syro-palestinien du Bronze Récent est, certes, très présent. Toutefois, l’action directe dans une bataille n’était pas, à cette époque, la seule fonction attribuée au char. Comme le montrent, entre autres, diverses lettres d’El Amarna en provenance des petits royaumes levantins, ainsi que la lettre « du Général » déjà citée (§ 5), le char pouvait remplir hors du champ de bataille des fonctions diverses et variées : dans le cadre de patrouilles en assurant la surveillance des villes et la protection de l’armée dans ces déplacements, ou comme moyen de porter secours à des personnes en danger. Les chars étaient également affectés à la communication entre les villes comme moyen de transport des messagers ou encore à l’escorte des caravanes et des voyages royaux. On leur connaît également des usages cultuels 75. À ce panorama très diversifié de l’utilisation du char dans les sociétés syro-palestiniennes de cette époque, il faut ajouter son utilisation lors des parties de chasse auxquelles prenaient part les élites. Cet aspect a inspiré tout naturellement de nombreuses œuvres d’art, parmi les plus exceptionnelles comme la « patère de la chasse » (§ 2), mais également le choix du programme iconographique des sceaux à Ougarit (Fig. 3). Ainsi, P. Amiet considère que le nombre de sceaux retrouvés à Ras Shamra et à Minet el Beida, qui utilisent le motif du char, constituent une « série exceptionnellement nombreuse, à une époque où les graveurs semblent s’être peu intéressés à un tel sujet » 76. La formule, bien connue et stéréotypée, de salutation épistolaire employée par les grands rois à l’époque pour se souhaiter entre eux les meilleurs vœux pour « leurs maisons, leurs femmes, leurs enfants, leurs notables, leurs pays, leurs chars et leurs chevaux » , trouve, elle aussi, son reflet fidèle dans une lettre en langue ougaritique retrouvée à Ras Ibn Hani et éditée, en 1980, par P. Bordreuil et O. Caquot 77.

69 70

.

. . 72 . 73 . 74 . 75 . 76 . 77 . 71

Bordreuil 1984 ; van Soldt 2005, p. 135-139 et p. 138 : « In some cases, towns to the east of Ugarit appear to have been included in this district as well ». van Soldt 2005, p. 92. Vita 2002, p. 114-123 ; Yamada 2006. Vita 2005. Au sujet de ce royaume voir Malbran-Labat 2003. Lackenbacher 2002, p. 98-101. Vita 1995, p. 39-40. Amiet 1992, p. 129. RIH 78/3 + 30 (= 2.81) ; cf. del Olmo & Sanmartín 2003, p. 575-576.

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8. CONCLUSION Le char de guerre fut l’élément principal des armées proche-orientales de la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C. Sa grande importance sur le plan militaire lui donna une place non négligeable dans l’iconographie des sceaux et des objets décorés ainsi que dans la scénographie royale. Sur le plan diplomatique, le char de guerre fit partie des objets de luxe, que s’offraient les rois au même titre que les bijoux, les récipients en or et en argent, les objets en lapis-lazuli, les vêtements, les parfums ou les chevaux 78. Le char à deux roues tiré par des chevaux, tout comme l’arc et les flèches, représentèrent alors les éléments par excellence de l’imagerie royale, comme l’indiquent les scènes montrant des rois chassant et combattant, montés sur des chars 79. Les royaumes syriens et palestiniens de l’époque ont disposé à des degrés divers - et il ne pouvait pas en être autrement - des connaissances techniques et tactiques liées à l’utilisation du char de guerre, ce que reflètent les vestiges archéologiques, les témoignages artistiques et les documents écrits. Cependant, certaines questions demeurent encore dans l’ombre. Même si des royaumes tels qu’Alalaপ et Ougarit devaient compter, sans nul doute, sur des forces en chars qui n’étaient pas négligeables, nous ignorons, par exemple, le nombre, ne serait-ce qu’approximatif, d’unités que pouvaient aligner les différentes armées syro-palestiniennes. Il existe certains indices à ce sujet, par exemple les « 76 (soldats) de char » que signalent deux textes d’Alalaপ (AlT 183 et 226 80) ou la cinquantaine de chars qu’indique le texte d’Ougarit RS 12.34+ commenté plus haut (§ 6). Mais les textes syriens, notamment ceux d’Ougarit et d’Alalaপ, offrent, en revanche, des renseignements intéressants sur des sujets tels que la fabrication du char, le stockage, les équipages, les chevaux ou les unités opérationnelles. Face aux langues dominantes de l’époque, l’ougaritique montre également une certaine indépendance dans l’emploi de quelques termes techniques concernant les parties du char 81. Il s’agit d’aspects de la documentation syropalestinienne qui, à notre avis, peuvent enrichir, de façon notable, une future histoire du char de guerre dans le Proche-Orient ancien. Il faut également espérer que de nouvelles découvertes archéologiques et textuelles, par exemple à Qa৬na ou à Ras Shamra, élargiront encore nos connaissances sur ce sujet.

78

. . 80 . 79

81

.

Cochavi-Rainey 1999 ; Feldman 2006, p. 16. Feldman 2006, p. 124 et la contribution de P. Miglus dans cet ouvrage. A propos de ces textes, voir Vita 1995, p. 126-127, ainsi que les observations que von Dassow 2002, p. 881 - 884 fait à ce sujet. Vita 1995, p. 58.

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Figure 1 : Restitution d’un char de guerre d’après des modèles égyptiens (d’après M. Yon, La cité d’Ougarit, Paris, 1997, fig. 53)

Figure 2 : Patère en or, ornée d’une chasse royale, Paris, Musée du Louvre AO 17208 (d’après Y. Calvet & G. Galliano, Le Royaume d’Ougarit.Aux origines de l’alphabet, Lyon, 2004, p. 30 et fig. 1)

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Figure 3 : Sceau-cylindre et et son empreinte moderne, représentant une scène de chasse en char. Paris, Musée du Louvre AO 15772 (d’après M. Yon, La cité d’Ougarit, Paris, 1997, fig. 8 p. 139)

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L’ARMÉE D’APRÈS LA DOCUMENTATION DE NUZI

Brigitte LION*

RÉSUMÉ : Les archives de Nuzi éclairent la situation politique et militaire de cette ville, appartenant au royaume d'Arrapha, lui-même soumis au Mittani. La ville haute était entourée de murailles et la campagne était défendue par des établissements fortifiés qui pourraient être identifiés au terme dimtu mentionné dans les textes. Les mentions de combats évoquent plutôt des raids ou des batailles en rase campagne que des sièges. Les troupes comprenaient des fantassins et des combattants à char, les râkib narkabti. L'équipement des hommes et des chevaux est mentionné dans les textes du palais ainsi que dans les archives privées et plusieurs armes en bronze ont été découvertes dans quelques grandes maisons; cela incite à voir dans la guerre une activité qui relevait non seulement de l'État, mais aussi d'une élite sociale et militaire. ABSTRACT : Nuzi has provided a large amount of archaeological and epigraphic data about war. The city belonged to the kingdom of Arrapha, dominated by Mittani. The upper part of the city was defended by a system of fortifications. The countryside was protected by strongholds, perhaps to be identified as the dimtu mentioned in the texts. Siege warfare rarely appears in epigraphic data, and neither does the army’s composition and hierarchy. Indeed, we know more about raids and battles in open country. The most innovative element is the chariot, driven by the râkib narkabti wearing a helmet and armour. Ordinary soldiers’ clothes were lighter, allowing greater freedom of movement. The discovery in some large houses of weapons and archives relating to war proves that war was a matter of importance not only for the state but also for the upper classes. MOTS-CLÉS : Arrapha, Hanigalbat, Tell al-Fahhar, Šilwa-Teššup, armure (sariam), élite militaire, forteresse en milieu rural (dimtu), grade militaire (emantuhlu), homme de char (râkib narkabti), ville haute (kerhu), KEY-WORDS : Arrapha, Hanigalbat, Tell al-Fahhar, Šilwa-Teššup, armour (sariam), man of chariot (râkib narkabti), military elite, strongholds in the countryside (dimtu), military rank (emantuhlu), upper city (kerhu)

Le site de Nuzi (Yorgan Tepe), situé dans le Kurdistan irakien, a fait l'objet, entre 1925 et 1931, de cinq campagnes de fouilles américaines, qui ont mis au jour environ 5000 tablettes, datables du XIVe s. av. J.-C 1. L'ensemble de cette documentation épigraphique est presque complètement publié, mais souvent uniquement en copies cunéiformes, ou parfois en transcriptions. Plusieurs centaines de textes concernent les soldats et le matériel militaire. Étant donnée la richesse des sources, l'armée a déjà fait l'objet d'une étude d'ensemble par T. Kendall, mais cette excellente thèse est demeurée inédite 2. S'y ajoutent plusieurs ouvrages ou articles qui traitent de points précis : l'armement 3, les chevaux et les chars 4, ou l'élite militaire et sociale des combattants à char 5. Les tablettes concernant les affaires militaires sont surtout de nature administrative, il s'agit de reçus ou de comptes d'armes, de listes d'hommes ou de matériel : l'ensemble est parfois riche en détails, mais aussi laconique et répétitif malgré son abondance. Aux informations issues des textes, il faut confronter le matériel archéologique, car des pièces d'armement offensif et

*. 1 . 2 . 3 . 4 . 5 .

Université Paris I Panthéon-Sorbonne et UMR 7041 ArScAn, Nanterre. Voir les rapports de fouilles de Starr 1937 et 1939. Pour la datation de la « strate II » voir Stein 1989. Kendall 1974. Kendall 1981. Cassin 1968, p. 302-305 ; Zaccagnini 1977. Jankowska 1981, Dosch 1993.

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défensif ont été découvertes en plusieurs endroits lors des fouilles. Le site de Tell al-Fahhar, à une trentaine de km au sud-ouest de Nuzi, a également livré des armes et quelques centaines de textes, demeurés inédits pour la plupart. À partir de ces diverses études, après un bref rappel sur la situation politique et militaire du royaume d'Arrapha, l'article qui suit tentera de faire le point sur la mise en défense du royaume et sur l'armée et l'armement. D'autre part, on verra que la prise en considération des divers lots d'archives de Nuzi dont les textes sont issus, ainsi que des lieux de découverte des armes, apporte des informations supplémentaires sur l'équipement de l'armée. 1. SITUATION POLITIQUE ET MILITAIRE DU ROYAUME D'ARRAPHA 1.1. Présentation générale de la situation politique Au XIVe s. av. J.-C., Nuzi n'était pas un centre politique majeur (Fig. 1). C'était une ville de province du royaume d'Arrapha, un État d'importance moyenne. Un « maire » (hazannu) était à la tête de la ville, et le fils du roi d'Arrapha y possédait une résidence. Les archives issues du grand bâtiment central, appelé « palais » par les archéologues, évoquent à plusieurs reprises le roi d'Arrapha et sa famille ; le souverain est venu à Nuzi et a aussi visité d'autres villes de son royaume. La ville d'Arrapha, capitale de l'État du même nom, est également désignée dans les textes sous le nom d'Âl-ilâni, « la ville des dieux » . Elle se situait à l'emplacement de la ville actuelle de Kirkuk, à une quinzaine de km au nord-est de Nuzi. Elle n'a pu être fouillée, et seules quelques dizaines de tablettes, contemporaines de celles de Nuzi, y ont été exhumées de façon accidentelle. Le royaume d'Arrapha dépendait de l'État du Mittani. De ce fait, les archives de Nuzi sont importantes pour éclairer, fût-ce de façon très indirecte, l'histoire du Mittani, dont les capitales, et donc les archives centrales, n'ont jamais été retrouvées. Toute la documentation de Nuzi est rédigée en akkadien, alors que la plupart des individus portent des noms hourrites. La population était certainement hourritophone. De nombreux mots hourrites apparaissent dans les textes ; c'est le cas, en ce qui concerne l'armée, de titres militaires comme emantuhlu, « chef de dix » 6, ou de certaines pièces d'armement comme sariam, « cuirasse » 7. Les tablettes de Nuzi donnent des informations sur la situation locale, ainsi que sur celle de plusieurs autres villes ou villages du royaume, sur l'organisation militaire du royaume d'Arrapha et sur ses rapports avec l'État du Mittani, que les sources de Nuzi appellent Hanigalbat. 1.2. Du point de vue militaire : les rapports avec le Hanigalbat C. Zaccagnini a relevé dans les textes de Nuzi toutes les mentions du Hanigalbat 8. En ce qui concerne les affaires militaires, le Hanigalbat apparaît à plusieurs titres. On trouve des références à la présence à Nuzi de militaires hanigalbatéens, de chars, ainsi que de râkib narkabti, qui forment l'élite sociale et militaire des hommes de chars 9. Une liste énumère jusqu'à 170 chevaux du Hanigalbat 10 ; d'autres enregistrent des versements de grands quantités d'orge pour les chars de même origine, donc pour leurs conducteurs ou leurs chevaux, pour une durée de 43 jours dans un cas 11. Les troupes mittaniennes sont donc appelées à demeurer dans le royaume d'Arrapha et à y être entretenues par l'administration locale, comme le confirment des distributions de rations à des militaires hanigalbatéens. On connaît aussi le cas d'un officier du Hanigalbat, Ilanîšnj fils de Hapira, installé dans le royaume d'Arrapha, où il possède une maison et des terres 12. On voit ainsi que le Mittani s'intéresse de près à la protection de l'État d'Arrapha. Inversement, un lot de textes issus d'une même pièce du palais évoque des livraisons de chars à des Hanigalbatéens 13. Certains de ces envois sont qualifiés d'iškaru, donc versés comme redevance. Ils témoignent ainsi du soutien militaire que le royaume d'Arrapha doit fournir au Mittani.

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Voir l'analyse de ce mot dans Wegner 2000, p. 50-52. Laroche 1977, p. 215-216. Zaccagnini 1979. Voir aussi Jankowska 1982. Sur tous ces aspects, voir Zaccagnini 1979, p. 20-24. HSS 15 114. HSS 14 171. Dossier rassemblé par Lion et Stein (à paraître). Voir Zaccagnini 1979, p. 20. AASOR 16 83, HSS 15 85, 86, 88, 89, 90, 91, cf. Zaccagnini 1979, p. 15-16 et n. 69.

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La plupart des mentions de la présence des soldats du Hanigalbat datent de la fin de la période documentée par les archives, qui couvrent cinq générations. La situation du royaume d'Arrapha est alors difficile, et la destruction violente du site témoigne que même la présence des soldats du Mittani n'a pas suffi à le protéger. 2. LA PROTECTION DU ROYAUME 2.1. La défense des villes Au Bronze Récent comme aux époques antérieures, la protection d'un royaume repose en grande partie sur la capacité défensive de ses villes, ceintes de remparts. Si Arrapha, la capitale, n'a pas été fouillée, les textes qui en proviennent, ainsi que ceux trouvés à Nuzi, évoquent sa muraille, sa grande porte et donnent les noms de plusieurs autres portes 14. Les mentions de ces portes n'interviennent pas cependant dans un contexte militaire, mais figurent souvent à la fin des contrats comme lieu de rédaction de l'acte. C'est aussi le cas des portes mentionnées dans les autres villes du royaume, à commencer par celles de Nuzi 15. Dans les textes apparaissent également des mentions de la muraille et des abultannu, les portiers. Divers noms de portes sont connus, mais il est possible qu'une même entrée ait reçu plusieurs noms. Nuzi comptait au moins trois portes principales, comme l'indique HSS 16 380 : « Pal-Teya fils d'Alippiya, auprès de la grande porte. Arrumti fils de Haiš-Tešup, auprès de la porte Tiššae. Ataya fils d'Ariya, auprès de la porte Zizzae. Ces trois hommes sont les emantuhlu des portes » (l. 1-8). L'emantuhlu ayant des fonctions militaires de commandement, il s'agit là des hommes préposés, sans doute avec leurs subordonnés, à la garde des entrées de la ville. La porte Zizzae doit ouvrir sur la route qui mène à cette ville en partant de Nuzi. Les archéologues n'ont trouvé la trace du rempart et de l'une de ses portes qu'en un seul endroit, au bas de la pente du tell central, au sud-est, mais la fortification devait englober tout le tell. R. F. S. Starr souligne sa taille et sa solidité, ainsi que sa durée dans le temps, puisque le rempart a été rebâti pendant plusieurs siècles sur le même emplacement ; il propose de situer deux autres portes au nord-est et au sud-ouest de l'enceinte 16. Cette muraille ne protégeait donc qu'une partie de la ville, le tell central, qui correspond à ce que les textes nomment kerhu, « ville haute » ou « citadelle » . Une partie de la population habitait hors les murs, au moins au nord de l'enceinte, où de vastes demeures ont été dégagées, sur deux buttes ; il n'est pas certain qu'une autre muraille ait protégé ces quartiers 17. Les textes trouvés à Nuzi contiennent aussi des références à des portes, ou à leurs gardiens, dans d'autres villes du royaume. On connaît ainsi des portes, qui laissent deviner des enceintes, à Anzukalli, Unapšewe, ৫upšarriniwe et dans d'autres localités encore 18. Sans doute s'agit-il parfois seulement de gros bourgs fortifiés. Sur le site de Tell al-Fahhar 19, les archéologues n'ont pas dégagé une ville ni un village, mais un grand bâtiment (Green Palace) aux murs très épais, flanqué de tours : une sorte de forteresse établie en milieu rural. Dans les textes, le terme dimtu, qui peut désigner un établissement fortifié, conviendrait pour décrire une telle structure 20. Le royaume d'Arrapha semble donc avoir compté sur ses remparts pour protéger sa population : outre la capitale, des villes d'importance secondaire étaient fortifiées, de même que de gros bâtiments établis dans les campagnes. 2.2. Les mentions de combats Les sièges des villes demandent néanmoins des moyens considérables en hommes et en matériel et les textes de Nuzi n'en font pas mention. Ils font plutôt allusion à des raids ou à des combats en rase campagne.

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Voir les références dans Fincke 1993, p. 13-14 et 37 ; Müller 1994, p. 16-17; Negri Scafa 1998, p. 143-146. Fincke 1993, p. 200 ; Müller 1994, p. 79-80 ; Negri Scafa 1998, p. 146-162 ; Battini 1999 et 2001. Starr 1937, plans 24 et 26 à 28 et 1939, p. 324-331. Wilhelm 2001 p. 637-638 et Stein 2001, p. 643. Pour Anzukalli et Unapšewe, Nefri Scafa 1998, p. 141-143 ; pour ৫upšarriniwe, Lion et Stein 2001 ; pour la liste des références, Fincke 1993, p. 438. Voir les rapports de fouille de Al Khalesi 1970 et 1977. Kolinski 2001, p. 5-8 et p. 37-60 et Kolinski 2002.

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Les informations concernant les combats sont assez rares : il n'y a ni récit de bataille, ni description circonstanciée de l'armée. Les menaces viennent de deux directions : de la frontière avec la Babylonie, au sud du royaume, et du nord-ouest, d'où les Assyriens mènent à plusieurs reprises des raids, alors que l'autorité du Mittani sur la région doit être en train de se relâcher 21. La Babylonie est toujours demeurée indépendante du Mittani, alors que le royaume d'Aššur, comme celui d'Arrapha, était soumis à son autorité. Aššur et Arrapha semblent avoir entretenu des contacts diplomatiques corrects, malgré des raids aux frontières, dans les deux sens 22. Cependant les relations se sont dégradées à la fin de la période de domination mittanienne, et le royaume d'Arrapha a dû alors mener des combats sur deux fronts à la fois, comme en témoigne un texte de livraison du palais, HSS 13 63 : « Un ensemble de textiles de deuxième qualité avec un châle-hullânu pour Tuppiya fils de Tawaren-Tilla, lorsqu'il tua les hommes d'Akkad (= les Babyloniens) au mois impurtanni (= mois 1) dans le pays de Našbat. Un ensemble de textiles de deuxième qualité pour les Grands de la ville de Taribatue, lorsqu'ils tuèrent les hommes d'Aššur à Taribatue au mois impurtanni. Au mois impurtanni, Tirwin-atal a pris cela dans le magasin » .

Les combats peuvent avoir pris des formes diverses. Deux textes trouvés dans la maison dite de TehipTilla 23 et datant de la génération de son petit-fils Takku enregistrent les pertes considérables subies par cette famille de riches propriétaires fonciers du fait d’un raid assyrien : en tout 42 hommes ont été faits prisonniers, 3 ont été tués, 250 moutons et 6 bœufs ont été pris et les destructions matérielles semblent importantes puisque plusieurs domaines ruraux 24 ont été ravagés. On constate que les pillages et les enlèvements d'hommes, qui permettent ensuite de demander des rançons ou de pratiquer des échanges de prisonniers, sont de loin préférés aux meurtres. D'autres textes, trouvés dans le palais, sont des inventaires d'armes qui avaient été prises par des soldats et ont été perdues lors de campagnes militaires, comme HSS 15 3 : « BƝl-ahi fils de Tehip-Tilla a reçu une cuirasse en bronze pour le corps (faite de) 400 grandes plaques et de 280 petites plaques, et dont les manches et la poitrine étaient en bronze ; il a pris un casque de cuir avec 190 plaques et une cuirasse de cuir de son tarkumazi ; ils les a reçus du palais. Wurrukunni fils de Šuhbilu a reçu une cuirasse en bronze pour le corps (faite de) 598 grandes plaques et de 540 petites plaques, et dont les manches et la poitrine étaient en bronze ; il a reçu une cuirasse de cuir pour ses chevaux, (avec) leurs casques en bronze ornés (1-16 ; suit la description d'autres armes confiées à diverses personnes). Ce sont les hommes dont les équipements ont été perdus lors de la campagne (l. 37) » .

Un tel texte donne l'impression qu'il n'y a pas eu, dans ce cas, seulement un raid, mais un affrontement entre deux armées, formées d'hommes bien équipés par les services du palais. Cependant on ignore tout des faits de guerre eux-mêmes. 3. L'ARMÉE ET L'ARMEMENT L'une des innovations dans les armées du Bronze Récent est l'utilisation massive des chars de guerre tirés par des chevaux 25. Ce trait apparaît nettement à Nuzi, où les mentions de chevaux et de chars, ainsi que celles des hommes de char, sont très fréquentes. 3.1. L'armée Il reste difficile de décrire la composition exacte de l'armée et la hiérarchie militaire. Les râkib narkabti, les combattants en char étudiés par G. Dosch 26, sont connus par de longues listes. Il est fréquent que dans une même famille des frères soient râkib narkabti et que cette fonction passe d'un père à ses fils ; jusqu'à quatre générations de râkib narkabti sont attestées pour une même famille. Dans les textes de la dernière génération, il est question de la « gauche » et la « droite » , et on a proposé d'y voir les deux ailes de l'armée, mais cette

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Pour les affrontements qui ont abouti à la destruction de la ville de Nuzi, voir Lion 1995, avec la bibliographie antérieure. Lion (à paraître). JEN 525 et son duplicata JEN 670. Le terme employé est dimtu : sur les différents sens de ce terme, cf. Kolinski 2001 ; pour le sens « settlement » , voir p. 8-18, les textes évoqués ici sont mentionnés p. 11. Cassin 1968 ; Richter 2004 et la contribution de J. P. Vita dans cet ouvrage. Dosch 1993.

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interprétation pose néanmoins problème en l'absence de désignation d'un centre. Gauche et droite sont divisées chacune en une vingtaine d'unités commandées par des râkib narkabti, mais la composition exacte de ces unités n'est pas connue avec certitude : étaient-elles formées uniquement de chars, ou aussi de fantassins ? Les textes documentent, parmi les grades militaires, les chefs de 50 et de 10, ces derniers étant parfois désignés par le terme hourrite emantuhlu. Les simples soldats semblent relever de diverses catégories : nakkuššu, âlik ilki et aššabu. On pourrait considérer que les âlik ilki assurent le service royal, en l'occurrence un service militaire. Mais il est difficile d'articuler entre elles ces diverses désignations. Quelques textes évoquent les ERIN2.GIR3, « fantassins » , certains exerçant par ailleurs des professions sans rapport avec l'armée, comme foulon, métallurgiste ou administrateur d'un temple 27. HSS 15 184, une liste d'hommes de garde, dépendant du commandant hanigalbatéen Ila-nîšnj, inclut un charpentier, un berger et deux médecins. Dans HSS 15 18, ce sont un cuisinier et un scribe qui reçoivent chacun un arc. De même dans HSS 15 3 déjà cité plus haut (§ 2.2), on trouve, parmi les gens équipés par le palais, un boulanger (Ɲpû, l. 33-34). Une partie des soldats n'exerce donc pas ce métier à plein temps. 3.2. Les armes Les chars de combat (gišGIGIR) sont souvent mentionnés. Le texte HSS 15 202 énumère les parties d'un char, remises à un charpentier sans doute pour qu'il se charge de les assembler, ainsi que celles qui manquent et qu'il doit vraisemblablement fabriquer : « […] Un ensemble de roues, l'habitacle avec son tapis (?), un ensemble de portes de char, un joug de char, un timon de char, un ensemble de ‫܈‬i‫܈܈‬u de char ont été donnés à Zilip-Kušuh le charpentier ; l'essieu et un nawena n'ont pas été donnés. Sceau de Zilip-Kušuh » .

Les matières employées sont le bois et le cuir – les mégissiers intervenant aussi dans la fabrication – les côtés du char peuvent être aussi renforcés de plaques de métal. Un texte d'inspection des chars indique que certains d'entre eux nécessitent des réparations, car diverses parties s'en sont détachées 28. Les chevaux, à raison de deux par char, sont protégés, comme les hommes, par des cuirasses et des casques pour chevaux. Certains sont renforcés de métal et il a été suggéré que les deux grandes plaques de bronze trouvées dans la maison du prince Šilwa-Teššup 29 aient fait partie de cet équipement. L'armement des hommes est lui aussi souvent mentionné. Le plus impressionnant, connu aussi par l'archéologie, consiste en casques et cuirasses renforcés de plaques de métal qui devaient être ajustées les unes aux autres et maintenues par des bandes de cuir ou cousues sur un support ; l'ensemble formait une véritable armure. Plusieurs exemplaires de ces écailles, de tailles et de formes différentes, ont été trouvées lors des fouilles de Nuzi 30 ; chez le prince Šilwa-Teššup, un ensemble de 26 plaques montre clairement leur agencement 31. Le seul poids connu pour un casque est de 3 mines 40 sicles 32, soit environ 1,8 kg ; il s'agit sûrement d'un casque en métal. T. Kendall, à partir du poids des écailles de bronze trouvées lors des fouilles et du nombre d'écailles par casque indiqué dans les tablettes, entre 140 et 200, estime le poids minimum de ces objets à environ 2 kg et leur poids maximum à 3,5 kg, en comptant leur armature de cuir ou de laine. Quant aux armures, elles étaient de plusieurs sortes (voir p. ex. le texte HSS 15 3 cité ci-dessus § 2.2). Les armures du Hanigalbat, les plus lourdes, comptent un millier de plaques, réparties pour moitié sur le corps et pour moitié sur les manches ; les armures de style local comptent entre 420 et 560 écailles pour le corps, mais seulement 130 à 160 pour les manches, qui devaient être courtes. En fonction du nombre et du poids des écailles, elles pouvaient peser entre 16,6 et 25 kg 33. Cet équipement très lourd était sans doute réservé aux hommes de char ; il aurait d'ailleurs considérablement diminué la mobilité d'un fantassin. S'il n'y avait que deux hommes par char, ils devaient se répartir la conduite du véhicule et le combat, et assurer leur protection, d'autant plus qu'ils offraient une cible

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Cassin 1962, p. 65-72, n° 6. HSS 15 78. Starr 1937, pl. 126 L. Starr 1937, pl. 126. Starr 1937, pl. 126 B. HSS 15 24. Kendall 1974, p. 277-278, repris dans Zaccagnini 1979, p. 26-27 et dans Dezsö 2004, p. 321-322.

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facile. L'armure métallique pouvait compenser la difficulté de se protéger, même si le bouclier semble avoir fait partie de l'équipement des chars. Les simples soldats étaient plus légèrement armés : corselet en cuir, casque et bouclier semblent former l'essentiel de leur armement défensif. Boucliers, lances, épées, arcs et carquois garnis de flèches font partie de l'équipement des fantassins et de celui des combattants en char ; les conducteurs de chars emportent aussi un fouet. Arc et flèches sont très souvent mentionnés et les quantités que le palais fait fabriquer ou livre se comptent par milliers, voire par dizaines de milliers. Plusieurs exemplaires de ces armes, et en particulier de nombreuses pointes de flèches, ont été trouvés à Nuzi 34. À Tell al-Fahhar, les archéologues ont exhumé exactement les mêmes types d'objets : une épée, de nombreuses plaques d'armures, pointes de lances et pointes de flèches, l'ensemble témoignant peut-être des combats qui ont mis fin à l'occupation du site 35. 4. ARCHIVES ET OBJETS : LES LIEUX DE GESTION DES ARMES ET DES HOMMES Les archives concernant l'armée et les armes sont issues en majorité du palais, mais des informations complémentaires proviennent aussi des grandes maisons de la ville, ce qui donne de nouveaux indices sur l'organisation de l'armée. 4.1. Le palais Si les activités militaires relèvent de l'État, c'est-à-dire du roi d'Arrapha, il est assez normal de trouver dans le palais de nombreuses tablettes concernant les armes et les militaires. Celles-ci étaient concentrées dans quelques pièces particulières (M 79, N 120, R 76). En proviennent par exemple les listes d'hommes de char des dernières générations connues à Nuzi, ou une remarquable archive concernant les flèches. D'une part, le palais fournit à plusieurs reprises des roseaux à des artisans, pour qu'ils y adaptent une pointe métallique, les quantités allant de quelques milliers à plus de 32000 36. D'autre part, une série de petits bordereaux concerne les sorties de flèches munies de leur pointe et donc prêtes à l'emploi ; le palais de Nuzi se charge même d'approvisionner plusieurs autres villes. On trouve aussi des inventaires très précis d'armes qui reviennent au palais en mauvais état, qui nécessitent des réparations, qui manquent, ou qui ont été livrées. Il semble qu'on ait affaire à la gestion de l'arsenal du palais, que les textes évoquent à plusieurs reprises sous le nom de bît nakamti 37. Cependant les armes découvertes à Nuzi ne proviennent pas du palais, sans doute en raison du pillage du bâtiment lors de la chute de la ville. Elles sont presque toutes issues des vastes demeures situées à la périphérie du tell. 4.2. La maison du prince Šilwa-Teššup Le prince Šilwa-Teššup, fils du roi d'Arrapha, possédait à Nuzi une grande maison, exhumée sur une butte au nord-est du tell central. Son plan évoque assez celui d'un petit palais. Sur plus de 700 textes constituant ses archives 38, seule une douzaine concerne les affaires militaires. Une tablette donne une liste de 10 hommes qui sont les gardes du corps du prince, et qui « doivent protéger Šilwa-Teššup, le fils du roi, dans les combats » 39, preuve que ce dernier comptait payer de sa personne en cas de guerre. Il y a aussi quelques listes d'hommes et surtout des inventaires d'armes. Dans la plupart des cas, il s'agit de sorties d'armes ou de matériel par un intermédiaire qui les remet à une tierce personne et la tablette fait office de reçu pour les services de Šilwa-Teššup. Ainsi des centaines d'écailles de bronze et de cuir sont livrées à un artisan pour qu'il confectionne des armures 40. Plusieurs tablettes mentionnent des sorties d'armes et d'équipements pour les chevaux et les hommes hors du bît nakamti, et on peut en conclure que la maison de Šilwa-Teššup possédait son propre arsenal.

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Starr 1937, pl. 125. Al Khalesi 1970, p. 118, p. 122 et pl. 24 et 1977, p. 15 ; malheureusement ni le nombre des objets ni leur poids ne sont indiqués. HSS 13 99, 100, 103, 116, 206 et 14 223. Sur la gestion des armes telle qu'elle apparaît dans les textes du palais, voir Negri Scafa 1995. L'ensemble de ces archives est en cours d'étude : Wilhelm 1980, 1985 et 1992, Stein 1993 a et b. Stein 1993 a, p. 150, donne la liste des tablettes concernant « military equipment and organization » qui doivent faire l'objet d'une nouvelle publication dans le volume 5 de la série Das Archiv des Šilwa-Teššup, n° 510 à 521. HSS 9 37 : 15-17 : mši-il-wa-te-šup DUMU LUGAL, i-na ta-ha-zi, i-na-a‫܈‬-‫܈‬a-ru. HSS 15 11.

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De cette demeure provient l'ensemble de plaques d'armures trouvé dans la pièce 18, un magasin, caché derrière une grande jarre de stockage, et c'est probablement ce qui l'a préservé du pillage ; il y avait aussi deux écailles plus petites et les deux grandes plaques peut-être destinées aux chevaux. Dans les pièces 23 et 26, celles où étaient conservées les archives, ont été exhumées une plaque de bronze, la seule ayant une forme aussi allongée, une pointe de lance et plusieurs pointes de flèches 41. 4.3. Les autres grandes demeures Dans la maison voisine de celle du prince, dite « maison de Zike » , la pièce 34 abritait de nombreuses tablettes, mais aussi beaucoup d'objets en métal 42, notamment vingt six pointes de flèches de tailles et formes diverses, deux pointes de lance, deux couteaux, cinq écailles de cuirasse du type le plus courant, et cinquante quatre écailles rectangulaires avec une petite protubérance débordant soit vers la gauche, soit vers la droite. Il y en avait davantage dans la pièce, mais les autres ont été fondues par l'incendie qui a détruit la maison et formaient une masse confuse de métal. Les plus anciennes listes d'hommes de char de Nuzi étaient conservées dans la même pièce ; elles pourraient être mises en rapport avec les activités d'Akap-šenni fils de Zike, qui exerçait un haut commandement militaire 43. Sur l'autre butte au nord du tell, dans la maison dite « de Šurki-Tilla », dans l'aile qui contenait en fait les archives des descendants de Warh-api, la pièce 2 a été interprétée par R. F. S. Starr comme une armurerie 44, puisqu'elle contenait deux fragments de couteaux, trois pointes de lances, deux pointes de flèches et des plaques d'armures. Dans une autre maison de la même butte, celle de Tehip-Tilla, il n'y a avait pas d'armes, mais certains textes concernent l'armement, comme par exemple HSS 15 202 (cité ci-dessus § 3.2) à propos de la fabrication d'un char. Enfin, il faut tenir compte des textes issus de fouilles clandestines, même si dans ce cas il est impossible de les confronter aux données archéologiques. Ainsi les textes LNT 5, 33 et 51 45 mentionnent des armes ; or LNT 51, une sortie de cinq casques en bronze, relève des archives de Zike fils de Šurki-Tilla et petit-fils de Tehip-Tilla : il est donc probable que lui aussi possédait chez lui des stocks d'armes. 5. CONCLUSION Les archives concernant les affaires militaires ont donc été trouvées non seulement dans le palais, mais aussi dans quelques grandes demeures (Fig. 2 à 4) ; or plusieurs de ces maisons abritaient des armureries connues à la fois par les textes et par les découvertes archéologiques. Cela incite donc à voir dans la guerre une activité qui relève non seulement de l'État, mais aussi d'une élite militaire. Tout comme le palais, les grandes familles pouvaient faire fabriquer des armes et armer leurs combattants à char, et probablement aussi d'autres soldats. Quant aux maisons plus modestes du centre du tell, on n’y a trouvé en général ni armes, ni documentation sur l'armée, mais seulement des archives privées, composées surtout de contrats. Ces textes laissent penser que la vie quotidienne de la population de la ville était, la plupart du temps, assez paisible.

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Starr 1937, pl. 125 DD, pl. 126 B, L, O et 1939, p. 341-343. Starr 1937, pl. 125 N, O, GG, JJ, pl. 126 D et 1939, p. 346. Dosch 1993, p. 4. Starr 1937, pl. 125 FF et pl. 126, E, F, G, H, K et 1939, p. 335. Müller 1998.

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BIBLIOGRAPHIE

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Figure 1 : Carte de l’empire mittanien (Carte Martin Sauvage et Xavier Faivre)

Figure 2 : Armes retrouvées dans la maison de Nuzi dite de Shurki-Tilla, pièce 2, (d’après Starr, Nuzi. Volume 2. Plates and Plans, Cambridge, 1937, de gauche à droite : pl. 126 E, pl. 126 F-H, pl. 126 K et pl. 125 FF).

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Figure 3 : Armes retrouvées dans la maison de Nuzi du prince Shilwa-Teshub (d’après Starr, Nuzi. Volume 2. Plates and Plans, Cambridge, 1937, de gauche à droite et du haut en bas : pl. 126 L, pl. 125 DD, pl. 126 O, pl. 126 A et B).

Figure 4 : Armes retrouvées dans la maison dite de Zike, pièce 34 (d’après Starr, Nuzi. Volume 2. Plates and Plans, Cambridge, 1937,, de gauche à droite et du haut en bas : pl. 125 N, pl. 125 GG, pl. 125 O, pl. 126 D, pl. 125 JJ).

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THE ORGANIZATION OF THE MIDDLE ASSYRIAN ARMY: SOME FRESH EVIDENCE John Nicolas POSTGATE*

RÉSUMÉ : Cette étude porte sur les procédures de recrutement et d’affectation des personnels incorporées à l’armée assyrienne au XIIIe av. J.-C. à partir de l’examen des nouvelles données fournies par une petite archive encore inédite provenant de Tel Ali sur le Zab inférieur et de l’analyse des informations issues de la publication par H. Freydank des tablettes de Kar-Tukulti-Ninurta. ABSTRACT : This study is a provisional attempt to understand the recruitment and organization policies of the Assyrian army as well as the state’s procurement of military equipment in the Thirteenth century. These topics are considered through two main sources: a small unpublished archive from Tell Ali on the lower Zab and H. Freydank’s publication of documents from Kar-Tukulti-Ninurta. MOTS-CLÉS : Tell Ali, Kar-Tukulti-Ninurta, armée (‫ې‬urƗdu), déportés (naš‫ې‬njte), personnel servile (šilu‫ې‬lu), procédure de conscription (pirru), registre de conscription (lƝ’u), troupe royale (‫܈‬Ɨb šarri). KEY WORDS : Tell Ali, Kar-Tukulti-Ninurta, army (‫ې‬urƗdu), conscription registers (lƝ’u), dependents (šilu‫ې‬lu), deportees (naš‫ې‬njte), enrollment procedure (pirru), royal troops (‫܈‬Ɨb šarri). 1. THE SOURCES Until recently there was only very fragmentary information about the administration of the army in the Middle Assyrian kingdom, whether from Assur itself or from provincial centres like Tell Billa, Tell al-Rimah or Tell Fakhariyah. More recently the archives from Tell Chuera, Tell Sheikh Hamad and Tell Sabi Abyad have much enlarged the picture, especially with regard to the messenger service, but unless unpublished Dur-Katlimmu texts contain significant military details, the main new material comes from H. Freydank's publication of documents from Kar-Tukulti-Ninurta (Freydank, WVDOG 99 1), even though in most cases these do not come from military administration as such but from the state grain supply. In addition, thanks to the generosity of Dr Bahijah Khalil Ismail, I am able to cite evidence from the small archive from Tell Ali, on the Lower Zab between Assur and Nuzi, which gives some valuable information about state involvement in textile production. These two sources have determined the two main topics considered here, the recruitment and organization of military personnel, and the state's procurement of military equipment. With more Middle Assyrian administrative texts in the pipeline, whether from Assur, Dur-Katlimmu, or ৫abete, this is a moving target, and the following notes can only be a provisional attempt to advance our understanding of how the Assyrian army was organized in the XIIIth century B. C. 2. RECRUITMENT AND ORGANIZATION Fig. 1 is a reconstruction of the procedures which seem to have operated in the reign of Tukulti-Ninurta I for the recruitment of troops and civilian personnel 2. Two key terms are the « (writing-)board » (lƝ’u) and the pirru. *. 1 .

2

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University of Cambridge For those using the abbreviation MARV for the volumes of Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte from Assur published in different series by H. Freydank : MARV I = VS (Vorderasiatische Schriftdenkmäler der Staatlichen Museen zu Berlin) 19 (=NF III), 1976 ; MARV II = VS 21 (= NF V), 1982 ; MARV III = WVDOG 92, 1994 ; MARV IV = WVDOG 99, 2001. The diagram is by no means complete : for instance, there should probably be an entry for the specialist professionals known to have been included on the Boards (like exorcists or bird-catchers), and not all the Ɨlik ilki will have become « king's troops » (see the Conclusions, below), but these uncertainties have been left out for simplicity. This diagram is adapted with additions from an earlier version lying behind that presented in Jakob 2003, 31.

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2.1. lƝ’u

At any one time five such boards are known, one « of the king », and four of named individuals : Lulayu, Sin-ašared, Šamaš-apla-uৢur (or Šamaš-aপa-iddina), Adad-šamši. Some or all of these are mentioned in at least five texts from Assur (VS 19. 1 ; 9 ; VS 21. 17 ; KAJ 245, and WVDOG 99. 27), and the four named individuals are found in a text from Dur-Katlimmu 3. They were certainly high ranking, some were eponyms ; in one passage they seem to be referred to as « heralds of the Boards » (na-gi-ri ša le-a-ni, VS 19. 1 Rev. iv. 32-3). As Pempe (pers. comm.) was able to demonstrate from Sheikh Hamad evidence, the system of Boards can be shown to have persisted over a period of some 20 years at the time of Tukulti-Ninurta I. Most of the Assur texts in question are in fact lists of grain issued from government stores, to workers on the construction of the new capital at Kar-Tukulti-Ninurta, and the Board members are listed along with other recipients. The Boards seem to have listed people of a great variety of employments, who were clearly used by the state either on military or on civilian service. They are by no means all soldiers : e.g. VS 21. 17 : 34 mentions 560 enrolled (UDrnjte - see below) troops of the Board of Adad-šamši, followed by a mixed collection which includes 404 « army-troops » (ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte), 37 exorcists, 17 diviners, 40 scribes of the Governor, 22 scribes of the (Chief) Steward, doorkeepers, bird-catchers, transport officials, ..... 47 deportees, ....., 28 Šelenayans, 8 Šubrian interpreters, making a total of 1604 troops of the Board of Adad-šamši. [The total is wrong ; the envelope has 1700 [+x] which seems more accurate]. In this text women are not included, but there is at least one instance of women being included on the King's Board 4. 2.2. pirru A large proportion of the people listed on this Board were referred to as ÉRIN.MEŠ UD-ru-te. It remains uncertain whether this should be normalized as ‫܈‬Ɨbi pirrnjte, perrnjte, or even parrnjte, but for convenience I will retain Freydank's perrnjte 5. However we read it, the word must be connected with the noun pirru, and it seems clear that a procedure known as the pirru marked the threshold between service for the state and membership of or service for a « House ». It seems both to have been an enrolment procedure, and to have involved the assignation of the persons involved to different roles. The short text VS 19. 8 [Ass. 11018] reads : 108 ša pitti šarri 154 RIpitu ša ittalluknjni 1432 re‫ې‬tu ša ana šipri ibbattuqnjni Total : 1694 pi-ir-ru ša ŠU Ubri

3

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4

. .

5

6

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108, under the authority of the king 154, the ... who went away 6 1432, the remainder who are selected for labour Total : 1694, the pirru under Ubru.

Postgate 2003, 135 ; note that the « Aššur-šamši » there is a slip for « Adad-šamši » ; for Dur-katlimmu cf. Jakob 2003, 29 n. 206. KAJ 245 = Postgate 1988, n° 45. I agree with Freydank, despite earlier hesitation, that in these contexts we do not have utrnjte, if only because in some contexts the scribe is using the sign-form with a broken vertical, i.e. pír or par5. Since it would be anomalous to have an adjectival plural form of a noun pirru, it seems likely that we have to assume the couplet of pirru and *parru (or perru). If the reading par(5)-ru-te is permissible at this date, it would provide a satisfying philological match of a parsu form « enrolled » to go with the pirsu form pirru « enrolment » . The Akk. Syll. (4th edition 1991) does not list any occurrences of UD = par in MA texts, BAR = pár being more usual, but par is used in Middle Babylonian and at Ugarit (p. 14*), and there is no obvious reason why the form *parru would have been realized as perru in Middle Assyrian. The verb parƗru is very rarely attested in the G stem, but it did exist. One lexical reference (Erimপuš) offers TAR = pa-ra-ru (CAD P 161b), and although the one occurrence of the G stem in normal usage listed by CAD is unclear, the D stem meaning of "to scatter", with its passive N stem naparraru(m), is consistent with the idea of « division » . This can easily be reconciled with a process of selecting individuals, which is one of the procedures which would accompany a process of enrolment. Note that the word pir-ra-te qualifying sheep offerings (UDU.SISKUR.MEŠ) in an administrative Assur text (Cancik-Kirschbaum 1999, p. 93 VAT 19554 : 5, cited CAD P, p. 409b) is not necessarily relevant ; the context is quite different, and even if we read it parrƗte it would remain uncertain whether this belonged to parrutu « female lamb » or the hypothetical parru. The correct reading of RI-pi-tu remains open to discussion, see CAD R p. 365. In this context (though not necessarily in all) my preference remains for talpitu or talpittu.

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Thus of the 1694 persons involved in the « pirru under Ubru » 108 were under royal authority, 154 engaged in military service at different times (alƗku Gtn Pret. or Gt Pres.), and the great majority were assigned to do labour (šipru). Whether or at what stage any of them would be enrolled on a Board remains unclear. In what capacity Ubru was personally involved in this pirru is also unclear. Ubru was not, as far as we can tell, a Board-holder himself, and from the telegraphic text it is difficult to know if these people came under his control before or after the pirru procedure, but it seems probable that he is here acting in some way in an official capacity 7. A similar role may have been played by a certain Aššur-le’i, to judge from the passage 508 ÉRIN.MEŠ ša tar‫܈‬i pirri ša Aššur-le’i (WVDOG 99. 33). He is also found in WVDOG 99. 16 (‫ې‬urƗdƗte ša qƗt Aššur-le’i), and in VS 21. 17 : 35 (404 ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte ša qƗt Aššur-le’i). His official role is unknown. He will not have been a bƝl pirri, which seems at first sight an obvious possibility, because the scanty evidence suggests that there were too many of these to be high-ranking officers in charge of more than a thousand people 8. They were rather some of the junior officials to whom the day to day control of the enrolled persons was delegated, perhaps including specialists, and outside the military hierarchy 9. To sum up, assuming they each dealt with similar numbers, the boards seem likely to have listed between 5,000 and 10,000 state workers, administered in five contingents. Some of those listed on the boards were in military, some in civilian occupations, and some were women. Some, as we shall see shortly, were of dependent status, and seem to have entered this category via the process known as pirru, but others, such as the specialists, may not have been dependent and we do not know if they passed through a pirru process. Probably they were assigned for long continuous periods, unconnected with the immediate demands of current military planning. This was probably all coordinated at Assur, and we do not know whether there were in addition any comparable lists (on « Boards ») in the provinces. 3. THE DEPENDANTS OF AN ELITE FAMILY The man Ubru who appears in VS 19. 6 is almost certainly the leading figure of the archive group from which this and other tablets to be mentioned derive. The prosopography of the high echelons of Assur society still needs working out, but it is apparent that Ubru is highly placed and a good number of tablets belong to his archive (Pedersén 1985, 84 on Archive M8). VS 19. 6 [from Ass. 10997] is a text from this archive (M8), and belongs together with VS 19. 18 just discussed and VS 19. 28. It was edited first by Hirsch in AfO 23 and is further discussed by Freydank 1971. Note that this is not an « enrolment » (pirru), only a « review » (Ɲšurnjni), perhaps undertaken in consequence of the death of the father. The final section states : « Total 999 troops, dependants of the sons of Šamaš-aha-iddina, whom the commissioners reviewed in the Inner City » (ŠU.NIGIN 999 ÉRIN.MEŠ šilu‫ې‬lu ša DUMU.MEŠ Šamaš-a‫ې‬a-iddina ša qƝpnjtu ina Libbi-Ɨli Ɲšurnjni). The total 999 is made up of 526 for the first (and presumably eldest) son Ištar-ereš, 230 for the next, Qibi-Aššur, and 150 for Ubru, who is perhaps the youngest of the three. Closely connected is VS 19. 28 [Ass. 11007], it has three sections : 1. Enlil-mušabši, Šelenayan, who was taken into the House of Ištar-ereš. 2. Total of 6 troops, 3 Šelenayan (incl. one woman, one blind) and 3 Šubrian (including one woman and a baby), who were taken into the House of Qibi-Aššur. 3. « The Šelenayan troops and the allocation [piqdu] who came up before the King in the courtyard of Belatekallim within the dependants [šilu‫ې‬li] of the sons of Šamaš-aha-iddina (and) were allocated [paqdnj] to Mar-šaqe. 4 ঩ibur Aššur-mušabši » . What do these texts tell us? 7

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8

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9

.

As opposed to his role as one of three brothers to whom dependants are assigned, discussed in the next section, where he has no more than 150 persons attached to him. For the pirru in general, see Freydank 1992, p. 221-32, and specifically on bƝl pirri see Freydank 1976, p. 115, and 1992, p. 224 ; and most recently Jakob 2003, p. 30-31, p. 206. There are 27 bƝl pirri in WVDOG 99. 47. 28’, and at least 325 of them mentioned in VS 21. 17. 59, ša qƗt Aššur-šumu-lešir (also l. 109) who may therefore have had a similar position to Aššur-le’i. This seems to agree more or less with the conclusions in Freydank 1976, p. 116-118.

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• The relationship of the three sons to the troops looks like one of authority vested in them as individuals, since it is apparent that they have inherited their shares from their father. It does not seem likely to be chattel slavery, and we may compare KAV 217 : 15' where we hear of ÉRIN.MEŠ UD-ru-te which « the king our lord allocated to us ». This would tie in with VS 19. 28, where we read of « allocation » (piqdu) and « allocated » troops (paqdnj). • The troops are designated as šilu‫ې‬lu, a word I provisionally render « dependant » (see below). • Not all of them were physically present since each share includes missing and dead. I think it follows that the review procedure (ešƗru) must have involved consulting written records, since how else could the commissioners check ? • This is not an entirely private matter because the review of these troops is carried out by the commissioners in the presence of the King. • One section of each share consists of Šelenayans. We don't know where Šelenu is, but it is sufficiently distant from Assur to have had a King at one point (K 2662 assigned by Grayson 1987, p. 306 to Assur-dan I (mid-XIIth century), but this date is hardly certain). Given the evidence we now have for quite large numbers of deportees from Šubria and also Elam being organized in groups by the administration (see below), it seems entirely possible that these are a body of foreign troops who have remained together. Note that it is not explicitly stated that they were physically present – indeed given that they are listed at the end, after the missing and dead, it seems possible that they were not in fact in Assur at the time. This would account for the « 28 Šelenayans of Nemad-Ištar » who appear on Adad-šamši's Board (VS 21. 17 : 44 ; Nemad-Ištar in the Ist millennium is west of Nineveh). It is difficult to avoid the conclusion that these are « auxiliaries » like the well known Ituayu and less well known Qurrayu of Neo-Assyrian times. Here they are all « taken » by Mar-šaqe, and this procedure is known as « allocating » (paqƗdu). Presumably it could take place « on paper ». This is the not the process which converts « deportees » (naš‫ې‬njte) to « dependants » (šilu‫ې‬lu), because they would have first to have entered the household of Šamaš-aপa-iddina (and his sons), before then being « allocated » (paqadu) to Mar-šaqe 10. 4. ETHNIC GROUPS How did such ethnic groups get assimilated into the Assyrian government establishment ? There are texts which help us to see them at an early stage in the process. The Kar-Tukulti-Ninurta texts published as WVDOG 99. 123 and 125 are significant here. Some excerpts are tabulated below.

Obv. 1 2 3

"bowmen" ÉRIN.MEŠ BAN 135 25

WVDOG 99. 123 "slingers" "?" ša uš-pi ša ku-ku-li 20 52 2 3

[...] 21 2

[...] [...] [...]

8

Totals : 334

39

106

65

60+

Rev. 4'

Totals : 791

34

210

170+

170+

[...]

Rev. 5'-9' : Deported Šubrian troops [whom ........] deported (and) [.....] to [....] and « owners of property » (EN.MEŠ si-ik-la-te) [.....] the commissioners and Šama·-[.....] to Aššur-aপa-iddina [.....].

10

.

It is possible, perhaps probable, that this Šamaš-aপa-iddina (dUTU-ŠEŠ-SUM-na) is identical with the « Board-holder » whose name is written dUTU-A-PAB, and which would normally be rendered Šamaš-apla-uৢur. If this is the same person, and for the grounds for supposing it could be the same name in each case see Pedersén 1985, p. 107-8 n. 5), one might be tempted to see the 999 persons listed in VS 19. 18 as the members of his Board. However, it does not in fact seem likely that his list could have been shared out unequally between three sons, rather than passing undivided to a successor.

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Obv. 1 2

"bowmen" [ÉRIN.MEŠ] BAN [x+]25

WVDOG 99. 125 "slingers" "?" children ša uš-pi ša ku-ku-li tariu 20 52 24

"weaned" pirsu 17

"sucklings" ša irti 9

The people in n° 123 are clearly identified as recent deportees from Šubria, although quite what has been happening to them in administrative terms is obscured by the breaks in the text. They are classified into groups : some of them are children at different stages, and I am not sure where their mothers are, so beyond noting that these are families which are listed, I want to concentrate on the first two columns. Before discussing their implications for the administrative procedures, some technical terms have to be sorted out. The first column I have rendered as « bowmen », but this is controversial because Freydank (most recently WVDOG 99 p. 21) identifies the sign I have rendered as BAN as the similar sign DÍM, which when read ŠITIM stands for the Akkadian itinnu and means « mason, builder » . Which is correct is not easy to decide, but for various reasons I am convinced that « bowman » is correct. Because this is significant, and it affects other major administrative texts such as VS 21. 6, as well as texts from Chuera, it needs to be justified. Fig. 2 therefore gives some instances of signs which have been read as BAN or ŠITIM. In some instances (row 1) the context, and occasionally the use of the GIŠ, makes it obvious that we are talking about « bows » . In some examples there is no vertical wedge at all, and our sign does not resemble those, but equally there are instances where it is just as certain that a « bow » is meant, and there is a vertical wedge. The sign is not dissimilar from the sign in WVDOG 99. 123 and 125, shown in row 2, which also gives a number of other instances where the meaning of the sign is not self-evident from the context, mostly preceded by ÉRIN.MEŠ. Freydank evidently considers that these cannot be BAN because of the vertical wedge, but in the light of row 1 this does not seem to be conclusive. On palaeographic grounds therefore I consider that this sign is at least as likely to be BAN as ŠITIM. By contrast, in row 3 is a sign from VS 19. 27 where four Assyrian gentlemen are listed as recipients of wool : they are likely in the context to be builders, and the sign clearly has a second vertical which justifies reading it ŠITIM. I also find « bowman » more probable on other grounds. In the combination with ÉRIN.MEŠ (presumably ‫܈‬Ɨb), BAN « bow troops » is preferable, since « builder troops » is an improbable combination - why not just « builders » ? Moreover the numbers involved make « bowmen » more probable : it is difficult to imagine that there were really 334 builders (and no other professions) among the deportees in WVDOG 99. 123. Choosing « bowman » also offers a solution to the next column ša ušpi, which Freydank was not able to interpret 11. We can have recourse to u‫܈‬/spu (< OB wa‫܈‬/spum) which is attested meaning « sling » in Mari and Neo-Assyrian texts (AHw 1475b ; CAD A/ii, p. 339) 12. These then are « slingers » : I prefer to leave undecided whether they are genuinely slingers, differing only in that respect from the bowmen, or « bowman » stands for full-grown male and « slinger » for a younger age group 13. Now it is obvious that these lists are describing a complete deported population, which cannot have been incorporated into an army without passing through further administrative processing. Referring to the older males as bowmen and slingers suggests that they may have been destined to serve in the military, but in similar lists the adult females are classed as ša šipri « of work ». Texts like VS 19. 6 and 28 show that complete families of Šelenayans and Šubrians could be included among the troops allocated to individuals and that in these circumstances they are classed as šilu‫ې‬lu « dependants » . This certainly reflects more general practices : note that at Tell Chuera there were very 11

.

12

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13

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Freydank 1980, p. 102 n. 18, with instances of ša ušpi from VS 21. 6 i. 38', 43', 83' and iv. 62" ; now also WVDOG 99. 89. i. 9’. Note that CAD normalizes the word as aspu, without an emphatic ‫܈‬. It is easier to take ušpu from an earlier waspu(m) than wa‫܈‬pu(m), and AHw's choice of ‫ ܈‬was presumably dictated by the Arabic parallel. The meaning of ša kukulli remains uncertain. The fact that these are listed third may suggest that they were younger than the bowmen and slingers, but their function may also have been defined by characteristic military equipment. Freydank's suggestion (1980, p. 103 n. 19) to connect the term with kakkullu, some kind of container, is therefore not implausible in itself and is supported by the occurrence of ša GIŠ ku-ku-li on VAT 19350 which he cites, but cannot be considered certain. One could envisage a supporting role, such as a quiver-holder, or a boy carrying a container of sling-stones?

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similar lists of families referred to as Elamites, where the adult males are described as « bowmen » (Kühne 1995, p. 221, also understood as ŠITIM), and others from Sheikh Hamad where they are called šilu‫ې‬lu (Pempe 1996, p. 59). 5. THE ŠILU‫ۏ‬LU This class of person was discussed by Fincke 1994, who provides at least three contexts from Nuzi for what must be the same word, which is surely of Hurrian origin, at least in part. There they are clearly of subordinate social status, Hapiru in origin, and are in a state of economic dependence on a private household. In VS 19. 6 the 999 dependants inherited from their father by the three brothers, and hence in some sense in the private sector, were all referred to as šilu‫ې‬lu. At present, it would be premature to suggest that all šilu‫ې‬lu were from a non-Assyrian background, although at Tell Sabi Abyad it seems that most of them were (Wiggermann 2000, p. 185 and p. 189). Other scattered mentions of šilu‫ې‬lu in the Middle Assyrian archives are brought together by Jakob 2003, p. 39-41, and he cites evidence from Dur-Katlimmu that some šilu‫ې‬lu there bore pure Assyrian names. The Dur-Katlimmu and Sabi Abyad texts make it clear that šilu‫ې‬lu were widely used as agricultural labourers, something which had not been apparent from the Assur archives. Some fresh light is shed on the šilu‫ې‬lu by a small archive from Tell Ali, on the southeast bank of the Lower Zab on the route between Assur and Nuzi. This must derive from the office of the local nƗqidu, a term I translate « flockmaster ». I am preparing an edition of these texts by Dr Bahijah Khalil Ismail for publication, and am very grateful to her for allowing me to refer to them 14. Of the 25 tablets about half are concerned with the animals, sheep and goats ; and the other half with the products, skins and wool. The šilu‫ې‬lu are mentioned in the wool texts : n° 15-16 and 21 : An official of the palace called the ša mu‫ېې‬i šilu‫ې‬li receives wool for the palace women-servants' work-assignment (iškƗru). n° 17 : The supervisor of the weavers receives wool « for the work-assignment and for the clothing of the šilu‫ې‬lu ». n° 23 : Another official called Iddina-Marduk received wool belonging to the palace « for Cypriot and other textiles and for clothing for the šiluhlu ». n° 24 : Does not mention šilu‫ې‬lu but does talk of wool « for the clothing of the Na[irian] troops whom the king had given to Uৢur-namkur-šarri » . I think this little archive is of interest in the present context for two reasons. On the one hand it demonstrates that a local palace had dependent on it a body of workers for whom it supplied clothing – and that these were both šilu‫ې‬lu and (probably) deportees from the north. On the other hand it shows that the clothing provided is produced by the palace itself from its own resources – to the extent of managing its own wool – bearing flocks and organizing the processing of the wool into woven cloth. Thus I think one has to assume that both the palace (and local and provincial palaces) and private families had šilu‫ې‬lu dependants. Jakob also concludes that the šilu‫ې‬lu may have been dependants either of the state or of private households, and I agree with him in rejecting my tentative suggestion in 1982 that the 999 šilu‫ې‬lu of the Šamaš-aপa-iddina household could have been former land-holding citizens who had become dependent as debt slaves. Conceivably šilu‫ې‬lu were all in origin « owned » in some sense by the state, and when convenient were assigned (paqƗdu) to families ; this agrees broadly with the opinion of Jakob (2003, 41), although it is difficult to judge how reversible such assignations might be. The Tell Ali archive also helps with the general picture of how the state equipped its army. We already knew texts from Assur which demonstrate that female weavers were given work-assignments (iškƗru) for the production of military uniform for the « king's troops » (‫܈‬Ɨb šarri) 15. Similar texts referring to textile iškƗru include WVDOG 92. 5 (GIŠ.GÀR.MEŠ ša ab-ba-še), and Frahm 2002, p. 84 (D-2359 and D-2360). The supply of leather for the state is one of the activities of a man called Uৢur-bel-šarri : in VS 21. 26 [Ass. unknown] he provides 314 sheepskins and 92 goatskins, in KAJ 97 : 4 [Ass 14886] he is described as a « flockmaster » (LÚ.NA.KAD), followed perhaps by « of the palace » (ša É.[GAL]-lim, collation needed). A man of the same name 14 15

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For a preliminary notice of the archive see Ismail 1982. See Postgate 2001, p. 375.

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is also listed in WVDOG 92. 5 : 35' [Ass. 14466], which lists iškƗru assignments for textile workers supplying military clothing (see above) ; unfortunately the items he is required to supply are broken, and we cannot tell if they were also of wool or of leather, but they were intended for the « necks(?) » (GÚ.MEŠ) of a chariot 16. There is little other evidence for the supply of military equipment, although we know relevant craftsmen like carpenters and leather-workers (e.g. WVDOG 99. 50 « shield leather-worker » ) were attached to the administration. There are work-contracts from Assur which refer to bows (cf. Frahm 2002, p. 75-80, also Ass. 2001. D- 2279 p. 82), and leather (Frahm 2002, p. 71). In VS 19. 20 a certain Abi-ili owes 20 bows to Urad-šerua the bowyer ; they are probably overdue because he is obliged to mortgage a field until he makes the delivery, and this personal liability seems to point to a system under which individuals contracted to supply the institutions on a « commercial » basis, whether or not technically under the iškƗru system. Chariots and horses are also sparsely represented in our texts 17. This could of course have to do with the chances of discovery, but it may also reflect the fact that the charioteers of the Assyrian army were members of the elite who were expected to provide their own equipment, and may not have fallen within the reach of the written administration 18. 6. CONCLUSIONS I have concentrated on the evidence for the enrolment of non-Assyrian dependants because that is where the most detailed evidence is currently to be found. It seems clear that in some situations groups of conquered and deported populations were allocated by the state to Assyrian households, and thus entered the social category of « dependant » (šilu‫ې‬lu). The older males in some cases are described as « bowmen » and « slingers ». It is premature to be certain whether this was a convenient age and sex classification which did not necessarily reflect the real combat specialisms of the deportees, or whether it was indeed the case that all adult males were trained soldiers 19. While the majority of conscripted dependants were assigned to state labour rather than the army, and these labourers could and did include young persons and women, it is possible that some of them were at a later stage enrolled into some branch of the army via the pirru system, and it seems a fair assumption that they were then equipped to fight with their distinctive weapons. The army as a fighting force, both in general and in relation to specific campaigns 20, was called ‫ې‬urƗdu, and it certainly included Assyrians performing ilku service, who we have to assume were also an important component of the army. VS 21. 1. vii. 26 sums up over 150 men with Assyrian names and patronymics, with sons and brothers occurring together , as « royal troops » ‫܈‬Ɨb šarri, the class of person for whom battle uniforms were produced by weavers carrying out iškƗru assignments in VS 21 5 21. « Royal troops » are also found being used for building boats (WVDOG 99. 34) or feeding women employed on the construction of Kar-Tukulti-Ninurta (WVDOG 99. 31), but this may reflect exceptional circumstances. In the Kar-Tukulti-Ninurta texts there are two which mention contractual arrangements made by individuals ana la-a a-la-ki or la-la-ki ša ‫ې‬u-ra-di « in order not to go in the 16

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In this context the person mentioned seems likelier to have been a « flockmaster » than a provincial governor, which is the other profession attested for persons of this name (although it is curious that those attestations (KAJ 182 ; 184 ; 225 ; 267) are in texts involved with leather and milk). Textiles for chariots in the iškƗru text VS 21. 5 (cf. above). Note that KAJ 130 (=Postgate 1988, n° 24) recording the issue of materials for the refurbishment of a chariot is formulated as a personal liability, and that texts about mules and horses for the Karduniaš campaign in WVDOG 99 come from the grain accounts. For KAJ 307, a private contract about the provision of a horse and chariot in addition to a lance (ulmu) and an axe (‫ې‬a‫܈܈‬innu), and similar, if fragmentary, contracts about performance of ilku service cf. Postgate 1982, p. 305-306. For the loan of a lance (ulmu) when going off on campaign cf. Postgate 1971, p. 499 on TR 2021+2051. Although lists of deported population from the north sometimes include mention of weapons, such as ‫ې‬a‫܈܈‬innu, or patru (Freydank 1980, p. 112), they do not mention bows (or slings). Did the majority not have them, or were they so common that they were not thought worth a mention? The term ‫ې‬urƗdu can clearly to refer to an assembled fighting force, since it can be qualified by the intended destination, e.g. « the army of Suhi » (WVDOG 99. 27 : 22), « of Karduniaš » (VS 19. 1 Rev.iv ; Frahm 2002, Ass. 2001 D 1503) or « of Hanigalbat » (VS 21. 17 : 110). For attestations of ‫ې‬urƗdu see Jakob 2003, p. 202-208, now to be joined by the passages mentioned here, including WVDOG 99. 30 ; 35; 42 ; 91 ; 119 ; 146. The family context of conscription as « king’s troops » seems to be reflected in the mention of « sisters of king’s troops » in WVDOG 99. 47 : 7’.

