La démocratie au Canada: L'effritement de nos institutions 9780228000426

Une analyse détaillée des échecs et de l'avenir de la démocratie représentative du Canada. Une analyse détaillée

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La démocratie au Canada: L'effritement de nos institutions
 9780228000426

Table of contents :
Couverture
La démocratie au Canada
Titre
Page légale
Table des matières
Préface
Introduction
PREMIÈRE PARTIE LE CONTEXTE
1 Comprendre la démocratie
2 Comprendre les origines de la démocratie canadienne
3 Le Canada : population, culture et contexte
4 Le Canada à l’époque
5 Le fédéralisme canadien maintenant
6 Tout ce qui est canadien est régional sauf les institutions politiques nationales
DEUXIÈME PARTIE LE NOUVEAU VISAGE DE LA DÉMOCRATIE CANADIENNE
7 Se faire élire : la désinstitutionnalisation des partis politiques
8 Les Communes : l’institution qui manque à ses obligations
9 Le Sénat : l’institution qui n’a jamais existé
10 Le Cabinet : l’institution qui a cessé d’exister
11 Les médias : l’institution perdue
12 « A Nowhere Man, in a Nowhere Land » : les fonctionnaires maintenant actifs dans deux institutions
13 La fonction publique : une institution à six gardiens
14 De nouvelles forces au-dessus de la ligne de faille
TROISIÈME PARTIE POURQUOI ET QUE FAIRE MAINTENANT?
15 Le Canada : une démocratie défaillante?
16 Un regard vers l’avenir
Notes
Index

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La démocratie au Canada

La démocratie au Canada L’ e f f r i t e m e n t d e n o s i n s t i t u t i o n s

Donald J. Savoie

McGill-Queen’s University Press Montreal & Kingston • London • Chicago

© McGill-Queen’s University Press 2019 ISB N 978-0-7735-5931-8 (relié toile) ISB N 978-0-2280-0042-6 (eP df) ISB N 978-0-2280-0043-3 (eP UB) Dépôt légal, troisième trimestre 2019 Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier non acide qui ne provient pas de forêts anciennes (100% matériel post-consommation), non blanchi au chlore. Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de l’Institut Donald J. Savoie.

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Titre: La démocratie au Canada : l’effritement de nos institutions / Donald J. Savoie. Autres titres: Democracy in Canada. Français Noms: Savoie, Donald J., 1947– auteur. Description: Traduction de : Democracy in Canada. | Comprend des références bibliographiques et un index. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190133139 | Canadiana (livre numérique) 20190133155 | IS BN 9780773559318 (couverture rigide) | I SB N 9780228000426 (Pdf ) | IS BN 9780228000433 (eP UB) Vedettes-matière: rvm: Démocratie—Canada. | rvm: Canada—Politique et gouvernement. Classification: l cc jl186.5 .s3514 2019 | cdd 320.971—dc23

Table des matières

Préface vii Introduction 3 première partie le contexte

1 2 3 4 5 6

Comprendre la démocratie 27 Comprendre les origines de la démocratie canadienne 49 Le Canada : population, culture et contexte 83 Le Canada à l’époque 105 Le fédéralisme canadien maintenant 126 Tout ce qui est canadien est régional sauf les institutions politiques nationales 149 deuxième partie le nouveau visage de la démocratie canadienne

7 Se faire élire : la désinstitutionnalisation des partis politiques 179 8 Les Communes : l’institution qui manque à ses obligations 201 9 Le Sénat : l’institution qui n’a jamais existé 228 10 Le Cabinet : l’institution qui a cessé d’exister 251 11 Les médias : l’institution perdue 275 12 « A Nowhere Man, in a Nowhere Land » : les fonctionnaires maintenant actifs dans deux institutions 299

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Contents

13 La fonction publique : une institution à six gardiens 332 14 De nouvelles forces au-dessus de la ligne de faille 355 troisième partie pourquoi et que faire maintenant?

15 Le Canada : une démocratie défaillante? 379 16 Un regard vers l’avenir 403 Notes 429 Index 523

Préface

Alexis de Tocqueville (1805-1859), plus que tout autre théoricien politique, a capté mon intérêt alors que j’étais étudiant en science politique. Je trouvais fascinant qu’un aristocrate de France soit retourné chez lui après un séjour prolongé aux États-Unis en rapportant des perspectives nouvelles sur les rouages de la démocratie en Amérique et sur le contraste que celle-ci offrait avec ce qu’il observait en Europe. La dernière chose qu’un aristocrate voudrait faire, me disais-je, c’est d’explorer la structure de la démocratie et de faire rapport de ses avantages en Europe. À l’été 2015, j’ai décidé de lire à nouveau son ouvrage classique, De la démocratie en Amérique. L’ouvrage de Tocqueville demeure d’actualité. Tocqueville a étudié des questions qui demeurent tout aussi importantes de nos jours qu’elles l’étaient dans les années 1830 : Quelle est la relation entre l’intérêt personnel et l’action collective? Pourquoi les gouvernements centraux adorent-ils l’uniformité? Que signifie l’égalité? Comment les politiciens conçoivent-ils leur travail? Il a souligné que la démocratie ne se satisfait pas de l’égalité existante, mais qu’elle cherche à tout égaliser. Il a écrit sur l’importance de la liberté de presse et de la souveraineté du peuple, mais il a mis en garde contre une opinion publique mal informée. Il a également établi un lien entre la démocratie et l’égalité des conditions sociales, mais mis en garde contre la tyrannie de la majorité. Ce qui m’a frappé à la relecture de Tocqueville, c’est à quel point la démocratie représentative a évolué depuis l’époque où j’étais étudiant de premier cycle. Peu de gens auraient prédit il y a 40 ans que la démocratie, quelle qu’en soit la définition, allait balayer le communisme en Union soviétique et en Europe de l’Est. C.B. Macpherson, l’un des principaux politologues canadiens dans les années 1960 et

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1970, a écrit que « la majeure partie de l’Europe de l’Est a été aspirée dans l’orbite de l’Union soviétique et n’est plus considérée comme susceptible de retourner à un modèle démocratique libéral1  ». Il a mal analysé la situation. Il est loin d’être le seul. Personne n’aurait pu prédire que nous serions témoins du Printemps arabe, que la Chine allait adopter une forme d’économie de marché, que les lois sur l’accès à l’information deviendraient la norme dans les États démocratiques, que la bureaucratie gouvernementale perdrait autant de prestige qu’elle en a perdu, et ainsi de suite. L’une des préoccupations des étudiants en science politique à la fin des années 1960 et au début des années 1970 était de déterminer le meilleur moyen de promouvoir la «  démocratie participative  ». Mais c’était une autre époque. Howard Doughty l’a bien résumé en écrivant : « Il y a quelque temps qu’on ne prononce plus l’expression “démocratie participative” en bonne compagnie. Pour bien des gens d’un certain âge, cependant, le terme évoque de bons souvenirs2. » J’ai décidé de faire le point sur l’état de santé de la démocratie canadienne. Les institutions politiques canadiennes semblent en bonne santé, du moins lorsqu’on les compare à celles de nombreux autres pays. Le Printemps arabe poursuit son cours, les oligarques et les dirigeants politiques russes ont freiné le développement des institutions démocratiques en Russie et pratiquement toutes les démocraties libérales occidentales font face à des défis importants, y compris une chute du taux de participation électorale et une baisse du moral dans les bureaucraties gouvernementales3. Nous, Canadiens et Canadiennes, pouvons être fiers de la façon dont nos institutions politiques et administratives nationales fonctionnent, du moins lorsqu’on les compare à celles d’autres pays. Toutefois, la démocratie canadienne connaît elle aussi son lot de problèmes. Un sondage auprès des Canadiens révèle qu’ils ont peu confiance dans leurs députés fédéraux, que le monde politique répugne aux Canadiens davantage qu’il ne les attire et que «  la légitimité de l’ensemble de notre système démocratique est en péril4 ». Robertson Davies a écrit : « Le Canada n’est pas un pays que l’on aime, mais un pays dont on se soucie5. » J’ai décidé d’écrire ce livre parce que le Canada vaut bien la peine qu’on se fasse du souci pour lui. Je prends aussi à cœur l’appel à l’action lancé par le président Obama dans son discours d’adieu, qui vaut autant pour le Canada que pour les États-Unis. Il a déclaré : « Notre démocratie est menacée chaque fois que nous la tenons pour acquise. Chacun d’entre nous

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devrait se lancer dans la tâche de reconstruire nos institutions démocratiques6. » Voici ma contribution aux institutions canadiennes. Au risque de sembler pompeux, j’estime que le présent livre est mon magnum opus. L’ouvrage traite des deux questions qui ont dominé mon œuvre depuis la publication de mon premier livre sur le fédéralisme canadien en 1981. Depuis, j’ai publié de nombreux ouvrages sur le régionalisme, le développement économique, les relations fédérales-provinciales, les institutions politico-administratives canadiennes, en particulier la façon dont le premier ministre et le Cabinet collaborent avec le Parlement, et les relations entre les politiciens et les fonctionnaires. Ce livre tente de clore les diverses questions soulevées dans mes ouvrages antérieurs et, du moins je l’espère, d’apporter un début de réponse à une question beaucoup plus large  : quel est l’état de santé de la démocratie canadienne? Je m’empresse toutefois d’ajouter que je ne reprends pas ici des sections de mes livres antérieurs. Cet ouvrage n’est pas une nouvelle édition d’un de mes livres sur le fédéralisme, le régionalisme ou l’appareil gouvernemental. Il s’agit d’un traité sur certaines des questions les plus pressantes pour les Canadiens et les Canadiennes : Qui détient le pouvoir politique? Comment fait-on pour obtenir le pouvoir? Comment peut-on amener les personnes qui exercent le pouvoir à rendre des comptes? Comment nos institutions politiques et administratives nationales prennent-elles des décisions et pour quelles raisons les prennent-elles? Ce livre ne constitue certainement pas une réponse définitive ni même la seule réponse. Je doute qu’il soit possible de rédiger un tel livre. Je suis loin d’être le seul analyste du gouvernement à explorer les questions qui ont façonné et qui façonnent encore nos institutions politiques et administratives. J’espère que cet ouvrage encouragera d’autres chercheurs à se concentrer sur la structure de nos institutions démocratiques, les raisons pour lesquelles il est possible et nécessaire de les améliorer et les moyens d’y parvenir. Je reconnais qu’il s’agit d’un livre ambitieux, qui porte sur un thème très large et sur le fonctionnement de plusieurs institutions. Les spécialistes, dont plusieurs que je cite dans cet ouvrage, resteront sans doute sur leur faim, estimant que certains sujets ont été négligés et que d’autres ne sont pas explorés à fond. Il y a certes des avantages importants à adopter une perspective étroite. On peut alors étudier une question en détail, sous plusieurs angles. Je n’ai pas été en mesure de le faire, en particulier en ce qui a trait à certaines

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questions. Mais c’est un prix qu’il vaut la peine de payer compte tenu de l’état actuel de la démocratie canadienne. Ma carrière m’a donné un point de vue privilégié pour examiner l’état de santé de la démocratie canadienne. J’ai publié de nombreux ouvrages sur le rôle du premier ministre, la bureaucratie et le régionalisme, mais ce n’est qu’un aspect de ma carrière. J’ai eu la chance de préparer pour le premier ministre Brian Mulroney un rapport sur le développement économique au Canada atlantique et d’avoir eu plusieurs discussions en tête-à-tête avec quatre premiers ministres – Trudeau père, Mulroney, Jean Chrétien et Paul Martin. J’ai eu de nombreuses longues discussions avec plusieurs anciens ministres fédéraux, dont Roméo LeBlanc (un libéral) et Elmer MacKay (un conservateur). J’ai aussi eu de nombreux tête-à-tête avec plusieurs greffiers du Conseil privé, notamment Gordon Robertson, Paul Tellier, Jocelyne Bourgon, Mel Cappe et Wayne Wouters, et divers sous-ministres de ministères responsables, y compris Peter Harder (aux Affaires étrangères puis à titre de représentant du gouvernement au Sénat), Richard Dicerni (à Industrie Canada) et Michael Horgan (aux Finances). Ces conversations m’ont toujours permis de mieux comprendre les rouages du gouvernement. J’ai également travaillé pour deux des principaux hauts fonctionnaires de leur temps, Gérard Veilleux et John (Jack) Manion. Enfin, j’ai occupé un poste au niveau de sous-ministre adjoint au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor à Ottawa en 1987-1988. Si j’ai un message à transmettre à la prochaine génération de politologues et d’analystes de l’administration publique et des politiques publiques, c’est d’aller rencontrer ceux qui sont au cœur de l’action et qui s’emploient à faire fonctionner le processus décisionnel et l’appareil de l’État. Je n’aurais pas pu produire la plupart de mes publications si je n’avais pas cherché à obtenir le point de vue et les conseils des praticiens. Par exemple, quand j’ai entrepris d’écrire un livre sur le travail des organismes centraux, j’avais en tête un ouvrage différent du produit final, Governing from the Centre. J’ai eu un déjeuner de travail avec un ministre de premier plan du gouvernement Chrétien. « Vous, les universitaires, vous faites fausse route, m’a-t-il dit. Le Cabinet n’est pas un organe décisionnel, c’est un groupe de consultation du premier ministre. » Des entrevues menées plus tard m’ont permis d’étayer ce point de vue. Je dois remercier de façon particulière ceux et celles qui ont exploré le terrain avant moi et je reconnais une dette intellectuelle envers bon nombre d’entre eux dans les notes en fin d’ouvrage. D’autres personnes ne bénéficient toutefois pas d’une reconnaissance aussi formelle. Je

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tiens à remercier tout spécialement mon épouse, Linda, qui a dû composer encore une fois avec mon appétit insatiable pour le travail. Je m’estime très chanceux d’avoir toujours pu compter sur son soutien au fil des ans malgré mon désir de travailler de longues heures et de sacrifier de trop nombreuses fins de semaine à la recherche. Par ailleurs, Gabriel Arsenault, un jeune chercheur brillant et très prometteur de mon université, a lu mon manuscrit et n’a jamais hésité à en souligner les lacunes. B. Guy Peters, un ami de longue date et co-auteur, a lu certaines parties du manuscrit qui me donnaient du fil à retordre et m’a été d’un précieux conseil. Je suis particulièrement reconnaissant à deux examinateurs anonymes. Tous deux ont fait leurs devoirs et présenté une évaluation détaillée du manuscrit et ils sont tous deux allés au-delà de ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un examinateur. Leurs commentaires et suggestions ont grandement contribué à améliorer l’ouvrage. Enfin, j’adresse mes sincères remerciements à Philip Cercone, qui a toujours appuyé mon travail, depuis mon tout premier livre jusqu’à celui-ci. Aucun auteur ne pourrait être mieux servi. Je demeure cependant responsable de tous les défauts que le livre est susceptible de comporter. Je désire remercier également mon adjointe de longue date, Ginette Benoit, qui répond avec bonne humeur à mes demandes constantes, et Céline Basque, qui m’a aidé à donner au manuscrit sa forme définitive. Donald J. Savoie Chaire de recherche du Canada en administration publique et gouvernance Université de Moncton

La démocratie au Canada

Introduction

Le mot « démocratie » est l’un des plus galvaudés et mal compris du dictionnaire. La démocratie signifie des choses différentes selon les individus, elle continue de viser différents objectifs et de servir différents intérêts et elle a pris des significations bien différentes à différentes époques de l’histoire. La démocratie est un nom dont sont dérivés un autre nom (démocrate), un adjectif (démocratique) et un verbe (démocratiser)1. Tous les systèmes politiques, allant du Parti nazi (le Parti national-socialiste des travailleurs allemands) à l’ancien Parti communiste de l’Union soviétique, ont insisté pour se dire démocratiques. La liberté de parole, la liberté de réunion et le suffrage universel à bulletin secret étaient inscrits dans la Constitution de l’Union soviétique rédigée par Staline en 1936. Nous savons maintenant que tout cela n’était qu’une tromperie2. La Grèce antique a donné au monde le mot « démocratie » et un processus démocratique de prise de décisions, grandes et petites, qui faisait appel à tous les citoyens (terme défini dans un sens restreint, toutefois), ce qui n’est certainement pas une mince contribution. Le processus s’est traduit par l’élimination des rois, des politiciens et même, dans une certaine mesure, des bureaucrates. Nous reviendrons plus loin sur l’expérience grecque de la démocratie directe. Il suffit de noter que l’expérience de la démocratie directe a eu la vie courte. Le mot «  démocratie  » est en effet devenu tabou dans bien des milieux jusqu’au 20e siècle. En outre, les grands philosophes politiques de la Grèce antique – Socrate, Platon et Aristote – n’attachaient pas beaucoup de valeur à la démocratie. Aussi récemment qu’en 1867, lorsque nos institutions politiques nationales furent créées, on considérait qu’il ne fallait pas avoir une confiance absolue dans la démocratie.

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Rares ont été les tentatives visant à exercer la démocratie directe au Canada au fil des années. Nous avons eu seulement trois référendums sur la scène fédérale : l’un sur la prohibition en 1898, un autre sur la conscription en 1942 et le troisième sur un projet d’accord constitutionnel en 1992. Tous les trois résultaient de l’initiative du gouvernement fédéral étant donné qu’aucune disposition ne permet aux citoyens de tenir un plébiscite sur quelque question que ce soit3. La démocratie directe céda la place aux monarques au pouvoir absolu, puis à la démocratie représentative. La marche vers la démocratie représentative fut toutefois lente et incertaine. Les monarques du Moyen Âge se tournèrent vers des représentants de certains segments de la population lorsqu’ils y furent contraints et afin d’acquérir un certain degré de légitimité politique. Ce n’est qu’avec le temps et au prix d’efforts considérables que la Chambre des communes de Grande-Bretagne, par exemple, prit le dessus sur le monarque et devint représentative du grand public. Il n’y a pas si longtemps encore, il ne fallait pas faire entièrement confiance aux citoyens. James Madison, l’un des principaux architectes de la démocratie représentative américaine, mit en garde contre la démocratie pure, écrivant que « de telles démocraties ont toujours été le théâtre de turbulences et de discordes, elles ont toujours été jugées incompatibles avec la sécurité des personnes et le droit de propriété, et elles ont généralement été promises à une mort aussi violente que leur vie fut brève4 ». Madison et ses collègues architectes du régime de gouvernement américain avaient conclu qu’il fallait « tempérer la volonté du peuple par la conscience aiguë des effets néfastes possibles du pouvoir des citoyens, en particulier ceux qui ne faisaient pas partie du “corps choisi” [de citoyens] ». Ils craignaient que les « masses » n’en viennent tout bonnement « à voter que la bière soit gratuite et à jeter à terre les églises et les maisons de campagne5 ». Bref, le terme « démocratie » eut pendant longtemps une connotation péjorative. La démocratie suscitait aussi des réserves chez les Pères de la Confédération canadienne, qui cherchèrent des mesures pour s’en protéger, comme je l’explique plus loin. La Révolution française donna un nouveau sens et une nouvelle vie à la démocratie mais simultanément, en raison de ses excès, elle incita de nombreux observateurs à affirmer qu’il fallait contenir la démocratie. La Révolution française redéfinit le mot «  démocratie  » pour y inclure «  liberté, fraternité, égalité  », ce qui marqua un tournant majeur. Elle chassa la monarchie et l’aristocratie dans la violence, mais en même temps elle provoqua l’émergence du

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gouvernement par les masses, du moins pendant un certain temps6. L’aristocratie britannique allait évoquer les excès de la Révolution française pour souligner les dangers de la démocratie. Cette attitude de méfiance se fit sentir jusqu’au Canada et explique en grande partie la réticence de la Grande-Bretagne à souscrire à l’instauration de la responsabilité ministérielle dans ses colonies, et les rébellions de 1837 dans le Haut et le Bas-Canada7. Les révolutions aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne ouvrirent finalement la voie à l’implantation de la démocratie représentative dans tout le monde occidental. La révolution en GrandeBretagne ne fut pas aussi violente ou connue que les révolutions américaine et française, mais elle transforma de façon fondamentale la relation entre la Couronne et le Parlement. L’histoire du système parlementaire de Westminster est en effet le récit de la lutte entre le roi ou la reine et le Parlement, puis entre le Parlement et le pouvoir exécutif. Les monarques jouissaient du droit divin de gouverner, les rois et les reines faisant valoir qu’ils n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu. Ce fut le cas en Angleterre jusqu’en 17018. Les autres monarques européens, du moins ceux qui restèrent au pouvoir, réussirent à s’accrocher beaucoup plus longtemps à cette notion – jusqu’aux premières années du 20e siècle ou jusqu’à ce que la Grande Guerre les chasse du pouvoir en Allemagne, en Russie et en Autriche-Hongrie. À l’issue de la Première Guerre mondiale, le vent avait complètement tourné en faveur de la démocratie représentative. On considère maintenant que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement parce qu’elle reflète les intérêts du plus grand nombre, non de quelques personnes, et qu’elle garantit l’égalité de tous les citoyens devant la loi, du moins dans les litiges privés9. Les exigences minimales d’une société démocratique libérale comprennent la liberté de parole, des partis politiques qui se font concurrence, l’application régulière de la loi, la protection de la vie privée, la liberté de presse, la protection des individus contre la tyrannie de la majorité, un gouvernement représentatif et transparent et une bureaucratie professionnelle. De nos jours, de nombreux pays et pratiquement tous les systèmes politiques se targuent d’être démocratiques. Les pays commettent pourtant bien des actes au nom de la démocratie. Une coalition de pays comprenant les États-Unis, le Canada, l’Australie, le RoyaumeUni et la France a détruit Bagdad en son nom10. John Dunn soutient que chaque fois qu’un État moderne fait valoir qu’il est démocratique,

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«  il se présente nécessairement sous une apparence trompeuse11  ». Le politologue canadien Stephen Brooks soutient que, « en dernière analyse, s’il y a un point sur lequel tout le monde s’entend, c’est que la démocratie se fonde sur l’égalité12  », c’est-à-dire que, dans une démocratie représentative, toutes les personnes adultes doivent jouir des mêmes droits politiques sans distinction de race, de religion, de sexe, de fortune ou de classe sociale et d’orientation sexuelle. La démocratie demeure cependant un terme difficile à saisir. Trois concepts en constituent les fondements  : la représentation, la responsabilité et l’égalité. La représentation est essentielle au fonctionnement de la démocratie représentative. La responsabilité désigne la nécessité de tenir tous les participants responsables de leurs décisions et de leurs actions. L’égalité se rapporte à la nécessité que tous les adultes jouissent des mêmes droits politiques. La démocratie signifie également que le peuple exerce un contrôle sur le gouvernement et qu’il participe à la définition de l’intérêt public13. Le fédéralisme comporte ou devrait comporter une exigence supplémentaire  : la capacité des institutions nationales de tenir compte de la situation particulière des régions dans l’élaboration des politiques. De nos jours, tout ne va pas pour le mieux en ce qui concerne la démocratie. The Economist avance que «  la démocratie traverse sa pire crise depuis les années 1930. Le nombre de pays qu’on peut vraisemblablement qualifier de démocratiques diminue. » Il ajoute : « Les États-Unis – le moteur de la démocratisation durant la majeure partie de l’après-guerre – ont un président qui [...] refuse de dire s’il accepterait le résultat de l’élection dans le cas où il lui serait défavorable14. » Dans les démocraties occidentales, on observe une tendance à la baisse de la participation électorale, les institutions politiques nationales sont contestées même par des gens qui y occupent un poste, et la motivation est à la baisse dans les bureaucraties gouvernementales. Le Canada n’est pas différent. Marc Mayrand, le directeur général des élections du Canada, a exhorté les Canadiens à ne pas se montrer complaisants envers l’état de la démocratie canadienne. Il a indiqué qu’il y a « deux domaines où la santé de notre démocratie subit des pressions de plus en plus grandes. Le premier est l’engagement civique; l’autre est la confiance des citoyens envers leurs institutions électorales15.  » Thomas Axworthy, qui a agi à titre de secrétaire principal de l’ancien premier ministre Pierre E. Trudeau, écrit : « Le déficit démocratique au Canada va bien au-delà du rôle du Parlement. Il s’étend pratiquement à toutes les institutions de notre système de gouvernance démocratique – le système

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électoral, les partis politiques, le Parlement, le fédéralisme et la fonction publique –, dont le mode de fonctionnement actuel contribue au déficit démocratique16. » L’objectif premier de ce livre est de faire le point sur ces institutions, leur état de santé et les défis auxquels elles font face. Le livre démontre que diverses forces ont conspiré et continuent de le faire en vue d’affaiblir nos institutions politiques et administratives nationales. Les Pères de la Confédération canadienne décidèrent de bâtir des institutions afin de régler les problèmes qui affligeaient les anciens Canadas, maintenant l’Ontario et le Québec. Ces institutions n’ont pas été conçues pour répondre aux besoins des provinces situées en périphérie des Canadas et ne le sont toujours pas. Les institutions nationales, conçues par et pour un État unitaire, ont été particulièrement habiles à satisfaire les intérêts des régions densément peuplées du pays, mais beaucoup moins à répondre aux besoins des provinces les moins peuplées. Bien que la démocratie représentative canadienne se porte bien comparativement à d’autres démocraties, j’estime que le Canada souffre aussi d’un déficit démocratique. Le déficit démocratique du Canada est particulier du fait que les institutions nationales du pays n’ont pas la capacité de tenir compte des réalités régionales et de promouvoir l’égalité des régions. Nous voyons la preuve de ce déficit dans la Constitution, les institutions politiques, le pouvoir exécutif et l’appareil bureaucratique. Je maintiens que l’absence d’une telle capacité constitue le déficit démocratique le plus important du Canada, mais le pays fait aussi face à d’autres défis. De nouvelles forces sont apparues et continuent d’émerger, et viennent ébranler nos institutions politiques et administratives nationales. La mondialisation, un appareil judiciaire activiste, les appels incessants à une transparence et à une responsabilisation accrues, les défis financiers liés à l’impression que le gouvernement s’adonne au gaspillage et l’opinion largement répandue selon laquelle les bureaucraties gouvernementales ne sont pas à la hauteur de la tâche rendent la situation très difficile pour nos institutions. Les médias, un élément clé nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie représentative, contribuent également à saper la légitimité de nos institutions. Un sondage d’opinion publique a révélé que la proportion de Canadiens qui font confiance à leur gouvernement pour qu’il prenne les bonnes décisions a connu une baisse marquée, passant de 60 % en 1968 à 28 % en 2012. Frank Graves, le sondeur, a expliqué que

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« la confiance envers les politiciens a atteint un niveau extrêmement bas », beaucoup plus bas que celui envers les fonctionnaires permanents. Il a ajouté qu’un autre sondage avait cherché à déterminer le niveau de confiance envers diverses professions et révélé que les infirmières et les médecins arrivent en tête de liste (environ 80  % des répondants ayant dit avoir une grande confiance dans les infirmières et les médecins) tandis que les politiciens se sont classés au dernier rang (seulement 10  % des répondants ayant dit avoir une grande confiance en eux)17. Je souligne que les premiers répondants se classent maintenant au premier rang dans les enquêtes sur la confiance du public depuis les événements du 11 septembre 2001, tandis que les politiciens arrivent au bas du classement, n’obtenant qu’un point de pourcentage de plus que les vendeurs de voitures18. La démocratie représentative canadienne doit rester sur ses gardes face à la médiocrité, à la complaisance, au journalisme de mauvaise qualité, au peu d’estime manifesté à l’endroit des politiciens, à la dévalorisation de la fonction publique et au sentiment que les citoyens n’ont aucun contrôle sur le gouvernement et que les institutions politiques nationales du pays sont incapables de refléter la société canadienne et les régions du pays. Les gens sentent d’instinct qu’il existe un problème en ce qui concerne l’état de la démocratie canadienne19. D’autres sondages d’opinion publique révèlent constamment que la population est de plus en plus insatisfaite du travail des institutions politiques et administratives du Canada. Samara, un groupe de réflexion non partisan et sans but lucratif qui mène régulièrement des sondages auprès des Canadiens sur l’état de la démocratie canadienne, a conclu récemment : « [...] notre démocratie ne se porte pas aussi bien qu’elle le devrait dans un pays riche comme le Canada. Les Canadiens ne participent pas autant qu’ils le pourraient à la politique, ils ne se sentent pas concernés et ils ne trouvent pas que leurs leaders soient influents ou efficaces20.  » Il est révélateur que les institutions publiques qui bénéficient d’une certaine crédibilité aux yeux des Canadiens, telles la Cour suprême et la Banque du Canada, ne soient pas démocratiques, en ce sens que leurs membres sont nommés et non pas élus. Le phénomène est loin d’être exclusif au Canada. On observe partout en Occident que les hommes et les femmes politiques sont tenus en faible estime, que le nombre de membres appartenant à des partis politiques a tendance à diminuer, que les partis politiques sont le reflet de leur chef plutôt que l’inverse et que les partis politiques

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sont à court d’idées pour formuler des propositions de politiques. De plus, la confiance envers les institutions démocratiques accuse une baisse marquée, alors que les citoyens croient de plus en plus qu’ils ont peu de contrôle sur le gouvernement et que même les politiciens ont peu d’emprise sur les événements à mesure qu’ils prennent forme21. Comme on l’a vu, le déficit démocratique au Canada pose un défi supplémentaire lorsqu’on compare ce pays à d’autres démocraties occidentales. Les institutions nationales du Canada n’ont pas la capacité d’exprimer la perspective des régions du Canada et de l’intégrer dans les processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions d’Ottawa. L’argument principal du présent ouvrage, c’est que le Canada fait piètre figure sur le plan de l’égalité régionale lorsqu’on le compare à d’autres fédérations22. Quiconque chérit les valeurs et les avantages d’une démocratie libérale ne doit pas présumer que la survie de celle-ci est inévitable23. La démocratie représentative telle que nous la connaissons est une création relativement récente. Dans une démocratie représentative, des élections équitables doivent se tenir régulièrement et les perdants doivent accepter le résultat du vote comme étant légitime24. On ne peut cependant compter uniquement sur des élections démocratiques pour assurer la santé de la démocratie. La Russie tient maintenant des élections démocratiques mais elle manque de fermeté dans l’application de la primauté du droit. Si ses dirigeants sont en mesure de changer les lois pour satisfaire leurs intérêts, il s’ensuit que ce pays ne respecte pas la primauté du droit. Les institutions politiques et administratives de la Russie montrent peu de respect pour les individus et leurs droits25. La primauté du droit, une importante condition préalable d’un État démocratique, doit être contraignante pour tous les individus, du plus faible au plus puissant. De plus, les institutions politiques et administratives doivent être perçues comme équitables, efficaces et aptes à gérer les relations entre individus, groupes et régions. Une autre exigence importante d’un État démocratique est que l’État doit exercer un monopole sur le recours à la violence. Un État démocratique moderne qui fonctionne bien doit aussi pouvoir aller au-delà des réseaux familiaux, des cercles d’amis et des partisans politiques pour pourvoir les postes administratifs26. Bref, la démocratie représentative comporte de nombreuses exigences, et la tenue d’élections périodiques n’est que l’une d’entre elles, si importante soit-elle. Bien qu’elles partagent des exigences semblables, qui vont de la liberté de presse à la tenue d’élections libres et ouvertes, les démocraties représentatives qui fonctionnent bien ont également leurs

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propres caractéristiques distinctives : les États-Unis et leur insistance sur les libertés individuelles et la séparation des pouvoirs, la France et sa Révolution, et la Grande-Bretagne et ses liens historiques avec la monarchie. L’histoire politique du Canada a été marquée par le profond désir du pays de promouvoir une identité différente de celle de nos voisins du sud. Faire le point sur la démocratie canadienne est un projet ambitieux. Il faut examiner les faits historiques, passer en revue les travaux des principaux chercheurs qui ont étudié la démocratie et comprendre comment les partis politiques ont évolué au cours des dernières années. Il faut aussi comprendre comment le monde des médias s’est transformé avec l’essor des médias sociaux, comment la bureaucratie fonctionne présentement, qui sont les élites actuelles et où réside maintenant le pouvoir politique et économique. Nous savons que les institutions politiques canadiennes « se caractérisent par un pouvoir exécutif fort, un pouvoir législatif faible, la présence de quelques personnes puissantes et de nombreux “parfaits inconnus” qui agissent tous dans un système où la représentation est assurée par les chefs de parti et les nominations beaucoup plus que par le suffrage universel27 ». À l’instar d’autres démocraties représentatives occidentales, le Canada doit composer avec une explosion de l’information. Il s’est créé plus d’informations dans le monde au cours des cinq dernières années que durant toutes les époques précédentes de l’histoire. Néanmoins, comme l’indique Daniel Levitin, Internet et les nouveaux médias ne détiennent « aucun pouvoir central leur permettant d’empêcher les gens de dire des faussetés28 ». Les médias imprimés traditionnels, dont la plupart observent des normes plus élevées en matière d’éthique et de vérification des faits, se débattent pour survivre. Les citoyens et même des politiciens se sentent autorisés, pour avoir « lu ça quelque part », à tenir des propos saugrenus qui sont absolument faux, forçant les gouvernements à composer du mieux qu’ils peuvent avec une « véritable jungle médiatique, où le partage de gazouillis a préséance sur les faits vérifiables29 ». L’essor des médias sociaux a donné lieu à ce que Cass R. Sunstein appelle le «  journal quotidien hyperpersonnalisé  » (le Daily Me). Chacun a maintenant son propre moyen de communication, dans lequel les gens voient ce qu’ils veulent voir et entendent ce qu’ils veulent entendre. Les médias sociaux sont devenus des chambres d’écho. Si on aime certaines opinions politiques mais pas d’autres, il est facile de syntoniser uniquement les médias qui confirment que

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notre point de vue est juste et de se couper des vérités qui dérangent. La démocratie représentative est plus efficace, cependant, lorsque les électeurs sont exposés à du matériel qui n’est pas choisi d’avance et au choc de points de vue divergents. En somme, il est impératif de ne pas simplement entendre l’écho de sa propre voix30. Il y a encore d’autres forces puissantes qui font la vie difficile à nos institutions démocratiques. Nous vivons à une époque où la question qui prévaut chez de nombreux électeurs est : « Qu’est-ce que cela va m’apporter? » Le Time Magazine a consacré un numéro à « la génération du moi, moi, moi » en 2013. Il a rapporté que, selon des données scientifiques, l’incidence du trouble de la personnalité narcissique est trois fois plus élevée chez les personnes dans la vingtaine que parmi celles âgées de 65 ans et plus31. Il est devenu plus difficile pour un gouvernement de définir et de promouvoir l’intérêt public en général à cause de la tendance à se demander : « Qu’est-ce que cela va m’apporter? » Dans un ouvrage antérieur, j’ai évoqué la mort du « nous » collectif et j’ai établi un lien entre la montée du « moi, moi, moi » dans la vie politique canadienne et la chute rapide du nombre d’adeptes des religions organisées32. Parallèlement, nous sommes aussi témoins d’un niveau excessif de partisannerie. Bob Rae a souligné que la partisannerie excessive est l’un des problèmes les plus épineux qui existent sur la scène politique canadienne. Il écrit : « Le Parlement devrait être l’endroit où se tiennent les vrais débats et où se négocient les vrais compromis. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Ce que les Canadiens voient au Parlement, c’est un esprit partisan excessif. Et ils n’aiment pas cela33. » Mais ce n’est là, encore une fois, qu’un aspect de la question. J’affirme que l’un des éléments essentiels pour comprendre la démocratie canadienne est l’histoire, les événements qui ont amené le Canada à adopter les institutions politiques britanniques, la manière dont le Canada a formulé sa Constitution écrite (vers 1867 et 1982) et les forces qui ont eu un effet sur l’élaboration de celle-ci. Je soutiens que, pour comprendre les difficultés de la démocratie canadienne, il faut remonter à l’époque de la création du pays et évaluer dans quelle mesure les décisions prises aux conférences de Charlottetown et de Québec en 1864 correspondent aux exigences actuelles de la démocratie. Mis à part la Charte canadienne des droits et libertés (vers 1982), le fédéralisme canadien dans ses grandes lignes et les institutions politiques du pays continuent de fonctionner à l’intérieur du cadre établi en 1867. La situation socioéconomique du Canada a toutefois connu des changements structurels largement inspirés par

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le gouvernement. Je soutiens que ces changements et l’absence de changements dans certains domaines se sont produits, pour la plupart, sous l’effet des décisions prises en 1867. Durant son premier siècle d’existence, le Canada a conservé les institutions politiques importées de Grande-Bretagne, refusant de procéder à leur modification ou se révélant incapable de le faire, et ce, même si les conditions sociopolitiques au Canada (État fédéral, société de pionniers et clivage linguistique) étaient très différentes de celles en Grande-Bretagne (État unitaire, société soucieuse des classes sociales et absence de clivage linguistique). Conçues pour un État unitaire, les institutions politiques nationales du Canada, passées et actuelles, continuent de nier la géographie du pays. Nos institutions politiques ont été importées de Grande-Bretagne et imposées par une poignée de politiciens et par l’office des colonies britanniques. Comme l’a écrit Richard Simeon  : «  Certaines des institutions les plus importantes qui caractérisent le Canada n’ont pas découlé des pressions exercées par les couches inférieures de la société34. » La Grande-Bretagne n’a eu aucune difficulté à épouser une identité nationale. La situation est bien différente au Canada. De John A. Macdonald à Justin Trudeau, les politiciens ont déploré l’incapacité du Canada à trouver son unité et à définir ses visées35. Le premier ministre Justin Trudeau affirme qu’« il n’y a pas d’identité fondamentale, pas de courant dominant au Canada36 ». Margaret Atwood estime qu’« aucune identité “canadienne” ne lui est offerte [à l’immigrant]37  ». Marshall McLuhan a fait observer que «  le Canada est le seul pays du monde qui sait vivre sans identité38 ». Northrop Frye a le mieux résumé la situation en écrivant  : «  La question de l’identité canadienne [...] n’est pas du tout une question “canadienne”, mais une question régionale39.  » Si l’identité canadienne est une question régionale plutôt qu’une question canadienne, comment les institutions politiques canadiennes traitentelles de cette question? Les institutions politiques nationales telles que conçues par John A. Macdonald, George Brown et George-Étienne Cartier nièrent largement tout autre facteur régional que celui qu’on observait dans ce qui est maintenant l’Ontario et le Québec. Les Pères de la Confédération proposèrent un traité qui visait à unir deux nations, qui établissait un compromis entre deux peuples, et ensuite ils importèrent en bloc les institutions britanniques pour rendre le traité fonctionnel. Ces institutions d’inspiration britannique n’ont guère la capacité de prendre en considération les divisions territoriales

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ou l’attachement des gens à leur territoire ou à leur espace. Le fait est que l’emplacement géographique, le sentiment d’appartenance et le régionalisme comptent pour beaucoup dans la formation de l’identité canadienne, mais que les institutions du pays n’ont guère la capacité de tenir compte des considérations régionales, sauf celles découlant du traité qui a uni les deux nations. En somme, bien que nous nous définissions par notre nature divisée, nos institutions politiques nationales sont mal équipées pour en tenir compte. John A. Macdonald, le principal architecte des institutions politiques nationales du Canada, a défini pour le Sénat un rôle qui ne cadre pas facilement avec les exigences du fédéralisme ou même de la démocratie représentative. Le rôle du Sénat selon lui consistait à fournir un « second examen objectif », une expression qu’il emprunta, de façon à exercer un contrôle sur le travail d’une Chambre des communes élue ou sur la démocratie40. Les membres du Sénat canadien sont nommés et non élus. Le travail du Sénat n’a pas eu beaucoup d’importance au fil des années parce que les personnes nommées au Sénat ne bénéficient pas du même degré de légitimité politique que leurs collègues de la Chambre des communes. La Chambre des communes, non le Sénat, détermine qui détient le pouvoir. Le Sénat canadien continue de se chercher un rôle véritable, sans grand succès jusqu’à maintenant41. Les principaux architectes de l’accord sur la Confédération étaient originaires du Canada-Ouest (l’Ontario) et du Canada-Est (le Québec). Ils résolurent de régler leurs inextricables problèmes politiques et, avec l’aide de l’office des colonies britanniques, ils prirent fermement les choses en main, ce qui en a incité plusieurs à considérer la Confédération comme étant un traité entre deux nations fondatrices. L’une des deux voulait protéger son identité linguistique et culturelle et pouvait compter sur plusieurs dispositions de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique qui protégeaient ses intérêts culturels, linguistiques et religieux. L’autre, le Canada-Ouest (l’Ontario), voyait dans la Confédération un moyen de se sortir de l’impasse étouffante résultant de l’Acte d’union de 1841, qui avait regroupé le Canada-Ouest et le Canada-Est. Guy Laforest écrit : « Au Québec, la Confédération a toujours été perçue par nous comme un pacte solennel entre deux nations [...]42. » Gregory Mahler rapporte que, selon des sondages d’opinion publique, 49 % des Canadiens estiment que le Canada résulte d’un pacte entre deux peuples fondateurs tandis que 46  % estiment qu’il résulte d’un pacte entre 10 provinces égales43. Le célèbre historien Arthur Lower écrit  : «  Il y a eu jusqu’ici deux

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Canadas, habités par deux peuples. Au sens le plus strict, il ne peut y avoir une Histoire du Canada. Il peut y avoir des histoires du Canada français. Il peut y avoir des histoires du Canada anglais44. » Les Provinces maritimes et, plus tard, les provinces de l’Ouest devinrent un appendice de l’entente entre les deux nations. C’est ce qui a amené Gordon T. Stewart à écrire  : «  Même si elles ont eu une influence sur la formation des gouvernements et sur les positions adoptées par le Parlement après 1867, et bien qu’elles aient certainement réussi à attirer l’attention sur des sujets particuliers, les Provinces maritimes et les provinces de l’Ouest n’ont pas modifié fondamentalement la culture politique déjà établie dans les Canadas d’avant 186745. » C’est bien là que réside le problème. Les politologues, historiens et économistes ont fait valoir que le Canada est profondément divisé en régions qui se distinguent fortement les unes des autres par le comportement de l’électorat46, le rendement économique47, l’opinion publique48, la langue49 et la culture politique50. Contrairement à d’autres fédérations, le Canada a beaucoup misé sur les gouvernements provinciaux pour favoriser l’expression des différences régionales. Les politiciens et les politiciennes qui sont en mesure d’exploiter les différences régionales en se concentrant sur les questions favorables aux régions densément peuplées sont récompensés en obtenant davantage de sièges à la Chambre des communes. Le parti politique qui remporte le plus de sièges aux Communes est récompensé en obtenant le pouvoir politique. Lors des élections présidentielles américaines de 2016, les deux principaux candidats étaient de New  York. Le fait que tous deux venaient de la plus grande ville du pays n’a posé aucun problème. Les choses seraient différentes au Canada si deux ou trois chefs des grands partis politiques étaient tous originaires de Toronto, Montréal, Calgary ou Halifax. Il est hautement improbable qu’une telle situation se produise. Le facteur régional est beaucoup trop important en politique canadienne et un parti politique verrait rapidement un avantage stratégique à se choisir un chef issu d’une autre région. Pourtant, les différences régionales au Canada ne reçoivent pas une attention suffisante de la part des institutions politiques nationales, à moins qu’elles ne soient ancrées dans les provinces à forte rentabilité électorale que sont l’Ontario et le Québec. Les États-Unis ont un Sénat qui donne une voix crédible aux régions, grandes et petites, et un Collège électoral qui est susceptible d’empêcher que le choix d’un futur président ou d’une future présidente ne repose uniquement sur la représentation selon la population. On se

