La rénovation urbaine à Paris: Structure urbaine et logique de classe [Reprint 2014 ed.] 9783111534510, 9783111166445

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French Pages 148 [152] Year 1973

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Polecaj historie

La rénovation urbaine à Paris: Structure urbaine et logique de classe [Reprint 2014 ed.]
 9783111534510, 9783111166445

Table of contents :
Avertissement
Introduction
I. LA RÉNOVATION, RE-PRODUCTION D’UN ESPACE
I. Les déterminants de l’implantation des opérations de rénovation
1. Le problème
2. L’espace de reproduction de la force de travail : caractéristiques physiques et sociales des lieux rénovés
3. La production et l’échange
4. Le rapport de la rénovation urbaine au système institutionnel
II. Contenu des opérations et logiques rénovatrices
1. Premier repérage
2. Logique sociale
3. Logique d'équipement
4. Logique fonctionnelle
5. Logique symbolique
III. Logique générale de la rénovation et logiques rénovatrices
II. LES MÉCANISMES JURIDICO-INSTITUTIONNELS ET POLITICO-FINANCIERS
I. Le mécanisme juridico-institutionnel
1. Les textes
2. Le problème du délogement-relogement
3. La prise de décision
II. L’étude du financement
1. Les modes de financement
2. Les mécanismes
3. Quelques données
4. L’évolution
III. L’OPÉRATION ITAL1E
Conclusion. La rénovation reproduction
1. L’élément Consommation
2. L’élément Production
3. L’élément Échange
4. L’élément Gestion
Annexes
Bibliographie sommaire
Liste des sigles utilisés dans l’ouvrage

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LA RÉNOVATION URBAINE A PARIS

La recherche urbaine 2

MOUTON · PARIS · LA HAYE

La rénovation urbaine à Paris Structure urbaine et logique de classe

Enquête et analyse

:

MANUEL CASTELLS · HENRI DELAYRE · CATHERINE DESSANE · FRANCIS GODARD · CHANTAL O'CALLAGHAN Elaboration

et rédaction

:

FRANCIS GODARD

MOUTON · PARIS · LA HAYE

Ouvrage publié avec le concours de l'École Pratique des Hautes Études (VIe

Section)

Library of Congress Catalog Card Number : 72-89442 © 1973 École Pratique des Hautes Études (VI e Section) and Mouton & Co. Couverture de Jurriaan Schrofer Imprimé en France

Avertissement

Étant donné l'objet de ce texte il convient d'apporter quelques précisions. L'enquête fut réalisée au cours de l'année 1970 *, le texte rédigé au mois de janvier 1971. Les informations et développements concernant le processus de rénovation apparus depuis lors ne figurent donc pas dans les lignes qui suivent. Signalons simplement qu'ils viennent confirmer l'analyse du processus étudié dans ce texte. Ce travail fut suivi de plusieurs publications ** sur le sujet, qui furent le point de départ de la création d'une pièce de théâtre sur la rénovation : « Les Marchands de ville », écrite et réalisée par la troupe de l'Aquarium ***.

* G. Puig et C. Skoda participèrent au travail d'enquête au cours du premier semestre 1970. ** F. Godard, « La rénovation urbaine à Paris : l'opération Italie XIII », Espaces et Sociétés (2), 1971. M. Castells, H. Delayre, C. Dessane, F. Godard, C. O'Callaghan, G. Puig et C. Skoda, « Paris 1970 : reconquête urbaine et rénovation-déportation », Sociologie du Travail (4), 1970. *** Création au TNP, salle Gémier, le 19 février 1972.

Introduction

Paysage de tours en béton et verre, brèche de modernité dans la grisaille des vieux quartiers, la rénovation urbaine frappe l'imagination bien plus directement que la plupart des autres opérations d'urbanisme. Elle frappe aussi autre chose : la population, les activités, les milieux sociaux constitués, un certain type d'occupation de l'espace. Ce qui la caractérise, en effet, c'est qu'elle porte sur un espace déjà produit, socialement structuré dans une imbrication sociale et fonctionnelle complexe. Dès lors, la question centrale qui est posée est celle d'établir le sens de ce changement de l'espace et de cette re-production. Et si re-production il y a, n'est-elle pas re-production sur l'espace ainsi visé d'un contenu social dominant dans la ville mais pas encore dans le secteur ainsi transformé? Par la re-production de l'espace y a-t-il production d'un effet nouveau et lequel? Quelles sont enfin les articulations entre cette intervention spécifique qu'est la rénovation urbaine et l'ensemble structuré de la politique en France? La rénovation urbaine, fer de lance d'une certaine politique du cadre de vie, est devenue en même temps cible de ceux qui opposent les intérêts des couches populaires aux projets technicistes portés par les nouvelles classes dirigeantes. A Paris, elle est en train de constituer l'enjeu central de la dialectique reproduction-transformation. Il est urgent d'en définir ses contours avec précision, d'établir ce qu'il y a de mythe, non pas pour le rejeter dans le monde dénié du « non-concret » mais pour le replacer dans la logique de la production de certains effets sociaux, économiques, politiques, idéologiques. La rénovation n'est pas n'importe quel changement de l'espace. C'est une opération de planification urbaine, en ce sens qu'elle est intervention émanant de l'appareil d'État. C'est la raison pour laquelle elle peut être considérée comme révélatrice d'une tendance d'ensemble, et non pas comme une simple conjonc-

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La rénovation urbaine à Paris

ture. Par rénovation urbaine nous entendons donc une intervention de ¡'appareil de l'État sur la structure urbaine, visant à changer l'occupation d'un espace déjà constitué, ses fonctions etjou son contenu social. Il est évident qu'une telle intervention a des effets multiples à tous les niveaux et pas seulement sur l'espace. D'autre part, elle n'est pas simple mécanisme d'application d'une logique générale de l'appareil d'État, mais processus social, présentant une très grande complexité institutionnelle et politique dans sa mise en œuvre. Toutefois, si le réel est complexe et enchevêtré, l'analyse consiste à introduire des articulations significatives qui en rendent le sens. Ce qui veut dire, concrètement, qu'il faut commencer par établir le contenu social d'une telle intervention, à partir de l'analyse des effets produits sur la structure urbaine; ensuite le processus institutionnel et les rapports politico-idéologiques deviennent intelligibles, puisqu'on peut les situer par rapport aux intérêts en jeu. Cette stratégie de recherche explique l'organisation de l'enquête et l'ordre d'exposition du présent rapport. Le contenu social de la rénovation urbaine à Paris est établi à partir de l'étude de ses effets sur la structure urbaine et des caractéristiques internes de chaque opération; le processus institutionnel est ensuite reconstitué; enfin, l'analyse détaillée de la plus importante et la plus prospective des opérations (Italie 13) permet de recomposer concrètement sur un cas précis les éléments dégagés par l'analyse sur l'ensemble du processus. Il reste, essentiellement, en dehors du présent rapport, la liaison entre l'intervention de politique urbaine analysée et les mouvements de contestation, c'est-à-dire, en dernière instance, son articulation à la lutte des classes qui n'existe ici qu'en creux, à travers la seule logique de la classe dominante 1 . Le noyau de l'analyse est constitué par l'étude des effets structurels de la rénovation urbaine. Ce sont ces effets qui caractérisent toute opération de planification urbaine au-delà des déclarations programmatiques ou des polémiques sociales. Ces effets sont à la fois économiques, politicoinstitutionnels et idéologiques, mais leur importance respective diffère. Pour les établir, nous avons d'abord étudié quelles étaient les caractéristiques de l'espace rénové, par rapport à l'espace parisien, sur l'ensemble des dimensions énoncées : type et situation des logements et 1. L'analyse de la lutte de classe autour de la rénovation urbaine a connu, depuis la rédaction de ce texte, quelques développements fort intéressants : cf., notamment, le numéro 5-6 de la revue Espaces et Sociétés, consacré au thème des mouvements sociaux urbains.

Introduction

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équipements dont disposent la population résidente; fonctions de production et d'échange; signification de cet espace dans le système institutionnel; charge symbolique qui y est attachée. Une fois caractérisé l'espace pré-rénové, nous étudierons l'espace rénové. C'est de la comparaison systématique et différentielle des deux espaces ainsi codés qu'on peut dégager un contenu social. Or, la plupart des opérations, et surtout les plus importantes, étant en cours de réalisation, on a utilisé, pour l'étude du deuxième terme de la comparaison, les contenus des programmes de chaque opération engagée, et l'on a utilisé approximativement le même codage que pour l'étude de l'espace touché par la rénovation. La mise en relation de ces deux caractérisations permet de synthétiser les points forts de la production-reproduction ainsi entreprise. Par ailleurs, cette recherche est délimitée géographiquement à la ville de Paris. Une telle définition de frontière a des conséquences considérables en ce qui concerne le type de processus social saisi. Elle est justifiable théoriquement et politiquement. Du point de vue théorique, la spécificité symbolique, fonctionnelle, historique et administrative de la capitale autorise ce traitement autonome, à conditions de le réinsérer dans une logique générale d'organisation de l'espace. Du point de vue politique, le fait de la soumission directe de Paris à l'appareil d'État et le type de mobilisation engagée dans la lutte contre la rénovation sont des processus spécifiques que l'on rapporte directement à une opération parisienne. C'est en effet à partir du rappel de cette spécificité de l'espace de Paris, des tentatives d ' « aménagement » et des tendances qui la sous-tendent que nous pouvons centrer notre objet d'étude en mettant en rapport la problématique générale énoncée et les problèmes historiques auxquels on est confronté. Jusqu'à présent en France, l'administration a généralement préféré donner des terrains additionnels pour la construction d'habitations, notamment dans le cadre de ZUP, la rénovation soulevant des difficultés considérables d'ordre foncier (expropriation...), financier (indemnités d'éviction, démolition...) technique (travaux en pleine ville...). Les villes se développent par adjonctions successives de quartiers périphériques; la tendance est à la dilution de la ville en noyaux périphériques éloignés du centre, à la banlieurisation, tandis que le centre vieillit, s'encombre, accueille les « slums ». Sans reprendre ici le débat général sur la planification urbaine, on peut déterminer quelle est la signification de la rénovation urbaine dans une ville, quel est le type de rationalité sociale sous-jacente à ce mode d'aménagement dans cette ville. Il faut d'abord savoir pourquoi et quand tel parti d'aménagement

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La rénovation urbaine à Paris

est choisi de préférence ou de conserve avec tel autre. Venons-en donc à Paris en considérant certains faits 2 . Le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne est publié en 1965, après avoir été élaboré dans les services techniques du District à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne. Le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de Paris, succédant au plan directeur de 1959, examiné par le Conseil municipal le 6 février 1967, est voté au Conseil de Paris le 7 mars 1968. Or ces deux schémas élaborés presque en même temps ne concordent pas; plus, même, ils sont contradictoires. Le schéma de la capitale fait de Paris la plaque tournante de migrations alternantes en prévoyant la création de pôles de bureaux et de centres commerciaux de grande importance, l'implantation des pôles de bureaux sur ou près des gares signifiant le drainage de l'emploi dans la région étendue. Or le schéma de région projetait lui aussi la création de pôles de bureaux et de grands centres commerciaux, justement pour éviter les migrations alternantes vers Paris. Le schéma de Paris tend à accentuer la radialité du réseau de communication routier et autoroutier. Le développement actuel, par exemple, de l'urbanisation autour de l'axe nord-sud d'entrée rapide dans Paris contredit fondamentalement l'idée d'axe tangentiel au nord et au sud de Paris prônés par le schéma de région. Le schéma de Paris présenté en 1968 par M. Doublet au Conseil de Paris, soutenu par le Chef de l'État et le Gouvernement, est approuvé. Le remplacement de P. Delouvrier par M. Doublet à la Préfecture de région et à la tête du District le 4 février 1969 semble consacrer la priorité accordée à la reconquête urbaine de la capitale sur l'aménagement fonctionnel de la région étendue. L'idée d'une rénovation de la capitale n'est pas nouvelle, mais sa mise en œuvre effective et son utilisation idéologique constituent un phénomène relativement récent. Pour plus de précision nous pouvons situer, par quelques dates, l'évolution de la rénovation urbaine à Paris. Le plan d'aménagement d'îlots insalubres proposé vers 1935 est abandonné avec la guerre mondiale. Le plan de 1950 propose une politique de rénovation, mais cette proposition n'aura pas de suite. En 1957, alors que les premiers décrets sur la rénovation paraissent, les objectifs sont bien modestes, comme le prouve un texte du Préfet de la Seine, E. Pelletier : « Partout où les exigences de la vie moderne et plus spécialement de l'hygiène et de la salubrité peuvent se concilier avec la préser2. Nous ne reprendrons pas ici l'étude des options qu'ont défendues successivement E. Pisani, P. Delouvrier et M. Doublet, qui nécessiterait un long développement.

Introduction

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vation de ce patrimoine, voire même sa restitution, l'entreprise doit être tentée. Mais dans le même temps... il faut prévoir l'avenir de la ville nouvelle. Cependant, on doit en cette matière, se garder de toutes ambitions démesurées; une excessive précision dans cette délimitation des objectifs lointains risquerait de conduire à l'inefficacité. Le souci d'un urbanisme réaliste et pratique veut que l'on inscrive dans le cadre général de l'action à mener à long terme un plan limité d'opérations possibles et prochaines » A la même date, P. Sudreau fait une déclaration volontariste et ambitieuse pour Paris : « Si la reconquête urbaine ne consistait qu'à remplacer de vieilles maisons par des neuves, elle manquerait totalement son but. Radiales et rocades, grands espaces verts doivent tronçonner ce magma de masures sordides où croupissent des ilôts insalubres. Assainir, aérer, remettre en ordre, telle est la tâche à ne plus différer. Mais elle n'est plus suffisante. Il faut oser avoir une politique de prestige et que, de loin en loin, des portes monumentales, des places convenablement situées marquent une volonté nouvelle » 4 . Or, P. Sudreau deviendra ministre de la Construction le 9 juin 1958, il préfacera les circulaires et décrets de 1958-1959 qui donnent à la rénovation son assise juridique. Enfin c'est en 1959, dans le cadre du Plan directeur de Paris, qu'un premier inventaire des rénovations possibles s'opère : 1 500 ha, soit le dixième de la superficie de Paris, et 367 000 habitants sont destinés à la rénovation. Le plan de rénovation touche essentiellement les zones non affectées par les fonctions dominantes 6 — zones peu touchées par les grands travaux de 1860 et où les habitants chassés par Haussmann sont venus se réfugier. La rénovation naît véritablement avec la V e République. Dans le plan de 1959 et les textes de l'époque, on parle de remise en ordre de la ville et en distinguant « îlot taudis » et « îlot mal utilisé », on se propose de mener la lutte contre le taudis, contre l'insalubrité, contre la mauvaise utilisation du sol 6 et pour la revalorisation du tissu urbain, le goût, l'harmonie et l'équilibre. 3. Préface à la revue Urbanisme (55), 1933, p. 127. 4. Ibid., pp. 140-141. 5. Les zones résidentielles et industrielles n'étant pas considérées par le Plan comme zones dominantes fonctionnelles telles que les zones administratives, financières, culturelles, universitaires. 6. Les îlots que l'on considère mal utilisés étant ceux qui sont occupés par les entreprises, l'artisanat et les entrepôts.

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La rénovation urbaine à Paris

Le schéma de 1967-1968, plus précis, prône une vaste opération de « reconquête urbaine ». Il faut maintenant restructurer, marquer l'espace de la Capitale par quatre moyens : 1) La restauration appliquée dans les quartiers historiques du centre et qui se propose de sauvegarder le patrimoine architectural parisien; le centre historique doit être doté d'équipements nationaux et internationaux d'un haut niveau politique et culturel : de modernes « forums » seront le haut lieu de la culture nationale ; 2) La réhabilitation concernant tous les logements non touchés par la rénovation : c'est la campagne de ravalement des façades, de modernisation des vieux appartements... 3) La rénovation stricto sensu qui concerne principalement les quartiers actifs et populaires des arrondissements périphériques : on veut, dans la couronne périphérique, remettre en ordre l'implantation immobilière, accueillir des centres de bureaux secondaires (5 000 employés); 4) La rénovation au sens large qui concerne les pôles à la limite périphérie-centre : il s'agira, aux points de rupture de charges (gares, convergences de lignes de métro, axes routiers), d'implanter plusieurs noyaux de bureaux très concentrés (environ 5 millions d'emplois chacun), là encore « de haut niveau » national et international.

Introduction

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La rénovation urbaine vient donc s'insérer dans un programme public d'aménagement, manifestant ainsi la cohérence d'une certaine stratégie visant le devenir de la Capitale, s'inscrivant dans une démarche politique globale. Le schéma ne fait qu'ordonner la tendance à la tertiarisation parisienne 7 (il prévoit 300 000 emplois de bureaux supplémentaires) et à la liquidation des industries (il prévoit que 200 000 emplois seront supprimés dans l'industrie). Dans le même temps, il adopte un principe : il faut trouver toutes les couches sociales dans Paris et mener une rigoureuse politique de logement social se posant ainsi contre la tendance générale à Paris 8 . Dans ce mouvement, quel est l'impact réel de la rénovation urbaine, qu'est-ce que la reconquête de Paris? Procédons tout d'abord à un premier repérage statistique des opérations de rénovation urbaine. Sur 1 500 ha prévus au plan directeur, 380 ha — 8 opérations terminées, 25 en cours — sont ou seront rénovés. Les opérations commencées pour les premières vers 1957 se termineront pour les dernières vers 1975-1980, ce qui représente une période de vingt-cinq ans. Les tableaux 1 à 4, dans lesquels se trouve rassemblée une information jusqu'alors non organisée, présentent l'ensemble des opérations. Si telles sont les dimensions historico-géographiques de l'opération de planification urbaine en cours, l'établissement de sa signification sociale exige son analyse, c'est-à-dire la comparaison systématique entre les types d'intervention et les types d'espaces codés suivant des caractéristiques expressives de l'articulation d'une structure sociale. Comme nous l'avons dit, la rénovation est re-production, il faut donc savoir quel espace se substitue à quel autre. Cela revient à chercher quels éléments du système urbain ont été déterminants pour l'implantation de la rénovation et selon quelles logiques se structure le nouvel espace. Le processus de transformation de la structure urbaine peut se résumer en un tableau, qui établit la probabilité, connaissant les caractéristiques d'un espace avant rénovation, de voir apparaître telles autres caractéristiques de l'espace après rénovation 9. Si la rénovation urbaine est intervention des institutions publiques pourvues d'autorité administrative sur la structure urbaine, manifestant une certaine stratégie, il faudra savoir suivant quels mécanismes 7. Cf. annexe, tableaux I, II et III. 8. Cf. annexe, tableaux I, II et III. 9. Une deuxième partie de l'analyse est en cours. Elle permettra de classer les opérations dans une combinatoire du jeu simultané des déterminants structurels et des logiques rénovatrices, ce qui revient à construire une typologie des opérations effectivement engagées à l'intérieur de tous les types d'opérations possibles.

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La rénovation urbaine à Paris

cette intervention se déroule et, si l'on parle de stratégie, quel est l'enjeu en question, quelles fonctions sociales veut-on reproduire lorsqu'il s'agit de Paris? Nous avons ici l'objet de notre seconde partie. TABLEAU 1.

vier 1970) Arrondi se ments

IV XI XII XIII

XIV XV

XIX

XX

Opérations de rénovation urbaine terminées ou en cours (Paris, Ier jan-

O ératio s

(Ilot 16) (Philippe-Auguste) Saint-Eloi Charenton-Meuniers Bercy (Aménagement) Deux-Moulins : Ilot 4 Deux-Moulins : ch. Rentiers Deux-Moulins : Choisy-Gare Secteur Italie, dont Tolbiac (0,6) Lahire-Clisson Ilot 13 Ilot Bièvre Plaisance-Vandamme Mariniers Gare Montparnasse Périchaux Procession Rue de Vouillé Sablonnière Beaugrenelle Flandre-Tanger Ourcq Ilot Riquet Place des Fêtes Ilot 7 - Rébeval Préault Plateau Ilot 11 Ilot 7 Couronnes dont sous-îlot 4792 (3,2) Hauts-de-Belleville dont Devéria (0,3) et TélégrapheSaint-Fargeau (0,2) Saint-Biaise

Total des surfaces en cours de rénovation

Surfaces opérationnelles , ,. , f en ha) 1,2 0,4 8,1 2,4 40,0 11,2 6,5 2,1 87,0 13,0 4,6 8,2 20 6,4 14,5 3,4 6,1 0,3 8,4 25,8 3,2 2,2 6,4 23,1 8,8 1,9 24 6,0 30,0 (8,0)

Organismes rénovateurs *

Ville de Paris OPHLMVP GFF OPHLMVP RIVP RIVP OPHLMVP SAGI Fédération 13e OPHLMVP SEMAR-Lahire SCIC OPHLMVP SEMIREP SAGI SEMAM OPHLMVP SEMEA XV OPHLMVP SEMEA XV SEMEA XV SEMEA XIX OPHLMVP FFF SAGI SCIC OPHLMVP Ville de Paris OPHLMVP SCIC Fédération 20e OPHLMVP OPHLMVP SAEMAR-St-Blaise

Date du début des travaux 1955 1956-60 1962 1956-60 1965-90 1956-60 1960 1960-65 1966 1966 1968 1955 1956-60 1965 1960-65 1957 1956-60 1962 1956-60 1962 1962 1961 1956-60 1962 1960-65 1966 1956-60 1955 1956-60 1967 1956-60 1956-60 1968

381,6

* Peuvent aménager et construire : Ville de Paris, OPHLM, G FF, RIVP, SAGI, SCIC, FFF, Fédération du XIII e et du XIX e ; aménagent seulement : SEM AN, SEMEA XV, SORENOBEL.

Introduction

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Enfin, nous prendrons l'exemple d'une opération de rénovation, afin de saisir l'articulation concrète de tous les éléments en jeu, de replacer l'action de certains acteurs concernés, agents supports de structure sociale réagissant sur le système urbain. Ce cas permettra d'engager une

Surfaces rénovées par arrondissement et pourcentages par rapport à la surface totale d'espaces rénovés (Paris, 1er janvier 1970) TABLEAU 2 .

Arrondissements

Surfaces rénovées ha

%

XII XIII XIV XV XIX XX

50,5 132,6 26,4 58,4 45,7 68,0

13,3 34,7 7,0 15,3 12,0 17,8

Total

381,6

100,0

TABLEAU 3 . Démolition et reconstruction de logements pour les opérations de rénovation publique et pour celles de rénovation spontanée *

Rénovation publique Rénovation spontanée

Dates

A démolir

A reconstruire

au 1 e r janv. 1966 au 1 e r oct. 1969

27 085 20 059

33 045 36 495

1966 1967 1968 1969

1 563 1 337 1 352 1 768

10 840 10 517 9 647 13 166

* On appelle rénovation spontanée les opérations de démolition-construction de logements qui n'entrent pas dans un programme public de rénovation. II s'agit d'opérations ponctuelles menées par des personnes privées. Ces constructions voient le jour massivement dans les XV e et XVI e arrondissements, mais aussi, et de plus en plus, dans les arrondissements rénovés et notamment à la périphérie des quartiers rénovés. Les rénovateurs-spéculateurs bénéficieront ainsi des équipements nouveaux construits dans les opérations publiques de rénovation et de la plus-value foncière consécutive. L'objet de notre étude est l'analyse de la rénovation publique.

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La rénovation urbaine à Paris

lecture de l'espace et de proposer aux sémiologues de prendre le relais. Ce programme de travail nécessitait une énorme quantité de données, que l'ensemble du groupe a collectées pendant le premier semestre et le mois d'octobre de l'année 1970. Nous avons trouvé à l'Institut national de la statistique et des études TABLEAU 4. Chronologie des opérations de rénovation

Période 1955-1960 a) Ville de Paris

Ilot 11 Ilot 16 Ilot 4 (Deux-Moulins) b) R I U P Ilot 13 c) SCIC HLM Ilot 7 Couronnes ( + sous îlot 4792) d) SCIC Toutes les opérations sauf 2 e) HLM Il s'agit au moins pour a. b. c. d. d'îlots insalubres. Total 16 opérations : 75,2 ha + Aménagement de la Gare Montparnasse (1957) Total 17 opérations : 89,7 ha Période 1960-1965 a) H L M b) SAGI c) SEMEA XV d) SEMIREP e) G F F FFF Total

Les deux opérations restantes : Flandre-Tanger et Ch. des Rentiers Choisy-Gare (Deux-Moulins) Place des Fêtes Mariniers Beaugrenelle Procession Sablonnière Plaisance-Vandamne Saint-Eloi Ilot Riquet 11 opérations : 116 ha

Période 1965-1970 Ilot 7 Rébeval (sous-îlot 4793-94) Reprise de l'îlot 7 Couronnes par la SORENOBEL sous l'égide de l'OPHLMVP b) SPEI Promoteur privé — Hauts-de-Belleville Italie Aménagement concerté dans le cadre d'une ZAC privée c) SAEMAR Saint-Biaise Lahire-Clisson Société d'économie mixte ou cessionnaire (60 % financement public) Total 6 opérations : 145 ha + Aménagement Bercy 40 ha (RIVP) a) SCIC

Période 1970-1975 Rien de prévu sauf : Aménagement du Pôle Lyon-Austerlitz-Bercy

Introduction

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économiques des chiffres sur les caractéristiques de la population et du logement; nous disposions déjà là d'une information directement utilisable. Pour trouver d'autres renseignements, de sociologues que nous étions, il fallut se faire détectives. D'une part, nous nous sommes heurtés dans certains organismes publics à une méfiance incompréhensible, et la possibilité d'obtenir certaines informations tenait souvent au caractère des fonctionnaires à qui l'on s'adressait. Certaines poussières de renseignements furent obtenues après promesses de discrétion. Le renvoi des responsabilités, la méfiance du supérieur devant les gêneurs, la crainte du subordonné vis-à-vis du supérieur furent des réactions courantes. D'autre part, certaines informations essentielles sur Paris n'existent pas. Les architectes voyers possèdent des renseignements parcellaires non classés, l'Atelier parisien d'urbanisme, des renseignements généraux non systématiques sur la ville. Pour obtenir des renseignements sur les programmes de rénovation, nous avons dû nous adresser aux rénovateurs un par un. L'accueil fut bon en général, mais il s'est vite avéré qu'au-delà d'une certaine limite, les questions n'auraient que des réponses évasives. A la suite d'interviews auprès de la population, certaines de ces questions ont pu trouver réponse.

Nos investigations ont donc consisté en trois types de démarches : — Nous avons recherché des données brutes à partir desquelles nous avons construit nos indices. Cette chasse aux documents s'est menée à la préfecture de Paris, à l'Atelier parisien d'urbanisme, à l'office HLM de la Ville de Paris, à l'Hôtel de Ville de Paris. L'Atlas de Paris et de la région parisienne de J. Bastié et J. Beaujeu-Garnier nous fût aussi d'une grande aide. — Nous avons procédé à des interviews auprès de responsables de de la Direction de l'Urbanisme, de rénovateurs, de conseillers municipaux. Une partie des questions visaient à obtenir des points d'information, une autre partie, à saisir la position respective de ces trois instances sur la rénovation, et l'idée qu'elles se faisaient de leurs interventions. — Enfin, nous avons été sur le terrain, afin, notamment, de saisir sur place le processus de délogement-relogement et les manœuvres des rénovateurs. Nous avons réalisé quelques interviews dans la rue auprès de commerçants et d'habitants du quartier.