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army » (WVDOG 99. 5 ; 6) ; and another is a complicated agreement between the king and the governor of Katmuhi about not allowing ÉRIN.MEŠ a-li-ku-tu ša ‫ې‬u-ra-di from neighbouring provinces into Katmuপi (WVDOG 99. 119). These instances must refer not to dependent persons but to free citizens. Although substantial fresh evidence is available, some fundamental points remain uncertain. These include : • Were the Boards part of the military administration or a separate civilian organization? • Were all ÉRIN.MEŠ perrnjte drawn from the šilu‫ې‬lu class? • Did all ÉRIN.MEŠ perrnjte get included on one of the Boards? • Did any of the šilu‫ې‬lu class end up in the army proper (‫ې‬urƗdu)? • Did all ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte get included on one of the Boards? These uncertainties mean that the reconstruction in fig. 1 is almost certainly too simple, and only one possible solution. Thus I have shown all the Ɨlik ilki as becoming ‫܈‬Ɨb šarri and then joining the army (‫ې‬urƗdu), but it is quite likely that some of them were employed on state labour. Are these the persons described as ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte on the Boards? 404 of these were listed on the Board of Adad-šamši in VS 21. 17 :34-5, second only in number to the 560 ÉRIN.MEŠ perrnjte. If so in fig. 1 there should be no arrow taking people from the Boards into the army, but instead an arrow taking people from the army onto the Boards. On the other hand, if the diagram is correct it would imply that those called ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte are not all necessarily conscripted via the ilku system, but could enter the army through enrolment on the Boards. In other words, are ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte soldiers being used in a civilian context, or civilians being assigned to military duties? They are in any case formally distinguished from the ÉRIN.MEŠ perrnjte (as is clear from WVDOG 99. 16 ; 33 also under Aššur-le'i ; cf. WVDOG 99. 35). This depends on the nature of the Boards themselves : given the variety of civilian employments included in their lists, it seems unlikely that they are part of the military core of the army. Perhaps then the « soldiers » (ÉRIN.MEŠ ‫ې‬urƗdƗte) are being « lent » to the Board-holders to help with the construction of Kar-Tukulti-Ninurta. They may of course be performing their ilku service in this way, and it is possible that at this date the ilku system automatically classified those performing their service as members of the army (‫ې‬urƗdu) and only then distributed them to different functions. In conclusion, it is worth bearing in mind that the majority of the evidence for the Boards and the enrolled troops comes from the offices of those responsible for issuing state supplies of grain, not from the military administration, and therefore gives us only a very partial insight into the structure of the army. It is noticeable that we do not come across many military titles, nor do these texts mention the ka‫܈‬rnjtu troops (see Jakob 2003, p. 95-7). It is quite possible that the bureaucracy which has given us these enormously detailed grain accounts was not matched on the military side, and that we may hope in vain for comparably informative documents from the army’s own scribes. Most of the new archives from Hanigalbat seem to be more concerned with civilian affairs, and perhaps the best data for solving some of these issues might come from Ubru and his circle in the remaining unpublished texts from the M8 archive at Assur (Pedersén 1985, p. 82-9).

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Figure 1 : Procédures possibles de recrutement de l’armée

Figure 2 : BAN et ITIM dans les textes médio-assyriens

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LE DEVELOPPEMENT DE L’ARC EN MÉSOPOTAMIE

Dominique COLLON*

RÉSUMÉ : La plus ancienne représentation de l’arc en Mésopotamie apparaît sur un vase d’Arpachiyah (4500 av. J.-C.). Un arc de type semblable été découvert dans le Wadi al Makkukh (désert de Judée), brisé de manière intentionnelle – comme le fera des siècles plus tard un soldat élamite à la bataille de Til-Tuba. Le premier arc composite connu a été représenté sur un relief de chasse d’Uruk datant de 3100 av. J.-C. La flèche de type transversal est destinée à couper plutôt qu’à perforer, comme celles qui sont sculptées sur les sceaux de l’époque. Des arcs similaires sont connus à Suse et à Choga Mish (3100 av. J.-C.) et plus tard (2500 av. J.-C.) à Mari. La stèle de Naram-Sin montre un arc composite ; la flèche était dotée de plumes, mais malheureusement sa pointe n’est plus visible. Le carquois est souvent équipé d’un appendice suspendu au-dessous, qui devait servir à nettoyer les flèches ; le même appendice apparaît dans la glyptique et sur le vase d’Arpachiyah. Sur un sceau d’Ougarit, l’archer aurige portait le carquois sur son dos, alors que dans les reliefs assyriens, les carquois étaient accrochés sur le côté ou à l’avant du char, le roi tenant souvent deux flèches dans ses mains, comme symbole de pouvoir. ABSTRACT : The earliest depiction of a bow in Mesopotamia appears on a pottery bowl from Arpachiyah around 4500 B.C. An actual example of a similar type of bow was found in a cave at Wadi al Makkukh in the Judaean Desert : it had been intentionally broken. Millennia later an Elamite soldier is shown cutting his bow on Assyrian reliefs depicting the Battle of Til Tuba. The first known composite bow appears in the hunting scene on the Warka Stele c. 3100 B.C. ; a flint transverse arrow-head is clearly depicted, indicating that the aim was to cut rather than to pierce. Similar arrow-heads are shown on contemporary seals, as are composite bows from sites such as Susa and Choga Mish and, later (c. 2500 B.C.) on a plaque from Mari. The NaramSin stele shows feather fletchings, but unfortunately the arrow-head cannot be seen. Quivers are often shown with tassels hanging below them. These were probably used for cleaning the arrows and are depicted on the Arpachiyah bowl and on seals. On a seal from Ugarit, the chariot driver/archer has a quiver on his back, but on Assyrian reliefs, the quivers are carried either on the sides or the fronts of chariots. Assyrian reliefs also often show the king with two arrows held as symbols of power. MOTS-CLÉS : arc simple, arc composite, flèche, carquois, sceaux, bas-reliefs, Arpachiyah, Wadi al Makkukh, Uruk, Suse, Choga Mish, Mari, Ougarit, Nimrud, Ninive. KEY WORDS : Simple bow, composite bow, arrow, quiver, seals, reliefs, Arpachiyah, Wadi al Makkukh, Uruk, Susa, Choga Mish, Mari, Ugarit, Nimrud, Nineveh.

1. TERMINOLOGIE L’arc simple était fabriqué à partir d’une seule pièce de bois dont les extrémités étaient quelquefois recourbées à la vapeur. La longueur des arcs simples varie, étant généralement plus courte là où la végétation est dense, car l’utilisation d’un arc long y est difficile et le chasseur est en mesure d’approcher plus facilement sa proie. La portée du projectile se trouve cependant réduite. La longueur de l’arc peut changer également par rapport à la taille de l’archer. Lorsque l’arc est bandé, son taux de compression est considérable et pour qu’il puisse être tiré, il doit avoir une longueur d’au moins 1,5 m. En raison de sa longueur, l’arc simple a généralement été utilisé par des archers à pied. Par contre l’arc composite est plus court. On utilise un bois non-résineux auquel peuvent être collés des tendons sur une face, et de la corne ou de l’andouiller sur l’autre, ces matières ayant des taux de compression et d’expansion différents 1. Dans un mythe d’Ougarit du XIIIe siècle av. J.-C. il est question de l’utilisation du bois d’if, de tendons de taureaux et de cornes *

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1

London, British Museum. Miller et al. 1986.

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de chèvres sauvages pour la fabrication d’un arc composite 2. Il y a différentes théories quant à la date et au lieu de l’invention de l’arc composite 3. Il trouve son origine peut-être de la pratique de renforcer la partie centrale (poignée) d’un arc simple là où il était le plus susceptible de se casser 4. Rausing a suggéré que l’arc composite devait être postérieur à l’invention de la céramique puisqu’il fallait des récipients dans lesquels on pouvait faire bouillir de la colle, ingrédient essentiel dans la fabrication d’un arc composite 5. Selon la théorie émise par le général Pitt-Rivers en 1877, il pourrait avoir été inventé en Mésopotamie où il y avait un manque de bois approprié à la fabrication des arcs simples. D’autres ont pensé que l’arc composite aurait été inventé là où il existait une longue tradition de tir à l’arc, et Rausing 6 a suggéré la zone au nord d’Anau en Asie Centrale. Neuf ans plus tard, une découverte dans le nord de l’Iraq a étayé l’hypothèse de Pitt-Rivers (voir ci-dessous). Pourtant, le manque de témoignages archéologiques et l’ambiguïté de l’iconographie compliquent les choses. Seules les représentations qui montrent un plus grand degré de courbure que ce qui résulte du traitement à la vapeur peuvent être considérées comme des illustrations d’arcs composites 7, et la forme de l’arc change selon qu’il soit au repos, bandé ou en position de tir. 2. AVANT 3000 AV. J.-C. Le tir à l’arc est déjà attesté au Levant vers 7000 av. J.-C., la plupart du temps sous forme de pointes de flèche 8. Korfmann, dans son étude de la distribution archéologique de frondes et d’arcs dans le Proche-Orient ancien 9, fait état de l’absence de pointes de flèche en Mésopotamie avant 3000 av. J.-C. Cependant, les représentations les plus anciennes indiquent que les flèches utilisées en Mésopotamie à ces époques reculées étaient à tranchant transversal (voir ci-dessous) et beaucoup de ces dernières pouvaient facilement être confondues avec des fragments de lames de silex. Trop souvent elles demeurent non répertoriées car elles ne ressemblent pas aux pointes de flèche conventionnelles. L’arc est attesté en Mésopotamie aux environs de 4500 av. J.-C. et il s’agit déjà d’une arme sophistiquée. En effet, un vase peint halafien, trouvé en 1976 lors des fouilles d’Ismail Hijara à Arpachiyah près de Mosul dans le nord de l’Iraq 10 (Fig. 1), porte un décor peint sur sa face intérieure : au centre, deux femmes nues semblent tenir un carré entouré sur trois côtés de franges. Breniquet a suggéré, qu’il pouvait représenter un enclos 11. À droite, et face à « l’enclos », se tient un bovidé. À gauche, un chasseur court vers un félin, et se prépare à tirer une flèche. L’arc semble être du type à double courbure, dit aussi reflex/deflex. Il s’agirait du témoignage le plus ancien qui suggère une construction composite, mais l’identification à un arc composite n’est pas absolument certaine. L’archer porte un carquois sur son dos muni d’une floche au bas qui servait sans doute, comme à l’époque actuelle, à nettoyer les flèches (voir également ci-dessous). Vu la difficulté de peindre sur la face intérieure concave du vase, la flèche et sa pointe sont malheureusement déformées. Il semblerait que nous ayons ici la première représentation de la chasse au lion « royale », menée dès les débuts de l’agriculture et de l’élevage, et même peut-être auparavant, par le chef d’une communauté contre les fauves qui la menacent, et tout particulièrement contre les lions. Nous verrons plusieurs exemples de cette guerre des populations sédentaires contre les animaux sauvages, jusqu’à l’extermination des lions au siècle dernier, probablement vers 1940. Un arc simple qui ressemble beaucoup à celui sur le vase d’Arpachiyah et deux fûts de flèche ont été retrouvés dans une tombe à l’intérieur d’une caverne dans le désert de Judée, datant du IVe millénaire av. J.-C. 12. L’arc, fait de bois d’olive, a été retrouvé brisé en deux, peut-être une sorte de « mise à mort » rituelle (voir ci-dessous et cf. Fig. 20). On a suggéré qu’il ressemblait au type représenté vers la fin du IVe millénaire av. J.-C. sur une palette égyptienne dite « des Chasseurs » 13 (Fig. 2).

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10

. . 12 . 13 . 11

Albright & Mendenhall 1942, p. 227-229. Rausing 1967, p. 145-146. Webb 1981. Rausing 1967, p. 146. Rausing 1967, p. 146. Collon 1983, p. 53-56. Gopher 1989. Korfmann 1972. Hijara 1980, p. 148, fig. 10. Breniquet 1992, p. 74 et voir ses nouveaux dessins figs. 1-3. McEwen, in Schick 1998, p. 45-53 ; Schick 1998, p. 30-33, p. 126-130. Emery 1961, p. 113, fig. 70, pl. 1b.

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La stèle dite « de Warka » 14 (Fig. 3), découverte à Uruk et datée vers 3100 av. J.-C., montre à deux reprises un personnage généralement appelé le « Roi-prêtre » : en haut, il transperce un lion avec une lance, et en bas, il envoie une troisième flèche vers un lion, tandis qu’un deuxième lion a déjà été blessé par trois flèches. Il est intéressant de noter que ce sont deux des armes employées aux environs de 645 av. J.-C par le roi assyrien Assurbanipal dans sa célèbre chasse aux lions sur des bas-reliefs provenant de Ninive (voir ci-dessous et cf. Fig. 15B). L’identification de l’arc représenté sur la stèle de Warka à un arc composite fait l’objet d’un consensus ; ce type d’arc apparaît également sur des empreintes de sceaux provenant d’Uruk et, vers la même époque, dans le sud-ouest de l’Iran et dans le sudest de la Turquie 15 ; il est intéressant de noter que tous ces arcs sont dans la position de repos. Dans quelques cas seulement (Fig. 4 16 et Fig. 5 17), l’arc est figuré alors qu’il sert à tuer, soit des hommes, soit des taureaux (cf. la stèle de Warka où des lions sont tués). Des fragments d’arcs composites ont été trouvés près du lac Baïkal et au Japon, mais ils sont d’un demi millénaire plus tardifs 18. Toutes les flèches semblent avoir des empennages de plumes et une encoche à l’extrémité du fût. Si la flèche sur l’empreinte de Suse (Fig. 4) se termine en pointe, celles qui sont représentées sur la palette égyptienne, sur la stèle de Warka et sur le cylindre du British Museum (Figs. 2-3, 5) sont à tranchant transversal : il s’agit d’un silex inséré dans l’extrémité du fût, destiné à couper plutôt qu’à percer. Au total 172 têtes de flèche de ce type, en silex et en obsidienne, ont été trouvées dans deux groupes sur des nattes couvrant le sol du Riemchengebäude (vers 3100 av. J.-C.) à Uruk, vraisemblablement à l’origine conservées dans des étuis en toile ou en cuir 19. Des flèches transversales ont également été retrouvées dans un contexte de la même époque à Tell Brak en Syrie du Nord-Est, avec le support en argile dans lequel elles étaient conservées. Leur distribution a été étudiée par Wright 20. Des pointes de flèche semblables étaient également utilisées en Égypte à cette période : elles ont été retrouvées lors de fouilles archéologiques, et sont représentées sur la palette des Chasseurs 21 (Fig. 2). Les flèches transversales et en pointe sont documentées à Ur et dans le site voisin de Reijibeh dans des niveaux de la période d’Obéid 22. Les flèches transversales furent utilisées, du moins en Égypte, jusqu’à la fin du Ier millénaire av. J.-C. 23. Korfmann se réfère à une note dans un inventaire de fouilles d’Uruk, où il est question de la découverte de ce qui semble avoir été un carquois en cuivre ou en bronze 24. 3. DE 3000 À 2000 AV. J.-C. Un lion adopte une posture humaine sur une empreinte de cylindre proto-élamite (Fig. 6) aux environs de 2800 av. J.-C. 25 ; il tient un arc semblable à celui utilisé à Uruk (Figs. 3-4) ; la flèche a une tête transversale, et le carquois a la même forme évasée (Fig. 5). Cependant, les témoignages iconographiques et archéologiques indiquent que, pendant le restant de la période dynastique archaïque, les armes principales étaient des lances (portées à l’avant des chars et par l’infanterie), des haches et des poignards 26. Il y a une exception : des pointes de flèche transversales en silex, munies de soie et de finition très soignée, ont été recueillies dans le tombeau de Mes-kalalam-dug à Ur 27 ; elles avaient probablement été dans un carquois. Ce sont les seuls exemples trouvés dans le Cimetière Royal. Un objet très intéressant provient du palais présargonique de Mari (Fig. 7) : il s’agit d’une plaque en pierre blanche portant un décor incisé montrant un homme armé d’une lance et protégeant au moyen d’un grand bouclier un archer qui tire

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AUWE 6, pl. 36-38. ATU 7, pl. 97 : 8 et 10, et AUWE 24, p. 74, Abb. 61 et p. 76, Abb. 65 d’Uruk ; AUWE 24, p. 138. Abb. 118 a-d de Suse et de Choga Mish, et p. 141. Abb. 122 f-g de Suse ; AUWE 24, 136, Abb. 115a, de Hacinebi. 16 . Amiet 1972, no. 695 de Suse. 17 . Mallowan 1964, pl. 8, un sceau-cylindre sans provenance au British Museum. 18 . Rausing 1967, p. 121, p. 137-138, p. 148. 19 . UVB 15, p. 10, pl. 19a. 20 . Wright 2002. 21 . Emery 1961, p. 113-114, figs. 70-1, pl. 1e et 1b ; à noter les fûts taillés en pointe, qui sont semblables à la flèche sur l’exemple provenant de Suse dont il a été question plus haut, fig. 4. 22 . UE IV, p. 14, pls. 12a et 13. 23 . Clark et al. 1974 et voir ci-après. 24 . Korfmann 1972, p. 199, W18725d. 25 . MDAI 43, no. 1014. 26 . UE II, pls. 91-92, 223-228. 27 . Clark 1935. 15

. .

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une flèche ; au-dessus flotte le corps d’un ennemi nu 28. La relation de la corde par rapport à l’arc indique que l’arc est composite, la torsion de la corde est soigneusement rendue, et il a été suggéré que la flèche, décrite comme barbelée, pourrait être la représentation la plus ancienne d’une flèche à feu. Un projectile en cuivre ressemblant à un harpon et provenant d’Uruk a été attribué soit à l’époque Djemdet Nasr, soit au début du dynastique archaïque, mais ce n’est probablement pas une flèche 29 ; une pointe de flèche en cuivre date peut-être du début du dynastique archaïque 30. L’arc composite à l’époque akkadienne est de forme différente. Il apparaît sur une stèle fragmentaire trouvée à Tello (Fig. 8), attribuée au règne de Manitusu (2269-2255 av. J.-C.). Trois archers sont représentés, tous portant un carquois au-dessous duquel est accrochée une floche (cf. Fig. 1) ; deux portent leurs arcs et le troisième s’apprête à tirer son arc. L’exemple le plus célèbre, sur la stèle de Naram-Sin d’Agadé (2254-2218 av. J.-C.), montre le roi à la tête de son armée, vainqueur des Lulubi : il tient un arc composite et une flèche, mais ses soldats portent des lances ; devant lui, un ennemi terrassé saisit le fût d’une deuxième flèche logée dans sa gorge, sans doute tirée par le roi 32. Les deux flèches ont des empennages de plumes, et la flèche tenue par le roi semble être pointue. Les sceaux cylindres de la même époque, notamment ceux des scribes Adda et Kalki 33 (Fig. 9), représentent dans un cas un dieu et dans l’autre un guide montagnard qui portent sur l’épaule des arcs du même type que celui de Naram-Sin ; chacun tient une flèche avec empennage de plumes, dont la pointe n’apparaît pas clairement. C’est vraisemblablement un préposé de Naram-Sin qui portait le carquois du roi, mais il n’est pas représenté ; par contre, les archers sur les cylindres portent un carquois sur le dos auquel est également attachée une floche (voir Fig. 9 et cf. Fig. 1). 31

Des dispositifs semblables apparaissent sur d’autres cylindres akkadiens 34. Sur certains d’entre eux 35, des chasseurs tirent des flèches vers des animaux, mais c’est seulement sur l’un de ces cylindres que la pointe triangulaire d’une flèche est visible. On ne peut pas exclure, pourtant, que le sceau a peut-être été retravaillée. G. D. Gaunt (communication personnelle) m’a suggéré que deux plaques de cuivre retrouvées à Mohenjo Daro dans la vallée de l’Indus, avec des personnages à cornes portant des arcs, sont peut-être des représentations d’un roi ou dieu akkadien vu par un harappéen 36. Il a également proposé que l’importation des buffles de l’Indus en Mésopotamie à cette époque 37 pourrait avoir été motivée par la nécessité de créer un élevage de buffles afin d’avoir une source locale de leur corne. En effet, avant l’arrivée des plastiques modernes, il n’y avait, apparemment, rien de meilleur que la corne de buffle pour la fabrication des arcs composites. La stèle de Naram-Sin a eu une influence considérable sur l’iconographie royale. Le long des frontières avec l’Iran vers la fin du IIIe millénaire et au début du IIe millénaire av. J.-C., et plus particulièrement dans la zone où l’on pense que le roi avait vaincu les Lulubi, les roitelets locaux s’étaient fait représenter tenant un arc et piétinant leurs ennemis sur des bas reliefs gravés sur les flancs du Zagros 38, tradition émulée, quelques 1500 ans plus tard, par le roi achéménide Darius (521-486 av. J.C.) non loin de là, à Bisitun 39. 4. DE 2000 À 1000 AV. J.-C. Les quelques cylindres paléo-babyloniens représentant des archers sont probablement basés sur l’iconographie de la stèle de Naram-Sin. Figurant un dieu ou un roi portant un arc sur l’épaule et saisissant des ennemis vaincus (par exemple Buchanan 1981, nos. 762, 796), ce type d’image se trouve sur des empreintes de cylindres datant des règnes d’Ipiq-Adad II d’Enunna et de Hammurabi de Babylone (1792-1750 av. J.-C.), mais le sujet n’était pas commun. Une plaque en terre cuite fort intéressante de Khafajah 40 montre un dieu avec un arc sur l’épaule, poignardant un démon solaire qui n’a qu’un seul œil comme les Cyclopes ; la corde tordue de l’arc est très claire. Quelques pointes de flèche en cuivre ou en bronze d’Uruk et d’Ur

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. . 30 . 31 . 32 . 33 . 34 . 35 . 36 . 37 . 38 . 39 . 40 . 29

Parrot 1971, p. 269, pl. XIV : 2 ; Miller et al. 1986, p. 182-183, fig. 3. AUWE 7, no. 337. AUWE 7, no. 338. Amiet 1976, p. 25-27, 90, no. 25. Amiet 1976, 29-32, 93-94, no. 27. Boehmer 1966, Abb. 377 et 717. Boehmer 1966, Abb. 352, 359, 390, 722 et 724. Boehmer 1966, Abb. 359, 721-722 et 724. Joshi & Parpola 1987, p. 147 M-582B et p. 149 M-588B. Boehmer 1974. Postgate & Roaf 1997, figs. 4, 5, 7, 8, pls. 1-4. Ghirshman 1964, p. 235, ill. 283. Voir dans ce livre l’article de P. Miglus. Parrot 1960, p. 291, fig. 358A.

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ont été attribuées aux époques paléo- ou médio-babylonienne 41, mais l’emploi des pointes de flèche transversales continuait, par exemple à Tell Hadidi en Syrie 42. Un carquois et des pointes de flèches en cuivre ou en bronze de Mari conservés au Louvre, dateraient du XVIe siècle av. J.-C. ; Yadin ajoute que le carquois aurait été introduit en Égypte par l’intermédiaire de la Syrie ou de la Palestine. La glyptique kassite et médio-assyrienne du XIVe au XIIe siècle av. J.-C. représentent des centaures archers, des archers à genoux (la plupart provenant d’Iran), des archers debout, et des archers chassant à partir de chars 44 (voir ci-dessous). Un cortège de soldats tenant de petits arcs composites décore une plaque de bronze fragmentaire provenant des fouilles de Suse et datant probablement du XIIIe siècle av. J.-C. 45. Des flèches apparaissent sur les kudurrus, la pointe vers le bas parmi les symboles divins ; généralement l’encoche est indiquée, mais l’empennage de plumes n’apparaît qu’une fois 46. Un archer porte son arc dans un étui sur son dos et joue du luth 47. Un centaure archer est représenté sur un kudurru de Meli-ipak (1186-1172), et un homme-oiseau archer sur un kudurru de Nabuchodonosor I (1125-1104 av. J.-C.) 48. Sur un kudurru de Marduk-nadin-ahhe (1099-1082 av. J.-C.), le roi tient un arc et deux flèches 49 (Fig. 10) ; ceci semble être le premier exemple d’un motif qui, plus tard, fut adopté par des rois d’Assyrie (voir ci-dessous). Sur un cylindre de la Mésopotamie du Nord ou de la Syrie (Fig. 11), datant de la deuxième moitié du IIe millénaire av. J.-C., un démon, probablement Humbaba, est assailli par un personnage égyptisant avec un arc 50 et par un dieu (?) qui porte un carquois auquel est suspendue une floche (voir les Figs. 1, 8-9). À cette époque, les témoignages les plus nombreux du tir à l’arc viennent du Levant. Dans les Lettres d’Amarna à des nombreuses reprises les roitelets levantins demandent au Pharaon de fournir des archers égyptiens. Les scènes de chasse et de bataille montrent que l’aurige conduisait seul avec ses rênes attachées au char 51 (Fig. 12) ou autour de la taille afin d’avoir les mains libres pour manier son arc 52 ; les rênes attachées autour de la taille apparaissent pour la première fois dans l’iconographie égyptienne du règne de Thoutmosis III (1504-1492 av. J.-C.), bien que selon Amiet elles doivent déjà se trouver sur des cylindres levantins du Bronze Moyen 53. En effet, vers la fin de l’Âge du Bronze, les arcs deviennent au Levant un symbole de la royauté. La plupart du temps, ils sont figurés sur des scarabées, mais également sur quelques sceaux cylindres représentant des scènes de chasses royales avec le pharaon archer, soit debout, soit dans son char, soit assis. Keel a suggéré que ce dernier thème évolua pendant le règne du pharaon Tutankhamon (1336-1327 av. J.-C) 54. Des pointes de flèches en bronze munies de soie portent des inscriptions alphabétiques du XIIe au XIe siècles av. J.-C. 55. Mitchell a suggéré que les noms aidaient peut-être à identifier des flèches utilisées lors de concours de tir à l’arc contre une cible, déjà attestés vers la fin de l’Âge du Bronze 56. Dans un texte de l’Âge du Fer le roi d’Ourartou, Argiti II (c. 714-690 av. J.-C.), se vante d’avoir tiré une flèche sur une distance de 475 m. Vers la fin de l’Âge du Bronze, l’arc composite angulaire était employé en Égypte 57, et en Anatolie, dans une scène de chasse d’Alaca Hüyük au XIVe siècle av. J.-C. 58. Des dieux ont été sculptés à flanc de montagne aux frontières de l’empire hittite, et plusieurs portent un arc sur l’épaule (par exemple au XIIIe siècle av. J.-C. à Karabel 59). Sur le bol en or de Hasanlu, un personnage héroïque vêtu d’un kilt porte un carquois et tient une flèche et un arc composite angulaire avec le côté corde détourné de lui (Fig. 13) comme sur certains bas-reliefs assyriens postérieurs (voir ci43

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. . 43 . 44 . 45 . 46 . 47 . 48 . 49 . 50 . 51 . 52 . 53 . 54 . 55 . 56 . 57 . 58 . 59 . 42

AUWE 7, nos. 339-351 ; UE 7, pl. 99. Miller 1983. Yadin 1963, p. 164-165. Matthews 1990, nos. 161, 259-265, 270, 308-114, 350-354, 421, 569-570. Amiet 1966, no. 305. Seidl 1968, nos. 72, 74-5, 77-80, 86-7, 90, 95. Seidl 1968, pl. 18, no. 40. King 1912, pls. 29, 58 ; Seidl 1968, pl. 23, no. 67. King 1912, pl. 54. Lambert 1987, p. 48 n. 32, pl. 10 : 20. Amiet 1969, p. 7, fig. 9. À noter la floche qui pend du carquois. Voir également Amiet 1992, nos. 301-302, 308-309, 311, 314 ; Yadin 1963, p. 186-187, 192-193, 200, 214, 216. Amiet 1992, p. 129. Keel 1977. Mitchell 1985. Yadin 1963, p. 200-1. Yadin 1963, p.199, p. 349. Akurgal 1962, pls. 94, 97. Akurgal 1962, pl. 102.

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dessous) ; bien que trouvé dans un contexte daté aux environs de 800 av. J.-C., le bol de Hasanlu pourrait être de quatre à cinq siècles plus ancien 60. 5. DE 1000 À 612 AV. J.-C. C’est en Assyrie durant les premiers siècles du Ier millénaire que nous trouvons le plus grand nombre de représentations d’archers qui les montrent dans des contextes de chasse, de guerre, de célébration de victoire ou de participation à des rituels. 5.1. L’équipement 5.1.a. L’arc On ignore à quel moment précis de la fin de l’âge du Bronze et de quelle source les Assyriens ont repris l’arc composite angulaire, employé par les Égyptiens et les Hittites et représenté sur le bol en or de Hasanlu (Fig. 13). Un bas-relief du règne d’Assurbanipal (668-627 av. J.-C.), illustre la préparation de l’équipement destiné à la chasse aux lions (Fig. 14) : certains vérifient les arcs et les flèches tandis qu’un autre bande un arc ; on notera qu’ici les poupées de l’arc sont en forme de canard (voir aussi Fig. 17B) alors que dans d’autres cas les poupées de l’arc royal sont en forme de têtes de lions 61 (Fig. 15B) ; les poupées du règne d’Aurnasirpal II sont simples 62. La façon dont la corde de l’arc était tenue est souvent indiquée de manière détaillée 63 (Figs. 15, 17B, 19), mais les variations de doigté ne semblent pas avoir de signification chronologique. Le décor en repoussé sur des tasses en bronze qui viendraient d’Iran occidental, montre différents types d’arcs, mais il n’est pas clair avec quel degré d’exactitude ils reflètent des catégories spécifiques 64. Je ne connais aucun exemple d’arc assyrien identifié dans les fouilles, mais le type a été reconstruit de façon expérimentale 65. 5.1.b. Les flèches Les pointes de flèche d’Uruk ont été récemment éditées et peuvent servir d’échantillon représentatif de celles utilisées au Ier millénaire. Celles en bronze sont de trois types principaux : AUWE 7 nos. 352-354 et AUWE 21 nos. 665-668 sont du type traditionnel muni de soie ; AUWE 7 nos. 355-357 et AUWE 21 nos. 679-681 ont une emboîture et une nervure médiane, alors qu’AUWE 7 nos. 358-367 et AUWE 21, nos. 669-678 ont une emboîture et sont trilobées. Ce dernier type est probablement celui appelé « scythe » dans un texte du Ier millénaire av. J.-C., et les exemples plus traditionnels sont probablement ceux désignés sous le nom d’ « akkadien » (M. Jursa, communication personnelle). Les pointes de flèche en fer d’Uruk appartiennent au type traditionnel (AUWE 7 nos. 748-752 ; AUWE 21 no. 1259), mais le type à emboîture apparaît à Uruk seulement à l’époque parthe. Plus au nord, toutefois, il est déjà attesté à Carchémish, lors du siège en 604 av. J.-C., avec les moules pour les fabriquer 66. 5.1.c. La bague/ l’anneau et le bracelet d’archer Une nouvelle pièce d’équipement apparaît vers la fin du IIème ou au début du Ier millénaire av. J.-C. C’est l’anneau qui protégeait le pouce de l’archer quand il lâchait la corde et la flèche lors du tir. L’anneau, fait en métal épais, est étroit d’un côté et large de l’autre. Les motifs gravés sur ces anneaux ressemblent à ceux sur certains sceaux cylindres de la catégorie dite « Troisième groupe Kassite » ou « Isin II » (Fig. 16). Les exemples provenant de fouilles au Louristan 67 appartiennent à plusieurs types et c’est leur taille, et la ressemblance avec les anneaux d’archer plus tardifs, notamment islamiques 68, qui suggèrent peut-être leur fonction, mais l’écart chronologique invite à la prudence. Dans certains bas-reliefs assyriens d’environ 645 av. J.-C. (Fig. 17), Assurbanipal portait un « bracelet » d’archer tressé, probablement fait de cuir, auquel est attaché un anneau de pouce, peut-être dans ce cas-ci également fait de cuir épais 69. Un bas-relief de la fin du VIIIème siècle provenant de Zincirli (Fig. 18 B) montre un archer tenant deux flèches, portant sur

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. . 62 . 63 . 64 . 65 . 66 . 67 . 68 . 69 . 61

Porada 1965, p. 97-8, pl. 24 en haut à gauche, et fig. 63 en bas à gauche. Barnett & Forman n.d., p. 56 = Yadin 1963, p. 453. Barnett & Forman n.d., p. 31. Barnett & Forman n.d., p. 10-12, p. 15, p. 22-26, p. 40, p. 63, p. 84. Calmeyer 1973, p.46-57. Miller et alii 1986. Woolley 1969, p. 125-126, pls. 22b et 23b. Par exemple Schmidt et alii 1989, p. 451-453, pls. 253-255, nos. XXXV - XLIII. Tait 1976, p. 251-253, nos. 426-428. Barnett & Forman n.d., p. 84 et cf. p. 60, p. 88, p. 91-92, p. 94 ; pour un protège-bras et protège-doigts tenu par un serviteur, voir Barnett 1976, pl. V, BM 124884.

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l’épaule un joli petit arc composite dont les poupées sont en forme de tête de canard, sur le dos un carquois muni d’une floche et de la main gauche un dispositif pour protéger le poignet et les doigts 70. 5.1.d. Le carquois Les carquois du Ier millénaire ont été étudiés par Calmeyer 71. Ils se portent sur le dos et ont généralement une face en bronze, avec les exemples élamites portant un décor 72, tandis que le côté contre le dos devait être en cuir ou en feutre. Les floches sont souvent indiquées 73. Certains, de dimensions très importantes, étaient portés sur les chars : aux IXe et VIIIe siècles en croix sur le côté du véhicule 74, et dès la deuxième moitié du VIIIe siècle à l’avant du char 75. 5.2. La guerre Au Ier millénaire les archers sont constamment représentés sur les bas-reliefs assyriens, tant dans les armées assyriennes que dans celles de leurs ennemis. Dans l’armée les archers travaillaient fréquemment par paires, soit dans un char conduit par un aurige 76, soit deux cavaliers côte à côte, avec un qui tenait les rênes des deux chevaux tandis que son compagnon tirait son arc, car il faudra encore attendre plusieurs siècles avant l’invention des étriers 77 (Fig. 19B). Dans l’infanterie, lorsqu’il tirait son arc, un archer debout était protégé par un collègue qui tenait un énorme bouclier – le même scénario que celui illustré deux millénaires auparavant par la plaquette de Mari 78. Les Arabes emploient généralement de petits arcs, probablement à double courbure, mais un Arabe à dos de chameau porte un arc plus long qui n’est pas apparenté à l’arc angulaire des Assyriens 79. Bien que les arcs employés par les Élamites ressemblent à ceux des Assyriens, les carquois sont différents 80. Un arc pouvait être rituellement « tué » : c’est ce que fit un Élamite appelé Ituni lors de la bataille de la rivière Ulai sous Assurbanipal – motif représenté à deux reprises sur des bas-reliefs assyriens. Ituni, sur le point d’être exécuté, coupe son arc pour empêcher qu’on ne le réutilise 81 (Fig. 20). 5.3. Le symbolisme de l’arc Au Ier millénaire, nous avons pour la première fois un échantillon riche et homogène d’exemples de tir à l’arc qui nous permet d’évaluer certains critères qui réapparaissent régulièrement à une époque et dans une zone géographique bien définies, et d’en tirer des conclusions. 5.3.a. L’arc détourné et les deux flèches Le symbolisme de l’arc dans l’art assyrien a été souligné sur des sceaux cylindres où le roi est debout devant une jarre sur son support, ou une table d’offrande, vraisemblablement rendant grâce aux dieux après une victoire, et tenant presque toujours l’arc avec le côté corde détourné de lui 82. Il est probable que, comme sur le bol de Hasanlu (Fig. 13 ; voir ci-dessus), ce geste signalait la paix avec un ennemi conquis qui avait cessé d’être une menace. Pourtant, il y a des exceptions 83 avec la corde tournée vers le roi, ce qui devait indiquer que l’arc était prêt à être utilisé. Dans des scènes rituelles sur des bas-reliefs de Nimrud le roi est fréquemment montré avec l’arc détourné, tenant souvent une coupe (Fig. 21), mais parfois avec deux flèches 84. À Lachish, Sennachérib est assis sur son trône tenant deux

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. . 72 . 73 . 74 . 75 . 76 . 77 . 78 . 79 . 80 . 81 . 82 . 83 . 84 . 71

Von Luschan 1911, p. 350-353 (en particulier Abb. 258e pour un parallèle moderne), pl. LXI. Calmayer 1982. Barnett & Forman n.d., p. 28, p. 50 et p. 53. Barnett & Forman n.d., p. 88. Barnett & Forman n.d., p. 26. Barnett & Forman n.d., p. 96. Barnett & Forman n.d., p. 15. Yadin 1963, p. 384-385 ; Budge 1914, pl. 14. Yadin 1963, p. 406 ; Barnett & Forman n.d., p. 40 et cf. fig. 7. Yadin 1963, p. 450 ; Barnett & Forman n.d., p. 110 et cf. 111. Barnett & Forman n.d., p. 127. Barnett & Forman n.d., p. 128. Collon 2001, nos. 104-9, p. 111, p. 123. voir Wilkinson 1991, p. 84-86. Magen 1986, pls. 12 : 4-6, pl. 13 : 1-5, pl. 16 : 2-3, pl. 17 : 1.

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flèches et son arc détourné 85. John Russell à étudié le motif des deux flèches 86, attesté pour la première fois vers 1100 av. J.C., quand Marduk-nadin-ahhe est représenté sur son kudurru avec deux flèches 87 (Fig. 10). Bien que l’archer et son préposé (Fig. 18) pouvaient aussi tenir des flèches en réserve, à l’époque assyrienne les deux flèches furent fréquemment utilisées comme symbole du pouvoir royal. Dans les chasses aux lions d’Aurnasirpal II (883-859 av. J.-C.) et d’Assurbanipal (668-627 av. J.-C.), seul le roi peut tuer les lions. Assurbanipal chasse en utilisant l’arc (Figs. 15B, 17B), le poignard et la lance, à partir d’un char (Fig. 15B), à cheval (Fig. 17B) et à pied (cf. Fig. 3 où la lance et l’arc sont utilisés). Dans le rituel après la chasse aux lions, les rois versent une libation sur des lions morts (Fig. 21), mais l’arc d’Assurbanipal, avec la corde tournée vers lui, reste prêt à l’emploi, vraisemblablement une référence à son rôle permanent de protecteur de son peuple. D’ailleurs, cette interprétation est renforcée par le fait qu’il tient également deux flèches 88. Pourtant, sur le bas relief dit du « Garden Party », dans lequel Assurbanipal est étendu sur un lit - le premier exemple daté du banquet couché - sur une table derrière lui reposent un arc et un carquois, tandis qu’il célèbre sa victoire contre le roi élamite Teumman dans le harem avec la reine 89. L’arc est du type employé par les Assyriens et les Élamites, mais le carquois est élamite (avec une floche ; et voir Fig. 18A où le préposé du roi est un Élamite). Sans doute s’agit-il du carquois ayant appartenu au roi élamite vaincu dont la tête est accrochée dans un arbre derrière la reine. La déesse guerrière Itar est également représentée tenant un arc et deux flèches 90 (Fig. 22). Il convient de noter que sur les bas-reliefs il y a quelques représentations de dieux tenant un arc et encerclés d’un disque ailé, mais aucun ne tient de flèches 91, exception faite d’une brique avec décor peint émaillé où le dieu tire une flèche 92. 5.3.b. La corde et la flèche Dans les représentations d’archers combattant ou chassant, la flèche et la corde devraient normalement être figurées devant la tête d’un archer tourné vers la droite. Or il devait exister une convention très rigoureuse qui ne permettait pas que la tête humaine – même celle de simple soldats ennemis – soit « coupée » par la ligne de la corde ou de la flèche. La partie supérieure de la corde est donc indiquée comme si elle passait derrière la tête de l’archer. Si cela eut vraiment été le cas, l’archer se serait décapité lorsqu’il lâchait la corde. Parfois son compagnon aussi aurait également été décapité (Fig. 19)! Il est intéressant de noter que la même convention existait déjà en Égypte et au Levant vers la fin de l’Âge du Bronze 93. Elle n’est pourtant pas appliquée sur la stèle de Warka (Fig. 3), bien que la corde (courbée) et la flèche (à hauteur de poitrine) évitent de passer devant le visage du « Roi-prêtre » 94. 6. APRES 612 AV. J.-C. L’apparition de l’arc « scythe », associé au carquois du type gorytos, et aux pointes de flèches « scythes » vers la fin du VIIe siècle, marque une étape fondamentale dans l’évolution de cette arme 95. Pourtant, les « Immortels » de Darius I (521486 av. J.-C.), représentés sur les bas-reliefs de Persépolis et sur les panneaux de briques émaillées de Suse 96, continuent à porter un arc qui ressemble au type utilisé par les Assyriens, mais moins angulaire et avec des poupées plus arrondies. L’arc reste une arme royale et sur les pièces de monnaie le roi est représenté en tant qu’archer 97. Litvinsky a publié une étude en russe sur le développement de l’arc et des pointes de flèche dites « scythes » 98. Après la chute de l’empire assyrien en 612 av. J. - C., l’histoire du tir à l’arc se poursuit donc, mais dorénavant plus à l’est, au-delà de la Mésopotamie qui deviendra une province annexe dans une succession d’empires étrangers.

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. . 87 . 88 . 89 . 90 . 91 . 92 . 93 . 94 . 95 . 96 . 97 . 98 . 86

Barnett & Forman n.d., pl. 47 ; voir aussi p. 20, p. 88 et p. 91. Russell 1998, p. 684-687. King 1912, pl. LIV. Barnett & Forman n.d., p. 97 ; Wilkinson 1991, p. 86, pl. 2 ; voir aussi Fig. 18A où le roi a mis deux flèches dans sa ceinture. Barnett & Forman n.d., p. 105. Pour Teumman, voir les articles de P. Villard et G. Minunno dans ce volume. Collon 2001, no. 240. Calmeyer 1984, p. 142-143, Abb. 6-7. Prichard 1969, no. 536. Yadin 1963, p. 186-187, p. 200, p. 214, p. 216, p. 235, p. 241, mais cf. p. 192 et p. 201. voir Wilkinson 1991. Ghirshman 1964, p. 319, fig. 390. Ghirshman 1964, p. 170-171, p. 173, p. 182, 185, p. 188-189. Calmeyer 1979. Litvinsky 2001, p. 26-119, pls. 8-32, et pour les flèches voir également Cleziou 1977.

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Figure 1 : Détail du décor peint sur la surface intérieure (h. 16 cm) d’un vase de Tell Arpachiyah ; époque d’Halaf, vers 4500. Dessin d’I. Hijara, « Arpachiyah 1976 », Iraq 42, 1980, p. 148, fig. 10.

Figure 2 : Détail de la palette égyptienne en schiste dite « des Chasseurs » ; période prédynastique Naqada II, vers 3100 av. J.-C. British Museum AES 20790. Photo de D. Collon.

Figure 3 : Stèle en basalt dite « de Warka » (h. 80 cm) provenant d’Uruk ; période d’Uruk, vers 3100 av. J.-C. Musée de Baghdad IM 23477. Photo de D. Collon.

Figure 4 : Empreinte de sceau-cylindre (h. 4+ cm) provenant de Suse ; époque d’Uruk, vers 3100 av. J.-C. Dessin de D. Collon d’après P. Amiet, Glyptique susienne, Paris, 1972, no. 695.

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Figure 5 : Sceau-cylindre en pierre blanche (h. 2,2 cm) sans provenance ; époque d’Uruk, vers 3100 av. J.-C. B ritish Museum ANE 131440. Dessin de D. Collon.

Figure 6 : Empreinte de sceau-cylindre (h. 3,9 cm) de Suse ; époque proto-élamite, vers 2800 av. J.-C. Dessin de P. Amiet, Glyptique susienne, Paris, no. 1014.

Figure 7 : Plaque en calcaire (h. 9,5 cm) de Mari ; époque présargonique, vers 2450 av. J.-C. Musée de Deir ez-Zor 3746. Dessin de D. Collon d’après A. Parrot, « Les fouilles de Mari : dix-neuvième campagne (printemps 1971) », Syria 47, 1971, p. 269, pl. XIV : 2.

Figure 8 : Fragment de stèle en calcaire (h. 34 cm) provenant de Tello ; époque akkadienne, vers 2260 av. J.-C. Musée du Louvre AO 2678 (photo aimablement fournie en 1983 par M. P. Amiet).

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Figure 9 : Détail de l’empreinte moderne d’un sceau cylindre en diorite ; époque akkadienne vers 2300 av. J.-C. British Museum ANE 89137. Photo de D. Collon.

Figure 10 : Kudurru (h. 61 cm) du roi kassite Marduk-nadin-ahhe (1099-1082 av. J.-C.). British Museum ANE 90841. Photo de D. Collon.

Figure 11 : Empreinte moderne d’un sceau cylindre ex-collection Poche, Bronze récent, vers 1300 av. J.-C. Dessin de D. Collon, d’après O. Weber, Altorientalische Siegelbilder, 1920, no. 268.

Figure 12 : Détail d’un sceau-cylindre sans provenance, Bronze récent, vers 1300 av. J.-C. Dessin de D. Collon, d’après P. Amiet, « Quelques ancêtres du chasseur royal d’Ugarit », Ugaritica 6, 1969, p. 7, fig. 9.

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Figure 13 : Détail du décor sur le bol en or de Hasanlu, Bronze récent, vers 1200 av. J.-C. Dessin de D. Collon d’après E. Porada, Ancient Iran, London, 1965, fig. 63.

Figure 14 : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124884 (détail). Photo de D. Collon.

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Figure 15A : Bas-relief de Nimrud, règne de Tiglath-Phalasar III (744-727 av. J.-C.). British Museum ANE 118903 (détail). Photo de D. Collon.

Figure 15B : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124867 (détail). Photo de D. Collon.

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Figure 16 : Anneau de pouce d’archer en bronze. British Museum ANE 136975. Photo de D. Collon.

Figure 17A : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124858 (détail). Photo de D. Collon.

Figure 17B : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124876 (détail). Photo de D. Collon.

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Figure 17C : Dessin d’un détail de la Fig. 17B. Photo de D. Collon.

Figure 18A : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124875 (détail). Photo de D. Collon.

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Figure 18B : Bas-relief de Zincirli, époque de Bar-Rakib (vers 730 av. J.-C.), roi de Sam’al. Berlin, Vorderasiatische Museum. Photo de D. Collon.

Figure 19A : Bas-relief de Nimrud, règne d’Ashurnasirpal (883-859 av. J.-C.). British Museum ANE 124552 (détail). Photo de D. Collon.

Figure 19B : Bas-relief de Nimrud, règne d’Ashurnasirpal (883-859 av. J.-C.). British Museum ANE 124544 (détail). Photo de D. Collon.

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Figure 20 : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124801b-c (détail). Photo de D. Collon.

Figure 21A : Bas-relief de Nimrud, règne d’Ashurnasirpal (883-859 av. J.-C.). British Museum ANE 124535 (détail). Photo de D. Collon.

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Figure 21B : Bas-relief de Ninive, règne d’Ashurbanipal (668-627 av. J.-C.). British Museum ANE 124886 (détail). Photo de D. Collon.

Figure 22 : Détail d’une empreinte moderne d’un sceau-cylindre assyrien en grenat vert, vers 710 av. J.-C. British Museum ANE 89769. Photo de D. Collon.

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LES ARMES DE TERQA

Olivier ROUAULT et Benedetta BELLUCCI*

RÉSUMÉ : C’est à Terqa, grand centre du culte de Dagan, qu’avaient été, d’après les Archives Royales de Mari (XVIIIème siècle av. J.-C.), déposées les armes - sans doute bien réelles - de son fils Addu, et la continuité du lien de la région avec les dieux armés est documentée, au Ier millénaire av. J.-C., par la stèle de pierre qui représente la même divinité. Les fouilles archéologiques ont permis de retrouver quelques armes présentant une connotation divine ou royale, mais aussi des armes plus ordinaires - pointes de flèches, lances, poignards, couteaux - qui ont été découvertes dans des contextes très divers, les mieux conservées provenant des caches et surtout des tombes. Plusieurs niveaux archéologiques – paléo-babylonien et Hana – ont livré des traces d’activité de production, en général dans des espaces annexes ou proches des bâtiments administratifs. ABSTRACT : The Royal Archives of Mari record that at Terqa, the great cultic centre of Dagan, weapons of his son Addu were kept. The stele of the same god in the Ist millennium indicates that the region was still linked to military gods. Thanks to archaeological excavations, some divine and royal weapons have been discovered as well as more ordinary ones (arrow-heads, spears, daggers, knives). Ordinary weapons have been discovered in different contexts, but the best preserved ones come from hiding places and especially graves. Several archaeological levels – Old Babylonian and Hanaean – contain traces of production activity, generally in subsidiary spaces or near administrative buildings. MOTS-CLÉS : Terqa, armes en bronze, armes symboliques, ustensiles. KEY WORDS : Terqa, bronze weapons, symbolic weapons, implements.

On trouve à Tell Ashara-Terqa (Fig. 1), comme dans beaucoup d’autres sites urbains importants, des armes de différents types, ou des objets pouvant être interprétés comme tels : épées, haches, couteaux, pointes de lances et de flèches en bronze, ou balles de fronde en argile. Le contexte le plus fréquent est celui de tombes, surtout pour les objets en bronze, mais on en découvre aussi, plus rarement, sur des sols, dans des remplissages et même cachés dans l’épaisseur des murs. Il faut rappeler qu’il est parfois difficile de faire la différence entre les armes, les outils et les instruments de cuisine, en particulier en ce qui concerne la catégorie des couteaux et poignards, mais aussi pour les haches. Le contexte archéologique peut donner une indication, mais il est aussi possible que certains ustensiles aient été, selon les occasions, destinés à des usages très variés. 1. ARMES SYMBOLIQUES Avant d’évoquer les objets réels, il convient de rappeler l’importance de Terqa en ce qui concerne une certaine catégorie d’armes virtuelles ou symboliques. Le site de Tell Ashara, connu dès la fin du XIXème siècle comme lieu de trouvaille des premières tablettes découvertes en Syrie, a été identifié avec la ville antique de Terqa en 1908 grâce à un fragment d’inscription royale mentionnant la construction, par Samsi-Addu, à Terqa, d’un temple dédié au grand dieu de la région, Dagan 1 et les archives de Mari ont ensuite confirmé l’importance de ce temple pour toute la région 2. La topographie du site actuel, coupé par l’Euphrate et en grande partie occupé par des maisons modernes, nous laisse peu d’espoir de le retrouver un jour. C’est d’autant plus dommage que c’est là que, d’après les informations fournies par l’épigraphie, nous aurions pu avoir la chance de découvrir, dans leur matérialité, des armes divines. Les tablettes retrouvées à Mari mentionnent en effet à plusieurs reprises *

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Université de Lyon 2 et Université de Pavia. Tablette AO 4628, Condamin 1908, p. 247. Voir en dernier lieu Feliu 2003, p. 94-118.

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la confection d’armes pour ce dieu 3, mais le temple de Dagan hébergeait aussi les armes d’autres divinités. Une lettre, envoyée par un certain Sumu-Ila au roi de Mari, nous apprend que les armes du dieu Addu d’Alep vont être déposées dans le temple de Dagan à Terqa, et il s’agit bien d’armes réelles : « Dis à mon seigneur, ainsi parle Sumu-Ila, ton serviteur. Les armes d’Addu d’Alep sont arrivées ici. Je me trouve les garder dans le temple de Dagan, à Terqa, afin d’agir en fonction de ce que m’écrira mon Seigneur » 4. Il n’est, par ailleurs, pas impossible que la représentation du dieu cornu sur la célèbre stèle d’Ashara (Fig. 2), au début de l’Âge du Fer, fasse aussi référence au dieu Addu Syrien et donc à ses armes, dont la possession est si importante pour contrôler la région 5. Un objet découvert lors de la septième saison à Terqa pourrait relever de la catégorie des armes divines. Il s’agit d’un couteau ou d’une sorte de faucille, qui portait la trace, visible malgré la corrosion, d’une étoile qui pourrait correspondre au signe divin 6. 2. CONTEXTES DE TROUVAILLE Les contextes de trouvaille, lors de fouilles, sont variés, mais les découvertes les plus fréquentes sont faites dans les tombes, et cela à toutes les époques de l’antiquité, certaines datant même de périodes où le site semble avoir été très peu urbanisé et utilisé surtout comme cimetière. La signification symbolique de ces objets dans les tombes est d’autant plus importante que le bronze était une matière relativement précieuse et que tous les objets faits de cette matière étaient susceptibles d’être recyclés pour en fabriquer de nouveaux. Par ces dépôts, on se privait donc d’une partie de la richesse de la communauté pour honorer les morts. La signification exacte du dépôt doit, toutefois, être envisagée avec grande prudence, et en particulier son association souvent supposée avec l’élément masculin de la société. Une tombe de Terqa, associée à un quartier d’habitation du Dynastique Archaïque III, et qui contenait plusieurs ustensiles dont une lame en bronze, était en fait celle d’une femme, présentant, d’après l’étude d’anthropologie, les marques d’une vie de labeur et de travaux physiques usants. Il semble bien d’après ce cas, que le dépôt de ces objets ne soit pas toujours associé au sexe, ni à une position plus ou moins privilégiée dans la société 7 (Fig. 3). Il en va tout autrement avec les armes déposées dans les tombes royales, dont la valeur symbolique, marquée par la quantité et sans doute aussi la qualité, est évidente. Nous savons par exemple que le tombeau du roi Yahdun-Lim était tellement réputé comme abritant un véritable « trésor » de ce type, qu’un de ses successeurs - manquant de bronze pour couler des armes neuves - décida de le faire ouvrir pour y récupérer les armes 8. Une tombe en briques cuites, à double chambre et voute en encorbellement, découverte à Terqa en 2003, ressemblant beaucoup aux tombes royales des palais orientaux de Mari 9 et pillée dès l’époque paléobabylonienne, fait penser à l’épisode de la tombe de Yahdun-Lim : le mode d’ouverture latérale, ayant fait voler en éclats la paroi sud montre qu’il ne s’agit pas d’un pillage furtif par le sommet de la voûte, comme savent le pratiquer les voleurs, mais d’une intrusion violente et rapide, par un groupe cherchant la tombe sans connaître exactement son emplacement 10. Elle n’a livré qu’un fragment de crâne et une perle en or oubliée dans un coin. C’est dans un contexte très différent qu’a été découverte une arme ayant une connotation clairement royale ou divine, sur un sol daté de l’époque de Hana, sans doute vers le XVème siècle av. J.-C. Il s’agit d’une

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Sur les armes de Dagan de Terqa, voir Feliu 2003, p. 111-113. A 1858, cité dans Durand 2002, p. 15 Voir Masetti-Rouault 2001, p. 91-93 et plus généralement sur les armes du dieu de l'orage, voir Bunnens 2006, p. 6569. Document épigraphique Terqa 7-20 (N° inv. TQ7-5) dans Rouault sous presse. Les rapports de ces saisons ont été publiés dans la revue Athenaeum : Rouault 2001a, 2002, 2004, 2005a et 2006. Au sujet des textes mentionnant le tombeau de Yahdun-Lim, voir Charpin & Durand 1989 et Charpin & Ziegler 2003, p. 47 et n. 162 Cf. les tombes construites sous le Palais Oriental de Mari, Margueron 2004, p. 351-362. Voir Rouault 2004, p. 532 et figs. 3 et 4, et Rouault 2005b, p. 59 et fig. 8. Notons toutefois que ce type de tombe n'est attesté dans la région qu'à une époque plus ancienne, et que sa datation exacte reste incertaine, en raison du nivellement et de l'érosion entre les phases III et II de Terqa, qui ont profondément perturbé les niveaux de la fin de l'époque dite shakkanakku.

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harpé de bronze 11 (Fig. 4), attribut traditionnel des rois et des dieux mésopotamiens. Dans ce cas, il semble bien que le contexte soit artisanal, marqué par la présence de plateformes de travail en briques cuites 12. D’autres objets, plus ordinaires, n’en avaient pas moins, pour leurs propriétaires, une valeur assez importante pour qu’on ait pris soin de les cacher soigneusement dans l’épaisseur des murs. Ce type de dépôt contient le plus souvent des objets ou des fragments de métal précieux, mais il peut s’agir aussi d’ustensiles en bronze, comme ceux qui ont été retrouvés, lors du démontage d’un mur d’époque paléo-babylonienne 13 (Fig. 5) et dont plusieurs outils tranchants sont susceptibles d’avoir été utilisés comme des armes. Bien que des sols de pièces voisines aient livré des traces d’activités artisanales et en particulier des fragments de creusets, la qualité des objets, tous complets, exclue l’hypothèse du dépôt à fonction artisanale, d’autant qu’un autre trésor associé, tout proche dans le même mur, était constitué de bijoux en or et en argent. L’interprétation exacte du dépôt est délicate, la fonction du bâtiment étant principalement administrative, mais une réutilisation domestique de certains espaces ne peut être exclue. Dans le même secteur, un niveau archéologique un peu plus ancien, intermédiaire entre les phases III et ème II (début du II millénaire) a livré des traces d’activités de fabrication d’outils et armes de bronze, dont un creuset complet 14 (Fig. 6) et un moule 15 (Fig. 7) se présentant sous la forme d’une sorte de brique en argile grossière sur les six faces de laquelle avaient été aménagés des logements enduits d’argile fine, pour y verser le métal en fusion. Les sols ont aussi parfois livré des armes, mais beaucoup plus rarement et dans un très mauvais état de conservation en ce qui concerne le métal. Dans ce contexte, les découvertes les plus fréquentes sont les « balles de fronde ». Nous en avons trouvé en tout une centaine, dans les niveaux de toutes époques, et parfois concentrées au même endroit 16 (Fig. 8). 3. TYPOLOGIES DES ARMES L’étude systématique des armes et outils de bronze ou de cuivre retrouvés à Terqa est en cours. B. Bellucci est chargée en particulier de la publication des objets des saisons 2000 à 2006, et on peut tenter, à partir de cette première étude, de présenter une classification typologique provisoire du matériel 17. Pendant ces sept saisons de fouille, durant lesquelles les recherches se sont concentrées surtout sur les niveaux de la seconde moitié du IIIème millénaire av. J.-C., nous avons trouvé environ 300 objets de métal, dont la grande majorité est en bronze ou en cuivre. Beaucoup sont très oxydés, partiels et difficilement identifiables. Une quinzaine d’entre eux sont clairement des armes, mais pour beaucoup d’autres, il est difficile de déterminer s’il s’agissait d’armes ou d’outils. Nous considérerons comme arme tout objet dont la fonction principale semble être celle d’une arme, aussi bien dans un contexte guerrier que religieux ou symbolique 18. Deux objets exceptionnels, découverts en 2007, ont été ajoutés à cette collection, juste avant de rendre cet article pour publication. Trois catégories principales sont représentées : pointes de lance, poignards et haches. Pour les premières, il est souvent difficile de distinguer entre flèches, lances et javelots. Un critère pourrait être d’observer la dimension de la lame, mais l’état des objets rend souvent difficile ce type d’examen. Le poids peut aussi difficilement être pris en compte, sinon d’un point de vue statistique et sur des échantillons nombreux, surtout lorsqu’il s’agit de collections d’objets très oxydés, érodés ou partiels. Les dix têtes de projectile identifiées à Terqa pour les saisons concernées ici ont une lame dont la longueur varie entre 8 et 11 cm et présentent toute un emmanchement par l’intermédiaire d’une soie. Leur taille fait penser à des pointes de lances plutôt qu’à des pointes de flèches. L’une d’elles, TQ23-19819, est trop abîmée pour permettre une classification 11

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Voir Rouault & Masetti-Rouault 1993, p. 240 et p. 460 ; Masetti-Rouault & Rouault 1996 ; Rouault 2007, p. 64 et fig. 5-7. Rouault 2007, p. 63-65. Voir Rouault 2001, p. 7 et figs. 5 et 6. objet n°180465, creuset ovale (13 x 11,5 x 4,8 cm) en argile grossière, avec des traces de coulure de bronze à l'intérieur. objet n°180446, moule à armes et outils (35 x 18 x 10 cm). des « balles de fronde » dans un contexte DA III/II (milieu du IIIème millénaire av. J.-C.). L'interprétation est sujette à caution et on peut imaginer d'autres usages pour ces sortes d'objets en argile ovoïdes. Les objets les plus importants découverts en 2001, 2003, 2004 et 2005 ont été publiés dans Poli 2002, 2004, 2005 et 2007. Notons que les niveaux fouillés pendant ces années datent en majorité du IIIème millénaire av. J.-C. Philip 1995, p. 140. Pour cette arme et pour les autres citées ci-dessous, voir le catalogue à la fin de l’article.

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typologique, mais c’est la seule tête de lance retrouvée dans un contexte clairement funéraire, la tombe TQ22F333. Les autres têtes de lance proviennent de contextes divers, mais le plus souvent d’espaces extérieurs et comportant des tannours (TQ25-95 et TQ25-96) et de contextes domestiques (TQ22-181, TQ22-182 et TQ25093). Les objets TQ26-42 et TQ26-43 proviennent de la fosse TQ26F-1218, qui contenait aussi d’autres objets en métal, provenant sans doute d’une tombe perturbée. La céramique associée permet de dater ces objets du DA III et de la fin du DA II. On peut distinguer deux types principaux : - Type 1 (TQ22-181, TQ22-182, TQ25-95, TQ25-96 et TQ26-43) : la lame est plate, de forme triangulaire, avec les bords plus ou moins convexes, la pointe acérée, et une base formant un angle obtus. La soie est courte, de section rectangulaire et à peu près de la même épaisseur que la lame 20. - Type 2 (TQ25-367, TQ26-42, TQ26-51 et TQ26-93) : caractérisé par une forme tripartite, avec un élément de séparation, barre ou col, entre la lame et la soie. Ce col peut avoir des formes diverses et, pour les objets découverts à Terqa, il est circulaire ou polygonal. La longueur totale de l’objet varie de 14 à 18,5 cm, avec une lame de 8 à 9 cm, allongée, à bords droits, nervure ronde et section rhomboïdale. La section de la tige est circulaire, et la soie, quadrangulaire, se termine en forme de ciseau 21. Les poignards 22 sont caractérisés, par rapport aux couteaux, par le double tranchant 23. Ils présentent un emmanchement à soie, avec un nombre variable de rivets. Ils sont représentés, dans notre collection, par trois objets (TQ22-30, TQ23-458 et TQ26-117), tandis qu’un quatrième (TQ26-40) est trop fragmentaire pour permettre une identification certaine. Le contexte de TQ26-117 est funéraire (tombe TQ26F-1266), tandis que TQ22-30 et TQ23-458 proviennent plutôt de contextes domestiques. Enfin, les lames TQ23-189 et TQ26-40, bien que fragmentaires, pourraient être considérées comme des restes d’épées courtes ou de poignards 24. Nos objets relèvent de trois types différents : - Type 1 (TQ26-117) : poignard à lame triangulaire plate ou légèrement épaissie, avec trois rivets pour fixer le manche, deux sur l’épaule et un sur une soie courte et plate. Notre exemple présente une lame plate et plutôt longue (16 cm), et deux rivets sont assez éloignés l’un de l’autre, presque au bout de la lame. La partie de la soie sur laquelle devait être le troisième rivet a disparu 25. - Type 2 (TQ23-458) : la lame est courte (10 cm) et très étroite, avec une section de forme lenticulaire. La base est ronde et le manche est fixé à la lame par deux rivets proches l’un de l’autre 26.