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souviendra que Hillary Clinton a perdu les élections même si elle a remporté le vote populaire par une bonne marge – 65 844 954 voix contre 62 979 879, un écart de 2 865 075 voix. Au terme d’une campagne qui avait pourtant été chargée d’émotion et qui avait semé la division, les Américains ont accepté ce résultat, et il a été très peu question du Collège électoral ou du fait que les deux principaux candidats étaient originaires de la ville la plus peuplée du pays. Le Canada n’offre pas le même genre de protection aux régions peu peuplées que celle qui existe dans d’autres fédérations. Depuis l’époque de John A. Macdonald et de George Brown jusqu’à ce jour, le Canada a fait peu de cas du facteur régional dans le fonctionnement de nos institutions nationales. Nous respectons la tradition britannique qui lie la démocratie au principe « un citoyen, un vote ». Andrew Coyne, chroniqueur bien connu du National Post, l’a exprimé dans ces termes : « il faut se porter à la défense du principe même de la démocratie. Alors voici. La démocratie est fondée essentiellement sur la croyance que tous les citoyens ont la même valeur et les mêmes droits. C’est pourquoi chaque citoyen a un vote; c’est aussi le principe qui sous-tend la doctrine du gouvernement par la majorité. C’est pourquoi l’on dit que les gouvernements ne gouvernent qu’avec le consentement des gouvernés et pourquoi Winston Churchill a déclaré que, dans une démocratie, les gouvernements sont nos serviteurs et non nos maîtres51. » Coyne ne tient pas du tout compte des exigences du fédéralisme en matière de représentation régionale. Les États-Unis, l’Allemagne, la Russie et l’Australie, qui ont tous comme le Canada un système parlementaire inspiré de celui de Westminster, en tiennent compte. Le régionalisme est loin d’être le seul défi auquel les institutions politiques nationales du Canada sont confrontées. Ceux et celles qui étudient le gouvernement font valoir que nous vivons dans un monde « post-démocratique » dont l’avènement a été causé par la mondialisation, les marchés financiers mondiaux, les médias sociaux et le retrait des citoyens de la participation politique. Ils soutiennent que les institutions représentatives officielles sont demeurées en place, mais que le siège des décisions politiques s’est déplacé ailleurs52. Le Canada n’est pas différent. La capacité du gouvernement de gouverner tout en démontrant une certaine réceptivité afin de préserver la confiance du public envers le système politique est mise à l’épreuve53. Si les Canadiens veulent savoir où est situé le pouvoir politique, ce n’est pas du côté du Parlement, des partis politiques, du Cabinet ou de la bureaucratie qu’ils doivent regarder, mais bien

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du côté du premier ministre, de ses proches conseillers, des grands lobbyistes et de l’élite économique. Les institutions politiques et administratives officielles continuent néanmoins de fonctionner essentiellement comme elles l’ont toujours fait. Autrement dit, nous n’avons pas su réformer nos institutions officielles pour répondre à l’évolution de la situation. Les institutions officielles du Canada ont acquis une capacité bien rodée de donner l’impression de se transformer tout en pratiquant l’immobilisme. Si changement il y a eu, c’est la concentration de plus en plus grande du pouvoir entre des mains de moins en moins nombreuses. Quel est le plus grand défi qui se pose à la démocratie représentative? Ganesh Sitaraman soutient qu’aux États-Unis il s’agit de l’effondrement de la classe moyenne et de l’inégalité économique croissante54. Qu’en est-il au Canada? La liste des réponses qui s’offrent à nous ne cesse de s’allonger : au sommet, nous trouvons l’incapacité de nos institutions politiques nationales de définir les réalités régionales et d’en tenir compte, le pouvoir grandissant du premier ministre, l’incapacité du Parlement de s’acquitter de ses responsabilités les plus importantes, l’évolution rapide du rôle des médias, la contraction de l’économie mondiale, l’impression chez les Canadiens de ne pas être adéquatement représentés, la dérive de la bureaucratie fédérale et la perte de son prestige auprès de la population canadienne55. Le concept des deux nations à l’origine du Canada est de plus en plus contesté. Stéphane Paquin a qualifié de mythe le concept des deux peuples fondateurs, affirmant qu’il est peu étayé par les faits historiques et qu’il a été inventé par les politiciens pour inciter les électeurs à penser comme eux56. Peter Russell, qui a déjà reconnu une certaine valeur au concept des deux nations, croit maintenant qu’il y a trois Canadas : le Canada anglais, le Canada français et le Canada autochtone57. Les transformations sociales, économiques et politiques survenues au Canada depuis les années 1960 ont fait en sorte que les Canadiens sont moins enclins à considérer le Canada comme l’union de deux nations définies par deux peuples fondateurs. Ils voient le Québec comme un élément seulement de la diversité canadienne, si important soit-il. Pendant ce temps, de fortes critiques continuent de s’élever de la part des régions. Un sondage d’opinion publique révèle que, dans 8 des 10 provinces, une majorité des répondants ne croient pas que leur province reçoive sa juste part de retombées des décisions nationales importantes. Il n’y a qu’en Ontario et au Québec qu’une majorité des répondants pensent que

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leur province reçoit sa juste part des retombées des décisions nationales importantes et qu’elle est traitée par le gouvernement fédéral avec le respect qu’elle mérite58.

fai re a p p e l à l’ in s t it u t io nnali sme hi stori que p o u r t ro u v e r d es réponses L’histoire est importante en toutes choses, et nulle part n’est-ce plus évident qu’en matière de politique et de gouvernement. Je soutiens que la dépendance trajectorielle (path dependency) de la démocratie canadienne est plus marquée que celle des autres démocraties occidentales pour plusieurs raisons. Nous avons une Constitution conçue pour un État unitaire, non pour une fédération, qui est aussi particulièrement rigide, et des institutions politiques nationales qui privilégient les intérêts économiques de certaines régions au détriment d’autres régions. Je reconnais que les circonstances socioéconomiques sont en constante évolution et que les considérations politiques partisanes, les guerres, les crises et récessions économiques, le fonctionnement de l’économie mondiale et les progrès dans le domaine des communications forceront immanquablement tout gouvernement à réagir, à changer de cap ou à lancer une nouvelle politique. Les politiciens sont motivés par des considérations électorales et mettent en œuvre le genre de changements qu’ils croient susceptibles d’assurer l’élection de leur parti. Les gouvernements au Canada ont accueilli favorablement le changement, mais ils l’ont fait largement en agissant à l’extérieur des institutions politiques et, en particulier, à l’extérieur de la Constitution. Du même coup, ils ont créé de nouvelles formes de dépendance trajectorielle qui guident le cours des événements dans pratiquement tous les domaines clés d’intérêt public au pays. L’institutionnalisme historique soutient que les institutions et les individus qui y sont en poste sont partie prenante de relations qui échappent à leur contrôle. Comme l’explique Guy Peters, les choix sont faits « dès la création de l’institution et ils exerceront une influence persistante sur ses agissements durant le reste de son existence59 ». Si l’institutionnalisme historique n’est pas sans lacunes, il offre néanmoins la possibilité d’améliorer la compréhension des rouages des institutions politiques du Canada60. Il va sans dire que les facteurs individualistes, c’est-à-dire le travail, les opinions et les partis pris d’individus, contribuent à expliquer les événements politiques et l’évolution des politiques. J’affirme toutefois que les arrangements institutionnels ancrés

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dans l’histoire ont une plus grande importance dans le contexte canadien que dans d’autres États, et qu’ils sont à l’origine de la plupart des conflits politiques au Canada et même de changements graduels en matière de politiques. La forme et la nature des institutions politiques nationales du Canada ont exercé et continuent d’exercer une influence déterminante sur les processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions au pays, et sur le comportement de nos politiciens et de nos fonctionnaires61. Ce livre explore comment et pourquoi. On a contesté l’institutionnalisme historique en alléguant que, s’il permet d’expliquer la persistance d’une politique une fois qu’elle est en place, il ne suffit pas à expliquer l’adoption initiale d’une politique ou d’un programme62. Je maintiens que, dans le contexte canadien, l’institutionnalisme historique contribue grandement à expliquer non seulement l’adoption initiale d’une nouvelle approche, mais aussi la persistance d’une orientation politique. Le Canada constitue un excellent laboratoire pour y appliquer l’institutionnalisme historique en vue d’améliorer la compréhension de la problématique. Comme je l’ai noté, la Constitution du pays est rigide, et ses principales institutions politiques et administratives ont été importées d’un pays qui présentait et présente encore des différences à la fois importantes et minimes avec le Canada. En bref, le thème central de cet ouvrage s’articule autour d’un cadre d’analyse axé à la fois sur l’histoire, les institutions et la dépendance trajectorielle. L’ouvrage défend la thèse selon laquelle le changement est difficile au Canada parce que les Pères de la Confédération ont construit nos institutions politiques et administratives d’après l’expérience historique et culturelle britannique sans faire l’effort ni manifester le désir de prendre en compte les réalités canadiennes. Le livre retrace l’évolution de ces institutions et traditions dysfonctionnelles héritées dans le contexte canadien. La géographie permet d’expliquer pratiquement tout ce qui touche au Canada et elle est fondamentale pour comprendre le fonctionnement de la démocratie canadienne. Les Canadiens pensent en termes d’espace. Nous avons le Canada anglais et deux ou trois Canadas français, les peuples autochtones, le consensus laurentien, l’aliénation de l’Ouest, le Mouvement des droits des Maritimes, le Nord, les Prairies et le centre industriel du pays. Pourtant, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 ne fait aucune allusion à l’espace ou au territoire. L’accent porte sur les droits linguistiques et religieux, noms de code éloquents pour désigner le concept des deux nations ou un compromis entre deux peuples63.

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Le Canada a importé sa Constitution et ses institutions politiques d’un pays où la géographie n’a jamais été aussi prédominante dans la vie la politique qu’elle l’a été et le demeure au Canada. Les institutions politiques d’inspiration britannique sont insensibles à l’espace parce que cela est conforme à l’histoire et au caractère national de l’Angleterre, parce que l’Angleterre est un État unitaire – quoique engagé sur une pente glissante depuis quelque temps – et parce que les principaux clivages qui s’y trouvent ne sont pas de nature géographique. C’est une chose que d’être insensible à l’espace en Angleterre, mais c’est une tout autre chose que de l’être au Canada. Rappelons que les Pères de la Confédération en avaient très peu à dire sur la façon de combiner le système parlementaire de type Westminster et le fédéralisme64. Richard Simeon l’a bien résumé en faisant remarquer  : «  Les institutions politiques nationales sont incapables de servir d’arène centrale pour concilier les intérêts régionaux et nationaux [...] ces lacunes [...] sont inhérentes au système65. » Le système comportait des lacunes dès le jour de la création du Canada, à commencer par le Sénat. Les premiers ministres ont misé sur le Cabinet pour donner une voix aux régions ou exprimer leur point de vue à Ottawa. Il est cependant nécessaire que les régions soient équitablement représentées parmi les membres du Cabinet afin que celui-ci soit en mesure de remplir ce rôle et qu’il puisse jouer un rôle significatif dans l’élaboration des politiques, des programmes et des initiatives. Si le Cabinet n’est guère plus qu’un groupe de consultation auprès du premier ministre, cela soulève des questions fondamentales auxquelles il faut répondre, notamment : Le Cabinet est-il en mesure de donner une voix aux régions? Le Cabinet méritet-il encore « le secret de ses délibérations66 »? Si la réponse est non, les conséquences sont évidentes en ce qui concerne une des pierres angulaires d’un système parlementaire d’inspiration britannique en place dans une fédération. La politique canadienne a cherché à concevoir des politiques publiques et des programmes en fonction de divisions spatiales – j’en veux pour exemple le programme de péréquation. Mais les mesures de compensation n’ont jamais réussi à aller au cœur de la question. Elles ont plutôt donné lieu à ce que March et Olsen appellent une «  logique de convenance  ». D’autres initiatives en vue d’adapter les programmes à la situation économique particulière des régions ont été éphémères ou très controversés67. Encore une fois, hormis la Charte des droits et libertés, les réformes menées au Canada ont été technocratiques plutôt que structurelles.

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Qu’en est-il de la fonction publique? J.E. Hodgetts, le père de l’administration publique au Canada, a affirmé que la fonction publique a dû tenir compte des «  conditions  » imposées par la géographie dans l’établissement d’objectifs et la prestation de programmes68. Pourtant, la fonction publique canadienne, tout comme les institutions politiques nationales qu’elle sert, a été modelée sur la fonction publique britannique de par sa conception et sa structure. L’organisation de la fonction publique canadienne repose sur le principe de l’efficacité technocratique et sur des axes sectoriels, ce qui, comme l’a souligné Alan Cairns, « la rend intrinsèquement hostile au critère de la représentativité  » et entraîne un parti pris pour l’uniformité là où les considérations régionales sont largement non pertinentes pour la structure organisationnelle des ministères69. La fonction publique du Canada est également aux prises avec d’autres défis. J’ai fait valoir dans un autre ouvrage que l’entente traditionnelle qui guidait les relations entre les politiciens et les fonctionnaires a été rompue70. Les fonctionnaires eux-mêmes posent des questions fondamentales sur leur rôle, qu’il s’agisse d’élaborer des politiques, de conseiller les ministres ou encore d’assurer la prestation des programmes et services71. Ce livre démontre que la démocratie canadienne doit relever quatre défis de taille. Tout d’abord, les institutions politiques nationales demeurent incapables de tenir compte du facteur régional dans l’élaboration des politiques et d’exercer leurs activités conformément aux conventions constitutionnelles qui sous-tendent le gouvernement parlementaire fondé sur celui de Westminster. Deuxièmement, la bureaucratie gouvernementale a perdu ses repères et n’est plus en mesure de répondre aux attentes des politiciens et des citoyens. De plus, le citoyen moyen croit que les institutions politiques nationales servent les intérêts de ceux qui y sont en poste, de l’élite économique et des groupes d’intérêt au détriment de ses propres intérêts. Enfin, la reddition de comptes au sein du gouvernement ne répond plus aux exigences actuelles en raison de l’essor des nouveaux médias, du travail des lobbyistes et des appels incessants à une plus grande transparence.

a p e rç u d e l’ étude La tâche de répondre aux questions exposées plus tôt constitue un programme très ambitieux. Nous devons examiner l’histoire, les circonstances dans lesquelles le Canada a vu le jour, et passer en revue les ouvrages des philosophes occidentaux qui ont profondément

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marqué les institutions démocratiques. Il faut aussi explorer comment les institutions politiques et administratives inspirées du modèle de Westminster ont pris forme et comment le Canada a cherché à les adapter aux conditions sociales, politiques et économiques du pays. La population du Canada est également un facteur important pour comprendre le fonctionnement de la démocratie canadienne. Le Canada a rejeté depuis longtemps l’approche du creuset américain (le melting pot) pour forger son identité nationale. Le Canada se caractérise par deux langues officielles, la diversité régionale, des politiques multiculturelles, et des communautés autochtones qui se tournent depuis peu vers les tribunaux plutôt que vers les institutions politiques pour se faire entendre. Il en résulte d’importantes conséquences pour nos institutions politiques et administratives nationales. Le Canada a évolué au cours de ses plus de 150 ans d’existence. De nouvelles provinces se sont ajoutées, la taille et la portée de son administration publique se sont accrues, et le fédéralisme a pris de nouvelles formes en grande partie en dehors du cadre constitutionnel. Les Pères de la Confédération définirent un rôle très limité pour les gouvernements provinciaux, qu’ils considéraient comme subordonnés au gouvernement fédéral. La société moderne et l’État-providence ont cependant refaçonné le fédéralisme canadien au point que les Pères de la Confédération ne le reconnaîtraient pas aujourd’hui. Exception faite des modifications apportées en 1982, la Constitution écrite du Canada est restée inchangée, largement figée dans le temps, à mesure que l’État moderne prenait forme. Le Parlement et, ces dernières années, le Cabinet ont été mis de côté. Un gouvernement centré sur le premier ministre, qui agit de concert avec des conseillers politiques partisans choisis et des hauts fonctionnaires, se trouve au cœur de toutes les décisions importantes. Le premier ministre et une poignée de courtisans triés sur le volet ont pleinement accès aux leviers du pouvoir politique. Les membres ordinaires des partis politiques et les simples députés aux Communes sont laissés pour compte tout en se faisant dire de suivre la ligne de parti. Il devient de plus en plus difficile, cependant, de suivre la ligne de parti pour diverses raisons. Nous devons étudier toutes ces questions pour acquérir une compréhension exhaustive des défis que doit relever la démocratie représentative canadienne. On demande à la bureaucratie de se réinventer et, en même temps, on lui demande de ne pas toucher à ce qui peut rester tel quel dans ses rapports avec les politiciens, les médias et le Parlement. Des sondages

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menés auprès des fonctionnaires fédéraux indiquent qu’un grave problème de démotivation se fait maintenant sentir dans la fonction publique. Il n’est pas exagéré de dire que la fonction publique fédérale est une institution en état de siège. Dans un autre ouvrage, j’ai comparé la fonction publique fédérale à une grosse baleine qui est incapable de nager. J’ai été surpris du nombre d’anciens politiciens et hauts fonctionnaires qui m’ont dit que j’avais raison. La question la plus importante est : pourquoi? Il nous faut analyser en détail cette question ainsi que l’état des institutions administratives nationales les plus importantes du Canada. Les médias avec lesquels les politiciens et les fonctionnaires doivent maintenant entretenir des relations sont bien différents de ceux d’il y a à peine une vingtaine d’années. Les médias jouent un rôle essentiel au bon fonctionnement de la démocratie représentative. De grands segments du secteur des médias sont devenus des chambres d’écho que l’on consulte pour entendre ce que l’on souhaite entendre. Comment les politiciens et les hauts fonctionnaires font-ils pour gérer les relations avec des médias qui sont morcelés au point où quiconque a un téléphone mobile est journaliste? Comment nos institutions politiques et administratives peuvent-elles alors traiter avec les médias traditionnels, les nouveaux médias et les médias sociaux? Les tribunaux façonnent l’élaboration des politiques publiques et même la mise en œuvre des programmes dans une mesure que les politiciens n’auraient pas pu imaginer il y a moins de 40 ans. L’ancienne juge en chef du Canada, Beverley McLachlin, affirme que les Canadiens peuvent «  maintenant s’adresser aux tribunaux pour contester les lois et les actions du gouvernement non seulement au motif qu’elles excèdent les pouvoirs conférés, mais aussi au motif qu’elles portent atteinte à des droits fondamentaux72 ». Bref, les Canadiens sont maintenant en mesure de contester la sagesse de leurs dirigeants politiques par l’entremise des tribunaux. Peter Russell explique que les Canadiens sont de plus en plus désillusionnés par le fonctionnement de la démocratie représentative, qu’ils perdent vite patience envers un mode de gouvernement axé sur le débat et la discussion et se tournent donc vers les tribunaux73. Les lobbyistes sont également devenus des acteurs importants dans l’élaboration des politiques publiques et la prise de décisions au sein du gouvernement. Les lobbyistes sont embauchés par des membres de l’élite économique pour convaincre les décideurs gouvernementaux de la vérité – telle que la conçoivent leurs clients. Dans un monde post-vérité, les hommes et les femmes politiques ont

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la possibilité de se tourner vers des lobbyistes rémunérés pour obtenir une deuxième opinion au sujet de n’importe quelle question stratégique; il y a même des lobbyistes qui travaillent pour le compte de l’industrie du tabac. On trouve toujours à Ottawa un lobbyiste disponible pour dire le genre de vérité qu’un politicien veut entendre74. Je termine en demandant  : quel est l’état de santé de la démocratie canadienne? Je me penche sur la façon dont nos institutions politiques nationales ont évolué au fil du temps en faisant voir comment elles se sont adaptées dans certains domaines, mais non dans d’autres.

p r e m i è r e pa r t i e

Le contexte

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Comprendre la démocratie

L’étude de la démocratie est aussi vieille que l’étude de la philosophie et presque aussi vieille que l’écriture dans la littérature occidentale. Les travaux de philosophes politiques ont eu, à travers les époques, une influence profonde sur l’évolution de la démocratie représentative, y compris la démocratie canadienne. Les éminents penseurs ont poussé les monarques et les dirigeants politiques à façonner ou à réformer les institutions politiques, tout en fournissant des munitions à d’autres personnes qui réclamaient du changement. S’ils n’ont pas toujours été la source du changement, leurs travaux ont souvent été invoqués pour justifier le changement. Les ouvrages de Platon sur l’éthique, la justice et la meilleure façon d’organiser la direction politique d’une collectivité sont encore pertinents de nos jours1. Platon a exploré les aspects moraux de ces questions, mettant en garde contre « la contagion de la convoitise malveillante et la soif du pouvoir », et il a cherché à expliquer l’instabilité de la démocratie directe d’Athènes2. Platon a ouvert la voie pour d’autres. Après Platon et Aristote, les ouvrages de Cicéron, Thomas Hobbes, John Locke, Thomas Paine, Alexis de Tocqueville, John Stuart Mill et Walter Bagehot, parmi d’autres, en sont venus à influencer notre conception de la démocratie, la façon dont les diverses formes de démocratie représentative se sont développées au fil des années et la façon dont les institutions politiques devraient fonctionner. Leurs travaux ont paru bien souvent à un moment crucial de l’évolution des institutions politiques, notamment ceux de Hobbes au cours de la guerre civile en Angleterre, ceux de Locke lors de la Glorieuse Révolution, ceux de Bagehot au moment où se dessinaient les rouages de la monarchie constitutionnelle britannique et ceux de Paine alors

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que la Révolution américaine en était à ses premières phases. Les auteurs de la Constitution américaine – James Madison, Alexander Hamilton et John Jay – reconnurent volontiers qu’ils s’étaient inspirés de penseurs célèbres du passé dans leur travail3. On peut comprendre pourquoi les analystes et les praticiens du gouvernement soutiennent que l’œuvre de Platon ou de Cicéron, par exemple, a peu à offrir aux démocraties représentatives. Platon était loin d’être un démocrate. Les démocraties libérales et nos institutions politiques sont cependant le produit de nombreux petits courants de pensée dont certains remontent à la Grèce antique. Pourtant, la démocratie libérale occidentale telle que nous la connaissons est une création relativement récente. Comme nous l’avons noté, elle requiert beaucoup plus que la simple tenue d’élections visant à choisir les dirigeants politiques; elle implique la primauté du droit, la protection des droits et libertés individuels, le multipartisme concurrentiel, la liberté de la presse, la protection des minorités et la stabilité administrative. La démocratie canadienne n’a pas surgi du néant. Les institutions de la Grande-Bretagne – de la monarchie au Parlement et à la common law en passant par son appareil bureaucratique – ont eu un effet déterminant sur la façon dont la démocratie représentative a pris forme au Canada et sur la façon dont fonctionnent les institutions canadiennes encore aujourd’hui. Pour leur part, les institutions de la Grande-Bretagne, à leur tour, ont été façonnées par l’évolution de la situation du pays, par l’histoire et par les idées des philosophes politiques. Il faut faire un bref survol des événements les plus importants qui ont donné forme aux gouvernements parlementaires de type Westminster pour bien comprendre comment la démocratie canadienne a vu le jour et comment elle fonctionne présentement.

l e s d é b uts Les personnes qui s’intéressent à la démocratie doivent souvent remonter jusqu’à l’époque où tout a commencé – l’Antiquité grecque, 500 ans avant Jésus-Christ – pour répondre à la question séculaire : qui doit détenir le pouvoir sur les autres et comment l’obliger à répondre de ses actes? On peut même retracer l’origine de certains éléments de la démocratie représentative canadienne dans la démocratie d’Athènes. La démocratie athénienne tenta d’abolir les privilèges et le pouvoir politique dont jouissaient les aristocrates sur les autres membres de la société. Dans ce sens, la démocratie athénienne

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introduisit la notion d’égalité, une notion qui a résisté à l’épreuve du temps pour devenir la composante la plus importante de la démocratie représentative. Comme l’a fait remarquer Josiah Ober, pour « la première fois dans l’histoire écrite d’une société complexe, tous les hommes libres nés dans cette société, indépendamment de leur capacité, de leur réseau familial ou de leur richesse, étaient sur un pied d’égalité politique et jouissaient d’un droit égal de déterminer la politique de l’État et d’en débattre4 ». Cela ne veut pas dire pour autant que l’égalité a eu une seule signification qui transcende le temps. L’égalité était étroitement définie dans la démocratie athénienne  : seuls les hommes âgés de plus de 18 ans accédaient au statut d’« égalité ». Ils étaient 40 000 sur une population de 260 000 personnes, qui comprenait 100 000 citoyens, 150 000 esclaves et 10 000 résidents étrangers5. La démocratie directe athénienne jeta cependant les bases des institutions politiques qui ont suivi, y compris celles du Canada. Elle comptait une assemblée (c.-à-d. le Parlement actuel) regroupant les 40 000 hommes citoyens de plus de 18 ans. Tous pouvaient assister aux sessions de l’assemblée, soit une quarantaine par année, mais seulement environ 5  000  d’entre eux y prenaient part. Lors de ces réunions, l’assemblée prenait toutes les décisions importantes concernant la guerre et faisait toutes les lois. Un autre organe se composait de 500 hommes adultes qui siégeaient à un conseil (que l’on pourrait associer, en forçant un peu la note, au Cabinet et à la bureaucratie modernes) durant un an. Ces hommes étaient choisis au hasard parmi l’assemblée de 40  000  hommes, et non par voie d’élection. Ils se réunissaient souvent et dirigeaient tout, jusqu’aux détails des affaires quotidiennes. Le processus de sélection aléatoire rendait impossible l’émergence d’une bureaucratie permanente, et tous les membres du conseil devaient répondre directement de leurs décisions et de leurs dépenses devant l’assemblée. Une troisième institution, les tribunaux populaires, jouait également un rôle constitutionnel important en examinant les lois et en entendant les parties lésées. Pour y servir, il fallait être membre de l’assemblée et âgé d’au moins 30 ans. Les tribunaux avaient toute l’autorité nécessaire pour prendre n’importe quelle décision qu’ils jugeaient appropriée6. Bref, la cité-état (polis) grecque offrit effectivement des leçons importantes aux analystes du gouvernement et à toutes les personnes chargées de concevoir des institutions politiques. L’une de ces leçons, c’est qu’il n’est pas nécessaire qu’une société soit gouvernée par des rois et qu’il existe d’autres formes de gouvernement. Une autre leçon,

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c’est qu’on peut dégager de la cité-état grecque les grandes lignes de la façon dont la démocratie fonctionnerait peut-être dans l’avenir : un parlement ou une assemblée, un organe exécutif et les tribunaux. La démocratie directe athénienne fut de courte durée, et la société d’Athènes dériva à nouveau vers une aristocratie ou une oligarchie. Les raisons du déclin de la polis grecque ont suscité de nombreux débats au cours des siècles. Bien sûr, les conflits militaires furent l’une de ces raisons. Toutefois, il y avait aussi certaines déficiences structurelles qui non seulement sonnèrent le glas de la démocratie directe, mais également valurent à la démocratie même une mauvaise réputation qui allait perdurer pendant des siècles, même jusqu’au jour de la naissance du Canada, en 1867. La chute de la polis grecque explique aussi pourquoi certains grands philosophes politiques de l’histoire n’ont pas toujours reconnu les avantages de la démocratie. C’est le cas de Platon, par exemple, qui affirmait dans La République que la conduite des affaires publiques était trop complexe et trop exigeante pour être confiée à n’importe qui ou aux gens ordinaires. Platon compara les navires de l’État à tout navire qui exige un capitaine compétent. Il fallait que des gouverneurs compétents soient à la barre de l’État, faisait-il valoir, des représentants qui connaissent les lois, l’éthique et les questions militaires. Platon affirmait aussi que les gens ordinaires n’avaient pas le jugement nécessaire non seulement pour prendre des décisions appropriées sur la façon de diriger le navire de l’État, mais aussi pour décider qui devrait le diriger. De nombreux Américains qui ont voté contre Donald Trump seraient sans doute d’accord avec lui. Selon l’argument de Platon, le peuple n’est pas toujours intéressé à acquérir les connaissances lui permettant de prendre des décisions éclairées au sujet de la personne la mieux en mesure de gouverner. Platon mit toutefois en garde contre l’idée de céder le gouvernail à la classe aisée ou à l’armée. Il estimait plutôt qu’il fallait le confier à un groupe de rois philosophes chargés de gérer les affaires de l’État7. Il est impossible de rendre justice en quelques courts paragraphes aux précieuses contributions de Platon qui ont résisté à l’épreuve du temps. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’on peut difficilement décrire La République de Platon comme un traité prônant la démocratie, mais que l’ouvrage a eu néanmoins une influence profonde sur les praticiens et les écrits qui ont suivi à travers les âges. Platon souleva des problèmes qui sont encore présents de nos jours dans tout le monde occidental, y compris au Canada. C’est le cas, entre autres, de

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la difficulté de transmettre aux électeurs les connaissances requises pour prendre des décisions éclairées, et de la tendance du pouvoir à se diriger vers ceux dont la voix se fait entendre le plus fortement, ce qui donne parfois lieu à des décisions irrationnelles. L’œuvre de Platon a fourni des munitions à ceux qui voyaient des lacunes importantes dans la démocratie.

l a d é m o c r at ie e n vei lleus e Le mot « démocratie » a eu une connotation péjorative durant près de 2  000  ans. Avant la parution de Rights of Man (Les droits de l’homme), de Thomas Paine, en 1791, rares étaient les voix qui s’élevaient où que ce soit parmi les praticiens ou même les philosophes politiques pour appuyer la démocratie sous quelque forme que ce soit8. Il ne fallait pas avoir confiance dans la démocratie. Rome était gouvernée par des aristocrates. Elle intégra néanmoins des freins et des contrepoids dans son système de gouvernement, une innovation dont l’influence se ferait sentir sur de futurs régimes gouvernementaux, en particulier aux États-Unis mais aussi au Canada. Bien qu’elle n’ait jamais produit une constitution écrite, la forme de gouvernement de la République romaine institua les trois organes du gouvernement que nous connaissons encore aujourd’hui, soit les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La République romaine se transforma en un empire dans lequel, à mesure qu’il prenait de l’expansion, le pouvoir se concentra entre les mains de l’empereur. L’empereur jouait plusieurs rôles, dont ceux de commandant en chef, grand prêtre, chef du gouvernement et de la bureaucratie et même source de toutes les lois9. Dans les provinces, il incarnait Dieu10. Il n’était cependant pas le vicaire des dieux, mais un homme à qui le Sénat avait conféré le pouvoir politique, de sorte que son pouvoir lui venait des hommes plutôt que de Dieu ou des dieux, ce qui constitue une différence importante11. Les dirigeants qui affirmaient détenir leur pouvoir directement de Dieu prétendaient également ne répondre de leurs décisions que devant Dieu. L’empereur dominait la vie politique et administrative à Rome. Toutes les décisions importantes, et même certaines décisions mineures, lui étaient déférées et émanaient de lui. Il existait toutefois certaines contraintes. Ainsi, les empereurs romains qui ne se souciaient pas du Sénat le faisaient à leurs risques et périls. Comme le souligne Samuel Finer, « l’expérience aurait dû démontrer que cela [défier le Sénat] était mal avisé : les quatre empereurs qui avaient

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ouvertement terrorisé le Sénat – Caligula, Néron, Domitien et Commode – connurent tous une fin tragique, mais pas les Antonins, qui se firent un devoir de coopérer12. » On retient donc qu’il existait bel et bien un pouvoir législatif même s’il était peut-être faible comparativement à l’empereur et à son pouvoir politique, et que les empereurs durent apprendre à s’en accommoder, sinon ils le payaient cher. Avec le temps, le pouvoir législatif est devenu l’élément central de la démocratie représentative dans tout le monde occidental. Il a toutefois perdu de son importance ces dernières années, notamment au Canada. Il y a deux autres innovations pertinentes que nous devons mettre en lumière  : le code de lois romain et le rôle de la bureaucratie. L’empereur Justinien s’appuya sur une longue tradition d’élaboration de lois à Rome pour produire son «  Code Justinien  ». Non seulement le code préserva pour la postérité une expérience unique menée au sein du gouvernement romain, mais aussi il fit connaître en Europe et au-delà les fondements des systèmes juridiques qu’on trouve maintenant dans l’ensemble du monde occidental, y compris au Canada. L’existence d’un ensemble de lois signifiait que le pouvoir ne pouvait pas, ou du moins ne devait pas, se retrouver entre les mains d’un souverain absolu. Cette situation contrastait fortement avec les régimes de gouvernement où le pouvoir incombait à un monarque absolu qui promulguait des lois applicables à tous sauf à lui-même. Puisqu’il était la source des lois, il était au-dessus des lois. Par ailleurs, Rome mit aussi en place une bureaucratie pour gérer son empire, contrairement à la Grèce antique. Néanmoins, la bureaucratie impériale connut une croissance très lente et ne comptait que 30 000 travailleurs au 4e siècle. Il importe de souligner que la fonction publique adopta le modèle militaire même si elle avait une identité distincte de l’armée. Elle avait elle aussi une chaîne de commandement, une hiérarchie et une échelle salariale progressive. Les responsabilités y étaient réparties par fonction, certains travailleurs étant affectés à la résidence de l’empereur, tandis que d’autres étaient responsables de la rédaction des lois et que d’autres encore étaient chargés des transactions financières. Les emplois de la fonction publique étaient répartis en deux catégories : les postes supérieurs et les postes subalternes, un peu comme la fonction publique de la Grande-Bretagne, des années plus tard. Les postes supérieurs étaient attribués à des individus nommés pour une courte durée et étaient la chasse gardée de l’aristocratie. Ces postes étaient considérés comme des récompenses qu’il fallait mériter en vue non pas

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de gagner de l’argent ou d’acquérir de l’influence politique, puisque les aristocrates possédaient déjà les deux, mais pour accroître son « honneur ». Les postes subalternes étaient occupés par des fonctionnaires de carrière dont les salaires étaient plutôt modestes. Ceux-ci avaient toutefois la possibilité d’augmenter leur salaire en exigeant des frais pour les services qu’ils fournissaient13. Les empereurs reconnaissaient tout de même qu’ils avaient besoin d’une bureaucratie pour les aider à diriger les activités du gouvernement et ils empruntèrent à l’armée son modèle de commandement et de contrôle, un modèle qui a survécu à l’épreuve du temps jusqu’à ce jour, notamment au Canada.

l e s l e ç o n s t ir é e s de ci céron Cicéron était un observateur attentif et un auteur ainsi qu’un politicien actif, ce qui lui coûta la vie. Ses commentaires et ses écrits au sujet des événements politiques à Rome ont eu une influence profonde sur la pensée politique occidentale. Par exemple, Thomas Jefferson affirma que Cicéron l’avait fortement influencé lors de la rédaction de la Déclaration d’indépendance et qu’il l’avait aidé à mieux comprendre les droits publics14. Les révolutionnaires français invoquèrent Cicéron comme source d’une influence déterminante, et Camille Desmoulins souligna que l’œuvre de Cicéron avait été un facteur important dans la Révolution française15. Des mots de Cicéron sont même inscrits sur le mur nord du Sénat canadien : « Il incombe aux dirigeants de s’opposer à la légèreté de la multitude. » Cette phrase illustre l’influence durable de Cicéron, mais aussi le rôle que John A. Macdonald décida d’accorder au Sénat : celui de second examen objectif, de contrepoids à la démocratie représentative. Les contributions durables de Rome et de Cicéron étaient centrées sur une meilleure compréhension du droit public et de la justice. Cicéron traita d’une loi morale supérieure qui existait avant même l’écriture. Il souligna l’importance des lois qui transcendent le temps et même les contextes, laissant ainsi entendre que les lois devraient être les mêmes à Athènes et à Rome. Cicéron estimait également que le gouvernement est un organe qui a l’obligation morale de servir la collectivité en général. Bref, Cicéron affirmait que le gouvernement existe pour servir la société, faisant valoir que la société est plus vaste et plus importante que le gouvernement. Il considérait que le gouvernement exerce un rôle important en protégeant la propriété privée et il attachait beaucoup d’importance

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à ce que l’existence du gouvernement repose sur la primauté du droit et les lois écrites. Tandis que Platon s’en remettrait à des rois philosophes pour qu’ils gouvernent la société, Cicéron s’appuierait sur les constitutions et les lois écrites en tant qu’expression de lois naturelles qui devaient guider et restreindre l’action des tyrans, des monarques et de la politique16.

l a g r a n d e - b r e tag n e et la france : d e s p r é c u rseurs Des rois et des tyrans régnèrent dans toute l’Europe jusqu’à la Révolution française. À l’instar de leurs homologues européens, les rois d’Angleterre régnaient en vertu du droit divin et purent prétendre jusqu’en 1701 qu’ils n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu17. Même si les parlements commençaient à faire sentir leur présence après le 17e siècle, d’autres monarques européens, du moins ceux qui restèrent au pouvoir, réussirent à s’accrocher à cette notion beaucoup plus longtemps, dans certains cas jusqu’aux premières années du 20e siècle, comme nous l’avons vu. Les rois et les reines détenaient un pouvoir exceptionnel, ce que mettait en évidence le fait que c’était du pape ou de l’évêque qu’ils recevaient leur couronne. Le message était clair : leur mandat leur venait de Dieu, non du peuple. Ils étaient choisis par Dieu conformément à la doctrine du droit divin des rois18. Aucune autorité ne leur était supérieure sauf celle de Dieu. Aucun homme ne pouvait donc les punir s’ils enfreignaient la loi; seul Dieu pouvait le faire et uniquement dans l’au-delà. Pourtant, ils étaient aussi les chefs de « leur » peuple, et tout pouvoir politique leur était dévolu et émanait d’eux. Le trône royal n’était pas le trône de l’homme mais de Dieu, et le pouvoir royal était absolu parce qu’il provenait de Dieu et non pas des hommes19. La Couronne avait le pouvoir de réclamer l’appui de ses sujets en temps de guerre ou d’augmenter les recettes de l’État. Le roi Charles Ier rappela à ses accusateurs, mais sans succès, qu’ils ne devaient pas oublier qu’ils étaient « nés ses sujets et sujets de ces lois qui ont déterminé que le roi ne peut mal faire20 ». La Magna Carta, la Déclaration des droits et l’Act of Settlement dans le cas de l’Angleterre eurent pour effet de limiter les pouvoirs de la Couronne et, finalement, de l’obliger à rendre des comptes. Comme on le sait, les barons se révoltèrent contre les hausses d’impôt et s’emparèrent de Londres par la force en 1215. Ils obligèrent le roi Jean à approuver un document qui limitait ses pouvoirs et,

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en retour, ils renouvelèrent leur serment d’allégeance envers lui. Le roi Jean allait ensuite renier le document, mais le roi Henri  III confirma plus tard une version abrégée de la Magna Carta. Le document contenait un certain nombre de dispositions qui prévoyaient, notamment, la liberté de l’Église, de nouveaux droits féodaux, des droits judiciaires et la création d’un conseil composé des hommes les plus puissants du pays, qui travailleraient pour le bien de l’État et dans leur propre intérêt, et non simplement pour le roi. Bien que subordonné au monarque, ce conseil en viendrait avec le temps à constituer le fondement du gouvernement parlementaire de type Westminster. C’est ainsi que s’amorça la longue lutte qui mènerait à la création du Parlement – ou plutôt du roi en son parlement –, qui deviendrait une autorité entièrement souveraine, du moins en théorie. En conséquence, la Magna Carta donna l’impulsion à un certain nombre de réformes destinées à supprimer certains des pouvoirs qui avaient été concentrés en un seul individu. C’est pour cette raison, et d’autres raisons connexes, que l’on a dit de la Magna Carta que c’était « l’un des documents juridiques les plus importants dans l’histoire de la démocratie21 ». C’est au cours du règne d’Henri  III (vers 1216-1272) que le conseil fut transformé en parlement. Il fut alors établi qu’aucune loi ne pouvait être adoptée et qu’aucun impôt ne pouvait être prélevé sans le consentement du Parlement, ce qui créait un précédent, quoique les monarques aient appris plus tard à le contourner. Le Parlement n’était toutefois pas vraiment un organe représentatif; il était composé de deux chambres, l’une pour la noblesse et le haut clergé et l’autre pour les chevaliers et les propriétaires terriens. Mais le Parlement continuait de fonctionner comme une espèce de comité temporaire que le roi convoquait ou destituait au gré de ses intérêts. Le roi convoquait le Parlement chaque fois qu’il lui fallait de nouvelles recettes fiscales et le Parlement n’avait aucun moyen d’imposer sa volonté au monarque sinon que de retenir les ressources financières. Même dans ce cas, cependant, les monarques avaient des moyens de collecter de l’argent en dehors du Parlement s’il le fallait, et ils se prévalaient de cette option de temps à autre. Comme l’histoire l’a démontré à maintes reprises, les monarques d’Angleterre et d’ailleurs ne renonceraient pas facilement à leurs leviers du pouvoir. Quelque 400 ans plus tard, l’Angleterre fut plongée dans une guerre civile qui dresserait la Couronne contre le Parlement. De nombreux sujets de mécontentement menèrent à la guerre civile en Angleterre, mais le plus pertinent dans le cadre de notre propos était le désir du roi

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de gouverner sans Parlement. Charles Ier réussit durant 10 ans à s’en tenir à sa décision de ne pas convoquer le Parlement. Les choses atteignirent toutefois un point critique lorsqu’il eut besoin de nouveaux fonds pour faire face à une rébellion dans le Nord. Le Parlement répondit en dressant une liste de doléances, que le roi rejeta du revers de la main avant de dissoudre le Parlement. Il ordonna à ses forces d’attaquer l’Écosse sans le consentement du Parlement et décida de collecter des fonds par des moyens qui outrepassaient le pouvoir du Parlement. Ses forces subirent une défaite. Le roi n’eut alors d’autre choix que de convoquer à nouveau le Parlement, et le Parlement dressa encore une liste de doléances. Cette fois, les parlementaires refusèrent tout simplement d’être renvoyés et réussirent à arracher un certain nombre de concessions. En conséquence, le Parlement devint un organe permanent et non plus une composante temporaire ou intermittente de la Constitution du pays. Le Parlement parvint également à empêcher le recours à des moyens d’imposition non parlementaires. Le Parlement alla plus loin qu’il ne l’avait fait auparavant dans ses rapports avec le monarque lorsqu’il refusa d’accorder à Charles Ier les nouveaux fonds qu’il sollicitait pour l’armée, puis il décida de retirer au roi le contrôle de l’armée et de la marine pour le transférer au Parlement. Charles Ier refusa, et la guerre civile éclata. Par cette mesure, le Parlement lançait le message que le droit divin du roi de gouverner ne tenait plus et qu’il se réservait désormais toutes les décisions importantes du gouvernement. Le roi et ses soldats se rendirent au Parlement pour arrêter cinq des députés, et le roi ordonna au président de la Chambre des communes de révéler où ils se trouvaient. Le président refusa, déclarant qu’il était d’abord et avant tout au service du Parlement et non du roi, établissant ainsi sa loyauté envers le Parlement plutôt qu’envers le roi. Ce précédent a résisté à l’épreuve du temps dans les gouvernements parlementaires fondés sur le modèle de Westminster, et le Canada n’y fait pas exception. Oliver Cromwell fut l’un des signataires de l’arrêt de mort de Charles  Ier et gouverna plus tard à titre de lord protecteur de la république d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, nommé à vie. Le gouvernement de Cromwell ressemblait beaucoup à celui d’un monarque. À un certain moment, le Parlement offrit même la « couronne » à Cromwell, qui la refusa. Il fut tout de même assermenté comme protecteur, occupant le fauteuil du roi Édouard, et il détenait le pouvoir de nommer son propre successeur, un peu comme un monarque. Il conféra à son fils Richard le titre de lord protecteur mais celui-ci, n’ayant pas la force et l’appui politique de

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son père, dut démissionner moins d’un an plus tard. Le monarque fut rétabli sur le trône, et Charles II fut invité à rentrer d’exil afin de restaurer la monarchie22. Un certain nombre de nouvelles expériences constitutionnelles eurent lieu entre 1648 et 1660. Après la mort d’Oliver Cromwell, des propositions furent à nouveau avancées en vue de définir une constitution républicaine, mais elles n’aboutirent à rien  : la monarchie fut restaurée et, « avec elle, le pouvoir de légiférer du roi en son parlement  ». Ces expériences laissèrent toutefois en Grande-Bretagne un sentiment d’amertume envers les innovations constitutionnelles et l’adoption d’une constitution écrite, qui insuffla un fort parti pris en faveur d’une « adaptation pragmatique et progressive des institutions coutumières »23. Cela incita lord Alfred Tennyson à dépeindre la Grande-Bretagne comme «  un pays de gouvernement établi, un pays renommé depuis longtemps et avec raison, un pays où la liberté s’élargit lentement de précédent en précédent24 ». S’il est vrai que la plupart des lois adoptées au cours de l’interrègne furent déclarées nulles lors du rétablissement de la monarchie, l’interrègne produisit quand même un effet durable : les cours des prérogatives (prerogative courts) ne furent jamais rétablies, et les lois interdisant au monarque de prélever des impôts et d’adopter des lois sauf par l’intermédiaire du Parlement furent laissées intactes25. Son legs le plus important, dont on ressent encore les effets de nos jours en Grande-Bretagne et au Canada, est le parti pris inhérent en faveur d’une modification progressive de la forme de nos institutions politiques et administratives. Moins de 30 ans après la Restauration, toutefois, le roi et le Parlement étaient à nouveau en conflit, un conflit qui donnerait lieu à une évolution constitutionnelle importante.

l a g l o r ie u s e r évoluti on La Grande-Bretagne a elle aussi connu sa révolution, même si celle-ci ne fut pas du même genre que celles observées plus tard aux ÉtatsUnis, en France et en Russie. Ce fut en grande partie une guerre sans effusion de sang, du moins en Angleterre. Elle était néanmoins porteuse d’un message important pour la démocratie. Jacques II annonça sa conversion à la religion catholique, ce qui, conjugué au fait que la France avait réalisé des avancées militaires en Europe, sema l’inquiétude parmi la population et dans les cercles politiques en Angleterre.