CHAPITRE PREMIER

La rénovation, re-production d'un espace

I . L E S DÉTERMINANTS DE L'IMPLANTATION DES OPÉRATIONS DE RÉNOVATION

1. Le problème Nous avons dit que la rénovation porte sur un espace déjà organisé. Il s'agit alors de déterminer quelle est la logique spécifique de l'implantation de la rénovation dans cet espace. Quelle place les secteurs rénovés occupent-ils dans le système urbain? Se répartissent-ils indifféremment dans ce système ou leur répartition obéit-elle à certaines déterminations structurelles particulières? Y a-t-il une logique dominante dans le processus de déstructuration d'un espace, que ou qui vise-t-on? Il ne s'agit pas, pour répondre à ces questions, de mener une spéculation pure, ni de rester à la remorque des faits, mais de faire une étude empirique à partir d'un instrument d'analyse théoriquement fondé. Si la rénovation s'implante sur un espace structuré à plusieurs dimensions, il faut parler de plusieurs logiques d'implantation selon les dimensions considérées. On peut considérer soit l'espace de reproduction de la force de travail, soit l'espace des activités productives de marchandises ou d'information (lieu de la consommation productive de la force de travail), soit, dans la sphère de la circulation, l'espace de l'échange des marchandises et du déplacement des individus. Il faudra aussi prendre en compte le rapport de l'espace au système institutionnel; le découpage électoral s'opérant sur des espaces géographiques circonscrits, la détermination du lieu d'implantation des opérations risque d'avoir certains effets sur la scène politique.

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La rénovation urbaine à Paris

Pour chacune de ces dimensions, on a construit un ensemble de variables qui permet de les repérer précisément. Nous avons comparé les valeurs des variables sur l'ensemble des opérations de rénovation aux valeurs des variables sur Paris par une procédure identique pour les quatre dimensions, afin de mesurer la spécificité du lieu d'implantation des opérations de rénovation. 2. L'espace de reproduction de la force de travail : caractéristiques physiques et sociales des lieux rénovés Nous avons construit pour cet élément deux ensembles de variables qui, pour notre propos, sont de première importance : d'une part les variables relatives aux caractéristiques physiques de l'espace résidentiel rénové, d'autre part les variables relatives aux caractéristiques sociales de ce même espace. La lutte contre le taudis, et l'assainissement de l'environnement physique ayant été au nombre des motifs et des justifications premières de la rénovation, il faudrait savoir dans quelle mesure le processus réel de la rénovation conduit, comme cela est dit en général par ceux qui en assument les décisions, à la résorption des espaces physiquement dégradés. Indiquons d'abord brièvement quels variables et indicateurs nous avons retenus et quelle est leur signification. Le choix des variables1 En ce qui concerne la « composition sociale de l'espace », nous avons voulu connaître la stratification sociale sur les terrains à rénover. La proportion d'OS et manœuvres, de cadres supérieurs et professions libérales, d'artisans et petits commerçants était un bon indicateur du statut social des espaces considérés, les deux premiers marquant les deux bornes de l'échelle des statuts, le troisième marquant l'ambiance sociale d'un quartier. L'étude de la nationalité avec le calcul du pourcentage d'Algériens fournissait un complément pour la connaissance du statut social des espaces rénovés, la présence de travailleurs immigrés étant le signe de la « détériorisation » sociale d'un quartier. Quant aux pourcentages d'étrangers, plus ambigus, ils définissent non plus une couche sociale, mais plutôt la présence de communautés ethniques. 1. Pour la technique de construction des indicateurs, voir annexe p. 111, et les tableaux IV, V et VII, pour la valeur des indicateurs obtenus après construction.

La rénovation, re-production d'un espace

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Nous avons enfin repéré la population active totale et féminine et l'âge de la population concernée par la rénovation. Nous avons pour cela calculé la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans et la proportion de jeunes de moins de 19 ans. Nous sommes donc en présence de deux types de variables : stratification sociale et nationalité, avec l'indicateur « Algériens » qui caractérise les populations au point de vue de leur niveau social, et : âge, activité, nationalité, sans « Algériens », qui caractérisent les populations compte non tenu de leur niveau social. Pour la détériorisation physique de l'environnement nous avons construit les variables surpeuplement et confort des habitations. Le confort, ou plutôt le manque de confort, se mesure au pourcentage de logements sans WC et au pourcentage de logements sans eau. Les deux indicateurs ne se recoupent pas, ils repèrent deux types de logements différents : le premier caractérise des logements peu confortables, le second des logements très inconfortables ; dans cette catégorie, entrent tous les taudis, qui sont le meilleur indicateur de détérioration du milieu physique. En ce qui concerne le surpeuplement, nous avons considéré les personnes en situation de surpeuplement aigu 2. Pour répondre aux questions posées au début de cette analyse, nous procéderons en deux temps : 1) D'abord nous présenterons une répartition des opérations de rénovation en trois classes; faite pour chaque indicateur, selon une procédure décrite en annexe, p. 109. Cette classification trichotomique, établie par rapport aux valeurs des indicateurs pour l'ensemble de Paris, permettra de savoir si les opérations de rénovation pour chaque indicateur se répartissent indifféremment dans les valeurs faible, moyenne, ou forte de Paris ou si au contraire elles viennent se concentrer dans l'une de ces trois classes, auquel cas il faudra conclure à une certaine spécificité de l'implantation par rapport à l'ensemble de Paris. Nous établirons ensuite un indice de différenciation entre la moyenne des indicateurs retenus pour l'ensemble des opérations et la valeur de l'indicateur pour Paris. Cela nous permettra de connaître celles des variables qui spécifient le plus les secteurs rénovés. 2. D'après les normes INSEE, lorsque, dans un appartement, on trouve plus de deux personnes par pièce, on considère qu'elles sont en situation de surpeuplement accentué. Sur une échelle de peuplement qui va de 1 à 5, le surpeuplement accentué se situe à l'échelon 5. Cet indicateur est donc relativement imprécis : entre 2 et 5 personnes par pièce, la marge est grande.

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La rénovation urbaine à Paris

2) Afin de déterminer le poids de chaque variable dans le processus de liquidation d ' u n espace, nous mesurons la liaison entre l'importance des opérations et la valeur de la variable par le coefficient de corrélation de Spearman (coefficient de corrélation ordinal). Voyons donc les résultats obtenus, d'abord par le classement des opérations en fonction de Paris. Les résultats indiquent clairement que les opérations voient le jour de façon générale sur des secteurs qui, par rapport à Paris, ont : — — — — — — —

une proportion de vieillards faible, une proportion d'Algériens forte, une proportion d ' O S et manœuvres forte, une proportion de cadres et professions libérales faible, des logements plus surpeuplés, plus de logements de faible confort (sans WC), mais moins de logements très inconfortables.

Sur ce dernier point, il est d'ailleurs remarquable de constater que les I e r , II e , III e , IV e , X e et XI e arrondissements, qui figurent parmi les plus dégradés de Paris, ne sont pas touchés par la rénovation. Classement des opérations de rénovation, pondérées par leur surface, dans l'espace social et physique parisien * TABLEAU 5.

Valeur pour Paris

Faible Moyenne Forte

— = +

+

Moins de Plus de 65 ans 19 ans 317,7 9,8 0

86,7 180,5 60,3

Algériens

Étrangers

OSM

PLCS

Ar. C

99 0 228,5

292,2 20,5 14,8

0,3 93,1 234,1

312,6 14,9 0

89,7 132,9 104,9

Surpeuplement

Logement sans eau

Logement sans WC

48,5 6,4 272,6

198,5 52,5 76,5

44,0 45,7 237,4

* Le total des opérations est ici 327,5 et non 381,6 car les données pour ce tableau ont été calculées au niveau de l'îlot de rénovation. Il a fallu alors éliminer les opérations Montparnasse et Bercy s'installant respectivement sur une gare et sur d'anciens entrepôts. Les tableaux 1V/1 à IV/10 donnés en annexe présentent les chiffres ayant permis la construction de ce tableau.

La rénovation, re-production d'un espace

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Il ressort donc que les opérations de rénovation ne s'installent pas sur les espaces où les logements sont les plus inconfortables par rapport à l'espace parisien, et qu'elles s'implantent par contre sur des espaces socialement caractérisés. La superposition de la carte des îlots insalubres à la carte de la rénovation vient confirmer le fait.

Les deux cartes ne se superposent pas exactement, le gros des opérations ne s'est pas installé sur les îlots insalubres. Il apparaît donc que la rénovation ne constitue pas une opération d'élimination des espaces urbains les plus détériorés. Après cette première spécification des espaces rénovés, nous pouvons passer à la deuxième opération qui consiste à hiérarchiser les variables, de façon à faire apparaître celles qui agissent le plus fortement sur la transformation de l'occupation du sol. Nous avons établi un indice de différenciation selon la formule suivante : Valeur de la variable (en %) dans l'ensemble des secteurs rénovés ÏDru

I Valeur de la variable (en %) dans l'ensemble de la Ville de Paris

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La rénovation urbaine à Paris

Il doit apparaître que plus grande est la valeur absolue de l'indice, pour un indicateur donné, plus la spécificité d'implantation de la rénovation sera marquée par rapport à l'ensemble de Paris, pour cel indicateur. Le signe de l'indice pour les différents indicateurs se distribue comme suit : TABLEAU 6. Influence des variables de logements et de composition sociale sur la rénovation urbaine à Paris (1954 et 1962 : calcul effectué sur 27 opérations)

+ + + + + + + +

1,20 0,57 0,50 0,47 0,36 0,31 0,30 0,19 0,13 0,06 0,04 0,02

Algériens Cadres et professions libérales Manœuvres et ouvriers spécialisés Surpeuplement Logements sans eau Logements sans WC Étrangers Plus de 65 ans Femmes actives Population active Artisans, commerçants Moins de 19 ans

Les résultats du tableau 6 appellent plusieurs remarques : ce sont les variables indicatives de la stratification sociale qui influent le plus fortement sur la rénovation urbaine. Tout de suite après, viennent les caractéristiques physiques de l'espace. Enfin les variables caractérisant les populations, mais non liées au niveau social, spécifient fort peu les espaces rénovés. Quoique les deux premières séries de variables soient étroitement corrélées, la lecture des tableaux 5 et 6 fait apparaître une différence assez nette de leurs comportements respectifs. Le troisième temps de notre analyse vient le confirmer. Le test de Spearman (coefficient de corrélation de rang) permet d'apporter une précision importante, en faisant intervenir la taille des opérations, ce que ne faisait pas le tableau 6. Il s'agit pour chaque variable de calculer la liaison entre la taille des opérations et la valeur de la variable sur les opérations. Cela revient à calculer l'influence de chaque variable sur l'importance de la rénovation (mesurée en hectares). Ce test permettra de classer les variables d'après le degré de leur influence sur le poids de la rénovation. On constate, avec le tableau 7, une nette coupure entre les variables concernant le logement et les variables indicatives de la stratification sociale. Les grandes opérations ne se sont pas installées sur les espaces les plus dégradés physiquement; alors qu'elles sont considérées comme restructurantes de l'environnement physique, elles restructurent essentiellement l'environnement social. Il faut noter aussi que, pour ces

La rénovation, re-production d'un espace

27

TABLEAU 7. Liaison entre la taille des opérations de rénovation urbaine et les variables indicatives de Γ état des logements et de la composition sociale des espaces rénovés ( test de Spearman, coefficient de corrélation de rang)

+ + + + + +

.28 . 20 .18 .14 .09 .04



.0

— — — — — —

.05 .06 .08 .09 . 17 . 27

Plus de 65 ans Algériens Manœuvres Étrangers Artisans commerçants Professions libérales —

Active Logements sans WC Population active Surpeuplement Moins de 19 ans Logements sans eau

calculs, nous n'avons pris en compte ni l'opération Bercy, ni l'opération Montparnasse qui, bien entendu, n'ont pas plus contribué à reconstituer le patrimoine immobilier. Les espaces ayant des logements inconfortables en très mauvais état ont donc vu s'installer de petites opérations qui sont pour une bonne part les opérations HLM des années 1955-19603, alors que la lutte contre les îlots-taudis a été le fait d'opérations peu importantes ou ponctuelles 4 , menées par la Ville ou un Office public d'HLM. Si nous revenons au tableau 7, le fait de trouver les personnes âgées de plus de 65 ans en tête du classement ne doit pas faire oublier les résultats du tableau 5 qui montrent que l'on trouve moins de personnes âgées de moins de 65 ans dans les zones rénovées que dans le reste de Paris. Cela signifie que, si le pourcentage des plus de 65 ans est le plus fort là où les opérations sont les plus grandes, ce pourcentage reste néanmoins plus faible que pour le reste de Paris. Par contre le classement des indicateurs Algériens et Manœuvres prend ici toute sa signification. Ces indicateurs, qui caractérisent fortement les espaces rénovés par rapport à Paris et aux arrondissements aménagés, ont les valeurs les plus fortes sur les grandes opérations — valeurs beaucoup plus élevées que pour le reste de Paris, et il y a, pour ces deux indicateurs, une continuité remarquable dans les résultats des trois tableaux, ce qui n'est pas le cas pour les autres indicateurs. 11 apparaît donc à travers l'imbrication étroite des deux logiques d'implantation des opérations (remplacement des espaces physiquement dégradés et remplacement des espaces à bas statut social) que la 3. Voir la chronologie et la liste des opérations, p. 16. 4. Mis à part l'îlot II = 11,2 ha.

28

La rénovation urbaine à Paris

TABLEAU 8 .

Structure urbaine : classement des opérations de rénovation, pondérées par leur

Espace industriel

— = + Total

Mouvement industriel

Implantation de bureaux (1962)

Implantation de bureaux (1962-1968)

Commerce taille

type

nombre

%

nombre

%

nombre

%

nombre

%

nombre

%

nombre

0 135,3 246,3 381,6

0 35,5 64,5 100

0 76,9 304,7 381,6

0 20,1 79,9 100

323,2 0 58,4 381,6

85 0 15 100

144,9 58,4 178,3 381,6

38 15 47 100

381,6 0 0 381,6

100 0 0 100

355,2 26,4 0 381,6

%

93 7 100

* Cf., en annexe, les tableaux V/l à V/12 qui ont permis de construire le tableau ci-dessus.

seconde soit dominante. L'étude de la spécificité des zones d'implantation et de l'influence différentielle des variables sur l'importance de la rénovation le prouve. 3. La production et l'échange Ici encore nous avons choisi un certain nombre de variables significatives des éléments production et échange 5 . Il est bien évident qu'en ce qui concerne notamment la production, les résultats viendront confirmer des faits déjà pressentis. Ils permettront de quantifier ce qui n'était qu'intuition et surtout de savoir comment se situe l'intervention du planificateur dans le mouvement « naturel » des activités à Paris. Pour l'élément production (voir en annexe les tableaux V/1 et V/2), nous avons mesuré : 1) Γ importance de Γoccupation industrielle préalable à la rénovation, en considérant le nombre de salariés industriels productifs par arrondissement (salariés au lieu de travail et non au lieu de résidence) ; 2) Vimportance de déménagements d'installations industrielles, par les chiffres de démolition de locaux industriels dans la période 1960-1966 inclus; 3) Vimportance de l'implantation de bureaux, par le stock de bureaux de 1962, en surface de plancher; 4) le taux d'accroissement d'implantation de bureaux, par l'augmentation de stock de bureaux entre 1962 et 1968. 5. Pour la théorisation des éléments du système urbain, cf. M. Castells, La question urbaine, Paris, 1971.

La rénovation, re-production d'un espace

29

surface, dans la structure urbaine parisienne (nombres et pourcentages) *

Prix du m2

Commerce concentration spatiale nombre

381,6 0 0 381,6

%

100 0 0 100

distribution nombre

381,6 0 0 381,6

%

100 0 0 100

Places de parking

Desserte métro nombre

%

nombre

50,5 259 72,1 381,6

13 68 19 100

335,9 45,7 0 381,6

%

88 12 0 100

logements anciens nombre

323,2 58,4 0 381,6

%

85 15 0 100

logements nouveaux nombre

%

164,2 217,4 0 381,6

43 57 0 100

Si nous considérons l'élément échange 6 , nous avons étudié : les commerces, le flux urbain et la valeur marchande de l'espace. Le nombre moyen de salariés par établissement fournissait un indicateur convenable de la taille des commerces. Pour la concentration spatiale des commerces, nous connaissions le nombre de rues ayant plus de 15 commerces par 100 mètres. Nous avons évalué la distribution du commerce au nombre de salariés du commerce pour 1000 consommateurs et le type de commerce à la proportion de commerces exceptionnels et occasionnels. Pour l'étude des flux urbains, nous avons calculé le nombre de lignes de métro passant par chaque station. Nous avons établi, pour toutes les opérations d'un arrondissement, le nombre de stations pondéré par le nombre de lignes qui a constitué un indicateur de desserte en métro. Pour compléter nous avons indiqué le nombre de places de parking offertes par arrondissement afin d'évaluer leur capacité de stationnement en parking. Enfin VIndicateur Bertrand nous donnait le prix moyen de logements anciens 7 et nouveaux par quartier, qui constituait une indication de la valeur marchande de Γ espace. Nous avons pour chaque variable, et comme pour l'analyse précédente, classé les opérations de rénovation urbaine par rapport à une échelle en trois classes (faible, moyenne, forte) établie sur l'ensemble de Paris. Il apparaît, pour l'élément production, que la rénovation s'installe sur des espaces fortement industrialisés et à très faible implantation de bureaux. Il faut préciser que dominent dans cet espace l'industrie métallur6. Voir en annexe les tableaux V/3 à V/6. 7. Appartements construits avant 1948.

30

La rénovation urbaine à Paris

gique et l'industrie de la construction, c'est-à-dire des industries occupant de grandes surfaces 8 . De plus les opérations de rénovation se localisent de préférence à l'intérieur même d'arrondissements industrialisés, dans les quartiers où se trouvent le plus d'établissements industriels importants, ainsi l'exemple du XIII e arrondissement. Dénombrement des établissements industriels démolis dans le XIIIe arrondissement, selon leur taille TABLEAU 9 .

Établissements de 100 à 200 salariés

Quartier non rénové 49 Quartier rénové 50 Quartier rénové 51 Quartier non rénové 52 Total arrondissement

1 7 10 3 21

Établissements de plus de 200 salariés

3 4 2 9

Le mouvement actuel (desserrement industriel et variation du stock bureau) tend à prouver que la rénovation est intimement liée au mouvement de démantèlement de l'implantation industrielle à Paris 9 et d'augmentation de l'implantation de bureaux. En ce qui concerne l'élément échange, les caractéristiques des commerces des espaces rénovés ressortent extrêmement nettement. Les commerces sont de petite taille, diffus, banaux, assurant une faible distribution. Ce sont de petits commerces de quartier, pour les consommations quotidiennes. Avec eux disparaissent, sur les zones touchées par la rénovation, les anciens quartiers parisiens. Le tableau 8 a montré que, si l'on considère que les arrondissements périphériques rénovés sont très défavorisés par rapport à Paris en ce qui concerne la desserte en métro, la rénovation a plutôt tendance à s'installer près des lignes de métro. Cela est surtout vrai — et il faudra revenir plus loin sur ce point — pour certains types d'opérations. Il faut ajouter ici un point de précision. Les opérations de rénovation s'installent souvent près des gares et à proximité des grands axes routiers d'entrée dans Paris, ce qui signifie que bon nombre d'opérations de rénovation s'organisent autour d'axes de communication régionaux, nationaux ou internationaux. Mais l'accroissement des emplois de bureaux et l'augmentation consé8. Atlas de la Région Parisienne, carte n° 73-1. 9. Dans le XIV e arrondissement, où le nombre de démolitions industrielles (29) est inférieur à la moyenne parisienne (36,6), les démolitions dans le quartier rénové (9) sont supérieures à la moyenne des démolitions par quartier (7,25).

La rénovation, re-production d'un espace

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cutive des migrations alternantes vont venir se heurter à la désorganisation et à l'insuffisance actuelle des transports locaux parisiens, et cela risque, dans un avenir proche, de faire naître de difficiles problèmes. Les faibles prix des logements anciens et l'élévation, par rapport au reste de Paris, des prix des logements nouveaux signifient que l'on a choisi des terrains où les charges foncières étaient minimum en regard des prix pratiqués à Paris. Ils signifient aussi que les constructeurs pourront à court terme atteindre dans ces arrondissements des profits relativements élevés par rapport au reste de Paris. 4. Le rapport de la rénovation urbaine au système institutionnel Il ne s'agira pas, ici, de présenter la rénovation comme une action du politique sur le politique mais plus simplement de mesurer, au moins dans un premier temps, les effets qu'elle aura globalement sur le système institutionnel. Si l'on ne perd pas de vue que la rénovation consiste en une suite de choix (gouvernementaux), et si on veut bien admettre que le statut de Paris en fait la ville du Gouvernement 10 , il semble intéressant de voir quels sont les effets politiques d'un acte de planification. Pour y parvenir, nous avons étudié la relation qui peut exister entre l'importance de la rénovation et le vote des Parisiens aux élections qui les concernent principalement. Après avoir expliqué nos choix en ce qui concerne les élections retenues, nous verrons les indicateurs que nous avons adoptés. Enfin nous ferons une analyse des résultats les plus significatifs. A. Le choix des élections et des indicateurs : aspect méthodologique11 a) Le choix des élections La période la plus intéressante du point de vue de la rénovation est celle qui va de 1962 à 1970. Au cours de ces années, se sont déroulées trois élections législatives (1962, 1967, 1968), une élection municipale (1965), deux élections présidentielles (1965 et 1969) et trois référendums (1962, 1964 et 1969). Nous avons écarté les élections présidentielles et les référendums qui concernaient des problèmes très généraux de la vie politique sans rapport direct avec la rénovation à Paris. Nous avons donc dépouillé de façon exhaustive les résultats des élections municipales de 1965 et des trois élections législatives12. 10. Nous le montrerons dans la deuxième partie. 11. Nous renvoyons à l'annexe, pp. 121-127, le lecteur qui serait intéressé par une explication détaillée de l'élaboration des indicateurs. 12. Les résultats pris en compte sont ceux publiés par le Bulletin municipal officiel.

32

La rénovation urbaine à Paris

Mais au niveau des résultats nous avons encore fait deux choix : 1) Les résultats des élections législatives nous ont paru plus significatifs pour deux raisons : d'une part, à Paris les députés font, au moins autant que les élus municipaux, figure d'élus locaux; d'autre part, les résultats fournis pour les législatives sont plus fins que ceux des municipales (31 circonscriptions dans le premier cas, contre seulement 14 secteurs dans le second). 2) Enfin, nous avons surtout tenu compte des législatives de 1967. La fin de la guerre d'Algérie pour celles de 1962, les événements du mois de Mai pour celles de 1969 constituaient des aléas entachant les résultats d ' u n biais important. De plus, en 1967 l'échiquier politique était extrêmement simplifié, les quatre tendances fondamentales de la vie politique française 13 y étant exclusivement représentées. Les principaux résultats de ces élections montrent que : — Aux municipales de 1965, sur un total de 90 conseillers, on compte 52 élus de la majorité (39 gaullistes et 13 centristes) et 38 élus de l'opposition de gauche. — Aux législatives de 1962 et 1968 tous les députés — sauf un centriste — sont gaullistes. En 1967 on remarque que 3 centristes, 1 F G D S et 5 communistes ont réussi à se faire élire.

b) Le choix des indicateurs Nous en avons retenu quatre qui nous ont paru les plus significatifs en ce qui concerne la rénovation : 1) Élection de la liste de gauche aux municipales (différence par rapport à 50 % du pourcentage de voix de gauche au second tour) ; 2) Implantation du parti communiste (différence à la moyenne parisienne — 23 % — du pourcentage de voix du P C F au premier tour des législatives de 1967; 3) Indépendance de la majorité gaulliste par rapport aux autres formations politiques (différence à la majorité de 50 % du pourcentage de voix U N R au premier tour des législatives de 1967); 4) Marge de sécurité de l ' U N R (différence du pourcentage de voix U N R au deuxième tour des législatives par rapport à 50 %). 13. PCF, UDR, Centre et Gauche non communiste.

La rénovation, re-production d'un espace

33

*% I50

53

©

CD 43L

©

®

B. Mesure du rapport de la rénovation urbaine au système politique On procédera en deux temps. D'abord, en combinant les deux derniers indicateurs, comme le montre le schéma ci-dessus, on peut repérer les circonscriptions (et en particulier celles où sont implantées les opérations de rénovation) selon les quatre situations que la majorité gaulliste trouve devant elle : 1) Position de force (grande indépendance et grande marge de sécurité) : cadran 1 ; 2) Implantation faible mais situation électorale satisfaisante : cadran 2; 3) Implantation forte mais situation électorale menacée : cadran 3 ; 4) Situation électorale menacée : cadran 4. L'axe des ordonnées permet de repérer les opérations par rapport au premier tour des législatives. On considère qu'il y a implantation forte de l'UDR, lorsqu'elle totalise plus de 43 % des voix au premier tour (moyenne de Paris). L'axe des abcisses permet de repérer la situation de l'UDR sur les opérations au second tour. On considère que l'UDR possède une bonne marge de sécurité (bonne situation électorale) lorsqu'elle totalise plus de 53 % des voix (moyenne de Paris). Les axes de coordonnées hachurées repèrent la situation de l'UDR (premier et second tour) par rapport à la majorité de 50 %. Les axes de coordonnées en traits pleins repèrent la situation de l'UDR (premier et second tour) par rapport aux deux indices précités. Ensuite, nous allons esquisser une mesure plus précise de la liaison qui existe entre la rénovation et le système politique. En procédant comme il est indiqué en annexe, nous obtenons le tableau suivant, indiquant le rapport qui existe entre les valeurs de nos indicateurs repérées sur les opérations de rénovation et les valeurs enregistrées pour les quatre autres circonscriptions de Paris.

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La rénovation urbaine à Paris

TABLEAU 10. Rapport entre les valeurs repérées sur les opérations de rénovation et celles enregistrées pour les quatre autres circonscriptions de Paris * Position de l'apparition de gauche ( municipales)

Implantation du PCF ( législatives 67, 1" tour)

Indépendance deVUNR (législatives 67, 1" tour

Marge de sécurité deVUNR ( législatives 67, 2' tour)

nombre

%

nombre

/o

nombre

%

nombre

%

+

0 91,2 246,3

0 28 72

36,2 54,6 246,3

11 17 72

192 114,6 20,5

56 38 6

246,3 68,3 12,5

75 21 4

Total

337,5

100

337,1

100

327,1

100

327,1

100

=

Cf., en annexe, les tableaux VI et VII/1 à VII/4 dans lesquels on trouve les données ayant permis de construire le tableau ci-dessus.

Deux séries de résultats peuvent être dégagés de cette analyse : 1) On constate, au niveau de l'ensemble des opérations, que les différences de moyenne sont significatives en ce qui concerne les indicateurs retenus. Il faut toutefois remarquer que la situation des IV e , X e , XI e , et XIII e arrondissements ressemble davantage à celle des XIX e et XX e , tandis que celle des XIV e et XV e arrondissements paraît comparable à celle des VII e , VIII e , IX e , XVI e et XVII e . Cela nous conduit à faire une distinction entre : — d'une part les circonscriptions où la majorité gaulliste jouit d'une situation dominante (indépendance et marge de sécurité) et où les opérations à caractère prestigieux entreprises (Beaugrenelle, Montparnasse) présentent peu de risques du point de vue politique; — d'autre part, les circonscriptions 13, 14, 29, 30 et 31 14 où la majorité gaulliste doit chercher des renforts et où, éventuellement, l'opération de rénovation en cours peut modifier sensiblement la structure politique en conséquence du glissement attendu de la composition socio-professionnelle, tel qu'il a été mis en évidence plus haut. 2) Compte tenu des distinctions faites ci-dessus, il apparaît que la rénovation s'implante sur des secteurs votant à gauche, ce qui ne peut surprendre étant donné la corrélation existant entre vote politique et implantation ouvrière. Mais, de plus, ce sont des secteurs où la majorité gaulliste semble la plus fragile. Nous 14. C'est-à-dire approximativement les XIIIe, XIX e et XX e arrondissements.