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Ce type est comparable au type A5 dans De Maigret 1976, et est attesté à Mari. Voir Jean-Marie 1999, pl. 209 : 1, IIID1SE9 ; pl. 205 : 3, IIID1SO4 ; pl. 41, M1317, M1318. On le trouve aussi à Ur (Woolley 1934, p. 304, pl. 227 : 5a, U. 9141 ; pl. 227 : 5b, U. 14295 ; pl. 227 : 5c, U. 8726), à Kish (Mackay 1925, pl. XVIII : 3), à Abu Salabikh (Martin 1985, fig. 143, Gr.80 : 6a ; Gr.80 : 6b ; Gr.80 : 6c ; Gr.80 : 4 ; Gr80 : 5b ; Gr.80 : 5c) et à Tell Chuera (Moortgat 1962, p. 38, Abb. 29). Ce type, qui correspond au type A3 dans de Maigret 1976, et au type 3 dans Philip 1989, p. 71-73 et p. 314-316, est attesté en Syrie et en Mésopotamie du nord. Il est déjà représenté à Terqa (Kelly-Buccellati & Mount-Williams 1977, p. 12, TPR 3 11, de dimensions plus importantes que nos exemples). Il est aussi attesté à Mari (Jean-Marie 1999, pl. 41, M 1319, M 1320), Til Barsip (Thureau-Dangin & Dunand 1936, pl. XXXI : 12 ; pl. XXIX : 4), Serrin (Philip 1989, p. 315, nrs. 46, 47), Tell Brak (Mallowan 1947, pl. XXXI : 11), Tell Chuera (Moortgat 1960, Abb. 8-10), Uch Tepe (Gibson 1981, p. 74, pl. 97 : 7, Uc 307) et Tell Madhhur (Watson 1984, fig. 24. 9). On peut sans doute faire un rapprochement avec la lance tripartite du sud de la Mésopotamie dont, toutefois, les dimensions sont plus importantes (voir par exemple à Ur, Woolley 1934, pl. 227 : 2a ; pl. 227 2b ; pl. 227 : 3). Ce type d'arme revêt souvent une signification sociale, étant le marqueur d'un statut particulier (voir Philip 1989, p. 150-152 ; Philip 1995, p. 141 ; Moorey 1982, p. 32). Philip 1989, p. 102. Cf. le matériel de Tell Brak : McDonald, Curtis & Maxwell-Hyslop 2001, nr. 3, TB14170 et Mallowan 1947, p. 166, pl. 31. 2. Ce type correspond au type 5 dans Maxwell-Hyslop 1946, au type 5 dans Stronach 1957, au type 2 dans Erkanal 1977 et au type 36 dans Philip 1989. Il est attesté à Mari (Jean-Marie 1999, pl. 41 : M 1321), Serrin (Philip 1989, p. 487, fig. 43 : 998), Til Barsip (Thureau-Dangin 1936, pl. XXX : 7) et Tell Selenkahiye (Philip 1989, p. 488, fig. 43 : 980), et on en trouve aussi en Anatolie au IIème millénaire av. J.-C., à Kültepe (Erkanal 1977, p. 28-29, Taf. 10 : 3). Ce type correspond au type 22 dans Maxwell-Hyslop 1946 et 34 dans Philip 1989. Il est attesté à Byblos (Dunand 1939, pl. XCV, 4056), Megiddo (Guy 1938, pl. CXXII, 3657), et il est très diffusé à époque plus récente en Anatolie (Erkanal 1977, Taf. 11).

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- Type 3 (TQ22-30) : petit poignard à lame triangulaire pointue, avec bords légèrement convexes. La section de la lame et de la courte soie est plate. Le manche est fixé à la soie sans rivet 27. La typologie des haches est très variée 28 : plates, à collet, à languette, etc. La hache simple à axe rectiligne et à talon arrondi, brandie par le dieu de la stèle de Terqa, n’a pas d’équivalent dans notre collection. Les deux haches, retrouvées lors des saisons concernées par cette étude, relèvent de la catégorie des haches plates, et pourraient aussi être considérées comme des outils. La hache TQ26-119 est plate avec la plus petite extrémité de la lame recourbée pour s’enrouler sur le manche, auquel elle était fixée par un rivet encore présent 29. Elle provient d’un contexte funéraire 30. J. Deshayes 31 interprète un objet identique, provenant d’une tombe d’Ur, comme une sorte d’emblème rituel qui n’était pas destiné à servir autrement. Notre autre hache, TQ25-97, pourrait aussi relever de la même catégorie encore plus certainement - bien qu’elle n’ait pas été retrouvée dans un contexte funéraire, en raison de ses dimensions qui en font une sorte de représentation miniature 32. 4. REMARQUES FINALES Bien que cette collection soit loin de représenter l’ensemble de la production de Terqa dans ce domaine, elle montre toutefois l’intérêt de ce type de document, dont la variété des formes, même sur un échantillon réduit, laisse en tout cas deviner la richesse d’une production que les découvertes archéologiques ne nous livrent qu’en quantité trop limitée pour permettre des hypothèses concernant des influences ou la circulation de modèles. Toutefois, tout en tenant compte des limites de l’interprétation historique que l’on peut en faire, l’usage et la répartition de ce type de matériel peut certainement nous renseigner sur les contextes sociaux ou idéologiques très différents dans lesquels on les retrouve, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de matériel funéraire. Les objets retrouvés dans les tombes de quartiers domestiques, comme celui du IIIème mill. dans le chantier F, renvoient sans doute plus à l’évocation d’activités économiques – voire artisanales et agricoles- que celles qui ont pu être retrouvées dans le contexte officiel du bâtiment administratif du IIème millénaire.

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Ce type correspond au type 1 dans Maxwell-Hyslop 1946. On peut le rapprocher d'un objet de plus grandes dimensions, provenant d'une tombe de Yorgan Tepe (Starr 1937, pl. 55 V), et avec des objets provenant d'Ur (Woolley 1934, pl. 228, U. 12679). On trouve des lames comparables dans les tombes de Mari (Jean-Marie 1999, pl. 224 : 3,5, objets IIIE1SE17 et IIIE1SE19). Sur les haches et leur typologie, voir, entre autres, Maxwell-Hyslop 1949, Deshayes 1960 (p. 51-84, p. 113-293), Erkanal 1977, Philip 1989 (p. 37-68). Sur ces haches aussi appelées « à languette repliée », voir le type B 3 dans Deshayes 1960, p. 244. On en a retrouvé en particulier à Ur (Woolley 1934, pl. 266), à Kish et à Mari. Des objets de ce type semblent bien toutefois avoir été utilisés et ne pas être liés à des représentations funéraires. Ils sont assez fréquents à partir du IIIème millénaire av. J.-C., dans le sud de la Mésopotamie, mais aussi à Suse (Tallon 1987, p. 99 et p. 241 ss). Voir aussi les exemplaires retrouvés à Mari (Parrot 1956, p. 183-184, pl. LXIV), Abu Salabikh (Martin 1985, p. 15, Gr 27 : 10 ; Gr. 53 : 3 ; Gr 76 : 8), ou Kish (Mackay 1925, pl. XVIII : 9-10 ; Mackay 1929, pl. LII : 7), souvent en contexte funéraire. Deshayes 1960, p. 244. Voir le type B2 dans Deshayes 1960, p. 243. Cf., à Abu Salabikh, en contexte funéraire : Martin 1985, p. 15, Gr 53 : 3 ; Gr 76 : 8.

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Figure 1 : Plan de la ville de Terqa avec les chantiers de fouilles. Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

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Figure 2 : Stèle de Tell Ashara/Terqa, début de l’âge du Fer.

Figure 3 : Exemple de dépôt d’objets en bronze retrouvés dans une tombe du milieu du IIIe mill. (chantier F). Cliché de la Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

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Figure 4 : Harpé en bronze du XVe siècle av. J.-C. (chantier E). Cliché de la Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

Figure 5 : Ustensiles en bronze retrouvés lors du démontage d’un mur d’époque paléo-babylonienne (chantier F). Cliché de la Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

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Figure 6 : Creuset ovale (13 x 11,5 x 4,8 cm) en argile grossière, avec des traces de coulure de bronze à l’intérieur. Début du IIe mill. av. J.-C. Cliché de la Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

Figure 7 : Moule à armes et outils (35 x 18 x10 cm). Début du IIe mill. av. J.-C. Cliché de la Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

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Figure 8 : Balles de fronde du milieu du IIIe mill. av. J.-C. Chantier F. Cliché de la Mission Archéologique de Tell Ashara/Terqa.

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CATALOGUE DES ARMES RETROUVÉES À TERQA DE 2000 À 2006 Le catalogue est présenté dans l'ordre où les objets sont cités dans le texte. En raison du petit nombre d'objets et du caractère préliminaire du catalogue, il a semblé préférable de ne pas leur attribuer d'autres numéro que celui qui leur a été donné au moment de la fouille. On a utilisé les abréviations suivantes: L=longueur; LL=longueur de la lame, lL=largeur de la lame, eL=épaisseur de la lame. Les dimensions sont données en centimètres. TQ23-198, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

FA, K230 Contexte funéraire. Tombe DA III /Shakkanakku TQ23e333 Fragmentaire avec forte oxydation L= 7 ; lL= 1,6 ; eL= 0,2 Fragment de tête de lance(?) dont reste une partie de la lame et le début de la soie DA III, Shakkanakku récent (Terqa III.1)

TQ22-181, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K215 Domestique, maison 4, sol TQ22F72 Fragmentaire avec forte oxydation L= 12 ; LL= 9,5 ; lL= 1,5 ; eL= 0,2 Pointe de lance en 3 fragments DA III

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TQ22-182, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K215 Domestique, Maison 4. Sol TQ22F72 Fragmentaire L= 13 (ca) ; lL= 1,7; eL = 0,2 Pointe de lance en 7 fragments très abîmés DA III

TQ25-95, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K228 Espace ouvert avec activités culinaires (TQ25e997, remplissage avec céramique IIIème millénaire) Complète L= 16 ; LL= 10 ; lL= 2 ; eL =0,2 Tête de lance à section plate et emmanchement avec soie de 0,5 cm et de plus en plus fine vers l'extrémité) DA III

126

TQ25-96, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description

Datation

F, K228 Espace ouvert avec activités culinaires (TQ25e997, remplissage avec céramique IIIème millénaire) Pratiquement complète. Une petite partie de la lame est oxydée L= 15,2 ; LL= 11 ; lL= 2,2 ; eL= 0,2 Pointe de lance à section plate. Emmanchement avec soie rectangulaire et de petite section (0,2 cm) DA III

TQ26-43, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K273N Espace ouvert, activité culinaire, fosse e1218 Complet L= 13 ; LL= 7,3 ; lL= 1,6 ; eL= 0,2 Tête de lance à lame plate. La lame est étroite et allongée. Soie de section carrée (0,6) DA III/II

127

TQ25-367, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K264 Remplissage e1115, sous un sol Complet L= 18,5 ; LL= 9 ; lL= 2 ; eL= 0,6 Tête de lance tripartite à nervure arrondie. Emmanchement de section circulaire. Soie de section carrée. DA III

TQ26-42, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K273N Espace ouvert avec activités culinaires, fosse e1218 Complet L= 14 ; LL= 8 ; lL= 1,8 ; eL= 0,2 Tête de lance (tripartite?) avec lame étroite, légère nervure arrondie, point pliée. Soie de section carrée. DA III/II

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TQ26-51, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description

Datation

F, K273N Contexte culinaire, sol e1184 Complet L= 17,5 ; LL= 9,5 ; lL= 2,2 ; eL= 0,2 Lance tripartite. Lame en forme de feuille, avec légère nervure centrale, emmanchement cylindrique, soie rectangulaire et en forme de ciseau. Traces de bois sur le manche.. DA II

TQ26-93, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description

Datation

F, K274, K274N Contexte domestique, couche ou sol e1213 Complet L= 17,5 ; LL= 9,5 ; lL= 2 ; eL = 0,6 Pointe de lance tripartite. La soie est de section carrée et en forme de ciseau. L'emmanchement entre la lame et la soie est de section circulaire. DA III/II

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Poignards TQ26-117, poignard Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description

Datation

F, K274N Contexte funéraire. Tombe e1266. Associée à la hache TQ26-119 Presque complet L= 17 ; lL= 4,7 ; eL= 0,1. Rivets= 1,3 ; 0,8 Lame de poignard. Il manque peut-être une partie de la soie. Deux rivets sont in situ. On note des traces d'un manche en bois. La lame est plate. DA III

TQ23-458, poignard Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K235 Espace ouvert avec activités de cuisine, 22F106 Presque complet L= 11,5 ; lL= 2,3 ; eL= 0,3. Rivets= 1,6 ; 1,7 (diametro 0,5). Lame de petit poignard. Il manque une partie de la soie. Deux rivets sont en place. On note quelques traces du manche en bois DA III/ Shakkanakku

130

TQ22-30, poignard Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

FB, K218 Contexte domestique, remplissage e22F006 Complet L= 9,5 ; LL= 7,5 ; lL= 2,1 ; eL= 0,2 poignard en forme de feuille. Lame et soie à section plate. DA III (Terqa III.1)

TQ26-40 et TQ26-39, poignard Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description

Datation

F, K273N Espace ouvert avec activités culinaires, fosse e1228 Fragmentaire L= 8 ; lL= 2 ; 0,3 L= 7,3 ; lL= 2 ; eL = 0,3 Deux fragments de lame de poignard ou de lance. Les deux fragments, initialement enregistrés comme des objets différents, ne joignent pas et l'emmanchement a disparu. La lame s'épaissit vers la base et évolue vers une section rhomboïdale. DA III/II

131

TQ23-189, poignard Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

FA, K230 Contexte funéraire. Tombe e333. Fragmentaire L= 19,5 ; lL= 4,5 ; eL= 0,2 Lame très oxydée, de forme plate. Manquent la pointe et l'emmanchement. DA III, Shakkanakku récent (III.1)

TQ26-119, hache Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K274N Contexte funéraire. Tombe e1266. Le poignard TQ26-117 a été retrouvé dans le même contexte. Complet L= 15 ; lL= 5 ; eL= 0,5. Rivet= 1,6 (diam. 0,5) Tête de hache à collet, avec languette repliée. Le manche était aussi fixé au moyen d'un rivet encore présent. DA III

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TQ25-97, hache Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K228 1 Espace ouvert avec activités de cuisine (TQe25F997). Remplissage avec céramique DAIII Presque complet L= 8 ; lL = 3,5 ; eL= 0,4 Tête de hache à languette repliée. Objet miniature (?). DA III

Annexe 2007 Deux objets importants ont été découverts à l'occasion de la campagne 2007: une pointe de lance tripartite d'assez grande taille, et un poignard. La lance relève du type 2, même si elle est nettement plus grande que les autres exemples de ce type publiés dans cet article. Elle ressemble à l'objet publié dans Kelly-Buccellati & Mount-Williams 1977, p. 12 (TPR3:11), qui trouve des parallèles en Mésopotamie du sud 2 . Quant au poignard, il relève de notre type 1, avec deux rivets parallèles au début de la soie et un autre à son extrémité. TQ27-37, pointe de lance Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description

Datation

F, K274 Contexte funéraire. Tombe e1329 Complet L= 37 ; LL= 20 ; lL= 2,2; eL= 1 Pointe de lance tripartite. La soie est de section carrée et se termine en forme de ciseau. L'emmanchement entre la lame et la soie est de section circulaire devenant octogonale. DA III/II

TQ27-39, poignard Chantier et Locus Contexte archéologique État Dimensions Description Datation

F, K274 Contexte funéraire. Tombe e1329. Complet L= 15,3 ; lL=12,5; eL=0,1 rivets: 1; 0,3 Lame de poignard. Les trois rivets sont in situ. La lame est plate. DA III

1

. Quartier d'habitations privées DA III, dans un espace entre les maisons marqué par une importante couche de nivellement entre les phases phases Terqa II.2 et III.1. Cf. Rouault 2006, p. 736. 2 . Ur : Woolley 1934, Pl. 227 : 2a ; Pl. 227 : 2b ; Pl. 227 : 3

133

134

LE “VISAGE DE LA BATAILLE” LA PENSÉE MILITAIRE CLASSIQUE ET L’ÉTUDE DE LA GUERRE ET DU COMBAT AU PROCHE-ORIENT ANCIEN

Joaquín María CÓRDOBA*

RÉSUMÉ : L’histoire de la guerre au Proche-Orient ancien s’intéresse normalement à l’histoire des armes et des événements. Mais pour explorer complètement ce domaine de recherche, il convient de vérifier l’existence d’une science antique de la guerre, à partir des nombreuses informations sur la conduite de la guerre, la tactique et la stratégie que les textes et l’archéologie révèlent, et les analyser à travers les principes de la science militaire et les œuvres classiques de la pensée militaire. ABSTRACT : The history of warfare in the Ancient Near East is often the history of weapons and events; but a full study on the history of warfare must also be conscious of a science of war in ancient times. To achieve this goal, one must review classic military thought on the principles of warfare as well as the rich information revealed by texts and archaeology on the strategies and tactics of battles. MOTS-CLÉS : guerre, stratégie, tactique, Ulaia, Umma, Lagash, Ninive, Elam, Urartu, Arabes, stèle des vautours, Sargon d’Akkad, Assurbanipal, Sennacherib, Teuman. KEY WORDS :.war, strategy, tactic, Ulaia, Umma, Lagash, Nineveh, Elam, Urartu, Arabs, Vultures’ stele, Sargon of Akkad, Assurbanipal, Sennacherib, Teuman

Le titre du célèbre livre de John Keegan, The Face of the Battle, permet d’introduire l’idée centrale de cet article. Comme c’est le cas pour chacun des aspects de la civilisation du Proche-Orient ancien, l’étude de la guerre et du combat requiert le recours à des méthodes d’analyse spécifiques à ce domaine de recherche. Le phénomène de la guerre si fortement présent dans la vie des peuples antiques ne peut être décrypté par la seule observation des bas-reliefs, des écrits, des objets ou des fortifications. Il vaut mieux soumettre ces données à la grille de lecture qu’offrent la science de l’histoire militaire et l’étude des auteurs classiques. C’est ainsi que l’on peut arriver à comprendre en partie quelle était la perception qu’avaient les anciens du fait militaire. 1. ARMÉES ET HISTOIRE DE LA GUERRE Les études générales de l’histoire de la guerre se montrent trop parcimonieuses dans la considération du phénomène à ses origines 1, et celles consacrées à l’Orient ancien ont été jusqu’à présent peu nombreuses. Au cours de ces dernières années, l'attention qui lui est consacrée a pourtant cru. Mais aujourd’hui encore, l’œuvre de Y.Yadin 2 a été très peu utilisée autant dans les travaux à thématique large3, parfois destinées au grand public 4, que dans les études plus ciblées 5. Plus récemment, le traitement du fait militaire à partir d’une opération spécifique 6 ou à l’échelle d’un pays 7 ont donné lieu à d’importants travaux mais c’est encore peu par *. 1 . 2

. . 4 . 5 . 6 . 7 . 3

Universidad Autónoma de Madrid, Centro Superior de Estudios sobre el Oriente Próximo y Egipto antiguos. Ainsi par exemple Martínez Teixidó 2001, un livre de six cents pages, qui ne consacre que six pages aux armées et la guerre du Proche Orient ancien. Yadin 1963, avec les réserves que suscitent son titre et l’adoption d’une chronologie fondée sur le récit biblique. Durand 1991. Stillman & Tallis 1984. Ferril 1987. L’édition anglais date de 1985. Lacambre 1997. Une bonne étude sur l’armée d’Ougarit dans Vita 1995.

135

rapport à la somme des études consacrées à l’Assyrie, dont l'armée et l'histoire militaire ont mérité l’attention très tôt dans l’histoire de la recherche. Plus qu’aucune autre, l’armée assyrienne et son histoire militaire ont fait l’objet de recherches précoces et elles constituent encore un domaine d’étude privilégié. Peut-être pour les raisons que W. von Soden a souligné à son époque 8, mais aussi parce que la documentation assyrienne est abondante et variée. En 1910, W. Manitius avait déjà pu démontrer l’existence d’une armée de métier 9 dans une étude dont les conclusions n’ont été modifiées qu’à quelques détails près 10. À cette étude ont succédé les recherches de W. von Soden, B. Hrouda, J. Reade ou F. Malbran-Labat 11 sur l’art de la guerre, les armes, leur représentation et les armées, ainsi que les travaux basés sur l’abondante documentation archéologique constituée notamment par les collections de basreliefs assyriens et les découvertes faites à KƗr-SalmƗnu-ašarƝd (Kalপu) 12. Grâce à ces travaux on peut aujourd’hui se représenter jusqu’aux uniformes des différentes armes 13 ; on peut esquisser l’image d’une organisation complexe 14, capable de toutes les combinaisons tactiques possibles, et en mesure de s’adapter avec succès à des théâtres d’opérations les plus divers 15. Cependant, la plupart des études disponibles sont consacrées aux uniformes, aux armes, aux équipements, aux unités, aux structures et aux commandements, sans essayer de comprendre les principes de l’utilisation des armes, des unités et du milieu géographique. Cela peut dépendre des sources écrites disponibles ou bien de l’intérêt exclusif pour ce qui est concret et quantifiable ou du refus d’avoir recours à des instruments analytiques propres à la science militaire classique. Ainsi, l’image que l’on peut se faire de l’armée assyrienne en suivant une méthode traditionnelle, aseptisée parce que rationnelle, bien que globalement correcte, est loin de nous faire comprendre les aspects de la science militaire qui déterminent l’action. La méthode traditionnelle ne permet pas, en effet, de reconstruire la théorie de la guerre et de ses conceptions tactiques et stratégiques. 2. SCIENCE DE LA GUERRE : STRATÉGIE ET TACTIQUE F. Malbran-Labat écrivait à propos des lettres qu’elle avait utilisées pour son étude sur l’armée sargonide, qu’il est difficile de se faire une idée de la stratégie appliquée à l’un ou l’autre des théâtres d’opérations 16. Cependant, l’intérêt scientifique pour les choix stratégiques et tactiques des commandements assyriens remonte presque aux origines de la recherche assyriologique. Au début du XXe siècle, M. Pancritius ébauchait les premières esquisses au sujet de la conduite de la guerre 17. De ces premiers essais, les auteurs suivants ont tiré l’idée d’un manque de connaissances assyriennes sur les tactiques de combat, sur l’ordre de bataille ou sur la situation du commandement opérationnel pendant le combat. Ils reconnaissaient, pourtant, l’existence d’un schéma tactique assyrien type, défini comme une « stratégie d’assaut », guidé par le principe du « toujours en avant » 18. Ce schéma est l’attaque combinée sur l’axe et les flancs de l’ennemi, menée non par une phalange fermée, mais par des unités tactiques plus petites, au moyen d’assauts énergiques. Le sujet n’a plus attiré l’attention jusqu’à H. W. F. Saggs qui, s’inspirant de la pensée d’un classique de la science de la guerre, C. von Clausewitz 19, décrivit l’efficacité incomparable de l’armée assyrienne : armée de métier, rapidité des déplacements et raisons politiques fondant les choix stratégiques et tactiques. Dans le même temps, W. von Soden s’intéressa à la planification stratégique des campagnes assyriennes. Il considéra que la science militaire était déjà mûre depuis que la réforme de TukultƯ-apil-Ešarra (744-727 av. J.-C.) rendit possible 8

.

9

.

10

. . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 19 . 11

von Soden 1963, p. 131, mentionne la volonté impériale imposée par un noyau restreint et la brutalité singulière apparente révélée par les inscriptions et les bas-reliefs. Manitius 1910. Postgate 2000 souligne la vigueur de Manitius. von Soden 1963 ; Hrouda 1965 ; Reade 1972 ; Malbrant-Labat 1982. Stronach 1958 ; Mallowan 1966 ; Dalley & Postgate 1984 ; Dezsö & Curtis 1991. Postgate 2001. Mayer 1995. Córdoba 1997 Malbrant-Labat 1982, p. 4. Pancritius 1904. Hunger 1910, p. 33-34. Saggs 1963.

136

de lancer une offensive générale sur des fronts différents, tout en assurant la direction des opérations par un commandement stratégique central 20. L’intérêt pour la théorie de la guerre assyrienne s’est de nouveau manifesté avec B. Hrouda. Ce dernier confirma l’idée que l'essence de l'approche tactique assyrienne était fondée sur l’attaque au centre et sur les flancs 21. N. Stillman et N. Tallis ont défini de manière hypothétique un ordre de bataille assyrien, avec l’infanterie au centre, les chars et la cavalerie sur les flancs, pour encercler en pince les flancs de l’ennemi 22. On doit à A. Ferrill le concept de la « grande stratégie assyrienne », qui se définit comme un choix stratégique global imposé par la réalité politique et soumis à l’accomplissement adéquat de celle-ci 23. Plus récemment, ont vu le jour des études sur les choix tactiques assyriens24 et des analyses de quelques batailles historiques. Ces premières applications de certains éléments de la science de la guerre classique a d’hors et déjà permis de définir avec clarté un nombre non négligeable de principes dans l’organisation militaire de l’Assyrie et par extension dans celle d’autres États de l’Orient ancien. 3. À LA RECHERCHE DE LA SCIENCE DE LA GUERRE ANCIENNE Nous avons deux types de documentation relativement abondante, celle fournit par l’archéologie – basreliefs, armes, fortifications ௅ et celle issue des textes : annales, rapports, lettres. Les deux types de sources peuvent être considérés comme relativement objectifs même si la majeure partie des textes a été écrite par les intéressés, donc avec un risque de minimalisation des pertes et des effets dramatiques que les guerres ont exercés sur les villes et les populations. Mais les deux documentations contiennent certains éléments objectifs utiles à l’historien : les textes donnent des informations précises, parfois une datation, ou bien évoquent les circonstances du combat, même si le point de vue est toujours celui du vainqueur. Les images sont également très précises dans certaines descriptions et peuvent ainsi enrichir la connaissance de la guerre. Au-delà des exagérations des textes et des omissions intentionnelles des bas-reliefs et en dépit des analyses critiques modernes sur les évènements passés, il est certain que l’Histoire démontre le succès global des armées impériales. Les armées akkadiennes, sumériennes ou assyriennes, sont victorieuses dans la construction et la défense de leur empire, autant à l’intérieur qu’en dehors de leurs frontières. Les Akkadiens s’imposèrent de manière répétée à leurs ennemis, les Sumériens équilibrèrent leurs forces en modérant leurs pertes, et les Assyriens ne connurent que la victoire. Les puissants États louvites et araméens de Syrie, de Babylone, d’Egypte, d’Elam, d’Urartu, et même ceux de régions éloignées comme l’Anatolie finiront presque tous par être soumis par l’Assyrie. Et l'efficacité militaire de l’armée, de son armement 25 et de ses rendements tactiques sont démontrés par sa victoire sur des théâtres d’opérations différents et même totalement opposés, comme la haute montagne (campagnes en Urartu), les steppes et les déserts les plus extrêmes (campagnes contre les Arabes), les régions marécageuses (campagnes en Babylonie) ou les plaines alluviales (campagnes contre les Élamites). Pour toutes les époques, la séquence chronologique des actions militaires est bien établie grâce à l’analyse critique des sources découvertes. L’histoire de la conduite de la guerre reste pourtant encore à faire et elle devrait être réalisée avec les moyens analytiques développés par les auteurs classiques de la pensée militaire. L’œuvre de C. von Clausewitz est une référence essentielle, comme le prouvent son utilisation dans diverses études sur la VIII e campagne de Sargon en Urartu 26 ou sur les guerres en Élam 27 et ses excellents résultats. La pensée de C. von Clausewitz permet de mieux élucider plusieurs situations militaires. Mais il existe d’autres moyens que je propose aussi d’employer pour une meilleure compréhension de la théorie de la guerre au Proche-Orient ancien, tels que l’analyse du moral du combattant et du degré d’efficacité

20

. . 22 . 23 . 24 . 21

25

.

26

. .

27

von Soden 1963, p. 143. Hrouda 1965, p. 150. Stillman & Tallis 1984, p. 60-62. Ferril 1987, p. 102-106. Scurlock 1997, en proposant l’analyse de quatre batailles historiques très différentes ; Córdoba 1997, sur la bataille de l’Oulai/NjlƗia Toujours en amélioration constante, comme on peut le voir dans n’importe quelle étude sur l’armée assyrienne. Ainsi Healy 1991. Saggs 1963 ; Blanchard Smith 1994 ; Lucía Castejón 2006-2007. Scurlock 1997 ; Córdoba 1997.

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du soldat. Je prends ci-dessous comme « laboratoire d’essais » la bataille représentée sur la Stèle des vautours datant de l’époque protodynastique et la Bataille de l’NjlƗia, célèbre combat entre les Assyriens et les Élamites. Pour proposer une nouvelle analyse de ces batailles de référence, il convient dans un premier temps de partir de l’œuvre de C. von Clausewitz 28, support incontournable de toute analyse sur la stratégie et la tactique. Son ouvrage le plus célèbre est « pour la majorité des militaires et des chercheurs qui ont analysé “De la guerre” » le « livre de théorie militaire le plus profond qui ait jamais été écrit 29. » . Certes, sa vision est très éloignée des Assyriens, c’est un penseur du XIXe formé avec Kant, Fichte et Pestalozzi 30, et qui a comme expérience militaire l’étude des campagnes de Frédéric le Grand et des guerres napoléoniennes associée à son propre vécu. Ce que je propose est d’utiliser les principes généraux de la guerre, que C. von Clausewitz a exposé avec clarté et exactitude, pour une époque beaucoup plus ancienne. Il s’agit de perceptions et de réalités qui répondent en partie à ce que T. N. Dupuy appelle les vérités éternelles de la guerre et du combat, liées en partie au milieu géographique, comme les principes offensifs et défensifs, les constantes du comportement humain dans le combat, les idées fondamentales et les contingences pratiques de la stratégie et de la tactique 31. La deuxième étape d'analyse consiste à considérer les situations réelles de combat, leurs effets sur le moral du combattant ancien et les mécanismes qui provoquent l’esprit combatif. L’utilisation de l’oeuvre d’un autre classique comme le colonel Charles Ardant du Picq, qui curieusement, et à l’instar de Carl von Clausewitz, mourrut sans avoir vu publiées ses Études sur le combat 32, fournit des éléments pour ce type d’analyse. Ainsi, on peut mieux comprendre la situation réelle du combattant ancien dans les moments préalables à l’affrontement, et combien l’organisation, l’ordre tactique et les valeurs assumées par l’armée et le commandement contribuaient à obtenir un comportement solide sur le champ de bataille. Les idées générales exposées par Charles Ardant du Picq à propos du combat antique sont extrêmement suggestives. L’auteur montre qu’à distance de charge, on allait à l’ennemi le plus vite possible, pour favoriser l’impulsion morale ; qu’au sein de troupes instruites, le choc n’était jamais aveugle ; que le soutien mutuel dépendait de la continuité de l’alignement ; que la démoralisation et la fuite commençait toujours par les dernières files d’une formation – ce qui paraît difficile à expliquer, mais qui a toujours été vérifié – ; que les cavaleries ennemies ne s’affrontaient jamais réellement au pas de charge ; que la solidarité des combattants a toujours été la meilleure réaction face au feu démoralisateur des projectiles lancés à distance contre une formation ; et que, pour conclure, la qualité des troupes jouait un rôle important dans le succès de la bataille, ce qui reste encore d’actualité 33. Pour Charles Ardant du Picq, l’esprit et la condition des soldats sont plus importants que les différentes situations militaires. Sa pensée procure de nombreuses suggestions qui peuvent être appliquées au comportement du combattant ancien. Une troisième étape d’analyse pourrait envisager une réflexion sur les raisons de l’efficacité manifeste de certaines armées de l’antiquité, victorieuses sur des théâtres d’opération très complexes et très différents et, même, contre des ennemis au moins aussi expérimentés. L’idéal serait de disposer des éléments suffisants pour pouvoir appliquer une équation de base, capable de mesurer, de prévoir et par conséquent de permettre la prise de décisions par le commandement, en fonction de variables comme l’efficacité relative dans le combat, la diminution du rendement des troupes et ses causes, la friction et l’usure, le comportement humain et le concept de multiplicateur de force. La formule de quantification de la puissance de combat 34, proposée par T. N. Dupuy dans son Modèle d'évaluation quantitatif (QJM), peut fournir un modèle. Mais, comme le souligne l’auteur luimême, toute théorie doit toujours tenir compte de treize concepts invariables et fondamentaux de la guerre, ce qu’il appelle les « vérités éternelles », qui constituent sa composante humaine 35. Même s’il était possible d’établir des équations en partant de la documentation archéologique et textuelle, il est difficile d’adapter les données disponibles avec les variables de T. N. Dupuy. On peut les utiliser comme hypothèses, pour comprendre 28 29

.

. . 31 . 32 . 33 . 34 . 35 . 30

von Clausewitz 1991. L’édition complète de Werner Hahlweg, en accord avec le texte original, est sans aucun doute l’édition de référence par sa fidélité à l’esprit et à la lettre de l’auteur. Dupuy 1987-1991, p. 61. Alonso Baquer et al. 1990. Dupuy 1987-1991, p. 27-36. Ardant du Picq 1988. Ardant du Picq 1988, p. 73-79 et p. 99-102. Dupuy 1987-1991, p. 123-134. Dupuy 1987-1991, p. 27-36.

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la nette efficacité au combat de quelques armées comme l’armée assyrienne, et leur supériorité moyenne évidente même lors de combats livrés dans des conditions d’infériorité numérique ou sur des théâtres d’opérations défavorables. 4. LABORATOIRE D’ESSAIS 4.1. Brèves considérations concernant la bataille du GU-EDINA et sa représentation sur la Stèle des vautours (env. 2.400 av. J.-C.) Malgré le nombre réduit des sources, l’importance de cette bataille mérite qu’on s’y intéresse. Il s’agit probablement de la première bataille de l’histoire de la guerre sur laquelle on dispose d’une information suffisante. Une description très sommaire se trouve dans le texte inscrit sur la stèle 36, qui fournit également quelques images sur le combat 37. En prenant en considération les principes de la science militaire 38, il est possible de tenter une analyse approximative de cette bataille. La période pré-sargonide est une suite de guerres plus pour l’hégémonie que pour la conquête. Les possibilités humaines des cités-États sumériens étaient très similaires 39, leurs moyens militaires également. Beaucoup de batailles et de victoires semblent n’avoir jamais fini par l’élimination de l’ennemi. On a la sensation que les cités-États étaient équivalentes en moyens, en techniques de combat et en mobilité dans le champ de bataille. Les adversaires se battaient probablement en conformité à des règles établies : au-delà du fait que la guerre avait un motif territorial spécifique, on combattait, par exemple, pour conquérir le champ de bataille et le butin des armes ennemies. La guerre entre Umma et Lagaš avait, en effet, comme raison la conquête « du domaine bien-aimé de Nin-Girsu ». Vu que la terre disponible était très limitée, les cités-États proches et les objectifs restreints, on ne pouvait pas prévoir une grande stratégie. D’ailleurs, la Basse Mésopotamie était déjà presque toute défrichée et sillonnée de canaux et de rigoles, et dans ces conditions, il était difficile de planifier de grands déploiements et mouvements de troupes. C’était probablement encore le temps des bons tacticiens mais des stratégistes en herbe. Avec Sargon d’Akkad la situation change : ce roi est le premier grand stratège et tacticien de l’histoire militaire mésopotamienne. Dans la bataille entre Umma et Lagaš on peut, pourtant, trouver déjà une courte stratégie, bien adaptée à la situation, et une belle tactique. Les armées de Lagaš et Umma, qui se réunissent dans le territoire disputé, limité et bien connu, disposaient vraisemblablement des mêmes moyens : une charrerie et une infanterie lourde. Si les moyens militaires n’avaient pas été similaires, il n’y aurait pas eu une si longue succession de conflits entre les deux cités-États. De même, leur stratégie était semblable : il fallait conquérir le champ de bataille – qui était aussi la terre agricole disputée – et par la défaite de l’armée ennemie, obtenir la reconnaissance de la nouvelle donne. On peut aussi supposer que la présence d’unités spécialisées impliquait l’existence de commandements spécialisés et bien sûr, un commandement supérieur pour la coordination qui devait planifier le combat et décider des mouvements. On peut considérer que la tactique fondamentale employée était le choc en phalanges très serrées. Une infanterie en formation serrée, armée avec casque, haut bouclier rectangulaire et grandes lances ou piques que les soldats empoignaient à deux mains ne pouvait pas se mouvoir dans le champ de bataille en évolutions tactiques trop élaborées 40. Cependant, la bataille, l’une des premières à champ ouvert 41, avait un ordre simple de phalanges en profondeur, et de toute évidence une forte discipline. Par contre, le rôle tactique joué par la charrerie 42, vues ses particularités, doit être minimisé. Le char avait un emploi restreint et secondaire, pour transporter les soldats ou peut-être pour poursuivre parfois un ennemi vaincu 43. Lagaš, qui avait un objectif politique 44 qui dépassait celui de l’annihilation d’Umma, disposait du commandement militaire très directif sur le champ de bataille 45. Et s’il n’y avait pas encore une stratégie 36

. . 38 . 39 . 40 . 41 . 42 . 43 . 44 . 37

Steible 1982, p. 120-145. Winter 1985, figs. 3 et 4. Yadin 1963, p. 49-50 ; Stillman & Tallis 1984, p. 59 et p. 69 ; Lafont 1991 ; Castel 1991. Garelli 1968, p. 291. Castel 1991, p. 51. Yadin 1963, p. 49. Cassin 1968, p. 291. Garelli 1968, p. 292. von Clausewitz 1991, p. 200-201.

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développée, du moins les fondements étaient déjà là. Tous les principes tactiques fonctionnaient correctement et dans le combat, Lagaš semble avoir dominé en raison – comme remarquait Ch. Ardant du Picq 46 – de troupes bien instruites, d’un bon alignement et d’un parfait soutien mutuel dans la phalange. La somme de tous ces facteurs démontre la supériorité de Lagaš 47. Mais, étant donnée que les pertes par friction 48 des cités-États étaient insignifiantes, les deux armées ont pu recommencer les guerres maintes et maintes fois. 4.2. La bataille de l’NjlƗia ou de Till Tuba (655 av. C.) : la vraie conduite de la guerre L’importance de l’analyse des principes de la science militaire apparaît plus clairement lorsqu’elle est appliquée à des périodes tardives, plus abondamment documentées. La bataille du fleuve NjlƗia (655 av. J.-C.), livrée entre les armées d’Assurbanipal d’Assyrie (668-627 av. J.-C.) et de Teuman d’Elam, a déjà été étudiée à maintes reprises 49. La planification, le développement et la conclusion de la bataille y apparaissent comme les résultats d’un modèle appliqué de la théorie de la guerre en vigueur en Assyrie. Il s’agit d’une théorie déjà très sophistiquée, qui constitue un sommet de l’art de la conduite de la guerre dans l’Antiquité, et pas uniquement pour l’époque assyrienne. Les différentes sources disponibles, soumises aux principes de la science militaire, semblent permettre une reconstruction plausible de la stratégie générale et de la tactique primordiale de la force assyrienne, et offrent également une image acceptable de la conduite du combat et des raisons possibles de l’efficacité traditionnelle de son armée. Les mouvements stratégiques de la campagne ont été dessinés par le commandement central, probablement basé dans l’Ɲkal mƗšarti de la capitale. L’existence de cette sorte d’état-major central assyrien ne fait plus de doute, comme le montre la hiérarchie même des commandants dirigés par le roi 50, en tant que chef naturel du ki‫܈‬ir šarrnjti et du ‫܈‬Ɨb šarri. La centralisation bien connue des services d’information au près de l’entourage royal et la fluidité permanente des communications entre les régions frontalières et le commandement central 51 le suggèrent d’ailleurs aussi. Depuis l’Ɲkal mƗšarti, cet « état major » et le roi ont dû définir la stratégie générale et les grandes lignes tactiques que les commandants de l’armée devaient développer ou adapter au théâtre des opérations. Grâce à l’expérience acquise sur le théâtre des opérations élamites, l’armée assyrienne devait disposer de plusieurs plans applicables en fonction des circonstances militaires et politiques. Ainsi, lorsque la présence de Teumman à Dêru empêchait une opération amphibie 52, on choisit donc de mobiliser une seule armée, dotée à la fois d’une grande mobilité et d’une importante puissance de choc, capable de culbuter l’armée élamite, de pénétrer profondément et rapidement dans le territoire ennemi et d’obtenir une victoire immédiate et nette 53. Il s’agissait d’un plan stratégique choisi pour les intérêts politiques de l’Assyrie, qui assurait alors une victoire, sans pourtant annihiler l’ennemi et ses ressources, puisque le but immédiat était d’imposer sur le trône un protégé assyrien. En tenant compte des principes de C. von Clausewitz et des informations sur cette campagne donnés par le prisme d’Assurbanipal 54 et par les bas-reliefs du palais de Sennachérib 55 de Ninive, on peu suggérer que le plan du commandement assyrien visait à repousser l’armée élamite vers le secteur nord du théâtre d’opérations, pour l’obliger ainsi à protéger ses capitales et l’empêcher de réaliser sa jonction avec les forces de Gambulu. Grâce à sa rapidité de déploiement et de pénétration, l’armée visait à pousser l’ennemi au cœur même de l’Elam pour l’obliger à livrer là bataille et, suite à la victoire 45

. . 47 . 48 . 49 . 50 . 51 . 46

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. . 54 . 55 . 53

von Clausewitz 1991, p. 441-448. Ardant du Picq 1988, p. 73-79 et p. 99-102. Dupuy 1987-1991, p. 61. von Clausewitz 1991, p. 261-264 ; Dupuy 1987-1991, p. 243-259. Bachelot 1991 ; Scurlock 1997, l’appelle la bataille de Til-Tuba ; Córdoba 1997. Malbran-Labat 1982, p. 161. Sur les services d’information et les dayyƗli, Malbran-Labat 1982, p. 41-57. Rapports et lettres envoyées depuis la frontière dans Lanfranchi & Parpola 1990. Sur les rapports, p. xviii-xix ; sur l’intensité des communications, p. xxiixxiii. Comme celle de Sennacherib, Luckenbill 1927, p. 146. Córdoba 1997, p. 14. Piepkorn 1933. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998. On peut voir la bataille dans les bas-reliefs de la salle XXXIII. Autour des bas-reliefs, Vol. I, p. 94-100. Les dalles, Vol. II, pl. 286-320.

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prévisible, à forcer immédiatement l’entrée assyrienne à Susa, avec l’intention d’y imposer la paix le plus vite possible. Un tel plan, déduit des faits et des rapports existants, mais non moins probable pour cela, révèle que « l’état-major » assyrien a été capable de concevoir une campagne qui constitue un modèle d’énergie, de vitesse et de puissance de choc, caractéristiques nécessaires dans toute offensive décidée, selon la pensée classique du général prussien 56. À l’inverse, le renseignement élamite n’a pas su devancer les faits. Teummam prit connaissance tardivement de la présence de l’armée assyrienne à Dêru et du début de son avancée rapide. Cet effet de surprise provoqua la désorganisation des troupes élamites, en empêcha leur déploiement et les obligea à un retrait rapide. Teumman alla vers Susa, en abandonnant à leur sort deux villes royales. Là, il parvint à organiser la défense de la capitale uniquement en échange d’une grande quantité d’or et d’argent 57. En termes de science militaire ceci signifie que la bataille stratégique avait déjà été gagnée par le commandement central assyrien avant que les armées ne livrent l’ultime combat. À partir des mêmes éléments précédemment cités, nous pouvons essayer de reconstruire la tactique appliquée par le commandement opérationnel lors de cette bataille décisive. La lecture de l’inscription du roi assyrien 58 et de la scène représentée sur les stèles 1, 2 et 3 de la salle XXXIII 59, montre que les Élamites choisirent le bassin de la rivière NjlƗia, en occupant ses deux rives. La position choisie était théoriquement forte, mais devait se transformer en souricière pour les Élamites, vu la puissance de choc des Assyriens, leur résolution et l’audace démontrée par le commandement tactique, logiquement informé du plan stratégique, et poussé pour cela à une résolution rapide. Face à la traditionnelle combativité tactique d’assaut assyrienne et au « toujours en avant » – en cette occasion imposée par des raisons stratégiques – , le déploiement élamite aux abords de la rivière pouvait se révéler être un choix désastreux, comme le souligne C. von Clausewitz à propos de situations semblables 60. Culbutées sur tout le front – ce qui s’avère manifeste dans le suivi de toute la scène représentée – , les troupes de Teumman furent précipitées dans les eaux du NjlƗia, comme cela se distingue parfaitement sur les bas-reliefs, et les soldats, qui parvinrent à traverser la rivière, se joignirent aux forces inutilement basés sur l’autre rive, entreprenant une retraite par la plaine pour aller chercher la protection des remparts de Susa. Une retraite aussi désorganisée a dû conduire à un véritable massacre, comme l’indique l’inscription du prisme du monarque assyrien 61. Les bas-reliefs de la salle XXXIII sont donc une forme d’histoire en images des différentes phases de la bataille et, dans le même temps, ils nous permettent d’avancer certaines hypothèses sur le déploiement des troupes assyriennes. Les dalles complètes devaient se présenter sous la forme d’une composition en six registres ou frises de haut en bas et complétées par les trois considérées, de gauche à droite (inférieures) et de droite à gauche (supérieures). Les trois frises supérieures paraissent avoir représenté les effets de la défaite : les trois frises inférieures, les différentes phases de la bataille jusqu’à son dénouement. Étant donné que la destruction de la partie supérieure des dalles empêche de reconstruire ce qui est raconté dans les trois registres du haut 62, il est préférable de se concentrer d’abord sur la description stricte de la bataille comme elle est reproduite, en tenant compte ensuite de l'analyse de la tactique des troupes et de leur armement. La dalle 1 pourrait reproduire deux évènements : la perte de la hauteur sur laquelle s’appuyait le dispositif de Teumman à l’ouest de la rivière NjlƗia, et l’effondrement du front situé dans la plaine, qui s’appuyait au cours de la rivière. R. D. Barnett, E. Bleibtreu et G. Turner pensent que la hauteur représentée était en réalité la représentation conventionnelle d’une ville élamite 63 – apparaissant sur l’une des dalles précédentes perdues – 56

. . 58 . 59 . 60 . 61 . 62 . 63 . 57

von Clausewitz 1991, p. 873-874. Piepkorn 1933, p. 66-67 et p. 68-69. Piepkorn 1933, p. 68-69. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 286, 288-289 (Dalle 1), pl. 292-293 (Dalle 2) et pl. 296-297 (Dalle 3). von Clausewitz 1991, p. 746. Piepkorn 1933, p. 68-69. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, Vol. I, p. 94. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, Vol. I, p. 94.

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auparavant conquise par les Assyriens. Mais la première explication proposée conviendrait également : l'histoire semble linéaire, et de la hauteur considérée comme point fort élamite et de la plaine où s’est déroulé le combat (dalle 1 et une partie de la dalle 2), on passe aux abords de la rivière, couverts de végétation, et au lit de celle-ci (une partie de la dalle 2 et dalle 3) dans lequel les Élamites sont rejetés. Il faut lire les registres de gauche à droite, en commençant par les deux registres inférieurs de la dalle 1, en continuant ensuite par les deux registres inférieurs de la stèle 2, pour finir avec la vue d’ensemble des derniers combats, offerte déjà simultanément dans les trois registres inférieurs de la dalle 3. Ensuite, la lecture devra continuer par le registre supérieur de la dalle 2, avec la plaine après la bataille, couverte de cadavres de soldats, d’animaux et de débris de chars et d’armes. Enfin, la lecture finit par le registre supérieur de la dalle 1, où dans une tente sont comptées et entassées les têtes des ennemis décapités, et où le char portant la tête de Teumman et la nouvelle de la victoire part vers la capitale assyrienne. Le contenu et l’ordre de lecture des textes inscrits semblent confirmer cette hypothèse. Dans le registre central et au milieu même de la dalle 2, on lit mur-ta-ku ‫ې‬a-ta-nu mte-um-man ša2 ina [u‫܈‬-‫]܈‬i mu‫ې‬-‫ې‬u-‫܈‬u la iq-tu2-u ZI.MEŠ a-na na-[k]as SAG.DU ra-me-ni-šu2 DUMU KUR AŠ+ŠUR i-ša2.‫܈‬i-ma um-ma al-ka SAG.DU-ya KU5-is-IGI LUGAL EN-ka i-ši-ma le-e-qi2 MU SIG5-tim 64. La référence à Urtaku dans ce registre central suggère peut-être que le gendre de Teumman assumait le commandement du centre élamite, ce qui semble possible par deux mentions du roi et de son fils et leurs représentations dans le bas-relief du registre supérieur. Ainsi, sur la dalle 3 (Fig.5), se trouvent deux inscriptions relatives à des situations consécutives dans le temps : la première, la plus brève, dit : mte-um-man ina mi-qit ‫ܒ‬e3-e-me a-na DUMU.UŠ-šu2 iq-bu-u šu-le-e gišBAN 65 – dont je suppose qu’elle correspond à une phase du combat très proche de l’effondrement total des forces élamites, au vu de l’urgence de la demande du père à son fils. La deuxième consiste en une description réaliste, concise et dramatique de la fuite et du décès du père et du fils après l'effondrement final : mte-um-man MAN KUR NIM.MAki ša ina ME3 dan-ni mu‫ې‬-‫ې‬u-‫܈‬u mtam-ri-i-tu2 DUMUšu2 GAL-u ŠU.II-su i‫܈‬-ba-tu-ma a-na šu-zu-ub ZI.MEŠ-šu2 in-nab-tu2 i‫ې‬-lu-pu qe2-reb qiš-ti ina KU-ti AN.ŠAR2 u d15 a-nar-šu2-nu-ti SAG-DU-šu2-nu KU5-is mi-i‫ې‬-ret a-‫ې‬a-meš) 66. La lecture visuelle précédemment proposée se termine dans le registre supérieur de la dalle 1, là où est incise l'inscription concernant le char qui part vers l’Assyrie annoncer qu’un simple soldat a coupé la tête du roi d’Elam, et que celle-ci est rapidement envoyée à Ninive 67. Mais comme je le soulignais auparavant, outre la description physique de la bataille, les bas-reliefs permettent d’entrevoir des choses très diverses, y compris peut-être la disposition tactique des troupes impliquées. Si l’on tient compte des similitudes dans l’armement et l’uniforme des combattants, l’apparent mélange d’unités représentées par les sculpteurs se transforme en une formation singulière, probablement l’ordre de bataille adopté habituellement ou lors de ce combat par l’armée assyrienne. La bataille a été sculptée dans trois frises ou registres, qui représentent probablement de manière schématique les trois noyaux du déploiement tactique. Par une analyse attentive, on pourrait déduire que le sculpteur a essayé d’obtenir un effet de perspective, car entre le registre du bas et celui du haut il y a une diminution évidente de la proportion des figures. Dans le registre supérieur – c’est-à-dire les petits fragments des dalles 1 et 2 et tout le registre de la dalle 3 – , c’est le flanc gauche assyrien qui serait représenté. Dans cette scène apparaissent seulement deux types de troupes : des archers à l’équipement léger et une infanterie très bien équipée, dotée du casque pointu typique, de l’armure d’écailles, de bottes, d’un grand bouclier et d’une lance ou de courtes armes. Il s’agirait donc des archers araméens 68 et des unités de l’armée assyrienne. Dans le registre central – qui représenterait l’attaque des unités déployées entre les deux flancs assyriens – nous percevons la présence d’autres troupes : une unité assyrienne équipée de la même manière que dans le registre supérieur, qui comprend des lanciers et des archers ; une autre unité de fantassins équipés de grands boucliers verticaux, d’une lance, d’une petite cuirasse et d’un casque à cimier typique, et d’archers légers équipés comme ceux représentés dans le registre supérieur. Je pense que le centre était formé par des unités assyriennes, des archers araméens et des auxiliaires louvites, identifiés par leur équipement et leur casque 69. Le registre inférieur des trois dalles reproduirait, enfin, le déploiement et 64

. . 66 . 67 . 68 . 69 . 65

Weidner 1932-1933, p. 182 ; Gerardi 1988, p. 30 Weidner 1932-1933, p. 178 ; Gerardi 1988, p. 30. Weidner 1932-1933, p. 180. ; Gerardi 1988, p. 31. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, Vol. I, p. 95. Reade 1972, p. 104-105. Healy 1995, p. 61 pense qu’ils sont néo-hittites. Reade 1972, p. 106.

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l’attaque du flanc droit, composé par la cavalerie de l’armée assyrienne. Cette dernière était fortement dotée tant en hommes équipés de lances et d’arcs qu’en chevaux. Des groupes de lanciers disposant d’un grand bouclier et d’un casque conique typique sont suivis d’un autre groupe à l’armement semblable mais avec de légères différences, comme la petite cuirasse croisée sur la poitrine. Apparaissent d’autres guerriers équipés à la manière luvite et, au milieu de cet ensemble, des archers présentent un aspect identique à ceux précédemment décrits. Le flanc droit serait donc formé par la cavalerie assyrienne de l’armée de métier 70, par l’infanterie assyrienne composée d’unités distinctes de celles déjà citées, comme l’indique leur armement et leur casque typique 71, et par d’autres unités d'infanterie, armées de manière semblable mais avec des différences subtiles, peut-être des auxiliaires babyloniens 72, par quelques unités louvites et, pour finir, par les indispensables archers araméens. En résumé, je crois que l’histoire visuelle de la bataille sculptée ne constitue pas un caprice d’artiste, mais une représentation schématique de l’approche tactique de la bataille de l’NjlƗia. Dans cette bataille, on peut percevoir les préférences tactiques traditionnelles des commandements assyriens : mélange de troupes assyriennes et d’auxiliaires d’autres nations, avant-garde formée par l’armée de métier, comme fer de lance des flancs et du centre, et déploiement d’archers et de frondeurs dont le feu de couverture protégeait et renforçait l’avance d'unités de lanciers. Pour peu que nous observions attentivement, des déploiements et des combinaisons semblables apparaissent dans d’autres bas-reliefs et batailles, comme dans le célèbre assaut de LakƯsu 73. Après avoir vu l’approche stratégique, le déploiement des unités et le développement apparent de la bataille, on peut considérer maintenant les aspects quantifiables des mouvements tactiques, du combat ainsi que les multiplicateurs de force, en partant des études des classiques de la guerre. L’armée assyrienne a su tirer profit de la combinaison d’unités différentes : sur le flanc gauche étaient l’infanterie lourde nationale et les archers auxiliaires ; au centre l’infanterie lourde nationale, l’infanterie auxiliaire semi-lourde et les archers auxiliaires ; sur le flanc droit l’infanterie nationale et auxiliaire semi-lourde, les archers auxiliaires et la cavalerie lourde. L’avantage évident apporté par la combinaison d’unités différentes, leur discipline manifeste et la solidarité des formations entre elles expliqueraient le bon comportement de l’armée au combat, par l’obtention de l’équilibre des vertus des différentes unités, en maintenant toujours le caractère décisif des unités nationales. En prenant en considération plus spécifiquement l’oeuvre de Ch. Ardant du Picq, on comprend que l’armement et la tactique assyriens étaient arrivés à renforcer l’esprit combatif de ses unités et à provoquer l’effondrement de la volonté de résistance des Élamites. Les bas-reliefs permettent de suggérer le déploiement tactique suivant : attaque avancée des ailes gauche et droite protégées, concrétisée par la poussée de l’infanterie lourde (à gauche) et de la cavalerie lourde et de l'infanterie semi-lourde (à droite), toutes deux couvertes par le feu des archers auxiliaires. Cette poussée décisive était synchronisée avec celle du centre, dont le rôle semble avoir été de liquider la poche ennemie. Ainsi, la discipline des unités de l’armée assyrienne et leur capacité d’impact au pas de charge, couverts par le feu nourri des archers, ou par l’avancée des escadrons de cavalerie lourde de l’aile droite, d’abord au pas puis au galop dû être un spectacle terrible pour les premières lignes élamites. Et il a provoqué la fuite des dernières lignes, qui pour se mettre en lieu sûr ont dû vouloir tenter de traverser la rivière tant que cela était possible. D’ailleurs, le combat se présentait très mal après une retraite et des échecs répétés. La somme de tels facteurs, combinée à la présence du lit de la rivière situé dans le dos des troupes, dû réduire à néant la discipline élamite et sa volonté de résistance. Les eaux de l’NjlƗia commencèrent à être perçues comme un obstacle mortel à la retraite, et non comme l’appui recherché pour un déploiement défensif. Du côté assyrien, le regroupement de troupes (cf. registre supérieur de la dalle 1) montre une bonne conservation de la cohésion après l’impact. Il s’agit d’un fait habituel pour des troupes aussi bien entraînées comme celles de Ninive et leurs auxiliaires : elles

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L’armement, les genres et les textes semblent l’indiquer: Reade 1972, p. 103 ; Healy 1995, p. 62 ; Postgate 2000, p. 99100. Reade 1972, p. 101 et p. 104. Il n’y a pas de preuve incontestable à cette hypothèse, tant il est vrai que l’armement et l’aspect physique permettraient de les identifier aussi à des Assyriens. Ainsi, Stilman & Tallis 1984, p. 174, figs 159 et 160. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, bas-reliefs de la salle XXXVI. Pour la description des dalles, Vol. I, p. 101-105. Vol. II, pl. 322-352.

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étaient capables d’écraser l’ennemi jusqu’à le repousser hors du champ de bataille, comme le fait la cavalerie représentée dans le registre inférieur, pourfendant les unités élamites qui battent en retrait 74. Si l’on applique les paramètres proposés par T. N. Dupuy, il résulte qu’une discipline exemplaire, un excellent équipement et les mouvements audacieux ont dû dans ce cas produire un effet multiplicateur à l’avantage des Assyriens, effet possible même en situation d’infériorité numérique, comme cela avait été le cas, par exemple, lors de la bataille d’Uauš en Urartu, en 714 avant J.-C. 75. Et si l’on pouvait, en suivant T. N. Dupuy, synthétiser en une équation la puissance de combat assyrienne, il en résulterait que cette dernière pourrait avoir atteint des proportions plus grandes même que la supériorité allemande sur les alliés pendant la deuxième Guerre Mondiale 76, évaluée à 1.2 et en tenant compte du fait que les Élamites n’étaient pas un ennemi faible. C’est une équation de supériorité que dans le cas assyrien, ni la friction du combat, ni la diminution de rendement, ni l’usure ne paraissent avoir sérieusement affecté. 5.- CONCLUSIONS Les sources textuelles et iconographiques mésopotamiennes peuvent enrichir la connaissance de la guerre au Proche-Orient ancien et de la capacité des armées, si elles sont soumises à une analyse théorique complexe qui comprend la théorie de la conduite de la guerre (C. von Clausewitz), la théorie du combat et ses effets sur le moral du combattant (Ch. Ardant du Picq) et, dans la mesure du possible, la théorie des variables de combat (T. N. Dupuy). Cela a pu être vérifié ici en étudiant la guerre à l’époque protodynastique et à l’époque néo-assyrienne.

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. . 76 . 75

Ardant du Picq 1988, p. 73-79. Blanchard Smith 1994 ; Scurlock 1997 ; Lucía Castejón 2006-2007. Dupuy 1987-1991, p. 141. La proportion calculée est de 100 Allemands équivalant à 120 alliés.

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Figure 1 : La bataille de l’GU-EDINA, d’après la stèle des vautours (Hrouda, l’Orient ancien, Paris, 1991, p. 74)

Figure 2 : Reliefs de la bataille de l’lia, d’après les dalles 1, 2 et 3 dans la salle XXXIII du Palais de Sennacherib (d’après Barnett et alii, Sculptures from the Southwest Palace of Sennacherib at Nineveh, London, 1998, Vol. II, pl. 286).

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Figure 3 : Palais de Senacherib, Salle XXXIII, Dalle 1 (d’après Barnett et alii, Sculptures from the Southwest Palace of Sennacherib at Nineveh, London, 1998, pl. 288)

Figure 4 : Palais de Senacherib, Salle XXXIII, Dalle 2 (d’après Barnett et alii, Sculptures from the Southwest Palace of Sennacherib at Nineveh, London, 1998, pl. 292)

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Figure 5 : Palais de Senacherib, Salle XXXIII, Dalle 3 (d’après Barnett et alii, Sculptures from the Southwest Palace of Sennacherib at Nineveh, London, 1998, pl. 296)

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LES FORTERESSES ASSYRIENNES DE LA VALLEE DU MOYEN EUPHRATE

Aline TENU *

RESUME : Les fouilles de sauvetage du barrage de Haditha ont révélé l’existence de nombreux sites datant de la fin du IIe et du début du Ier millénaire. La principale étude présentant les résultats de ce programme est la thèse inédite de S. J. Abdul-Amir al-Shukri, soutenue en 1988. Il y propose que l’occupation, presque uniquement militaire, de la région ait été organisée autour de onze forteresses et de dizaines de camps temporaires, identifiés grâce à des zones couvertes de tessons et/ou de tombes, en dehors de tout bâti en dur. Après avoir décrit les forteresses et présenté le réseau et la hiérarchie des différents sites militaires tel que conçu par S. J. Abdul-Amir al-Shukri, nous proposerons une autre typologie possible pour ces établissements fortifiés, qui constitue un exemple rare en archéologie orientale de ce type d’architecture. ABSTRACT : In the 1970s and 1980s, numerous sites dated to the end of the IInd millennium B.C. and to the beginning of the Ist millennium B.C. were studied within the framework of the Haditha Dam salvage project in the Middle Euphrates (Iraq). The most exhaustive publication of data pertaining to this programme is an unpublished Ph.D written by S. J. Abdul-Amir al-Shukri in 1988. In his opinion, the main feature of the occupation of the area was its militarization: eleven fortresses were reinforced by a network of temporary camps and « stations for military intelligence ». After a description of the archaeological data and their interpretation by S. J. al-Shukri, I would propose another typology based on the shape of these fortified settlements which are relatively rare in the Ancient Near East. MOTS-CLES : Moyen-Euphrate, forteresses, campements, tour de surveillance, camps temporaires, cimetières, céramique. KEY WORDS : Middle Euphrate, strongholds, camps, watch tower, temporary camps, cemeteries, pottery.

Les fouilles en Assyrie à Dûr-Šarrukîn, Ninive et surtout Kalhu avec l’arsenal de Salmanazar III ont révélé l’existence de palais forteresses. Ces bâtiments somptueux aux décors recherchés et au mobilier raffiné servaient également d’arsenaux, de lieux de stockage du produit des pillages et des tributs, ainsi que de casernement pour les soldats et les officiers. Jusqu’à présent, ces citadelles trouvées dans les capitales mêmes des rois assyriens étaient les bâtiments qui documentaient le mieux ce type de construction. En dehors de l’Assyrie, les seules forteresses identifiées furent celles de la route entre Aššur et Arbil dans les années 1940 par M. el-Amin et M. Mallowan 1. Récemment, dans la zone du barrage du Tishrin, J. Eidem et son équipe repérèrent les sites de Jurn el-Kebir, Qadahiye et Hammam Kebir, qui présentaient un caractère très nettement fortifié 2, mais la zone où le plus de forteresses ont été reconnues est celle du moyen Euphrate. Les travaux menés dans les années 1970 et 1980 dans le cadre des fouilles de sauvetage du barrage de Haditha, ont en effet révélé l’existence d’un réseau tout à fait remarquable de places fortifiées. Ces dernières, sises de part et d’autre du fleuve, bloquaient son franchissement tout en contrôlant la circulation fluviale. Des fouilles et des prospections furent conduites par des missions iraquiennes et étrangères. Les résultats sont très inégalement publiés et l’importante synthèse rédigée par S. J. Abdul-Amir al-Shukri pour sa thèse est restée inédite. C’est ce dernier travail qui donne le plus d’informations

* 1

. 2 .

