La ville de Diffa face à Boko Haram et à l'afflux des réfugiés nigérians 2343172013, 9782343172019

La secte Boko Haram, apparue au début des années 2000 au Nigéria, est devenue un problème transfrontalier en moins de 10

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La ville de Diffa face à Boko Haram et à l'afflux des réfugiés nigérians
 2343172013, 9782343172019

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Né au Niger dans la ville de Diffa où il a fait ses études primaires et secondaires jusqu’en 2009, Mahamadou BELLO est doctorant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey et est rattaché à deux instituts de recherche : le Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL) de Niamey et au REMOBOKO project basé à Leibniz-Zentrum Moderner Orient (ZMO) de Berlin.

Etudes africaines Série Anthropologie Illustration de couverture de l’auteur. ISBN : 978-2-343-17201-9

19 €

Mahamadou Bello

La secte Boko Haram, apparue au début des années 2000 au Nigéria, est devenue un problème transfrontalier, en moins de dix (10) ans. Au Niger, elle est apparue vers 2006 dans la ville de Diffa. L’idéologie fut introduite par des jeunes de la ville partis à Maiduguri (Nigéria). À leur retour, ils ont diffusé le message de la secte en recourant à plusieurs stratégies. Contre celle-ci, les autorités religieuses ont organisé plusieurs séries de prêches et de conférences pour sensibiliser la population et les autorités administratives. Les attaques lancées par les combattants de Boko Haram au Nigéria ont engendré le déplacement massif des populations vers les pays frontaliers de ce pays dont le Niger. Diffa, ville frontalière avec le Nigéria, est devenue un refuge pour plus de 27.162 réfugiés nigérians en 2015. L’accueil de ces réfugiés est facilité par les liens historiques entre la population réfugiée et leur hôte. L’État du Niger et les acteurs humanitaires n’ont cessé d’assister les réfugiés en vivres et en Non Food Items (NFI). Le livre analyse les mobiles du ralliement des jeunes de la ville de Diffa à l’idéologie de la secte Boko Haram et les facteurs ayant facilité l’accueil des réfugiés par la population de cette ville.

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians

Etudes africaines

Série Anthropologie

Mahamadou Bello

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux l’afflux des réfugiés nigérians

Préface du Pr Gerd Spittler

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians

Collection « Études africaines » dirigée par : Denis Pryen

Forte de plus de mille titres publiés à ce jour, la collection Études africaines fait peau neuve. Elle présentera toujours les essais généraux qui ont fait son succès mais se déclinera désormais également par séries thématiques: droit, économie, politique, sociologie, etc. Paul Akogni, Arthur Vido, Didier Marcel Houénoudé, Le patrimoine historique au service du développement du Bénin, février 2019. Ayrton Aubry - Préface De Frédéric Ramel, Le G5 Sahel. Le nouveau régionalisme sécuritaire en Afrique du Nord-ouest, février 2019. Jules Maps Bagalwa Mapatano, La décentralisation en Afrique au début du XXIe siècle, réflexions à partir de l'expérience congolaise récente, janvier 2019. Raymond Matand Makashing, L'homme et la nature. Perspectives africaines de l'écologie profonde, janvier 2019. Pascasie Minani Passy, Burundi Les relations interethniques et intra-ethniques. Et la réconciliation ? janvier 2019. Claude Ozankom (Sous la direction), Philosophie et tradition sapientielle africaine. Hommage au Professeur Dominique Kahang'a Rukonkish, janvier 2019. Jean Somboro, Noms théophores et conception dogon de Dieu, janvier 2019. Adéothy Adegbinni, "Manger les terres sacrées" : les espaces du culte vodoun, nouveaux fronts d'urbanisation au Bénin, janvier 2019. Yaovi Akakpo - Préface de Gilbert Hottois, Le technocolonialisme. Agir sous une tension essentielle, janvier 2019.

Mahamadou BELLO

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians Préface du Pr Gerd Spittler

© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com ISBN: 978-2-343-17201-9 EAN: 9782343172019

SOMMAIRE Préface................................................................................ 9 Dédicaces ......................................................................... 13 Remerciements ................................................................. 15 Liste des sigles ................................................................. 17 Liste de figure et tableau .................................................. 19 INTRODUCTION ................................................................. 21 PREMIERE PARTIE : CADRES THEORIQUE ET PRATIQUE DE L’ETUDE ........................................................................ 21 Chapitre I : Fondements théoriques de l’étude ........... 27 Chapitre II : Aspects pratiques de l’étude ................... 63 DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE ET APPARITION DE LA SECTE BOKO HARAM DANS LA ZONE ...................... 71

Chapitre III : Présentation de la zone d’étude ............. 73 Chapitre iv : Apparition de la secte boko haram dans la ville de Diffa............................................................ 83 TROISIEME PARTIE : ACCUEIL DES REFUGIES NIGERIANS, AIDE HUMANITAIRE ET INSERTION SOCIO-ECONOMIQUE DES REFUGIES DANS LA VILLE DE DIFFA ....................................................................................... 105

Chapitre V : Les attaques des villes nigérianes par la secte boko haram et l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa ............................... 107

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Chapitre VI : Insertion sociale des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa ................................................. 119 Chapitre VII : L’aide humanitaire et l’insertion économique de réfugiés nigérians dans la ville de Diffa .... 139 Conclusion ..................................................................... 159 Bibliographie.................................................................. 163

Table des matières.......................................................... 169

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PRÉFACE Les actes du mouvement islamique Boko Haram ont beaucoup fait parler d’eux à travers les médias du monde entier. Néanmoins, nous ne savons que très peu de choses sur Boko Haram. Aucune enquête anthropologique de terrain, notamment la méthode d’observation participante, si chère aux chercheurs spécialistes, n’a été menée au sein du dit groupe. Cette enquête est l’une des premières études menées sur le terrain au sein d’une communauté qui a abrité des Milliers de personnes victimes du mouvement Boko Haram. « Accueil des réfugiés nigérians victimes du conflit Boko Haram par la population de la ville de Diffa » est le thème de recherche d’un jeune chercheur nigérien issu luimême de cette ville. Pour mener cette enquête, l’auteur de cette étude a passé quelques mois dans la ville de Diffa et a réalisé des entretiens avec les réfugiés et les habitants de la ville. Par ailleurs, la maitrise de plusieurs langues, le Hausa, le Kanouri, le Peul et le Français est un des points forts du jeune chercheur, ce qui lui a permis de conduire son travail de terrain avec plus d’aisance. Les récits des attaques de Boko Haram des réfugiés ainsi que l’expérience de leur fuite pénible sont très touchants. Certaines expériences sont difficiles à imaginer, par exemple, celles où des jeunes combattants de Boko Haram ont été encouragés ou forcés par leurs supérieurs de tuer leurs propres parents. Le chercheur n’a pas observé lui-même les atrocités de Boko Haram dans les villages de Nigéria. Mais il a vécu à 9

Diffa et a observé les relations entre les habitants de Diffa et les réfugiés et les a interrogés. C’est un sujet qui nous concerne aussi en Europe. Nous oublions trop facilement que la plupart des réfugiés ne viennent pas en Europe, mais qu’ils se réfugient dans des pays voisins. Cela ne va pas sans difficultés, mais la solidarité y semble plus évidente que chez nous. Il existe même déjà des mariages entre réfugiés et autochtones. Les liens parentaux et ethniques entre la population de Diffa et les réfugiés ainsi que leur appartenance à la même communauté islamique facilitent ces formes relationnelles L’auteur montre que les relations ne sont pas stables mais qu’elles évoluent. Une détérioration des relations a été observée au moment où une nouvelle attaque de Boko Haram à Diffa a fait soupçonner la présence d’activistes Boko Haram parmi les réfugiés. Bello porte un jugement ambivalent sur les nombreuses ONG humanitaires qui ont organisé l’aide aux réfugiés. Elles ont, certes, contribué à diminuer les souffrances des réfugiés, mails il y a eu aussi beaucoup de corruption et elles étaient peu inclines à donner des informations au chercheur. Le livre résulte d’une recherche dans le cadre d’un mémoire de master en sociologie à l’université Abdou Moumouni de Niamey que j’ai co-encadrée. Bello a bien intégré la littérature scientifique en français. Malheureusement, il existe toujours un clivage scientifique entre les ex-colonies françaises et anglaises. La littérature anglophone sur Boko Haram n’a pas été prise en considération. Ce livre n’est pas le livre d’un journaliste bien qu’il se lise parfois (et heureusement) comme tel. Il y a de longs passages où les réfugiés racontent de façon très intense leurs expériences vécues. Cette méthode qualitative, qui 10

dépasse les questionnaires des sociologues, permet à ce livre d’être non seulement écrit dans un style vivant mais de nous donner des renseignements précieux. Je souhaite à ce livre une lecture attentive ! Gerd Spittler Professeur émérite de l’université de Bayreuth Professeur associé de l’université de Niamey en janvier 2019

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DÉDICACES Nous dédions ce mémoire à :  Nos parents en reconnaissance de tous les efforts fournis dans notre éducation. Qu’ils trouvent ici, l’expression de notre profonde gratitude.  Notre tante, Mme Daouda née Aichatou Amadou et notre oncle Amadou Gana Oumarou pour leurs conseils et leurs contributions durant notre cursus académique. Qu’ils trouvent ici, le témoignage de notre sincère reconnaissance.

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REMERCIEMENTS Plusieurs personnes ont contribué, de près ou de loin, à la réussite de ce travail. C’est le lieu de leur adresser nos sincères remerciements. Il s’agit entre autres :  De notre encadreur Dr. HAMIT Abdoulhadi, du Pr. Gerd Spittler et de l’ensemble du corps enseignant du département de sociologie et anthropologie de l’UAM. Qu’ils trouvent ici, l’expression de notre profonde gratitude ;  De notre épouse pour ses conseils et pour avoir supporté nos multiples absences durant la rédaction de ce travail ;  De nos lecteurs pour leurs contributions dans le perfectionnement de ce travail. Il s’agit entre autres de Maï Kassoum Daouami ; Baba Gana Chétima ; Sanoussi Idi ; Laouali Issa Bassirou ; Moctar ; Ari Koutale Tila Boulama, Aladji Sani ;  De nos frères et sœurs qui nous ont aidés financièrement et assistés moralement durant notre cursus scolaire ;  De notre ami Ousmane Sheikh Chouaïbou, un retourné nigérian qui nous a accompagné et aidé à repérer les familles des réfugiés et des retournés vivant dans la ville de Diffa ;  Des différents chefs de quartiers de la ville de Diffa qui nous ont accompagnés durant notre séjour dans cette ville ;  De tous les réfugiés, les retournés et les habitants de la ville de Diffa qui ont accepté de nous accorder une partie de leur temps dans le cadre de la collecte de données de ce mémoire.

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LISTE DES SIGLES AGR :

Activités Génératrices de Revenu

CARE:

Cooperative for Assistance Relief Everywhere

CCH :

Cellule de Coordination des Actions Humanitaires

DREC/R :

Direction Régionale de l’Etat Civil et des Réfugiés

DRSP :

Direction Régionale de la Santé Publique

DRD :

Direction Régionale des Douanes de Diffa

DUDH :

Déclaration Universelle de Droits de l’Homme

FAN :

Forces Armées Nigériennes

FCFA :

Franc de la Communauté Financière en Afrique

FNIS :

Forces Nationales d’Intervention et de Sécurité

INS :

Institut National de la Statistique

IRC :

International Rescue Commitee

MSF :

Médecins Sans Frontières

NFI :

Non Food Items (Biens non alimentaires)

OCHA :

Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires

OIM :

Organisation Internationale pour les Réfugiés

OIR :

Organisation Internationale pour les Réfugiés

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ONG :

Organisation Non Gouvernementale

ONU :

Organisation des Nations Unies

OTAN :

Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord

OUA :

Organisation de l’Union Africaine

PAM :

Programme Alimentaire Mondial

PDC :

Plan de Développement Communal

RDC :

République Démocratique du Congo

SDN :

Société Des Nations (SDN)

UAM :

Université Abdou Moumouni

UNHCR ou HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés

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LISTE DE FIGURE ET TABLEAU Figure 1 : Carte portant sur la localisation de la commune urbaine de Diffa ................................................................................................... 74

Tableau N° 1 : La répartition des enquêtés par groupes stratégiques . 66

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INTRODUCTION Depuis juillet 2009, le Nigéria fait face aux attaques de la secte terroriste boko haram. Fondée par Mohamed Yusuf en 2002 à Maiduguri (Nigéria), la ‘’djama’atou ahlous sounna lidda’awatou wal djihad1’’, plus connue sous le nom de boko haram, prônait l’instauration de la charia dans les Etats du Nord nigérian en utilisant des prêches et des sermons. Au début de la décennie 2000, la secte boko haram s’est lancée dans la conquête des territoires des pays voisins du Nigéria, en propageant son idéologie au Cameroun, au Niger et au Tchad. Au Niger, la région de Diffa est la plus affectée par cette idéologie car plusieurs jeunes rejoignent la secte. Après la mort extra judiciaire de leur leader Mohamed Yusuf en Juillet 2009, la secte se lance dans la clandestinité et commet des attaques ciblées contre les forces de sécurité nigériane. Entre 2010 et 2012, la secte boko haram intensifie ses attaques et élargit la liste de ses cibles en s’attaquant aux populations chrétiennes d’abord. Ensuite, elle attaque les jeunes de la milice ‘’gora2’’. Enfin, elle cible toute la population civile du Nord-Est nigérian sans défense. Face au retrait des forces de sécurité des villes et villages conquis du Nord-Est nigérian et la multiplication des attaques de la secte terroriste, la population a fui pour chercher refuge dans les zones sécurisées du pays ou dans les pays frontaliers. 1

Les disciples du Prophète pour la propagation de l’Islam et de la guerre sainte. 2 ‘’Kato da gora’’ ou ‘’gora’’ est une milice d’autodéfense mise en place par la population dans les villes et villages touchées par les attaques des éléments de boko haram. Dénoncer et arrêter les éléments infiltrés de boko haram sont les objectifs de cette milice.

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En 2015, ils étaient environ 198.950 déplacés internes et 222.340 réfugiés répartis entre le Cameroun, le Niger et le Tchad3. Le Niger accueille le plus grand nombre de réfugiés nigérians. En 2015, ils étaient 93.340 réfugiés à traverser la frontière nigérienne, selon Jeune Afrique et 138.3214 en Février 2016, selon le bureau d’UNHCR NIGER. Dans la ville de Diffa, 24.312 réfugiés sont enregistrés en 20155 contre 3.000 qui vivaient dans le camp de Sayam Forage6, en Mai 2016. Suite à l’attaque de la ville de Bosso, le 20 juin 2016, 2.850 réfugiés sont arrivés dans la ville. Ces chiffres reflètent moins la réalité puisque plusieurs familles d’accueil n’ont pas déclaré les personnes accueillies sous leurs toits. Les réfugiés nigérians furent accueillis par la population locale qui leur procure refuge et assistance. L’Etat du Niger et les organismes humanitaires se sont aussi mobilisés pour assister ces personnes vulnérables. C’est dans ce contexte que la ville de Diffa fut attaquée par les combattants de la secte terroriste boko haram. La première attaque ciblée de la secte dans la ville de Diffa survient le 29/04/14. Durant cette attaque, un commerçant a été assassiné devant sa porte vers 18h. Une semaine plus tard, une position de la Garde Nationale du Niger (GNN) a été attaquée par un commando dans le village de Chétima Wango. 3

http://www.jeuneafrique.com/290559/politique/terrorisme-bilanmacabre-de-boko-haram-2015/ consulté le 04/10/17. 4 L’effectif de ces réfugiés évolue en dent de scie ce qui le fait varier d’une période à une autre. 5 Selon les données de la Direction Régionale de l’Etat Civil (DREC/R) de Diffa. 6

http://www.un.org/apps/newsFr/story F.asp?NewsID=37299#.Wd4D6aIqnIU

consulté le 02/06/17

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Les attaques d’envergure de la secte boko haram dans la ville de Diffa interviennent entre le 06 et 09 février 2015 où les combattants de la secte ont tenté de prendre la ville. Ces attaques sont facilitées et guidées par des jeunes de la région de Diffa qui ont rejoint la secte. Ces attaques impactent considérablement l’accueil et l’insertion socioéconomiques des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa. Cette étude s’intéressera dans un premier temps aux mobiles du ralliement des jeunes de la ville de Diffa à l’idéologie de la secte terroriste boko haram. Ensuite, elle cherchera à comprendre les facteurs explicatifs de l’accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. Elle abordera aussi la cohabitation entre les réfugiés nigérians et les autochtones. Elle portera également sur les actions des humanitaires envers les réfugiés et les habitants de la ville de Diffa. Enfin, ce travail étudiera les stratégies que les réfugiés utilisent pour faire face aux problèmes qu’ils rencontrent au quotidien.

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PREMIERE PARTIE CADRES THEORIQUE ET PRATIQUE DE L’ETUDE

CHAPITRE I FONDEMENTS THÉORIQUES DE L’ÉTUDE Dans ce chapitre, nous abordons les aspects théoriques de la recherche, de la justification du choix du sujet au modèle d’analyse en passant par l’état de connaissance sur le sujet, la problématique, les hypothèses, les objectifs de ce travail et la définition des concepts clés. 1.1 Justification du choix du sujet et du milieu d’étude : CAMPENHOUDT L. V. (2001 : 25) disait « les sciences sociales sollicitent aussi bien les ressources de la méthodologie scientifique que celles de la subjectivité maîtrisée du chercheur, ce qui représente une difficulté en même temps qu’une richesse ». La question des réfugiés et de l’extrémisme violent constituent l’actualité des médias ces dernières années surtout avec la multiplication des conflits dans le monde. L’anthropologie s’est intéressée tardivement à la question de migration forcée longtemps laissée aux sciences juridiques, politiques et à la psychologie (Amélie P., 2008 ; Baujard J., 2009). Dans les années 1980, l’anthropologie anglo-saxonne commence à s’y intéresser en devançant ainsi d’une décennie l’anthropologie francophone. Les études existantes sur les réfugiés concernent plus les réfugiés vivant dans les camps que ceux qui vivent dans des familles d’accueil. Ainsi, notre étude s’intéresse à

cette dernière catégorie afin d’apporter notre modeste contribution à sa compréhension. Notre travail portera d’une part, sur les motifs du ralliement des jeunes de la ville de Diffa à l’idéologie de la secte terroriste boko haram. D’autre part, elle s’intéressera aux facteurs qui expliquent l’accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. Cette étude, visant à produire un document scientifique, aborde des pistes de réflexions sur les motifs du ralliement des jeunes à l’extrémisme violent et sur la cohabitation entre les réfugiés et leurs hôtes. Le choix de ce sujet s’explique d’une part, par notre curiosité de connaitre les motifs du ralliement de certains de nos amis d’enfance à la secte boko haram. D’autre part, il s’explique par le lien de parenté que nous partageons avec quelques retournés car nous sommes originaires de la ville de Diffa. En plus, notre famille, comme beaucoup d’autres, a accueilli des réfugiés. 1.2 Revue de la littérature Comme disait CAMPENHOUDT L. V. (2001 :25), « les objets d’étude des sciences sociales ne sont pas des domaines vierges sur lesquels aucun regard ne serait jamais posé », c’est le cas de notre sujet qui a été la préoccupation de plusieurs chercheurs. Leurs études ont porté sur beaucoup d’aspects que nous avons recensés lors de nos différentes lectures. Trois approches peuvent ainsi être dégagées pour les études portant sur les réfugiés (KILANI M., 2012), la première approche s’intéresse au droit international des réfugiés. La deuxième porte sur la dénonciation de l’aide. Et enfin, la dernière privilégie l’étude des stratégies des acteurs. Ceci montre comment ils s’approprient le statut de réfugié et initient un processus actif de changement qui 28

permet de redéfinir les normes coutumières et les modes d’appartenances. Cette dernière sera privilégiée pour étudier l’accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. A travers la documentation, nous avons pu étudier les divers aspects abordés par les chercheurs et spécialistes de telles questions.  Historique de l’asile Du latin asylum et grec asylon, l’étymologie du mot « asile » signifie selon Wali Wali, (2010 : 92) « lieu sacré ou inviolable ». Au fil du temps, cette signification par extension et glissement (Wali Wali, 2010 : 92) « finit par évoquer la protection que trouve une personne et l’assurance qu’elle peut avoir de ne pouvoir faire l’objet d’aucune mesure de poursuite et de coercition ». L’asile religieux est la première forme d’asile qui s’est manifestée, comme le dit BISSOT (2002 :19) « l’idée de l’asile ou de refuge provient d’une valeur religieuse désignant la sécurité garantie par certains temples ». Ainsi, chaque personne peut aller à la recherche d’un lieu afin de préserver sa ‘’foi’’ sans crainte d’être persécuté et ou d’être tué. Dans ces sanctuaires, elle avait le droit d’exercer son culte en toute liberté. A la fin de la première guerre mondiale, la Société Des Nations (SDN) met en place le Comité International des Réfugiés pour apporter aide et assistances aux personnes qui fuient les guerres. Ainsi, (Wali Wali, 2010 :92) « les Etats [membres de la SDN] s’engageaient à délivrer à ces réfugiés (…) un document de voyage spécial, valable un an ». Avec ce document commence une nouvelle étape de reconnaissance pour les réfugiés. Ce document (appelé plus tard « passeport Nansen ») (Wali Wali, 2010 : 92) ne donnait pas le « droit de retour 29

dans le pays d’origine, ni dans l’Etat qui l’avait délivré, ni droit d’entrée dans le pays où le réfugié voulait se rendre ». Ce refus d’accorder aux réfugiés le droit d’aller vers le pays souhaité vise un double objectif. D’une part, il s’agit de dissuader ceux qui seront tentés de se cacher derrière ce statut pour quitter leur zone d’habitation sans être menacé afin de migrer vers un pays de leur choix. Ainsi, par cette interdiction ils se verront imposé un pays au hasard. D’autre part, les pays qui délivreront ces documents se verront décharger de la prise en charge de ces réfugiés. En 1947, l’Organisation Internationale pour les Réfugiés (OIR) a été créée pour gérer la question des réfugiés toujours grandissante. Sa principale tâche a été la réinstallation des réfugiés dans les pays tiers. En décembre 1950, lors de son Assemblée Générale, l’ONU via sa résolution 248 donne naissance au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) en votant son projet de statut. Et la Convention de Genève est rédigée en 1951 et adoptée par 24 Etats européens à Genève. En définissant le réfugié, cette Convention fixe une date (1er janvier 1951) avant laquelle une personne peut être qualifiée de réfugié. En 1967, à New York, un Protocole additionnel a été élaboré et signé par les Nations Unies afin de corriger les limites de la Convention de 1951. Ainsi, la date du 1er janvier 1951 a-t-elle été supprimée de même que la restriction de l’application de la Convention aux seuls Etats européens. Ceci donne ainsi une portée internationale à la définition du « réfugié ». Cependant, chaque Etat octroie le statut en tenant compte de ses intérêts politiques et économiques (Foxen, 2012). Ceci fait donc varier la politique de l’octroi d’un pays à un autre. Ainsi, selon RICCA (1990 :219) « un pays peut accorder l’asile sans le statut du réfugié ou le 30

contraire. Cela dépend des rapports qu’entretiennent le pays d’accueil et celui de départ ». Cette disposition est en violation de l’article 14 de la DUDH qui garantit le droit d’asile à toute personne qui se sent menacée.  Catégorisation des réfugiés Dans ses recherches sur la typologie des déplacés, Lassailly-Jacob V. (1999) distingue plusieurs catégories de réfugiés. La fuite peut être une réponse à des contextes de crises aiguës, de violence politique le plus souvent, de famine, d’épidémie, de catastrophe ou de destruction environnementale ou, encore, en cas d’interventions coercitives de l’Etat. Lassailly-Jacob V. distingue ainsi quatre (4) catégories de migrations forcées avec des souscatégories. La première catégorie est celle basée sur la violence, persécution et répression. La deuxième regroupe les mouvements survenus à la suite d’une catastrophe naturelle. A cette catégorie, Ranelli (2009) propose des réponses pouvant améliorer la vie des réfugiés. Il s’agit d’adapter les cultures aux changements climatiques dans le pays de départ, faciliter l’obtention de visas aux victimes dans le pays d’accueil pour une meilleure intégration dans le nouveau milieu. La troisième catégorie concerne les déplacements suite aux travaux d’aménagement du territoire. La dernière catégorie concerne les populations déplacées pour des considérations politiques et stratégiques. De manière générale, les personnes de toutes ces catégories ne peuvent être considérées comme réfugiées en restant dans leur pays. Pour qu’elles le deviennent, il leur faut traverser la frontière étatique de leur pays. Le principal apport de cette catégorisation est d’avoir inclus, non seulement les victimes des tragédies humaines et des violations de droit de l’homme mais aussi des 31

mouvements de masse suite à des catastrophes naturelles et des politiques des Etats. Mais la principale limite de cette catégorisation reste qu’elle ne différencie pas un migrant forcé d’un migrant économique. En effet, la cause d’un conflit peut induire également une motivation économique. Ainsi, la frontière entre ces deux migrations devient poreuse.  L’insertion et l’intégration des réfugiés dans leur milieu d’accueil Lorsque les réfugiés traversent une frontière, ils se dirigent vers les villages et les villes où se trouvent leurs familles (Coleman, 2014 :79) « au sens très large – lignage, clan ou groupe ethnique - où [ils] trouvent de bonnes conditions d’accueil ». Quelle qu’en soit la destination, le choix du lieu ne se fait pas au hasard car les réfugiés empruntent des itinéraires familiers. Selon Lassailly-Jacob cité par Gomes (2001 : 300), « soit [les réfugiés] sont apparentés aux populations vivant de l’autre côté de la frontière, soit ils empruntent d’anciens chemins d’exil, de vieilles routes migratoires ou des parcours de transhumance, qui ont forgé des liens entre les migrants et leurs hôtes ». L’installation des réfugiés varie d’un pays à un autre. Certains pays, notamment les pays pauvres, privilégient de les rassembler dans des camps afin de faciliter leur contrôle (Coleman, 2014). Les pays du Nord privilégient des centres d’accueil provisoires pour les installer en attendant la régularisation de leur statut. Une autre politique utilisée par tous les pays consiste à laisser les réfugiés intégrer les autochtones. Le HCR accueille les réfugiés dans leur nouvelle terre d’accueil. Il a pour mission de leur fournir la 32

première assistance et de les aider à avoir une protection juridique internationale temporaire (UNHCR, 2001) en attendant qu’ils rentrent chez eux ou qu’ils deviennent citoyens d’un autre Etat. De ce fait, le HCR propose trois solutions durables pour les réfugiés conformément au droit international. Ces solutions durables sont (UNHCR, 2001) le rapatriement librement consenti : il s’agit de faire retourner les réfugiés dans leur pays d’origine avec leur consentement, dans la sécurité et la dignité ; l’intégration sur place : il s’agit d’aider les réfugiés à s’intégrer dans le premier pays d’accueil ; et enfin la réinstallation qui consiste à orienter les réfugiés vers un autre pays qui accepte de les accueillir à titre permanent. A côté de ces trois solutions, Agier (cité par Essono, 2013) considère les camps comme une quatrième solution durable par leur permanence et leur durabilité. Et Essono (2013 :238) considère les églises comme « une véritable cinquième solution durable » par le rôle qu’elles jouent dans l’insertion des réfugiés parmi les autochtones. Non seulement, elles accueillent des réfugiés dans ses paroisses, mais en plus, elles incitent les autochtones à en faire autant pour avoir une récompense divine. Ces solutions durables ne sont pas hiérarchiques. Chacune est en effet, utilisée en fonction du besoin. Néanmoins, le rapatriement librement consenti est la solution recherchée et attendue par la plupart des réfugiés (UNHCR, 2001). Ce choix peut s’expliquer par l’attachement des réfugiés à leur milieu d’origine car ayant construit leur vie. Et y reconstruire une autre vie sera plus facile que dans un autre pays. Ainsi, la première solution devient la plus utilisée. Cependant, Frésia a une autre lecture de ce choix. Pour elle (Frésia, 2005 :39), « c’est parce que l’intégration dans les pays du Sud n’est plus une option envisageable et que la réinstallation vers les Etats 33

du Nord paraît être idyllique que les réfugiés sont réunis « provisoirement » dans des espaces de confinement ». Ainsi, le choix des camps devient la seule alternative face à l’échec de ces solutions durables.  Les réfugiés urbains L’appellation « réfugiés urbains » tient compte de l’installation des réfugiés en milieu urbain parmi les autochtones. Néanmoins, d’autres réfugiés vivent dans des villages non loin de la ville, les « self-setlled » (Frésia, 2005). Cependant, cette appellation (réfugiés urbains) ne fait pas l’unanimité des chercheurs. Baujard (2009) préfère utiliser l’expression « réfugié vivant en milieu urbain » au lieu de réfugié urbain qu’elle évite pour ne pas donner aux réfugiés un label « descriptif ». En effet, dans la plupart des cas, ces réfugiés sont issus de la même ethnie que les autochtones, il devient difficile pour un non averti de les distinguer. C’est pourquoi, Frésia (2005) les appelle les invisibles. Ce terme, selon Frésia (2005 :59), « permet aussi d’insister sur le fait que des réfugiés habitant des zones rurales (…) ne sont pas forcément contraints d’habiter dans des camps pour recevoir des vivres ou être assistés ». Nous trouvons cette appellation exagérée car malgré l’intégration des réfugiés ou même leur similitude avec les autochtones, ils demeurent toujours étrangers au milieu parce que les frontières étatiques bien que virtuelles, influencent les comportements des populations. Ces réfugiés ne peuvent pas être considérés comme invisibles parce qu’ils sont recensés et enregistrés par les commissions chargées de la question. Mais, ils peuvent être appelés inconnus quand ils ne se font pas enregistrer.

