Voyage au coeur de Boko Haram: Enquête sur le djihad en Afrique subsaharienne 2343185557, 9782343185552

Après sa création en 2002, Boko Haram a basculé dans la violence armée en 2009 et a fait près de 27 000 morts au Camerou

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Voyage au coeur de Boko Haram: Enquête sur le djihad en Afrique subsaharienne
 2343185557, 9782343185552

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Seidik ABBA et Mahamadou Lawaly DAN DANO

Après sa création en 2002, Boko Haram a basculé dans la violence armée en 2009. Depuis, cette secte est devenue le mouvement djihadiste le plus meurtrier au monde, avec près de 27 000 morts au Cameroun, au Niger, au Nigeria et au Tchad. En écoutant ceux qui y ont servi en première ligne, ce livre propose, pour la première fois, de voir la réalité de Boko Haram de l’intérieur. Cette plongée dans la face cachée de la secte consiste à présenter les récits d’ex-combattants recueillis dans la ville de Goudoumaria, située à 1173 kilomètres au sud-est de Niamey, la capitale nigérienne. La particularité de Goudoumaria est d’abriter le premier centre nigérien de déradicalisation, de formation professionnelle et de réinsertion sociale des déserteurs de Boko Haram. Dans ce livre, ces ex-combattants donnent des révélations de première main sur la stratégie militaire de Boko Haram, ses violences internes inouïes ainsi que la destination finale de son butin de guerre. Ces récits donnent aussi les meilleures clefs pour décrypter le sort réservé aux jeunes filles et aux femmes régulièrement enlevées par le mouvement et, par conséquent, des pistes pour comprendre enfin pourquoi les lycéennes, enlevées en avril 2014 à Chibok au nord-est du Nigeria, n’ont jamais été toutes retrouvées. Ils racontent également avec force détails les derniers jours de Maman Nur, Abu Mahamud de son nom de guerre, numéro deux de l’aile rivale de celle de Shekau.

Enquête sur le djihad en Afrique subsaharienne

En couverture : Halte d’une patrouille de l’armée nigérienne chargée de la traque de Boko Haram dans un village sur les rives de la Komadougou-Yobé, frontière entre le Niger et le Nigeria. Crédit photo : Ousseïni Sanda.

ISBN : 978-2-343-18555-2

12 €

Voyage au cœur de Boko Haram

Mahamadou Lawaly DAN DANO a été gouverneur de Diffa d’avril 2016 à avril 2018. Il est l’artisan du programme nigérien Repentir contre pardon. Lancé en décembre 2016, ce programme a permis de démobiliser plus de 233 combattants de Boko Haram. Ce diplômé en sciences de l’information documentaire et en stratégie d’entreprise a été pendant ses deux ans de fonction à Diffa en lien direct avec Boko Haram.

Voyage au cœur de

Boko Haram Haram Boko

Un livre essentiel pour comprendre Boko Haram, ce mouvement terroriste salafiste et djihadiste qui a prêté allégeance en 2015 à l’État islamique et qui est à l’origine de nombreux massacres, attentats et enlèvements.

Seidik ABBA est journaliste et écrivain, ancien rédacteur en chef central à Jeune-Afrique, ancien chef du bureau parisien de l’Agence Panapress et chroniqueur au Monde Afrique. Originaire de Diffa au sud-est du Niger où se situe l’épicentre des activités de Boko Haram, il décrypte régulièrement l’actualité africaine sur France 24, RFI, TV5 Monde, BBC et Deutsche Welle.

Seidik A BBA Mahamadou Lawaly DAN DANO

Voyage au cœur de Boko Haram

Seidik ABBA Mahamadou Lawaly DAN DANO

Voyage au cœur de Boko Haram Enquête sur le djihad en Afrique subsaharienne

Du même auteur (Seidik Abba) Le Niger face au Sida. Atouts et faiblesses de la stratégie nationale face à la pandémie, L’Harmattan, Paris, 2008. La Presse au Niger. État des lieux et perspectives, L’Harmattan, Paris, 2009. Rébellion touarègue au Niger. Qui a tué le rebelle Mano Dayak ?, L’Harmattan, Paris, 2010. Niger : la junte militaire et ses dix affaires secrètes (2010-2011), L’Harmattan, Paris, 2013. Entretiens avec Boubakar Ba. Un Nigérien au destin exceptionnel, L’Harmattan, Paris, 2015. Entretiens avec Boubakar Ba. Un Nigérien au destin exceptionnel, nouvelle édition revue et augmentée, L’Harmattan, Paris, 2019.

© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-18555-2 EAN : 9782343185552

À la mémoire de toutes les victimes civiles et militaires de Boko Haram

Introduction Colloques, articles de presse, communications scientifiques : tout a été presque dit et écrit sur Boko Haram, mouvement djihadiste qui sévit au Niger et au Nigeria en Afrique de l’Ouest ainsi qu’au Cameroun et au Tchad, en Afrique centrale. Ce mouvement a tué près de 27000 personnes depuis 2009. Pourtant, à sa naissance en 2002 à Kanamma sur la frontière nigéro-nigériane, Boko Haram n’était qu’un phénomène local, ne présentant aucune menace sérieuse pour le pouvoir central nigérian1. Sous le magistère du jeune prédicateur Muhammed Yusuf, la secte va vite gagner en popularité et sympathie. Le terreau était alors favorable et les messages véhiculés dans les prêches très porteurs. En effet, Boko Haram imputait la mal gouvernance, la corruption des élites et l’injustice au Nigeria à l’école occidentale et aux valeurs qu’on y enseigne. Une brutale répression s’abat en 2009 sur la secte, et la fait basculer dans la lutte armée. Outre l’arrestation et l’exécution sommaire de Muhammed Yusuf, près de 800 membres présumés de la secte ont été tués cette année-là par les forces fédérales de sécurité nigériane. Arrivé à la tête du mouvement après le décès de son fondateur, Abubakar Shekau, un de ses commandants, opte pour le recours aux attentats-suicides, aux attaques sanglantes des symboles de l’État ainsi qu’à l’internationalisation du mouvement. En 2015, il choisit ainsi de faire allégeance à l’État islamique et donne à Boko Haram le nom de « Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest ou Willaya ». L’action de la secte s’étend ensuite au Cameroun, au Niger et au Tchad2.Il existe désormais

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Barkary Sambe explique très bien le passage de Boko Haram d’un problème local à une menace régionale dans son ouvrage intitulé Boko Haram. Du problème nigérian à la menace régionale paru en 2017. 2 De nombreux ouvrages ont été écrits sur l’internationalisation de BokoHaram. On lira parmi eux avec intérêt :Boko Haram. Le Cameroun à l’épreuve des menaces de Leone Koungou paru en 2014 chez l’Harmattan ; La

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deux ailes rivales de Boko Haram : celle retranchée dans la forêt de Sambissa dirigée par Shekau et l’aile réfugiée dans le lit du Lac Tchad avec à sa tête Habib Yusuf, alias Abu MusabAl Barnawi, fils de Muhammed Yusuf. Jamais jusqu’ici, on n’avait réussi à raconter de l’intérieur la secte fondée par le prédicateur Yusuf. Non que personne ne s’y soit essayé, mais parce que la paranoïa de Boko Haram n’a permis à aucun journaliste et à aucun chercheur de faire ce travail in situ. Certes l’arrivée des premiers repentis a levé un coin de voile sur ce qui se passe dans les rangs de la secte, mais ce nouveau contexte n’a pas pour autant permis de cerner tous les contours du mouvement. C’est ce vide que vient combler la présente offre éditoriale. À la suite du programme repentir contre pardon lancé en décembre 2016 par le gouvernement nigérien, des centaines de combattants de Boko Haram se sont rendus aux autorités traditionnelles et administratives de la région de Diffa, au sudest du pays3. Alors qu'elles avaient juste prévu une villa dans la périphérie de la ville de Diffa, capitale régionale, à près de 1360 km de Niamey, les autorités nigériennes ont très vite été dépassées par le succès de l’opération. Du centre de transit de Diffa, on est ainsi passé au Centre de déradicalisation, de formation professionnelle et de réinsertion sociale des repentis de Goudoumaria. C’est là, à près de 1173 km au sud-est de Niamey, qu’ont été enregistrés des dizaines d’entretiens avec des repentis qui ont adhéré au programme du gouvernement nigérien. Sur la base du volontariat, d’ex-combattants de Boko Haram ont été interviewés librement en kanouri ou en haussa, selon leur préférence, par un intermédiaire qui a posé les mêmes Ville de Diffa face à Boko Haram et à l’afflux des réfugiés nigérians de Mohamadou Bello publié en 2019 par l’Harmattan. 3 Au moment de finaliser l’écriture de ce livre en septembre 2019, il y avait 233 ex-combattants de Boko Haram au centre de déradicalisation, de formation professionnelle et de réinsertion sociale de Goudoumaria au sud-est du Niger.

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questions à eux tous. Les entretiens ont ensuite été traduits et mis sous scriptes par nos soins. Comme tout document qui passe par le filtre de la traduction, celui que vous avez entre les mains comporte des biais liés au passage d’une langue à une autre. En effet, à défaut d’expression équivalente en français, certains mots haussa ou kanouri ont été rendus en français par l’idée qui s’y rapproche le plus. Il ressort de cette longue série d’entretiens avec les repentis de Goudoumaria des révélations et non des moindres. C’est le cas de l’existence de très nombreux centres d’instruction militaire que Boko Haram entretient dans le lit du Lac Tchad. Selon le récit qui en a été fait, les recrues reçoivent dans ces centres un entraînement militaire avec initiation aux tirs à balles réelles ainsi que l’entretien des armes individuelles et collectives. On apprend également beaucoup à travers ces témoignages sur la tactique de combat, les attaques thématiques ou les consignes en cas de déroutes militaires. Les entretiens donnent aussi à voir la face cachée de Boko Haram, faite d’une extrême brutalité envers ses propres combattants dont certains ont vu leurs mains froidement amputer suite à des jugements expéditifs rendus par des soidisant tribunaux islamiques. Un des grands enseignements de cette série d’entretiens, c’est également les profils très différents des combattants de la secte tout comme la diversité de leur motivation. En effet, il n’y a rien de commun entre la fillette de 12 ans embrigadée par Boko Haram alors qu’elle revenait du champ familial, et le combattant qui a écouté un prêche du mouvement et décidé, en conscience, de le rejoindre. Il n’y a non plus rien de commun entre ce tailleur à qui on n’a laissé aucun choix et l’enseignant nigérien qui rejoint la secte, en espérant la belle vie et la richesse.

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C’est justement dans le dessein de traduire, pour chacun, le plus fidèlement cette histoire personnelle que le récit direct a été choisi comme mode d’écriture. On aurait pu proposer pour chaque entretien un portrait, mais il nous a semblé plus efficace de citer directement le repenti, de lui donner la parole pour qu’il dise sa vérité, avec ses mots. En tenant compte de la diversité de ses « recrutements », Boko Haram a développé la spécialisation du travail. Aussitôt embrigadées, certaines recrues deviennent des fantassins mobilisables à tout moment pour attaquer des villages ou des cibles militaires. Devenus repentis à Goudoumaria, ces excombattants racontent par le menu détail leurs faits d’armes en assumant, pour certains, avoir tué de sang-froid. Dans les rangs de la secte, on trouve également différents corps de métiers, notamment des producteurs agricoles, des chargés de la mobilisation des ressources financières, des infirmiers, des mécaniciens et même des juges (Wallis) qui rendent la « justice islamique ». Les trois annexes versées au texte apportent une réelle valeur ajoutée à l’ouvrage. Pour la première fois, on peut en savoir plus sur les circonstances exactes de la mort de Maman Nur, bras droit de Habib Yusuf alias Abu Musab Al-Barnawi. Grâce au script du long prêche en haussa versé en annexe, on découvre non seulement que Boko Haram, en tant que Province (Walliya) de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, est en contact avec le Califat (l’État islamique au Levant), mais surtout que l’exécution de Nur a été dictée, puis mise en œuvre sans hésitation ni murmure. Dans ce travail basé sur les témoignages parfois inédits, on lira par ailleurs avec intérêt les explications du chef de canton de la Komadougou-Yobé Katzelma Mamadou Abba Kiari Katzelma Oumar sur les liens séculaires entre Diffa et Maiduguri4. 4

Nous avons choisi l’orthographe anglophone en écrivant Maïduguri.

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L’entretien exclusif réalisé en mars 2017 à Diffa avec cette autorité traditionnelle permet de mieux comprendre pourquoi dès lors que Maïduguri, capitale de l’État du Bornou, nord-est du Nigeria, est devenu l’épicentre des activités de Boko Haram, Diffa ne pouvait ne pas être attaquée. Le portrait d’Aboucar Maïnok, qui achève le livre, fait sens parce qu’il aide à décrypter la scission de Boko Haram originelle en deux ailes : celle restée dans le fief historique de la forêt de Sambissa5 et l’aile qui a trouvé refuge dans le lit du Lac Tchad avec à sa tête le binôme Al-Barnawi/Nur. Derrière Maïnok, apparait également toute la stratégie militaire de Boko Haram, la brutalité du mouvement ainsi que ses dérives internes.

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Sambissa est une immense forêt qui s’étend entre les frontières du Nigeria et du Cameroun et qui sert de zone de repli et de refuge aux combattants de Boko Haram.

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Chapitre 1 Embrigadement, profils et destins de combattants Élève, pêcheur, tailleur, agriculteur, jeune fille mineur, enseignant, infirmier : des profils très diversifiés se côtoient dans les rangs de Boko Haram. Certains ont rejoint la secte en âme et conscience, soit par adhésion à son idéologie religieuse, soit pour en tirer des dividendes. D’autres en revanche ont été embrigadés de force dans la secte, souvent parce qu’ils se sont retrouvés au mauvais moment, au mauvais endroit. L’intérêt principal de ce chapitre liminaire est de montrer, au travers des récits de ces anciens combattants rencontrés dans le cadre de notre plongée en milieu djihadiste, que chaque combattant est un cas singulier qui permet de recouper divers modes d’entrée dans Boko Haram.

1.1 Mallam Kiari Bayissa : « J’ai été embrigadé par Boko Haram à cause d’une cigarette » C’est parfois un acte d’une extrême banalité--pour ne pas dire un accident- qui a conduit certaines personnes à se retrouver dans les rangs de Boko Haram. Pour elles, tout le défi revient à se demander comment en sortir. « Alors qu’ils traversaient mon village, près de Bosso [sud-est du Niger à environ 1500 km de Niamey] les combattants de Boko Haram m’ont surpris en train de fumer une cigarette. Ils se sont brusquement arrêtés pour m’interpeller et me dire que je venais de contrevenir aux enseignements du saint coran. Pour cela, m’ont-ils dit, je méritais de mourir. Ensuite, cette sentence de mort a été commuée en embrigadement sur la proposition d’un de leurs commandants. J’ai ainsi passé sept mois dans les rangs de Boko Haram. J’étais principalement affecté à la corvée de bois, sans aucune tâche opérationnelle. Bien plus tard, j’ai 15

étté emprisonn né par la seccte sous l’acccusation d’avoir enceinnté u jeune fillle. Donc d’ avoir eu dees relations sexuelles une s hoors m mariage. Aprrès ma libéraation, j’ai été à nouveau affecté à la coorvée de boiis. Profitant d’une sortiee pour ramen ner du bois aau caantonnementt, j’ai réussi à m’enfuir. J’ai passé une u journée et u nuit dans les buisso ns avant d’aarriver à To une oumour [petiite v ville du sud-est du Nigeer, sur la fro ontière avec le Nigeria, à ennviron 1450 0 km de Niam mey]. J’ai dû d débourser près de 50000 n nairas [enviro on 13 euross] pour être transporté à Diffa et m me liivrer aux autorités compéétentes. De mon m passage dans les ranggs d Boko Haraam, je ne retiiens que la so de ouffrance et l’amertume »».