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Jacques  II promut des catholiques à des postes militaires stratégiques et à des postes de direction de l’administration publique. Il les admit au sein du Conseil privé et n’hésita pas à congédier des membres de l’Église anglicane pour faire place à des catholiques. Certains craignaient que le roi n’ait délibérément embrassé la foi catholique pour en faire la religion de l’État. En 1687, le roi fit publier une déclaration d’indulgence qui abrogeait toutes les lois discriminant les catholiques. Les tensions religieuses couvaient en Angleterre depuis le milieu du 16e siècle, et beaucoup trouvaient que Jacques II attisait le feu26. Les tensions débordèrent lorsqu’on apprit que la reine, une catholique, était enceinte. On craignait qu’une nouvelle ligne de succession catholique ne soit ainsi établie. D’éminents politiciens anglais de l’époque écrivirent à Guillaume d’Orange, époux de l’héritière, Marie (fille de Jacques II), et défenseur du protestantisme en Europe contre Louis  XIV de France, pour lui demander de prendre la tête d’une armée afin de permettre au Parlement de tenir un vote libre sur la succession. Guillaume d’Orange n’eut guère de difficulté à atteindre Londres, les officiers protestants de l’armée du roi étant passés à l’ennemi. Jacques II s’enfuit en France, et le Parlement annonça qu’il avait abdiqué et offrit la couronne à Guillaume et Marie27. Mais le Parlement exigea quelque chose en retour. Guillaume et Marie devaient accepter les conditions énoncées dans une déclaration des droits. La déclaration garantit que la transition d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle était complète et irréversible. Le pouvoir était passé de la Couronne au Parlement, avant de passer au gouvernement et, plus tard, au premier ministre. La Couronne devrait désormais obtenir l’approbation du Parlement pour adopter les lois et dépenser les fonds publics. De plus, la responsabilité de déterminer l’ordre de succession incomberait au Parlement, et non plus au roi ou à la reine. La Glorieuse Révolution mit ainsi fin à la doctrine du droit divin des rois, du moins en Grande-Bretagne. Le Parlement adopta la Déclaration des droits, dont lecture fut faite à Guillaume et Marie lors de la cérémonie où on leur offrit la couronne. Ces «  droits  » sont ceux dont jouit le Parlement, et les dispositions centrales de cette Déclaration sont encore en vigueur à ce jour. Ce texte de loi posa essentiellement les jalons de l’affirmation de la souveraineté ultime du Parlement28. Il limita de nombreuses prérogatives royales, plaça certaines compétences sous le contrôle direct du Parlement et déclara qu’il était illégal de lever des fonds

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pour les fins de la Couronne « en invoquant la prérogative royale sans l’autorisation du Parlement ». De plus, il habilita le Parlement à déterminer l’identité du monarque en modifiant l’ordre de succession (à l’encontre, encore une fois, du droit divin de gouverner) et rendit le Parlement maître de ses propres affaires. Un analyste de la politique britannique résume très bien ces changements : « La Couronne a d’abord exercé le pouvoir, mais elle continue d’en être investie uniquement parce que le Parlement continue de vouloir qu’il en soit ainsi et seulement aussi longtemps qu’il le voudra29. » Bref, la Déclaration des droits fit en sorte que la souveraineté et le pouvoir politique effectif étaient conférés au roi ou à la reine en son parlement et non au roi ou à la reine exclusivement, ce qui marqua un moment charnière dans l’évolution du modèle de Westminster. À la fin du 19e siècle, le Parlement avait arraché à la Couronne pratiquement tout le pouvoir qu’il désirait. Il aurait été difficile à l’époque de trouver quelqu’un qui prétendait que le Parlement ne possédait pas, en pratique, un pouvoir législatif illimité. Selon Walter Bagehot, le plus célèbre analyste du gouvernement de l’Angleterre victorienne, le Parlement, et plus précisément la Chambre des communes, était maintenant en position de force. Il écrivit que «  peu importe aussi qu’il s’agisse de matières qui affectent l’essence de la constitution ou de détails relatifs à la vie ordinaire [...] c’est à une nouvelle chambre des communes qu’appartient, d’une manière absolue, le droit de décider en dernier ressort [...] elle a une autorité absolue, elle a le droit de gouverner comme elle l’entend, de prendre les décisions qu’elle juge convenable de prendre [...]. » En ce qui concerne le rôle du Parlement et ses relations avec le monarque, Walter Bagehot écrivit que « [...] la reine n’est pas armée du veto. Elle serait obligée de signer son propre arrêt de mort si les deux Chambres s’accordaient pour le soumettre à sa signature. » 30 Bagehot employait très probablement le mot « gouverner » dans le sens d’«  établir les règles  » puisque le Parlement ne gouverne pas dans le sens de former ou gérer le gouvernement. Cela est tout aussi vrai au Canada qu’en Grande-Bretagne.

l’ œ u v r e d e s p h il o s o phes poli ti ques On associe depuis longtemps l’œuvre de John Locke à la Glorieuse Révolution et au renforcement de l’autorité du Parlement par rapport à la monarchie. Locke retourna en Angleterre quelques semaines après l’arrivée de Guillaume d’Orange et après cinq ans d’exil. Bien

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que son influence réelle sur la Glorieuse Révolution fasse l’objet d’un débat, l’œuvre de Locke fut souvent invoquée pour la justifier et servit de moyen de défense au Parlement. Il est certain que John Locke n’accepta jamais le vieux dicton qui voulait que « le roi ne peut mal faire » et il n’hésita pas à montrer du doigt les erreurs du roi Jacques31. Locke considérait que la Couronne et le peuple étaient liés par un contrat, une responsabilité fiduciaire. Il rejetait l’idée, défendue depuis longtemps, que Dieu avait fait de «  tous les hommes, par nature, des sujets d’un monarque32  ». Il expliqua  : «  chacun a un droit particulier sur sa propre personne, sur laquelle nul autre ne peut avoir prétention [...] le pouvoir despotique est le pouvoir absolu et arbitraire qu’un homme a sur un autre de lui ôter la vie quand bon lui semble. Ce pouvoir n’est pas un don de la nature, car elle n’a pas établi cette discrimination entre les hommes33. » Il insistait sur le fait qu’aucun gouvernement ne peut exiger l’obéissance d’un peuple qui n’y a pas consenti. Si la Couronne choisissait d’exercer sa responsabilité fiduciaire de façon préjudiciable, le peuple aurait alors le droit de lui retirer son consentement. En cette époque du droit divin des rois de gouverner, il était révolutionnaire de prétendre que le peuple n’avait pas le devoir d’obéir à un monarque qui ne respectait pas le droit à la vie, à la liberté et à la propriété des citoyens34. Locke fournit au peuple les arguments qui lui permirent de contester le droit divin des rois de gouverner et d’amorcer l’ère des révolutions. La Glorieuse Révolution en Angleterre constitua également un avertissement selon lequel il était possible de renverser les rois et même, dans certains cas, de les décapiter. C’est l’ère des révolutions en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en France qui a conféré à la démocratie « sa connotation positive moderne35 ». Maintenant que les rois et les reines n’étaient plus invincibles, les efforts pour concrétiser le bien commun étaient lancés, et la démocratie représentative montra la voie à suivre. L’influence de John Locke s’étendit jusqu’au Canada. Janet Ajzenstat en voit la preuve dans les débats qui conduisirent à la Confédération. Elle soutient que certains Pères de la Confédération citaient Locke pour faire valoir que la Confédération était plus prometteuse pour la protection des droits individuels que plusieurs petits gouvernements répartis sur la moitié du continent36. En influençant ou en justifiant l’action des institutions politiques britanniques au 18e siècle, Locke exerça aussi une influence sur la création des institutions politiques canadiennes.

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Le siècle des Lumières apporta des réponses sur la façon de structurer les institutions politiques, du moins aux États-Unis, en France et, dans une moindre mesure, en Grande-Bretagne. L’effervescence intellectuelle en Europe entraîna une contestation des monarques et de la tyrannie ecclésiastique. Des intellectuels, allant de Hobbes et Locke à Voltaire et Montesquieu en passant par Paine, débattirent non seulement de leurs idées, mais aussi des idées sur la meilleure façon de structurer le gouvernement. Par exemple, Montesquieu affirmait qu’une monarchie constitutionnelle était le régime de gouvernement le plus prometteur. À son avis, la séparation des pouvoirs entre plusieurs centres permettait d’apporter le contrepoids nécessaire pour empêcher que n’importe quel d’entre eux ne devienne despotique ou trop puissant37. La pensée de deux philosophes politiques britanniques, John Locke et Thomas Paine, donna l’impulsion à la Révolution américaine. Thomas Jefferson déclara que les idées de Locke sur le « droit à la vie, à la liberté et à la quête du bonheur » lui avaient servi d’inspiration, tandis que Paine fut l’auteur du premier pamphlet plaidant pour la Révolution américaine. Leur influence se fit d’abord sentir aux États-Unis, mais elle gagna rapidement d’autres pays. Aucun pays occidental n’y a échappé. Paine se montra très critique à l’égard du gouvernement fondé sur les privilèges héréditaires. Il mit en avant une proposition révolutionnaire : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits38 ». Il fut largement applaudi aux États-Unis et pendant un certain temps en France, mais beaucoup moins en Grande-Bretagne. Il était favorable à un gouvernement républicain et devint un ardent défenseur de l’égalité des droits de tous les citoyens. La Couronne et l’aristocratie en Grande-Bretagne, insistait-il, étaient des pouvoirs «  indépendants du peuple  » et elles «  ne contribuent en rien à la liberté de l’État ». Il écrivit que « c’est l’orgueil des Rois qui précipite le genre humain dans la confusion ». Il ajouta : « Au mal de la Monarchie nous avons ajouté celui de la Succession héréditaire; & comme la premiere est une dégradation & un abaissement de nousmêmes, la seconde, prétendue comme un droit, est une insulte & une fourberie faite à la postérité39.  » Paine quitta la Grande-Bretagne pour les États-Unis en 1774, où il écrivit des pamphlets plaidant pour que les colonies américaines acquièrent leur indépendance de la Grande-Bretagne. Il exhorta les Américains à adopter le républicanisme et la démocratie représentative. Il les mit aussi en garde contre une trop grande concentration du pouvoir dans l’exécutif40. Écrit

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dans le style pamphlétaire de l’époque, l’ouvrage Le sens commun de Paine fut publié de façon anonyme en janvier 1776 et largement diffusé dans les colonies américaines. Plus tard, en 1791, Paine publia Rights of Man (Les droits de l’homme), qui fut salué par le public et dans lequel il cherchait à répondre à la critique de la Révolution française formulée par Edmund Burke. Cependant, il alla plus loin, notamment dans sa deuxième édition parue en 1792, dans laquelle il formula un plan visant à réformer les institutions d’Angleterre. L’ouvrage remettait en question tous les aspects de la société, y compris la Bible. Craignant de se faire arrêter, Paine s’enfuit en France, où il devint un fervent partisan de la Révolution française. Il fut jugé in absentia en Angleterre et c’est tout juste s’il eut la vie sauve en France après que Robespierre se fut retourné contre son ancien allié41. Paine et Locke fournirent le fondement intellectuel de la démocratie représentative. Ils affirmaient que « tous » les êtres humains étaient naturellement libres et que, en conséquence, tous les dirigeants devaient obtenir leur consentement pour gouverner – une idée provocante au 18e siècle. Il appartenait au peuple de choisir la forme de gouvernement et les représentants qui devaient le diriger. Les révolutions ont donné vie à la démocratie représentative. Les Américains, les Français et les principaux penseurs de l’époque démontrèrent qu’il n’était pas nécessaire que «  le peuple  » s’en remette au droit divin des rois de gouverner sans son consentement. La Glorieuse Révolution anglaise dépouilla le monarque de pouvoirs importants. Paine et Locke ainsi que les révolutions montrèrent qu’il existait une autre façon de diriger les affaires de l’État, qui s’appuyait sur le peuple pour qu’il la guide. Mais ce n’était là que la moitié du programme de réforme. Il fallait créer ou améliorer les institutions pour qu’elles prennent la relève. La France d’après Louis  XIV n’était pas vraiment un modèle de stabilité politique, et ceux qui désiraient instituer la démocratie représentative avaient peu de leçons à en tirer, sinon peut-être un avertissement que la démocratie elle-même exigeait des freins et des contrepoids. L’Assemblée nationale s’engagea en 1789 à instituer la démocratie en accordant aux hommes le droit de décider qui devait diriger la France. Toutefois, cet objectif ne fit pas long feu. L’engagement fut bientôt suivi du règne de la Terreur, alors que Robespierre exerça un pouvoir absolu. Il y eut ensuite une succession de régimes sous la forme de monarchies constitutionnelles, de républiques et de dictatures42.

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En Grande-Bretagne, en revanche, la dislocation politique et sociale provoquée par la transition vers une monarchie constitutionnelle fut limitée. Toutefois, la transition vers une démocratie représentative efficace s’effectua lentement : de la Magna Carta en 1215 à la Déclaration des droits de 1689, qui établit la suprématie du Parlement, puis à 1832, à 1867 et à 1929, lorsqu’on répondit aux appels en faveur d’un gouvernement représentatif amélioré en étendant le droit de vote au suffrage universel des adultes. Bien que lente, la transition en Grande-Bretagne se fit sans engendrer une rupture marquée avec le passé, contrairement à la France et aux États-Unis. En résumé, quelle que soit la façon dont ils amorcèrent la transition vers la démocratie représentative, tous pouvaient s’inspirer des idées des philosophes politiques pour guider ou, du moins, justifier leur action. John Locke insistait sur le fait qu’un gouvernement ne peut assurer sa légitimité qu’en obtenant le consentement du « peuple »; Montesquieu soutenait qu’il était possible d’éviter les abus de pouvoir en séparant les pouvoirs; Thomas Paine fit valoir qu’un gouvernement ne peut être que la création d’une constitution qui fixe également des limites considérables à l’exercice du pouvoir. Les Pères de la Confédération canadienne étaient des hommes pragmatiques qui s’attaquaient à des questions pratiques  : Quel était le meilleur moyen de dénouer l’impasse politique paralysante entre le Canada-Ouest et le Canada-Est? Comment résister à l’attrait économique puissant exercé par les États-Unis et comment rester fidèle à la Grande-Bretagne et aux institutions britanniques43? Ils conclurent que la voie à suivre était d’examiner comment les institutions politiques fonctionnaient dans la mère patrie. Ils croyaient que ces institutions pouvaient offrir des solutions toutes prêtes pour leur nouveau pays. Contrairement à leurs homologues américains, ils ne jugèrent pas opportun d’inventer de nouvelles institutions ou de produire un document semblable aux Federalist Papers. L’œuvre des philosophes politiques et les Lumières en Europe eurent une influence importante sur les institutions canadiennes surtout parce qu’ils influèrent sur la formation des institutions britanniques et les débats politiques de l’heure.

l’ in s t it u t io n d e la démocrati e r e p r é s e n tat ive au s ud Les rédacteurs de la Constitution américaine reconnurent d’emblée qu’ils s’étaient inspirés des philosophes politiques, de Cicéron à Locke en passant par Paine, pour orienter leur travail. Mais ils

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s’appuyèrent également sur leurs propres ouvrages précurseurs. Alexander Hamilton et James Madison préconisaient un système fédéral de gouvernement et tous deux firent d’importantes contributions à la littérature sur ce sujet. Lorsqu’ils se réunirent à Philadelphie en mai 1787 lors de la Convention constitutionnelle, ils purent aussi tirer profit de l’expérience des articles de la Confédération qui avaient été mis en œuvre le 1er mars 1781, pour éclairer leur réflexion lors de la conception d’un nouveau système fédéral. Les articles de la Confédération de 1781, qui avaient mené à l’union de 13 États, n’avaient pas du tout répondu aux attentes. Ils étaient conçus pour donner toute l’autorité aux 13 États et pour maintenir délibérément le gouvernement central en position de faiblesse. Les articles n’accordaient pas assez de pouvoir au gouvernement central pour lui permettre de réglementer le commerce extérieur et le commerce entre les États, ils ne prévoyaient ni pouvoir exécutif pour le gouvernement national ni système judiciaire pour interpréter les lois, et toutes les lois devaient obtenir une majorité de 9 votes sur 13 pour être adoptées par le Congrès44. Les articles fournirent toutefois de précieux enseignements non seulement à ceux qui se réunirent à Philadelphie en 1787 pour définir une nouvelle constitution, mais aussi aux Pères de la Confédération canadienne 80 ans plus tard. Les délégués à la Convention de Philadelphie décidèrent en 1787 de rejeter la création d’un État unitaire et d’adopter le fédéralisme. Il faut souligner que les pays d’Europe ou d’ailleurs n’avaient pas beaucoup à offrir sur la question du fédéralisme. Certains des rédacteurs de la Constitution – James Madison, Alexander Hamilton et John Jay – décidèrent de prendre la plume afin de définir pour les ÉtatsUnis un système fédéral qui refléterait la situation sociopolitique et économique du pays et sa courte histoire. En somme, ils rompirent les liens avec la mère patrie et créèrent des institutions politiques qui répondaient aux exigences de leur nouveau pays et aux pressions des couches inférieures de la société. Il leur fallut concevoir des institutions complètement nouvelles et avoir recours à la négociation pour tenir compte des intérêts régionaux. Ils durent également réfléchir à des moyens d’inclure des freins et des contrepoids pour assurer que le pouvoir ne serait pas concentré entre les mains de quelques-uns, même si le gouvernement national aurait considérablement plus de pouvoir que ce que prévoyaient les articles de la Confédération de 1781. Il est important de souligner que les auteurs de la Constitution américaine faisaient face à un défi de taille  : créer un nouveau système fédéral et un gouvernement central qui fonctionneraient et qui

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seraient perçus, du moins aux États-Unis, comme supérieurs au régime politique qu’on trouvait en Grande-Bretagne. Il est aussi important de préciser que ces auteurs étaient «  des hommes d’une sagacité pénétrante ». Benjamin Franklin, âgé de 81 ans, apportait la sagesse dans l’exercice, lui qui avait connu sa part de crises. Il fit équipe avec Alexander Hamilton et James Madison, deux des plus grands esprits de l’époque, pour construire un régime véritablement fédéral45. Les Federalist Papers tentèrent d’établir un juste milieu entre l’État unitaire et un ensemble dissocié de régions. Ils rejetaient la souveraineté absolue pour chaque État et leur accordaient une souveraineté résiduelle dans tous les domaines qui n’exigeaient pas une action nationale. De plus, les Federalist Papers prévoyaient la mise en place d’un parlement bicaméral et établissaient la nécessité de tenir compte des exigences des États peu peuplés. Les délégués à la Convention constitutionnelle de Philadelphie étaient originaires d’États de taille variée. Les délégués des États peu peuplés insistaient pour que la représentation au Congrès soit établie sur la base de l’égalité, quelle que soit la taille des États, tandis que ceux des grands États insistaient pour obtenir la représentation selon la population. Le désaccord faillit faire avorter l’union. Mais à la fin de l’été 1787, la Convention constitutionnelle parvint à ce que les Américains appellent le « Grand Compromis ». Les États petits et grands obtinrent une représentation égale au Sénat et les grands États obtinrent une forme de représentation selon la population à la Chambre des représentants. Mis à part le Canada, d’autres fédérations qui suivirent ont adopté essentiellement le même modèle. Cette caractéristique et plusieurs autres grandes caractéristiques de la Constitution des États-Unis mettent en lumière l’importance des «  freins et contrepoids  ». C’est un thème qui revient tout au long des Federalist Papers. Leurs auteurs mettaient en garde contre la concentration du pouvoir entre les mains d’un monarque ou d’un organe du gouvernement et contre la tyrannie de la majorité46. Ils firent appel aux travaux de plusieurs grands philosophes de l’époque pour étayer leur point de vue. Il existe une différence marquée entre le fédéralisme américain et le fédéralisme canadien. Premièrement, aux États-Unis, des freins et contrepoids sont intégrés dans la Constitution pour prévenir une concentration du pouvoir. Le Canada a concentré le pouvoir d’abord entre les mains du Cabinet et, plus tard, entre celles du premier ministre, un monarque des temps modernes. Deuxièmement, les États-Unis ont inclus dans leurs institutions politiques nationales un mécanisme

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capable de donner une voix aux petits États. Le Canada n’a pas de tel mécanisme. Plus exactement, il n’y a jamais eu au Canada de « grand compromis  » entre les petits et les grands États, contrairement aux États-Unis. Le grand compromis qui a façonné le Canada est intervenu entre les deux Canadas ou entre l’Ontario et le Québec.

l’ in f l u e n c e d e bagehot Walter Bagehot exerça une profonde influence sur les décideurs britanniques et sur la façon dont l’appareil gouvernemental devrait fonctionner dans un gouvernement parlementaire de type Westminster. K.C. Wheare a même affirmé que Bagehot « inventa » la Constitution anglaise47. En 1867, année où le Canada vit le jour, Bagehot publia The English Constitution (La Constitution anglaise), qui décrivait les relations entre les institutions britanniques. Son ouvrage eut une incidence considérable sur la mise en place des institutions politiques et administratives du Canada et de la Grande-Bretagne. Bagehot écrivit que le passage de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle fit en sorte que « la reine est seulement à la tête des parties imposantes que renferme la Constitution; le premier ministre est à la tête des parties efficientes48 ». Il examina toutes les institutions et chercha à définir le rôle propre à chacune. La Chambre des lords avait de l’influence mais, disait-il, elle devait se rendre à l’avis des Communes, qui incarnait le point de vue du pays49. Pour Bagehot, la Chambre des communes était la pièce centrale de la démocratie représentative britannique. C’était la Chambre des communes, par sa capacité de choisir le premier ministre et son gouvernement, d’exiger qu’ils rendent des comptes et, si elle le jugeait opportun, de les renvoyer, qui était indispensable au fonctionnement de la démocratie représentative. Il souligna cette capacité pour démontrer que le modèle était supérieur au régime américain50. Selon lui, la Chambre des communes devait accomplir cinq fonctions : « il faut [...] qu’elle soit capable de bien élire le ministère, de bien faire les lois, de bien enseigner la nation, de bien exprimer la volonté nationale, [et] de bien informer le pays sur l’état des affaires51 ». Ce point de vue s’appliquait tout autant au Canada qu’à la Grande-Bretagne. De plus, Bagehot voyait le Cabinet comme un organe puissant de plein droit. C’était un comité de l’Assemblée législative, expliqua-t-il, un comité « revêtu de pouvoirs que jamais, n’étaient l’influence de la tradition et les résultats heureux de l’expérience, une assemblée n’aurait osé déléguer à un comité. Ce comité peut dissoudre l’assemblée

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qui l’a nommé; il a un veto suspensif et, quoique nommé par un parlement, il peut faire appel à un autre52. » Bagehot mettait l’accent sur le Cabinet, non sur le premier ministre. On ne peut qu’en conclure que la Constitution anglaise a été réinventée. Bagehot offrit plusieurs mises en garde au sujet de la bureaucratie gouvernementale. Il écrivit : « Une bureaucratie doit inévitablement regarder comme son devoir d’augmenter l’autorité officielle, ainsi que l’ensemble des affaires officielles, et des personnages officiels, et non pas de laisser au public la liberté de ses allures; elle surcharge donc l’élément gouvernemental par la quantité, comme elle le déprécie sous le rapport de la qualité.  » Il ajouta que la «  vérité, c’est qu’une bureaucratie expérimentée [...] a beau se targuer d’un apparat scientifique, elle n’en est pas moins incompatible avec les vrais principes de l’art administratif  ». Il y a 150 ans, il affirma que la bureaucratie songeait « beaucoup plus à suivre la routine qu’à obtenir de bons résultats »53. Il était résigné aux inévitables défauts de la bureaucratie gouvernementale, mais il la voyait comme une partie intégrante et essentielle du gouvernement. Il y a lieu de souligner encore une fois le fait que la GrandeBretagne vit ses institutions politiques prendre forme au fil du temps et dans le contexte de la lutte continue que se livraient les monarques et le Parlement pour déterminer qui avait accès ou devrait avoir accès aux leviers du pouvoir. Vernon Bogdanor a bien résumé la situation lorsqu’il a fait remarquer que les progrès constitutionnels de la Grande-Bretagne « ont été évolutifs, non marqués par un bouleversement révolutionnaire ou une occupation étrangère54  ». De leur côté, les Américains inventèrent leurs propres institutions politiques. Certains des principaux penseurs du pays prirent la plume et conçurent des institutions politiques qui reflétaient la réalité sociopolitique de leur pays alors que le pays se séparait de la GrandeBretagne. Dans les deux cas, ils purent se tourner vers les travaux de philosophes politiques pour guider ou justifier leur action. Dans les deux cas, les institutions politiques nationales furent façonnées par les circonstances politiques, par l’œuvre de philosophes politiques qui connaissaient bien les conditions socioéconomiques du pays et par des praticiens. Qu’en est-il du Canada? Le pays fut incapable de s’inspirer de l’œuvre de ses propres philosophes politiques pour façonner ses institutions politiques nationales. Les Pères de la Confédération durent emprunter des idées venues d’ailleurs, en grande partie de philosophes politiques qui exposèrent leurs vues sur la meilleure

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façon de structurer les institutions pour promouvoir la démocratie représentative, et de la Grande-Bretagne. Les idées de philosophes politiques de l’étranger ont fait leur chemin jusque dans nos institutions politiques. Le fait est qu’aucune de nos institutions n’a été créée au Canada. Les préoccupations de ces philosophes politiques qui influèrent sur la création des institutions politiques consistaient surtout à déterminer qui doit détenir le pouvoir politique et comment exercer une domination sur ceux qui détiennent le pouvoir. La Déclaration des droits qui fut adoptée au 17e siècle traitait des droits du Parlement, non des individus. Ces philosophes et les politiciens de l’heure ne se préoccupaient pas de la meilleure façon de tenir compte des circonstances régionales dans les institutions politiques nationales, ni de la façon d’organiser les bureaucraties gouvernementales. Ces deux aspects ne venaient pas en tête des priorités des deux groupes. Il est vrai que les rédacteurs de la Constitution américaine offrirent des idées sur la façon de prendre en compte les intérêts régionaux lors de la création des institutions politiques nationales. Mais les dirigeants des colonies britanniques situées au nord n’étaient pas près d’emprunter des idées aux États-Unis moins d’un siècle après que ceux-ci se furent séparés de la mère patrie lors d’une révolution et au milieu d’une guerre brutale. Le prochain chapitre explore comment les institutions politiques nationales du Canada ont pris forme.

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Comprendre les origines de la démocratie canadienne

Pour régler les problèmes dans ses colonies d’Amérique du Nord, la Grande-Bretagne y envoya lord Durham, qui vint tout de suite après les rébellions de 1837 dans le Haut et le Bas-Canada. Durham privilégiait une union des colonies de l’Amérique du Nord britannique, mais le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ne voulaient pas en entendre parler. Comme on le sait, lord Durham recommanda une union du Haut et du Bas-Canada après avoir vu ce qu’il décrivit comme «  deux nations en guerre au sein d’un même État  ». Il recommanda aussi que les Canadiens français soient assimilés le plus rapidement possible puisqu’ils étaient un peuple « sans histoire et sans littérature ». De plus, il préconisa l’instauration du gouvernement responsable, qui vit le jour non pas dans les Canadas, mais en NouvelleÉcosse. Les Britanniques acceptèrent la recommandation d’une union des deux Canadas, qui fut proclamée en 1840 par l’Acte d’union1. La colonie n’était cependant pas un modèle de stabilité politique, loin de là. Elle ne fonctionnait tout simplement pas. L’Acte d’union prévoyait la représentation égale du Canada-Ouest anglophone et du Canada-Est en majorité francophone, même si celui-ci comptait 670 000 habitants, comparativement à 480 000 au Canada-Ouest – certainement pas une façon d’assurer la stabilité politique. Le Canada-Ouest avait insisté sur ce point pour protéger ses intérêts, craignant que le Canada-Est francophone et catholique ne domine l’Assemblée législative et n’y fasse la pluie et le beau temps. De plus, la capitale fut transférée de Kingston à Montréal, à Toronto, à Québec puis à Ottawa – là non plus, pas un modèle de stabilité. Il y avait deux chefs du gouvernement : l’un du Canada-Ouest et l’autre du Canada-Est. Les projets de loi devaient être adoptés par une double majorité de l’Assemblée législative. Dans les années 1850,

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la population du Haut-Canada avait dépassé celle du Bas-Canada, et le Haut-Canada ne voyait plus aucun intérêt dans la représentation égale. Pour sa part, George Brown, directeur du Globe de Toronto, amorça sa longue campagne pour convaincre le Canada d’accepter le principe de la « représentation selon la population » (rep by pop) afin d’assurer une représentation équitable ou meilleure du HautCanada ou Canada-Ouest. Les francophones du Canada-Est virent clair dans ce revirement, qui revenait à changer les règles pour protéger les intérêts du Canada-Ouest; c’est pourquoi le Canada-Est ne cessa de s’y opposer. L’union était aussi constamment aux prises avec une instabilité politique, notamment parce qu’aucun parti politique ne réussissait à se tailler une position dominante2. La colonie connut quatre gouvernements en trois ans et deux élections non décisives au début des années 1860. « Le régime politique canadien était acculé dans une impasse paralysante3 », comme l’écrit Richard Gwyn. Le Canada se tourna vers les autres colonies britanniques à l’est pour plusieurs raisons, mais surtout pour résoudre ses propres problèmes politiques internes et son instabilité politique. Pendant que progressaient les négociations en vue d’une union des colonies de l’Amérique du Nord britannique, la Grande-Bretagne décida d’appuyer vigoureusement l’initiative politique prise par le Canada en vue d’amener ses autres colonies dans le giron canadien. Par conséquent, le Canada vit le jour pour dénouer l’impasse politique entre le Canada-Ouest et le Canada-Est et parce que c’était le vœu de l’office des colonies britanniques. Les deux Canadas et l’office des colonies eurent recours à des moyens non démocratiques pour y parvenir. John A. Macdonald, le principal architecte de la Confédération canadienne, souvent appelé le Père de la Confédération4, ne voyait pas la nécessité d’ajuster les institutions politiques du pays pour qu’elles reflètent le contexte socioéconomique local ou qu’elles tiennent compte de la situation particulière des régions. De concert avec trois autres architectes clés de la Confédération, George-Étienne Cartier, George Brown et Alexander Galt, Macdonald décida d’importer en bloc au Canada les institutions politico-administratives d’un État unitaire. Dans la mesure où elles étaient inspirées des philosophes politiques, les institutions canadiennes étaient fondées sur le modèle britannique, dont l’objectif était de définir les relations entre le monarque, le Parlement, l’aristocratie et les citoyens, et d’assurer le bon fonctionnement d’un État unitaire. Pour comprendre la démocratie canadienne, il faut examiner les travaux de grands théoriciens politiques, l’histoire et l’expérience d’autres

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pays, notamment la Grande-Bretagne et, dans une mesure beaucoup plus faible, les États-Unis. Le fait est qu’il n’y a pas grand-chose d’origine canadienne dans les institutions politiques du Canada. En effet, la Constitution canadienne commence par ces mots : « Considérant que les provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du NouveauBrunswick ont exprimé le désir de contracter une Union Fédérale pour ne former qu’une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du RoyaumeUni5 ». L’influence britannique est évidente dans toutes les institutions politiques, administratives et judiciaires du Canada. Puisque la Grande-Bretagne n’avait rien à offrir au Canada en matière de fédéralisme, les Pères de la Confédération durent se tourner vers les États-Unis, bien qu’à contrecœur, pour en tirer des leçons sur la façon de structurer un régime fédéral de gouvernement. Cela posait des difficultés, car ils étaient fidèles à la Couronne britannique et étaient peu intéressés aux ouvrages érudits sur le fédéralisme. Macdonald indiqua clairement qu’il n’avait aucune intention de « faire perdre du temps au Parlement ni de l’argent à la population en vaines discussions de questions de gouvernement abstraites et théoriques6  ». Selon Macdonald, les institutions britanniques feraient très bien l’affaire au Canada. Un seul des 33 Pères de la Confédération présents à la Conférence de Québec avait reçu une éducation universitaire. C’était bien différent des 55 dirigeants qui se réunirent lors de la Convention constitutionnelle de Philadelphie en 1787, dont plus de la moitié avaient fait des études universitaires. Peu de Pères de la Confédération comprenaient le fédéralisme ou même avaient lu sur ce sujet. Richard Gwyn soutient que trois ou quatre d’entre eux seulement, dont Macdonald, Galt et Oliver Mowat, tous du Canada-Ouest, comprenaient certaines des subtilités du fédéralisme7. J’aimerais y ajouter Albert Smith (du Nouveau-Brunswick), Joseph Howe et William Annand (de la Nouvelle-Écosse), qui comprenaient mieux que Macdonald qu’un régime fédéral devait être apte à tenir compte des particularités régionales et que les mesures intra-étatiques étaient importantes ou devaient l’être dans un régime fédéral8. On ne sait pas pourquoi au juste Gwyn a affirmé que Macdonald comprenait les subtilités du fédéralisme ni pourquoi, à l’instar de nombreux historiens du Centre du Canada, il a fait abstraction des arguments qu’Albert Smith souleva à propos du fédéralisme entre 1864 et 1867. Macdonald, c’est bien connu, voulait une union législative

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et un État unitaire. Il se rallia au fédéralisme uniquement parce qu’il n’avait pas le choix. À défaut du fédéralisme, le Canada-Est (le Québec), le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse se joindraient à Terre-Neuve et à l’Île-du-Prince-Édouard et se retireraient rapidement des négociations. Macdonald vint toutefois aussi prêt d’obtenir un État unitaire qu’il était possible de le faire sans une union législative9. Certains diraient que Macdonald obtint un État unitaire en tous points sauf le nom ou que, en fin de compte, il réussit à faire adopter une union législative sous les apparences du fédéralisme10. Macdonald consulta les Notes of Debates in the Federal Convention of 1787 de James Madison, mais ces notes eurent peu d’influence notable sur sa pensée sauf peut-être qu’elles renforcèrent son point de vue selon lequel le fédéralisme était un concept foncièrement erroné. Il ne voyait que les bienfaits des institutions d’inspiration britannique qui, encore une fois, n’avaient aucune expérience des rouages du fédéralisme. Macdonald ne pouvait donc que se tourner vers les États-Unis pour en tirer des leçons sur le fédéralisme parce que c’est là que le concept s’est concrétisé. Mais les leçons apprises sur la gestion des tensions régionales n’étaient pas positives, du moins selon Macdonald. Ses collaborateurs et lui voyaient la guerre civile qui faisait rage aux États-Unis – alimentée par des tensions régionales – au moment même où ils tentaient de concevoir un régime fédéral pour le Canada. Macdonald et ses collègues savaient également que le régionalisme avait mis les deux Canadas à genoux, les forçant à faire appel aux colonies maritimes pour se sortir de leur impasse politique. Bref, les leçons tirées de l’exemple des États-Unis et de l’Acte d’union de 1840 démontraient, du moins selon Macdonald, qu’il fallait minimiser le régionalisme et non le renforcer dans les institutions politiques nationales. Il en résulta que pratiquement tous les pouvoirs à l’époque furent confiés au gouvernement central et que bien peu d’efforts furent déployés pour que les institutions nationales soient sensibles aux réalités régionales. Peter Waite l’a bien résumé lorsqu’il a écrit : « Le Canada est devenu un État fédéral en dépit de sa Constitution11.  » Macdonald affirma  : «  La vraie nature d’une confédération réside dans l’attribution de tous les principes et pouvoirs de la souveraineté au gouvernement général, à l’exclusion des États subordonnés ou individuels qui ne doivent exercer que les pouvoirs qui leur sont expressément confiés. Il nous faut donc un gouvernement central fort, une assemblée législative centrale forte, et un puissant régime décentralisé d’assemblées législatives secondaires chargées des questions d’intérêt

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local12. » Les provinces étaient considérées comme guère plus que des administrations municipales, particulièrement par Macdonald. Macdonald avait un objectif : unir les colonies britanniques situées au nord du 49e parallèle afin de dénouer l’impasse politique entre le Canada-Ouest et le Canada-Est et d’assurer que les colonies demeureraient fidèles à la Couronne britannique au lieu de passer sous l’autorité des États-Unis. C’est donc l’impasse qui fut le véritable parent du Canada13. Ged Martin a expliqué que « l’ancienne union canadienne fut condamnée à mort le 14 mars 1864 » lorsque l’impasse entre le Canada-Ouest et le Canada-Est atteignit un point critique14. De son côté, la Grande-Bretagne voulait que ses colonies forment une union, convaincue que celle-ci permettrait de réduire leur dépendance envers le Trésor britannique et d’accroître leur capacité de financer leurs propres besoins en matière de défense. Bref, Macdonald et d’autres dirigeants politiques de premier plan des deux Canadas et l’office des colonies à Londres étaient sur la même longueur d’onde quant à la nécessité d’unir les colonies. Pour leur part, les colonies maritimes ne s’étaient pas fixé un programme d’action bien défini et elles furent mises de côté à mesure que Macdonald et une poignée de politiciens des Canadas dirigèrent les négociations aux conférences de Charlottetown, de Québec et de Londres. Les Canadiens dirigèrent les négociations à un point tel que les 72 Résolutions qui devinrent la Constitution canadienne étaient déjà sous forme d’ébauche «  avant même que les délégués canadiens aient débarqué à Charlottetown15 ». Ged Martin a résumé ainsi les négociations  : «  Les délégués des Maritimes furent forcés sans ménagement de rentrer dans le rang par les Britanniques, qui agissaient à la demande des Canadiens16. » Les principaux acteurs parmi les Pères de la Confédération accomplirent leur travail, animés par un seul objectif. Les préoccupations démocratiques n’étaient pas leur priorité. En fait, si les exigences actuelles de la démocratie s’étaient appliquées entre 1864 et 1867, le Canada n’aurait pas vu le jour ou, plus probablement, il serait bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. La constitution à laquelle ils aboutirent ne satisfaisait même pas aux conditions les plus élémentaires d’un système fédéral, et les tactiques qu’ils employèrent répondaient difficilement aux exigences actuelles de la démocratie. Dans sa biographie sympathique de Macdonald, Richard Gwyn l’a décrit comme un magouilleur opportuniste, ajoutant qu’il « n’avait pas tant créé une nation, qu’eu recours à la manipulation et à la séduction, à la connivence et à l’intimidation pour qu’elle devienne réalité contre les vœux de la plupart de ses propres citoyens17  ».