La rénovation, re-production d'un espace

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avons par là-même démontré l'existence de l'équation fondamentale qui exprime l'implantation de la rénovation en tant que décision politique — en fonction du système politique luimême. Reste à savoir si l'élément politique joue un rôle aussi déterminant dans l'équation qui exprime d'une façon globale les différentes variables qui conditionnent l'implantation de la rénovation. Cela pourrait se mesurer de deux manières : d'abord par une analyse décisionnelle de la rénovation — qui constituerait un prolongement logique à cette étude —, ensuite, par une évaluation concrète de la transformation des données électorales au cours des prochaines consultations. S'il apparaît qu'il est encore trop tôt pour pousser la recherche dans ces deux directions, il semble néanmoins que, à la suite des opérations de rénovation, la majorité gaulliste devrait accentuer sa mainmise sur Paris. Mais cette conséquence n'est-elle pas attendue, voire souhaitée dans la mesure où beaucoup de choses laissent à penser qu'elle se traduirait rapidement par une révision profonde du statut de la Capitale? Nous ferons une remarque, pour clore cette première partie. Les III e , X e , XI e et XVIII e arrondissements qui, selon le Plan directeur de Paris, devaient être rénovés, n'ont pas été touchés par la rénovation 15. Or ils ressemblent fort aux quartiers rénovés, par leur composition sociale, leur implantation industrielle importante, la même teinte des votes politiques, les prix de logements qui sont parmi les plus bas de Paris (ce qui montre bien que les faibles prix des logements ne suffisent pas pour attirer les opérations de rénovation). Ils en diffèrent essentiellement par le fait que l'on y trouve plus de logements dégradés, que les industries y sont de moindre taille (sauf pour le XI e ), que l'on y trouve plus d'artisans, que la structure commerciale y est différente (notamment pour le III e et le X e ), que la densité d'habitants y est plus forte 16 . Le XI e arrondissement est le cas le plus frappant, car il est presque en tout point semblable aux arrondissements rénovés sauf un : c'est l'arrondissement où l'on trouve le plus d'îlots insalubres dans Paris 17 . La rénovation prise globalement a évité les fortes densités d'habitants, et a préféré s'installer sur de grandes surfaces libérées par des usines désaffectées, et dans les quartiers ouvriers environnants, plutôt que sur des îlots insalubres. 15. On trouve bien dans le XI e arrondissement une opération Philippe-Auguste, mais son impact (0,4 ha) est si faible que l'on ne peut pas considérer que le XI e arrondissement ait été touché par la rénovation. 16. Voir en annexe, le tableau VIII. On y constate que les densités y sont parmi les plus fortes de Paris, alors que sur les zones rénovées, elles sont au contraire dans les plus faibles. 17. Cf. supra, p. 25.

36

La rénovation urbaine à Paris

Nous avons déterminé les logiques d'implantation de la rénovation et les caractéristiques des lieux rénovés, il faut maintenant déterminer quelle est la logique de structuration du nouvel espace. Plutôt qu'une logique de structuration, il faut, là encore, considérer plusieurs logiques structurantes, l'espace social étant, comme nous l'avons signalé dans la première partie, un espace pluridimensionnel. Notre analyse ne porte donc plus sur l'espace pré-existant à la rénovation, mais sur le nouvel espace créé par la rénovation. L'étude se basera en conséquence sur les programmes des opérations de rénovation. Il ne s'agit plus ici de mesurer la spécificité du nouvel espace par rapport à l'espace parisien, mais de mesurer les effets de la rénovation sur la structure urbaine parisienne et de saisir la signification interne d'une opération de planification urbaine. Cela ne signifie pas que l'on doive isoler cette étude de celle des déterminants sociaux à l'origine des opérations. Bien au contraire, il nous importe moins d'analyser chaque programme que de le comparer à l'espace transformé, pour rendre compte des changements intervenus à travers la rénovation urbaine. Le sens de cette opération de planification apparaîtra après l'étude de la logique pluridimensionnelle de reconstitution d'un espace. Nous avons distingué plusieurs logiques : — Une logique sociale et une logique d'équipement, qui correspondent à la structuration de l'espace de reproduction de la force de travail; — Une logique fonctionnelle, qui opère des modifications dans l'organisation de l'appareil productif parisien et dans la sphère de la circulation des marchandises et des hommes; — Une logique symbolique, qui consiste au marquage de l'espace parisien, suivant plusieurs systèmes de signes renvoyant chacun à un type d'idéologie, s'articulant à certains thèmes essentiels de l'idéologie dominante.

II.

CONTENU

DES OPÉRATIONS ET LOGIQUES

RÉNOVATRICES

1. Premier repérage L'analyse du contenu social et fonctionnel des projets de rénovation urbaine, de leurs caractéristiques symboliques, a pour objectif non seulement de mettre en évidence les différentes logiques énoncées et leur interprétation, mais encore de dégager laquelle semble déterminante et se traduit par un effet d'entraînement sur les autres.

La rénovation, re-production d'un espace

37

Elle consiste en l'étude systématique des programmes arrêtés pour chaque opération. Les programmes, analysés par rapport aux différentes logiques, ont été regroupés en trois tableaux. Les deux premiers concernent les logements et les équipements. Les questions posées sont les suivantes : la rénovation urbaine répondelle à une logique d'équipement (renouvellement et modernisation du parc immobilier, accompagnés de la création des équipements nécessaires) et/ou à une logique sociale agissant dans un sens déterminé, c'est-à-dire se traduisant par un changement important de l'occupation de l'espace résidentiel? Mais le problème ne se pose pas uniquement en ces termes. Notre troisième tableau, regroupant les programmes des différentes opérations engagées à Paris, tâche de donner certains éléments d'appréciation des logiques fonctionnelle et symbolique. L'étude des activités retenues, des programmes commerciaux, vise à mesurer l'impact de la rénovation sur les espaces de la production et de l'échange. A cette analyse des contenus des projets, vient se superposer celle des « contenants », les caractéristiques architecturales propres à certaines opérations, l'aspect monumental ou résolument moderniste de certaines « compositions » traduisant spatialement leur forte charge symbolique. L'établissement des programmes, la simple collecte des données constituent déjà pour nous un résultat en soi; incomplet, du fait de l'engagement trop récent de deux opérations de rénovation 18 , de modifications éventuelles de programmes visant à « équilibrer » financièrement les opérations de rénovation publique encore en cours 19 , enfin de la non-obtention de données précises auprès des personnes compétentes 20. 2. Logique sociale Nous noterons pour commencer un point important qui viendra rompre avec une vision naïve de la rénovation, comme opération visant à constituer un parc de logement additionnel dans la ville : le nombre de logements à démolir par la rénovation est de 29 059, qui doivent être remplacés par 36 465 logements, ce qui donne un coefficient de densification d'environ 1,2. 18. Ilot 7 Rébeval — Ilot Lahire. 19. Principalement : Saint-Éloi, Place-des-Fêtes, Ilot 11, Ilot 7 SORENOBEL. Ces modifications ne peuvent que confirmer notre démonstration, car elles agissent toujours dans le sens des logiques énoncées. 20. Hauts-de-Belleviile.

38

La rénovation urbaine à Paris

Un tableau de la densification apportée par chaque opération montrerait que, sauf quelques exceptions, la densification en logements n'est pas très importante comparée à la construction privée dans Paris. En effet, dans le cadre de la construction « spontanée » privée de 1954 à 1964, 52 500 logements remplacent 6 000 logements démolis et, si l'on suit année par année, depuis 1964, le nombre de constructions correspondant au nombre de démolitions, on trouve un coefficient de 10. La rénovation urbaine, en revanche, ne donne pas un apport net important de logements : elle n'est pas un programme de logement. Après cette première remarque sur le nombre de logements construits, voyons ceux qui habitent ces logements. Les anciens habitants ont-ils profité de la rénovation de leur quartier et la rénovation consiste-t-elle dans ce cas à donner aux anciens Parisiens de meilleures conditions de vie, ou s'agit-il d'autre chose? Variations des catégories socio-professionnelles dans deux secteurs rénovés (d'après les recensements de 1954 et 1962 *, en %J

TABLEAU 1 1 .

(XIIIe

Industriels et gros commerçants Professions libérales et cadres supérieurs Artisans, petits commerçants Cadres moyens Employés OQ OS-Manœuvres Services

Ilot 13 arrondissement)

-

Flandres- Tanger (XIXe arrondissement)

92

+ 360 - 57 - 40 14 90 81,4 - 53

+ 0,4 -4,5

-4,5

* L'opération Flandre-Tanger n'était pas terminée en 1962, le plus détérioré n'était pas encore touché à cette époque.

Nous avons dû écarter deux méthodes — les plus directes — de repérage du processus social : — L'analyse systématique du changement des catégories sociales provoqué par la rénovation urbaine. Elle n'a pu être adoptée du fait que certaines opérations sont en cours, et que, pour d'autres, terminées, nous ne disposons pas des résultats du recensement de 1968 au niveau de l'îlot 21 . Nous pouvons ici donner un résultat isolé mais, néanmoins, bien significatif. 21. Cf. la variation, significative si cette donnée n'était pas isolée, de CSP entre 1954 et 1962, de l'opération effectuée sur l'ancien îlot insalubre n° 13 (XIIIe arrondissement).

La rénovation, re-production d'un espace

39

— L'étude de la variation des prix de logements avant et après rénovation. Au stade actuel de notre recherche, nous ne pouvons fournir que quelques éléments d'appréciation. TABLEAU 12. Montant des loyers en francs avant et après la rénovation urbaine Avant la rénovation urbaine Il s'agit de loyers anciens, assujettis à la loi de 1948. Ces loyers, indexés, n'augmentent que très peu pour les catégories les plus basses. Il n'est pas rare qu'un logement vétusté de trois pièces revienne à 200 F par trimestre. Après la rénovation urbaine

HLM Paris

Immeubles nouveaux après le 1-7-1970 (charges non comprises)

Nombre de pièces 3 4

1

2

180,56

214,72

261,08

180 460 à 540

240 600 à 680*

359,04 à 445,20

426,36 à 528,68

Primes à 10 F (LOGÉCOS) sans charges Rénovation urbaine (avec charges)

297,68

5

6

341,60

397,72

450 830 à 910*

ILN (1-7-1970) charges non comprises

299,20 à 371,00

486,20 à 602,88

553,52 à 686,35

673,20 à 834,75

Co-propriétés primes à 6 F

Ne pas dépasser le prix plafond de 2 200 F le m 2 pour bénéficier du Prêt du Crédit Foncier

* Prix variant selon la hauteur.

Partant de cette donnée de base : un F2 dans une HLM vaut trois fois plus cher qu'un logement vétusté de trois pièces, la SOTERU 22 a calculé que, sur les 5 043 familles locataires dans le secteur Italie, au moins 1 500 (23,5 %) n'ont pas les moyens de payer un loyer HLM. Si l'on étend les résultats de cette enquête à l'ensemble de la population rénovée (considérant l'opération Italie de par son ampleur : un quart de la rénovation parisienne, et le statut de ses habitants comme représentatifs), on peut évaluer le nombre de « ménages » (INSEE) « exclus » de Paris à 7 800. Cependant une telle estimation peut sembler une extrapolation rapide; de toutes façons, elle pêche par son imprécision.

22. Organisme d'étiide de la rénovation urbaine,

40

La rénovation urbaine à Paris

Analyse des programmes de logements suivant leur répartition par catégories Un premier travail a consisté dans la collecte des données les plus précises possibles pour établir un tableau analytique des programmes de logements de toutes les opérations de rénovation engagées à Paris Les logements ont été répartis de la façon suivante : HLM, primées à 10 F (LOGÉCOS), ILN, primes à 6 F (co-propriété), standing — chaque type de logement étant expressif d'un certain statut social (en liaison plus ou moins étroite avec le prix moyen : loyer ou vente de l'opération). Les données les plus complètes remontant à 1968, nous avons procédé à deux rectificatifs : Atelier parisien d'urbanisme (1969), qui ne donne que des chiffres globaux pour chaque opération, et, dans la mesure du possible, enquête auprès du rénovateur, ce qui a été de toute façon nécessaire pour les opérations les plus récentes. Les modifications de programme ( c f . ci-dessus), faibles en général, peuvent cependant prendre des proportions importantes dans des opérations de grande envergure, en ce qui concerne le nombre total de logements (densification à Italie, Beaugrenelle) ou la répartition par catégorie 24 dans un sens déterminé suivant des « tendances » du marché immobilier. Nous avons rencontré une difficulté pour établir ces programmes, due à l'inclusion ou non, suivant des documents consultés, d ' « opérations-tiroirs », hors Paris et dans Paris. Celles-ci se situent souvent très près du périmètre de rénovation, ce qui justifie leur insertion dans le programme de logements. Implantées sur des terrains auparavant affectés à l'industrie, elles ont permis les premiers relogements qui ont précédé la première tranche de démolition, assurant ainsi le démarrage de l'opération de rénovation 26 . Ces « tiroirs », pièces essentielles du mécanisme de la rénovation, constituent, du fait de leur statut (100 % HLM ou LOGÉCOS) et de leur situation en bordure d'opération, des îlots fortement ség 'égés, qui ne participent que de loin à l'équipement du secteur rénové. Pour rendre compte de la logique sociale à l'œuvre dans la rénovation, nous avons retenu un indicateur : la proportion d'HLM dans les opérations par rapport au nombre total de logements 26 . Cet indi23. Cf. en annexe le tableau VIII/1. 24. Cf. les opérations conduites par la SEMEA XV : augmentation du type de logement « standing ». 25. L'exemple le plus typique est l'opération Mariniers avec Γ « opération-tiroirs » réalisée sur le terrain libéré par l'usine Hispano-Suiza qui se trouve au milieu du secteur rénové. Par contre, la SEMEA XV réalise ses « opérations-tiroirs » à Paris dans le XII e et hors Paris. Pour certaines opérations, les « tiroirs » hors Paris peuvent représenter jusqu'à 50 % des logements : cf. les opérations menées par la SCIC, l'OCIL, qui relogent dans leurs programmes de grande banlieue. 26. Cf. en annexe le tableau VIII/1.

La rénovation, re-production d'un espace

41

cateur permet de situer le statut social de l'opération et, surtout, d'insérer les changements de population connaissant les caractéristiques (sociales, numériques) de la population touchée par la rénovation 27 . Il ne prend sa pleine valeur que dans la confrontation avec 1' « image » du futur secteur rénové, en liaison étroite avec la charge symbolique de l'opération et la façon dont celle-ci s'insère dans le tissu urbain environnant, suivant qu'il y a volonté de démonstration dans l'espace ou simple remodelage. Le tiers des opérations compte 100 % d'HLM. Elles représentent 9,7 ha sur les 371,2 à rénover. Rapportant les pourcentages d'HLM programmées aux surfaces rénovées, nous avons établi un premier classement : HLM Surfaces rénovées

Moins de 30 %

De 30 à 50%

Plus de 50 %

245,3 ha 66%

65,8 ha 17,5 %

60,1 ha 16,5 %

La mise en rapport de la population avant rénovation et des programmes de logements des secteurs à rénover 28 montre que, si des considérations relatives au relogement ne sont pas absentes dans l'établissement de ces programmes (on trouve dans certains secteurs des pourcentages de HLM nettement supérieurs à ceux de l'arrondissement correspondant), elles passent au second plan dès que l'opération possède une certaine envergure, et une forte charge symbolique. Les pourcentages de HLM semblent varier inversement avec les superficies des secteurs rénovés (66 % des surfaces rénovées comptent moins de 30 % de HLM; à l'opposé, opérations ponctuelles avec 100 % de HLM), mais surtout avec le caractère plus ou moins prestigieux des opérations. Il existe alors un dosage subtil entre le minimum jugé nécessaire de logements sociaux et l'image de marque de l'opération à laquelle est étroitement liée sa commercialisation. Plusieurs rénovateurs nous ont fait part de leur volonté de rechercher un « équilibre » entre les différents types de logements. L'orientation actuelle — un tiers d'HLM, un tiers d'ILN, un tiers de logements en accession à la propriété (plus rarement de « standing ») — correspond peut-être à la volonté de ne pas trop fortement caractériser socialement l'espace résidentiel; elle répond aussi à la recherche d'un équilibre des opérations. Le choix de cet équilibre entre les types de logements 29 disparaît

27. On a retenu comme particulièrement expressif des caractéristiques sociales les pourcentages d'OS et manœuvres, et ceux de Musulmans d'Algérie. 28. Cf. en annexe le tableau VIII/2.

42

La rénovation urbaine à Paris

au profit de considérations de pure rentabilité dès que les tendances du marché immobilier le permettent. Par exemple, dans le XV e arrondissement, la ségrégation s'affirme nettement : on trouve, face à face, dans les trois secteurs de rénovation, HLM (destinées au relogement) et immeubles de standing, la commercialisation de ceux-ci étant escomptée grâce à l'effet d'entraînement de l'opération de prestige Beaugrenelle. La construction d'un indice permettant de mesurer, à partir des pourcentages de HLM, le déplacement réel de population s'est révélée très difficile, elle demanderait, à elle seule, une recherche fort détaillée. Sur certains îlots ce n'est plus 20 % ou 33 %, mais 50 % de la population qui ne pouvait payer de loyers HLM 3 0 . Où iront les expulsés? Certains dans d'autres taudis parisiens, les vieux dans les hospices, les Algériens dans les bidonvilles, et les autres loin de Paris, mais où? Voilà encore un beau thème d'enquête.

3. Logique d'équipement Analyse des programmes d'équipement La construction d'équipements a souvent été présentée comme une justification de la rénovation; celle-ci doit permettre, selon le Schéma directeur de Paris, de « mener une politique de reconstruction des quartiers dépourvus d'équipements et aux surfaces mal utilisées ». L'objectif poursuivi par la Ville de Paris, à la faveur des opérations de rénovation qui permettent de libérer de vastes terrains, est d'accroître sensiblement l'importance de l'emprise publique et de permettre une politique de rattrapage du retard accumulé. Les nouveaux équipements, plutôt que de s'appliquer à l'ensemble des logements reconstruits, seraient conçus à plus vaste échelle. Cependant la mise en place des équipements, même nécessaires, dans le cadre limité des opérations se voit freinée pour deux raisons essentielles. L'appropriation des terrains réservés aux équipements 31 consiste en une transaction entre aménageur et Pouvoirs publics, au prix du mètre carré de terrain libéré. L'aménageur a donc tendance à réduire 29. Cf. l'îlot 11 dont la rénovation a été conduite, dans une première phase, directement par la Ville de Paris. La volonté de « réhabilitation » de l'îlot s'exprime par le choix de répartition équilibrée des types de logements (sans commune mesure avec la population avant rénovation) : HLM primées à 10 F et à 6 F. Un important programme de « standing » a été abandonné, car non commercialisable. 30. En ce qui concerne les conditions à remplir pour avoir droit au logement HLM, cf. Mélignac, « Le logement des faibles », Population, avril-juin 1957. Les chiffres ont changé, le mécanisme d'élimination reste le même. 31. Dans le cas de la rénovation publique.

La rénovation, re-production d'un espace

43

les surfaces ainsi cédées, représentant pour lui de faibles profits. D'autre part, le budget d'équipements des pouvoirs publics est tel que le retard est grand entre la réalisation des logements et la création d'équipements. Les décrets d'application de la loi foncière ont sensiblement modifié les modalités de réalisation des équipements. Les promoteurs, dans le cadre des ZAC n'étant plus assujettis à la TLE (taxe locale d'équipement), ont à leur charge la réalisation de l'ensemble des équipements dans les limites définies par la convention établie entre eux et la collectivité locale. Cependant, de sérieuses réserves ont été émises à propos de la réalisation complète des programmes d'équipements initialement prévus; la nouvelle législation laisse la possibilité dans certains cas (équilibre de bilan, commercialisation, bonne forme de l'opération...) de réviser la convention, pouvant ainsi remettre en cause les programmes 32. Notre objectif est de savoir si la logique de création d'équipements collectifs et d'espaces verts est présente dans la rénovation. Nous avons centré notre étude sur trois types d'équipements : — L'équipement scolaire (groupes scolaires). Il s'agit d'un équipement public élémentaire, dont la présence s'impose dès qu'une opération de rénovation franchit un certain « seuil » 33. — Les crèches, dont la présence est liée directement aux possibilités de travail féminin, donc au revenu potentiel des ménages. — Les espaces verts : la carence de cet équipement, à Paris, a été soulignée par le SDAU. Les opérations de rénovation devaient contribuer à relever la moyenne, particulièrement basse, d'espaces verts dont disposent les Parisiens. Nous avons suivi la démarche qui consiste à établir pour l'étude des équipements énoncés un indice commun, permettant de mesurer d'une part le degré d'équipement des différents arrondissements où sont engagées des opérations de rénovation, d'autre part le degré d'équipement interne à chaque opération, et de les situer l'un par rapport à l'autre. 11 s'agit de tester la justification souvent énoncée : rénovation = gain important d'équipements, et de déceler la logique déterminant la création des programmes. 32. Cf. notre monographie sur l'opération Italie et l'article sur le financement des équipements dans le cadre des ZAC (Revue Urbanisme 115). 33. « Seuil » : 300 logements — construction d'un GS réduit (5 cl) ou extension scolaire — 600 logements : un GS (23 cl) (normes Éducation nationale).

44

La rénovation urbaine à Paris

Équipement scolaire : groupes scolaires (maternelles et classes primaires confondues) Pour mesurer l'apport 34 d'équipements scolaires qui accompagne l'implantation des opérations de rénovation nous avons construit un indice 35 : Nombre de places offertes dans les GS Nombre d'enfants scolarisables Nous avons dû, pour commencer, procéder à une estimation de l'effectif des enfants scolarisables sur les opérations de rénovation. Une première évaluation des enfants scolarisables, faite à partir des normes de l'Éducation nationale, d'après le nombre de logements 36 nous donne une indication assez sommaire, mais homogène, du degré d'équipement scolaire. Pour les opérations de rénovation, on a pu affiner l'indice, estimant la population scolaire à partir des programmes précis de logements, de leur nombre mais aussi de leur catégorie 37. Le manque d'équipements scolaires est flagrant à Paris, mais nous remarquerons que la rénovation ne concerne pas les arrondissements les plus sous-équipés de Paris, par exemple ceux du Centre-Est. Au 34. Le sous-équipement initial de l'ensemble des arrondissements parisiens nous a conduit à ne pas prendre en compte les équipements pré-existants dans le secteur ou à proximité du secteur rénové. S'il s'agit véritablement d'une politique de rattrapage du retard en équipement, il devrait y avoir, dans l'hypothèse la plus pessimiste, équilibre entre équipements prévus et population attendue. On pourra cependant introduire un correctif avec les variations de densité, les problèmes se posant différemment suivant le rapport numérique entre population avant et après rénovation. Mais dans le cas, le plus rare, d'une baisse de densité, l'inclusion des anciens équipements (vieillis, ne répondant pas aux nouvelles conceptions ni aux besoins accrus en surface) ne peut être qu'un palliatif, et s'inscrit à rencontre de la logique d'équipement annoncé. 35. Cf. en annexe le tableau IX/3. 36. Norme Éducation nationale : maternelle : 0,3 enfant par logement primaire : 0,55 enfant par logement. 37. Logement social (HLM primée à 10 F) « Autre » logement maternelle : 0,30 élève par logement 0,15 élève par logement primaire : 0,55 élève par logement 0,35 élève par logement On a rapporté cet effectif au nombre de places offertes prévues dans les programmes. Comme on ne possédait pas toujours la répartition exacte des groupes scolaires (maternelle + primaire) on a fixé à 35 et non, respectivement, à 40 et 30 le nombre maximum de places par classe. Le calcul de ce rapport permet de définir exactement le degré d'équipement scolaire interne à l'opération — étant entendu qu'à ce stade de l'étude on ne prend pas en considération l'équipement pré-existant. Partout où ce rapport est inférieur à 1, l'équipement peut être tenu pour insuffisant. On tiendra compte du « seuil » à partir duquel l'équipement s'impose : un GS réduit (5 cl) pour 300 logements.

La rénovation,

re-production

d'un espace

45

contraire, les XIII e , X I X e et X X e arrondissements sont les trois arrondissements parmi les moins sous-équipés de Paris 3 8 . D a n s le X I X e , les programmes sur opérations de rénovation en sont réduits d'autant. La présence d'établissements scolaires assez nombreux sur le périmètre (ou en bordure) de l'opération Italie a permis de réduire considérablement les programmes relatifs à cet équipement. Le niveau d'équipement scolaire des opérations de rénovation comparé L'apport d'équipements scolaires vis-à-vis de la rénovation urbaine et du statut social des opérations * TABLEAU 13.

Vis-à-vis de la rénovation urbaine Surfaces rénovées

— (indice en dessous de 0,8) = (indice 0,8 à 1,2) + (indice 1,2) Total **

ha

%

234,3 100,4 41,1 375,8

61,5 26,7 11,8 100

Vis-à-vis du statut social des opérations

Plus de 30 % HLM (LOGÉCOS)

IES RU - 1 IES RU + 1 Total

+

Moins de 30 % HLM (LOGÉCOS)

ha

%

ha

%

74,8

59

159,4

63,3

50,0

41

91,6

36,7

124,8

100

251,0

100

* Pour le détail des chiffres ayant permis de construire les deux parties du tableau ci-dessus, cf. en annexe le tableau IX. ** Ce dernier chiffre est encore sujet à caution. On a compté le programme initial prévu sur la totalité de l'îlot 11, c'est-à-dire 24 ha. Or la rénovation de cet îlot marque à l'heure actuelle un temps d'arrêt. Sur la phase opérationnelle de 5,9 ha, aucun équipement scolaire n'est prévu. 38. Nos données remontant à 1965, aucun équipement scolaire n'est encore réalisé à cette date sur ORU.