UMR 7041 ArScAn, Nanterre et University of Cambridge. el-Amin & Mallowan 1949 et 1950. Eidem & Pütt 2001.

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sur la région et notamment sur les forteresses. Pour lui, la militarisation du secteur est la principale caractéristique de l’occupation du début du Ier millénaire. Après une présentation des données archéologiques sur les forteresses mêmes, j’exposerai les hypothèses développées par S. J. al-Shukri quant à l’organisation militaire de la région avant de proposer une autre typologie de ces sites à vocation militaire. 1. LES FORTERESSES La vallée du moyen Euphrate paraît à première vue presque dénuée d’intérêt. Une étroite bande de terre arable, située dans la vallée inondable du fleuve, est la seule zone où une maigre agriculture est possible et sa situation excentrée par rapport aux grands États babylonien et assyrien inviterait à lui dénier toute valeur. Pourtant, elle fut constamment l’enjeu de rivalités entre eux tant elle bénéficiait en fait d’atouts considérables. Située sur de grands axes commerciaux reliant la côte méditerranéenne à l’Iran et la péninsule arabique à l’Assyrie, elle était de plus sillonnée par de très nombreuses tribus bédouines dont l’importance en Mésopotamie ancienne n’est plus à démontrer. Les prospections et fouilles réalisées dans le cadre du programme de sauvetage de Haditha révélèrent l’existence de plus de quatre-vingts sites et c’est précisément au début du Ier millénaire que la vallée fut la plus densément occupée 3 (Fig. 1). De plus, S. J. al-Shukri note que non seulement le nombre de sites attribuables à cette période est très élevé, mais qu’en plus il s’agit d’une occupation à caractère essentiellement militaire : sur quarante sites, seuls quatre auraient aussi un caractère urbain 4. Une partie de ces établissements aurait été implantée à la fin du IIe millénaire 5. S. J. al Shukri identifia onze forteresses (Fig. 2). Trois se trouvaient sur des îles, trois sur la rive ouest et cinq sur la rive est 6. Ces forteresses varient considérablement en dimensions, mais aussi dans leurs structures mêmes. Yemniyeh est un petit fortin, alors que Sur Jur’eh est un vaste site couvrant plus de 30 ha (Tableau 1). 1.1. Les îles sur l’Euphrate 1.1.a. L’île d’‘Ana (Anat) Jusqu’au XVIIe ou XVIIIe siècle ap. J.-C., c’est sur cette île au milieu du fleuve que se trouvait l’importante ville d’‘Ana, déplacée ensuite sur la rive ouest. Longue de 950 m et large de 200 m, l’île ne culmine qu’à 13 m au-dessus du niveau des eaux. Des fouilles furent conduites conjointement par le State Organization of Antiquities entre 1979 et 1983 et par une équipe britannique en 1981 et 19827 dans la partie sud de l’île 8. Le nom de la ville d’Anat apparaît déjà dans les textes de la période paléo-babylonienne, mais aucun niveau antérieur à la fin du IIe millénaire ne fut découvert 9. Sur les huit sondages effectués par l’équipe de M. Roaf et d’A. Northedge, quatre révélèrent des niveaux d’époque néo-assyrienne. La séquence la plus longue fut fouillée dans le carré R 4C/D 10, mais dans le carré K2 10J/K3 1J, les niveaux les plus anciens ne purent être atteints. Les découvertes britanniques les plus substantielles ont été réalisées dans le premier des carrés mentionnés. À la phase 10, un mur d’au moins 1, 60 m de large fait de blocs de calcaire et préservé sur 1, 80 m de haut, marquait la limite ouest d’un important bâtiment. Ce mur fut, à la phase suivante, chemisé par un nouveau mur épais d’1 m. Cette impressionnante maçonnerie ne connut aucune reconstruction jusqu’à la phase 5. En revanche, la rue qui la bordait à l’ouest fut à plusieurs reprises rehaussée, tout comme la canalisation qui la parcourait, et son revêtement fut refait. Parmi le matériel découvert, les fouilleurs signalent de la céramique néoassyrienne, ainsi que des fragments de briques glaçurées, malheureusement éparpillées dans un remplissage. La glaçure était souvent très détériorée au point que les couleurs et les motifs mêmes étaient impossibles à 3

. . 5 . 6 . 7 . 8 . 9 . 4

10

.

al-Shukri 1997, p. 219. Il s’agit d’‘al-Zawiya et des trois îles de Bijan, Telbis et Anat (al-Shukri 1988, p. 164, table 3). Dix-sept sites dateraient de la fin du IIe millénaire (al-Shukri 1997, p. 219). Sur cette période, voir Tenu 2006. al-Shukri 1988, p. 126-127. Northedge 2006, p. 398. Killick & Roaf 1983, p. 204. Sur la région à la période paléo-babylonienne, voir Lacambre 2006 et notamment p. 134. On peut par ailleurs remarquer que si aucun niveau de cette époque ne fut retrouvé, des objets et notamment un masque de Humbaba (al-Shukri 1988, p. 253), semblent remonter à cette période. Pour la localisation des tranchées de fouille, je renvoie à Northedge, Bamber & Roaf 1988, p. 26, fig. 9.

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discerner. Seuls trois fragments furent jugés publiables 11. Ailleurs sur le site, les niveaux néo-assyriens ne livrèrent pas de bâtiments aussi substantiels. La brièveté de la période de fouilles interdisant une exploration en extension, il ne fut guère possible d’atteindre les occupations les plus anciennes, d’autant que le site était toujours en partie occupé par un village. Manifestement, d’après les coupes publiées, le sol vierge ne fut jamais atteint. Les occupations antérieures au Ier millénaire n’ont donc pas été attestées en fouille, mais ces sondages permirent de préciser que le matériel céramique datait des IXe-VIIIe siècles. Tableau 1 : La surface des forteresses (d’après al-Shukri 1988, p. 139, table 2) Nom du site 8.12 Glei’eh 9. al-‘Usiyeh 10A. Île de Telbis 10B. Sur Telbis 12. Khirbet ed-Diniyé 16. Sur Jur’eh 17. al-Zawiya 22. Île de ‘Ana 26. Île de Bijan 30. Sur Mur’eh 49. Tell Yemniyeh

Surface en hectares 3, 46 2,42 4,42 13,50 2,25 33, 75 ? 17,86 2,63 5,20 0,10

Rive ouest ouest île est ouest est est île île est est

Ce sont en fait les campagnes iraquiennes qui offrirent le plus de données, fournies par cinq zones de fouille entre le nord de l’île et la mosquée. Dans deux carrés, ils retrouvèrent sous les niveaux du Ier millénaire des vestiges d’une occupation remontant au IIe millénaire av. J.-C. 13. Dans le secteur de la mosquée, ils mirent au jour un bâtiment massif de 25 m sur 50 m, longé par une rue 14, qui courrait sur presque toute la longueur de l’île. Aucun plan de ce bâtiment n’a été publié et les rapports le décrivent succinctement : il se trouvait à l’ouest de la rue et était organisé autour de deux cours entourées par des pièces de différentes tailles. Les fondations des murs extérieurs atteignaient 2, 5 m de profondeur et celles des murs internes 1, 50 m pour une épaisseur totale dépassant souvent 1 m. Les murs furent bâtis en blocs massifs de calcaire et toutes les pièces étaient pavées de briques cuites. Le bâtiment de ce niveau (3) fut arasé, recouvert d’une couche d’argile pure de 50 cm d’épaisseur pour asseoir une nouvelle construction (niveau 2), beaucoup moins bien conservée. Une entrée (2 x 2 m) et des pavements faits de dalles de briques cuites (32 x 32 x 6 cm) et de pierre (dont certaines appartenaient au bâtiment précédent) et furent découverts. Les fouilleurs attribuèrent la céramique à l’époque néo-babylonienne, mais al-Shukri signale que le matériel permettant cette datation ne fut guère publié 15. Outre des jarres de stockage et deux céramiques dont une portait une empreinte de sceau assyrien, ils mirent au jour, dans le remplissage, des fragments de reliefs. L’un représentait un lion, les quatre autres permettent de dater le bâtiment de la période de Ninurta-kudurri-u ur gouverneur de Sûhu et de Mari (VIIIe siècle) dont le nom apparaît sur l’un d’eux 16. Un relief relativement bien conservé (120 x 105 x 30 cm) montre une scène de bataille de style assyrien (Fig. 3) 17. D’autres fragments de relief furent retrouvés hors contexte sur le site. L’un d’eux apparaît sur une photographie prise en 1909 par Gertrude Bell lors de sa visite de l’île 18. La fonction de ce bâtiment n’est pas claire, mais la puissance des maçonneries, le soin apporté aux sols et la présence de ces fragments de relief indique sans conteste son importance. Ses dimensions sont relativement 11

. . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 12

Northedge, Bamber & Roaf 1988, p. 127 et fig. 131 : 1-4. Les numéros sont ceux attribués par al-Shukri. al-Shukri 1988, p. 252-253. al-Shukri 1988, p. 253. al-Shukri 1988, p. 254. Cavigneaux & Ismail 1990, p. 322 (n° 17, 18, 20 et 27), et al-Shukri 1997, Taf. 6, figs. 10 et 11. Cavigneaux & Ismail 1990, p. 397 (n° 27). Une inscription de cinq à six lignes était identifiable, mais illisible. http://www.gerty.ncl.ac.uk/. Photographie J 231.

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modestes, mais au sud (area 3) un autre bâtiment lui était accolé et pour al-Shukri, ce dernier était une sorte d’annexe à la construction principale 19. Ailleurs sur le site, d’autres niveaux appartenant à l’époque néoassyrienne furent dégagés. Les fouilleurs y découvrirent du matériel céramique, des tombes en jarre double, au moins un sceau cylindre et des fragments de briques glaçurées de couleur jaune, bleue, verte et noire 20. Elles étaient comparables à celles qui provenaient des fouilles britanniques, autant qu’à celles découvertes à Sur Jur’eh ou à Zawiya 21 : sur ce dernier site, comme à Anat, des pattes d’aigle furent identifiées sur les fragments de briques 22. Enfin, à plusieurs endroits, des portions des fortifications qui entouraient l’île furent mises au jour. J. K. Ibrahim découvrit la partie nord d’un mur en calcaire renforcé de tours semi-circulaires. Pour lui, l’île était habitée depuis l’époque médio-assyrienne 23. Ce type de tour n’est pas à ma connaissance attestée pour cette date ni pour la période néo-assyrienne, mais le premier état de ce mur qui était sans doute un rempart militaire, ainsi qu’une protection contre les crues, remonte peut-être à l’occupation assyrienne de l’île. Au sud-est de l’île, les fouilleurs britanniques creusèrent également à l’aplomb du mur de « quai » qui était encore apparent : au niveau le plus ancien, le mur d’environ 2,5 m d’épaisseur, fait d’un blocage entre deux parements d’environ 50 cm de côté, était peut-être néo-assyrien 24. S. J. al-Shukri laisse entendre que le site était ceint d’une muraille puissante à l’égale de celles des îles Bijan ou de Telbis 25, mais rien dans ses diverses contributions ne permet de se faire une idée plus précise. 1.1.b. L’île de Bijan (Sapirutu) L’île, qui mesure 350 m sur 75 m, se situe à 23 km en aval de l’île d’Anat et à 12 km en aval de celle de Telbis, près de la rive ouest 26. Elle fut explorée par une mission polonaise qui effectua huit campagnes de fouilles entre 1979 et 1983 27. Les fouilles révélèrent que l’île était en grande partie une construction artificielle due à une forteresse assyrienne 28. Deux phases y furent reconnues : la construction originale d’environ 120 m sur 29 m était protégée au nord par un puissant bastion de pierres mesurant 25 x 29 m et conservé encore sur une hauteur de 5 m 29. À l’ouest du fort, un mur incurvé avec des contreforts de briques cuites jointoyées au bitume fut dégagé. Il s’agirait, d’après M. Gawlikowski, d’un petit port 30. La forteresse primitive fut ensuite agrandie vers le sud et vers l’ouest pour atteindre 185 x 75 m. Une grande tranchée est-ouest de 52 m de long et 2 m de large fut creusée afin de préciser la stratigraphie. En ce lieu, les deux murs est et ouest de la première forteresse étaient distants de 23, 5 m et épais respectivement de 2, 80 m 31 et de 5 m. Le mur ouest de la seconde forteresse atteignait 5 m d’épaisseur 32. L’intérieur de cette structure de pierre très massive fut rempli d’un mélange de terre, de sable, d’argile, de graviers et de petites pierres complètement stérile. L’importance des niveaux d’occupation postérieurs explique sans doute le manque relatif de données disponibles pour ce site. Il fut identifié avec Sapirutu, qui est mentionnée par Tiglath-Phalazar Ier 33 et par Tukultî-Ninurta II 34. Les avis divergent sur la datation de ces deux phases : elles seraient toutes deux néo-assyriennes, des VIIIe-VIIe siècles 35 ou bien le premier état remonterait à la période médio-assyrienne, à la fin du IIe millénaire 36. 19

. . 21 . 22 . 23 . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 20

29

. . 31 . 30

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. . 34 . 33

35 36

. .

al-Shukri 1988, p. 258. al-Shukri 1988, p. 259. al-Shukri 1988, p. 253. al-Shukri 1988, p. 259 et al-Shukri 1983, p. 10. Ibrahim 1986, p. 80. Northedge, Bamber & Roaf 1988, p. 50. al-Shukri 1988, p. 190. al-Shukri 1988, p. 395. Krogulska & Reiche 2006, p. 339. Dans le rapport paru en 1981 (Postgate & Roaf 1981, p. 194), deux petits forts datés sans doute de la période néoassyrienne sont signalés dans les niveaux les plus anciens, mais ensuite, il n’en est plus fait mention. Gawlikowski 1983-1984, p. 207. Gawlikowski 1983-1984, p. 207. Ce mur était encore parfaitement visible au moment des fouilles ainsi que le montre une photographie prise par la mission et parue dans Studia Euphratica (Krogulska & Reiche 2006, p. 352, fig. 4). Krogulska & Reiche 2006, p. 340. Grayson 1991, p. 43, p. 53. Grayson 1991, p. 175. La ville est aussi documentée à l’époque paléo-babylonnienne (Charpin 1997), mais aucun niveau de cette période ne fut repéré, ni aucun tesson identifié (al-Shukri 1988, p. 397). Krogulska & Reiche 2006, p. 340. Gawlikowski 1983-1984, p. 207 et Tenu 2006, p. 220-221.

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1.1.c. L’île de Telbis (Talbish) Cette île de 508 m de long et de 87 m de large se trouve à 9 km en aval de l’île d’Anat et juste en amont de Sur Telbis qui se trouve sur la rive est. Les fouilles, commencées en 1981, se sont poursuivies jusqu’en 1985. Elles ont révélé quatre niveaux principaux d’occupation : un du début du Ier millénaire av. J.-C., l’autre du début du Ier millénaire ap. J.-C., et deux d’époque islamique. La découverte de tessons de jarres à fond en téton (non publiés) et le contexte historique connu par les textes incitent à penser que le site fut occupé dès la fin du IIe millénaire 37. Les constructions les plus anciennes furent mises au jour à l’ouest. Il s’agit d’un puissant bastion construit en blocs massifs soigneusement ajustés pour résister au courant du fleuve. Ce bastion rappelle tout à fait celui découvert sur l’île voisine de Bijan. Les fouilles ont révélé l’existence de bâtiments importants, datés par la céramique du début du Ier millénaire, mais dont ni le plan, ni la moindre description n’ont pas été publiés. Apparemment, l’île était bien fortifiée au nord et au sud 38 : au nord, le rempart fut construit en pierre, juste au-dessus de l’eau et était ponctué de ressauts et de redents. Son épaisseur maximale conservée est de 3, 60 m, mais peut-être faut-il restituer un mur plus épais si l’on compare avec celui de l’île de Bijan, qui atteint 5 m. À environ 71 m de l’extrémité de l’île, une éminence de 160 m sur 40 m et haute de 7,5 m au-dessus du niveau de l’eau 39 fut partiellement explorée. Les archéologues y dégagèrent vers le nord et vers le sud des tombes en jarre simple ou double, très abîmées, appartenant à divers niveaux. Elles ne livrèrent que peu de matériel : quelques objets en métal et un sceau cylindre en pierre blanche de style néo-assyrien. C’est apparemment là que furent également découverts les tessons datés du IIe millénaire av. J.-C. 1.2. Les forteresses quadrangulaires Outre les îles dont la topographie est nécessairement contraignante, six forteresses furent implantées de manière comparable : Glei’eh, Sur Jur’eh, Sur Mur’eh, al-‘Usiyeh, Sur Telbis et Khirbet ed-Diniyé. Il s’agit en effet de forteresses quadrangulaires, dont les angles étaient orientés vers les points cardinaux. Selon S. J. alShukri elles partagent une autre caractéristique remarquable : le fait d’être ouvertes sur le fleuve. Cette absence de rempart côté fleuve est beaucoup plus vraisemblablement due à l’érosion qu’à un choix délibéré des constructeurs. Ch. Kepinski repéra qu’à Khirbet ed-Diniyé, même si le mur du côté du fleuve n’était pas aussi bien conservé que les autres, on pouvait néanmoins en discerner les traces 40. 1.2.a.Glei’eh (Kar-Apladad ?) Le site se trouve à 24,5 km en amont de la ville moderne de Haditha sur la rive ouest du fleuve. Sa fouille, confiée à Sd. Khalid Suweid Dhahir, fut la première entreprise dans le cadre du programme de fouilles de sauvetage de Haditha. Il s’agit d’un établissement quadrangulaire, entouré de deux murs et protégé par un fossé taillé dans la roche sur une largeur d’environ 1 m. Les deux remparts étaient conservés sur une hauteur maximale de 2 m et construits en blocage de calcaire, de blocs de gypse et de terre 41. L’enceinte externe mesurait 200 m sur 173 m et l’interne 125 m sur 138 m 42. L’accès se trouvait sur le côté sud-ouest 43. La courtine sud-est du mur extérieur protégeait également une butte naturelle haute de 8 m sur laquelle fut édifiée une citadelle 44. La citadelle La citadelle, longue de 30 m et large de 12 m, fut bâtie en briques crues de dimensions 30 x 30 x 12 cm et conservée sur une hauteur de 5 m (Fig. 4). Les façades présentaient des niches et des redans. L’entrée se faisait par le sud-ouest en passant par une chicane, large de 2, 20 m 45. Malheureusement aucune crapaudine ne 37

. . 39 . 40 . 41 . 42 . 43 . 44 . 45 . 38

al-Shukri 1988, p. 355 et Tenu 2006. al-Shukri 1988, p. 354. al-Shukri 1988, p. 354. Communication personnelle. Postgate et Watson rapportent que le mur interne était construit en briques crues (Postgate & Watson 1979, p. 148). al-Shukri 1988, p. 349. al-Shukri 1983, p. 9. al-Shukri 1988, p. 166. al-Shukri 1983, p. 10.

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fut découverte ou du moins signalée sur le plan ou dans le rapport et de fait nous ne pouvons savoir si la première pièce pouvait être fermée. Outre cette entrée, le rez-de-chaussée était divisé en quatre pièces. Le long des murs étaient parfois maçonnées des banquettes, notamment dans la pièce sud-est, la plus grande qui mesure 9, 70 m sur 3 m 46. La plus petite des pièces, accessible depuis la précédente, était selon S. J. al-Shukri cachée de l’extérieur par le mur sud-ouest 47. La partie nord-est du bâtiment était occupée par un escalier. Trois marches permettaient d’entrer dans la cage d’escalier puis douze conduisaient à un étage dont il ne reste plus rien. Outre l’existence de l’escalier, l’épaisseur et la hauteur des maçonneries plaident en faveur d’un ou de plusieurs étages. Les murs de l’entrée de la citadelle de Glei’eh étaient bordés de deux bancs (qui ne figurent sur aucun plan). Ils sont approximativement de la largeur du lamassu 48 de terre cuite trouvé dans la ville (cf. infra) et S. J. al-Shukri suggère que ces bancs servirent de plinthe à des reliefs 49. Cette hypothèse, quoique parfaitement spéculative, repose quand même sur la découverte dans la ville intérieure de fragments de sculptures. La ville basse Les maisons découvertes dans l’enceinte interne étaient construites en briques crues et délimitaient un espace ouvert. Dans cette cour fut mis au jour un four à deux chambres dont l’une abritait un lamassu moulé 50 en terre cuite. Cet animal mesurait 2,20 m de long, 1, 17 m de haut et 0,71 cm de large 51. Le seul autre site en dehors d’Assyrie même où des lamassu furent découverts est Tell Ajaja, l’ancienne Šadikanni qui fut fouillée par H. Layard et par H. Kühne. Réalisés en calcaire tendre, ils ne mesurent pas plus de 100 cm de haut sur 92 cm de long 52. Le lamassu de Glei’eh, beaucoup plus grand que ceux-ci, était sans doute destiné à garder une porte, celles de la ville ou comme le suggère S. J. al-Shukri celles de la forteresse. À l’ouest de la cour furent découvertes deux zones pavées de briques cuites qui avaient dû appartenir à un ou des bâtiment(s) totalement disparu(s). Les maisons de briques crues furent dégagées et le fouilleur identifia 118 pièces. Il remarqua aussi que les seuils étaient en pierre. Peu de choses sont rapportées sur l’organisation spatiale de ces unités architecturales : certaines au sud ont été interprétées comme des ateliers et on a proposé l’identification de l’une d’entre elles avec une salle de bain en raison de la présence d’un sol en briques cuites et d’une frise insérée dans la partie basse des murs. Dans cette pièce furent trouvées neuf jarres du début du Ier millénaire avec des panses globulaires et des bases plates 53. Aucun dessin n’illustre ces explications. Les maisons en briques crues, notamment dans la partie sud-ouest du site présentent des traces claires de reconstruction et de réemploi qui témoignent d’une occupation à la fin du Ier millénaire av. J.-C. et au début du Ier millénaire ap. J.-C. Ces constructions tardives se distinguent parce qu’elles sont bâties sur des fondations en pierre 54. C’est également le cas de quelques grandes maisons construites entre les deux murailles et qui pour cette raison sont attribuées à la dernière phase d’occupation du site 55. Au cours de cette période, les habitants remployèrent nombre des matériaux fournis par les déblais des installations précédentes. C’est dans ce contexte secondaire que furent découverts des fragments de relief de style assyrien. L’un montre une déesse, identifiée à Ištar, un autre un homme portant ce qui ressemblerait à une tablette, un troisième un homme devant un arbre sacré dans lequel est perché un oiseau. Un décor de guilloche borde le haut de la scène. Enfin, dans les débris apparut un fragment de tête humaine plus grande que nature. Sa barbe et ses cheveux bouclés rappelèrent aux fouilleurs les statues des rois assyriens 56. Naturellement, il est on ne peut plus frustrant que de telles découvertes

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al-Shukri 1983, p. 10. al-Shukri 1988, p. 177. al-Shukri a ici indiqué qu’il s’agissait d’un taureau, mais dans la description de l’animal donnée ailleurs (voir alShukri 1983) et plus haut il est fait mention d’un lion comme sur la légende de l’illustration (fig. 21, p. 170). Sur celleci, on distingue plutôt des pattes de lion que des sabots de taureau. al-Shukri 1988, p. 179-180. al-Shukri 1988, p. 171. al-Shukri 1983, 10 et al-Shukri, 1988, p. 169. Ce sont les dimensions du lamassu aujourd’hui exposé au musée de Deir ez-Zor (Bonatz, Kühne & Mahmoud 1998, p. 120). al-Shukri 1988, p. 169. al-Shukri 1988, p. 170. al-Shukri 1988, p. 169. al-Shukri 1988, p. 171.

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ne soient pas mieux connues et publiées. Elles témoignent cependant de l’importance du site de Glei’eh et de la présence continuelle de références culturelles assyriennes. Enfin, le site livra quatre-vingt-quatre tombes en jarre simple et double. La plupart furent trouvées sous la cour de la ville basse, les autres sous le sol des maisons ou sur le mur interne, notamment sur la courtine sudouest. Cette dernière mention peu précise invite à penser que pendant la dernière phase d’occupation le mur interne était tombé en ruines. Dans la cour, des puits furent, en général, creusés dans la roche pour les tombes en jarre simple. Les jarres étaient en forme de « tonneau », avec une base annulaire, et certaines étaient marquées au bitume 57. Leur mobilier funéraire était relativement abondant, armes, sceaux cylindres et bijoux, et pour S. J. alShukri, elles devaient être celles d’officiers de haut rang 58. L’un des sceaux est particulièrement remarquable : on y devine des divinités debout sur des animaux agenouillés sur une patte devant un palmier dominé par le dieu Aššur dans un disque ailé 59. Les tombes en jarre double étaient plus pauvres et plus près de la surface. Aucune autre information n’est fournie si ce n’est qu’elles étaient « grandes » 60. Peu de données sont publiées sur les défunts eux-mêmes : certains étaient des enfants et tous étaient déposés la tête vers le sud-est ou le nord-est 61. Le matériel céramique était médio- et néo-assyrien ainsi que kassite et parthe 62. Naturellement, il est fort dommage qu’on ne bénéficie guère de plus d’informations, mais il paraît relativement clair que le site jouissait d’une certaine position dans la hiérarchie militaire. La citadelle proprement dite est de dimensions relativement modestes et peut-être faut-il y voir plutôt une tour de surveillance. Il paraît en effet exclu qu’elle ait abrité une garnison permanente importante. Les officiers et les troupes devaient plutôt habiter la ville basse sans doute avec femmes et enfants. A. Cavigneaux et B. K. Ismail ont suggéré que cet établissement pouvait être Kâr-Apladad, fondée par Ninurta-kudurri-usur au milieu du VIIIe siècle 63. Cette date n’est pas du tout incompatible avec une occupation antérieure du site, révélée par de la céramique plus ancienne. En effet, maintes villes furent « fondées » sur un site déjà habité depuis longtemps. 1.2.b. Sur Jur’eh (ancienne Gabbari-ibni ? ) Sur Jur’eh fait face au site de Glei’eh et il avait encore au moment des fouilles une apparence 64 fortifiée . Il fut exploré par une équipe iraquienne en 1978 et 1979 puis par la British Archaeological Expedition in Iraq sous la direction de M. Roaf en 1982 65. Il domine la plaine environnante d’environ 2 m et c’est d’après S. J. al-Shukri la plus grande de toutes les forteresses de la région du moyen Euphrate puisqu’elle couvre plus de trente hectares (cf. tableau 1). Par ailleurs, c’est le seul site à être entouré de trois murs. Apparemment, à l’origine le site n’était ceint que de deux murailles, la troisième ayant été construite à une phase postérieure. Le fossé, dont fut extraite la terre utilisée pour la construction du mur médian, séparait les murs médian et extérieur. Le mur médian mesurait 300 m de côté et se dressait par endroit jusqu’à 2, 80 m de haut. Les données concernant sa largeur varient grandement : 20 m selon l’équipe britannique 66, 13 m 67, 9, 50 ou 6 m selon S. J. al-Shukri 68. Les courtines sud-ouest et nord-est étaient percées, mais il n’a pas été possible d’établir s’il s’agissait de l’emplacement des anciennes portes.

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D’après leur description, ces jarres étaient très comparables à celles trouvées en contexte similaire sur d’autres sites de la région et notamment à Khirbet ed-Diniyé, Tenu (à paraître). al-Shukri 1988, p. 176-177. En raison de la médiocre qualité de la reproduction il est difficile de trouver de bons comparanda pour ce cylindre. La scène semble de composition assez similaire à des sceaux néo-assyriens publiés par D. Collon (n° 152 daté du IXe siècle et n° 153 dont la datation est plus sujette à discussion : entre le Xe et le début du VIIIe siècle) (Collon 2001, p. 88-90). al-Shukri 1988, p. 177. al-Shukri 1983, p. 10. Ibrahim 1986, p. 78 ; Postgate & Watson 1979, p. 148. Cavigneaux & Ismail 1990, 339. Une tablette a, par ailleurs, été trouvée sur le site (Cavigneaux & Ismail 1990, n° 26). Postgate & Watson 1979, p. 155. al-Shukri 1988, p. 377. Killick & Roaf 1983, p. 221. al-Shukri 1988, p. 376. al-Shukri 1988, p. 213.

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Ce mur et son fossé furent entourés d’un nouveau mur renforcé de contreforts. Mesurant 750 m sur 450 m, il fut bâti en pisé, disposé en couches d’environ 20 cm d’épaisseur. Une série de pièces fut construite contre lui. Ce troisième rempart protégeait également un petit fort qui dominait l’angle nord-est 69. Le mur intérieur, édifié en briques crues 70 (29-31 x 10-1 cm 71), mesurait 1, 80 m de large et était renforcé régulièrement de contreforts mesurant 2, 90 m de large et 0, 5 m de profondeur. Des unités d’habitations étaient construites contre ses côtés nord-est et nord-ouest. Sur le site, les fouilleurs mirent au jour des citernes et des canalisations dont certaines confectionnées en terre cuite passaient par le mur médian. Au centre d’un espace libre, un système destiné à approvisionner le site en eau, peut-être en cas de siège, fut mis au jour 72. Il y avait trois citernes dont la plus grande mesurait 5 m sur 3 m 73. À l’ouest de cette installation furent dégagés sept fours maçonnés en briques : le plus grand (3 x 2, 5 x 1, 8 m) contenait des débris de briques alors que les autres, au vu des fragments de céramique prêtes à être enfournés, devaient être destinés à la cuisson des récipients. La découverte la plus spectaculaire de l’équipe iraquienne fut celle de quatre fragments de panneaux en calcaire inscrits en cunéiforme et de tablettes datant de Ninurta-kudurri-usur 74. Les fouilles britanniques permirent d’éclaircir le contexte de découverte de cette archive 75. Elle se trouvait dans un bâtiment avec une cour, trois fours et de nombreux bassins pour humidifier l’argile. Des céramiques prêtes à être cuites furent découvertes, confirmant que le matériel céramique utilisé par la garnison était produit sur place. De nombreuses tombes furent également fouillées, notamment des tombes en double jarre d’époque néo-assyrienne. Le matériel était kassite, médio- et néo-assyrien, hellénistique et parthe et S. J. al-Shukri signale également la découverte d’objets en métal et de sceaux cylindres assyriens 76. D’après les documents découverts sur place et à Babylone, le site ne serait autre que Gabbari-ibni, fondée par le père de Ninurta-kudurri-usur, Šamaš-rêš-usur 77. 1.2.c. Sur Mur’eh Sur Mur’eh se trouve sur la rive est de l’Euphrate. Les fouilles furent conduites par Sd. Mahir Muhammed Jalal entre mai et septembre 1980. La forteresse rectangulaire de 260 x 200 m est enclose sur trois côtés par un mur unique, mal conservé 78 et construit de la même manière que ceux de Glei’eh, Sur Jur’eh et al-‘Usiyeh 79. Il était large de 6 m et fut reconnu sur 165 m. Le long du fleuve, en dehors de la zone ceinte fut découvert un mur de pierre, large de 4 m et conservé sur une hauteur de 30-50 cm. Ce mur, selon S. J. al-Shukri, bordait le quai et participait ainsi à l’aménagement des berges du fleuve. Un village se trouvait sur les ruines de ce site, ce qui explique, avec l’importante érosion, le mauvais état des vestiges conservés. Deux bâtiments dans les murs et un à l’extérieur furent dégagés. Le bâtiment principal situé près de la courtine nord-ouest présente trois phases d’occupation : la plus ancienne serait médioassyrienne alors que les deux suivantes seraient d’époque néo-assyrienne. C’est, selon les fouilleurs, le plus ancien bâtiment des trois car seules les deux phases les plus récentes sont attestées ailleurs. Le bâtiment principal était soigneusement bâti sur des fondations en pierre qui atteignaient plus d’un mètre de large. Les murs construits en briques étaient, tout comme les sols, enduits. Au niveau le plus récent, les fouilleurs mirent au jour un sceau cylindre montrant une scène de chasse de style assyrien, tout à fait comparable à un sceau trouvé à Sur Jur’eh (tous deux non publiés).

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Killick & Roaf 1983, p. 221. al-Shukri 1983, p. 10. Killick & Roaf 1983, p. 221. al-Shukri 1988, p. 214. al-Shukri 1988, p. 216. Cavigneaux & Ismail 1990, p. 321-322 (n° 1-15 et 28 ; n° 23-25). Une tablette fut découverte lors des fouilles britanniques (Cavigneaux & Ismail 1990, n° 16). al-Shukri 1983, p. 10 et Watson & Postgate, 1979, p. 155. Killick & Roaf 1983, p. 221 et Cavigneaux & Ismail 1990. al-Shukri 1988, p. 404. al-Shukri 1988, p. 286.

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Trois tombes datées du début du Ier millénaire furent découvertes. L’une d’elles était celle d’un enfant. Les dépôts funéraires consistaient en quelques bijoux, des pointes de flèches en bronze et une petite jarre à glaçure verte 80. Ce type de dépôt est très comparable à ceux des autres tombes de la région notamment celles de Khirbet ed-Diniyé 81. Le matériel céramique est similaire à celui des sites voisins de Glei’eh, Sur Jur’eh 82 et de Khirbet ed83 Diniyé , mais trouve aussi des parallèles – la palace ware notamment – sur des sites d’Assyrie, en particulier à Nimrud 84. 1.2.d. al-‘Usiyeh Il s’agit d’un très vaste site se trouvant sur la rive ouest de l’Euphrate, juste en amont de l’île de Bijan. Plusieurs équipes travaillèrent indépendamment sur différents secteurs datant du paléolithique au début du Ier millénaire ap. J.-C. Une forteresse de 220 x 110 x 1-2 m fut identifiée. Comme les autres forteresses quadrangulaires de la région, le mur du côté du fleuve ne fut pas retrouvé. La maçonnerie était tout à fait similaire à celles des murs de Glei’eh, Sur Jur’eh et Sur Mur’eh 85. Contre le mur sud-ouest se trouvait une butte faite de graviers et de pierre mesurant 90 x 60 m, dominant de 9 m la plaine environnante 86. Victime de fouilles clandestines, elle recélait néanmoins des tombes en briques crues datées du IIe millénaire ainsi que des inhumations en jarre du début du Ier millénaire 87. Cette butte anthropique a d’abord été interprétée comme un tumulus du fait de la présence des tombes 88, mais S. J. al-Shukri suggère qu’il s’agissait plutôt d’une tour de surveillance accolée à la muraille et dont la construction aurait détruit le cimetière qui existait auparavant 89. Parmi le matériel découvert en fouille, S. J. al-Shukri signale la présence d’un pied de lamassu assyrien, identique à celui retrouvé à Glei’eh 90. Ces quelques indices – forme, orientation et maçonnerie de l’enceinte, présence de tombes du début du er I millénaire et fragment de lamassu – permettent de supposer l’existence d’une forteresse assyrienne, malheureusement très mal documentée. 1.2.e. Khirbet ed-Diniyé (Haradu) Khirbet ed-Diniyé est la plus petite des forteresses quadrangulaires du moyen Euphrate et se trouve bien en amont d’‘Ana, sur la rive ouest du fleuve. Elle fut construite sur les vestiges de la ville du Bronze moyen, abandonnée vers 1629 av. J.-C. 91. Le site fut fouillé entre 1981 et 1984 par une équipe française dirigée par Ch. Kepinski. Les tablettes paléo-babyloniennes découvertes sur le site permirent son identification avec la ville ancienne d’Harrâdum 92. À l’époque néo-assyrienne, le site, connu sous le nom d’Haradu, apparaît notamment dans les inscriptions des rois Tukultî-Ninurta II et Aššurnasirpal II 93. Le rempart, qui suit plus ou moins le tracé de celui d’époque paléo-babylonienne, est construit en briques crues sur soubassement de pierre. Trois phases principales de construction et de réfection purent être repérées notamment dans l’angle est. Un premier mur à caissons de 120 m de côté fut d’abord soigneusement bâti. Dans une seconde phase, un second mur à caissons plus petits et plus irréguliers lui fut adjoint. Enfin, un puissant mur à redents vient consolider l’ensemble portant à environ 150 m de côté la dimension de la forteresse 94. Les casemates étaient remplies d’un mélange relativement homogène de sable et de petites pierres. 80

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al-Shukri 1988, p. 406. Kepinski (à paraître). al-Shukri 1988, p. 292. Tenu (à paraître). Al-Shukri 1988, p. 292. al-Shukri 1988, p. 286. al-Shukri 1988, p. 352. al-Shukri 1988, p. 185. Killick & Roaf 1983, 223 et Roaf & Postgate 1981, p. 198. al-Shukri 1988, p. 188. al-Shukri 1988, p. 353. Joannès 2006, p. 25. Pour les textes paléo-babyloniens voir Joannès 2006. L’ensemble de la documentation afférent à Haradu au Ier millénaire a été repris par Ph. Clancier dans Tenu & Clancier (à paraître). Kepinski 2006, p. 331.

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Ce remplissage volontaire permit l’installation au sommet des murs de structures légères ou artisanales dont témoignent des sols et des restes de murs. Le mur atteignait ainsi une épaisseur considérable de plus de 30 m et était conservé sur une hauteur de plus de 4 m 95. Ces reconstructions et consolidations n’ont pu être rendues nécessaires à cause des débordements du fleuve qui se trouve de l’autre côté du site. Aussi, Ch. Kepinski suggère-t-elle qu’elles résultent plutôt des sièges subis par la forteresse. L’accès se situait, comme à la période paléo-babylonienne, au milieu de la courtine sud-ouest 96. Étonnamment, aucun bâtiment, aucune structure ne fut mise au jour dans la forteresse, à l’exception d’un puits dans l’angle sud-ouest du site et de deux fours à céramique. Peu d’hypothèses peuvent être émises pour expliquer cette absence : on voit mal comment le fleuve tout proche aurait pu ravager l’intérieur de la forteresse, sans qu’aucune trace de ces débordements ne soit visible sur les murailles très bien conservées. L’explication la plus vraisemblable est que l’espace dans les murs n’était pas bâti en dur 97. Plus d’une soixantaine de tombes furent découvertes dans ou à proximité immédiate de la forteresse. Il s’agit essentiellement d’inhumations en jarre double, toujours disposées parallèlement ou perpendiculairement aux remparts. Le mobilier associé est assez varié : récipients céramiques dont certains recouverts de glaçure, pointes de flèche, perles, œufs d’autruche, sceaux cylindres, coquillages etc 98. Ce type de tombe est extrêmement commun dans la région du moyen Euphrate. Parmi les tombes assyriennes de Mari 99 fouillées par Parrot dans les années 1930, certaines sont très semblables tant par le contenant que par le dépôt funéraire 100. À Khirbet ed-Diniyé, comme à al-Qasr par exemple (tableau 2, n° 41), des tombes de femme et d’enfant furent identifiées : les hommes stationnés là étaient donc accompagnés de leur famille. Tableau 2. Les camps temporaires du début du Ier millénaire101. Site 3. Shhama 10.C Jidida

Rive ouest est

10.B Sur Telbis 11. Mashhad

est ouest

14. Mjannet ali Bin Najjar

est

Principales découvertes Quelques tessons. Ier millénaire ? Un camp temporaire et deux cimetières. Le premier cimetière, le plus proche de Sur Telbis, date du début du Ier mill. 102 tombes d’enfants dans des urnes petites, faites à la main, protégées d’un couvercle et décorées d’incisions. Y furent trouvés de la céramique, des éléments de parure en plomb, des perles et des coquillages. Les adultes étaient enterrés dans des tombes à double jarre. Cf. texte Quelques tessons en prospection, aucun niveau en fouille. Quelques tessons en surface et au NE un niveau en fouilles : 35 pièces dont les murs étaient en briques crues. Une tombe en briques crues, trois petits fours de potier et de très nombreux tessons.

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. . 97 . 98 . 99 .

Références al-Shukri 1988, p. 345-346. al-Shukri 1988, p. 359-360.

al-Shukri 1988, p. 367-368. al-Shukri 1988, p. 372.

Kepinski à paraître. Kepinski 2006, p. 331. Sur cette question, voir infra. Kepinski à paraître. Sur Mari à l’époque médio-assyrienne, voir Tenu 2006, notamment aux pages 226-228. 100 . Les résultats des fouilles de Parrot furent publiés par Jean-Marie en 1999. 101 . Ce tableau ne constitue en rien une présentation exhaustive des données, mais il m’a semblé utile de publier ce très bref résumé des découvertes, demeurées pour la plupart inédites. La terminologie employée est celle d’al-Shukri. 96

160

15. Ta’s alKuffar

est

Des tessons en surface et en fouille des tombes en jarre double avec quelques bijoux et de la vaisselle en cuivre/bronze. Quelques tessons.

19. alJannadiya 20.B Cimetière de Kifrin* 21. al-Khaliliya 28. al-Masna

est

29. Mur’eh

est

31. al-Rayyash

est

32. Wadi Mjidda

est

33. Maqam Ali

est

34. al-Wladiya

est

35. al-Amriya

est

36. alMurdadiya 37. Al-Sehliya

est

al-Shukri 1988, p. 382.

est

Quelques tombes en jarre du début du Ier millénaire.

al-Shukri 1988, p. 386 ; Killick & Black 1985, p. 221.

est est

Tessons du Ier millénaire. En fouille, du matériel assyrien, mais aucun niveau architectural, seulement une fosse semi-circulaire avec des traces de brûlé et le soubassement d’une structure circulaire. Parmi le matériel céramique, des jarres, des pots, des bols des gobelets. Quelques tessons de céramique fine comparables à ceux de Kâr-Salmanazar et d’autres avec des parallèles à Glei’eh et Sur Jur’eh. Des éléments de parure dont des colliers, un anneau en or et une chaîne. En surface, un tesson IIe millénaire. Camp militaire à la fin du IIe et au début du Ier mill. Camp temporaire. En fouille, six tombes. Deux couvertes de tessons de jarre (800-587 av. J.-C.), deux associées à de la céramique néo-assyrienne (VIIIe-VIIe siècles) et une avec un cruchon peint daté de 1200-1000 av. J.-C. Parmi les autres découvertes, de la palace ware, une fibule en bronze (VIIIe siècle) En surface, tessons de céramique commune déb. Ier millénaire sur une zone d’env. 100 m de diamètre. Camp temporaire. Quelques tessons de céramique commune Ier millénaire en surface dont des bases de jarres utilisées pour les inhumations. Camp temporaire comme al-Rayyash. Céramique de la fin du IIe millénaire, le reste consiste en de la céramique du Ier millénaire, comparable à celles de Wadi Mjidda et alRayyash. Camp militaire. Nombreux tessons du début du Ier millénaire en surface. En fouille, uniquement des tombes dont des inhumations en double jarre datées du début du Ier millénaire. Aucun niveau architectural en fouille, mais beaucoup de céramique commune début Ier millénaire. Des tombes avec peu de matériel et un sceau néo-assyrien furent découverts. Nombreux tessons du Ier millénaire en surface. Comme 34 et 35, camp temporaire. Tessons en surface du début Ier millénaire, dont sans doute des lèvres de jarres funéraires. Aucun niveau architectural en

al-Shukri 1988, p. 388. al-Shukri 1988, p. 284-285, p. 401.

est

161

al-Shukri 1988, p. 374-375.

al-Shukri 1988, p. 402-403 ; Jacob-Rost et alii 1982, p. 98106.

al-Shukri 1988, p. 406-407.

al-Shukri 1988, p. 407-408.

al-Shukri 1988, p. 408-409.

al-Shukri 1988, p. 293 et 410 ; Roaf & Postgate 1981, p. 192.

al-Shukri 1988, p. 299-300 et p. 411 ; Roaf & Postgate 1981, p. 192. al-Shukri 1988, p. 412. al-Shukri 1988, p. 413-414 ; Jacob-Rost 1982, p. 97-98.

38. al-Diniye 39. Abu Thor

est est

40. Mousa

ouest

41. al-Qasr

ouest

42. al-Mjaddida

ouest

43. al-Joanna

est

44. al-Nufeili

est

45. al-

est

Dawali

48. alBechariya

est

49. Yemniyeh 50. Shuweimiya*

est est

fouille, mais des tessons Ier millénaire. Camp temporaire. Tessons du début Ier millénaire en surface. En surface, poterie commune du début du Ier millénaire (cf aussi texte). En surface, céramique commune du début du Ier millénaire. Aucun niveau architectural en fouille. Deux cimetières. Dans le premier, tombes en jarre simple et double avec des sceaux néoassyriens, de la bijouterie et des perles en différents matériaux. Dans l’une des doubles jarres, des grenades, des petits coffres en bois et du cuir. Dans le second cimetière, 40 tombes d’enfants et quelques tombes d’adulte en jarre double dont au moins une femme. Cimetière du début du Ier millénaire, long de 200 m. Tombes en jarre double, orientées EO et disposées en rangées. Les offrandes céramiques étaient déposées dans et autour des jarres funéraires. Le matériel funéraire était composé de deux sceaux cylindres et d’un cachet assyriens, d’un bol et de pointes de flèches en bronze/cuivre, d’objets en fer, de perles, notamment en fritte et en coquille et de nombreux bijoux Cimetière. Tessons Ier millénaire en surface et des tombes et un puits en fouille. Tombes en jarres (enfants et adultes) et inhumations simples. Dans les tombes, ils trouvèrent de la palace ware, des fragments de céramique à glaçure vert-jaune, des pointes de flèches, de la bijouterie en bronze et en fer des perles. Tessons du début du Ier millénaire. En fouille : céramique, perles et bijoux. Cimetière du début du Ier millénaire. En fouille, des tessons, des tombes en double jarre et des tombes d’enfants, des perles et une tablette rapportant les constructions de Ninurta-kudurri-u ur, comparable à celles de Sur Jur’eh. Poterie commune du Ier millénaire sur une zone de 100 m sur 90 m. Les fouilles ne révélèrent que des tombes, semblables à celles d’al-Amriya et al-Wladiya, notamment en double jarre. Camp temporaire. Cf. texte. Tombes construites en briques crues ou en pierre. Tombes en jarre. Aucun bâtiment.

162

al-Shukri 1988, p. 415. al-Shukri 1988, p. 416-418 ; Fujii 1983-1984 ; Killick & Roaf 1983, p. 202. al-Shukri 1988, p. 418-419.

al-Shukri 1988, p. 419-421.

al-Shukri 1988, p. 423.

al-Shukri 1988, p. 424-425 ; Killick & Roaf 1983, p. 213.

al-Shukri 1988, p. 433. al-Shukri 1988, p. 433 ; Cavigneaux & Ismail 1990, p. 388-389; Killick & Roaf 1983, p. 209.

al-Shukri 1988, p. 300-304, p. 442-443 ; Roaf & Postgate 1981, p. 192.

al-Shukri 1988, p. 447.

En surface, céramique du début du Ier al-Shukri 1988, p. 448. millénaire. Tombes en double jarre datant de cette période. Aucun niveau archéologique trouvé en fouille. 52. al-Dulab est Camp temporaire avec des tombes en double al-Shukri 1988, p. 452-453. jarre. *= Ces sites n’apparaissent pas sur la carte des camps fortifiés publiée par S. J. al-Shukri, mais dans la mesure où rien à priori ne les distingue de ceux qu’il considère comme tels, j’ai choisi de les intégrer à ce tableau.

51. al Mawrid

est

Dans une des casemates de la deuxième phase, les fouilleurs découvrirent un escalier qui menait, sous le caisson voisin, à une tombe creusée dans la roche mère. Le corps d’un homme y reposait. Il était accompagné d’une passoire, d’un gobelet incisé et d’un rhyton à tête de bélier 102 (témoins du banquet funéraire ou de libations lors des funérailles ?). Ses armes et insignes de commandement surtout le suivirent dans la tombe : un faisceau de flèches en fer liées entre elles, un sceptre et un pommeau de canne dont les hampes en bois étaient partiellement conservées furent découverts près de son corps. La richesse du vêtement, cousu de bandes de bronze décorées et percées à leur extrémité, confirme l’importance du personnage enterré ici. Pour Ch. Kepinski, il s’agit d’un guerrier, peut-être le gouverneur de la forteresse 103. 1.2.f. Sur Telbis (Sûru de Suhû ?) Sur Telbis, situé sur la rive est du fleuve, est une vaste forteresse mesurant 450 x 300 m, protégée par un fossé sauf du côté du fleuve. La partie nord du site se trouve sur une éminence naturelle. Les murs nord-est et sud-ouest présentent des ouvertures en leur milieu, mais rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit de l’emplacement des anciennes portes. Les fouilles conduites sous la direction de Sd. Abdul-Jabbar Abdul-Majid entre 1980 et 1982 ont exposé, au nord, au sommet de la butte d’un important bâtiment de 50 x 40 m, bâti en briques crues sur fondations de pierres. Ses murs et ses angles étaient renforcés par des contreforts. Le croquis publié par S. J. alShukri ne permet guère de se faire une idée satisfaisante de son organisation interne. Apparemment, l’entrée se trouvait à l’est, entre deux contreforts ou deux tours. Par un vestibule, on accédait à une vaste cour mesurant environ 25 x 15 m. Celle-ci desservait plusieurs pièces, dont une à l’ouest était plus grande que les autres et ouvrait sur un espace qui d’après le plan était long d’environ 30 m, mais large de moins de 5 m. Il peut s’agir d’un couloir donnant accès aux petites pièces de l’est du bâtiment 104. Enfin, le bâtiment était précédé d’une zone enclose d’environ 25 m de large 105. L’unique matériel signalé dans le bâtiment consiste en de petites vaisselles sur piédestal. Les archéologues iraquiens retrouvèrent ailleurs sur le site la « trace de constructions qui avaient peutêtre été importantes » 106. Parmi le matériel découvert, il y avait des figurines d’animaux, des calices et des jarres à panse globulaire avec des bases en téton 107. Hors les murs, des tombes en jarre simple et double furent dégagées. Datées du début du Ier millénaire, elles contenaient de la bijouterie et de la céramique. Ce site est peut-être Sûru de Suhû, la capitale d’Ili-ibni et de Kudurru, gouverneurs du Suhû au IXe siècle, contemporains du roi assyrien Aššurnasirpal II 108. 1.3. Les autres forteresses 1.3.a. al-‘Zawiya Le site de la forteresse d’al-Zawiya était toujours occupé par un village lors des fouilles de sauvetage de Haditha. C’est la découverte de fragments de briques glaçurées néo-assyriennes qui incitèrent les autorités 102

. Huot 2006. . Kepinski et Lecomte 1985, p. 55. Voir aussi Kepinski 2006, p. 332 et Tenu 2006, p. 222. 104 . Le plan publié par S. J al-Shukri est très schématique : les passages de porte ne sont pas toujours signalés, la partie est du bâtiment n’est pas dessinée, mais on ne peut savoir si cela est dû à la mauvaise qualité de la reproduction du document original ou si cette partie ne fut pas fouillée ou pas retrouvée. 105 . Killick et Roaf 1983, p. 222. 106 . al-Shukri 1988, p. 357. 107 . al-Shukri 1988, p. 357. 108 . Killick & Roaf 1983, p. 222. 103

163

iraquiennes à y entreprendre des fouilles. Comme le village était habité, aucune exploration en extension ne fut possible : trente-quatre sondages furent donc ouverts pour comprendre l’origine de ces briques. Trois niveaux principaux d’occupation furent découverts dont le plus ancien était médio-assyrien 109. Les fouilleurs identifièrent une forteresse couvrant une zone de 190 m sur 80 m. Les murs, soigneusement construits en blocs de calcaire et en terre, étaient larges de 1 à 1, 20 m. Des recherches plus poussées à l’ouest du site révélèrent un autre mur. Large de 3 m, il reposait sur une fondation de gros blocs en calcaire qui atteignait 5 m de profondeur. Des blocs particulièrement massifs protégeaient le mur du côté du fleuve contre ses débordements. Les sols des unités d’habitation retrouvées dans les sondages étaient pavés de briques plates ou de blocs de calcaire non dégrossis et liaisonnés au bitume afin d’éviter les remontées d’eau 110. C’est une cour pavée de cette manière qui fut mise au jour sous les fragments de briques à glaçure retrouvés par les villageois. Ce pavement fut découvert dans plusieurs sondages plus au sud, mais malheureusement S. J. al-Shukri ne donne aucune estimation de sa surface. D’autres briques glaçurées de plusieurs couleurs mais essentiellement jaunes y furent découvertes : elles portaient des motifs végétaux, géométriques ou encore des dessins d’animaux, notamment les pattes et les serres d’un vautour (ou d’un aigle ?), des têtes de chèvres. Certaines briques étaient inscrites 111. Le matériel associé à ce niveau est très succinctement décrit : des céramiques de diverses capacités, des sceaux cylindres, des débris de métal et d’« autres objets » 112. Des tombes en double jarre de la période néo-assyrienne furent également découvertes 113. 1.3.b. Yemniyeh Le petit fort de Yemniyeh se distingue très nettement des forteresses précédemment évoquées. Il n’est pas bâti directement sur la rive du fleuve ou sur une île, mais sur une butte dont il occupait presque tout le sommet, qui était relativement plat. Il dominait ainsi de 40 m la plaine environnante. Les pentes escarpées de la butte assuraient une protection suffisante au fort sauf à l’est et au nord-est où un mur fut construit. Le fort, qui mesure 35 m sur 40 m, fut fouillé en 1982 par une mission canadienne dirigée par T. Cuyler Young (Fig. 5). Les courtines nord et ouest du fort comportaient des casemates et délimitaient un espace ouvert appelé « inner parade ground ». En plus de cet espace, on trouvait deux cours, deux pièces et le soubassement d’une puissante tour 114. À l’exception d’un fragment de brique glaçurée 115, le seul matériel découvert sur le site est de la céramique, soit environ 9 000 tessons 116. Leur étude fut confiée à R. Henrickson et L. Cooper afin de « différencier les fonctions des secteurs à l’intérieur du bâtiment lui-même et de définir le rôle de cette installation au cœur de l’occupation néo-assyrienne du moyen Euphrate » 117. La vaisselle retrouvée se composait essentiellement de bols et de coupes (47%), de pots (12%) et de jarres de taille moyenne, destinées au transport et à la conservation à court terme de l’eau 118. Ils remarquèrent l’absence de gros récipients de stockage et soulignèrent avec justesse que cela ne pouvait être lié à l’abandon du fort, leur taille et leur poids les rendant intransportables. Ils déduisirent de cet assemblage que pour l’essentiel la céramique était destinée à la consommation des repas, moins à leur préparation et peu au stockage des provisions. Aucune citerne, aucun grenier ne fut par ailleurs trouvé dans ou à proximité immédiate de la forteresse et l’absence significative de meules et de broyeurs indique que le pain devait arriver déjà préparé au fort 119. De la même façon, tout le matériel céramique était manifestement fabriqué en dehors de la forteresse. Grâce à une analyse espace par espace des assemblages céramiques, R. Henrickson et L. Cooper proposèrent leur identification fonctionnelle 120. Le premier assemblage, composé de nombreux gobelets et 109

. . 111 . 112 . 113 . 114 . 115 . 116 . 117 . 118 . 119 . 120 . 110

al-Shukri 1983, p. 10. al-Shukri 1983, p. 10. al-Shukri 1983, p. 10. al-Shukri 1988, p. 221. al-Shukri 1988, p. 222. Killick & Roaf 1983, p. 224 ; al-Shukri 1988, p. 443-444 et Henrickson & Cooper 2006, p. 292. al-Shukri 1988, p. 444. Henrickson & Cooper 2006, p. 291. Henrickson & Cooper 2006, p. 292. Pour la terminologie employée et la typologie, je renvoie à l’article de Henrickson & Cooper paru en 2006. Henrickson & Cooper 2006, p. 292-293. Pour le détail de la composition des assemblages, je renvoie à Henrickson & Cooper 2006, p. 293, tableau.

164

coupes avec peu de jarres et de bols fut repéré seulement dans la pièce 1A, où une couche de cendres mêlée de tessons et d’os animaux couvrait le sol. Il s’agit sans doute de la cuisine du fort. Le second assemblage avec plus de bols et moins de coupes et de gobelets fut identifié dans les casemates du mur extérieur et dans les pièces 6B et 7A. Il s’agit pour les fouilleurs de pièces couvertes, destinées au casernement des hommes. Dans le troisième assemblage, localisé dans les espaces 4 et 5, on trouve plus de coupes et moins de bols. Ces deux espaces non couverts ouvraient sur le « parade ground », dont l’assemblage, unique dans le fort, est constitué majoritairement de bols et coupes avec très peu de pots et de jarres. Grâce à cette analyse et à l’architecture interne du fort, on obtient une idée relativement précise de son organisation et de la vie de la garnison qui y était stationnée. Le fort était équipé d’une cuisine, qui ne devait servir qu’à de modestes préparations : aucun mortier, aucun tannur, aucun four n’y fut découvert et, de ce fait, le pain était manifestement cuit ailleurs. Les quartiers d’habitation étaient situés dans des casemates ou dans les deux espaces couverts 7A et 6B. Enfin, en plus du « parade ground », deux cours furent identifiées. Compte tenu de la surface des quartiers supposés d’habitation et comme ni l’eau, ni la nourriture n’étaient stockées en grande quantité, R. Henrickson estime que la garnison devait compter 10-20 hommes. Du fait de sa position dominante, Yemniyeh était sans doute plutôt un fort de surveillance, dépendant de forteresses plus vastes sises en contrebas. C’est là que les hommes résidaient la plupart du temps avec leur famille, là qu’ils étaient sans doute enterrés (puisque aucune tombe n’a été découverte à Yemniyeh même) et là qu’ils produisaient la nourriture 121 – notamment le pain – , le matériel céramique etc. Apparemment le site, entièrement fouillé par l’équipe canadienne, fut intentionnellement rasé au moment de son abandon 122, à une date relativement haute. En effet, les fouilleurs attribuèrent le matériel aux Xee 123 IX siècles, remarquant l’absence de formes apparues plus tard dans le corpus céramique néo-assyrien . 2. FORTERESSES ET CAMPS TEMPORAIRES : L’ORGANISATION MILITAIRE DE LA VALLEE 2.1. Contrôler et caserner : forteresses et camps temporaires Outre ces onze forteresses, S. J. al-Shukri identifia sur le terrain vingt-huit sites (vingt-trois sur la rive est et cinq sur la rive ouest) comme des camps militaires temporaires. Son hypothèse repose sur la découverte d’une importante quantité de tessons ou d’un nombre élevé de tombes, qui ne seraient pourtant associés à aucune structure architecturale 124. En effet, sur plusieurs sites, la quantité de tessons et/ou la présence de tombes avaient laissé croire que des fouilles pourraient révéler l’existence de bâtiments, mais seules les fouilles du site de Mjannet ali Bin Najjar produisirent le résultat escompté, alors que plus de la moitié des sites similaires furent explorés en stratigraphie. Au nord-est de ce tell, une trentaine de pièces dont les murs étaient montés en briques crues fut découverte (cf. tableau 2 n° 14). Sur le site d’al-Masna, une fosse semi-circulaire et le soubassement d’une structure circulaire furent les seuls éléments nouveaux découverts en fouille (cf. tableau 2 n° 28). Sur les autres sites, les fouilles ne permirent jamais la découverte de bâtiments : les tessons et les tombes y étaient donc vraiment déconnectés de tout niveau architectural bâti. Dans la plupart des cas, c’est de l’absence de structure que S. J. al-Shukri déduisit l’existence d’un camp, mais à Jidida (n° 10.C), il y aurait eu deux cimetières et un camp temporaire où se trouvait une petite éminence. L’ensemble occupait l’espace entre Sur Telbis et Abu Thor. La poterie la plus massivement ramassée par S. J. al-Shukri dans le camp temporaire était de la céramique commune du début du Ier millénaire. La lecture des rapports de fouilles donne donc l’impression que le camp était repérable dans le paysage, mais malheureusement aucune explication ou précision supplémentaire n’est fournie. S. J. al-Shukri propose, de plus, que les sites d’al-Rayyash (n° 31), Wadi Mjidda (n° 32) et Maqam ‘Ali (n° 33) aient constitué un seul et même camp, coupé par les ravins qui entaillent le plateau 125. Il est difficile de comprendre cette hypothèse, si ce n’est la juxtaposition des sites, car le camp mesurerait ainsi près d’1,5 km de long. Par ailleurs, on peut noter que dans la liste des camps temporaires, S. J. al-Shukri mentionne Sur Telbis et Yemniyeh, ce qui paraît fort discutable dans la mesure où des constructions en dur y ont été dégagées. 121

. Il n’est pas étonnant qu’on ait trouvé dans la cuisine des restes de boucherie : il était sans doute beaucoup plus facile d’amener des bêtes vivantes en haut du fort que de porter des quartiers de viande. 122 . Killick & Roaf 1983, p. 224. 123 . Henrickson & Cooper 2006, p. 297. 124 . al-Shukri 1988, p. 128. 125 . al-Shukri 1988, p. 408.

165

Deux sites, enfin, le cimetière de Kifrin (n° 20B) et Shuweimiyeh (n° 50) partagent ces caractéristiques, mais ne furent pourtant pas considérés comme des camps temporaires. Rien ne permet de déterminer s’il s’agit d’un simple oubli ou si des observations faites sur le terrain l’amenèrent à les exclure de cette catégorie. Un autre argument fort pour l’existence d’installations légères est le nombre anormalement élevé de tombes et de cimetières apparemment indépendants de tout site d’habitat. Certains paraissent très vastes et on peut donc se demander où résidaient ceux qui y étaient enterrés. Dans certains cas, on peut imaginer que ces nécropoles dépendaient des forteresses voisines : le cimetière de Jidida (n° 10C) par exemple se trouvait à proximité immédiate de Sur Telbis, qui est l’une des plus grandes forteresses (cf. Tableau 1). Le cimetière de Shuweimiyeh, lui, se trouve tout près du site de Glei’eh, auquel il était relié par un canal 126. Attribuer ces tombes aux gens qui demeuraient dans les forteresses alentour paraît finalement être ici une bonne explication. Mais la présence sur le même site de tombes et de tessons invite aussi à penser que des gens vivant dans des installations légères hors des forteresses étaient également enterrés sur place. Enfin, pour S. J. al-Shukri, une confirmation de l’existence de ces camps temporaires vient des basreliefs assyriens sur lesquels de nombreux camps fortifiés (appelés ušmannu) sont représentés 127. Enceints de puissantes murailles protégées par des tours, ils défendaient des tentes et n’étaient donc pas bâtis en dur, si l’on suit ces représentations, à l’exception notable des murailles 128. C’est sans doute là que l’interprétation de S. J. al-Shukri est la moins convaincante : les sites définis par S. J. al-Shukri comme des camps militaires temporaires sont complètement dépourvus de constructions maçonnées, y compris de murailles, et ne peuvent donc leur correspondre. Dans cette région, le dispositif assyrien de contrôle militaire serait ainsi articulé autour de forteresses et de camps temporaires, dont certains étaient plus étroitement associés dans la défense du territoire. 2.2. La hiérarchie des sites selon al-Shukri Parmi les forteresses, plusieurs auraient fonctionné ensemble (Fig. 6). Un premier système comprenaient les sites de Glei’eh, Sur Jur’eh qui lui faisait face directement et Sur Mur’eh qui se trouvait à moins de cinq kilomètres en aval de Sur Jur’eh. Ce premier système était complété par un second constitué des sites d’‘al-Usiyeh sur la rive ouest, de l’île de Bijan et de Yemniyeh sur la rive est. La proximité des sites et, dans le cas du premier système, l’homogénéité des constructions parlent en faveur de cette reconstruction, mais on ne voit guère d’argument plus poussé 129. À l’époque médio-assyrienne, le commandement était établi soit à Glei’eh soit sur l’île d’‘Ana. À l’époque néo-assyrienne, S. J. al-Shukri suggère que c’est à al-Zawiya que se serait trouvé le poste de commandement assyrien de toute la région. Ce choix s’explique d’abord par sa localisation entre les deux systèmes, mais aussi par la présence d’une fortification massive faite en pierre et d’un panneau de briques glaçurées trouvé dans la cour d’un bâtiment. Il s’appuie de plus sur l’implantation du site dans la partie la plus large, et de fait la plus cultivable, de la vallée 130. La documentation textuelle invite plutôt à localiser le commandement dans la ville de Birâti, dont le nom signifie d’ailleurs « forteresses », mais cette dernière se trouve sans doute en aval de la ville moderne de Haditha et il n’y avait donc guère de chance de la découvrir lors de ce programme de fouilles. Pour l’île d’‘Ana, l’argument principal réside dans la découverte de briques et d’inscriptions dans un bâtiment public important 131. 2.3. La surveillance du territoire Si l’on excepte Khirbet ed-Diniyé, aucune forteresse n’est distante de plus de 9 km d’une autre. Ce maillage très serré était de plus complété par les camps temporaires.