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Macdonald mit ses compétences politiques considérables au service de la tâche à accomplir sans jamais fléchir. Il dirigea les négociations, rédigeant 50  des 72  Résolutions de Québec. Il confia à un de ses collègues qu’« aucun des délégués à la Conférence (sauf Galt dans le domaine financier) n’avait la moindre connaissance du processus constitutionnel ». Gwyn ajoute que « Macdonald fut chef d’orchestre, meneur de claque, commis aux écritures (de la loi, pas des finances), animateur et diplomate lors du rassemblement18 ». Macdonald, Galt, Brown et Cartier mirent leur carrière politique en jeu pour parvenir à l’accord sur la Confédération. Ce faisant, ils détenaient un avantage que n’ont pas les hommes et les femmes politiques actuels. Ils purent accomplir une bonne partie de leur travail loin de l’attention des médias. De plus, ils jouissaient de l’appui sans réserve de l’office des colonies tant à Londres que dans toutes les colonies, ce qui était un atout politique de taille en 1867. Ils avaient besoin de toute l’aide qu’ils pouvaient recevoir. Macdonald expliqua tout le défi  : «  le Bas-Canada et toutes les provinces inférieures y sont opposés [à une union législative]19  ». Cela montre bien que, dans l’esprit de Macdonald, le Canada-Ouest ou l’Ontario serait le principal bénéficiaire de la Confédération et que les autres colonies s’opposeraient à l’accord. L’office des colonies britanniques à Londres, parent pauvre des autres ministères, était de petite taille et disposait d’un maigre personnel entre 1864 et 1867. Pourtant, le lieutenant-gouverneur avait le bras long dans les colonies, où le gouvernement responsable avait été instauré depuis moins de 20  ans à l’époque de la Confédération. Au départ, Arthur Gordon, le principal administrateur colonial du Nouveau-Brunswick, clama haut et fort son opposition à la Confédération, se disant favorable à une union des colonies maritimes. Gordon accusa les Canadiens présents à la Conférence de Charlottetown d’être responsables de l’échec du projet d’union des Maritimes20. Gordon changea toutefois son fusil d’épaule après une visite à Londres et un rappel que sa carrière dépendait de sa capacité à conduire le Nouveau-Brunswick vers la Confédération. Le secrétaire aux colonies écrivit un message sans équivoque à Gordon en 1865 : « Vous ferez connaître l’avis ferme et éclairé du gouvernement de Sa Majesté selon lequel il est très souhaitable que toutes les colonies de l’Amérique du Nord britannique s’entendent pour s’unir en un seul gouvernement21. » Le temps était venu pour l’office des colonies de « serrer la vis » aux colonies maritimes, ce qu’il fit22. Gordon comprit

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que la Confédération ne verrait pas le jour sans le Nouveau-Brunswick et il promit de faire tout en son pouvoir pour qu’elle soit adoptée23. Gordon accepta volontiers de porter le flambeau sans s’embarrasser des exigences du gouvernement responsable. Comme l’a noté Donald Creighton, il chercha à gagner l’adhésion à la Confédération « en omettant nonchalamment de tenir compte des subtilités constitutionnelles du gouvernement responsable24 ». Il se heurta néanmoins à une vive opposition. Albert Smith, une figure politique marquante du Nouveau-Brunswick, exhorta les Néo-Brunswickois à rejeter l’accord sur la Confédération conclu à la Conférence de Québec. Il mena une bataille contre la Confédération lors des élections de 1865, qu’il remporta haut la main. Il affirma que les Canadas se tournaient vers les colonies maritimes pour régler leurs propres problèmes politiques internes et qu’avec le temps les Canadiens ne feraient qu’accroître « leur domination à mesure que leur population et leur appétit se développeraient25 ». Smith ne s’opposait pas à une union des colonies de l’Amérique du Nord britannique, mais plutôt à l’entente négociée à la Conférence de Québec. Gordon ne se laissa pas décourager par les résultats d’une élection. Il décida simplement que la Confédération était dans l’intérêt primordial de la colonie et de sa propre carrière et il entreprit d’agir en ce sens. Il précipita une crise l’opposant au gouvernement Smith en acceptant que le Conseil législatif, la Chambre haute non élue de la colonie, fasse un vigoureux plaidoyer en faveur de la Confédération en réponse au discours du Trône. Ce geste allait à l’encontre du gouvernement responsable, et Smith souligna qu’il avait le droit d’être consulté et de soumettre des recommandations. Gordon n’avait que faire des « droits des coloniaux » à peine 10 ans après l’avènement du gouvernement responsable au Nouveau-Brunswick. L’office des colonies fut déconcerté par l’initiative de Gordon, parce que le fait qu’un conseil nommé s’adressait à la reine sur une question nettement politique et controversée créait un précédent constitutionnel. Smith fut forcé de déclencher une élection26. Si Smith perdait les élections, Gordon pourrait livrer le Nouveau-Brunswick aux partisans de la Confédération. Smith partit en campagne électorale en dénonçant Gordon et les Résolutions de Québec. Il déclara devant une salle bondée à Saint John que la Confédération rendrait la province « tout à fait impuissant[e] », soulignant que « [l]es intérêts de l’Ontario étaient complètement différents et incompatibles avec ceux de toutes les autres provinces  »27. Smith réclama la tenue d’un référendum sur

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toute loi relative à la Confédération, une représentation égale et efficace des provinces à la Chambre haute, la limitation du nombre de députés au Parlement, l’assurance que chacune des Provinces maritimes aurait un ministre au Cabinet, la création d’un tribunal pour régler les conflits entre le fédéral et les provinces, et le contrôle rigoureux des impôts28. Smith appela à un «  grand compromis  » entre les grandes et les petites provinces, semblable à celui obtenu par les Américains en 1787 entre les grands et les petits États. L’office des colonies jugea qu’un référendum n’était pas nécessaire, et la proposition de Smith ne donna aucun résultat. Macdonald et ses collègues des Canadas ne virent pas d’intérêt non plus dans les autres propositions de Smith. Smith perdit les élections de 1866 aux mains du candidat pro-Confédération sir Leonard Tilley, qui pouvait compter sur l’appui solide de l’office des colonies. Tilley reçut des fonds de Macdonald pour acheter les votes des électeurs et aider à convaincre les indécis d’accorder leur soutien à la Confédération29. Le hasard intervint également en faveur de Tilley lorsque les Fenians lancèrent des raids le long de la frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick, juste au moment où Smith et Tilley, aidé de Gordon, croisaient le fer au sujet des avantages de la Confédération. Les raids affaiblirent considérablement la position des forces opposées à la Confédération dans la région dans les semaines précédant les élections, bien que les partisans de la Confédération aient sans doute exagéré la menace des Fenians. Certains alléguèrent même que les partisans de la Confédération avaient amené les Fenians à la frontière du NouveauBrunswick « pour effrayer la population afin de l’inciter à adhérer à la Confédération30 ». Pour sa part, Arthur Gordon fut récompensé en étant nommé gouverneur de Trinidad après avoir obtenu l’assentiment du Nouveau-Brunswick à la Confédération. Charles Tupper eut encore plus de difficulté que Tilley à convaincre les Néo-Écossais d’accepter la Confédération. Peu de Néo-Écossais partageaient l’enthousiasme de Tupper pour la Confédération telle que définie par les Résolutions de Québec31. Lorsque le libellé des Résolutions de Québec fut connu, l’opposition à la Confédération se répandit comme une traînée de poudre. Certains des principaux alliés politiques de Tupper, dont William Annand, sortirent du rang, affirmant que les Résolutions de Québec étaient manifestement mauvaises pour la Nouvelle-Écosse. Annand y voyait des problèmes sur tous les fronts. Il ne comprenait pas pourquoi Tupper accepterait que la Confédération repose sur

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la représentation selon la population, qui ne laisserait à la NouvelleÉcosse que 19 députés sur 181, une proportion qui irait en diminuant à mesure que le Canada prendrait de l’expansion vers l’ouest et le nord (la Nouvelle-Écosse compte présentement 11 députés fédéraux sur 338). Les institutions politiques nationales du pays n’ayant pas la capacité de faire contrepoids à la représentation selon la population, le Centre du Canada allait selon lui dominer la fédération à sa guise. Joseph Howe dirigea les forces opposées à la Confédération en Nouvelle-Écosse, soutenant que la province deviendrait avec le temps un membre négligé du Canada compte tenu de la façon dont les institutions politiques nationales étaient structurées. Tupper savait très bien qu’il n’avait pas l’appui des Néo-Écossais. Il savait aussi que l’un des principaux architectes de la Confédération, George Brown, du Canada-Ouest, n’accepterait rien de moins que la représentation selon la population à la Chambre des communes et un Sénat non élu. En outre, Tupper devait composer avec le lieutenant-gouverneur de la colonie, Richard MacDonnell, qui se prononçait clairement contre la Confédération à chaque occasion. MacDonnell déclara sans ambages à Macdonald lors de la Conférence de Québec : « Vous ne ferez pas un maire de moi, je puis vous l’affirmer32. » En revanche, il fut rapidement « promu » à Hong Kong par l’office des colonies, qui nomma pour lui succéder William F. Williams, un officier militaire haut gradé qui savait exécuter les ordres. Tupper, qui n’avait pas besoin de déclencher d’élections générales avant 1867, chercha à gagner du temps. Lorsque des questions épineuses étaient soulevées au sujet des Résolutions de Québec, Tupper disait qu’il allait les régler à la Conférence de Londres ou lors de la prochaine série de négociations. À la surprise de plusieurs et au grand dam des forces favorables à la Confédération dans les deux Canadas, Tupper demeura «  complètement silencieux sur la plus importante question de l’heure » – la Confédération – à des moments importants, y compris lors du discours du Trône du gouvernement33. Il savait très bien qu’il n’avait pas suffisamment d’appuis au sein de l’Assemblée législative ou dans la province pour faire approuver les Résolutions de Québec. Tupper déposa tout de même en 1866 une motion formulée en termes vagues qui, loin d’appuyer la Confédération, demandait que le projet d’une union maritime fasse l’objet d’un nouvel examen. Un député à l’Assemblée provinciale, qui avait vraisemblablement une entente avec Tupper, riposta habilement par une autre vague résolution demandant que des délégués soient nommés pour arrêter un

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« plan d’union » avec les autorités impériales et d’autres gouvernements. Il n’était pas du tout question des résolutions de la Conférence de Québec. Tupper réussit à faire adopter la motion à deux heures et demie du matin, ce qui amena les journaux d’Halifax à dénoncer le geste comme étant « un pacte des ténèbres, un crime odieux commis au beau milieu de la nuit comme un vol ou un meurtre34 ». Beaucoup de ceux qui votèrent pour la motion croyaient qu’ils votaient tout au moins pour l’obtention d’un meilleur arrangement que ce qu’offraient les Résolutions de Québec35. La motion fut adoptée par un vote de 31 voix contre 19. L’Île-du-Prince-Édouard rejeta le projet de Confédération. Les délégués de l’Île soulignèrent qu’il serait contraire aux intérêts de leur province que celle-ci fasse partie d’un pays fondé uniquement sur la représentation selon la population. Le projet de Confédération ne prévoyait que cinq députés pour l’Île, nombre qui aurait lui aussi diminué avec l’expansion du pays vers l’ouest. Les délégués de l’Île plaidèrent essentiellement en faveur d’un Sénat triple E – élu, égal et efficace – qui donnerait une voix aux provinces les moins peuplées au sein du Parlement. Mais Macdonald et d’autres délégués canadiens rejetèrent d’emblée cette option36. Les délégués des Maritimes et de Terre-Neuve acquirent la conviction que le « véritable pouvoir politique » résiderait toujours entre les mains de la Chambre des communes. Comme on le sait, les Pères de la Confédération passèrent un temps démesuré – 6 jours complets sur 14 – à débattre du mandat et de la composition du Sénat pendant la Conférence de Québec. Le Sénat proposé revêtait une grande importance pour les délégués des Maritimes, car ils y voyaient une façon d’assurer un équilibre régional au sein des institutions politiques nationales. En fin de compte, il fut cependant décidé que les sénateurs seraient nommés et non élus, et que la représentation au Sénat se fonderait sur l’équité régionale, non provinciale. Aux fins des négociations entourant la Confédération, la Province du Canada serait divisée en deux et deviendrait par la suite l’Ontario et le Québec. La colonie serait ainsi assurée de compter deux fois plus de sénateurs que les colonies maritimes réunies. Les délégués de l’Ontario et du Québec rejetèrent la demande d’un Sénat élu. Les délégués élus de l’Ontario craignaient que les deux chambres ne soient en désaccord, et les délégués du Québec craignaient que le Sénat ne puisse pas protéger le statut culturel et linguistique de la province si celle-ci comptait le même nombre de sénateurs que les provinces les moins peuplées37. L’Ontario ou le Canada-Ouest

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fit valoir également que les membres de la nouvelle fédération seraient de taille trop irrégulière pour qu’un Sénat de type américain puisse y fonctionner38. Je fais cependant remarquer que d’autres fédérations dont les membres sont de taille tout aussi irrégulière, des États-Unis (où la Californie compte 38 802 500 habitants et le Wyoming, 584 153) à l’Australie (où la Nouvelle-Galles-du-Sud compte 7 238 800 habitants et la Tasmanie, 507 600), ont une Chambre haute élue et égale. À l’instar du Canada, l’Australie est dotée d’un gouvernement parlementaire fondé sur le modèle de Westminster. Macdonald écarta rapidement la demande d’Albert Smith, du Nouveau-Brunswick, que soit accordée aux petites provinces «  au moins la protection qu’ils [les petits États] ont aux États-Unis [c.-à-d. un Sénat égal et efficace], même si nous devrions obtenir davantage parce qu’ici le pouvoir populaire [c.-à-d. le pouvoir exécutif] est tout-puissant39  ». Même Charles Tupper, un partisan de la Confédération, plaida en faveur de l’instauration d’un Sénat fort en contrepartie de la représentation selon la population à la Chambre des communes. Il déclara : « Nous étions d’avis dans les Provinces maritimes que seule une représentation égale au sein de la Chambre haute pouvait nous protéger contre la grande prépondérance du Canada [le Canada-Ouest et le Canada-Est] » puisque la Confédération «  n’est pas une union législative et qu’il y avait entre nous des différences sectorielles et locales  »40. Macdonald insista pour dire, cependant, qu’il n’y avait aucune leçon à tirer des Américains sur la question du Sénat étant donné que leur pays était plongé dans une guerre civile sanglante à cause de tensions régionales. Il voyait davantage l’intérêt de s’inspirer de la mère patrie et de sa Chambre des lords comme un modèle pour le Parlement canadien, au lieu du Sénat américain. Les colonies maritimes défendirent toutefois l’argument suivant  : comment le Sénat pourrait-il s’exprimer au nom des régions et des petites provinces si les sénateurs devaient être nommés par Ottawa? L’argument n’avait pas beaucoup de poids aux yeux des délégués canadiens41. Les délégués du Canada à la Conférence de Québec considéraient le Sénat comme un rempart contre les excès possibles de la démocratie plutôt que comme un moyen de donner une voix aux régions. C’est Macdonald qui qualifia le Sénat de lieu de « second examen objectif » (« sober second thought »), réduisant ainsi l’importance du régionalisme dans la vie politique canadienne, du moins dans le fonctionnement des institutions politiques nationales42. De l’avis de Macdonald, il importait beaucoup plus de faire contrepoids à la

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démocratie pleine et entière qu’au pouvoir découlant de la représentation selon la population. Macdonald et Brown envisageaient la forme à donner au Canada à travers le prisme des intérêts politiques et économiques du Canada-Ouest, tandis que Cartier l’envisageait du point de vue des intérêts culturels, linguistiques et religieux du Canada-Est. Les besoins des régions les moins peuplées ne faisaient pas partie de leurs préoccupations politiques ni de celles de l’office des colonies. Margaret Conrad explique  : «  Toute revendication d’une voix égale pour les provinces les plus petites, que ce soit au Sénat ou à la Chambre des communes, pouvait faire échouer l’accord selon les délégués de la Province du Canada, qui étaient déterminés à dominer la nouvelle fédération. Et c’est ce qu’ils firent43. » Philip Girard a bien résumé la situation lorsqu’il a évoqué «  l’“acquisition” des Maritimes par les Canadas au même titre que les États-Unis avaient acquis la Louisiane de la France44 ». L’étiquette de « second examen objectif » attribuée par Macdonald est restée au fil du temps. Elle a minimisé le rôle le plus crucial joué par le Sénat en vertu de la Constitution, celui d’accorder « à toutes les régions du Canada une voix égale au Parlement45 ». Les médias nationaux, notamment le Globe and Mail, le National Post, l’Ottawa Citizen et le réseau anglais de Radio-Canada, font souvent référence au Sénat comme étant la «  Chambre de second examen objectif » au lieu de parler de son rôle à l’égard des régions46. Même la Bibliothèque du Parlement classe la « représentation régionale » au deuxième rang des rôles généraux du Sénat, derrière son rôle de second examen objectif47. Plus récemment, le Globe and Mail a simplement demandé « à quoi sert le Sénat. Il n’est pas vraiment une nécessité, mais néanmoins on peut dire [...] que la Chambre est vraiment en mesure d’offrir un second examen objectif48.  » Le Globe and Mail a passé sous silence le rôle de porte-parole des régions du Sénat. Pour cette raison et à cause de la tendance des premiers ministres, jusqu’à récemment, à récompenser des fidèles du parti en les nommant au Sénat, la Chambre haute n’est plus vraiment pertinente pour représenter les intérêts régionaux. Dans une récente décision, la Cour suprême a distingué trois rôles du Sénat. Le premier rôle mentionné était celui de soumettre les travaux des Communes à un second examen objectif. La décision indique : « Comme au Royaume-Uni, elle [la Chambre haute] a été conçue pour permettre de donner un “second regard attentif” (“sober second thought”) aux mesures législatives adoptées par les représentants du peuple à la Chambre des communes. » La Cour a

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invoqué le point de vue de Macdonald pour appuyer sa décision. La Cour a ensuite souligné le rôle que joue le Sénat en donnant une voix aux régions et en représentant divers sous-groupes sous-représentés à la Chambre des communes49. Justin Trudeau a cherché à réformer le mode de fonctionnement du Sénat en modifiant son processus de nomination. Il a créé un comité indépendant chargé de proposer les noms de cinq personnes chaque fois qu’un poste devient vacant au Sénat. J’ai représenté le Nouveau-Brunswick au sein du comité consultatif en 2016-2017. Je signale que le président du comité était de l’Ontario, que le viceprésident était du Québec et que le troisième membre qui supervisait le processus pour les 10 provinces était de l’Alberta. Le premier ministre et ses principaux conseillers ont apparemment oublié la notion selon laquelle un rôle clé du Sénat consiste à parler au nom des provinces les moins peuplées et à défendre la perspective régionale, lorsqu’ils ont créé le comité. Ils savent dans quelles provinces les partis conquièrent le pouvoir politique au Canada  : l’Ontario, le Québec et les deux provinces les plus populeuses de l’Ouest, soit l’Alberta et la Colombie-Britannique. Le nouveau processus de nomination produit des effets, et seul le temps nous dira si ces effets seront durables et si le Sénat exercera un rôle régional. Les nouveaux sénateurs ont refusé d’être identifiés à un parti, se disant plutôt des sénateurs «  indépendants  ». Deux anciens sénateurs – un libéral, Michael Kirby, et un conservateur, Hugh Segal – ont rédigé un rapport sur la réforme de Trudeau. Ils ont prévenu qu’il n’y a « rien dans le processus de nomination modifié adopté en janvier dernier [2016] qui garantit le succès d’un Sénat indépendant50 ». Ils ont rappelé à Ottawa : « Ne vous méprenez pas : sans le Sénat pour fournir un contrepoids régional à la Chambre des communes élue par le peuple, le projet de Confédération aurait échoué51.  » Ils ont reconnu qu’un esprit de plus en plus partisan minait l’efficacité du Sénat52. En guise de solution, ils ont recommandé que le Sénat retourne à ses « racines régionales » et qu’il soit réorganisé « selon le principe des caucus régionaux »53 qui regrouperaient tous les sénateurs d’une région donnée sans égard à toute autre affiliation. Le représentant du gouvernement au Sénat, Peter Harder, a donné son appui à la recommandation de Kirby et de Segal voulant que les caucus partisans traditionnels soient remplacés par des caucus régionaux54. Des voix opposées à une réorganisation en caucus régionaux n’ont pas tardé à s’élever. Paul Massicotte, un sénateur du Québec, a exhorté

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le Sénat à ne pas soutenir la formation de caucus régionaux. Il a fait valoir qu’en 1867 le Canada comptait «  une population dispersée et isolée qui voyait avec crainte et scepticisme l’établissement d’un gouvernement centralisé dans la lointaine Ottawa. Dans le contexte actuel, [le changement] ferait ressurgir de vieux conflits et supplanterait l’intérêt national55. » Cela sous-entend qu’il vaut mieux laisser une approche axée essentiellement sur la représentation selon la population définir sans entrave « l’intérêt national » du Canada et que les vieux conflits régionaux ont en quelque sorte été réglés. Il y a bien peu de voix dans l’Ouest ou au Canada atlantique qui prétendent une telle chose. Il n’est rien ressorti du rapport Kirby-Segal. La résistance à l’instauration d’un Sénat plus efficace, en particulier un Sénat élu, est venue de l’Ontario et du Québec, les deux régions qui ont été avantagées par la représentation selon la population. Matthew Mendelsohn, l’ancien directeur du Mowat Centre (de l’Ontario) et le sous-secrétaire du Cabinet au Bureau du Conseil privé sous le gouvernement Trudeau, a balayé du revers de la main la perspective d’un Sénat démocratiquement élu parce que, a-t-il insisté, il n’est tout simplement pas envisageable que celui-ci obtienne le consentement requis des gouvernements provinciaux. Mendelsohn a émis un commentaire révélateur : « De nos jours, le Sénat n’a pas vraiment d’importance dans la prise de décisions. Alors, bien qu’il soit étrange que le Nouveau-Brunswick ait 10 sièges au Sénat tandis que la Colombie-Britannique n’en a que 6, ce n’est pas une grande préoccupation. Cela n’a pas vraiment d’importance parce que le Sénat n’a pas vraiment d’importance56.  » Bien sûr, la position de Mendelsohn sert les intérêts des deux provinces les plus populeuses, l’Ontario et le Québec. Stéphane Dion explique : « Pourquoi ne pas simplement élire les futurs sénateurs au lieu de laisser le premier ministre les nommer? Ce raisonnement pose un problème fondamental qui découle de la répartition inégale des sénateurs par province. L’élection des sénateurs selon la répartition actuelle des sièges serait injuste pour les provinces sous-représentées, l’Alberta et la Colombie-Britannique, qui n’ont que 6 sénateurs chacune, tandis que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, qui ont environ le quart de leur population, en ont 1057. » La raison d’être d’un Sénat efficace dans un régime fédéral est la nécessité d’apporter un équilibre régional dans l’élaboration de la politique nationale ou, comme l’a déjà dit Roger Gibbins, d’assurer « une représentation territoriale efficace au sein des institutions politiques nationales58 ». La raison d’être d’un régime fédéral

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au lieu d’un régime unitaire est le besoin de mettre en place des structures politiques permettant de mieux tenir compte des intérêts régionaux. Il suffit d’y réfléchir un moment pour comprendre qu’il est nécessaire, pour ce faire, que les petits États ou provinces soient surreprésentés à la Chambre haute. Dion soutient au fond que les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne et la Russie font fausse route en reconnaissant un nombre égal de sénateurs à tous les États indépendamment de leur population. Bien rares sont les Américains, les Australiens, les Allemands et les Russes qui font entendre un même son de cloche. Dion et les autres qui pensent comme lui n’offrent par ailleurs aucune solution pour faire contrepoids à la représentation selon la population dans une fédération aussi vaste et aussi variée que le Canada, ce qui laisse entendre qu’ils ne reconnaissent peut-être pas le problème. On ne peut qu’en conclure que, selon eux, les petites provinces et régions dans une fédération aussi vaste et aux composantes aussi variées que le Canada n’ont qu’à s’en remettre à la représentation selon la population pour se faire entendre et exercer une influence dans un contexte national. Une telle approche ne fonctionne pas pour les provinces les moins peuplées, comme l’histoire canadienne l’a si bien démontré. Une chose est sûre : le statu quo ou l’abolition du Sénat sont deux scénarios rassurants pour l’Ontario. Tous deux jouent en sa faveur. Les provinces de l’Ouest semblent se désintéresser d’un Sénat triple E. L’élection du gouvernement de Stephen Harper et le déplacement du pouvoir politique et économique vers l’Ouest du Canada ont modifié leurs priorités. La mise en place d’un Sénat triple E n’était pas un problème pour Gibbins dans les années 1990, mais c’en est devenu un lorsque Harper détenait le pouvoir. Roger Gibbins, depuis longtemps partisan d’une réforme du Sénat et ancien dirigeant de la Canada West Foundation, a soutenu en 2012 : « Si nous avons un Sénat qui est élu et efficace jusqu’à un certain point mais que la répartition des sièges reste inchangée, nous nous retrouverons alors dans une situation où un Sénat élu pourrait nuire aux intérêts de l’Ouest59. » Il croit qu’« une autre réalité commence à se faire jour » et que «  les gens de l’Ouest doivent cesser de réclamer un Sénat triple E ». Il explique que « si le Sénat devient un organe plus influent [...] le pouvoir se déplacera vers le Canada atlantique et s’éloignera de l’Ouest »60. L’Ontario et le Québec seraient sans doute d’accord avec Gibbins, ce qui le surprendrait peut-être. D’autres politiciens de l’Ouest canadien ont fait écho aux propos de Gibbins sur la réforme

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du Sénat, dont l’ancien premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, qui a réclamé son abolition61. Preston Manning a été encore plus explicite. Il a demandé un jour : « [C]omment les intérêts de l’Ouest seront-ils efficacement représentés dans un parlement à une Chambre où le Québec et l’Ontario détiennent la majorité absolue des sièges? » Aujourd’hui, les choses ont changé. Manning écrit maintenant : « avec la rapide croissance démographique des provinces de l’Ouest et le déplacement du centre de gravité politique du pays de l’ancienne région laurentienne (le Québec et l’Ontario) vers le nouvel axe entre l’Ontario et l’Ouest, la réforme du Sénat est beaucoup moins une priorité pour l’Ouest qu’elle ne l’était autrefois »62. On ne peut qu’en conclure que le mouvement de l’Ouest en faveur d’une réforme du Sénat était motivé non pas par l’« intérêt national  » ou le désir d’apporter un équilibre dans la fédération canadienne, mais uniquement par la volonté de protéger «  les intérêts de l’Ouest ». Voilà comment le Canada est gouverné : le gros bétail ou les grosses provinces et régions rivalisent pour manger en premier. Dès que les provinces de l’Ouest ont senti qu’elles avaient le poids politique et économique requis pour influencer Ottawa, elles ne voyaient plus l’intérêt de faire entendre leur vieille rengaine  : « L’Ouest veut être de la partie. » L’Ontario et le Québec, comme il a été mentionné, sont hostiles à une réforme du Sénat parce qu’il est dans leur intérêt économique de s’y opposer, du moins jusqu’à présent. Les résultats de l’élection de 2015 ont entraîné un déplacement partiel du poids politique de l’Ouest canadien vers l’Ontario et le Québec. L’avenir nous dira si les provinces de l’Ouest changeront d’avis une nouvelle fois au sujet de la réforme du Sénat.

t e n ir c o m p t e du r égi onali sme pa r d ’ au t r e s moyens Au lieu de souscrire à la création d’une Chambre haute efficace pour répondre aux demandes des délégués des Maritimes, les représentants du Canada-Ouest ou de l’Ontario firent valoir, lors des conférences de Charlottetown et de Québec, que les Provinces maritimes pourraient toujours compter sur le Québec si jamais l’Ontario tentait d’imposer sa domination au sein de la Confédération. Il aurait été bien difficile d’imaginer en 1867 que le Québec accepte un jour d’appuyer les intérêts économiques de l’Ontario, et vice-versa, étant donné les tensions qui existaient alors entre les deux. Les délégués

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du Canada-Ouest soutinrent que cet argument devait suffire à convaincre les colonies maritimes que l’Ontario ne dicterait jamais le programme politique national. Les colonies maritimes étaient ainsi appelées à jouer le rôle d’« intermédiaire impartial » entre l’Ontario et le Québec, ce qui leur procurerait une influence politique lorsque le besoin s’en ferait sentir. L’histoire a démontré à maintes reprises que les Provinces maritimes n’ont jamais pu jouer ce rôle63. Lors des discussions ayant conduit à la Confédération, il fut aussi convenu que les Maritimes occuperaient un tiers des postes au Cabinet, ce qui compenserait d’une certaine façon la représentation selon la population aux Communes. Les délégués des Maritimes insistèrent pour que cet arrangement soit inscrit dans la Constitution. Les délégués canadiens rejetèrent catégoriquement cette demande, et l’arrangement ne demeura qu’un accord de complaisance conçu pour le moment. Macdonald et d’autres représentants des deux Canadas n’en voulaient absolument pas dans la Constitution, considérant qu’il ne cadrerait jamais avec le régime parlementaire inspiré du modèle de Westminster et qu’il nuirait aux intérêts de leur propre région64.

l a c o n c l u s io n d e l’accord À la Conférence de Londres, en décembre 1866, Macdonald, Brown, Galt et Cartier savaient très bien que les colonies maritimes n’avaient pas d’autre choix que de se joindre au Canada65. Plus tôt, tous les quatre s’étaient rendus à Londres spécialement pour demander l’appui du secrétaire aux colonies et de son office. L’union des Maritimes était maintenant mise au rancart, et une adhésion aux États-Unis n’offrait qu’un attrait limité pour plusieurs raisons, même pour les colonies maritimes. Tout d’abord, l’office des colonies n’aurait pas envisagé une telle initiative. De plus, il y avait moins de 100 ans que des Loyalistes avaient quitté les États-Unis pour s’établir en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et dans les Canadas afin de rester fidèles à la Couronne britannique. Les Loyalistes formaient l’élite politique. Par exemple, Samuel Tilley, du Nouveau-Brunswick, était un descendant de Loyalistes tant du côté paternel que du côté maternel, tout comme Albert Smith. Il en allait de même pour Charles Tupper, de sorte que la loyauté envers les institutions et l’empire britanniques était aussi forte dans les Maritimes qu’au Canada-Ouest. On peut difficilement qualifier de négociations les délibérations qui se déroulèrent à Londres. La Conférence de Londres ne fit que passer en revue les 72 Résolutions de Québec pour ensuite les énoncer

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essentiellement dans un projet de loi qui deviendrait loi. Aucun référendum n’eut lieu dans les colonies. L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick et celle de la Nouvelle-Écosse n’approuvèrent jamais les Résolutions de Québec; elles ne firent que donner à leurs délégués le mandat de négocier de meilleures conditions. Tupper, par exemple, se présenta à Londres avec une liste de demandes précises après avoir dit au mouvement anti-Confédération de la NouvelleÉcosse qu’il allait vivement insister pour obtenir des amendements. La porte avait toutefois été fermée aux négociations avant même qu’il arrive, et Tupper ne réussit pas à obtenir un seul amendement. Les délégués du Canada, quant à eux, allèrent à Londres investis par leur assemblée législative du mandat non pas de négocier, mais de faire approuver le projet de Québec. Leur parlement avait déjà donné son aval aux Résolutions de Québec, et ils eurent gain de cause. Macdonald expliqua : « Ces résolutions ont le caractère d’un traité, et si elles ne sont pas adoptées dans leur entier, il faudra commencer les procédés de novo66. » Le traité fut négocié par et pour le Canada-Ouest et le Canada-Est. Cela dit, on apporta quelques modifications aux Résolutions de Québec, mais il s’agissait de changements mineurs qui ne répondaient tout de même pas aux préoccupations de Tupper ou de Tilley. Macdonald, Brown, Galt et Cartier avaient négocié un traité entre deux nations. Je fais toutefois remarquer que les Rouges du CanadaEst s’opposaient farouchement à la Confédération. Les relations entre le Canada-Ouest et le Canada-Est avaient été houleuses depuis l’Acte d’union de 1840 et ils savaient que le traité risquait d’échouer s’il faisait l’objet de nouvelles concessions ou révisions. Trois colonies, soit le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le Canada, signèrent l’accord sur la Confédération. On créa l’Ontario et le Québec étant donné que le Canada-Ouest et le Canada-Est n’avaient pas leur propre gouvernement ou parlement. La Confédération n’était tout de même pas à la hauteur des attentes de Macdonald, qui voulait une union législative ou un État unitaire. On écouta poliment les objections des délégués des Maritimes aux Résolutions de Québec mais, en fin de compte, elles donnèrent peu de résultats. W.S. MacNutt fait remarquer : « Les Canadiens allèrent à Londres comme une équipe disciplinée  [...]67.  » Un délégué du Nouveau-Brunswick rappela que les Résolutions de Québec avaient suscité pas moins de 40  objections lors des débats à l’Assemblée législative de la province, mais encore une fois cela n’eut aucun effet sur les délibérations à Londres68. À un certain moment, Tilley menaça

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de rentrer chez lui, mais Macdonald savait très bien qu’il était trop tard pour que Tilley se retire de l’accord69. Les efforts de Tupper pour obtenir toute amélioration appréciable à Londres demeurèrent vains eux aussi, malgré sa promesse faite à la population de la Nouvelle-Écosse. Phillip Buckner écrit que les délégués canadiens « manipulèrent la Conférence de Québec et déjouèrent les délégués des Maritimes, qui étaient divisés70 ». En fin de compte, les délégués des Maritimes avaient le choix : ne pas respecter leur engagement de renégocier les Résolutions de Québec à Londres et signer l’accord, ou retourner chez eux les mains vides. Ils signèrent l’accord, comprenant que la Confédération n’était possible que selon les Résolutions de Québec. Ils conservaient l’espoir que la construction d’un chemin de fer national occulterait les lacunes que les Résolutions de Québec comportaient du point de vue des Maritimes. S’il y a une chose qu’on peut dire, c’est que la Conférence de Londres affaiblit davantage la position des deux Provinces maritimes. La Conférence de Londres décida d’accorder à Ottawa l’entière responsabilité des pêches, plutôt qu’une responsabilité partagée comme en agriculture71. La reine Victoria avait une grande influence dans les années 1860 et, sur l’avis de son gouvernement et de l’office des colonies, elle envoya un message clair à ses colonies maritimes en disant que « Sa Majesté et ses ministres canadiens parlaient d’une même voix72 ». Les Pères de la Confédération étaient des coloniaux et ils attachaient une grande importance à la monarchie, au gouvernement parlementaire et à l’appartenance à l’empire britannique73. La Grande-Bretagne était la mère patrie du Canada anglais. La mère patrie fut en mesure de préserver sa monarchie et de la conjuguer avec son système parlementaire. Elle avait vaincu son ennemi juré, la France, et elle était le moteur de l’économie mondiale. La Grande-Bretagne gouvernait environ le quart de la planète, et un quart des échanges commerciaux dans le monde transitaient par ses ports74. Quand la reine Victoria parlait, les colonies de l’Amérique du Nord britannique écoutaient. La loyauté de Macdonald envers la Couronne britannique était aussi bien connue. En fait, à un certain moment, il s’était opposé au gouvernement responsable et à l’extension du droit de vote parce que « ces mesures étaient contraires à la mentalité britannique et risquaient d’affaiblir le lien impérial ou l’autorité du gouverneur, ainsi que la classe possédante, indispensable au sein du gouvernement et de la société75 ». Même si la Grande-Bretagne n’était pas prête à abandonner ses colonies d’Amérique du Nord, de nombreux Britanniques croyaient

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Le contexte

que celles-ci faisaient peser sur la Grande-Bretagne des coûts supérieurs à ce qu’elles lui rapportaient. Des politiciens britanniques de premier plan décrivaient les colonies comme « un boulet que nous traînons », affirmant qu’elles représentaient « une lourde dépense » pour la Grande-Bretagne et «  rien d’autre  »76. Donald Creighton explique  : «  Le sentiment anticolonial était très fort en Angleterre dans les années  1860. Macdonald, Galt et Brown étaient malheureusement bien conscients que de nombreux tories, whigs et libéraux britanniques auraient préféré les voir déclarer la séparation et l’indépendance des colonies77. » Du point de vue des Britanniques, la meilleure solution de rechange était que les colonies s’unissent et se mettent en marche vers l’indépendance économique et financière. Bref, la Conférence de Londres était un fait accompli avant même l’ouverture de ses travaux. Macdonald insista pour que peu de changements soient apportés aux Résolutions de Québec et voulait conclure l’accord avant que les Néo-Écossais se rendent aux urnes. Il savait très bien que, sinon, cela signifierait la mort de la Confédération. Les débats de la Conférence de Londres ne furent pas consignés et les médias n’en furent délibérément pas informés, et ce, à la demande de Macdonald, « afin de tenir dans l’ignorance les détracteurs de la Confédération en veillant à ce que tout ce qui se passe dans la salle reste dans la salle78 ». Les sentiments anti-Confédération n’étaient pas morts pour autant dans la région des Maritimes. Le ressentiment à l’égard de la Confédération était largement répandu en Nouvelle-Écosse après la Conférence de Londres. Un grand nombre de maisons et de commerces d’Halifax et de Yarmouth furent drapés de noir en signe de protestation. À Halifax, on fit également brûler des effigies de Tupper79. La Nouvelle-Écosse élut 18 députés opposés à la Confédération sur 19 députés au premier Parlement du Canada, et ils bénéficiaient de l’appui de 5 des 15 députés fédéraux du Nouveau-Brunswick. Charles Tupper fut le seul partisan de la Confédération élu député en Nouvelle-Écosse. L’objectif des députés opposés à la Confédération était de renverser la décision d’adhérer à la Confédération. Thomas Killam, un député anti-Confédération élu à Yarmouth, déclara que les résultats de l’élection en Nouvelle-Écosse « ont prouvé combien les gens sont hostiles à la Confédération et à la façon dont elle leur a été imposée80 ». Trente-six des 38 sièges à l’Assemblée législative de la province allèrent à des candidats qui étaient contre la Confédération lors des élections provinciales de 1867. Les habitants de la NouvelleÉcosse furent consultés à deux reprises sur la pertinence de la

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Confédération et répondirent chaque fois un « non » retentissant. Toutefois, la Grande-Bretagne fut prompte à lancer l’avertissement qu’elle ne permettrait pas à la Nouvelle-Écosse de se séparer du Canada. On se moquait pas mal du gouvernement responsable à l’époque, et la Confédération fut une affaire réglée. Le mouvement contre la Confédération persista dans les Maritimes pendant des décennies. William S. Fielding mena son Parti libéral à la victoire en Nouvelle-Écosse en 1886 en faisant campagne en faveur du retrait de sa province de la Confédération. Fielding réussit à obtenir de l’Assemblée législative une résolution demandant à Ottawa d’aider la province à quitter la Confédération. Les politiciens fédéraux ne répondirent pas à sa demande. Fielding se rendit au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard pour solliciter l’appui de ces provinces à la sécession de la Confédération et promouvoir une union des Maritimes. Mais les deux provinces ne répondirent pas davantage à sa démarche, et Fielding se résolut à agir seul en vue de faire sortir la Nouvelle-Écosse de la Confédération. Encore une fois, la Grande-Bretagne fit bien comprendre cependant qu’elle n’accéderait pas à la demande de sécession de la Nouvelle-Écosse et qu’elle n’était pas du tout disposée à considérer à nouveau une union des Maritimes si cela signifiait l’éclatement de la Confédération. Ce n’est qu’en 1873 que l’Île-du-Prince-Édouard décida de se joindre à la Confédération. La colonie avait rejeté le projet de Confédération en janvier 1866, lorsque l’Assemblée législative avait adopté une résolution bien sentie déclarant qu’elle n’enverrait pas de délégation à la Conférence de Londres. La résolution fut adoptée par 21 voix contre 7 malgré les fortes pressions de l’office des colonies. Refusant cependant d’accepter le rejet, l’office des colonies et Macdonald continuèrent d’exercer des pressions sur l’Île chaque fois qu’ils le pouvaient, jusqu’à ce que celle-ci devienne la septième province canadienne. Au début des années  1870, l’office des colonies reçut un coup de pouce des autorités canadiennes – ou peut-être étaient-ce les autorités canadiennes qui reçurent un coup de pouce de l’office des colonies – pour convaincre l’Île d’adhérer à la Confédération, après qu’elles eurent appris que les États-Unis la courtisaient. La Grande-Bretagne fit clairement part à l’Île de « l’avis ferme et éclairé du gouvernement de sa Majesté  » selon lequel la colonie devrait s’unir au Canada81. Macdonald rendit l’accord initial considérablement plus attrayant pour l’Île en accordant à celle-ci un député fédéral supplémentaire et de généreux incitatifs financiers additionnels, entre autres choses.