1.2 Baïno Madou M Man ni : « Boko Haram m’a volé ma jeeunesse et ma m virginitté »

Les jeunes fillles et les feemmes sont des cibles privilégiées L p dde B Boko Haram qui les revennd ensuite co omme esclavees.

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Boko Haram, c’est aussi des histoires douloureuses pour ceux ou celles qui s’y sont retrouvés par un pur hasard. C’est le cas de cette jeune fille embrigadée alors qu’elle revenait du champ familial. Elle a été mariée de force dans les rangs de la secte où elle a eu son premier enfant à 15 ans. « A 12 ans seulement, mon destin a croisé Boko Haram : je revenais du champ familial lorsque des combattants de ce mouvement m’ont interceptée. Ils m’ont entraînée de force avec eux dans la forêt et là ils m’ont donnée en mariage à l’un d’entre eux. Ce mariage a été formalisé par une fatiha [prière religieuse en islam]. Après trois années de captivité et d’esclavage sexuel, je suis tombée enceinte et j’ai accouché de mon premier enfant. Constatant l’impasse dans laquelle nous étions, j’ai proposé au père de mon fils de nous évader. Il n’a pas été convaincu par le projet. J’ai alors choisi de m’enfuir toute seule. Pendant mes années de captivité, j’ai pu voir une même jeune fille être mariée à plusieurs combattants. À chaque fois que le mari décédait, la fille était immédiatement donnée en mariage à un autre combattant. Une fille que je connais a eu trois maris dans la même semaine. Je suis soulagée d’avoir réussi à m’enfuir de cet enfer. Je vais à présent me reconstruire, avoir une vie de jeune fille et préparer l’avenir de mon fils. Après mon passage dans le camp des repentis de Goudoumaria, je souhaite rentrer chez moi à Kinjandi6 pour exercer une activité professionnelle. Pour cela, je compte beaucoup sur le volet formation professionnelle des repentis. Je suis sûre que les miens m’accueilleront à bras ouverts, si j’étais totalement libérée ».

1.3 Ba Koura Malam Maina : « Ma vie de pêcheur paisible a basculé dans les rangs de Boko Haram » De nombreux combattants ont rejoint les rangs de la secte parce qu’ils adhéraient à son idéologie religieuse. Dans la 6

Kindjandi est un petit village nigérien sur la route nationale N°1 à environ 1400 km au sud-est de Niamey.

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plupart des cas, cette catégorie de recrues préfère porter le fer au combat plutôt que de rester dans des tâches, qu’elle juge subalternes, de production agricole ou d’apprentissage du Coran. « J’étais pêcheur de poisson dans le lit du Lac Tchad quand Boko Haram est arrivé. Ils ont organisé un prêche devant des dizaines de personnes. Leur discours était séduisant et convaincant. Sans aucune hésitation, j’ai rejoint les rangs du mouvement avec d’abord une affectation à Kayowa [petit village de pêcheurs perché dans le lit du Lac Tchad]. J’étais un fantassin qui a participé à au moins 6 batailles sanglantes. J’ai attaqué deux fois Kangarwa ; deux fois Bla Tchassa et deux fois Mangoumeri, près de Maïduguri. Lors de notre première attaque de Kangarwa, le commandant était Adam Bitri. On avait un mode opératoire très précis : avant chaque attaque, le commandant tenait un prêche dans lequel il rappelait que nous nous battons pour Dieu et que morts aux combats nous irions au paradis. Toutefois, face à la puissance de feu de l’ennemi, il nous est souvent arrivé de décrocher. C’est aussi cela la réalité de cette guerre : même quand tu espères le paradis, tu peux décrocher. Dans le feu de l’action, nous étions convaincus que Boko Haram était le bon chemin, la bonne porte d’entrée au paradis. Il n’y avait aucune période de trêve dans nos attaques. Par exemple, le village d’Argi, non loin de Bosso, dans le lit du Lac Tchad, nous l’avons attaqué en plein ramadan [de l’année 2017]. Nous avons alors perdu l’un de nos plus brillants chefs militaires du nom de Goni Ari. La bataille de Bla Tchassa fut une cuisante défaite. Après le décès de Goni Ari, nous avons monté une opération militaire contre Bla Tchassa, sous le commandement de Ba Makinta. Cette troisième bataille à laquelle je participais en tant que combattant fut un grand succès militaire. Nous avions récupéré à l’armée nigériane 4 véhicules 4X4, une automitrailleuse 12/7 ainsi que des milliers de cartouches. Désormais, j’ai tourné la page de ces années d’engagement dans les rangs de Boko Haram. J’attends de me reconstruire ».

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1.4 Aboukar Adam : « D’enseign nant, je suiss devenu unn combattant de Boko H Haram »

Des milliers d’écoles onnt dû être abandonnées en raison dde D l’’insécurité qu ui menace lees enseignantts et les élèvees. Ill arrive que des sirènes du gain facile conduisent à d’amèrres d désillusions : enseignant de professio on, notre rep penti a rejoiint B Boko Haram en espéran t gagner faccilement de l’argent et la belle vie. Il n’a finalemen t vécu que brrimades et veexations. « Ce sont d’aabord mes caamarades qu ui sont allés dans d les ranggs d Boko Haraam. Un jour,, ils sont rev de venus ici pou ur me dire quue sii je rejoignais Boko H Haram, je gagnerais de l’argent, ddes feemmes, de laa nourriture… … En un mott, ce sera mo on bonheur su sur teerre. Moi, c’est cet argum ment de la réussite r matéérielle qui m m’a coonvaincu ; jee n’avais pass un grand peenchant pourr la religion aau point de fairee le djihad ppour l’imposser. À l’épreeuve des faitts, m engagem mon ment dans less rangs de Bo oko Haram fut fu une énorm me d désillusion. Seuls S quelquues chefs po ouvaient vérritablement se faaire des souss ; on vivait ddans la misèrre, à la mercii des brimaddes ett des vexatio ons. J’ai très vite déchantté, moi qui pensais p gagnner plus d’argentt qu’à traveers mon méétier d’enseiignant. Je m me 19

tournais le pouce dans les rangs du mouvement, ayant obtenu de ne pas aller aux combats. Dès que j’ai appris que le gouvernement nigérien avait lancé le programme repentir contre pardon, j’ai décidé de sauter sur l’occasion. Je suis parti en cachette dans la brousse. J’ai marché trois nuits, en me faufilant derrière les buissons. Pour être sûr d’arriver à mon but, je ne marchais que dans la nuit noire. Au bout de la troisième nuit de marche, je suis arrivé à Barwa7 où le chef de canton m’a accueilli avant de me conduire à Diffa. Comme les autres repentis, je suis arrivé ici à Goudoumaria, après mon passage par le centre de transit de Diffa. Pour tout vous dire, je garde un énorme regret de mon passage à Boko Haram ».

1.5 Abba Yahaya : « Mon jeune frère et moi avons perdu toute trace de notre père depuis plus de 5 ans » D’innocentes personnes se sont retrouvées dans les rangs de Boko Haram parce qu’elles étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Pour elles, tout l’enjeu devient dès lors de savoir comment en sortir. Si elles sont prises par les forces de défense et de sécurité, elles subissent les rigueurs de la loi antiterroriste, si elles tentent de s’extraire sans succès des rangs de la secte, elles sont sévèrement châtiées. « Je viens de Toumbounguini8. Je me trouvais déjà dans le lit du lac Tchad à cultiver mon champ lorsque Boko Haram est arrivé. J’étais à la fois otage et élément de Boko Haram. J’avais besoin de ne leur afficher aucune hostilité pour continuer mes activités agricoles. Ce faisant, je devenais un peu leur élément. Mais, je ne me retrouvais ni dans leur pratique de la religion ni dans leur méthode. Le lit du Lac est d’une fertilité immense. Mon père, mes frères et moi cultivions le maïs une partie de l’année et le 7

Barwa, est une des grandes bourgades de la zone, située non loin de Bosso, et non loin de la frontière commune nigéro-nigériane. Elle a fourni à l’État nigérien plusieurs hauts fonctionnaires. 8 Le mot haussa toumboun peut se traduire par île en français. Le lit du Lac Tchad est composé de dizaines de petites îles qui sont parfois de villages de pêcheurs et les résidences des producteurs agricoles.

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haricot l’autre partie de l’année. Quand Boko Haram s’est installé, mon père a trouvé le moyen de s’échapper en nous donnant pour consigne de rester achever la récolte qui était en cours. On a donc fini par récolter tous nos champs et ensuite par revendre toute notre production. Mais il n’y avait plus aucun moyen de quitter le territoire contrôlé par Boko Haram, surtout pour nous qui n’étions pas des démunis. Le plus impressionnant avec ces gens de Boko Haram, c’est qu’ils connaissent quasiment tous ceux qui sont dans les bandes de territoires qu’ils contrôlent. Finalement mes frères et moi, nous sommes restés 4 à 5 ans dans la partie du lac Tchad contrôlée par Boko Haram. Ils nous ont déplacés ici et là pour s’assurer que nous ne partions pas. Moi, j’ai surtout appris le Coran parce que mon profil ne faisait pas de moi un bon guerrier. Je me trouvais à Bama9 lorsque la ville a été attaquée par les militaires fédéraux. Profitant de la confusion, un certain Mamadou, qui était activement recherché par les dirigeants de Boko Haram, a monté notre plan d’évasion collective. On a ainsi réussi au nombre de cinq à fuir dans la nuit sans destinations précises ni boussole. Notre unique objectif était de partir, de nous enfuir. En nous cachant ici derrière des buissons, là dans des champs abandonnés, nous étions arrivés dans le petit village d’Aru après deux jours et trois nuits de marche. À Aru, nous n’étions pas les bienvenus : les gens qui y venaient cultiver le riz étaient manifestement gênés par notre présence. Sans doute pour se débarrasser de nous, les habitants du village nous ont demandé d’aller à Diffa où, nous ont-ils dit, le gouvernement accueille à bras ouverts les combattants de Boko Haram en échange de leur repentir. Nous avons sauté sur l’occasion pour aller nous présenter aux autorités nigériennes. Désormais, j’envisage l’avenir post-Boko Haram avec sérénité. Après ce passage par Goudoumaria, je suis prêt à aller m’installer partout où je pourrais être accueilli avec dignité. J’ai une pensée pour ma mère qui est décédée 9

Bama est une petite ville nigériane âprement disputée entre l’armée fédérale et Boko Haram en raison de sa position stratégique entre Maïduguri et le lit du Lac Tchad.

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allors que j’étaais dans les rrangs de Bok ko Haram ett mon père qqui n plus donn n’a né signe de viie depuis prèès de 5 ans ».

Cette jeune femm C me n’a plus auccune nouvelle de d son époux deepuis plus de cin inq anns. Elles sont nombreuses n com mme elles, ni veeuves ni divorcéées, qui ne saveent à quel saint se vo ouer.

1.6 Bounou u Moustaph ha : « Parrti au village pour dees v vacances sccolaires, jee me suis retrouvé dans Bokko H Haram » Du chemin dee l’école à ceelui de Boko D o Haram, le trajet t fut couurt et accidentel pour ce reppenti. Après une longue errance danns lees rangs du mouvement, m ll’ex-élève ra amène une brrève formatioon m militaire, mais surtout uune profondee désillusion n et une forrte amertume. « Mon histoire, c’est cel le d’un élèv ve de la villee d’Assaga aau N Niger revenu u passer des vacances sccolaires chezz lui. Un jouur, 22

Mallam Ari, une de mes connaissances, est venu me chercher en me disant : ta place se trouve dans Boko Haram et non à l’école occidentale10. J’atterris d’abord à Mallam Fatori transformé en point de ralliement de toutes les nouvelles recrues. J’y passe une bonne semaine d’incorporation dans le mouvement avant d’être conduit dans le village de Kayowa. C’est là que je reçois ma formation militaire ; moi qui n’ai jamais tenu une arme dans ma vie. Mon instructeur s’appelait Malam Ari. J’ai appris à tirer avec une arme individuelle dans toutes les positions : coucher, debout, en marchant, en rampant… J’ai aussi appris à monter et démonter un fusil. Après près d’un an dans les rangs de Boko Haram, je n’avais pas encore compris à quoi ma nouvelle vie pouvait mener. La forte envie de reprendre mes études me revenait sans cesse. Et les remords de ce que je faisais à chaque bataille me déchiraient la conscience. J’ai donc pris la décision d’abandonner les rangs de Boko Haram. Je n’y ai trouvé ni la défense de l’islam, ni les opportunités d’enrichissement qui m’étaient tant vantées. J’ai finalement profité d’un retour de mission pour déserter. À l’approche d’un petit village, non loin de Mallam Fatori, j’ai demandé à descendre de véhicule en assurant que je reviendrai à mon lieu d’affectation dès que j’aurai réglé un petit problème personnel. Personne ne s’est douté de rien. Le commandant m’a laissé descendre et j’en ai profité pour traverser la frontière et me retrouver en territoire nigérien. Là, j’ai eu vent du programme repentir contre pardon. Je me suis d’abord livré aux autorités à Bosso avant d’être transféré à Diffa, puis à Goudoumaria. Désormais, je rêve de reprendre le chemin de l’école »11.

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Le mot Boko Haram est une association du terme haussa Boko qui veut dire école occidentale et du terme arabe haram qui veut dire illicite. En traduisant littéralement, Boko Haram veut dire que l’école occidentale est un péché. 11 Sur les 233 repentis de Goudoumaria, on compte 88 mineurs : 55 Nigériens et 33 Nigérians.

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Privés d’école, les enfants sonnt en premièree ligne dans ceette guerre qu’’ils P n’ont ni voulue, ni espérée.

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Chapitre 2 Fantassins, instructions militaires et batailles sanglantes Aussi surprenant que cela puisse paraître, le statut le plus valorisant dans les rangs de Boko Haram n’est pas celui d’érudit du Coran ou de disciple modèle des études coraniques. Ici, on vénère surtout le fantassin qui participe à de batailles sanglantes et peut ramener de juteux butins de guerre. Signe de l’importance accordée à cette dimension guerrière, Boko Haram compte dans le lit du Lac Tchad plus de centres d’instruction au maniement d’armes individuelles et collectives que d’écoles coraniques. Autre grande révélation des récits qui sont retranscrits dans ce chapitre : le mouvement djihadiste n’accorde pas de grande importance à récupérer les corps de ses éléments morts aux combats.