126

. al-Shukri 1988, p. 315. . Voir, par exemple, Layard 1849, pl. 77. 128 . Les camps représentés sur les bas-reliefs sont souvent de forme ronde ou ovale, mais sur les plaques de bronze de Balawat, datées du règne de Salmanazar III, plusieurs sont quadrangulaires (sur ce sujet voir Schachner 2007, p. 132, fig. 55-58, pour qui le seul camp de ce type découvert en fouille est urartéen cf. p. 136. Voir sur ce sujet également Micale & Nadali 2005, p. 170-173). Une brique glaçurée découverte à Ninive par Layard montre par ailleurs clairement l’angle d’une enceinte rectangulaire (Layard 1853, pl. 53b). 129 . al-Shukri 1997, p. 219. 130 . al-Shukri 1997, p. 220. 131 . al-Shukri 1988, p. 136. 127

166

Plus précisément, quatre sites auraient joué un rôle dans la surveillance et la transmission des informations. La citadelle de Glei’eh dominait la plaine alentour et surveillait la steppe. Du fait de sa position élevée, elle pouvait communiquer avec Sur Jur’eh, Sur Mur’eh et al-Zawiya. Entre al-Zawiya et Sur Telbis, la surveillance était assurée par le fortin de Yemniyeh et par al-‘Usiyeh où la colline artificielle découverte au nord pourrait avoir été construite pour supporter une tour. Abu Thor (n° 39) est le point culminant de la région. Les découvertes faites sur le site ont incité son fouilleur, H. Fujii, à y voir un lieu de culte, mais l’existence d’une tour n’est pas exclue. Ainsi la zone entre Sur Telbis et ‘Ana était-elle probablement sous la surveillance de ce dernier. L’ensemble de la région, à l’exception de Khirbet ed-Diniyé, était ainsi couvert par un dense réseau de tours et de citadelles qui permettait de communiquer rapidement sans doute au moyen de signaux de feu ou de fumée. 2.4. Les autres installations Enfin, S. J. al-Shukri achève sa description des installations militaires par celles des quais et ports qui durent être aménagés. Il signale de telles structures sur l’île de Bijan, à Sur Mur’eh et à Khirbet ed-Diniyé. Sur ce dernier site, l’existence du port demeure hypothétique 132. Il remarque avec justesse l’importance de l’aménagement des ports pour la navigation, mais aussi pour la traversée de troupes. Cette analyse synthétique présente l’intérêt de chercher à interpréter les données, mais peut-être S. J. alShukri est-il justement allé trop loin dans ses conclusions. Plus précisément, deux points paraissent contestables : la structuration autour de deux systèmes et d’autre part l’existence des camps temporaires tels qu’il les a décrits. Tout d’abord, la hiérarchie et l’organisation des sites qu’il propose ne reposent en fait que sur peu d’arguments et sont essentiellement spéculatives. Par ailleurs, cette présentation gomme tout à fait les différences qui existent entre les forteresses elles-mêmes : sans préjuger de leur importance stratégique, il semble que des forteresses comme Yemniyeh (0,10 ha) ou comme Sur Jur’eh (33,75 ha) ne puissent être mises sur le même plan dans l’organisation militaire. L’interprétation de S. J. al Shukri suppose d’ailleurs une parfaite contemporanéité de tous les sites, ce qui reste encore à démontrer. Pour les camps temporaires, la difficulté réside surtout dans la référence aux bas-reliefs assyriens qui manifestement ne représentent jamais que des sites ceints de puissantes murailles, très différents de ceux identifiés par S. J. al-Shukri. 3. LES DIFFERENTS TYPES DE SITES FORTIFIES DANS LA VALLEE DU MOYEN EUPHRATE Jusqu’à présent, j’ai choisi de respecter la terminologie employée par S. J. al-Shukri afin de souligner l’importance de son travail et de son analyse, mais une autre proposition de l’organisation militaire de la vallée est possible. Sans chercher à sur-interpréter les données disponibles, on peut proposer une typologie des sites en se fondant sur leur analyse formelle. L’organisation de la vallée s’articule ainsi autour de quatre types de sites à vocation militaire : les places fortes, les citadelles et fortins, les camps retranchés et les campements de toile. 3.1. Les places fortes De véritables places fortes enserrées de rempart et protégeant des bâtiments solidement bâtis étaient les points d’ancrage principaux du système défensif. On peut imaginer qu’à l’intérieur des murs, la vie était relativement confortable. La découverte de bijoux, de vaisselle en métal, de récipients à fard et même de céramique dite du palais (palace ware) semble indiquer un certain raffinement. C’est sans doute là, vu la taille des bâtiments et vu le soin apporté à leur construction et parfois aux décors qui les agrémentaient, que vivaient les habitants les plus aisés et les responsables administratifs locaux. Ces places fortes occupées en permanence servaient aussi, selon toute vraisemblance, d’arsenaux où le matériel de guerre était entreposé et réparé et les provisions indispensables en cas de siège devaient y être également stockées 133. Enfin, une partie du tribut récolté par le roi y était vraisemblablement centralisée avant d’être acheminée en Assyrie. 3.2. Les citadelles 134, fortins et tours de surveillance 132

. Communication de Christine Kepinski. . Malbran-Labat 1982, p. 19. 134 . Rappelons que, dans la terminologie militaire, les citadelles sont toujours en relation avec une agglomération, même de dimensions réduites. 133

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À ces places fortes s’adjoignaient des citadelles, des tours de surveillance et des fortins. Ils n’étaient occupés que par une petite garnison qui dépendait pour tout des sites voisins. C’est le cas de Yemniyeh, mais aussi celui un peu différent de la citadelle de Glei’eh. On peut imaginer que la ville basse fonctionnait en symbiose avec la citadelle et que c’est là qu’habitaient les soldats quand ils n’étaient pas de service à la citadelle. À ces deux exemples bien documentés, il faut peut-être ajouter un certain nombre de tours de surveillance dont l’existence reste pourtant hypothétique (Sur Telbis, al-‘Usiyeh, Abu Thor). 3.3. Les camps retranchés Des camps retranchés complétaient le dispositif. Il s’agit des sites dont la muraille extérieure a été retrouvée, mais où aucun autre vestige architectural ne put être identifié. Ces zones protégées pouvaient abriter des troupes en campagne ou encore les civils en cas d’attaque imminente 135. On peut aussi imaginer que des caravanes commerciales importantes y cherchaient asile. Ce qui fut découvert en fouille correspond bien aux représentations des bas-reliefs assyriens : les murailles, rythmées de tours, sont soigneusement construites, et couronnées de créneaux. À l’intérieur, l’armée campait dans des tentes. Si l’on en croit les bas-reliefs, ces camps servaient de relais pour recevoir les tributs 136. On devait aussi y entasser du fourrage, du matériel militaire, des armes etc. L’inexistence de bâtiments construits en dur n’implique pas nécessairement que ces sites étaient de peu d’importance dans le dispositif militaire assyrien. Dans les descriptions qu’ils donnent de leur campagne, les rois assyriens, notamment TukultîNinurta II 137 et Aššurnasirpal II 138, font référence aux camps qu’ils montaient pour abriter leur armée. En particulier pour la région du moyen Euphrate, ils ne s’installaient manifestement jamais dans les villes, privilégiant des camps hors les murs, où ils recevaient le tribut. D’après ces annales, le roi déplaçait son camp chaque jour. La brièveté des étapes journalières, quelques kilomètres seulement, rend possible un changement de camp, mais, à part le fait que la véracité historique n’est pas le but recherché de ces récits, on peut se demander dans quelle mesure les camps retranchés tels qu’ils ont été retrouvés dans la région de Haditha peuvent correspondre à ces installations. Il est plus vraisemblable d’imaginer que l’armée bivouaquait dans des campements en dehors de la protection de quelconques murailles, dont on imagine mal qu’elles pussent être bâties chaque soir. 3.4. Les campements de toile Enfin, une partie des hommes vivait sans doute sous tente dans des campements de toile ou de structures légères 139. Ces derniers, en général très difficiles à retrouver, furent identifiés grâce à l’abondance des tessons retrouvés en surface, déconnectés de tout niveau archéologique construit, et à la présence de tombes, parfois très nombreuses. Quelquefois, comme à al-‘Masna (n°28) des fosses ou des structures circulaires en pierre (des bases de tentes ?) furent cependant mises au jour. On peut cependant se demander si conférer un caractère militaire à tous ces campements n’est pas hasardeux. Les sources textuelles 140 confirment la présence de forteresses sur le moyen Euphrate et une lettre du e IX siècle découverte à Hamat tend à montrer que le Sûhu constituait la base arrière idéale pour attaquer des sites levantins en empruntant la route de Palmyre 141, mais si le rôle militaire de la région paraît ainsi assuré, rien pourtant ne permet d’exclure que ces campements soient ceux des bédouins qui nomadisaient dans la région. La découverte d’armes dans les tombes ne me paraît pas suffisamment significative pour prouver que ces hommes appartenaient à l’armée, car en plus des soldats, les armées assyriennes comportaient des hommes appartenant à

135

. Voir la lettre citée par Malbran-Labat (1982, p. 19) : « tous les habitants sont à l’intérieur des fortifications ; les bœufs, les moutons […]. » 136 . Starr 1990, p. 114. 137 . Grayson 1991, p. 175. 138 . Grayson 1991, p. 213. 139 . Dans une lettre envoyée au roi, un commandant de forteresse rapporte : « les soldats [qui ne pourront cantonner (?) dans] le château [seront logés hors (?)] de la forteresse. Le fossé … dans cette zone au[tour de la forteresse]… qu’ils édifient des huttes de roseaux, qu’ils y habitent ; en outre, qu’ils creusent un second fossé dans cette même zone, de façon qu’ils habitent entre les deux fossés. » (Malbran-Labat 1982, p. 18). 140 . Voir par exemple Parpola 1987, p. 208. 141 . Parpola 1990, p. 261.

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différents corps de métiers142. La présence de matériel assyrien est sans doute plus susceptible de montrer la nature des relations entre les habitants des camps et les Assyriens, mais là encore, on ne peut guère mettre sur le même plan la céramique et les sceaux cylindres par exemple. La découverte de tombes de femmes et d’enfants ne constitue pas non plus un argument décisif pour dénier tout caractère militaire à ces installations. Dans la mesure où les garnisons devaient en partie subvenir à leur besoin, les soldats avaient à charge de cultiver la terre 143 et d’élever un peu de bétail : il n’est guère étonnant donc que des familles entières se soient installées. Par ailleurs, les sources iconographiques et écrites documentent largement la présence de troupes bédouines, notamment araméennes, dans les armées d’Assyrie. On peut donc imaginer que ces dernières continuaient, dans cette région au moins, à vivre sous la tente plutôt qu’en ville. Chercher à reconnaître les camps militaires ne doit pas masquer cette importante réalité. Le nombre élevé de campements sort de l’ordinaire et, s’il peut parfaitement résulter du hasard des recherches, il est aussi possible que l’habitat sous tente soit particulièrement développé dans cette zone essentiellement pastorale et parcourue de tribus nomades. Un des points de repère religieux des bédouins pourrait être le site d’Abu Thor. Le matériel découvert se distingue très nettement des autres sites. Outre de la céramique commune –aucun tesson de céramique fine, décorée ou glaçurée ne fut trouvé 144– , on y découvrit plus de deux cents perles en pierre, en verre, en coquille etc. ainsi qu’une centaine de figurines en terre cuite majoritairement zoomorphes, mais dont quelques-unes pourraient être anthropomorphes. Des os humains étaient associés à ces découvertes 145. La hauteur de la colline d’Abu Thor (40 m au dessus du niveau du fleuve) en fait une place de choix pour l’implantation d’une tour, ce que suggère S. J. al-Shukri, mais put être tout aussi bien un point de ralliement pour les populations alentour, à des fins religieuses 146. Au sommet de la colline, des alignements de pierre témoignent qu’une structure a dû exister, associée à un espace en plein air 147. Cette présentation différente des données permet de rester au plus près des découvertes de terrain sans chercher à interpréter trop librement des vestiges parfois fort ténus 148. En particulier, il faut souligner à quel point les données chronologiques nécessitent encore d’être affinées. Un problème majeur de l’analyse de S. J. alShukri est en effet d’avoir stipulé la contemporanéité totale de tous ces établissements. L’autre avantage à cette présentation est de se garder de choisir quels étaient, en dehors de sources épigraphiques plus explicites, les sites de commandement. Il semble que la ville de Haradu était d’une importance stratégique capitale et que ses murailles dissuadèrent le roi assyrien Aššurnassirpal II de l’attaquer. Pourtant, il ne s’agit que d’un site de taille fort modeste (c’est la plus petite des forteresses quadrangulaires) et aucun bâtiment n’y fut découvert. La présence de la « tombe du guerrier » dans l’épaisseur même de la muraille tend ainsi à montrer son importance de la ville, en dépit de l’apparente modestie des constructions. 4. CONCLUSIONS La zone du moyen Euphrate offre l’opportunité rare d’étudier des forteresses assyriennes hors d’Assyrie. C’est la zone la mieux connue, celle où le plus grand nombre de forteresses ont, à ce jour, été identifiées. Le caractère très réduit du corpus archéologique des forteresses et établissements à vocation militaire -bien mieux documentés par les sources écrites- constitue une limite certaine à son analyse et à son interprétation. On peut donc s’interroger sur la représentativité de la région de Haditha dans l’organisation militaire assyrienne : les campements de toile, les camps retranchés et la densité des forteresses sont-ils une marque de la militarisation des frontières par les Assyriens ou bien est-on ici dans une zone particulière ? Située à la frontière entre Babylonie et Assyrie, mais aussi entre monde nomade et monde sédentaire, la région du moyen Euphrate est aussi une zone de passage privilégiée entre la côte levantine et la Babylonie, puis par la Diyala, l’Iran ainsi qu’entre la péninsule arabique et l’Assyrie. Le nombre de forteresses s’explique peut-être justement par cette situation stratégique qui, de fait, rendait son contrôle extrêmement important. La 142

. Par exemple, à l’époque sargonide, sur 1430 hommes du roi des forces du Zamua, 630 seulement sont des Assyriens dont 69 sont du personnel domestique : cuisiniers, pâtissiers, magasiniers etc. (Malbran-Labat 1982, p. 86). 143 . Malbran-Labat 1982, p. 16. 144 . Fujii 1983-1984, p. 211. 145 . Fujii 1983-1984, p. 211 et 213. 146 . Fujii 1983-1984, p. 209. 147 . Fujii 1983-1984, p. 211. 148 . Le caractère parfois très lacunaire des informations disponibles obère malheureusement toute tentative d’attribution systématique des différents sites archéologiques à ces quatre types de site.

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multiplication des campements de toiles, serait l’indice de l’importante composante bédouine de l’armée et de la population vivant là. L’étude de la vallée du moyen Euphrate est un vaste programme dont cet article n’est qu’une étape. Une confrontation aux données épigraphiques est désormais indispensable pour affiner la chronologie de l’occupation dans la région et tenter de comprendre la situation de ces forteresses, manifestement établies à la fin du IIe millénaire, quand elles semblent hors du giron assyrien, notamment au Xe siècle. Ensuite, un des points d’analyse les plus stimulants est de comprendre les rapports de cette région avec l’Assyrie bien sûr, mais aussi avec la Babylonie, notamment au VIIIe siècle quand « règnent » les gouverneurs du Sûhu et de Mari. Ces derniers, tout en reprenant à leur compte l’iconographie et la phraséologie assyriennes, se disent descendants d’Hammu-rabi de Babylone. Cette forte influence, voire présence, babylonienne apparaît aussi très bien dans le matériel archéologique. Contrôler la région paraît, dans la documentation épigraphique, comme un enjeu déterminant pour les Assyriens : tenir le Sûhu, c’est surveiller la Babylonie du Nord, bloquer l’entrée des Araméens, contrôler les grandes routes commerciales. C’est sans doute cette situation stratégique considérable qui détermina l’implantation de ce réseau dense et très complet de forteresses et de camps.

170

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172

Figure 1 : Les sites de la fin du IIe millénaire et du début du Ier millénaire (carte d’Hélène David, d’après S. J. alShukri, Archaeological Survey of Ancient Settlements and Irrigation Systems in the Middle Euphrates Region of Mesopotamia. Ph. D. dissertation, Michigan, 1988, 127, fig. 10 et 130, fig. 12).

Figure 2 : Les onze forteresses (carte d’Hélène David, d’après S. J. al-Shukri, Archaeological Survey of Ancient Settlements and Irrigation Systems in the Middle Euphrates Region of Mesopotamia. Ph. D. dissertation, 1988, Michigan, p. 129, fig. 11).

173

Figure 3 : Relief de ‘Ana (cliché de Ch. Kepinski)

Figure 4 : La citadelle de Glei’eh vue vers le nord-est avec à gauche son entrée (dessin d’Hélène David dans A. Tenu, « Le moyen Euphrate à l’époque médio-assyrienne », in Ch. Kepinski, O. Lecomte & A. Tenu (éds.), Studia Euphratica. Le moyen Euphrate iraquien révélé par les fouilles préventives de Haditha, Travaux de la Maison René-Ginouvès 3, Paris 2006, p. 243, fig. 3)

174

1A

1B

1D

1C

2A

2B

6B

2C inner parade ground

7A

2D 2E

casernement des hommes 0

cuisine

20 m

Figure 5 : Plan du fort de Yemniyeh (dessin de Frédéric Dessène, d’après Henrickson & Cooper, « The Pottery of Yemniyeh », in Ch. Kepinski, O. Lecomte & A. Tenu (éds.), Studia Euphratica. Le moyen Euphrate iraquien révélé par les fouilles préventives de Haditha, Travaux de la Maison René-Ginouvès 3, Paris, p. 301, pl. 2).

Eu

ph r

Ile de ‘Ana Anat

ate

Khirbet ed-Diniye Haradu

Tell Abu Thor Sur Telbis Sûru du Suhû Ile de Telbis

Sur Jureh Gabbari-ibni

Yemniyeh al-Zawiya al-‘Usiyeh

Sur Mureh

Ile de Bijan Sapirutu Glei’eh Kâr-Apladad premier système deuxième système site de commandement autre site

0

10 k m 132 m

Fond de carte : Hélène David

Figure 6 : L’organisation militaire de la vallée de Haditha (fond de carte d’Hélène David, d’après S. J. al-Shukri d’après S. J. al-Shukri Archaeological Survey of Ancient Settlements and Irrigation Systems in the Middle Euphrates Region of Mesopotamia. Ph. D. dissertation, Michigan , n. 128).

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LES SYSTÈMES DÉFENSIFS D’OUGARIT AU BRONZE MOYEN ET RÉCENT

Yves CALVET*

RÉSUMÉ : Les vestiges archéologiques et les textes épigraphiques de l’âge du Bronze récent montrent que la ville d’Ougarit (l’actuelle Ras Shamra) était pourvue d’un système de défense. Un rempart entourait la cité ellemême et une forteresse royale, abritant le palais et d’autres bâtiments annexes, se trouvait à l’ouest. Celle-ci était directement accessible depuis l’extérieur de la ville par une tour d’entrée et une poterne. Un ou peut-être deux postes de garde isolait le complexe palatial du reste de la cité. Les vestiges archéologiques du rempart sont aujourd’hui rares, l’érosion ou le pillage les ayant fait disparaître au nord et à l’est. Mise à part la porte ouest, réservée à la forteresse royale, trois autres portes peuvent être proposées. Une au sud, liée à un pont franchissant le cours d’eau qui borde le tell, se trouve dans l’axe de la Grand-rue, voie de circulation importante dans la configuration de la ville. Une convergence de rues à l’est et au nord, laisse penser qu’il existait deux autres portes. ABSTRACT : Archaeological and epigraphic data from the Late Bronze Age prove that Ugarit (modern Ras Shamra) had a fortification system. A rampart surrounded the town and in the west another fortification protected the palace and subsidiary buildings. These buildings were accessible from outside by an entry tower and a postern and were guarded by one or two guard posts. Today it is difficult to find the remains of ramparts because of erosion and plundering of the city’s northern and eastern sides. Probably four gates gave access to the city : the western one was reserved for the palace, the southern one was linked to the major urban axis, the « Main Street ». The presence of two cross-roads, one in the north and one in the east, suggests the existence of two other gates. MOTS-CLÉS : Ougarit, défenses, Bronze Moyen, Bronze Récent, zone royale, portes. KEY WORDS : Ugarit, fortifications, Middle Bronze, Late Bronze, palatial area, gates.

Ras Shamra se trouve à proximité du littoral syrien, au bord de la Méditerranée. Les vestiges archéologiques vont du VIIIe millénaire au début du XIIe siècle av. J.-C., avec une réoccupation durant la seconde moitié du IIe mill. av. J.-C. Mais les principaux vestiges fouillés datent du XIIIe et du début du XIIe siècle av. J.-C. Un sixième environ de la ville a été dégagé. Il y a le palais royal au bord occidental du site, des quartiers d’habitation dans les autres zones et deux temples au point le plus élevé (Fig. 1) 1. Les fouilles menées depuis 1929 sur ce site où l’on a reconnu l’ancienne Ougarit ont permis de mettre en évidence plusieurs systèmes défensifs datant du IIe millénaire avant J.-C. (Bronze moyen et Bronze récent) 2. C. Schaeffer mentionne aussi un tronçon de rempart chalcolithique découvert dans un sondage 3. Pour le Bronze moyen, c’est la campagne de 1935 qui a permis de découvrir un double mur d’enceinte de la ville, mais sur une courte distance, dans deux sondages menés au nord du temple de Baal 4. Pour le Bronze récent, c’est le système défensif de la forteresse royale qui a été fouillé en totalité par C. Schaeffer à la fin des années 30 5.

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Archéorient, UMR 5133, Université Lumière Lyon 2, CNRS. Courtois 1979 ; Saadé 1979 ; Yon 1992 ; Yon 1997. Calvet 2006 : voir une synthèse sur le rempart d’Ougarit, avec références bibliographiques. Schaeffer 1962, p. 187-188. Schaeffer 1936, p. 146 et pl. XXIII. Schaeffer 1939, p. 288-292.

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C’est tout ce que l’on sait sur les fortifications d’Ougarit du moins par la fouille. Mais des travaux sont menés actuellement par la mission syro-française depuis 2005. Ils portent sur la zone située au sud-ouest du tell où le rempart semble avoir pu subsister partiellement 6. 1. LE REMPART DU BRONZE MOYEN On passera vite sur les vestiges de rempart du Bronze moyen qui, comme on l’a vu, ne sont apparus que dans les sondages de 1935 (Fig. 2) 7. C. Schaeffer décrit ainsi les fragments de ce rempart : « Celui-ci est composé de couches de gravier très comprimées sur lesquelles s’élevait le mur dont il ne reste en place que quelques blocs de l’assise inférieure ». L’ensemble n’est plus visible aujourd’hui, enseveli sous les déblais de la fouille de l’acropole. Son tracé est naturellement inconnu et l’on ne peut même pas imaginer où se trouvaient les portes de la ville à cette époque. Mais il est intéressant de savoir que la capitale du royaume d’Ougarit qu’évoquent des tablettes de Mari, d’Alalakh et d’Hattusha, était fortifiée. 2. LE REMPART DU BRONZE RÉCENT Le rempart de la ville du Bronze récent est inconnu, dans sa quasi-totalité, sauf à l’ouest sur une courte distance. On ne le trouvera plus jamais ou nord et à l’est. Au sud, des jardins empêchent de voir ce qu’il en est. Il n’y a qu’au sud-ouest que la fouille en cours a déjà donné quelques nouvelles informations 8. Le coeur du glacis seul subsiste à cet endroit. Le revêtement, qui devait être en gros blocs de pierres, a disparu. Si l’on en juge par le système défensif de la zone royale qui sera évoqué plus loin, la ville devait être entourée d’un rempart. L’absence de ce rempart périphérique rendrait inutile l’énorme travail réalisé à l’ouest du palais royal. En effet, il est connu que la porte et la poterne ouest étaient des accès destinés à atteindre la zone royale uniquement et que les habitants d’Ougarit ne pouvaient pas entrer dans la ville par cette voie. Même si l’on imaginait que seule la zone palatiale devait être défendue, le modeste poste de garde situé dans la rue « du palais » au nord et la porte de bois du mur barrant la rue « des casemates » au sud-est ne constituaient pas un véritable obstacle pour un ennemi décidé à s’introduire dans la zone royale. Il n’est pas logique de mettre en doute l’existence d’un rempart, comme cela a été proposé, à moins de considérer les systèmes de fortification de la zone royale comme un décor de prestige, destiné à mettre en valeur la zone palatiale. Les flancs nord et est du tell sont aujourd’hui très érodés et, comme on l’a signalé, il est impossible d’y retrouver la moindre trace d’un rempart du Bronze récent. Les maisons situées dans ces zones, en particulier au nord, ne sont conservées qu’en partie, par rapport à leur volume original. La rue « du rempart », ainsi dénommée par C. Schaeffer était peut-être plus ou moins parallèle à celui-ci, mais devait se trouver à plusieurs dizaines de mètres au sud. On ne peut donc qu’imaginer l’aspect d’un rempart qui aurait été constitué d’un talus de terre, recouvert d’un glacis de gros blocs de pierre 9. La disparition de l’ouvrage, signalée plus haut, tiendrait sans doute à ce que le pillage des blocs au cours des temps aurait mis à nu le talus de terre. Celui-ci, devenu très vulnérable à l’érosion naturelle (pluie, vent, ruissellement) aurait pu disparaître très rapidement. Seul le glacis de pierre le protégeait. 3. LE SYSTÈME DÉFENSIF DE LA ZONE ROYALE Les fouilles ont mis au jour une tour d’entrée, avec un mur à glacis de part et d’autre. Dans la première phase de cet aménagement, on pénètre dans la tour par le flanc nord, muni d’une porte à laquelle on accède par une rampe. Au sud, ce mur à glacis est muni d’une poterne qui donne accès à un passage en baïonnette permettant d’accéder à l’intérieur de la ville, devant l’entrée du palais royal (Fig. 3). Cette poterne constitue une sorte de raccourci par rapport à la porte située à l’opposé. Il en existe une du même type, mais plus petite, à Ras Ibn Hani, dans le mur à glacis situé contre le palais sud. Elle date de la deuxième moitié du XIIIe siècle av. J.C. 10. Ces poternes sont bien connues dans le monde hittite. Celle d’Hattusha, à peu près contemporaine de celle

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Partie syrienne de la mission, Khozama Bahloul, responsable de chantier. Schaeffer 1936, p. 146 et pl. XXIII. Al-Maqdissi, Bahloul, et al. 2007. C’est ainsi qu’est construit le rempart protégeant la zone palatiale et, apparemment, aussi celui de la zone sud-ouest, fouillé en ce moment. Lagarce 1984.

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d’Ougarit, donne accès à un couloir de 70 mètres. On en trouve dès le Bronze moyen à Alaça Hüyük, à Alishar... 11 Celle de Porsuk, plus modeste, était recouverte d’un toit de bois 12. Dans une seconde phase, la porte nord est supprimée. Une rampe est aménagée au sud, condamnant la poterne. Une tour isolée est construite au milieu de la rampe, comme pour un premier contrôle. Elle n’a pas vraiment de fonction défensive. La zone royale 13 est séparée de la ville elle-même par des portes munies, au moins pour celle de la rue « du palais » d’un poste de garde à double porte. On ne sait si celle qui barre la rue « des casemates » était également contrôlée. En tout cas, un mur percé d’une large porte, fermée par des vantaux de bois, semblait plutôt être un accès exceptionnel (introduction ou sortie de marchandises peut-être). Étant donné que le dispositif d’entrée de la fortification occidentale ne donne accès qu’à la zone royale, il faut trouver ailleurs les portes de la ville que franchissaient les habitants pour accéder à leurs maisons, à leurs commerces ou à leurs lieux de stockage, d’artisanat et autres. On peut proposer des hypothèses pour d’autres portes de la ville, au nombre de trois probablement. L’une d’entre elles devait se situer au sud dans l’axe d’une voie de circulation importante de la ville. Une zone située au sud du site est en cours de fouille actuellement (« Grand-Rue »). Elle est bordée de maisons et de bâtiments, dont l’un, au nord-est d’un carrefour occupe une surface de plusieurs centaines de mètres carrés 14. Cette voie se trouve dans l’axe d’un pont qui franchit le cours (nahr ed-Delbé) qui borde le tell au sud 15. Quant à la porte qui correspondait à l’axe pont-« Grand-Rue » se dirigeant au nord, vers une grande place publique, elle doit se situer à l’endroit où l’on a observé une dénivellation et une dépression à la limite sud du tell. Mais cette zone n’a jamais été fouillée. Elle se trouve actuellement dans des jardins privés. Une porte peut être proposée à l’est, où une convergence de rues mène vers un point situé à peu près au milieu du rebord est du tell. C’est le même cas qui permet de proposer, à titre d’hypothèse, une porte nord. On remarque qu’une même convergence de rues semble conduire, là aussi, à peu près au milieu du rebord nord du tell, vers une dépression. Voilà ce que l’on peut dire du rempart d’Ougarit. De rares textes akkadiens et ougaritiques font allusion au rempart de la cité, mais ne donnent aucune indication sur son aspect, son fonctionnement et sa nature. On peut toutefois rappeler la lettre en akkadien dans lequel le roi de Chypre suggère que le roi d’Ougarit répare la muraille de sa capitale, car des dangers menacent la région 16.

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Bittel 1970 et 1976 ; Naumann 1971. Pelon 1992. La zone royale comprend le palais lui-même, un temple (dit parfois « hourrite ») et un bâtiment en L, avec une salle dallée à piliers qui est sans doute une salle de banquet (autrefois « écuries royales »). Chantier « Grand-rue », sous la responsabilité de Valérie Matoïan. Sur ce pont qui a servi également de barrage de retenue d’eau, voir Calvet & Geyer 1992, en notant bien que cette proposition de restitution est caduque, car, une fouille complémentaire a montré que la pile en étrave était probablement une pile centrale. On a en effet découvert sur la rive gauche, dans un sondage, une pile de rive. Son correspondant, sur la rive droite n’a pas été retrouvé, sans doute emporté par l’érosion ou le pillage. Pour plus de détails sur les textes, voir Calvet 2006, où les références sont données.

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BIBLIOGRAPHIE

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Figure 1 : Plan schématique du tell de Ras Shamra (P. Rieth).

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Figure 2 : Plan des zones fouillées en 1935 (d’après Cl. Schaeffer, « Les fouilles de Ras Shamra-Ougarit, 7e campagne (printemps 1935) », Syria 17, 1936, pl . XXIII).

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Figure 3 : Travaux à l’entrée de la forteresse royale (d’après Cl. Schaeffer, « Les fouilles de Ras ShamraOugarit, 10e et 11e campagnes (automne et hiver 1938-1939), Syria 20-21, 1939, pl. XLII).

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LORSQU’UNE VILLE EST EN ÉTAT DE SIÈGE : ÉTUDE DE CAS NÉO-ASSYRIENS

Laura BATTINI*

RÉSUMÉ : Le siège est bien représenté dans les bas-reliefs néo-assyriens et dans les annales. Mais pour comprendre l’exact fonctionnement des défenses et leur capacité de réaction en cas de siège, il faut considérer les murailles, les portes, les tours et le fossé. Le type des défenses construites varie en raison de la situation géographique, du type de site fortifié (capitale, ville, fort, village, campement) et des disponibilités économiques. En Assyrie au Ier mill. les villes les plus défendues sont les capitales qui, tout en montrant l’intégration dans les défenses des nouveautés militaires, disposent de fortifications d’une monumentalité exagérée. Cette dernière non seulement va au-delà des nécessités militaires mais est même contre-productive lors de la conduite d’un siège. ABSTRACT : Reliefs and texts provide large amounts of data about siege warfare. But for understanding how fortifications work when there is a siege, one must study each part of a fortification system : walls, towers, gates and ditches. The typology of fortifications changes because of geographic location, type of settlement and economic availability. In the Ist millennium in Assyria, capital cities were better defended than other settlements. Because the walls and gates of capital cities were so colossal, attempts to alter their fortifications in response to changing tactics of military attack, could result in less efficient defence. MOTS-CLÉS : Fortifications, siège, tactique, Assur, Ninive, Khorsabad, Nimrud, forts, enceintes, portes, fossés, tours. KEY WORDS : Fortifications, siege, tactics, Assur, Nineveh, Khorsabad, Nimrud, strongholds, town walls, ditches, towers.

L’étude des systèmes défensifs en Mésopotamie en est encore à ses débuts : il manque une synthèse sur les aspects architecturaux et sur le fonctionnement des fortifications dans l’attaque et la défense. Car si la fonction première d’une enceinte est d’opposer l’obstacle le plus lourd et épais possible à l’ennemi, elle a aussi un rôle essentiel dans l’attaque, les soldats combattant du haut de son chemin de ronde et de ses tours 1. Le but de cet article est l’analyse de l’art militaire en rapport au territoire urbain et donc aussi l’étude des changements techniques des défenses, imposés par les évolutions tactiques. Le choix de l’époque est suggéré par l’abondance des données figuratives, textuelles et archéologiques concernant les sièges et les défenses 2. Un intérêt particulier est en outre représenté par la possibilité d’analyser les défenses des capitales, donc les défenses considérées dans ce qu’elles ont de plus théorique et réfléchi, là où l’on peut s’attendre à que les changements architecturaux répondent au mieux aux évolutions tactiques. *. 1

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Archéorient, UMR 5133, Université Lumière Lyon 2, CNRS. L’importance des fortifications pour comprendre la guerre et les sièges est mise en valeur par Keeley et al. 2007, Hamblin (2006, p. 15, p. 34, p. 46, p. 75, p. 111, p. 215-236). Cf. de même Garlan 1985, p. 251 ; Yadin 1963, p. 16-23, surtout p. 16-18. Les défenses ont aussi d’autres valeurs, notamment symbolique (Gros 1992, p. 211-224 ; Keeley et al. 2007 ; De Seta & le Goff 1989 ; pour le Proche-Orient : Kempinski 1992, surtout p. 265-275 ; Battini 1996, 1998 et 2000. Cf. Guichard 1999), mais aussi économique (Ziegler 2000 ; Kempinski 1992, p. 265-269). Selon Yadin (1963, p. 313) l’art du siège n’a jamais été aussi développé qu’à l’époque néo-assyrienne. Pour les défenses, les données sont assez nombreuses, mais il manque un ouvrage de référence, comme pour les armes mésopotamiennes, pour lesquelles il n’existe pas encore de synthèse accessible (cf. Philip 1989, p. 72). Les représentations sont abondantes, mais il faut garder à l’esprit qu’elles nous donnent le point de vue assyrien et plus spécifiquement royal (« Sculpture like the annals are propaganda and represent only what the rulers of Assyria wished us to remember », Reade 1972, p. 87. Cf. aussi le même concept à la p. 107).

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1. LE SIÈGE Plusieurs types de textes s’intéressent aux sièges, en particulier les annales, mais aussi occasionnellement les archives privées 3. Si ces dernières s’intéressent aux effets économiques des sièges (comme la vente d’enfants, la réduction en esclavage, l’augmentation des prix, etc.), les textes officiels donnent des indications plus proprement militaires : sur le moment de l’attaque, la durée et les conditions de l’assaut, l’utilisation d’instruments de siège, le sort réservé aux ennemis 4. Ces textes ne développent pourtant pas la partie la plus proprement stratégique : par quoi commençait-on un siège par exemple ? Combien d’hommes étaient nécessaires ? Quelles armes étaient les plus utilisées ? Les représentations figurées contemporaines permettent de compléter les données, surtout pour ce qui concerne la fréquence des types d’armes utilisés et le déroulement de l’attaque. On y voit une utilisation constante et très fréquente de l’arc et des flèches 5 (Fig. 1), ainsi que des lances. On y voit aussi les assiégeants attaquer simultanément de trois manières : en utilisant les machines de siège, les arcs et les lances et en creusant des trous dans la courtine de l’enceinte (Fig. 2) pour se ménager un passage. Ils utilisent donc les techniques habituelles (escalade du mur, sape, tirs à distance) mais avec des instruments rénovés ou nouveaux. Les béliers (Fig. 3), qui existaient déjà au BM 6, sont maintenant renforcés ; ils sont à structure compacte, de grandes dimensions et peuvent accueillir des soldats à l’intérieur 7. Leur seule faiblesse est le bois dont ils faits : les défenseurs pouvaient les incendier 8. Pour les hisser plus près des murailles, les Assyriens construisaient des rampes qui parfois sont en briques 9. Les échelles (Fig. 4) servaient pour faire monter les assiégeants sur le sommet de l’enceinte urbaine, donc elles devaient être aussi hautes que cette dernière. Elles sont attestées

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Voir par ex. Oppenheim 1955. Par ex. Luckenbill 1926-27, n. 118 (« powerful king, who cut through the palisade of the city of Shinuhtu, destroying its habitations, who burned Kiakki, their king with the torch »), n. 240 (« by escalade and by bringing up siege engines ( ?), by attacking and storming on foot, by mines, tunnels and breaches ( ?) I besieged and took (those cities). » : ib., p. 120), n. 598 (« a ramp made by piling up earth and stones with much toil and labor against his city for its capture, I constructed »), n. 804 (« these cities I captured , I destroyed, I devastated, I burned with fire. Their gods, their people, their cattle, their sheep, their proprerty, their goods, wagons, horses, weapons and implements of warfare, I carried off to Assyria »). Cf. Grayson 1995, p. 21 (« I besieged the city Till-Barsip, his fortified city. I sourrounded him with my warriors (and) did battle against him »), p. 25 (« I razed, destroyed, burned (and) consumed the city. I inscribed a stele (and) erected (it) therein. I received tribute from Aramu, the man of Bit-Agusi : silver, gold, oxen, sheep, wine (and) a bed of gold, ivory (and) boxwood. I uprooted 22,000 people of the land Hatti (and) brought (them) to my city Assur »), p. 47 (« I besieged (and) captured the mountain pick. I massacred them (and) brought plunder and possessions of theirs down from the mountain »), p. 62 (« I conquerd [by means of tunnels], battering-rams (and) siege towers the cities… I razed, destroyed [(and) burned the cities…]), p. 191 (« I captured that [city] by tunnels, battering-rams and ladders »), p. 211 (« I imposed upon them tax (and) tribute forever »). Schachner 2007, Tf. 1-2, Tf. 4, Tf. 8-9, Tf. 12-13 ; Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 55, pl. 75, pl. 152-3, pl. 198-9, pl. 325, pl. 332-3 ; Albenda 1986, pl. 94, pl. 98, pl. 100-101, pl. 107, pl. 119, pl. 124, pl. 136 et pl. 138 ; Barnett & Falkner 1962, pl. X-XII, pl. XXXII-XXXVI, pl. XXXIX, pl. CXXII. Sur l’arc, voir de même l’article de Dominique Collon de Philippe Abrahami et de Bertrand Lafont dans ce livre. Kupper 1997 traite des différentes parties du bélier, de son montage et de son transport vers les lieux de la bataille à l’époque paleo-babylonienne. Il suggère de même une origine occidentale (1997, p.125-136), tout en admettant que c’est peut-être l’absence de sources administratives comparables à celles de Mari qui empêche pas d’en connaître davantage sur l’utilisation en Mésopotamie. Hamblin 2006, p. 229 traite aussi du bélier, mais voir le compte-rendu sévère de Charpin 2006 sur ce livre ; Yadin 1955, passim mais surtout les p. 29-32 ; Id. 1963, p. 70-71 ; Abrahami 1999. Cf. aussi pour Mari : Durand 1998, p. 270. Mais les béliers existaient probablement au protodynastique (Hamblin 2006, p. 216 et fig. 5g à la p. 219). Schachner 2007, tf. 4 (bas), tf. 9 ; Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. L ; Albenda 1986 pl. 96, pl. 126, pl. 136 et pl. 138 ; Barnett & Falkner 1962, pl. IV, pl. XXXII-XXXIV, pl. XXXIX. Selon Yadin (1963, p. 314-315) c’est sous Tiglath-phalazar III que le bélier est le plus perfectionné, étant bien solide pour résister aux coups des assiégés, mais moins lourd que les béliers d’Assurnasirpal et Salmanazar III. Difficile à expliquer est l’absence de béliers dans les bas-reliefs d’Assurbanipal (Yadin 1963, p. 315). Le feu est parfois représenté dans les bas-reliefs. Incendie d’une porte (Barnett & Falkner 1962, pl. CXVIII). Pour l’incendie d’une tour d’assaut, voir : Borger 1956, p. 104 (II : 1-4). Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 152 et pl. 374-375. Sur la distinction entre rampe d’assaut (pour arriver au sommet de l’enceinte) et levée de terre (pour rapprocher le bélier de l’enceinte) voir Kupper 1997, p. 131-132.

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auparavant 10 mais peut-être pas aussi longues qu’au Ier mill. lorsque les murs sont très hauts 11. Les tours de sièges, qui existaient déjà au Bronze Moyen 12, servaient à assurer l’avancée et la protection des béliers. Mais au 13 er I mill. il semble qu’elles soient peu nombreuses . Les bas-reliefs enrichissent notre connaissance, en montrant aussi des éléments que l’on n’aurait pas facilement découvert en archéologie. Par ex. ils montrent l’établissement de campements fortifiés faits par les assiégeants 14 (Fig. 5). D’autre part, les bas-reliefs nous montrent le progrès de l’action –avec des détails humains fort intéressants– du début des combats jusqu’à la prise de la ville, à son éventuel démantèlement (qui est plus symbolique que réel : il s’agit plutôt de l’action d’écrêter le mur, donc de lui enlever le crénelage) 15 et au transport du butin en objets et personnes 16 (Fig. 6). 2. RÉPONSE DES ASSAILLIS Chaque ville disposait de deux moyens de protection contre les sièges : à travers les capacités militaires de ses soldats 17 et à travers la puissance des défenses. 2.1. Les soldats et leurs armes Du haut de l’enceinte, des tours et des portes, les soldats veillaient à la protection de la communauté. Dans les représentations de siège, l’arme la plus utilisée du côté des assiégés comme des assiégeants est l’arc et aussi la combinaison d’arcs et de lances (Fig. 7) puisqu’il s’agit des deux armes à longue distance. À cette époque, les flèches ont une portée égale à une trentaine de mètres – ce qui peut permettre d’évaluer le nombre minimal de soldats nécessaires pour défendre les murailles. Les soldats n’utilisaient pas seulement les flèches pour défendre la ville. À part l’arc, il existait d’autres moyens traditionnels de jet, comme les frondes 18 (Fig. 8), le lancer de pierres, les pierres à fardier. L’histoire de David et Goliath nous en dit long. Selon l’historien du monde grec Yvon Garland, « la pierre à lancer (…) ne perdit jamais pendant toute l’antiquité, de son efficacité dans la guerre de siège » (Garland 1974, p. 135). Les balles de fronde en argile étaient de facture très simple 19 et peut-être utilisait-on aussi des cailloux pour les 10

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Les échelles, connues aussi dans les rares textes mathématiques (par ex. BM 85210 # 1-7) qui s’occupent des problèmes concernant le mur urbain, sont appelées simplement g i sh -k u n 4 , akk simmiltu (Nemet-Nejat 1993, p. 45). En Égypte, elles sont déjà représentées pendant la Ve dynastie (2465-2323 av. J. - C.). Aucune représentation de ces échelles n’a pu être encore identifiée à l’époque protodynastique et akkadienne (Hamblin 2006, p. 216-220). Elles étaient déjà hautes pendant l’époque paléo-babylonienne (Hamblin 2006, p. 229). Mais l’augmentation de la hauteur des murailles néo-assyriennes a dû provoquer une augmentation de la taille des échelles. Pour les représentations d’échelles dans les bas-reliefs néo-assyriens, voir : Schachner 2007, tf. 1 (bas), tf. 3 (haut), tf. 9 (bas), tf. 13 (haut), tf. 15 (bas) ; Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 50, pl. 64-67, pl. 76, pl. 272-3, pl. 374-5 ; Albenda 1986, pl. 100, pl. 101 et pl. 112 ; Barnett & Falner 1962, pl. XL, pl. LXI, pl. CXVIII. Elles sont déjà attestées à Mari, au Bronze Moyen (Kupper 1997, p. 127-130 ; Durand 1998, p. 270 ; Hamblin 2006, p. 216 et figures à la p. 219), bien que des représentations figurées en manquent pour le moment (Hamblin 2006, p. 228). Kupper 1997, p. 130. Elles sont, en effet, rarement attestées dans les bas-reliefs néo-assyriens. Pour une représentation de tour de siège, voir Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 334. Englund 2003, B-7 à la p. 47 (= Barnett 1959, pl. 21 ; Assurnasirpal II) ; Schachner 2007, tf. 1-7, tf. 10-13 ; Barnett 1959, pl. 150 (Salmanassar III) ; Barnett & Falkner 1962, pl. LX, LXIII (Tiglath-phalazar III) ; Albenda 1986, pl. 137 ; Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 138, pl. 142 (Sennacherib) ; Jakob-Rost et al. 1992, fig. 120 (Assurbanipal) ; Peltenburg 1991, n. 48, p. 77-78 (Assurbanipal). Les textes par contre, citent ces fortins à partir au moins du IXe s. À ce propos voir al-Shukri 1988 et l’article d’Aline Tenu dans cet ouvrage. Et cela est fréquent dans le monde ancien (Adam 1982, p. 36). Pour le démantèlement du mur voir : Barnett & Falkner 1962, pl. XXXVIII, LXXXVIII, XCI ; Barnett 1959, pl. 132. Pour le transport du butin et des prisonniers, voir : Barnett & Falkner 1962, pl. IV, VI, XXVIII, XXX, LXIX, LXXXVIII ; Dolce & Nota-Santi 1995, fig. 97 (Bar/56), fig. 98 (VAT 14987), fig. 99 (VAT 14982) ; Barnett 1959, pl. 45, Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 56, pl. 70g pl. 208-211, pl. 213- 220, pl. 240-1, pl. 248-252. Le transport de populations vaincues est déjà attesté à l’époque paléo-babylonienne (Durand 1998, p. 315-316 ; Lion 1997, p. 109-118) et à l’époque médio-assyrienne (Freydank 1980, p. 89-117). Sur le sort réservé aux ennemis, voir dans ce volume les articles de Pierre Villard et Giuseppe Minunno. Et aussi de leur moral : voir dans cet ouvrage, l’article de Joaquin Cordoba. Barnett & Falkner 1962, pl. XCIV (Tiglat- Phalazar III). Sur les « balles de fronde », voir aussi l’article d’Olivier Rouault et Benedetta Bellucci dans ce volume.

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frondes ou pour devenir pierres à fardier. C’est un matériel très économique, il suffit juste de passer un peu de temps à le ramasser. Et les frondes étaient de construction très simple et économique, sans perdre de leur puissance de combat. Car ce sont des armes de longue distance, elles peuvent surmonter les pentes sans problèmes 20, leur tir est parabolique et leur impact très violent 21. Ces armes de tir traditionnelles sont plus connues par les textes que par les bas-reliefs 22, probablement parce qu’elles n’étaient pas considérées assez nobles, à cause de leur facilité de construction et de leur grande diffusion 23. Il y a donc un filtre concernant la représentation des armes, mais pas seulement la représentation, car dans les sépultures on retrouve un même choix idéologique : seules les armes « nobles » y sont déposées. Un seul cas de tireur de fronde est connu par exemple dans les bas-reliefs de Téglath-Phalasar III 24 alors que dans les textes néo-assyriens les tireurs de frondes sont un corps spécialisé et très puissant. C’est sous Sennacherib et Assurbanipal que les frondeurs sont un peu plus représentés. Du point de vue archéologique, on n’a pas d’attestation de frondes (car elles étaient faites en matériel périssable) mais on a trouvé en de rares occasions des projectiles, comme ceux de Lakish (Fig. 9). En revanche, les informations les plus fréquentes de trouvailles d’armes autour des murailles concernent les pointes de flèches, retrouvées par ex. à la porte Mashki de Ninive 25 et sur le côté sud du mur urbain d’Assur 26. Enfin, notre vision du siège ne peut pas rester figée comme elle l’est dans les bas-reliefs : il y a des actions que les assiégés pouvaient faire pour contrarier l’ennemi et qui ne laissent pas de trace archéologique, comme le lancer de projectiles enflammés sur les instruments de siège en bois et/ou cuir, l’érection de palissades, de haies, de levées de terre, qui ont le mérite de retarder les assiégeants et, une fois l’ennemi entré dans une brèche du mur, les tentatives de limiter les dégâts en créant un quelconque mur ou obstacle, peut-être aussi la ruse 27… 2.2. L’architecture Mais il y avait aussi des moyens architecturaux pour rendre plus efficaces les défenses et pour contrarier les ennemis 28. Dans cet article, on prendra en considération les défenses des villes assyriennes. Jusqu’à maintenant on a montré les villes que les Assyriens voulaient conquérir. Mais deux autres reliefs montrent deux villes assyriennes : Ninive et Arbèles (Fig. 10). Elles ne diffèrent pas sensiblement des villes non assyriennes, au

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Yadin 1963, p. 9. Yadin 1963, p. 317. Dans les bas-reliefs sur la prise de Lachish pourtant sont représentés les pierres, les torches enflammées et les javelots que les assiégés envoient aux assaillants (Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 332-333 ; voir aussi Barnett 1958). Pour les tireurs de fronde, voir Barnett & Faulkner 1962, pl. XCIV. On connaît l’importance des tireurs de fronde sous Tiglath-phalasar III et Sennacherib (nash kababi ; cf. Smith 1938, pl. XLI et pl. XXXVIII ; Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pl. 42, pl. 162-3), mais il est parfois difficile d’identifier ces hommes dans les bas-reliefs (Reade 1972, p. 104). Sur l’importance des tireurs de fronde et de lance, introduits dès le VIIIe siècle pour renforcer l’armée assyrienne qui au e IX siècle s’appuyait presque exclusivement sur les archers, voir Scurlock 1997, p. 496-497. D’ailleurs, à part les frondes, lorsque ces armes sont représentées, c’est dans les mains de l’ennemi coupable. Cf. les mêmes déductions de Philip concernant (Philip 1986, p. 145-6) la présence très sporadique de pointes de flèches dans les tombes du Bronze Moyen. Cette absence s’explique par un statut moins noble de l’arme qui étant plus facilement accessible à tous, était moins déposée dans les tombes. Ces dernières veulent refléter le statut social du mort, non sa fonction lorsqu’il était vivant. Sur la valeur « sociale » des armes voir aussi Montenero Fenellós 1999-2000, p. 417-419. BM 118933 (Barnett & Falkner 1962, pl. XCIV. Smith reproduit le même bas-relief : 1938, pl. VII). On a d’autres indications pour les époques précédentes à celle néo-assyrienne : par ex. à la porte de Bismaya, Banks avait trouvé des gros projectiles en argile, les « balles de fronde » (1912, p. 336 et photo à la même page). Andrae 1913, p. 143. Yadin 1963, p. 318-9. Keeley et al. 2007. Déjà Yadin avait démontré que le glacis qui apparaît au Bronze Moyen est très vraisemblablement à mettre en relation avec l’utilisation des béliers (Yadin 1963, p. 70-71. Mais Kempinski 1992, p. 265-269 met en garde contre toute tentative de réduire les défenses à une seule explication puisqu’elles dépendent aussi de la société, de l’économie et de la taille de la ville. Sans oublier les aspects symboliques : De Seta & Le Goff 1989 ; Gros, 1992 ; Battini 1996, 1998 et 2000). Les fortifications néo-assyriennes montrent un certain nombre d’innovations par rapport aux défenses précédentes, qui dépendent au moins en partie des armes et des instruments de siège utilisés.

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moins dans la représentation : l’enceinte est dotée de plusieurs lignes défensives, chacune disposant de tours plus hautes, construites à distance régulière et crénelées. À l’époque néo-assyrienne, les murs les mieux connus dans le territoire proprement assyrien sont ceux de Khorsabad et d’Assur, suivis par ceux de Nimrud et de Ninive, donc les murs des capitales. Par contre, ceux des villes secondaires sont peu fouillés. Cette connaissance inégale des défenses risque d’en déformer la compréhension et d’en donner une idée trop puissante. L’enceinte néo-assyrienne (Fig. 11) est une structure pleine, sans casemates, renforcée par une grande épaisseur, de nombreuses tours et parfois d’un fossé 29. Lorsque qu’elle est connue, sa forme (Fig. 12) est le plus souvent rectangulaire (Khorsabad, Nimrud, Baigan, Sur Mureh et Tilbis Island) 30, parfois irrégulière (Ninive, Assur) ou ovale (Till Barsip), ce qui est la forme idéale des défenses 31. Dans le périmètre des capitales, sont attestés une citadelle, également fortifiée et protégeant le palais royal, et un palais « fort » ou arsenal, l’ekal masharti. L’épaisseur du mur est bien plus importante que dans les enceintes paléo-babyloniennes (Tableau 1 et 2) ; la moyenne de l’époque était de 12,6 m, contre 6,2 m pour l’époque paléo-babylonienne, voire 6,5 m si l’on ne tient compte que des villes de la Haute Mésopotamie (mais on n’a qu’un seul cas). Tableau 1 : Dimensions des murs paléo-babyloniens VILLE Ur Tello (rempar Gudea Uruk Der Nippur Tell Ababra Tell as-Sib Tell al-Rimah Tell Asmar Khafadjé Mound D Khafadjé Mound B Tell Agrab Ischaeli Tell Harmal Tell Haddad Tell Muhammad Larsa Assur Fara Sippar Mashkan Shapir Tell Yelki Moyenne

ÉPAISSEUR 25-30 m (base) 10 m 2m 6m 14 m ; 7,5 A=1,5m B= 2,5 m 3,5-4m 6,5m 11 m 6,5 m

HAUTEUR 8m 8m ? ? ? ? ? 6m ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? -

13 m 6,5 m 5m 4m 20 m ? ? ? ? ? ? 6,5 m

DIMENSIONS DES BRIQUES 37x 37/34, 5x9cm 34x34x9cm 26 x 17x 9 cm Br crues 22 x 16 x 7,5 cm A= Br crues : 34 x 34 x 6 cm. B= Br crues : 36 x 36 x 7 cm. Br crues ? ? ? ? ? ? ? ? ? br crues 33/36cm. x 33/36 x 10/ 10, 5 cm ? ? ? ? -

On peut remarquer également une différence d’épaisseur entre capitales et autres villes au Ier mill. : les premières se dotent d’une enceinte très épaisse (moyenne de 28,1 m) et les secondes 32 d’une enceinte d’une épaisseur bien 29

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Attesté à Ninive (Madhloom 1967, p. 76-77 ; Campbell-Thompson 1934, p. 95), Assur (Andrae 1913 et 1935, p. 170-3 et 201-204), Tilbis Island (Iraq 43, p. 197), Sur Ju’reh (Iraq 43, p. 196). Sur les incertitudes de la datation des forteresses assyriennes sur le Moyen Euphrate, voir l’article d’Aline Tenu dans ce livre. Il pourrait y avoir d’autres formes de l’enceinte, mais qui ne sont pas encore connues archéologiquement. Puisque il n’y a pas de points morts (Kempinski dans Kempinsky & Reich 1992, p. 72 ; Battini sous presse ; Keeley et al. 2007, p. 69-70). Balawat (Oates 1974, p. 173 ; Curtis 1982, p. 113-119 ; et dans les résumés des fouilles voir Iraq 53, p. 173-174), Tell Gikan (Fales, Tusa, Wilhelm & Zaccagnini 1986, p. 106-108), Tilbis Island (quelques informations dans les résumés d’Iraq : 43, p. 197 ; 45, p. 221 et 47, p. 225-226. Mais les renseignements les plus précieux viennent de la thèse non publiée de al-Shukri 1988, p. 125-6, p. 139-146 et p. 190), Sur Mureh (comme pour Tilbis Island : Iraq 43, p. 197 et

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moindre (6,4 m) 33 et ressemblant beaucoup à celle des villes des époques précédentes (Tableau 2). Si dans l’ancienne capitale Assur, devenue essentiellement religieuse au Ier mill., le mur n’est épais que de 7 m (mur intérieur) ou de 6 m env (mur extérieur), à Khorsabad l’enceinte est épaisse de 24 m et le mur de l’acropole de 6 m tandis qu’à Nimrud, l’enceinte est épaisse de 37 m et à Ninive elle atteint les 45 m 34. La différence d’épaisseur se traduit aussi par une différence de hauteur puisque plus l’épaisseur est importante, plus le mur peut être haut. Selon les spécialistes de l’architecture de terre, un mur peut soutenir une hauteur qui est théoriquement jusqu’à dix fois son épaisseur 35. Or, ce rapport ne peut pas avoir été appliqué aux défenses néoassyriennes et surtout pas aux enceintes des capitales. Car la hauteur serait non seulement monstrueuse (240 m pour Khorsabad, 370 m pour Nimrud, 450 m pour Ninive), mais également très coûteuse. Elle serait en outre dangereuse pour les habitants de la ville : un effondrement de la courtine provoquerait en effet des dégâts terribles et des morts par centaines parmi les habitants qu’elle était censée protéger. Des textes mathématiques d’époque cassite évaluent la hauteur du mur urbain à 3 ninda (18 m) ou 45 kush (22,5 m) 36. Des textes paléobabyloniens de Mari citent un mur urbain haut de 5 cannes, donc entre 3,6 m et 15 m 37. En outre, selon une inscription de Sennacherib, le mur de Ninive était haut de 180 à 200 tipku, et selon un autre texte néo-assyrien, le mur de Nimrud était haut de 120 rangées de briques, donc env. 15 m 38. Si l’on ne peut pas restituer la hauteur exacte des murs, on peut raisonnablement penser que les enceintes des capitales, étant plus épaisses que celles des villes secondaires, étaient donc aussi beaucoup plus hautes. Il est probable que la hauteur était d’environ la moitié de leur épaisseur (comme le suggère le cas de Nimrud) 39. Trois autres éléments font partie intégrante du mur urbain : les tours, les portes et le fossé. Les tours (Fig. 13) constituent le flanquement le plus important de la courtine, comme à toute époque 40. Elles assurent une meilleure stabilité, augmentent la surface du mur, remédient en partie aux points morts de la courtine, et

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thèse non publiée de al-Shukri 1988, p. 125-7, p. 139-146 et p. 286), Sur Jureh (Iraq 43, p. 196-197 et 45, p. 221 ; thèse non publiée de al-Shukri 1988, p. 125-6, p. 139-146 et p. 210-216), Baigan (Iraq 45, p. 208 ; AfO 29-30, p. 207 et 34, p. 155-156 ; thèse non publiée de al-Shukri 1988, p. 125-6, p. 139-146, p. 279), Tell Yemniyeh (Iraq 45, p. 224 ; al-Shukri 1988, p. 139-146), Khirbet id-Diniyeh (Iraq 51, p. 254 ; al-Shukri 1988, p. 139-146 et p. 200-205 ; Kepinski 2006, p. 331), Glai’a (al-Shukri 1988, p. 166), Anat (Iraq 45, p. 204), al-Zawiya (al-Shukri 1988, p. 220), Abu Dahir (Ball 1986, p. 79), Kakzu (Furlani 1934, p. 119-142), Old Mahmur (Mallowan & al-Amin 1949, p. 145-149 et 1950, p. 55-58), Dur-Katlimmu (Kühne 1983a, p. 160-168 et 1983b, p. 239-244, 1987-8, p. 142-157 ; Syria 60, p. 2835), Til Barsip (Thureau-Dangin & Dunand 1936, p. 125-132, plan A et E). Les données concernent une ville capitale territoriale (Till Barsip : 8 m d’épaisseur), deux villes provinciales (DurKatlimmu : 3 m ; Tell Gikan : 2,5 m), et sept forteresses (Baigan : 5-6 m ; Sur Jureh : 1,8 m ; Tilbis Island : 3,6 m ; Sur Muhreh : 4-6 m ; Hadita : 30 m ; Anat : 2,5 m ; Al Zawiya : 1-3 m). On peut remarquer que la taille de la muraille dans ces cas est en fonction de l’importance politique du site (la ville capitale territoriale a un mur plus épais que les autres villes) et en fonction aussi de l’importance stratégique du site (certaines forteresses ont un mur très épais puisqu’elles se trouvent en position stratégique et isolée et elles ne devaient pas avoir beaucoup de moyens de se protéger). Pour le mur d’Assur voir : Andrae 1913, p. 99-122 (côté nord-ouest : cf. Madhloom 1983, p. 57-58), p. 123-131 (côté ouest : cf. Madhloom 1979, p. 314), p. 131-146 (côtés sud et sud-ouest), p. 146-153 (côté est : cf. Madhloom 1983, p. 57). Pour l’enceinte de Khorsabad, voir : Place 1867, p. 161-166 ; Loud et Altman 1937, p. 18 et p. 53-54 et p. 89-90 ; Thureau-Dangin 1925, p. 30. Pour l’enceinte de la ville de Nimrud, voir : Layard 1853, p. 656 ; Oates 1963, p. 31-33 ; Mallowan 1966, p. 76 ; Oates 2001, p. 28-31. Pour le mur de l’acropole, voir Layard 1848 p. 41 ; Mallowan 1950, p. 158 et 1953 p. 38-42 et p. 5 ; Id. 1954, p. 65-66 et p. 111-114 et 1966, p. 74-83. Pour le mur de Ninive voir : Layard 1848, p. 275-279 ; Campbell-Thompson 1934, p. 95 ; Madhloom 1967, p. 77 ; Madhloom 1968, p. 45 et p. 47-48 ; Madhloom 1969, p. 314 ; Reade 1978, p. 51, p. 66-71 et fig. 3 ; Sumer 25, p. f et p ; Mallowan 1974, p. 116-117. Et pour les restaurations voir : Madhloom 1967, p. 78 et 1969, p. 45 et dans les résumés des rapports de fouilles : Sumer 12, p. 6 ; Sumer 25, p. f ; Sumer 26, p. d ; Sumer 31, p. c ; Iraq 43, p. 185-6. CRATerre (dir.) 1989, p. 254. Nemet-Nejat 1993, p. 45. La valeur de la canne n’est pas sûre (Kupper 1997, p. 128 et note 51 à la même page) : la plus commune est égale à 3 m mais Lafont (1992, p. 102-103) et Durand (1997, p. 292) ont proposé de la réduire. Lafont a proposé une réduction à 1,2 m. Dans ce cas, le rapport entre hauteur et épaisseur est de 0,5. Un autre problème est constitué par les moyens d’éviter le ruissellement de l’eau le long du mur urbain. Dans les fortifications grecques il y a les barbacanes, ces fissures traversant tout le mur et se terminant sur les parois extérieures par une gargouille qui évite le ruissellement de l’eau (Adams 1982, p. 45). Battini sous presse ; Keeley et al. 2007, p. 68-78.