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Le contexte

Les quatre délégués des Canadas – Macdonald, Brown, Galt et Cartier – dictèrent la teneur des négociations lors des trois conférences et rédigèrent la majeure partie des Résolutions de Québec. Ils firent abstraction du facteur régional, persuadés qu’il avait rendu le Canada-Ouest et le Canada-Est dysfonctionnels et donné lieu à la guerre de Sécession américaine. La voix des régions, ou la voix de l’extérieur des Canadas, fut à peine entendue – Terre-Neuve et l’Îledu-Prince-Édouard se retirèrent des négociations. Les quatre provinces de l’Ouest n’étaient pas encore nées mais, avec le temps, elles devraient composer avec les institutions politiques nationales telles que définies par la Conférence de Québec. Les normes démocratiques actuelles ne s’appliquaient pas en 1867. Considérez les faits suivants  : Les Résolutions de Québec furent approuvées par une seule des assemblées législatives concernées, elles furent d’abord rejetées lors d’une élection générale dans le cas du Nouveau-Brunswick et ne furent jamais soumises à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse. Aucun de leurs délégués ne fut élu pour participer à l’une ou l’autre des conférences constitutionnelles qui furent spécialement convoquées, et l’office des colonies britanniques intervint directement pour que soit conclu l’accord sur la Confédération, en faisant peu de cas du gouvernement responsable82. Les Néo-Écossais votèrent à deux occasions pour donner à leur gouvernement provincial le mandat de se retirer de la fédération canadienne, mais leurs démarches n’aboutirent à rien. Macdonald, Brown, Galt et Cartier étaient avant tout des hommes pragmatiques et ils obtinrent ce qu’ils voulaient. Macdonald voulait que le Canada conserve des liens étroits avec la Grande-Bretagne et qu’il soit doté d’un gouvernement central fort, auquel seraient subordonnés les gouvernement provinciaux, et d’un Sénat nommé par le Cabinet fédéral et représentant les bien nantis de la société canadienne. Brown, de son côté, insistait pour que le pouvoir politique au Canada soit établi par la représentation selon la population et en fit «  une composante fondamentale de la Confédération83  ». Les politiciens du Canada-Ouest ou de l’Ontario rédigèrent l’essentiel de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et la capitale serait située à Ottawa, non à Montréal, la plus grande ville du pays. De son côté, Cartier voulait que l’usage du français soit permis au Parlement et dans les tribunaux et que le Code civil soit maintenu au Québec. La Confédération faisait en sorte que le Québec pouvait maintenant contrer plus efficacement les menaces des orangistes de l’Ontario. Pour sa part, Galt conçut les arrangements financiers du

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nouveau pays, qui favorisaient le Canada-Ouest et le Canada-Est. Tupper et Tilley furent bien loin de répondre à ce qu’on attendait d’eux, mais ils pouvaient tous deux affirmer qu’ils avaient réussi à obtenir l’engagement qu’un chemin de fer intercontinental serait construit. En ce qui a trait aux questions plus fondamentales – la meilleure façon de concevoir les institutions politiques et administratives nationales destinées à gouverner le nouveau pays –, les Pères de la Confédération n’eurent qu’à emprunter les solutions toutes prêtes de la Grande-Bretagne.

u n f é d é r a l is m e d e nom s eulement En tant que constitution fédérale, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (aanb) comportait de graves lacunes. Tout d’abord, il lui manquait une exigence fondamentale : une formule de modification. Ensuite, l’aanb ne prévoyait aucun contrepoids à la représentation selon la population qui aurait donné une voix aux régions au sein des institutions politiques nationales. C’est là une exigence fondamentale dans un système fédéral et encore plus dans le cas du Canada étant donné ses grands espaces non peuplés et les réalités politiques, culturelles et socioéconomiques très différentes de ses régions. On ne sait trop pourquoi les Pères de la Confédération décidèrent de ne pas établir une formule de modification de l’aanb. Peu d’ouvrages ont examiné cette question84. On ne peut qu’émettre des hypothèses. Il se peut que les Pères de la Confédération n’aient pas été très au fait des exigences du fédéralisme. Peut-être se disaientils qu’il s’agissait d’une loi du Parlement britannique et que celui-ci la modifierait, le cas échéant. Il se peut aussi que les quatre principaux architectes de la Confédération aient décidé de concentrer leurs efforts sur la difficile tâche à accomplir, soit la création d’une union des colonies, et de remettre à plus tard la formule de modification. Enfin, il est possible qu’ils n’aient pas réussi à proposer une formule de modification qui aurait été satisfaisante pour une grande colonie – les Canadas – et deux petites. On sait toutefois avec certitude que Macdonald, le principal architecte de la Confédération, ne plaida jamais en faveur d’une formule de modification lors de la Conférence de Charlottetown, ni de celles de Québec et de Londres. La démocratie canadienne produisit en 1867 un Sénat qui ne répond pas aux normes démocratiques actuelles. Macdonald utilisa l’expression « second examen objectif » pour décrire le rôle du Sénat, une expression qui n’avait rien à voir avec la volonté de donner une

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Le contexte

voix aux régions du Canada afin de contrebalancer la représentation selon la population à la Chambre des communes. C’était un signe des temps que les Pères de la Confédération aient posé une soupape de sûreté sur la Chambre des communes pour contrer les excès auxquels la démocratie pouvait mener, alors que le peuple avait imposé sa loi par la Révolution française moins d’un siècle auparavant. Aux États-Unis, les pères fondateurs débattirent de l’inclusion de la condition de fortune comme exigence d’admissibilité au Sénat, mais écartèrent cette idée85. Par conséquent, le Sénat américain ne prévoit aucune condition pour empêcher les pauvres d’en devenir membres, contrairement à son pendant canadien86. Macdonald souhaitait avoir un gouvernement national fortement centralisé qui se rapprocherait autant que possible d’un État unitaire, et il eut ce qu’il voulait. Par exemple, peu de temps après la Confédération, il se rendit à Halifax dans le but de réagir aux revendications pour de meilleures conditions pour la région. Négligeant complètement le gouvernement provincial, il y rencontra Joseph Howe, un député à la Chambre des communes à Ottawa, pour discuter de la question. Il refusa de rencontrer tout politicien provincial, même le premier ministre. Il jugeait préférable d’écarter les gouvernements provinciaux même lorsqu’il se penchait sur des questions purement régionales ou provinciales. Les gouvernements provinciaux étaient ce qu’ils devaient être selon lui : des gouvernements subordonnés qui s’occupaient uniquement des affaires locales. Les Pères de la Confédération acceptèrent en 1867 une disposition qui cadre mal avec l’esprit du fédéralisme. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique accorda aux lieutenants-gouverneurs des provinces le pouvoir d’empêcher l’entrée en vigueur des lois provinciales jusqu’à leur approbation par le gouvernement central. Claude Bélanger explique  : «  Depuis le Statut de Westminster de 1931, le gouvernement britannique ne révoque plus de lois fédérales, mais les dispositions permettant au gouvernement fédéral de révoquer les lois provinciales sont encore en vigueur, bien qu’elles soient tombées en désuétude. Le droit du gouvernement fédéral de révoquer les lois provinciales va à l’encontre des vrais principes du fédéralisme, car il mine la notion de souveraineté des provinces dans leur champ de compétence87. » On se rappellera que les provinces de l’Ouest s’opposèrent farouchement à la Politique nationale d’Ottawa (vers 1878) et adoptèrent des lois pour en atténuer les répercussions. Ottawa révoqua 96 lois provinciales entre 1867 et 1920, dont la plupart avaient été adoptées

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par des provinces de l’Ouest et avaient trait à la Politique nationale88. C’est tout un contraste avec le cas de l’Ontario et du Québec, dont seule une poignée de lois furent rejetées par le gouvernement fédéral entre 1867 et 194389. Il existe maintenant une convention constitutionnelle selon laquelle le gouvernement fédéral n’aura plus recours à son droit de révocation, qu’il n’a pas utilisé en fait depuis 194390. Ce qui était logique pour Macdonald, le Parlement et la démocratie représentative en 1867 ne l’était plus en 1943 et l’est encore moins de nos jours. La convention constitutionnelle s’est établie au fil du temps en provoquant bien peu de remous. La différence entre un régime fédéral et un régime unitaire est bien connue : le régime fédéral assure la coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux, tandis que le régime unitaire subordonne les gouvernements régionaux au gouvernement national. Les fédérations devraient exiger la capacité de donner aux régions une voix qui dépasse le cadre de la représentation selon la population. Ronald Watts, un spécialiste du fédéralisme très respecté, écrit que l’expérience « semble montrer qu’il y aurait beaucoup à dire en faveur des institutions bicamérales et qu’une certaine forme de disposition prévoyant la représentation sur une base régionale pourrait être un excellent moyen de renforcer l’engagement et la loyauté des groupes régionaux envers les institutions nationales91 ». Macdonald et ses collègues, notamment ceux du Canada-Ouest, intégrèrent de forts éléments unitaires dans la Constitution canadienne et ne virent pas vraiment le besoin de renforcer la loyauté des groupes régionaux. À leur avis, les institutions politiques nationales ne devaient pas encourager le régionalisme ou ne devaient pas en tenir compte. Elles devaient plutôt l’écarter ou, du moins, le minimiser. Les politiciens du Canada-Ouest et du Canada-Est avaient fait l’expérience du régionalisme et des doubles majorités après l’Acte d’union de 1840 et ils voulaient les éviter dans la nouvelle union. Dans le deuxième pays du monde en superficie (9 984 670 kilomètres carrés) et dans un pays où les intérêts politiques et économiques régionaux sont aussi variés qu’ils le sont au Canada, le régionalisme doit se refléter dans les institutions politiques nationales. De nombreuses forces façonnent le régionalisme canadien : la taille de la population, les considérations de race et de classe, les événements historiques, la langue et les différentes réalités politiques et économiques régionales. Nelson Wiseman a résumé la situation en quelques mots  : «  Présenter la culture politique canadienne comme étant un amalgame de ses cultures politiques

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Le contexte

régionales reviendrait à essayer d’attacher des melons d’eau les uns aux autres à l’aide d’une ficelle. Il n’est pas facile de lier ensemble les vastes régions du Canada92. » Un observateur aguerri de la vie politique canadienne écrit qu’« on peut définir la culture politique du Canada comme un profond sentiment de mécontentement régional, conjugué à un discours sur la reconnaissance des droits [...]  Soixante-quatre pour cent des Canadiens croient que les fonds que le gouvernement fédéral dépense dans leur province sont inférieurs aux impôts qu’elle envoie à Ottawa. Près des trois quarts des Canadiens estiment que le gouvernement fédéral favorise une région du Canada au détriment des autres et très peu d’entre eux croient que leur région est celle qui est favorisée93.  » Le fait que la reine Victoria décida d’établir la capitale du Canada où sont situés le pouvoir et l’influence politiques et bureaucratiques du gouvernement, en plein entre le Canada-Est et le Canada-Ouest, n’a rien fait pour arranger les choses. Après maintes discussions entourant la reconnaissance d’un statut particulier pour le Québec et les difficultés associées à un fédéralisme asymétrique, les Pères de la Confédération s’entendirent pour inclure dans la Constitution une disposition spéciale permettant au Québec de nommer ses sénateurs. Contrairement à ceux des autres provinces, les sénateurs du Québec doivent être nommés dans l’une des 24 divisions sénatoriales de la province et posséder des biens fonciers dans la région où ils sont désignés. On estimait que cette disposition protégerait la minorité anglophone du Québec94. Les Pères de la Confédération choisirent de ne pas en faire autant pour les minorités linguistiques et religieuses ailleurs au pays.

l’ a c t e

d e l ’ a m é r i q u e d u n o r d b r i ta n n i q u e

Le projet de loi visant la création de la Confédération canadienne fut déposé à la Chambre des lords plutôt qu’aux Communes et il reçut l’assentiment des lords sans difficulté et même sans débat. Il en alla de même à la Chambre des communes, où les trois lectures furent « expédiées en deux semaines, presque sans débat95 ». Peu de membres de la Chambre des lords aussi bien que des Communes prirent la peine de se présenter pour le vote. Les politiciens britanniques avaient d’autres préoccupations bien plus importantes. Ils débattaient alors de l’opportunité d’étendre le droit de vote. De nombreuses questions étaient restées en plan à la suite des réformes de 1832, et il s’agissait maintenant de déterminer

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s’il convenait ou non d’étendre le droit de vote, un droit dont seulement une minorité de la population adulte masculine bénéficiait à l’époque. Il fallait aussi créer des circonscriptions selon la population. Par exemple, Thetford comptait à l’époque 11 000 habitants et seulement 200 électeurs, tandis que Manchester comptait plus de 300 000 habitants et 14 000 électeurs. En outre, seulement un million des sept millions d’hommes adultes en Grande-Bretagne avaient le droit de vote. La question suscita un vif débat et provoqua la division au sein du Parti libéral. Il n’était pas encore question d’accorder le droit de vote aux femmes, et les hommes devaient encore satisfaire au critère de propriété pour avoir le droit de vote. Le Reform Act de 1867 « accorda le droit de vote à tous les propriétaires dans les bourgs ainsi qu’aux locataires qui payaient un loyer de 10  £ ou plus par année, réduisit l’exigence de propriété minimale dans les comtés et accorda le droit de vote aux propriétaires et locataires agricoles qui n’avaient que de petites parcelles de terre. Les hommes des régions urbaines qui répondaient au critère de propriété se virent octroyer le droit de vote, et la loi fit doubler l’électorat en Angleterre et au pays de Galles, qui passa de un à deux millions d’hommes96. » La démocratie était encore quelque chose qu’il fallait craindre, ou du moins gérer, en 1867. C’est dans ce contexte que la démocratie canadienne vit le jour et à cette époque que le Canada décida d’importer ses institutions politiques de Grande-Bretagne.

l e s in s t it u t io n s p o l i ti ques en 1867 La vision que les Pères de la Confédération avaient des institutions politiques en 1867 était assurément bien différente de celle que nous avons à notre époque. Walter Bagehot apporta un point de vue très intéressant sur le fonctionnement des institutions politiques inspirées du modèle de Westminster au moment où le Canada devint une fédération. Son ouvrage classique The English Constitution, publié en 1867, en faisait l’éloge tout en étant très critique à l’égard la Constitution américaine. Les Pères de la Confédération se disaient que si les institutions politiques fonctionnaient bien en GrandeBretagne, elles devraient fonctionner tout aussi bien au Canada, ce qui explique le préambule qui établit clairement que nous avons «  une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ». L’Acte de l’Amérique du Nord britannique poursuit même en précisant que les députés de la Chambre des communes et

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Le contexte

les membres du Sénat jouissent des mêmes « privilèges, immunités et pouvoirs » que ceux des membres du Parlement du Royaume-Uni, sans toutefois les excéder97. Les institutions politiques que Bagehot décrivit étaient le reflet de la société britannique. Elles étaient façonnées à l’image d’un pays qui était approprié pour un État unitaire et dont la société était caractérisée par un esprit de classe. Dans la deuxième édition de son ouvrage et en réaction à l’élargissement de l’électorat, il écrivit : « Il importe de rappeler qu’une combinaison politique des classes inférieures, en soi et pour leurs propres finalités, est un grand fléau; qu’une combinaison permanente de ces gens les rendrait (maintenant qu’un si grand nombre d’entre eux ont le droit de vote) suprêmes dans le pays et que leur suprématie, vu leur condition actuelle, signifierait la suprématie de l’ignorance sur l’éducation et celle du nombre sur le savoir. Il est possible d’éviter une telle situation tant qu’on ne leur enseigne pas à agir ensemble, et seules la plus grande sagesse et la plus grande prévoyance des classes supérieures peuvent permettre de l’éviter98. » Bagehot rapporta que l’esprit qui animait la Chambre des communes était devenu «  ploutocratique, non pas aristocratique99  ». Bagehot comprenait mieux que quiconque la relation entre la Couronne, la Chambre des communes et les lords. Il expliqua comment la monarchie, l’aristocratie et les éléments démocratiques de la Constitution anglaise devraient travailler de concert, ajoutant que « la royauté, les lords et les Communes [...] principales propriétés de la Constitution anglaise, sont inapplicables dans les pays où n’existent point de matériaux pour une monarchie ou une aristocratie100 ». Le Parlement était suprême à son époque, et les tribunaux devaient s’en tenir à donner une interprétation pure et simple des lois. «  Le pouvoir du Parlement d’élaborer, de modifier et d’abroger des lois n’est soumis à aucune restriction. Rien n’échappe à sa capacité de légiférer101.  » Le même principe devait s’appliquer au Parlement canadien. La donne est différente aujourd’hui. Bagehot attachait une importance considérable à la Couronne et à ce qu’il appela les « parties imposantes de la Constitution ». La Couronne, souligna-t-il, n’a aucun pouvoir législatif. Mais il s’empressa d’ajouter que «  la Couronne fait beaucoup plus qu’elle ne paraît faire  »102. Ce qui fait la force de la Couronne, c’est qu’elle demeure en dehors de tous les partis et que le monarque peut profiter de l’expérience que lui confère la permanence de sa place pour prodiguer des mises en garde et des encouragements103. Cet aspect demeure un élément important de la Constitution, du moins

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en Grande-Bretagne, beaucoup moins au Canada. Treize premiers ministres britanniques ont été en poste à ce jour sous Élisabeth II, soit depuis 1952. Depuis cette date, le Canada a eu un nombre comparable de gouverneurs généraux (12) et de premiers ministres fédéraux (12). On peut difficilement prétendre que la Couronne est en dehors de tous les partis au Canada ou qu’elle figure parmi «  les parties imposantes » de notre Constitution à la lumière de la plupart des nominations passées. Bagehot considérait que la Chambre des lords jouait un rôle important, soulignant qu’elle avait le pouvoir de modifier les projets de loi et même de les rejeter en utilisant son droit de veto « conditionnel ». À ce sujet, il dit : « Nous rejetterons ce bill une fois, deux fois, trois fois même; mais si vous persistez à nous le renvoyer, nous finirons par l’accepter104.  » Bref, selon Bagehot, la Chambre des lords avait la responsabilité de contenir les excès de la démocratie et de jouer un rôle de second examen objectif au nom des aristocrates. Il redoutait beaucoup les membres « sans éducation105 » de la société et il avertit que « si jamais la Chambre des pairs doit disparaître, elle ne disparaîtra pas sans soulever une tempête, et la tempête ne laissera pas tout le reste intact106 ». L’extension du droit de vote devrait servir à renforcer le rôle de la Chambre des lords selon Bagehot. Il expliqua : « Le Reform Act de 1867 ne s’est pas arrêté aux ouvriers qualifiés; il a aussi accordé le droit de vote aux travailleurs sans qualifications. Et personne ne prétendra que l’ouvrier ordinaire, qui n’a aucune compétence particulière [...] puisse vraiment juger de questions intellectuelles107. » Bagehot n’aborda pas la question du régionalisme dans ses vues sur la Chambre des lords. En effet, les mots « régionalisme » ou « régions » apparaissent bien peu dans son livre, du moins en ce qui a trait à la politique britannique. Mais il évoqua la nécessité de protéger les intérêts de l’aristocratie britannique. «  L’aristocratie redoute le contact des classes moyennes, expliqua Bagehot, elle craint l’épicier et le négociant 108. » Macdonald ne pouvait certainement pas compter sur une aristocratie de taille comparable à celle de la Grande-Bretagne, mais son objectif était d’importer telles quelles les institutions britanniques au Canada. C’est pourquoi ses collègues et lui insistèrent pour que les candidats soient âgés d’au moins 30 ans et qu’ils possèdent des terres d’une valeur minimale de 4 000 $ ainsi qu’un avoir net de 4 000 $ afin d’être admissibles à un nomination au Sénat, montant qui n’a pas changé depuis 1867. Leur objectif était de protéger les intérêts de la classe possédante dans la mesure où elle existait.

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Les aristocrates ne couraient pas les rues au Canada en 1867. David E. Smith explique  : «  Au Canada, les deux tiers des matériaux constitutionnels de Bagehot n’étaient pas disponibles – pas d’aristocratie, et un substitut du souverain [...] Dans un vaste État transcontinental où le prix des terres est peu élevé, ni la propriété, ni la classe ou l’éducation n’était un gage fiable ou durable de déférence ou, plus précisément, d’allégeance au gouvernement. Au Canada, la déférence signifiait le respect envers la politique électorale109.  » Plus précisément encore, la représentation selon la population allait régner dans les institutions politiques nationales du pays et déterminer qui devrait détenir le pouvoir politique. Il faut souligner encore une fois que le rôle de la Chambre des lords en 1867 était d’assurer que la démocratie ne provoquerait pas la ruine de la Grande-Bretagne110. La déférence importait certainement dans la Grande-Bretagne du 19e siècle. Les spécialistes de la politique britannique de la fin du 19e siècle ont fait ressortir l’importance de la Chambre des lords pour la société britannique. G. Lowes Dickinson, par exemple, a écrit  : «  Un empire acquis et organisé par une aristocratie forte et homogène doit garder une nation de plus en plus absorbée dans une querelle économique, ce qui a tendance du même coup à détruire le sentiment d’unité et à altérer le bon jugement et la force qu’il importe d’exercer dans les affaires impériales. Dans de telles conditions, je ne crois pas que la chambre démocratique soit un organe compétent pour diriger les destinées de l’empire. » Il a ajouté que « la Chambre des lords est plus vénérable que la Chambre des communes »111 selon certains colons. L’âge d’or de l’aristocratie britannique s’étendit de la Glorieuse Révolution jusqu’à la fin du 19e siècle112. Alors que la monarchie absolue prenait fin, l’empire britannique poursuivait son expansion aux quatre coins du monde et la puissance industrielle du pays prenait forme113. L’aristocratie pouvait affirmer qu’elle avait joué un rôle de chef de file dans les succès politiques et économiques de la GrandeBretagne. En conséquence, on s’attendait à ce que les institutions politiques défendent les intérêts de l’aristocratie, un rôle que la Chambre des lords assumerait en surveillant les travaux de la Chambre des communes. Avec le recul, on peut dire que la décision de créer une deuxième chambre du Parlement calquée sur le modèle de la Chambre des lords n’était pas très logique pour le fédéralisme canadien. Mis à part la loyauté envers la mère patrie, la situation politique, sociale et économique du Canada différait largement de celle de la GrandeBretagne. Si la Grande-Bretagne avait peut-être senti le besoin de

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compter dans son Parlement une Chambre haute non élue pour protéger les intérêts de son aristocratie en 1867, le besoin au Canada était différent et consistait à refléter la diversité régionale. James Allan l’a résumé en écrivant : « Le Canada n’a du bicaméralisme que le nom [...] au Canada [...] le bicaméralisme est une farce114. » Même Bagehot estimait que les institutions politiques britanniques étaient appropriées pour la Grande-Bretagne mais moins pour d’autres territoires, et il pensait peut-être alors au Canada. Il expliqua : « les classes grossières des bas-fonds ont bien vite senti qu’elles étaient les égales des classes placées au haut de l’échelle ou même qu’elles leur étaient supérieures ». Il ajouta : « En théorie, il est désirable que cette classe qui a plus de richesse et de loisir, ait une influence plus grande; une constitution parfaite trouverait un expédient habile pour accorder aux idées délicates de cette classe une action puissante sur les idées plus grossières de la foule [...]. » Il reconnaissait qu’une jeune colonie qui luttait pour se bâtir une économie fondée sur l’agriculture n’avait pas la maturité requise pour produire une classe de richesse et de loisir, ou une classe de gens très instruits et cultivés, qui est nécessaire au bon fonctionnement d’institutions politiques issues d’une histoire millénaire115. Bagehot avait peu de conseils à offrir aux colonies de l’Amérique du Nord britannique. En revanche, il indiqua quel était leur plus grand défi : la géographie, et non les classes économiques. Il écrivit que la plus grande difficulté en Amérique du Nord était « le fait de la géographie », soulignant que « la population [y] est éparse, et partout où la population est éparse la discussion devient difficile »116. Il examina toutefois le système fédéral des États-Unis et son verdict n’était pas positif. Il ne voyait aucun avantage à ce que la souveraineté sur les questions importantes de l’État appartienne à ce qu’il appelait des « gouvernements subordonnés117 ». Le fédéralisme était un concept étranger pour Bagehot, pour les décideurs britanniques et, partant, pour les Pères de la Confédération, exception faite d’Albert Smith et de Joseph Howe. En lisant Bagehot, on est frappé par ses vues sur la capacité des institutions politiques britanniques de s’adapter à la situation socioéconomique du pays. L’Angleterre de Bagehot était élitiste et, comme il le souligna à maintes reprises, elle reconnaissait l’importance de la « déférence ». Il affirma que les personnes nées dans les positions supérieures devaient être traitées avec une « déférence généralisée » et que si des personnes occupaient un rang supérieur en vertu de leur naissance, elles devraient le conserver118.

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Le contexte

Les Canadiens, en revanche, devaient composer avec des conditions pionnières, non avec le besoin de « déférence » envers l’aristocratie. Comme David E. Smith l’a fait remarquer, au Canada, «  [c]’est le pouvoir électoral, et non le statut social, qui suscitait le respect119 ». L’histoire politique du Canada fut marquée par des conflits entre la Grande-Bretagne et la France à mesure qu’ils se déroulaient dans diverses colonies, par les efforts pour bâtir une économie reposant sur les ressources naturelles et par la vigilance constante exercée sur l’expansion américaine. L’historien Frank Underhill l’a résumée en deux mots lorsqu’il a écrit que les Canadiens sont les plus anciens anti-Américains du monde. Il a fait valoir que les Canadiens ont toujours été menacés par les États-Unis, d’abord sur le plan physique et, plus récemment, sur les plans culturel et économique120. Il faut mettre en lumière une autre importante contribution de Bagehot à la compréhension de nos institutions politiques. Il est l’auteur de l’une des phrases les plus souvent citées dans les ouvrages sur l’administration publique pour expliquer le rôle du Cabinet  : « Un Cabinet est un comité combiné de telle sorte qu’il sert, comme un trait d’union ou une boucle, à rattacher la partie législative à la partie exécutive du gouvernement. Par son origine il appartient à l’une, et par ses fonctions à l’autre.  » Bagehot prêtait un pouvoir extraordinaire au Cabinet, même celui « d’anéantir ses créateurs ». En somme, il considérait le Cabinet comme la partie « efficiente » de la Constitution anglaise121. La donne est différente aujourd’hui, alors que le gouvernement de cabinet, en particulier au Canada mais aussi en Grande-Bretagne, a cédé la place à un gouvernement centré sur le premier ministre122.

r e to u r e n a rri ère En somme, le Canada a vu le jour pour mettre fin à l’impasse politique entre le Canada-Ouest et le Canada-Est; pour remédier aux difficultés économiques auxquelles les colonies de l’Amérique du Nord britannique étaient confrontées, alors que la guerre de Sécession américaine tirait à sa fin et que l’accord de réciprocité canado-américain fut abandonné; et pour répondre au désir de faire obstacle à l’expansion américaine, en particulier dans l’Ouest du Canada, après que les États-Unis eurent fait l’acquisition de l’Alaska en mars 1867. La Grande-Bretagne espérait ainsi que ses colonies deviendraient plus autonomes sur le plan économique, et de nombreux habitants du Canada-Ouest et des Maritimes éprouvaient le profond désir

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de demeurer fidèles à la Couronne britannique. On espérait aussi que la construction d’un chemin de fer ouvrirait partout de nouvelles perspectives économiques. Les architectes de la Confédération canadienne décidèrent que la façon dont les Canadiens allaient se gouverner après 1867 serait façonnée par les traditions culturelles britanniques et les institutions politiques, administratives et judiciaires inspirées du modèle britannique. Il y a lieu de répéter que Macdonald, Cartier, Brown et Galt obtinrent ce qu’ils voulaient  : un traité qui unissait deux colonies constamment en désaccord l’une avec l’autre. Le traité procura la stabilité au Canada-Ouest et au Canada-Est. La Confédération allait apporter une remarquable stabilité qui contrastait fortement avec la situation durant la période de 1841 à 1867. Elle permit par exemple à Macdonald de détenir le pouvoir durant 19 ans après 1867. Il y a lieu de répéter aussi que Macdonald appuyait fortement une union législative et qu’il ne comprenait pas les avantages du fédéralisme. Comme le fait observer David E. Smith, « il est ironique que Macdonald, qui ne serait pas un authentique fédéraliste selon cette interprétation, soit salué 150 ans plus tard comme le principal architecte de la plus vaste fédération de la planète123 ». Le Sénat, la seule institution qui réponde aux exigences du fédéralisme, n’a servi qu’à une chose : rendre possible la Confédération. Brown résuma la situation : « sans cette condition, il aurait été impossible d’aller de l’avant ». Le Sénat était une forme de compensation pour le Québec, qui avait perdu la représentation égale qu’il détenait au Parlement du Canada-Uni, et un moyen de compenser la représentation selon la population à la Chambre des communes, qui désavantageait les colonies maritimes124. Le Sénat a exercé plusieurs mandats sans grand succès depuis 1867. Sur ce point, je ne peux faire mieux que de citer à nouveau David E. Smith : « les gens en parlent souvent [du Sénat], depuis longtemps – habituellement pour s’en plaindre – mais cela va rarement plus loin125 ». Les États-Unis trouvèrent un « grand compromis » en accordant aux petits États une représentation au Sénat égale à celle des grands États et aux grands États une forme de représentation proportionnelle à la Chambre des représentants. Le Canada n’est jamais parvenu à un « grand compromis » entre les petites et les grandes provinces dans la définition de ses institutions politiques nationales. Comme nous le verrons, si tant est qu’un compromis a été atteint entre les grandes et les petites provinces, c’est sous la forme de paiements de transfert.

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Le Sénat illustre parfaitement l’incapacité des institutions politiques nationales du Canada de tenir compte de la diversité régionale du pays. L’Ontario et le Québec se sont toujours opposés aux tentatives visant à repenser son rôle, à en faire un Sénat élu, efficace et égal. L’Ouest du Canada était autrefois un ardent partisan d’un Sénat triple E. Les choses ont cependant commencé à changer durant les 10 ans où Stephen Harper, un député de l’Alberta, était premier ministre du Canada et à mesure que les provinces de l’Ouest ont vu leur population s’accroître et le nombre de leurs députés fédéraux augmenter. Les Pères de la Confédération, contrairement à leurs homologues des États-Unis, ne virent pas la nécessité de proposer des idées nouvelles sur la meilleure façon d’organiser les institutions politiques afin de les adapter non seulement à une culture politique distincte, mais aussi à la diversité linguistique, culturelle et régionale du nouveau pays. Leur tâche telle qu’ils la voyaient était de regrouper des colonies qui s’autogouvernaient déjà plutôt que de créer un nouveau système politique126. Les révolutions aux États-Unis et en France forcèrent les élites politiques et intellectuelles des États-Unis à penser à de nouvelles approches et à définir de nouvelles institutions. C’est ce que les révolutions font de bon. Le désir d’importer en bloc les institutions politiques britanniques reflétait les avantages que présentait le statu quo pour les principaux architectes de la Confédération. Pourtant, la société canadienne, son histoire et ses ressources humaines étaient bien différentes de celles qu’on trouvait en Grande-Bretagne en 1867. Nous explorons ces différences dans le prochain chapitre. La société canadienne a évolué depuis 1867, mais pas les principes fondamentaux de nos institutions politiques nationales. Comme c’était le cas en 1867, ces institutions sont dépourvues de la capacité de tenir compte des réalités régionales et de l’égalité des régions.

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Nous avons vu dans les chapitres précédents que le Canada a adopté des institutions politiques et administratives d’inspiration britannique. La société britannique et la société canadienne étaient très différentes en 1867, et nous devons savoir en quoi elles différaient pour comprendre comment nos institutions ont évolué. En GrandeBretagne, contrairement au Canada, la société au 19e  siècle était dominée par l’aristocratie, qui avait l’appui de certains des principaux analystes du gouvernement, de Walter Bagehot à Herbert Spencer1. L’un des plus éminents philosophes politiques britanniques du siècle, John Stuart Mill, affirmait, trois ans avant la Conférence de Québec, que les « gouvernements qui se sont fait remarquer dans l’histoire pour leurs talents intellectuels et leur vigueur soutenue dans la direction des affaires, étaient des aristocraties2 ». La plupart des ministres influents du Cabinet dans la GrandeBretagne du 19e siècle étaient issus des aristocraties, et le Parlement demeura sous la solide emprise de l’aristocratie terrienne jusqu’au 20e siècle3. L’Oxford Companion to British History a résumé comme suit la position éminente des aristocrates dans la société britannique : « ils soutenaient encore des affirmations étonnantes – qu’ils étaient supérieurs par leur éducation, qu’ils avaient l’habitude de prendre des décisions, qu’ils disposaient du temps requis pour se pencher sur les affaires publiques et, surtout, que leurs grandes possessions les rendaient particulièrement soucieux du bien-être du pays, puisqu’ils avaient tellement à perdre. Ils prétendaient également jouer un rôle politique distinctif en tant que contrepoids ou que force stabilisante qui empêchait le pays de sombrer dans le despotisme royal ou la licence démocratique4.  » Il fallait éviter le despotisme royal et la licence démocratique, et l’aristocratie était le moyen d’y parvenir.

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En 1867, de nombreux Britanniques croyaient avoir atteint un équilibre approprié entre la monarchie, l’aristocratie et la démocratie, qui assurerait une protection contre l’adoption précipitée d’une solution « simple » et garantirait la stabilité du gouvernement5. Les Américains avaient un point de vue différent. L’article premier de la Constitution américaine, section 9, clause 8, interdit expressément l’attribution de titres  : «  Aucun titre de noblesse ne sera conféré par les États-Unis. » Il n’existait aucune interdiction semblable au Canada en 1867. D’ailleurs, plusieurs Pères de la Confédération furent plus tard faits chevaliers par la reine Victoria. La Grande-Bretagne accordait une grande valeur à son aristocratie en 1867. Elle estimait que l’aristocratie avait joué un rôle de chef de file en faisant du pays la plus grande puissance coloniale du monde, en favorisant sa croissance économique et en procurant au gouvernement une source de personnel avisé et talentueux. Les fils d’aristocrates fréquentaient Oxford ou Cambridge, où ils établissaient un réseau de personnes aux vues similaires qui leur seraient utiles et qui, croyaient-ils, serviraient bien leur pays dans l’avenir. Assez récemment encore, les liens familiaux déterminaient qui était admis à Oxford et à Cambridge, et les deux universités étaient reconnues comme des institutions fréquentées par les jeunes des familles aristocratiques6. Il est révélateur de signaler que, sur les 54 premiers ministres que la GrandeBretagne a connus de Robert Walpole (1721) à nos jours, Oxford en a produit 27 et Cambridge, 14, soit plus de 75 %7. Les privilèges de naissance s’accompagnaient cependant de responsabilités. Aucune université canadienne ne saurait se comparer à Oxford et à Cambridge comme lieu de formation de l’élite politique du pays. McGill et l’Université de Toronto cherchent toutes deux à se tailler la réputation d’être la «  Harvard du Nord  », mais aucune ne peut prétendre avoir eu une influence sur le corps politique canadien comme celle exercée par Oxbridge8. Le Canada a connu 23 premiers ministres. Cinq n’ont jamais fréquenté l’université; trois ont obtenu leur premier diplôme de l’Université McGill, un de l’Université d’Édimbourg et quatre de l’Université de Toronto; un a fréquenté l’Université Dalhousie, trois l’Université Laval, un l’Université de la Saskatchewan, un l’Université de Montréal, un l’Université de l’Alberta, trois l’Université de la Colombie-Britannique, un l’Université St Francis Xavier et un autre l’Université de Calgary. En Grande-Bretagne, la Chambre des lords joua un rôle important dans le gouvernement du pays jusqu’au 20e siècle. Le consentement de la Chambre des lords demeura essentiel pour tout projet de loi, sauf

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pour les projets de loi de finances, jusqu’en 1911. Le Parlement Act de 1911 « libéra la plupart de la législation de cette contrainte antidémocratique9 », mais la Chambre des lords conserva tout de même son influence législative. Nombreux étaient ceux qui croyaient que l’aristocratie procurait la stabilité et un sentiment de « noblesse oblige » dans la direction de la Grande-Bretagne. On se disait que, puisque la plupart des aristocrates étaient fortunés, ils n’étaient probablement pas motivés par les avantages pécuniaires et qu’ils étaient ainsi plus libres de servir l’intérêt général du public. Ils avaient intérêt à promouvoir un changement graduel de façon à éviter une rupture complète avec le passé et à empêcher que la populace n’impose sa loi10. Il est certain que cet argument trouvait davantage écho en GrandeBretagne, en raison de son histoire, de la présence de familles bien établies et de l’aristocratie terrienne, qu’au Canada en 1867. À cette époque, le Canada était, à bien des égards, étranger à l’aristocratie. Comment le pays aurait-il pu produire une classe de nobles ou de grands propriétaires terriens susceptibles d’agir en tant que conseillers législatifs et de freiner l’adoption précipitée d’une démocratie «  simple  »? On n’y trouvait aucune université comme Oxford ou Cambridge, ni aristocratie terrienne ou familles ayant une longue tradition de service militaire distingué. Le Canada pouvait tirer un certain réconfort du fait que l’aristocratie avait aussi ses inconvénients et ses détracteurs, ce qui a provoqué son déclin. L’aristocratie ne cadrait ni avec la démocratie représentative, ni avec la société nord-américaine au 19e siècle. C’est ce qu’a souligné Alexis de Tocqueville lorsqu’il a écrit : « En Amérique, où les privilèges de naissance n’ont jamais existé, et où la richesse ne donne aucun droit particulier à celui qui la possède, des inconnus se réunissent volontiers dans les mêmes lieux, et ne trouvent ni avantage ni péril à se communiquer librement leurs pensées. Se rencontrent-ils par hasard, ils ne se cherchent ni ne s’évitent [...]11. » Telle n’était pas la façon d’agir des Britanniques. Au milieu des années 1850, les colonies de l’Amérique du Nord britannique étaient plus ouvertes à la démocratie que la GrandeBretagne. En Grande-Bretagne, l’aristocratie détestait et craignait la démocratie, invoquant souvent les excès des révolutions française et américaine pour appuyer son point de vue. Il était également dans son intérêt que l’on craigne la démocratie et que l’on s’oppose à une extension du droit de vote. À l’époque de la rébellion dans le Haut-Canada, la GrandeBretagne s’en remettait au roi, aux lords et aux Communes pour

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qu’ils définissent l’intérêt national, mais elle était gouvernée par une classe, plus exactement par la bourgeoisie et l’aristocratie. De leur côté, les assemblées canadiennes étaient plus démocratiques, peutêtre parce qu’elles avaient peu de pouvoir, mais aussi parce qu’il n’y avait aucune aristocratie pour leur faire contrepoids. L’élection des membres de ces assemblées ne dépendait pas de leur classe ou de leur richesse, mais de leur popularité. Et c’est là que le bât blessait, selon l’office des colonies, qui redoutait l’adoption hâtive de la démocratie « simple » autant dans ses colonies que dans la métropole. C’est ce qui explique la réticence de la Grande-Bretagne à accorder le gouvernement responsable aux colonies et les rébellions de 1837 dans le Haut et le Bas-Canada12. Même une fois que le gouvernement responsable fut mis en place dans les colonies, d’abord en Nouvelle-Écosse en 1848 puis dans les autres colonies, les assemblées législatives élues n’étaient certainement pas les dépositaires de tout le pouvoir politique. Nous avons vu dans le chapitre précédent qu’Arthur Hamilton Gordon, le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, contourna complètement le premier ministre et les membres élus de l’Assemblée législative lorsqu’il envoya un message à l’office des colonies à Londres pour réclamer la Confédération. En ne rejetant pas le message de Gordon, l’office des colonies contrevint à sa propre directive envoyée en novembre 1846 par le secrétaire colonial, lord Grey, au lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, qui disait : « Il n’est ni possible ni désirable de gouverner aucune des provinces anglaises de l’Amérique du Nord en opposition aux vœux et aux désirs de ses habitants13. » L’adoption sans modification d’institutions politiques et administratives issues d’un milieu politique aux racines profondes, où l’aristocratie dirigeait tout essentiellement, et d’un contexte associé à un État unitaire pour les implanter dans un jeune pays qui comptait deux nations, des économies régionales largement différentes et un vaste territoire inoccupé n’était pas sans poser des défis considérables. Les deux nations de Durham étaient encore en guerre au sein d’un même État en 1867. Bien que la superficie de l’État canadien ait augmenté maintenant que le Nouveau-Brunswick et la NouvelleÉcosse en faisaient partie, les préjugés ne disparurent pas le 1er juillet 1867. En effet, George Brown, l’un des principaux Pères de la Confédération du Canada-Ouest, voyait le nouveau pays comme un moyen d’assimiler les Canadiens français. Il pensait sûrement que la possibilité de les assimiler était meilleure si l’on se fondait sur la représentation selon la population pour déterminer qui serait porté

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au pouvoir, plutôt que sur la formule de représentation «  égale  » prévue par l’Acte d’union de 184014. Les quatre architectes clés de la Confédération – Macdonald, Brown, Galt et Cartier – partageaient certains objectifs, sinon certaines croyances. Ils soutenaient tous les quatre la monarchie, et Cartier affirmait que «  en ce pays, il nous faut une forme propre de gouvernement, où se retrouve l’esprit monarchique15 ». De plus, Brown et Cartier étaient d’accord sur la nécessité d’un Sénat inégal et nommé (plutôt qu’élu), quoique pour des raisons différentes, tout comme Macdonald et Galt. Cartier s’opposait vivement à un Sénat égal et efficace en alléguant que le Québec, en raison de ses besoins culturels et linguistiques différents, n’accepterait jamais d’avoir le même nombre de sénateurs qu’une petite province à elle seule. Brown s’opposait à un Sénat élu non parce qu’il « fondait de grandes attentes envers un Sénat fédéral nommé » mais, insistait-il, parce que « les principes du régime britannique de gouvernement de cabinet n’en exigeaient pas moins que le Sénat ne soit pas une instance élue concurrente ». Il ne voyait non plus aucun avantage pour l’Ontario dans un Sénat égal et élu. En outre, Brown, tout autant que Macdonald, Galt et Cartier, cherchait à maintenir des institutions britanniques dans un contexte canadien16. Les Pères de la Confédération, y compris ceux des Maritimes, voyaient le nouveau pays à travers la lorgnette britannique. C’était vrai même pour ceux qui s’opposaient vigoureusement aux Résolutions de Québec, dont Joseph Howe. La fidélité à la Couronne britannique était pour eux d’une importance capitale. Ils ne virent aucune autre institution que les institutions britanniques pour faire fonctionner leur nouveau pays. Howe, Smith et les délégués de l’Îledu-Prince-Édouard et de Terre-Neuve voulaient cependant que des ajustements importants soient apportés aux nouvelles institutions afin de donner une voix au point de vue des régions à Ottawa, mais elles resteraient toujours fidèles à la Couronne britannique. Le Canada n’est donc pas le produit de peuples qui désiraient vivre ensemble. Il est plutôt le produit de deux peuples habitant dans le Canada-Ouest et le Canada-Est qui étaient incapables d’assurer la stabilité de leur gouvernement, du ferme désir de l’office des colonies britanniques de relâcher ses liens avec les colonies, de la volonté bien arrêtée des colonies de demeurer fidèles à la Couronne britannique et du vif désir des principaux dirigeants du mouvement en faveur de la Confédération de contrer l’expansion américaine dans ce qui est maintenant connu comme l’Ouest canadien et le Canada atlantique17.