2.1 Modou Karreyya : « Je suis un fantassin qui a tué de sang-froid et qui n’a pas la religion pour business » Certains des repentis accueillis dans le Centre spécialisé de Goudoumaria assument avoir pris part activement à des attaques sanglantes. Ils mettent généralement cette attitude sur le compte de l’erreur, en proposant, pour ce qui les concerne, de regarder plutôt vers l’avenir. « Dès mon arrivée dans les rangs de Boko Haram, j’ai rejoint une unité combattante ; la religion n’était pas mon business. Chaque attaque à laquelle j’ai pris part était précédée d’un rassemblement. Dans le cas d’une opération contre une caserne de l’armée, le commandant précise les angles d’attaque, mais insiste aussi pour qu’une issue soit laissée pour que les soldats puissent déserter. En effet, ce n’est pas dans notre intérêt qu’ils restent poursuivre le combat. Ce premier briefing est assuré par le commandant opérationnel. Sur le trajet menant à la cible, on 25

marque au moins trois arrêts organisés sous des arbres. Les chefs galvanisent les combattants. Une fois, la cible à portée de fusils, le chef du commando passe devant pour donner le signal à travers une première rafale. Ses sous-commandants se mettent à l’arrière pour empêcher que ceux des combattants qui ont pris peur ne reculent sous le feu de l’ennemi. On entend les chefs dire : n’ayez aucune crainte des balles ; craignez seulement Dieu ; vous irez tout droit au paradis en mourant ici. En cas de résistance acharnée du camp d’en face et lorsque le rapport de forces nous est de toute évidence défavorable, on prend la fuite. Par contre, en cas de victoire, on s’éparpille dans la ville conquise. Chaque combattant prend ce qu’il peut prendre. Plus tard, on se rassemble à nouveau avec les biens pillés : le butin de guerre est alors entassé dans une voiture sous haute protection. Une autre partie des combattants sécurise la ville conquise pour empêcher toute riposte de l’armée régulière. Jusqu’à une date récente, le butin de guerre était directement apporté à Shekau12 lui-même qui le scinde habituellement en trois parties achète une partie du butin en remettant l’argent aux commandants qui répartissent, à leur tour, cette somme entre les combattants qui ont participé à l’attaque. Les véhicules pris aux armées nationales sont également rachetés puis remis aux commandants. À son arrivée dans le lit du Lac Tchad, Maman Nur13 a rapidement changé la pratique. Il a imposé moins de brutalité envers les populations civiles, plus d’efforts dans la production agricole et la pêche afin que BokoHaram s’auto-nourrisse. Après plus de 18 mois dans les rangs du mouvement, j’ai été gagné par la lassitude et j’ai prévenu un parent proche qui vit à N’guigmi que j’allais revenir au bercail. Sans que je sache comment, l’information sur mon projet de désertion s’est ébruitée, j’ai alors été placé sous une étroite surveillance par les chefs. J’ai fait profil bas 12

Abubakar Shekau a succédé, comme chef de la secte, en 2009 à Mohammed Yusuf son fondateur exécuté sommairement par l’armée nigériane après son arrestation. 13 Autre figure emblématique de Boko Haram, Maman Nur forme, avec AlBarnawi, l'aile du mouvement qui a fait scission avec Shekau pour se réfugier dans le lit du Lac Tchad.

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jusqu’à ce que baisse la vigilance de ceux qui me surveillaient. Le hasard faisant bien les choses, j’ai appris au même moment, grâce à des échanges téléphoniques, que le gouvernement nigérien venait de lancer le programme repentir contre pardon. En écoutant la radio, on a pu apprendre que ceux qui revenaient étaient bien traités. Dès lors, notre décision de nous enfuir était prise. Ce qui ne fut pas très difficile à réaliser. Comme nous connaissions très bien le chemin, on a pris par Gamgara [petite ville du Nigeria, sur la frontière avec le Niger] pour arriver jusqu’aux alentours de Bosso. Là, on a pu obtenir le numéro du chef de canton de Bosso et le joindre au téléphone. Nous lui avons dit que nous étions les combattants dont l’arrivée avait été annoncée. Les chefs de canton et le préfet de Bosso sont arrivés pour nous récupérer et nous conduire ensuite au commissariat de police de Diffa. Bien plus tard, je suis arrivé ici à Goudoumaria qui abrite le Centre d’accueil et de réinsertion sociale des repentis de Boko Haram. On souhaite désormais regagner nos familles et vivre tranquillement après cette aventure. Certains de mes parents sont à N’Guigmi, d’autres à Garin Wanzam. Je suis sûr que je serai accepté par les miens, malgré ce que j’ai pu faire ».

2.2 Abba Brah : « Je me suis rendu aux autorités nigériennes mon arme de combattant de Boko Haram à la main » À Goudoumaria, les partisans de Shekau et ceux de l’aile rivale formée par le binôme Al-Barnawi/Nur [avant l’exécution de celui-ci] se côtoient et s’acceptent. Tous racontent des rivalités fratricides sanglantes tout aussi meurtrières que les escarmouches avec les armées régulières. « J’ai participé directement à trois batailles sanglantes de Boko Haram sous le commandement de Mohamed le Tchadien. C’est lui qui nous enjoignait d’attaquer tel endroit puis tel autre endroit. Avec Shekau, on ne reculait jamais devant l’adversaire. Après la mort de Mohamed le Tchadien, j’ai participé à la bataille de Mongounou [nord-est du Nigeria, non loin de la 27

frrontière avecc le Niger]. J’ai ensuitee participé à la bataille dde K Karetou, au Nigeria et à celle de Kangarwa. Lors de cettte d dernière opérration, on a ssubi une lou urde défaite. Par contre, la bataille de Karetou K fut uun franc su uccès militaire. Outre noos affrontementss avec les aarmées du Niger N et du Nigeria, nouus avvons dû faire f face aaux hostilittés de la tendance A Al B Barnawi/Mam man Nur. Noous étions mobilisés m dan ns cette guerrre innterne entre les l deux ailees lorsqu’un de mes paren nts m’a appeelé pour me diree que le N Niger venait de lancer le l programm me reepentir contrre pardon. J’aai saisi la baalle au bond pour p m’enfui uir. Jee me suis ren ndu aux autoorités avec mon m arme de combattant dde B Boko Haram. Grâce aux eefforts du chef de Toumo our, j’ai rejoiint lee centre de trransit de repeentis de Difffa avant d’êtrre transféré iici à Goudoumarria. J’ai tourrné la page de d mes annéées dans Bokko H Haram et su uis prêt à trravailler con ntre eux, y compris pou our l’’armée nigérienne ».

Au Niger, Boko o Haram ne ttue pas seulem ment des perso onnes : la seccte asssassine aussi l’espoir l de centtaines de millierrs d’enfants.

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22.3 Ali Méléé : « On peu ut aider l’a armée nigérrienne en luui m montrant la a meilleure voie pour vaincre Bo oko Haram »

Comme dans to C oute guerre assymétrique, la lutte contre Boko B Haram eest diifficile et couteu use en vies hum maines pour les armées régulièères.

C’est une siituation parradoxale : alors que plusieurs ex C excoombattants se s disent prêêts à aider les l forces de défense et dde séécurité, leur offre de servvices n’a pass reçu de suiite appropriéée. Ills ont certes subi l’interrrogatoire de personnalitéé effectuée paar laa police na ationale à leur arrivéée. Mais sa ans plus. IIls coonnaissent pourtant p les m méthodes et même les ca aches d’arm mes d la secte, no de otamment daans le lit du Lac L Tchad. « J’ai adhéréé volontairem ment à Boko o Haram. Lees combattannts d mouvemen du nt étaient veenus dans mon village teenir un prêchhe trrès convaincant. J’ai imm médiatement été enrôlé. J’ai J été affeccté 14 coomme comb battant à M Mallam Fatorri . J’ai à mon m actif ssix batailles sang glantes tant au Niger qu’au q Nigeriaa. Mes touttes premières baatailles furennt Crénoua,, près de Maïduguri, M aau N Nigeria ; Kaangarwa, au Nigeria tou ujours ; Melewa, près dde G Gueskerou, au a Niger. J’aai incendié des d voitures, tuer des genns 14 4

Située à envirron 1,5 km de B Bosso, au Nigerr, Mallam Fatorri est la principaale viille-garnison du u Nigeria, sur laa frontière comm mune entre les deux pays.

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pendant ces batailles. Sous la conduite de notre commandant Goni Ari, on a contraint l’armée nigériane à la fuite lors de ma troisième bataille, près de Maïduguri. Nous étions complètement possédés, quand on montait au front. Notre commandant nous galvanisait en criant : allez-y au feu, ne craignez pas la mort. Et effectivement, on ne craignait rien. À Gashagar, on a mis l’armée nigériane en déroute et on a récupéré tout le matériel qu’elle a abandonné. L’ensemble de ce matériel militaire sophistiqué a été convoyé dans le lit du Lac Tchad et mis entre les mains d’Aboucar Maïnok. La sixième bataille à laquelle j’ai participé fut celle de Tam15, près de Maïné-Soroa. On a été défaits par l’armée nigérienne et on a dû prendre la poudre d’escampette. Ensuite, j’ai participé, sous les ordres des commandants Ari et Ousmane, à la bataille de Ngagam. Nous étions à bord de cinq véhicules lourdement armés. Ce qui n’a laissé aucune chance à la position tenue par la gendarmerie nationale du Niger. On connait dans les détails les modes opératoires, les techniques de Boko Haram et même ses caches d’armes et de matériel. On peut donc aider l’armée nigérienne en lui donnant quelques astuces. Pour ma part, de guerre lasse, j’ai fini par ne plus avoir envie de continuer ce chemin-là. J’ai donc décidé de me rendre aux gendarmes à Maïné-Soroa. Ils m’ont ensuite transféré à Diffa où j’ai été intégré au programme repentir contre pardon ».

2.4 Boulama Bagalé : « On ne récupère les corps des nôtres tombés aux combats qu’en cas de victoire militaire » Il faut sans doute l’avoir directement vécu de l’intérieur pour le savoir : Boko Haram n’a pas beaucoup de considération pour les corps de ses combattants morts aux combats et ses chefs sont les premiers à prendre la poudre d’escampette lorsque la bataille tourne mal. 15

Tam est un petit village près de Maïné-Sora, à environ 1300 km au sud-est de Niamey, sur les rives de la Komadougou Yobé, cours d’eau servant de frontière naturelle entre le Niger et le Nigeria.

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« Je le dis en toute sincérité : Boko Haram est arrivé dans mon village à Boula Biri, sur la Komadougou- Yobé. Ils ont fait un prêche et j’ai été immédiatement converti. Je suis un combattant de base qui a participé à six batailles sanglantes au Niger et au Nigeria. On sait être sans pitié, envers nous-mêmes. Lors des briefings qui précèdent les attaques, on nous dit : quand un de vos camarades tombe sur le front devant vous, prenez seulement ses effets, dont son arme, ne faites pas attention à son corps. On nous dit également de ne jamais avoir peur, nous sommes les soldats de Dieu. On ne récupère les corps des nôtres qu’en cas de victoires militaires. Dans le cas contraire, on les abandonne à leur sort. Tout le butin de guerre est remis au caïd, qui est lui-même sous l’autorité du Fia. Au Niger, j’ai attaqué Ngagam une fois et Gueskérou deux fois. C’est une question de stratégie de combat : on ne dit jamais aux combattants que nous irons attaquer Ngagam par exemple. Au mieux, en partant du Nigeria, on peut dire que la cible se trouve au Niger. Lors de la bataille de Ngagam à laquelle j’ai participé, on a pris le dessus sur la position de l’armée. On a alors pu récupérer une importante quantité d’armes et de munitions. Ce butin de guerre a été convoyé dans le lit du Lac. Exactement à l’endroit où nous avons enterré une bonne partie du matériel de guerre pris aux armées régulières. L’armée nigérienne a réussi à détruire une partie du matériel que nous avons enlevé grâce à des bombardements aériens. Lors de la bataille de Gueskérou, j’ai été blessé au pied et je porte aujourd’hui encore les séquelles de cette blessure. L’engagement dans Boko Haram fut une grave désillusion pour moi. Non seulement je n’ai pas reçu les soins appropriés après ma blessure, mais j’ai découvert que les chefs ne voulaient pas prendre de risques pour leur vie. Ils préféraient nous envoyer au contact du feu et ils étaient les premiers à replier quand sonne la déroute. Progressivement, j’ai perdu foi dans ce que je faisais dans les rangs de Boko Haram. J’étais dans cet état d’esprit lorsque j’ai appris que le gouvernement du Niger venait de lancer le programme repentir contre pardon. J’ai donc saisi la balle au bond et je me suis enfui. Je suis d’abord arrivé dans le village de Djallori, sur la frontière entre le Niger et le Nigeria. 31

J’ai ensuite continué à Bosso pour me présenter aux autorités. Mon père vit actuellement à Toumour alors qu’une autre partie de ma famille s’est installée à Diffa. Je ne sais pas comment tout ce monde va m’accueillir si je venais à sortir de ce centre pour repentis de Goudoumaria. Serais-je le bienvenu ? Serais-je ostracisé ? Ces questions hantent quelques fois mon sommeil ».

2.5 Alhadji Moussa : « J’ai appris à monter et démonter des AK 47 dans les rangs de Boko Haram » Dans le lit du Lac Tchad, Boko Haram dispose, sur plusieurs îles, des centres d’instruction militaire. Les nouvelles recrues y sont accueillies pour apprendre le maniement des armes individuelles ou collectives. Portée par des méthodes rigides, la formation militaire ne met pas la secte à l’abri de cuisantes défaites. « Depuis plus de sept ans, je quitte chaque année momentanément Mallam Fatori, au Nigeria, pour m’installer à Jellouam, dans le lit du Lac Tchad où se trouve mon champ. C’est là que mes amis étaient venus me chercher pour m’enrôler dans les rangs de Boko Haram. Au début, ils effectuaient des va-et-vient en me racontant leur changement de vie. Ils ont insisté pour me convaincre en expliquant qu’avec Boko Haram j’ai la garantie de gagner plus d’argent qu’en cultivant la terre. Dans les rangs du mouvement, j’ai d’abord passé deux années sur l’île de Fe Ndondi16. Mais c’est sur l’île de ToumbounJacki17 que j’ai reçu ma formation militaire. Il y a là des endroits aménagés spécifiquement pour la formation de nouvelles recrues. Mon instructeur militaire s’appelait Baana. Un homme sévère et rigide. Nous avons été initiés aux armes individuelles et aux automitrailleuses. Pour moi, un fusil de 16

En langue kanouri, Fe Ndondi veut dire la vache malade. La plupart de petites îles du lit du Lac Tchad portent le nom d’un animal ou d’un produit alimentaire. 17 Toumboun Jacki est une expression en langue haussa qui veut dire l’île de l’âne.

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type AK 47 n’a aucun secret : je peux le mettre en pièces et le remonter. Mieux que cela, on nous apprenait surtout à le démonter et le remonter en un temps record. L’instructeur donnait le top chrono et on se mettait à démonter et remonter nos armes. Gare aux derniers de l’exercice ! C’était une vraie instruction militaire : on faisait régulièrement des séances de tirs à balles réelles. Chaque combattant avait devant lui une cible qu’il devait atteindre. Chaque cartouche tirée à côté de la cible entraînait dix coups de fouet pour la recrue. On s’appliquait beaucoup pour échapper aux sanctions. Juste à la fin de ma formation, j’ai été mobilisé pour mener ma première attaque contre Gashagar sous les ordres de Goni Ari. J’ai ensuite participé à la bataille de Kangarwa. Certaines des batailles furent très difficiles. J’ai perdu des camarades, surtout parmi ceux qui venaient de sortir de la formation militaire. J’ai aussi tué des gens. Un jour, j’ai fait mon examen de conscience et je me suis aperçu que je n’avais pas, au bout de deux ans, gagné la fortune qui m’avait été promise et qui était la seule motivation de mon engagement. J’ai donc commencé à réfléchir à ma désertion. Quand j’ai appris que le Niger accueillait des repentis à bras ouverts, j’ai décidé de saisir ma chance. Toutefois, je butais sur la manière et le moment de partir. Un jour, j’ai été chargé d’une mission tout seul d’un Toumboun à un autre et j’ai profité pour m’enfuir et me rendre aux autorités nigériennes ».