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permettent une meilleure défense. À l’époque néo-assyrienne, elles ne sont que de forme rectangulaire (il n’y a plus les multiples typologies paléo-babyloniennes) et elles deviennent de plus en plus larges jusqu’à 13,5 m (Khorsabad), tandis que la saillie du mur reste plus ou moins la même qu’à l’époque paléo-babylonienne (4 m) 41. Cette augmentation de la largeur sert à donner une surface plus grande aux défenseurs de la ville (54 m2), mais elle a été déterminée par des raisons militaires, comme on le verra par la suite. Tableau 2 : Dimensions des murs néo-assyriens VILLE Assur Nimrud Khorsabad Ninive Moyenne des capitales Dur Katlimmu Til Barsip Gikan Baigan Sur Jur’eh

Tilbis Island Sur Muhreh Tell Yemniyeh Khirbet id-Diniyeh Tell Abu Dhahir Seh Qubba Glai’a Anat Al Zawiya Wadi Suwaidiya 1 Qasr Shemamok Old Makhmur Tell Awan Moyenne des autres villes Moyenne totale

ÉPAISSEUR 7 m et 6 m 37 m 24 m 45 m 28,1 m 3m 8m 2,5 m 5-6 m Extérieur= ? 42 Médian= ? Intérieur=1,8 m 3,6 m 4-6 m ? 30 m ? ? ? 2,5 m 1-3 m ? ? ? ? 6,4 m 12,6 m

HAUTEUR ? 13m (retrouvée) 17m (restituée) 12 m 24 m 17 m 4,5 m 2m ? 6m ? Médian=2,8 m ? ? ? ? 4m ? ? 2m ? ? ? ? ? 4,2m 10,6 m

DIMENSIONS DES BRIQUES 37 x 37 x 12,5 cm 33,5 x 34,5 x 9 cm 40 x 40 x 10 cm

Épaisseur= 13-15 cm. 37 x 37 x 11 cm ? ? Extérieur= en pisé Médian= en terre Intérieur= en briques : 29/31 x 29/31 x 10/11 cm En grosses pierres En pierres ? Briques crues sur soubassement de pierres ? ? En pierre et terre calcaire Calcaire et terre ? ? ? ? -

Les dimensions des tours des villes secondaires sont en revanche plus petites, très semblables à celles de l’époque paléo-babylonienne : elles offrent donc une bonne surface pour le combat (entre 10 et 30 m2), mais elles sont moins larges. Les tours sont à des distances variables les unes des autres : les plus rapprochées sont celles des villes non capitales –autour de 12-18 m 43, les plus éloignées sont celles des capitales –autour de 24 à 30 m 44. La distance entre les tours est un élément technique important pour mesurer les manières possibles de couvrir la courtine et le nombre d’hommes indispensables. Une courtine efficace doit en effet être égale ou mieux inférieure à la valeur du jet de l’arme de plus longue portée. Ici elle doit donc être inférieure à 30 m (mesure correspondante à la portée d’une flèche). Mais on remarque aussi que les villes non capitales disposent d’une défense optimale par rapport aux courtines des capitales qui sont moins couvertes car leur dimension correspond à peu près à la limite du tir de l’arc. Cela est peut-être dû en partie au fait que les enceintes des villes secondaires sont moins épaisses que celles des capitales, et nécessitent donc davantage un renforcement. Mais une autre explication est envisageable et on reviendra sur cette question à la fin de l’article.

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Je me réfère à cette époque puisque l’époque médio-assyrienne n’est pas bien connue, à part Kar-Tukulti-Ninurta (Eickhoff 1985). Pour les tours des différentes époques historiques voir Battini sous presse. L’épaisseur du mur médian de ce site a été estimé à 20 m, ou 13 m ou 9,5 m ou 6 m (Al-Shukri 1988, p. 213. Cf. Tenu dans ce volume). Donc, il est préférable de ne pas le prendre en considération. Plus précisément : 12,5 m pour Til Barsip, 18 m pour Dur-Katlimmu. Plus précisément 24 m à Nimrud, 27 m à Khorsabad, jusqu’à 30 m à Assur.

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Dans toutes les villes, une attention particulière est donnée aux portes (Fig. 14) qui, étant la seule rupture de la courtine, constituent le point le plus faible de la défense 45. Leurs dimensions sont parmi les plus grandes de toute l’histoire de la Mésopotamie ayant une surface comprise entre 333 m2 (porte ouest antérieure, Assur) et 4290 m2 (porte de Shamash à Ninive) qui est comparable dans le premier cas à une grosse maison et l’autre à un petit palais. Elles sont constituées de tours massives d’entrée et parfois de sortie, de plusieurs pièces, et souvent d’une cage d’escalier, construite soit dans une pièce soit dans l’épaisseur de l’enceinte. Les escaliers des portes sont les seuls retrouvés qui témoignent de l’une des multiples manières d’arriver au chemin de ronde 46. Les portes avaient au moins un étage, comme le démontre la découverte d’une crapaudine dans l’effondrement du toit de la porte n. 7 de Khorsabad. Enfin, le fossé (akk. hurhurru ou hiritu) a été retrouvé à Assur, Ninive, Tilbis Island, Sur Jureh, Sur Telbis. À Ninive et Assur il entoure toute la ville, à Tilbis Island seulement un palais, à Sur Jureh il se trouve entre le premier et le deuxième des trois murs qui protégent la ville et à Sur Telbis il protège un petit fort. Les rapports de fouilles n’en donnent pas beaucoup de renseignements : on ne connaît que la largeur de celui de Ninive (46 m). Les textes contemporains citent des fossés ayant une largeur de 100 m (200 coudées) et une profondeur de 9 m. Les dimensions du fossé construit par le roi caldéen Merodach-Baladan à Dur-Jakin en 709 av. J.-C. sont impressionnantes : 100 m (200 coudées) de largeur et 9 m (18 coudées) de profondeur à une distance de 60 m (1 ashlu) du mur urbain 47. 3. RAPPORT ENTRE ARCHITECTURE ET ARMES On voit bien que le cœur de l’empire, les capitales, était particulièrement défendu par rapport aux autres villes. Dans ces dernières (Fig. 15), les défenses ne sont pas aussi épaisses que dans les capitales, mais elles ont été conçues selon les principes canoniques de la construction militaire : épaisseur considérable (on ne doit ni percer le mur, ni l’escalader, ni passer dessous 48), flanquement par de nombreuses tours construites à peu de distances (pour protéger les points morts), renforcement par un fossé (pour éloigner les béliers et les tours de siège), présence de plusieurs lignes défensives pour réduire l’attaque des ennemis (cf. Sur Jureh). L’ancienne capitale, Assur, de par les dimensions de l’enceinte et des tours, se rapproche des défenses des villes secondaires (Fig. 16). Elle présente des traits moins originaux et moins monumentaux que les trois autres capitales, en raison de l’existence d’anciens bâtiments sur le terrain. En revanche, Nimrud, Khorsabad et Ninive ont été construites avec un gigantisme qui veut être une démonstration de force économique et de puissance, mais joue en même temps un rôle militaire. Les défenses des quatre capitales ont été toutes conçues pour satisfaire des nécessités militaires : le mur double d’Assur respecte la proportion canonique d’une épaisseur moins importante pour le mur extérieur et plus importante pour le mur intérieur. Cela permet de construire plus haut le mur intérieur, ce qui signifie que sans provoquer aucune gêne les défenseurs de celui-ci sont actifs au même moment que ceux qui protègent le mur extérieur (Fig. 17). Pour les mêmes raisons et pour combattre l’assaillant plus facilement, les tours du mur extérieur sont plus rapprochées que celles du mur intérieur où, la plus grande distance empêche les soldats de se trouver sur le même axe que les soldats postés sur une tour du mur extérieur. Cela évite des gênes entre les soldats des deux lignes défensives. De même, l’espacement plus grand des tours du mur intérieur par rapport à celles du mur extérieur permet d’éviter une confusion des feux et une meilleure défense. Le mur de l’acropole de Khorsabad est construit avec une paroi verticale et enduite, ce qui la rend glissante et très difficile à l’escalade. L’autre paroi, elle aussi enduite, est renforcée sur les premiers 3 m de hauteur par un empattement de terre large de 1,5 m, qui protège la partie la plus vulnérable du mur, la base 49. De même, Ninive aurait choisi de se renforcer par la construction d’un rempart extérieur (salhu) qui 45

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Keeley et al. 2007, p. 62 ; Yadin 1963, p. 20-21 ; Châtelain 1996, p. 88. Pour l’instant on n’a pas encore retrouvé de poternes qui auraient pu faciliter les sorties discrètes et même l’attaque surprise sur l’ennemi. Mais ces poternes ont été retrouvées dans d’autres régions du Proche-Orient ancien (voir l’article d’Yves Calvet dans ce volume). Il pourrait y avoir aussi des escaliers plaqués contre la muraille (et qui n’ont pas été retrouvés car seule une petite partie de la muraille est connue) et des escaliers dans les tours. En revanche, la possibilité d’escaliers mobiles n’est pas satisfaisante du point de vue tactique et même dangereuse avec l’armement. Nemet-Nejat 1993, p. 45. Le terme pour « donner l’assaut » (shahâtum) se traduit littéralement par « sauter par dessus la muraille » (Joannès 1992, p. 84). Ce procédé se retrouve aussi au Moyen Âge (Châtelain 1996, p. 77).

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constitue un obstacle de plus entre assiégeants et assiégés et par le revêtement en pierre de la paroi extérieure du mur urbain et de certaines portes, ce qui rend l’escalade difficile. La présence d’une ligne crénelée surmontant la courtine et les tours, enfin, démontre le rôle actif des défenses puisque la ligne crénelée est un dispositif de tir dans lequel le merlon protège le soldat 50. Les tours des capitales sont construites pour obtenir le flanquement le plus puissant du mur, par leur hauteur et leurs dimensions. Elles sont pleines au R.d.C pour pouvoir mieux résister aux attaques des béliers. Cette disposition empêche cependant l’assiégé de tirer sur l’assiégeant au R.d.C, ce qui veut dire que l’ennemi arrivé aux pieds de la tour agit en toute impunité. Il est vraisemblable que les étages servaient pour stocker des armes. Car à part les portes, il n’y a pas d’autres bâtiments fouillés qui soient susceptibles d’avoir été utilisés comme magasins. Leur forme rectangulaire n’est pas la plus facile à tenir, car elle crée des points morts là donc où l’assiégeant ne peut être vu, ni être attaqué à moins que l’assiégé ne se penche au-delà de la ligne crénelée, ce qui n’est pas une bonne solution. Selon J.-P. Adam la forme rectangulaire est dictée par des raisons esthétiques plus que militaire au moins dans l’architecture militaire grecque. En Mésopotamie, elle est une constante depuis le début du IIe mill. et même au IIIe mill., quand la forme semi-circulaire est très rare. La perte définitive de la partie haute des tours ainsi que des portes et des courtines causée par leur effondrement ou par l’action d’écrêter, rend plus difficile l’étude des aspects offensifs de ces structures 51, puisque c’est bien dans la partie haute des défenses que se jouait le plus important de la guerre de siège. Ainsi, par ex., on ignore si le chemin de ronde tournait autour des tours ou les traversait, si les tours avaient des échauguettes, si le toit des tours était crénelé ou couvert, s’il existait des ouvertures des tours en hauteur (fenêtres, archères, meurtrières) pour tirer sur les assiégeants tout en étant protégé 52. Par contre grâce aux reliefs, on sait que les tours étaient plus hautes que la courtine (Fig. 18), dans le jargon militaire on dit donc qu’elles commandaient la courtine. Cette disposition est un élément indispensable dans la défense et l’attaque. Elle constitue, en effet, la seule manière de contrôler de la tour les courtines proches et d’éviter leurs points morts. D’ailleurs, il s’agit de la seule manière d’attaquer les ennemis qui se rapprochaient trop de la courtine, là où sans hourds ni mâchicoulis (Fig. 19), ils ne seraient plus atteints par les défenseurs. Avec cette forme rectangulaire des tours, il serait préférable d’avoir un nombre de soldats pour les protéger égal au moins à trois : l’un pour le front de la tour et les deux autres chacun pour un flanc. Pour protéger courtines et tours il y a le fossé qui, en empêchant les béliers et les tours de siège de se rapprocher, limite fortement l’utilisation des machines de siège. Les portes, enfin, sont de vrais édifices militaires défendus par un couple de tours à l’entrée et parfois à la sortie, servant d’entrepôts d’armes 53 et de montée d’escalier pour accéder au chemin de ronde 54. Elles sont souvent construites de telle manière que l’ennemi entre par la porte en exposant son côté droit, là donc où il n’a pas le bouclier mais son arme (cf. Porte Tabira). La position des portes n’est pas le fruit d’un hasard, mais la combinaison élégante de deux facteurs : d’un côté une signification symbolique (Fig. 20) révélée par l’existence de modules symboliques dans les constructions officielles, par le décor et par les noms de cérémonie des portes 55, et de l’autre des raisons militaires. Ces dernières expliquent par exemple la position des portes sudouest et sud-est de l’enceinte de Nimrud, construites étroitement liées à l’ekal masharti pour mieux être 50

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À l’époque du Moyen Âge, les merlons sont hauts comme un homme debout pour pouvoir le protéger. En Assyrie, les créneaux de Ninive sont assez haut pour couvrir presque entièrement un homme (Madhloom 1969, pl. 6). Sur les créneaux à échelle voir aussi Garbini 1959. Reliefs, restes archéologiques trouvés aux pieds des murs et parfois textes aident à mieux comprendre et à restituer cette partie du mur (cf. Adam 1982, p. 36-37). On ignore si l’échauguette – tourelle circulaire ou polygonale, qui est construite tout en haut du mur sur un contrefort ou sur un ou deux encorbellements et qui ne touche pas le sol (Châtelain 1996, p. 86) – existait déjà au Proche-Orient ancien, vu qu’elle ne laisse pas de traces archéologiques claires. Si on n’a pas retrouvé beaucoup d’armes aux portes c’est du fait de leur matériel, le métal, qui étant recyclable était réutilisé (cf. l’article d’O. Rouault et Benedetta Bellucci dans ce volume). Mais on remarque que lorsqu’un ensemble d’armes a été retrouvé c’est le plus souvent à côté des portes urbaines, ce qui indique soit qu’y étaient stockées les armes soit qu’y on combattait tout particulièrement. Mais les portes sont aussi un des lieux privilégiés où se manifeste la propagande royale avec une grande puissance (voir Battini 1996 et 1998) et où s’exprime un décor (en briques émaillées, en peinture, en bas et haut relief) qui n’est pas étranger à la gloire du roi. Sur ces dernières voir : Battini 1998 et 2000.

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défendues par ce dernier, ce qui réduit les risques de leur percée par l’ennemi. Mais également la porte est se trouve très près de ces deux portes et de l’ekal masharti. Ainsi elle est plus facile à défendre et les soldats de renfort pouvaient arriver très vite. Pour les mêmes raisons, à Khorsabad la porte n. 5 est très proche de l’ekal masharti et la n. 7 du palais royal. Et il y a d’autres exemples 56… Enfin, peut-on trouver dans les défenses des capitales la traduction en architecture des changements tactiques 57 ? Les éléments à disposition ne sont pas suffisants pour pouvoir répondre d’une manière définitive à cette question. Pourtant, on dispose d’indices qui autorisent quelques assertions. L’augmentation de l’épaisseur du mur et l’utilisation du fossé sont à mettre en relation avec la force accrue des instruments de siège. La forte épaisseur permet d’éliminer les risques de sape (on n’essaie pas de saper un mur de 24 m d’épaisseur), elle annule l’efficacité des béliers (puisqu’il faudrait que le bélier dispose d’un bras long d’au moins 24 m !). En outre, le matériau, la brique crue, rend le mur encore plus résistant aux instruments de siège car il est mou, de faible densité et amortit donc bien les chocs des projectiles et des béliers 58. L’augmentation de la largeur des tours est de même liée à la plus grande puissance des béliers et donc à un souci de solidité. Pourtant cet élargissement si spectaculaire sert plus à l’assiégeant qu’aux assiégés, puisqu’il crée des points morts impossibles à défendre sans mâchicoulis ou hourds (cf. Fig. 19). Enfin, les portes s’adaptent aux nouvelles techniques de guerre : leur grande surface sert comme lieu de stockage de matériel militaire qui devait être abondant, surtout dans les capitales. Leur accès en profondeur retarde l’avancée des assiégeants tandis que les éléments en métal plaqués sur le bois des entrées empêchent la diffusion rapide du feu 59. Les dimensions des murailles, des portes et des tours ne s’expliquent pourtant pas qu’avec des facteurs militaires. Le prouve le fait que les villes non capitales ne témoignent pas de cette augmentation de l’épaisseur de l’enceinte, des tours et des portes. Une autre preuve est le fait que certaines transformations architecturales néo-assyriennes sont plus favorables à l’ennemi qu’aux Assyriens, comme l’allongement des tours, leur forme rectangulaire 60, leur grande distance et la position non défendue du site de Khorsabad. La concentration des innovations architecturales dans les capitales n’est pas, enfin, seulement due à une plus grande capacité d’innovation du centre du pouvoir par rapport à la périphérie plus conservatrice. Ce gigantisme des dimensions des défenses (Fig. 21) et cette concentration d’innovations dans les capitales s’expliquent par une certaine forme de propagande tendant à montrer à l’étranger comme à l’Assyrien la puissance des rois assyriens, leur pouvoir économique et en dernier ressort la bienveillance divine. 3. CONCLUSIONS Les défenses néo-assyriennes n’ont pas été construites partout de la même manière : les villes capitales concentrent le plus grand effort en monumentalité et en coût de construction, ce que confirme la présence de nombreux éléments qui sont pris en considération par les architectes au moment de la construction 61. Leurs murailles sont excessivement épaisses, les portes sont monumentales, et les deux présentent des éléments décoratifs qui n’ont aucune fonctionnalité militaire. Et pour être efficaces, ces défenses devaient exiger un nombre important de soldats, ce qui représentait un coût important à ajouter au prix déjà impressionnant de la construction. Les villes secondaires présentent des enceintes plus fonctionnelles : le mur est d’épaisseur plus

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En revanche, du point de vue stratégique le choix de construction de Khorsabad est absurde : la ville est la plus septentrionale, construite dans une plaine, sans eau, ni fossé, ni autre zone humide, sans protections naturelles (la présence d’une zone humide rend souvent plus difficile l’accès à une ville de la plaine : Château 1996, p. 71). Elle est très grande et très difficile à défendre. Le cas de Khorsabad est une exception qui trouve probablement une explication dans la propagande dont Sargon a voulu doter cette ville. Après les jugements hâtifs de Yadin (1963) qui pourtant ont fait prendre conscience de l’importance du rapport armes/ constructions, après les critiques à Yadin (par ex. Kempinski, dans Kempinski & Reich 1992, p. 265-269), on commence à avoir quelques études ponctuelles sur les changements architecturaux en rapport aux changements d’armes ou des tactiques (voir par ex. Ober 1992). D’ailleurs, même les armées étaient capables de s’adapter aux différentes circonstances et aux différents lieux de combat (Scurlock 1997). Adam 1982, p. 19. La pierre éclate sous l’action des coups violents. Portes de Balawat (Schachner 2007) : les parties en bronze ne servent pas seulement pour décor, mais aussi pour renforcer la structure et c’est cette partie qui ne brûle pas en cas d’attaque. Kempinski 1992, p. 72 ; Keeley et al. 2007, p. 69-70. Cf. Kempinski, in Kempinski & Reich 1992, p. 265-274.

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réduite, donc moins coûteux en termes de construction, les tours sont plus rapprochées, le nombre des portes plus limité. Ce sont pourtant des principes canoniques d’architecture militaires qui ont dicté la construction des défenses, tant dans les villes secondaires que dans les capitales. D’ailleurs, leur but principal est l’établissement d’un obstacle contre d’éventuelles attaques venues de l’extérieur. Si les défenses des villes non capitales restent plus conservatrices, celles des capitales subissent par contre des modifications dont certaines peuvent être mises en relation avec les changements des armes et des instruments de siège. Ainsi, l’épaisseur du mur constitue une protection contre la sape et les béliers, les portes deviennent plus grandes pour stocker du matériel plus lourd. Mais d’autres changements ne sont pas explicables en termes militaires et vont à l’encontre d’une meilleure protection des capitales (tours rectangulaires, allongement de la courtine, importance de la garnison pour une seule ville, etc.). Malgré leur masse, elles n’ont pas pu empêcher le pire, ce qui témoigne de leur faiblesse. Car ces fortifications restent ancrées à l’idée que la défense du territoire coïncide avec celle de la ville 62. Cette conception explique l’importance des sièges dans l’histoire militaire proche-orientale : conquérir une ville c’était donc conquérir son territoire et c’était économiquement rentable. Si la ville était la capitale, alors la conquérir équivalait à conquérir l’empire. Et c’est au fond ce qui s’est passé pour l’empire néo-assyrien 63.

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Voir à ce propos les observations de Francis Joannès dans ce volume concernant les déplacements des armées babyloniennes qui ne sont pas repérées par les néo-assyriens car ceux-ci étaient retranchés dans leurs villes. Sur la fin de l’empire néo-assyrien, voir l’article de Francis Joannès dans ce même volume.

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198

Figure 1 : Bas –relief de Tiglat-phalasar III (d’après Barnett & Falkner, Sculptures of Assur-nasir-apli II, Tiglath-pileser III, London, 1962, pl. 34)

Figure 2 : Scène de siège de Sargon II (d’après Albenda, Le palais de Sargon, Paris, 1986, pl. 138)

199

Figure 3 : Siège avec bélier (d’après Barnett & Falkner Sculptures of Assur-nasir-apli II Tiglath-pileser III, London, 1962, 1962, pl. 39)

Figure 4 : Siège avec échelle (d’après Barnett & Falkner, Sculptures of Assur-nasir-apli II, Tiglath-pileser III, London 1962, pl. 61)

Figure 5 : campement militaire. Bas –relief de Tiglat-phalasar III (d’après Barnett & Falkner Sculptures of Assurnasir-apli II Tiglath-pileser III, London, 1962, 1962, pl. 60)

200

Figure 6 : Déportation. Bas –relief de Tiglat-phalasar III (d’après Barnett & Falkner Sculptures of Assur-nasir-apli II, Tiglath-pileser III, London, 19621962, pl. 4)

Figure 7 : Combat avec arcs et lances. Bas–relief de Sargon II (d’après Albenda, Le palais de Sargon, Paris, 1986, pl. 136)

Figure 8 : Bas –relief de Sennacherib. Frondeurs (d’après Curtis & Reade, Art and Empire, London, 1996, fig. 16)

201

Figure 9 : Bas –relief de Sennacherib, prise de Lachish (d’après Barnett, Bleibtreu & Turner Sculptures from the Southwest Palace, London,1998, pl. 151A)

Figure 11 : Détail des fortifications d’Assur (d’après Andrae, Die Festungswerke, Leipzig, 1913, Pl. 3)

Figure 10 : Arbèles (d’après SAA 3, fig. 6)

Figure 12 : Exemple d’enceinte régulière Plan schématique de Nimrud (d’après Lloyd, The Archaeology of Mesopotamia, London, 1978, pl. 139)

202

Figure 13 : Importance des tours. Enceinte d’Assur (d’après Andrae, Die Festungswerke, Leipzig, 1913, p. 99)

Figure 14 : Porte Shamash de Ninive (d’après Sumer 23, pl. 7)

203

Figure 15 : Exemple de fortification des villes secondaires, Baigan (d’après M. Gawlikowski, « Bijan in the Euphrates », Sumer 42, 1986, fig. 1)

Figure 16 : Combattants dur deux lignes défensives (d’après Chatelain, Châteaux forts, Paris, 1996, fig. 55)

Figure 18 : Forme rectangulaire créant des nombreux points morts (d’après Chatelain, Châteaux forts, Paris, 1996, fig. 60)

204

Figure 17 : Points morts du mur et des tours (d’après Chatelain, Châteaux forts, Paris, 1996, fig. 57)

Figure 19 : Tours commandant la courtine (d’après Barnett & Falkner Sculptures of Assur-nasir-apli II, Tiglath-pileser III, London, 1962, pl. 42)

Figure 20 : Possibilités de défense de la courtine par les soldats se trouvant sur une tour (d’après Chatelain, Châteaux forts, Paris, 1996, fig. 58)

Figure 21 ; Exemple des aspects symboliques des fortifications, Dur Sharrukin (d’après Battini, « Les portes urbaines de Sargon II », CRRA 43, 1998, fig. 7)

205

206

LA STRATÉGIE DES ROIS NÉO-BABYLONIENS CONTRE L'ASSYRIE, DE 616 À 606 AV. J.-C. Francis JOANNÈS*

RÉSUMÉ : En reprenant l’analyse des événements qui conduisirent à partir de 616 av. J.-C. à la chute de l'empire néo-assyrien, on constate que le rôle joué par les Mèdes fut limité à la prise et au pillage des grandes capitales assyriennes. L'empire lui-même tomba grâce à une habile guerre d’usure développée par le roi néo-babylonien Nabopolassar pour compenser la modestie de ses propres effectifs et de ses ressources. La guerre se développa en trois étapes, avec un premier assaut improductif en 616, suivi d’une phase de lutte plus ciblée jusqu'en 612, au cours de laquelle Nabopolassar chercha en particulier à couper l’Assyrie de ses territoires occidentaux et à détruire ses principaux points d'appui. L'affaiblissement de l’Assyrie pendant cette phase permit à la Babylonie de gagner de nouvelles ressources; la seconde étape fut marquée par l'occupation systématique des territoires de l'est et par la destruction en 610 de Harran, la dernière capitale assyrienne à l'ouest; enfin la troisième phase, de 607 à 605 fut concentrée sur la partie occidentale de l’empire avec la conquête de la région syro-palestinienne et le refoulement des Egyptiens, dont les rois néo-assyriens avaient fait leur dernier allié. Les Mèdes, qui avaient aidé Nabopolassar à détruire l’empire assyrien ne semblent pas avoir envisagé pour eux-mêmes de véritable implantation territoriale, sauf en Anatolie, où les territoires urartéens et mannéens semblent être passés sous leur coupe dès le début du 6ème siècle. ABSTRACT : A new look on the events that led to the downfall of the neo-Assyrian empire from 616 B.C. on, shows that the role played by the Medes was limited to the capture and plunder of the great Assyrian capitals. The fall of the empire itself was the result of a war of attrition developed by the Neo-Babylonian king Nabopolassar to compensate for the modesty of his own army and resources. The war took place in three stages: first an unproductive assault in 616, followed by a more focused fight until 612 during which Nabopolassar sought in particular to cut off old Assyria from its western territories and to destroy its bases of support. The weakening of Assyria during this phase enabled Babylonia to gain new resources. The second stage was marked by a systematic occupation of the eastern territories and the destruction in 610 of Harran, the last Assyrian capital to the west. Finally, the third phase, from 607 to 605 occurred at the western part of the empire with the conquest of the Syro-Palestinian region. The Egyptians, the last ally of the neo-Assyrian kings, were pushed away. The Medes, who had helped Nabopolassar destroy the Assyrian empire, did not seem intent on a real territorial implantation, except in Anatolia where Urartian and Mannean territories seem to fallen to the Medes in the early 6th century. MOTS-CLÉS : empire néo-assyrien, empire néo-babylonien, Mèdes, Egypte, Assur, Ninive, Nimrud, Harran, Samosate, Euphrate, Tigre, Balih, Suhu, Arrapha, Syrie, Palestine, Phénicie, Karkemish, Juda, Nabopolassar, Nabuchodonozor, Assur-uballit, Sin-shar-ishkun. KEY WORDS : Neo-Assyrian empire, Neo-Babylonian empire, Medes, Egypt, Assur, Niniveh, Nimrud, Harran, Samosata, Euphrates, Tigris, Balikh, Suhu, Arrapha, Syria, Palestine, Phoenicia, Karkemish, Judah, Nabopolassar, Nebuchadnezzar, Assur-uballit, Sin-shar-ishkun. La guerre opposant Babylonie et Assyrie, qui s'est conclue par l'anéantissement de l'empire assyrien et la mise en place de l'empire néo-babylonien, a duré plus de dix ans. Son début nous reste inconnu, puisqu'en 616, date documentée par la Chronique n°3 de Grayson 1975 1, les hostilités sont déjà

* 1 .

Université Paris I Panthéon-Sorbonne et UMR 7041 ArScAn, Nanterre. Grayson 1975.

207

en cours. Sa fin peut être située en 604 ou en 601 lorsque la limite sud de l'empire néo-babylonien est fixée à Gaza. Après cette date, les opérations militaires de Nabuchodonosor II peuvent être considérées comme des opérations intérieures, avec les sièges de Jérusalem et de Tyr, mais ne comportent plus d'affrontement majeur avec un État étranger. Dans le second tome dévolu au Proche-Orient asiatique dans la collection Nouvelle Clio: Les empires mésopotamiens, Israël (seconde édition de 1997, avec A. Lemaire), P. Garelli revient, à deux reprises sur la chute de l'Assyrie, en écrivant : « La brusque disparition de ce formidable Empire a souvent paru une énigme et presque un scandale historique » 2. Il développe en particulier l'idée d'un épuisement progressif et réciproque des Assyriens et des Babyloniens : « Visiblement les deux adversaires étaient épuisés et ils restèrent sans réaction lors de l'attaque de Cyaxare (le Mède) en 614. » 3. Comme beaucoup d'auteurs, P. Garelli considère donc que le rôle des Mèdes fut prépondérant et emporta la décision, permettant à un roi de Babylone au bord de l'effondrement de se rétablir et de récupérer les ruines de l'empire assyrien 4. En 625, le roi mède Phraortès avait péri dans une première attaque contre l'intérieur de l'Assyrie 5. Selon Reade 2003, il avait pu être « recruté » dès cette époque par Nabopolassar, à l'image d'accords antérieurs passés entre Babyloniens et Élamites pour résister aux Assyriens. En tout état de cause, de 624 à 617, on ne sait rien des relations entre Mèdes et Assyriens. Cependant, malgré cette insistance générale sur le rôle des Mèdes, il semble qu'une vision plus équilibrée de la part prise par les Babyloniens dans ce conflit soit également possible, pour plusieurs raisons 6. Il semble d'abord qu'on ne tienne souvent pas assez compte du fait que, tandis que l'Assyrie plongeait, la Babylonie émergeait : les opérations de restauration de Nabopolassar dans son royaume, marquées par de grandes constructions dont celles de Babylone sont les plus spectaculaires 7, mais aussi marquées par des interventions dans le culte et dans l'organisation économique des sanctuaires babyloniens sont contemporaines des opérations militaires contre l'Assyrie. Si la guerre a duré si longtemps, ce n'est donc pas parce que Nabopolassar manquait de ressources, mais plutôt parce qu'il a procédé lentement, de manière méthodique, selon une stratégie personnelle. Cette vision des choses est d'ailleurs déjà présente dans la synthèse historique de W. Röllig, en marge de la publication des tablettes trouvées à Dnjr-Katlimmu et qui suivaient un formulaire assyrien tout en ayant adopté le système de datation babylonien 8. W. Röllig datait de 612 le grand basculement de la partie orientale de l'empire assyrien avec la destruction de Ninive et la mainmise sur tous les territoires à l'est du Habur. Mais il remarquait que dès 616 avait eu lieu une campagne militaire babylonienne contre le pays de Snjপu, qu'il voyait comme un mouvement tournant visant à pénétrer en Assyrie par l'ouest. La relecture des textes peut déboucher sur d'autres propositions, mais il demeure que cette vision des choses témoigne d'un plan précis et déterminé de la part de Nabopolassar. Ainsi, et en s'appuyant principalement sur les chroniques babyloniennes qui restent une source incomparable – mais évidemment partiale – de renseignements, on peut « revisiter » cette guerre assyrobabylonienne en développant deux séries de remarques : d'abord sur les moyens mis en œuvre et le rythme suivi entre 616 et 605, puis sur la stratégie adoptée et les buts de guerre de Nabopolassar et de Nabuchodonosor II.

2

. . 4 . 5 . 6 . 3

7

.

8

.

Garelli & Lemaire 1997, p. 123 et p. 227, cf. Fig.1. Garelli & Lemaire 1997, p. 125. Cf. également Zawadski 1988. La véracité de l'opération n'est pas absolument assurée (Reade 2003, p. 151). Pour une vision plus radicale des choses, supposant une chronique « expurgée » qui minimise volontairement le rôle des Mèdes, vu comme décisif, cf. Zawadski 1988, p. 120sq. Wiseman 1985 date des environs de 620, le début de la reconstruction de l'Esagil à Babylone. D'après Berger 1973, p. 103, datent du règne de Nabopolassar à Babylone : les murailles, le quai de l'Euphrate, l'Egidriduntilla de Ninurta, l'Etemenanki de Marduk ; à Sippar, l'E-edinna de Šarrat Sippar et des travaux sur l'Euphrate ; à Borsippa, les fondations du mur de la ville ; à Kiš, des travaux dans les temples de Zababa et de Baba. Röllig 1993.

208

1. RYTHME DE LA GUERRE ET MOYENS MIS EN ŒUVRE 1.1. Aspects généraux Tableau récapitulatif année

roi

616

Nbp 10

615 614 613 612 611 610 609

Nbp 11 Nbp 12 Nbp 13 Nbp 14 Nbp 15 Nbp 16 Nbp 17

608 607

Nbp 18 Nbp 19

606 605

Nbp 20 Nbp 21 = Nbk 0 Nbk 1

604

mois de début 1) ii 2) xii ii v ii [ii] iv ii iv

durée de la campagne objectif principal militaire cinq mois moyen Euphrate un mois (?) Arrapha (Madânu) environ deux mois (?) Aššur (échec). Siège de Tikrit. environ trois mois Aššur (prise) environ deux mois Snjপu environ six mois Ninive (prise) – haut Habur environ six mois Assyrie – RuggulƯtu six à sept mois Assyrie - HarrƗn durée indéterminée HarrƗn – Izalla (deux mois ?) vi trois ou quatre mois haut Tigre/Urartu 1) iii trois mois haut Tigre (?) 2) vii cinq mois haut Euphrate vii cinq mois haut Euphrate (?) 1) ii trois ou quatre mois Karkemiš – Hamat 2) vii(?) cinq (?) mois Syrie iii six à sept mois Ascalon

aide mède attestée

oui oui oui oui

Ce tableau présente un certain nombre de faits caractéristiques sur la manière dont la guerre a été menée contre les Assyriens : les Babyloniens ont procédé généralement par campagnes annuelles uniques, soit courtes (de deux à trois mois), soit plus longues (de cinq à six mois). Les campagnes longues correspondent aux « pics » de la guerre assyro-babylonienne : le premier assaut de 616, les années décisives d'élimination de la partie orientale de l'empire assyrien (612-610), les années décisives de réduction du bloc occidental (607-605). Dans un premier temps, les phases d'occupation du territoire conquis sont rares. À la fin de la campagne, on indique que « le roi de Babylone rentra chez lui » . On observe ainsi que le roi passe au moins la moitié de l'année, très souvent celle qui correspond aux activités agricoles, dans sa capitale. On trouve deux occurrences, en 616 et en 607, où deux campagnes militaires ont été menées au cours d'une seule année. La première occurrence peut s'interpréter soit comme deux essais successifs de pénétration en Assyrie : d'abord par l'ouest (Snjপu) puis par l'est (Arrapha), soit plutôt comme deux campagnes défensives contre des tentatives assyriennes, l'une venue des régions occidentales et associant des Assyriens, des Mannéens, des Égyptiens 9, l'autre venue du bloc oriental de l'empire 10. Quelle que soit la solution retenue, on constate que, dès cette date assez haute (616), les Assyriens avaient conclu une alliance avec l'Égypte. Ainsi, il apparaît que ces Égyptiens étaient déjà sur place, en Syrie occidentale et 9

.

10

.

Grayson 1975, Chronique 3 : « Le 12 du mois d'Abu ( 24 Juillet 616), il (Nabopolassar) livra bataille à l'armée d'Assyrie et l'armée d'Assyrie battit en retraite devant lui. Il leur infligea une énorme défaite et les pilla. Il fit prisonnier des Mannéens qui étaient venus à l'aide des Assyriens et des officiers assyriens » ; et un peu plus loin : « Au mois de TašrƯtu (octobre 616), l'armée d'Égypte et l'armée d'Assyrie marchèrent contre le roi d'Akkad jusqu'à GablƯni, mais ils ne purent l'emporter sur lui. Ils durent faire retraite » . Grayson 1975, Chronique 3 : « Au mois d'Addaru (mars 615), l'armée d'Assyrie et l'armée d'Akkad se livrèrent bataille à Madânu, dans les environs d'Arrapha, et l'armée d'Assyrie dut se retirer devant l'armée d'Akkad. L'armée d'Akkad infligea une énorme défaite à l'armée assyrienne et la força à se retirer jusqu'au Zab » .

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que leur aide militaire aux Assyriens résulte d'un accord antérieur à l'automne 616, au plus tard conclu pendant l'été, après la première défaite assyrienne 11. Il convient donc de reprendre en détail le déroulement des événements de 616, puis de ceux des années suivantes. 1.2. Les événements Ce qui s'est passé cette année là est particulièrement important : en avril-mai 616, Nabopolassar monte de Babylonie vers le pays de Snjপu, où il est bien accueilli, puis jusqu'à HindƗnu. Il reste apparemment sur place pendant deux mois, et, le 24 juillet, a lieu une bataille à GablƯni où les Assyriens sont vaincus. Il ne s'agissait pas forcément d'un gros contingent, et ces troupes ne sont pas désignées comme « l'armée royale » . Depuis GablƯni, Nabopolassar victorieux poursuit, en remontant l'Euphrate, vers ManƝ, SaপƯru, BalƯপu. Puis en août-septembre, il fait demi-tour et ramène son butin à Babylone. Sur ses arrières, un contingent assyro-égyptien le poursuit jusqu'à GablƯni et réoccupe le terrain perdu. Plusieurs auteurs 12 considèrent que la présence d'un contingent égyptien aux côtés des Assyriens est la preuve que le pharaon Psammétique avait profité de la grave faiblesse de la présence assyrienne dans l'ouest depuis 625 pour étendre sa zone de domination et remonter de manière progressive vers le nord, le long de la côte levantine. En 616, le pharaon se sentait suffisamment fort pour préférer s'allier à une Assyrie durablement affaiblie plutôt qu'à une Babylonie en expansion. Ce soutien égyptien fut cependant momentané et ne se répéta que six ans après, au moment de la chute de Ninive. On constate en tout cas qu'en 616 Nabopolassar peut remonter l'Euphrate puis le Balih jusqu'aux environs du pays de HarrƗn, mais que 3 ans plus tard, en 613, même après avoir pris Aššur, il a perdu le contrôle des pays d'Anat et de HindƗnu. Il y avait donc une menace constante sur son flanc occidental qui l'empêchait de s'aventurer trop au nord. Au mois d'avril-mai 615, Nabopolassar est sous les murs d'Aššur. Il essaye de prendre la ville en mai-juin, mais échoue et doit se retirer devant l'arrivée d'une armée assyrienne. Il fait retraite jusqu'à Takrit où il s'enferme. Il y est attaqué pendant 10 jours consécutifs par Sîn-šar-iškun, mais l'assaut se termine en déroute pour les Assyriens, ce qui permet à Nabopolassar de rentrer sain et sauf en Babylonie. Puis, à la fin de l'automne (novembre 615), les Mèdes se manifestent près d'Arrapha. À partir de ce moment, les communications internes en pays assyrien sont coupées : chaque responsable local se renferme derrière les murs de ses forteresses. À l'été 614, les Mèdes descendent contre Ninive, la contournent, prennent et détruisent (?) TarbƯৢu, où ils franchissent probablement le Tigre. Ils descendent alors le long du fleuve jusqu'à Aššur, qu'ils viennent assiéger. Cela signifie que lorsqu'ils sont passés devant Ninive puis devant Kalhu, personne n'a été en mesure de leur barrer la route : les troupes assyriennes sont restées enfermées dans les villes fortifiées. À la fin de cet été 614, l'assaut est lancé contre Aššur et la ville est prise. Cependant, malgré un probable plan concerté, les Babyloniens ne sont pas arrivés assez vite pour se joindre aux Mèdes. Car le texte VS 6 202 daté de la fin du mois d'Abu (juillet-août) indique que les oblats fournis par les autorités de Nippur (?) pour rejoindre l'armée royale ne quittent la ville que le 29 13. Ils sont donc arrivés au mieux dans le courant du mois suivant aux environs d'Aššur. Il est probable que l'assaut mède a surpris tous les belligérants. En tout cas, à l'automne, le sort d'Aššur était consommé et tout le monde était « reparti pour son pays » : il n'y a donc pas eu d'occupation de territoire par les Babyloniens.

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Reade 2003, p. 152 reprend la question de l'intervention égyptienne en Palestine, et conclut, avec Na’aman, qu'elle a dû se produire en raison des graves troubles politiques intervenus chez les Assyriens aux environs de 625, dont témoigne la Chronique 2 de Grayson 1975. En particulier Lipschits, 2005, p. 16-17, qui renvoie à la bibliographie antérieure. L'effondrement assyrien à l'ouest reste cependant une hypothèse, et HarrƗn semble avoir joué le rôle de capitale occidentale de l'empire jusqu'à sa destruction en 610. Pour l'attribution à Nippur plutôt que Sippar, cf. Jursa 2003, p. 173 n. 28. Cf ci-dessous n. 34.

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En avril/mai 613, une « rébellion » du pays de Snjপu oblige Nabopolassar à intervenir contre la ville de RahƯ-ilu 14 (11 mai 613). À la fin mai, il fait le siège d'Anat et s'en empare, mais une contreattaque assyrienne l'oblige à se retirer. En 612, probablement en avril-mai, les deux armées babylonienne et mède se rencontrent et font leur jonction ; elles remontent le Tigre, et, en mai/juin, mettent le siège devant Ninive. La ville est assiégée pendant trois mois (probablement les trois mois d'été : juin-juillet-août), et les assaillants s'en emparent au mois d'août, après avoir profité de la faiblesse de certaines portes de l'immense enceinte 15. Sîn-šar-iškun meurt dans la prise de la ville. Celle-ci est pillée et détruite. Le 14 septembre 612 16, les Mèdes retournent chez eux. Les Babyloniens lancent des expéditions contre la haute Mésopotamie : NaৢibƯna, puis la province de Ruৢappu/Rasappa, qui leur donne la maîtrise sur le Habur et le moyen Euphrate. Au début du mois d'octobre, le dernier roi d'Assyrie, Aššur-uballi৬ II est intronisé à HarrƗn, et les Babyloniens rentrent chez eux : il n'y toujours pas d'occupation du territoire assyrien. En juin-juillet 611, Nabopolassar retourne avec son armée en Assyrie : il prend et pille un certain nombre de villes secondaires. Il est probable que l'été se passe à nettoyer les dernières poches de résistance en Assyrie et c'est au mois d'Arahšamnu seulement – soit octobre-novembre : à la fin de l'automne – que Nabopolassar s'avance jusqu'à RuggulƯtu 17. Il s'en empare à la mi-novembre et la détruit. Toute la partie orientale de l'empire assyrien a désormais disparu. L'année 610 est l'année décisive : en mai-juin 610, a lieu une nouvelle campagne de nettoyage en Assyrie, qui dure 5 mois, depuis juin jusqu'à novembre. En novembre, Nabopolassar reçoit l'appui des Mèdes et marche sur HarrƗn : Aššur-uballi৬ II est forcé de se retirer derrière l'Euphrate avec un corps d'armée égyptien, sans doute une partie de ce que le pharaon Psammétique avait conduit en SyriePalestine. HarrƗn est prise et détruite. Nabopolassar retourne ensuite à Babylone mais son armée reste sur place à HarrƗn 18. Toute la Ciseuphratène est occupée par les Babyloniens. Les Mèdes, après avoir participé au sac de HarrƗn, rentrent chez eux. L'année 610 voit aussi la mort du pharaon Psammétique en juillet ou en août 19, et l'accès au trône de Néchao. Celui-ci prend la tête d'une armée qu'il emmène à l'aide d'Aššur-uballi৬ II. C'est au cours de cette marche vers le nord qu'il fait tuer le roi de Juda, Josias, à Megiddo 20. Au début de l'été 609, Aššur-uballi৬ II, assisté des Égyptiens, lance une contre-attaque contre HarrƗn, marquée par l'établissement d'un camp et une série d'assauts contre la ville jusqu'en aoûtseptembre. La garnison de HarrƗn résiste victorieusement. À partir de ce moment, on n'entend plus parler d'Aššur-uballi৬ II : soit il a été tué devant HarrƗn, soit il a été évincé par Nechao. Pendant le siège de HarrƗn, à l'été 609, Nabopolassar est monté de Babylone avec des troupes ; mais il s'arrête en haute Mésopotamie 21 et nettoie les places-fortes du ৫ur-Abdin. Les Mèdes, de leur côté, mènent une campagne en Urartu. Une partie de l'Anatolie était donc encore sous souveraineté

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Le site de RahƯ-ilu (équivalent paléo-babylonien : Dunni-Rahîlim) est une île sur l'Euphrate à proximité de Hanat selon Charpin 1997, p. 362 n° 10. Stronach 1997, p. 319-322, considère que ce facteur fut plus important que la manipulation (hypothétique) des eaux du Tigre et du Khosr, mais la question reste disputée. Le 20 Ulnjlu d'après Grayson 1975, Chronique 3. Reade 2003 p. 153 la situe au sud de HarrƗn, en tant que partie du Bit AdƯni. Lipinski 2000, s'appuyant sur les mêmes données, et d'autres plus tardives, la place à Urfa/Edesse. Lipschits 2005, p. 19 : « In the month of Addaru (March 609 B. C. E.), Nabopolassar was able to return to Babylon, leaving a garrison in HarrƗn and in other cities along the Baliপ and the Euphrates » . Lipschits 2005, p. 19-20 Sur les buts de guerre du pharaon et l'établissement du protectorat égyptien sur la Palestine depuis le règne de Psammétique, cf. Lipschits 2005 p. 20-29 et 32-35. En Izalla/Azalla, qui correspond peu ou prou au Hanigalbat des sources assyriennes.

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assyrienne nominale (c'est-à-dire, concrètement, que la plupart de ces régions avaient repris leur autonomie). Il ne semble pas que Nabopolassar ait eu besoin de pousser jusqu'à HarrƗn. Le schéma politique international qui s'impose peu à peu est donc celui d'un partage de l'ancien empire assyrien entre Babyloniens et Égyptiens. Chacun d'eux est pour le moment maître d'une portion de cet empire : les Babyloniens jusqu'au Balih, les Égyptiens jusqu'à la Phénicie. Le sort de la Syrie du nordouest n'est pas encore réglé à la fin de 609, la question qui se pose étant de savoir si l'Euphrate servira de ligne-frontière. On constate que les Mèdes ne sont apparemment pas concernés par ce partage. Pendant quatre ans, un statu quo s'établit entre Égyptiens et Babyloniens, de part et d'autre de l'Euphrate. On pourrait croire qu'il n'existe plus, désormais, aucune autorité assyrienne constituée. Pourtant, on constate qu'entre août-septembre 608 et novembre-décembre 607, plusieurs campagnes militaires sont menées par les Babyloniens dans la zone montagneuse au nord de HarrƗn, et l'on peut penser que c'est là qu'ont dû essayer de se regrouper les derniers restes de l'empire assyrien 22. Il est possible, ainsi, que Kummuh/Samosate ait été le dernier lieu de pouvoir assyrien. On serait donc ici dans la phase ultime d'élimination, ce qui ne signifie pas la fin de la guerre, car il restait encore à régler le sort de la Transeuphratène, devenue protectorat égyptien. Dès le printemps de l'année suivante en effet, une armée égyptienne vient mettre le siège devant Kummuh/Samosate et s'en empare après quatre mois de siège. À l'automne, Nabuchodonosor II mène une contre-offensive qui lui assure une tête de pont sur l'Euphrate 23: mais celle-ci reste fragile puisqu'au tout début de l'année 605, la garnison égyptienne de Karkemiš chasse la garnison babylonienne de QurƗmatu 24. Au printemps 605, Nabuchodonosor infligea aux Égyptiens de Karkemiš une défaite majeure ; il les repoussa jusqu'à Hamat où il les anéantit. Mais, apprenant la mort de Nabopolassar il dut cesser sa campagne en plein mois d'août pour rentrer à Babylone où il fut reconnu roi le 6 septembre 605. En deux ans (604-603), le roi de Babylone fit ensuite passer sous son autorité la plus grande part du Levant. La chronique babylonienne rapporte comment il vint chaque année recevoir le tribut des territoires de l'ouest 25, et faire reconnaître son autorité, qui se substitue à celle des Égyptiens, par Damas, Sidon, Tyr et Jérusalem. La ville d'Ascalon, qui résistait, fut prise et détruite. Cependant la tentative de conquête de l'Égypte elle-même menée en décembre 601 échoua, et provoqua jusqu'en 598 une remise en question de la tutelle babylonienne dans les territoires de Syrie-Palestine 26. 22

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D'après la chronique Grayson 1975, n° 3, les opérations militaires babyloniennes se déroulèrent le long du haut Tigre à la fin de l'été 608 : les montagnes de Bit-Hanunya, « dans le district d'Urartu » , puis à la fin du printemps 607 vers les montagnes de Za[……], que Wiseman 1985, p. 13 comprend comme une désignation du pays de Zamua ; Reade p. 154 propose kur za-ࡈtu-riଣ, équivalent de la ville de Zaduri citée en relation avec le Šubria au début du IXe s. av. J.-C., au nord du Tigre. Pendant l'été 607, le prince-héritier Nabuchodonosor attaque et prend BiranƗti, « dans les montagnes » , et s'empare de « toute la zone des montagnes jusqu'à l'Urartu » . La dernière opération est l'assaut lancé, à l'hiver 607, contre la ville de Kummuh (= Samosate, écrite Kimuhu dans la chronique babylonienne), sur le haut Euphrate. Sans qu'on sache très bien où situer les villes mentionnées à cette occasion: QurƗmatu, Šunadiri, Elammu et Dahammu. Une partie des gens de QurƗmatu a peut-être ensuite été transplantée dans la région de Nippur, s'il faut y rattacher les mentions de BE 8, 25 : 19 (uru šá lú qu-ra-ma-tu-u-a) et de l'inédit Ni 3149 : 12 (uru qu-ramat) On trouve un exposé détaillé des événements dans Lipschits 2005, p. 32-35, qui situe cependant Kimuhu au sud de Karkemiš, sur l'Euphrate, sans l'identifier à Kummuhu/Samosate. Grayson 1975, Chronique 5 « Pendant son année inaugurale, Nabuchodonosor retourna au pays de Hatti, et il fit campagne victorieusement dans le pays de Hatti jusqu'au mois de ŠabƗtu (janvier/février 604) » . Un contrat de reconnaissance de dette d'argent a été rédigé le 23 ŠabƗtu de l'année inaugurale de Nabuchodonosor II : une somme de 100 sicles d'argent est due par 4 individus porteurs de noms babyloniens à un dénommé ৡillaia; l'argent est à rendre dans un délai d'un mois, sous peine d'un intérêt moratoire de 5% par mois. Les témoins et le scribe portent également des noms babyloniens, et le scribe est peut-être l'un des débiteurs. L'acte a été rédigé à Karkemiš (uru gal-ga-míš). Quel que soit le contexte précis de ce contrat, la coïncidence de date avec la Chronique est à relever. Grayson 1975, Chronique 5 ; Lipschits 2005, p. 37-51.

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2. STRATÉGIE ET BUTS DE GUERRE 2.1. La stratégie des Babyloniens Le processus de conquête de l'Assyrie entre 616 et 606 s'est fait par des avancées successives analogues à celles par lesquelles les Assyriens avaient eux-mêmes, trois siècles auparavant, construit leur empire. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce processus était loin d'être fini lorsque Ninive tomba en 612. Après la chute de l'empire assyrien, tout le monde s'accorde désormais à considérer que l'Assyrie fut administrée par les Babyloniens : Curtis et Jursa 2003 citent des données textuelles montrant la présence de gouverneurs babyloniens à Aššur en 559 et à GuzƗna au début du règne de Nabuchodonosor II. On a trouvé par ailleurs des lettres en babylonien tardif à Tell Halaf 27, tandis que Dnjr-Katlimmu produisait des contrats en formulaire assyrien, mais datés du début du règne de Nabuchodonosor II. Le rythme suivi par Nabopolassar puis Nabuchodonosor II contre l'Assyrie est celui d'une occupation méthodique du territoire, et du regroupement régulier de leurs forces en vue de faire sauter des objectifs stratégiques : Aššur (614) – Ninive (612) – HarrƗn (610) – Kummuh (607) – Karkemiš (605). Cela signifie que les Babyloniens ne disposaient pas d'une supériorité numérique écrasante, et qu'ils devaient impérativement se trouver des alliés et des auxiliaires, ce qui fut fait principalement avec les Mèdes. Ceux-ci sont mentionnés en 615 (Arrapha) 28, en 614 (Aššur), en 612 (Ninive), en 610 (HarrƗn) en 609 (Urartu), c'est-à-dire lors des épisodes clés, marqués souvent par un assaut contre un centre majeur. Après 609, les Mèdes semblent agir de manière préférentielle en Anatolie orientale (Urartu), et de manière autonome. Mais on précise à chaque fois qu'ils « rentrent chez eux » , et les campagnes réalisées se traduisent essentiellement par une prise de butin. La destruction par le feu des sarcophages des rois assyriens dans les caveaux du vieux palais d'Aššur témoigne ainsi d'une recherche méthodique du moindre butin. Les nombreux ivoires abandonnés à Fort Salmanazar et dans le palais de Kalhu montrent que les meubles qui y étaient entreposés ont été dépecés et que leurs placages d'or ont été saisis 29. Le pillage a été brutal, mais sélectif. J. Reade 30 considère qu'il n'y eut que trois (peut-être quatre) interventions mèdes, qui se sont chaque fois traduites par la prise et le pillage d'une grande ville. Le but initial des Mèdes n'était donc pas d'établir un contrôle politique sur l'Assyrie : cela était réservé aux Babyloniens. Par contre, les Mèdes poussèrent leur avantage en Anatolie, et finirent par établir leur frontière au contact du royaume lydien. L'affrontement majeur entre Mèdes et Lydiens eut lieu le 28 mai 585, mais ils combattaient déjà les Lydiens quatre ans avant (589) : donc l'Urartu et le pays des Mannéens avaient été conquis avant 590. J. Reade 31 a également suggéré que Nabopolassar ait eu des Elamites comme alliés, en s'appuyant sur certaines mutilations sélectives opérées sur les reliefs de Ninive, qui auraient été le fait d'Élamites. La seconde obligation de Nabopolassar était de disposer, pour son armée, des plus gros effectifs possibles quand les objectifs étaient cruciaux. On ne dispose pas de renseignements très précis sur l'armée que mobilisa Nabopolassar : on voit cependant qu'il utilise en 613 des machines de guerre contre Anat. Le texte VS 6 202 32 illustre ce système : il est daté de l'an 12 d'un souverain qui est selon toute

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Dalley 1993, p. 137, 141. Reade 2003 : première trace selon lui d'un véritable accord Mèdes-Babyloniens. Reade 2003, p. 152 : la ville basse de Kalhu a pu tomber aux mains des Mèdes en 614, mais la ville haute résista jusqu'en 612. Curtis 2003 p. 160, suivant Oates, considère que dans la ville basse (dont Fort-Salmanazar) il y eut une première attaque en 614, une réoccupation temporaire avec quelques reconstructions et une seconde attaque, destructrice, en 612. Le « palais brûlé » le fut à ce moment là. Le palais du gouverneur fut reparé et occupé après 612. Reade 2003, p. 154. Reade 2003, ibidem. Ce texte proviendrait de Nippur, selon M. Jursa.

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vraisemblance Nabopolassar, car il évoque des opérations autour de la ville d'Aššur, et cette année là est justement celle de la prise de la ville. « Lorsque nous avons redonné les 10 mines d'argent qui avaient été attribuées pour le travail du temple de Ninurta, nous les avons affectées aux 300 oblats qui devaient aller à Aššur. 2 kur (± 360 litres) de sel, 2 kur de sahlu33, 1 pi (± 36 litres) d'huile leur ont été fournis. Le 27 Abu l'effectif supplémentaire est parti pour le camp royal ; le 29 Abu, les 300 oblats sont sortis sous la conduite de Zêrûtu pour aller au camp royal. Le 29 Abu, Mardukâ est arrivé devant le roi. Fait le 29 v de l'an 12 34. » . La comparaison avec la Chronique n°3 de Grayson montre qu'il s'agit probablement d'une levée d'urgence : des troupes supplémentaires ont été dirigées vers le camp de Nabopolassar, qui n'était pas encore arrivé à Aššur. Le point le plus important de VS 6 202 est cependant le déboursement lié à l'envoi des 300 oblats : 10 mines d'argent correspondent à 2 sicles pour chacun et pourraient représenter le coût de leur nourriture pendant la durée de la campagne 35. 2.2 Les buts de guerre On peut ainsi considérer que les entreprises du roi de Babylone ont été guidées par un véritable plan d'ensemble stratégique, qui s'est déroulé en trois étapes : — isoler l'Assyrie de la partie occidentale de l'empire et détruire le pôle oriental, avec les capitales palatiales — détruire l'autre pôle, occidental, de l'empire, à HarrƗn — mettre la main sur les possessions syro-palestiniennes L'ignorance où nous sommes des événements survenus entre 622 et 616 fait que nous ne savons pas si des assauts avaient déjà été menés par Nabopolassar contre l'Assyrie. Mais il semble avoir compris que l'un des moyens les plus efficaces d'affaiblir l'empire était de le priver de ses ressources occidentales. C'est peut-être à la recherche de ce but qu'il faut rattacher la campagne menée dans le pays de Snjপu et au delà en 616. L'itinéraire adopté apparaît en effet très audacieux. Selon la Chronique 3 de Grayson, Nabopolassar est passé par HindƗnu, puis GablƯni dont il s'est emparé avant de marcher vers ManƝ, SƗপƯru et BalƯপu. Lorsqu'il fait demi-tour le mois suivant (vi = août-septembre), il redescend vers la Babylonie, en repassant par HindƗnu. La contre-offensive assyro-égyptienne n'intervient qu'au mois mois vii (septembre-octobre), et, comme le note la chronique, ne peut évidemment pas rattraper Nabopolassar et s'arrête à hauteur de GablƯni avant de rebrousser chemin. Selon R. Zadok 36, il y a de fortes probabilités pour que GablƯni soit identique à la bourgade nommée Gabaleïn, citée dans la documentation de Doura-Europos, que l'on situe au confluent du Habur et de l'Euphrate. Les trois noms de localités qui suivent ne sont pas autrement attestés dans la documentation du Ier millénaire, à l'exception de BalƯhu, qu'il faudrait mettre, évidemment en relation avec la rivière homonyme, et dès lors identifier avec Tell SabƯ’-AbyƗd 37.

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La plante appelée sahlu est identifiée par le CAD S p. 62-64 comme du cresson, mais d'autres identifications sont possibles. 10 ma-na kù-babbar šá a-na dul-lu šá é dmaš, na-tan ki-i nu-ଢšahࡉ-hi-is-si, a-na 3 me lú ši-ra-ka, šá a-na uru bal-tilki, il-li-ku nit-ta-din 2 gur mun-há, 2 gur sah-le-e 1 pi ì-giš it-ti-’i, na-da-na-áš-šú-nu-tu, u4 27-kam šá iti izi, lú ‫ܒ‬e-pi a-na ma-dak-ti, it-ta-lak u4 29-kam šá iti izi, 3 me lú ši-ra-ka it-ti, Inumun-u-tu a-na ma-dak-ti, it-ta‫܈‬u-ú u4 29-kam šá iti izi !, Imar-duk-a la igi lugal i-te-er-bi, iti izi u4 29-kam mu 12-kam. Cela équivaudrait à 360 litres de céréales, soit une consommation individuelle de 2 à 3 mois. Zadok 1985, p. 135 GablƯni 2. Cf. cependant le scepticisme de M. Astour pour une expédition remontant aussi loin vers le nord (Astour 2002, p. 38) : « The duration of the expedition was too short for the Babylonian army to reach the headwaters of the

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La ville de ManƝ a été mise en relation avec le toponyme attesté dans les archives d'Ebla, qui servait, selon A. Archi et M.-G. Biga, de port à cette dernière sur l'Euphrate, au IIIe millénaire 38. Le report de ces localisation sur une carte documenterait donc une campagne menée par Nabopolassar le long du fleuve, entre les confluents Habur-Euphrate et Balih-Euphrate, puis en remontant le long du Balih, jusqu'à la ville homonyme, le tout en un peu plus de 15 jours. Le fait est remarquable et ne peut s'interpréter que comme une tentative pour frapper l'Assyrie dans sa capitale occidentale, la ville de HarrƗn, et l'isoler des ressources que pouvaient fournir les territoires occidentaux. Cependant cette tentative tourna court, et dès la fin de l'année, Nabopolassar essayait de pénétrer en Assyrie par les environs d'Arrapha. D'autres propositions ont été faites pour expliquer ce mouvement de l'armée babylonienne : comme on l'a vu plus haut, W. Röllig y discerne les prémices d'un mouvement tournant qui aurait permis à Nabopolassar de surgir par le flanc ouest sur les capitales du Tigre : mais comment comptait-il traverser le désert entre la région du Habur et Aššur ? Il est certain que la mainmise sur le Snjপu, qui représentait depuis plus d'un siècle la frontière fortifiée du pays d'Aššur 39, devait permettre d'intervenir rapidement pour couper les communications entre ouest et est de l'empire assyrien. Mais même ce dernier objectif fut remis en question par le mouvement de l'armée assyro-égyptienne à l'automne, qui vint réoccuper GablƯni C'est sans doute l'échec de cette audacieuse campagne éclair de l'été 616, avec la réaction violente d'un Sîn-šar-iškun aux abois, qui le bloqua l'année suivante dans Takrit, qui persuada Nabopolassar de procéder de manière plus mesurée, en occupant systématiquement le terrain et en détruisant les grandes capitales les unes après les autres. Une autre caractéristique de la méthode de guerre utilisée par le roi de Babylone est celle que l'on pourrait appeler des « stratégies emboîtées » : le premier résultat attendu des opérations militaires est un affaiblissement des Assyriens et la saisie de produits et de richesses qui sont réinvestis dans l'économie babylonienne : on remarque ainsi que, dans la documentation administrative néo-babylonienne un très grand nombre d'inventaires de troupeaux à Uruk 40 datent du règne de Nabopolassar et que la première « archive de l'Ebabbar » date du même règne 41. Dans le même temps le roi faisait reconstruire les murailles de Babylone, en utilisant les prisonniers faits pendant le conflit ; enfin la description dans les Chroniques babyloniennes de l'intervention des Mèdes témoigne du réel affaiblissement de l'Assyrie : la campagne assyrienne est dévastée et les ressources agricoles du pays ont du s'épuiser petit à petit. À partir de 615, on a donc affaire à une guerre d'usure, dont les profits ont été économiques avant d'être politiques. Ils ont permis aux Babyloniens de durer, avec des effectifs certainement pas très élevés, pendant une guerre de vingt ans. Une fois les capitales historiques de l'empire assyrien détruites, le terrain a été occupé militairement et politiquement, systématiquement nettoyé, et transformé en « marche-frontière » désurbanisée pour éviter la résurgence de l'État assyrien. Constatant, à partir de 616 que l'Assyrie ne s'effondrerait pas d'un coup, mais avait encore des ressource Nabopolassar adopta deux stratégies concordantes : se procurer du butin et des ressources par des assauts d'envergure restreinte, mais concentrés sur un objectif précis (Aššur, Ninive, HarrƗn), et procéder dès que la situation était assurée à une élimination de l'adversaire et à la conquête de ses territoires. Selon les années, Nabopolassar a mis l'accent sur l'une ou l'autre de ces stratégies. Il s'agissait, de toute façon, d'affaiblir le plus possible l'Assyrie, en l'empêchant de faire venir des ressources de l'ouest,

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BalƯপ River, where a homonymous city is attested in the Neo-Assyrian ঩arrƗn-Census ; the BalƯপu in question must have stood near the confluence of the BalƯপ with the Euphrates. » . Archi & Biga 2003. L'identification entre ma-né-e de la chronique et ManƝ des textes éblaïtes a été proposée par Astour 2002, p. 111-115. Cf. Clancier 2006. Il était possible aux Assyriens de surgir par le Snjপu contre le nord de la Babylonie, comme il l'avaient fait en mai-juin 625, en passant par Šapazzu, Šallat, Sippar. Selon Zawadski 1988, il s'agit de la région de Baৢ, une zone située entre Rapiqum et Hit. La série commence avec GC 2 37, daté de l'an 7 (619/8) de Nabopolassar : cf. Kennedy 1986, p. 185, sub T.7.6. Cf. Jursa 2005, p. 117-118 (Sippar) et p. 138 (Uruk).