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Pour un nombre important de chercheurs7, les similarités ethniques, linguistiques et culturelles influencent plus le choix d’une localité par des réfugiés. Dans le cas où ils rejoignent une population avec laquelle ils partagent une parenté ethnique, les réfugiés revendiquent leur appartenance à la même ethnie que les autochtones non seulement pour faciliter leur insertion et leur intégration dans la société d’accueil mais aussi pour avoir une reconnaissance identitaire auprès de ces autochtones (Malkki, 1995 cité par Essono, 2013). Dans sa thèse sur les réfugiés Congolais au Gabon, Essono (2013) énumère quelques facteurs qui ont facilité le choix du Gabon par les réfugiés. Ainsi, la proximité géographique est le premier aspect évoqué. A cela s’ajoute l’aspect culturel (langue, identité, famille). Une troisième raison est la possibilité de rejoindre un proche qui les a précédés pendant ou avant le conflit. Dans cette situation, les réfugiés font moins recours à l’aide humanitaire se contentant de l’hospitalité de leurs hôtes. Pour RICCA (1990), tout cela se fait suivant des règles coutumières de la solidarité et de l’hospitalité tout en ne réclamant ni statut officiel ni secours. Aussi, Gomes (2001) montre que la parenté est l’un des facteurs qui favorisent la solidarité entre réfugiés et autochtones. Certains réfugiés ont acquis leur autonomie financière avec l’aide de leurs hôtes qui les ont appuyés en crédits sans intérêt ou qui les ont embauchés dans leurs entreprises. En accueillant les réfugiés, les autochtones mettent en avant leur sens de l’hospitalité pour les recevoir et font tout pour les honorer et les intégrer dans le milieu. Par cet accueil, selon Frésia (2005 : 330), les autochtones 7

RICCA, 1990 ; Van Damme, 1999 ; Gomes, 2001 ; Frésia, 2005 ; Amélie, 2008 ; Wali Wali, 2010 ; Essono, 2013 ; Coleman, 2014 ; etc.

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« confirment leur autorité sur les réfugiés, car c’est celui qui honore ses étrangers qui est, en général, le plus haut placé dans la hiérarchie sociale». Cependant, nous pensons que les autochtones reçoivent les réfugiés sans contrepartie. Ils les aident simplement comme étant leurs frères. Et aider un frère en difficultés relève de la culture et de l’hospitalité du milieu. Ainsi, les autochtones ne le font pas pour la recherche d’une quelconque suprématie comme le souligne Frésia (2005). Cependant, les liens de parenté ne sont pas toujours synonymes de prise en charge complète des réfugiés par leurs parents8. En effet, comme le note M. Frésia (2005 :65), « l’existence des liens de parenté entre réfugiés et autochtones n’entraîne pas forcément (…) l’activation de liens d’hospitalité et de solidarité entre deux groupes ». Si certains réfugiés préfèrent rester autonomes dans les mêmes villages que leurs frères, d’autres réfugiés créent leur village à côté des autochtones. Charpentier (2013) dans son travail sur les réfugiés rwandais au Congo (RDC) constate que ce sont les « contrats », des « relations contractuelles », qui définissent les liens sociaux entre les réfugiés rwandais et les autochtones en milieu urbain. De ce fait, les réfugiés doivent payer et négocier pour avoir ce qu’ils veulent (Essono, 2013). Pour se distinguer des réfugiés, les autochtones vont élaborer une « théorie de frontière ethnique » entre eux et les réfugiés en se basant sur des marqueurs identitaires (la coiffure par exemple) (Essono, 2013 citant Le Houérou, 2004).

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Frésia, 2005 ; Amélie, 2008 ; Wali Wali, 2010 ; Essono, 2013 ; etc.

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Certains Etats ne voulant pas des réfugiés, véhiculent des rumeurs les accusant d’importer des armes afin de déstabiliser un jour le pays hôte. Ainsi, ils deviennent selon Essono (2013 :129) des potentiels spoliateurs, « une menace et une source de problème ». Les autochtones en intériorisant ces rumeurs et en se référant à des représentations sociohistoriques auxquelles le réfugié a « fait la guerre », stigmatisent les réfugiés. C'est le cas des Gabonais qui (Essono, 2013 :182) « semblent ne pas parvenir à reconnaître les réfugiés congolais comme des frères de même ethnie ». Dans le cas où ils sont acceptés ou ‘’tolérés’’ par leurs hôtes, les réfugiés ne sont pas totalement pris en charge. Ils développent des stratégies, ‘’coping stratégies’’ (Amélie, 2009), qui leur permettent d’être autosuffisants. Pour ce faire, ils font preuve d’un réel dynamisme en exploitant toutes les opportunités socio-économiques qui se présentent à eux, ou qu’ils contribuent à produire, tout en s’appuyant (Baujard, 2009 :18) « sur les ressources culturelles et les structures sociales qu’ils [ont] à disposition » ou en créant les structures susceptibles de les soutenir. Parmi ces stratégies, la revente de la ration alimentaire reçue (une partie ou la totalité) constitue la principale stratégie sur laquelle plusieurs chercheurs9 se sont intéressés. En revendant cette ration, les réfugiés acquièrent de quoi pouvoir démarrer une activité génératrice de revenu ou acheter un autre produit alimentaire qui correspond à leurs besoins. Ainsi, cette

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La Commission européenne, 1994 ; Coleman, 2014 ; Frésia, 2005 ; Amélie, 2008 ; Baujard, 2009 ; Wali Wali, 2010 ; Quesada, 2011 ; Foxen, 2012 ; etc.).

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revente peut traduire le déliement de l’aide humanitaire des besoins de réfugiés (Coleman, 2014). D’autres réfugiés se redéployent dans les activités d’assistance. Ils se consacrent ainsi au bénévolat moyennant une prime, dans les écoles construites par le HCR, remplacent les agents des centres de santé construits sur leur site, etc. (Coleman, 2014). Le commerce frontalier constitue aussi l’une de ces stratégies d’adaptation. Ce commerce consiste en un va-et-vient entre le pays d’origine et le pays d’accueil en important ou en exportant des marchandises (Wali Wali, 2010). Selon le rapport de la Commission Européenne (1994), le travail dans les champs, le mariage avec les autochtones, la prostitution, l’usage de fausse identité, la falsification de documents, le vol, etc. sont autant d’autres stratégies développées par les réfugiés. Eu égard à ces stratégies, les réfugiés s’organisent pour plaider leurs causes. En effet, ils créent des organisations capables de les représenter et de revendiquer leurs droits (Frésia, 2005). Ces organisations ont pour mission de représenter les réfugiés auprès des organismes, d’identifier leurs besoins, de défendre leurs droits et orienter les actions de ces organismes. Selon Baujard (2009 :28) « La création d’associations permet [aux réfugiés] d’interagir avec les acteurs d’une société civile internationale, de participer aux mouvements ». Par les stratégies que développent les réfugiés, l’aide humanitaire devient un plus pour leurs conditions d’existence et non une nécessité indispensable.  Aide humanitaire Les organismes humanitaires et les Etats d’accueil interviennent pour améliorer les conditions de vie des 38

réfugiés. Les premiers se chargent des aspects matériels de secours et les deuxièmes s’occupent de la protection des réfugiés. Cependant, la tâche de ces organismes a été élargie (Amélie, 2008) pour inclure la fourniture de l’assistance opérationnelle. Les organismes humanitaires lancent des campagnes de financement pour assurer leurs tâches. Lors de ces campagnes, ils font usage de plusieurs stratégies dont entre autres : l’utilisation des images des réfugiés, individuels ou regroupés dans des camps, auprès des bailleurs des pays du Nord ou des particuliers. De ce fait, comme le souligne Foxen (2012) la situation des réfugiés dévient un objet de discours et de pratiques institutionnelles. L’image du réfugié est utilisée par les ONG, les agences de l’ONU, etc. afin d’avoir plus de soutiens auprès des bienfaiteurs. Nous pensons que le besoin de financement ne peut justifier l’exploitation de la situation de ces personnes victimes de violence. En le faisant, les organismes renforcent des préjugés des populations envers ces réfugiés. Ainsi, ils seront mal considérés et mal appréciés par les autochtones et les bienfaiteurs. Ces organismes doivent aussi chercher à être indépendants au lieu de toujours ‘’tendre la main’’. Ceci permet d’éviter l’influence exercée par les bailleurs. Par leur appui aux activités des organismes, les bailleurs deviennent incontournables et exercent leur influence sur leurs interventions d’où la difficile neutralité de ces organismes. De ce fait, il devient impossible d’écarter les discours humanitaires des prises de position. Or, selon Frésia (2005 : 47) « tenir un discours ‘’neutre et apolitique’’ répond à des contraintes diplomatiques et financières visant à ne pas heurter les sensibilités des Etats, attirer les conflits ou faire échouer les négociations 39

en cours ». Ces influences peuvent être à deux niveaux : les pays du Nord qui financent les actions humanitaires et les pays du Sud qui offrent leur territoire pour accueillir les réfugiés et autorisent les institutions humanitaires à intervenir sur ce territoire. Les pays du Sud peuvent, selon leur intérêt géostratégique, autoriser ou refuser de rendre les services qu’ils doivent aux réfugiés (Ricca, 1990 ; Frésia, 2005, Essono, 2013). Ils peuvent aussi regrouper les réfugiés dans des camps ou leur permettre d’intégrer les autochtones selon leur politique sans tenir compte de l’avis des organismes humanitaires. De ce fait, les organismes humanitaires deviennent des simples exécutants des décisions des pays d’accueil (Coleman, 2014). C’est dans ce sens qu’Amélie (2008 : 69) souligne que « les organisations humanitaires internationales courent le risque de devenir les complices ou les « facilitateurs » involontaires du maintien des populations réfugiées dans des situations de vulnérabilité ». Certains chercheurs comme Amélie (2008) considèrent l’action humanitaire comme agent politique et idéologique, vecteur des valeurs occidentales. Les pays du Nord se servent de l’appui financier qu’ils donnent aux organismes humanitaires pour véhiculer leur valeur le modèle capitaliste néo-libéral. Cela s’observe dans la façon dont ces organismes gèrent les camps de réfugiés. En effet, ils les gèrent en se basant le plus souvent, selon Amélie (2008 : 42), sur « un fonctionnement et des représentations occidentales ». Les organismes humanitaires gèrent les camps avec leurs techniques d’intervention qui ne tiennent pas compte 40

de celles des Etats des pays d’accueil qu’ils considèrent d’ailleurs moins efficaces. Ces techniques s’inspirent des politiques occidentales de gestion ce qui fait dire à Kilani (2012) que les ONG, d’une manière générale, véhiculent « les normes et les valeurs occidentales ». C’est le cas des ONG qui reçoivent des appuis des pays occidentaux dans leurs actions pour l’instauration des cultures démocratiques, des politiques de libération de l’Etat, etc. Kilani (2012) dénonce aussi l’usage de l’aide humanitaire pour d’autres causes autres que l’humanitaire. Il souligne (Kilani, 2012 :329) essentiellement « l’instrumentalisation de l’aide dans les contextes des guerres dites ‘’justes’’(…) au nom des droits humains et des valeurs universelles ». En effet, certains Etats espèrent faire atténuer les effets des guerres par les actions humanitaires qui s’en suivent. Ces immixtions des pays (du Sud comme du Nord) font perdre à l’action humanitaire son caractère de neutralité dans ses interventions. Frésia (2005 : 48) a montré que « le projet de ‘’neutralité’’ est intenable dans la réalité, puisque les institutions humanitaires sont nées dans un cadre interétatique et ne peuvent agir sans le consentement des Etats -qui seuls signent les conventions internationales légitimant leur existence et les autorisent à intervenir sur leur territoire ». Ainsi, selon Frésia (2005 : 42) « le discours officiel [des humanitaires] est souvent une façade construite en réponse à des pressions politiques et financières exercées par les Etats ». Ces discours qui paraissent neutres « dissimulent des formes de politisation informelles aussi bien dans les représentations officieuses que les agents humanitaires se font de leur profession que dans les implications non calculées de leurs actions ». Ils peuvent être saisis en fonction des contraintes 41

(diplomatiques et communicationnelles) auxquelles ils sont soumis. Il faut noter que ce désir d’influencer l’aide humanitaire est ‘’normal’’ puisque nul n’a besoin de financer une œuvre sans gagner en contrepartie. Chaque pays, chaque bailleur cherchera à imposer son point de vue sur un organisme qu’il finance. Ce qui conduira ce dernier à s’écarter de ses objectifs. Cette influence affecte aussi les produits distribués par les organismes humanitaires. En effet, les pays donateurs donnent aux organismes humanitaires ce qui est à leur disposition sans se demander si cela tient compte ou non des besoins des nécessiteux. La conséquence est que les humanitaires distribueront des aides déliées des besoins des victimes (Coleman, 2014 ; Amélie, 2008). Cependant, cette dépendance vis-à-vis des bailleurs n’est pas synonyme d’obéissance complète envers ces pays. En effet, l’humanitaire exerce aussi une influence envers les pays donataires. Même si l’objectif de ces derniers est le contrôle de l’humanitaire, dans la pratique, comme le note Frésia (2005 : 368), « cette entreprise de contrôle n’est pas maîtrisée, que ce soit par les Etats ou par les institutions internationales ». Lors des distributions, les organismes humanitaires standardisent l’aide octroyée aux réfugiés dans un souci d’équité et d’égalité entre les victimes. La standardisation dans ce sens sous-entend donner à chacun la même chose sans distinction (Commission européenne, 1994). La conséquence directe de cette méthode est le risque de donner à un groupe une ration qui ne tient pas compte de son habitude alimentaire (Coleman, 2014). Cette standardisation n’a pas que des aspects négatifs. Si elle est adaptée c’est parce qu’elle peut répondre aux 42

objectifs escomptés. En effet, comme le note Frésia (2005 : 42) « cette uniformisation des interventions laisse peu de place à l’adaptabilité de chaque programme en fonction de chaque situation ou à leur contestation par les professionnels de l’humanitaire ». Ainsi, les besoins peuvent être déterminés en tenant compte de goûts des concernés. L’un des atouts majeurs de l’action humanitaire est qu’elle touche tous les secteurs de la vie des réfugiés. Selon Frésia (2005), elle « crée de l’action publique et du politique là où on ne s’y attend pas et engendre des dynamiques sociales… ». Elle inclut aussi les autochtones qui vivent avec ces derniers afin d’éviter des éventuelles frustrations qui peuvent conduire à des conflits entre ces deux peuples10. Ricca (1990 : 217) souligne la nécessité d’avoir « des traitements qui incluent les autochtones pour que l’aide aux réfugiés ne provoque pas en eux jalousie et hostilité». En incluant les autochtones, elle assure une partie du rôle de l’Etat envers ses citoyens. Ce qui permettra à ces derniers de combler le vide que les actions gouvernementales n’ont pas pu combler. L’aide humanitaire malgré ses avantages n’est pas appréciée de la même manière par les chercheurs. En effet, si certains (Ricca, 1990 ; Frésia, 2005) considèrent qu’elle est une contribution dans l’amélioration de la vie des réfugiés, d’autres comme Kilani (2012) la perçoivent comme aliénante, en rendant les réfugiés paresseux et dépendants. Cette dépendance s’explique par la recherche du gain facile qui anime certains réfugiés. Au lieu de chercher à s’émanciper de cette aide, ils attendent tout 10

Ricca, 1990 ; Frésia, 2005 ; Coleman, 2014.

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d’elle. Cette inaction contribuera à la prolongation de la crise. Les organismes humanitaires doivent utiliser des approches qui font appel aux ressources des concernés à partir de leur culture comme le note la Commission européenne (1999 : 39), « afin de leur permettre non seulement de faire face aux exigences immédiates de la rupture sociale, mais également de se transformer en vue de réussir leur adaptation à leur propre avenir ». Il est aussi intéressant de faire participer les réfugiés aux programmes d’assistance en leur demandant de faire des propositions (Frésia, 2005). Un autre aspect intéressant, c’est le fait de prendre en considération le contexte historique, économique et politique dans lequel une intervention humanitaire et un déplacement forcé s’insèrent. Ceci permet de mieux appréhender les points de vue des réfugiés et de mieux cibler l’aide humanitaire (Frésia, 2005). Cette littérature parcourt un nombre important d’aspects sur le système humanitaire ainsi que sur la vie des réfugiés durant leur refuge. Il est de ce fait important de s’interroger sur les facteurs qui peuvent expliquer leur accueil par la population locale. Ainsi, notre travail va se pencher sur les facteurs ayant facilité l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa au Niger. 1.3 Problématique Le 21ème siècle est caractérisé par des conflits armés opposant tantôt des groupes armés non étatiques, tantôt des Etats, ou des groupes armés à ces derniers. En 2001, les forces armées américaines bombardent l’Afghanistan avec l’appui des forces de l’OTAN. Deux années plus 44

tard, l’Irak fut bombardé par ces deux forces sous prétexte que ce pays possédait des armes à destruction massive. L’une des premières conséquences de ces guerres est le déplacement massif des populations civiles qui fuient pour sauver leur vie. C’est ainsi que des millions d’Afghans et Irakiens ont pris le chemin de l’exil. Ceux-ci viennent grossir le nombre de millions des réfugiés. L’année 2015 fut marquée par des nombreux déplacements forcés à travers le monde et surtout avec le conflit syrien qui a fait plus de quatre (4) millions de réfugiés11. Ce qui fait que certains médias disent que c’est ‘‘l’année de réfugiés’’. Des milliers de ces réfugiés trouvent la mort, en voulant traverser la mer pour rejoindre l’Europe. Ces déplacements font augmenter le nombre des déplacés dans le monde. Le courrier international dans sa parution N° 1289 du 16 au 22 juillet 2015, donne un aperçu de la situation dans le monde en s’inspirant des données du HCR de mai 2015. Durant cette année, le nombre total de migrants atteint 59.500.000 personnes dans le monde, dont 19.500.000 réfugiés, 1.800.000 demandeurs d’asile et 38.200.000 déplacés internes dans leur pays. Parmi les dix (10) premiers pays dont les populations sont des réfugiés partout dans le monde, six (6) sont en Afrique (Somalie avec 1.106.000 réfugiés, Soudan 666.000 réfugiés, etc.). Aussi, quatre (4) des dix (10) premiers pays qui accueillent les réfugiés sont en Afrique (Ethiopie en tête avec 660.000 réfugiés, Kenya, Tchad et Ouganda). En 2014, la moitié des personnes relevant de la compétence du HCR se trouve en Asie et 29% en Afrique12. Ceci 11

www.unhcr.fr/559e2ca6c.html consulté le 26/02/2016 www.jeuneafrique.com/239760/societe/en-afrique-le-nombre-derefugies-et-de-deplaces-en-tres-hausse consulté le 25/02/2016 12

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démontre l’importance de la question en Afrique sachant que ce continent comporte plus de pays pauvres que des pays développés. Etant donné que les conflits ne font qu’accroître, Jeune Afrique estime un accroissement de 17% du nombre de réfugiés en Afrique subsaharienne en 201513. Le Niger, comme d’autres pays du monde, fait face à un flux de réfugiés sans précédent. En effet, avec l’éclatement de la guerre au Mali en 2012, un nombre important de populations sont venues au Niger pour chercher refuge et assistance. Les réfugiés s’élevaient à environ « 50.000 au pic de la guerre entre 2012 et 2013 »14. Après les élections de 2013, environ 7.000 réfugiés furent rapatriés. Avec la recrudescence du conflit, les chiffres de ces réfugiés au Niger augmentent pour atteindre 54.000 en novembre 2015, toujours selon le HCR. Il y a aussi des réfugiés qui viennent d’autres pays africains notamment le Tchad avec dix (10) demandeurs15 d’asile, la Côte d’Ivoire avec vingt (20) demandeurs d’asile, etc. Cependant, la détérioration des conditions de sécurité au nord-est du Nigéria a entraîné aussi plusieurs mouvements de populations vers le Niger, notamment les réfugiés nigérians et des ressortissants nigériens qui vivaient dans ce pays. Avec ces réfugiés, le Niger fait face à un effectif plus important que celui des réfugiés des autres pays réunis. L’effectif de ces réfugiés nigérians s’élève à 138.321 personnes en Février 2016 (UNHCR NIGER), principalement dans la région de Diffa. Cette dernière accueille aussi 72.549 nigériens retournés du 13

www.jeuneafrique.com/239760/societe/en-afrique-le-nombre-derefugies-et-de-deplaces-en-tres-hausse consulté le 25/02/2016. 14 www.unhcr.fr/56421ff5c.html consulté le 24/01/2016 15 www.unchr.fr/pages/4aae621d481.html consulté le 24/01/2016

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Nigéria, 47.023 personnes déplacées internes dans la même région (OCHA-Niger). Seuls 5.000 réfugiés sont enregistrés dans les deux camps des réfugiés de la région, celui de Sayam Forage et celui de Kabléwa. Ce qui sousentend que la grande majorité vit soit dans des maisons d’accueil ou dans des quartiers périphériques. La ville de Diffa accueille 5.493 ménages de réfugiés dont 24.312 individus en 2015, selon les données de la Direction Régionale de l’Etat Civil et des réfugiés (DREC/R). Ces chiffres reflètent moins la réalité étant donné que les réfugiés continuaient à venir à l’époque où se sont déroulés les recensements (en 2015) et aucune mise à jour n’a eu lieu jusqu’en Mai 2016, période de l’enquête de terrain. Après les attaques du 03 juin 2016 de la ville de Bosso, 2.850 réfugiés se sont ajoutés aux réfugiés de 2015. Ce qui donne un total estimable à 27.162 réfugiés sur 63.61116 habitants dont compte la commune urbaine de Diffa, soit près de la moitié de la population de cette dernière. Bien que certains réfugiés aient pu trouver un terrain pour s’installer, 9.643 familles d’accueil ont été enregistrées à la date du 5 Mai 2016 dans la ville de Diffa (24 jours avant l’arrivée des réfugiés nigérians vivant dans la ville de Bosso). L’arrivée des réfugiés nigérians dans la région de Diffa est due à la proximité géographique et ethnique que partagent les populations de ces deux zones frontalières. Comme l’expliquent plusieurs études sur les réfugiés urbains (Frésia, 2005 ; Baujard J., 2009; Wali Wali, 2010 ; Coleman, 2014 ; etc.), les réfugiés ont plus tendance à aller vers une population avec laquelle ils partagent des 16

Données obtenues en Mai 2016 auprès du Bureau Régional de l’Institut National de la Statistique de Diffa, Niger.

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liens culturels en cas de conflit. Il faut rappeler que le tracé des frontières internationales en Afrique a divisé des familles de part et d’autre des frontières étatiques. Malgré cet état de fait, les identités subsistent favorisant le mouvement de ces populations dans les deux sens et les mariages entre elles. Face à cet afflux des réfugiés nigérians, le Niger sollicita le soutient de la communauté internationale à travers un point de presse (du 10/12/14) animé par le Premier Ministre. Lors de ce point de presse, le gouvernement a appelé à "la solidarité nationale et internationale" en vue d'éviter un "drame humanitaire" qui peut être causé par l'afflux des réfugiés nigérians fuyant les attaques de la secte boko haram et la répression de l'armée nigériane. De ce fait, plusieurs partenaires répondent à l’appel du gouvernement en assistant les réfugiés et la population locale vulnérable. Ces partenaires assistent non seulement les réfugiés mais aussi les autochtones vulnérables qui sont à côté des réfugiés. C’est ainsi que des milliers de tonnes de vivres, des kits de cuisine, et divers articles de première nécessité (couvertures, bâches, moustiquaires, nattes, vêtements, etc.) ont été distribués aux nécessiteux. C’est dans ce contexte que la région de Diffa fut attaquée par des partisans du groupe terroriste boko haram, le 06 février 2015. Ces attaques marquent un tournant dans les relations entre les autochtones et les réfugiés. En effet, étant donné que les éléments de la secte boko haram ne sont pas facilement identifiables parmi la population civile, un sentiment de crainte envers les réfugiés est né dans la ville de Diffa et dans toute la région. De ce fait, tous les réfugiés sont soupçonnés sans raison d’être de connivence avec le groupe terroriste. Parallèlement des petits vols (qui se multiplient dans les 48

différentes localités accueillant ces réfugiés) directement attribués, souvent à tort, à ces derniers.

sont

Cependant, il faut noter que plusieurs17 jeunes de la ville de Diffa ont rejoint la secte et ont participé aux différentes attaques que cette dernière a menées au Niger ou ailleurs. Ces jeunes ne faisaient aucune distinction parmi leurs cibles. Certains d’entre eux ont ciblé directement leurs parents ou leurs proches lors de leurs attaques. Ainsi, il est intéressant de connaitre les raisons qui attirent ces jeunes vers la secte boko haram. L’état d’urgence, décrété par les autorités suite aux attaques du 06 février 2015 sur l’étendue de la région de Diffa, affecte durablement l’économie et la vie quotidienne des habitants. Sur le plan économique, les autorités régionales estiment à 19 milliards de francs CFA (soit environ 32 millions de dollars américains) les pertes subies par la région depuis le 6 février 2015 (OCHA, 2015). Cette situation continue à saper la résilience des communautés de la région en proie à une insécurité alimentaire récurrente. En plus, plusieurs écoles restent fermées dans les zones frontalières, ce qui prive un nombre important d’élèves de leurs droits à l’éducation (OCHA, 2015). Dans la ville de Diffa, la présence des réfugiés a contribué à une détérioration des conditions de vie des réfugiés et des communautés locales. 17

Il nous est impossible d’apporter des chiffres exacts et fiables de ces jeunes du fait de non déclaration des familles concernées. En effet, les familles dont les membres ont rejoint la secte refusent de les dénoncer auprès des autorités par peur des représailles des éléments de la secte.

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Des problèmes d’accès à l’eau potable, et des risques de paludisme et de pénuries alimentaires augmentent18. Ces réfugiés vivent sur des sites dispersés où ils ont trouvé refuge dans des familles d’accueil. La méfiance envers les réfugiés et l’augmentation de leur effectif mettent à l’épreuve la solidarité entre les communautés locales et les réfugiés. Cela est renforcé par la détérioration de l’économie de la ville suite à l’interdiction de la commercialisation du poivron, du poisson, de la circulation des engins à deux roues, etc., dont les recettes permettaient l’entretien des familles. Plusieurs organismes humanitaires ont intervenu pour atténuer ces tensions et venir en aide aux populations nécessiteuses. Leurs programmes touchent tous les secteurs de la vie courante de ces populations. C’est compte tenu de ces conditions que nous allons chercher à comprendre les facteurs ayant facilité l’accueil des réfugiés dans la ville de Diffa. Notre recherche s’articule sur la question centrale suivante :  Quels sont les différents facteurs ayant facilité l’accueil des réfugiés nigérians victimes du conflit boko haram par la population de la ville de Diffa ? Cette question principale ne pouvant à elle seule nous permettre d’aborder les contours du sujet, nous avons ajouté des questions subsidiaires afin de mieux approfondir la recherche :  Pourquoi les jeunes de la ville de Diffa rejoignentils le groupe terroriste boko haram ?