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Chapitre 3 Règlements de compte internes, désillusions et dérives de la secte Qu’ils aient rejoint Boko Haram volontairement ou qu’ils aient été embrigadés de force, tous les repentis rencontrés dans le cadre de la rédaction du présent ouvrage décrivent une situation interne au mouvement caractérisée par la violence inouïe, les règlements de compte, les querelles de leadership. Ils racontent surtout avec de nombreux détails le sort peu enviable réservé aux jeunes filles et aux femmes embrigadées par la force. Mêlant amertume, colère et déception certains récits donnent froid dans le dos.

3.1 Abba Adji Mani : « Je préfère dorénavant les infidèles à Boko Haram qui est une énorme escroquerie morale » L’aventure dans les rangs de Boko Haram a tourné à la parfaite désillusion, voire au cauchemar pour de nombreux repentis. Signe de cette totale amertume envers la secte, certains disent désormais lui préférer ceux qu’ils qualifiaient hier seulement d’infidèles. « Mon engagement dans Boko Haram est un pur hasard. De mon village, j’étais revenu à Abadam Farança18 pour chercher mes affaires. C’est sur le chemin du retour que je suis tombé sur les gens de Boko Haram. J’ai été immédiatement enrôlé avec une double assignation : étudier le Coran et aller au combat. J’ai attaqué trois fois Kangarwa. La première fois, c’était sous les ordres d’Aboucar Maïnok. Avant l’attaque, il avait un prêche 18

La petite ville du même nom existe des deux côtés de la frontière nigéronigériane. Pour les distinguer, les habitants ajoutent Farança qui veut dire française, donc la ville du côté nigérien.

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pour nous dire : la vie d’ici-bas ne vaut rien. Vous êtes ici pour combattre les soldats infidèles. Malgré cette exhortation, on a été défaits par l’armée nigériane : ce fut la débandade dans nos rangs. Il faut dire que la puissance de feu du camp d’en face était supérieure à la nôtre ce jour-là. Ma deuxième bataille a également été une déroute à laquelle j’ai survécu avec seulement une petite poignée de combattants. J’étais pris dans cette spirale d’attaques/défaites lorsque j’ai appris par un parent que le Niger venait de lancer le programme repentir contre pardon. Un des nôtres du nom de Ba Koura a ensuite téléphoné pour nous convaincre de nous rendre aux autorités nigériennes, assurant que rien ne nous arriverait. Il disait alors qu’on allait être conduits à N’Guigmi et ensuite entendus par les autorités avant d’être remis à nos familles respectives. Après nous être faufilés dans les buissons, nous étions arrivés à N’Guigmi d’où on a été conduits au centre de transit de Diffa puis à Goudoumaria. Mon rêve le plus cher aujourd’hui, c’est de retrouver les miens à Garin Wanzam19. Je préfère, après ce que j’ai vécu, les infidèles à BokoHaram qui est une énorme escroquerie morale ».

3.2 Moustapha Kallé : « J’ai juste reçu une injection de paracétamol dans le dos après l’amputation de ma main » Le risque zéro n’existe pas dans les rangs de la secte : même si vous ne partez pas aux combats, il peut vous arriver le pire des malheurs. Votre vie peut être brisée par un acte de folie d’un chef après un procès pour la forme. « J’étais déjà dans le lit du Lac Tchad quand Boko Haram est arrivé. Ils m’ont embrigadé et m’ont affecté à la production 19

Ce petit village sur la route nationale N°1, distant d’environ 40 km de Diffa, a vu sa population augmenter de 500% avec l’arrivée massive de réfugiés du Nigeria et des déplacés internes du Niger.

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agricole et à la couture des uniformes pour les combattants. De mon passage dans le mouvement, je n’ai participé qu’à une seule bataille : c’était contre la ville-garnison de Bosso, au Niger. Ma vie dans le mouvement a très vite tourné au cauchemar. Un jour, un de nos chefs m’avait envoyé chercher des effets dont deux bidons de pétrole. J’ai réussi à ramener ces deux bonbonnes, mais l’autre partie des biens avait disparu, emportée par quelqu’un. Quand j’ai rendu compte au chef, il a estimé que j’étais entièrement responsable de la partie restante de ses biens. Il a demandé au Caïd20 de me faire juger. Lors de mon procès, j’ai donné ma version des faits, mais le juge n’a pas reconnu mon innocence. J’ai écopé de l’amputation de la main pour vol. Ils ont immédiatement coupé ma main. J’ai juste reçu une injection de paracétamol dans le dos après l’amputation de mon bras. Cet acte a brisé mon moral et m’a convaincu de quitter pour de bon le mouvement. J’étais là à tourner en rond sans être ni dans le mouvement ni en dehors. Finalement, comme ils n’avaient plus vraiment grand besoin de moi, j’ai fini par m’installer dans un petit village dans le lit du Lac Tchad. C’est là qu’un avion est venu jeter des tracts appelant les combattants à déserter les rangs de Boko Haram, en leur promettant le pardon contre le repentir. J’avais déjà entendu parler de cette initiative du gouvernement nigérien en écoutant la radio. J’ai donc fini par m’enfuir pour me rendre aux autorités en passant par Toumour et Bosso ».

3.3 Arimi Kollo : « Boko Haram m’a promis le paradis, mais j’ai découvert l’enfer dans ses rangs » Certains ex-combattants appréhendent le retour auprès des leurs après le passage par le programme repentir contre pardon. Vont-ils être accueillis à bras ouverts ? Vont-ils pouvoir convaincre leur entourage de ce qu’ils étaient dans le mouvement, mais n’ont rien fait de pire ? 20

Dans la hiérarchie de la secte, le Caïd est une sorte de chef de bataillon, en dessous du Fia, qui est lui une sorte de chef d’état-major.

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« C’est un ami d’enfance qui m’a convaincu de rejoindre Boko Haram. Il m’a assuré qu’en rentrant dans les rangs du mouvement j’aurai l’argent et le paradis. Je suis donc parti dans Boko Haram surtout pour chercher le paradis, moi qui suis tant attaché à la religion. Mon atterrissage dans les rangs fut brutal. En effet, à peine arrivé, je découvre que la pratique de l’islam n’est pas rigoureuse ; que des gens prenaient des libertés avec les horaires de prière, que les lieux de prière étaient sommairement aménagés. En fait, je découvre que l’islam était bafoué. Pire, je deviens témoin de comportements qui jurent avec des valeurs de l’islam consignées dans le Saint-Coran : le caractère sacré de la vie humaine; l’équité, la justice. Moi, j’étais très proche des commandants de Boko Haram et je voyais directement les dégâts qu’ils faisaient faire : des innocents égorgés au couteau ; des maisons incendiées ; des villages pillés. Dans les rangs de Boko Haram, nous étions plus proches de l’enfer que du paradis. Mais comme pour moi, la difficulté pour de très nombreuses personnes c’est comment sortir des rangs du mouvement sans dégâts. Je suis sûr qu’il y a actuellement des milliers de combattants qui cherchent à quitter les rangs du mouvement, mais ne savent pas comment s’y prendre. Ils sont même pris entre deux feux : à Boko Haram, toute idée de désertion est punie de la peine de mort ; si tu es pris par les armées du Cameroun, du Niger, du Nigeria ou du Tchad tu es un combattant de Boko Haram qui mérite le châtiment prévu pour terrorisme. Moi, je peux dire que j’ai eu de la chance. Un jour, mon père m’a appelé pour me dire qu’il me maudissait à jamais, si je ne revenais pas à la maison. Grâce à Dieu, au même moment le gouvernement nigérien venait de lancer le programme repentir contre pardon. J’ai donc sauté sur l’occasion pour me présenter aux autorités coutumières qui m’ont ensuite confié aux autorités administratives. J’attends que vienne le jour où je retournerai auprès des miens ».

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Malgré ce contexxte de tueries eet d’insécurité, il M i existe des sign nes d’espoir : ssur ceette image, on n voit des enfaants qui se ba attent pour con ntinuer d’allerr à l’’école…

33.4 Mohameed Sarki Ab Abdoulaye : « Les filless enlevées soont venduees comme eesclaves aux x combatta ants » L’enlèvementt dans la nuiit du 14 avrill au 15 avrill 2014 de prrès L d 276 jeuness lycéennes à Chibok, da de ans le nord-eest du Nigeriia, avait suscitéé une émottion planéta aire et une mobilisatioon g générale pour les retrouvver. En réallité, presquee chaque jouur, B Boko Haram m enlève dess dizaines de d jeunes filles fi qui soont ennsuite embriigadées pourr être vendu ues comme esclaves e à de des coombattants. Après un ttravail d’end doctrinement poussé, unne autre partie de d ces jeunees filles est envoyée e com mme kamikaze zes pour commetttre des attenttats-suicidess. « Au commen ncement, c’éétait mes amiis qui avaien nt rejoint Bokko H Haram. Et pu uis, un jour ills sont venuss de Leyleyw wa, au Nigeriia, m chercher. Pour eux, coomme j’étais déjà chauffeeur, je pouvaais me êttre d’une trèès grande utiilité pour le mouvementt. Ils n’avaieent pas mis en avant a l’idéollogie religieeuse pour me m convaincrre, 39

mais plutôt laa très grandee opportunitéé de se fairee des sous. C m Ce q était pour moi une raisson suffisantte. Dans les rangs qui r de Bokko H Haram, j’étais tantôt chauuffeur de pirrogues à motteurs que nouus u utilisions pou ur nos attaquees sur l’eau ; tantôt comb battant armee à laa main. Dans mon prremier rôle, iil m’est très souvent arrrivé d’attenddre D m camarad mes des partis à l’assaut au bord de l’eaau. Dès qu’iils reeviennent, jee les embarqque avec ma m pirogue à moteur pou our prendre le large. J’ai pparticipé à de nombreuses bataillles saanglantes et j’ai tué beauucoup de gen ns. Ma prem mière bataillee a euu lieu dans la forêt dee Sambissa.. J’ai ensuitte attaqué lles v villages de Gonimi, G de M Mallam Bita,, de Djallori, tous près dde M Maiduguri. En E 2016, j’aii participé à la mémorab ble bataille dde T Toumour. No ous étions dirrectement veenus, lourdem ment armés, dde S Sambissa pou ur cette bataillle qui a duréé une demi-jo ournée.

Toumour, ville martyre, à prèès de 1500 kilo To omètres au sud d-est de Niameey, atttaquée au moiins dix fois parr Boko Haram m, a vu sa popu ulation passée de 50000 à 50000 ha abitants.

Pendant toutees mes annéées dans Bo P oko Haram, je suis ressté coombattant saans grade. A Avant d’allerr au front, les l chefs nouus v vantent la po ossibilité d’aaccéder au paradis p en y laissant nottre v Ils rappeellent égalem vie. ment quelqu ues versets du Coran qqui 40

peuvent nous être utiles. Parfois, il y avait deux consignes claires qui étaient données : ne jamais reculer face à l’ennemi et enjamber le corps d’un camarade qui tombe devant vous sans jamais chercher à le récupérer. En cas de victoire militaire, on revient récupérer les corps de tous les nôtres qui ont été tués aux combats. Il est bon de préciser que chaque attaque importante est généralement précédée d’un travail de repérage. Des éclaireurs sont envoyés dans la ville ciblée l’après-midi ou la nuit. Lorsqu’il s’agit d’une caserne, le repérage porte, outre la localisation géographique, sur le positionnement des engins de guerre ; le nombre de portes du casernement ; le nombre de sentinelles au poste de garde. Nous avons besoin de toutes ces informations pour contourner l’adversaire et le prendre à rebours. Le jour J, on cherche avant toute chose à provoquer une forte explosion qui va créer la panique. On profite alors pour gagner du terrain dans le casernement attaqué. On réalise même des vidéos de nos attaques que des combattants envoient en temps réel. Le matériel récupéré lors de ces attaques est habituellement ramené directement à Shekau. C’est lui qui décide de donner une partie à celles des unités combattantes qui n’en ont pas assez. Une autre partie est habituellement redonnée aux combattants pour qu’ils changent leurs fusils devenus trop obsolètes. Quand on récupère des espèces, on ne sait pas quoi en faire : à vrai dire tout devient opaque dès qu’il s’agit d’argent, même dans les rangs de Boko Haram. On donne quelques billets à des camarades nécessiteux, le commandant prend quelques autres billets et le reste disparait. Quand on enlève les filles et les femmes, elles sont ramenées sur les territoires que nous contrôlons puis parquées à un endroit défini par les chefs. Certains combattants sont autorisés à en épouser. D’autres filles sont vendues comme esclaves à des combattants par l’émir. Quand un combattant achète une fille comme esclave, il en dispose à sa guise : elle travaille pour lui, lui fait à manger, lave ses vêtements… Et il peut la violer quand il veut. Nous étions dans cette ambiance quand j’ai appris à la radio que le Niger 41

vvenait de lanccer le prograamme repentiir contre pardon. J’ai donnc préparé mon plan d’évaasion. Pour cela, j’ai attendu a d’êttre affecté à unee corvée de pêche avecc d’autres peersonnes pou our prendre la po oudre d’escaampette. Je me m suis d’ab bord rendu aau chhef de canton n de N’Guiggmi qui m’a ensuite e remiss aux autorittés coompétentes. J’attends ddu gouverneement nigérrien qu’il m me d donne, à ma sortie de Gooudoumaria, une aide qu ui me permettte d démarrer un petit coommerce. Moi, de M je suis Boudouma221, q quelle que soit s la gravvité de ce que j’ai faait, les mienns m m’accepteron nt. Aujourd’hhui, si je rettournais auprès des mienns q vivent au qui u Niger et au Tchad, je j serais accueilli à brras ouverts. Bok ko Harma ffut un accident de laa vie et unne parenthèse ».

Certains jeunes ont rejoint Booko Haram non C n pas adhésion n à son idéologgie reeligieuse, mais par p pur appât ddu gain facile.

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Le Boudoumaa est un des 8 groupes ethno olinguistiques nigériens n avec le haaussa, le Zarmaa, le Touareg, lee Peuhl, le Kano ouri, l’Arabe ett le Gourmantchhé. L populations Boudouma vivvent dans le litt du Lac Tchad Les d et sont repartiies enntre le Niger, le l Nigeria, le T Tchad et le Cam meroun. On dén nombre un gran and noombre de com mbattants de Booko Haram app partenant à l’etthnie Boudoum ma, saans qu’elle ne soit forcément nt réputée pourr son engagement religieux. L La m marginalisation des Boudoum ma dans les paays où ils viveent semble avooir enncouragé leur adhésion a à Bokoo Haram.