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raison première de la campagne de 616 dans le pays de Snjপu. Le besoin de sécuriser cette zone conduisit d'ailleurs le roi de Babylone après la chute d'Aššur à consacrer la campagne de l'année suivante (avril/mai 613) non à une exploitation de l'avantage acquis et à une attaque contre Ninive, mais à une intervention dans le Snjপu, présenté comme « révolté » . On voit aussi que juste après la prise de Ninive le roi de Babylone envoya une expédition jusqu'à Naৢibîna, voulant éviter à tout prix un retour offensif d'une armée assyrienne. Selon J. Reade 42, la chute de Ninive permit aussi à Nabopolassar de mettre la main sur les ressources de haute Mésopotamie (Naৢibîna) et du sud-Sinjar (Raৢappa 43). Les opérations en 611 se seraient déroulées, selon J. Reade 44 aux alentours de GuzƗna, et dans deux lieux dont il pense qu'en dépit des difficultés de lecture, il pourrait s'agir de Tušhan et de Šinigiša : on serait donc à la frontière méridionale du Šubria. La destruction de l'empire assyrien se fit de manière progressive tant que les points d'appui principaux n'étaient pas tombés. Au fur et à mesure que les grandes capitales (Aššur, Kalhu, Ninive) disparaissaient, les régions assyriennes étaient « nettoyées » de manière à ne laisser aucune structure permettant la reconstitution d'un État. Il semble qu'un changement de but de guerre soit intervenu d'ailleurs à partir de 607-606 : le but initial de Nabopolassar était de se débarrasser des Assyriens et de créer une sorte de « no man's land » au nord de la Babylonie. Cette élimination est visible dans les opérations répétées en Assyrie pendant deux ans (611-610), celles dans le pays d'Izalla (609), celles sur le haut Tigre (608), celles sur Samsat et le haut Euphrate (607-606). Dans les anciennes capitales assyriennes, on note quelques traces de réoccupation après 612 mais les élites sociales et politiques y ont apparemment disparu 45. Mais à partir de 606, Nabuchodonosor II, fils et héritier de Nabopolassar a prolongé la guerre en se donnant comme mission de récupérer les possessions occidentales de l'empire, et de chasser les Égyptiens du Levant. Dès la victoire de Karkemiš d'ailleurs, il poussa jusqu'à Hamat, puis l'année suivante vers la Palestine. 3. CONCLUSIONS On retiendra de cette présentation rapide des événements quelques faits saillants : les Mèdes ne furent apparemment pas le moteur de la coalition ; leur intervention fut, certes, décisive, mais servit surtout à faire pencher le rapport des forces numériques en faveur du roi de Babylone et à ôter la possibilité de tout mouvement aux Assyriens en les obligeant à s'enfermer dans leurs forteresses. À la prise de chacune des grandes capitales, les Mèdes y procédèrent à un pillage en règle, mais ne transformèrent leur victoire en occupation de territoire qu'en Anatolie. Second point à noter : lorsqu'il s'attaqua aux Assyriens, Nabopolassar savait s'engager dans une entreprise de longue haleine ; il chercha donc à affaiblir de manière régulière et sur la longue durée son adversaire, sans s'interdire la recherche de coups directs spectaculaires, comme en 616 lorsqu'il marcha sur HarrƗn et faillit réussir à couper l'Assyrie traditionnelle, celle des vieilles capitales royales, de la région de HarrƗn, qui en était sans doute le vrai foyer économique. Enfin, il apparaît de plus en plus nettement que Sîn-šar-iškun puis Aššur-uballi৬ se cherchèrent eux aussi des alliés et négocièrent semble-t-il l'appui égyptien contre un abandon de leur propre domination sur le Levant méridional au profit des troupes du pharaon. La chute de l'empire assyrien ne fut donc pas un écroulement soudain et irréversible, mais la confrontation de stratégies soigneusement élaborées qui se déployèrent sur l'ensemble du Proche-Orient pendant plus d'un quart de siècle.

42 43 44 45

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Reade 2003, p. 151. Reade 2003, p. 153 : « The location of the city of Raৢappa is problematic but its agricultural heartland was the Sinjar-Tel‘afar region west of Nineveh, another easy target. » . Reade 2003 p. 153. Cf. Curtis 2003, p. 157-167.

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Figure 1 : Carte du Proche-Orient à la fin de l’empire néo-assyrien

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ARMES ET ARMÉES DES DIEUX DANS LES TRADITIONS MÉSOPOTAMIENNES

Maria Grazia MASETTI-ROUAULT*

RÉSUMÉ : À différentes périodes, l’arme divine dispose de pouvoirs exceptionnels aidant le héros en l’encourageant et en lui transmettant des messages… À travers l’analyse des textes littéraires et des images syriennes, hittites et mésopotamiennes, on peut fixer au protodynastique et en Syrie (Ebla) les origines du mythologème qui lie l’utilisation symbolique des armes et la conquête de la royauté légitimement acquise. Ce thème, présent dans la dynastie d’Akkad, est très développé dans la Syrie intérieure du Bronze Moyen (Terqa, Mari), puis côtière du Bronze Récent. En Mésopotamie, c’est dans le cycle de Ninurta que le thème apparaît sans être lié à la conquête du pouvoir (Ninurta combat pour Enlil, pas pour lui-même). C’est seulement au Ier mill. avec Marduk que le mythologème prend la même valeur qu’en Syrie. ABSTRACT : In several societies and at different times a divine weapon plays a special part, helping the hero, encouraging him, giving him messages… The analysis of Syrian, Hittite and Mesopotamian texts and images indicates the Syrian origins (IIIrd millennium) of the mythologem which links symbolic use of weapons with the acquisition of royal power. This subject is present in the Akkadian dynasty, is better developed in central Syria in the Middle Bronze Age (Terqa, Mari) and in coastal Syria in the Late Bronze Age (Ugarit). In Mesopotamia, this subject appears in the Ninurta cycle, but without being linked to the conquest of power (Ninurta fights for Enlil, not for himself). Only in the Ist millennium B.C., with Marduk, does this mythologem acquire the same meaning as in Syria. MOTS-CLÉS : Arme divine, emblème, harpé, ktp, mušhuššu, šurinnum, Ebla, Mari, Terqa, Ougarit, Nippur, Babylone, Atrahasis, Ninurta, Marduk, Tiamat, Enlil. KEY WORDS : Divine weapon, emblem, harpé, ktp, mušhuššu, šurinnum, Ebla, Mari, Terqa, Ugarit, Nippur, Babylone, Atrahasis, Ninurta, Marduk, Tiamat, Enlil

Arma virumque cano… Depuis Virgile et Homère, les épopées et les mythologies de l’antiquité indoeuropéenne, classique et médiévale, ont fait des armes maniées par les dieux, les rois, et les guerriers un objet littéraire spécifique dans la narration poétique, nous habituant à leur présence et à leur voix. Le récit de la création de ces armes, ainsi que la description de leur forme et de leur apparition, constituent dans la littérature épique, mais aussi dans le folklore, un discours narratif parallèle à celui concernant leurs propriétaires, qu’ils permettent d’enrichir et de nuancer, y intégrant des éléments divers et variés. Ainsi, les allusions aux pouvoirs et aux caractéristiques extraordinaires et fantastiques de ces armes introduisent dans les récits, selon les différentes traditions, des thèmes magiques ou religieux particuliers. Ces références soulignent aussi le fait que le héros protagoniste n’est pas seul sur la scène de l’histoire, avec son courage et sa valeur personnelle, mais qu’il est accompagné par des forces autres et supérieures. C’est donc à l’arme d’origine magique ou divine qu’est souvent dévolue la fonction de représenter la présence transcendante et l’interférence des dieux qui interviennent dans le cours des événements mythiques, ou qui se cachent derrière eux. En même temps, le don, ou l’attribution, d’une arme spécifique indique et consacre officiellement la nature particulière, le destin ou l’investiture du héros au centre de l’histoire, et sa position privilégiée par rapport aux dieux 1. D’autre part, dans son rôle d’assistant indispensable au combat, l’arme indique aussi une réalité concrète, puisque parfois elle résume et symbolise la présence des soldats et de l’armée * 1 .

École Pratique des Hautes Études 5e section, Paris. Pour le domaine syro-mésopotamien, cf. Wyatt 1998.

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nécessaire à la victoire sur le champ de bataille. Les remplaçant dans la narration, elle confère à ces forces une dimension abstraite, non-humaine, éliminant pour le héros le risque d’une rivalité ou d’une limitation dans sa propre valeur guerrière. Depuis le bouclier d’Achille décrit dans le chant VI de l’Iliade, au bâton de Moise, à la fronde de David, à Excalibur et Durendal, jusqu’au sabre laser des Jedis de la « Guerre des étoiles » , la personnalité des armes, leur voix, leurs actions, non seulement reflètent celles de leurs maîtres, mais aussi elles déterminent les formes de la lutte, leur conférant une noblesse et un caractère héroïque particuliers. Ces thèmes et ces structures narratives se retrouvent déjà dans les traditions mythologiques syromésopotamiennes dès la fin du troisième millénaire, bien que le panthéon mésopotamien archaïque soit plutôt pacifiste, si non pacifique, exprimant un certain dégoût pour la violence et le sang 2. Les mythes sumériens n’évoquent pas de vraies théomachies, des conflits entre les différentes générations divines. Les luttes éventuelles pour le contrôle de l’autorité céleste sont systématiquement prévenues et évitées à travers des moyens politiques et diplomatiques ௅ par exemple les voyages ou les pèlerinages entrepris par des dieux potentiellement agressifs afin de visiter la ville du dieu dont on doit reconnaître la supériorité théologique 3. Ainsi le dieu Ninurta accomplira, au retour de ses victoires contre les forces menaçant le cosmos, un pèlerinage dans le temple d’Enlil, son père, à Nippur, pour signaler sa soumission, qui est racontée dans le texte de l’An.gim 4. À l’occasion, pourtant festive, de son entrée triomphale sur son char dans la ville et dans le temple, chargé des dépouilles des monstres tués, il lui est demandé de déposer ses armes hypostasiées avant de pénétrer dans l’Ekur, afin de ne pas terroriser l’assemblée divine réunie 5. Enlil lui-même devra laver rituellement les armes, le purifiant du sang des ennemis, avant d’en accepter le don 6. Il faudra attendre l’époque paléo-babylonienne classique, et le début du poème de l’Atrahasis, pour voir le panthéon se séparer en deux catégories sociales, qui se préparent à se battre 7. Même dans ce cas, toutefois, le conflit ressemble plutôt à une grève musclée, dont l’évolution est rapidement stoppée par des négociations et des solutions économiques. Il ne faut pas en déduire pour autant que la mythologie mésopotamienne évite systématiquement le thème de la guerre et de la violence. Au contraire, la tradition en reconnaît bien l’existence et en discute le sens, mais, au moins aux époques les plus anciennes, elle refoule la question aux marges de l’univers habité par les dieux. C’est dans le cycle narratif du dieu Ninurta, décliné dans différentes traditions locales, qu’est traité, de la façon la plus explicite et extensive, le problème du danger constitué par la rupture des équilibres du pouvoir 8. Cette rupture est toujours provoquée par l’agression d’une force externe au panthéon, une force chaotique, informe et transgressive, et dans cette situation narrative on voit alors apparaître armes et armées. Les armes, décrites en tant qu’objets et outils de guerre, sont associées explicitement au dieu guerrier héroïque, et finissent par être représentées dans la narration comme sa garde et son armée personnelle 9 ; par contre, l’armée qui suit l’agresseur, constituée par ses propres enfants, n’est qu’une manifestation ultérieure de sa nature lâche et déloyale 10.

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Jacobsen 1976, p. 77-91. Par contre, l’iconographie, attestée en particulier dans la glyptique archaïque, conserve largement le thème de la lutte et de la confrontation armée entre héros, animaux et monstres, voir, par exemple, Amiet 1961, p. 146-148 et p. 170-177. Cf. par exemple, Bottéro & Kramer 1989, p. 128-138 ( « La visite de Nanna-Su’en à Nippur » , voir Ferrara 1973) ; Bottéro & Kramer 1989, p. 142-146 ( « Enki à Nippur » , voir Al-Fouadi 1969) ; Bottéro & Kramer 1989, p. 230-249 ( « Inanna et Enki » , voir Farber & Flügge 1973) ; Bottéro & Kramer 1989, p. 425-427 ( « La visite de Ninurta à Enki » , Reisman 1971). Cooper 1978 ; Bottéro & Kramer 1989, p. 378-385. Bottéro & Kramer 1989, p. 380-381, l. 83-87. Bottéro & Kramer 1989, p. 383, l. 153-155. Ninurta nettoie ses armes du sang d’Asakku, son ennemi, après l’avoir mis à mort, cf. Bottéro & Kramer 1989, p. 351, l. 300-304 (Lugal.e). Lambert & Millard 1969 ; Bottéro & Kramer 1989, p. 530-563 ; Foster 2005, p. 229-277. Jacobsen 1976, p. 127-134 ; Bottéro & Kramer 1989, p. 338-429 ; Streck 2001 ; Annus 2002. Cf. par exemple Bottéro & Kramer 1989, p. 382-383, l. 117- 152 (An.Gim) ; p. 398-399, l. 30-34 (Anzû). En général, Salonen 1965, p. 63-66 (Gotterwaffen). Bottéro & Kramer 1989, p. 341, l 34-39 ; p. 356-358, l. 416-463. Sur l’enfantement de guerriers monstrueux de la part de l’ennemi chaotique, voir Bottéro & Kramer 1989, p. 610-611, l. 133-149 (Enuma Elish).

220

Dans la mythologie de Ninurta donc, dans deux récits différents et autonomes, d’une part Anzû – l’Oiseau, l’Aigle denté – 11 et de l’autre Asag – le démon de la Montagne – 12 contestent l’autorité d’Enlil, attaquent le panthéon et détruisent l’ordre cosmique et naturel (Fig.1). Devant leur agressivité sans raison, l’assemblée divine, plongée dans la panique, semble ne pas pouvoir trouver une solution militaire adéquate à la gravité de la situation 13, bien que plusieurs divinités – y compris son roi, Enlil – soient représentées, dans les hymnes et prières, ainsi que dans l’iconographie, comme des combattants, armés et prêts à la lutte. Dans le prologue du mythe d’Anzû, les dieux se déclarent, dès le départ, incapables de faire face à l’agresseur, et, dans ces conditions, le salut viendra de l’intervention d’un dieu jeune et marginal, Ninurta 14. Ninurta est manifestement un dieu de l’Orage mésopotamien 15 relativement près de son homologue syrien, le dieu Hadda, et pour cette raison il entre au combat armé d’armes « atmosphériques » , les vents, les tourbillons de poussière, le tonnerre, le déluge, la foudre, le feu ou les éruptions volcaniques 16, mais il dispose et il utilise en même temps aussi des outils traditionnels et réels de la guerre – quoique souvent doués d’une personnalité humaine et guerrière – , comme la massue, la lance, le bouclier, l’arc 17, les flèches et sans doute aussi une épée tranchante 18. Au cours de la lutte Anzû, grâce à ses pouvoirs magiques, démonte l’arc et les flèches de son ennemi, déstructurant leurs éléments naturels – les roseaux, les plumes – , mais la même magie se retournera enfin contre lui, et il sera vaincu par la violence extrême de la tempête déchaînée par Ninurta 19. Déjà présente dans le récit de l’An.gim, le « Retour de Ninurta à Nippur » , c’est dans le cadre narratif du mythe du « Lugal.e » que l’arme de Ninurta, hypostasiée, prend un rôle important, qui prélude à l’image des armes magiques dans la littérature classique et médiévale. Sharur – son nom signifie « Fauche-milliers » 20 – , son arme personnifiée, fonctionne dans la narration comme étant le lieutenant, le conseiller, le secrétaire et l’allié fidèle du dieu. À l’origine et au début du récit, elle prévient son maître de la rébellion d’Asakku, le fils du Ciel et de la Terre, qui, accompagné par une armée invincible de pierres – qu’il a généré pour l’occasion avec la Montagne – , menace maintenant le domaine de Ninurta, et le monde entier. Sharur est l’arme tenue par le dieu dans la main droite, tandis que l’An.gim décrit aussi l’arme de la gauche, Shargaz, « Ecrase-milliers » 21. Dans le récit du Lugal.e, Sharur est en même temps tant une arme de combat et d’agression, intervenant directement dans la mêlée à côté de son maître, qu’un système de défense et d’espionnage, capable de surveiller l’ennemi de loin, de très loin, sans doute en volant. Elle est aussi un système de communication, faisant la navette entre Ninurta et Enlil, transportant les nouvelles du combat et les conseils stratégiques, ainsi qu’un soutien psychologique, appuyant avec ses encouragements et ses éloges le champion en difficulté. Une fois obtenue la victoire, Ninurta célèbre officiellement son arme, lui donnant un nouveau nom, « Bataille suprême victorieuse pour le pays / averse qui s’abat sur les ennemis » , mettant en évidence son appartenance à l’arsenal d’un dieu de l’Orage 22. Il n’est pas possible d’identifier d’une façon précise la typologie de l’arme représentée par Shargaz ni non plus celle de Sharur qui est décrite comme « léontocéphale » 23, ce qui pourrait laisser penser à une masse d’arme ou une massue. Depuis l’époque des Dynasties archaïques, en milieu tant mésopotamien que syrien, dans 11

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sa représentation iconographique le dieu de l’Orage est associé à une pluralité de formes d’armes, comme la hache, la massue, la lance, le javelot, le filet, le fouet, mais aussi l’épée courbe, la harpé, la faucille, qui sont empoignées, brandies contre l’ennemi, soulevées derrière la tête, fixées dans le sol 24. Les textes mythologiques correspondants reproduisent cette même variété typologique, construisant, dans le cours du récit, un parallélisme avec autant de phénomènes atmosphériques liés à l’orage. À sa place dans le contexte de la bataille ou de la guerre, Sharur est manifestement étrangère aux récits de type cosmogonique : après le combat contre l’Asakku, elle n’est plus citée dans la dernière partie du poème, qui décrit le jugement porté par Ninurta sur les Pierres coupables de rébellion, et le nouvel ordre imparti au monde. D’une façon cohérente, quand, à la fin du deuxième millénaire, la matière de la mythologie de Ninurta est utilisée pour bâtir le récit de la bataille cosmogonique conduite par le dieu Marduk contre Tiamat, la mer salée, à l’origine du monde et de Babylone 25, aucune arme particulière n’est mise en exergue ou hypostasiée dans la narration. Le récit reste en effet concentré dans l’exaltation de l’héroïsme d’un dieu seul, actif contre la masse informe de son ennemie, même si conformément à la tradition, le jeune dieu combattant continue à utiliser toutes les armes qui lui ont été confiées par ses ancêtres divins et par l’assemblée des dieux 26. Progressivement identifiées aux attributs typiques du dieu de l’Orage, le vent, la tempête, le foudre, le déluge, la maîtrise et l’usage de forces naturelles permettent de reconnaître en Marduk un nouveau représentant de cette catégorie divine. Cette fois-ci, et à la différence de Ninurta, ce dernier dieu de l’Orage se montre enfin capable non seulement de sauver le panthéon, mais aussi d’en assumer l’autorité suprême, la royauté. Après la victoire, l’armée de monstres, génies et dragons que Tiamat avait généré pour l’affrontement, mais qui s’est montrée au fond assez inefficace, une fois domestiquée et mise en laisse, entre au service du roi du panthéon 27, comme l’avait fait le dragon mušhuššu, ainsi que l’iconographie l’avait déjà montré 28. Par contre, la présence d’armes divines dans la structure narrative associée aux thèmes propres au dieu de l’Orage se retrouve dans la mythologie syrienne de le fin du Bronze Récent, comme elle est documentée à Ougarit par le cycle de Ba’al/ Ba’lu, en particulier dans le récit qui décrit le conflit entre Ba’lu et Yammu, la Mer 29. D’une façon parallèle au modèle fourni par l’épisode de Sharur et Shargaz, le mythe contient un passage dans lequel Kotharu-wa-Hasisu, dieu habile et intelligent, fabrique deux massues (smd) qu’il offre à Ba’lu lequel se prépare au combat avec son ennemi Yammu pour la conquête de l’autorité royale sur le panthéon 30. Ces deux armes ont des noms programmatiques, respectivement Yagrush « Chasse (Yam)! » et Ayyamur « Expulse (Yam)! » : le récit présente en effet la mort de Yammu comme étant le résultat direct du traumatisme provoqué par l’impact de ces deux armes volantes, en particulier de la séconde, lancées par Ba’lu 31. Dans un autre mythe ougaritien, Ba’lu tue des divinités mineures, les frappant non seulement avec la massue, mais aussi avec un instrument coupant, ktp, terme correspondant à une lame courbe, une cimeterre ou une « harpé » 32. Cette référence à la harpé 33 – l’instrument qui sépare le ciel et la terre, et qui, dans la mythologie hurrite et hittite du cycle de Kumarbi et Teshub, coupe le monstre Ullikummi de sa base, arme avec laquelle Zeus châtre Kronos prenant ainsi le pouvoir sur le monde 34 – permet, parmi beaucoup d’autres arguments, de reconsidérer le problème des relations existantes entre les cosmogonies syro-mésopotamiennes et celles méditerranéennes et indo-européennes, témoignées d’abord dans la mythologie hittite et, enfin, dans le Théogonie d’Hésiode. Déjà esquissée dans le cycle de Ninurta, exprimée explicitement dans les mythes de Ba’lu, la puissance de la connexion symbolique au Bronze Récent entre les armes du dieu de l’Orage et la célébration de sa victoire contre le chaos, représenté par la Mer, qui lui assure la royauté divine et la gestion du cosmos, a été démontrée 24

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aussi par la trouvaille, à Ougarit même, dans différents contextes archéologiques, d’élégantes armes d’apparat correspondant aux éléments identifiés par la mythologie – en particulier des haches et une harpé – qui n’ont sûrement jamais été utilisés comme outils (Fig.2 3) 35. Ces objets documentent un usage cérémoniel et cultuel des armes en question, usage confirmé ultérieurement par un texte rituel, qui évoque et invoque, en séquence, la lance, la hache et la massue/ harpé divines, sans doute présentes dans un temple 36. Des textes du Bronze Moyen II, provenant des archives royales de Mari d’époque amorrite, datés du règne de Zimri-Lim, ont permis d’illustrer l’antiquité de cet usage cultuel et des valeurs symboliques associées à ces armes, ainsi que la continuité des traditions syriennes amorrites 37. En même temps, ils ont aussi aidé à spécifier le contexte rituel dans lequel elles intervenaient, à savoir les cérémonies d’investiture royale, cadre cohérent avec la signification idéologique et politique des traditions mythologiques. Dans un message adressé à Zimri-Lim par un de ses prophètes, le dieu Addu d’Alep explique au roi de Mari que c’est bien lui qui lui a donné le pouvoir sur le pays de l’Euphrate, grâce à la puissance des armes avec lesquelles il s’est battu contre la Mer : devient alors évidente la raison pour laquelle ces mêmes armes sont envoyées d’Alep vers Mari, et déposées dans le temple de Dagan 38 à Terqa, en attente de la cérémonie de l’investiture royale 39. La métaphore concernant en général l’arme divine, qui, confiée à un roi, permet la conquête d’autres pays est, certes, très ancienne, et déjà bien attestée dans la tradition akkadienne d’époque sargonique 40. Mais il faut sans doute aussi comprendre la situation particulière à laquelle fait allusion la lettre mariote à partir de l’utilisation générale des armes comme symboles des dieux au début du deuxième millénaire, qui est amplement documentée, en particulier, à l’époque paléo-assyrienne et paléo-babylonienne 41. Une série de textes administratifs et juridiques, ainsi que des lettres, témoignent de l’emploi officiel d’emblèmes et d’autres symboles divins, qui peuvent se trouver à l’extérieur des temples urbains et être transportés avec une certaine facilité, pour des cérémonies religieuses ou des occasions judiciaires – comme des procès, ou la prestation de serments quand il était impossible d’avoir accès au sanctuaire ou de mobiliser la statue divine elle-même 42. Les documents d’Eshnunna et de Sippar illustrant l’usage du shurinnum de Shamash semblent indiquer que ces emblèmes étaient considérés comme ayant une nature divine, pouvant intervenir directement dans les litiges portés devant eux et garantir ainsi la justice des verdicts. Dans quelque cas, c’est une arme qui est choisie pour représenter la divinité 43, même si les raisons mythologiques de ce choix peuvent sembler vagues, comme l’ « arme » d’Assur, utilisé dans les colonies cappadociennes, ou encore la « lance » d’Ishtar de la ville de Tuba, dans la région à l’Est d’Alep, vénérée à Mari par une reine originaire du Nord, et qui était peut-être une représentation de la constellation des Pléiades, attribuée à une déesse guerrière avec des aspects astraux 44. Enfin, le panthéon hittite d’origine hourrite comprend bien un dieu-épée, qui, dans le sanctuaire de Yazilikaya, précède, sur le mur Est de la chambre B, l’image gravée du roi Tudhaliya IV, entouré par le bras du dieu Sharruma 45. En ce qui concerne les armes du dieu de l’Orage syrien, il faut toutefois bien admettre que la documentation provenant d’Ebla tend à montrer que les armes d’Addu constituent un cas à part, puisqu’elles ont assumé un rôle spécifique et particulier depuis l’époque présargonique. Même s’ils ne sont pas de nature littéraire et mythologique, les textes des conjurations révèlent qu’à cette époque ancienne, le dieu d’Alep affronte déjà en bataille un serpent, un dragon à sept têtes, une Hydre, que les développements postérieurs, attestés tant à

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Schaeffer 1936, p. 145, pl. 18/2 ; Schaeffer 1956, p. 251-255 ; voir aussi Matthiae 1985, p. 245 n. 126 ; p. 247 n. 128. del Olmo Lete 1992. Durand 1993. Feliu 2003, p. 43-45. Feliu 2003, p. 101-118. Voir par exemple Frayne 1993, p. 133, col. 1 : 30 à col. 2 : 1 (Naram-Sin et l’arme de Dagan). Pour l’époque néoassyrienne voir Maul 1999. Pour l’époque paléo-assyrienne voir Hirsch 1961, p. 64-67 ; Unger 1965 ; Larsen 1976, p. 261-262. Cf. Harris 1965 ; van Lerberghe 1982 ; Spaey 1993. Sur les armes comme symboles et emblèmes divins au premier millénaire, cf. en général Krecher 1971 ; Deller, Pongratz-Leisten & Bleibtrau 1992 ; Berlejung 1996 ; Holloway 2001 ; Herles 2006. Catagnoti 1992. Bittel 1976, p. 220 n. 254.

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Mari qu’à Ugarit, montrent être associés à la Mer salée 46. Les exorcismes indiquent que le dieu obtient sa victoire tant grâce à la grêle, représentée par sa luminosité effrayante et symbolisée par le filet qui forme son vêtement, que grâce à l’éclair et la foudre, dont sa lance, ou son bâton avec une pointe métallique, pourraient être la représentation. À la lumière de la mythologie amorrite, puis babylonienne ultérieure, et étant donnée l’importance politique d’Addu en Syrie occidentale, le fait que l’onomastique royale proto-syrienne utilise souvent les thèmes des actions guerrières d’Addu d’Alep contre ses ennemis monstrueux, ne peut que renvoyer aux liens idéologiques profonds associant la royauté à ce mythologème, et à l’usage symbolique et politique qui en a été fait 47. Un texte rituel eblaïte citant une offrande funéraire de pointes de lance présentée aux rois de la dynastie dans le sanctuaire du dieu KUra dans l’acropole, pourrait déjà être une référence à la connexion existante entre les armes d’Adda et la royauté 48. Et même si la hache ne semble pas faire partie explicitement de l’arsenal d’Addu cité dans les conjurations, il y a au moins un texte provenant des archives royales d’Ebla qui semble documenter la circulation et l’utilisation de « haches/lames d’Addu » dans des cérémonies de serment politique 49. Encore une fois, « cette arme » se retrouve avec la même utilisation tant dans la documentation mariote qu’à Ugarit, et à Emar, à la fin du Bronze Récent, plusieurs liturgies se terminant avec la procession des armes divines, et notamment de la hache 50. Dans cette perspective, il faut peut-être reprendre en considération aussi la déclaration faite par Sargon d’Akkad, dans ses inscriptions royales au terme du récit de sa conquête du monde, d’avoir lavé, donc d’avoir immergé rituellement ses armes dans la Mer 51 : il est possible que ce geste ait été un effort de reproduire symboliquement la lutte primordiale, et de renforcer et consacrer sa propre royauté réactivant la victoire d’Addu/ Ninurta. En conclusion, dans l’état actuel de la recherche, on peut dire que la documentation éblaïte permet de situer les origines de l’articulation entre l’utilisation symbolique des armes, celles d’Addu, et les conceptions idéologiques concernant la royauté, déjà à l’époque présargonique, et en contexte syrien et méditerranéen. Par ailleurs, l’iconographie, la glyptique, et ensuite les traditions littéraires et mythologiques sumériennes et akkadiennes, montrent que des mythologèmes semblables, avec des formes littéraires diverses, circulaient aussi dans le monde mésopotamien. La différence majeure consiste dans le fait que, dès leur apparition à Ebla et dans toute la tradition syrienne amorrite ultérieure, les histoires des gestes d’Addu et de ses armes ont été associées à l’idée de victoire, de conquête réussie de la royauté et à la légitimité du pouvoir royal, tandis qu’en Mésopotamie ce même mythologème a eu du mal à s’imposer, Ninurta ne devenant pas roi du panthéon. Ce n’est que tardivement, à Babylone, que cette idée parviendra à s’imposer avec la rédaction de l’Enuma Elish, qui marque le triomphe de Marduk, après que de leur côté Ba’lu et Teshub 52 eurent réglé – avec grande difficulté, il est vrai – leur comptes avec la Mer, ou avec leur Père. Le dieu d’Israël, le plus récent rejeton de la dynastie des dieux de l’Orage syro-mésopotamiens 53, sera appelé souvent dans la tradition biblique Yahweh Zebaot, le « Seigneur des armées » , en référence aux chérubim et aux autres anges sur lesquels il trône, et il saura encore se servir du déluge pour punir les hommes 54. Mais, ne se battant plus contre des adversaires chaotiques et monstrueux, il finira par utiliser, comme son arme de prédilection, une armée d’hommes, celle du roi d’Assyrie, pour éduquer son peuple 55: « Malheur à Assur, férule de ma colère : c’est un bâton dans leurs mains que ma fureur » 56.

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Fronzaroli 1997. Bonechi 1997. Fronzaroli 1993, p. 19 col. 1 : 94-95 et p. 49 et cf. en général, Waetzoldt 1990. Fronzaroli 2003, p. 121-123 n°. 11, l. 9-10 ; 18. et cf. p. 126 ne-a-tum. Arnaud 1986, p. 326, l. 7-10 ; p. 327, l. 29-33 et passim (texte 369, Intronisation et mariage de la prêtresse-entu) ; p. 408-409, texte 420 (fragment de rituel royal?). Frayne 1993, p. 11, l. 44-58, p. 14, l. 47-61. Pecchioli Daddi et Polvani 1990, p. 115-162 ; Houwink ten Cate 1992. Dion 1991 ; Köckert 1999. Mettinger 1999. La stèle louvite de Ahmar/ Qubbah est également dédiée à un dieu de l’Orage des Armées, voir Hawkins 2006, p. 16 et p. 26. Isaïe 5, 25-30 ; 7, 18-20 ; Jérémie 5, 15-17 ; 6, 22-30. Isaïe 10, 5-6 et Isaïe 14, 4-6.

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Figure 1 : Ninurta combattant contre un lion-grifon (d’après D. Collon, First Impressions, London, 1987, n. 783)

Figure 2 : Hache cérémonielle en bronze, or et fer, provenant de Ras Shamra (d’après P. Matthiae et alii, Da Ebla a Damasco. Diecimila anni di archeologia in Siria, 1985, Milano, n.126, p. 245)

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Figure 3 : Harpé en bronze provenant de Ras Shamra (d’après P. Matthiae et alii, Da Ebla a Damasco. Diecimila anni di archeologia in Siria, 1985, Milano, n.128, p. 247)

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KINGS GO INTO BATTLE. REPRESENTATIONS OF THE MESOPOTAMIAN RULER AS A WARRIOR

Peter A. MIGLUS*

RÉSUMÉ : Les images du roi à la guerre sont fréquentes dans la production artistique mésopotamienne. Aux époques sumérienne, babylonienne, assyrienne et perse, le roi guerrier est représenté à pieds ou sur le char selon des schémas fixes. Ces scènes peuvent être interprétées comme narration historique aussi bien que comme symboles idéologiques ou rituels. La tradition mésopotamienne de la royauté qui s’enracine dans la culture sumérienne a créé quelques modèles contenant une valeur symbolique constante, bien que le contexte historique et la réalité de la guerre aient changé radicalement entre le IIIe et le Ier mill. av. J.-C. ABSTRACT : Representations of rulers going into battle are common in ancient Mesopotamian art. They show Sumerian, Babylonian, Assyrian and Persian kings as warriors, fighting on foot or in a chariot in standard situations. These scenes can be understood as historical narratives as well as ideological, symbolic and ritual depictions. The Mesopotamian tradition of kingship, which was rooted in Sumerian culture, created icons that had a constant symbolic value, even though the historical background and the reality of war changed considerable from the IIIrd to Ist millennia B.C. MOTS-CLÉS : Triomphe, char, roi, divinités, fonction militaire du char, fonction symbolique du char. KEY WORDS : Triumph, chariot, ruler, military function of chariot, symbolic function of chariot.

Ancient representations show that the Mesopotamian rulers went into battle on foot or in a chariot. They were often the main actors of the action on the battlefield. Royal inscriptions seem to confirm this partially. My paper discusses the standard situations and motifs in Mesopotamian art depicting the kings as warriors are discussed. It is a brief reflection on the reality and symbolic pattern of these representations. 1. THE KING GOES INTO BATTLE ON FOOT The oldest Mesopotamian representations of war on the seals from the late Uruk Period show a standing person armed with an axe, bow or lance who dominates the picture as a victorious warrior 1. This figure could be identified as a priest-prince, the so-called « en ». He occurs also in other representations which have mostly cultic features. In all probability the scenes showing the En as a warrior don’t depict any historical events but are of symbolic and timeless nature. Scenes concerning historical events are found on the Early Dynastic works of art. In the most famous war representations from this period the rulers are represented as warriors who enter the fight on foot in front of their troops, or they appear in triumph after the battle is won. In the upper register of the « Stele of the Vultures » 2 the king, Eanatum, leads a phalanx of his soldiers into battle armed with lances and shields (Fig. 1). He is armed differently than they and holds in his hand an axe or a club. Depicted on his victory stele 3 a striding king Sargon of Akkade is also on foot and carrying similar weapon. Both sculptures are narrative representations which show a sequence of different scenes of war. They seem to be as visual reports with historical contents. In spite of that they are to a large extent unrealistic. It is indeed possible, however improbable, that the ruler rushed *

. . 2 . 3 . 1

University of Heidelberg. Boehmer 1999, figs. 16. 17. 20 ; Amiet 1980, pls. 46 : 659. 47 : 660, 661, 666. Börker-Klähn 1982a, no. 17 ; Seidl 2007, p. 311-316. Börker-Klähn 1982a, no. 18.

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as the first warrior at the enemy army, as is suggested to the observer by the « Stele of the Vultures ». If he were leading the charge, Eanatum would presumably have survived only a few battles and the rule of the Dynasty of Akkade might have been much shorter. On reflection, we realize that these reliefs show moments when the battle is over, and above all the pictures are symbols of victory 4. In her paper discussing the « Stele of the Vultures » Irene Winter 5 concluded : « Nevertheless, to get the complete message of the stele, one must combine the narrative with the icon, so that the antecedents to and the consequences of the specific events are alluded to and the whole intention made clear. (…) In this respect, narrative becomes simply one code among others for a culture to exploit in the transmission of messages. » Another famous stele, this of Sargon’s grandson Naramsin 6 depicts only the final scene of a battle (Fig. 2). The king stands in front of his soldiers on the mountain pass, wearing the horned helmet of divinity and the short garment of the warrior and is armed with a bow, arrows and a bronze axe. He triumphs over an enemy lying at his feet 7. A comparable motif appears on some rock sculptures in the Zagros Mountains from the period around the turn of the IIIrd to the IInd millennium B.C. The scenes on them, however, are reduced to the essential elements. They follow a homogeneous pattern of a victorious prince as a lonely warrior who fights on foot usually accompanied by a deity. This motif is illustrated by the representation in Darband-i Gaur 8, presumably the king Shulgi of Ur (Fig. 3), by images of different rulers in Sar-i Pol-i Zohab and Darband-i Sheh Han 9, or of a prince Iddin-Sîn of Simurru in front of his goddess in Bitwata 10. Further representations of this kind come from the Old-Babylonian Period. An example from north Mesopotamia is the so-called « Stele from Mardin » 11. Its inscription reports a war in the Eastern Tigris region c. 1800 B.C. 12. The front of the monument shows a warrior, presumably Shamshi-Adad I, prince of Ekallatum and the later ruler of Ashur, who is armed with an axe and a lance (Fig. 4). A defeated enemy lies at his feet. A similar representation was left behind by Dadusha, the ruler of Eshnunna 13. The uppermost field of his stele shows three people over a city gate (Fig. 5). The heavily damaged figure to the left 14 stands with one foot on the body of Bunu-Eshtar, the prince from Arbela, lying on the ground. The royal seal of Shu-ilija, the founder of the kingdom of Eshnunna at the end of the IIIrd millennium B.C., shows a comparable triumph scene in which the ruler stands before his god Tishpak 15. The deity treads the vanquished enemies (Fig. 6). Another image of Mukannishum 16, a servant of the king Zimrilim of Mari, depicts the belligerent king together with the goddess Ishtar standing on a heap of bodies (Fig. 7). Most of these combat and victory representations idealize the events and show the ruler as a hero who dominates with the aid of deities on the battlefield and wins the battle. Their compositions seem divided between the need to represent historical facts, and the compulsion, to give the ruler supernatural or divine features. The pictures develop as symbols which have rather little to do with the real events. They remind us vividly of the mythical battles of gods, a popular topic of the Akkadian seals. Among these seals, there are several examples with representations of victorious gods who triumph over other gods. A recurring scene is one in which a god presses the defeated opponent to the ground with his foot (Fig. 8) 17. The motif of the triumphant deity in glyptic art (and on the terracotta plaques) continued until the Middle Bronze Age in similar contexts to those of the triumphant king. In this way the limits between the god (as a warrior) and (divine) ruler became blurred.

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. . 6 . 7 . 8 . 9 . 5

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. . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 11

Winter 1985 ; Seidl 2007, p. 316. 1985, p. 27. Börker-Klähn 1982a, no. 26 ; Seidl 2007, p. 315f. For a possible Egyptian influence in this composition see Borker-Klähn 1982b. Börker-Klähn 1982a, no. 29. Börker-Klähn 1982a, nos. 30–34 ; Mofidi Nasrabadi 2004. Shaffer, Wasserman & Seidl 2003. Börker-Klähn 1982a, no. 111. Charpin 2004. Ismaïl & Cavigneaux 2003 ; Miglus 2003. Dadusha or the god Adad? – cf. Miglus 2003 ; Edzard, Charpin & Stol 2004, p. 550ff. ; Charpin 2004. Frankfort, Lloyd & Jacobsen, 1940 fig. 100 B. Amiet 1960, p. 230 fig. 12. Boehmer 1965, nos. 299, 304, 308, 318, 321, 327, 332, 350.

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Apparently, the motif of the triumphant ruler who stands with one foot on the vanquished enemy ended by the mid of the second millennium B.C. In Mittanian, Middle Assyrian and Kassite glyptic art there is no comparable motif, nor are there any substitute scenes. Only one representation which seems to be a continuation of the motif of the triumphant ruler is known from the relief on a fragmentary Middle Assyrian stone lid (Fig. 9) 18. The lid is divided into two registers. The lower register shows two horse heads obviously belonging to a chariot team, and two human heads with caps, that remind us of the later Assyrian royal crown. Presumably it is a part of a representation of a king before or after a battle similar to those which are known from the later Neo Assyrian sculptures. In the upper register there is a battlefield. Naked bodies of warriors, who were killed by arrows, lie to the right. To the left, a person dressed in a short warrior skirt is apparently about to kill an enemy. It is presumably a ruler. This picture follows the pattern of the monuments from the Akkadian and Old Babylonian period and is therefore somewhat old-fashioned. One can recognize the same symbolism of heroism which makes its first appearance in the former ages. Later, in Neo Assyrian sculpture we can find many representations of the king as an archer fighting on foot together with his infantry in the scenes of siege. Usually he is shown shooting at the defenders of a fortress under the protection of his guards carrying shields. During the battle when the ruler comes into close contact with the enemy he is shown fighting from a chariot. Reminiscent of the old motif of the triumphant ruler is a scene on a sculptured slab from room 8 in palace of Dur-Sharrukin in which Sargon II is about to blind a kneeing person with a spear (Fig. 10) 19. However, he is surrounded by his officials and the scene probably took place in the royal palace as a part of a ceremony much like the prostrations of Sua and Jehu on the « Black Obelisk » of Shalmaneser III. The last example of a combination of the narrative style and symbolic representation of the triumphant ruler can be found in the composition of the victory monument on the rock of Bisitun. It shows the Persian king Darius I together with the defeated usurper Gaumata who is depicted lying under his foot (Fig. 11). Other persons who revolted against Darius are lined up in front of him, and above we can see the symbol of the god Ahura Mazda. On a few relief fragments which were found in Babylon the same scene was reduced and accommodated to the Babylonian tradition in the form of the Assyrian and Babylonian « standard stele » 20. These scenes don’t belong to the typical Persian repertoire of representations which we know from the monuments of Persepolis or from other examples of Achaemenid art. This special motif was probably copied from older rock relief sculptures, which the Persians saw in Sar-i Pol some ten miles from Bisitun. 2. THE KING GOES INTO BATTLE IN A CHARIOT If the rock sculpture at Bisitun can be associated with the rise of the Achaemenid Empire, the famous mosaic uncovered in Pompeii showing the battle at Gaugamela in the year 331 B.C. symbolizes its collapse. It represents the final act of presumably the most famous campaign in world history, in which Alexander the Great defeated the Persian king Darius III, Codomannus, and it marks the end of the cultural continuity of the first kingdoms and the idea of the Mesopotamian rulership born in the IIIrd millennium B.C. On the mosaic, the two rulers appear clearly on the background of the battle tumult, Alexander attacking on the horse, Darius fleeing on the chariot (Fig. 12). This last motif, the ruler on a battle chariot, seems strangely misplaced among the fighting riders. Nevertheless it corresponds to our idea of the ancient monarch on the battlefield. The underlying reasons for this stereotype are understandable. This motif appears again and again in different representations in the art of the Ancient Near East 21. However, on closer reflection of these depictions a question arises : how does it correspond with reality? In the IIIrd millennium B.C. the motif of a prince who goes into battle on a chariot is rarely represented. One of the oldest examples seems to be a red and black painting on a « scarlet ware » vessel from Khafayah, which is decorated with the images of a chariot and a banquet scene (Fig. 13) 22. The central person on the four-

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. . 20 . 21 . 22 . 19

Andrae 1938 ; Opitz 1939–41. Albenda 1986, pl. 75. Seidl 1999. brief review : Littauer & Crouwel 1976-80. Delougaz 1952, pls. 62. 138.

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wheeled vehicle could be a prince or a military commander. But the representation is not in a battle context. Probably a victory is being celebrated. The connection between the king, the chariot and war is shown far better in the lower register of the « Stele of the Vultures » (Fig. 1). Eanatum, the king of Lagash, rides in a chariot, and his troops follow him in marching formation. Presumably this is a scene of triumph after the victory over the kingdom of Umma. Another famous scene with the battle chariot is on the « Standard » from the grave 779 of the royal cemetery at Ur 23 which consists of four mosaic panels of shell, limestone, lapis lazuli and bitumen and illustrates a victory and a celebration banquet. On the panel showing battle scenes, there are representations of fourwheeled, equid-drawn chariots in the attack (Fig. 14) – however, we can not be certain that the warrior standing in the chariot box is the ruler –. Under the hoofs of the galloping animals lie bodies of killed enemies. Another mosaic panel with similar motif of a chariot attack, but to a large extent reconstructed, is known from Mari. A series of Early Dynastic seals and seal impressions from Tall Brak, Tall Beydar, Abu Salabikh, Kish and Ur published by Jans and Bretschneider 24 show four- and rarely two-wheeled carts in military contexts. Most of them can be interpreted as victory scenes. The striking iconographic element of these representations is the figure of the fallen enemy under the running chariot (Fig. 15) just like on the mosaic of Ur. The scene can be understood as symbolic of victory 25. It corresponds with the motif of the triumphant king standing with one foot on the vanquished enemy. Beyond a doubt the central person in the upper register of the « Standard of Ur » can be identified as a ruler, who celebrates the victory. His four-wheeled chariot stands behind him. It is used here as a status symbol, similar to the vehicles which were excavated in several tombs in the cemeteries of Ur, Kish and Susa. The four-wheeled car would be after Littauer and Crouwel 26 : « primary a mobile firing platform from which javelins, carried in a sheath attached to a corner of the high front breastwork, could be cast. » However, the Early Bronze Age chariot was certainly no overwhelming weapon. It was a heavy vehicle which one could presumably control only with great difficulty. Drawn by mules, donkeys or cattle it could not develop any great speed. Furthermore, it was not especially well suited for the fields of southern Mesopotamia with their closemeshed network of canals. It would be more useful as a war machine in northern Mesopotamia, on the plain of the Jazira desert. On the other hand, the Early Dynastic chariot could have been used as a ritual vehicle in which the ruler came to battlefield and returned from it carrying his weapons, insignia and spoils of war. In Mari, on the Euphrates, in the area of the Early Dynastic palace, pieces of clay with impressions of the royal seal of the king Ishqi-Mari, who ruled in the city of Mari at the end of Early Dynastic Period and at the beginning of Akkade Period, were found (Fig. 16) 27. They consist of three similar scenes of war and victory : the hero with lions, the king on the throne, and the battle. The four-wheeled car is a striking element of the battle but the warriors are fighting on foot. In the chariot box a shape which looks like a human head turned upside down is depicted. It could be one of the heads cut off during or after the battle, a common detail of the ancient Mesopotamian war representations. It is not surprising therefore that the chariot representations are known mostly from a cultic context. Some of them are shown on fragments of the Early Dynastic door plates from Tell Agrab, Khafayah and Ur 28. A two-wheeled chariot drawn by equids (or fabulous creatures) always appears in the bottom register of these plaques (Fig. 17). This detail could be a part of a procession connected with a banquet scene in upper register. These chariots were used for ceremonial purpose. Besides battle chariots, chariots of the gods are also known and may be seen on some sculptures, for example, on the front of the ‘Stele of the Vultures’ or on some fragments of monuments from the Gudea- and Ur III Period 29.

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. . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 24

Woolley 1934, pls. 91. 92. 1998, nos. Bey. 1. Cat. 1–15. Littauer & Crouwel 1979, p. 32 ; Mayer-Opificius 2006, p. 55. 1976–80, p. 345 ; 1979, p. 33. Margueron 2004, p. 311, fig. 300. Boese 1971, nos. AG 2. AG 5. CT 2. CS 1. CS 4. U 1. Borker-Klähn 1982a, nos. 45. 46 ; Nagel & Strommenger 2001.

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Different cuneiform documents from the IIIrd to Ist millennia B.C. mention that the deities and their symbols were transported in the chariots and that vehicles were used in cult rituals and stored in the temples 30. They were not only used as transportation of the gods (statues), but also as objects of the reverence. In some cases they were labelled as gods and even received offerings of animals. Porter (in press) proposes that they were considered as non-anthropomorphic deities. The Akkadian seals show representations of gods on chariots which are not a part of a battle but of a worship scene 31. According to this evidence in the IIIrd millennium B.C. the chariot seems to have been used mainly ceremonially or ritually. The situation changed in the mid IInd millennium B.C. after the ‘true’ chariot with spoke wheels and drawn by horses appeared in the Near East 32. This fast new chariot became a decisive weapon in the Late Bronze Age. Chariots were feared on the battlefield, and their maintenance and the service for the team of two or four horses were accordingly extensive and expensive. For this reason, the chariot became a status symbol and was the most important prestige object of the upper class. This is impressively confirmed in royal correspondence from Tell el-Amarna 33. The ancient states in the second half of the IInd millennium B.C., Mittani, Egypt, Hatti, and Assyria possessed tremendous chariot troops, which decided the outcome of the great battles during the late Bronze Age. Unfortunately we lack good representative pictures from Mesopotamia, but certainly also the rulers in those days went into battle and hunting on a chariot 34. Nagel emphasizes that the chariotry was also a part of the social system 35 : « Der Wagenkampf kann nur in einer Gesellschaft blühen, deren Kriegswesen durch soziologische Gegebenheiten in seiner praktischen Entfaltung weitgehend festgelegt ist. (…) Derartige Waffenaufgebote auf allen Seiten sind jedoch nur in einer feudal geprägten Staatenwelt denkbar, deren führende Schicht aus Prestigeund Standesrücksichten zum Halten dieser luxuriösen Waffen gezwungen war. » Different representations which show the king in the battle were rendered at the beginning of the Ist millennium B.C. on the « White Obelisk », on the relief plates of from the North-West Palace in Nimrud, or on the « Balawat Gate ». They show the ruler on a chariot in battle or on foot during the siege of hostile fortresses (Fig. 18). The action takes place in historic surroundings described through the inscriptions which were written on the sculptures. The motives are, however, schematic and exchangeable. The theme « Ruler in the Chariot » finds a frequent confirmation in the written evidence. The royal chariotry is repeatedly mentioned in different historical texts. Because of the long distances covered in the campaigns one can assume that the ruler must have been in good physical condition. Shalmaneser III led his troops to war personally up to his 26th regnal year. It was not until he had reached an advanced age that he made his turtanu Daiian-Ashur commander over the army. On the bronze fittings of « Balawat-Gate » Shalmaneser is present in several battles, sometimes on a chariot, but sometimes on the throne. At the time of his reign the true era of the chariot ends. The turning point could be the battle of Qarqar in the year 853, when the Assyrian offensive, which used large chariot forces, was obviously stopped in Syria. The wars in the next centuries were decided through better tactics and the use of cavalry 36. In spite of this fact the Late-Assyrian kings of the VIIIth and VIIth century B.C. – Tiglath-pileser III, Sargon II, and his successors – presented themselves mostly on or next to a battle car (Fig. 19). This associative picture « Ruler in the Chariot » was still present in the Assyrian iconography when the composition of the narrative war scenes had changed considerably. The king Sennacherib observed the storming of Lachish in the year 700 from a distance 37. He sat on the throne and waited for the certain victory (Fig. 22). After all, there were two chariots in his proximity, his personal chariot (Fig. 23) and a second one (Fig. 24) of older design of the IXth century presumably inherited from of one of his predecessors. Hrouda 38 argues that this second chariot was a

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. . 32 . 33 . 34 . 35 . 36 . 37 . 38 . 31

Salonen 1946 ; 1951, p. 66-76 ; Civil 1968. Boehmer 1965, nos. 372-374. cf. Littauer & Crouwel 1979, p. 48ff., 68ff. ; Eder & Nagel 2006. Moran 1992 : for example chariots as gifts or spoils in EA, nos. 3. 9. 14. 15. 16. 22. Moortgat 1930 ; Opitz 1935-36. 1966, p. 63. Littauer & Crouwel 1979, p. 130-132 ; Farber 1976-80, p. 339. 343f. Barnett, Bleibtreu & Turner 1998, pls. 342-348. 1965, p. 95. 147.

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copy of ancient vehicles, and Ussishkin 39 calls it Sennacherib’s battle chariot. But why should the king have used an old weapon in the battle? It might have had a magic or cultic purpose, for example as the sacrificial offering of a former ruler. Calmeyer 40 even assumes it to be a part of the evidence for the new religious politics of the Assyrian king influenced by Babylonian and Uratian cults (chariots of the gods Marduk and Haldi). Finally, in the Assyrian military camp there stood a third chariot with divine symbols (Fig. 25), this one clearly for religious purposes. The scenes of Ashurbanipals in his gigantic chariot are strange (Fig. 20). his heavy vehicle was hardly suitable for leading (and surviving!) battles. From his chariot as from a stage the king could observe the course of the battle and celebrate the following triumphal ceremonies. In fact, Ashurbanipal is not depicted in active combat. He is missing on the dramatic picture of the battle of Til Tuba, in which Teumman, the king of Elam fell 41. In this way the Elamite king became the true hero of this monumental representation and he – the ruler – was the only warrior on the battlefield who fought from the true battle chariot (Fig. 21) 42. On the other hand, at this time cavalry constituted the decisive forces of the Assyrian army, but there is no evidence of an Assyrian king fighting from a horse. A strong tradition and probably religious reasons forced them to stay in the chariot box. Only in particular situations the ruler used a horse. For example, Sennacherib reports 43 : « Within the high mountain region I rode horseback, where the terrain was difficult (and) had my chariot carried on necks (of the soldiers) ». The Great Kings of the Achaemenid dynasty still used chariotry troops, and the chariot was both a symbol of prestige and a cult object. After Herodotus, Xenophon and Curtius Rufus, they took with them an empty car of the main god, probably Ahura Mazda, to their war campaigns 44. The reality of the warfare, however, looked different in this late period. When in the battle at Cunaxa in the year of 401 B.C. Cyrus the Younger attacked the positions of Artaxerxes, he did so on horseback 45. He led no chariots, but only the riders and infantry into the battle. Ctesias and Xenophon report this unanimously. His rival, the Great King Artaxerxers, also rode on a horse even though he had chariot troops 46. These are obviously to be interpreted as an attribute of his royalty. Indeed, the use of the chariots in the middle of the Ist millennium B.C. took on anachronistic features. The tradition that the ruler must go into battle on a chariot was rooted in the ideological foundations of kingship in the IIIrd millennium. It was formed in connection with the divine nature of the Sumerian and Akkadian rulers. This tradition continued to develop subsequently, influenced by the military doctrine and prestige ideas of the Late Bronze Age. In this period the chariot became the true symbol of military power. For the late Assyrian kings it was less important as a weapon, but still had an enormous symbolic value as a cultic vehicle and a sign of victory. These distinctive features were adopted by the Persian kings. The image of Darius III on a chariot in the battle of Gaugamela should be understood therefore as an expression of a religious thought.

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. . 41 . 42 . 43 . 44 . 45 . 46 . 40

1982, p. 118. 1974, p. 59–61. Curtis & Reade 1995, nos. 20–22. other Elamite vehicles served as transports – Littauer & Crouwel 1979, p. 101. 132. Luckenbill 1924, 26 i 68–70 ; 58 : 21. Calmeyer 1974, p. 49ff. König 1972, p. 102ff. 109ff. König 1972, p. 112ff.

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238

Figure 1 : « Stele of the Vultures » Early Dynastic Period (Seidl, s. v. « Relief », RLA XI, 2007, p. 313)

239

Figure 2 : Stele Naramsin’s, Akkade Period (Seidl, s. v. « Relief », RLA XI, 2007, p. 315)

Figure 3 : Rock sculpture Darband-i Gaur, Ur III Period (Börker-Klähn, Altvorderasiatische Bildstelen, Mainz, 1982, no. 29)

Figure 4 : « Stele from Mardin », Old Assyrian Period (Börker-Klähn, Altvorderasiatische Bildstelen, Mainz, 1982, no. 111)

Figure 5 : Stele of Dadusha, Old Babylonian Period (Miglus, « Die Siegesstele des Königs Ddua », in Festschrift für Wolfram Nagel, 2003, 415 fig. 9)

240

Figure 6 : Seal impression of Shu-ilija, Ur III/Old Babylonian Period (Frankfort, Lloyd & Jacobsen, The Gimilsin Temple, Chicago, 1940, p. 215 fig. 100B)

Figure 7 : Seal of Mukannishum, Old Babylonian Period (Amiet, « Notes sur le repertoire iconographique de Mari », Syria 37, 1960, 230 fig. 12)

Figure 8 : Seal with a representation of fighting gods from Kish, Akkade Period (Watelin & Langdon, Excavations at Kish, Paris, 1934, pl. XXXIV.3 = Boehmer 1965 no. 318; here from Aruz 2003, 216 no. 144)

Figure 9 : Middle Assyrian stone lid from Ashur (Andrae, « Aus den Grabungen der Deutschen OrientGesellschaft », Berliner Museen 1938, 39 fig. 1)

241

Figure 10 : Neo Assyrian relief sculpture, Dur-Sharrukin, Sargon II (721–705) (Albenda, Palais de Sargon d’Assyrie, Paris, 1986, pl. 75)

Figure 11 : Rock sculpture of Bisitun, Dareios I (521–486) (Curtis & Tallis, Forgotten Empire, London, 2005, 22 fig. 6)

242

Figure 12 : Mosaic from the « Villa Faun » in Pompeii, battle at Gaugamela (331), Museo Nazionale Naples (Koch & Rehm, Pracht und Prunk der Großkönige, Speyer, 2006, 157. 172 – details)

Figure 13 : Painting on a ‘scarlet ware’ vessel from Khafayah, Early Dynastic Period (Delougaz, Pottery from the Diyala Region, Chicago, 1952, pl. 62 b)

Figure 14 : Battle chariot on the ‘Standard of Ur’, (Littauer & Crouwel, Wheeled Vehicles, Leiden, 1979, fig. 3 = Woolley, The Royal Cemetery, UE II, 1934, pl. 92)

Figure 15 : Seal with the four-wheeled chariot, from Kish, Early Dynastic Period (Watelin & Langdon, Excavations at Kish, Paris, 1934, pl. XXIV.2 = Jans & Bretschneider, « Wagon and Chariot Representations », Subartu IV.2, 1998, 190 Cat. 11)

Figure 16 : Seals of the the King Ishqi-Mari, from Mari, Early Dynastic / Akkade Period (Margueron, Mari. Métropole de l’Euphrate, Paris, 2004, 311 fig. 300)

243

Figure 17 : Door plate from Ur, Early Dynastic Period (Boese, Altmesopotamische Weihplatten, Berlin, 1971, pl. XXI.1 no. U1)

Figure 18 : Ashurnasirpal II (883–859) on campaign, sculpture from Nimrud, (Littauer & Crouwel, Wheeled Vehicles, Leiden, 1979, no. 55)

Figure 19 : Tiglath-pileser III (744–727) in the chariot, sculpture from Nimrud (Littauer & Crouwel, Wheeled Vehicles, Leiden, 1979, no. 55)

244

Figure 20 : Ashurbanipal (668–c.631) in the chariot, from Nineveh (Matthiae, Geschichte der Kunst im Alten Orient, Stuttgart, 1999, 30)

Figure 21 : Teumman’s chariot in the battle of Til Tuba (ca. 653), from Nineveh (Strommenger, Fünf Jahrtausende Mesopotamien, München, 1962, fig. 238)

245

Figure 22

Figure 23

Figure 24

Figures 22-25 : Sennacherib (704–681) and his chariots at Lachish, sculpture from room XXXVI in the Southwest Palace at Nineveh (Ussishkin, The Conquest of Lachish by Sennacherib, Tel Aviv, 1982, 114. 116. 117 figs. 89–90)

246

LA MUTILATION DU CORPS DE L’ENNEMI

Giuseppe MINUNNO*

RÉSUMÉ : La mutilation du corps de l’ennemi constitue une pratique bien attestée en Mésopotamie et même en Égypte dans l’iconographie et dans la production textuelle. Dans certains cas, l’artiste insiste sur le nombre d’ennemis mutilés et donc tués. Dans d’autres, c’est l’identité de l’ennemi mort et donc du groupe auquel le mort appartenait, qui est mise en premier plan. Parmi les mutilations possibles, la décapitation est préférée, puisque la tête est « l’expression de la personnalité » unique et individuelle et lorsqu’on l’exposait, personne ne pouvait douter de la mort du mutilé. La coupe des mains est une autre mutilation répandue, bien attestée dans plusieurs cultures (et surtout en Égypte). Là encore, les mains sont la marque de la personnalité et les couper est un acte symbolique d’une grande force. La mutilation devient ainsi un instrument de propagande politique, bien que dans les décomptes des parties mutilées pouvait se cacher aussi une nécessité administrative. ABSTRACT : In Mesopotamia and Egypt the mutilation of an enemy’s body is well known from iconography and texts. Sometime, the craftsman stresses the number of enemies killed, sometimes their identity. Among the different types of mutilation, beheading is the most common and the most meaningful. The head is « the expression of personality » and when exposed it demonstrates the death of the enemies. The amputation of hands is also common in the Ancient Near East and Egypt, because hands represent individual identity. Mutilation serves royal propaganda and sometimes also administrative necessities. MOTS-CLÉS : Mutilation, décapitation, coupe des mains, valeur symbolique, valeur administrative KEY WORDS : Mutilation, beheading, hand cutting, symbolic significance, administrative value.

La mutilation et l’exhibition d’une partie du corps de l’ennemi n’est pas évidemment un trait exclusif du Proche-Orient ancien. Coutume connue dans beaucoup de cultures, anciennes et modernes, on la trouve institutionnalisée même dans des sociétés hautement structurées, et elle peut aussi se présenter spontanément, dans des circonstances particulières, dans des milieux où elle ne fait pas partie des institutions traditionnelles. En réalité, la valeur symbolique de la mutilation n’exige pas la mort de l’ennemi : on connaît plusieurs cas d’ennemis mutilés, mais laissés en vie ; leur existence même devenait alors une exhibition du châtiment qui les avait frappés. Dans ce cas, la mutilation des ennemis se rapproche et se mélange d’autant plus aux sanctions juridiques, si la guerre avait opposé un souverain à ses sujets, ou à ceux qu’il considérait comme tels ; n’oublions pas la valeur ordalique qu’on attribuait souvent à la guerre, de sorte qu’un vaincu était aussi bien un coupable. Mais je veux traiter ici des mutilations qui concernaient la mort de l’ennemi et qui entendaient la montrer. Je chercherai également à établir les traits généraux qui caractérisaient ces usages dans le Proche-Orient ancien. Ces dernières années ont vu plusieurs études dédiées à la décapitation des cadavres ennemis au ProcheOrient ancien, parmi lesquelles il faut citer celles de Rita Dolce 1, de Dominik Bonatz 2 et de Jean-Jacques Glassner 3.

*

. . 2 . 3 . 1

Università di Roma « La Sapienza ». Dolce 2004, 2005 et 2006. Bonatz 2004. Glassner 2006.

247

1. LE CHOIX DES VICTIMES Tout d’abord, se pose la question du choix des victimes : si la mutilation concernait évidemment « l’ennemi », quelles étaient, en réalité, les victimes de ces mutilations ? On pourrait, en effet, distinguer un aspect « quantitatif » de la mutilation, d’un aspect « qualitatif ». Dans le premier cas, l’important est le nombre d’ennemis tués. Dans le second, c’est l’identité des ennemis tués qui intéresse : la mutilation permet de sanctionner et de démontrer le meurtre d’un ennemi dont l’identité précise a pour le vainqueur une valeur particulière. Cette distinction, c’est vrai, schématise une réalité évidemment plus fluide, car, si le nombre des ennemis « identifiables » n’est parfois pas sans importance, le choix de la partie à mutiler dépend parfois de la possibilité d’identifier, à côté du nombre, aussi l’ethnos. La distinction entre ces deux aspects a, donc, une valeur uniquement théorique en tant qu’instrument empirique. Dans la pratique réelle, les deux aspects pouvaient bien coexister : ainsi, dans « l’étendard » d’Ebla, sont représentés des guerriers qui portent des « sacs à dos » remplis des têtes coupées et qui tiennent dans les mains d’autres têtes. Selon Rita Dolce 4, les têtes dans les sacs devaient appartenir à des ennemis dont l’identité n’importait guère, alors que les têtes apportées dans les mains étaient celles de personnes de rang. Les textes des archives éblaïtes attestent en effet la livraison au roi d’Ebla, effectué par l’un de ses vassaux, des têtes de deux roitelets 5. L’usage « qualitatif » est connu aussi par les textes de Mari 6, autant que la mutilation « quantitative » : une lettre de Tarim-akim à Yasmah-Addu révèle que pendant la conquête d’un village vingt ennemis furent blessés et dix têtes furent coupées 7. 2. LE CHOIX DE LA PARTIE A MUTILER Au Proche-Orient ancien, lorsque l’aspect « qualitatif » prévaut, la partie à couper est presque exclusivement la tête, car c’est la tête qui permet le mieux de reconnaître l’identité de l’ennemi tué. Mais puisque, de façon générale, la tête permet aussi de distinguer les ennemis des « nôtres », en assumant en plus une forte valence symbolique, elle est aussi la part qu’on coupe le plus souvent aux ennemis dont l’identité précise n’a guère d’importance. Il existe, toutefois, des cas où l’on choisissait d’autres parties considérées comme distinguant encore mieux les ennemis. Dans le combat entre circoncis et non circoncis, les armées égyptiennes, pouvaient couper et enregistrer le phallus des premiers 8 et les mains des seconds. Bien que d’historicité douteuse, les récits bibliques sur David nous renseignent sur certaines pratiques de mutilation. Après le duel avec le géant Goliath, David lui coupa la tête et l’apporta au roi Saul 9. Celui-ci aurait demandé à David de lui apporter en dot pour sa fille Mical les prépuces de cent Philistins (1Sam. 18, 25-27 ; cf. 2Sam. 3,14). Ce trophée, peut-être plus satisfaisant – et certainement moins encombrant – que le même nombre de têtes, suffisait à démontrer l’identité et les pertes de l’ennemi 10. Une tête coupée, constitue très évidemment une preuve que l’ennemi a été effectivement tué, alors que la mutilation d’autres parties – par exemple les mains –, ne comportait pas nécessairement la mort de la victime et ne pouvait que certifier que l’ennemi avait été blessé. De plus, si c’est vrai qu’à chaque ennemi tué peut correspondre une seule tête, cela n’est pas vrai par exemple pour les mains, sauf si l’on a préalablement établi quelle main (droite ou gauche) il faut couper. La question n’est pas oiseuse, car on connaît des cas où l’on a enregistré plus de mains coupées que d’ennemis effectivement tués 11. Observons encore qu’on connaît plusieurs cas où des vassaux envoyaient au souverain la tête d’individus hostiles. C’est ce qui est arrivé à l’un des rois d’Ebla qui reçut par l’un de ses vassaux les têtes des roitelets de uNEdu et de Zamarum 12. Zimri-Lim de Mari reçut le même type d’envoi : ses vassaux lui consignèrent la tête d’Ime-Addu, roi d’Anakkum 13. Parfois, c’étaient les vassaux du roi ennemi qui trahissaient leur maître et envoyaient sa tête au roi adverse. Une inscription d’Assurbanipal mentionne le cas des chefs du parti anti-assyrien de Hidalu, dont les têtes coupées 4

. . 6 . 7 . 8 . 9 . 5

10

11

.