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La rénovation

urbaine à Paris

à celui des arrondissements où elles sont implantées se révèle, dans l'ensemble, supérieur. On notera toutefois des exceptions marquantes : Hauts-de-Belleville, Italie, si l'on ne tient compte que des équipements créés. Le gain en équipements pour la Ville de Paris est cependant tout relatif, car souvent les nouvelles installations ne feront que couvrir plus ou moins adéquatement les besoins de la population attendue. Centrant notre étude sur le degré d'équipement interne aux opérations de rénovation, l'indice établi montre en effet que les places créées dans les groupes scolaires (sans parler du retard apporté à leur réalisation) ne répondent que tiès imparfaitement et inégalement aux besoins de la nouvelle population. La ventilation (en nombre d'hectares) des secteurs rénovés, suivant leur statut social et leur degré d'équipement scolaire primaire, dresse le constat de l'insuffisance de celui-ci aussi bien dans les opérations comportant des programmes importants de logements sociaux que dans les opérations les plus prestigieuses. Mais le tableau 13 exige quelques nuances. Notons d'abord que la plupart des opérations comprenant 100 % d'HLM sont conçues à une échelle réduite et se trouvent donc en dessous du « seuil » requérant la création d'équipements. Cependant, situées dans un tissu urbain souséquipé, réalisées sur des terrains industriels et provoquant ainsi un apport net de population, elles accentuent la surcharge des équipements du quartier. On relève d'autres opérations 39 à très fort pourcentage d'HLM, plus vastes, et qui, situées bien au-dessus du « seuil » requis, ne disposent d'aucun équipement. Les « opérations-tiroirs » sont une autre illustration de la ségrégation : repoussées en bordure du secteur rénové, ou complètement isolées (rien n'est prévu dans ce cas), elles ne participent pas à l'équipement du nouveau quartier. Pour les opérations à statut social élevé et présentant un caractère prestigieux, l'apport en équipements scolaires est souvent très faible. Les deux opérations confiées à des promoteurs privés figurent, pour la seconde partie du tableau 13, dans les cases -f et —; elles couvrent plus des deux tiers des 159,4 ha. Il semble que l'apport d'équipements le plus important soit le fait d'opérations de dimensions et de visées plus modestes, et dont les programmes sont exclusivement consacrés au renouvellement immobilier assorti d'équipements correspondants. Une explication réside dans le fait que, sur les opérations de prestige à financement mixte (par exemple, Beaugrenelle—Front-de-Seine, Mont-

39. Périchaux, Charenton-Meuniers — Flandre-Tanger — Ilot Riquet.

La rénovation, re-production d'un espace

47

parnasse) présentant un bilan largement déficitaire, la création d'équipements est négligée. Pour Montparnasse, elle n'a même pas été envisagée. Les crèches C'est pratiquement le seul équipement que l'on retrouve dans la quasitotalité des opérations. Le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Ville de Paris fixait expressément l'objectif de création d'une trentaine de crèches dans les années à venir; leur implantation dans chaque opération de rénovation devait permettre d'atteindre ce but. Plus que la présence ou non d'une crèche, nous constaterons que le nombre de lits prévu est le même, que le programme soit de 534 logements ou de 4 33540. Nous constaterons surtout le sous-équipement notoire des arrondissements parisiens et la sous-estimation des besoins dans ce domaine. Aussi avons-nous tenté d'évaluer, par nous-mêmes, l'effectif potentiel d'enfants par logements que leurs mères placeraient en crèche si elles en avaient la possibilité. La proportion de 0,1 enfant de moins de deux ans par logement ne nous semble pas arbitraire. Le Ministère de l'éducation nationale évalue à 0,3 enfant par logement les enfants pouvant aller en maternelle, c'est-à-dire âgés de 3 à 5 ans, ce qui est nettement supérieur41. Si l'on estime à 50 % la proportion de femmes actives, c'est-à-dire la proportion de femmes qui doivent mettre leurs enfants à la crèche, il faudrait prévoir 0,05 place par logement, soit une crèche de 40 lits pour 800 logements et une crèche de 60 lits pour 1 200 logements (4 000 habitants), soit encore 15 lits pour 1 000 habitants. Face à cette demande, la moyenne parisienne pour cet équipement semble dérisoire, puisqu'elle est de 1,2 lit pour 1 000 habitants Comme pour l'équipement scolaire, les arrondissements les moins dépourvus sont le XIII e et le XX e : ce dernier arrive en tête avec 2,8 lits pour 1 000 habitants. Les espaces verts A Paris, la situation est particulièrement critique. La moyenne parisienne atteint en effet 0,814 m2 par habitant 43 . 40. Respectivement opérations Charenton-Meuniers et Plaisance-Vandamme. 41. Nous avons été frappés par la faible proportion d'enfants en bas âge recensés dans les arrondissements parisiens, en comparaison de celle d'enfants appartenant à des classes d'âge supérieures. Il faut signaler que beaucoup d'enfants sont placés en nourrice en banlieue ou en province. 42. Cf. en annexe le tableau X. 43. Cf. en annexe les tableaux XI/1 et XI/2.

48

La rénovation

urbaine

à

Paris

Le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Ville de Paris fixait comme premier objectif de relever cette moyenne particulièrement faible à 2,25 m2 par habitant. Pour l'ensemble des opérations de rénovation urbaine, cette norme est loin d'être atteinte. La contribution de la rénovation pour fournir des réserves de terrains nécessaires à la création d'espaces verts est très minime. On note deux exceptions marquantes : le programme très important prévu dans l'îlot 11, réalisé en partie et en voie de réalisation dans la phase opérationnelle réduite, et la création 44 à Bercy d'un parc de 8 ha (donnée inchangée à travers les nombreux projets), condition imposée au rénovateur par la Ville de Paris. TABLEAU 1 4 .

tion urbaine *

Les surfaces d'espaces verts par habitant dans les opérations de rénova-

Surfaces rénovées Nombre d'habitants par m2 ha

%

- de 0,8 m 2 /hab. (moins que la moyenne parisienne) — de 0,8 à 2,25 m 2 /hab. (entre Ja moyenne parisienne et l'objectif SD AU) + de 2,25 m 2 /hab. (au-dessus de l'objectif SD AU)

181,1

57

66,3

21

71,8

22

Total

319,2

100

* Ont été écartées : Beaugrenelle et Plaisance-Vandamme pour lesquelles on ignore les chiffres exacts (sans doute valeur égale).

Si la création d'espaces verts devient peu souvent une réalité, la notion d'espaces verts, elle, est fortement caractérisée idéologiquement, dans deux sens : elle est associée par les pouvoirs publics à l'idée d'assainissement, de lutte contre l'insalubrité. Dans les rares cas conformes aux objectifs du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Ville de Paris, on vise un effet de démonstration. Or dans les îlots « insalubres », la réalisation de ces objectifs est particulièrement difficile du fait du morcellement des parcelles, des délais de libération des terrains. La notion d'espaces verts est aussi associée à celle d'environnement; 44. Il s'agit plutôt de préserver des « réserves naturelles » de plus en plus rares à Paris.

La rénovation, re-production d'un espace

49

toute opération prestigieuse, à statut élevé, se doit de réserver une certaine surface de verdure. Pour le secteur privé, c'est un argument de vente. Mais ces espaces verts sont conçus de façon différente et occupent le minimum de place au sol. On y associe les terrasses plantées, des équipements de loisirs, telles les piscines 4. Logique fonctionnelle 46 Production Le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Ville de Paris prévoit un déficit de 200 000 emplois secondaires pour un gain de 300 000 emplois tertiaires. La capitale est en train de devenir une « ville de bureaux » 47. Quel rôle joue exactement la rénovation (comme intervention des pouvoirs publics) dans le renforcement de cette tendance, fortement accentuée depuis ces dernières années, à la tertiarisation de Paris? L'analyse des déterminants structurels de la rénovation a montré l'importance croissante de l'implantation des opérations sur terrains industriels, au point que ce facteur peut sembler prépondérant dans l'engagement de certaines d'entre elles (cf. Beaugrenelle ; plus récemment Saint-Biaise), bien qu'il recoupe d'autres logiques (sociale, symbolique). Or, pour les activités retenues dans l'ensemble des projets, la part de l'industrie lourde a complètement disparu. On note, à titre exceptionnel, le maintien de quelques emplois industriels avec de rares possibilités de réinstallation pour la petite industrie (par exemple Place des Fêtes : messageries), ou encore la création d'ateliers de précision. Nous verrons plus loin la place réservée dans les projets au maintien de l'artisanat et son caractère aléatoire. On se félicite en haut lieu de ce « décrassage » de Paris, de cette reconquête d'un environnement et de cette « récupération » de terrains. Les usines sont parties, on les remplacera par des habitations ou des bureaux, distribués en proportion très variable suivant l'insertion de l'opération de rénovation dans le tissu urbain — en relation directe avec les problèmes de commercialisation —, et, en second lieu, la superficie de

45. Cf. la publicité pour Altitude 125 (Hauts-de-Belleville) : « Au sol comme au 18e étage, vous profiterez d'un cadre agréable : de la verdure, des allées d'arbres et des bassins et tout là-haut le plus magnifique des panoramas : celui de Paris à vos pieds. » 46. Cf. en annexe le tableau XII. 47. Cf., dans Paris Projet (2), l'article « Paris ville de bureaux? Les bureaux à la conquête de Paris », et supra, notre introduction, p. 12.

50

La rénovation urbaine à Paris

l'opération : il faut en effet que celle-ci atteigne une certaine taille pour que l'on puisse envisager un programme qui ne soit plus exclusivement immobilier. Quelle importance occupent les bureaux dans l'ensemble des programmes de rénovation urbaine à Paris? Quels seront les effets — directs ou indirects — de ces nouvelles implantations d'ensembles de bureaux qui ne pourront manquer de bouleverser profondément la physionomie sociale des quartiers où elles ont lieu? L'enquête effectuée par l'Atelier parisien d'urbanisme 48 montre qu'en sept ans (1962-1969) le parc des bureaux parisiens s'est accru de plus d'un million de m2, soit plus de 10 %. Le rythme de ces implantations semble en outre s'accélérer, les permis de construire accordés pour la seule année 1968 représentant près du tiers de ces créations nouvelles (300 000 m2) — le permis octroyé à la tour Maine-Montparnasse représente à lui seul la moitié de ce chiffre. Les permis de construire délivrés en 1969 portent sur un chiffre du même ordre. Quoique la pression ne se relâche pas de la part des milieux d'affaires, et même s'accentue, pour continuer à s'implanter dans le centre des affaires — principalement le VIII e et le XVI e —et malgré tous les obstacles qui s'opposent à une telle localisation (difficultés de l'accès de la circulation, rareté des parcelles libérables, prix très élevés 49), on remarque le démarrage d'ensembles récents de buildings à vocation tertiaire, principalement dans le Sud parisien (XII e , XIII e , XIV e et XV e arrondissements). Ces arrondissements sont l'objet des opérations de rénovation les plus nombreuses et, surtout, les plus vastes (Bercy, Italie, Maine-Montparnasse, Plaisance-Vandamme, Front-de-Seine); quasi inexistantes avant 1962 les activités tertiaires s'y développent actuellement à une cadence accélérée; de 1962 à 1967, elles représentent le tiers des permis de construire accordés pour des bureaux à Paris (chiffre équivalent à celui du centre des affai.es); en 1968, les quatre cinquièmes des surfaces autorisées s'y situent. Ces implantations présentent des caractéristiques qui les distinguent nettement de celles qui apparaissent dans le centre traditionnel des affaires. Elles concernent des opérations dont la taille ne cesse de croître et qui se regroupent dans des points de concentration (Bercy-Rapée, Maine-Montparnasse, Front-de-Seine), nés d'une intervention directe de la puissance publique. A ce titre, la modification du programme de

48. « Paris ville de bureaux?... », op. cit. 49. Le prix de vente moyen du m 2 dans cette zone s'établit à 5 000 F, atteint 9 000 à 15 000 F aux Champs-Elysées et ne descend jamais à moins de 3 000 F. 50. Cf. en annexe, le tableau XIII/1 pour l'indice de concentration spatiale des bureaux, pour les arrondissements parisiens (données 1962).

La rénovation, re-production d'un espace

51

Bercy est significative : l'avant-dernier projet (1968) prévoyait la création de 200 000 m 2 de bureaux, dont la commercialisation était d'ailleurs mise en doute, la restructuration de l'Est parisien figurant bien dans les objectifs du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Ville de Paris, mais semblant très aléatoire du fait de la lenteur de l'évolution des quartiers et de la capitale, face au développement accéléré du Sud et bien sûr de l'expansion vers l'Ouest (La Défense). La décision de relancer la création du pôle gare de Lyon-Austerlitz a fait reconsidérer le programme de Bercy; les surfaces prévues pour les bureaux ont doublé : elles passent à 400 000 m2. Autre caractère particulier de ces nouvelles implantations : elles comprennent presque exclusivement des « bureaux en blanc » et cherchent moins à répondre à une demande précise, qui se porte vers le centre des affaires, qu'à provoquer cette demande et à l'attirer vers cette nouvelle zone de localisation, grâce aux avantages qu'elle présente du point de vue des surfaces — beaucoup plus vastes — et des prix 51. Nous avons tenté de chiffrer, dans l'ensemble des opérations de rénovation engagées, cette part grandissante octroyée à la création de bureaux. Nous avons pour cela construit un indice de « concentration spatiale des bureaux », calculé au niveau de l'arrondissement et à celui des opérations de rénovation comportant un programme de bureaux. L'indice moyen de concentration des bureaux 52 ^

m2 de bureaux créés (sur arrondissement ou sur opération de rénovation urbaine) superficie (de l'arrondissement ou de l'opération de rénovation urbaine)

est, sur les opérations de rénovation, nettement supérieur à celui de Paris (IB étant de 0,320 pour la rénovation urbaine, et de 0,126 pour Paris). Partant de cet indice, on a réparti les opérations de rénovation en trois classes, telles qu'elles apparaissent dans le tableau 15. On remarquera que deux opérations se détachent nettement. La concentration est maximum à Montparnasse (IB = 2, c'est-à-dire 2 m2 de bureaux créés pour 1 m 2 de surface au sol). Sur l'opération d'aménagement de Bercy qui est localisée au voisinage du pôle gare de Lyon, le rapport reste très élevé : il atteint l'unité, alors que l'indice 51. Ces prix sont plus chers que ceux pratiqués dans le reste de l'arrondissement, du fait du caractère prestigieux des opérations. Ils se situent de 3 000 à 5 000 F, mais ne dépassent pas non plus ce chiffre, comme c'est le cas dans le centre des affaires, dans les endroits les plus recherchés (Champs-Elysées-Étoile). 52. Cf. en annexe le tableau XIII/1.

52

La rénovation urbaine à Paris

TABLEAU 15. Concentration des bureaux dans les opérations de rénovation urbaine Surfaces rénovées Opérations ha

%

130,3

33,9

13,3

3,5

— Sans bureau = Avec concentration de bureau inférieure à la moyenne parisienne + Avec concentration de bureau supérieure à la moyenne parisienne

238,0

Total

381,6

62,6 100

maximum enregistré à Paris, atteint 0,5 % (II e arrondissement). Ces deux opérations peuvent être isolées, elles couvrent 54,5 ha et représentent 16 % de la rénovation. On remarquera aussi que l'opération Italie occupe une place un peu particulière. Du fait de l'étendue même du secteur, la concentration des bureaux y apparaît moins nettement. En fait, il conviendrait de distinguer l'ensemble Galaxie (ou même Italie I en totalité) — où l'on assiste à la juxtaposition (ou superposition) des fonctions : activités, résidence, commerce, loisirs — du reste du programme. Si les implantations de bureaux ne doivent pas y être sous-estimées, il nous semble que les surfaces commerciales et les types de commerces prévus y sont autrement plus importants. Cependant la construction de la tour « Apogée de Paris » en particulier, comme d'une façon plus générale la construction dans les arrondissements périphériques d'ensembles de bureaux luxueux et prestigieux, contribue à donner l'image du nouveau quartier. Par un effet d'entraînement, les immeubles résidentiels neufs édifiés à leur voisinage présentent le même caractère et s'adressent à une clientèle aisée. Comme nous l'avons noté dans l'analyse des programmes de logements, les opérations où coexistent habitations et programmes importants de bureaux sont celles où le statut social est le plus élevé : — 62,6 % de l'espace rénové compte une forte implantation de bureaux; — 66,0 % de l'espace rénové comptent moins de 30 % d'HLM. Le bureau se vend cher et sa rentabilité est certaine, en principe 53 les S3. Le problème de commercialisation, néanmoins lié à l'insertion dans le tissu urbain, reste délicat pour un programme important. Nous en avons deux exemples : les échecs des projets antérieurs de Bercy, les doutes émis quant à la commercialisation des 100 000 m 2 de bureaux prévus à Belleville. On peut se demander si la présence de la tour ou des tours programmées, élément incontestablement prestigieux, n'est pas un argument de vente visant à modifier l'image de marque du quartier et à faire monter les prix du terrain.

La rénovation, re-production d'un espace

53

prix des autres secteurs du marché immobilier s'alignent sur ceux du marché des bureaux, et à court ou moyen terme subissent des hausses spectaculaires. Avec le départ général des usines et la création massive de bureaux, le troisième aspect des modifications entraînées par la rénovation dans le domaine de la production est la quasi-disparition de Γ artisanat sur les espaces rénovés. Pour évaluer la place qu'occupait l'artisanat dans les secteurs de rénovation, nous partirons de l'indice suivant 54 : nombre d'artisans, par arrondissement population totale, par arrondissement La lecture du tableau XIII/1 donné en annexe montre que les opérations de rénovation ne s'implantent pas dans les arrondissements à vocation artisanale et, notamment, les III e , X e et XI e arrondissements qui figurent dans le programme de rénovation du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la Ville de Paris. Cela tient essentiellement au fait que la présence d'artisans dans ces quartiers est liée à une forte densité d'habitants et à un habitat vétusté, espace peu prisé des rénovateurs. Ici les artisans sont protégés par leur quartier. Par contre les artisans qui ont leur atelier dans des zones où dominent la grosse industrie sont menacés. Les rénovateurs, qui convoitent fort ces quartiers, assimil nt industrie et artisanat (c'est le cas évidemment pour les opérations Ital e et Place-des-Fêtes) comme espaces « mal-utilisé¡> » et l'éviction est rapide. Si l'observation porte plus précisément sur les secteurs de rénovation, en peut classer ceux-ci en deux catégories : — secteurs à prédominance industrielle et présence d'artisanat plus ou moins accentuée (PI); — secteurs à prédominance artisanale (PA). Ces derniers coïncident avec les îlots rénovés les plus dégradés situés dans la couronne intérieure de la périphérie, contigue au centre : Ilot 7 Couronnes — Ilot 7 Rébeval (artisanat du cuir et de la chaussure), Ilot 11 (optique), Saint-Éloi (papiers peints, bois). Mais, comme le montre le tableau ci-dessous, la part des secteurs à prédominance artisanale est faible. Logique fonctionnelle et logique sociale sont étroitement liées dans ce rejet hors Paris, cette élimination d' « activités inadaptées ». La menace de perte d'un emploi, le climat d'insécurité entretenu, tant pour les artisans que les petits commerçants, font que ceux-ci quittent souvent d'eux-mêmes un quartier où ils n'auront plus leur place. 54. Cf. en annexe le tableau XIII/2.

54

La rénovation urbaine à Paris

L'enquête de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne 55 montrait que trois artisans sur quatre ne se réinstallent pas. Les résultats de cette enquête nous ont été confirmés, tant par les rénovateurs que par l'Administration. Généralement âgés, les artisans prennent leur retraite après avoir touché une certaine indemnité. Lorsque les projets prévoient les surfaces réservées à l'artisanat, celles-ci attirent peu de candidats : les loyers sont trop élevés. TABLEAU 1 6 .

L'artisanat avant et dans les opérations de rénovation urbaine

Avant la rénovation urbaine Surfaces ha

%

PI PA* Absence artisanat (ou artisanat négligeable)

207,7 59,6

56,3 15,9

Total

370

102,7

27,8 100

Dans les opérations de rénovation urbaine

Surfaces réservées à l'artisanat dans les projets

Surfaces ha

%

Présence Absence

160,5 209,5

43,2 56,8

Total

370

100

* On a isolé les secteurs à très forte implantation artisanale, après enquête sur le terrain. La catégorisation de ce tableau ne s'est pas faite d'après un critère numérique mais après observation sur place.

Que penser de la place réservée à l'artisanat dans les projets? Dès maintenant, on peut affirmer que les surfaces prévues pour l'artisanat ne seront pas en totalité occupées par celui-ci. Une certaine souplesse et une certaine confusion caractérisent quelques programmes 55. « Artisanat et rénovation urbaine », Cahier de l'IAURP (7).

La rénovation, re-production d'un espace

55

dans ce domaine : l'artisanat y est confondu avec le « commerce d'art » ou le commerce de luxe qui, lui, se vend bien. Certaines surfaces, réduites, pourront être reconverties suivant les caractéristiques du projet en boutiques, en dépôts (appelés encore locaux techniques), en bureaux n'excédant pas 1 000 m2 (HO) ou en ateliers de précision. Parmi les tentatives de « reconversion », citons celle qui consiste à orienter les artisans vers les activités de « dépannage » M au service des habitants du quartier. Autant de solutions qui se révèlent aléatoires. La rénovation touche des arrondissements parisiens particulièrement sensibles, car les problèmes soulevés s'y posent à la fois en termes de logements et en termes d'emplois.

Échange Nous étudierons en premier lieu les modifications profondes entraînées par la rénovation dans le commerce parisien. TABLEAU 1 7 .

Modification de la structure commerciale

Commerces en grande surface *

Absence (—) Présence ( + ) Total

Surfaces ha

%

106 264 370

28,7 71,3 100

* On considère que l'on est en présence de commerces en grande surface à partir de 1 500 m2.

L'analyse de la localisation des opérations de rénovation urbaine nous a montré que, dans la grande majorité des cas, celles-ci se trouvaient sur des quartiers à faible structure commerciale. Les commerces s'y caractérisent moins par leur faible densité d'implantation que par leur type : commerces familiaux, de petite taille; ils satisfont surtout aux achats quotidiens, l'attirance du centre étant très nette en ce qui concerne les achats anormaux. L'examen des programmes de rénovation fait ressortir l'importance généralement accordée à l'équipement commercial. D'un point de vue fonctionnel, celui-ci peut être conçu par les aménageurs à la mesure de 56. Par exemple : plomberie, électricité, cordonnerie, etc.

56

La rénovation urbaine à Paris

l'opération ou, au contraire, la dépasser nettement pour devenir un élément dit « structurant », dont il s'agira d'arrêter la vocation : centre de quartier, voire centre régional. Par rapport à la situation antérieure, l'apport en surfaces commerciales est donc évident 57 . Le sous-équipement initial, les modifications entraînées dans les densités aussi bien que dans les caractéristiques sociales de la population résidente, rendaient nécessaire ce changement, à la fois quantitatif et qualitatif, de la desserte commerciale. Nous soulignerons cependant une exception marquante : dans la plupart des opérations HLM — dont la plupart, il est vrai, sont ponctuelles —, rien n'est prévu. Elles constituent de fortes concentrations de population, accentuant encore le sous-équipement environnant. Ure distribution où les chaînes commerciales, les magasins à succursales occupent une place grandissante, l'accroissement des commerces en grande surface, entraîneront inéluctablement la disparition de bon nombre de petits commerçants : ceux-ci ne se réinstallent qu'en faible proportion dans les nouveaux quartiers rénovés, surtout lorsqu'ils accusent un profond changement de statut. TABLEAU 18.

Équipement commercial Surfaces ha

%

Sans équipement Avec équipement

18,7 351,3

5 95

Total

370,0

100

L'établissement, pour retenu 5 8 :

les opérations

de

rénovation,

de

l'indice

nombre de m 2 de commerce, sur opération de rénovation urbaine nombre de logements, sur opération de rénovation urbaine plutôt que de mesurer la suffisance ou l'insuffisance de l'équipement 57. Nous avons cependant rencontré une difficulté pour mesurer exactement cet accroissement, nos indices avant et après la rénovation urbaine n'étant pas directement comparables. Au niveau de l'arrondissement nous ne connaissons pas exactement le nombre de m2 de commerces, la seule donnée précise dont nous disposions pour les secteurs de rénovation. 58. Cf. en annexe le tableau XIV.

La rénovation, re-production d'un espace

57

commercial, fait ressortir l'importance accordée à ce domaine dans chaque opération et, dans un certain sens, la « vocation » attachée à celle-ci. TABLEAU 1 9 .

Programmes commerciaux sur opérations de rénovation urbaine Surface

Nombre de m2 par logement ha

%

De 0 à 3,5 (opération ponctuelle) * De 3,5 à 6 (centre de quartier) Au-dessus de 6 (centre régional)

149,1 115,8 105,1

40,3 31,3 28,4

Total

370,0

100,0

* Les « coupures » ont posé quelques problèmes d'appréciation délicats. Il est difficile de se référer, à Paris, à une norme précise (attraction du centre), mais aussi plus grande concentration des commerces (cf. équipement type des grands ensembles : 2 m 2 par habitant). Ce sont plutôt les caractéristiques des opérations de rénovation urbaine qui nous ont guidé (statut social, ampleur de l'opération, localisation et insertion dans le tissu urbain), les surfaces retenues dans les projets étant les surfaces maximum susceptibles d'être commercialisées.

La création de « centres de quartier » est associée soit à des opérations prestigieuses comme Beaugrenelle ou Hauts-de-Belleville, impl quant un bouleversement profond de l'occupation sociale de l'ancien quartier, soit à des opérations entraînant un accroissement important de la population, dans des secteurs peu équipés, comme par exemple Placedes-Fêtes. Cette création est largement subordonnée aux possibilités de desserte des opérations considérées. La création d'un second centre rive gauche (Italie/Montparnasse) est présentée comme un véritable « choix économique », un des éléments « structurants » d'aménagement. Il s'agirait de pallier l'engorgement du centre urbain rive droite ( c f . l'implantation des grands magasins Opéra-Rivoli). Alors qu'à Montparnasse, pôle tertiaire, l'accent est mis sur les bureaux, à Italie, support de Montparnasse pour les bureaux, l'accent est surtout mis sur les commerces : 120 000 m2 dans le seul périmètre de Galaxie, dont un centre commercial géant de 50 000 à 60 000 m2. Dans ce temple de la consommation {cf. logique symbolique), le long des galeries marchandes, les boutiques de super-luxe voisinent avec les équipements de loisir. Mais que penser de cette création d'un second centre à Paris? Présenté

58

La rénovation urbaine à Paris

comme une solution aux problèmes de l'engorgement du centre urbain, ne risque-t-il pas, à brève échéance, d'accentuer et de généraliser cet engorgement? Un point de saturation sera rapidement atteint surtout si l'aménagement des transports (Réseau express régional, en particulier) ne suit pas. Cette « restructuration » conduit à l'accentuation de la centralité, ce qui répond à une logique qui contredit en bien des points une conception purement fonctionnelle de l'aménagement : les nouvelles implantations commerciales se trouveront au point de contact avec le centre, à l'opposé de la tendance fonctionnelle axée vers la création de « shopping centers » géants à la périphérie des villes. Nous en arrivons à une deuxième dimension de l'échange, le problème des transports : a) Parallèlement à l'extension rapide des surfaces commerciales dans Paris, on constate un retard inquiétant dans la réalisation des projets de rocade intérieure reliant les pôles de bureaux : ne sont pas au programme du VI e Plan, pas plus que le Réseau express régional pour Choisy, l'axe nord-sud, la liaison XVe-XVIe arrondissement... En ce qui concerne la RATP, on réduit le réseau autobus et le trafic métropolitain atteint le seuil de saturation aux heures de pointe. Les opérations de rénovation qui draineront une population importante ne s'accompagnent pas de la construction d'une infrastructure de transports, mais viennent au contraire se greffer sur un réseau déjà saturé. b) Au niveau de la voirie intérieure 59 il faut distinguer deux types d'opérations : — les opérations de « remodelage », où la réorganisation de la voirie est conçue à l'échelle réduite de la zone de rénovation. Ce sont essentiellement des opérations d'assainissement (Ilot 11, Saint-Éloi, Couronnes, Hauts-de-Belleville...). Dans ce cas déjà, la voirie est en retard sur la construction des bâtiments. A Belleville, les premiers habitants quitteront l'espace privé revêtu de moquettes pour un espace public boueux; — les opérations de « restructuration », liées plus ou moins directement à l'aménagement de la circulation.