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3.5 Alhadji Kollo Alhadji Ali : « Tous les soirs, j’entendais les cris de détresse des femmes violées » De guerre lasse, il arrive, comme dans le cas présent, que les combattants de Boko Haram se rendent directement à l’armée nigérienne. Ils sont alors confiés aux autorités administratives pour rejoindre le programme repentir contre pardon lancé en décembre 2016 par le gouvernement nigérien. « Au début, les gens de Boko Haram venaient dans mon atelier de couture pour des retouches. Un jour, l’un d’entre eux a dit : l’idéal, c’est de l’emmener avec nous, comme cela il pourra faire ce travail en permanence. J’ai tout de suite marqué mon hésitation, expliquant que j’avais des commandes que je n’ai pas honorées, mais, que j’avais également des contraintes familiales. Un des chefs du groupe qui était venu me voir m’a apostrophé en ces termes : quoi ? Tu refuses de venir faire le travail de Dieu ? Si jamais tu persistes à refuser de venir travailler pour Dieu, nous allons t’infliger la sentence prévue dans ce cas de figure. J’ai compris que je ne pouvais pas ne pas y aller. J’ai donc été engagé avec le groupe. Direction : Damasak, une ville-garnison arrachée à l’armée nigériane. Après Damasak, on m’a amené sur le front sud. Il faut dire qu’entretemps, l’armée fédérale était venue rependre Damasak. Nous étions donc repliés dans le lit du Lac Tchad. Ma spécialité m’a protégé et les chefs ont préféré me confier la couture de leurs habits, celles de leurs femmes et enfants plutôt que m’envoyer au combat. Pour autant, je n’ai pas échappé à l’horreur. J’ai assisté en direct à des exécutions sommaires de personnes innocentes ; des gens ont été égorgés devant moi. Des femmes enlevées ont été mariées de force à des commandants ou à des combattants sans grade qui les ont violées. J’entendais tous les soirs les cris de détresse de ces femmes auxquelles on imposait des relations sexuelles non consenties. J’avais atteint la limite du supportable lorsque j’ai appris que le Niger accueille ceux des combattants qui se rendent. Un soir, j’ai rassemblé mes quelques affaires, en tâchant de n’éveiller aucun soupçon. J’ai ensuite attendu le 43

moment oppo m ortun pour m me barrer. J’ai marché de d nuit en m me caachant et en n prenant ddes chemins détournés pour p arriver à T Toumour. Làà, je suis aallé moi-mêm me me rend dre à l’arméée n nigérienne. Les L militairess m’ont amené chez le chef c de cantoon q m’a remis à son tourr au préfet pour me transsférer à Difffa. qui A Aujourd’hui, je ne suis ni tailleur, ni combatttant de Bokko H Haram. Je su uis un homm me qui a to out perdu. Jee ne demandde q qu’une chosee : avoir unee seconde ch hance et refaaire ma vie aau m milieu des miiens ».

Rien n’est simple pour les popuulations qui doivent parfois reechercher le jusste m milieu pour su upporter la prression des Etats, E qui dem mandent plus de coollaboration, ett échapper aux représailles de Boko Haram.

33.6 Moustap pha Aboub bakar : « Jee suis un dees tout p premiers dééserteurs dee Boko Harram » Ce que nous avons trouvvé dans les rangs C r de Bok ko Haram nn’a riien à voir avec les valeurrs de l’islam : de nombreeux repentis een arrrivent à ce constat c sans appel. Perso onnes innocentes égorgéees, pauvres citoy yens racketttés, femmes violées… Les pratiquues

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quotidiennes de la secte sont aux antipodes des valeurs de l’islam dont elle se réclame. « Ce fut une désertion de masse : nous étions treize personnes à fuir les rangs de Boko Haram le même jour au même endroit. Il y avait avec moi un ami, sa femme, ses enfants ; moi-même, mes deux épouses, mes enfants. Nous nous sommes faufilés pendant deux jours avant d’arriver à Toumour pour nous rendre aux autorités traditionnelles qui nous ont remis au préfet du département. C’est lui nous a amenés jusqu’à Diffa où, après interrogatoire, nous avons été conduits au centre de transit. Après cinq mois de présence dans le centre de transit où on se tournait le pouce à regarder la télévision, nous sommes arrivés ici à Goudoumaria. Les gens continuent d’arriver et nous avons, à présent22, nous avons dépassé 220 repentis. Certaines familles se sont agrandies ici, les femmes qui avaient déserté déjà enceintes ont fini par accoucher dans le centre. Dès que nous avons appris l’existence du programme repentir contre pardon, nous avons souhaité en bénéficier. Nous demandons pardon à la communauté nationale pour tout ce que nous avons pu faire. Nous demandons également pardon aux nôtres. Nous avons cédé au discours sur la défense et l’illustration de l’islam. Mais, ce que nous avons trouvé dans les rangs de Boko Haram n’a rien à voir avec l’islam. On a égorgé des innocents, on a dépouillé les gens de leurs biens légitimes, on a brisé des familles. À présent, tout le défi pour nous c’est de trouver une vie normale. Visiblement, on est très loin du compte ».

3.7 Goni Madou : « Sur ordre du Walli, ma main a été amputée et plongée dans l’huile bouillante » Réputée pour ses méthodes violentes envers les forces de défense et de sécurité de la sous-région tout comme les populations, Boko Haram est également sans pitié avec ses propres combattants. À la suite des procès expéditifs, des

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L’enregistrement a lui-même eu lieu en juillet 2018.

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repentis ont quitté la secte avec la main amputée. Leurs témoignages donnent froid dans le dos. « J’appartenais à une unité combattante sous les ordres de Baba Gana et j’étais affecté à Kayowa [petit village du Nigeria, non loin du lit du lit du Lac Tchad]. J’ai participé à de très nombreuses attaques avant d’être affecté à la surveillance d’un dépôt de carburant qui était normalement exclusivement réservé aux opérations militaires. Quelques combattants étaient venus se servir pour leur usage personnel. Après, les commandants sont venus me voir pour me demander où est passée la partie manquante du carburant. Je n’ai pas su répondre. Ils ont alors décidé de me tenir pour responsable de cette disparition et renvoyé devant un tribunal islamique interne. Le Walli [juge islamique] a estimé que j’étais de mèche avec ceux qui ont pris le carburant et a ordonné l’amputation de ma main. On a immédiatement coupé ma main avec un coupe-coupe. La partie encore sanguinolente a été brutalement plongée dans de l’huile bouillante. On l’a ressortie ensuite pour me mettre un simple bandeau. Que pouvais-je alors faire d’autre que m’en remettre à mon sort ? Je suis resté dans la zone sous contrôle de Boko Haram, mais en tant que démobilisé. De temps en temps, des gens passaient devant chez moi et me prenaient en pitié : ils me donnaient alors un peu d’argent qui m’aidait à vivre et à acheter les médicaments. Malgré l’amputation de ma main, j’ai failli aller au combat à Abadam Farança, mais la douleur était tellement vive que j’ai dû y renoncer. Pour mon plus grand malheur, la femme avec qui j’ai eu un enfant dans les rangs de Boko Haram m’a quitté après l’amputation de ma main. Elle est finalement restée dans le lit du Lac Tchad alors que moi j’ai dû revenir dans mon village, abandonné par Boko Haram que j’ai servi corps et âme. C’est dans mon village que j’ai appris que le Niger propose le pardon contre le repentir. J’ai donc pris le chemin de Toumour où j’ai retrouvé mon frère qui m’a remis aux autorités. D’abord au chef traditionnel de Toumour qui m’a ensuite amené à Diffa. À présent que j’ai tout perdu, je n’ai qu’un seul espoir : bénéficier d’un capital et d’une formation professionnelle de la part des 46

autorités nigériennes pour me lancer dans des activités commerciales. J’appréhende la rencontre avec les miens qui sont dans un petit village du nom d’Issari, près de Damaturu, au Nigeria. Pour tout vous dire, je préfère tourner la page et m’installer pour le restant de ma vie ici au Niger ».

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Chapitre 4 Le business de la guerre Comme ailleurs en situation de conflit, une vraie économie de la guerre s’est installée dans les zones épicentres des activités de Boko Haram. Des citoyens camerounais, nigériens, nigérians ou tchadiens achètent à Boko Haram son butin de guerre et fournissent en retour au mouvement du carburant, des pièces détachées pour automobiles, de la nourriture et même des médicaments. À en croire les différents récits regroupés dans ce chapitre consacré à l’économie de guerre de la secte, il existe même des commerçants spécialisés dans les échanges économiques avec Boko Haram. Ceux-là n’ont pas forcément intérêt à ce que leur business s’arrête.

4.1 Moussa Sani : « Les morts aux combats n’ont pas droit au butin de guerre » Les attaques de Boko Haram font l’objet d’une préparation minutieuse et le choix de la cible est visiblement entouré du plus grand secret. À chaque opération, le butin de guerre est distribué selon une clé de répartition décidée par les commandants de la secte qui excluent les morts aux combats. « Avant toute opération militaire sur le terrain, chaque commandant va prévenir le chef de section placé sous ses ordres : prépare-toi, nous allons attaquer une cible. Consigne est ensuite donnée aux chefs de section de ramener tel nombre de combattants, tel nombre de voitures à tel village qui est le point de ralliement. Le jour J, toute la troupe se rassemble sur le lieu choisi pour le briefing d’avant opération. Les éléments de langage du commandant de l’opération sont habituellement les mêmes : aujourd’hui nous allons mener une attaque d’envergure ; sachez que vous vous battez pour Dieu que vous irez au paradis en mourant. Ce n’est qu’à quelques kilomètres du 49

village cible qu’on vous en révèle le nom, le lieu et souvent la caserne à attaquer. Il arrive que la consigne soit donnée de ne faire aucun mal aux habitants et de ne s’intéresser qu’au butin de guerre. En cas d’attaque d’une caserne militaire, les consignes sont différentes : il est alors demandé à chaque chef de section d’attaquer le cantonnement de l’armée par le nord, l’est, le sud et l’ouest afin de jouer totalement l’effet de surprise. C’est le commandant de l’opération qui donne l’estocade alors que le reste de la troupe avance sur trois fronts. On avance ainsi sous le déluge de feu. Deux cas de figure peuvent se présenter : les militaires de l’armée régulière plient sous notre puissance de feu et abandonnent leur position ; nous faisons face à une résistance farouche qui nous empêche de progresser. Dans la première situation, nous occupons la position abandonnée par les militaires. En revanche, lorsque nous sommes mis en échec, nous replions en entendant la formule consacrée et connue de tous qui vaut ordre de prendre la fuite. En cas de succès militaire, le commandant évalue la valeur du butin sur lequel nous venons de mettre la main. Suivant une clé de répartition, les biens pris sur le champ de bataille sont distribués. Au début du mouvement, les biens, autres que l’argent, étaient rachetés par le commandant opérationnel. Ce qui permettait d’avoir des espèces à distribuer aux combattants. Mais cette pratique a été progressivement abandonnée parce qu’elle était devenue une pomme de discorde entre les chefs. Finalement, on est arrivé à la situation où on estime sur place le butin puis on le divise par le nombre de combattants qui ont pris part à l’attaque. Les morts ne sont pas pris en compte dans le partage, mais les blessés, y compris les plus graves, ont droit à une part ».

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44.2 Moustap pha Kollo A Awiriri : « Boko Hara am a d développé une u stratégiie d’autosu uffisance su ur tous les p plans »

Boko Haram a in B nstauré une divvision de travaill dans ses rangss avec l’existennce dee différents corp rps de métier : infirmiers, méccaniciens, trava ailleurs agricole les, baanquiers… .

SSelon son objjectif, une aattaque de Boko B Haram peut viser lles m médicaments, la nourrituure, le carbu urant… Pourr la secte, soon autosuffisancee en tout ge genre est un enjeu de to oute premièr ère im mportance. À cela s’ajouute la volontéé du mouvem ment djihadisste d disposer dee tous les corrps de métier dans ses ra de angs. « Certaines attaques a auxxquelles j’aii participé sont s puremeent thhématiques. Par P exemplee, on monte une u opération n armée conttre u un village uniquemennt pour nous n approv visionner een m médicaments ou en nouurriture. Pou ur l’approvisionnement een m médicaments, , on nous doonne une co onsigne clairre : n’attaqueez q que l’hôpitall ou le disppensaire, maais ne touchez pas à la population. Nous N avonss ainsi des groupes spécifiquemeent affectés à l’attaque des déépôts de méd dicaments.

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Quand il s’agit d’une opération de récupération de la nourriture, outre les véhicules des combattants, nous partons avec une ou deux voitures vides pour charger les produits alimentaires que nous aurons récupérés à la population. Dans ce cas précis, les éléments chargés d’attaquer les villages doivent en être des ressortissants. Ils connaissent les dépôts de nourriture dans les villages, comme ils connaissent aussi les maisons des hommes d’affaires qui sont dans le business de l’alimentation. En interne, nous pratiquons également des activités agricoles pour sécuriser l’alimentation de notre mouvement. Cette stratégie est complétée par le renforcement des corps de métier à l’intérieur de Boko Haram. Dans nos rangs, vous trouvez des infirmiers professionnels qui nous ont rejoints ou que nous avons formés ; des mécaniciens ; des chauffeurs-livreurs… Pour assurer la relève de ces professionnels qualifiés, nous mettons à leur disposition des enfants auxquels ils transmettent leur savoir-faire. Quand on a un excellent infirmier ou un mécano professionnel, on met vingt enfants à sa disposition. Résultat, nous réparons nous-mêmes nos véhicules ; nous soignons nous-mêmes nos blessés. S’agissant des pièces détachées, nous avons des correspondants dans les villes qui nous aident à en acquérir. On indique à ces correspondants-là les types de véhicules, la nature de la pièce de rechange. À Maïduguri [capitale de l’État du Borno au nord-est du Nigeria], à Gaïdam-Tchoucou [ville moyenne du Nigeria sur la frontière avec le Niger], à Diffa [capitale de la région est du Niger], nos correspondants s’occupent de nous trouver les pièces dont nous avons besoin. Très souvent, nous utilisons ces pièces pour remettre en état de marche les véhicules que nous avons pris aux armées des pays du bassin du Lac Tchad [Cameroun, Nigeria, Niger et Tchad]. »

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44.3 Abou Yo oussouf aliaas Ali Boullama Yassine : « Il y a u peu parttout dans laa région des gens spéccialisés danns un l’’achat de notre n butin de guerre »

Une économie de U d la guerre s ’est installée dans d la région, permettant à la seecte d’écouler facilement f son bbutin de guerree.

Avec ses acteeurs qui achhètent à la secte A s son butin de guerrre, l’’économie dee la guerre toourne à plein n régime et fait f le bonheuur d grands chefs des c de la secte tout comme c la satisfaction ddu coombattant dee base. « J’étais à Gaadira, village carrefour du u lit du Lac Tchad, T lorsquue B Boko Haram est arrivé. M Moi, je n’étaais ni dans l’apprentissagge d Coran, ni dans la prooduction agriicole pour lee mouvemennt, du m mais dans less batailles m meurtrières. Nous N avons une structuure m militaire bien n établie : chhaque comm mandant de seection est à la Ce sont cces têête d’un groupe de cinnq à dix combattants. c g groupes-là qu ui mènent lles attaquess contre les villes et lles caasernes. Voiici comment s’organise l’attaque d’un ne ville : vouus appprochez dee la ville en voiture ; en nsuite vous en e sortez pou our avvancer à pieed en vous dispersant par p petits groupes afin dde prendre toute la ville en ttenaille. Quaand la bataille tourne maal, 53

c’est le sauvee-qui-peut géénéral. En caas de victoiree, on fait maain basse sur toutt ce qui a dee la valeur. Si S vous metteez la main suur d cash, le co du ommandant vous le distrribue imméd diatement. L Les auutres biens sont s vendus par les comm mandants à des d opérateuurs écconomiques connus. Danns la section n à laquelle j’ai j appartennu, lee butin de gu uerre était diivisé en cinq q parts : une qui revient aau coommandant, les 4 autrees revendus pour p être redistribués auux assaillants. Seelon ton proffil, tu peux être ê affecté à la productioon aggricole, à l’enseigneme l ent religieux x, au comm merce pour le g groupe ou au ux combats aarmés. Moi, j’étais un fantassin f quii a participé à de nombreusess attaques.

Soouvent directem ment ramené à Shekau ou Al--Barnawi, le bu utin de guerre de B Boko Haram est partagé selon uune clé de répa artition bien préécise.