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http://www.msf-azg.be/fr/nouvelle/niger-situation-critique-pour-lesréfugiés-a-diffa. Consulté le 26/01/2016.

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 En quoi les actions des organismes humanitaires au profit des réfugiés contribuent-elles à l’amélioration de leurs conditions de vie ?  Quels moyens les réfugiés nigérians utilisent-ils pour subvenir à leurs besoins ? 1.4 Les objectifs de la recherche L’objectif principal visé par ce travail est de comprendre les facteurs explicatifs de l’accueil des réfugiés victimes du conflit boko haram par la population de la ville de Diffa. Les objectifs spécifiques sont entre autres :  Etudier les facteurs explicatifs du départ des jeunes de la ville de Diffa vers la secte boko haram ;  Analyser les stratégies développées par les réfugiés nigérians pour faire face aux défis quotidiens ;  Identifier les déterminants d’une cohabitation pacifique entre les réfugiés et la population de la ville de Diffa. 1.5 Définition des concepts clés Accueil : « Cérémonie ou prestation réservée à un nouvel arrivant, consistant généralement à lui souhaiter la bienvenue et à l’aider dans son intégration ou ses démarches »19. Autochtone : En anthropologie, « un autochtone est une personne dont les ancêtres sont originaires de l’endroit où elle 19

http://fr.wiktionary.org/wiki/accueil consulté le 24/02/2016

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habite. Une population est dite autochtone si sa présence dans un lieu déterminé est avérée depuis de nombreuses générations »20. Dans le Dictionnaire Hachette (édition 2007), autochtone désigne les « populations originaires des pays qu’elles habitent ». Nous utilisons autochtone pour désigner la population nigérienne de la ville de Diffa de manière générale sans tenir compte de la durée de sa présence dans la localité. Boko haram : Fondée par Mohamed Yusuf en 200221, la jama’atu Ahlis-Sounnah lidda’awati wal Jihad (les disciples du Prophète pour la propagation de l’Islam et de la guerre sainte) plus connue par boko haram (l'éducation occidentale est un péché) est une secte islamiste qui prône l’instauration de la loi islamique (la charia) au Nord Nigéria. Par la suite, ses ambitions se régionalisent. Dans ses prêches, Mohamed Yusuf invitait ses fidèles à s’écarter de l’école occidentale et de tout ce qu’il considère « influencé par l’Occident ». Pour lui, l’Occident les utilise pour transmettre ses valeurs tout en pervertissant les musulmans, d’où le nom de boko haram donné à son mouvement. Après sa mort en juillet 2009, Aboubacar Shekau devient le chef politique et spirituel de la secte islamiste22. L’expression ‘’Boko haram’’ est composée de deux noms. Boko, dérivé du mot anglais « book », signifie 20

www.toupie.org consulté le 24/02/2016 http://www.francesoir.fr/politique-monde/boko-haram-qui-est-cegroupe-terroriste-qui-massacre-en-toute-impunite-au-nigeria? Consulté le 24/02/2016 22 https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/01/boko-haramglance/ Consulté le 24/02/2016 21

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l’école des Blancs en hausa. Et « haram » veut dire illicite en hausa. Ainsi, boko haram signifie littérairement l’école des blancs est illicite. Cependant, il faut noter que boko haram est le nom que les médias et la population civile emploient pour désigner les adeptes de la secte. Ses membres s’appellent jama’atu Ahlis-Sounnah lidda’awati wal Jihad. Conflit : Le dictionnaire Petit Larousse Illustré (2013) donne une origine latine au « Conflit ». Il vient du mot conflictus, combat. Conflit désigne une opposition de sentiment, d’opinions entre des personnes ou des groupes. Cette opposition ouverte entre des acteurs ou des groupes sociaux (Lebaron, 2009) peut conduire à un affrontement entre les opposants. Utilisant le pluriel du mot « conflit », Etienne et al. (2007 : 101) considèrent les conflits comme des « multiples situations qui comportent des dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles : guerres entre Etats, mouvements sociaux, oppositions entre les avant-gardes et les courants traditionnels, etc. ». Lebaron (2009) distingue deux formes de conflit : la forme d’une guerre (entre Etats, entre groupes armés, etc.) ou la forme d’une simple controverse (conflit cognitif ou intellectuel). L’étude des conflits occupe une place importante en sociologie. En effet, presque toutes les approches sociologiques se sont intéressées à ce phénomène. Les conflits peuvent être considérés, selon les approches (Grawitz, 2004), comme un facteur d’équilibre et même de progrès, dans une société assez sûre pour l’intégrer (approche fonctionnaliste), ou bien comme liés au mode de production et se manifestant dans la lutte des classes 53

(approche marxiste). Dans la tradition durkheimienne, ils sont considérés comme pathologiques dans une société. Par contre, dans la tradition wébérienne, du fait que les relations de domination et de pouvoir sont inhérentes aux sociétés modernes, les conflits constituent une dimension irréductible des rapports sociaux (Etienne et al. 2007). G. Simmel fait du conflit (Etienne et al. 2007 : 103) « une des formes les plus vivantes d’interaction ». Pour cet auteur, le conflit comporte deux dimensions : une dimension de coopération et une dimension conflictuelle (qui peut être conflit armé). Il distingue aussi les conflits intra-groupes et les conflits intergroupes. Le conflit intra-groupe et la deuxième dimension du conflit (dimension conflictuelle) correspondent plus à notre travail pour deux raisons. La première, le conflit boko haram est un conflit ouvert et armé entre deux groupes (les Etats concernés et le groupe terroriste boko haram). La deuxième raison, les zones concernées dans ces pays renferment une population à majorité musulmane (avec un taux qui dépasse 80%). Nous entendons par conflit boko haram, la guerre qui oppose le groupe terroriste boko haram aux quatre (4) Etats membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad), le premier cherchant à imposer par la force une idéologie extrémiste à la population de la zone et les deuxièmes qui cherchent à garder le statu quo. Déplacés internes Les personnes déplacées internes sont définies, selon HCR (2007 : 6), comme étant des « individus ou de groupes de personnes contraints de fuir leurs maisons pour échapper à un conflit armé, à la violence ou à des abus des droits humains. » Contrairement aux réfugiés qui quittent 54

leur pays, les déplacés internes trouvent refuge dans d’autres localités de leur pays. Dans ce travail, les déplacés internes désignent les nigériens qui, persécutés par le conflit boko haram, quittent leurs habitations et trouvent refuge dans d’autres zones à l’intérieur du pays. Hébergement : Dans le sens de l’aide sociale, selon Encarta 2009, hébergement désigne le droit pour les personnes les plus démunies de recevoir de la collectivité des prestations leur assurant des moyens convenables d'existence. Il désigne aussi l’action d’héberger quelqu’un ; le loger provisoirement. Insertion : Selon Ferreol et al. (2012), le mot insertion vient de inserere, un mot latin qui signifie « introduire, trouver sa place dans un ensemble ». D’un point de vue social, l’insertion signifie que « les individus concernés ont accès à l’emploi, au logement, à la protection sociale ». Intégration : Dans le Lexique des sciences sociales (Grawitz, 2004 : 231), intégration désigne « Action de faire entrer une partie dans un tout ». L’intégration constitue aussi (Grawitz, 2004 :232) «une des fonctions du système social, assurant la coordination de diverses factions de celui-ci, pour assurer le bon fonctionnement de l’ensemble ». En sociologie, le terme « intégration » a deux sens (Alpe Y. et al., 2013) : - D’une part, il désigne un état du système social. Une société sera considérée comme intégrée si elle est 55

caractérisée par un degré élevé de cohésion sociale. Pour Durkheim, le taux de suicide varie en raison inverse du degré d’intégration du groupe social dont fait partie l’individu. - D’autre part, l’intégration désigne la situation d’un individu ou d’un groupe qui est en interaction avec les autres groupes ou individus (sociabilité), qui partage les valeurs et les normes de la société à laquelle il appartient. Réfugié : La définition de réfugié varie d’un contexte à un autre. C’est pourquoi Frésia (2005 : 10) « insiste sur la nécessité de toujours interroger et de contextualiser son usage ». Les premiers instruments juridiques de référence en matière de la définition de réfugiés sont sans doute la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de New York de 1967. Ces derniers le définissent comme toute personne « qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays». L’Organisation de l’Union Africaine (OUA) établit sa propre législation pour insérer d’autres (FRESIA, 2005 : 36) « aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique » non prises en compte par la Convention de 1951. Ainsi, est considéré réfugié, dans la Convention de l’OUA, « toute personne qui du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une 56

partie ou la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l’extérieur de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité ». La diversité des causes de déplacements fait que chaque pays élabore sa propre législation en matière de réfugié tout en se référant aux différentes conventions internationales (RICCA, 1990). Le Niger a ratifié la Convention de 1951, son Protocole additionnel de 1967 et la Convention de l’OUA d’Addis-Abeba. Il maintient les définitions données par ces instruments juridiques internationaux par la promulgation de la Loi No 97-016 du 20 juin 1997 portant statuts des réfugiés dans son article 2. Dans ce travail, nous considérons réfugié, tout Nigérian qui, se trouvant sur le territoire nigérien, a fui son pays pour sauver sa vie des hostilités du groupe terroriste boko haram. Retournés : Retourné désigne un individu ou groupes d’individus immigrés qui, fuyant une violence, une persécution ou une guerre dans leur pays d’accueil, rentrent dans leur pays d’origine. Dans le cadre de ce travail, retournés désigne les nigériens qui vivaient au Nigéria et qui étaient forcés de revenir au Niger après le déclenchement du conflit boko haram. Secte : La secte désigne un groupe d’individus qui partagent une même conviction religieuse ou philosophique. Il est généralement employé au sens péjoratif pour désigner le groupe (Ferreol, 2012). 57

Sur le plan religieux, la secte est souvent constituée, selon Ferreol (2012 :198), en « marge ou en réaction à une Eglise ou une tradition religieuse dominante. » Sa constitution fait suite à une rupture hostile vis-à-vis de son environnement culturel, juridique et politique (Grawitz, 2004). Ainsi, la secte devient minoritaire par son idéologie dans la société où elle a vu le jour. Les membres d’une secte sont animés par un fort sentiment d’appartenance au groupe. Par ce sentiment, ils partagent une solidarité intra-groupe. C’est en ce sens que Weber M. parle de la secte « à la fois comme « communauté » au sens large et comme « société », au sens tönnisien » (Grossein, 1996). En se considérant comme les seuls détenteurs d’une vérité absolue, les adeptes d’une secte travaillent à faire valoir et imposer leur point de vue dans le monde23. C’est ainsi, qu’après une manipulation mentale, qu’ils vont, selon le Dictionnaire Larousse 2013, « jusqu’à provoquer des suicides collectifs, voire des attentats ». Généralement, les leaders des sectes promettent à leurs adeptes le salut, la réussite (Grawitz, 2004), la récompense divine, etc. Cependant, il faut noter que l’adhésion à une secte est libre, dans la plupart des cas. Les futurs adeptes sont acceptés sans y être forcés. C’est pourquoi Isambert (2004 :15) note qu’« on choisit sa secte on naît dans une église ». Les caractéristiques de la secte citées ci-haut correspondent parfaitement à celles du groupe islamiste boko haram qui sévit dans les pays du bassin du Lac Tchad. En effet, tout d’abord, la secte a vu le jour en marge d’un islam modéré exercé dans la zone. Ensuite, à 23

www.wikipedia.org/wiki/secte consulté le 06/02/18

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ses débuts, l’adhésion à la secte était libre, personne n’est forcé d’embrasser l’idéologie. En plus, en se considérant comme les seuls détenteurs d’un islam originel, les adeptes du groupe cherchent à imposer leur idéologie à tous les musulmans et par tous les moyens. Et enfin, les membres du groupe agissent dans l’espoir d’avoir une récompense divine, le paradis. Stratégie : Les différentes définitions du terme stratégie désignent la coordination d’actions pour atteindre un but bien précis. En effet, dans le Lexique des sciences sociales (2004), le terme stratégie désigne la « coordination de démarches en vue d’un résultat ». Il est aussi défini comme un « ensemble d’actions coordonnées, d’opération habiles, de manœuvres en vue d’atteindre un but précis »24. Dans Encarta 2009, la stratégie consiste à définir les objectifs à atteindre par la combinaison de tous les éléments à la disposition des acteurs, qu'il s'agisse des États ou non. La stratégie « consiste à la définition d’actions cohérentes intervenant selon une logique séquentielle pour réaliser ou pour atteindre un ou des objectifs »25. Terrorisme : La définition du terrorisme recouvre une réalité multiforme, évoluant dans le temps et dans l’espace26. Elle change selon Nacos B. (2014 :19) « à mesure qu’évolue le contexte ». Au XVIIIème siècle, le terrorisme fait référence au régime de la Terreur instauré pour consolider le pouvoir 24

Http://fr.wiktionary.org/wiki/strategie consulté le 24/02/2016 Http://fr.wiktionary.org/wiki/strategie consulté le 24/02/2016 26 www.lemondepolitique.fr/comprendre-le-monde/terrorisme.pdf 25

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nouvellement établi (Hoffman, 2001). A cette époque, le terrorisme désignait « un mode d'exercice du pouvoir 27». Il était selon Hoffman (2001:18) « étroitement associé aux idéaux de vertu et de démocratie ». Cette définition change avec la chute du régime de la Terreur en juillet 1794. En effet, comme le note Hoffman (2001:20) le terrorisme dévient « un terme associé à la notion d’abus de pouvoir, avec une connotation criminelle très claire » ; il n’est plus une politique de gestion de l’Etat mais plutôt une méthode antiétatique, pour attirer l’attention de l’Etat et de l’opinion publique. Aujourd’hui le terrorisme désigne au sens large selon Stéphane L.-L. (2009 :38) « Toute action violente ou menaçant de violence, à but coercitif, à justification politique et dirigée contre des personnes noncombattantes ». Dans cette définition Stéphane L. –L. ne précise pas le type de violence et les moyens qu’utilisent les terroristes, la justification reste seulement politique et la cible des personnes non-combattantes. Une définition qui peut compléter cette définition est donnée par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, dans sa résolution 1566 (2004). Cependant, dans sa définition aussi seuls les civiles sont visés par les actes terroristes. Ainsi, le terrorisme est défini comme «les actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves ou la prise d’otages dans le but de semer la terreur parmi la population, un groupe de personnes ou chez des particuliers, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire»28. Diavolo 27 28

www.wikipedia.fr/leterrorisme consulté le 23/08/2016 à 00 :53 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2009.

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(2000), en définissant le terrorisme, le compare à une méthode de lutte politique qui est fondée sur des violences intimidatrices (par exemple : meurtres, sabotages, attentats par explosion) employés généralement par des groupes révolutionnaires ou subversifs. Néanmoins, l’auteur ne précise pas, les cibles des terroristes si ce sont des civiles et/ou des militaires. Presque toutes ces définitions excluent les Etats parmi les cibles des terroristes. Cependant, nous constatons aujourd’hui qu’ils sont aussi pris comme cibles partout où les terroristes agissent. Et là où ces derniers attaquent seulement des civiles, c’est parce que l’Etat a pris des mesures de sécurité pour se protéger. Par conséquent, les civiles deviennent des cibles potentiels. Richardson (1999) cité par Nacos (2014 :22) définit le terrorisme comme « une violence à motivation politique dirigée contre des non-combattants ou des cibles à valeur symbolique et destinée à diffuser un message auprès d’un large public ». Les cibles à valeur symbolique peuvent être étatiques ou non. A partir de ces différentes définitions, nous tenterons de définir ce que nous entendons par terrorisme. Ce dernier peut être défini comme tout acte d’extrême violence (assassinats, pose de bombe, kamikazes, etc.) commis par une ou un groupe de personnes contre une population civile ou un Etat, et destiné à terroriser une population, dans le but de faire connaître son existence, ses revendications. Ces dernières peuvent être d’ordre politique, religieux ou idéologique. Victime : Le mot victime vient du mot latin « victima » emprunté à la fin du 15ème siècle (Josse, 2006). A l’époque il désignait « une créature offerte en sacrifice aux dieux ». 61

Le mot signifiait aussi les créatures immolées pour les apaiser. Ce sens évolue au 17ème siècle pour prendre le sens actuel. La victime s’inscrit aussi dans les relations interhumaines et désigne non seulement (Josse, 2006 :6) « la personne qui a subi la haine, les tourments, les injustices de quelqu’un » mais aussi « la personne qui souffre des agissements d’autrui ». Vers la fin du siècle, selon Josse (2006 :6), ce concept comprend aussi « les victimes de la guerre, de la tyrannie politique et les jeunes personnes sacrifiées à l'ambition familiale et contraintes d'entrer en religion ». L’Assemblée Générale des Nations Unies définissant les victimes, en 1985, les considèrent comme (Josse, 2006 :9) « des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un État membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir ». Nous entendons par victime les personnes qui ont subi les préjudices et la terreur commis par la secte terroriste boko haram dans la zone du Bassin du Lac Tchad et particulièrement au Niger et au Nigéria.

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CHAPITRE II ASPECTS PRATIQUES DE L’ÉTUDE Ce chapitre présente les différentes phases du déroulement de la recherche, de l’enquête exploratoire à l’analyse des données recueillies sur le terrain. 2.1 Différentes phases du déroulement de la recherche 2.1.1 Enquête exploratoire L’enquête exploratoire consiste à passer un séjour bref dans la zone d’étude afin d’observer le phénomène à étudier. Le but de cette pré-enquête, comme le dit Aktouf (1987 :102), est « d'aider à constituer une problématique plus précise et surtout à construire des hypothèses qui soient valides, fiables, renseignées, argumentées et justifiées ». Dans le cadre de ce travail, nous avons effectué un séjour de huit (8) jours (du 27 juillet au 3 août 2015) parmi les réfugiés et certains autochtones de la ville de Diffa. Ce qui a permis de visiter certains organismes intervenant dans le domaine des réfugiés. Nous avons été édifiés sur les contours de notre sujet de recherche. En outre, des entretiens exploratoires avec des personnes ressources et la consultation des documents abordant le sujet ont été réalisés. Ce qui a permis de mieux élaborer la problématique du travail. 2.1.2 Recherche documentaire Dans le cadre de ce travail, plusieurs bibliothèques ont été visitées afin de trouver des documents en lien direct ou indirect avec le sujet. Cette recherche documentaire est enrichie avec la consultation des sites internet qui traitent du même sujet.

Pour capitaliser les documents lus (ouvrages généraux et spécifiques ; articles ; rapports des organismes gouvernementaux ou non ; des journaux ; etc.) des fiches de lecture ont été élaborées pour chaque document consulté. Lors de la rédaction de la revue de la littérature, l’entrée par aspect est privilégiée. Cette méthode consiste à prendre un aspect et voir les différents dires des auteurs là-dessus. Ainsi, ce qui a permis de confronter les différents points de vue des auteurs sur chaque aspect. 2.1.3 Techniques de collecte des données Pour collecter les données, des techniques et outils de collecte des données qualitatives ont été privilégiés. Parmi ces techniques, l’entretien semi-directif qui consiste à produire des données sur la base des discours des autochtones que le chercheur aura lui-même sollicités. Cette production vise à recueillir les représentations des acteurs locaux ; un élément indispensable à toute compréhension du social (Olivier De Sardan, 2008). Des observations directes ont été réalisées afin de confronter certains propos des enquêtés à la réalité. Les entretiens ont eu pour support des guides d’entretiens préalablement établis (voir Annexe 2). Ces guides contiennent les différentes thématiques que nous avons abordées avec les enquêtés29. Les thématiques abordées dans ces outils diffèrent d’une catégorie d’enquêtés à une autre, selon le besoin. Les entretiens se sont déroulés en langues locales (Hausa, Kanuri et Peul) avec les réfugiés, les autochtones et les différents chefs de quartiers de la ville et en français avec les personnels administratifs et responsables des différents organismes. 29

Voir la partie Annexes

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2.1.4 Pré-test Le pré-test consiste à tester les outils de collecte des données avec une population similaire à la population cible afin de voir si les aspects à aborder lors de la phase de collecte des données sont compris de la même manière que le chercheur. Aktouf (1987 :105) qualifie cette phase d’« une véritable mise à l'épreuve, un essai contrôlé et rigoureux du fonctionnement » des outils. Pour tester les outils, les réfugiés maliens résidant dans la ville de Niamey ont été ciblés. En effet, ces réfugiés ont les mêmes caractéristiques que les réfugiés nigérians de la ville de Diffa. Ils sont aussi accueillis par les autochtones dans leurs concessions. 2.1.5 Technique d’échantillonnage L’échantillonnage consiste à prendre une partie de la population mère sur laquelle va porter la recherche. Cet échantillon doit, en principe, refléter toutes les caractéristiques de la population initiale. Par l’indisponibilité de la liste des familles d’accueil et des réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa, l’échantillon « boule de neige », une des techniques non probabilistes, a été privilégiée pour collecter les données. Cette technique consiste à trouver un premier enquêté qui, à son tour orientera le chercheur vers un deuxième. Le deuxième vers le troisième, ainsi de suite jusqu’à la saturation des données (Dépelteau F, 2010). Le choix des personnes interviewées se fait en tenant compte d’un certain nombre de critères puisqu’il faut interroger ceux qui ont des informations sur la problématique. Cette technique d’échantillonnage est aussi utilisée pour éviter les fausses déclarations des autochtones vulnérables, des retournés et les déplacés internes qui se

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déclarent réfugiés face à un enquêteur afin de bénéficier d’une probable aide humanitaire. Pour trouver le premier enquêté, nous avons fait appel à un ami nigérian (un retourné) qui nous a conduit vers la première famille des réfugiés. Et pour trouver les familles d’accueil, nous avons fait recours aux différents chefs des quartiers de la ville. Il y a eu aussi des entretiens avec des agents de l’Etat, de la mairie, des organismes humanitaires et d’autres ONG qui interviennent sur la question. En plus, cette recherche a recueilli non seulement les opinions des autochtones qui n’ont pas hébergé des réfugiés chez eux, mais aussi celles des différents chefs des quartiers de la ville. En somme, plus de soixante-dix (70) entretiens formels et informels ont été réalisés dans le cadre de cette étude. Le tableau ci-dessous donne plus de détails sur les différents groupes stratégiques interviewés : Tableau N° 1 : La répartition des enquêtés par groupes stratégiques

Réfugiés 20 Autochtones 18 Retournés 07 Chefs de quartiers 05 Elus locaux 02 Agents de l’Etat/ services techniques 09 Agents humanitaires 07 Associations des jeunes 02 Leaders religieux 01 Médias 01 Total des interviewés 72 Source : données du terrain, Mai 2016

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2.1.6 Collecte des données Cette phase exige la présence du chercheur sur le terrain afin de recueillir les informations relatives à sa thématique auprès de ses enquêtés. Pour ce faire, nous avons passé un séjour de trente (30) jours, en Mai 2016, dans la ville de Diffa. Ce délai a permis de collecter les données nécessaires à la compréhension du phénomène d’étude. L’afflux des réfugiés vers la ville de Diffa ayant commencé depuis 2013, à la date du début de la recherche, certains réfugiés ont trouvé d’autres endroits pour s’installer afin de soulager leurs familles d’accueil. Ces réfugiés ont donné les références de leurs anciennes familles d’accueil afin qu’ils puissent donner les opinions sur la thématique. Quelques localités attaquées par la secte boko haram au Nigéria ont été visitées afin de constater les dégâts causés par les terroristes de la secte boko haram. Ce séjour de trois jours (du 28 au 30 mai 2016) dans ces lieux, bien que ne faisant pas directement partie du ‘’champ’’ de recherche, nous a permis de ‘’ressentir’’ les atrocités qui les ont poussés à quitter leur pays d’origine. 2.1.7 Difficultés rencontrées Toute recherche scientifique ne peut se faire sans difficulté. En effet, plusieurs difficultés ont été rencontrées dans cette étude. La première difficulté est liée à l’insuffisance de documents traitant la question des réfugiés urbains au Niger et sur la population de la ville de Diffa. Ensuite, les organismes humanitaires qui interviennent dans ce domaine sont très méfiants quand il s’agit de partager leurs documents.

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Tous les organismes visités, malgré l’attestation de recherche, ont refusé l’accès à leurs documents. Pour pallier cette insuffisance, nous nous sommes contentés des données qu’ils publient sur leurs sites internet et des entretiens informels que nous avons eus avec certains de leurs agents. Une autre difficulté est liée aux fausses informations fournies par des retournés ou des déplacés internes qui se considèrent comme réfugiés pour bénéficier de l’aide humanitaire. En effet, ils confondent cette recherche à celle des acteurs humanitaires qui distribuent l’aide humanitaire. Pour faire face à cette difficulté, nous avons posé des questions sur les voyages que l’enquêté aurait effectués vers le Niger avant le conflit. Les réfugiés nigérians tiennent des discours misérabilistes pour montrer à quel point ils ont besoin d’être assisté. En effet, malgré les explications des objectifs de la recherche, ils confondent le chercheur à l’agent humanitaire. Il a fallu insister sur les objectifs de la recherche et l’usage de la carte estudiantine pour remédier à cette difficulté. En plus des difficultés sus-évoquées, les enquêtés30 se montrent méfiants sur les questions relatives à la secte boko haram. Il a fallu faire plusieurs contours sur une question afin d’avoir des réponses. 2.1.8 Dépouillement et analyse des données Afin d’extraire les informations nécessaires sur notre thématique, nous avons dans un premier temps transcrit tous les entretiens, chose qui n’est pas facile pour un néophyte que nous sommes. Ensuite, nous avons confronté 30

Même nos amis d’enfance étaient très réticents à notre égard quand il s’agit d’aborder la question de la secte boko haram.

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les différents points de vue des interviewés sur les aspects élaborés dans les guides d’entretiens. Ce croisement des données est fait par catégories d’aspects afin de mieux organiser le travail. Lors de l’analyse, nous avons mis en relation les propos des interviewés avec nos connaissances et les données des auteurs. Ceci, dans le but de donner un sens à nos données du terrain. La prochaine partie présentera la zone d’étude et l’apparition de la secte boko haram dans cette zone.

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DEUXIEME PARTIE PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE ET APPARITION DE LA SECTE BOKO HARAM DANS LA ZONE

CHAPITRE III PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE Ce chapitre présente la zone d’étude31 sur le plan géographique, historique et démographique. Il expose aussi les activités économiques et les secteurs sociaux de base. 3.1 Présentation de la ville de Diffa La ville de Diffa représente le chef-lieu de trois circonscriptions administratives (région, département et commune) et est à 1360 km de Niamey, la capitale du pays. La commune urbaine de Diffa s’étend sur un rayon de 20 km de part et d’autre du centre urbain, avec une superficie estimée à 229 km² (Kiari M., 2015). La commune fait frontière à l’Est et au Nord avec la commune rurale de Gueskérou et à l’ouest avec celle de Chétimari. Au sud, elle est limitée par la République Fédérale du Nigeria (Etat de Bornou) sur plus de 20 km, frontière matérialisée par la rivière Komadougou Yobé. La ville de Diffa compte 6 quartiers (Diffa Afounori, Diffa Administratif, Château, Diffa Koura, Festival et Sabon carré).

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Faute de certaines données spécifiques sur la ville de Diffa, nous nous contentons des données portant sur la commune urbaine de Diffa et/ou sur la région.