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Les considérations qui précèdent motivèrent les actions et déterminèrent les priorités des quatre principaux architectes de la Confédération. Pour leur part, Tupper en Nouvelle-Écosse et Tilley au Nouveau-Brunswick voyaient des avantages dans la construction d’un chemin de fer national. Il importe de souligner que les nombreux opposants à la Confédération en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard étaient contre les Résolutions de Québec, et non contre une union des colonies de l’Amérique du Nord britannique. Comme le savent très bien ceux qui étudient l’histoire du Canada, Macdonald et Brown n’étaient pas sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la plupart des dossiers, pas plus que Brown et Cartier. Mais ils ne voyaient aucune autre option que la Confédération telle qu’ils l’avaient définie lors de la Conférence de Québec, compte tenu de leur programme politique. Ils savaient d’expérience que le statu quo ne pouvait que renforcer l’impasse politique. Ce qu’ils souhaitaient obtenir et qu’ils réussirent finalement à obtenir fut un «  pacte  » ou un «  traité  » entre deux nations : le Canada-Ouest et le Canada-Est. Les colonies maritimes situées à l’est servirent de pions à bien des égards dans les négociations que menèrent Macdonald, Brown et Cartier en vue de conclure le « traité ». Les trois délégués et Galt n’avaient aucun intérêt à chercher des solutions du côté des États-Unis, mais Tupper et Tilley non plus. Ils n’eurent pas besoin de réfléchir longuement au genre d’institutions démocratiques qui était requis pour donner vie à leur programme; tout ce qu’ils avaient à faire, c’était d’importer les institutions britanniques. Comment alors trouvèrent-ils le moyen d’adapter des institutions politiques qui n’avaient jamais régi un vaste territoire et une large communauté linguistique minoritaire, et qui avaient encore moins la capacité de le faire?

l e s t r a n s p o rt s e t l e s c ommuni cati ons En 1867, le Canada était doté de moyens de transport et de communication des plus rudimentaires. Les dirigeants politiques devaient avoir recours à des voitures tirées par des chevaux, à des bateaux à vapeur et, pour certains, à des trains pour rencontrer leurs électeurs. Il était beaucoup plus facile à l’époque pour un marchand d’Halifax de se rendre à Londres, à Liverpool, à Boston, à New York ou dans les Antilles qu’à Toronto. Lors de la campagne électorale de 1872, ni le chef du Parti conservateur, ni celui du Parti libéral ne s’aventurèrent à l’extérieur de l’Ontario18. En appui à

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la construction d’un chemin de fer national, on faisait valoir que, grâce à celui-ci, les « confins les plus éloignés de la partie colonisée du Dominion auraient la possibilité de recevoir une réponse à un message en moins d’un mois19 ». Il ne fut pas facile pour les Pères de la Confédération de se déplacer pour assister aux trois conférences sur la Confédération. Macdonald et Brown durent d’abord se rendre à Québec, où ils s’embarquèrent sur le vapeur Queen Victoria pour l’Île-du-Prince-Édouard. Ils quittèrent Québec le 29 août 1864 et arrivèrent au port de Charlottetown quatre jours plus tard20. Les canaux étaient un moyen de transport important pour la défense, les produits et la population à l’époque de la Confédération. Les canaux Lachine et Rideau, par exemple, étaient déjà en service depuis des années21. Mais les limites inhérentes que leur imposait la géographie faisaient en sorte que le chemin de fer offrait un mode de transport beaucoup plus efficace. De plus, les chemins de fer augmentaient la possibilité d’ouvrir le vaste arrière-pays du Canada et de coloniser de nouvelles régions. La promesse d’un chemin de fer reliant la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse devint en effet un argument de poids en faveur de la Confédération. Ce n’est qu’après l’engagement du gouvernement fédéral de construire le chemin de fer de la côte est jusqu’à la côte ouest que la Colombie-Britannique accepta d’entrer dans la Confédération. Le célèbre historien canadien George Stanley a affirmé : « Sans le chemin de fer, il n’y aurait pas eu de Canada, il n’aurait pas pu y en avoir22. » La première ligne de chemin de fer au Canada fut construite en 1836, mais ce n’est que dans les années 1850 que des progrès de taille furent accomplis. Le chemin de fer du Grand Tronc, qui reliait Sarnia, Toronto, Montréal et Portland, au Maine, fut construit au début des années 1850, et le chemin de fer Great Western, qui reliait les villes de l’Ontario aux grands centres urbains des États-Unis, fut complété quelques années plus tard. On termina la construction de la voie ferrée entre Sarnia et Montréal en 1860. À l’époque de la Confédération, les chemins de fer étaient très prometteurs d’un point de vue commercial et militaire, car ils reliaient les régions les unes aux autres et offraient aux gens la capacité d’explorer de nouveaux marchés et de nouvelles localités. Alexander Galt était un grand promoteur des chemins de fer, convaincu qu’ils briseraient l’isolement économique des Cantons de l’Est, au Québec, la région qu’il représentait. Il entreprit de trouver des investisseurs

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en vue de construire le chemin de fer de Montréal à Portland, au Maine, afin de donner aux habitants de sa circonscription l’accès à un port de mer ouvert toute l’année23. La construction d’un chemin de fer «  national  » progressa lentement. L’Intercolonial, entre les Provinces maritimes et le centre du pays, ne fut terminé qu’en 1876. Ce n’est que le 7 novembre 1885 qu’on enfonça le «  dernier crampon  » du chemin de fer transcontinental menant à la Colombie-Britannique24. Pour souligner son importance, rappelons que la construction d’un chemin de fer transcontinental était un engagement que le gouvernement fédéral avait pris envers la Colombie-Britannique en 1871 et qui avait été un facteur considérable dans la décision de celle-ci de se joindre à la Confédération. Les moyens de communication n’étaient pas moins rudimentaires que les moyens de transport. C’est seulement une vingtaine d’années avant la Confédération qu’on réussit à envoyer le premier télégramme entre Toronto et Hamilton25. Cinquante ans après la Confédération, George M. Wrong s’est intéressé aux défis auxquels les politiciens canadiens étaient confrontés, comparativement à ceux des politiciens britanniques. Il a expliqué  : «  L’immensité même de l’union canadienne a créé l’une de ses principales difficultés. À Victoria, on réussit rarement à obtenir un journal publié à Toronto datant de moins d’une semaine. La distance constitue un handicap sérieux dans l’essor de la vie nationale. En Grande-Bretagne, un politicien est en mesure de faire un discours dans le Sud de l’Angleterre le matin et de le répéter dans la capitale de l’Écosse le même jour. Au Canada, il faut compter environ six jours et six nuits pour passer d’un bout à l’autre du pays26. » Les politiciens de 1867 devaient faire preuve de créativité pour entrer directement en contact avec les citoyens. Il faudrait attendre encore 50 ans avant l’invention de la radio. Pour atteindre l’électorat, les politiciens devaient faire appel aux journaux et organiser des piqueniques électoraux et des réunions publiques. Comme les partis politiques n’en étaient qu’à leurs balbutiements, les politiciens ne pouvaient pas s’appuyer sur une organisation nationale de parti pour avoir facilement accès aux membres du parti ou aux électeurs27. Le journal était l’outil de communication de choix en 1867 et le demeura durant de nombreuses années. À l’époque, les journaux étaient ouvertement partisans et étroitement associés à un parti politique. Khayyam Paltiel explique : « Dès le tout début du Dominion, en 1869, John A. Macdonald sentit donc le besoin d’encourager la fondation d’un journal sympathique au parti (The Mail) à Toronto

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et il fut régulièrement appelé à sa rescousse. Une génération plus tard, un groupe de libéraux rassemblèrent les fonds pour faire l’acquisition du Toronto Evening Star28. »

l e fac t e u r h u m a in au canada La population du Canada en 1867 totalisait 3,4 millions d’habitants dispersés en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Environ 80 % d’entre eux étaient nés au Canada, dont 100 000 Autochtones et un million de Canadiens français, et le reste de la population se composait d’Anglais, de Gallois, d’Irlandais, d’Écossais et de personnes d’une autre origine « étrangère »29. Le Canada était alors un pays rural, et son économie reposait sur l’agriculture (surtout de petites fermes), le bois d’œuvre et le poisson. La composition des délégations qui participèrent à la Conférence de Québec montrait bien qui occupait le haut du pavé dans la société canadienne. Les 33 délégués à la Conférence étaient tous des hommes, il n’y avait aucun Autochtone parmi eux et seulement quatre Canadiens français. Les minorités de langue française du Canada-Ouest et des Maritimes n’étaient pas représentées, mais les minorités de langue anglaise du Canada-Est, sous la direction d’Alexander Galt, étaient bien représentées. Trois des quatre principaux architectes de la Constitution canadienne (Macdonald, Galt et Brown) étaient nés en Grande-Bretagne. Ils décidèrent qu’une union des colonies britanniques était l’option à privilégier pour les raisons susmentionnées et, comme le font plusieurs politiciens, ils entreprirent de protéger les intérêts de la région qu’ils représentaient. La communauté autochtone fut complètement écartée. Il ne vint jamais à l’esprit des Pères de la Confédération qu’il fallait inclure les Autochtones dans les négociations. On peut avoir une idée de la place de la communauté autochtone dans la société canadienne à l’époque de la Confédération en lisant la Loi sur les Indiens. Adoptée en 1876, neuf ans seulement après la Confédération, cette loi est un document éminemment paternaliste et même offensant. Elle avait pour but de dépouiller les Autochtones de leur langue et de leur culture et, selon les termes de John A. Macdonald, « d’assimiler totalement les Indiens au reste de la population du Dominion aussi rapidement qu’ils seront aptes à ce changement30 ». Les agents des Indiens reçurent la consigne, par exemple, d’employer tous les moyens nécessaires pour décourager les Autochtones de danser lors des pow-wow ou des cérémonies de danse du Soleil. Cette loi établissait un système de « réserves » et

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n’accordait le droit de vote aux Autochtones que s’ils renonçaient à leur statut d’Indien31. Les Pères de la Confédération jugèrent tout à fait inutile d’entendre le point de vue des Autochtones pour élaborer les nouvelles institutions politiques ou de s’inspirer de leur expérience pour traiter des questions de gouvernance, car ils étaient persuadés que les Autochtones n’avaient rien à offrir pour améliorer les institutions d’inspiration britannique. L’idée d’unir les colonies de l’Amérique du Nord britannique avait fait l’objet de discussions qui s’étaient tenues essentiellement à l’insu des Canadiens français bien avant la Conférence de Charlottetown32. Après la Conquête, les protestants anglais avaient le gros bout du bâton dans les colonies – c’étaient eux les vainqueurs — et certains d’entre eux, notamment George Brown, étaient ouvertement hostiles au Canada français. George-Étienne Cartier n’était pas en position de force pour négocier avec ses homologues du Canada-Ouest. Mais le Canada-Ouest avait besoin de Cartier pour que l’accord sur la Confédération se concrétise. Si l’entrée dans la Confédération rencontrait une certaine réticence dans le Canada-Est, elle n’en suscitait pratiquement pas dans le Canada-Ouest. Cartier put donc dire à ses électeurs qu’il serait maintenant possible d’utiliser le français au Parlement et dans les tribunaux, que la Confédération viendrait à bout du blocage politique entre les deux Canadas, que le Canada-Est ne serait pas aspiré dans le vortex américain et que le Québec aurait sa propre législature provinciale qui aurait compétence en matière d’éducation. Jean-Charles Bonenfant a résumé la situation : « La Confédération s’est réalisée parce que les Canadiens anglais avaient besoin que les Canadiens français [lire ici le Québec] en soient. » Il a ajouté : « les Canadiens français n’en eurent cependant pas une vision théorique très élevée [du fédéralisme] et ils auraient été incapables de disserter sur la plupart des problèmes qu’il pose aujourd’hui. Ces problèmes, ils ne les ont même pas soupçonnés33. » À titre de porte-parole du Québec et des minorités de langue française, Cartier ne connaissait pas beaucoup le fédéralisme. Il expliqua pourquoi il faisait front commun avec Macdonald, Brown et Galt : « La question se réduit à ceci : il nous faut ou avoir une confédération de l’Amérique britannique du Nord ou bien être absorbés par la Confédération américaine34. » Cartier et une bonne partie du clergé catholique du Québec croyaient que les intérêts culturels et religieux de la colonie seraient mieux servis si celle-ci se joignait à la Confédération que si elle devenait un des États américains. C’était là le nœud de la question pour

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Cartier et d’autres habitants du Québec qui pensaient comme lui, et ils obtinrent ce qu’ils voulaient : le Québec allait avoir sa propre assemblée législative et la langue française allait bénéficier d’une certaine reconnaissance, voire d’une certaine protection, au sein des institutions politiques nationales. De toute façon, ils savaient très bien que les jeux étaient faits. C’était la Confédération et les institutions d’inspiration britannique ou rien. Même le statu quo était en péril, car tout le monde dans les deux Canadas était bien conscient que l’Acte d’union de 1840 tirait à sa fin. L’impasse politique devint insoutenable pour toutes les parties.

l e c a n a da f r a n ç ai s à l’époque d e l a c o n f é dérati on Nul ne sera étonné d’apprendre que les Canadiens français (lire ici les Canadiens français du Canada-Est) ne négociaient pas en position de force et que les Autochtones furent mis à l’écart lors de la création du Canada. Nous savons que certains des habitants les plus riches et les plus instruits du Canada français prirent le parti de rentrer en France après la Conquête, privant la colonie d’une grande partie de ses élites économiques et politiques et de sa capacité d’innovation. La France elle-même se soucia peu du sort de ses anciens colons après avoir perdu la colonie. Loin d’aider son ancienne colonie à reconstruire son économie après une guerre dévastatrice et coûteuse, la France répudia même sa dette envers elle. La défaite entraîna de profondes répercussions. N’étant plus en contrôle de leur propre territoire et se trouvant désavantagés pour une raison ou une autre par rapport aux conquérants britanniques, les Français se retirèrent, dans une large mesure, de la concurrence économique. Ils cherchèrent refuge dans leurs traditions et cultivèrent un nationalisme local, se consolant de ne pas participer pleinement à la vie économique en se disant qu’ils ne souhaitaient pas y participer de toute façon. Ils préféraient le caractère distingué et l’humanité de leur mode de vie, leur religion catholique romaine, leurs propres valeurs et leur propre culture au vulgaire matérialisme des vainqueurs. Ces attitudes se sont ancrées et ritualisées avec le temps. Cet idéal d’une société agraire sereine dirigée par l’Église catholique et d’une élite cultivée indifférente à la richesse était si convaincant que de nombreux Canadiens français en vinrent à croire que tel était vraiment le portrait du Canada français. Ainsi, sir John

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Bourinot, greffier de la Chambre des communes et secrétaire de la Société royale du Canada, écrivit en 1896 : « En règle générale, l’habitant se contente de très peu pour vivre. Donnez-lui une pipée de tabac indigène, l’occasion de discuter de politique, d’échanger un potin avec ses compagnons sur le parvis de l’église après l’office, une visite de temps en temps au chef-lieu du comté, et il sera heureux. Il n’en faut pas beaucoup pour l’amuser, et il est tout à fait persuadé que le salut de son âme est garanti tant qu’il se trouve à portée du son des cloches d’église, qu’il va régulièrement se confesser et qu’il observe toutes les fêtes d’obligation. Si un membre de sa famille ou lui-même réussit à obtenir ne serait-ce qu’un petit poste au sein de la municipalité ou du “gouvernement”, son bonheur sera presque parfait35. » J.P. Beaulieu, du ministère de l’Industrie du Québec, tenait des propos semblables aussi récemment qu’en 1952, quoiqu’il ait accordé plus d’attention à l’industrialisation alors en cours : « Le Québec, il y a à peine un demi-siècle, [était] une région pittoresque dans un vaste pays, où les terres agricoles alternaient avec les forêts, les rivières, les villages et les foyers de colonisation fraîchement défrichés sur la plupart de son étendue. C’était un Québec presque inchangé depuis l’époque des pionniers, où les anciens usages avaient été gardés vivants d’une génération à l’autre par la population rurale36.  » Je souligne que Bourinot et Beaulieu étaient tous deux des Canadiens français qui parlaient donc de leur propre communauté. Ce point de vue était répandu dans tout le Canada français jusqu’à récemment. Justin Trudeau rapporte que son père lui a expliqué que « l’élite politique et religieuse cherchait à protéger le caractère catholique et français de la province dans une Amérique du Nord en majeure partie protestante et anglophone. En gros, on cherchait surtout à conserver une société formée de cultivateurs et de bûcherons, sur laquelle veillait un petit cadre d’avocats, de curés, de médecins et de politiciens. L’argent et les affaires, on laissait ça aux Anglais37. » Les Canadiens français s’intéressaient beaucoup à la politique; c’était une question de survie. Mais ils devaient respecter les règles et les institutions établies par les Britanniques. Personne n’avançait sérieusement – que ce soit dans le Canada-Ouest, le Canada-Est ou les Maritimes – que le nouveau pays pouvait importer ses institutions de la France ou des États-Unis (mis à part le fédéralisme). Il n’était pas possible de créer des institutions de toutes pièces. Le Canada tant anglais que français n’avait ni les compétences, ni l’assurance nécessaires pour définir des institutions politiques qui permettraient

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de concilier les forces « d’en bas » et de répondre aux exigences politiques et économiques d’un nouveau pays. Quoi qu’il en soit, Cartier et le puissant clergé catholique obtinrent tout ce qu’ils pouvaient espérer obtenir de la Conférence de Québec. Ils obtinrent la protection des droits linguistiques et religieux des habitants du Québec et la mise en place dans la province de ses propres institutions politiques. En raison du manque d’infrastructures de transport et de communication, les habitants de la province pourraient continuer de vivre relativement isolés des « Anglais ». À l’instar de Macdonald, Cartier considérait la Confédération comme un pacte, un traité qui servait les intérêts de sa province. Les deux nations, selon les mots de Macdonald, avaient conclu un traité et obtenu ce qu’elles voulaient en tirer.

l e s au to c h to n e s à l’époque d e l a c o n f é d érati on Les communautés autochtones furent dispersées aux quatre vents lors de l’arrivée des Européens de l’Ouest. Les maladies européennes décimèrent un grand pourcentage de la population autochtone. De plus, la culture autochtone était fortement imprégnée d’un égalitarisme qui céda le pas lorsque certains Autochtones furent en mesure d’acquérir des biens européens. De tels produits conféraient à leurs propriétaires un prestige et une autorité supérieurs à ceux dont ils jouissaient au sein de leurs bandes de chasseurs-cueilleurs avant les premiers contacts avec les Européens38. À l’époque de la Confédération, les décideurs politiques avaient pour but de «  civiliser  » les peuples des Premières Nations39. Les Autochtones reçurent des noms européens et l’on ne ménagea aucun effort pour les amener à embrasser le christianisme. Les décideurs voulaient que les Autochtones abandonnent la chasse et la pêche, qu’ils se tournent vers l’agriculture et qu’ils adoptent un mode de vie sédentaire. Ils firent du gouvernement le gardien de toutes les terres de la Couronne, y compris les « terres des réserves indiennes », envoyant clairement le message que la Couronne avait la responsabilité de « s’occuper des Autochtones et de veiller à leurs intérêts »40. Aux yeux des Pères de la Confédération, les cultures ou les pratiques de gouvernance des communautés autochtones n’avaient aucune valeur. Il ne leur vint même pas à l’esprit qu’il fallait consulter les Autochtones pour savoir s’ils souhaitaient faire partie de la Confédération ou pour obtenir un point de vue nouveau au sujet des institutions politiques

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qu’il convenait d’établir pour les sociétés qu’elles étaient destinées à servir. Il n’est pas exagéré d’affirmer que les Autochtones constituaient un problème selon les Pères de la Confédération, un problème que le nouveau gouvernement central allait devoir régler. Le gouvernement fédéral résolut effectivement le «  problème  » en 1867 en assumant simplement la responsabilité qui incombait auparavant à la Couronne britannique. Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle confère au Parlement du Canada l’autorité législative sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens41 ». Encore une fois, si les Pères de la Confédération avaient accompli leur travail en appliquant les normes actuelles de démocratie, de conflit d’intérêts et d’éthique ainsi que les exigences en matière d’accès à l’information, ils auraient traité les Autochtones de manière bien différente. Le nouveau pays souscrivit tout bonnement aux politiques établies avant la Confédération à l’égard des Autochtones puis maintint le statu quo. On considérait depuis longtemps que les Autochtones étaient «  non civilisés, économiquement retardés et moralement inférieurs aux Européens42 ». Les formes traditionnelles de gouvernance qu’on observait chez les communautés autochtones furent rejetées et remplacées par un système qui relevait directement du gouvernement central et de ses « agents des Indiens ». Des chefs et des conseillers de bande élus uniquement par des hommes exerceraient désormais leurs fonctions selon le bon plaisir du gouvernement.

l e s f e m m e s à l’ é p o q u e d e la confédérati on Lorsqu’on regarde le tableau de Robert Harris représentant les participants à la Conférence de Québec de 1864, on est frappé par le manque de diversité : aucune femme, aucun Autochtone, aucun représentant des minorités visibles. Les participants – tous des hommes de race blanche – ne virent pas la nécessité d’élargir leurs rangs ni même de consulter des gens au-delà de leur entourage immédiat43. Le rôle des femmes lors des conférences de Charlottetown et de Québec se limita à divertir les délégués et à organiser « des dîners, des soupers et des bals somptueux44  ». Les commentaires rapportés par Donald Creighton sur le déroulement de la Conférence de Québec ont vraiment de quoi choquer. Il convient d’en citer un long extrait : « La première impression d’Edward Whelan, lors de la réception offerte par le gouverneur général jeudi soir, fut que les femmes de Québec étaient toutes remarquablement quelconques, généralement plutôt courtes et presque toujours beaucoup trop

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corpulentes. Mercy Coles nota son opinion selon laquelle les femmes des Maritimes, avec à leur tête l’élégante Mme Tupper, “faisaient vraiment honneur à leurs provinces”. “J’ai vu plus de jolies filles à un bal tenu à Government House, à Charlottetown – davantage au banquet qui y fut offert en soirée à Province House –, que je n’en ai vu dans le grand salon45.” » On ne peut qu’attribuer de tels propos à la mentalité de l’époque. Comment expliquer autrement les observations de Creighton, qui ajouta que « les Canadiennes françaises firent meilleure impression à la Conférence de Québec »? Il vaut la peine de le citer longuement à nouveau : « Il apparaissait maintenant que les Canadiennes françaises, qui à première vue avaient semblé plutôt bien en chair et costaudes, possédaient tout autant de “féminité”, cette précieuse qualité toute victorienne, que les beautés moins robustes et plus languissantes d’Halifax ou de Saint John. Leurs crinolines, à l’époque plus bouffantes que jamais, n’avaient rien pour atténuer leurs rondeurs, mais leurs coiffures à la mode et les parures finement élaborées de leurs robes de bal de la saison n’auraient guère pu mieux les mettre en valeur. Les petits chapeaux à rubans de velours garnis de minuscules plumes d’autruche, les mèches de cheveux roulés en boucles tombant innocemment sur une épaule ronde, les corsages moulants scintillant de perles de cristal, les crinolines bouffantes somptueusement ornées de tresses, de boucles en satin et d’incrustations en velours, tous ces beaux atours seyaient extrêmement bien à ces créatures à fossettes, courtes et enjouées46. » Ce n’est qu’en 1859, soit huit ans avant la Confédération, que l’on reconnut aux femmes mariées du Canada le droit à la propriété. Si elles avaient le droit de posséder des biens, les femmes n’étaient cependant pas autorisées à les vendre sans l’accord de leur mari. En 1867, le droit de vote fut restreint aux hommes de 21 ans et plus qui étaient sujets britanniques de naissance ou par naturalisation47. En réponse à une suffragette qui demanda pourquoi elle n’avait pas le droit de vote, Macdonald déclara : « Madame, je ne puis le concevoir48. » Les femmes reçurent enfin le droit de vote aux élections fédérales le 24 mai 1918. Leur contribution à l’effort de guerre, et non un souci de la démocratie représentative, leur ouvrit la voie à l’obtention du droit de vote. Le gouvernement du Canada expliqua : « Leur service et leurs sacrifices ont aidé à influencer la décision d’accorder le droit de vote fédéral à un grand nombre de femmes canadiennes en 191749. »

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La démocratie représentative canadienne fut définie essentiellement par quatre hommes de race blanche (Macdonald, Brown, Galt et Cartier) qui ne jugèrent pas vraiment nécessaire de consulter qui que ce soit à l’extérieur de leur cercle immédiat. Les minorités, les femmes, les Autochtones et les provinces les moins peuplées furent donc laissés pour compte. Pour résumer encore une fois, les quatre hommes résolurent de dénouer l’impasse politique dans laquelle se trouvaient les deux Canadas en important les institutions de la mère patrie, sans ressentir le besoin de mettre en place des institutions issues des pressions de la société qu’elles seraient appelées à servir.

l e s é l ites Dans les années 1860, les élites politiques et économiques du pays étaient étroitement liées à la Grande-Bretagne. Macdonald, Brown et Galt étaient tous les trois nés en Grande-Bretagne, comme nous l’avons noté, de même que John Langton, sans doute le fonctionnaire le plus puissant au Canada durant ses premières années d’existence, qui agissait à titre de sous-ministre des Finances. De plus, comme il a aussi été souligné, Leonard Tilley, un Père de la Confédération du Nouveau-Brunswick, était issu d’une famille loyaliste britannique, tout comme Albert Smith, son homologue du Nouveau-Brunswick, et Joseph Howe, de la Nouvelle-Écosse. L’arrivée des Loyalistes eut d’importantes conséquences pour les colonies britanniques et, plus tard, pour le Canada. L’afflux soudain de Loyalistes entraîna la division d’une colonie en deux, renforça les liens avec la Couronne britannique et apporta une nouvelle culture politique dans les colonies. L’histoire des Loyalistes est bien connue. Les habitants des colonies américaines qui étaient fidèles à la Grande-Bretagne pendant et après la Révolution américaine connurent de graves difficultés : ils ne pouvaient pas voter, n’avaient pas le droit de vendre des terres et plusieurs professions leur étaient interdites. Quelque 70 000 Loyalistes s’enfuirent des colonies américaines et, au début, la plupart se rendirent en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et, dans une moindre mesure, au Québec et en Ontario. Les Loyalistes étaient opposés à la révolution pour diverses raisons. Beaucoup attachaient une grande importance aux liens qui les unissaient à la mère patrie. Ainsi, la devise de l’Ontario, Fidèle elle commença, fidèle elle restera, témoigne de l’engagement des Loyalistes envers la Couronne britannique. Certains Loyalistes se méfiaient de la

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démocratie représentative. Selon une croyance largement répandue, le révérend Mather Byles, un chef de file de la communauté à son époque, fit remarquer : « Qu’est-ce qui est mieux : être gouverné par un tyran à 3 000 milles ou par 3 000 tyrans à moins d’un mille50? » La transition vers les nouvelles colonies s’avéra toutefois ardue pour les Loyalistes. Ils partirent dans la panique, laissant derrière eux la plupart de leurs biens, pour s’établir dans des contrées aux hivers rigoureux et aux perspectives économiques modestes. Certains Loyalistes eurent beaucoup plus de difficulté que d’autres à s’adapter à leur nouveau pays. Les Loyalistes noirs et autochtones qui avaient combattu du côté de la Grande-Bretagne s’en tirèrent beaucoup moins bien que les Loyalistes blancs51. Une autre vague de Loyalistes – appelés les Loyalistes de la dernière heure – s’établirent principalement dans le Haut-Canada ou l’Ontario. Les promesses faites aux Loyalistes noirs et autochtones (des Iroquois pour la plupart) ne furent pas honorées, et la transition fut particulièrement pénible pour eux. Une compagnie britannique décida plus tard d’offrir aux Loyalistes noirs de les relocaliser en Sierra Leone, en Afrique de l’Ouest, une offre qu’environ la moitié d’entre eux acceptèrent52. Selon Barry Cahill, les Loyalistes noirs relevaient davantage du mythe que de la réalité dans la région. Cahill explique : « Ni l’hypothèse des Loyalistes noirs, ni le mythe auquel elle a donné lieu ne tiennent compte du fait que c’est le racisme tout court qui empêcha les esclaves fugitifs d’être des Loyalistes ou d’être considérés comme tels53. » Les Loyalistes blancs – ou les Loyalistes choisis – occupaient le haut du pavé dans les nouvelles colonies et leur attachement à la Grande-Bretagne ou aux institutions britanniques n’était pas près de s’affaiblir. D’ailleurs, ils furent généreusement récompensés pour leur loyauté. On leur attribua les meilleures terres agricoles, chaque chef de famille recevant 100 acres, superficie qui augmenta plus tard à 200 acres. On leur fournit aussi une assistance matérielle sous forme de nourriture, d’outils et de matériaux de construction pour les aider à coloniser les terres. Les officiers militaires reçurent davantage de terres et de ressources. Les Loyalistes arrivèrent dans la région en disant à tout le monde qu’ils avaient tout sacrifié par loyauté envers la Couronne britannique. Ils insistaient pour dire que la GrandeBretagne leur devait des terres, du soutien financier et des postes gouvernementaux, quitte à en congédier les titulaires. Leur profond sentiment que tout leur était dû «  allait empoisonner les relations entre eux et le reste de la population durant des décennies54 ».

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Les Loyalistes avaient hâte de démontrer leur fidélité à la Couronne britannique et leur opposition au républicanisme américain, du moins dans les premiers temps. Ils étaient particulièrement conservateurs en ce qui a trait aux institutions politiques et à l’unité de l’Empire britannique. Ils pressaient les colonies, notamment le Québec, de modifier leurs lois pour les rendre plus conformes aux lois et traditions britanniques. Ils eurent une profonde incidence sur la géographie et le régionalisme canadiens. Leur arrivée mena à la création d’une nouvelle colonie, le Nouveau-Brunswick, et à la division du Québec en deux entités : le Haut et le Bas-Canada55. Le Canada de 1867 était différent du Canada d’aujourd’hui sous de nombreux aspects, certains plus importants que d’autres. Il ne fait pas de doute que la démocratie canadienne (vers 1867) avait des exigences différentes. Il était plus facile de contrôler la presse, comme le montrèrent les délibérations lors de la Conférence de Londres. Macdonald réussit à faire en sorte que les discussions se tiennent à huis clos, loin des médias, craignant des fuites qui ne feraient qu’alimenter l’opposition à l’entente conclue à Québec, notamment dans les colonies maritimes. Il fut également facile d’orienter les consultations publiques, dans la mesure où il y en eut. Bien entendu, les journaux prirent position pour ou contre la Confédération et leurs articles exprimaient un parti pris évident. Ils recevaient les informations que les politiciens voulaient bien leur transmettre. Les négociations furent tenues par un club fermé d’hommes de race blanche, dont une poignée dirigeaient les débats. Les liens avec la Grande-Bretagne demeurèrent forts durant de nombreuses années; en fait, ils le sont encore dans certaines régions du Canada. Les armoiries du pays, redessinées en 1994, sont révélatrices. Elles montrent la bannière du Royaume-Uni, le drapeau du royaume français, des symboles de l’Angleterre et de l’Irlande, des symboles de la monarchie, des feuilles d’érable (un symbole typiquement canadien) et des mots latins qui signifient « Ils aspirent à une meilleure patrie » et « D’un océan à l’autre ». Pas un mot au sujet des Autochtones. Pas un mot au sujet de la diversité régionale du Canada. On estimait que la Couronne britannique, le drapeau du royaume de France et la feuille d’érable constituaient les symboles clés de l’unité permettant de couvrir la diversité régionale, du moins le genre de diversité régionale qu’on observait en Ontario et au Québec. Le contexte canadien de 1867 reflétait la façon dont les Européens voyaient le monde. Ils avaient découvert les Amériques et

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décidé que tous les habitants des colonies devaient être assujettis à leur pouvoir colonial56. Les Canadiens français occupaient un espace fondamental dans le nouveau pays et il fallait les inclure dans les négociations pour parvenir à un accord menant à la Confédération. Les répercussions de la conquête britannique étaient cependant omniprésentes en 1867 et, à certains égards, elles se font encore sentir de nos jours. Les Canadiens français du Québec estimaient tout de même avoir obtenu tout ce qu’il était possible d’obtenir des négociations : leur propre gouvernement provincial, bien qu’investi de pouvoirs très limités durant les premières années, et l’engagement qu’il serait permis d’utiliser l’anglais ou le français au Parlement et dans les tribunaux57. C’était là d’importantes concessions pour le Québec. La Minerve, un des principaux journaux québécois de l’époque, salua l’accord sur la Confédération, prédisant que le Canada français (ici encore, lire le Québec) serait « maître chez lui en tout ce qui regarde son économie sociale, civile et religieuse58 ». George Brown obtint lui aussi ce qu’il voulait, soit la représentation selon la population, qui allait désormais décider qui détiendrait le pouvoir dans le nouveau Canada. Les autres principaux architectes de la Confédération, Macdonald et Galt, obtinrent également ce qu’ils voulaient, c’està-dire le dénouement de l’impasse politique qui avait paralysé le Canada-Ouest et le Canada-Est et la capacité de rester fidèles à la Couronne britannique tout en important au Canada des institutions politiques préfabriquées. L’espace ou le régionalisme, encore une fois, n’a pas reçu toute la considération qu’il méritait dans les négociations menant à la Confédération. L’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve se retirèrent tout simplement des négociations, surtout en raison du régionalisme, convaincues qu’il leur serait impossible de défendre leurs intérêts au sein des institutions politiques nationales. La vaste expansion du territoire vers l’ouest ne s’était pas encore produite, de sorte que la région n’eut pas voix au chapitre. En outre, comme il a été mentionné, les principaux participants aux négociations croyaient que le régionalisme était quelque chose qu’il fallait réfréner ou, si possible, dont il ne fallait pas tenir compte. Ils n’avaient qu’à regarder vers le sud, où la guerre de Sécession faisait rage, pour en voir la preuve. Les dirigeants politiques du Canada-Ouest et du Canada-Est savaient aussi d’expérience à quel point le régionalisme avait paralysé leurs institutions politiques. Ils n’avaient donc aucune objection à importer, pratiquement sans

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rien y changer, des institutions politiques peu habituées à traiter de questions régionales. Ils n’avaient aucun meilleur arrangement à proposer, seulement une méfiance profonde envers les questions régionales. Les décisions prises lors des conférences de Québec et de Londres étaient en accord avec l’esprit de l’époque, du moins du point de vue des deux Canadas. Les choix qui ont été arrêtés en 1867 ont eu cependant un effet déterminant et persistant sur la politique canadienne, les politiques publiques et l’administration publique du pays59. Le facteur humain n’exerça lui aussi qu’une influence négligeable dans l’établissement des institutions politiques du nouveau pays. Des hommes de race blanche et d’âge moyen, surtout des protestants fortement attachés à la Grande-Bretagne, apportèrent leurs valeurs et leurs préférences à la table de négociation et définirent le mode de fonctionnement du nouveau pays. Le Canada français fut défini comme étant le Québec, la question de l’égalité entre les hommes et les femmes ne se posait pas, et les Autochtones furent complètement exclus des négociations. Deux colonies – l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve – se retirèrent des négociations, et les quatre provinces de l’Ouest n’avaient pas encore vu le jour. L’histoire de la colonisation poursuivait son cours, et le Canada en subit encore les conséquences à ce jour.

r e to u r e n a rri ère À la lumière de ce qui précède, nous pouvons formuler diverses observations. La Confédération était un pacte, un traité conclu entre le Canada-Ouest et le Canada-Est ou entre deux nations. Macdonald, Brown, Galt et Cartier employaient souvent les mots «  pacte  », « traité » ou « compromis » pour désigner l’accord conclu à Québec en 1864. Je ne peux faire mieux que de citer un long extrait d’un texte de George Stanley à ce sujet. Il a écrit : « Les délégués canadiens à Québec et à Londres étaient tout à fait convaincus que leur accord était un traité ou un pacte, mais ce sentiment fut toujours plus faible chez les gens des Maritimes que parmi les Canadiens, et spécialement les Canadiens français, dont la principale préoccupation pour assurer leur vitalité en tant que minorité était et doit être la survie de leur culture et le pacte qui constitue la garantie constitutionnelle de cette survie [...] S’il n’y avait qu’une seule race, une seule religion et une seule langue parmi la population canadienne, a-t-il ajouté, notre fédération serait marquée par la flexibilité et il serait relativement

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facile de modifier les lois lorsqu’on s’entend sur les questions fondamentales. Puisque l’histoire nous a donné deux cultures, qui se distinguent par la race et la langue, nous devons maintenir un équilibre précaire entre les deux groupes, et notre constitution est rigide et inflexible. » Stanley a conclu en disant que l’idée d’un pacte entre deux races « a imprimé sa marque sur la pensée politique et le vocabulaire politique », et elle continue de le faire encore aujourd’hui60. Qu’en était-il de l’Ouest canadien et des Maritimes? La région de l’Ouest n’eut pas voix au chapitre. Les Maritimes purent exprimer leur point de vue, qui reçut une écoute polie mais qui fut rejeté. Macdonald, avec l’aide de l’office des colonies, fut le maître d’œuvre de l’accord qui permit à Cartier d’y apposer sa signature. Les dirigeants politiques des Maritimes n’avaient pas la force d’action nécessaire pour remettre en question un pacte ou un traité négocié à des milliers de kilomètres par des politiciens aguerris qui voulaient mettre un terme à un blocage politique paralysant. Personne – pas même Albert Smith, du Nouveau-Brunswick, ou Joseph Howe, de la Nouvelle-Écosse – n’était de taille à affronter le groupe formé par Macdonald, Brown, Galt, Cartier et l’office des colonies britanniques. Les auteurs des Résolutions de Québec prirent envers les Maritimes l’engagement constitutionnel de construire un chemin de fer pour relier la région, et celle-ci allait devoir s’en contenter. Les institutions politiques n’auraient pas la capacité de donner une voix aux petites régions dans l’élaboration des politiques nationales. Les institutions politiques britanniques étaient conçues pour fonctionner dans un État unitaire et satisfaire les intérêts des aristocrates. Elles n’avaient aucune expérience en matière de fédéralisme, de régionalisme et de droits des minorités linguistiques. Elles étaient conçues en fonction de la population de la Grande-Bretagne, de son histoire et de sa situation socioéconomique. En résumé, les Pères de la Confédération établirent les conditions de l’union de plusieurs Canadas sans concevoir des institutions politiques nationales permettant de tenir compte de leur situation particulière. Un Canada avait des liens étroits avec la Grande-Bretagne, un autre avec l’Église catholique et la langue et la culture françaises, un autre Canada était celui des Autochtones, et un autre encore était composé de diverses économies régionales. Les Premières Nations furent dépouillées de leur pouvoir ou de leur influence politique, retirées de la responsabilité des gouvernements provinciaux et des administrations locales et se sont retrouvées dans des communautés « dont la colonisation était profonde et immuable61 ». Les Pères de la

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Confédération semèrent les germes qui pousseraient les Autochtones à faire appel aux tribunaux plutôt qu’aux institutions politiques et bureaucratiques pour mettre en œuvre leur programme politique. Le gouvernement central conserverait toute l’autorité nécessaire pour gérer le « problème indien », tandis que très peu de pouvoirs furent délégués aux conseils de bande. Les agents des Indiens nommés par le gouvernement avaient tout le pouvoir de dicter la portée et le rythme des changements dans tous les secteurs clés des communautés autochtones62. Les autres Canadas ont dû rivaliser pour promouvoir leurs intérêts (avec plus ou moins de succès) à l’intérieur des institutions politiques nationales. Le désir de Macdonald, Brown, Galt et Cartier d’importer telles quelles les institutions politiques britanniques au Canada a incité K.C. Wheare, sans conteste la plus grande autorité en matière de fédéralisme, à conclure que « la Constitution canadienne est quasi fédérale du point de vue du droit63 ». Enfin, le facteur démographique était bien différent au Canada de ce qu’il était en Grande-Bretagne en 1867. La classe économique et politique avait beaucoup plus d’importance en Grande-Bretagne qu’elle n’en avait au Canada64.

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Les deux prochains chapitres examinent l’évolution de la société canadienne depuis 1867. Ils démontrent aussi que les institutions politiques et administratives nationales n’ont pas évolué au même rythme que la situation socioéconomique du pays. Par conséquent, les décideurs politiques ont adopté des changements improvisés afin de répondre aux pressions de l’heure et de souder les institutions politiques nationales du pays pour faire en sorte que le Canada fonctionne. Si Macdonald, Brown, Galt et Cartier pouvaient voir le Canada maintenant, on peut présumer qu’ils seraient satisfaits du résultat, mais aussi inquiets. On peut aussi aisément supposer que Joseph Howe et Albert Smith diraient : « Je vous l’avais bien dit. » Macdonald se réjouirait de voir que le Canada s’étend d’un océan à l’autre, que ses liens avec la Grande-Bretagne sont demeurés intacts et que nous avons su résister à la force d’attraction des États-Unis vers le sud sur le plan politique, sinon sur le plan économique ou culturel. Macdonald constaterait cependant que la forme de gouvernement qu’il avait envisagée pour le Canada – un gouvernement national fortement centralisé se rapprochant le plus possible d’un État unitaire – n’a pas répondu aux attentes. Macdonald croirait sans doute que le régionalisme a semé la pagaille au Canada. De son siège à Ottawa ou à Kingston, il serait déconcerté par le mouvement souverainiste au Québec, le sentiment d’aliénation de l’Ouest et le Mouvement des droits des Maritimes (vers les années 1920). De plus, les gouvernements provinciaux jouent un rôle beaucoup plus grand au Canada qu’il ne l’aurait jamais imaginé, et il serait probablement étonné du rôle grandissant du gouvernement dans plusieurs secteurs. On peut facilement présumer que

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Macdonald n’avait jamais anticipé le rôle que les gouvernements exercent présentement en éducation, dans les soins de santé et dans les services sociaux. S’il l’avait prévu, il aurait demandé que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file dans ces secteurs. À l’époque de la Confédération, les colonies affectaient environ 3,2 % de leurs budgets de dépenses aux services sociaux, aux soins de santé et à l’éducation. De nos jours, les gouvernements y consacrent près de la moitié de leurs budgets de dépenses. Macdonald aurait également bien du mal à expliquer pourquoi le système judiciaire contribue autant à façonner les politiques publiques. George Brown serait sans doute très heureux que le pouvoir politique au sein du Parlement national et du gouvernement fédéral repose encore sur la représentation selon la population. On se souviendra qu’il insista sur la représentation selon la population tout au long des négociations ayant mené à la Confédération. C’était sa plus grande préoccupation. Brown ne serait pas surpris d’apprendre que le Sénat s’est largement révélé inefficace. C’est ce à quoi il s’attendait, voire ce qu’il espérait. En revanche, il serait peut-être déçu que le Canada français n’ait pas été assimilé. Cartier éprouverait probablement une grande satisfaction en voyant la vitalité du Canada français au Québec, la Loi sur les langues officielles du Canada et la capacité de sa province d’influer sur l’orientation politique nationale. Par contre, le déclin de l’Église catholique le laisserait perplexe, et la remise en question du concept des deux peuples fondateurs, résultat de la force politique croissante des provinces de l’Ouest et du mécontentement au Canada atlantique, susciterait son inquiétude. Macdonald, Brown, Galt et Cartier se poseraient bien des questions devant les progrès que les communautés autochtones ont accomplis ces dernières années non pas par leur action politique ou par l’entremise des institutions politiques, mais par la voie des tribunaux. Ils seraient vraisemblablement surpris de voir que le Parlement, autrefois un club réservé exclusivement aux hommes blancs, s’est transformé en un club multiracial où la représentation des hommes et des femmes est relativement équilibrée. Albert Smith pourrait dire aux gens des Maritimes, à Macdonald, à Brown, à Galt et à Cartier : « Je vous l’avais bien dit1. » Comme nous l’avons vu plus tôt, il demanda aux Pères de la Confédération – notamment à Macdonald, à Brown, à Galt et à Cartier – d’accorder aux petites provinces « au moins la protection qu’ils [les petits États] ont aux États-Unis [c.-à-d. un Sénat égal et efficace], même si nous devrions obtenir davantage parce qu’ici le pouvoir populaire

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[c.-à-d. le pouvoir exécutif] est tout-puissant2 ». Sa demande fut rejetée. Macdonald et Brown jugèrent qu’elle n’apporterait rien à leurs provinces respectives, et Cartier ne pouvait accepter que le Canada français, en l’occurrence le Québec, dispose du même nombre de sénateurs que les provinces les moins peuplées. Comme Smith le fit remarquer, l’encre avait à peine séché sur l’Acte de l’Amérique du Nord britannique lorsque les politiciens canadiens démontrèrent clairement qu’il avait raison. L’idée d’accorder un tiers du Cabinet aux Provinces maritimes ne fut jamais retenue. Les ministres du Cabinet originaires des Maritimes comprirent rapidement qu’ils ne pesaient pas lourd dans la balance. Par exemple, Leonard Tilley, l’un des Pères de la Confédération du NouveauBrunswick, ne reçut pas le portefeuille des finances dans le premier gouvernement de sir John A. Macdonald, comme il l’avait espéré. À titre de ministre des Douanes, il écrivit à Macdonald pour l’implorer : « Donnez-moi davantage de pouvoir [...] Je veux toute l’assistance que je peux obtenir afin d’apaiser l’insatisfaction qui existe [...] je n’ai aucune influence au sein du gouvernement3. » Smith rappellerait aux Néo-Brunswickois, comme les journaux de la province le faisaient valoir, que le Nouveau-Brunswick « avait le droit de se faire entendre sur ces sujets – les tarifs douaniers, les frais postaux, l’augmentation du coût des aliments –, mais le gouvernement, par la seule force du nombre, nous a mis sur une trajectoire à laquelle nous devons résister par tous les moyens en notre pouvoir4 ». Cette lettre, publiée en 1870, fut l’un des nombreux premiers signes que, même si le régionalisme allait dominer la vie politique canadienne, les régions auraient une capacité limitée de se faire entendre dans les institutions politiques nationales. L’idée que la région des Maritimes renforcerait son pouvoir en servant d’intermédiaire impartial entre les intérêts économiques de l’Ontario et ceux du Québec n’a jamais constitué un arrangement durable, comme l’histoire l’a si souvent révélé. L’Ontario et le Québec ont veillé mutuellement à leurs intérêts économiques lorsque d’autres régions canadiennes étaient en cause. Ce fut le cas en ce qui concerne la construction des canaux, la gestion des chemins de fer et la planification de l’effort de guerre lors de la Seconde Guerre mondiale5. Avant que l’Alberta et la Saskatchewan n’aient vu le jour, certains politiciens des Prairies réclamaient la création d’« une province des Prairies ». Le gouvernement Laurier rejeta la proposition « pour la simple raison qu’une telle entité menacerait la dominance de l’Ontario6  ». Plus récemment, le premier ministre du Québec,

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Philippe Couillard, a bien résumé la situation lorsqu’il s’est adressé à l’Assemblée législative de l’Ontario, soulignant que l’Ontario et le Québec étaient « des alliés naturels » et qu’ils étaient « une force dont il faut tenir compte »7. La voix régionale se fait toujours très bien entendre dans les institutions politiques nationales, à condition qu’elle provienne de l’Ontario ou du Québec. Smith serait en mesure de démontrer que, à maintes reprises, le Sénat non élu et non efficace ne faisait pas le poids devant la Chambre des communes et sa représentation selon la population. Le pouvoir exécutif, comme il se doit, est issu des Communes, mais les institutions politiques nationales du Canada n’ont aucun mécanisme permettant de mettre en lumière les réalités régionales lors de l’élaboration des politiques. L’ancien maire de Montréal Denis Coderre a mis les choses en perspective lorsqu’il a dit à l’ancien premier ministre de la Saskatchewan Brad Wall pourquoi il pouvait s’opposer à l’oléoduc Énergie Est alors que le Québec recevait d’Ottawa des paiements de transfert générés en partie par le secteur de l’énergie. Il a déclaré sans ambages à Wall : « Population de la Communauté Métropolitaine de Montréal : 4 millions ... Population de la Saskatchewan : 1,13 millions [sic]8. » Sa réponse illustre la tyrannie de la représentation selon la population et le fait que Wall, ou sa province, et les autres provinces peu peuplées n’ont pas accès à une Chambre haute efficace au Parlement qui puisse défendre les régions du Canada. Smith pourrait faire valoir que le traité Macdonald-Cartier considérait les Maritimes comme guère plus qu’un prolongement utile et nécessaire du nouveau Canada. Comment expliquer autrement, demanderait-il peut-être, que la nouvelle fonction publique fédérale se composait essentiellement de la vieille bureaucratie de l’ancienne Province unie du Canada? Les fonctionnaires des Maritimes furent écartés des nominations gouvernementales à Ottawa. Peu après la Confédération, la fonction publique fédérale comptait 500 employés, dont seulement 10 venaient des Maritimes9. Des fonctionnaires de la colonie canadienne détenaient tous les postes supérieurs au Canada après la Confédération. Dans l’esprit d’un traité entre deux nations, Macdonald veilla à ce que trois des sous-ministres les plus importants – de l’Agriculture, des Travaux publics et des Douanes – soient originaires du Québec. Tous les sous-ministres sauf un venaient de l’Ontario et du Québec. Le Cabinet comptait 13 sous-ministres à l’époque, et 6 d’entre eux avaient travaillé avec Macdonald avant la Confédération. Le sous-ministre de la Justice était le beau-frère de Macdonald10.