59, Cf. en annexe le tableau XII,

La rénovation, re-production d'un espace

59

Ce sont des opérations importantes dont l'implantation a été en partie déterminée par l'élargissement d'un grand axe (axe nord-sud pour Italie, radiale Yercingétorix pour PlaisanceVandamme, l'échangeur pour Mariniers). Mais les opérations s'avancent, alors que la date de réalisation des travaux de voirie n'est pas fixée.

5. Logique symbolique Notre travail est encore peu avancé dans ce domaine et pourtant il semble que cette logique joue un rôle tout à fait essentiel dans l'opération « reconquête de Paris » Sur plus de la moitié des surfaces rénovées s'élèvent des tours importantes : — sur 41 % des surfaces rénovées, on ne trouve pas de tour; — sur 59 % des surfaces rénovées, on trouve des tours (plus de 25 étages). Certaines zones rénovées ont été décrétées zones d'actions exceptionnelles, ce qui a permis de libérer totalement le plafond en hauteur β1. S'il est bien évident que la construction en hauteur répond à des préoccupations financières, cela ne saurait tout expliquer. La volonté de marquage spatial dans certaines opérations est flagrante, elle se manifeste notamment autour des axes rapides d'entrée dans Paris par le Sud (Hauts-de-Seine, Plaisance-Vandamme, Bercy, Italie, Montparnasse). Enfin la présence de grandes tours est liée à la présence de bureaux et à de forts accroissements de voirie. Nous pensons qu'il faut distinguer trois grands types de symbolique : — Symbolique technocratique déployant les signes de la puissance : elle se manifeste par des tours monumentales autour des gares et des radiales pénétrantes, témoignant de la centralisation actuelle des pouvoirs ; — Symbolique consommatoire déployant les signes de l'opulence, s'intégrant à des ensembles résidentiels de statut élevé;

60. Nous ne nous étendrons pas sur ce point, que nous reprenons dans notre monographie sur l'opération Italie. 61. Le plafond est fixé normalement, à Paris, pour les espaces construits à 27 m, pour les espaces constructibles à 81 m.

60

La rénovation urbaine à Paris

— Symbolique s'organisant autour des valeurs traditionnelles, s'observant à l'intérieur du « périmètre sacré » 62, et qui ne concerne pas, par conséquent, la rénovation proprement dite, mais la réhabilitation. Une étude plus détaillée de la symbolique de la rénovation exigerait une approche différente de celle que nous avons employée, et nous pensons qu'ici la sémiologie pourrait intervenir.

III. LOGIQUE GÉNÉRALE DE LA RÉNOVATION ET LOGIQUES RÉNOVATRICES

En guise de synthèse nous avons construit un tableau synoptique 63 permettant de saisir l'ensemble du processus de changement de l'espace qu'introduit la rénovation. Il rend compte de l'insertion de la rénovation dans la structure urbaine pré-existante (colonne) et du contenu, social, fonctionnel, symbolique des opérations (ligne). Ce tableau a donc un sens : on doit le lire des colonnes vers les lignes, puisque les variables colonnes sont antérieures chronologiquement. Pour chacune de ces séries de critères, nous rappelons que nous avons construit des indicateurs trichotomisés. Pour chaque indicateur nous avons calculé les surfaces de rénovation tombant dans les trois classes : —, = , + , et les probabilités correspondantes pour que la rénovation tombe dans une de ces trois classes M . Nous disposions d'une série de probabilités marginales, il fallait calculer les probabilités croisées. Le principe est simple : si A est la probabilité pour que la rénovation tombe dans la colonne I et Β la probabilité pour que la rénovation tombe dans la ligne I du tableau, la probabilité pour que la rénovation tombe dans les deux à la fois est : Pr (Al) X Pr (Bl)

62. Enceinte des fermiers généraux. 63. Cf. schéma ci-contre. 64. N o u s rappelons que pour les variables colonnes, le fait de trouver une forte probabilité pour une variable dans la colonne + , par exemple, signifie que les espaces rénovés prennent les valeurs les plus fortes de la variable par rapport aux valeurs parisiennes (cf. l r e partie, § 1). Pour les variables lignes, les techniques de construction des trois catégories : —, = , + sont dans la l r e partie, § 2. Seule modification, les bureaux : les 3 % qui se trouvaient dans la catégorie = viennent en —.

La rénovation, re-production d'un espace

61

On dispose de toutes les probabilités A et Β pour tous les indicateurs, on en déduit toutes les probabilités (A Λ Β). Pour chaque indicateur on obtient un croisement de ce type :

pil · jl

Ph-jl

PÍ3 jl

- Pjl

pu. h

PÌ2.j2

PÍ3·j2

= PJ2 piljl + p i 2 j 2 +. . . + pi n jo = 1

pil.j3

PÏ2. J3

PÍ3. j3

P»1

= PÏ2

+ pis

+ PÎ3

PH + PÍ2 + PÍ3 = 1 PJl + PJ2 + PJ3 = 1

Les probabilités du tableau (pij) sont les probabilités de rénovation d'un certain secteur de type i, affecté d'une opération de caractéristique j. Ce sont donc des probabilités de passage d'un espace donné à un autre. Nous ne prétendons pas avec ce tableau faire des prévisions, mais constater quels sont les processus sociaux à l'œuvre dans les opérations de rénovation engagés jusqu'à présent. Nous ne ferons ici qu'un commentaire des résultats les plus marquants du tableau 20. Nous mènerons ultérieurement une analyse plus systématique des données figurant dans ce tableau. Dans l'ensemble des combinaisons possibles, quelles sont les plus pertinentes? En d'autres termes qu'elles sont celles qui ont le plus de chance de se voir réaliser dans les opérations de rénovation? Pour éclaircir un peu le déchiffrage du tableau, nous avons constitué une grille de lecture, dont nous allons expliciter ci-dessous quelques croisements (C) : CT

Les croisements Algériens (-(-), OS manœuvres (-(-) et cadres supérieurs (—) avec HLM (—) prenant respectivement les valeurs 45,5 et 46,5 et 63 attestent que la rénovation qui porte sur un espace populaire conduit à sa quasi-disparition. Les mal-logés ne trouveront pas de solution à leur situation avec la rénovation ; surpeuplement (-f ) et HLM (—), 40 et 64, donnent à penser que le futur Paris verra la coexistence de zones de bourgeoisie moyenne et d'enclaves de populations vieilles, vivant dans des logements fort dégradés qui constitueront peut-être des zones pittoresques pour touristes.

62

La rénovation urbaine à Paris

Caractéristiques t

S

Rapport de Auction

Échange

l'espace

' ' ^ Z f institutionnel

Sociale (indicateur : HLM) Equipements (indicateurs : — espaces verts — groupes scolaires) Fonctionnelle (indicateurs : — bureaux — commerces) Symbolique (indicateur : hauteur des tours)

C2

9X 92

10, 102

13

14

1 112 15

12t 122 16

La liaison entre les faibles programmes de HLM et le changement d'activités en cours dans les espaces pré-rénovés et entourant les zones de rénovation HLM (—) Desserrement industriel ( + ) = 52,7 HLM (—) Augmentation bureau ( + ) = 3 1

C3

laisse entrevoir une certaine incompatibilité entre la présence d'activités valorisantes et la présence de certaines couches sociales. La montée très sensible des prix (relativement au reste de Paris, où les prix montent déjà très vite) 65 pour le logement ancien et le logement récent et le peu de HLM sur les opérations de rénovation Prix logement ancien (—) HLM (—) = 56,1 Prix logement récent ( = ) HLM (—) - 37,6 marquent que l'évolution « naturelle » du marché foncier et immobilier est défavorable à la construction HLM, même dans des programmes publics de construction.

65. Depuis quinze ans le prix des terrains à Paris s'est multiplié par 10 (Direction de l'Urbanisme).

La rénovation, re-production d'un espace

C4

Étant donné la forte implantation de gauche, la situation précaire de l'UDR dans les quartiers voués à la rénovation, le changement de population dû à la faible proportion d'HLM Voix gauche municipales ( + ) Voix PC législatives (+) Voix UNR 1 er tour législatives

C5

Groupes scolaires (—) = 47,5

les fils de cadres iront s'entasser dans les écoles où s'entassaient déjà les fils d'ouvriers. On voit avec les croisements : Desserrement industriel ( + ) Desserrement industriel ( + )

C7

HLM (—) = 47,5 HLM (—) = 47,5 HLM (—) = 49,5

on peut prévoir un certain changement de la situation électorale. Comme le montre le croisement OSM ( + )

C6

63

Espaces verts (—) = 45,1 Groupes scolaires (—) = 49,1

que les équipements publics, et notamment les espaces verts qui demandent beaucoup de place, ne profiteront pas des vides laissés par l'industrie, et pourtant ce sont les finances publiques qui ont payé les primes de desserrement. La Ville aurait pu prouver là sa volonté de mener une politique foncière. Contrairement à la sous-logique 112, on constate que les équipements publics restent à l'image de l'équipement commercial avant rénovation : Taille commerces (—) Type commerce (—) Concentration spatiale commerce Distribution commerce

Groupes scolaires (—) = 62 Groupes scolaires (—) = 57,2 Groupes scolaires (—) = 62 Groupes scolaires (—) = 62

C 9l Le croisement Manœuvres ( + ) Algériens ( + )

Bureaux ( + ) = 44,7 Bureaux ( + ) = 45,1

révèle que l'espace résidentiel des ouvriers cède la place à l'espace professionnel des employés et des gestionnaires. Cfcj Parallèlement au mouvement 9 2 , l'espace de déployement de la marchandise et de la consommation se substitue (cf. Q ) à l'espace résidentiel des producteurs de marchandises : OS et Manœuvres ( + ) Algériens ( + )

Commerce ( + ) = 28,4 Commerces ( + ) = 27,8

64

La rénovation urbaine à Paris

C 10l Les bureaux viennent dans des quartiers, qui, il y a peu de temps encore, étaient fortement industrialisés : Implantation industrielle ( + )

Bureaux ( + ) = 40,3

mais qui sont en pleine mutation : Augmentation bureaux 62-68 ( + )

Bureaux ( + ) = 29,3

C102 La création de grandes surfaces commerciales accompagnent ce mouvement : Augmentation bureaux 62-68 (-)-) Commerce ( + ) = Desserrement industriel ( + ) Commerce ( + ) =

18,9 32,2

C l l a Les centres de commerce de dimension régionale remplacent les petits commerces : Petits commerces ( + ) Commerces ( + ) = 40,3 dispersés dans l'espace : Concentration spatiale Commerces ( + ) = 40,3 commerces ( + ) de faible distribution : Distribution commerces ( + ) Commerces ( + ) = 40,3 ce qui a pour effet une accélération de la circulation des marchandises et une réorganisation du réseau de distribution. C 13 Les croisements : OS Manœuvres ( + ) Algériens (+) Surpeuplement ( + )

Tour ( + ) = 41,6 Tour ( + ) = 40,7 Tour ( + ) = 48,3

témoignent du remplacement de quartier à charge symbolique négative (qui ne s'articule pas à l'idéologie dominante : société d'abondance, de la classe moyenne...) par des quartiers à forte charge symbolique positive. Les tours se bâtissent dans des quartiers où résidaient peu d'étrangers : Étrangers (—) Tours ( + ) = 53,1

C 14

et peu fréquentés de touristes. Mais les tours déployent une symbolique destinée en partie aux étrangers, touristes et résidents : hommes d'affaires, diplomates, étudiants... Ces tours accompagnent l'implantation des bureaux {cf. C 10 ) : Augmentation stock bureaux ( + )

Tour ( + ) = 27,7

La rénovation, re-production d'un espace

65

et leur symbolique renvoie à l'idéologie étatique de la puissance et de l'universalité, cette symbolique des quartiers industriels renvoyant au monde du travail, à la lutte de classes dont la résurgence est inconvenante 66 dans la capitale française. Implantation industrielle ( + ) Desserrement industriel ( + )

Tour ( + ) = 38,0 Tour ( + ) = 47,1

C 1 5 De la mise en rapport de C 1 5 avec C l l 2 on peut penser que la symbolique de la puissance se juxtaposera à une autre symbolique : celle de l'opulence, dans un même espace géographique. C 16 La situation difficile de l ' U D R dans les circonscriptions rénovées et la symbolique positive (qui s'articule avec l'idéologie dominante) : Sécurité U D R (—) Indépendance U D R (—)

Tour ( + ) = 44,2 Tour ( + ) = 34,5

créent une situation propice à une utilisation électoraliste de la symbolique de la rénovation. Nous ne ferons pas l'analyse, ce découpage est au contraire un; invitation à la poursuite de ce travail. Il fallait, avant toute synthèse hâtive, désintégrer ce qui apparaissait dans le concret-réel comme un tout plus ou moins indifférencié. Cette désarticulation, d'une logique générale, trop réelle, en plusieurs dimensions, chaque croisement constituant autant de sous-logiques, ouvre la voie à une étude plus synthétique. Cette synthèse se présenterait alors comme articulation de multiples processus. Nous n'engageons pas cette étude, nous résumerons simplement, pour conclure cette première partie, le processus général de la rénovation. Le changement de population sur les opérations, c'est-à-dire le remplacement de couches ouvrières par des couches sociales aisées, est lié au changement d'activité et à une évolution du marché foncier incompatible avec la construction de logements à bon marché. L'implantation des opérations sur des quartiers ouvriers, mais hors des quartiers physiquement fort dégradés, abritant une population vieille, engage une tendance à la bipolarisation de la population parisienne, avec, d'un côté, la présence d'un certaine bourgeoisie, de jeunes cadres, de l'autre, une population de retraités, voire d'un sous-prolétariat chassé des zones rénovées, qui viendrait se réfugier en plein centre de Paris. 66. L' « industrial design » camoufle pourtant fort bien ce genre d'inconvenance, pourquoi ne l'a-t-on pas employé à Paris?

66

La rénovation urbaine à Paris

Les couches ouvrières intermédiaires tendent à disparaître; avec elles, c'est l'électorat de gauche qui sort de Paris. La capitale devient la Ville du Pouvoir. La construction d'équipements publics improductifs semble se heurter, comme la construction d'HLM, aux tendances du marché foncier, les anciens resserviront et on les réutilisent au maximum. La Ville n'a pas utilisé les vides laissés par les industries desserrées pour construire des équipements sur des terrains présentant une charge foncière minimum. Les opérations seront par contre sur-équipées en équipements « productifs », comme les grandes surfaces commerciales. Les petits commerces ne bénéficieront pas de l'égard que l'on a eu pour les équipements publics, ils céderont la place aux grandes chaînes commerciales. Corrélativement au changement de population et de main-d'œuvre, on assiste au changement des activités, l'espace de l'échange et des activités de commandement remplace celui de la production de marchandises. Enfin, ce triple changement simultané, de classe sociale, d'activités économiques, de mode de distribution des marchandises, s'articule à différents niveaux avec un changement essentiel : le changement de l'espace symbolique. Une nouvelle totalité, le quartier rénové, se substitue à une autre totalité, plus floue parce que moins circonscrite géographiquement : nous voulons parler de l'ancien quartier marqué par la présence d'usines, centré autour de ses petits commerces, approprié par une couche sociale votant à gauche, formant une totalité symbolique spécifique. Chaque quartier est marqué par la classe dominante qui y réside. La présence d'une classe dans un quartier dépasse la simple présence de couches socio-professionnelles, mais signifie une configuration originale d'activités, de types d'échanges inter-personnels, d'achats, de rythmes de vie et de signes marquant la domination de cette classe. Les grandes opérations de rénovation sont la marque la plus nette de la production de la ségrégation par l'urbanisme. Ce n'est pas seulement un immeuble de standing que l'on offre aux futurs habitants, mais un environnement social et symbolique. La rénovation est ségrégative en rejetant toujours plus loin de Paris les couches ouvrières de la population et en créant des micro-milieux pour classes aisées, ravivant ainsi en elles le sentiment hautain d'appartenir à une élite.

CHAPITRE II

Les mécanismes juridico-institutionnels et politico-financiers

Nous avons analysé la logique générale de déstructuration-restructuration d'un espace par la rénovation, mais il faut encore savoir par quel mécanisme s'actualisent ces logiques et quelle est l'évolution actuelle de la rénovation. Nous connaissons les déterminations structurelles de ce mécanisme, il reste à expliquer comment il se déroule. Nous commencerons par un exposé du mécanisme juridique d'après les textes faisant loi. Nous étudierons le processus réel de rénovation sur deux points précis : le mécanisme de délogement-relogement, et la prise de décision. Enfin, à partir de l'exposé du mécanisme financier, nous verrons dans quel sens la rénovation évolue actuellement et quelle est la signification de cette évolution.

I . L E MÉCANISME JURIDICO-INSTITUTIONNEL

1. Les textes

Si l'on s'en tient au texte sur la rénovation1, l'initiative revient au Conseil municipal qui propose un périmètre de rénovation à partir duquel les services techniques de la Préfecture élaborent un plan d'urbanisme de détail. Celui-ci est soumis pour avis au Conseil municipal. Il est transmis au Préfet et au Ministre de la Construction, parfois au 1. Cf. notamment : décret du 31 décembre 1900, modifié par le décret du 13 avril 1962; décrets du 15 juin 1959, du 27 mars 1961 ; circulaire du 8 novembre 1959, préfacée par P. Sudreau.

68

La rénovation urbaine à Paris

Ministre de l'Intérieur qui vérifient s'il est conforme au schéma directeur, étudient le bilan financier pour déterminer l'aide à apporter sous forme de prêts et subventions. Après avis favorable, l'approbation du projet est accordée par arrêté préfectoral, et l'opération est confiée à un organisme unique choisi par la Ville. Le rénovateur établit une convention type qu'il passe avec le Conseil municipal conformément au P U D 2 . Elle fixe la nature et l'importance des constructions à édifier s'il y a lieu, des emprises publiques et des équipements collectifs, prévoit le relogement des occupants d'immeubles à démolir, présente un état de prévision de recettes et de dépenses de l'opération foncière. Cette convention est alors approuvée (ou refusée) par le Préfet. Si elle est approuvée, l'organisme choisi peut réaliser l'opération de rénovation. Les opérations de rénovation étant considérées d ' « utilité publique », trois possibilités se présentent aux propriétaires : — la cession à l'amiable, après estimation des immeubles par les domaines ; — une prise de participation dans l'opération; — l'expropriation. Le propriétaire dispose d'un délai de trois mois pour accepter l'offre de participation qui lui a été faite par l'organisme de rénovation; passé ce délai, il est réputé l'avoir refusé, et perçoit une indemnité d'expropriation. S'il accepte l'offre, il bénéficie alors d'un droit de créance, portant intérêt à un taux au moins égal à 5 % réévaluable. Les propriétaires créanciers peuvent constituer sous le régime de la loi de 1901 une association entretenant des contacts suivis avec l'organisme rénovateur et qui peut jouer un rôle important au moment du remplacement des créances. En effet la créance peut être éteinte au choix du propriétaire (et en fonction du statut juridique de l'organisme rénovateur) soit par l'attribution d'une part en copropriété dans les immeubles reconstruits, soit par la remise d'actions ou de parts de la société de construction. Dans certains cas, on peut également attribuer en pleine propriété, au créancier, une parcelle comprise dans la zone à rénover et qui devra être reconstruite conformément au plan masse. Tous les occupants de locaux d'habitation doivent être relogés dans le périmètre de rénovation en priorité (par le mécanisme des opérationstiroirs) ou hors opération si cela s'avère impossible. L'obligation de relogement incombe dans tous les cas à l'organisme 2. Plan d'urbanisme de détail.

Les mécanismes juridico-institutionnels

69

de rénovation, que la commune exproprie pour son compte ou que l'organisme procède lui-même à une expropriation s'il a qualité de concessionnaire 3 . Le relogement doit se faire dans un local correspondant aux besoins des intéressés et n'excédant pas les normes HLM. Une indemnité de déménagement est également due aux occupants des locaux d'habitation, ainsi qu'une indemnité de jouissance s'il y a lieu. Quant aux locataires commerçants, artisans ou industriels, ils ont droit à une indemnité d'éviction fixée, à défaut d'accord à l'amiable, par le juge de l'expropriation. Cette indemnité se calcule, en général, en fonction du chiffre d'affaires des trois dernières années. Le rénovateur peut offrir de réinstaller les locataires dans un local équivalent situé dans la même agglomération, ce qui, même en cas de refus, le libère de ses obligations vis-à-vis du titulaire du droit au bail. En cas d'acceptation, celui-ci reçoit une indemnité de déménagement et, s'il y a lieu, de perte de jouissance. Les titulaires de droit au bail auxquels il n'a pas été fait d'offre de réinstallation peuvent demander l'attribution d'une créance : ils ont alors les mêmes droits que les propriétaires d'immeubles d'habitation, lorsqu'ils participent à l'opération. Cela fait, le rénovateur procédera aux démolitions et à la mise en état du sol. Enfin, et c'est ici que l'opération de rénovation, juridiquement parlant, trouve son terme, l'organisme rénovateur cédera les terrains au constructeur et à la Ville lorsqu'il s'agit d'emprises publiques. La société de rénovation procédera à la construction elle-même si son statut le lui permet, c'est-à-dire si elle est « société d'aménagement, de rénovation et de construction immobilière » (article 79-1 du code de l'urbanisme). Ce peut être le cas lorsqu'il s'agit d'un office HLM, d'une société d'économie mixte à vocation générale (SCIC, OCIL, FFF...), d'une société privée, ou de la Ville elle-même. La cession de terrain est accompagnée d'un cahier de charges ayant pour objet de rendre les dispositions du plan masse obligatoires pour l'acquéreur. Une fois la rénovation faite, la construction peut se mener très vite. Les problèmes les plus délicats sont résolus. En bref, quels sont les moments importants d'une opération de rénovation-construction ? Le premier moment essentiel pour l'équilibre financier de l'opération est l'élaboration par l'Administration d'un PUD. Celui-ci est l'objet de négociations serrées lorsqu'il s'agit d'une opération menée par une société privée. Les prix de vente des terrains rénovés diffèrent selon les implantations 3. La convention peut avoir le caractère d'un contrat de concession, donnant la possibilité à l'organisme rénovateur de poursuivre directement les expropriations.

70

La rénovation urbaine à Paris

prévues (HLM, primes et prêts, sans aides, et bureaux). Aussi pour les HLM le prix de vente du terrain ne va pas dépasser un certain seuil. Étant donné le blocage des charges foncières pour les HLM et le prix élevé des terrains à Paris, une opération à dominante HLM est certaine d'être déficitaire. De même pour les équipements, on a intérêt à construire bureaux et commerces pour lesquels les prix du mètre carré de plancher et le montant des cessions de fonds sont les plus importants. Un autre moment important dont dépend la construction et la rapidité de rotation des capitaux, c'est celui du processus d'acquisition des sols, c'est-à-dire du processus d'expropriation-relogement. C'est le moment le plus coûteux 4 , le plus incertain financièrement, le plus long à cause des formalités administratives. Le rénovateur, surtout lorsqu'il s'agit d'une société privée, multiplie à cette étape les manœuvres pour acquérir et libérer des terrains à moindre prix et le plus vite possible. Ce moment est capital car le promoteur ne peut immobiliser ses capitaux trop longtemps, il faut aller vite. Mais il faut agir avec suffisamment d'habileté pour déconnecter les réactions éventuelles des habitants délogés et ne pas déclencher de réflexes de solidarité chez les habitants. 2. Le problème du délogement-relogement5 Il est dit qu'une indemnité de déménagement est due au locataire. Cette indemnité est calculée à partir de la catégorie de logements et du montant du loyer, Or dans les quartiers rénovés les loyers étant souvent fort bas, comparativement au reste de Paris (c'est ce qui permettait aux « petits revenus » de rester dans Paris), il s'ensuit que les indemnités y sont extrêmement basses et servent à peine à couvrir les frais de réinstallation dans un nouveau logement 6 . Le relogement qui est obligatoire est proposé, mais les normes fixées ne sont pas respectées : le parc de logements sociaux est quasi inexistant dans Paris et les « opérations-tiroirs » sont bien insuffisantes. Alors on offre le relogement soit dans les HLM, soit en grande banlieue dans des programmes HLM, soit dans des cités de transit 7 . Il arrive 4. Cf. infra, p. 75, les postes du bilan d'une opération de rénovation. 5. Voir aussi les pratiques des promoteurs sur l'opération Italie. 6. Les habitants ignorent généralement qu'ils ont un droit de recours en justice leur donnant la possibilité de faire réévaluer les indemnités. Ils peuvent faire appel à un Cabinet d'expropriation qui les défend avec un avoué ou un avocat qui ne demande que 50 F en cas de non-réussite. 7. Cité de Drancy pour les habitants des Hauts-de-Belleville, et Cité du Chevaleret dans le quartier Italie.

Les mécanismes

DIAGRAMME JURIDIQUE DES OPERATIONS RENOVATION

M i n i s t è r e de la Construction Préfecture P.U.D.

71

juridico-institutionnels

PUBLIQUE A

DE

PARIS

P r o g r a m m e G é n é r a l de l a Rénovation urbaine à Paris C h o i x d e s z o n e s de

rénovation

I

Consultation du Délégué Général de la R é g i o n P a r i s i e n n e Préfet

1

C h o i x de l ' o r g a n i s m e

I

Accord du Conseil

I. .

Etudes Bilan Commission

Subventions

Interministerielle

rénovateur Municipal

préliminaires prévisionnel

P r é1f e t · ^ r— E t u d e s clétaillée?

s'il y a lieu, Prêts

et A v a n c e s ^

l i e de

Paris

ι Trésor - FNAFU ¿ C a i s s e des D é p ô t s et Consignations

CONVENTION et D E C L A R A T I O N d'utilité publique REALISATION

:

A c q u i s i t i o n d e s t e r r a i n s et i m m e u b l e s Réinstallation des activités Relogement des habitants D é m o l i t i o n et m i s e e n é t a t BILAN DEFINITIF

:

Réajustement éventuel Remboursement FNAFU

de l a

subvention

R é t r o c e s s i o n des t e r r a i n s r é n o v é s et équipés au promoteur-constructeur ou r é a l i s a t i o n d u p r o g r a m m e de c o n s t r u c tion .

72

La rénovation urbaine à Paris

aussi que l'on reloge des locataires expropriés dans d'autres logements vétustés à Paris 8 . Les rénovateurs jouent sur la loi du silence, les intéressés ne sont pas informés de leurs droits, les rumeurs tiennent lieu d'information. Peu de gens savent en fait ce qu'est la rénovation, elle reste pour chacun un problème individuel. Le sentiment d'impuissance de la population devant la rénovation trouve sa cause dans le caractère officiel des démarches d'expropriation, l'affichage à la mairie, les convocations au tribunal, l'établissement de la part de l'Administration d'un état de fait, d'une situation de non-retour. Les habitants se trouvent devant une législation compliquée, un vocabulaire ésotérique, dans une conjoncture où les erreurs ne pardonnent pas. Dans ce climat d'insécurité, beaucoup de personnes partent et perdent ainsi leurs droits. D'autres sont l'objet de pressions : des démarcheurs envoyés par les rénovateurs leur font des offres individuellement. Dans le climat du quartier, certains acceptent. On laisse planer le doute sur les délais d'expropriation. La durée de mise en route d'une opération peut, en effet, s'allonger sur plusieurs années, ce qui explique la grande crédulité que l'on rencontre souvent sur l'issue réelle de l'opération. L'effet de surprise est grand devant les convocations d'expropriations au tribunal, qui laissent les habitants totalement désarmés, l'inexpérience pour lutter contre les procédures ayant découragé les plus braves. Certaines personnes nient aussi l'opération comme pour refouler une situation angoissante qui engage la famille entière, mais peut-être aussi pour refuser la situation humiliante d'expulsé, de rejeté. Ce n'est pas de leur quartier qu'elles sont rejetées, mais du futur quartier, où viendront résider ceux qui peuvent croire en la « société de consommation ».