Figure 1 : Carte portant sur la localisation de la commune urbaine de Diffa

Réalisation : Salissou IBRAHIM, Géoconseil. 3.1.1 Historique du peuplement de la zone d’étude D’une manière générale, l’histoire de la région de Diffa est liée à celle du Sud –Est nigérien. Ce dernier correspond à la partie septentrionale de l’empire du Bornou, et est compris entre, d’une part, la frontière Niger-Nigéria et le parallèle 15°N, d’autre part, le méridien 10° E et la frontière Niger-Tchad (Zakari, 1983). Cette zone, selon Zakari (2007 : 70), « faisait partie de la deuxième zone d’administration » de l’empire du Bornu. Ainsi, la vie politique se fit à l’ombre de celle de l’empire. Sur le plan religieux, cette dernière influence considérablement la région de Diffa. En effet, c’est à partir 74

de Bornu (Zakari, 2007 : 72) que « l’islam gagna lentement et pacifiquement bien des localités de notre région et même au-delà ». L’appartenance historique de la région de Diffa à cet empire justifie les liens historiques qui lient la population de la ville de Diffa et du Nord-Est nigérian. En effet, avant l’arrivée des colons britanniques et français l’empire du Bornou s’étendait sur un vaste territoire qui, du sud au nord, va des rives orientales du Lac Tchad aux oasis du Fezzān (en Libye). Sur ce vaste espace cohabitaient diverses ethnies en majorité Kanuri. La fertilité des sols fut le premier élément qui attira les autres ethnies malgré l’hostilité de la zone. C’est ainsi qu’on note l’arrivée des Peuls dans les zones pour tirer profit de la végétation et des cours d’eau. Contrairement aux Kanuri, l’arrivée des Peuls dans la région est très récente. En effet, selon De Rivières E. S. (1965), on note l’arrivée des premières vagues vers 1910, celles des Peuls Kounankawa du Damagaram, N’Gourou (Nigéria) et Goudoumaria. Ils sont rejoints par les Hanagamba, ou Bororodji qui proviennent de Sokoto de 1912 à 1930. Cette migration des peuls a continué après les indépendances de ces pays (Niger et Nigéria). En effet, le Niger a connu une série de sécheresse dans les années 70 et 80. L’une des conséquences directes de ces catastrophes est la migration des éleveurs du Niger vers le pays voisin du Sud. C’est ainsi que beaucoup des familles quittèrent le pays pour rejoindre les zones fertiles du Nigéria. Parties avec l’espoir de revenir à la saison pluvieuse, certaines s’installèrent définitivement au Nigéria occupant des villes comme Damasak, Gudumbali, Malan Fatori, Baga, etc. D’autres familles font des va-et-vient entre ces deux pays d’une saison à une autre.

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3.1.2 La démographie Sur le plan démographique, la commune urbaine de Diffa passe de 55.755 habitants en 2012 à 63.611 habitants en 2016, selon les données de l’Institut National de la Statistique (Direction Régionale de Diffa). Cette population s’accroit avec un taux de 2.9% d’où une possibilité de doublement tous les 25 ans (Kiari M., 2015). Sur le plan ethnique, la commune est peuplée en majorité par des Kanuri (un groupe ethnique comportant plusieurs sous-groupes et chaque sous-groupe ethnique avec ses propres caractéristiques). Ils sont suivis par des Peuls, des Hausas, des Toubous et des Arabes. 3.2 Les activités socio-économiques Les principales activités socio-professionnelles de la population de la ville de Diffa sont l’agriculture, le commerce, l’élevage et la pêche. 3.2.1 Agriculture La population de la ville de Diffa pratique deux types d’agricultures : pluviale et irriguée. • L’agriculture pluviale dépend exclusivement des précipitations qui sont irrégulières, aléatoires et mal réparties (PDC Diffa, 2006). Elle occupe les parties NordEst et Nord-Ouest de la commune de Diffa. Le mil, le sorgho et le niébé sont les principaux produits cultivés contrairement à l’arachide qui est moins cultivée par la population. En 2012 le mil et le sorgho occupent respectivement 7.699 ha et 1.386 ha (INS, 2012) et donnent une production de 2.949 tonnes et 491 tonnes. La dépendance à la pluie rend la récolte très aléatoire et insuffisante. En effet, la commune a une production 76

céréalière déficitaire (PDC, 2006), ce qui explique le recours aux céréales produits dans d’autres localités notamment le Nigéria, les départements de Bosso et de N’Guigmi. • L’agriculture irriguée est pratiquée tout au long de la Komadougou Yobé et aux alentours des mares dans la bande Sud de la commune de Diffa pour la culture de poivron, de l’oignon et du riz. Le maraîchage occupe les aménagements hydro-agricoles de Lada, Chétimari et sur de nombreux sites. Le poivron domine cette culture et est destiné à l’exportation. Le Nigéria est la principale destination de cet ‘’or rouge’’ (PDC, 2006). Une partie est envoyée vers les marchés de l’intérieur du pays notamment ceux de la région de Zinder et de Niamey. La quantité du riz produite ne couvre pas la consommation communale d’où le recours au riz importé d’autres pays notamment asiatiques. 3.2.2 Elevage L’élevage domestique est le type le plus pratiqué dans la ville de Diffa. Néanmoins, certains habitants possèdent des troupeaux confiés aux bergers nomades. Sur l’étendue du territoire communal, une répartition géo-spatiale est faite entre l’élevage et l’agriculture. Le premier occupe plus la bande Nord de la commune, dans des villages de Boulangou Yaskou, Mamari, Mataou, etc. pendant que le deuxième est plus concentré vers le Sud. 3.2.3 Pêche La pêche apporte une contribution considérable dans l’économie locale. En effet, la rivière de la Komadougou et les mares que compte la commune, constituent des lieux propices pour cette activité. La Komadougou arrose la commune sur plus de 20 km et constitue aussi une frontière naturelle entre la commune et la République 77

Fédérale du Nigéria. Cependant, de nos jours l’ensablement et le retrait des eaux menacent cette activité dans la commune. Ainsi, en 2008, la région de Diffa32 a produit 6.600 tonnes contre 5.005 tonnes en 2011. Ce qui démontre la régression de la production dans ce secteur. Concernant la pêche, les différentes espèces pêchées sont entre autres le tilapia, le silure, la sardine, le poisson électrique et le bagrus. 3.2.4 Commerce La proximité de la ville de Diffa avec le Nigéria lui donne une position stratégique dans l’import-export des marchandises. En effet, une grande partie des marchandises de la région en provenance du Nigéria passe par la ville de Diffa ce qui constitue une grande manne pour les recettes douanières. Malheureusement la porosité de cette frontière diminue considérablement ces recettes. La ville de Diffa compte un marché hebdomadaire qui se tient tous les mardis. Il offre une occasion de vendre ses produits et de se ravitailler non seulement à la population de la commune mais aussi à celles d’autres communes des départements de Maïné Soroa, de Bosso et de N’Guigmi. Il faut aussi noter la présence des Nigérians qui viennent profiter de ce marché. Ces derniers constituent un poids important pour le marché. Ceux qui viennent acheter sont plus attirés par les produits d’irrigation (le poivron et l’oignon) et les bétails. Mais d’autres viennent pour écouler des produits (fruits et légumes, céréales, etc.). D’une manière générale, les marchés de Diffa aussi échangent avec la région de Zinder. Cette dernière leur fournit des produits céréaliers, pâtes alimentaires, tissus, etc. et reçoit de Diffa des produits maraichères principalement du poivron. 32

Faute des chiffres disponibles au niveau de la commune, nous nous contentons des données régionales pour donner un aperçu.

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En dehors du marché central de la ville, une autre place fut aménagée pour la vente du poivron (marché de poivron), oignon, fruits et légumes, etc. Les trois marchés (marché central, marché de poivron et le marché à bétail) constituent la principale source de recettes fiscales pour la mairie. Cependant, la plupart des commerçants et revendeurs évoluent dans l’informel. Ce qui constitue un manque à gagner pour les collecteurs des taxes et impôts. 3.3 Les secteurs sociaux de base 3.3.1 Santé La population de la ville de Diffa dispose d’un Centre de Santé Intégré (CSI) doté d’une maternité située au centre-ville. En dehors de ce centre, la ville abrite quatre (4) salles de soins privés ; une maternité de référence ; une pharmacie populaire et quatre (4) dépôts pharmaceutiques. En dehors de trois infirmeries militaires (FAN ; FNIS et Gendarmerie) qui offrent leur service, il faut aussi noter l’existence d’un hôpital régional dans la ville de Diffa. Ces centres de santé offrent un cadre idéal pour une prise en charge des maladies de 63.611 habitants que compte la commune en 2016. Malgré cet atout, la population fait encore recours à la pharmacopée traditionnelle pour se soigner ; ce qui n’est pas sans risque. En 2006, 65% des ménages de la ville de Diffa (PDC ; 2006) faisaient recours à d’autres soins médicaux que la médecine moderne. Il s’agit de la pharmacopée traditionnelle, des vendeurs ambulants des produits pharmaceutiques et enfin du maraboutage. Cette tendance s’explique, selon le PDC de la commune, par l’analphabétisme de la population, la méfiance envers la médecine moderne, l’accessibilité des médicaments traditionnels (le coût et la distance des centres de soin), le difficile accès des centres de santé, etc. De ce fait, elle ne fait recours à la médecine moderne qu’après avoir constaté 79

l’inefficacité de cette pharmacopée voire la complication des maladies. D’après le PDC de la commune, les usagers des centres de santé se plaignent de l’éloignement, des coûts élevés des soins, de la mauvaise qualité de soins et de la limitation de la gamme des soins. 3.3.2 Education La réticence de la population de la ville n’est pas seulement relative à la médecine moderne. Elle concerne aussi le secteur éducatif. En effet, d’une manière générale, la région de Diffa possède l’un des taux le plus faible de la scolarisation. Au cycle primaire, le taux de scolarisation au niveau régional est très bas comparé au taux national. Ils sont respectivement en 2014-2015 48% et 74,2%33. Au second cycle, la région a l’un des plus faibles taux de la scolarisation du pays avec 19,7 %34. Ces faibles taux peuvent s’expliquer par les échecs scolaires, la réticence ou la méconnaissance de l’importance de l’école par les parents d’élèves, l’occupation des élèves par les activités agricoles et pastorales, etc. (PDC Diffa, 2006). Selon toujours ce PDC (2006 : 37) « l’existence des écoles coraniques est parfois jugée suffisante pour les parents ». 3.3.3 Emploi Le secteur informel constitue le principal secteur qui emploie la jeunesse de la ville de Diffa (PDC, 2006). Il occupe plus les jeunes non diplômés que les diplômés. En 2005, le taux de chômage était de 9,6% (PDC Diffa, 2006). Le lancement de l’exploitation du pétrole dans le département de N’Gourti et les recrutements des employés ont constitué un soulagement pour la jeunesse désœuvrée dans toute la région de Diffa. Cependant, en Mai 2013 des 33

Selon la Direction Régionale de l’Enseignement et de la Promotion des langues nationales. 34 Données recueillies auprès du Ministère de l’Enseignement Secondaire.

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émeutes ont éclaté partout dans la région, notamment dans la ville de Diffa où la manifestation était plus violente. Les manifestants dénonçaient une série de recrutement qui porterait un préjudice à la main d’œuvre locale. Dans le prochain chapitre, nous aborderons l’historique de la secte boko haram dans la ville de Diffa.

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CHAPITRE IV APPARITION DE LA SECTE BOKO HARAM DANS LA VILLE DE DIFFA Dans ce chapitre, il sera question de faire un historique de la secte terroriste boko haram, d’aborder ses fondements idéologiques et ses objectifs, de présenter les mobiles de l’enrôlement des jeunes de la ville de Diffa dans la secte et, enfin, traiter les perceptions des réfugiés nigérians et des habitants de la ville de Diffa sur cette secte terroriste. 4.1 L’historique de la secte boko haram Apparue au Nigéria au début des années 2000, l’idéologie islamiste de la secte boko haram se propage dans tous les pays du Bassin du Lac Tchad. 4.1.1 L’apparition de la secte boko haram à Maiduguri (Nigéria) La jama’atou ahlous sounna lidda’awati wal djihad (les disciples du Prophète pour la propagation de l’Islam et de la guerre sainte), plus connue par ‘’boko haram’’, fut fondée par Mohamed Yusuf vers 2002 à Maiduguri. D’une simple secte religieuse, la secte boko haram (nom véhiculé par les médias) se radicalise après l’assassinat extrajudiciaire de son leader spirituel Mohamed Yusuf par les forces de la police nigériane en 2009. Plusieurs qualificatifs sont utilisés pour désigner la secte de Mohamed Yusuf Elle est, selon Pérouse de Montclos (2015b :147), « tantôt qualifiée de secte, de mouvement insurrectionnel, d’organisation terroriste ou djihadiste ».

L’origine de la secte peut remonter à 1995 avec Abubacar Lawan quand il fonda à l’Université de Maiduguri Ahlulsunna wal jma ah hijira. Après son départ pour ses études en Arabie Saoudite en 2002, Mohamed Yusuf aurait repris la tête du mouvement (GUIBBAUD, 2014). 4.1.2 L’évolution de la secte boko haram à Diffa (Niger) Au Niger, la région de Diffa fut la plus touchée par l’idéologie de la secte boko haram. En effet, c’est vers 2006 que des jeunes de la ville de Diffa, partis au Nigéria pour des études coraniques, introduisirent l’idéologie de Mohamed Yusuf dans la ville. A l’époque, ces jeunes étaient perçus comme des jeunes qui faisaient une da’awa (un appel à s’investir dans la religion musulmane). C’est en ce sens qu’un de nos interlocuteurs dit ceci au sujet de cette secte : « L'appellation boko haram est récente. Au début nous les voyions comme les autres musulmans. (…) Ils faisaient leurs prêches sans heurts avec qui que ce soit. Nous les entendions aussi via les radios débattre sur des questions. » (Entretien du 22/05/16 avec G.A, un habitant de la ville de Diffa) Avant, les adeptes de la secte boko haram, à Diffa, s’appelaient ‘’taliban’’, un nom qui fait allusion aux combattants Talibans d’Afghanistan qui sont leur référence. C’est par la suite que l’expression boko haram est apparue. Les adeptes de cette secte se distinguaient dans la ville de Diffa, dans les années 2007-2009, par leur turban rouge ou blanc qu’ils portent avec un style différent35. La secte 35

Ils se couvrent la tête laissant apparaitre les oreilles tout en laissant une partie du turban longer le dos.

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attirait des jeunes de toutes les ethnies de la ville en reflétant sa composition ethnique. Les kanuri étaient majoritaires dans la secte parce qu’ils sont majoritaires dans la ville et la région. Cependant, le fait que les leaders de la secte soient de l’ethnie kanuri et que les prêches soient faits dans cette langue ont eu un impact sur le ralliement des jeunes de ce groupe ethnique. En Août 2008, les adeptes de la secte ouvrent leur mosquée de vendredi (en dehors de deux mosquées de prières quotidiennes qui existaient) et une makaranta36 pour les hommes et une autre pour les femmes dans le quartier de Diffa koura. C’est dans cette période qu’ils ont commencé à s’entrainer hors de la ville à l’usage des armes blanches, les après-midi. Abubacar Shekau fut invité par les adeptes de la secte de Diffa pour prêcher dans cette ville37. Lors de cette visite, il y a eu une muqabala (débat religieux) avec un imam de la secte Izala38 de la ville, Malan Salissou. Ce débat a eu lieu à Yusufari, une ville nigériane qui est non loin de MaïnéSoroa. En 2009, plusieurs membres de la secte ont vendu leurs biens39 afin de répondre à l’appel au djihad lancé par leur leader spirituel de Maiduguri Mohamed Yusuf en juillet de la même année40. Ce départ a été organisé au vu et au su des populations et des autorités. D’ailleurs, ils se glorifiaient de dire que ‘’zamu je djihadi, zamu je qasar da 36

Makaranta est une école coranique en langue hausa. Certains enquêtés pensent que c’était Mohamed Yusuf qui fut invité pour faire des prêches dans la ville. 38 Izala est le nom d’une secte islamique, la société de renoncement à l’innovation et pour le rétablissement de la Sunna, fondé dans le nord du Nigeria fondé dans le nord du Nigeria par le cheikh Shaykh Ismaila Idris. 39 Certains répudièrent leurs épouses qui refusèrent de les suivre. 40 Entretien du 15/05/16 avec M.A 37

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babu kafurci’’. Autrement dit, « Nous allons au djihad, nous partons vers une terre sainte. » Par ce ‘’djihad’’ Mohamed Yusuf et ses disciples espéraient conquérir l’Etat de Borno et y instaurer la loi islamique. Cependant, leur tentative échoua après des lourds combats qui ont fait plus de 800 morts côté boko haram, dont leur leader spirituel Mohamed Yusuf Après l’échec de ce ‘’djihad’’, les adeptes de la secte qui ont survécu se réfugièrent dans les pays voisins, une fuite facilitée par la porosité des frontières. C’est dans cette lancée que Pérouse de Montclos (2015a :59) considère que « l’affirmation des souverainetés nationales, confrontée à l’absence de contrôle territorial, a rappelé en quoi une frontière se définissait d’abord par les usages que l’on en faisait ». En effet, par l’absence d’un contrôle rigoureux aux frontières africaines, les populations des pays voisins passent d’un pays à un autre sans tenir compte des tracées officielles. Cette porosité des frontières a permis aux insurgés originaires du Niger de rentrer au pays et d’échapper à l’armée nigériane. Certains éléments de la secte se sont réfugiés aussi au Tchad et au Cameroun, d’autres sont partis en Somalie. C’est le cas de Maman Nur, le numéro trois de la secte (GUIBBAUD, 2014 ; Pérouse de Montclos, 2015a). Après leur retour, les autorités nigériennes prennent plusieurs mesures pour éviter que Niger devienne une base arrière de la secte. La première fut l’arrestation de ces combattants. Ils furent jugés et condamnés proportionnellement à leur participation aux attaques de Maiduguri. Ensuite, leur mosquée de vendredi au quartier Diffa Koura fut détruite. En fin, les autorités décidèrent de contrôler les contenus des prêches dans la région. Par

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conséquent, aucun prédicateur ne peut prêcher sans autorisation. 4.1.3 Boko haram et ses dénominations Plusieurs noms étaient utilisés pour désigner les disciples de Mohamed Yusuf dans la ville de Diffa de 2006 à 2015. En effet, ces appellations changent d’une période à une autre et d’une ethnie à une autre. Au début, les partisans de la secte s’appelaient les talibans. Par la suite, les Kanuri les appellent ‘’yaanah’’ (frères) comme les Hausa qui les appelaient ‘’yan uwa’’ (frères). Avec la radicalisation de la secte et l’arrestation de ses membres par les autorités, les habitants de la ville de Diffa commencent à avoir peur de parler de boko haram : « De 2012 jusqu’en février 2015, la population de Diffa ne prononçait pas le mot boko haram par peur d’être arrêtée. Chacun, en fonction de son cercle d’amis invente des mots pour les désigner. » (Entretien du 25/05/16 avec M.Z) En 2013, ‘’yaran malan’’ (les disciples de Malan41, en hausa) fut inventé pour désigner les éléments du groupe terroriste. Les Peuls les appellent lekkole (arbustes), les considérant comme faibles et fragiles. Lekkole est aussi utilisé pour désigner les armes à feu que les adeptes de la secte boko haram utilisent. Ce changement d’appellation s’explique par la méfiance de la population à l’égard des autorités (qui peuvent la suspecter de complicité avec la secte) mais aussi par peur d’une infiltration des membres de la secte (qui peuvent la prendre comme traitre et partant comme cible). Ce qui a rendu un moment le sujet tabou dans la

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Malan désigne l’enseignant du Coran dans les écoles traditionnelles.

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ville par peur de jeter l’anathème sur la secte en présence d’un élément de celle-ci ou d’un agent de renseignement. 4.2 Les fondements idéologiques et objectifs de la secte boko haram 4.2.1 Les fondements idéologiques de la secte boko haram L’instauration complète de la charia dans les Etats du Nord Nigéria était l’objectif visé par la secte de Mohamed Yusuf. Face aux mauvaises pratiques (la corruption, l’injustice, le chômage, etc.) qui minent la société musulmane du Nord Nigéria, ce dernier invitait ses fidèles vers le retour à un islam glorieux qui pouvait être le remède. Dans cette exhortation, il pointe du doigt l’Occident qu’il considère comme complice du gouvernement laïc. Ainsi, il appelle les musulmans à s’éloigner de tout ce qui refléterait la culture occidentale, l’école en premier lieu. Pour lui, cette culture ne fait que pervertir les musulmans. Ce qui rend illicite du point de vue de cette secte, tout ce qui émane de l’école, d’où l’idée de boko haram. Cependant, selon Betché (2016 : 147) « l’aversion contre une seule culture, fût-elle occidentale, africaine ou orientale, revêt et traduit à la fois une inculture inconsolable». Aujourd’hui, la mondialisation sur le plan culturel a atteint un niveau où aucune culture ne peut exister sans l’apport des autres cultures. Au cas échéant, elle est appelée à s’étioler (Césaire A. 1950). Pour Otto Klineberg (Césaire A. 1950 :33) « C’est une erreur capitale de considérer les autres cultures comme inférieures à la nôtre, simplement parce qu’elles sont différentes ».

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A Diffa, avant juillet 2009, les partisans de la secte boko haram critiquaient surtout l’école occidentale et tout ce qu’elle peut engendrer. Ils critiquent ouvertement les jeunes écoliers dans leurs prêches. Certains d’entre eux ont changé de métiers ou de commerce qu’ils considèrent en lien avec l’école ou contraires aux prescriptions islamiques. C’est le cas de deux éléments de la secte qui ouvrent un salon de coiffure dont le panneau indique ceci : « askin kay amma banda gyemu » (se coiffer sans raser la barbe). Ils considèrent la barbe comme un signe religieux par conséquent, la couper est contraire à la sounna42 du Prophète Mohamed (PSL). Dans le même sillage, comme fait divers, nous prenons à témoin un commerçant importateur des produits nigérians qui refusa de dédouaner ses marchandises car pour lui, la Douane alimente les caisses de l’Etat et il n’en est pas question puisque l’Etat n’est pas islamique. La Douane saisit ses marchandises. 4.2.2

Les objectifs de la secte boko haram

L’objectif de la secte boko haram a évolué au fil des années. En effet, avec Mohamed Yusuf l’objectif était l’application stricte de la charia43 dans les Etats où elle était déjà appliquée ainsi que la pratique d’un islam radical et purifié (GUIBBAUD, 2014). Ce qui fait dire à Abul Qaqa, un proche de Shekau (Betché, 2016 : 41) que « notre objectif est de revenir au Nigéria d’avant la colonisation, quand la charia était la loi appliquée à tous ». Le groupe conteste (Pérouse de Montclos, 2015a :59) « ouvertement l’État nigérian au prétexte que la Loi de Dieu ne peut pas être appliquée correctement sous la 42 43

La tradition prophétique La charia désigne la loi islamique.

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tutelle d’une Constitution « laïque » et écrite par la main de l’Homme ». Pour Mohamed Yusuf, il faut remplacer le gouvernement et ses textes laïcs par des institutions et gouvernement islamiques. Cependant, il faut noter que les adeptes de la secte boko haram avaient occupé des postes de responsabilité au sein du gouvernement local de l’Etat de Borno sous le Gouverneur Ali Modu Sherif. Ils occupaient entre autres le Ministère chargé de cultes. Ce qui fait dire à GUIBBAUD (2014 : 62) que « le message délivré par la secte boko haram est avant tout politique ». Après la mort de Mohamed Yusuf en 2009 et l’autoproclamation de Shekau comme son remplaçant, d’autres objectifs ont été ajoutés au premier. Parmi lesquels la libération de leurs combattants emprisonnés depuis 2009 et la peine de mort pour l’exgouverneur de Borno (Ali Modu Sherif) qu’ils considèrent comme responsable de la mort de leur leader. 4.2.3 Les liens entre la secte boko haram et les autres sectes islamiques La secte islamiste de Mohamed Yusuf s’est inspirée de trois mouvements religieux du Nigéria. Il s’agit du groupe Chiite d’Ibrahim El-Zakzaki ; du mouvement pour le réveil de l’Islam d'Abubacar Mujahid et de la branche extrémiste d’Izala (GUIBBAUD, 2014). Ces différents emprunts rendent difficile la description et la classification du mouvement parce qu’il semble emprunter des éléments idéologiques à plusieurs mouvements islamistes tout en ne leur appartenant pas totalement. Dans la ville de Diffa, depuis 2006, des prédicateurs notamment des Izala se sont opposés à cette idéologie et ont fait des prêches pour prévenir des jeunes qui seraient tentés d’adhérer à l’idéologie ‘’talibane44’’. Sachant que la 44

Entretien du 18/05/16 avec Z.M

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plupart des talibans étaient des izala avant de quitter et connaissant le niveau d’étude de la plupart de leurs prédicateurs, les prédicateurs d’izala n’ont pas accordé une grande importance à la secte parce qu’ils considèrent ses prédicateurs comme ‘’ignorants45’’ comme le témoigne un des prédicateurs d’Izala : « Certains imams des talibans de l’époque furent nos élèves, c’est moi qui leur enseignait les b.a.-ba de la religion. Ils venaient avec leurs livres chez moi. » (Entretien du 15/12/16 avec A.B) L’envoi par la secte boko haram du Nigéria d’un imam (Malam Mustapha) à Diffa semble justifier les propos d’A.B. En effet, Malam Mustapha fut dépêché pour enseigner les jeunes adeptes de la secte de la ville et leur servir d’imam. Ces derniers partent à Maiduguri auprès de Mohamed Yusuf pour un apprentissage religieux. Le fait que certains étaient izala avant de rejoindre la secte, a fait que certains habitants de Diffa considèrent tous les talibans comme izala, comme le témoigne certains de nos interlocuteurs : « Ce sont des Izala !!! Ça, il faut le dire haut et fort. Mohamed Yusuf prêchait avec un des leaders d’Izala avant leur division ». (Entretien du 15/05/16 avec M.A) « C’est juste un changement d’appellation… c’est ça la secte boko haram (habaa ay kayma sey ka gane … amma duk izala ce !) Tu devrais le comprendre… mais ils sont tous des izala. » (Entretien du 18/05/16 avec Y.F) Ce rapprochement n’est pas seulement lié au passé des éléments de la secte boko haram. Il est aussi lié à la da’awa qu’utilisaient les deux sectes comme l’affirme Z.M. : 45

Entretien du 15/12/16 avec A.B

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« Au début leur da'awa s'approchait de celle de izala. Mais quand ils [les talibans] sont devenus boko haram, les divergences se sont manifestées. » (Entretien du 18/05/16 avec Z.M) Le nom que chaque secte utilisait pour s’identifier, a fait que certains habitants de la ville de Diffa confondent ces sectes. Les izala s’appellent ahlous sounna (la congrégation du Prophète Mohamed (PSL) tout court pendant que les adeptes de la secte boko haram s’appellent la jama’atou ahlous sounna lidda’awati wal djihad (les disciples du Prophète pour la propagation de l’Islam et de la guerre sainte). 4.3 Les mobiles de l’enrôlement des jeunes de la ville de Diffa dans la secte boko haram 4.3.1. Une mauvaise interprétation religion par les adeptes de la secte

de

la

Les premiers partisans de la secte boko haram de la ville de Diffa étaient des talibés partis à Maiduguri (Capitale de l’Etat de Borno au Nigéria) pour des études coraniques. En effet, les recruteurs de la secte boko haram visaient, parmi tant d’autres cibles, les talibés, ‘’almajirai’’, issus généralement des familles pauvres. Pour les convaincre, ils comparaient leurs écoles avec les écoles modernes privilégiées par l’Etat laïc46. Ainsi, ces talibés voient en cette secte un moyen de se faire justice. Les premiers talibans de Diffa étaient plus motivés par la cause religieuse comme le témoigne A.B, un prédicateur de la ville qui les a fréquentés un moment : « Ils étaient motivés par ‘’l’amour’’ de la religion. Ce sont des jeunes qui aimaient la religion. Hélas ! Ils n’avaient pas pris le bon chemin. » (Entretien du 15/12/16 avec A.B.) 46

Entretien du 18/05/16 avec Z.M

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L’endoctrinement fut le support d’enrôlement des jeunes, à l’époque. Dans leurs discours, les éléments de la secte boko haram exploitaient les ‘’négligences’’ des autorités envers la population pour attirer plus de fidèles. Ils prônaient des discours d'équité et de justice sociale au début47. Cela se renforce par l’accroissement de l’injustice, des disparités sociales, de la ‘’perversité’’ des mœurs, etc. Les jeunes qui y adhèrent se retrouvent dans les regroupements qui se créent. Ces discours transforment la vision des adeptes sur la religion en remettant en cause la pratique religieuse d'antan comme le témoigne B.B.K. un enseignant à l’Université de Diffa : « Avec l'endoctrinement, on te change carrément la vision du monde, ta vision en rapport avec la religion d'origine. » (Entretien du 24/05/16) Ce changement a conduit les adeptes de la secte boko haram à considérer leurs anciens marabouts comme ignorants ou égarés48. En effet, ils considèrent que seuls leurs marabouts méritent d’être considérés comme oulémas et les autres, qui n’embrassent pas leur idéologie, comme hypocrites. Les propos de G.A en dit plus : « Almajirin da ka koya ma a guidanka shine zay zo ya ce ba ka san komi ba. Kay munafi ki ne. Autrement dit, le talibé que tu as enseigné, c'est lui qui va te considérer comme un ignorant, comme un hypocrite ». (Entretien du 22/05/16 avec G.A.) En se considérant comme les seuls détenteurs de la parole divine, les adeptes de la secte perçoivent les autres musulmans comme égarés de la religion. Et Allah n’approuvera que leurs actions. Ainsi, ils se considèrent,

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Entretien du 24/05/16 avec B.B.K. Entretien du 15/12/16 avec A.B

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selon Betché (2016 :48), comme « purs au point d’imaginer que Dieu est de leur côté et contre les autres ». L’ignorance ou le manque de connaissance sur la religion explique en partie le ralliement des jeunes de la ville de Diffa au groupe terroriste boko haram. En effet, les leaders du groupe emploient des versets coraniques et des paroles du Prophète Mohamed (PSL) pour attirer les jeunes. Ils les utilisent dans leurs prêches et sermons. Cependant, cette utilisation est biaisée car, selon certains oulémas qui ne partagent pas leur idéologie, les prêcheurs de la secte donnent les sens littéraires des versets et des hadiths du Prophète. Ce qui déforme les sens originels de ces versets et hadiths. Ainsi, ils peuvent facilement convaincre les non avertis. Cette conversion est aussi facilitée par la transmission des prêches de la secte dans la ville via des téléphones portables et autres moyens comme les radios, les MP3, les DVD, etc. Une fois convaincu, le nouvel adepte adhère au groupe où il rejoindra ‘’ses frères’’ (ou yin uwa en hausa) avec qui il partage un certain nombre des ‘’valeurs sacrées’’. Ils se sentiront liés par un sentiment de fraternité et d’appartenance à la secte. C’est pourquoi ils s’appellent yin uwa entre eux. Ensemble, ils défendront ces valeurs, quitte à abandonner leurs parents ou à se sacrifier. Ce qui explique leur appel au djihad pour les défendre et éliminer toute personne qui s’oppose à leur idéologie. La participation à ce ‘’djihad’’ est motivée non seulement par la défense de ces valeurs mais aussi par la récompense qu’aura un martyr. En effet, en pensant défendre une cause religieuse, les adeptes de la secte boko haram espèrent entrer directement au paradis, après leur mort. De ce fait, pour eux, leurs valeurs ne peuvent se fondre dans un ensemble quelconque et ne peuvent être ni abandonnées, ni échangées contre un bien matériel (Spinney, 2017).