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Joseph Howe pourrait faire écho aux propos d’Albert Smith. Il avait averti les Néo-Écossais que, étant donné l’aanb, «  le centre du pouvoir et de l’influence se trouvera toujours au Canada [c.-à-d. l’Ontario et le Québec]. Il ne peut se trouver nulle part ailleurs11. » Howe serait profondément déçu de l’incapacité du Sénat de représenter les intérêts régionaux à Ottawa. La contribution du Sénat, dans la mesure où il en a apporté une, a consisté à épouser la vision d’un « second examen objectif » avancée par Macdonald. Aucun des comités permanents du Sénat (qui en compte présentement 24) ne traite des questions régionales. À l’instar de leurs homologues de la Chambre des communes, ils s’occupent des secteurs économiques et de questions telles que la condition féminine, les langues officielles et la justice et les droits de la personne. Le Sénat a financé un certain nombre d’études sur la santé mentale, la gérontologie, les moyens de communication de masse, les politiques relatives à l’âge de la retraite et la jeunesse, mais aucune sur la situation économique des régions, sur les régions du Canada ou sur le régionalisme12. Le Sénat continue d’affaiblir le point de vue des régions plutôt que de le renforcer13. Howe fut suffisamment prévoyant pour faire remarquer que le pouvoir politique ne pourrait se trouver «  nulle part ailleurs  » qu’en Ontario et au Québec. Les Pères de la Confédération auraient tous vraisemblablement du mal à expliquer pourquoi la déférence envers le corps politique est en baisse dans la société canadienne. Personne ne prétend qu’il soit encore nécessaire qu’un contrôle sur la démocratie «  simple  » soit exercé par une classe possédante dont les représentants siègent dans une deuxième chambre nommée du Parlement. Leur monde politique était défini par la Grande-Bretagne et le système parlementaire de Westminster, où la Couronne au Parlement gouvernait sans rencontrer d’obstacles sur son chemin. À leur époque, les tribunaux existaient pour interpréter les lois, rien de plus. Comment expliquer, demanderaient-ils, qu’un tribunal désigné par nomination politique puisse dicter au Parlement non seulement ce qu’il doit faire, mais aussi la rapidité avec laquelle il doit le faire, comme cela s’est produit dans le cas de la Loi sur l’aide médicale à mourir et dans d’autres dossiers14? À l’époque de Macdonald et pendant de nombreuses années après 1867, le Parlement était suprême et aucune autre institution n’avait le pouvoir d’annuler ses lois. Macdonald demanderait peut-être ce qui a pris aux politiciens de changer les choses et de permettre à l’ancienne juge en chef du Canada de souligner que, parce que les politiciens doivent être réélus, leur travail doit «  être complét[é] par d’autres

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organes non élus, comme les tribunaux et les ombudsmen15 ». Elle n’a rien dit au sujet du Sénat et de son mandat de « second examen objectif  » parce que le Sénat n’a pas été à la hauteur de la tâche d’assumer même ce rôle. Macdonald demanderait sans doute aussi pourquoi les politiciens ont accepté de mettre en place des exigences de transparence telles que la Loi sur l’accès à l’information, qui font qu’il est devenu plus difficile pour eux de gouverner.

l e s pa rt is p o li ti ques Les Pères de la Confédération s’émerveilleraient devant la situation des partis politiques et l’évolution qu’ils ont connue au fil des ans. L’ancienne Province du Canada engendra l’infrastructure des partis politiques qui fut en place dans le nouveau Canada durant environ 70 ans – à une exception importante près. Les deux principaux partis, les conservateurs et les libéraux, tiraient leurs origines du Canada d’avant la Confédération. Seul faisait exception le parti de Joseph Howe, opposé à la Confédération. Il obtint 18 des 181 sièges à la Chambre des communes et remporta la majorité des suffrages exprimés en Nouvelle-Écosse lors des élections de 1867. Macdonald mena son parti libéral-conservateur (appelé communément le Parti conservateur) à la victoire, obtenant 101 sièges, y compris celui dans sa propre circonscription de Kingston. Macdonald gagna avec éclat en Ontario, mais perdit avec fracas en Nouvelle-Écosse où, comme il a été mentionné, tous les candidats opposés à la Confédération furent élus, sauf un. Macdonald ne prit pas au sérieux le résultat des élections en Nouvelle-Écosse, qu’il qualifia de « petit nuage d’opposition pas plus gros que la main d’un homme16  ». Macdonald comprenait mieux que quiconque le pouvoir de la représentation selon la population. L’Ontario comptait 82 sièges, la Nouvelle-Écosse 19. Le Parti libéral, qui n’avait pas de chef, arriva au deuxième rang aux élections générales de 1867. George Brown était considéré comme le vétéran de la politique du parti. Il brigua un siège à la Chambre des communes et à l’Assemblée législative de l’Ontario en même temps, mais ne parvint pas à se faire élire dans l’une ou l’autre circonscription. En 1867, les partis politiques formaient un regroupement d’intérêts peu structuré et doté d’une faible capacité organisationnelle et ils furent lents à s’organiser. Le Parti conservateur fut le premier à se démarquer grâce à son accès au favoritisme. Le Parti libéral et le Parti conservateur durent tous deux conclure de nouvelles alliances

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à mesure que le Canada prenait forme. Les conservateurs de l’Ontario conclurent une alliance avec le Parti bleu du Québec et le Parti libéral, avec les Clear Grits de l’Ontario et le Parti rouge du Québec. Les deux partis glanèrent les appuis qu’ils purent trouver dans les deux Provinces maritimes. Macdonald ne ménagea aucun effort, du moins au début, pour former un gouvernement non partisan, invitant autant de libéraux que de conservateurs dans son Cabinet. Il désirait former un gouvernement de coalition, affirmant que « la politique partisane n’est qu’une lutte pour se faire élire, une folie de beaucoup d’hommes au profit de quelques-uns17 ». Il considérait également que la Confédération était fragile et que ses premières années d’existence étaient cruciales pour son succès. Macdonald nomma quatre autres ministres de l’Ontario, quatre du Québec et deux chacun de la Nouvelle-Écosse et du NouveauBrunswick. Il espérait que le Cabinet fédéral donnerait une voix aux régions au cœur du gouvernement. Mais la volonté d’accueillir la voix des régions dans le Cabinet ne répondit jamais aux attentes, et ce, dès les premiers moments. Au sujet du premier Cabinet de Macdonald, Richard Gwyn a dit que : « l’objectif consistait à donner aux régions une voix au centre du gouvernement, en lieu et place du système américain d’un Sénat puissant où tous les États sont également représentés. En réalité, la plupart des ministres faisaient surtout le contraire : ils agissaient comme porte-parole du gouvernement fédéral qui s’adressait à leur région18. » La situation n’a fait que se détériorer ces dernières années, alors que le Cabinet fédéral a été transformé en une espèce de « groupe de consultation » dans un gouvernement centré sur le premier ministre19. Je reconnais que les premiers ministres ont toujours eu l’avantage au sein du Cabinet. Patrice Dutil l’a démontré dans son excellent livre Prime Ministerial Power in Canada. Il explore comment les premiers ministres Macdonald, Laurier et Borden ont pris les leviers du pouvoir dans leurs propres mains pour façonner les politiques et réagir aux crises du moment20. J’affirme qu’en fait les premiers ministres récents ont resserré leur emprise sur ces leviers et j’explique pourquoi et comment dans les pages qui suivent. De toute façon, le contrôle des principaux leviers du pouvoir par les premiers ministres, que ce soit en 1870 ou en 2019, laisse entière la question de savoir comment les institutions politiques nationales peuvent mettre en place des politiques publiques à l’échelle régionale. Les premiers ministres de l’époque comme ceux d’aujourd’hui sont libres

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de ne prêter aucune attention à la situation particulière de certaines régions ou d’accommoder les régions qui dénombrent le plus grand nombre d’électeurs. Certains Pères de la Confédération seraient perplexes de constater la « place spéciale » que des partis protestataires régionaux en sont venus à occuper dans la politique canadienne21. Formé dans les années 1920 et appuyé par les Fermiers unis, le Parti progressiste fut le premier de plusieurs partis protestataires régionaux, suivi du Mouvement des droits des Maritimes, du Crédit social (principalement dans les provinces de l’Ouest), du Ralliement créditiste (au Québec), du Bloc Québécois (au Québec) et du Parti réformiste (dans les provinces de l’Ouest). L’Ontario est la seule province qui n’a pas donné lieu à l’essor d’un parti ou d’un mouvement protestataire régional. Il est facile pour l’Ontario de trouver que ses propres intérêts régionaux concordent avec « l’intérêt national » du Canada. C’est en Ontario que le Parlement et l’essentiel des postes de niveau supérieur de la fonction publique sont situés, et les ministres de la province ont toujours eu une forte présence aux Communes et dans le Cabinet. C’est aussi cette province qui décide qui détient le pouvoir à Ottawa. Plus exactement, si un chef politique ne parvient pas à remporter un grand nombre de sièges en Ontario, il n’obtiendra jamais le pouvoir.

l e c a n a da e s t 1 0 f o i s di fférent Le Canada était composé de quatre provinces en 1867, il était essentiellement rural et il comptait une population de 3,5 millions d’habitants. La population du pays était majoritairement constituée de descendants d’Européens (principalement du Royaume-Uni et de France) et d’Autochtones. Aujourd’hui, le Canada compte 10 provinces et 3 territoires, il est essentiellement urbain et sa population est issue d’origines diverses. En 1871, 3  014  914  habitants du pays vivaient en milieu rural et 722  343 vivaient en milieu urbain22. En 2011, on dénombrait au Canada 6 329 414 personnes vivant en milieu rural et 27 147 274 personnes en milieu urbain. En 1867, la population était aux deux tiers rurale et un tiers urbaine. En 2011, c’était l’inverse : bien plus des deux tiers de la population était urbaine et moins d’un tiers était rurale. Le pays a connu plusieurs périodes de forte immigration depuis 1867 : entre 1895 et 1915, de 1955 à 1965 et de 1990 à 1995. La première vague d’immigrants se dirigea vers les régions rurales du Canada, notamment les Prairies, pour commencer une nouvelle vie.

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La Saskatchewan vit sa population s’accroître de 1  125  % entre 1891 et 191123. Clifford Sifton, un ministre de premier plan du Manitoba et ministre de l’Intérieur sous le gouvernement Laurier, appliqua une politique délibérée d’ouverture de l’Ouest aux nouveaux Canadiens. Il favorisait les Européens en raison de leur connaissance de l’agriculture et des conditions climatiques rigoureuses. Les immigrants recrutés par Sifton étaient fortement encouragés à se tourner vers les régions rurales des Prairies, où les riches terres fertiles étaient abondantes et gratuites. Sifton montrait un parti pris évident pour certains immigrants, en ordre décroissant d’importance : britanniques et américains, français, belges, hollandais, scandinaves, suisses, finlandais, russes, austro-hongrois, allemands, ukrainiens et polonais. Il décrivit l’immigrant idéal dans l’une des phrases de la politique d’immigration les plus souvent citées : « un paysan vigoureux vêtu d’un manteau de mouton, né sur la terre, dont les aïeux cultivent la terre depuis 10 générations, accompagné d’une femme bien en chair et d’une demi-douzaine d’enfants, voilà des recrues de bonne qualité24 ». Il ne le précisa pas, mais il aurait très bien pu ajouter « de race blanche » à sa phrase. Député de Winnipeg, Sifton défendait les intérêts économiques de sa région et il voulait que ce soit des agriculteurs qui assurent le développement de la région qu’il représentait, non pas ce qu’il appela « un artisan syndiqué qui ne travaillera pas plus de huit heures par jour25 ». Comme tous les politiciens, Sifton avait nettement tendance à favoriser sa région lorsqu’il définit la politique du pays en matière d’immigration, un parti pris qui cadrait avec l’intérêt de la région qu’il représentait. Le Canada connut une autre vague d’immigration dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup d’Européens choisirent le Canada pour y repartir à zéro après que des années de guerre eurent détruit de nombreuses collectivités et leurs moyens de subsistance. Cette vague de nouveaux Canadiens s’établit dans les grands centres urbains plutôt que les régions rurales du Canada, ce qui marqua le début de l’urbanisation rapide du pays26. La vague suivante de nouveaux Canadiens arriva en provenance du Vietnam, de l’Inde et du Pakistan et se dirigea elle aussi vers les grandes villes, plus précisément vers les quartiers ethniques de Toronto, de Vancouver et de Montréal, pour s’y refaire une vie. La tendance s’est poursuivie jusqu’à nos jours : la grande majorité des nouveaux arrivants continue d’aller là où il y a des Néo-Canadiens. Ainsi, ces dernières années, 95 % des nouveaux Canadiens ont choisi

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de s’établir dans les principaux centres urbains de quatre provinces : l’Ontario, la Colombie-Britannique, le Québec et l’Alberta27. Les Néo-Canadiens ont fondamentalement transformé le Canada. De nos jours, ils se tournent presque invariablement vers les régions urbaines, si bien que le paysage politique du Canada est maintenant dominé par les régions urbaines de la même façon qu’il était dominé par les régions rurales lors de la fondation du pays. Le portrait démographique du Canada n’est plus autant lié à la GrandeBretagne qu’il l’était en 1867. Aujourd’hui, une personne sur cinq au Canada est née à l’étranger, la plus forte proportion parmi les pays du G8. Les nouveaux Canadiens indiquent près de 200 pays à titre de lieu de naissance, et l’Asie et le Moyen-Orient comptent maintenant pour 60 % des immigrants. Ces données contrastent fortement avec la situation du Canada avant 1970, alors que près de 80  % des nouveaux Canadiens venaient d’Europe. De plus, quelque 20 % des Canadiens disent maintenant appartenir à une minorité visible28. Parmi les dix principaux pays d’origine des Néo-Canadiens, sept sont situés en Asie. Les Néo-Canadiens représentent maintenant 46 % de la population de Toronto et 40 % de celle de Vancouver29.

l’ é c o n o m i e La composition de la population est loin d’être le seul changement qui est survenu. L’économie actuelle du Canada est bien différente de ce qu’elle était en 1867. L’économie canadienne était assez fermée au moment de la Confédération et durant de nombreuses années par la suite. Les États-Unis poussèrent le Canada vers une économie fermée lorsqu’ils mirent fin au traité de réciprocité canado-américain, le 16 mars 1866. Le Canada chercha à conclure de nouveaux accords de libreéchange avec les États-Unis après 1867, mais n’obtint que des succès limités jusqu’à récemment. À certains moments, les Américains y étaient opposés; à d’autres moments, c’étaient les Canadiens. Des sentiments pro-britanniques et pro-protectionnistes se manifestèrent à Ottawa à des moments critiques pour faire obstacle à l’élimination de barrières tarifaires entre les deux pays. Les sentiments protectionnistes étaient toujours plus forts dans certaines régions (notamment l’Ontario). Il est reconnu depuis longtemps que l’Ontario a le plus bénéficié d’une économie fermée et du commerce est-ouest. Des obstacles furent levés à la fin des années 1980, quand le Canada et les États-Unis conclurent l’Accord de libre-échange (ale), puis en

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1994, quand le Canada ratifia l’Accord de libre-échange nord-américain (alena) avec les États-Unis et le Mexique. Depuis, nous avons vu une véritable pléthore d’accords et de projets d’accords de libreéchange. Le Canada a conclu neuf accords de libre-échange au cours des 20 dernières années si j’ai bien compté, bien que le chiffre varie, et neuf autres sont en négociation. Bien que Donald Trump semble chercher à freiner sa croissance, l’économie mondialisée représente maintenant une réalité permanente et le Canada y participe activement. Le développement économique était un processus relativement simple en 1867. Les Canadiens de la partie ouest de la nouvelle Confédération travaillaient presque exclusivement dans le secteur de l’agriculture. Ceux de la partie est travaillaient dans les pêches, l’exploitation forestière et la construction navale tandis que, dans le Centre, l’industrie du bois d’œuvre, l’extraction minière et le secteur manufacturier en étaient à leurs débuts. Les exportations étaient inégales et peu nombreuses. De nos jours, les exportations représentent plus de 30 % du pib du Canada30. On recensait 837  718  ouvriers au Canada au moment de la Confédération, dont 41 % travaillaient dans les fermes. La NouvelleÉcosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard jouissaient d’une industrie de la construction navale florissante. Ces provinces produisirent 572 navires en 1865, et le Year-Book and Almanac of British North America rapporta en 1867 que, «  [g]râce surtout à l’abondance et à l’excellence du bois d’œuvre, mais en partie aussi pour d’autres raisons, les navires peuvent être construits ici à bien meilleur marché qu’en Europe et même pour 40  % moins cher qu’aux États-Unis31 ». La plupart des exportations canadiennes étaient expédiées en Grande-Bretagne et aux États-Unis. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick réussirent toutefois à se tailler de nouveaux marchés dans les Antilles pour leurs denrées alimentaires. Le chemin de fer reliant les provinces en était encore à l’étape de projet en 1867. L’économie actuelle du Canada est beaucoup plus complexe et diversifiée. Elle compte 16 272 568 emplois, dont de nombreux se trouvent dans des secteurs qui n’existaient pas encore en 1867. L’économie du savoir domine le paysage économique du Canada dans la même mesure que les secteurs traditionnels de l’agriculture, de la foresterie et des pêches le faisaient en 1867. Le commerce de gros et de détail vient en tête avec près de 2 millions d’emplois, suivi des soins de santé et de l’assistance sociale avec 1 916 241 emplois, de la fabrication avec 1 508 942 emplois et de l’éducation avec 1 278 405 emplois32.

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Les exportations canadiennes sont maintenant destinées premièrement aux États-Unis, suivis de la Chine, du Royaume-Uni, du Japon et du Mexique. Les exportations aux États-Unis comptent pour 76  % de toutes les exportations du pays33. La nature des exportations canadiennes reflète la combinaison des secteurs traditionnels et des nouveaux secteurs dont se compose l’économie canadienne. Les combustibles minéraux constituent le principal produit d’exportation, représentant 20,1 % des exportations totales du Canada, tandis que les appareils électroniques se classent au sixième rang avec 3,1 %34. L’économie du Canada est beaucoup plus ouverte, beaucoup plus complexe et beaucoup plus diversifiée qu’elle ne l’était en 1867. Ce n’est pas différent dans les autres économies du monde occidental. Néanmoins, les efforts du Canada en vue de diversifier son économie, de trouver de nouveaux débouchés de façon à réduire sa dépendance envers le marché américain et d’amener les deux ordres de gouvernement à promouvoir le développement économique ont eu et continuent d’avoir des effets importants sur les institutions politiques et administratives du Canada et, par ricochet, sur la démocratie canadienne.

l e s g ou v e r n e m e n t s à l’ é p o que et aujourd’hui Les responsabilités du gouvernement fédéral étaient très limitées en 1867 comparativement à celles qu’il assume aujourd’hui, parce que le gouvernement fédéral jouait un rôle très limité au sein de la société. Macdonald et les autres principaux Pères de la Confédération donnèrent toutes les responsabilités importantes de l’époque au gouvernement central – la défense nationale, les échanges et le commerce, la monnaie, les banques et les finances et le pouvoir d’assurer « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ». Le premier Cabinet de Macdonald se composait de 13 ministres; celui de Justin Trudeau en compte 31. La taille du premier gouvernement de Macdonald n’était pas plus grande que celle d’un bureau régional de l’un des ministères actuels d’Ottawa, et de surcroît un petit ministère. Il aurait été facile pour Macdonald de comprendre toutes les facettes des activités gouvernementales et de contrôler tous les leviers du pouvoir et les moyens d’influence. De même, il aurait été facile pour les députés de faire enquête et de poser des questions sur les menus détails de l’administration, ce qu’ils firent. Le budget du gouvernement pour sa première année complète d’exercice s’établissait à 7,9  millions de dollars35. Trois postes

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budgétaires – les chemins de fer, la milice et les navires armés, et les canaux – comptaient pour plus de trois millions de dollars. Le budget des dépenses était facile à suivre; tous les postes étaient décrits jusqu’aux articles de dépenses, d’abord pour des activités particulières comme les coûts d’exploitation de Rideau Hall, des pénitenciers, des ports et des phares, puis répartis selon des articles tels que les salaires36. Tout ce qu’il fallait savoir sur le budget était exposé dans un discours du budget de sept pages déposé à la Chambre des communes. Les ministères du gouvernement étaient peu nombreux et de petite taille. Il s’agissait des ministères suivants  : Agriculture, Marine et Pêcheries, Immigration et Statistique, Justice, Travaux publics, Postes, Douanes, Revenu de l’intérieur, Milice, Conseil privé, Secrétaire d’État pour le Canada, Secrétaire d’État pour les provinces, Receveur général et Finances. Les ministères s’occupaient principalement d’administration, et leur capacité d’élaboration de politiques était limitée. Le ministère des Finances, par exemple, était doté d’un personnel de 28 employés, dont la plupart étaient des commis37. L’appareil de l’État à Ottawa en 1867 était essentiellement un prolongement de l’appareil qui était en place dans la colonie canadienne avant la Confédération. Le Bureau du Conseil privé (bcp) assuma tout simplement les responsabilités qui incombaient au Conseil exécutif sous le gouvernement colonial. En 1867, le bcp était « uniquement chargé de dresser et d’enregistrer les décrets38 ». Lors de la Confédération et pendant plusieurs années par la suite, le gouvernement fit tous les efforts possibles pour respecter la théorie, les principes et les pratiques établis par le système parlementaire inspiré du modèle de Westminster. La simplicité du modèle et le nombre peu considérable des activités gouvernementales encourageaient les représentants du gouvernement à observer les règles bien connues du Parlement et du gouvernement de cabinet. Nous avons vu dans les chapitres précédents que ces règles découlaient des luttes entre le roi et le Parlement. La relation entre les deux reposait sur trois principes fondamentaux : « (i) L’exécutif ne doit avoir aucun revenu que le Parlement ne lui a pas accordé ou n’a pas autrement approuvé [...] (ii) L’exécutif ne doit faire aucune autre dépense que celles approuvées par le Parlement, selon les modalités approuvées par le Parlement [...] Le Parlement a le droit de débattre du budget et de le critiquer pleinement en ce qui touche tant les activités passées et courantes de l’exécutif que les propositions de dépenses futures de l’exécutif39. » À cette époque et pendant de nombreuses années

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subséquentes, il était facile de respecter la théorie et l’esprit du système parlementaire inspiré de celui de Westminster. Lorsqu’ils étaient présentés à la Chambre des communes, le budget et les prévisions de dépenses étaient remarquablement simples à comprendre. Un député nouvellement élu sans expérience dans la conduite des affaires publiques pouvait aisément comprendre ce qui était demandé à la Chambre. La lecture des documents gouvernementaux produits tout de suite après la Confédération révèle à quel point les députés étaient en mesure d’examiner de près non seulement la politique gouvernementale, mais aussi les activités de l’administration publique. Il n’était pas rare qu’un député soulève des questions au sujet du poste et du salaire de fonctionnaires en particulier. Par exemple, un député demanda au gouvernement de produire « une liste des noms de toutes les régions intérieures où des droits de douane sont perçus, ainsi que, pour chaque poste le nom de l’agent, son salaire, les dépenses de son bureau, et les droits perçus, du 1er juillet 1867 au 1er janvier 186940 ». On fournissait des réponses à de telles questions. Il était facile aussi de faire fonctionner la doctrine de la responsabilité ministérielle. Nul besoin d’inventer des termes tels que « l’obligation de s’expliquer » pour distinguer celle-ci de la « responsabilité  » et de la «  responsabilisation  ». Le ministre n’avait aucune difficulté à obtenir des renseignements afin de répondre aux questions dans un délai convenable. Ainsi, le personnel du ministère de la Justice comprenait seulement deux avocats et « quelques commis qui avaient travaillé au bureau du procureur général du Haut-Canada avant la Confédération41 ». Il est probablement difficile pour le lecteur de bien saisir à quel point le gouvernement était petit lors de la création du Canada et pendant les quelque 75 années qui suivirent, et de comprendre ce que cela signifiait pour la démocratie représentative et l’obligation de rendre compte. Le premier ministre Alexander Mackenzie était en mesure de répondre lui-même à toutes les lettres qui lui étaient adressées42. En 1909, les bureaux du ministère des Affaires extérieures nouvellement créé étaient tous situés à l’étage au-dessus d’un salon de barbier d’Ottawa. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’édifice de l’Est abritait le premier ministre et son bureau, le bcp, le sous-secrétaire des Affaires extérieures et le ministère des Affaires extérieures43. La Grande-Bretagne s’acquittait d’un certain nombre de responsabilités qui appartiennent maintenant à Ottawa. Ce n’est qu’en 1946, par exemple, que le Parlement canadien adopta la Loi

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sur la citoyenneté canadienne, qui créait une citoyenneté canadienne distincte de la citoyenneté britannique. Le Canada obtint seulement une autorité pleine et entière en matière de relations extérieures en 1931, en vertu du Statut de Westminster44. Les premiers politiciens et une poignée de fonctionnaires jetèrent les bases du mode de fonctionnement du Parlement et du gouvernement. Comme pour d’autres questions, ils s’inspirèrent du modèle de la Grande-Bretagne. De toute façon, la Constitution l’exigeait. La relation entre le gouvernement et le Parlement au Canada est semblable dans les grandes lignes à celle qui existe en Grande-Bretagne. Il en va de même pour le système d’allocation et de dépense de fonds publics. La responsabilité ministérielle exige que le gouvernement bénéficie de l’appui du Parlement; elle exige également qu’un processus permette de prévoir les besoins financiers du gouvernement pour l’année ou les années à venir, que les ministères soient organisés de façon à permettre aux ministres d’exercer un contrôle dont ils peuvent être tenus responsables devant le Parlement et que le budget des dépenses puisse faire l’objet d’une vérification complète45. Il existe cependant des différences entre l’appareil gouvernemental britannique et celui du Canada. La Grande-Bretagne a confié à un ministère la responsabilité de prélever, de percevoir et de distribuer les deniers publics, ce qui a facilité la tâche qui incombe au Parlement de surveiller les dépenses du gouvernement. En 1867, le gouvernement du Canada comptait quatre ministères qui partageaient la responsabilité de prélever, de percevoir et de dépenser des fonds publics  : les Douanes, le Revenu de l’intérieur, le Receveur général et les Finances. En conséquence, les fonctionnaires du ministère des Douanes, par exemple, dépensaient des fonds tirés des montants qu’ils avaient recueillis au lieu de verser l’argent au Trésor public. Le vérificateur, dont le statut indépendant par rapport au gouvernement ne fut reconnu qu’en 1878, expliqua le problème : « à moins d’une application rigoureuse de la règle selon laquelle toutes les recettes doivent être versées intégralement au Receveur général, il sera impossible pour le vérificateur d’empêcher des dépenses supérieures à celles autorisées par le Parlement46 », et ce, même si l’Acte de l’Amérique du Nord britannique portait création d’un fonds consolidé de revenu en vertu de l’article 102. Selon Norman Ward, auteur de l’ouvrage classique The Public Purse, le régionalisme canadien est la raison pour laquelle le Canada n’adopta pas complètement l’appareil d’État britannique lorsqu’il fut question des dépenses publiques. Pour expliquer la différence,

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il évoque la décision de Macdonald de compter sur le Cabinet pour qu’il défende les intérêts des quatre régions – l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. «  La nécessité de créer plusieurs postes au Cabinet, écrit-il, a eu un effet secondaire et durable sur le contrôle parlementaire des finances » puisqu’elle a empêché que « les fonctions de prélèvement, de perception et de distribution des fonds publics » ne soient confiées à « un seul ministère des Finances »47. Les ministères du gouvernement étaient plutôt autonomes, et l’intervention des organismes centraux dans leur fonctionnement était minimale. Le premier ministre était le patron et il ne recevait pas beaucoup d’aide de la part des organismes centraux. Il faudrait attendre encore 75 ans avant la création du Conseil privé moderne, et le Cabinet du Premier ministre (cpm) ne disposait d’aucun personnel chargé de donner des conseils en matière de politiques. Les ministères avaient chacun leur propre système de comptabilité et fonctionnaient de façon relativement isolée les uns des autres, de sorte qu’il était difficile pour les organismes centraux d’en assurer l’encadrement. Peu de politiciens se plaignaient au sujet de bureaucrates anonymes qui exerçaient une trop grande influence. La plupart des fonctionnaires étaient des commis et des travailleurs de première ligne. De plus, ils devaient leur emploi au favoritisme. John A. Macdonald affirma que le favoritisme constituait un élément important du gouvernement responsable. Il écrivit : « Je crois que dans la distribution des faveurs gouvernementales nous respectons le vrai principe constitutionnel. Chaque fois qu’un poste est vacant, il revient au parti qui appuie le gouvernement si, à l’intérieur de ce parti, il se trouve une personne apte à effectuer la tâche. La responsabilité ministérielle ne saurait fonctionner à partir d’un autre principe48. » Le premier ministre et les ministres n’hésitaient pas à s’occuper des menus détails des affaires quotidiennes ou même de questions purement administratives. Ils participaient directement à l’examen exhaustif de la gestion des ministères jusqu’au «  dernier commis subalterne49 ». La doctrine de la responsabilité ministérielle était chère aux premiers ministres et aux ministres, qui insistaient pour demander à avoir leur mot à dire dans les activités gouvernementales sous toutes leurs facettes, même les questions purement administratives et sans importance, s’ils devaient être tenus responsables de toutes les décisions y afférentes. Sir George Murray, l’expert britannique venu examiner le travail de la fonction publique canadienne, constata que les « ministres [...] ont à la fois trop à faire et ils travaillent trop50 ».

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Dès le premier jour, les ministres canadiens étaient en mesure de scruter de plus près les activités ministérielles que leurs homologues britanniques ou américains. Comme il a été souligné, Macdonald et, en fait, l’accord sur la Confédération lui-même comptaient sur le Cabinet pour qu’il fasse entendre le point de vue des régions, ce qui a donné lieu à un plus grand Cabinet. Abraham Lincoln avait 7 secrétaires dans son Cabinet et le premier ministre britannique Benjamin Disraeli comptait 12 ministres dans le sien, tandis que sir John A. Macdonald, on l’a vu, avait 13 ministres (y compris lui-même). Pourtant, la population du Canada était beaucoup moins nombreuse que celle des États-Unis et, à l’époque, la Grande-Bretagne assumait certaines responsabilités gouvernementales au nom du Canada (p. ex. les Affaires extérieures). En outre, le gouvernement de GrandeBretagne agissait dans un État unitaire, ce qui signifiait qu’il était investi de responsabilités qui, au Canada, appartenaient aux gouvernements provinciaux. La géographie eut un effet à la fois positif et négatif. Elle engendra un Cabinet de plus grande taille et encouragea les ministres à scruter en détail les activités ministérielles. Ce fut néanmoins le facteur qui entrava la capacité des ministres d’intervenir personnellement et directement dans certaines questions administratives. Les ministères devaient procéder à l’ouverture de l’Ouest, construire des canaux, s’occuper des chemins de fer qui reliaient des collectivités à l’échelle du continent, assurer la gestion des douanes et des ports et assumer la responsabilité des pêches. Les moyens de communication et de transport entre Ottawa et les bureaux locaux étaient rudimentaires, de sorte que les ministres devaient se fier à des rapports locaux pour savoir si leurs directives avaient été suivies. Je fais remarquer que seulement 25 % environ des fonctionnaires fédéraux travaillaient à partir d’Ottawa durant les 120 premières années de la Confédération51.

l a r e s p o n sa b ili sati on : u n e a p p ro c h e d i fférente Les lois de Grande-Bretagne ont conféré principalement aux ministres le pouvoir d’agir, tandis que les lois canadiennes l’ont conféré au « gouverneur général en conseil » ou au Cabinet52. Ce facteur a également contribué à donner au Cabinet et aux différents ministres le mandat de s’occuper des questions administratives ou de gestion. La décision du Canada de s’en remettre au gouverneur en conseil et au Cabinet en leur déléguant le pouvoir plutôt qu’à des ministres en

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particulier, comme le faisait et le fait encore la Grande-Bretagne, a eu des répercussions importantes sur la reddition de comptes. La GrandeBretagne adopta le concept de l’« administrateur des comptes » au 19e siècle afin de renforcer la responsabilisation, mais pas le Canada. Après quelques faux départs, le gouvernement du Canada n’a adopté qu’une version très diluée du concept en 2006. Norman Ward écrit : « La pratique en Grande-Bretagne de laisser les administrateurs des comptes faire partie du personnel de leur ministère n’était guère applicable au Canada, pour des raisons qui ne sont pas entièrement acceptables53. » Ward ajoute que les systèmes de comptabilité et de vérification de l’administration publique n’étaient pas à la hauteur de la tâche54. Nous reviendrons sur cette question plus loin dans l’ouvrage.

il y e u t p e u de sang Luther Gulick, l’un des plus éminents analystes du gouvernement de son époque, avait un conseil à offrir à ceux chargés de concevoir l’appareil gouvernemental : faire en sorte qu’il y ait « peu de sang55 ». Les ministères, affirmait-il, devaient recevoir un mandat clair. Dans la mesure du possible, ils devaient être autonomes et hermétiques et accomplir leur travail sans trop se préoccuper du travail des autres ministères. Deux ans après la Confédération canadienne, John Stuart Mill faisait valoir dans son livre Representative Government que le meilleur moyen d’assurer que le gouvernement assume la responsabilité de ses actions et que le travail soit accompli efficacement consiste à confier à un seul ministère toutes les fonctions relatives à un même sujet56. J.E. Hodgetts soutient que le cadre ministériel est le legs le plus important de la bureaucratie d’avant la Confédération. D’aucuns croyaient dans les années 1850 que, sans une structure ministérielle bien définie, la responsabilité ministérielle serait, au mieux, semée de dangers et, au pire, impossible à obtenir. L’attribution d’un mandat clair aux ministères, a-t-il expliqué, favorise l’unité de commandement et une hiérarchie des responsabilités57. Cette affirmation a amené Earl Grey à soutenir que « le premier principe de notre système de gouvernement [est] la mainmise du Parlement sur tous les organes de l’administration58 ». Les premières années de l’administration publique furent consacrées à l’établissement des limites des champs d’action des ministères, à la détermination des mandats de ceux-ci et à la définition des liens entre les structures ministérielles et le gouvernement responsable. L’établissement de mandats et d’une hiérarchie clairement

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définis permit aux ministres de faire appel à leur ministère lorsqu’ils avaient besoin d’obtenir des réponses pour eux-mêmes, pour les députés fédéraux, pour les médias et pour les citoyens. Il était facile en 1867 d’établir des mandats et une hiérarchie clairs et de faire en sorte qu’il y eut peu de sang afin que les ministres et leur ministère puissent s’acquitter de leur travail sans trop se préoccuper du travail des autres ministères. Pendant plusieurs années après la Confédération, il était facile aussi pour les ministres et leurs agents d’agir dans le cadre de mandats clairs et de frontières organisationnelles bien définies. Les ministères étaient même dotés de leur propre système comptable, ce qui compliquait le travail des vérificateurs et du Comité des comptes publics du Parlement59. Les ministres et une poignée de fonctionnaires étaient en mesure de diriger leur ministère comme des ateliers fermés, gardant pour eux-mêmes des renseignements importants. Par exemple, le ministère de l’Agriculture fut créé en 1867 et employait alors seulement 27 personnes. Il détenait un mandat clair à l’égard du secteur et il était investi de toutes les responsabilités en matière d’agriculture. Le ministère de l’Agriculture n’était pas un cas isolé. La gestion des relations fédérales-provinciales était aussi plutôt simple. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux fonctionnaient dans un isolement relatif les uns par rapport aux autres. La seule question qui liait le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux était les subventions aux provinces parce que l’aanb limitait la capacité des gouvernements provinciaux de percevoir des deniers publics (ils n’avaient droit essentiellement qu’à la taxation directe, un domaine fiscal très impopulaire en 1867). L’article 118 de l’aanb accorda au gouvernement fédéral le pouvoir de transférer des paiements aux provinces, soit un montant fixe versé chaque année et une subvention annuelle de 80 cents par habitant, qui étaient établis d’après la population de 1861. Dès le début et jusqu’à ce jour, les gouvernements provinciaux allaient exercer des pressions pour que le gouvernement fédéral augmente les transferts. Il y avait toutefois très peu d’autres contacts entre les fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Aux yeux de sir John A. Macdonald, les gouvernements provinciaux étaient de petits gouvernements locaux dotés de pouvoirs limités – c’est ainsi que lui-même et d’autres principaux architectes de la Confédération les avaient conçus. Macdonald préférait traiter avec des députés fédéraux lorsqu’il devait régler des questions provinciales ou régionales. Il pouvait demander aux lieutenants-gouverneurs de s’occuper des questions provinciales, ce

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qu’il fit souvent. Comme l’a bien résumé J.R. Mallory : « Le bureau [du lieutenant-gouverneur] a été conçu par le gouvernement fédéral comme un élément important pour la préservation du rôle dominant d’Ottawa à l’égard des provinces. Au début, le fédéralisme canadien était [...] “presque fédéral”. Il était clairement fondé sur l’ancien modèle colonial, le gouvernement à Ottawa jouant le rôle auparavant exercé par le gouvernement britannique60. » Macdonald alla plus loin que l’office des colonies. Il affirma en 1868 : «  Sous la constitution actuelle du Canada, le gouvernement général sera appelé à examiner la convenance de sanctionner ou de désavouer les actes provinciaux, beaucoup plus fréquemment que le gouvernement de Sa Majesté n’avait à le faire à l’égard des lois coloniales61. » Peu après son arrivée au pouvoir, le gouvernement Macdonald s’engagea dans cette voie lorsque le ministère de la Justice émit une directive approuvée par le Cabinet et prévoyant «  un usage nouveau et plus astreignant du pouvoir d’annulation, si bien que l’on soumettrait au contrôle du gouvernement central même le plus fort des droits des provinces62 ». Ottawa pouvait compter sur les lieutenants-gouverneurs nommés par le gouvernement fédéral pour surveiller les provinces et s’occuper de questions relevant de l’autorité des gouvernements provinciaux chaque fois que cela était nécessaire. Rappelons qu’Ottawa se prévalut de son pouvoir de révocation 96 fois entre 1867 et 192063. Macdonald croyait que le Canada en viendrait, avec le temps, à abandonner la Confédération au profit d’un État unitaire. Il envisageait un seul gouvernement pour le Canada, tout comme la Grande-Bretagne n’avait qu’un seul gouvernement, parce que les gouvernements provinciaux tels qu’ils étaient conçus seraient faibles. Il déclara en 1864 : « si la Confédération dure, vous verrez [...] le pouvoir général absorber les Parlements et gouvernements locaux. Pour moi, c’est aussi évident que si je le voyais accompli mais, bien sûr, on ne peut pas adopter ce point de vue en discutant du sujet dans le Bas-Canada64. » Il aurait pu ajouter « en discutant du sujet dans les colonies maritimes », mais son attention portait sur le CanadaEst parce que le problème qu’il cherchait à régler était la relation difficile entre le Canada-Ouest et le Canada-Est.

r e to u r e n a rri ère Le rôle du gouvernement était limité en 1867. Le gouvernement fédéral dominait le programme politique du pays, l’appareil de l’État était de petite taille et il existait des frontières précises non seulement

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entre les gouvernements, mais aussi entre les ministères. Chaque fois que le gouvernement fédéral jugeait qu’un gouvernement provincial avait outrepassé les limites étroites de son champ d’action, il exerçait son droit de révocation. Il se prévalut de ce droit à plusieurs reprises en 70 ans. Il n’était pas nécessaire de faire une distinction entre la responsabilisation et des mots tels que la responsabilité et l’obligation de s’expliquer pour faire fonctionner l’appareil gouvernemental. Les ministres connaissaient de près le travail et les activités de leur ministère et n’hésitaient pas à intervenir directement dans des questions purement administratives pour donner des directives ou obtenir des réponses. Macdonald ne souhaitait pas traiter avec les gouvernements provinciaux. Il comptait sur les lieutenants-gouverneurs pour qu’ils veillent sur les gouvernements provinciaux et voient à ce qu’ils respectent la volonté du gouvernement fédéral. Il nourrissait des intentions ambitieuses, malgré des ressources limitées, en mettant en œuvre sa vision d’un Canada s’étendant d’un océan à l’autre, la construction d’un chemin de fer national et la création des mécanismes politiques et administratifs nécessaires au gouvernement du nouveau pays. Le Canada de 1867 était bien différent du Canada actuel, tandis que son appareil gouvernemental était différent en tous points. Les éléments de base des institutions démocratiques du Canada sont restés les mêmes, mais pratiquement tout a changé. Avant d’examiner comment les institutions politiques et administratives du pays cherchent à répondre aux exigences actuelles de la démocratie, il importe de passer en revue l’environnement politique actuel et le contexte d’élaboration de la politique gouvernementale.

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Le fédéralisme canadien maintenant

En 1867, le Canada se dotait d’un système parlementaire de Westminster et, dans la tradition de Westminster, le Parlement était suprême. Les tribunaux exerçaient leurs fonctions en marge des questions de politique publique. Les gouvernements provinciaux étaient considérés comme des partenaires subalternes et leur action était soumise à l’examen du gouvernement fédéral. Le premier ministre et les ministres pouvaient être tenus responsables de toutes les facettes des activités gouvernementales et obligés d’en rendre compte. La bureaucratie gouvernementale était de petite taille, et le favoritisme politique partisan était la voie la plus sûre vers une nomination, pratiquement à tous les niveaux. De nos jours, les choses sont différentes, jusqu’à un certain point. Le Parlement n’est plus suprême. Nous avons un régime véritablement fédéral. Les tribunaux sont maintenant de très importants acteurs de la politique publique. Le premier ministre et son bureau ont transformé le Cabinet à tel point que, maintenant, il n’est guère plus qu’un groupe de consultation1. La reddition de comptes a pris différentes formes selon les personnes qui posent les questions et celles qui y répondent. La bureaucratie est plus vaste et plus lourde, les nominations se fondent sur le mérite, du moins c’est ce qu’on prétend, et les partis politiques sont mieux définis qu’ils ne l’étaient en 1867. Sur certains plans importants, par contre, les choses n’ont pas changé. Les politiciens briguent le pouvoir politique au Canada un peu comme le faisaient les politiciens au 19e siècle et ils concentrent encore leurs efforts sur les régions les plus susceptibles de leur accorder les rênes du pouvoir. Le Parlement n’a pas modifié de façon fondamentale ses règles d’engagement alors que toutes les institutions autour de lui l’ont fait.