3. La prise de décision

9

La prise de décision, jusqu'à la signature de la convention, distingue Paris des autres villes françaises qui vivent sous le régime de la loi municipale de 1894. Paris vit en effet sous le régime de la loi du 14 avril 1871 et des décrets lois modifiés du 13 juin 1939 10 . C'est le Préfet de 8. Ce fut le cas pour les Hauts-de-Belleville. 9. Pour certains autres aspects de ce mécanisme, nous renvoyons à notre troisième partie sur l'opération Italie 13, au chapitre « déroulement de l'opération ». 10. Le statut date de l'époque féodale. La révolution de 1789 libéra Paris de cette tutelle et la capitale aura des responsables élus. Avec la loi du 28 pluviôse An 8, Napoléon se donne le droit de nommer les maires

Les mécanismes juridico-institutionnels

73

Paris qui joue le premier rôle dans la direction des affaires de la capitale. Nommé par le Premier Ministre, il est chargé d'appliquer dans la capitale les consignes gouvernementales. Il met au point le budget et a sous sa dépendance les services techniques parisiens. Les maires de Paris, un par arrondissement, ne sont pas élus mais désignés par le Ministère de l'Intérieur : leur rôle se borne à la gestion des affaires courantes. Quant au Conseil municipal de Paris, élu, il est placé sous la tutelle du Préfet, disposant ainsi des prérogatives, cumulées, d'un maire et d'un préfet. Comment donc la décision d'engager une opération de rénovation se prend-elle à Paris? Le programme général de rénovation est établi par le schéma directeur, dont l'élaboration est étroitement contrôlée, comme nous le verrons plus loin, par le pouvoir central. Quant à la détermination des zones de rénovation, l'établissement des PUD, le choix de l'organisme rénovateur et corrélativement le mode de financement, c'est à la Préfecture, voire à Matignon lorsque l'affaire est importante, que les décisions se prennent. Pour faire saisir concrètement ce point, nous prendrons deux exemples concrets : la décision d'engager les opérations Belleville et Italie 13, et le vote du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de Paris. 1) Italie-Belleville. Séance du Conseil municipal du 13-14 janvier 1966. L'enjeu est ici important, car pour la première fois on veut confier des opérations aux promoteurs privés, marquant ainsi le désengagement de l'État pour le financement des opérations. Le Préfet Picard va défendre le projet contre les Conseillers de gauche, qui l'attaquent violemment. Or, comme nous l'apprend une lettre lue publiquement par le Conseiller Berlemont pendant la séance u , G. Pompidou, alors Premier Ministre, avait écrit au Préfet bien avant la séance pour lui demander que ces deux opérations soient confiées aux promoteurs privés. L'attitude des Conseillers de l'UNR et du Centre confirme le fait : ceux-ci semblent venus en observateurs, ils sont là pour voter le projet, qui sera adopté et fait du Préfet de Paris et du Préfet de Police les tuteurs de la capitale. La Commune, comme la Révolution de 1789, redonne une gestion démocratique à Paris. Avec la répression, comme Thiers le voulait, « on ficelle la ville » afin de bien marquer que la capitale appartient au Gouvernement. Le Préfet s'installe à l'Hôtel-de-Ville, où il réside toujours. La Ville de Paris vit actuellement sous un régime imposé par Napoléon et les lois répressives faisant suite à la chute de la Commune. Cette alternance de prise en main de Paris par l'État et de courtes périodes révolutionnaires de gestion démocratique marque bien que Paris espace de Γ État est, en tant que tel, enjeu politique, dans la mesure même où la lutte politique est lutte pour la prise du pouvoir de l'État. 11. Cf. infra, p. 89, texte de la lettre de G. Pompidou.

74

La rénovation urbaine à Paris

par 49 voix (dont 19 centristes) contre 38 (PC, SFIO, PSU, radicaux). La décision est donc venue du Premier Ministre, et la séance a fait figure de simple formalité. Voyons le Schéma directeur. 2) Le 22 janvier 1968, un conseil inter-ministériel présidé par G. Pompidou se penche sur des « dossiers intéressant l'aménagement de Paris ». Le Conseil municipal doit voter le Schéma à la séance du 7 mars 1968. Les conseillers UNR sont réticents au Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme : il n'est pas assez précis, condamne Paris à l'engorgement, le rééquilibrage à l'est est insuffisant, et surtout on ne veut pas de voies à grande circulation coupant Paris. Certaines visées passéistes ressortiront des critiques des Conseillers de la Majorité, qui trouveront leur écho dans les articles du moment dans le Figaro. La veille de la séance à 15 heures, de Gaulle convoque le Président du Conseil de Paris, Caldaguès, appartenant à l'UNR, siégeant au conseil d'administration de la société d'économie mixte qui fait MaineMontparnasse ainsi que de celles qui rénovent Bercy, les Halles, Plaisance. En présentant le Schéma directeur au Conseil de Paris, le Préfet M. Doublet laisse entendre qu'il faudra bien finalement qu'il soit accepté. Le Conseil municipal votera en fin de compte le Schéma directeur par 47 voix contre 36. L'État, visé à travers Paris, marque à certaines époques sa domination spatialement. Il intervient directement dans les affaires parisiennes pour toutes les batailles importantes, et notamment pour une des plus importantes entre toutes : la « Reconquête de la Capitale ».

I I . L'ÉTUDE D U FINANCEMENT

L'étude du financement de la rénovation urbaine à Paris se révèle significative, elle permet d'en expliquer de nombreux aspects et surtout l'évolution. Malheureusement nous devons y apporter deux limites qui, si elles ne modifient en rien les conclusions, nous auront cependant empêché d'aller aussi loin que nous l'aurions souhaité dans nos explications : 1) La première est due à la peur de l'Administration et des responsables divers de la rénovation, quand ceux-ci ont à s'expliquer ou à fournir des documents et des statistiques (qui la plupart

Les mécanismes

juridico-institutionnels

75

du temps n'ont rien de secret). Ainsi nous n'avons pu obtenir aucun chiffre après 1968, soi-disant « à cause des prochaines élections municipales ». 2) La seconde relève de l'enchevêtrement des mécanismes financiers. 11 est très difficile de savoir exactement qui finance quoi, et pratiquement impossible de déterminer la part exacte de Postes

du bilan prévisionnel

d'une opération

de

rénovation

Dépenses

Recettes

1. Appropriation du sol et des bâtiments

1. Cession des terrains12 et des pas de porte a) logements et bureaux

a) acquisition des immeubles bâtis et non bâtis y compris l'emprise publique actuelle b) indemnité d'éviction des activités économiques c) indemnité de déménagement et d'aménagement 2. Aménagement du sol a) coût de démolition des immeubles b) mise en état du sol (éventuellement... de fondations spéciales quand le terrain est peu solide)

b) cession des pas de porte et droits d'installations commerciales

2. Participation de la Ville13 a) achat de l'emprise publique supplémentaire b) participation au déficit s'il y a lieu

2. Dépenses accessoires a) frais d'études b) frais accessoires aux acquisitions (actes notariés et divers) c) charges financières d) frais généraux 4. Équipements14 e) travaux d'équipements normalement à la charge des constructeurs Calcul du prix de revient du mètre carré de terrain rénové

Coût de l'opération (même emprise publique) -— ; ——; Surface emprise privée future

12. La charge foncière admissible se calculant en fonction des catégories d'immeubles. La charge foncière pour les constructions HLM (fixée par le financement HLM) est bien inférieure à la charge foncière que l'on peut imposer à des logements non aidés ou à des bureaux. 13. La Ville, sauf sur les ZAC, prend en charge les travaux d'équipements publics; les frais de travaux n'entrent donc pas dans le bilan, mais figurent dans la conventiontype. 14. Lorsque le rénovateur est aussi constructeur, il faut rajouter en dépenses les frais de construction et d'équipements (s'il s'agit d'une ZAC) et en recettes les ventes effectuées.

76

La rénovation urbaine à Paris

chaque acteur financier. Tout au plus, peut-on l'estimer grossièrement à partir des statistiques officielles que nous avons pu nous procurer. Nous nous contenterons donc de déceler à travers l'évolution marquée par ces chiffres les lignes forces du financement de la rénovation. Mais tout d'abord voyons quels sont les principaux acteurs, les principaux mécanismes et les données essentielles.

1. Les modes de financement En premier lieu, il convient de rappebr que le budget de la Ville de Paris consacre, bon an mal an, de 50 à 70 millions de francs à la rénovation urbaine. Cet argent est essentiellement destiné à financer l'achat des terrains où seront ultérieurement réalisées les opérations. Mais, dans une certaine mesure, la Ville de Paris participe aussi à la construction de logements et à la réalisation de certains équipements (voir plus bas). Lorsque tel n'est pas le cas et que les moyens financiers de l'opération ont été réunis, la Ville de Paris cède ou concède ses terrains aux organismes rénovateurs ou aux services spécialisés, chargés de réaliser les différents aspects de l'opération (logements, équipements, voirie, etc.). Ici se pose le problème de savoir qui finance quoi et en particulier quels sont les actionnaires des sociétés qui réalisent les opérations de rénovation. On peut, très grossièrement, dresser la typologie suivante : 1. Organismes publics 100 %

Ville de Paris, OPHLMVP

2. Sociétés économiques mixtes à vocation générale

OCIL, SCIC, FFF, G F F

3. Sociétés économiques mixtes de la Ville de Paris

RIVP, SAGI, SIEMVP

4. Sociétés économiques mixtes créées pour la rénovation

SEMAREP, SEMEA 15, SETIAM, GIM, SEMAR

5. Organismes privés

SEFIMEG, SÉPIMO-La Hénin, SPEI

Mais les prises de participation sont très souvent beaucoup plus complexes, surtout pour les organismes qui ne sont pas totalement publics. Il semble évident que la part de chaque acteur financier intervient dans le mode et les mécanismes de financement de chaque opération.

Les mécanismes juridico-institutionnels

77

2. Les mécanismes Une fois les principaux rénovateurs repérés, essayons de voir comment l'aspect financier de la rénovation se présente. Il suffit de consulter l'organigramme général 15 pour comprendre que l'opération ne sera effectivement lancée que lorsque tous les moyens de financement auront été réunis, c'est-à-dire lorsque le bilan prévisionnel aura été définitivement approuvé par le Préfet ou le ministre selon les cas. Signalons toutefois que la Ville de Paris peut, sur son propre budget, financer l'achat de terrains avant l'approbation du bilan prévisionnel. Cela implique que ces terrains pourront rester en l'état tant que de nouveaux crédits n'auront pas été trouvés. Dans la plupart des cas de rénovation, l'opération se solde par un déficit de financement (qui figure au passif du bilan prévisionnel). Jusqu'en 1966 ce déficit fut pris en charge par l'État, une Commission interministérielle accordant une subvention d'un montant égal 16 . Ainsi cette Commission a-t-elle joué un rôle central dans la décision de réaliser ou non l'opération, mais aussi dans la nature de l'opération. En effet, il est apparu rapidement que, devant l'accroissement des charges, les organismes rénovateurs devaient chercher autant que possible à rentabiliser leurs opérations, c'est-à-dire à éviter certaines dépenses improductives et finalement à remplacer certains investissements non rentables financièrement par d'autres (parkings privés, par exemple) pour lesquels ils pouvaient plus facilement se procurer des capitaux. Enfin, et on reviendra sur ce point car il est important, il faut dire que pratiquement la Commission interministérielle ne joue plus aucun rôle, cela étant dû au fait que si l'État entend honorer les subventions qu'il a dégagées par le passé, il n'engagera à l'avenir ses capitaux que de façon exceptionnelle dans de telles opérations. Dépenses foncières de la Ville, subventions de l'État sont les principales dépenses en capital. Il reste à envisager le financement de la trésorerie des opérations. Celui-ci était essentiellement le fait d'avances du Trésor, consenties à travers le Fonds national d'aménagement foncier et urbain (FNAFU) aux organismes de rénovation, sur présentation d'une demande agréée par le Ministère de la construction. Mais cette procédure s'est trouvée modifiée par la loi du 19 décembre 1963 qui confie à la Caisse des dépôts et consignations le rôle d'attribuer l'essentiel de ces avances sous forme de prêts à moyen terme qui, dans les cas les meilleurs, se trouvent en outre bonifiés par l'État. On peut noter à cet égard, dans le mémoire du Préfet de 1964, que 15. Cf. supra, p. 71. 16. 80 % de cette subvention étaient versés à l'organisme rénovateur au début et le reste à la fin de l'opération.

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La rénovation urbaine à Paris

« cette réforme ne change rien aux compétences et aux responsabilités du Ministère de la construction en matière d'opération foncière et d'urbanisme ni aux actions de fonds ». Par là il faut entendre que l'État comptait bien garder, outre le contrôle administratif, le contrôle financier de la rénovation. Enfin, la loi de 1963 était complétée par une circulaire du 15 juillet 1964 intervenue après un débat au Conseil municipal sur la limitation des dotations du Fonds d'aménagement foncier et urbain. Cette circulaire préconise « la poursuite de l'achèvement des opérations en cours de façon à ce que les terrains en voie d'aménagement puissent être rapidement rétrocédés aux constructeurs de logements ». L'octroi de nouvelles avances du Trésor était donc limité aux seules opérations en cours. Pour les autres opérations, la Caisse des dépôts prenait le relais. C'est bien ce que reflètent les données que nous allons examiner à présent.

3. Quelques données

Si l'on se réfère aux statistiques, les phénomènes décrits précédemment apparaissent encore plus précisément. Il convient en premier lieu de distinguer au moins trois périodes : — La première (1958-1962) est une phase de démarrage de la rénovation. Les crédits débloqués sont peu importants. — La deuxième (1962-1965) est une période transitoire. La rénovation a démarré, exige des crédits de plus en plus importants et cela nécessite certaines adaptations (désengagement du Trésor, rationalisation des subventions de l'État). — La troisième (1966-1968) voit un engagement en très forte augmentation de la Ville de Paris, une réduction sensible du rôle de l'État. On peut tirer trois conclusions d'ordre général : 1. L'engagement total de l'État apparaît à peu près équivalent à celui de la Ville de Paris (voir graphique ci-contre). La réalité est cependant plus complexe. D'abord les crédits effectivement versés au titre des subventions ont pris du retard sur les engagements, surtout depuis 1966. Ensuite, il convient de défalquer du montant total des avances consenties par le Trésor celui des remboursements effectués depuis 1964 (soit environ 48 millions de francs). Enfin, on ne peut pas assimiler purement et simplement les avances du Trésor à celles de la Caisse des dépôts. Aussi l'engagement financier de l'État apparaît-il déjà plus réduit.

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Millions de francs

400

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300

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1958

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1

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62

64

66

68 (Année)

Pour la lecture du graphique, on se basera sur les traits pleins qui correspondent aux crédits effectivement engagés. Le trait 11 représente l'engagement du budget de la Ville de Paris, le trait t2, qui le suit, l'engagement de l'État : on constate qu'ils sont à peu près égaux. Le pointillé, qui représente l'engagement du Trésor, se décompose en deux branches : celle du haut correspond à l'engagement nominal du Trésor, celle du bas à l'engagement réel, une fois défalqués les remboursements des prêts antérieurs du Trésor à la rénovation. On constate alors un certain désengagement du Trésor. Si l'on tient compte de ce fait, l'engagement global de l'État sur la courbe du haut est moindre. Le tireté figure le montant des autorisations de programme.

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La rénovation urbaine à Paris

2. Le désengagement du Trésor correspond bien à la période 1964-1968. Disons qu'en 1964, le Trésor commence à recevoir ses premiers recouvrements, ce qui réduit d'autant son nouvel engagement. A partir de 1966 l'engagement financier du Trésor est pratiquement nul. Il n'interviendra plus directement dans les opérations de rénovation. Depuis 1964 au contraire les avances de la Caisse des dépôts ont pris le relais. Elles augmentent rapidement et connaissent une accélération en 1967. 3. On constate une augmentation substantielle des subventions de l'État effectivement versées en 1963-1964, ce qui peut sembler contradictoire avec la politique de stabilisation et de rigueur budgétaire de l'époque. En réalité, cette augmentation provient d'engagements antérieurs et on observe bien une diminution sensible des engagements en 1964 et 1965, qui se traduira dans les faits par une réduction des subventions versées seulement en 1966. TABLEAU 2 1 .

Importance respective des engagements financiers (en millions de francs)

1958-1968 Financement par l'État

Autorisation de programmes

Crédits de paiements

Subventions FNAFU-Trésor FNAFU-CDC Acquisitions foncières de la Ville de Paris

120,240 86,45 133,065

89,155 86,45 94,865

376,022

Total

715,777

Dépenses effectuées

Remboursements

Pour préciser, nous indiquons dans le tableau ci-dessus l'importance de l'engagement de chaque acteur financier. Montrons maintenant comment ces crédits se répartissent suivant leur affectation : Dépenses foncières Équipements improductifs (dont 87,2 à la charge de la Ville) Équipements productifs Dépenses de voirie Total * Prévisions en millions de francs.

1965-1970 * 400,0 146,5 93,5 25,5 665,5

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Enfin, le tableau 22 ci-dessous indique cette répartition pour les seules sommes engagées par la Ville de Paris, auxquelles il faut ajouter les dépenses qui doivent s'équilibrer d'elles-mêmes — équipements productifs et grande voirie : Garages Marchés publics Total

52,3 48 100,3

TABLEAU 22. Importance respective des sommes engagées par la Ville de Paris (en millions de francs) Acquisition du sol équipements voirie généraux 238,2 Total

161,4 399,6

scolaire

social

44,2

14,6

Équipements culturel

improductifs sportif espaces verts

6,7

6,9

9,4

voirie

25,5

107,3

Enfin, il faut mentionner la participation de la Ville à la construction de logements (îlots 11 et 16) ainsi quV. ceux réalisés par des sociétés d'économie mixte (SAGI, RIVP, SIEMVP). 4. L'évolution L'accroissement des charges que représente la rénovation pour la collectivité peut recevoir deux explications d'ailleurs complémentaires. D'abord, il correspond au rattrapage d'un retard considérable pris dans ce domaine tant du point de vue de l'aménagement urbain à Paris que de celui des divers équipements. On peut citer à cet égard le Rapporteur général du Budget de la Ville de Paris : « Les Parisiens ne savent généralement pas que pendant quinze ans leur ville n'a pas eu de budget d'investissement, c'est-à-dire n'a pas eu la possibilité d'entreprendre de grands travaux. Alors qu'avant-guerre la Ville de Paris empruntait chaque année un milliard de francs (soit 500 millions de francs 1963), elle ne put emprunter que 30 à 50 millions par an de la Libération à 1959. On conçoit facilement que prendre la référence 1939 pour estimer les besoins de l'après-guerre, c'est se montrer excessivement modeste. Eh! bien, en 1959, nous avions, par rapport à cette référence 1939, à peu près 1 000 milliards de retard d'emprunt et cela seulement pour la Ville (10 milliards de francs nouveaux). Depuis

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La rénovation urbaine à Paris

1960, nous sortons de ce tunnel : la Ville de Paris peut désormais emprunter 250 millions par an, soit la moitié seulement de ce qu'elle empruntait avant guerre. » Il s'agirait donc, après vingt ans d'oubli, de rattraper le retard. Mais cette action n'aurait pris l'ampleur qu'elle a si, à cette nécessité technique, ne s'était pas substituée une volonté politique. Nous l'avons vu, le rôle de l'État apparaît déterminant dans les opérations de rénovation, aussi bien du point de vue de leur nature que de leur emplacement ou encore de leur vocation. Il peut paraître contradictoire d'affirmer le rôle dominant de l'État et par ailleurs de parler de son désengagement financier. Il semble clair, cependant, que ce dernier aspect n'est qu'une péripétie dont les effets ont été au préalable savamment calculés. D'abord, et on l'a vu plus haut, l'État ne pensait en aucune manière perdre tout contrôle de la rénovation. Il voulait en garder le contrôle administratif et institutionnel et, dans une certaine mesure, le contrôle financier. Ici on touche bien à un nœud du problème. Le changement de stratégie observable entre, d'une part, les années 1963-1964 et, d'autre part, les années 1968-1970 semble bien dû aux menaces qui pèsent sur le capitalisme monopoliste français. Ces menaces nous paraissent en l'occurrence être de trois ordres : — le développement du marché commun, avec l'ouverture des frontières et l'accentuation de la concurrence internationale; — le risque de faillite financière qui pèse sur l'État depuis la fin de la guerre d'Algérie avec une inflation constante de l'ordre de 5 % par an, qui est pratiquement le seul soutien de la croissance économique ; — la faillite de la politique nationaliste et de grandeur en 1968-1969, inscrite dans les faits par les mouvements sociaux de mai 1968 et la crise monétaire de novembre 1968. Tout cela permet d'expliquer pourquoi le capitalisme monopoliste d'État a dû, en France, réviser profondément la stratégie de ses investissements afin de les diriger vers les secteurs où il est le plus directement menacé (concentration, marché des monopoles publics, sources d'approvisionnement en matières premières, secteurs de pointe). De ce point de vue, la rénovation apparaît comme un secteur où l'État pouvait garder un contrôle suffisant sans engager des capitaux énormes et pas toujours rentables. On pouvait donc, non seulement sans grand danger mais encore avec intérêt, passer le relais du financement de la rénovation au secteur privé. C'est ce que l'on observe sur les opérations Belleville et Italie.

Les mécanismes juridico-institutionnels

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Mais cela implique une certaine révision de la politique d'ensemble qui semblait être le fondement de la rénovation. Tout au moins la rénovation aura-t-elle connu deux périodes différentes : — La période centrée autour des années 1960-1964 qui voit s'élaborer un programme grandiose visant à un marquage symbolique, rationalisant les ambitions nationalistes du pouvoir et d'une certaine bourgeoisie. Les opérations impliquaient des dépenses considérables et un engagement important de l'État. — La période 1968-1970 qui achève ce qui est commencé en concentrant ses forces et ses capitaux plus spécialement sur l'aspect productif et fonctionnel. Les équipements improductifs devront chercher d'autres sources de financement — ou ne seront pas réalisés. Les seuls programmes, développés, accélérés ou mis à l'étude sont ceux de pôles de bureaux, de centres d'affaires internationaux 17 . L'effort public portera essentiellement sur l'aménagement du pôle Bercy-Austerlitz-Lyon (plus tard sur le pôle gare de l'Est-gare du Nord). Pour le reste, la Ville en finit avec les opérations en cours et n'en lance aucune autre : « La ville subit le poids d'un héritage... cet héritage c'est d'abord celui des engagements antérieurs qu'il faut honorer... les dettes — conséquences normales d'une politique d'emprunt » 18 . Elle laissera au secteur privé la tâche de rénover les arrondissements périphériques populaires, à moins que les deux premières expériences de rénovation privée fassent hésiter les pouvoirs publics. Il apparaît ainsi clairement que s'accomplit le dessein d'une certaine fraction de la classe au pouvoir : au pôle de rayonnement intellectuel, politique et économique mis en place sous de Gaulle se substitue maintenant un pôle d'attraction des capitaux et du « know how » étranger. Le projet d'un grand Paris, capitale de l'Europe, entouré d'une région constituant un pôle économique capable de concurrencer la Ruhr, s'écroule avec le remaniement du Schéma de région et le remplacement à la tête du District de P. Delouvrier par M. Doublet. Mais il s'avère que, dans le grand projet de reconquête de Paris qui semblait constituer le substitut, la solution de remplacement à l'organisation de la région étendue, on ne conserve que l'aménagement des pôles de bureaux, leur organisation spatiale, l'habillement de voies d'entrée dans Paris et quelques opérations de prestige. 17. Mémoire du Préfet sur l'aménagement de Paris, octobre 1970. 18. Séance du Conseil municipal du 30 novembre 1970.

CHAPITRE III

L'opération Italie

L'année 1966 a marqué un tournant pour la rénovation urbaine à Paris. Deux opérations, Italie 13 et Hauts-de-Belleville, sont confiées aux promoteurs privés dans le cadre de ZAC. Elles sont considérées par le Préfet comme des opérations tests (la rénovation à Paris des années futures se fera dans le cadre de ZAC privées). L'opération Italie est menée à grand renfort de publicité alors que la discrétion est de mise pour l'opération Hauts-de-Belleville. Pour M. A s c h e r i l faut considérer l'opération « comme une opération ponctuelle 2 ... n'ayant aucune incidence sur Paris ». « Le quartier n'a rien à voir avec le reste de Paris » et « les promoteurs s'y sont arrangés au mieux de leurs intérêts » 3. On peut se demander si les propos qui tendent à présenter l'opération Belleville comme une opération isolée ne sont pas dans une certaine mesure contradictoires avec les options préfectorales et étatiques de restructuration de l'Est Parisien. De plus l'aspect « concerté » de l'opération n'apparaît pas comme évident. L'impossibilité de trouver des chiffres précis pour le programme et les échéances laisse à penser que la réalisation du PUD aura des incidents de parcours. A la Direction de l'Urbanisme on croit, bien entendu, que le PUD sera appliqué mais on ne sait pas quand, ni à quel prix pour la Ville de Paris. Penchons-nous donc sur l'opération Italie 4 . L'étude d'un cas permettra de saisir plus précisément la signification 1. Architecte urbaniste responsable des Hauts-de-Belleville. 2. Hauts-de-Belleville : 30 ha. 3. Propos recueillis au cours d'un entretien, au mois de novembre 1970. 4. Au moment où nous écrivions ce texte (novembre 1970), les premières démolitions commencent à peine. Nous n'avons donc pas pu pousser aussi loin que nous l'aurions désiré l'analyse du déroulement de l'opération.

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La rénovation urbaine à Paris

sociale de l'introduction de la rénovation privée dans les centres-villes, notre travail ayant porté jusqu'à présent sur l'ensemble des opérations. *

Nous pouvons à partir de quelques dates retracer l'histoire de l'opération Italie 13. 1962-1963

A partir d'un projet d'aménagement d'un axe rapide d'entrée dans Paris, on s'aperçoit en haut lieu qu'il y a, là, une opération rentable à monter.