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D’où l’appel au renversement du pouvoir laïc et son remplacement par la loi divine, la chari’a. Cependant, tous les combattants de la secte n’ont pas les mêmes motivations. En dehors de la motivation religieuse, le groupe terroriste faisait recours à d’autres éléments pour rallier les jeunes de la ville de Diffa à sa cause. 4.3.2 Le désœuvrement des jeunes de la ville de Diffa Pour gagner les jeunes à sa cause, la secte terroriste a mis aussi en place un réseau clandestin de recrutement dans la ville de Diffa. Ce réseau cible des jeunes désœuvrés et désespérés dans la ville. Pour ce faire, la secte boko haram utilisa de l’argent, des motos, des ‘’butins de guerre’’, des jeunes filles, etc. Certains propos des interviewés en dit long : ‘’Kodey ne ! Saboda taga kudin da a ke badawa. A nan garin an yi lokacin da in mutun yaje za a bashi Kasea da 200 000 Naira.’’ Autrement dit, « C’est l’avarie ! Puisqu’il fut un moment dans cette ville, où une moto de marque Kasea et 20000049Naira (soit 547,933$) sont donnés à un nouveau recru. » (Entretien du 18/05/16 avec Z.M) ‘’Reshin abun hannu ne ya sa !’’ Autrement dit, « C’est le désœuvrement qui est à la base du départ des jeunes vers la secte. » (Entretien du 22/05/16 avec G.A)

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Cette somme est énorme comparée au salaire minimum garanti au Niger qui est de 37047 f CFA (soit 66,339 $) depuis le 17 Août 2012.

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Ces faits sont connus presque par tous dans la ville. Plusieurs habitants et autorités de la ville les ont confirmés lors des entretiens dans le cadre de cette étude50. Certains jeunes bénéficiaient de la complicité de leurs parents dans cette aventure. Cette complicité est due non seulement par la sympathie que certains parents ont pour la secte mais aussi par l’argent que leurs enfants leur donnent avant de partir et/ou de retour. Une somme de dix milles Naira (N 10.000 soit 27,40$) était donnée aux parents d’un nouveau recru51. En utilisant l’argent, la secte boko haram a attiré, par les recruteurs, un nombre important de jeunes de la ville. Cela s’explique par un taux de chômage élevé des jeunes, le désœuvrement suite aux inondations de la Komadougou (2012 et 2013), la fermeture partielle du champ pétrolier d’Agadem, etc. Le groupe terroriste a pu aussi débaucher certains contractuels de l’enseignement, de santé, etc. par le ‘’salaire’’ consistant qu’il leur proposait. 4.3.3 Une inspiration de la jeunesse Parmi les raisons sociales qui semblent expliquer les ralliements de certains jeunes de la ville de Diffa au groupe terroriste, il y a le besoin d’une reconnaissance sociale, l’émancipation précoce des certains jeunes, la tentation d’avoir les armes à feu, etc. Une arme à feu engendre une illusion de puissance et de suprématie au détenteur, surtout quand celui-ci est un jeune sans emploi qui peut l’utiliser à sa volonté. Les combattants de la secte boko haram semblent posséder chacun son arme et les nouveaux recrus peuvent aussi en recevoir. Cette tentation a attiré beaucoup de jeunes de la 50

Il s’agit du Procureur de la République, d’un député, du commissaire de police de la ville, etc. 51 Entretien du 15/05/16 avec M.A

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ville qui voient en cela une occasion d’en avoir une, comme le témoigne M.A. : « Il y a ceux qui sont partis pour seulement avoir des armes et attaquer des gens avec. Ils ne sont pas partis prendre le pouvoir, non ! » (Entretien du 15/05/16 avec M.A) Cette illusion renforce le sentiment d’émancipation des jeunes tentés par la mésaventure. Avec la secte boko haram, les jeunes pensent devenir maîtres de leur destin. Ils n’auront plus à suivre les ordres des parents, du milieu social ou même d’un Etat quelconque. Les victoires folkloriques des combattants de la secte boko haram sur les soldats nigérians a contribué considérablement au ralliement des jeunes de la ville de diffa à l’idéologie de la secte. En effet, après la prise de plusieurs villes nigérianes, des jeunes de la ville de Diffa ont commencé à percevoir les combattants de la secte comme invincibles. Cette perception s’est renforcée avec la prise de la ville de Damasak, en novembre 2014. La victoire des terroristes de boko haram sur cette ville, a renforcé le ‘’mythe d’invincibilité’’ de la secte ce qui a attiré davantage des jeunes de la ville de Diffa. De ce fait, plusieurs jeunes de la ville de Diffa voient en cette secte une force qui aspire confiance. D’autres jeunes rejoignirent la secte pour une question de reconnaissance sociale. Le regroupement des jeunes que la secte boko haram crée en son sein peut être comparé à ceux des fadas ou des palais52 de jeunes dans les différentes villes du Niger. En effet, dans ces lieux, les jeunes partagent leurs points de vue sur des aspects de la vie quotidienne. Un jeune qui embrasse l’idéologie de la secte se sentira plus intégré avec ses semblables qu’avec 52

Les regroupements des jeunes dans les villes au Niger

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ses parents ou ses amis avec qui il ne partage pas cette philosophie. L’analphabétisme qui caractérise une grande partie de la population de la ville de Diffa53 a contribué à l’appréciation de la secte par les jeunes. En effet, l’école est mal appréciée par une partie de la population qui la perçoit comme un des facteurs favorisant la déliquescence et la dégradation des valeurs traditionnelles54 d’où la déconsidération de l’école occidentale et le refus d’inscrire les enfants. Cependant, cette population reste plus attachée à l’école coranique (PDC, 2006) où elle préfère envoyer ses enfants, même s’il s’agit auprès d’un marabout qui se trouve de l’autre côté de la frontière, au Nigéria. 4.3.4 L’usage de la drogue et de la magie par les éléments de la secte boko haram La magie, la drogue et le sentiment de ‘’vengeance’’ ou la xénophobie font partie des facteurs qui semblent expliquer le ralliement des jeunes de la ville de Diffa au groupe terroriste boko haram. Mouvement intégriste et radical s’inspirant du wahhabisme, la secte boko haram semble n’avoir pas copié intégralement ce courant (qui interdit l’usage de la magie). En effet, les éléments de la secte boko haram utilisent de la magie lors des combats ou pour ensorceler les nouveaux recrus55. Les marabouts de cette secte exploitent certains ouvrages qui contiennent des formules magiques leur permettant de détourner la conscience de 53

Avec un taux brut de la scolarisation au niveau lycée qui est de 5,58% en 2011-2012 54 Adji S., 2015 ; entretien du 25/05/16 avec H.A et le PDC communal, 2006 55 Entretiens du 18/05/16 avec Z.M et du 21/05/16 avec H.

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leurs combattants comme le témoigne H.D, un marabout de la ville de Diffa : « Il suffit qu’ils te donnent des simples dattes, par exemple, pour que tu adhères à leur idéologie… Ou bien, ils retirent certains versets coraniques et qu’ils les écrivent avec du sang. » (Entretien du 21/05/16 avec H.D) Cela se confirme par la mutilation de certains organes sur les victimes des combattants56. C’est aussi le constat d’un militaire lors de la reprise de la ville de Damasak (en mars 2015) par l’armée nigérienne et tchadienne. Celui-ci indique : « Dans les Corans que nous avons trouvés dans une mosquée, des versets ont été barrés avec des stylos et un bidon de 20 litres rempli du sang. Nous ne savons pas si c’est du sang humain ou non. » (Entretiens du 18/07/16 avec E.) Ainsi, comme le souligne Betché (2016 : 46), « à côté de l’islam que les membres de la secte boko haram semblent pratiquer, prospère allègrement l’usage de la magie ». En dehors de la magie, la secte utilise de la drogue pour ‘’motiver’’ ses combattants. C’est ainsi que plusieurs combattants, sous l’effet de la drogue, ont été arrêtés sur le terrain de combat57. Il était courant de trouver de plaquettes de comprimés enivrants comme le tramadol, le valium, le diazépam, etc. sur les combattants de la secte arrêtés ou tués par les forces de défense. Pour mener des actions inhumaines (égorger ses parents, par exemple), la secte avait besoin de quoi galvaniser ses troupes en associant la drogue et la magie. Ivre et inconscient, toute 56

Entretien du 18/05/16 avec Z.M Entretiens avec le Commissaire de police de la ville de Diffa, le Procureur de la République et un militaire. 57

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action est possible pour un combattant du groupe terroriste. La consommation de la drogue dure par les combattants du groupe terroriste (Betché, 2016 :102) « est non seulement fréquente mais obligatoire ». Cependant, cet usage de la magie, des gris-gris et de la drogue déforme la vision originale de l’Islam que voulait 4.4 Les perceptions des réfugiés et des habitants de la ville de Diffa sur le conflit boko haram 4.4.1 Une punition divine Du point de vue de certains enquêtés, le conflit qui embrase la zone est une malédiction, un châtiment divin contre ses serviteurs pour des pêchés qu’ils ont commis. Cependant, cette perception est plus répandue chez les personnes âgées que chez les jeunes. Pour les personnes âgées et les religieux, le conflit résulte des pêchés que les Hommes commettent. Ainsi, pour rappeler aux humains et les punir, Dieu leur envoie ces malédictions afin qu’ils se repentissent, comme le témoigne A.B un réfugié âgé de plus de 70ans : « C'est une malédiction. Sinon comment comprendre qu'une personne tue ses parents, ses frères, etc. Ça fait des siècles ou des millénaires que ces genres d'événements ne se sont pas produits ». (Entretien du 17/05/16 avec A.B.) C’est aussi dans ce sens que M.D. un retourné et imam d’une mosquée au quartier Charé, affirme : ‘’Dume58 ne wadatake i de’e sare? I wodi ko buri du’um laifi?’’ Autrement dit « Quel pêché les hommes ne commettent pas dans toutes les villes touchées par ces conflits ? » (Entretiens du 16/05/16 avec M.D.) Un autre réfugié E.A. âgé de 60 ans adhère à ces propos : 58

Entretien en langue peul.

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‘’Wannan tabbate !!! Wannan tabbate !!! Muna da zunubi wajen Allah ! Toh shine Allah ya nuna mana wannan bala’in… wanda kariqe a hannu biyu zaya ci amananka ! Zakka na Allah baka fuddawa.’’ Autrement dit : Ce qui est sûr et certain, ces conflits ne sont que la conséquence de nos actes envers Allah. C’est évident !!! Nous avons des pêchés auprès d’Allah c’est pourquoi il nous envoie cette malédiction. La trahison est partout. Les riches ne donnent pas la zakat. » (Entretien du 17/05/16 avec E. A) Cette vision de la punition divine est aussi répandue dans la population de la ville de Diffa. Pour cette dernière, les nigérians comme les nigériens sont punis par Dieu pour leurs pêchés. Comme le souligne G.A. un habitant de la ville de Diffa, les exactions du groupe terroriste reflètent la punition divine à leur égard. De ce fait, les humains doivent se repentir pour que ces exactions s’arrêtent. Cependant, pour les réfugiés les moins âgés, le conflit boko haram est un complot politique mis en place par le régime du président nigérian de l’époque, Good Look Jonathan. Celui-ci aurait déstabilisé la zone pour écarter l’électorat du Nord du pays qui est plus favorable à ses challengers nordistes. Avec ce conflit, les élections n’auront pas lieu dans les Etats touchés. 4.4.2 ‘’La fin de la vie sur terre’’ Selon les partisans de la fin du monde, ces actions annoncent la fin inéluctable de la vie de l’Homme sur terre. Avec la multiplication des conflits à travers le monde, certains interviewés expliquent ce conflit par l’annonce de l’arrivée de ‘’doudjal’’. Ce dernier est un imposteur qui viendra à la fin du temps répandre le mal et revendiquer la divinité. 101

Dans la tradition islamique, ‘’doudjal’’ apparaîtra quand les conflits embraseront le globe. Il aura la capacité de ressusciter les morts, de faire la pluie, etc. Cependant, il sera tué par le Prophète Issa (PSL), Jésus. Comme dans le christianisme, en islam aussi ‘’doudjal’’ est appelé Antéchrist parce qu’il précèdera ce dernier. K. D., un réfugié âgé de 66 ans fait la similarité de ce conflit avec l’arrivée du ‘’doudjal’’ : ‘’Dun59 Dujjal woni kootoyé. Allah yo ya’afoyam.’’ Autrement dit « C'est Doudjal, l’Antéchrist qui est partout ! Qu'Allah me pardonne. » (Entretien du 16/05/16 avec K.D.) H.D., un marabout de la ville de Diffa, compare les exactions du groupe terroriste aux probables atrocités que l’Antéchrist commettra à son arrivée. Pour lui, quand dujjal viendra, « il tuera des gens dans des mosquées. Il les égorgera. Il leur volera leur richesse »60. Ces actions correspondent exactement à celles commises par la secte boko haram. Ces deux explications (celle qui lie le conflit à une punition divine et celle qui le lie à la fin de la vie sur terre) cadrent avec l’état théologique d’Auguste Comte dans son classement de l’évolution de l’esprit humain. En effet, pour lui, dans cet état qui correspond au premier état de l’évolution de l’esprit humain, les Hommes attribuent les causes de ce qui leur arrive aux actions surnaturelles d’un Etre suprême61. C’est ainsi que les interviewés attribuent les attaques de la secte boko haram qu’ils subissent à la

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Entretien en fulfulde Entretien du 21/05/16 61 http://www.solidariteetprogres.org/documents-de-fond7/science/article/auguste-comte-sociologie-et-controle-social.html consulté le 02/03/17 60

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volonté divine qui cherche à les punir pour un pêché commis ou pour mettre fin à la vie sur Terre. 4.4.3 Tuer ses parents pour avoir un grade Parmi les actes ignobles du groupe terroriste boko haram, figurent le viol, les incendies volontaires des villes et villages, le fait de tuer ses parents, etc. A Diffa comme ailleurs, le groupe a envoyé des commandos pour éliminer les parents qui se sont montrés hostiles au départ de leurs enfants. Un habitant du quartier Diffa Koura fut égorgé par son petit frère, en allant au champ. Ces genres de fait se sont produits partout où la secte terroriste sévit. A. B., un réfugié de la ville de Damasak, raconte que son ami, un grand marabout, fut assassiné par ses propres fils à Damasak. C’est aussi le cas d’un revendeur à Garin Dogo (un village non loin de la ville de Diffa) égorgé par son fils qui a rejoint la secte. En envoyant un parent proche pour égorger une personne, le groupe terroriste véhicule un double message. Le premier vise à dire aux parents que le lien que crée leur ‘’foi’’ est au-dessus des liens de parenté. Et le deuxième a pour but de dissuader les parents qui dénoncent leurs proches qui ont intégré la secte. Cela vise aussi à dissuader les autres populations comme le dit A.B « une personne qui tue ses propres parents, qui est-ce qu’elle peut épargner ? »62. Ainsi, tout parent, voisin ou simple habitant qui dénonce un élément de la secte, réfléchira mille fois avant de le faire. Ainsi, la secte gagne obligatoirement la complicité non voulue de la population civile comme le témoigne M.A. un habitant de la ville de Diffa :

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Entretien du 17/05/16

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« Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui ne dénoncent pas leurs parents. Il y a des éléments qui rentrent (…) et le voisin, le père ou le cousin ne peut pas les dénoncer. (…) Et quand il les dénonce d’autres viendront lui régler son compte. (…) Et celui qui dénonce ne sera pas protégé par les autorités. » (Entretien du 16/05/16 avec M.A) Certains interviewés pensent qu’en tuant leurs parents, les adeptes de la secte boko haram gagnent plus de grades dans le rang de leur secte. Ainsi, pour mériter un poste, il faut faire preuve d’intégration dans le mouvement et montrer que le mouvement compte plus, d’où l’élimination d’un parent que les terroristes n’hésiteront pas à faire. Ces actes font que certains interviewés comparent la secte au règne du Pharaon d’Egypte (Ramsès II) qui a vécu avec le Prophète Moïse (PSL). Ce pharaon aurait demandé à ses sujets de tuer leurs parents pour qu’il puisse être le seul à avoir une influence sur eux63. Ainsi, semble-t-il, les leaders de la secte boko haram demandent à leurs fidèles d’égorger leurs parents afin qu’un jour ces jeunes agissent sans réfléchir en défendant la secte64. Dans la prochaine partie, il sera question d’aborder l’accueil des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa, leur insertion socio-économique et la distribution de l’aide humanitaire.

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Entretien du 17/05/16 avec A.B Entretien du 22/05/16 avec E.A

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TROISIEME PARTIE : ACCUEIL DES REFUGIES NIGERIANS, AIDE HUMANITAIRE ET INSERTION SOCIO-ECONOMIQUE DES REFUGIES DANS LA VILLE DE DIFFA

CHAPITRE V LES ATTAQUES DES VILLES NIGÉRIANES PAR LA SECTE BOKO HARAM ET L'ACCUEIL DES RÉFUGIÉS NIGÉRIANS PAR LA POPULATION DE LA VILLE DE DIFFA

Ce chapitre aborde dans un premier temps les atrocités que les réfugiés nigérians ont subies depuis les attaques de leurs villes jusqu’à leur arrivée dans la ville de Diffa. Dans un second temps, il présente les facteurs explicatifs de l’accueil de ces réfugiés par la population de la ville. 5.1 Les mobiles de l’afflux des nigérians vers le Niger 5.1.1 Les villes nigérianes victimes d’attaques des éléments de la secte boko haram Les terroristes de la secte boko haram, lors des opérations, détruisent tout sur leur passage. C’est ainsi qu’ils font des victimes dans chaque ville et village attaqués. Cette terreur donne une mauvaise réputation de la secte, une réputation répandue par des médias qui, en voulant informer le public, véhiculent le message de la terreur (Brigitte L., 2014). Ainsi, face aux menaces du groupe terroriste, les victimes ne peuvent que fuir. Si certaines anticipent la fuite, d’autres attendent jusqu’au dernier moment pour sauver leur vie. La ville de Baga comme d’autres villes nigérianes, fut attaquée à plusieurs reprises par la secte boko haram et deux fois incendiée par les militaires qui accusent ses

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habitants d’être en complicité avec le groupe terroriste en refusant de dénoncer les combattants de la secte65. A chaque fois qu’elle est attaquée, ses habitants fuient vers la brousse pour y passer la nuit et revenir le matin66 et ce, jusqu’à l'occupation définitive de cette ville par la secte boko haram, en janvier 2015. La dernière attaque de cette ville est l'offensive la plus destructrice des six (6) années d'insurrection du groupe terroriste dans le nord-est du Nigéria. Les propos de ces interviewés illustrent bien les attaques de leurs villes par groupe terroriste boko haram : « Lors de l'attaque, nous avons fui vers la brousse où nous avons passé la nuit dans une fraîcheur insupportable. (…) Mon fils et ses amis se sont croisés avec l'armée régulière qui a tiré sur eux, trois d'entre eux sont morts sur place. Mon fils a pu échapper. Nous avons fui toutes effrayées. » (Entretien du 12/05/16 avec F. 70 ans réfugiée originaire de la ville de Baga) B., un réfugié originaire de la ville de Damasak considère son départ de la ville comme un miracle : « Comment j'ai quitté la ville ? (Abun damamaki ! kaway na ganeni a Diffa) c'est très étonnant, la manière par laquelle j'ai quitté. Seulement je me suis vu ici à Diffa. (…) Je sortais de la douche, ma serviette attachée quand les tirs ont commencé (...) J'ai fui sans même me demander si ma famille a fui ou non parce que je n’avais pas eu le temps de rentrer dans la chambre pour la chercher. (…) Je ne me rappelle pas comment et où est-ce que je l’ai laissée. J'étais bouleversé vraiment. » (Entretien du 15/05/16)

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Entretien du 25/05/16 avec H.A et du 14/05/16 avec M., un réfugié originaire de la ville de Baga 66 Entretien du 14/05/16 avec P.M

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I.H., réfugié originaire du village de Doutchi, comme certains de ses voisins, avait fui son village dans la hâte sans pouvoir emporter quelque chose : « Certains habitants du village se sont noyés dans la Komadougou en voulant traverser, d'autre y ont passé la nuit. Nous avons passé la nuit en brousse dans des conditions insupportables avant d’atteindre Diffa. » (Entretien du 18/05/16). Si certains réfugiés avaient quitté leurs localités sans voir leurs familles, d'autres ont pu les voir mais sans qu'ils puissent quitter avec elles. En effet, par les risques qu'ils peuvent rencontrer lors de la fuite, ces réfugiés préfèrent quitter seuls. C'est le cas de B.K., originaire de la ville de Damasak, qui rassembla sa famille pour attirer son attention et l’interdire de sortir de la maison au risque de se noyer ou de se faire tuer. Reconnaissant leur incapacité de faire face aux attaques de la secte, les populations étaient obligées de fuir. Cependant, les souffrances et les pertes en vies humaines n’épargnent pas les réfugiés jusqu’à leur retranchement. 5.1.2 Les réfugiés nigérians dans l’instabilité perpétuelle Le risque d’une perte de vie ne se limite pas seulement au moment d’une attaque, il accompagne les réfugiés jusqu’à leur dernier retranchement. C’est ainsi que plusieurs réfugiés perdent la vie sur la route après avoir échappé aux attaques des terroristes. Certaines femmes avaient accouché en cours de route, dans des conditions difficiles et insupportables. B. réfugié originaire de la ville de Damasak évoque la souffrance endurée sur le chemin de l’exil : « Nous avons traversé à peu près sept cours d'eau avant de nous échapper. Tu passes partout où tu trouves un 109

passage. Les balles peuvent surgir de n'importe où. Elles peuvent toucher une personne qui est juste devant toi et sans te toucher par chance. En route, tu rencontres des corps un peu partout, tantôt des connaissances tantôt des inconnus. Par la grâce d'Allah, les balles ne nous ont pas touchées ». (Entretien du 15/05/16 avec B.) Sur la route, F. témoigne avoir vu des femmes qui avaient accouchées sans se faire assister : « Moi et ma belle-fille, son enfant sur le dos, avons dépassé des cadavres et nous nous sommes orientés vers Daban Sata où nous avons passé la nuit. Nous avons failli mourir de soif (…) Nous avons tout vu sur la route ; des femmes qui avaient accouché sur la route ; des hommes portant des nouveaux nés qui pleurent. » (Entretien du 12/05/16 avec F.) D’autres réfugiés ont quitté leurs villes dans des véhicules en rencontrant moins d’obstacles sur la route. Dans cette situation d’urgence les chauffeurs prennent tous les réfugiés qu’ils rencontrent sur leur route. Cependant, certains chauffeurs refusent de les assister de peur qu’ils assistent les terroristes ou qu’ils se font tuer en voulant sauver des vies. Avec la multiplication des attaques du groupe terroriste, certains réfugiés ont évité plusieurs obstacles avant d'atteindre leur dernier refuge. 5.1.3 Les conditions d'arrivée des réfugiés dans la ville de Diffa Fuyant une mort imminente, les réfugiés nigérians traversèrent la frontière à la recherche d'un lieu sûr au Niger pour se mettre à l'abri des exactions de la secte terroriste. Des milliers de réfugiés arrivèrent dans la ville dans des conditions très critiques comme en témoignent les habitants de Diffa qui les ont vus entrer dans la ville. 110

G.A était à l’entrée de la ville quand ils sont arrivés : ‘’Abun67 sey ka ce a cikin film. Wallahi kamar da wasa, mu na nan tsaye lokicin da suka fara zuwa. An guwarmu bakin gari ta ke, munaganin yadda mata da yara kecuncurundo.’’ Autrement dit: « On dirait dans un film ou un jeu parce que nous étions ici, quand ils commencèrent à venir. Ici c'est un quartier périphérique [quartier Charé], nous voyons comment les femmes et les enfants affluent vers la ville). » (Entretien du 22/05/16) H.O., un habitant de la ville de Diffa a accueilli son hôte qui était venu chez lui les pieds nus : « Ils sont arrivés dans une situation très critique. C'est l'horreur qui les fait sortir de chez eux. Même mon hôte que j'ai hébergé est venu les pieds nus. Il a passé la nuit dans une rivière. Et ses jambes portaient les traces des piqures des moustiques et des blessures causées par des épines. » (Entretien du 19/05/16) Ces faits témoignent le calvaire que les réfugiés ont vécu sur la route. Ils fuient en laissant tout pour chercher un refuge. Des familles se sont disloquées, dispersées ; des gens fuyant dans toutes les directions. C’est dans ces conditions que des maris abandonnèrent leurs familles, des femmes et leurs enfants. Des dizaines de femmes et d'enfants sont arrivés seuls dans la ville. 5.2 Accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa La ville de Diffa a accueilli 5.493 ménages de réfugiés dont 24.312 individus en 201568. Certains de ces réfugiés avaient la possibilité de partir vers d’autres localités, mais 67

Extrait d’un entretien en hausa Selon les données de la Direction Régionale de l’Etat Civil et des Réfugiés (DREC/R) 68