. . 13 . 12

Dolce 2005, p. 153 et 2006, p. 39. Archi 1998, p. 388-391. La documentation a été recueillie par Charpin 2004. Cf. Marello 1993 (le texte est reproduit dans l’addendum à p. 279). Les Égyptiens préféraient en effet trancher les mains aux cadavres des ennemis, plutôt que les têtes. 1Sam. 17, 46-57. Mais la caractérisation des Philistins comme incirconcis est peut-être le fruit d’une élaboration du judaïsme postexilique (Arata Mantovani 1988, p. 57-58). Cf. Breasted 1906-1907, III, § 588. Archi 1998, p. 388-391. Dossier et analyse historique : Charpin 1993.

248

furent présentées aux notables assyriens 14. On peut ajouter l’exemple biblique des habitants de Abel-Bet-Maaca, assiégés par l’armée de David à cause du rebelle Seba, fils de Bicri, dont ils jetèrent la tête coupée des murs de la ville (2 Sam. 20-21). La préférence accordée à la tête comme partie du cadavre de l’ennemi à couper dépend des valeurs symboliques qu’elle peut prendre. Couper une tête peut représenter, et même entraîner, la destruction totale et définitive de l’ennemi. À ce propos, l’hypothèse de D. Bonatz est intéressante : Assurbanipal aurait inventé tout un cérémoniel de libations sur la tête coupée de l’ennemi pour justifier, en la présentant comme une tradition ancienne, la décapitation du cadavre du roi élamite Teumman 15. Il faut encore observer qu’il n’est même pas nécessaire de choisir : dans la documentation textuelle ougaritique la déesse ‘Anat avait l’habitude de mutiler ses ennemis et d’en arborer têtes et mains coupées. On lit, en effet, dans un texte (KTU 1.3 II 9-13) : « En dessous d’elle (s’amassent) les tê[tes] comme des épis coupés, Au-dessus d’elle les paumes (tranchées volent) comme des sauterelles, Comme les fragments d’une gerbe (volent) les paumes des braves. Attachant les têtes sur sa croupe, Liant les mains coupées dans son carnier Elle trempe ses genoux dans le sang des champions » 16 Dans un autre texte (KTU 1.13, 5-7) on lit, encore à propos de la déesse Anat, à laquelle on s’adresse : « Tranche des paumes qui saignent, attache des têtes à ta ceinture » 17. Ces textes sont du genre mythologique, on ne peut guère déduire d’eux les pratiques réelles de la guerre à Ougarit, bien qu’on ait proposé un rapport avec le meurtre rituel de prisonnier 18. Il ne faut pourtant pas oublier l’existence de seize mains et trois têtes coupées représentées en rang dans le Long Wall of Sculptures de Karkemi, au-dessous d’une inscription de Suhis II 19. 3. POURQUOI MUTILER ? Il n’y a pas que la tête qui assume une valeur symbolique dans la mutilation : en tant que symboles de puissance et de vigueur, les mains et le phallus sont aussi pleins de signification. L’anéantissement de l’ennemi sera alors d’autant plus efficace en combinant ces mutilations de son corps : c’est ainsi qu’on voit, sur la célèbre « palette de Narmer », des hommes auxquels on a coupé aussi bien la tête que les parties génitales 20. On comprend bien que les parties coupées des ennemis ont été ainsi employées aux fins de la propagande royale, autant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. L’exhibition des membres coupés démontrait aux ennemis ce qui avait été le sort de ceux qui s’étaient opposés au pouvoir et, bien sûr, quel aurait été le destin de ceux qui auraient osé s’y opposer de nouveau. Les bas-reliefs néo-assyriens montrent une extrême variété de manières d’utiliser les têtes coupées : on en faisait des pyramides autour des villes ennemies ou en face des portes urbaines, on les accrochait aux arbres ou à des poteaux. Les reliefs en bronze des « portes de Balawat » montrent des villes dont les murs sont pratiquement tapissés de têtes coupées 21. Ces pratiques rentrent dans l’aspect quantitatif des mutilations, sans perdre pour autant un lien direct avec l’aspect qualitatif : des têtes de personnages de haut rang pouvaient être accrochées à la porte d’une ville, comme celle de Teumman à Ninive. Dans ce cas, il s’agissait d’une propagande adressée principalement à l’intérieur. Dans les processions, connues par l’artisanat d’Ebla proto-syrienne et souvent figurées sur les reliefs néo-assyriens, on retrouve les deux aspects. Car si les guerriers emportant les têtes coupées servent à montrer la quantité d’ennemis tués, il pouvait y 14

. . 16 . 17 . 18 . 19 . 20 . 21 . 15

Weidner 1932-1933, p. 178. Bonatz 2004, p. 99-100. Caquot, Sznycer & Herdner 1974, p. 158-159. Cf. Del Olmo Lete 1981, p. 54-55. Cf. Lloyd 1996. Hogarth 1914, pl. A.1.a. Pour l’inscription, Hawkins 2000, p. 87-91. Donadoni 1985. King 1915, pl. LVI.

249

avoir également une exhibition qualitative : les têtes n’étaient pas emportées par des simples soldats, mais par des individus qui auraient montré l’importance des hommes dont ils emportaient la tête. Sous Assarhaddon, ce sont en effet les notables des villes qui sont chargés des têtes des rois Abdi-Milkutti et Sanduarri dans la procession qui les emporta à Ninive 22. De même, c’était un prisonnier illustre qui était chargé de la tête de Teumman lorsqu’elle entra à Ninive 23. Et la tête coupée de Nabubelumate – qui s’était pratiquement suicidé, mais dont le corps avait toutefois été livré aux Assyriens – fut accrochée à son frère 24. Assurbanipal célèbre maintes fois la capture de la tête de Teumman, capture dont inscriptions et reliefs décrivent tous les détails : coupée sur le champ de bataille, la tête fut emportée à Ninive, emmenée en procession, exhibée et, enfin, suspendue dans le jardin royal 25. Selon la propagande impériale, la réussite de cet exploit était due à la faveur des dieux. Selon D. Bonatz 26, en se présentant comme le coupeur de la tête de son ennemi Teumman, Assurbanipal aurait voulu se comparer à Gilgame, dont l’épopée célèbre l’expédition à la Montagne des Cèdres, où il aurait vaincu et tué le gardien Huwawa. À l’origine, dans le poème sumérien nommé aujourd’hui « Gilgame et Huwawa », la décapitation du monstre n’était pas le point culminant de la vaillance du héros. Au contraire, elle était la conséquence d’un éclat de colère d’Enkidu, le camarade de Gilgame. Le dieu Enlil, auquel les deux héros avaient ensuite présenté la tête coupée de Huwawa, s’était même mis en colère. Selon l’opinion d’Edzard 27, une version peut-être plus ancienne aurait connu un déroulement tout diffèrent : Huwawa n’aurait pas été tué, mais relâché par les deux héros. L’attribution à Gilgame de l’intention de couper la tête de Huwawa apparaît au contraire dans un fragment du début de l’époque néo-assyrienne. Avant de partir pour la Montagne des Cèdres, Gilgamesh déclare devant l’assemblé d’Uruk son intention de tuer le monstre 28. Cette transformation de l’attitude envers la décapitation de Huwawa trouve son explication dans les changements qui s’étaient vérifiés dans les usages de la guerre réelle 29. Il est aussi intéressant d’observer comment à l’exhibition de têtes coupées aux portes des villes, si fréquente dans la tradition assyrienne, correspond la localisation fréquente aux portes des villes syriennes de reliefs qui reproduisent des guerriers avec des têtes coupées dans les mains 30. On a en effet proposé de rattacher l’introduction du thème dans l’art néo-assyrien à l’influence de l’art syrien 31. L’aspect quantitatif de la pratique de couper des parties aux ennemis tués pouvait avoir des fonctions « administratives », puisque, entassées par les soldats en lieu des cadavres, éparpillés pour le champ de bataille, on pouvait aisément les compter. On voit donc dans les reliefs assyriens et égyptiens des soldats qui amoncèlent des têtes ou des mains coupées en face de scribes qui en écrivent le nombre. Par les autobiographies égyptiennes, nous savons qu’en remportant des mains coupées on pouvait recevoir des récompenses et des décorations militaires. Il est évident que la promesse d’une récompense pouvait inciter les soldats. On connaît, toutefois, dans d’autres milieux des contre-indications, qui ont probablement dû se vérifier au Proche-Orient ancien, mais qui sont cachées par la nature des sources orientales anciennes. J’en rappelle deux : les soldats pouvaient se distraire du combat, pour tâcher d’obtenir la preuve de leur vaillance 32 ; ou bien, on avait des vraies tromperies, en présentant plusieurs membres coupés d’un même individu (surtout pour les mains) ou, bien pis, en présentant des membres coupés, mais pas à des ennemis.

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. . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 30 . 23

31 32

. .

Borger 1956, p. 50. Luckenbill 1927, § 865. Luckenbill 1927, § 815. Voir l’article de Pierre Villard dans ce volume. Bonatz 2004. Edzard 1993, p. 11. VAT 10916, A, 22’ : Maul 2001. Cf. Glassner 2006, p. 52. Le thème paraît a Zincirli (Orthmann 1971, tav. 55b), Karkemi (Woolley 1952, pl. B. 44 a-b , pl. B. 45 a et pl. B. 46 ab), Tell Ta‘yinat (Mc Ewan 1937, fig. 10, p. 15 ; Gerlach 2000, Taf. 5, p. 244), Till Barsib (Thureau-Dangin & Dunand 1936, pl. X, 9-10 ; cf. Orthmann 1971, Taf. 54 b et 54 c). Dolce 2004. En effet, après la promesse de Tiberius Graccus de render la liberté à tous ceux qui auraient apporté la tête d’un ennemi, les esclaves s’efforçaient, aussitôt que possible, de remporter le coupon valant leur affranchissement, tout en se désintéressant de la bataille en cours (Tite-Live XXIV, 14-15).

250

Pour conclure, la mutilation du corps de l’ennemi constitua, à des époques et dans des milieux particuliers du Proche-Orient ancien, et dans ses évidentes valeurs idéologiques, l’une des ressources de la propagande, signifiant la destruction de l’ennemi, dont même le nombre pouvait être établi au moyen du comptage des dépouilles, qui permettait d’autre part de récompenser les plus vaillants. Elle n’était donc pas un phénomène accidentel, mais un aspect intégré de ces systèmes culturels.

251

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253

Figure 1: soldats assyriens déposants des têtes coupées devant les scribes (d’après R. D. Barnett & M. Falkner, The Sculptures of Ashshur-Nasir-Apli II (883-859 B.C.), Tiglath-Pileser III (745-727 B.C.), Esarhaddon (681-669 B.C.) from the Central and South-West Palaces at Nimrud, London, 1962, pl. XLIX).

254

Figure 2: mercenaire égyptien tranchant la main d’un adversaire abattu (d’après N. K. Sandars, The Sea Peoples, London, 1978, fig. 11, p. 30-31).

255

256

LES CÉRÉMONIES TRIOMPHALES EN ASSYRIE

Pierre VILLARD*

RÉSUMÉ : Bien que les informations ne soient pas très nombreuses, les données textuelles et iconographiques permettent de restituer en partie le déroulement des cérémonies triomphales néoassyriennes. Liées au culte d’Ištar et à la fête de l’akƯtu, elles servaient à démontrer la bienveillance divine envers le roi, mais aussi à renforcer les liens de cohésion nationale. En effet, l’ennemi vaincu était soumis aux traitements les plus humiliants, lorsqu’il n’était pas sacrifié et exposé au regard des Assyriens, des captifs et des ambassadeurs étrangers. Les principaux épisodes de la campagne victorieuse y étaient mimés par des individus qui apparaissent dans les bas-reliefs avec une coiffure de feuillages, et qu’il faut peut-être identifier aux kurgarrû des sources textuelles. ABSTRACT : Epigraphic and iconographic data, even if scant, provide some data concerning Neo Assyrian triumphs. These were linked to the cult of Ishtar and to the celebration of the Akitu festival. Their purpose was to emphasize divine benevolence towards the king, and to increase national cohesion. The enemy was, in fact, exposed to humiliating treatment, he was sacrificed and his body exposed to the people of Assyria, to captives and to foreign ambassadors. The major events of a war were mimed by special people, wearing a hat decorated with leaves, perhaps the kurgarru mentioned in the texts. MOTS-CLÉS : AkƯtu, Arbèles, bas-reliefs narratifs, erƗb Ɨli, Élamites, Gambuléens, Ištar, musiciens, Ninive, šadattunu, triomphes KEY WORDS : AkƯtu, Arbeles, narrative reliefs, erƗb Ɨli, Elamites, Gambuleans, Ishtar, musicians, Nineveh, šadattunu, triumphs.

L’existence d’entrées triomphales (erƗb Ɨli) organisées à Arbèles en liaison avec la fête d’Ištar, est connue depuis longtemps. Déjà mises en évidence par François Thureau-Dangin dans ses Rituels accadiens 1, ces célébrations ont fait l’objet d’une étude plus détaillée de Beate Pongraz-Leisten, dans son ouvrage sur les fêtes de l’AkƯtu 2. Elnathan Weissert a d’autre part insisté sur le fait qu’elles s’intégraient dans un cérémonial plus complexe, se déroulant en plusieurs lieux. Selon sa reconstruction, les processions triomphales débutaient à Ninive, puis avançaient en direction de Milqia et d’Arbèles, pour poursuivre enfin vers la ville Aššur, où captifs et butins étaient présentés au dieu national 3, le tout étant associé à des chasses royales. Il n’est donc pas question de reprendre ici l’ensemble de la question, mais simplement de proposer quelques remarques et suggestions. Et tout d’abord, les entrées solennelles de l’armée ne concernaient pas seulement les grandes villes saintes de l’Assyrie. Elles se pratiquaient aussi au cours des campagnes, à la suite de grands succès

*.

Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand et UMR 5133 Archéorient, Lyon.

1

.

Thureau-Dangin 1921, p. 111-118.

2

.

Pongratz-Leisten 1994, p. 79-83.

3

.

Weissert 1997, p. 347-350.

257

militaires. On peut ainsi lire dans la fameuse lettre de Sargon II à Aššur, après le récit d’une bataille remportée contre le roi d’Urartu : « Dans la joie et l’allégresse, accompagné de chanteurs, de lyres et de castagnettes, j’entrai à l’intérieur de mon camp 4 » . Les bas-reliefs représentent parfois ces défilés de victoire en terre ennemie et un rituel royal prévoit aussi que le souverain mime une « entrée de ville » dans un camp militaire : « Après que le roi se soit emparé de son ennemi, il revêt les joyaux et suspend la lyre à son épaule. Il se rend devant les dieux et des sacrifices sont accomplis. Il baise le sol et pratique l’erƗb Ɨli dans le camp 5 » . En Assyrie-même, les cérémonies avaient lieu au retour de l’armée. La question de leur fréquence est encore ouverte, mais il paraît au moins probable qu’elles ne prenaient l’allure de défilés triomphaux qu’après les victoires les plus éclatantes. La documentation est cependant assez éparse, et il est donc préférable de partir du cas le mieux connu, celui du triomphe sur l’Elam après la campagne de 653 av. J.C. 6, pour comprendre la structure générale d’un triomphe assyrien. 1. LE TRIOMPHE DE 653 AV. J.-C. Le cadre chronologique est donné par la version B des cylindres d’Assurbanipal, rédigée en l’éponymie de BƝlšunu (648*). Le compte-rendu commence par le récit d’une expédition, entreprise au mois vi, qui se conclut par la défaite et la décapitation du roi élamite Teumman. Il se poursuit par la campagne contre le Gambulu : la capitale ŠapibƝl est prise. Le roi DunƗnu, ses frères et certains de ses dignitaires sont capturés vivants. L’armée reprend alors la route de Ninive, où Assurbanipal, qui n’avait pas participé en personne à l’expédition, fait une entrée solennelle : « Je suspendis la tête de Teumman, roi d’Elam autour du cou de DunƗnu et la tête d’Ištarnandi autour du cou de Samgunu, le frère cadet de DunƗnu. Avec le butin d’Elam et les dépouilles du Gambulu, dont mes mains s’étaient emparées selon l’ordre d’Aššur, avec des chanteurs et des musiciens, j’entrai à Ninive dans les réjouissances 7 » . La tête de Teumman est ensuite exposée en face d’une porte au milieu de la ville, afin de montrer au peuple la force d’Aššur et Ištar, ce qui provoque le désespoir des messagers de Teumman retenus à la cour assyrienne. Puis Assurbanipal expédie DunƗnu et Samgunu à Aššur et Arbèles, pour assurer sa renommée dans le futur 8. Le texte évoque encore le supplice à Arbèles de deux dignitaires gambuléens, Mannu-kƯahhƝ et Nabû-uৢalli, à qui on arrache la langue avant de les écorcher 9. Enfin, à Ninive, DunƗnu est égorgé comme un mouton 10, tandis que les fils de Nabû-šumu-Ɲreš, un šandabakku rebelle 11, sont contraints de broyer les ossements de leur père devant une grand porte de l’intérieur de la ville 12.

4

.

TCL 3 159 (cf. Mayer 1983, p. 84) i-na hu-ud lìb-bi ù ri-šá-a-ti it-ti lú-nar-meš giš-zà-mí-meš ù ta-ba-li a-na qé-reb uš-man-ni-ia e-ru-ub. Pour les cérémonies à l’intérieur du camp, voir Reade 2005, p. 15-19.

5

.

Deller 1992, p. 343 : 39-44 ki-ma lugal lú-kúr-šú ik-ta-šad / du-ma-qí i-na-áš-ši / giš-balag ina nag-la-bi-ࡈšúࡉ elal / ina igi dingir-meš il-lak udu-siskur-meš e-pu-šú / ଢkaqࡉ-qu-ru i-na-šiq / ࡈeࡉ-rab uru a-na ma-dak-te up-paáš.

6

.

Pour cette campagne et le cadre chronologique général, voir Waters 2000, p. 47-55. Voir aussi dans ce livre, l’article de J. Cordoba.

7

.

Borger 1996, p. 106 : prisme B vi 50-56 : sag-du Ite-um-man lugal kur-elam-ma-ki / ina gú Idu-na-nu a-lul / (C vii 49-50 sag-du Idiš-tar-na-an-di ina gú Isa-am-gu-nu / šeš Idu-na-nu tar-den-nu a-lul) / it-ti ki-šit-ti kur elam-ma-ki / šal-la-at kur gam-bu-li / ša ina qí-bit an-šár ik-šu-da šuII-a-a / it-ti lú-nar-meš e-piš nin-gu-ti / ana nina-ki e-ru-ub ina húl-meš.

8

.

Borger 1996, p. 107 : prisme B vi 81 : qé-reb bal-tilki ù uru.arba-ìlki / a-na da-lál ah-ra-a-te ú-bil-šú-nu-ti, « je les amenai dans Baltil et Arbèles, pour établir ma gloire à jamais » .

9

.

Borger 1996, p. 108 : prisme B vi 83-87 : ša Iman-nu-ki-pap-meš lú-min-u Idu-na-nu / ù Idpa-ú-‫܈‬al-li lú–ša– ugu–uru kur gam-bu-li / ša ugu dingir-meš-ia iq-bu-u šil-la-tu gal-tú / qé-reb uru.arba-ìl eme-šú-un áš-lu-up / áš-hu-u‫ ܒ‬kuš-šú-un, « Mannu-kƯ-ahhƝ, l’adjoint de DunƗnu et Nabû-uৢalli, un surveillant de ville du Gambulu, qui avaient prononcé de graves blasphèmes envers mes dieux, j’arrachai leur langue à l’intérieur de la ville d’Arbèles, et je les écorchai » .

10

.

Borger 1996, p. 108 : prisme B vi 88-89 : ugu giš.ma-ka-a-‫܈‬i id-du-šú-ma / i‫ܒ‬-bu-hu-uš-šú as-liš, « on le jeta sur un banc d’abattage et on l’égorgea comme un mouton » .

258

La campagne et le triomphe qui suivit sont également représentés dans deux cycles de bas-reliefs, décorant la salle I du palais nord de Ninive et la salle XXXIII du palais sud-ouest, construit par Sennacherib. Les épigraphes incluses dans ces bas-reliefs, ainsi que les tablettes de programmes qui en donnent la description 13 ajoutent d’autres détails, dont quelques-uns permettent de préciser le déroulement des cérémonies. On apprend ainsi qu’Assurbanipal fit son entrée à Ninive par la porte, appelée Lilbur iššiak Aššur, « Longue vie au régent d’Aššur » , où se trouvaient semble-t-il les images divines d’Anšar et Kišar 14, ce qui renvoie à l’Ennjma eliš. Cette porte, située sur le mur sud, s’ouvrait sur la route venant de la ville d’Aššur. Arrivé à la porte intérieure où devait être exposée la tête de Teumman, le roi assyrien fit une libation de vin sur la tête de ses ennemis 15. La suite se passe à Milqia, petite localité proche d’Arbèles, où se trouvait le bƝt akƯti ša ‫܈‬Ɲri, « le temple de l’AkƯtu de la steppe » 16. Assurbanipal y fit d’abondants sacrifices et y observa la fête (isinnu) de la déesse Šatru (soit le nom que prend Ištar d’Arbèles résidant dans son bƝt akƯti). À ce moment, DunƗnu lui est amené enchaîné, ce qui indique que le prisonnier n’avait été que brièvement exposé à Aššur. Le roi assyrien le jeta face contre terre et brandit un arc au-dessus de lui 17. Assurbanipal put alors faire son entrée solennelle dans la ville même d’Arbèles : « Après que j’eus offert les sacrifices ovins à Šatru et célébré la fête du bƝt akƯtu, après que j’eus saisi les rênes (du

11

.

Sur le rôle des šandabakku (dirigeants traditionnels de Nippur) sous l’empire néo-assyrien, voir en dernier lieu Cole 1996, p. 50-55. En 664, Nabû-šnjmu-Ɲreš fut impliqué, aux côtés des Gambuléns, dans une tentative d’invasion de la Babylonie du nord par l’Elam, avant de disparaître peu après de mort naturelle (Cole 1996, p. 54). Cela explique son châtiment posthume et la punition infligée à ses fils lors du triomphe sur l’Elam.

12

.

Borger 1996, p. 108 : prisme B vi 93-vii 2 : Idpa-i Iden-kar-ir / dumu-meš mdpa-mu-kam-eš lú–gú-en-na / ša ad ba-nu-šú-un Iur-ta-ku id-ka-a / a-na mit-hu-‫܈‬i kur-uri-ki / gìr-pad-du-mes mdpa-mu-kam-eš ša ul-tu qé-reb kur.gam-bu-li / il-qu-u a-na kur.aš-šurki / gìr-pad-du-meš šá-a-ti-na / mi-ih-ret ká-gal murub4 uru nina-ki / úšah-ši-la dumu-meš-šú, « Nabû-na’id et BƝl-Ɲ৬ir, les fils du šandabakku Nabû-šumu-Ɲreš, dont le père géniteur avait incité Urtaku à combattre contre le pays d’Akkad – les os de Nabû-šumu-Ɲreš qu’on avait amenés depuis le Gambulu – ces os, je les fis broyer par ses fils en face de la grand porte de la ville intérieure de Ninive.. » . L’épisode apparaît aussi sur un bas-relief du palais sud-ouest de Ninive : Russel 1999, p. 174-75 et 177 (fig. 60) ; Barnett et. al. 1998, vol. 1, p. 97 et vol. 2, pl. 308-313.

13

.

Pour une étude détaillée des relations entre les bas-reliefs et les tablettes de programme, voir Russell 1999, p. 154-199.

14

.

Weidner 1932-33, p. 180, épisode 10 (= Borger 1996, p. 301) : 29-34 ana-ku Iaš-dù-a man šú man kur aš / kašid lú-kúr-meš-šú sag-du Ite-um-man man kur elam-ma- šá ina da-na-ni / šá an-šár d30 dutu den dag d15 šá nina-ki / d15 šá arba-ìl dmaš du-gur kud-sú erim-meš mè-iá ha-an-tiš / iš-šú-nim-ma ina igi ká-gal lil-bur énsi an-šár id-du-u / ina ଢigiଣ giš.ma-gar-ri-ia, « Je suis Assurbanipal, roi d’Assyrie, qui s’empare de ses ennemis : la tête de Teumman, roi d’Elam, qu’on avait coupée grâce à la puissance d’Aššur, Sîn, Šamaš, BƝl, Nabû, Ištar de Ninive, Ištar d’Arbèles, Ninurta et Nergal, mes combattants me l’apportent en hâte et la déposent devant la roue de mon char, devant la grand porte Lilbur iššiak Aššur » . Cf. Weidner 1932-33, p. 191 (83-1-18, 442). Dans le prisme E1 de Sennacherib, cette porte est comprise parmi celles qui font face au soleil levant et porte comme autre nom « Porte d’Aššur de Libbi Ɨli » (Luckenbill 1924, p. 112 : vii 74 et 84 ), cf. Frahm 1997, p. 273.

15

.

Pour le parallélisme avec le rituel des chasses royales, voir Weissert 1997, p. 350.

16

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Cf. Pongratz-Leisten 1974, p. 80.

17

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Weidner 1932-33, p. 182, épisodes 20-21 (= Borger 1996, p. 303) : ii 22-28 a-na-ku Ian-šár-dù-a [man] kur aššurki qé-reb uru.mil-qí-a / udu-siskur-meš taš-r[i-ih-ti] aq-qí dù-uš i-sin-ni dšat-ri / ina u4-mi-šú Idu-n[a-nu š]uII u gìrII bi-re-tú an-bar na-di-ma / iš-šú-ni a-di igi-ia / [ul-tu garza-meš é a-ki-t]i ú-šal-li-mu Idu-na-nu dumu Ienba-šú / [… b]u-up-pa-niš as-hu-up-šú-ma / [… az]-qu-pa ‫܈‬e-ru-uš-šú, « Moi Assurbanipal, [roi] d’Assyrie, j’ai offert des sacrifices ovins de glorification dans la ville de Milqia et célébré la fête de Šatru. À ce moment, on amena jusque devant moi DunƗnu, les mains et pieds entravés par des chaînes de fer. [Après que] j’eus complété [les rites du bƝt akƯt]i, […] je renversai DuƗnu, fils de BƝl-iqƯša, face contre terre et pointai [mon arc] sur lui » . Les restaurations suivent les suggestions d’E. Weissert, citées avec son interprétation de la scène dans Russell 1999, p. 162. La posture du roi assyrien, posant le pied sur la nuque de son ennemi pour le maintenir face contre terre et pointant son arc vers lui apparaît par exemple dans un bas-relief de Tiglath-phalazar III (Barnett & Falkner 1962, pl. 95-96).

259

char) d’Ištar, j’entrai à Arbèles dans les réjouissances avec DunƗnu, Samgunu, AplƗya 18 et la tête de Teumman, roi d’Elam, qu’Ištar, ma Dame, avait livrés entre mes mains 19 ». On apprend encore que DunƗnu, Samgunu et AplƗya furent enchaînés avec un ours pour être montrés au peuple, devant une porte d’Arbèles, la « porte du Levant et du Couchant » 20, et que Mannu-kƯahhƝ et Nabû-uৢalli furent suppliciés en présence d’ambassadeurs du roi d’Urartu, venus rendre hommage au vainqueur. Les convergences entre les diverses sources indiquent en tout cas que les célébrations de la victoire en 653 av. J.-C. se sont articulées autour d’une double entrée solennelle à Ninive et Arbèles, en liaison avec les fêtes d’Ištar. Un poème épique célébrant la victoire sur Teumman, qui fut sans doute composé pour cette occasion, évoque d’ailleurs les prisonniers amenés enchaînés devant Mullissu (Ištar de Ninive) et la Dame d’Arbèles 21. 2. LES LIEUX ET LES PARTICIPANTS Il est plus difficile d’affirmer que toutes les célébrations triomphales se déroulaient selon ce schéma, car les sources dont nous disposons ne permettent pas de constituer d’autres dossiers aussi cohérents. Pour ce qui concerne Ninive, les annales mentionnent parfois l’exposition des restes des ennemis vaincus : ainsi, Aššurnaৢirpal II fit écorcher en 883 av. J.-C. Ahi-iababa, du BƝt Halupe, et étendre sa peau sur les murs de la ville 22. En d’autres occurrences, les rois vaincus sont humiliés en étant enchaînés dans des lieux publics en compagnie d’animaux. Ce fut parmi d’autres exemples le sort du roi d’Arzâ AsuhƯli, enchaîné sur l’ordre d’Assarhaddon devant une grand porte intérieure avec un ours, un chien et un porc 23, ou sous Assurbanipal, du prince arabe Uaite’, fils d’HazƗ-il : mis au pilori, il dut monter la garde avec un ours et un chien devant une grand porte de l’intérieur de Ninive, NƝreb masnaqti adnƗti, « Entrée du point de contrôle du monde » 24.

18

.

Un petit-fils de Merodach-baladan, qui avait trouvé refuge en Elam. Voir K. Radner, entrée AplƗia 27, dans Radner 1998, p. 117.

19

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Weidner 1932-33, p. 184, épisode 34 (= Borger 1996, p. 304-305) : iii 43-47 ul-tu udu-siskur-meš dšat-ri aqqu-u e-pu-šú i-sin-ni é a-ki-ti / at-mu-hu kuš.a-ša-a-ti diš-tar / ina šà Idu-na-ni Isa-am-gu-nu Iibila-ia u kud.is sag-du Ite-um-man / man kur elam-ma- ša d15 gašan im-nu-u šuIIu-a / e-reb uru arba-ìl e-pu-uš ina húlmeš.

20

.

Weidner 1932-33, p. 182, épisode 26 (= Borger 1996, p. 303 : ii 50-52 Idu-na-nu Isa-am-gu-nu Ia-a-a / ina kágal ‫܈‬i-it dutu e-reb dutu / a-na tab-rat un-meš it-ti a-si ú-rak-kis-sú-nu-ti, « DunƗnu, Samgunu et AplƗya, on les enchaîna avec un ours à la grand porte du Levant et du Couchant, pour la contemplation du peuple » .

21

.

SAA 3 31 : r. 8-9 [šu-ú a-di] qin-ni-šú gab-bu ina giš.[si-ga-ra-ti] / [ina igi d]nin-líl u dgašan-ur[u.arba-ìl ú-sebi-lu-ni], « [Lui-même et] toute sa famille, [on les amena] en c[arcan devant] Mullissu et la Dame d’[Arbèles]. » .

22

.

RIMA 2, p. 200 A.0.101 i 93. Ia-hi-ia-ba-ba ana uru.ni-nu-a ub-la-šu a-ku-su kuš-šú bàd ša uru.ni-nu-a ú-hallip.

23

.

Borger 1956, p. 50, Nin. A-F, Episode 7 : iii 40-42 ina ‫ܒ‬i-hi ká-gal murub4 uru šá uru.ni-na-aki / it-ti a-si ur-gi7» u šah ú-še-šib-u-nu-ti ka-mì-iš, « À côté d’une grand porte à l’intérieur de Ninive, en compagnie d’un ours, d’un chien et d’un cochon, je les installai là enchaînés » . Voir aussi ibid., p. 110, Frt. B, § 72 r2, [ina Ninuaki] gim šah ar-ku-us-šú, « je l’attachai [dans Ninive] comme un porc » .

24

.

Borger 1996, p. 62 : prisme A viii 11-14 giš.ši-ga-ru áš-kun-šú-ma / it-ti a-si ur-gi7 ar-ku-us-šú-ma / ú-šá-an‫܈‬ir-šú ká-gal murub4 uru-nina-ki / né-reb mas-naq-ti ad-na-a-ti, « Je lui mis un carcan, l’attachai en compagnie d’un ours et d’un chien et lui fis monter la garde de la grand porte (nommée) NƝreb masnaqti adnƗti, qui se trouve dans Ninive » . Le même genre de traitement se retrouve ailleurs dans les inscriptions d’Assurbanipal. Cf. e.g. Borger 1996, p. 62 : prisme A viii 27-29 ina qí-bit dingir-meš gal-meš en-meš-ia / ul-li ur-gi7 áš-kunšú-ma / ú-šá-an-‫܈‬ir-šú giš.ši-ga-ru « (Ammi-ladƯn, roi de Qedar), sur l’ordre des grands dieux mes seigneurs, je lui mis un collier de chien et lui fis monter la garde du verrou » et p. 68-69 : prisme A ix 106-111, uzu-me-zé-šú ap-lu-uš / ina la-ah-ši-šú at-ta-di ‫܈‬er-re-tú / ul-li ur-gi7 ad-di-šú-ma / ina ká-gal ‫܈‬i-it dutu-ši šá murub4 urunina-ki / ša né-reb mas-naq-ti ad-na-a-te na-bu-u zi-kir-šá / ú-šá-an-‫܈‬ir-šú giš.ši-ga-ru, « Je perçai son

260

Mais il faut surtout considérer deux passages, qui donnent davantage de détails. En l’an 676 av. J.-C., Assarhaddon mit à mort deux rois « rebelles » , Abdi-Milknjti de Sidon et Sanda-uarri, roi de Kundu et Sissû, en Cilicie. Le défilé de la victoire se fit en musique, devant la population rassemblée : « Au mois de TašrƯtu (vii), la tête d’Abdi-Milknjti en AddƗru (xii) la tête de Sanda-uarri, la même année je les ai coupées. Je ne retardai pas l’exécution du premier, je procédai promptement à celle du second. Afin de montrer au peuple la puissance d’Aššur mon seigneur, je (les) suspendis (les têtes) au cou de leurs dignitaires et je paradai avec les chanteurs et les lyres sur les grandes places de Ninive 25 » . Une autre parade spectaculaire est rapportée par les chroniqueurs d’Assurbanipal, après la victoire sur les rois élamites et les princes arabes qui avaient soutenu la rébellion de Šamaš-šumuukƯn : « Tammaritu, Pa’ê et Ummanaldaš, qui avaient successivement exercé la souveraineté sur l’Elam, et que j’avais faits se soumettre à mon joug grâce à la force d’Aššur et Ištar mes seigneurs ; Uaite’, roi d’Arabie, dont j’avais accompli la défaite sur l’ordre d’Aššur et Ištar et que j’avais transféré ? de son pays au pays d’Aššur, après que je soit monté pour accomplir des sacrifices à l’Emašmaš, résidence de leurs seigneuries, devant Mullissu, la mère des grands dieux, l’épouse aimée d’Aššur, et eus célébré les rites du bƝt AkƯti, je les attelai au joug du char de cérémonie (ša šaddƗdi) et ils (le) tirèrent jusqu’à la porte du temple. M’étant prosterné ?, je révérai leur divinité et magnifiai devant l’assemblée de mes troupes la puissance d’Aššur, Sîn, Šamaš, Adad, BƝl, Nabû, Ištar de Ninive, la Reine de Kidmuri, Ištar d’Arbèles, Ninurta, Nergal et Nusku, qui avaient fait se soumettre à mon joug ceux qui n’étais pas soumis et qui, par la victoire et la force, m’ont fait fouler aux pieds mes ennemis 26 » . Les rois ennemis contraints de participer à la procession avaient été capturés à des moments différents et l’épisode montre donc que certains prisonniers de renom étaient tenus en réserve dans l’attente des plus grandes cérémonies triomphales. On voit également que la soumission au joug du roi assyrien, cliché récurrent dans les annales, pouvait prendre une signification très concrète. Le ša šaddƗdi, auquel sont attelé les vaincus, pourrait désigner le char de cérémonie, qui figure fréquemment dans les bas-reliefs 27, du haut duquel le roi contemple les défilés ou le comptage du butin, mais il pourrait aussi s’agir de l’espèce de chaise à porteur, tirée à bras d’homme, qui est aussi représentée quelquefois. Le passage associe enfin explicitement le défilé triomphal à la célébration de la fête de l’AkƯtu d’Ištar de Ninive, mais il n’est pas certain que cette association ait été systématique : selon l’Hymne d’Assurbanipal à Ištar de Ninive, la fête se déroulait au milieu du mois de Tebetu (x) 28. Cela paraît difficilement compatible avec les dates mentionnées dans le récit d’Assarhaddon. Pour ce qui concerne Arbèles, les données provenant des inscriptions royales sont plus rares. Un fragment qui appartient peut-être à l’édition E des prismes d’Assurbanipal mentionne les fêtes de l’AkƯtu

maxillaire, je passai une corde dans sa mâchoire, je lui mis un collier de chien et lui fis monter la garde du verrou à la grand porte du Levant de l’intérieur de Ninive, que l’on nomme NƝreb masnaqti adnƗti » . 25

.

Borger 1956, p. 50, Nin. A-F, Episode 6 : iii 32-38 ina iti-du6 sag-du Iab-di-mil-ku-u-ti / ina iti-še sag-du Isaan-du-ar-ri / ina 1-et mu-an-na ú-nak-ki-is-ma / mah-ru-ú la ú-hi-ir-ma ú-šah-me-ta egir-ú / áš-šú da-na-an d aš-šur en-ia un-meš kul-lu-mì-im-ma / ina ki-šá-a-di lú-gal-meš-šu-un a-lul-ma it-ti lú-nar / ù giš-zà-mí ina rebet nina-ki e-te-et-ti-iq.

26

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Borger 1996, p. 71 : prisme A x 17-39 Itam-ma-ri-tú Ipa-’e-e Ium-man-al-daš / ša egir a-ha-meš e-pu-šu be-lut kur elam-ma-ki / ša ina e-mu-qí an-šár u d15 en-meš-ia / ú-šak-ni-šá a-na giš-šudun-ia / Iú-a-a-te-e’ man kur ari-bi / ša ina qí-bit an-šár u d15 bad5-bad5-šú áš-ku-nu / [ultu ? ku]r-šú al-qa-á[š-šú] a-na kur an-šár-ki / ul-tu ana na-sah udu-siskur-meš e-lu-u / ina é-maš-maš šu-bat en-[ti-šú]-un / ma-har dnin-líl ama dingir-meš gal-meš / hi-ir-tu na-ram-ti an-šár / e-pu-šu garza!-meš é á-[ki]-t[i] / giš-šudun giš.šá-da-di ú-šá-a‫܈‬-bit-su-nu-ti / a-di ká e-kur iš-du-du ina ki-ta-ia / al-bi-in ap-pi at-ta-’i-id dingir-us-su-un / ú-šá-ap-pa-a dan-nu-us-su-un ina ukkin erim-há-ia / ša an-šár dsin dutu diškur / den dag d15 šá nina-ki / dšar-rat-kid-mu-ri d15 šá arba-ìlki / dmaš du-gur d nuska šá la kan-šu-ti-ia / ú-šak-ni-šú a-na giš-šudun-ia / ina li-i-ti ù da-na-ni / ú-šá-zi-zu-in-ni edin lú-kúrmeš-ia.

27

.

Voir par ex. dans ce volume, l’article de P. Miglus.

28

.

SAA 3 7 : 10-16. Cf. Thureau-Dangin 1921, p. 112. L’inscription du temple d’Ištar donne une date similaire (21-x). Voir Fuchs, apud Borger 1996, p. 268 : 31.

261

d’Arbèles, au mois d’Addaru (xii), auxquelles le roi participe après une chasse aux lions 29. D’autre part, Assarhaddon, puis Assurbanipal disent avoir restauré le bƝt akƯti de Milqia 30. S. Parpola a suggéré 31 que ces restaurations soient directement liées à la préparation des triomphes sur l’Égypte en 671 av. J.-C. et sur l’Elam et le Gambulu en 653 av. J.-C., ce qui témoignerait du caractère exceptionnel de ces cérémonies. Il faut en effet remonter à Salmanazar III pour trouver une autre attestation claire d’un roi participant aux fêtes d’Ištar d’Arbèles à la suite d’une grande victoire. Dans le poème épique qui évoque sa campagne contre l’Urartu, on peut lire : « Il entra dans le Palais [de la steppe] dans l’enthousiasme et [célébra] à Milqia la fête de la Dame d’Arbèles 32. » . La suite est malheureusement lacunaire, mais il semble que Salmanazar ait participé à une chasse aux lions à Aššur, avant d’entrer en présence d’Ištar avec tous ses pays 33. Quelques lettres font également allusion, mais dans des contextes parfois lacuneux, aux fêtes d’Ištar d’Arbèles 34, ou à la cérémonie de l’erƗb Ɨli 35. Les seuls renseignements précis sur l’organisation des cérémonies sont apportés par un court billet sans nom d’auteur, SAA XIII 149, écrit la veille d’une procession de Šatru-Ištar de Milqia à Arbèles. Il est demandé au roi de préciser qui de la déesse ou de luimême doit entrer en premier et comment doit s’effectuer la rencontre : « Comment le roi mon seigneur doit-il tomber sous le regard d’Ištar 36 ? » . Dans une pétition au « roi de vérité » (šar kƯnƗte) un certain BƝl-nƗৢir rappelle d’autre part que le souverain le réprimanda à Arbèles, alors qu’il siégeait sur le šaddattunu 37. Ce terme est plutôt rare et les dictionnaires n’en donnent pas de traduction 38, mais il est probable qu’il se rattache à la racine ŠDD, « tirer », même si la suffixation est inhabituelle. On le retrouve dans une lettre de l’astrologue NabûahhƝ-erƯba, dans un contexte de revue militaire (mƗšartu) 39 et il serait tentant d’en faire un type de véhicule de cérémonie, peut-être une forme dialectale du ša šaddƗdi des inscriptions royales. Étant donné que l’on peut s’y asseoir, il pourrait s’agir de l’espèce de pousse-pousse, représenté sur certains basreliefs 40. Or une question oraculaire à Šamaš, datée d’un 6-AddƗru (xii), envisage une agression contre Assarhaddon, qui pourrait être perpétrée par des membres de la cour ou par des soldats originaires des

29

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Weissert 1997, p. 357.

30

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Pour la restauration d’Assarhaddon, voir Borger 1956, p. 95 : 16-32. Pour celle d’Assurbanipal, Streck 1916, p. 248 (Tontafelinschrift L3). L’inscription d’Assarhaddon place la fête de l’AkƯtu d’Ištar au mois d’Ulnjlu (vi). Pour l’existence probable de deux fêtes de l’AkƯtu à Arbèles, en Ulnjlu (vi) et AddƗru (xii), voir Weissert 1997, p. 347.

31

.

Parpola 1983 p. 192. Cf. Pongratz-Leisten 1994 , p. 250.

32

.

SAA 3 17 : r. 27-28 ina ri-kis lìb-b[i] ࡈanaࡉ é-g[al edi]n e-ta-ra[b] / i-sin-nu šá be-lit-uru.arba-ìl ࡈinaଣ u[ru.mii]l-qí-ࡈa x xଣ [o o o].

33

.

SAA 3 17 : r. 29-30. Cf. Weissert 1997, p. 348-349.

34

.

SAA 10 205. Cette lettre fut envoyée conjointement par Adad-šumu-uৢur, Nabû-mušƝৢi et Ištar-šumu-Ɲreš. Seules les premières lignes, qui concernent des sacrifices d’ovins à Šatru, sont conservées. Sous le règne de Sargon II, le voyage d’Urzana, roi vassal de Muৢaৢir, vers Arbèles, mentionné dans SAA 5 136, pourrait aussi être en rapport avec la fête d’Ištar.

35

.

SAA 10 254 : 4’. Dans un passage lacuneux, l’auteur, Marduk-šƗkin-šumi, un important exorciste de la cour d’Assarhaddon, rappelle la conquête d’une ville qui eu lieu au moment de l’entrée solennelle du roi à Arbèles. Pour la datation de cette lettre à l’automne 670, voir Parpola 1983, p. 192.

36

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SAA 13 149 : r. 3-4 a-ke-e lugal be-lí ina šà igiII ša dinnin / i-ma-qut.

37

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SAA 16 121 (s.d. règne d’Assarhaddon) : 6-8 ki-i lugal ina uru.arba-ìl / ina muh-hi šá-ad-da-tu-u-nu / kam-musu-u-ni, « Lorsque le roi mon seigneur, dans la ville d’Arbèles, était assis sur le šaddattunu » .

38

.

Parpola 1983, p. 82-83 discute brièvement le mot en indiquant : « meaning obscure, perhaps a cultic locus or seat. » .

39

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SAA 10 77 : 6-11 ina [ugu m]a-šar-te / š[a luga]l be-lí / iš-pu-r[a-an-ni] / UD [x x x] šá-da-at-tu-nu / l[u š]unu / [o o o] ଢx xଣ ma-ࡈšarࡉ-[t]e, « Concernant la revue militaire, sujet du message de mon seigneur le j[our où ?] le šadattunu (…) » . Le passage est malheureusement trop lacuneux pour permettre une traduction suivie.

40

.

Voir par exemple Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 91 et 108-109 ( 148b).

262

divers peuples de l’empire, alors qu’il est sur le trône royal, qu’il s’avance à pieds ou sur son char ou qu’il est assis sur le šaddattunu 41. Même si cette prise d’oracles, valable pour quatre-vingt-dix jours, ne se référait probablement pas à un seul événement, la formulation correspond assez bien à des cérémonies comprenant des parades militaires et la date n’est pas incompatible avec celle des fêtes de l’AkƯtu d’Arbèles. Quant à Aššur, on sait que la ville servait de cadre aux lectures publiques des lettres adressées par les souverains au dieu national et peut-être aussi à celles des réponses du dieu. Le récit des cérémonies de 653 av. J.-C. montre qu’une partie des captifs y était exposée, mais ne donne pas davantage de précisions. La seule attestation claire d’une entrée solennelle provient d’un protocole de rituel daté de 650 av. J.-C. , qui mentionne une erƗb Ɨli le 16 de ŠabƗ৬u (xi): il pourrait s’agir en cette occurrence de cérémonies préparatoires à des opérations militaires contre Šamaš-šumu-ukƯn 42. D’autre part, le passage de l’épopée de Salmanazar III, cité plus haut, n’est pas suffisamment bien conservé pour comprendre parfaitement la relation entre les cérémonies organisées à Arbèles et à Aššur. Et rien ne prouve non plus que l’organisation des festivités ait suivi un modèle standard tout au cours de la période néo-assyrienne 43. 3. REPRÉSENTATIONS ET NATURE DES CÉRÉMONIES Il faut également souligner que la documentation textuelle reste relativement imprécise sur l’aspect que prenaient les cérémonies triomphales. Les textes officiels insistent surtout sur le sort réservé aux ennemis vaincus, avec quelques allusions à la célébration des fêtes d’Ištar, au peuple rassemblé ou à la présence de musiciens. Le décor des palais de Ninive pourrait ici apporter des informations précieuses, mais les scènes de triomphes les plus détaillées ne nous sont parvenues qu’à l’état fragmentaire, la partie supérieure des cycles de bas-reliefs célébrant la victoire sur l’Elam étant plutôt mal conservée. Dans le décor de la salle XXXIII du palais sud-ouest, ce qui reste du registre supérieur concerne principalement le sort des ennemis capturés lors de la campagne. Sur les dalles disposées à droite des lions ailés de l’entrée, il ne reste que deux fragments de la scène qui surmontait la représentation de la bataille de Til-Tuba. À droite du panneau, une colonne de prisonniers, comportant des femmes et des enfants et escortée par des soldats assyriens, se dirige vers la gauche 44. La partie centrale étant perdue, on ne peut déterminer avec certitude le lieu où étaient conduits ces prisonniers, mais à gauche du panneau, il subsiste encore un détail, montrant deux prisonniers que des soldats maintiennent fermement à genoux et qui sont en train de concasser des ossements 45. Sur le mur opposé à l’entrée de la pièce, le panneau de bas-reliefs était consacré aux suites de la campagne. Le registre inférieur montre l’intronisation devant Madaktu du nouveau roi élamite, Ummanigaš, présenté à son peuple par le général assyrien 46. La scène du registre supérieur se situe quant 41

.

SAA 4 139 : 17-19 lu-ú i-na giš-gu-za lugal-ti a-šar áš-bu lu-ú i-na giš-gigir lu-ú [i-na giš.‫܈‬u-um-bi] / lu-ú i-na gìrII-šú lu-ú a-na è-šú lu-ú a-na e-[re-bi-šú] / lu-ú ina ugu šad-at-tu-ú-ni a-šar áš-bu, « soit lorsqu’il siège sur le trône royal, soit dans un char, soit [dans un chariot], soit en marchant soit lorsqu’il sort ou qu’il en[tre], soit lorsqu’il siège sur le šaddattunu … » . À la fin de la l. 17, la restauration [i-na šá–šá-da-di], proposée par Starr, est plausible si l’on considère que ša šadƗdi et šaddattunu correspondent à des réalités distinctes.

42

.

A. 125 : van Driel 1969, p. 125 i 5. Cf. Parpola 1983, p. 193.

43

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Pour l’époque sargonide, on constate une insistance particulière sur Ninive et Arbèles dans l’évocation des cérémonies triomphales. Voir en particulier Pongratz-Leisten 1997, p. 249-251, qui met en évidence le rôle éminent joué par les processions d’Ištar lors des fêtes de l’AkƯtu de Ninive et Arbèles. On en trouve également un écho dans des œuvres relevant de la littérature de cour, composées peut-être pour les besoins de cérémonies politico-religieuses : par exemple dans l’hymne d’Assurbanipal aux Ištar de Ninive et Arbèles (SAA 3 3) ou dans ou SAA 3 22, pièce épique célébrant les victoires d’Assurbanipal sur l’Elam, où Mullissu (ici Ištar de Ninive) et la Dame d’Arbèles sont associées à l’évocation du roi fort (r. 10-12). Voir aussi SAA 3 31 : r.8-9, cité ci-dessus n. 21.

44

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 296-98 (383b).

45

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 288-89 (381b). Sur le sort réservé aux soldats capturés, voir aussi l’article de G. Minunno dans ce livre.

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 300-301, 303-305, 307-309, 311-313.

46

263

à elle à Arbèles, comme le précisent les cartouches inscrits. Le monarque assyrien est figuré à droite, sur son char de cérémonie 47. Placés devant les gardes du corps qui précèdent le char royal, deux personnages, coiffés à la manière élamite, tiennent des tablettes dans les mains. Leur faisant face, deux dignitaires vêtus à l’urartéenne, sont représentés dans l’attitude du salut 48. Un cartouche placé au-dessus de la scène 49, en précise le sens : le roi Rusâ d’Urartu impressionné par la victoire assyrienne, envoya ses messagers à Arbèles, pour rendre hommage à Assurbanipal. Ils furent reçus en présence de deux nobles élamites, Nabû-damiq et Umbadarâ, qui avaient été les émissaires de Teumman et durent se tenir là, porteurs des messages insolents de leur ancien maître. Plus à gauche, dans une scène placée sous le regard du roi vainqueur et encadrée par des rangées de soldats assyriens, les ambassadeurs urartéens sont de nouveau représentés, assistant au supplice d’ennemis capturés 50. Un cartouche inscrit précise qu’il s’agit des Gambuléens punis pour avoir blasphémé le nom d’Aššur 51. D’autres captifs, probablement DunƗnu et Samgunu, sont figurés avec des têtes coupées suspendues à leur cou 52. Rien dans ces panneaux ne semble correspondre aux cérémonies de l’AkƯtu, mais ils ne constituaient qu’une partie du décor, qui devait couvrir les quatre murs de la salle. Or un certain nombre de fragments, retrouvés dans la même pièce, doit provenir de scènes aujourd’hui perdues. Sur plusieurs d’entre eux 53, on peut relever la présence de personnages barbus, caractérisés par une coiffure de feuillage (Fig. 1). On a ainsi retrouvé un élément d’une scène 54 où l’on voit trois de ces personnages qui marchent à côté du char royal identifiable grâce à son parasol, suivis par deux autres, vêtus à l’identique, qui conduisent des chevaux. Sur un fragment plus petit, un personnage du même type joue de la flûte 55. Dans le palais nord de Ninive, la partie conservée des bas-reliefs consacrés à la célébration de la victoire sur l’Elam met davantage l’accent sur la dimension religieuse des cérémonies. Du décor de la salle I, il subsiste un ensemble de dalles 56 représentant au registre inférieur la bataille de Til-Tuba et l’intronisation d’Ummanigaš, alors que le registre supérieur montre une procession comportant des hommes à pieds et de lourds chariots. Cette procession se dirige vers la droite, en direction d’une ville ceinte de murailles, dont une épigraphe précise qu’il s’agit d’Arbèles 57. Le bâtiment le plus élevé est très probablement l’Egašankalamma, le temple d’Ištar d’Arbèles. Devant sa porte, Assurbanipal est figuré un arc à la main, accomplissant un sacrifice avec la tête de Teumman à ses pieds. Dans une pièce voisine, la salle H, un panneau figure au registre inférieur une marche de l’armée élamite. Il pourrait s’agir de l’évocation d’une autre campagne contre l’Elam, mais ces bas-reliefs pourraient aussi appartenir au cycle qui se poursuivrait dans la salle I 58. Au registre supérieur, sont représentés les parcs paysagers de Ninive 59 et la ville elle-même, entourée d’une triple rangée de murs 60. Le bâtiment le plus élevé, dont il ne reste que la partie inférieure caractérisée par des colonnes à bases de

47

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 308-310.

48

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 304-306.

49

.

Gerardi 1988, p. 32-33. Cf. Borger 1996, p. 307 : E r. 9’-12’.

50

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 302 (384c).

51

.

Gerardi 1988, p. 31.

52

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 306 (385c).

53

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 320.

54

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 320 (415).

55

.

Barnett et al. 1998, vol. 2 pl. 320 (416).

56

.

Barnett 1976, pl. XXV, slabs 5-7.

57

.

Barnett 1976, pl. XXV, slabs 9-10. Cf. Russel 1999, p. 184-186. La représentation de la ville surmonte celle d’une ziqqurat élamite, au registre inférieur.

58

.

Barnett 1976, p. 41 ; Russell 1999, p. 187.

59

.

Barnett 1976, pl. XXIII, slabs 8-9.

60

.

Barnett 1976, pl. XXIII, slab 10. Cf. Russell 1999, p. 188.

264

lions, est généralement interprété comme étant le palais de Sennacherib. Mais le parallélisme avec la représentation d’Arbèles suggère plutôt d’y voir une figuration de l’Emašmaš, le temple d’Ištar de Ninive (Fig. 2). Parmi les bas-reliefs dont la thématique est liée aux suites de la victoire sur Elam, on peut encore mentionner le « banquet sous la treille » , où l’on peut voir la tête de Teumman accrochée dans un arbre. Cette scène très célèbre est insérée dans un ensemble plus vaste 61, où interviennent en particulier une série de musiciens. De la même salle 62, proviennent aussi divers fragments 63 où sont figurés des personnages portant une coiffure de feuillage, qui appartiennent manifestement au même groupe que ceux représentés dans la salle XXXIII du palais sud-ouest. Certains portent des arcs, d’autres jouent des instruments de musique. Quelques-uns suivent un char 64, peut-être le char royal, ou celui de la déesse Ištar, dont Assurbanipal dit avoir pris les rênes 65. On peut ajouter qu’un personnage portant la même coiffure caractéristique se retrouve sur un relief de la salle E, sorte de couloir jouxtant la salle H. Il s’agit là encore d’un musicien, qui joue d’un instrument à cordes aux côtés d’un lion apprivoisé (Fig. 3) 66. Pour R. D. Barnett, ces hommes pourraient être des archers auxiliaires perses, qui auraient quitté l’armée élamite pour rejoindre celle d’Assurbanipal et participeraient à ce titre aux célébrations de la victoire. Il remarque cependant que ces personnages ont les pieds nus 67, ce qui est surprenant pour des militaires, et suggère qu’ils pourraient être représentés en train de fouler un sol sacré 68. Cette interprétation, qui a parfois été reprise 69, se base essentiellement sur le fait qu’une partie de ces hommes portent des arcs et carquois de type élamite, et qu’ils apparaissent toujours dans des compositions liées aux victoires sur l’Elam 70. Mais on peut tout aussi bien considérer qu’ils sont davantage associés aux cérémonies elles-mêmes qu’à l’Elam et qu’ils ont à jouer un rôle particulier dans les cérémonies triomphales. Un autre élément important est que certains de ces personnages portent des instruments de musique plutôt que des armes, ou sont associés à des musiciens 71. Ils pourraient éventuellement appartenir à la musique de l’armée, mais on sait que les musiciens jouaient aussi un grand rôle dans le culte d’Ištar, comme le montre un passage célèbre de l’Hymne de Sargon II à NanƗya (SAA III 4), qui précède immédiatement l’évocation des kurgarrû, qui calment le cœur de la déesse : « D’habiles musiciens sont assis devant elle. Joueurs de lyres, de petites harpes, de crécelles, de flûtes, de hautbois et

61

.

Barnett 1976, pl. LXIII-LXV.

62

.

Il s’agit de la salle S1, appellation se référant aux éléments tombés dans la salle S, et qui devaient donc appartenir au décor d’une pièce située à l’étage. Cf. Barnett 1976, p. 53.

63

.

Barnett 1976, pl. LXII.

64

.

Barnett 1976, pl. LXII (Istambul 6338).

65

.

Barnett 1976, p. 55.

66

.

Barnett 1976, pl. XIV.

67

.

Ce qui est bien visible dans le défilé représenté dans la salle S1 du plais nord : Barnett 1986, pl. LXII. ; Matthiae 1998, p. 32-33.

68

.

Barnett 1976, p. 55.

69

.

Cf. e.g. Matthiae 1998, p. 33 et p. 205. Bleibtreu 1999, p. 13, en fait des soldats participant à une fête de victoire, sans se prononcer sur leur origine.

70

.

L’ensemble des références a été réuni dans Bleibtreu 1999, p. 12-13.

71

.

S’il s’agissait d’un document authentique, la timbale en argent d’Assurbanipal dont le décor représente une parade militaire et la réception d’un prince élamite rallié (Bleibtreu 1999), pourrait apporter des éléments intéressants. Au-dessus d’une file de musiciens, sont figurés une série de personnages portant une couronne de feuillage. Les premiers portent un costume militaire. Ceux qui suivent, dont certains sont imberbes, sont vêtus de robes longues. Des doutes sérieux ont cependant été élevés quant à l’authenticité de ce décor. Voir Muscarella 2000 et Lawergren 2000. L’éventuel faussaire s’est manifestement bien documenté, puisqu’il a bien compris le contexte dans lequel ces personnages étaient susceptibles d’apparaître.

265

de flûtes longues 72 » . Et bien que mal conservée, une section de l’Hymne à Arbèles mentionne les instruments joués par diverses catégories du personnel cultuel d’Ištar, dont les assinnu et les kurgarrû, pour accompagner les chants plaintifs des kulmašƯtu 73. Les personnages dotés de couronnes de feuillage pourraient dès lors appartenir à un collège de dévots d’Ištar, ce qui cadre bien avec la représentation de l’un d’entre eux en compagnie d’un lion, l’animal favori de la déesse. Sans que l’on puisse en avoir de certitude, on peut proposer plus précisément qu’ils soient des kurgarrû 74. Appartenant au personnel d’Ištar, ces derniers participaient à divers rituels, dont ceux des fêtes de l’AkƯtu. Un aspect de leur rôle est révélé par un commentaire néo-assyrien, où l’on trouve ce passage : « Les kurgarrû qui miment le champ de bataille, arrachent des lambeaux de vêtements ?, frappent les crécelles, se répondent par des cris, […] se soulèvent l’un l’autre, jacassent […] sont les […] qui élèvent une clameur contre Enlil et Anu 75 » . Dans un contexte de parade militaire, il n’est pas impossible que ces sortes d’acteurs sacrés aient été chargés de mimer des batailles divines, mises de la sorte en équivalence avec les victoires que le roi avaient remportées, ou même de rejouer les combats qui venaient d’être menés. Cela expliquerait qu’ils portent des armes élamites lors du triomphe sur l’Elam. Malgré la diversité des sources, il reste cependant difficile de faire une reconstitution complète, car toutes les célébrations de la victoire n’étaient probablement pas de même nature. Après les plus grands succès, il semble cependant que ces célébrations aient été associées aux fêtes de l’AkƯtu, à Ninive et/ou Arbèles, avec une entrée solennelle du roi et des statues divines, une exposition des prisonniers et des prises de guerre, et une parade militaire où les principaux épisodes de la campagne, bataille victorieuse, comptage du butin et humiliation des vaincus se rejouaient devant l’armée et le peuple.

72

.

SAA 3 4 : 7’-9’ lú-nar-meš pal-ke-e ma-har-šá kam-su / šu-ut giš-zà-mí še-bi-ti u ka-an-za-bi / šá ma-li-li ‫܈‬i-inni-ti u ar-ka-a-[ti].

73

.

SAA 3 8 : r.12’-16’. a-rim pi-g[u ?]-ú ša ir-[o o o o] / a-rim pi-l[ag]-gi ša lú.ଢxଣ-[o o] / a-rim bà[d x]-ú-ti ša lú.kur-gar-ri / a-rim ࡈanࡉ x [x] ࡈinࡉ-hi ša kul-ࡈmaࡉ-š[á-a-ti] / a-rim dub-dub-bi ଢxଣ-hal-la ša li-li-[sa]-ࡈaࡉ[ti], « L’instrument-pigû du […] est accordé! La lyre de l’a[ssinnu] est accordée!, le … du kurgarrû est accordé, le … est accordé au chant des kulmašƯtu! le dubdubbu est accordé!, le … des timbales ! » .

74

.

Il existait aussi des femmes-kurgarrû, selon une liste de personnel féminin, SAA 7 24 : 11 et 24. Leur association avec la musique est confirmée par le fait que les 13 mí-kur-gar-r[a-meš], mentionnées l. 24, sont incluses dans un total de 61 musiciennes (l. 27 pab 61 mí-na[r-meš]. Pour la comparaison des kurgarrû avec les prêtres de Cybèle, voir Parpola 1983, p. 316, n. 574.

75

.

SAA 3 37 : 29’-32’ [lú]-ଢkurଣ-gar-ra-meš ša tu-šá-ri i-ma-li-lu mì-il-hu i-mal-la-hu / [kis-k]i-la-te i-mah-ha‫܈‬u ia-ru-ra-te ࡈúࡉ-[sah-ha-ru] / [o o] x šá a-ha-meš i-mat-tah-u-ma ú-šá-a‫܈‬-ba-ru [o o] / [do]-x-meš-e šu-nu-ma ša ina ugu dbe d1 ri-ig-mu i[š-ku-nu].

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Figure 1 : Personnages à coiffure de feuillage (d’après SAA 13, fig. 3)

Figure 2 : Bas-relief d’Assurbanipal représentant la ville de Ninive (d’après Matthiae, Ninive, Milano, 1998, p. 90)

269

Figure 3 : Barnett, Sculptures from the North Palace, London, 1976, pl. 25, dalles 5-7.

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