L'opération Italie

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juin 1963

Le plan d'ensemble est soumis à l'Administration qui l'accepte. 1964 Après le conseil ministériel du 13 janvier 1964, Pompidou écrit à Haas-Picard, Préfet de Paris, pour faire admettre le principe d'une rénovation privée à Italie, mars 1965 Le conseil municipal prend connaissance du PUD et le discute, janvier 1966 La majorité du Conseil municipal accepte les règles directives de l'opération, octobre-novembre 1968 Exposition à la mairie du XIII e , inaugurée par le Préfet Doublet, et enquête publique auprès de la population. 11 juillet 1969 Le Conseil municipal accepte le PUD. 9 novembre 1969 La SPEI (Société promotrice) ouvre la vente de Jade et Beryl, immeubles de luxe qui seront situés près de la Place d'Italie dans l'îlot Al. L'opération Italie s'est montée en sept ans. Les tranches les plus importantes devraient se terminer vers 1972-1974. C'est vraiment un record si l'on pense que l'aménagement des emprises ferroviaires de Maine-Montparnasse a été proposé dès 1931; que l'instruction du dossier des Halles a duré quinze ans avant que ne soit voté un projet d'aménagement 5 alors que la reconquête du centre de la capitale était, avec la constitution de pôles et de couronnes périphériques, l'option fondamentale du SDAU. Alors pourquoi Italie 13, pourquoi pas les Halles? On sait pourtant qu'à Bruxelles et Amsterdam, on finit la construction d'un grand centre de commerce international; celui des Halles est encore en projet. De Gaulle voulait que « l'aménagement des Halles marque les siècles à venir ». G. Pompidou, en décembre 1969, proposait la construction d'un musée du xx e siècle au plateau Beaubourg. C'est pourtant à Italie que la rénovation avance. Voyons comment et pourquoi. Le point de départ réel de cette opération se situe donc en 1962 : a) Le Plan directeur de Paris prévoyait une voie pénétrante à grande circulation dans Paris : l'axe routier nord-sud traversant la capitale de part en part, conçu comme voie de transit international, et dont le premier tronçon était l'avenue d'Italie. Il 5. Séance du Conseil municipal du 28-29 octobre 1970. D'ici à 3 ans, le dossier sera rouvert. Et au vu de l'équilibre financier de l'opération, celle-ci pourra être soit poursuivie soit ramenée à des proportions modestes.

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La rénovation urbaine à Paris

représente la portion parisienne de la liaison autoroutière Dunkerque-Marseille, il joint l'aéroport de Roissy-en-France à l'aéroport d'Orly, enfin il passe par les pôles gare de l'Est-gare du Nord et Lyon-Austerlitz-Bercy. On a procédé à une étude d'aménagement de l'avenue d'Italie, portée à 70 m de large. Ce seul aménagement, avec toutes les évictions qu'il comportait, nécessitait des crédits importants. b) Il se trouve que, dans le quartier entourant l'avenue d'Italie, le tissu urbain est particulièrement propice à une rénovation rentable et ce, pour les raisons suivantes : ce quartier abrite des terrains libérables très vastes — dans le sud les usines Panhard, à l'est la gare des Gobelins (avec possibilité de vente du sursol) 6. Les immeubles sont assez bas (trois à quatre étages pour la plupart). (Les bâtiments construits sur le pourtour des îlots possèdent souvent des espaces libres en leur milieu.) Le secteur abrite de nombreux pavillons, dépôts et hangars. La présence de nombreuses carrières souterraines permettrait de creuser en profondeur, conditions idéales pour la construction de vastes parkings. Rien n'y échappe, on travaille sur toutes les dimensions : emprise au sol, constructibilité en hauteur et en sous-sol. c) A cette époque on commence à mettre en cause la politique de financement des opérations suivies jusqu'alors. C'est ce qui ressortira de la communication du Préfet de 1964. Communication de Monsieur le Préfet : « (La Ville doit) poursuivre des opérations déjà engagées... et échelonner leur réalisation sur une plus longue période. En ce qui concerne les opérations de rénovation susceptibles d'être raisonnablement lancées dans les années à venir, la recherche dans la diversité des financements devra être poursuivie. En ce qui concerne les secteurs à rénover pour lesquels il η'apparaît pas réaliste d'envisager à bref délai le lancement d'une opération de type classique, il serait raisonnable de ne pas les stériliser pendant plusieurs années par une politique systématique de sursis à statuer, décourageant ou retardant les initiatives privées » 7 . 6. Fait encore sans précédent à l'époque. 7. Communication de M. le Préfet de la Seine au Conseil municipal de Paris sur les problèmes financiers de la rénovation urbaine.

L'opération Italie

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Lettre de M. G. Pompidou : « L'action des capitaux publics reste nécessairement limitée. La participation des capitaux privés à l'œuvre d'intérêt commun doit être étudiée, de manière à polariser l'initiative privée sur des secteurs où les investissements publics n'ont pas à intervenir ou ne peuvent pas le faire. En vue d'attirer les activités tertiaires dans la zone d'affaire élargie... et plus particulièrement aux abords de l'axe nord-sud, le Gouvernement est disposé à renoncer à la perception de la redevance par la loi du 2 août 1960. D'une façon plus générale, sur toute l'étendue de la zone d'affaire une certaine libération des coefficients d'occupation du sol apparaît susceptible de constituer par elle-même un moyen d'attraction. En vue d'encourager la reconstruction par l'initiative privée d'immeuble à usage d'habitation, il importe de lui assigner des zones suffisamment vastes à l'intérieur desquelles les contraintes seraient réduites au minimum... Il convient d'accélérer au maximum la réalisation des opérations suivantes, qui paraissent susceptibles d'un déclenchement rapide et dont certaines devraient servir de test pour la mise en œuvre d'une politique de rénovation faisant largement appel au concours du secteur privé : — Avenue d'Italie, Hauts-de-Belleville..., — Les Halles... J'attacherai du prix à recevoir dans les semaines qui viennent vos propositions précises concernant le schéma juridique et financier qui permettrait, tant sur le plan foncier que sur celui de la construction, de mettre efficacement en œuvre la politique souhaitée par le Gouvernement en vue d'inciter l'initiative privée à s'intéresser de façon agissante à la construction dans Paris et, plus particulièrement, à la grande œuvre de la rénovation de la Capitale » 8 . Les instances publiques, après avoir lancé l'affaire et donné l'élan, passent le relais au secteur privé. Cette conjoncture rend possible une opération de rénovation concertée à financement privé sur le quartier Italie : 1) L'État veut une voie de transit importante dans Paris pour des raisons fonctionnelles d'une part, mais aussi et surtout il veut marquer symboliquement cet axe. 8. Communication faisant suite à une lettre adressée par G. Pompidou, alors Premier Ministre, au Préfet de Paris.

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La rénovation urbaine

ι Paris

2) Des promoteurs privés voient l'occasion, autour de ce prétexte, de bâtir des opérations rentables, de grande envergure. 3) La conjoncture économique et politique actuelle autorise le passage du financement public au financement privé. Ces trois conditions étant réunies, le marché pouvait se conclure. Rappelons que, dans le mémoire du Préfet de la Seine en date du 13 juin 1963, il était écrit, conformément aux indications du Plan et du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de Paris 9, que « l'axe nord-sud est le lieu géométrique préférentiel des immeubles, des bureaux..., que la seule nécessité de dégager des terrains suffisants pour assurer le passage de la voie... conduit à envisager tout au long de l'itinéraire le processus de rénovation ». Or c'est autour de l'avenue d'Italie, et uniquement là, que la rénovation avance, la rénovation et le percement de l'axe nord-sud étant renvoyés aux calendes grecques. *

Pour en revenir donc à l'opération Italie, une fois le marché conclu, les pratiques de l'Administration (politiques et idéologiques) vont venir se juxtaposer aux pratiques des promoteurs. Dans un premier temps, le discours de l'Administration vient couvrir la politique de maximisation des profits des promoteurs. A la séance du 13-14 janvier 1966, le Préfet résumait ainsi les trois buts de l'Administration pour Italie et Belleville : — « Le premier a été de promouvoir dans des zones très précises un urbanisme résolument moderne. » — « Le second souci était d'accroître d'une manière substantielle les équipements publics de ces secteurs. Sans relais du secteur privé nous aurions perdu l'occasion de marquer notre époque. » — Troisième objectif poursuivi par l'Administration : « recherche d'une participation des constructeurs » qui était d'abord le moyen de contrôler le relogement des populations, de « rendre effectif la construction de logements sociaux à Paris ». Dans un second temps, l'Administration organise deux opérations « portes ouvertes », destinées à rassurer et à calmer les habitants du secteur qui, de fait, commencent à manifester leur inquiétude 10 . Cette 9. Respectivement, 1959 et 1966. 10. Une assistante sociale, qui a fort bien saisi la situation, diagnostique : « phénomène de résistance au changement ».

L'opération Italie

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opération sert ainsi de couverture idéologique pour les promoteurs, devant les « rénovés ». La première opération est destinée à la « population » dans son ensemble. C'est l'exposition d'octobre-novembre 1966 à la mairie du XIII e arrondissement. L'Administration se porte garante du sérieux de l'opération, chacun est invité à faire part de ses souhaits de relogement. Depuis, rien, si ce n'est une permanence hebdomadaire du député. La deuxième opération concerne directement les propriétaires : c'est l'ouverture d'un centre d'information permanente organisé par la Fédération du XIII e arrondissement. On y distribue une plaquette sobre et un journal; à côté de jolies maquettes, un panneau indique l'état d'avancement des regroupements de propriétaires au sein des associations foncières urbaines sur chaque îlot. Le propriétaire, qui n'est en fait qu'un obstacle gênant pour le promoteur, devient dans l'exposition créateur d'un nouveau quartier. Du côté des promoteurs, et cela depuis 1963-1964, on calcule des grilles d'équipements pour évaluer les points durs, peu rentables à démolir, on recherche les densités de construction optimum théoriques permettant de trouver une rentabilité suffisante. On cherche à rendre le projet « opérationnel » avant toute considération d'ordre architectural 11 . Enfin les coefficients d'occupation du sol 12 montent considérablement, les manœuvres d'expropriation commencent. Si l'Administration sert de couverture idéologique aux promoteurs, son intervention ne se limite pas à cela. Les promoteurs apportant leurs capitaux, l'Administration va leur fournir les moyens institutionnels et juridiques (mise au point d'une formule de participation des propriétaires, libération des COS, suppression des POS remplacés par des PAZ...) pour mener l'affaire à bon terme. La lettre précitée de G. Pompidou est à cet égard sans ambiguïté. Les mécanismes de l'opération viennent éclairer les pratiques évoquées ci-dessus. La zone de rénovation est une zone d'aménagement concerté 13 placée sous l'autorité du Préfet de Paris. 11. Au dire même d'un architecte de l'opération. 12. COS = surface de plancher hors œuvre surface de l'îlot au sol 13. La notion de ZAC est définie par trois textes : la loi foncière du 30 décembre 1967, le décret 68-1107 du 3 décembre 1968, et le décret 69-500 du 30 mai 1969. L'aménagement d'une ZAC peut être confié à une personne publique ou privée après signature d'une convention-type approuvée par arrêté préfectoral. Le pouvoir de créer une ZAC revient en bonne partie au Préfet. En fait l'initiative réelle vient du promoteur « builder », réalisant à ta fois l'aménagement et la construction* L'innovation essentielle est que l'aménagement des équipements peut être confié à une personne privée alors que, traditionnellement, c'était la collectivité qui devait ainsi

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La rénovation urbaine à Paris

L'organisme commun assurant la collaboration de l'Administration, des propriétaires et des promoteurs 14 est la Fédération Italie 13. La Fédération est chargée de l'étude de la programmation de l'aménagement du secteur, qu'elle assure avec deux sociétés d'études. Elle est sous le contrôle du Préfet (convention du 2 février 1967), représenté par le Directeur de l'urbanisme et du logement de la Préfecture de Paris qui assiste à toutes les réunions et qui surveille l'application des règlements d'urbanisme. Elle regroupe les associations de propriétaires et parle en leur nom. Devant les problèmes posés par l'expropriation, on a cherché une formule basée sur la coopération des propriétaires. Ceux-ci doivent participer à la reconstruction de leur terrain. On a utilisé et aménagé une ancienne loi de 1865 prévoyant la création d'associations syndicales de propriétaires dans le cadre desquelles les propriétaires peuvent regrouper leurs parcelles. Ils doivent ensuite créer une Association foncière urbaine (AFU), prévue par la loi foncière du 30 décembre 1967, afin de prendre en charge la construction sur leurs terrains, en passant un accord, le cas échéant, avec un promoteur. Plusieurs conditions sont requises pour créer une Association foncière urbaine : — réunir une surface de terrain d'au moins 5 000 m 2 ; — justifier d'une structure technique et financière suffisante et être capable dans les trois mois qui suivent la création de l'Association de déposer une demande d'autorisation préalable. Hormis les cas où le propriétaire est assez puissant, c'est-à-dire possède plus de 5 000 m2 et les moyens financiers pour reconstruire seul, comme la SNCF, les propriétaires ne peuvent présenter ces garanties. Les promoteurs doivent faire pression pour le remembrement des parcelles dans les îlots. En effet, une fois créées, les Associations foncières possèdent les structures techniques et financières et ils peuvent prendre l'affaire en main. Les propriétaires deviennent alors actionnaires de l'opération ou se réservent une part en copropriété dans les futures constructions, ou bien encore vendent leur logement. Cette procédure avancer des fonds importants avant que la TLE ne vienne rééquilibrer financièrement l'opération. Enfin, le POS est remplacé par un PAZ conforme au schéma directeur et fixant le droit des sols, c'est-à-dire redéfinissant un droit de construire. Ce document établit en droit par la collectivité locale est en fait élaboré techniquement par le futur aménagement en liaison avec la collectivité locale. 14. Promoteurs actuellement en place à Italie : SGIL-SPEI et SÉPIMO—La Hénin.

Vopération

Itatie

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épargne au promoteur les lourds problèmes d'éviction et les charges que cela entraîne. Lorsque tous les propriétaires d'un même îlot ont donné leur adhésion, l'Association est dite « libre ». Mais le problème se pose lorsque le promoteur trouve sur son chemin des propriétaires réticents et qu'il ne parvient pas à réunir les 5 000 m 2 . Il possède, dans ce cas, une arme de choix : la loi des deux fois trois quarts. S'il obtient l'accord d'au moins trois quarts des propriétaires représentant les trois quarts des parcelles, il peut contraindre les propriétaires récalcitrants à adhérer et on parle dans ce cas d'associations autorisées; les propriétaires minoritaires soit entrent dans l'association, soit bénéficient du droit de délaissement, proche de l'expropriation. Si la majorité des propriétaires s'opposait à la constitution d'une AFU, le Préfet aurait, au demeurant, la possibilité, selon la loi, de créer une association dite « forcée ». En fait, ce cas ne se produit pratiquement jamais. Le promoteur pourrait acheter, si le cas se présentait, plusieurs appartements dans l'îlot. Il deviendrait alors propriétaire et ferait basculer la majorité. On trouve dans le secteur Italie 13 un grand nombre de petits copropriétaires aux revenus limités, qui ne peuvent prendre d'option sur les nouveaux appartements. Ces appartements étant vendus beaucoup plus chers que leurs vieux logements, ils ne peuvent fournir l'apport nécessaire, qui est considérable, pour le rachat d'un appartement neuf. Ces petits propriétaires revendent alors leurs appartements directement au promoteur, mais la perte est très grande 1 5 , malgré l'indemnité. On peut prédire à coup sûr que le gros des relogements se fera en grande banlieue (si les programmes HLM le permettent). L'opération de relogement est contrôlée par une commission spéciale composée pour une moitié d'élus du Conseil de Paris, et pour une autre moitié de fonctionnaires nommés par l'Administration mais, au dire d'un des membres de la commission, les réunions sont fort rares et les élus ne disposent pratiquement d'aucune information. En ce qui concerne les commerçants, ils peuvent, s'ils le veulent, demander leur réinstallation dans les nouveaux locaux, mais le problème est identique à celui des petits propriétaires. On trouve dans ce secteur beaucoup de petits commerces de quartier qui ne possèdent pas la 15. Environ 40 %, selon M. Voguet, Conseiller municipal de Paris. Les indemnités s'élèvent à 5 millions environ. Les promoteurs doivent reloger les locataires; s'ils ne le peuvent pas, ils versent à l'OPHLM une somme de 15 000 F par logement. On prévoit sur la ZAC Italie la destruction de 10 286 logements, soit 21 000 personnes à reloger. Comme 2 000 HLM sont encore prévues au programme, dont 500 réservées à la SNCF, l'ASOTERU considère que 40 à 50 % des ménages doivent être relogés dans des constructions de type social : HLM, PLR, ... PSR.

94

La rénovation

urbaine à Paris

structure financière suffisante pour s'établir dans les nouveaux locaux. L'indemnisation pour le fonds de commerce se calcule d'après le chiffre d'affaires des trois dernières années; il est éviden* qu'étant donné les départs de population, et notamment pour les commerçants se trouvant en fin d'opération, le fond sera racheté à des prix peu avantageux pour eux. Enfin un autre problème se pose aux promoteurs. Nous sommes sur une ZAC, les constructeurs sont tenus de financer les équipements publics et d'acheter les terrains d'assiette d'équipements pour la Ville. En contrepartie le coefficient d'utilisation du sol (CUS) 16 est fixé à 3,5 — équipements compris. En fait, il atteindra des valeurs de 4 à 5 sur certains îlots à cause de la construction en hauteur. Mais (et la lettre de G. Pompidou en témoigne) les autorités seront compréhensives sur ce point. Au fur et à mesure que les îlots se bâtissent, les constructeurs achètent ou cèdent les terrains et paient une contribution forfaitaire à la ville de 30 F par m 2 de plancher construit pour les logements non aidés, les commerces et les bureaux. Le taux est de 20 F par m 2 pour les sociétés d'économie mixte ; les HLM en sont exonérées. Ces dispositions devraient permettre, comme l'affirme la Préfecture, de coordonner les actions et de construire équipements publics et logements en même temps. Mais, en fait, les promoteurs doivent verser 25 % de cette somme au début des constructions et la somme restante n'est exigible que lorsque l'opération est terminée, c'est-à-dire lorsque le premier habitant occupe le premier logement Ainsi, sur l'îlot Galaxie le PUD prévoyait la construction d'une crèche : dès 1972, trois bâtiments seront mis à la disposition des habitants; or le plan triennal (1970-1973) ne prévoit pas la construction de crèche sur cet îlot. On peut fort bien admettre que les femmes de cadres n'aient pas besoin de crèche, mais il faut se demander ce que vaut l'argument suivant lequel l'innovation des zones d'aménagement concerté était de supprimer la Taxe locale d'équipement (TLE), de façon que les équipem e n t s soient construits en même

temps

que les locaux

d'habitation

et à la charge des constructeurs. Notre but n'est pas de crier haro sur les promoteurs mais bien de montrer que la décision de confier une opération de rénovation à un promoteur privé implique une certaine logique rénovatrice. La pratique des promoteurs privés soutenus par les grandes banques trouve sa raison dans l'appropriation de la plus-value foncière. Il faut

16. Le CUS moyen de Paris est de 3.

L'opération Italie

95

noter avec Christian Topalov 17 que la conquête des quartiers populaires leur procure « un taux de profit maximum dans l'appropriation de la plus-value foncière ». Les ZAC privées ouvrent l'aire des promoteurs-aménageurs, en donnant à ces derniers les moyens juridiques et institutionnels pour déloger la petite propriété privée, alors que ces moyens relevaient jusqu'à présent exclusivement de la puissance publique. Ceci concerne au premier chef les opérations de rénovation en centre ville, dans la mesure où la nouvelle formule des ZAC, dans le rapport de forces qui oppose la propriété foncière au capital immobilier, lie les mains du premier au profit du second, et dans la mesure où les propriétaires ne peuvent négocier la vente de leur logement (ils sont obligés de vendre). Seuls les propriétaires qui peuvent « participer » à l'opération, en se réservant une part en copropriété ou en devenant actionnaires, ont une marge de manœuvre plus grande pour la négociation. Ceci a pour conséquence directe d'abaisser considérablement la charge foncière par mètre carré construit, ce qui augmente du même coup la marge bénéficiaire du promoteur. Dire que le promoteur devient aménageur implique qu'il doit financer les équipements d'accompagnement pour tout ou partie. Mais les ZAC échappent aux plans d'occupation des sols élaborés par l'Administration. Les POS sont remplacés par les PAZ opposables aux tiers. Les PAZ, étudiés conjointement pai l'Administration et les promoteurs-aménageurs, sont élaborés en fait, pour une bonne part, par ces derniers. Les conséquences déjà observables sont une réduction des normes d'équipements et une augmentation considérable des coefficients d'occupation des sols. Ces faits peuvent alors expliquer pourquoi la fonction d'aménagement qui était traditionnellement assurée par un capital public dévalorisé peut êtie source de profits pour un capital privé 18 . Précisons qu'il ne s'agit pas de n'importe quel capital privé; en effet, comme le disait un responsable de l'opération, de solides garanties sont demandées aux promoteurs. Cela signifie en d'autres termes que la rénovation, portant sur de vastes surfaces en ZAC privées, s'adresse essentiellement aux promoteurs s'appuyant sur de grandes banques ou filiales de grandes banques. Finalement ce sont ces promoteurs qui bénéficieront de la rénovation en ZAC privées. Les promoteurs qui opéreront hors ZAC se heurteront aux plans d'occupation des sols définissant 17. Les promoteurs immobiliers, à paraître dans la même collection. 18. C'est le thème d'une recherche fort intéressante menée actuellement par Anne Simonnet-Rofès et Michel Marié,

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La rénovation urbaine à Paris

normes d'équipements et coefficient d'occupation des sols; de plus ils devront affronter les propriétaires fonciers qui pourront négocier le prix de leur départ. Les grands promoteurs ont le champ libre dans les ZAC, le seul obstacle qui reste étant les locataires, mais nous allons y venir.

Déroulement de Γopération L'opération doit s'organiser autour de l'avenue d'Italie, transition entre la périphérie ouvrière et le « périmètre sacré », puisque son aménagement a été le prétexte premier de l'opération. Elle s'est étendue autour de l'avenue d'Italie d'une façon un peu biscornue, fort peu à l'ouest, et, au contraire, beaucoup à l'est. D'un côté on a évité le quartier 51 (Buttes-aux-Cailles, place des Peupliers...), très dense, où le maillage des rues est très serré; de l'autre on s'est étendu au maximum pour aller récupérer les usines Panhard et la gare des Gobelins, sur laquelle on peut construire sur dalles et qui est entourée d'entrepôts SNCF et de terrains vides. Donc, premier point, la configuration de l'opération est strictement déterminée par l'occupation préalable des terrains, les maquettes viendront organiser le tout après. Second point, l'opération s'avance actuellement d'une façon apparemment bizarre, en partant des quatre coins du périmètre. Dans la première partie de l'opération il semble que la logique d'implantation des promoteurs (occupation de terrains libres) prend le pas sur la logique technocratico-étatique d'aménagement de l'avenue d'Italie. Mais le déroulement de l'opération va se faire aussi en suivant une autre logique : on a choisi les îlots les plus faciles, où les propriétaires sont le plus coopérant, en ce sens qu'ils acceptent d'adhérer à l'Association foncière urbaine. Dans ce cas, comme nous l'avons déjà dit, un bon nombre de petits copropriétaires acceptent de vendre leur appartement; quant aux propriétaires d'immeubles, pour eux, deux solutions se présentent : ou bien ils vendent leur immeuble tel quel, et le promoteur est chargé de faire partir les locataires, ou ils laissent leur immeuble vide. La part qui leur revient sous forme d'actions, d'option ou de vente, dans le premier cas, correspond à la moitié environ de la part qui leur revient dans le second cas. Dans ces conditions les propriétaires en question sont les alliés objectifs des promoteurs et ils vont essayer par tous les moyens de faire partir leurs locataires. C'est ce que l'on commence à observer dans l'opération. Nous n'entrerons pas dans le détail mais les exemples commencent à se faire nombreux,

L'opération Italie

97

les méthodes sont brutales (maisons non entretenues, arrêt dans les distributions du courrier, coupure de gaz, d'électricité, murage des fenêtres des logements vides, immeubles non gardés). La population ouvrière des îlots touchés est isolée, aucun organe n'est prévu pour la regrouper à l'inverse de ce qui se passe pour les propriétaires. On veut, justement, éviter leur regroupement. L'aide se fait individuellement, le député fait de l'assistance sociale : « Votre député peut vous aider. Permanence à la mairie », peut-on lire sur les murs du quartier. L'incohérence des rumeurs tient lieu d'information. Dans de telles conditions, bon nombre de locataires partent d'euxmêmes. Certains reçoivent la visite de démarcheurs, qui leur font des oifres individuelles pour les pousser à se reloger seul. Pour ceux qui restent, c'est l'incertitude; les textes juridiques sont compliqués, ésotériques : « Je ne suis pas au courant, à la mairie je ne sais pas lire les plans » (concierge, avenue d'Italie). On réduit l'angoisse en ignorant ou en niant l'opération : « Je ne sais pas quand ça commencera, dans quinze ou vingt ans peut-être, mais c'est loin » (petit commerçant, avenue de Choisy). « C'est en face que l'on doit démolir, nous on doit rester... le propriétaire n'a rien dit..., ils vont nous cacher le soleil avec leur grande tour » (concierge, rue Caillaux). Dans un tel climat, on peut prévenir de l'éviction au dernier moment et mettre les gens devant le fait accompli, c'est alors la débâcle, on traite rapidement, les locataires acceptent n'importe quelle condition. Les points difficiles, à forte densité de population, ne sont pas encore touchés, mais en face on organise la défense dans des comités de locataires pour faire respecter la loi. Les promoteurs risquent, si une mobilisation s'effectue, de se heurter à de difficiles problèmes. Cela les obligerait à payer 1 500 N F pour tous les locataires si les propriétaires n'ont pas pu vider leurs immeubles. En plus, il faudrait que les programmes d'HLM hors opération soient suffisants et il faudrait trouver de quoi reloger ceux qui ne peuvent accéder aux HLM, et là les promoteurs pourraient faire l'expérience de la crise actuelle du logement social. Dans l'îlot Al « Galaxie », certaines tranches de l'opération sont déjà en retard, faute de logements disponibles pour reloger les habitants. On devra puiser dans des programmes HLM réservés à d'autres. Les promoteurs continueront-ils la rénovation sur les terrains difficiles si les réactions se font en face plus rudes? L'Administration qui a accordé des dérogations de COS ne devra-t-elle pas dans ce cas finir l'opération avec des ambitions plus modestes? La difficulté peut aussi venir des propriétaires. Les promoteurs choisissent actuellement les terrains où les propriétaires sont les plus consen-

98

La rénovation urbaine à Paris

tants, mais il est fort possible qu'ils se heurtent à des îlots d'irréductibles. Dans ce cas l'Administration devrait créer des lois coercitives pour obliger les propriétaires à céder. Mais le rapport des forces aurait changé. Une fois les derniers îlots entourés, ce n'est plus à la propriété privée que l'on s'attaquerait mais à un quarteron de propriétaires acariâtres mettant en échec la grandiose opération Italie. Il apparaît que les fameuses lois économiques qui régissent le marché foncier dépendent largement du rapport de force qui va opposer le promoteur capitaliste, les divers types de propriétaires fonciers, les diverses couches de locataires. Ce rapport de force est médiatisé par l'intervention de l'État, soucieux de faciliter les opérations du premier sans paraître remettre en cause le sacro-saint droit de propriété, pierre angulaire de l'idéologie dominante. Mais, si l'appartenance de classe du promoteur est claire, celle du propriétaire foncier l'est moins. En zone urbaine la propriété foncière ne constitue par une classe (définie au niveau économique par sa place dans les rapports de production), mais une catégorie juridique reposant sur un rapport de distribution. Il faut alors parler de propriété foncière à base petite bourgeoise, ouvrière, etc. On évite ainsi d'opposer propriétaires et locataires. Car il convient en fait d'opposer promoteurs et bourgeoisie propriétaire à classe ouvrière et petite bourgeoisie propriétaire ou locataire. On saisit alors que la Z A C privée en centre-ville est un instrument institutionnel créé par l'appareil d'État pour les promoteurs et qui élimine plus facilement du noyau urbain la propriété foncière prolétarienne et petite bourgeoise traditionnelle (co-propriétaires de logements et petits commerçants). Elle substitue à ces classes la classe des propriétaires capitalistes (grandes chaînes commerciales, promoteurs loueurs de locaux de bureaux ou de locaux commerciaux), certaines couches de la bourgeoisie et surtout de la petite bourgeoisie nouvelle (cadres...).