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pour des raisons qui leur sont propres, ils ont choisi d’aller vers la ville de Diffa. La position géographique de la ville de Diffa a beaucoup aidé les réfugiés dans leur quête de refuge. En effet, la ville de Diffa se trouve à moins de sept (7) Km de la frontière nigériane, ce qui a contribué dans l'attraction des réfugiés. Un autre aspect qui a attiré les réfugiés vers la ville de Diffa est sans doute la sécurité. Car le chef-lieu de région où toutes les représentations de l'Etat et des organismes siègent, Diffa était sécurisée. Toutes les Forces de Défense et de Sécurité sont présentes, ce qui a rassuré davantage les réfugiés. Les liens de parenté, d'amitié, de commerce, etc. avec certains habitants de la ville, ont aussi contribué dans le choix de la ville de Diffa par les réfugiés. En effet, un nombre important de réfugiés a trouvé refuge auprès des anciennes connaissances dans la ville. A défaut d'une coordination étatique, la recherche d'un abri par les réfugiés nigérians s'est faite de manière désorganisée. Si certains réfugiés se sont dirigés vers des familles où ils espèrent trouver un refuge, d’autres se sont installés sous des arbres en attendant une autre alternative. Cela est dû au fait que l’Etat du Niger a laissé les réfugiés nigérians intégrer la population locale en espérant qu’elle les acceptera facilement compte tenu de l’appartenance ethnique et ont des alliances séculaires. De ce fait, les réfugiés doivent, comme le note Frésia (2005 : 68), « négocier leur lieu d’installation, dans ce contexte de ‘’laisser-faire’’ ». 5.2.1 La solidarité ethno-parentale Le lien de parenté a joué un rôle important dans l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville 112

de Diffa. En effet, un nombre important de réfugiés a renoué le lien de parenté avec leurs parents nigériens ou immigrés. Un parent qu'il soit lointain ou proche est accueilli et assisté face aux aléas de la fuite. Plusieurs réfugiés avaient sollicité l’assistance de leurs parents qui vivaient dans la ville bien avant le déclenchement du conflit. La photo N° 4 montre une famille réfugiée accueillie par un parent proche. E.A. a été accueilli par sa sœur mariée à un nigérien depuis plus de 30 ans : « Je t'ai dit que j'ai une sœur non ? Toh c'est chez elle que nous sommes venus. (…) J'étais avec mes femmes et mes enfants. Nous étions plus de vingt (20) personnes. » (Entretien du 22/05/16 avec E. A.) Certains réfugiés ont été hébergés par plusieurs parents avant de trouver un lieu définitif, par manque d’espace dans la maison ou pour d’autres raisons. Il y a aussi des retournés nigériens revenus avec d'autres réfugiés qu'ils ont connus au Nigéria. C’est cette solidarité qui explique l’accueil que M.A. a réservé à ses hôtes : « Parmi ceux que j'ai accueillis, il y a ma fille et sa famille (ses 5 enfants, son mari, un nigérian, sa belle-sœur (avec ses 2 enfants elle aussi), son beau-frère (avec ses 7 enfants et sa femme). Tu vois parmi eux je ne peux refuser personne. » (Entretien du 15/05/16) L'accueil des réfugiés (ou parents) par leurs hôtes crée des liens entre ces deux communautés et les renforce. Cet accueil a permis à plusieurs familles de se reconstituer et des parents se sont retrouvés après des années de séparation. Il faut noter que la parenté a joué un rôle primordial dans l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. Comme le note Essono (2013 :163), dans sa 113

thèse sur l'intégration des réfugiés congolais au Gabon, « la parenté, dans son acception la plus large, est le facteur le plus important de l'intégration des réfugiés congolais ». Il en est de même à Diffa où assister un "parent" réfugié revient à assister sa propre famille. Autrement dit, comme le note Wali Wali (2010 : 224) "c'est une partie de soi qu'il faut préserver". De ce fait, comme le note Essono (2013 :163), « la ‘’parenté éloignée’’ (...) est actualisée pour servir de rempart contre les aléas de l’exil, mais surtout, contre une déconcertante et déroutante solitude ». En dehors du lien sanguin, l'appartenance à une même ethnie a aussi contribué dans l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. En allant vers des personnes de la même ethnie qu’eux, ces réfugiés espèrent être facilement accueillis. Ainsi, plusieurs réfugiés se sont orientés vers des habitants de même ethnie : « Quand nous sommes arrivés dans la ville, nous avons demandé où se trouve le quartier des peuls. Nous pensons être plus accueillis par nos parents dans ce quartier. » (Entretien du 19/05/16 avec K. réfugiée originaire de Baga) Dans la ville de Diffa, plusieurs réfugiés nigérians se sont regroupés en fonction de leur appartenance ethnique et de leurs localités d’origine. En effet, les réfugiés peulhs se concentrent plus dans les quartiers Château et Charé, pendant que les réfugiés Kanuri se regroupent dans les quartiers Diffa Koura et Festival. Les réfugiés préfèrent les quartiers où il y a plus de personnes qui proviennent de leurs anciennes localités et/ou il y a des personnes qui parlent leur langue. Ils s'orientent dans l'espoir d’être bien accueillis par ces 114

dernières. Comme le note Wali Wali (2010 : 223), « le partage des liens culturels et linguistiques communs apportent une proximité et une confiance rapide. Il est difficile de nier que la fibre ethnique ne laisse pas indifférent tout être qui se retrouve en face d’un autre qui soit du même groupe que lui ». C’est ainsi que les liens ethniques et linguistiques ont contribué significativement dans l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. Certaines familles avaient leurs maisons saturées en accueillant plusieurs réfugiés. Face à cette situation, elles ont fait appel à leurs voisins pour qu’ils hébergent quelques-uns de leurs hôtes. D’autres leur ont trouvé des parcelles vides pour qu’ils s’y installent. 5.2.2

La solidarité religieuse

Certains habitants de la ville de Diffa évoquent les liens religieux entre eux et les réfugiés pour justifier l’accueil qu’ils leur ont réservés. En effet, presque tous les réfugiés et les habitants de la ville de Diffa sont musulmans. Cette appartenance à une même religion a contribué considérablement dans l’accueil des réfugiés dans cette ville. Comme le témoigne G.A, un habitant de la ville de Diffa, l’islam a largement influencé l’accueil qu’il a réservé à ses hôtes : « D'autres sont tes frères en Islam et que tu ne sais pas ce qui peut t'arriver demain toi aussi. (…) Tu es obligé d'accueillir la personne à bras ouverts, c'est Allah qui la nourrit et non toi. » (Entretien du 22/05/16 avec G.A) Cet accueil et l’assistance réservés aux réfugiés nigérians sont considérablement encouragés par des leaders religieux qui se sont investis pour sensibiliser la population locale. Ils les sensibilisent dans des prêches occasionnels, des sermons de vendredi ou lors des visites 115

qu’ils rendent dans les quartiers, comme le témoigne Z.M un prédicateur de la ville de Diffa : « Nous avons appelé la population pour qu'elle vienne en aide à ces déplacés lors de nos prêches, sermons et sensibilisations. » (Entretien du 18/05/16) Dans leurs interventions, les prédicateurs rappellent aux fidèles les mérites, en islam, de l’accueil et/ou de l’assistance des réfugiés. Ainsi, la recherche de ces mérites motive les autochtones à accueillir et à assister les réfugiés nigérians. En somme, l’islam a permis aux réfugiés nigérians d’être hébergés par la population de la ville de Diffa. Cependant, contrairement à Diffa où les religieux se contentent des prêches et des sermons, les églises gabonaises se chargeaient de trouver des familles d’accueil aux réfugiés congolais (Essono, 2013). De ce fait, l’église devient pour eux, comme le note Essono (2013 : 238) « un espace de reconstruction identitaire ». Et la famille d’accueil aura pour tâche d’accompagner les réfugiés dans leur vie spirituelle, sociale et professionnelle. 5.2.3 La solidarité et l’hospitalité coutumière L’humanisme, les liens d’amitié et de commerce ont contribué à l’accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. Le Sud-Est nigérien et le Nord-Est nigérian faisaient partie d’un grand ensemble, l’empire du Borno, avant la colonisation. Cette appartenance a permis aux populations de maintenir leur contact après les indépendances, comme le souligne un député national originaire de Diffa : « La majorité des nigériens qu'ils soient commerçants ou ouléma, ont d'abord séjourné au Nigéria avant de 116

revenir s'installer au Niger. D'autres se sont installés définitivement là-bas. » (Entretien du 30/07/16) Par ce brasage, les deux populations se sentent comme une même population. Ce sentiment est illustré dans les propos de G.A, un habitant de la ville de Diffa : « Nous sommes tous les mêmes. Nos enfants ont étudié chez eux et les leur sont venus ici. Comment éviter ces personnes ? Tu ne peux pas, il est impossible ! Sey hanquri!!! » (Entretien du 05/05/16 avec G.A) Ce sentiment de fraternité a fait que plusieurs réfugiés se sont trouvés chez des anciens camarades d’études, des amis, des partenaires commerciaux ou même auprès de certains réfugiés ou retournés qui les ont devancés. En outre, la considération socio-culturelle explique en partie l’accueil de ces réfugiés par les différents chefs de quartiers de la ville de Diffa. En effet, des dizaines des réfugiés furent hébergés par ces derniers qui, à cause du rang social, étaient ‘’obligés’’ de les recevoir. Certains habitants ont accueilli des enfants solitaires chez eux. Ces enfants avaient perdu leurs parents ou se sont séparés d’eux lors de la fuite. Ainsi, ils se sont retrouvés seuls sans défense. Les familles d’accueil deviennent pour ces enfants (Essono, 2013 :238) un « espace de reconstruction identitaire ». Certaines familles d’accueil les avaient inscrits à l’école, au même titre que leurs enfants. Cependant, le lien entre ces familles et ces enfants reste un lien de tutorat contrairement aux « parents spirituels » des réfugiés congolais au Gabon qui accueillent les réfugiés dans le cadre purement religieux. Selon Essono (2013 : 251), l’accueil réservé par les familles gabonaises aux réfugiés témoigne « de leur ‘’engagement spirituel’’ aux yeux du Seigneur ».

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Il y a des familles d’accueil qui évoquent des valeurs humanistes pour justifier l’accueil réservé à leurs hôtes. C’est le cas d’I., un habitant de la ville de Diffa qui a installé des réfugiés dans sa deuxième maison : ‘’Shaka69 dabbude be gari. Aredin de jurminide. Hanjum jeyi jippimmibe der fegi’am’’ Autrement dit, « ils étaient venus en saison froide, ce qui m'a beaucoup touché. Comme j'avais une parcelle, j'ai demandé à certains d'entre eux de s'y installer. » (Entretien du 20/05/16 avec I.). Les liens de parenté, les liens ethniques, etc. ont permis à la population de la ville de Diffa d’apporter assistance et refuge aux réfugiés nigérians dans un contexte où aucune autre institution (humanitaire, administrative) n’était encore présente pour offrir aux réfugiés des alternatives. De ce fait, ces liens se sont révélés comme (Wali Wali, 2010 :223) « un avantage et une source supplémentaire d'acceptation » des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. Selon Frésia (2005 :59), cet accueil est le résultat de « l’activation des relations de solidarités parentales et de rapport d’hospitalité ». Une fois accueillis par les familles, les réfugiés nigérians doivent faire face aux difficultés liées leur insertion sociale dans la ville de Diffa. Le prochain chapitre se consacrera sur ces aspects.

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Entretien en fulfulde

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CHAPITRE VI INSERTION SOCIALE DES RÉFUGIÉS NIGÉRIANS DANS LA VILLE DE DIFFA Dans ce chapitre, il sera question de présenter les acteurs qui ont joué des rôles significatifs dans l’accueil des réfugiés nigérians ; l’insertion sociale de ces réfugiés dans la ville de Diffa et les impacts des attaques de la secte boko haram sur la cohabitation entre les réfugiés et leurs hôtes. 6.1 Les acteurs clefs dans l’accueil des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa 6.1.1 L’Etat nigérien L’Etat du Niger fut le premier à réagir face à l’arrivée massive des réfugiés nigérians dans la région de Diffa. La première réaction fut de sécuriser la frontière du Niger avec le Nigéria. En effet, les postes frontaliers ont été renforcés afin d’empêcher aux terroristes de poursuivre les réfugiés jusqu’au Niger. Ensuite, les agents de la DREC/R se sont installés à ces différents postes pour recenser les réfugiés. Ils leur distribuent des jetons qui leur serviront de carte de ration lors de distributions. Ces coupons leur serviront, plus tard, dans l’octroi de statut de réfugié. Cet accueil de la DREC/R est facilité par l’octroi d’un statut de réfugié provisoire aux ressortissants des Etat d’Adamawa, de Borno et de Yobé. Ainsi, selon l’arrêté N° 806 du 04/12/13, ces réfugiés « bénéficient de la

protection temporaire jusqu'à ce que la situation se normalise dans lesdits Etats. » C’est cette reconnaissance qui a permis aux organismes humanitaires d’assister ces réfugiés. 6.1.2 Les chefs coutumiers Lors de l’arrivée des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa, les chefs des quartiers (masu gari pluriel de Maï Gari, en hausa) ont été les premiers à intervenir dans l’accueil des réfugiés par la population locale. En effet, plusieurs réfugiés (se) sont présentés aux chefs afin qu’ils soient assistés. Compte tenu des effectifs croissants des réfugiés, certains chefs sollicitent la population pour qu’elle les héberge chez elle ou dans des parcelles nonbâties. Le chef du quartier Charé a fait appel aux propriétaires des champs du village de Bagara, non loin de la ville, afin qu’ils l’autorisent à y installer des réfugiés. Cependant, tous les chefs de quartiers n’ont pas eu la même réaction que ce chef de quartier. C’est le cas du chef de quartier Château qui n’a pas sollicité la population pour héberger les réfugiés parce qu’il existe une disponibilité de terrains ‘’libres’’ dans son quartier. Après l’installation de ces réfugiés, les chefs sollicitèrent les organismes humanitaires pour leur apporter l’aide humanitaire. Ensemble, ils ont recensé les réfugiés et les retournés hébergés (avec l’appui des comités d’accueil70 mis en place). Pour faciliter la cohabitation et l’acceptation des réfugiés par la population, ils ont organisé des sensibilisations à l’endroit de ces deux (2) groupes. Ils organisent aussi régulièrement des rencontres avec des chefs de famille en invitant toute la population. C’est en ce sens qu’un interlocuteur souligne : 70

Nous reviendrons sur les rôles de ces comités, au point 6.1.3.

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« Il y a eu ces genres de sensibilisation. C'est sous forme de théâtres qu’elles sont faites. Nous invitons la population à venir observer. Dans ces théâtres, on leur fait comprendre que la cohabitation n'implique pas des conflits, c'est l'union entre tous. (…) Et ce qui leur arrive aujourd'hui peut nous arriver nous aussi. » (Entretien du 19/05/16 avec A.G, un chef de quartier) Les chefs de quartiers contribuent aussi à la sécurisation de la ville. A cet effet, ils assistent aux réunions régionales de sécurité organisées au Gouvernorat. Lors de ces réunions, ils donnent leur point de vue sur l’ordre du jour. Ils servent aussi de relais pour transmettre de messages auprès de la population. Ils dénoncent les infiltrations des éléments de la secte boko haram dans leurs quartiers, en collaboration avec des comités de vigilance mis en place dans chaque quartier. 6.1.3

Les comités de quartiers

Les comités de quartiers sont initiés pour assister les chefs de quartiers dans leurs activités. La composition des comités diffère d’un comité à un autre. Comme le dit un chef de quartier, il peut y avoir deux comités : « Nous avons mis en place deux comités : un comité de jeunes et un comité des sages. Le premier se charge de la distribution de l’aide. Et le deuxième est saisi en cas de litige ou un problème. Il sert aussi de conseiller au premier. » (Entretien du 22/05/16 avec le chef du quartier Diffa Koura) Cependant, au quartier ‘’Charé’’, le comité est composé de deux (2) réfugiés, deux (2) autochtones et deux (2) retournés. Cette diversité de membres permet de faciliter le recensement des déplacés et d’identifier les adeptes de la secte boko haram. Elle permet aussi d’éviter des fausses déclarations des réfugiés ou des autochtones. 121

La tâche première de ces comités est d’assister les réfugiés nouvellement arrivés. En effet, à chaque fois qu’un réfugié ou une famille d’accueil sollicite de l’aide auprès du chef du quartier, le comité est saisi. Ses membres se rendent sur le terrain pour constater le fait et les assister. Ces comités assistent aussi les humanitaires lors des recensements des réfugiés et retournés. Au quartier Charé, les équipes de recensements sont assistés par trois membres du comité (un réfugié, un retourné et un autochtone) afin d’éviter des fraudes lors de ces opérations. Après l’élaboration des listes de bénéficiaires, les membres du comité les vérifient afin d’éviter les doublons. Les membres des comités appuient aussi les humanitaires lors de distributions de l’aide. Ils peuvent être saisis par des bénéficiaires qui se sentent lésés. Le comité peut aussi récupérer une ration prise par une personne n’ayant pas droit pour la donner au destinataire légitime. Cependant, ces comités sont accusés par les réfugiés et les autochtones de partialité et de détournement de l’aide humanitaire qui leur est destinée. Ils sont accusés d’insérer des personnes non nécessiteuses dans les listes de bénéficiaires71. 6.1.4 Le comité de réfugiés Pour faire face aux problèmes qu’ils rencontrent dans le quotidien, les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa ont mis en place une association de ‘’défense’’ de leurs droits tout en facilitant l’installation et l’insertion des nouveaux arrivés. 71

Nous reviendrons plus en détail sur les détournements de ces agents dans le prochain chapitre.

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La première action de cette association fut le recensement des réfugiés vivant dans la ville. Une fois qu’un minimum de réfugiés est identifié, l’association a lancé des requêtes auprès des autorités communales et organismes humanitaires. Elle se charge aussi d’appuyer ces acteurs lors des distributions des aides humanitaires dans la ville. Pour renforcer la solidarité entre ses membres, l’association appuie ses membres qui sont dans le besoin (baptême, maladie, etc.). Elle aide les nouveaux venus dans la ville à s’installer72. La création de cette association a permis aux réfugiés de s’organiser et de plaider leur cause comme fut le cas des réfugiés mauritaniens au Sénégal (Frésia, 2005) ou Tibétains en Inde (Baujard, 2009). Ainsi, la création d’associations permet aux réfugiés (Baujard, 2009 : 28) « d’interagir avec les acteurs d’une société civile internationale, de participer aux mouvements ». 6.1.5 Les associations des jeunes Face à l’afflux des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa, les associations des jeunes de la ville se sont mobilisées pour les assister. C’est en ce sens que le conseil régional de la jeunesse a procédé en premier lieu à les identifier parmi les autochtones. Ensuite, le conseil a mené des sensibilisations auprès des autochtones pour qu’ils les assistent et les accueillent chez eux. Les membres du conseil, en collaboration avec des organismes humanitaires, ont procédé à des distributions de vivres et de biens non alimentaires (NFI) auprès des réfugiés et des retournés. En partenariat avec certains organismes, le 72

Cet appui peut être sous forme d’argent ou des biens alimentaires ou NFI.

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conseil régional a aussi aidé les anciens élèves et étudiants réfugiés en fourniture scolaire. Après l’installation des réfugiés, le conseil a mené encore des sensibilisations cette fois-ci sur des thèmes portant sur la cohabitation, les institutions de réglementation de conflits, etc. Ces sensibilisations sont organisées dans chaque quartier par des structures de jeunes. Pour prévenir toute infiltration des éléments de la secte boko haram, les membres du conseil régional ont formé des jeunes afin qu’ils leur remontent les échos. Il y a le club des jeunes musulmans de la ville de Diffa qui collecte des fonds pour assister les réfugiés vivant dans la ville de Diffa. En effet, le club a lancé des quêtes dans des mosquées de la ville pour solliciter la contribution des bonnes volontés en biens alimentaires et non alimentaires. Après la collecte, le club a procédé à leur distribution en ciblant des quartiers dans la ville en partenariat avec une ONG locale. 6.1.6 Les médias locaux Les stations radios jouent un rôle capital dans la transmission de messages dans la ville et les villages environnants. Les stations radios (La voix du sahel et Anfani) ont contribué significativement dans l’accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville. En effet, elles ont réalisé des émissions de sensibilisation pour édifier la population de la ville. La radio privée Anfani, présente dans la ville depuis plus de dix (10) ans, a réalisé des reportages et des interviews dans les quartiers de réfugiés afin d’informer la population sur la situation de ces réfugiés. Elle a réalisé des émissions de sensibilisation et des débats 124

hebdomadaires dans lesquels elle donne la parole aux réfugiés et aux autochtones afin de contribuer à la coexistence pacifique, comme le témoigne le directeur de cette radio : « Dans notre approche, nous mettons en avant les sensibilisations pour éviter les conflits entre les réfugiés et les autochtones. C’est pourquoi nos thèmes portent sur la tolérance, la paix, la compréhension mutuelle, etc. » (Entretien du 14/05/16) Il y a aussi des ONG, des organismes humanitaires, des leaders d’opinion, etc. qui utilisent ce canal dans le cadre de leurs activités. La médiatisation de l’arrivée des réfugiés dans la ville de Diffa a contribué à la conscientisation de la population locale dans l’accueil et l’assistance des réfugiés. En effet, ces réfugiés étaient au centre des émissions (débats, reportages, informations, etc.) des médias dans la ville. 6.1.7

Les leaders religieux

La communauté religieuse de la ville de Diffa a réagi face à l’arrivée des réfugiés nigérians dans la ville. C’est ainsi que, dans les mosquées, des leaders religieux ont appelé la population à la solidarité envers les réfugiés dans leurs prêches, sermons et sensibilisations. En outre, ils ont lancé des collectes des biens alimentaires et non alimentaires auprès de la population locale. Une fois ces biens collectés, ils les ont distribués aux nécessiteux, comme le souligne un prédicateur de la ville : « Nous avons lancé un appel auprès de cette population pour que de bonnes volontés puissent amener tout ce qu'elles peuvent fournir (vêtements, vivres, savons, moustiquaires, pull ovaire, etc.) sauf argent liquide. Ensuite, nous leur avons distribués aux nécessiteux. » (Entretien du 18/05/16 avec Z.M.) 125

Cependant, pour une question de transparence, certains religieux ont refusé de collecter de l’argent liquide. En effet, ils incitent ceux qui voulaient apporter de l’argent, de le donner directement aux réfugiés. Ainsi, personne ne peut leur reprocher de détournement. En outre, la communauté chrétienne de la ville de Diffa n’est pas restée insensible aux besoins des réfugiés nigérians. En effet, pour soulager les souffrances des réfugiés, l’église protestante de la ville de Diffa, en dehors des biens non-alimentaires, leur a servi des plats. Par leurs actions, les églises et les mosquées ont joué un rôle important dans l’accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa. C’est ce rôle qu’a souligné Essono (2013) dans sa thèse sur la construction du lien social chez les réfugiés et demandeurs d’asile congolais au Gabon. En accueillant et en assistant les réfugiés, les églises gabonaises ont joué un rôle primordial dans la construction des liens sociaux chez ces réfugiés. Il en est de même à Diffa où les sensibilisations et les prêches ont facilité l’accueil des réfugiés par les autochtones. 6.2 L’insertion sociale des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa 6.2.1 Une insertion difficile pour les enfants et les femmes Le problème de l’insertion des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa a commencé avec les querelles des femmes des réfugiés et celles des accueillants. Dans la plupart des cas, ce problème est lié aux enfants comme le souligne cet interlocuteur : « Il y a toujours des problèmes dans la cohabitation entre nos femmes. Tu sais leurs enfants n'ont pas la même éducation que les nôtres. Et c'est pareil pour leurs femmes. 126

Tu vois ? Avec le temps, un mois, deux mois, dix mois, c'est des conflits. Si ce n'est pas la guerre avec les enfants, c'est la guerre avec les femmes. » (Entretien du 18/05/16 avec E.I) L’éducation familiale des enfants réfugiés nigérians est différente de celle des autochtones. De ce fait, elle est jugée par certains habitants de la ville comme mauvaise. En effet, il est courant d’entendre les autochtones dire que les enfants réfugiés sont mal éduqués et impolis, comme le soulignent ces habitants de la ville de Diffa : ‘’Be gala tarbiya Be shimtata kowa. Maubebin gala mugnare.’’ Autrement dit : « ils sont mal éduqués et impolis. Et les adultes sont impatients dans la vie. » (Entretien du 25/05/16 avec W.) « Ce sont les enfants [des réfugiés] qui se comportent autrement. Ce n'est pas facile si tu essaies de les contrôler. » (Entretien du 15/05/16 avec M.K.) « Quand tu rencontres un qui est dur, tu regretteras de les avoir hébergés. Seulement tu feras semblant de ne rien voir parce qu'il n'a nulle part où aller. C'est ça notre problème avec eux.» (Entretien du 22/05/16 avec G.A.) Les familles d’accueil se plaignent plus d’enfants que des parents hébergés. En effet, ces enfants se permettent de jouer et de faire ce que bon leur semble sans se soucier de leur statut. Cependant, certains autochtones considèrent que les réfugiés éduquent leurs enfants mieux que les habitants de la ville. 6.2.2 Une assistance mutuelle entre les réfugiés et les autochtones La cohabitation entre les réfugiés nigérians et leurs hôtes se caractérise par des invitations réciproques lors des cérémonies ou des funérailles. En effet, ils participent aux 127

invitations des uns et des autres et assistent en cas de besoin. Le témoignage d’un chef de quartier en dit large : « A chaque fois qu'il y a une cérémonie ou des funérailles, les réfugiés et les autochtones s’invitent. » (Entretien du 19/05/16 avec A.G, un chef d’un quartier de la ville de Diffa) Certains autochtones ont organisé des baptêmes des enfants des réfugiés dont les parents n’ont pas le moyen ou qui ont quitté la ville. En effet, certains réfugiés avaient laissé leurs femmes (parfois enceintes) dans la ville pour retourner au Nigéria. Ces femmes font appel aux autochtones à chaque fois que le besoin se présente. Contrairement aux réfugiés congolais au Gabon qui vivent ces événements entre eux (Essono, 2013), les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa collaborent avec leurs hôtes. Ainsi, les mariages, les décès et les naissances deviennent des occasions de cohésion sociale entre les réfugiés et la population de la ville. 6.2.3 Les mariages entre les réfugiés nigérians et les autochtones La ‘’bonne’’ cohabitation entre les réfugiés et la population de la ville de Diffa s’est manifestée par des mariages entre ces deux populations. En effet, nombreux sont des habitants de la ville de Diffa qui se sont mariés avec des réfugiés, comme le souligne Z.M. un prédicateur qui scelle les mariages dans la ville de Diffa : « Il y a eu des mariages entre les femmes réfugiées et les hommes de Diffa. Un moment les femmes de la ville ont commencé à exprimer une jalousie envers elles. Par exemple, aujourd'hui six (6) mariages sur dix (10) dans la ville concernent des femmes réfugiées prises par les habitants de la ville. » (Entretien du 18/05/16).

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Cette alliance témoigne, comme le note Coleman (2014 :96) « d’une bonne cohabitation entre les réfugié et les locaux et démontre le renforcement d’un lien social entre les deux communautés. » En plus, le mariage constitue une protection sociale, voire une stratégie de construction sociale pour les réfugiés qui se marient avec des autochtones. C’est en ce sens que Wali Wali (2010 :268) souligne que « le mariage, au-delà de sa valeur sentimentale, peut être utilisé comme levier d’insertion par les réfugiés au sein de leur espace d’accueil. ». 6.3 Les impacts des attaques de la secte boko haram sur l’insertion sociale des réfugiés nigérians La tentative de la prise de la ville de Diffa le 09 février 2015, l’attaque de la prison de la ville et les explosions de plusieurs engins explosifs dans la ville, du 06 au 09 février 2015 par des éléments de la secte boko haram ont provoqué une panique générale dans cette ville. Des milliers d’habitants quittèrent pour chercher refuge dans d’autres localités du pays73. La ville vidée de ses habitants est devenue une ‘’ville fantôme’’. Ces attaques marquent le début de rupture de confiance entre les autochtones et les réfugiés. Après l’attaque de la prison civile (le 09/02/15), des rumeurs sur la complicité des réfugiés nigérians commencèrent à circuler dans la ville de Diffa. Ils sont accusés d’avoir participé à l’attaque et de donner des renseignements aux terroristes. Ainsi commence une 73

Il faut noter que la plupart des réfugiés et retournés qui vivent dans la ville n’ont pas fui comme les autochtones. En effet, ils considèrent que les attaques de la ville ne les ont pas fait peur au point de la quitter. Ils disent avoir vu pire que ce qui s’est passé dans la ville. Pour eux, pourquoi fuir pendant que les assaillants n’ont pu entrer dans la ville.