Progressivem P ment, j’ai ppris conscieence de l’iimpasse danns laaquelle je m’étais m enfeermé. J’ai continué à être dans le m mouvement to out en affinnant mon pla an d’évasion n. En tendaant l’’oreille à l’exxtérieur, j’aii appris que le Niger avait proposé auux coombattants le l repentir coontre le pard don en décem mbre 2016. JJe d préciser ici que Bokoo Haram a des dois d informateeurs habituells. C qui nous permet de nous tenir au courant quasiment een Ce teemps réel de d ce qui se passe dans d les pa ays que nouus 54

combattons. J’ai par ailleurs appris le lancement de ce programme à la radio. Et lorsque des avions sont passés audessus de la zone où je me trouvais pour larguer les tracts appelant à déserter le mouvement, j’ai fini par me convaincre que le moment était venu de partir. Ma désertion s’est faite en deux étapes : j’ai d’abord quitté le mouvement en marchant la nuit pendant trois jours. Ensuite, un des nôtres qui s’est enfui avant moi est allé chez le chef de canton de Bosso pour lui dire que j’étais prêt à me rendre. Ensemble, ils m’ont appelé et m’ont conseillé de me rendre aux autorités à Bosso et non à Toumour comme je l’avais initialement envisagé. On est ainsi arrivé à Ngagam près de Bosso d'où on a finalement appelé le chef de canton de Bosso qui a demandé de rester là où nous sommes. Il est effectivement venu nous prendre à cet endroit-là pour nous convoyer à Diffa. Après notre interrogatoire d’identification à la police, nous avons été conduits au centre de transit pour repentis de Diffa. Quelques semaines plus tard, nous étions arrivés ici même à Goudoumaria. Je forme le vœu que le gouvernement nigérien nous libère et qu’il nous permette de retourner auprès des nôtres. Si j’étais libéré demain, je retournerai à N’Guigmi auprès des miens ».

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4 Baba Ga 4.4 ana : « J’éttais le banq quier de Bo oko Haram »

Avant l’arrivée de Boko Haaram en 2015, Diffa conna aissait une vraaie prrospérité écono omique portée ppar la culture du poivron et la pêche dans le laac Tchad.

Dans le cad D dre de la ddivision du travail, Bo oko Haram a sppécialisé sess combattantts en produccteur agricolle, mécanicieen automobile, infirmier, i innstructeur militaire, m juge au tribunnal isslamique… Certains C com mme ce rep penti ont pou ur mission dde reenflouer les caisses de lla secte. Com mme ailleurss, l’argent eest icci aussi le neerf de la guerrre. « Je n’étais pas p particulièèrement porrté sur le fait religieux. JJe faaisais mes ciinq prières qquotidiennes, sans plus ! Je tenais unne boutique lorsq que Boko Haaram a conq quis mon village. Les cheefs d mouvemen du nt m’ont dem mandé de less suivre danss le maquis, cce q j’ai fait sans aucunne hésitation. Moi, je n’avais aucunne que assignation aux a combatss. Ils m’ont demandé de d continuer à mmerce. Je ppartais acheteer des biens au Niger et aau faaire mon com N Nigeria et jee revenais eensuite les revendre daans les zonnes occupées par Boko Haram m. L’argent que je faisaais appartenaait enn réalité à Boko Haram. Les chefs veenaient, puissaient dans m ma caaisse et disp posaient à leeur guise des recettes. Évidement É quue j’’en profitaiss pour me servir, mêm me si c’est contraire auux 56

enseignements du Coran que l’on prétendait défendre. J’ai continué ce business jusqu’au jour où j’ai fait mon examen de conscience. Je m’étais en effet aperçu que tout ce qu’on faisait n’avait rien à voir avec ce que l’on prétendait défendre : on rançonnait de pauvres gens ; on pillait ; on tuait des innocents… J’avais donc pris la décision de partir. En réalité, ce n’est pas décider de partir qui a été le plus difficile, mais comment partir, sachant que toute personne surprise en train de déserter est tuée sans aucune forme de procès23. Dans mon cas, comme j’étais le commerçant du mouvement, j’avais une mobilité plus aisée que celle des autres combattants. J’ai donc monté un plan, en prétextant un approvisionnement en marchandises. Après avoir emprunté un chemin détourné, je me suis retrouvé à Toumour chez le chef. C’est lui qui m’a remis aux autorités. Mon rêve, après cette expérience traumatisante, c’est de devenir transporteur. Transporter les gens d’un village à un autre, en demandant à chaque fois pardon à mes passagers pour ce que j’ai fait en rejoignant Boko Haram. Et comme j’ai été apprenti chauffeur dans une autre vie, je demande aux autorités de m’aider d’abord à passer mon permis de conduire ».

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Soupçonné d’avoir favorisé la désertion de plusieurs combattants, un chef traditionnel de Kanema, sur la frontière nigéro-nigériane, a été exécuté de nuit par Boko Haram. Un ex-combattant prénommé Abacar, Nigérien né au Cameroun, a subi le même sort de la part de la secte qui est sans pitié avec ses déserteurs et leurs complices présumés.

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Conclusion générale Certains d’entre vous regretteront, en refermant ce livre, de n’y avoir pas trouvé davantage de détails qu’ils espéraient sur la naissance de Boko Haram et les différentes étapes de son évolution. D’autres garderont un sentiment d’inachevé pour n’avoir obtenu toutes les précisions qu’ils escomptaient sur le programme nigérien repentir contre pardon. Pour légitimes qu’elles paraissent, ces attentes n’étaient pas le cœur du projet éditorial qui a abouti au présent ouvrage. Dès le départ, il s’agissait de raconter de l’intérieur le mouvement djihadiste nigérian hermétique et paranoïaque. Personne mieux que ses excombattants ne pouvaient s’adonner à cet exercice avec toutes les chances de plein succès. À la lecture des récits obtenus dans le Centre pour repentis de Goudoumaria, ce pari a été tenu. Forts de deux, trois, cinq voire sept années de présence dans les rangs de Boko Haram, les excombattants ont décrit jusqu’au plus petit détail la vie interne de la « Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest ». Il en ressort une série de fortes révélations sur la stratégie militaire du mouvement, ses caches d’armes dans le lit du Lac Tchad, la clé de répartition du butin de guerre ainsi que le traitement réservé aux éléments de la secte morts au combat. Le livre donne également à voir la face cachée de Boko Haram faite de brutalité inouïe envers ses propres combattants (mains amputées, coups de fouet, mains plongées dans l’huile bouillante…). Il confirme par ailleurs ce qu’on soupçonnait déjà : tous les combattants n’ont pas rejoint les rangs du mouvement djihadiste avec les mêmes motivations. Si certains sont devenus éléments de Boko Haram par adhésion consciente à son idéologie religieuse, d’autres, en revanche, y sont allés par purs calculs matériels. Entre ces deux catégories, on trouve d’autres personnes qui sont devenues combattants de la secte parce qu’elles se sont retrouvées un jour au mauvais moment et au mauvais endroit. 59

Mais un des plus grands mérite de cette plongée à l’intérieur de Boko Haram, c’est qu’elle permet de percer des mystères. En effet, on a toujours une grande peine à comprendre pourquoi le mouvement djihadiste cible particulièrement les jeunes filles et les femmes. Pourquoi, en dépit de la mobilisation et de l’émotion planétaire, les jeunes lycéennes enlevées en avril 2014 à Chibok n’ont jamais été toutes retrouvées ? Selon les nombreux témoignages de repentis rapportés dans ce livre, les jeunes filles et les femmes sont revendues comme esclaves à des combattants qui les emmènent avec eux au gré de leurs affectations sur les différents fronts. Ce qui amène à dire que des lycéennes de Chibok sont actuellement éparpillées au Nigeria, dans le lit du Lac Tchad, sans doute converties à l’islam pour celles qui étaient chrétiennes au moment de leur enlèvement. Les filles enlevées qui ne sont pas vendues sont « parquées » dans des endroits dédiés et à la disposition des commandants. On lira avec beaucoup d’intérêt, en annexe à cet ouvrage, le portrait d’Aboucar Maïnok, un des commandants de Boko Haram. À la fois craint et respecté, Maïnok est le stratège militaire du mouvement dans le lit du Lac Tchad. De nombreuses attaques spectaculaires de l’aile Al-Barnawi/Nur, y compris celle de Karamga en mai 201524 et celle de Bosso en juin 2016 au Niger, portent son empreinte. Versé en annexe, l’éclairage de Katzelma Mamadou Abba Kiari Katzelma Oumar, chef de canton de la Komadougou, apporte une excellente clé pour comprendre les liens séculaires entre Maïdiguri et la région de Diffa. En dépit de la séparation coloniale et de l’appartenance désormais à deux pays différents, Diffa et Maïduguri ont gardé des liens économiques, culturels et religieux. Le Shehu Borno, la plus haute autorité religieuse du 24

En mai 2015, l’armée nigérienne avait perdu au moins 76 hommes lors de l’attaque sur l’île de Karamga. Au moins 30 autres soldats nigériens ont été tués en juin 2016 lors d’une des nombreuses attaques de Boko Haram contre la ville-garnison de Bosso.

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Borno, continue de jouir dans le sud-est du Niger d’un prestige et d’une considération que le temps n’a pas réussi à effacer. Intitulée « les dernières heures de Maman Nur », l’annexe II revient de manière inédite avec force détails sur l’exécution de Maman Nur, sur les faits qui lui ont été reprochés ainsi que le rôle joué par le Califat (l’État islamique en Irak et en Syrie) dans les tractations qui ont abouti à la sentence de mort. Au total, ce livre lève un coin de voile sur la secte tout en constatant les difficultés énormes qu’il y a à mener la guerre asymétrique contre un ennemi invisible. Il révèle par ailleurs l’existence, au Cameroun, au Niger, au Nigeria et au Tchad, d’une économie de la guerre contre Boko Haram avec des acteurs qui achètent et revendent au mouvement djihadiste.

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Annexes

Annexe 1 Katzelm ma Mamad dou Abba a Kiari Ka atzelama 25 5 Oumar : « C’estt le colon qui a séparé Diffa du u Borno p par un sim mple tracéé »

Depuis le 17 juin D n 1995, Katzelm ma Mamadou Abba A Kiari est à la tête du cantton dee la Komadoug gou qui s’étend de Bagara, prèès de Diffa, à Ba arwa, non loin de B Bosso, sur la frontière avec le N Nigeria.

Dès lors que Maïduguri, capitale de l’État du Bo D orno, au nord rdesst du Nigeriia, était deve venu l’épicen ntre des actiivités de Bokko H Haram, il ne faisait aucuun doute quee Diffa, régiion sud-est ddu N Niger, n’allaiit pas échappper à l’effeet de contagiion. Tant soont étroits et multiformes m les liens entre les deux airres g géographique es. Signe de l’imbrication économiqu ue de Diffa aau N Nigeria, dan ns les villagges de cettte région nigérienne n le les trransactions financières f sse font en na aira, la monn naie nigérianne. 25 5

Depuis le 17 juin 1995, Kaatzelma Mamad dou Abba Kiari est à la tête du caanton de la Kom madougou. Il aavait succédé à son père Katzeelma Abba Kiaari. A Avant eux deux x, le canton a eu, à partir dee 1900, commee chefs Katzelm ma O Ousmane (qui a régné avant ett pendant l’èree coloniale), Kaatzelma Mallam m; K Katzelma Oumarr et Katzelma K Kanembou.

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D’un côté comme de l’autre de la frontière entre les deux pays, les ethnies sont les mêmes et les liens familiaux sont très forts. Dans le témoignage exclusif obtenu en mars 2017 à Diffa, le chef de canton de la Komadougou Katzelma Mamadou Abba Kiari Katzelma Oumar revient sur les liens séculaires entre Diffa et Maïduguri et précise que jusqu’en 1970 le Shehu Borno, le plus haut dignitaire religieux de l’État du Borno, avait autorité sur les lieux de culte musulman dans la région de Diffa. En vérité, les liens entre Diffa et Maïduguri ont survécu à l’entreprise coloniale qui a séparé ce même territoire jadis regroupé dans le Kanem-Borno en possession française pour le Niger et colonie anglaise pour le Nigeria. « Le Borno était un vaste territoire qui s’étendait jusqu’au Fezzan. Historiquement, Diffa a appartenu à cet ensemble. Avant l’arrivée des blancs, les chefs traditionnels de la région étaient directement nommés par la cour du Shehu Borno. C’est en 1925 que le canton de la Komadougou, qui s’étend de Bagara26 à Barwa, a été créé par les colons français. Avant leur arrivée, ce canton s’appelait canton de Dewa. Il était en réalité un assemblage de roitelets qui avaient chacun son autorité sur un certain nombre de villages. Aujourd’hui encore, vous trouverez à la cour de Shehu Borno à Maïduguru douze fanions représentant chacun une chefferie. L’un de ces douze fanions symbolise de nos jours encore le Katzel, vaste entité qui s’étend jusqu’aux portes de N’Guigmi. A partir de 1900, le pacte colonial a conduit au tracé de la frontière entre le Niger et le Nigeria. Mais les liens entre les deux rives de la Komadougou ont survécu à cette imposture coloniale qui a séparé des familles entières27. 26

Petite commune située à environ 7 km du centre de Diffa, la capitale régionale. Le canton de la Komadougou, avec celui de Bosso, concentre plus de deux tiers des activités de Boko Haram au Niger. 27 Il y a en permanence chez Boko Haram, la volonté de retrouver cette entité territoriale historique. Les mêmes combattants du mouvement djihadiste sont

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Les relationss entre Difffa et Maïdu L uguri ont non n seulemeent suurvécu au découpage, d m mais aussi aux a premièrees années ddes inndépendancees nationales..

Entre Diffa et Maiduguri, E M distaants d’environ 180 km, les lieens séculaires oont suurvécu à la colo onisation.

Juusqu’en 1970, nous étionns tenus d’ob btenir l’aval de la cour ddu S Shehu Borno o pour ouvriir une mosq quée de ven ndredi dans la réégion de Difffa. À cet effe fet, nous devo ons dépêcher sur place, uun ém missaire, qui peut être uun notable ou un marabo out, avec pou our m mandat d’info ormer la couur de notre prrojet et reven nir avec le fe feu v vert du Sheh hu. Aujourd’’hui encore, certains maarabouts de la réégion de Difffa reconnaisssent et se so oumettent sp pontanémentt à l’’autorité religieuse du Shehu Borrno. D’ailleu urs des lienns faamiliaux d’aalliance, de mariage, dee parenté peersistent enttre D Diffa et Maïd duguri. Nouus portons to oujours des titres t conférrés par la cour du d Shehu B orno. Autre signe de ceette proximiité h historique : si vous remonntez le long de la Komaadougou, vouus trrouverez dess villages qqui portent le l même no om de part et afffectés à des miissions au Cam meroun, au Nigeeria, au Niger ett au Tchad. Parrce quue pour Boko Haram l’imagiinaire historiqu ue est très impo ortant et plus fo fort quue le découpagee colonial.

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dd’autre de la frontière nattionale. Vouss avez ainsi Assaga A NigeerA Assaga Nigerria ; Abadam m Niger-Abad dam Nigeriaa. C’étaient lles m mêmes villag ges que la colonisation n est venue séparer. L Les personnes qu ui y résideent savent très bien qu’elles soont addministrativeement rattachhées à deux pays différen nts, mais leuurs liiens transcen ndent ces connsidérations ». »

À Diffa, le palaiss du chef de caanton de la Kom madougou : il existe e aujourd’hhui enncore à la courr de Shehu Borrno, à Maïdugu uri, un fanion, parmi les douzze, reeprésentant le katzel, k une partiie du Niger.