CONCLUSION

La rénovation reproduction

Nous avons, dans notre introduction, suggéré une certaine problématique de la « reproduction ». Nous pouvons reprendre cette première suggestion. Nous situons cette tentative dans la problématique urbaine structurelle proposée par M. Castells dans sa contribution à « Une théorie sociologique de la planification urbaine » Dans cette perspective, la planification urbaine peut être considérée comme intervention du politique sur l'économique et, dans certains cas, comme intervention du politique sur le politique et sur l'idéologique. Plus précisément, si nous rappelons que le « système urbain » se compose des éléments Production-Échange-Consommation-Gestion 2 , il faut considérer que « la planification urbaine est l'intervention de l'élément G sur l'un ou l'autre des éléments (y compris lui-même) ou sur leur rapport ». Si, de plus, la planification urbaine est « l'intervention (du système politique) sur une réalité donnée pour contrebalancer les décalages exprimés », la localisation du décalage et le type de décalage expliqueront le lieu de l'intervention et le type d'intervention. C'est en dernière instance l'état de la structure sociale qui est la cause structurale aboutissant à donner un contenu précis à l'opération urbanistique. Nous utiliserons pour l'étude du passage d'un état du système urbain à un autre, le concept de reproduction (comme mouvement du système qui tend à sa conservation) qui s'inscrit dans le même champ théorique que la problématique déjà posée. 1. Cf. Sociologie du Travail (4), 1969; lire notamment le chapitre π : « Élément pour un schéma d'analyse sociologique ». 2. Il manque dans notre définition un élément (le symbolique), qui figure dans l'ouvrage de M. Castells sur La question urbaine. L'ouvrage n'était pas encore publié au moment où ce texte fut écrit.

100

La rénovation urbaine à Paris

Si nous considérons la première partie de notre étude comme l'analyse d'une re-production de l'urbain, la seconde comme l'analyse de l'intervention et de l'insertion du mécanisme institutionnel dans cette reproduction, il s'agit alors de saisir la signification de l'intervention de l'État dans ce processus structurel. La compréhension de la signification de cette intervention passe par l'élucidation de sa fonction objective dans le processus de reproduction du système urbain, renvoyant en dernière instance à la reproduction du mode de production. Considérons les éléments du système urbain. 1. Vélément Consommation (C) a. La rénovation urbaine opère un glissement dans la composition sociale de l'espace rénové : aux ouvriers elle substitue les cadres moyens et supérieurs et, dans une proportion plus faible, les employés. Ce glissement est la conséquence de l'implantation de la rénovation dans des quartiers ouvriers et du faible taux de construction de logements sociaux, eu égard aux caractéristiques des populations rénovées. Il est l'expression du remplacement sur les espaces rénovés d'un certain type de main-d'œuvre par un autre type de main-d'œuvre. Un argument couramment utilisé à ce propos est que la rénovation permet de construire des HLM dans Paris. De fait, si on regarde un tableau des constructions d'HLM dans Paris, les arrondissements rénovés viennent en tête. C'est là pur sophisme. Qu'atteste la construction d'HLM dans un quartier? Elle marque la présence de certaines couches sociales, dans notre cas, de la possibilité pour les couches sociales populaires de rester dans Paris. Mais la comparaison du nombre d'HLM construites au nombre d'habitants ayant droit aux HLM et qui sont déplacés hors Paris entraîne des conclusions bien différentes. Enfin, la rénovation urbaine n'est pas un programme de logements, elle ne construit pas plus de logements pour pouvoir loger plus de gens, mais change la composition sociale de la population. b. La rénovation démolit des habitations peu confortables (faible pourcentage de WC et fort pourcentage de surpeuplement) mais ne touche pas les habitations les plus dégradées dans Paris (faible pourcentage de logements sans eau par rapport à Paris), ni les îlots insalubres; elle construit à la place des logements dont les loyers sont dans tous les cas bien plus élevés.

La rénovation reproduction

101

c. La rénovation urbaine n'entre pas dans une logique d'équipements. On profite au contraire de ceux déjà en place, de façon à réduire au maximum la part des équipements dans les programmes. De toutes les façons, l'effort d'équipement est conçu à l'échelle de l'opération et ne contribue pas à un rééquilibrage de l'espace environnant. Il semble, au contraire, que, pour certaines opérations où ne sont pas prévus d'équipements, la conséquence sera la surcharge supplémentaire des équipements pré-existants, déjà insuffisants. Pour les opérations de statut social élevé, le constat du faible apport d'équipements ne doit pas faire oublier que les équipements y sont conçus de façon toute différente. Le square classique est remplacé par la terrasse-jardin, les espaces verts intérieurs. De même, nourrice à domicile et aide ménagère remplacent la crèche. Enfin la proportion de femmes actives étant dans les nouveaux quartiers résidentiels relativement faible, la demande de crèche diminue pour se porter vers d'autres types d'équipements, tels les haltes-garderies. Les écoliers, par contre, pâtiront le plus du manque de locaux scolaires. Les anciennes écoles constitueront en tous cas un anachronisme dans les nouveaux quartiers. 2. L'élément Production (Ρ) La rénovation s'installe dans les lieux laissés par les industries desserrées et elle y substitue des bureaux. Il faut se rappeler que, si la carte de la rénovation ne correspond pas à celle des îlots insalubres, elle coïncide par contre fort parfaitement avec la carte du desserrement industriel. Les enclaves huileuses de la capitale ont été déterminantes pour l'implantation des opérations. Aucune indemnité d'expropriation n'y est requise par le rénovateur, l'État a déjà fait le travail en payant des primes de décentralisation et de desserrement aux industriels concernés. Ces primes sont d'ailleurs formellement identiques, si l'on suit le processus de rénovation, aux indemnités d'évictions, dans la mesure où elles sont le prix du départ d'un propriétaire foncier. Nous avons dit que la construction de bureaux joue un rôle important pour l'équilibre financier des opérations (le mètre carré de bureau se vend plus cher). Mais les bureaux vont où ils veulent. Si les opérations du Sud leur conviennent par leur situation favorable — proximité des XVI e , VIII e et VII e arrondissements, présence de forte concentration sur les gares (Montparnasse et Lyon-Austerlitz) —, les opérations de l'Est de Paris, éloignées des pôles tertiaires sur gares, séparées du centre décisionnel par une couronne insalubre (X e et XI e arrondissements) sont peu convoitées par les activités de direction. Bien au contraire,

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La rénovation urbaine à Paris

on assiste à l'implantation de milliers de mètres catrés de bureaux à l'Ouest et aux portes mêmes de Paris, notamment à Saint-Cloud. Le rééquilibrage à l'Est, option volontariste du Schéma directeur de Paris et objectif restructurant de la rénovation, se fait surtout au Sud.

3. L'élément Échange (E) a. Le commerce La rénovation entraîne un renversement complet de l'implantation commerciale, des espaces où elle s'installe. Le renversement est d'autant plus marqué que les caractéristiques des commerces sur les lieux rénovés présentent un décalage très net avec le reste de Paris. On assiste au passage d'un commerce traditionnel de quartier à un commerce concentré, du petit commerce banal au commerce de luxe. Le passage accompagne et amplifie un mouvement existant déjà en dehors de la rénovation. Mais si l'on considère la distribution des commerces, on constate que la rénovation amène un phénomène nouveau. Contrairement à ce qui se passe pour les équipements publics, les nouvelles implantations commerciales dépassent largement le cadre des opérations. Si l'on considère les énormes surfaces commerciales qu'apporte la rénovation — surtout dans les opérations du Sud de Paris —, force est de constater que c'est un nouveau réseau commercial de dimension régionale et nationale qui se bâtit. Le centre Italie se présente d'ailleurs à lui seul comme un centre régional 3 . b. Les flux urbains Si la création d'un nouveau réseau commercial rive gauche peut traduire la volonté de décongestionner la rive droite commerciale, on peut se demander si ce nouveau réseau, s'ajoutant à l'implantation de bureaux, ne va pas entraîner une situation de saturation intégrale pour la circulation. En tout cas la crise est proche. On peut douter que des ersatz tels que le parking payant ou la multiplication des sens interdits puissent même la différer 4 , alors que le programme de transports en commun, et notamment le programme de construction de nouveaux tronçons du RER, paraît bien timide dans les options du VI e Plan sur Paris. Et 3. 180 000 m® de commerce. 4. Une liste des propositions pour résoudre le problème de la circulation, venant de gens fort sérieux, permettrait de saisir le caractère purement utopique, pour ne pas dire farfelu, des solutions envisagées.

La rénovation reproduction

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là encore il faudra beaucoup de persuasion pour attribuer à l'efficace de l'environnement les effets de la structure sociale et de ses contradictions. L'implantation de bureaux et de centres commerciaux sur les gares, liée au drainage de population de la région étendue vers Paris, ne fait que localiser les goulots d'étranglement. 4. L'élément Gestion (G) L'implantation des opérations dans des circonscriptions votant à gauche, qui est corrélative du point de chute dans des quartiers ouvriers, aura certainement un effet essentiel : la prise en main beaucoup plus étroite de Paris par les élus de l'UDR. Ce qui aurait sans doute comme conséquence un allégement de la tutelle préfectorale sur Paris, qui serait en la circonstance un simple simulacre de démocratie. La rénovation, comme nous l'avons dit dans les premières lignes de ce texte, est reproduction d'un espace; vise-t-elle la reproduction simple du système urbain et des fonctions économiques, politiques, idéologiques d'une ville, ou cette reproduction passe-t-elle par la production d'un effet nouveau? L'élément G n'intervient que si le système urbain ne se reproduit pas seul, si donc des décalages et crises viennent entraver le processus de reproduction. L'intervention des instances planificatrices se manifeste soit par un changement du rapport entre les éléments (politiques de développement), soit sur la modification de l'organisation interne d'un élément (politique d'équipement pour C, politique d'aménagement pour Ρ et E). Cette intervention sur le système urbain peut avoir comme impact soit la reproduction de la force de travail, soit la reproduction des rapports sociaux économiques, politiques ou idéologiques. La rénovation urbaine à Paris répond-elle à un décalage et produit-elle conséquemment un effet nouveau? Reconsidérons les éléments P-C-G-E du système urbain : 1) La rénovation accompagne le départ des locaux de production et elle ne fait qu'accentuer la tendance à la concentration des activités dî bureaux à Paris. Elle essaie d'organiser spatialement les activités de commandement en les concentrant autour des gares pour enrayer les mouvements pendulaires dans Paris intra-muros. Elle échoue totalement dans son projet de rééquilibrage à l'Est. La volonté d'aménagement spatial des activités de bureaux

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La rénovation urbaine à Paris

en vue de réduire une contradiction flagrante et dangereuse (contradiction entre la concentration parisienne d'emplois de bureaux et l'asphyxie de la circulation) se heurte et se limite aux volontés d'implantation des sociétés financières, sièges sociaux... 2) La rénovation accélère le mouvement de « déguerpissage des ouvriers » 5 et le mouvement de retour ou de maintien à Paris de certaines couches de la bourgeoisie. Elle aménage ce mouvement en créant dans Paris des micro-milieux permettant d'accueillir les futurs gestionnaires et commis-gestionnaires sur les zones populaires « assainies ». Elle dote les zones résidentielles à moyen et haut statut social d'équipements publics mais utilise au maximum les équipements existants. Les zones rénovées à bas statut social devront se contenter des équipements en place. La rénovation ne résoud pas le problème de l'insuffisance des équipements publics dans Paris. 3) L'évolution des rapports de force au Conseil municipal (et au Parlement) de Paris en faveur de l'UDR, déjà inscrite dans le « déguerpissage naturel » des ouvriers, se trouvera renforcée. 4) La rénovation introduit un effet nouveau par la création de centres commerciaux régionaux et internationaux 6. La conséquence immédiate de cet effet nouveau est la reproduction élargie d'un problème crucial à Paris : l'engorgement de la circulation. La rénovation donc, loin de répondre à « la crise » marquant Paris, la reproduit en l'élargissant. Au lieu de résoudre les problèmes qui se posent à la capitale — transports, restructuration spatiale des activités économiques, rattrapage des équipements collectifs —, la rénovation fait naître de nouvelles contradictions Alors pourquoi l'élément G intervient-il sur le système, puisque de toutes façons des tendances se seraient exprimées, et qu'il ne résoud aucun des grands problèmes parisiens? Considérons l'intervention de G sur le système. Comme nous l'avons montré dans la première partie, la dichotomie locale-globale disparaît pour G, car à Paris c'est l'État qui décide directement. Si donc à Paris G = A R E 7 , l'intervention de G sur le système urbain fait intervenir les 5. Expression employée au Sénégal par le Président Senghor pour désigner le processus de rejet des basses couches de la population des grandes villes d'Afrique. 6. La nouvelle rénovation des Halles. 7. Cf. L. Althusser, dans La Pensée, juin 1970. ARE = appareil répressif d'État = Chef d'État, Gouvernement, Administration + Appareils spécialisés : Police, Tribunaux, Prisons, Armées...

La rénovation reproduction

105

pratiques politiques, économiques, idéologiques de l'appareil d'État dont la raison se trouve dans la conjoncture politique, économique, idéologique. A travers des variantes politiques (passage d'une certaine forme de concurrence inter-impérialiste vers une politique d'intégration et d'entente avec les impérialismes les plus puissants 8 ) subsiste un point constant essentiel : l'affirmation de la fonction monopolistique internationale de Paris. Trois conceptions de la rénovation se sont succédées : avant 1958, rénovation à vocation locale; de 1958 à 1963, rénovation restructuration de grande envergure faisant de Paris un pôle de rayonnement international; à partir de 1964®, une rénovation plus efficace : l'État organise le pôle directionnel, les promoteurs privés aménagent un milieu d'accueil. Paris devient pôle d'attraction de la finance mondiale, il ne s'agit plus de réaménager tout Paris mais d'habiller convenablement les zones entourant les bureaux, espace résidentiel d'une nouvelle main-d'œuvre, et certaines entrées dans Paris. Depuis 1958 un décalage était apparu : l'environnement symbolique et social parisien démentait le rôle politique que l'on voulait faire jouer à Paris, espace de l'État. Paris, capitale huileuse et grise, ne pouvait jouer son rôle international, il fallait réorganiser la symbolique parisienne. Si la rénovation publique suit les mêmes tendances que la rénovation « spontanée », l'aide de l'Administration 10 donne la possibilité aux rénovateurs de mener des opérations de bien plus vastes envergures permettant des effets de démonstration spatiale11. L'intervention de l'État à Paris est donc, aussi, intervention sur l'idéologique. L'ARE vient suppléer en défaillance de Γ AIE 12 urbanistique et architecturale pour assurer la reproduction des rapports sociaux 13 et lui permettre de réexercer son rôle. 8. Cf. Economie politique (191), juin 1970. 9. Et surtout sous l'impulsion de G. Pompidou. 10. Aide financière pour les opérations mixtes. Aide institutionnelle pour les opérations privées, se traduisant par des aménagements juridiques permettant plus facilement de venir à bout des petits propriétaires et locataires. 11. La surface moyenne des opérations est de 10 ha pour Paris intra-muros, de 7,75 ha pour l'ancien département de la Seine (moins Paris), de 4,09 pour l'ancienne Seine-etOise, de 4,62 ha pour la province. Quant à la moyenne des logements par opération, elle s'établit environ à 1 450 pour Paris, elle n'est que de 322 pour la province et de 277 pour l'ancienne Seine-Saint-Denis (chiffres tirés de l'ouvrage de Paul Bovry, La rénovation urbaine dans l'aménagement du territoire, Paris, Éd. Euro-Print, 1970. 12. AIE = Appareil idéologique d'État {cf. Althusser, op. cit.). 13. L'État doit aussi prouver aux yeux des Français sa puissance économique, car les « efforts » et la soumission aux conditions de travail leur sont toujours demandés au nom du développement de la puissance économique française dont les fruits reviendraient bien entendu aux Français eux-mêmes.

106

La rénovation urbaine à Paris

La politique municipale parisienne est donc celle d'une commune dont l'État serait maire. Et on aboutit aux résultats suivants. En voulant aménager Paris dans une perspective monopoliste internationale, sans pouvoir résoudre la crise des transports parisiens, on accentue cette crise : l'ajustement de la fonction capitaliste internationale de Paris entraîne le désajustement au niveau de la reproduction de la force de travail des travailleurs parisiens.

Annexes

Annexes

TABLEAU I .

109

Variations de l'emploi à Paris, 1962-1968 (en %) *

Population active résidant dans Paris Emplois industriels Emplois de bureaux Emplois de commerce (gros et détail) Population active travaillant dans Paris Résidant dans Paris ouest Résidant dans Paris sud Résidant dans Paris nord et est Migrations vers la capitale des personnes venant y exercer leur emploi

— 9 — 13 + 4,3 — 13 + + +

8,7 9,6 0,6

+15

* Données tirées du Mémoire du Préfet de Paris, d'octobre 1970, sur les options du VIe Plan et les grandes orientations du développement de Paris.

TABLEAU Π .

Variations de CSP, 1962-1968 (en %)

Ouvriers Cadres supérieurs Patrons de l'industrie et du commerce

— 16,5 + 5,4 — 16,2

TABLEAU m/1. La construction à Paris, 1965-1971 : nombre, type et prix des loyers pour des logements de trois pièces

Type HLMVP HLM société privée ILN Société d'économie mixte Société immobilière privée » Selon l'étage.

Nombre 4 284 3 025 ) 1 145 4 070 ) 52 501

Prix en francs 26 000 + charges 43 000 à 53 000 » + charges

110 000 en moyenne

110

La rénovation urbaine à Paris

TABLEAU III/2. Nombre de logements terminés par secteur de la construction, 1966-1968 Total

HLM

Primes

. „,,· „„„„„„,· avec prêt location accession , . , spécial

sans prêt

État, collectivîtes, socié- Sans aide tés natio· de ΓÉtat , nales

Paris 1966 1967 1968

10 0 5 8 10 7 7 2 10 673

785 777 2111

2 — —

1 338 1 423 726

3 115 3 460 1 756

16 120 19

4 802 4 942 6 061

Région parisienne 1966 1967

98 4 8 9 104108

25 7 0 4 3 2 763

3 215 2 538

31 8 1 2 31 2 1 7

16 978 16 771

2 074 610

18 6 8 3 20192

414 438 4 2 2 543

97 205 107 130

30118 31 152

125 8 1 2 121 873

76 057 6 9 361

4 919 3 058

79 735 89 6 6 0

France 1966 1967

TABLEAU III/3. Logements terminés par secteur de la construction : pourcentage par rapport au total des logements construits, 1966-1967 Logements HLM location

prgt spécial

de VÉtat

7,80 7,24

33,50 13,27

47,74 46,09

26,09 31,47

32,30 29,98

18,96 18,39

23,45 25,35

30,35 28,84

19,24 29,21

avec

sam

Paris 1966 1967 RÉGION PARISIENNE 1966 1967 FRANCE 1966 1967

On observe l'énorme déséquilibre, dans Paris même, entre la construction d'HLM et la construction privée. Si nous comparons les chiffres de Paris, de la région parisienne et de la France, nous constatons une nette différence entre le statut des logements construits à Paris et celui des logements construits hors de Paris. Il ne s'agit pas, pour l'instant, de rechercher les causes de cet état de fait, dont les raisons seraient à trouver dans les mécanismes du marché foncier, mais de constater que, par le jeu du marché, Paris devient ville à statut résidentiel élevé. Les données des tableaux III/2 et III/3 sont tirées d'une étude faite par un service technique de la Préfecture, en 1970.

Annexes

TABLEAU I V / 1 * .

Age de la population (moins de 19 ans)

Arrondissement

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19 19 19 20 -

21 —

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X XIV XV XVII IV VH

XVI XII XIX XX XIII

111

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22 —



23 24 —

25

Valeur absolue Bornes

6 881 x 7 723 1 17 647 i 18 605 f 38 261 \ 50 713 ( 13 140 1 16 053 ) 15 337 /

25 731 \ 34 708 i 51 903 ( 47 486 / 13 433 \ 21 227 /

48 395 36 361 37 789 47 295 40 350

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21,2

-

22,4

+

ORU

Valeur absolue

Ch. Meuniers Dot 13 Bièvre Plaisance-Vandamme Mariniers Procession Sablonnière Périchaux Flandre Dot 11 10

2,40 4,60 8,20 20,00 6,40 6,00 8,40 3,40 3,30 24,00 76,70

St-Eloi Lahire Italie 13 Riquet Pl. des Fêtes Dot 7 Rébeval Ourcq Préault Plateau Belleville 9 P. Auguste not 4-Deux Moulins Ch. des Rentiers Choisy-Gare Beaugrenelle Vouillé Dot 7 cour St-Blaise 8

8,10 13,00 87,00 6,40 23,10 8,80 2,20 1,90 30,00 180,50 0,40 11,20 6,50 2,10 25,80 0,30 6,00 8,00 60,30

* Note sur la construction des tableaux IV, V et VII. Dans les tableaux qui suivent (IV/l-IV/10, V/l-V/12 et VII/l-VII-4), on a adopté le même principe pour constituer les trois catégories + , = et —. On a classé tous les arrondissements de Paris suivant les valeurs croissantes de l'indicateur, lorsque l'indicateur était un pourcentage on a indiqué en face la valeur absolue correspondante. On a ensuite divisé les distributions en trois classes de manière qu'il y ait autant d'unités dans chacune de ces trois classes. Nous avons ainsi placé nos bornes. Il suffisait ensuite de ranger les opérations de rénovation dans ces trois classes, selon la valeur de l'indicateur sur chaque opération, les opérations étant représentées chacune par leur surface en hectares (voir exemple du tableau IV/1). On trouvera donc ici une somme de données précises; la lecture des tableaux agrégés 5, 8 et 10 ne saurait dispenser de celle de ceux qui suivent.

La rénovation urbaine à Paris

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La rénovation urbaine à Paris

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Annexes

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142

La rénovation

TABLEAU X V I .

Nombre

urbaine

à

Paris

Prix des appartements * dans l'immeuble Jade (opération Galaxie)

pièces

Superficie ( en m2J

2 3 3 4 5

55 66 75 87 105

Étage

jet

121 139 148 169 209

600 300 500 600 900

e

6

132 600 152 500 163 500 187 000 230 700

* En francs, parkings et caves inclus.

e

12

139 160 172 197 243

200 400 500 500 200

18e

145 168 181 216 255

800 300 500 600 700

24e

152 400 176 200 190 500 227 000 268 200

29e

154 178 193 230 272

600 900 500 500 300

Bibliographie sommaire

Pour une bibliographie exhaustive sur le thème, on pourra consulter : P. Boury, La rénovation urbaine dans l'aménagement du territoire : ses origines, ses objectifs, sa technique, ses résultats, ses perspectives. Paris, Éd. Euro-Print, 1970. Nous ne citerons ici que quelques ouvrages ou articles de base, auxquels il faudra ajouter les ouvrages et articles mentionnés dans le cours de l'ouvrage. M. Castells, « Vers une théorie de la planification urbaine », Sociologie du Travail (51), 1969. M. Castells, « Le centre urbain : projet de recherche sociologique », Cahiers internationaux de Sociologie 46, 1969. M. Castells, « La rénovation urbaine aux États-Unis », Espaces et Sociétés (1), 1970. H. Coing, Rénovation urbaine et changement social. Paris, Éd. Ouvrières (coll. « L'évolution de la vie sociale), 1966. C. Maillard, « La rénovation urbaine », in : L'urbanisme dans la pratique notariale (Congrès des Notaires de France, mai 1963). A. Poissonnier, La rénovation urbaine. Paris, Berger-Levrault (coll. « L'administration nouvelle »), 1933. Divers fascicules de la revue Urbanisme dans lesquels sont publiés des articles sur la rénovation urbaine et sur Paris : 11, 55, 80, 81 et 84. Divers fascicules du Moniteur des Travaux publics et du Bâtiment : 11 juin 1960, 2 juillet 1960, 10 juin 1961, 15 juillet 1961, 27 novembre 1965, 18 novembre 1966, 4 septembre 1967, 9 septembre 1967, 11 novembre 1967, 6 janvier 1968.

Liste des principaux sigles utilisés dans l'ouvrage

AFU Association foncière urbaine CDC Caisse des dépôts et consignations COS Coefficient d'occupation des sols CSP Couches socio-professionnelles CSU Centre de sociologie urbaine CUS Coefficient d'utilisation des sols FFF Foyer de la famille et du fonctionnaire FNAFU Fonds national pour l'aménagement foncier et l'urbanisme GFF Groupement foncier français GS Groupe scolaire HLM Habitation à loyer modéré IAURP Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne IB Indice de concentration des bureaux ILN Immeuble à loyer normal INSEE Institut national de la statistique et des études économiques OCIL Office central inter-professionnel du logement OPHLMVP Office public d'habitation à loyer modéré de la Ville de Paris O RU Opération de rénovation urbaine os Ouvrier spécialisé OS M Ouvrier spécialisé et manœuvre PAZ Plan d'aménagement de zone PLCS Professions libérales et cadres supérieurs PLR Programme à loyer réduit POS Plan d'occupation des sols PSR Programme social de relogement PUD Plan d'urbanisme de détail RER Réseau express régional RIVP Régie immobilière de la Ville de Paris SAGI Société auxiliaire de gestion immobilière SCIC Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations SDAU Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme TLE Taxe locale d'équipement ZAC Zone d'aménagement concerté Zone à urbaniser en priorité ZUP Les sigles SEMAM, SEMAR, SEMEA, SEMIREP, etc., désignent les sociétés d'économie mixte qui assurent les opérations de rénovation.

Table des matières

Avertissement

7

Introduction

9

I. LA RÉNOVATION, RE-PRODUCTION D'UN ESPACE I. Les déterminants de l'implantation des opérations de rénovation 1. Le problème 2. L'espace de reproduction de la force de travail : caractéristiques physiques et sociales des lieux rénovés 3. La production et Γ échange 4. Le rapport de la rénovation urbaine au système institutionnel. II. Contenu des opérations et logiques rénovatrices 1. 2. 3. 4. 5.

Premier repérage Logique sociale Logique d'équipement Logique fonctionnelle Logique symbolique

21 21 21 22 28 31 36 36 37 42 49 59

III. Logique générale de la rénovation et logiques rénovatrices...

60

II. LES MÉCANISMES JURIDICO-INSTITUTIONNELS ET POLITICO-FINANCIERS

67

I. Le mécanisme juridico-institutionnel 1. Les textes 2. Le problème du délogement-relogement 3. La prise de décision

67 67 70 72

148

La rénovation urbaine à Paris

II. L'étude du 1. 2. 3. 4.

financement

Les modes de Les mécanismes Quelques données L'évolution

financement

74 76 77 78 81

III. L'OPÉRATION ITALIE

85

Conclusion. La rénovation reproduction

99

1. 2. 3. 4.

L'élément L'élément L'élément L'élément

Consommation Production Échange Gestion

100 101 102 103

Annexes

107

Bibliographie sommaire

143

Liste des sigles utilisés dans l'ouvrage

145

LA COMPOSITION, L'IMPRESSION ET LE BROCHAGE DE CE LIVRE ONT POUR

ÉTÉ EFFECTUÉS PAR FIRMIN-DIDOT S.A. LE COMPTE DES ÉDITIONS

ACHEVÉ

D'IMPRIMER

LE

29

MOUTON

MARS

1973

Imprimé en France Dépôt légal : 1 " trimestre 1973 N° d'impression : 1435