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nouvelle perception des autochtones envers les réfugiés. Des personnes vulnérables, les réfugiés sont considérés comme une menace pour la population. Ces attaques impactent considérablement la cohabitation entre les réfugiés et leurs hôtes. En outre, il faut noter que ces attaques ont impacté considérablement tous les secteurs socio-économiques dans la ville de Diffa. En effet, plusieurs activités économiques (taxi-moto ; la production et la commercialisation du poivron et du poisson ; la circulation des engins à deux ; etc.) ont été interdites dans toutes la région de Diffa après ces attaques. Un nombre important de fonctionnaires (agents de santé, enseignants de l’éducation, etc.) ont fui la ville. Et plusieurs fonctionnaires affectés dans la région ont refusé de venir par peur d’être ciblés par les terroristes de boko haram. A la date 27/05/16, dans toute la région de Diffa, il n’y avait aucun médecin spécialiste en ORL, en traumatologie, en kinésithérapie et bien d’autres spécialistes et spécialisations74. 6.3.1 Les réfugiés nigérians ‘’complices’’ de la secte boko haram La complicité avec la secte boko haram est la plus importante accusation faite aux réfugiés par les autochtones. En effet, dans un mouvement de panique, les mauvaises personnes peuvent infiltrer les victimes pour se faire accepter. Ainsi, elles pourront commettre leur forfait dès que l’occasion se présente. C’est le cas à Bosso où des éléments de la secte boko haram ont infiltré les réfugiés, et le 6 février 2015, lors de l’attaque de la ville, ils ont combattu aux côtés des assaillants.

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Entretien du 27/06/16 avec le DRSP.

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Cette complicité avec la secte boko haram a eu un grand écho dans la ville de Diffa surtout après l’attaque de la prison civile et les explosions dans la ville75. La population devient sceptique et commence à se poser des questions sur les personnes accueillies dans la ville. L’absence de signe distinctif des éléments de la secte boko haram a semé un grand doute dans la population de la ville. Le fait que la menace peut venir de partout, a provoqué une peur dans la population locale. Cette peur se lit dans les propos de ces deux habitants de la ville de Diffa : « Nous avons peur ! Ça, même demain nous ne pouvons plus avoir confiance en eux. (…) Tu ne peux pas connaitre qui est qui parmi les réfugiés. » (Entretien du 22/05/16 avec G.A) « Nous n’avons plus confiance en eux. Et si tu as des réfugiés, des retournés chez toi, tu es inquiet. (…) La menace est partout et tu peux t'attendre à tout. » (Entretien du 14/05/16 avec A.K.) Dans un contexte de méfiance totale, les liens ethniques, de parenté ou autres ne permettent plus de restaurer la confiance. Ils ne sont plus pour les réfugiés nigérians (Essono, 2013 : 183) « un cadre référentiel de légitimité. » Avec ces suspicions, la confiance cède à la méfiance et à la peur entre les réfugiés et leurs parents. En effet, ces derniers ne pouvant pas distinguer les réfugiés des infiltrés, considèrent tous les réfugiés comme des membres de la secte ou ses complices, comme le souligne M.E, un habitant de la ville :

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Beaucoup des rumeurs accusant les réfugiés d’avoir aidé les assaillants ont circulé dans la ville de Diffa.

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« Le problème avec ces réfugiés, c'est la complicité qu'ils ont avec les adeptes de la secte boko haram en ne les dénonçant pas. Ils les connaissent mais ne disent rien. » (Entretien du 16/05/16 avec M.E.) Du fait que les réfugiés proviennent de la même zone que les éléments de la secte boko haram, certains habitants de la ville de Diffa pensent que non seulement qu’ils se connaissent mais en plus les réfugiés refusent de les dénoncer. Les autorités du Niger ont contribué indirectement dans la perception négative qu’avait la population pour les réfugiés. En effet, plusieurs arrestations des suspects parmi les réfugiés ont eu lieu dans la ville de Diffa. Certains de ces suspects ont été refoulés vers le Nigéria76. Comme au Gabon (Essono, 2013), l’Etat du Niger a contribué dans la posture négative de réfugiés vis-à-vis de la population hôte. Cependant, le rejet des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa se manifeste par la méfiance et la suspicion, contrairement à celui des gabonais face aux réfugiés congolais. En effet, selon Essono (2013 : 182), leur rejet « est visible quotidiennement, et prend plusieurs formes qui vont de la simple provocation à l’injure ou encore, se déploie sous forme d’assignations catégorielles de barbarisme ». Le réfugié congolais est perçu pour sa participation hypothétique au conflit, selon Essono (2013 : 181), « comme un ‘’dangereux’’, un ‘’sauvage’’, un ‘’barbare’’, un être ‘’laminaire’’, à peine humain ».

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Les suspects étaient accompagnés par les force de l’ordre jusqu’à la frontière nigériane ; vers Gaydam une ville sécurisée par l’armée nigériane.

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Cette méfiance et suspicion de la population de la ville de Diffa envers les réfugiés nigérians ne sont pas suivies des actes par la plupart de la population de la ville de Diffa. En effet, les réfugiés affirment vivre en harmonie et en symbiose avec leurs hôtes. Ces derniers ont préféré vivre avec eux dans la méfiance que de les chasser de la ville. Pour la majorité des interviewés, même si les réfugiés sont complices, ils préfèrent vivre avec eux que de les dénoncer faute des preuves, comme le souligne G.A. un habitant de la ville : « Même si tu n'as pas confiance en une personne et que tu ne la trouves pas en flagrant délit, qu'allais-tu faire ? (…) Rien !!! Je ne te fais pas confiance ! D'accord ! Mais où est le défaut que je peux montrer ? C'est comme ça que nous vivons. » (Entretien du 22/05/16) Certains autochtones ont préféré vivre avec eux malgré cette accusation au lieu de les dénoncer. Ils ne les dénoncent pas par peur qu’ils soient chassés de la ville : « Nous ne les dénonçons pas par peur qu’ils soient refoulés vers le Nigéria. (…) tout est passager et un jour ça va finir. » (Entretien du 25/05/16 avec le représentant du chef de canton de Toumour dans la ville de Diffa) Ainsi, les réfugiés vivent dans la ville aux côtés de leurs hôtes sans être dérangés. Le refus des autochtones de condamner ouvertement les réfugiés démontre à quel point ils mettent en avant, comme le note Frésia (2005 : 330), « leur sens de l’hospitalité, [et] (…) qu’ils ont tout fait pour honorer leurs hôtes et pour les incorporer dans le milieu local ». 6.3.2 La recrudescences des vols dans la ville avec l’arrivée des réfugiés Les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa sont aussi accusés des vols dans la ville. Car les multiples de 133

vols coïncident avec leur arrivée. De ce fait, certains autochtones les indexent à tort ou à raison, comme le témoigne un habitant de la ville : « Un jour, un réfugié m’a demandé de l’assister. Moi et mes voisins, nous lui avons installé un hangar à côté de chez moi. Nous lui servons à manger de temps en temps. Quelques jours après nous avons constaté des disparitions de nos chèvres. Et un jour nous avons retrouvé une attachée sous son hangar. » (Entretien du 25/05/16 avec W.) Par contre, pour les autorités, les vols dans la ville ne peuvent être attribués seulement aux réfugiés. Les propos du directeur régional adjoint de la police le montre : « Saurait-été que nous nous avons enregistré des nouveaux types de vols, on allait accuser les réfugiés d’être les responsables. Mais jusqu’à preuve de contraire nous n’avons pas enregistré d’autres types de vols ». (Entretien du 25/05/16) Ce phénomène peut avoir comme explication la croissance du chômage des jeunes suite à l’instauration de l’état d’urgence qui suspend plusieurs activités économiques dans toute la région de Diffa. Ces activités occupent un nombre important des habitants de la ville de Diffa. Les vols sont une réponse de certains jeunes tentés par la recherche du gain facile. 6.3.3 Une cohabitation mitigée entre les réfugiés nigérians et la population de la ville de Diffa Certaines populations de la ville de Diffa prennent leur distance avec les réfugiés nigérians vivant dans la ville. Car, elles les accusent de complicité avec la secte boko haram, de vols et d’avoir une mauvaise éducation. Cette distanciation se manifeste par la méfiance envers tous les 134

réfugiés mais aussi par le refus d’héberger les nouveaux réfugiés77, comme le témoigne M.A, un habitant de la ville : ‘’Yanzu bamu sauke baki. sey wanda muka sani lalley. Sey dey dan wajenku can ku je ku qarata!’’ Autrement dit « C'était au début que nous recevions tout le monde, plus maintenant! Nous n’hébergeons que ceux que nous connaissons. Qu’ils partent ailleurs s’entretuer. » (Entretien du 15/05/17) Pour manifester cette distanciation, des nouvelles appellations sont créées pour désigner les réfugiés nigérians : ‘’refije’’, qui est une déformation du mot réfugié ; ‘’in gudun hijira’’ (en hausa), ‘’be hijira’’ (en fulfulde) ou ‘’am hijira’’ (en kanuri). ‘’In gudun hijira’’ signifie littérairement ceux qui avaient fui leur lieu habituel pour sauver leur vie. Le mot ‘’hijira’’ est un emprunt arabe qui fait référence à l’exil du Prophète Mohamed (PSL) de la Mecque à Médine. Ainsi, cette expression correspond à celle de ‘’mohajar’’ utilisée par les réfugiés Afghans vivant en Inde. En effet, selon Baujard (2009 :20) ‘’Mohajar’’ a une connotation fortement religieuse en ce qu’elle désigne « l’exilé pour cause de fidélité à la foi sur le modèle de Mahomet à Médine ». L’expression ‘’Refije’’, utilisée par toute la population de la ville, est une déformation du mot ‘’réfugié’’. Elle est proche de celle de ‘’Refujieeji’’ employée par les sénégalais pour désigner les réfugiés mauritaniens.

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En effet, comme le conflit n’est pas fini, les réfugiés continuent à arriver dans la ville de Diffa jusqu’en 2016.

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Cependant, cette dernière renvoie à une dimension politique (Frésia (2005) En désignant leurs hôtes par ‘’refije’’ ou ‘’in gudun hijira’’, au lieu d’ ‘’in uwanmu’’ (nos parents, en hausa), les habitants de la ville de Diffa opèrent un processus de distanciation vis-à-vis d’eux. En effet, ils se considèrent différents de réfugiés par le fait qu’ils ont ‘’fait la guerre’’ ou qu’ils sont en ‘’complicité’’ avec les terroristes de la secte boko haram. Ainsi, réfugié devient synonyme de l’étranger et d’un potentiel élément de la secte boko haram. Ces désignations construisent une sorte de ‘’frontière-interne’’ (Frésia, 2005) entre les réfugiés et les autochtones malgré l’existence des liens entre les deux groupes. Avec ce soupçon de complicité avec les terroristes, quels qu’en soient les liens entre les autochtones et les réfugiés, ces derniers resteront des étrangers et non des parents. Cette mise à l’écart de réfugiés par les autochtones est observée par Essono (2013) chez les gabonais qui emploient le mot tsit pour désigner les réfugiés congolais vivant au Gabon. Selon Essono (2013), l’expression tsit assigne le réfugié congolais à la sauvagerie (par la guerre qu’il aurait faite) et à l’étranger (par sa provenance ; celui qui n’est pas du pays). Avec cette distanciation, dans un contexte de menace d’attaque dans la ville de Diffa, les liens ethniques, de parenté ou autres s’avèrent moins pertinents pour créer une intégration dont les réfugiés nigérians devraient s’attendre dans cet espace. De ce fait, ils ne sont plus, comme le note Essono (2013 :183), « un cadre référentiel de légitimité ». Dans un contexte de méfiance à leur égard, quelles stratégies les réfugiés nigérians adoptent-ils pour faire face à leurs besoins quotidiens ? Et quels rôles les acteurs 136

humanitaires assurent-ils dans l’insertion de ces réfugiés dans la ville ? Le chapitre suivant tentera d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations.

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CHAPITRE VII L’AIDE HUMANITAIRE ET L’INSERTION ÉCONOMIQUE DE RÉFUGIÉS NIGÉRIANS DANS LA VILLE DE DIFFA

Dans ce chapitre, il sera question d’aborder d’une part, l’aide humanitaire que les réfugiés nigérians ont reçue à leur arrivée dans la ville de Diffa et d’autre part leur insertion économique dans cette ville. 7.1 La coordination des actions humanitaires La coordination des actions humanitaires dans la région de Diffa se fait à deux niveaux : une au gouvernorat (partie étatique) et une autre au bureau d’OCHA de Diffa (partie onusienne). Au niveau du gouvernorat, un comité régional de gestion des réfugiés est mis en place afin de coordonner les actions des humanitaires. Ce comité est composé de plusieurs groupes sectoriels qui sont constitués en tenant compte de besoins des réfugiés en eau, hygiène et assainissement, santé et nutrition, sécurité alimentaire, etc. Le comité se réunit chaque mois sous la présidence du Gouverneur de la région et fait le point des réalisations des acteurs. Il peut aussi être convoqué à chaque fois qu’il le besoin se fait sentir. La coordination des actions humanitaires par OCHA est faite à l’image de celle du gouvernorat78. La différence en

78

Entretien du 18/05/16 avec Z.M. agent d’OCHA à Diffa

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est qu’au gouvernorat, la coordination est étatique pendant que le bureau d’OCHA est sous l’égide des Nations-Unies. Malgré ces deux coordinations, certains réfugiés n’ont pas connu l’assistance humanitaire contrairement à d’autres qui l’ont reçue plus d’une fois. Cela peut être la conséquence de la non-participation de certains acteurs aux réunions mensuelles au gouvernorat ou au bureau d’OCHA79. 7.1.1 Les recensements des bénéficiaires de l’aide humanitaire Chaque fois que des nouveaux réfugiés arrivent dans un quartier, le chef du quartier remonte l’information auprès des organismes80 qui vérifient et évaluent les besoins. Les humanitaires81 organisent des recensements pour la vérification et l’évaluation des besoins. Ces recensements peuvent se faire porte à porte ou bien rassembler les personnes cibles à un lieu donné (généralement dans une école ou à la devanture du chef du quartier). Cependant, faute d’une bonne organisation, les potentiels bénéficiaires passent des journées entières, voire plus, sans se faire enregistrer, comme en témoigne un réfugié qui a cessé de participer à ces genres de rassemblement : « Il faut attendre longtemps lors de l'enregistrement. De fois, on fait plus d'une semaine sans pouvoir le faire. » (Entretien du 15/05/16 avec B.) Cette situation a fait que plusieurs réfugiés ont abandonné l’aide humanitaire pour s’intéresser aux activités génératrices de revenu.

79

Entretien du 15/05/16 avec T.M, un agent humanitaire Plus de détail dans le point 6.1.2 du chapitre 6 81 Entretien du 18/05/16 avec Z.M. agent d’OCHA Diffa 80

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7.1.2 L’assistance humanitaire des réfugiés nigérians Face aux besoins sans cesse croissants des réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa, plusieurs acteurs ont intervenu pour les assister. Ces acteurs peuvent être classés en quatre groupes : les organismes onusiens (HCR, OIM, PAM, etc.) ; les partenaires d’exécution financés par le HCR ou le PAM (COOPI, ACTED, IRC, etc.) ; les organismes opérationnels internationaux (CARE International, SAVE The children, etc.) et les organismes opérationnels nationaux (ONG KARKARA, ONG KOURI, etc.). Au total, cinquante-deux (52) acteurs humanitaires servent dans toute la région de Diffa, à la date du 18/05/16, selon OCHA. Leurs actions couvrent tous les secteurs vitaux des besoins des réfugiés : vivres, santé, éducation, protection sociale, etc. Dans leurs interventions en faveur des réfugiés et des autochtones vulnérables, ces organismes humanitaires assistent plusieurs personnes. En effet, ils prennent en charge tous les besoins de première nécessité de leurs cibles. Ces besoins peuvent être, entre autres, alimentaires, d’hébergement, etc. Un réfugié originaire de la ville de Damasak a reçu de vivres durant trois mois, à part les coupons d’achat qu’il a reçu. Et ses enfants furent pris en charge au Centre Mère et Enfant de la ville : « Depuis mon arrivée, je n'ai jamais payé une consultation ou acheté des médicaments avec mon argent. » (Entretien du 15/05/16) Certains autochtones témoignent de l’aide que les réfugiés ont reçue avec ironie : « certains n'ont jamais eu 10 sacs de leur vie avant de venir ici. Et maintenant ils en ont reçu. Et c'est eux qui le disent ! » (Entretien du 24/05/16 avec H.H.) 141

M. S., un prédicateur de la ville de Diffa, affirme : « Ils ont eu beaucoup d'aide humanitaire. Certains disent depuis qu'ils vivent au Nigéria, ils n'ont jamais eu autant de vivres que ce qu'ils ont eu ici. Ils ont reçu des vivres et de l'argent. Tu peux aussi rencontrer un réfugié qui reçoit de l'aide de la part de plusieurs organismes à la fois. » (Entretien du 18/05/16) Ces distributions de l’aide humanitaire auprès des réfugiés nigérians ont contribué considérablement à leur résilience et cela a permis leur insertion dans la ville de Diffa. Néanmoins, d’autres réfugiés affirment n’avoir pas reçu l’aide humanitaire des organismes. Ils sont nombreux dans cette situation. Un réfugié originaire de la ville de Damasak (G.A) témoigne qu’il n’a rien reçu de la part des organismes : « Depuis notre arrivée, on nous a recensé plusieurs fois. Des fois quand tu pars au lieu de distributions quelqu’un te devance pour prendre à ton nom. » (Entretien du 17/05/16) E.I. un autochtone qui a hébergé des réfugiés chez lui affirme que ses hôtes n’avaient rien reçu de la part des organismes bien qu’ils soient recensés à plusieurs reprises: « Mes hôtes n'ont pas eu même un grain de riz jusqu'à présent. Les agents des projets et autres sont passés N fois pour les recenser. Il y a eu un moment où les gens ont eu marre d’eux. » (Entretien du 18/05/16) Cette situation est, en partie, due à la suspension partielle de l’aide humanitaire dans la ville. Car après la phase d’urgence (qui dure, en principe, six (6) mois à partir de l’arrivée des réfugiés) et l’ouverture des camps de Sayam Forage et de Kablewa, la distribution de l’aide alimentaire et des biens non alimentaires commencèrent à 142

se raréfier, sans toutefois s’arrêter puisque des nouveaux réfugiés continuaient à arriver dans la ville. Par conséquent, tout déplacé qui souhaite recevoir cette aide doit se rendre dans l’un des camps ouverts, où il sera pris en charge à 100%. Par contre, tout réfugié qui reste dans la ville ne recevra aucun traitement de faveur. Il sera traité comme les nationaux ; il payera ses services au même titre que les habitants de la ville. Toutefois, comme l’ajoute un agent de santé à l’hôpital régional de Diffa, les réfugiés nigérians payent le double du tarif que les nationaux payent dans ce centre. Néanmoins, ce traitement n’est pas officiel, témoigne le DRSP : « J’ai reçu cette information. Et je compte aller la vérifier auprès du Directeur du centre. » (Entretien du 27/04/16) Les organismes humanitaires considèrent que tout réfugié qui accepte de vivre en ville exerce une activité génératrice de revenu lui permettant de se prendre en charge. Par conséquent, ceux qui sont dans la ville sont moins nécessiteux que ceux qui sont dans les camps. Pour M. un agent humanitaire : « C'est une question de vulnérabilité. Nous aidons les plus vulnérables. (…) On considère que ceux qui vivent dans la ville se débrouillent parce que le réfugié n'est pas forcément une personne pauvre. » (Entretien du 31/05/16 avec M. agent du HCR) Cette politique des humanitaires est perçue par certains (habitants de la ville de Diffa, réfugiés et même des agents humanitaires) comme un abandon des réfugiés urbains. Comme le souligne H. un agent humanitaire, cela montre

143

« une négligence notoire des humanitaires envers les réfugiés de la ville de Diffa. »82 7.1.3 Les stratégies de contournement des réfugiés pour bénéficier de l’aide humanitaire Les réfugiés nigérians non bénéficiaires de l’aide humanitaire ont adopté plusieurs stratégies pour en bénéficier. La première stratégie consiste à corrompre les agents recenseurs pour se faire enregistrer. Ces derniers inscrivent aussi d’autres personnes sur les listes de bénéficiaires (qu’elles soient réfugiées ou non) en contournant les procédures normales. En contrepartie les bénéficiaires partagent avec eux leur ration, comme en témoigne le chef d’un quartier de la ville : ‘’Na83 ga irin satar da in comity ke yi dangance da temakon da ake aikowa yen gudun hijira. Yen comitin suna saka sunayin wasu a cikin list domin su reba tsakaninsu. Kashe mureba ne su ke yi‘’. Autrement dit « J'ai vu des cas de détournement de l’aide humanitaire. Les membres des comités chargés de recenser les bénéficiaires enregistrent des faux noms ou les noms des personnes qui ne devraient pas en bénéficier. Ainsi, ils partagent avec ces personnes l'aide qu'elles reçoivent. » (Entretien du 19/05/16 avec A.G). Pour ce faire, les recenseurs insèrent, à leur initiative, leurs connaissances ou cherchent des nécessiteux pour qu’ils les inscrivent. C’est ainsi qu’un retourné fut approché par un agent recenseur qui lui demande une somme pour être inscrit sur la liste des bénéficiaires, comme il le témoigne : « Une nuit, un membre du comité était venu chez moi. Nous nous sommes retirés dans ma douche où il m’a dit 82 83

Entretien du 23/05/16 Entretien en hausa

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qu’il va insérer mon nom sur la liste des bénéficiaires, si je lui donne une somme. » (Entretien du 15/05/16 avec B. K) C’est aussi le constat d’une retournée qui a vu des dizaines de sacs pleins de vivres chez un membre du comité de son quartier. Le détournement de l’aide humanitaire n’est pas seulement l’apanage des agents recenseurs ou des réfugiés. En effet, certains chefs des quartiers84 sont aussi accusés par les réfugiés de détourner l’aide humanitaire dont ils sont censés superviser la distribution. La corruption dans l’obtention de l’aide humanitaires est répandue car toutes les catégories d’interviewés en parlent, sauf les humanitaires. Il s’agit entre autres des chefs de quartiers, des réfugiés, des retournés et des habitants de la ville de Diffa. La deuxième stratégie des réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa consiste à se rendre dans le camp de Sayam Forage, où ils sont enregistrés. En effet, ils s’y rendent à l’approche de la distribution mensuelle de l’aide alimentaire pour seulement prendre leur ration. Hormis le camp de Sayam Forage, d’autres réfugiés installent leurs cases et hangars sur le site spontané de N’Guel Madou Maï85 pour profiter de l’aide humanitaire. Après l’installation de leurs cases et hangars, les réfugiés retournent dans la ville de Diffa et ne reviennent que le jour de la distribution de l’aide humanitaire. La dernière stratégie des réfugiés nigérians consiste à utiliser les cartes de ration de leurs parents, amis ou 84

En septembre 2017, le chef du quartier Sabon carré fut arrêté par les autorités pour détournement de l’aide humanitaire dont il est chargé de superviser la distribution. 85 N’Guel Madou Maï est un village périphérique de la ville de Diffa. Ce village a accueilli plusieurs centaines des réfugiés.

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connaissances qui sont repartis vers des régions sécurisées du Nigéria. Avant de repartir, ces réfugiés laissent leurs cartes de ration à leurs proches pour qu’ils récupèrent les vivres. Le jour de la distribution, ils se présentent avec la carte, comme s’ils étaient les propriétaires légitimes. Par ces stratégies, les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa reçoivent de l’aide humanitaire en contournant les recommandations des humanitaires. Ainsi, dans le langage humanitaire, ils deviennent, comme le souligne Frésia (2005 : 43), des « ‘’réfugiés-calculateurs’’, voire voleurs, tentant d’abuser du système humanitaire et de la volonté de ses représentants ». 7.2 L’usage fait de l’aide humanitaire L’aide humanitaire est distribuée en fonction de calories que chaque organisme a besoin par jour (besoin énergétique – 2100 Kcal/p/j)86. Ces calories sont converties en vivres ou en argent distribué mensuellement aux réfugiés. 7.2.1 Une humanitaire

consommation

familiale

de

l’aide

Certains réfugiés nigérians consomment l’intégralité de l’aide humanitaire qu’ils reçoivent. Leur besoin dépasse considérablement l’aide humanitaire que les organismes leur distribuent. Ceci est dû à la taille des familles des réfugiés et/ou à l’irrégularité de l’aide humanitaire qu’ils reçoivent. Par conséquent, ils consomment seuls leur ration sans la partager avec leur entourage comme en témoigne un réfugié (E.A.) : « Tu vois, chacun mange sa part. J'ai 32 enfants, le sac que je reçois ne me suffit pas. Comment peux-tu partager 86

Entretien du 20/05/16 avec S.A agent de PAM

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ce qui ne te suffit pas ? Tu ne peux pas. » (Entretien du 22/05/16) Un autre réfugié, I.A. n’a reçu qu’une seule fois une aide des organismes, contrairement à d’autres réfugiés qui en reçoivent mensuellement. De ce fait, il choisit de l’utiliser pour satisfaire les besoins de sa famille sans partager avec ses proches. « On m’a aussi donné une seule fois une somme de 12.500f que j'ai utilisée pour acheter du vivre pour ma famille. Et rien d'autres après.» (Entretien du 18/05/16 avec I.A) Ces réfugiés font une utilisation rationnelle de l’aide humanitaire qu’ils reçoivent. C’est pour cela que leurs proches les considèrent comme égoïstes et avares. 7.2.2 Le partage de l’aide humanitaire avec les parents D’autres réfugiés partagent avec leur entourage la ration qu’ils reçoivent. En effet, après la distribution de l’aide humanitaire, les bénéficiaires prélèvent une partie pour donner à leurs amis. Ce partage se fait sans tenir compte de la quantité reçue ; que l’aide leur suffise ou non. Ce partage témoigne de la solidarité de la population déplacée, comme en témoigne une réfugiée K. : « Tout ce qu'on te donne, tu ne peux pas te cacher et dire c'est pour toi seul. Tu dois le partager avec tes proches. » (Entretien du 19/05/16) Le partage est courant entre les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa. Certains d’entre eux collectent toute l’aide qu’ils ont reçue et la partagent en parts égales avec ceux qui n’ont pas eu. Par ce système de partage, les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa surmontent les difficultés liées aux 147

besoins alimentaires. Cette solidarité permet à ceux qui n’ont pas reçu l’aide de subvenir à leurs besoins. Ce qui fait dire à H., agent humanitaire que « c’est la solidarité qui garde les réfugiés nigérians dans la ville de Diffa. »87 7.2.3 La vente de l’aide humanitaire Il y a des réfugiés nigérians qui vendent aux habitants de Diffa une partie de l’aide humanitaire qu’ils reçoivent. Il est courant de voir sur les marchés les produits destinés aux réfugiés. Certains autochtones partent aux lieux de distributions pour acheter l’aide auprès des bénéficiaires pour leur usage personnel ou pour la revendre. H.H., un habitant de la ville de Diffa, témoigne avoir vu des réfugiés nigérians vendre l’aide qu’ils ont reçue : « J’ai vu certains des réfugiés qui vendent le riz qu'ils reçoivent pour faire du commerce. » (Entretien du 24/05/16 avec H.H.) Ces réfugiés nigérians revendent l’aide afin d’avoir un capital leur permettant de démarrer une activité génératrice de revenu. Cette stratégie est courante chez les réfugiés comme l’ont constaté plusieurs chercheurs88. Frésia (2005 : 51) a observé cette stratégie auprès des réfugiés mauritaniens qui transforment « l’aide alimentaire en capital générateur d’activité économique, commerce frauduleux ou illégal avec les autochtones. » Certains réfugiés, en revendant cette partie de l’aide, acquièrent, selon Coleman (2014 : 97), « de quoi pouvoir démarrer une activité génératrice de revenu ou acheter un autre produit alimentaire qui correspond à leurs besoins. »

87

Entretien du 10/05/16 avec H. agent CCH. Frésia, 2005 ; Amélie, 2008 ; Baujard, 2009 ; Wali Wali, 2010 ; Quesada, 2011 ; etc. 88

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7.3 L’ouverture des camps de réfugiés dans la région de Diffa Les camps des réfugiés nigérians ne sont pas ouverts dès le début de leur arrivée dans la région de Diffa. Ce n’est que le 30 décembre 2014 (soit plus de vingt (20) mois après l’arrivée des réfugiés dans la région) que les autorités nigériennes ouvrent le camp de réfugié de Sayam Forage à 56 Km de la frontière nigériane. Un autre fut ouvert à Kabléwa pour accueillir les retournés et les déplacés internes. Deux raisons expliquent le retard de l’ouverture de ces camps. La première raison, selon le Gouverneur de la région de Diffa de l’époque89, l’ouverture d’un camp de réfugiés est synonyme de faiblesse des autorités nigériennes face au groupe terroriste. L’ouverture d’un camp donne plus de visibilité au conflit et à la déstabilisation du Nigéria. En ouvrant les camps au Niger, le groupe terroriste a non seulement occupé le Nord Nigéria mais il a aussi déstabilisé le Niger. Ainsi, l’ouverture des camps est synonyme d’une publicité en faveur du groupe terroriste boko haram. La deuxième raison, la plus plausible, est liée au manque des moyens financiers des autorités nigériennes pour ouvrir et entretenir ces camps90. En effet, l’ouverture d’un camp implique la prise en charge des personnes qui y vivent et cela s’avère insupportable pour le Niger, comme le témoigne un autre agent humanitaire : « Les autorités nous ont fait comprendre qu'ils n'avaient pas les moyens de créer les camps. Donc, il faut laisser les 89

Entretien du 20/07/16 avec le Secrétaire Général du Conseil Régional de Diffa. 90 Entretien du 23/05/16 avec la Cellule de Coordination des Actions Humanitaires (CCH).