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Annexe 2 Les dernières heures de Maman Nur Il n’y a désormais plus aucun doute : Maman Nur est mort, exécuté par les siens. Pourquoi donc le numéro 2 de l’aile AlBarnawi, rivale à celle de Shekau, a-t-il été tué ? Quels sont les faits qui lui sont reprochés ? Comment et où Nur a-t-il vécu ses dernières heures avant de mourir ? Cette annexe répond précisément à ces questions, en prenant appui sur une source de données interne à la secte. En effet, dans un très long prêche en langue haussa prononcé par Malam Boura, Boko Haram justifie la mise à mort de Nur par des actes de « sabotage » et de « trahison » répétés. La secte précise dans ce monologue de près de deux heures que l’exécution de Nur est un ordre venu du Califat qui a cassé la décision de la Choura de Boko Haram de placer Nur en résidence surveillée, en dépit de la gravité des faits qui lui sont reprochés. De ce prêche, nous avons extrait la partie qui concerne très précisément la mort de Nur, et où sont énumérées et commentées les charges retenues contre lui, les hésitations internes au mouvement face à son sort et les tractations entre la Willaya et le Califat sur la sentence de mort. « La Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest est une de toutes premières provinces à avoir fait allégeance à l’État islamique au Levant. Ici aussi, Dieu nous a imposé l’épreuve des dissensions et des querelles de leadership. Mais, grâce à lui nous avons su surmonter cet égarement pour remettre la Willaya dans le bon chemin. Il reste toutefois que certains d’entre nous n’ont malheureusement pas supporté ce retour à la normale dans nos rangs. Ils se sont ainsi lancés dans des manœuvres de déstabilisation afin d’assouvir leurs seuls desseins. Il était donc tout à fait normal que la Willaya réagisse avec la plus grande fermeté face à ces manœuvres. Quel que soit votre rang dans la hiérarchie de la Willaya, érudit ou combattant sans grades, vous subissez le même châtiment lorsque vous êtes pris en défaut avec nos principes. C’est 69

comme cela qu’il faut interpréter les derniers événements que nous avons connus et qui mettent en cause Maman Nur. Il était un érudit qui bénéficiait de la grande estime de la plupart d’entre nous. C’était un excellent orateur qui savait trouver les mots justes pour convaincre. Malheureusement, Shaytan28 a blagué avec lui. On s’est ainsi aperçu qu’il y avait une très grande différence entre la parole publique de Maman Nur et sa pratique quotidienne : les propos qu’il tient publiquement sont à l’opposé de ce qu’il a dans le cœur. Une grande partie de ce qu’il fait tient de l’intérêt personnel et non de celui de la Willaya. Nous en sommes arrivés à conclure qu’il fait partie des gens opposés aux intérêts de la Willaya et à son épanouissement. Ce n’est pas du tout surprenant. Dès le début de notre séparation avec Shekau, Nur était convaincu qu’il allait devenir le Wallid de la Willaya. Plusieurs signes attestent de cette prétention. Le jour même de notre rupture avec Shekau, à peine avons-nous quitté Sambissa, sans même que nous soyons arrivés à la voie bitumée, Nur avait fait cette déclaration : Shekau avait juré que je ne serais jamais rien dans le mouvement. Je suis aujourd’hui en situation de lui prouver le contraire. Il y a parmi nous des témoins directs de ces propos. Donc dès le départ, Nur se battait non pas pour le développement de l’islam, mais pour ses intérêts personnels. En réalité, il n’était pour rien dans la rupture avec Shekau. Il a pris les choses en marche. Et dès lors qu’il a compris que sa prétention de devenir chef n’aboutirait pas, il s’est investi dans la mission de saboter la Willaya. C’est ainsi qu’il a posé de nombreux actes contraires aux intérêts de cette Willaya. D’ailleurs, la plupart de ceux qui s’activaient en interne à déstabiliser la Willaya le faisaient avec sa bénédiction et se réclamaient même de lui. En dépit de tout cela et bien que cela soit su de nombreux dirigeants, rien n’a été entrepris contre lui. 28 Expression arabe et religieuse employée pour désigner le diable ou l’égarement.

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Mais dans sa détermination à saboter la Willaya, il a franchi le Rubicon en se mettant en rapport avec les infidèles. Ceux qui travaillent pour le gouvernement fédéral et la Croix rouge29. À l’insu de la Willaya, Nur entretenait avec eux des échanges téléphoniques réguliers. Il a fini par leur réclamer de l’argent. Et cet argent-là est tombé entre nos mains. À ces infidèles, Nur a précisément réclamé dix millions30 Pour la Willaya, il s’agit d’un acte d’une extrême gravité. En effet, on ne peut demander de l’argent aux infidèles. Mais on peut le leur arracher. Sur les dix millions qu’il a réclamés, les infidèles lui ont envoyé deux millions31. Malheureusement pour lui, cette somme est tombée directement entre nos mains. Confronté aux faits par les dirigeants de la Willaya, il a reconnu son acte. Mais en dépit de l’extrême gravité de son acte, aucune sanction n’avait été prise contre lui. On lui a seulement fait des remontrances. Mais Nur a persisté dans sa volonté de saboter la Willaya. Il a déclaré ici et là que le Wallid cherche à le tuer. Son seul dessein était alors de diviser la Willaya en deux clans : les siens d’un côté et ceux du Wallid de l’autre. Face à ces agissements qui mettent en danger la survie même du mouvement, le Wallid avait décidé que Nur soit placé à l’isolement. Il était alors traité avec dignité et respect. Un soir, il a profité de la baisse de la vigilance autour de lui pour s’enfuir. Le lendemain, il a erré toute la journée. Mais comme il ne connait pas le chemin, il s’est retrouvé au bord du lac sans aucune possibilité de poursuivre son chemin. En réalité, il cherchait à rallier Kangarwa et se joindre aux infidèles. Ce qui aurait naturellement gravement nui aux intérêts de l’islam et de la Willaya. Compte tenu de la position que Nur a occupée dans la hiérarchie du mouvement, il est détenteur de très grands secrets convoités par les infidèles. Après cet acte d’une extrême

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Lors d’un échange avec Seidik Abba, l'un des deux auteurs de ce livre, la Croix rouge internationale a démenti avoir versé de l’argent à Nur. 30 Le chiffre est certainement donné en nairas, la monnaie nigériane. Cette somme équivaut à 1 600 000 FCFA soit environ 2500 euros. 31 Environ 500 euros, soit 327000 FCFA.

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gravité et qui met en péril la survie de la Willaya, Nur a écopé seulement d’un placement en résidence surveillée. La Willaya a fait preuve, à nouveau, d’une très grande mansuétude à son égard compte tenu des responsabilités qu’il a occupées. Parallèlement à son placement en résidence, nous avons décidé d’en référer au Califat. Nous avons énuméré les faits qui lui sont reprochés, nous avons fourni des détails très circonstanciés sur ses agissements et sollicité un avis sur la conduite à tenir. Notre démarche se comprend parfaitement : Nur n’est pas un quidam, c’est une figure majeure de la Willaya. En réponse à notre demande, le Califat a ordonné que la Choura [Assemblée générale] se réunisse et qu’elle délibère sur le cas Nur. Nous devrions ensuite transmettre la décision de la Choura au Califat. C’est ce que nous avons fini par faire. Il est ainsi ressorti de la délibération de la Choura trois options : la première, c’est tuer Nur. La deuxième option, c’est de l’exclure du mouvement afin qu’il aille là où il veut. Ceux qui ont soutenu cette option ont estimé qu’elle permet d’éviter de verser du sang. Enfin, la troisième option, c’est de le placer en résidence surveillée sur une des îles sous contrôle de la Willaya. Cette option est assortie d’une condition : en cas de nouvelle tentative d’évasion, Nur devrait être exécuté. C’est finalement l’option du placement en résidence qui a été retenue par la Choura. Le Wallid et les autres partisans de cette option ont estimé qu’elle était la moins mauvaise pour la Willaya. Le résultat des délibérations de la Choura a ensuite été envoyé au Califat. Le circuit de communication entre la Willaya et le Califat n’avait pas à l’époque bien fonctionné : du coup notre message n’était pas arrivé à destination. C’est ainsi que le Califat nous a envoyé sa décision avant même d’avoir reçu le résultat de notre délibération. Dans son message, le Califat a ordonné le placement immédiat en résidence surveillée d’Abu Mahamud [nom de guerre de Maman Nur], assorti d’un isolement total. Le Califat a ajouté

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que si son intention est d’aller rejoindre les infidèles pour travailler contre l’islam, tuez-le. Entretemps, la Willaya leur a renvoyé le message qui contient la délibération de la Choura, mais qui ne leur était pas parvenu lors du premier envoi. Les trois options étaient clairement listées dans le message et le choix de la Choura portant sur la mise en résidence surveillée était également spécifié. Le Califat a répondu en ordonnant l’exécution d’Abu Mohamud [Nur] : sur la base des faits énoncés, notre décision est clairement l’exécution d’Abu Mahamud, a indiqué le Califat dans son message. Le Califat a motivé sa décision en expliquant que si on laissait en vie Nur dans la Willaya, il va continuer à la diviser ; si on le laissait partir, il va emporter avec lui de lourds secrets qu’il livrera à l’ennemi. Autant donc, exécuter Nur aujourd’hui pour ne pas avoir à regretter demain de ne pas l’avoir fait. Tuez-le maintenant, a ordonné le Califat. Tuez-le pour l’exemple afin de dissuader tous ceux qui nourrissent à l’intérieur de la Willaya les mêmes intentions que lui. Nous n’avons eu aucun autre choix que d’appliquer la sentence de mort à l’égard de Nur prononcée par le Califat. À Boko Haram, personne n’est au-dessus de l’Islam ».

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Annexe 3 Aboucar Maïnok, le stratège militaire de Boko Haram Chassé de la forêt mythique de Sambissa, repère historique de BokoHaram, le binôme Al-Barnawi/Nur se réfugie dans le lit du Lac Tchad où il est accueilli par Aboucar Maïnok, un des chefs locaux du mouvement djihadiste. En reconnaissance de cette hospitalité, Maïnok devient le stratège militaire de cette aile de Boko Haram. La plupart des victoires militaires et des attaques spectaculaires de la secte dans le lit du Lac Tchad portent son empreinte. Les combattants qui ont agi sous ses ordres décrivent Aboucar Maïnoken comme un chef militaire au caractère bien trempé, capable de papoter avec un combattant, mais aussi d’en faire exécuter sommairement un autre. En mars 2015, lorsqu’il décide de faire allégeance à l’État islamique au Levant (Irak/Syrie), le groupe djihadiste nigérian BokoHaram ne savait pas que ce choix serait lourd de conséquences. Sur fond de rumeurs et promesses d’arrivée d’importantes sommes d’argent du Levant, les querelles de leadership à l’intérieur du mouvement s’exacerbent. Elles vont finalement culminer avec de violents affrontements armés entre d’un côté les partisans d’Abubakar Shekau et de l’autre ceux du tandem formé par Habib Yusuf, alias AlBarnawi, fils du fondateur du mouvement Mohammed Yusuf et Maman Nur, un des idéologues de la secte. Très vite, les hommes de Shekau réussissent à prendre le dessus et à contraindre l’aile rivale à s’enfuir dans la débandade de la forêt de Sambissa. Al-Barnawi et Nur se réfugient avec une poignée de fidèles dans le lit du Lac Tchad. Ils sont alors accueillis par une des figures montantes de Boko Haram dans la zone : Aboucar Maïnok. Derrière ce patronyme se cache l’association d’un prénom (Aboucar) et du nom de Maïnok, une petite localité située à cinq kilomètres de Maïduguri. Aboucar a grandi à Maïnok et il a donc pris le nom de sa ville d’origine et non celui de son géniteur. Accueillis à bras ouverts, 75

Al-Barnawi et Nur définissent rapidement une nouvelle architecture du mouvement djihadiste. À deux, ils décident de garder la haute main sur le religieux et le politique tandis qu’Aboucar Maïnok se voit récompensé avec le titre de Fia ; en clair le chef d’état-major interarmes, l’homme qui a la haute main sur les hommes, les armes et la stratégie. De taille moyenne et de corpulence forte, ce kanouri, issu d’une famille modeste, est décrit par ses anciens compagnons comme un homme insaisissable. Il sait être avenant, chaleureux et taquin, comme lorsqu’il apparait au milieu des zones occupées par Boko Haram papotant avec ses hommes. Un autre jour, cet homme marié à deux épouses et père de trois enfants peut devenir cassant, désagréable, voire brutal et autoritaire. De lui, admirateurs et critiques acharnés rapportent le souvenir d’un grand stratège militaire. La plupart des attaques spectaculaires de Boko Haram dans la région du lac Tchad portent son empreinte. On peut citer, entre autres exemples, celle de Karamga dans laquelle l’armée nigérienne avait perdu en mai 2015 au moins 76 soldats ou celle plus récente au cours de laquelle l’armée tchadienne a enregistré en mars 2019 dans le lit de Lac Tchad la mort de 23 éléments. Signe de sa toute puissance dans la secte, quand il n’est pas en ville seul, vêtu de son costume traditionnel, son arme de poing à la taille, Aboucar Maïnok parade avec sa Toyota Hilux, double cabine, prise à l’armée fédérale nigériane et habituellement conduite par son chauffeur et homme de confiance Modou Kalleyane. Deux autres véhicules montés par des automitrailleuses 12/7 le précèdent alors au milieu d’une bonne vingtaine de gardes du corps. De concert avec Al-Barnawi et Nur (lorsque celui-ci était encore en vie), Aboucar Maïnok a réussi à donner de Boko Haram dans le lit du Lac Tchad l’image d’une aile qui privilégie les cibles militaires et les symboles de l’État. Une énorme 76

différence avec l’aile de Shekau qui peut s’en prendre à des funérailles, des mariages ou des dortoirs d’étudiants et de lycéennes.