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réfugiés intégrer les familles d'accueil. » (Entretien du 25/05/16 avec A.A agent de la Croix Rouge Nigérienne) Eu égard à ces deux raisons, le Niger, à l’instar du Gabon (Essono, 2013), fait le pari sur les liens de solidarités entre la population du Niger et celle du Nigéria pour accueillir les réfugiés nigérians. Selon un député national originaire de la région de Diffa, le retard de l’ouverture des camps de réfugiés s’explique par le refus ou la réticence des réfugiés de quitter leurs familles d’accueil pour des raisons qui leur sont propres. 7.3.1 Les avantages de l’ouverture des camps pour les réfugiés et leurs hôtes L’ouverture des camps de réfugiés, malgré le retard accusé, a joué un rôle important à plusieurs niveaux. En effet, elle a permis aux familles d’accueil de diminuer leur charge par la relocalisation de leurs hôtes dans ces camps. Elle a aussi contribué à diminuer la méfiance des autochtones vis-à-vis des réfugiés. En éloignant les réfugiés des autochtones, cette mesure a rassuré la population locale. C’est en ce sens que A.K affirme : « On n’a plus confiance en eux [les réfugiés]. Et si tu as des réfugiés ou des retournés chez toi, tu es inquiet. Et l'Etat a créé les camps pour décanter la situation » (Entretien du 14/05/16) L’ouverture de camps de Sayam Forage a permis de limiter le contact des réfugiés avec les adeptes de la secte terroriste boko haram et de « maitriser la complicité des réfugiés avec les terroristes »91.

91

Entretien du 16/05/16 avec M.A agent de la Mairie de la ville de Diffa.

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Néanmoins, pour F. agent de la CCH, l’ouverture de ces camps est liée au besoin des autorités de mieux organiser l’action humanitaire envers ces réfugiés. Car les camps permettent de mieux organiser la prise en charge des réfugiés. Et les organismes structurent mieux les activités destinées aux réfugiés. Ainsi, ces derniers y reçoivent leur assistance à temps. Quel qu’en soit le motif de l’ouverture de ces deux camps, cette ouverture a été un grand atout pour la population de la ville de Diffa et les réfugiés nigérians. 7.3.2 Le choix des réfugiés d’être dans les camps ou dans les familles d’accueil Les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa étaient libres de choisir leur destination. Ils étaient 24.312 réfugiés enregistrés en 201592 dans la ville contre environ 3.000 dans le camp de Sayam Forage93, en Mai 2016. Les autorités nigériennes avaient encouragé indirectement leur accueil par les familles autochtones en n’ouvrant pas des camps dès leur arrivée, mais aussi en les laissant libres de choisir entre les camps et l’accueil dans la ville. Cette liberté de vivre dans la ville de Diffa a permis aux réfugiés d’être accueillis par des familles. Et après l’ouverture des camps, ils avaient préféré vivre dans la ville que d’être dans les camps. Le fait d’avoir une famille d’accueil ou un terrain pour s’installer a découragé certains réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa à rejoindre les camps. La position géographique du camp de Sayam Forage a aussi contribué au refus de réfugiés de rejoindre les camps. En effet, il est installé au Nord-Est de la ville, une zone plus désertique que leurs localités d’origine. Pour eux, les conditions 92 93

Selon les données de la Direction Régionale de l’Etat Civil de Diffa. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=37299#.Wd4D6aIqnIU

consulté le 02/06/17

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climatiques sont plus supportables et les opportunités économiques plus favorables dans la ville de Diffa que dans les camps. Ils ont ainsi profité de l’occasion que leur offre le contact avec les autochtones pour entreprendre des activités génératrices de revenu94. Par conséquent, ils ne peuvent plus abandonner ces activités pour rejoindre les camps. Toutefois, il y a certains réfugiés qui préfèrent les camps mais ils évoquent le manque de moyens leur permettant d’y aller. Or, l’accès aux camps est gratuit. Il suffit de se faire enregistrer par la DREC/R et le HCR pour que la personne y soit conduite95. La méconnaissance de ces processus par plusieurs réfugiés nigérians vivant à Diffa est due au manque de sensibilisations des humanitaires, comme le témoigne F. agent de la CCH : « Il n'y a pas eu de sensibilisation dans la ville, à ma connaissance. Tu sais dans la ville, les réfugiés sont très éparpillés et si ce n'est pas les familles d'accueil qui les signalent, on ne peut pas le savoir. » (Entretien du 12/05/16 avec F. agent de la CCH) La relocalisation de réfugiés nigérians ne concernait que les réfugiés du site de Gagamari (lors de cette enquête). D’après les agents chargés de la question, les réfugiés nigérians qui vivent dans la ville de Diffa seront relocalisés par la suite. Ce qui explique le manque de sensibilisation à leur égard. 7.3.3 L’aide humanitaire aux réfugiés et aux autochtones Les organismes humanitaires assistent les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa et la population locale vulnérable. Ainsi, ces réfugiés ne reçoivent aucun 94 95

Nous reviendrons plus en détail sur ces activités. Entretien du 15/05/16 avec H. L., agent de la DREC/R

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traitement de faveur pour ne pas attiser ou créer des conflits entre les réfugiés et leurs hôtes. Par conséquent, les autochtones profitent de l’aide que les organismes humanitaires amènent aux réfugiés. Les centres de santé de la ville sont équipés par les organismes avec l’arrivée des réfugiés. Ces organismes leur fournissent des équipements, du personnel et des médicaments. C’est aussi le cas des écoles de la ville qui ont bénéficié des fournitures scolaires. Les organismes humanitaires construisent également des infrastructures pour les centres de santé et les écoles de la ville. Lors des distributions de vivres, les autorités locales ou nationales ainsi que les organismes humanitaires ciblent les personnes les plus vulnérables les autochtones et les réfugiés. Toutes ces aides profitent aux réfugiés et aux autochtones. Ainsi, en incluant les autochtones de la ville de Diffa dans leurs distributions, les humanitaires apaisent leur jalousie et leur hostilité envers les réfugiés nigérians. Les infrastructures initialement prévues pour les réfugiés nigérians servent à la fois, l’intérêt de l’Etat, des autochtones et des réfugiés. Ainsi, l’Etat du Niger tire profit des nouvelles infrastructures faites sans engagement financier. Cette situation, selon Frésia (2005 : 115) aboutit à « la création de services profitables à tous et où l’intérêt général se définit en dehors des autorités étatiques. » Les organismes humanitaires organisent des sensibilisations auprès de deux groupes pour une meilleure cohabitation. Ces sensibilisations portent sur divers thèmes qui ont trait à la coexistence pacifique. Selon M. agent du HCR, les sensibilisations qu’ils organisent portent sur le partage des ressources qu’elles soient naturelles ou des infrastructures :

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« Nous sensibilisons les autochtones pour qu’ils acceptent les réfugiés. Et quand il y a des infrastructures créées pour les réfugiés (réhabilitation des points d'eau par exemple), les réfugiés et les autochtones en bénéficieront sans distinction. » (Entretien du 31/05/16) Un autre organisme, IRC, a aussi organisé plusieurs sensibilisations auprès de deux groupes sur la coexistence pacifique. Il travaille en partenariat avec une ONG locale (GENICO) qui œuvre pour la gestion non violente de conflits. Les organismes humanitaires et l’Etat du Niger assistent les réfugiés nigérians et les habitants de la ville de Diffa sans distinction. Ainsi, en ne réservant aucun traitement de faveur envers ces réfugiés nigérians, ces acteurs font preuve de neutralité dans leurs actions. Selon le Directeur Régional de la Santé Publique : « Les réfugiés qui viennent dans les différents centres de santé de la ville sont pris en charge comme les nigériens, il n'y a pas de différence entre les malades nigériens et les malades réfugiés. Nous les traitons dans nos services où nous les accueillons de la même manière. » (Entretien du 27/04/16) Selon M, un agent du HCR : « Quand on assiste un groupe, on l'assiste sans tenir compte de statut des personnes qui le composent cela pour un souci de coexistence pacifique. C'est pourquoi on donne à tout le monde sans distinction. » (Entretien du 31/05/16) Pour préserver la coexistence pacifique entre les deux groupes, les humanitaires les assistent sans tenir compte du statut des personnes qui les composent. Ainsi, ils aident les personnes vulnérables sans distinction. Avec cette politique de sensibilisation et de neutralité, les actions 154

humanitaires ne créent pas de problèmes entre ces deux groupes qui sont dans des besoins et aucune population ne se sentira défavorisée. Ce qui contribue considérablement à la coexistence pacifique entre ces deux groupes. 7.4 L’insertion économique des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa Arrivés sans ressource, les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa ont connu divers problèmes dans leur insertion économique dans la ville. Le principal problème est lié au manque de capitaux nécessaires pour démarrer les activités génératrices de revenus. Certains autochtones leur ont donné des conseils et des capitaux afin qu’ils pratiquent des AGR, comme le dit M.K. : « Nous leur avons interdit de mendier où que ce soit, dans les mosquées ou ailleurs. (…) Néanmoins, nous les incitons à travailler et non à la recherche de la facilité. » (Entretien du 15/05/16) Le représentant d’un chef de quartier (M.A.) invite les réfugiés à chercher du travail : « Ils ont fait plus d'un mois sans travail. Et nous aussi nous les conseillons de ne pas rester les bras croisés. Comme nous avons les mêmes modes de vie, il serait très facile à chacun d'entre eux de retrouver son ancien commerce ou métier. Ainsi, il ne leur reste plus qu'à trouver un capital. » (Entretien du 15/05/16) Les réfugiés nigérians se conseillent et s’entre-aident. En effet, ceux qui arrivent à trouver du travail épaulent ceux qui n’en ont pas. La recherche d’une AGR par les réfugiés s’explique d’une part, par la ‘’rareté’’ de l’aide humanitaire dans la 155

ville et d’autre part, par l’insuffisance de cette aide dans la prise en charge. Certains réfugiés affirment ne plus recevoir de l’aide humanitaire, c’est pourquoi ils font recours aux AGR. Cependant, d’autres en reçoivent mais la ration ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins. Les réfugiés qui n’exercent aucune AGR n’ont pas trouvé la possibilité d’en faire. Dès que l’occasion se présente, ils n’hésiteront pas. 7.4.1 Les réfugiés à la recherche des capitaux Les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa recourent à plusieurs stratégies pour trouver un capital permettant de faire du commerce. Certains réfugiés prennent des marchandises à crédit auprès des grossistes. Une fois le produit écoulé, ils gardent le bénéfice et remettent l’argent aux grossistes. Ainsi, ils peuvent reprendre un autre produit. D’autres réfugiés sont devenus des dockers pour avoir un capital de commerce. Cette reconversion est difficile pour ceux qui ne sont pas habitués aux travaux physiques. C’est le cas d’un réfugié B. originaire de Baga et ancien conducteur de taxi moto qui a été contraint de devenir un docker pour nourrir sa famille : « Bon dès mon arrivée, j'ai commencé avec le docker, ce qu'on n'a pas l'habitude de faire. Et tu sais comment c'est difficile de le faire par une personne qui ne s'y connait pas. Malgré tout, des fois ça donne et parfois on rentre bredouille. » (Entretien du 13/05/16) Il y a des réfugiés qui contractent de crédits avec des connaissances en espérant un travail ou un capital pour rembourser. C’est le cas d’un réfugié, H.M. qui s’est adressé à un réfugié pour trouver un capital :

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« Je suis parti à l'auto-gare voir un ami avec qui j'exerce le même commerce [vente de bracelets]. Il m'a donné 5000 Naira avec lesquels j'ai acheté une caisse. Et après, quand il a eu une autre somme, il m'a encore donné 10000 Naira avec lesquels j'ai acheté des marchandises. » (Entretien du 17/05/16) Et d’autres réfugiés mendient dans des mosquées ou dans les rues, afin d’avoir un capital pour exercer une activité. Une fois le capital réuni, ils abandonnent la mendicité pour se consacrer aux AGR afin de se prendre en charge. 7.4.2 Les AGR : source d’autosuffisance des réfugiés nigérians Malgré l’insuffisance d’opportunité leur permettant de reprendre leurs activités d’avant, les réfugiés nigérians se sont lancés dans des activités génératrices de revenus. Ces activités peuvent être saisonnières (la vente des fruits et légumes) ou permanentes (vente de boissons). Si certains réfugiés achètent leurs marchandises auprès des nigériens, d’autres les importent du Nigéria (voir la photo N° 10). Cette stratégie d’aller et retour entre Diffa et le Nigéria permet aux réfugiés non seulement de s’insérer dans leur pays d’accueil mais aussi de maintenir le contact avec leur pays d’origine. D’où la stratégie d’insertion (Wali Wali, 2010 :148) « d’un pied ici, là-bas, ici et làbas ». Avec les diverses activités qu’ils mènent, les réfugiés nigérians subviennent aux besoins de leurs familles. Avec les bénéfices qu’ils gagnent, ils ne comptent plus uniquement sur l’aide humanitaire pour faire face à leurs difficultés. Par conséquent, ils deviennent, selon Frésia (2005 :43), les ‘’bons’’ réfugiés qui « sont ceux qui évitent de trop « tendre la main » et font preuve de leur aptitude à 157

être auto suffisants ». Avec les bénéfices qu’ils gagnent de leurs activités, l’aide humanitaire devient un moyen de survie parmi tant d’autres. C’est les cas de B.K. qui utilise les bénéfices qu’il gagne de son commerce pour compléter l’aide qu’il reçoit des humanitaires. Avec les différentes activités qu’ils exercent dans la ville de Diffa, les réfugiés nigérians font preuve de réel dynamisme en exploitant toutes les opportunités socioéconomiques. De ce fait, avec leur capacité à transformer leur faiblesse en force (Frésia, 2005), les réfugiés nigérians reconstruisent leur identité et adoptent des stratégies de survie (ou ‘’coping stratégies’’ selon Amélie, 2009) et de reproduction socio-économique. Avec ces activités, les réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa ne se présentent plus, comme le note Foxen (2012 :48), « comme des victimes impuissantes, incapables de s’exprimer et même, parfois, pathologiques, qui ont besoin et dépendent du secours d’organisations ou d’individus bénévoles. »

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CONCLUSION Parue au début des années 2000 au Nigéria, la secte islamiste boko haram atteint le Niger, pays voisin en moins de cinq (5) ans. De secte islamiste, boko haram se radicalise et se lance dans la clandestinité en 2009. Elle cible non seulement des symboles de l’Etat nigérian mais aussi la population civile sans défense et les éléments de la milice ‘’kato da gora’’. Le Niger a fait face à l’arrivée massive des réfugiés nigérians et aux attaques de la secte boko haram sur son territoire. L’attaque de la ville de Diffa parmi tant d’autres localités du pays s’explique d’une part par le besoin de la secte boko haram de se ravitailler en vivres et en carburant et augmenter l’effectif de ses membres et d’autre part, faire une démonstration de sa force de frappe avec les pays voisins (Niger, Cameroun et Tchad). Ces attaques sont organisées avec l’appui des jeunes de la ville de Diffa qui ont rejoint la secte boko haram. Les raisons de leur ralliement sont entre autres la mauvaise interprétation de la religion musulmane, l’usage de la magie et de la drogue par les adeptes de la secte, le désœuvrement des jeunes de la ville, etc. L’afflux des réfugiés nigérians vers le Niger a commencé vers le début de 2013. Il a fallu plus d’un an pour que les autorités nigériennes ouvrent des camps destinés à accueillir ces réfugiés. Pendant ce temps, les réfugiés se sont dirigés vers la population de la ville de Diffa pour chercher refuge et assistance. De ce fait, les réfugiés sont acceptés et hébergés par la population locale. Les liens ethniques et de parenté et l’islam ont incité la population de la ville de Diffa à les assister et leur

accorder un refuge au moment où aucune autre institution (humanitaire, Etat) n’était encore présente pour leur offrir d’autres alternatives. Ces deux groupes (refugiés nigérians et autochtones) vivent en harmonie jusqu’au 06/02/15, date du début des attaques de grande envergure de la secte terroriste boko haram sur la ville de Diffa. Ces attaques bouleversent considérablement la cohabitation entre ces deux populations. La rupture de confiance entre ces deux groupes et l’assimilation des réfugiés aux terroristes de boko haram furent les conséquences les plus significatives de ces attaques. La distribution de l’aide humanitaire (par l’Etat du Niger et les humanitaires) à toutes les personnes vulnérables (réfugiées ou non) de la ville de Diffa et l’ouverture des camps de Sayam Forage et de Kabléwa ont permis d’atténuer la tension entre les groupes en contribuant à la coexistence pacifique de la population. Certains réfugiés nigérians vivant dans la ville de Diffa exercent des activités génératrices de revenus afin d’assurer leur autosuffisance. Le revenu qu’ils gagnent de leurs activités leur assure l’autonomie vis-à-vis de l’aide humanitaire. Ainsi, l’aide humanitaire n’est plus indispensable dans leur insertion socio-économique dans la ville de Diffa. Pour sortir de cette situation, il est impératif que l’Etat collabore avec la population locale qui peut identifier les complices et les infiltrer de la secte Boko haram. Cette dernière a profité non seulement des faibles connaissances religieuses des jeunes, mais aussi de leur désœuvrement. Ainsi, pour ‘’contre-attaquer’’, l’Etat doit impliquer les leaders religieux qui peuvent sensibiliser la population sur le ‘’vrai’’ message de l’islam. Parallèlement, il doit avoir un œil sur les contenus des prêches, dans le respect de la 160

liberté de culte. Il est aussi indispensable qu’il crée des conditions pour combattre le désœuvrement dans la zone. Pour sortir de cette situation, il est impératif que l’Etat collabore avec la population locale qui peut identifier les complices et les infiltrés de la secte Boko haram. Cette dernière a profité non seulement des faibles connaissances religieuses des jeunes, mais aussi de leur désœuvrement. Ainsi, pour ‘’contre-attaquer’’, l’Etat doit aussi impliquer les leaders religieux qui peuvent sensibiliser la population sur le ‘’vrai’’ message de l’islam. Parallèlement, il doit avoir un œil sur les contenus des prêches, dans le respect de la liberté de culte. Il est aussi indispensable qu’il crée des conditions pour combattre le désœuvrement dans la zone.

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TABLE DES MATIÈRES Sommaire............................................................................... 7 Préface ................................................................................... 9 Dédicaces............................................................................. 13 Remerciements .................................................................... 15 Liste des sigles .................................................................... 17 Liste de figure et tableau ..................................................... 19 INTRODUCTION..................................................................... 21 PREMIERE PARTIE CADRES THEORIQUE ET PRATIQUE DE L’ETUDE .............. 21

Chapitre I : fondements théoriques de l’étude ................... 27 1.1 Justification du choix du sujet et du milieu d’étude . 27 1.2 Revue de la littérature ............................................... 28 1.3 Problématique ........................................................... 44 1.4 Les objectifs de la recherche ..................................... 51 1.5 Définition des concepts clés ...................................... 51 Chapitre II : Aspects pratiques de l’étude .......................... 63 2.1 Différentes phases du déroulement de la recherche. 63 2.1.1 Enquête exploratoire ........................................... 63 2.1.2 Recherche documentaire ..................................... 63 2.1.3 Techniques de collecte des données ................... 64 2.1.4 Pré-test ................................................................. 65 2.1.5 Technique d’échantillonnage .............................. 65 2.1.6 Collecte des données ........................................... 67 2.1.7 Difficultés rencontrées ........................................ 67 2.1.8 Dépouillement et analyse des données ............... 68 DEUXIEME PARTIE PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE ET APPARITION DE LA SECTE BOKO HARAM DANS LA ZONE .................................................................................. 71

Chapitre III : Présentation de la zone d’etude .................... 73 3.1 Présentation de la ville de Diffa................................ 73 3.1.1 Historique du peuplement de la zone d’étude .... 74 169

3.1.2 La démographie................................................... 76 3.2 Les activités socio-économiques ............................... 76 3.2.1 Agriculture .......................................................... 76 3.2.2 Elevage ................................................................ 77 3.2.3 Pêche ................................................................... 77 3.2.4 Commerce ........................................................... 78 3.3 Les secteurs sociaux de base ..................................... 79 3.3.1 Santé .................................................................... 79 3.3.2 Education ............................................................. 80 3.3.3 Emploi ................................................................. 80 Chapitre IV : Apparition de la secte boko haram dans la ville de Diffa ........................................................................ 83 4.1 L’historique de la secte boko haram ......................... 83 4.1.1 L’apparition de la secte boko haram à Maiduguri (Nigéria) ....................................................................... 83 4.1.2 L’évolution de la secte boko haram à Diffa ....... 84 4.1.3 Boko haram et ses dénominations ...................... 87 4.2 Les fondements idéologiques et objectifs de la secte boko haram ...................................................................... 88 4.2.1 Les fondements idéologiques de la secte boko haram… ........................................................................ 88 4.2.2 Les objectifs de la secte boko haram .................. 89 4.2.3 Les liens entre la secte boko haram et les autres sectes islamiques .......................................................... 90 4.3 Les mobiles de l’enrôlement des jeunes de la ville de Diffa dans la secte boko haram ....................................... 92 4.3.1. Une mauvaise interprétation de la religion par les adeptes de la secte ........................................................ 92 4.3.2 Le désœuvrement des jeunes de la ville de Diffa….. ........................................................................ 95 4.3.3. Une inspiration de la jeunesse ........................... 96 4.3.4 L’usage de la drogue et de la magie par les éléments de la secte boko haram ................................. 98 4.4 Les perceptions des réfugiés et des habitants de la ville de Diffa sur le conflit boko haram ........................ 100 170

4.4.1 Une punition divine........................................... 100 4.4.2 ‘’La fin de la vie sur terre’’ ............................... 101 4.4.3 Tuer ses parents pour avoir un grade................ 103 TROISIEME PARTIE ACCUEIL DES REFUGIES NIGERIANS, AIDE HUMANITAIRE ET INSERTION SOCIO-ECONOMIQUE DES REFUGIES DANS LA VILLE DE DIFFA ....................................................................... 105

Chapitre V : Les attaques des villes nigérianes par la secte boko haram et l'accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa .......................................... 107 5.1 Les mobiles de l’afflux des nigérians vers le Niger 107 5.1.1 Les villes nigérianes victimes d’attaques des éléments de la secte boko haram ............................... 107 5.1.2 Les réfugiés nigérians dans l’instabilité perpétuelle .................................................................. 109 5.1.3 Les conditions d'arrivée des réfugiés dans la ville de Diffa. ...................................................................... 110 5.2 Accueil des réfugiés nigérians par la population de la ville de Diffa ................................................................... 111 5.2.1 La solidarité ethno-parentale ............................ 112 5.2.2 La solidarité religieuse ...................................... 115 5.2.3 La solidarité et l’hospitalité coutumière ........... 116 Chapitre VI : Insertion sociale des réfugiés nigérians dans la ville de diffa....................................................................... 119 6.1 Les acteurs clefs dans l’accueil des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa ...................................................... 119 6.1.1 L’Etat nigérien .................................................. 119 6.1.2 Les chefs coutumiers......................................... 120 6.1.3 Les comités de quartiers ................................... 121 6.1.4 Le comité de réfugiés ........................................ 122 6.1.5 Les associations des jeunes ............................... 123 6.1.6 Les médias locaux ............................................. 124 6.1.7 Les leaders religieux ......................................... 125 6.2 L’insertion sociale des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa........................................................................... 126 171

6.2.1 Une insertion difficile pour les enfants et les femmes. ...................................................................... 126 6.2.2 Une assistance mutuelle entre les réfugiés et les autochtones ................................................................. 127 6.2.3 Les mariages entre les réfugiés nigérians et les autochtones ................................................................. 128 6.3 Les impacts des attaques de la secte boko haram sur l’insertion sociale des réfugiés nigérians ..................... 129 6.3.1 Les réfugiés nigérians ‘’complices’’ de la secte boko haram ................................................................. 130 6.3.2 La recrudescences des vols dans la ville avec l’arrivée des réfugiés .................................................. 133 6.3.3 Une cohabitation mitigée entre les réfugiés nigérians et la population de la ville de Diffa............ 134 Chapitre VII : L’aide humanitaire et l’insertion économique de réfugiés nigérians dans la ville de Diffa ...................... 139 7.1 La coordination des actions humanitaires ............. 139 7.1.1 Les recensements des bénéficiaires de l’aide humanitaire ................................................................. 140 7.1.2 L’assistance humanitaire des réfugiés nigérians ..................................................................... 141 7.1.3 Les stratégies de contournement des réfugiés pour bénéficier de l’aide humanitaire ................................ 144 7.2 L’usage fait de l’aide humanitaire ......................... 146 7.2.1 Une consommation familiale de l’aide humanitaire ................................................................. 146 7.2.2 Le partage de l’aide humanitaire avec les parents ................................................................... 147 7.2.3 La vente de l’aide humanitaire ......................... 148 7.3 L’ouverture des camps de réfugiés dans la région de Diffa… ............................................................................ 149 7.3.1 Les avantages de l’ouverture des camps pour les réfugiés et leurs hôtes ................................................. 150 7.3.2 Le choix des réfugiés d’être dans les camps ou dans les familles d’accueil ......................................... 151 172

7.3.3 L’aide humanitaire aux réfugiés et aux autochtones ................................................................. 152 7.4 L’insertion économique des réfugiés nigérians dans la ville de Diffa .............................................................. 155 7.4.1 Les réfugiés à la recherche des capitaux .......... 156 7.4.2 Les AGR : source d’autosuffisance des réfugiés nigérians ..................................................................... 157 Conclusion ......................................................................... 159 Bibliographie ..................................................................... 163

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Né au Niger dans la ville de Diffa où il a fait ses études primaires et secondaires jusqu’en 2009, Mahamadou BELLO est doctorant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey et est rattaché à deux instituts de recherche : le Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL) de Niamey et au REMOBOKO project basé à Leibniz-Zentrum Moderner Orient (ZMO) de Berlin.

Etudes africaines Série Anthropologie Illustration de couverture de l’auteur. ISBN : 978-2-343-17201-9

19 €

Mahamadou Bello

La secte Boko Haram, apparue au début des années 2000 au Nigéria, est devenue un problème transfrontalier, en moins de dix (10) ans. Au Niger, elle est apparue vers 2006 dans la ville de Diffa. L’idéologie fut introduite par des jeunes de la ville partis à Maiduguri (Nigéria). À leur retour, ils ont diffusé le message de la secte en recourant à plusieurs stratégies. Contre celle-ci, les autorités religieuses ont organisé plusieurs séries de prêches et de conférences pour sensibiliser la population et les autorités administratives. Les attaques lancées par les combattants de Boko Haram au Nigéria ont engendré le déplacement massif des populations vers les pays frontaliers de ce pays dont le Niger. Diffa, ville frontalière avec le Nigéria, est devenue un refuge pour plus de 27.162 réfugiés nigérians en 2015. L’accueil de ces réfugiés est facilité par les liens historiques entre la population réfugiée et leur hôte. L’État du Niger et les acteurs humanitaires n’ont cessé d’assister les réfugiés en vivres et en Non Food Items (NFI). Le livre analyse les mobiles du ralliement des jeunes de la ville de Diffa à l’idéologie de la secte Boko Haram et les facteurs ayant facilité l’accueil des réfugiés par la population de cette ville.

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians

Etudes africaines

Série Anthropologie

Mahamadou Bello

La ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux l’afflux des réfugiés nigérians

Préface du Pr Gerd Spittler