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Annexe 4 Un lexique de Boko Haram

Boko : École occidentale Califat : État islamique au Levant Caïd : Chef de bataillon Choura : Assemblée générale populaire FIA : Chef d’état-major Haram : illicite, interdit Shaytan : Diable ou mauvais esprit Shehu : plus haute autorité religieuse à Maïduguri Toumboun : Une petite île dans le lit du Lac Tchad Wallid : le grand chef de toute la secte Willaya : Province de l’État islamique

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Table des matières Introduction ................................................................................9 Chapitre 1 - Embrigadement, profils et destins de combattants 15 1.1 Mallam Kiari Bayissa : « J’ai été embrigadé par Boko Haram à cause d’une cigarette » ............................................15 1.2 Baïno Madou Mani : « Boko Haram m’a volé ma jeunesse et ma virginité ». ....................................................................16 1.3 Ba Koura Malam Maina : « Ma vie de pêcheur paisible a basculé dans les rangs de Boko Haram ». ..............................17 1.4 Aboukar Adam : « D’enseignant, je suis devenu un combattant de Boko Haram ».................................................19 1.5 Abba Yahaya : « Mon jeune frère et moi avons perdu toute trace de notre père depuis plus de 5 ans ». .............................20 1.6 Bounou Moustapha : « Parti au village pour des vacances scolaires, je me suis retrouvé dans Boko Haram »..............22 Chapitre 2 - Fantassins, instructions militaires et batailles sanglantes .................................................................................25 2.1 Modou Karreyya : « Je suis un fantassin qui a tué de sangfroid et qui n’a pas la religion pour business ». .....................25 2.2 Abba Brah : « Je me suis rendu aux autorités nigériennes mon arme de combattant de Boko Haram à la main »............27 2.3 Ali Mélé : « On peut aider l’armée nigérienne en lui montrant la meilleure voie pour vaincre Boko Haram ». .......29 2.4 Boulama Bagalé : « On ne récupère les corps des nôtres tombés aux combats qu’en cas de victoire militaire » ........30 2.5 Alhadji Moussa :« J’ai appris à monter et démonter des AK 47 dans les rangs de Boko Haram » ................................32 Chapitre 3 - Règlements de compte internes, désillusions et dérives de la secte .....................................................................35 3.1 Abba Adji Mani : « Je préfère dorénavant les infidèles à Boko Haram qui est une énorme escroquerie morale ». ........35 3.2 Moustapha Kallé : « J’ai juste reçu une injection de paracétamol dans le dos après l’amputation de ma main » ....36 85

3.3 Arimi Kollo : « Boko Haram m’a promis le paradis, mais j’ai découvert l’enfer dans ses rangs » ...................................37 3.4 Mohamed Sarki Abdoulaye : « Les filles enlevées sont vendues comme esclaves aux combattants » .........................39 3.5 Alhadji Kollo Alhadji Ali : « Tous les soirs, j’entendais les cris de détresse des femmes violées » ....................................43 3.6 Moustapha Aboubakar :« Je suis un des tout premiers déserteurs de Boko Haram » ..................................................44 3.7 Goni Madou : « Sur ordre du Walli, ma main a été amputée et plongée dans l’huile bouillante ». ........................45 Chapitre 4 - Le business de la guerre ......................................49 4.1 Moussa Sani : « Les morts aux combats n’ont pas droit au butin de guerre ». ...................................................................49 4.2 Moustapha Kollo Awiriri : « Boko Haram a développé une stratégie d’autosuffisance sur tous les plans ». ......................51 4.3 Abou Youssouf alias Ali Boulama Yassine : « Il y a un peu partout dans la région des gens spécialisés dans l’achat de notre butin de guerre ». ..........................................................53 4.4 Baba Gana : « J’étais le banquier de Boko Haram »........56 Conclusion générale .................................................................59 Annexes ....................................................................................63 Annexe 1 - Katzelma Mamadou Abba Kiari Katzelama Oumar : « C’est le colon qui a séparé Diffa du Borno par un simple tracé ». ........................................................................65 Annexe 2 - Les dernières heures de Maman Nur ...................69 Annexe 3 - Aboucar Maïnok, le stratège militaire de Boko Haram.....................................................................................75 Annexe 4 - Un lexique de Boko Haram .................................79 Bibliographie ............................................................................81 Table des matières ....................................................................85

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE AUX ÉDITIONS L'HARMATTAN Dernières parutions DROIT DES RESSOURCES NATURELLES Éléments d'élaboration, d'analyse et d'évaluation des lois Mukendi Mukendi Ntantamika Préface de Maître Emery Mukendi Wafwana Cet ouvrage tente de répondre à la problématique induite par la quête scientifique et politique d'un meilleur système d'appropriation des ressources naturelles, d'un meilleur dispositif de contrôle d'accès à leurs gisements et de redistribution des revenus de leur exploitation. C'est par la construction d'archétypes de régimes juridiques déduits des critères institutionnels, écologiques, sociaux et économiques du principe de développement durable que ce livre procède. (Coll. Harmattan RDC, 612 p., 49 euros) ISBN : 978-2-343-15169-4, EAN EBOOK : 9782140122569

LA FORMATION DES PROFESSEURS DU SECOND DEGRÉ AU GABON (1971-2010) Galedi Nzey L'ouvrage présente l'évolution de la formation des professeurs du second degré au Gabon, de 1971 à 2010. Fort de sa riche expérience, l'auteur retrace l'histoire de l'École normale supérieure de Libreville et détaille son rôle majeur dans le système éducatif du pays. Cette étude permet donc non seulement de comprendre le rôle et la place de l'École normale, mais également de dégager des orientations pour la formation des enseignants à venir. (Coll. Études africaines, 158 p., 17,5 euros) ISBN : 978-2-343-17080-0, EAN EBOOK : 9782140122392

LE MYTHE. UNITÉ ET TRANSVERSALITÉ D'UN GENRE Ouaga-Ballé Danaï Sous la direction de - Préface d'Alain Joseph Sissao La première partie met en évidence les relations entre le mythe et la société et montre comment les représentations mythiques influencent notre perception du monde, gouvernent nos idéologies et déterminent nos rapports sociaux. La seconde partie traite du réinvestissement de la matière mythique issue de la tradition orale dans la littérature écrite. Cet ouvrage démontre bien que le mythe est une lecture du monde et de l'existence humaine, à la fois quête génésique et éclairage contemporain. (280 p., 29 euros) ISBN : 978-2-343-17543-0, EAN EBOOK : 9782140122415

DÉPART. EN HOMMAGE À AGAWANE Lamine Ndiaye Départ, c'est comprendre la Vie telle qu'elle est pour vivre la vie, penser l'Ailleurs, l'essentiel, la part, la patience et dire la vérité. (Coll. Harmattan Sénégal, 86 p., 12 euros) ISBN : 978-2-343-17679-6, EAN EBOOK : 9782140122323

MARGINAL. ROMAN Mour Seye Accusé de trafic de drogue, Djibril, jeune étudiant, est arrêté puis emprisonné pendant trois ans avant d'être relaxé. À sa sortie de prison, il est rejeté par la société. Il fréquente quelque temps un gang avant de devenir assistant d'un maître coranique. Son existence bascule et Djibril découvre d'autres réalités de la vie en marge de la société. Une nuit, contre toute attente, Djibril disparait malgré lui et se retrouve dans la situation la plus extravagante et la plus sombre de sa vie. Fera-t-il le bon choix ? Ce roman est un véritable plaidoyer pour la réinsertion sociale et professionnelle des anciens détenus. (Coll. Harmattan Sénégal, 164 p., 18 euros) ISBN : 978-2-343-17675-8, EAN EBOOK : 9782140122453

L'ÉCOLE DE YA FOUFOU Patrick-Serge Boutsindi Illustrations de Sue Levy Un jour, les autorités congolaises décident de construire une école primaire à Bikéri, où habite Ya foufou, afin de permettre aux habitants du village et à ceux des hameaux attenants d'aller à l'école. Plusieurs mois après, quand arrivent les évaluations de fin d'année scolaire, plusieurs incidents graves ont lieu au sein de l'établissement, empêchant les élèves de passer leurs examens et obligeant le maître à fermer provisoirement l'école. Ma-Tchéché le Lièvre soupçonne Ya foufou... A-t-il raison ? (Coll. Jeunesse l'Harmattan, 68 p., 13 euros) ISBN : 978-2-343-17059-6, EAN EBOOK : 9782140122231

HISTOIRE DU SÉNÉGAL Mémoire du Gandiolais Sidy Diop À bien des égards, l'histoire du Gandiol épouse les contours complexes du processus qui a mené à la configuration actuelle de l'identité nationale sénégalaise. Depuis l'époque précoloniale, avec les phases d'émergence de l'Islam et d'éclatement de l'espace sénégambien en micro-États jusqu'à l'occupation coloniale française systématiquement planifiée, le Gandiol fut au coeur du tourbillon de l'histoire sénégalaise. Aussi le destin de ce minuscule territoire est-il singulièrement illustratif de ce qu'est devenu tout le pays du Sénégal ainsi que les hommes qui l'habitent. (Coll. Harmattan Sénégal, 280 p., 24 euros) ISBN : 978-2-343-17531-7, EAN EBOOK : 9782140122262

LES PROCÉDURES DE CONTRÔLE A POSTERIORI EN RD CONGO Mise en oeuvre de contrôles douaniers et accisiens modernes et efficaces Alain Tenday Lupumba Préface d'Albert Yuma Mulimbi - Postface de Gabriel Mwepu Numbi "Les objectifs de cet ouvrage sont de sensibiliser les professionnels et les autres acteurs du commerce international aux spécificités du contrôle douanier a posteriori et d'offrir une approche pratique et spécifique des rôles et responsabilités des uns et des autres. En l'intitulant Les procédures de contrôle a posteriori en RD Congo, mise en oeuvre de contrôles douaniers et accisiens modernes et efficaces, l'auteur a volontairement pris le parti de questionner l'ensemble des composantes susceptibles d'influencer la performance de l'administration douanière, y compris les aspects humains" (extrait de la préface de Albert Yuma Mulimbi) (Coll. Comptes Rendus, 270 p., 28 euros) ISBN : 978-2-343-17235-4, EAN EBOOK : 9782140122149

LE PRIX DE LA PAIX EN AFRIQUE Des clés pour apaiser et stabiliser le continent Michel Innocent Peya Dans cet ouvrage, l'auteur s'attelle à la problématique du prix de la paix à travers le monde, et particulièrement en Afrique. Il se focalise sur le secret du prix que les États africains doivent accepter de payer, les efforts qu'ils doivent consentir pour créer les conditions de l'émergence de la paix, qui est un facteur essentiel sans lequel il ne peut y avoir de développement. L'auteur se concentre sur les grands chantiers que les États africains doivent entreprendre pour imposer la paix. Des politiques publiques à ancrages sociaux aux politiques internationales de développement, tout est passé au crible de l'analyse scientifique. (232 p., 22 euros) ISBN : 978-2-343-17793-9, EAN EBOOK : 9782140122088

LE TERRORISME, UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS SUR LES ETATS Entre vengeance et revendications Michel Innocent Peya La notion de terrorisme se définit par toute tactique d'emploi de la violence à des fins politiques, en vue de déstabiliser et de frapper massivement l'opinion publique et les États concernés, tactique devenue une gangrène sociétale contemporaine. Pour l'éradiquer, l'auteur expose ses préconisations, permettant de conduire les tendances mondiales à lutter contre ce fléau. Pour y arriver, il convient de canaliser les efforts afin de prendre en considération les revendications des minorités. Avant d'évoquer les conséquences, il relève d'abord les origines et les causes du terrorisme avant de proposer des pistes des solutions idoines. (230 p., 22 euros) ISBN : 978-2-343-17791-5, EAN EBOOK : 9782140122118

AN OUTILINE OF CUSTOMS POLICY OF THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO 2003-2010 Jean-Paul Esamba Bokel'Ipoka Foreword by Déo Rugwiza Magera An Outline of Customs Policy of the Democratic Republic of Congo presents in the easiest way what is meant by customs policy in general, its basics namely: objects, elements, sources, instruments, functions (...), regional and international frameworks. The author stresses on the customs policy progress from 2003 to 2010, which is a decisive period in the DRC customs management, through the implementation of 2003 customs reform and modernization programme. (Coll. Harmattan Cameroun, 156 p., 17 euros) ISBN : 978-2-343-17710-6, EAN EBOOK : 9782140122040

LE DJIHAD À KÉ-MACINA DANS LE CENTRE DU MALI Prosélytisme religieux ou enjeux socio-économiques ? Aly Tounkara, Bassirou Gaye Cet ouvrage présente les différentes facettes du djihad dans le cercle de Ké-Macina au Mali et interroge les stratégies envisagées localement pour apaiser des conflits exacerbés par l'arrivée de groupes radicaux violents. L'analyse permet de proposer une typologie de ces groupes et de définir les facteurs religieux et socio-économiques déterminant le djihad dans la zone étudiée. Si les initiatives déjà lancées ont contribué à certains égards à l'apaisement des conflits, on constate qu'elles agissent plus sur les effets que sur les causes profondes de ces confrontations. (106 p., 13 euros) ISBN : 978-2-343-17669-7, EAN EBOOK : 9782140122026

JÉSUS MESSIE EN AFRIQUE OU LA FIGURE PROBLÉMATIQUE DE LA MESSIANITÉ Sibiri Félix Koala Préface du Pr Gaston Ogui Cossi La présentation de la figure du Christ aux hommes est le défi de l'évangélisation. Ce défi tient sur des fondamentaux, à savoir gagner les confins de la terre et s'y enraciner pour produire l'effet d'intimité avec Dieu. Si le premier aspect (quantitatif) semble être un acquis pour l'Afrique, le second (mystique et qualitatif) laisse à s'interroger. L'interrogation suscitée engage à réfléchir l'accueil de la figure du Christ. (Coll. Harmattan Côte-d'Ivoire, 252 p., 25 euros) ISBN : 978-2-343-17392-4, EAN EBOOK : 9782140122057

CRIS DU COEUR Poèmes Elisabeth Faye Ngom L'adage dit que « le pain de la vieillesse se pétrit pendant la jeunesse ». Malheureusement, cette vérité immuable est occultée par bon nombre de jeunes qui se laissent aller au gré des passions et de l'influence du milieu. Ce recueil est le cri du coeur d'une mère qui se préoccupe du devenir de son peuple en général, de la jeunesse, de l'enfance et de la femme en particulier. (Coll. Harmattan Sénégal, 62 p., 11 euros) ISBN : 978-2-343-17171-5, EAN EBOOK : 9782140122071

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Seidik ABBA et Mahamadou Lawaly DAN DANO

Après sa création en 2002, Boko Haram a basculé dans la violence armée en 2009. Depuis, cette secte est devenue le mouvement djihadiste le plus meurtrier au monde, avec près de 27 000 morts au Cameroun, au Niger, au Nigeria et au Tchad. En écoutant ceux qui y ont servi en première ligne, ce livre propose, pour la première fois, de voir la réalité de Boko Haram de l’intérieur. Cette plongée dans la face cachée de la secte consiste à présenter les récits d’ex-combattants recueillis dans la ville de Goudoumaria, située à 1173 kilomètres au sud-est de Niamey, la capitale nigérienne. La particularité de Goudoumaria est d’abriter le premier centre nigérien de déradicalisation, de formation professionnelle et de réinsertion sociale des déserteurs de Boko Haram. Dans ce livre, ces ex-combattants donnent des révélations de première main sur la stratégie militaire de Boko Haram, ses violences internes inouïes ainsi que la destination finale de son butin de guerre. Ces récits donnent aussi les meilleures clefs pour décrypter le sort réservé aux jeunes filles et aux femmes régulièrement enlevées par le mouvement et, par conséquent, des pistes pour comprendre enfin pourquoi les lycéennes, enlevées en avril 2014 à Chibok au nord-est du Nigeria, n’ont jamais été toutes retrouvées. Ils racontent également avec force détails les derniers jours de Maman Nur, Abu Mahamud de son nom de guerre, numéro deux de l’aile rivale de celle de Shekau.

Enquête sur le djihad en Afrique subsaharienne

En couverture : Halte d’une patrouille de l’armée nigérienne chargée de la traque de Boko Haram dans un village sur les rives de la Komadougou-Yobé, frontière entre le Niger et le Nigeria. Crédit photo : Ousseïni Sanda.

ISBN : 978-2-343-18555-2

12 €

Voyage au cœur de Boko Haram

Mahamadou Lawaly DAN DANO a été gouverneur de Diffa d’avril 2016 à avril 2018. Il est l’artisan du programme nigérien Repentir contre pardon. Lancé en décembre 2016, ce programme a permis de démobiliser plus de 233 combattants de Boko Haram. Ce diplômé en sciences de l’information documentaire et en stratégie d’entreprise a été pendant ses deux ans de fonction à Diffa en lien direct avec Boko Haram.

Voyage au cœur de

Boko Haram Haram Boko

Un livre essentiel pour comprendre Boko Haram, ce mouvement terroriste salafiste et djihadiste qui a prêté allégeance en 2015 à l’État islamique et qui est à l’origine de nombreux massacres, attentats et enlèvements.

Seidik ABBA est journaliste et écrivain, ancien rédacteur en chef central à Jeune-Afrique, ancien chef du bureau parisien de l’Agence Panapress et chroniqueur au Monde Afrique. Originaire de Diffa au sud-est du Niger où se situe l’épicentre des activités de Boko Haram, il décrypte régulièrement l’actualité africaine sur France 24, RFI, TV5 Monde, BBC et Deutsche Welle.

Seidik A BBA Mahamadou Lawaly DAN DANO