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Sous plusieurs aspects importants, les institutions politiques ont largement réagi à l’évolution de la situation en restant les bras croisés. La grande portée et le rythme rapide des activités du gouvernement sont maintenant évidents dans tous les secteurs, et ce, même si le partage des pouvoirs et des compétences entre les deux ordres supérieurs de gouvernement est demeuré essentiellement intact depuis 1867. Depuis le milieu des années  1980, la Cour suprême a joué un rôle clé dans l’élaboration des politiques publiques et a élargi son rôle de façon à avoir son mot à dire non seulement sur les politiques, mais aussi sur la mise en œuvre des programmes. Malgré l’introduction de mécanismes de consultation au cours des dernières années, le processus de nomination des membres de la Cour suprême est demeuré fondamentalement le même qu’il y a un siècle. La voie vers une nomination passe encore par le premier ministre. La bureaucratie, par contre, est différente de ce qu’elle était il y a 150 ans de par sa taille, sa mission, son organisation, sa complexité, sa dotation en personnel et sa gestion. Les relations entre les politiciens et les fonctionnaires ont complètement changé de cap à quelques reprises et celles entre les deux ordres supérieurs de gouvernement ont fait un virage à 180 degrés par rapport à ce que les Pères de la Confédération avaient envisagé. Tous ces facteurs ont d’importantes conséquences sur l’état de la démocratie canadienne.

l e s r e l at io n s f é d é r a les -provi nci ales En 1867, les gouvernements provinciaux étaient de petite taille et qualifiés d’« amateurs ». En 1869, le gouvernement du Québec ne comptait que 92 fonctionnaires qui fournissaient pratiquement tous des services de bureau ordinaires2. Comme il a été noté plus tôt, Macdonald ne voyait pas vraiment la nécessité de traiter avec les gouvernements provinciaux. Pour empirer les choses, des talents politiques quittèrent les capitales provinciales au profit d’Ottawa. Ce fut même le cas de certaines figures de premier plan opposées à la Confédération, notamment Joseph Howe de la Nouvelle-Écosse et Albert Smith du NouveauBrunswick, ainsi que de partisans de la Confédération, dont Leonard Tilley du Nouveau-Brunswick et Charles Tupper de la NouvelleÉcosse. À l’époque, les politiciens étaient autorisés à occuper deux sièges – George Brown chercha à se faire élire à l’Assemblée législative de l’Ontario et au Parlement, mais il échoua dans les deux cas, tandis qu’Alexander Mackenzie, Edward Blake et George-Étienne

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Le contexte

Cartier ainsi que les premiers ministres de l’Ontario et du Québec siégeaient à la fois au Parlement et à l’assemblée législative de leurs provinces respectives. Le départ de politiciens talentueux et d’autres forces réduisirent les assemblées législatives provinciales et les gouvernements provinciaux à l’ « équivalent politique de voies de garage3 ». Quand Macdonald et ses ministres devaient s’occuper de questions régionales, ils se tournaient vers leur propre caucus parlementaire ou vers les députés de l’autre côté de la Chambre. Seule une voix était incontestablement apte à parler au nom du Canada et des régions canadiennes : le Parlement, plus précisément le Cabinet. Durant la majeure partie des mandats de Macdonald, c’est à peine s’il y avait des relations fédérales-provinciales. Comme il a été souligné, lorsque la Nouvelle-Écosse réclama de meilleures conditions, Macdonald s’adressa à Joseph Howe et à Charles Tupper, faisant abstraction du gouvernement provincial4. Si les gouvernements provinciaux s’engageaient sur une mauvaise voie (selon le point de vue d’Ottawa), Macdonald et les futurs premiers ministres fédéraux pouvaient se prévaloir du pouvoir de révocation d’Ottawa, ce qu’ils firent à maintes reprises. Macdonald résuma son avis au sujet des gouvernements provinciaux en faisant remarquer qu’ils ne méritaient pas plus d’attention que la ville de Montréal et en affirmant que les gouvernements provinciaux devaient être subordonnés au gouvernement fédéral en toutes choses5. Selon le point de vue de Macdonald sur le fédéralisme, l’ordre de gouvernement qui était investi du pouvoir dans un domaine de compétence donné et qui devait en être tenu responsable ne faisait pas de doute : Ottawa allait décider et serait tenu responsable, la disposition relative au pouvoir de révocation l’établissait clairement. La définition classique du fédéralisme fournie par K.C. Wheare ne pourrait jamais cadrer avec le point de vue de Macdonald sur le fédéralisme. Wheare a écrit : « Par “principe fédéral”, j’entends le mode de partage des compétences de telle façon que le gouvernement général et les gouvernements régionaux sont, dans une sphère de compétence, coordonnés et indépendants6. » En outre, la disposition sur le pouvoir de révocation constituait un compromis avec un fédéralisme défini de façon moins formelle et moins rigide. W.H. Riker, par exemple, maintient qu’une constitution est fédérale s’« il existe un champ d’action dans lequel chaque ordre de gouvernement est autonome et s’il y a une certaine garantie (ne serait-ce qu’une simple déclaration dans la Constitution) de l’autonomie de chaque gouvernement dans sa propre

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sphère7  ». Macdonald ne voyait pas le fédéralisme de cette façon. Ronald Watts, pour sa part, soutient que, dans une fédération, il doit y avoir «  une démarcation constitutionnelle explicite des pouvoirs et des fonctions entre le gouvernement général et les gouvernements régionaux. Chacun des deux ordres de gouvernement doit être limité à sa propre sphère d’action et tous deux doivent être indépendants dans leur propre sphère8. » De nos jours, les points de vue de Wheare, de Riker et de Watts sur le fédéralisme ont été rejetés. Le fédéralisme canadien est maintenant tout aussi éloigné du fédéralisme classique que l’était l’aanb rédigé en 1867. Trois forces ont refaçonné en profondeur le fédéralisme canadien au point que Macdonald ne le reconnaîtrait pas aujourd’hui  : le Comité judiciaire du Conseil privé de Grande-Bretagne, une constitution rigide dépourvue d’une formule de modification et le développement de l’État moderne. Quant au Parlement – l’institution considérée comme suprême dans l’aanb –, il est resté sur la touche, agissant davantage comme un observateur que comme un participant. Bref, ce sont des forces issues en grande partie de l’extérieur de nos institutions politiques qui ont refaçonné le fédéralisme canadien, les institutions politiques et bureaucratiques du Canada et la démocratie représentative canadienne. Ce n’est qu’en 1875 que le Canada put établir la Cour suprême, près de huit ans après la Confédération. La Cour n’était pas très occupée, du moins à ses débuts, n’entendant que quatre causes la première année9. C’était le Comité judiciaire du Conseil privé qui servait de cour d’appel du Canada jusqu’en 1949. Le Comité alla essentiellement à l’encontre de la vision du fédéralisme de Macdonald en rendant 173 jugements interprétant l’aanb 10. Ses décisions étaient très favorables aux gouvernements provinciaux et réduisirent certains pouvoirs du gouvernement fédéral, notamment en matière d’échanges et de commerce. Le Comité judiciaire interpréta l’aanb pour ce qu’il était  : une loi ordinaire adoptée par le Parlement britannique. Parce que les Pères de la Confédération n’avaient prévu aucune procédure pour modifier la Constitution, l’action du Comité joua un rôle central en matière de révision constitutionnelle. Même s’ils étaient très respectés dans leur pays, les membres du Comité exerçaient leurs fonctions à 3 000 milles d’ici et ne connaissaient presque rien du Canada, des vues de Macdonald sur le fédéralisme, ni d’ailleurs des subtilités du fédéralisme. Le fédéralisme était une forme de gouvernement qu’on comprenait mal en Grande-Bretagne11.

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Le travail du Comité fit l’objet de vives critiques au Canada au fil des ans. Alan Cairns a relevé deux groupes qui critiquaient le travail du Comité et ses effets sur la Constitution du Canada. L’un d’eux était composé de ce qu’il a appelé les constitutionnalistes, qui prônaient une « approche souple et pragmatique » afin que les juges puissent mettre à jour l’aanb. Le deuxième groupe, les fondamentalistes, fut aussi très critique à l’égard du Comité parce que celui-ci n’avait pas « fourni une interprétation logique et techniquement juste d’un document rédigé en termes clairs12 », soit l’aanb. De part et d’autre, ils estimaient que le Canada n’était pas bien servi par le Comité judiciaire. Une critique qui revenait souvent, c’était que le Comité avait contrevenu aux intentions des Pères de la Confédération, qui avaient voulu créer une fédération très centralisée, voire un État unitaire. En somme, les critiques reprochaient avec insistance au Comité de n’avoir pas accordé suffisamment d’importance à la disposition sur « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » conçue pour favoriser le gouvernement fédéral, d’avoir mal interprété le partage des pouvoirs établi aux articles 91 et 92, et d’avoir traité de façon inappropriée les responsabilités d’Ottawa en matière d’échanges et de commerce13. Je fais toutefois remarquer que cinq femmes influentes demandèrent à la Cour suprême du Canada de répondre à la question suivante : est-ce que le mot « personne » contenu dans l’article 24 de l’aanb comprend les femmes? La Cour suprême répondit que non. Mais la décision de la Cour suprême fut renversée après qu’un appel fut interjeté auprès du Comité judiciaire du Conseil privé de GrandeBretagne, qui déclara : pourquoi pas14? Il ne faut pas avoir froid aux yeux pour vouloir modifier la Constitution du Canada, comme l’histoire l’a souvent montré. Comme on le sait, ce n’est que depuis 1982 que le pays est doté d’une formule de modification produite au Canada15. Avant cette date, seule la Grande-Bretagne était apte à modifier l’aanb puisqu’il s’agissait d’une loi britannique. Ironiquement, cependant, les modifications apportées à l’aanb avant 1982 ont été plus nombreuses, toutes proportions gardées, que celles apportées depuis à la Loi constitutionnelle de 1982. Avant 1982, pour que le Canada fasse apporter une modification à l’aanb, la Chambre des communes et le Sénat devaient conjointement présenter une adresse au gouvernement du Royaume-Uni pour lui demander de déposer devant le Parlement un projet de loi proposant la modification. Établie en 1895, cette procédure demeura en vigueur jusqu’en 1982. Ce qui n’était pas clair, c’est le rôle qui

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incombait aux gouvernements provinciaux dans la procédure de modification. Le gouvernement fédéral n’observait pas une pratique constante à cet égard, bien qu’il ait obtenu l’assentiment unanime des provinces lorsque les modifications proposées touchaient aux compétences provinciales16. C’est en cela que la Constitution était rigide, laissant au Comité judiciaire le soin de l’interpréter. Une constitution rigide, un partage des pouvoirs qui semblait logique aux Pères de la Confédération mais qui devint intenable lorsque l’État providence commença à prendre forme, et l’action du Comité judiciaire forcèrent les décideurs canadiens à chercher des solutions en dehors de la Constitution et même en dehors des institutions politiques nationales. Réfléchissant au travail du Comité judiciaire, Bora Laskin, devenu plus tard juge en chef du Canada, a résumé le problème  : «  Mais l’autonomie provinciale a-t-elle été garantie? En ce qui concerne la capacité réelle de régler les problèmes économiques et sociaux de portée interprovinciale, la réponse est non. Il existe cependant une autonomie négative aux effets destructeurs qui a pour corollaire le fait que les citoyens d’une province sont citoyens du Dominion seulement à certaines fins bien précises17.  » Il appartenait aux décideurs de concevoir de nouveaux processus pour mettre en œuvre les mesures visant à relever les défis économiques émergents.

l a s it uat io n d e v int i ntenable La Grande Crise, plus que tout autre facteur, rendit obsolète le point de vue de John A. Macdonald sur le fédéralisme canadien. Bien que l’action du Comité judiciaire du Conseil privé ait refusé essentiellement de reconnaître au gouvernement fédéral un rôle dans la mise en place de mesures visant à faire face à la crise économique, la dépression força le gouvernement à intervenir pour venir en aide aux chômeurs, s’attaquer aux disparités régionales et résoudre les graves difficultés financières qu’éprouvaient plusieurs gouvernements provinciaux. Rappelons par exemple que le gouvernement de l’Alberta fut incapable de rembourser les prêts de la province en 1936. Les quatre provinces de l’Ouest et les trois Provinces maritimes furent les plus durement frappées18. Les agriculteurs des Prairies furent particulièrement touchés par la chute des prix du blé et la sécheresse. Ottawa avait les ressources financières pour résoudre certains des problèmes économiques mais il n’en avait pas la compétence, tandis que les provinces en avaient la compétence mais pas les ressources. Les défis que le Canada de Macdonald devait relever

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en 1867 étaient bien différents : la construction de chemins de fer et de canaux, l’ouverture de l’Ouest et la nécessité d’attirer des immigrants. Dans les années 1920, la plupart de ces défis avaient été relevés, et le gouvernement fédéral enregistrait des excédents. En 1935, le gouvernement de R.B. Bennett tenta de suivre l’exemple donné par Franklin Roosevelt et ses efforts pour mettre en place le New Deal19. Les tribunaux déclarèrent toutefois que l’initiative de Bennett était ultra vires ou qu’elle contrevenait aux pouvoirs des provinces. Cela ne changea rien au fait que les ressources financières dont certains gouvernements provinciaux disposaient pour appuyer de nouvelles mesures étaient limitées ou inexistantes. Le premier ministre William Lyon Mackenzie King décida d’établir la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces (mieux connue sous le nom de Commission Rowell-Sirois) afin qu’elle propose des solutions. Mackenzie King choisit N.W. Rowell, un politicien et avocat bien connu de l’Ontario, pour présider la Commission. Lorsque Rowell fut obligé de remettre sa démission pour des raisons de santé, Mackenzie King invita Joseph Sirois, un avocat bien en vue de Québec, à lui succéder à la présidence. La Commission se vit confier un mandat ambitieux qui tombait à point nommé. Les commissaires furent priés d’« étudier les faits révélés par leur enquête et d’en faire rapport, et de dire ce qui, à leur avis, – sous réserve du maintien d’une répartition des pouvoirs législatifs nécessaire au fonctionnement de notre système fédéral, aux besoins du pays et à l’unité nationale, –  sera le plus propre à maintenir d’une part un état d’équilibre entre la capacité financière et les obligations et fonctions de chaque gouvernement, et à favoriser, d’autre part, l’acquittement plus efficace, indépendant et économique des responsabilités gouvernementales au Canada”20 ». Bref, la Commission reçut le mandat de corriger le fédéralisme canadien. La Commission embaucha d’éminents économistes et politologues de l’époque, originaires du Canada, de Grande-Bretagne et des États-Unis, pour effectuer ses recherches, ce qui ne manqua pas de poser certains défis. John W. Dafoe, un membre de la Commission, a expliqué qu’il s’était rendu compte, alors qu’il examinait le travail de grands experts constitutionnalistes britanniques, qu’ils ne convenaient pas pour réaliser un examen du fédéralisme canadien à cause de « la difficulté pour une personne qui a grandi dans un contexte britannique de s’ajuster à l’atmosphère d’une combinaison fédérale21 ». Dafoe pressa la Commission d’« examiner le lien entre les politiques nationales passées et la crise actuelle. Ces problèmes

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historiques fondamentaux ne peuvent être résolus par un retour des objectifs centristes et des tactiques qui ont présidé à la Politique nationale de Macdonald22. » Thomas Crerar, un ancien membre du Cabinet fédéral et le premier chef du Parti progressiste, affirma que le problème central dont la Commission était saisie et auquel le Canada faisait face était la lutte contre la domination du Canada central sur l’échiquier politique canadien. Comme de nombreux autres politiciens de l’Ouest canadien et des Maritimes l’ont fait et continuent de le faire, il imputa à Macdonald et à sa Politique nationale la cause du développement inégal du Canada et l’incapacité des institutions politiques nationales de reconnaître les différentes réalités régionales du pays23. La Commission mit trois ans à consulter la population canadienne et à mener ses recherches. Elle conclut que le fédéralisme canadien avait « été mis à rude épreuve par les effets de la Grande Crise24 ». La Constitution, souligna-t-elle, empêchait les gouvernements, en particulier le gouvernement fédéral, d’intervenir à un moment où les Canadiens réclamaient de l’aide et où le pays exigeait une intervention gouvernementale. La Commission recommanda que le gouvernement fédéral assume la responsabilité des services sociaux – un domaine de compétence provinciale en vertu de la Constitution. Elle préconisait une nouvelle répartition des pouvoirs entre les deux ordres supérieurs de gouvernement de façon que leurs responsabilités correspondent à leur capacité financière et afin de répondre aux pressions en faveur de l’égalisation des normes de service dans l’ensemble du Canada. Mackenzie King endossa les conclusions de la Commission RowellSirois, notamment son appel à une réassignation des responsabilités au moyen de modifications constitutionnelles. Il insista pour dire qu’« il n’est pas sage qu’un gouvernement prélève des recettes pour que d’autres les dépensent25 », un argument qui a échappé aux décideurs canadiens depuis qu’ils ont donné naissance à l’État providence. De plus, la Commission Rowell-Sirois rejeta le recours à des programmes à frais partagés « en raison de leur complexité administrative, de l’autonomie provinciale et de l’impératif d’une reddition de comptes parlementaire26  ». La Commission soutint que les programmes à frais partagés nuiraient sérieusement à l’obligation de rendre des comptes parce qu’il deviendrait alors extrêmement difficile de déterminer quelle est la responsabilité de chaque gouvernement. Mackenzie King convoqua une conférence fédérale-provinciale en janvier 1941 pour donner suite aux recommandations de la

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Commission Rowell-Sirois. Même s’il avait des raisons d’être optimiste étant donné qu’il avait réussi à obtenir une modification constitutionnelle un an auparavant pour permettre que la compétence en matière d’assurance-chômage soit transférée des provinces au gouvernement fédéral, il remporta peu de succès27. Les années de guerre et la forte opposition aux conclusions de la Commission, en particulier de la part des premiers ministres Hepburn et Duplessis, de l’Ontario et du Québec, tuèrent tout espoir de mettre en œuvre les recommandations du rapport Rowell-Sirois. Plus tôt, l’Ontario avait clairement exprimé son opposition en s’alliant au Québec pour refuser de participer aux consultations publiques de la Commission Rowell-Sirois28. Il demeure que la Commission Rowell-Sirois fut en mesure d’innover en finançant des études réalisées par d’éminents chercheurs du Canada et d’autres pays. Elle souleva des questions fondamentales qui touchaient au cœur du fédéralisme canadien. W.A. Mackintosh, un professeur d’économie très respecté de l’Université Queen’s et haut fonctionnaire au ministère des Finances à Ottawa durant les années de guerre, a écrit au sujet des difficultés de promouvoir l’unité au sein d’un pays très régionalisé, soulignant que le Canada ne constituait pas vraiment une unité économique29. John W. Dafoe croyait que la source des problèmes du Canada était « régionale tout autant que constitutionnelle » et que Macdonald avait cherché à créer « un empire à l’intérieur du grand empire  ». Il affirma que Macdonald était un «  centriste et un ennemi du fédéralisme  », soutenant que Macdonald considérait les provinces comme «  des colonies ayant des droits d’autonomie gouvernementale, mais [que] si elles ne les exerçaient pas comme il le jugeait approprié, il sévirait contre elles par son pouvoir de révocation, ce qu’il fit à plusieurs reprises »30. Bien que la Constitution écrite soit restée pratiquement intacte, la Commission Rowell-Sirois eut une incidence durable qui entraîna essentiellement une reconfiguration du fédéralisme canadien. Keith Banting a documenté l’avènement de l’État providence provoqué par le rapport Rowell-Sirois. Il souligne que le gouvernement fédéral n’a pu obtenir que trois modifications constitutionnelles en 1940, en 1951 et en 1964, qui accordèrent à Ottawa la compétence sur l’assurance-chômage, les pensions de caractère contributif et les prestations supplémentaires. Les autres mesures qui ont contribué à l’État providence résultaient d’ententes fédérales-provinciales et du pouvoir de dépenser d’Ottawa31. La question qui nous intéresse ici est : pourquoi et comment l’essor de l’État providence au Canada a-t-il refaçonné non seulement le

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fédéralisme canadien, mais aussi la démocratie représentative canadienne? Il importe de souligner le fait que deux conférences fédérales-provinciales visant à donner suite au rapport Rowell-Sirois et à mettre en œuvre l’État providence – l’une en 1941 et l’autre en 1945 – échouèrent à obtenir des arrangements permanents dans le cadre de la Constitution. Néanmoins, comme l’a écrit Donald Smiley, « presque dès le jour de la clôture de la Conférence [de 1945], les autorités fédérales cherchèrent à conclure des ententes limitées et fragmentaires avec les provinces sur des questions particulières32 » en vue de transformer le fonctionnement du fédéralisme canadien. Elles entreprirent de s’attaquer par d’autres moyens à « l’inflexibilité du système face à la mise en œuvre périodique d’une nouvelle répartition des pouvoirs et responsabilités entre les deux ordres de gouvernement au moyen d’une modification constitutionnelle, d’une révision judiciaire ou de la délégation de pouvoirs législatifs d’un ordre de gouvernement à l’autre33 ». C’est ainsi que le pouvoir fédéral de dépenser vit le jour, une innovation propre au fédéralisme canadien34. Le pouvoir de dépenser d’Ottawa conduisit à la mise en place du Programme de la sécurité de la vieillesse et du soutien aux personnes aveugles ou handicapées en 1951, de l’assurance-hospitalisation en 1958, du Régime de pensions du Canada en 1965, du régime d’assurance-maladie en 1968 et d’innombrables ententes fédérales-provinciales dans pratiquement tous les secteurs économiques à compter de 197235. Peter Hogg, l’un des plus grands constitutionnalistes du Canada, fait observer que la pratique du Parlement canadien de « dépenser ou prêter de l’argent au gouvernement, à l’institution ou à l’individu de son choix et d’assortir à ses subventions ou à ses prêts les conditions de son choix, y compris des conditions qu’il ne pourrait imposer directement par voie législative36 », est maintenant devenue une convention constitutionnelle. Lorsqu’il est réduit à son élément fondamental, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral se rapporte au territoire ou à l’espace, ou à celui des ordres de gouvernement qui a le pouvoir d’agir dans un domaine de la politique publique dans un espace donné, qu’il s’agisse d’une province, d’une zone à l’intérieur d’une province ou d’une région, ou d’un groupe de provinces. Bref, le pouvoir de dépenser d’Ottawa permet au gouvernement fédéral d’intervenir dans tous les domaines stratégiques et dans toutes les régions en injectant des fonds pour inciter les gouvernements provinciaux à prendre des mesures qu’autrement ils ne prendraient peut-être pas ou n’auraient pas les moyens de financer.

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Les États-Unis parvinrent au Grand Compromis entre les grands et les petits États en intégrant dans leur constitution la capacité des institutions politiques nationales de donner une voix forte aux petits États dans l’élaboration des politiques. Le Canada n’a pas adopté de « grand compromis ». Il a plutôt compté sur le pouvoir de dépenser d’Ottawa pour envoyer de l’argent aux provinces en favorisant les plus petites et les moins nanties d’entre elles. On peut cependant reprocher bien des choses au pouvoir de dépenser d’Ottawa. Ainsi, il a entraîné l’abandon du fédéralisme classique et engendré de nouvelles formes de fédéralisme, y compris le fédéralisme exécutif, le fédéralisme coopératif, le fédéralisme collaboratif, le fédéralisme à frais partagés, le fédéralisme axé sur la prise de décisions commune et le fédéralisme fiscal37. Il a fait en sorte qu’une partie du pouvoir politique au Canada échappe maintenant au regard public, il a rendu plus difficile la reddition de comptes et il a battu en brèche les exigences démocratiques du Canada. En conséquence, le lieu où se prennent les décisions au sein du gouvernement est devenu une cible mouvante et difficile à suivre, ce qui a de vastes répercussions sur la reddition de comptes. Et pourtant, le fédéralisme à trait d’union a été largement applaudi au Canada parce qu’il a fourni des programmes gouvernementaux importants que la Constitution n’aurait pas permis autrement38.

fa ir e f o n c t io n n e r le fédérali s me à t r a it d ’ uni on Le fédéralisme à trait d’union est devenu la façon de composer avec une constitution qui comportait de graves défauts et qui fut conçue pour donner l’apparence d’un État fédéral, alors que les institutions démocratiques que ses principaux auteurs voulurent y mettre en place étaient destinées à un État unitaire. Le Parlement, les assemblées législatives et même le Cabinet ont été laissés pour compte pour permettre au fédéralisme à trait d’union de fonctionner. Les premiers ministres fédéraux et provinciaux, leurs proches conseillers, certains membres clés du Cabinet et les hauts fonctionnaires – dont plusieurs exercent leurs activités dans des organismes centraux – sont au centre du processus fédéral-provincial d’élaboration des politiques et de prise de décisions. C’est là un phénomène propre au Canada – Anthony Sayers et Andrew Banfield vont même jusqu’à dire que le Canada a « inventé » le fédéralisme à trait d’union39.

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Dans son livre marquant Federal-Provincial Diplomacy: The Making of Recent Policy in Canada, paru en 1972, Richard Simeon s’est penché sur la diplomatie internationale et la négociation de traités afin de jeter un éclairage sur les relations entre le fédéral et les provinces40. Simeon a décidé de revoir les conclusions de son ouvrage en 2005 et a conclu que « [c]eux qui y prenaient part [aux relations intergouvernementales] dans les années 1960 se retrouveraient ainsi en terrain très familier, car bon nombre d’éléments de la dynamique actuelle trouvent un écho certain dans cette tumultueuse décennie41. » Le fédéralisme à trait d’union a démontré une pérennité remarquable parce que les gouvernements au Canada ne savent pas vers quoi d’autre se tourner. Il est essentiel pour faire avancer les choses. La Constitution continue de forcer les décideurs à chercher des solutions dans la diplomatie ou les négociations fédérales-provinciales. En somme, ils y ont vu le seul moyen à leur disposition pour concrétiser les recommandations du rapport Rowell-Sirois, soit donner vie à l’État providence et bâtir une économie moderne, sans trop se préoccuper des rouages des institutions démocratiques. La Commission Rowell-Sirois avait lancé un sérieux avertissement aux décideurs de ne pas trop compter sur les ententes fédérales-provinciales comme étant la voie à suivre pour mettre en place de nouvelles mesures. Elle fit valoir que « s’il faut poursuivre les projets de coopération, les gouvernements qui y prennent part doivent être leurs propres arbitres. L’arbitrage mené uniquement par les parties intéressées entraîne des délais et mène parfois à une impasse, ce qui est désastreux pour l’efficacité administrative. Il finit toujours par aboutir à un compromis. Bien qu’inhérent au processus politique, le compromis favorise rarement une bonne administration [...] Quand les pouvoirs législatifs dans un domaine particulier sont partagés, il est généralement souhaitable qu’ils soient confiés à un seul gouvernement pour assurer un effort administratif unifié42. » Avant de devenir premier ministre, Pierre E. Trudeau estimait que le fédéralisme à trait d’union et son effet sur la démocratie représentative posaient des problèmes. Il a écrit : «  La condition fondamentale de la démocratie représentative est une claire attribution des responsabilités  : le citoyen qui désapprouve une politique, une loi, un règlement municipal ou un régime scolaire, doit savoir avec précision qui en sont les auteurs afin de pouvoir leur en tenir rigueur lors des élections subséquentes43.  » Le Canada ne répond plus à cette condition fondamentale de la démocratie représentative.

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Mackenzie King, Louis St-Laurent et John Diefenbaker firent la sourde oreille à l’avertissement de la Commission Rowell-Sirois, et Pierre E. Trudeau ne suivit pas son propre avis une fois qu’il fut au pouvoir. Moins d’un an après avoir été porté au pouvoir, il décrivait le pouvoir de dépenser d’Ottawa comme étant « le pouvoir qu’a le Parlement de verser certaines sommes aux individus, aux organisations ou aux gouvernements, à des fins au sujet desquelles le Parlement canadien n’a pas nécessairement le pouvoir de légiférer44  ». Nous avons observé une pléthore d’ententes fédérales-provinciales dans tous les secteurs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En fait, on aurait du mal à nommer un seul secteur qui n’ait pas été couvert par une entente fédérale-provinciale, ou un domaine d’intérêt général qui appartienne exclusivement à l’un ou l’autre ordre de gouvernement45. Le fédéralisme canadien est devenu un pot-pourri d’ententes fédérales-provinciales, de politiques fédérales-provinciales, de mesures fédérales-provinciales, d’initiatives fédérales-provinciales et de règlements fédéraux-provinciaux. Il a donné lieu à une multitude de comités fédéraux-provinciaux qui gèrent une myriade de programmes à frais partagés. Toutes les fédérations ont diverses formes d’ententes de collaboration entre les ordres de gouvernement, mais aucune n’est allée aussi loin dans cette voie que le Canada. Le fédéralisme canadien présente certaines particularités. Ronald Watts souligne que la capacité du gouvernement fédéral de dépenser dans des domaines de compétence infranationale est un cas unique parmi les fédérations46. Non seulement le Canada a inventé le fédéralisme à trait d’union, mais très peu de secteurs sont maintenant hors de la portée du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Comme on l’a vu, le gouvernement fédéral est libre d’aller où bon lui semble pour y faire ce qui lui chante. Il en résulte que les politiciens et les fonctionnaires de 11 gouvernements sont devenus ceux qui prennent les décisions constitutionnelles pour le compte du Canada47. Ils agissent derrière des portes closes et, une fois les ententes conclues, il est difficile de distinguer qui a proposé quoi, qui s’est opposé à quoi et comment on est parvenu à un consensus. Une caractéristique qui définit la diplomatie internationale, c’est que les participants ne dévoilent pas leurs objectifs et leurs stratégies tant qu’un accord n’a pas été conclu. Le même principe s’applique aux négociations fédérales-provinciales48. Certes, le fédéralisme à trait d’union peut faire bouger les choses, comme on l’a constaté au cours des 70 dernières années dans le domaine social et celui du développement économique. Toutefois, c’est la démocratie représentative qui

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en fait les frais. Le fédéralisme à trait d’union est la chasse gardée des élites politiques et bureaucratiques. Andrew Petter explique que le pouvoir de dépenser d’Ottawa dans le fédéralisme à trait d’union permet « de transférer la responsabilité politique d’un ordre de gouvernement à l’autre, mais comme la responsabilité de l’un et celle de l’autre s’entrecoupent, il est devenu pratiquement impossible pour les citoyens de déterminer quel ordre de gouvernement doit être tenu responsable des politiques qui échouent ou, d’ailleurs, de celles qui portent des fruits. En conséquence, l’influence des citoyens ordinaires sur le processus d’élaboration des politiques a diminué, et celle des élites gouvernementales s’est accrue49. » On peut en dire autant pour la Chambre des communes et même les ministres. Bref, le fédéralisme à trait d’union s’exerce au détriment des institutions politiques et bureaucratiques de notre pays. Il requiert que les fonctionnaires en poste à Ottawa, dans les bureaux régionaux et les capitales provinciales négocient, gèrent et mettent en œuvre des ententes fédérales-provinciales. Les fonctionnaires font rapport de bien des façons les uns aux autres plutôt qu’à leurs maîtres politiques. Le fédéralisme à trait d’union a créé un autre ordre de gouvernement qui est en mesure de fonctionner en se soustrayant à l’obligation de rendre des comptes. Les fonctionnaires sont les principaux acteurs du fonctionnement du fédéralisme à trait d’union, dont presque toutes les actions ont lieu sur leur terrain. À un certain moment, Ottawa a même cofinancé les salaires de fonctionnaires provinciaux pour assurer que l’autre partie ait la capacité de négocier les ententes et de les mettre en œuvre50. Les négociations fédérales-provinciales sont aussi susceptibles d’engendrer des conflits fédéraux-provinciaux parmi les politiciens et les fonctionnaires en quête de prestige. Les négociations peuvent mener à des conflits qui ont très peu d’importance pour ceux qui ne participent pas aux négociations, comme Donald Smiley l’a souligné51. Souvent, seules les personnes qui se trouvent à la table des négociations ou dans les organismes centraux et les ministères axiaux à Ottawa et dans les capitales provinciales sont au courant de tels conflits, qui sont parfois coûteux et contre-productifs. Le fédéralisme à trait d’union y est pour beaucoup dans l’énorme difficulté qu’éprouve maintenant le Parlement à remplir son rôle consistant à demander des comptes au gouvernement. Comment un député peut-il savoir qui a fait partie de la négociation et ce qui a été négocié, et déterminer quel ordre de gouvernement a cédé lors de la conclusion d’une entente? Même les ministres responsables,

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sans parler des députés d’arrière-ban, ont du mal à comprendre les concessions qu’il faut faire pour en arriver à une entente52. Les 11 gouvernements présents au Canada ont tous désormais des unités fédérales-provinciales ou intergouvernementales bien pourvues de personnel, qui collaborent avec les ministères responsables pour gérer un appareil gouvernemental fédéral-provincial très complexe et de nombreux processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions. La hiérarchie a moins d’importance dans un tel environnement, et si la hiérarchie a moins d’importance au sein du gouvernement, c’est aussi le cas de la reddition de comptes. De plus, le fédéralisme à trait d’union donne aux fonctionnaires fédéraux et provinciaux de nombreuses occasions de promouvoir leur intérêt personnel. Les fonctionnaires ont intérêt à accroître le nombre et la portée des ententes fédérales-provinciales. De nombreux fonctionnaires fédéraux et provinciaux considèrent peut-être que leurs rôles sont en complémentarité les uns avec les autres plutôt qu’en concurrence. Si un gouvernement se retire d’une entente ou d’un programme fédéral-provincial, certains fonctionnaires seront alors réaffectés à de nouvelles tâches ou perdront leur poste. Donald Smiley fait valoir que les «  responsables de programmes provinciaux, de même que leurs homologues fédéraux, croient généralement que les ressources financières consacrées à leurs fonctions sont plus considérables lorsque des accords de partage des frais prévalent que ce ne serait le cas si les provinces avaient des fonds équivalents à leur disposition sans aucune condition53 ». Le fédéralisme à trait d’union ajoute des couches de bureaucratie dans les instances gouvernementales fédérales et provinciales. Il accroît les pouvoirs des organismes centraux qui ont notamment pour tâche de garder à l’œil les ministères responsables. Il alourdit également le travail des organismes de surveillance aussi bien à l’échelon fédéral que provincial. Le vérificateur général à Ottawa et ses homologues provinciaux effectueront une vérification des mêmes programmes. De plus, il faut assurer la coordination des différentes exigences en matière d’accès à l’information, ce qui nécessite aussi des ressources financières et humaines.

l a p o rt é e du f é d é r a l is me à trai t d’uni on À un moment donné, aucun ministère du gouvernement du Nouveau-Brunswick n’était sans entente fédérale-provinciale à gérer. On peut en dire autant pour plusieurs autres provinces. Dans le cas

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des provinces moins nanties, la promesse d’argent du gouvernement fédéral a suffi à réorienter les priorités et à remodeler en profondeur la plateforme adoptée par le parti au pouvoir lors de la campagne électorale54. Puisqu’il s’agissait du développement économique, dans certaines provinces, quel qu’ait été le parti au pouvoir, les accords fédéraux-provinciaux étaient reconduits d’une génération à l’autre en demeurant presque inchangés55. Pour les gouvernements provinciaux, en particulier ceux des provinces moins nanties, le risque de perdre des fonds fédéraux était trop grand pour qu’ils remettent en question le statu quo ou qu’ils prennent des initiatives d’envergure sans financement du gouvernement fédéral. Il est arrivé qu’un ministre responsable demande à des fonctionnaires de mener une initiative, mais qu’on lui dise que le comité fédéral-provincial n’accepterait pas de l’appuyer et qu’il vaudrait mieux abandonner la demande par crainte de perdre du financement du gouvernement fédéral. Le ministre n’était pas près à l’admettre devant son Assemblée législative de peur de passer pour un faible. De toute façon, il n’avait aucun moyen d’en appeler d’une décision prise par un comité composé de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Son homologue du gouvernement fédéral ne devait pas seulement s’occuper de neuf autres provinces, mais il devait aussi s’adresser à des comités fédéraux-provinciaux de fonctionnaires56. C’est là un important facteur qui a contribué à ce que le siège du pouvoir se soit déplacé de l’arène politique vers les fonctionnaires permanents. C’est aussi ce qui explique pourquoi les politiciens et les politiciennes (à partir du début des années 1980) ont décidé de repousser les fonctionnaires, convaincus qu’ils exerçaient une trop grande influence. Le fédéralisme à trait d’union a pris diverses formes au fil des ans, si bien qu’il est difficile pour les députés fédéraux, et encore plus pour le public canadien, de comprendre qui doit être tenu responsable de quoi. Quelle que soit la forme, le fédéralisme à trait d’union a amené les gouvernements provinciaux à s’affirmer davantage, certainement beaucoup plus que ne l’avait imaginé John A. Macdonald. Des conflits fédéraux-provinciaux ont parfois éclaté au grand jour, comme au début des années 1980, lorsque le gouvernement Trudeau a voulu rapatrier la Constitution. À d’autres moments, Ottawa a assuré un climat de paix avec les gouvernements provinciaux en signant une généreuse entente fédérale-provinciale dans le domaine des soins de santé, comme l’a fait le gouvernement de Paul Martin. À d’autres moments encore, la conférence fédérale-provinciale des premiers ministres suscitait beaucoup d’intérêt (p. ex. les années Pierre

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Trudeau), tandis qu’à d’autres, elle n’en soulevait aucun (p. ex. les années Harper). La difficulté de décider de qui les programmes fédéraux-provinciaux doivent rehausser la visibilité a toujours talonné le fédéralisme à trait d’union. Cette question est d’autant plus épineuse lorsque ce n’est pas le même parti qui détient le pouvoir à Ottawa et dans une capitale provinciale. Tout cela pour dire que le fédéralisme à trait d’union est un phénomène en constante évolution. Il n’a pas de forme fixe qui permettrait aux députés, et à plus forte raison au Canadien moyen, de comprendre aisément de quoi il en retourne. En outre, il laisse sans réponse des problèmes fondamentaux auxquels le Canada est confronté. L’unité nationale demeure la préoccupation de nombreux Canadiens et Canadiennes malgré l’insatisfaction que suscite depuis longtemps le fédéralisme au Québec, dans les provinces de l’Ouest, au Canada atlantique et chez les communautés autochtones57. Le fédéralisme à trait d’union n’a pas toujours évité les écueils. Il a donné lieu à de nombreux conflits fédéraux-provinciaux et interprovinciaux. Mackenzie King fit preuve d’une grande clairvoyance en affirmant qu’« il n’est pas sage qu’un gouvernement prélève des recettes pour que d’autres les dépensent ». Non seulement une telle situation embrouille la question de la reddition de comptes, mais aussi elle alimente la bataille de l’équilibre fiscal. Les gouvernements provinciaux insistent pour dire qu’il y a un déséquilibre croissant quant à la capacité des deux ordres de gouvernement de financer les dépenses liées à leurs responsabilités. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique est resté largement muet sur les questions fiscales fédérales-provinciales, sauf aux articles 114 à 118, qui établissent les responsabilités de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick et les subventions accordées à ces provinces. De plus, l’aanb a attribué au gouvernement fédéral le pouvoir de prélever des deniers « par tous modes ou systèmes de taxation » tout en limitant les gouvernements provinciaux à « la taxation directe ». La Loi constitutionnelle de 1982 va plus loin au sujet du fédéralisme fiscal et engage le Canada à respecter le principe des paiements de péréquation versés aux provinces moins nanties pour assurer que les gouvernements provinciaux disposent d’assez de revenus pour fournir des niveaux de services publics raisonnablement comparables à des niveaux d’imposition raisonnablement comparables58. Ce principe a cependant créé de nouveaux problèmes et de nouveaux conflits : les provinces riches ont souvent critiqué les programmes fondés sur les besoins et exerceront des pressions sur Ottawa pour que l’on revienne

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au financement par habitant, tandis que les provinces moins nanties soutiennent qu’Ottawa et la Politique nationale sont en grande partie à l’origine de leur statut de provinces moins nanties. C’est pourquoi, affirment-elles, Ottawa devrait intégrer un principe de péréquation dans tous les programmes du gouvernement fédéral.

l a bata il l e au s u j e t d e s transferts fédéraux La source du conflit en ce qui a trait à la façon de calculer les transferts fédéraux se rapporte essentiellement à l’espace ou aux régions qui bénéficient le plus des transferts du gouvernement fédéral. Elle suscite un débat important étant donné que les transferts fédéraux aux provinces représentent environ 22 % de l’ensemble des dépenses fédérales59. Les provinces riches font valoir que le calcul par habitant des transferts fédéraux est simple et facile à comprendre et reflète un souci d’équité dans les dépenses fédérales. Les provinces riches sont aussi riches en électeurs (c.-à-d. l’Ontario et l’Alberta). On se rappellera que l’ancien premier ministre Harper, originaire de l’Alberta, était favorable à un calcul des transferts fédéraux en fonction de la population et a procédé à une révision complète des transferts fédéraux en ce sens alors qu’il était au pouvoir. Il en sera plus amplement question dans un prochain chapitre. Les provinces moins nanties voient les choses d’un autre œil et tiennent à une approche fondée sur les besoins. Les premiers ministres fédéraux originaires du Québec, de Trudeau père à Trudeau fils en passant par Mulroney et Chrétien, ont été réticents à adopter une approche prévoyant un financement proportionnel au nombre d’habitants. Selon eux, quand Ottawa transfère des points d’impôt à titre de paiements de transfert, il doit aussi s’appuyer, du moins en partie, sur les besoins parce que la valeur des points d’impôt transférés à une province riche est supérieure à celle des points d’impôt transférés à une province moins nantie. Les transferts fédéraux « aident à prendre en charge certains des coûts sociaux du développement inégal » dans certaines provinces, explique Janine Brodie, alors que « les relations économiques qui favorisaient le développement inégal n’ont pas été remises en question60 ». Abstraction faite du programme de péréquation d’Ottawa, malgré toute son importance, les provinces riches ont remporté une victoire récemment. Le gouvernement Harper, qui comptait de nombreux représentants de l’Ontario, a revu en profondeur les transferts fédéraux aux provinces dans le cadre de son budget 2007. Il a décidé

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que les paiements de péréquation ne pourraient plus être supérieurs à la croissance du pib nominal et que les autres paiements de transfert seraient désormais calculés en fonction du nombre d’habitants. Ce nouvel arrangement faisait une grande gagnante  : l’Alberta, la province de Harper. Cette province a vu ses transferts fédéraux augmenter de 37,8 % entre 2013-2014 et 2014-2015, tandis que ceux de la Nouvelle-Écosse, par exemple, ont connu une hausse de 2 %61. Les gouvernements provinciaux allèguent depuis longtemps qu’il existe un grave déséquilibre budgétaire au Canada. Les provinces soutiennent qu’Ottawa, en raison de l’aanb et d’autres éléments, a plus de revenus qu’il n’en a besoin compte tenu des responsabilités limitées du gouvernement fédéral dans l’économie moderne et l’État providence. C’est tout le contraire dans le cas des gouvernements provinciaux parce que c’est à eux qu’incombent les responsabilités constitutionnelles dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux. Alors que les gouvernements provinciaux n’ont pas le choix de mettre en œuvre des programmes dans ces secteurs, Ottawa peut intervenir dans ces secteurs ou s’en retirer, selon ses priorités. Bien que la Saskatchewan ait créé le régime d’assurance-maladie, celui-ci fut étendu à l’échelle nationale lorsque le Parlement canadien adopta la Loi sur les soins médicaux, en 1966. Ottawa allait assumer environ la moitié des coûts des soins de santé pour les services admissibles offerts dans toutes les provinces, à condition que le programme provincial réponde à divers critères  : le programme devait être universel, transférable et géré publiquement62. Au fil des années, Ottawa a diminué sa contribution financière au programme. De nos jours, le gouvernement fédéral n’apporte plus qu’une contribution équivalante à 25  % des coûts de l’assurance-maladie et laisse les gouvernements provinciaux jongler avec les priorités pour payer une plus grande part des coûts. Si le gouvernement fédéral avait déclaré en 1966 qu’il réduirait progressivement sa part des coûts à 25 % (moins dans certaines provinces), on peut supposer que les provinces auraient été moins nombreuses à adhérer au programme et que nous n’aurions pas un programme national qui contribue aujourd’hui à définir le Canada et ses valeurs, du moins selon certains63. De nombreux fonctionnaires fédéraux estiment que le déséquilibre budgétaire est un argument boiteux parce qu’il repose sur une interprétation trop stricte du partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux64. Ils soutiennent essentiellement que les Pères de la Confédération firent fausse route

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lorsqu’ils rédigèrent l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Ils affirment aussi que notre incapacité à modifier la Constitution a obligé le gouvernement fédéral à intervenir par tous les moyens disponibles.

l’ im m ig r ati on Michael Wilson, un ancien ministre des Finances dans le gouvernement Mulroney, m’a raconté une expérience révélatrice qu’il eut la première fois qu’il se porta candidat aux élections fédérales, en 1979. Il avait pris la parole devant un rassemblement dans sa circonscription d’Etobicoke, en banlieue de Toronto, où il avait employé le mot « liberté » à trois reprises. La réaction des Canadiens de souche avait été bien différente de celle des nouveaux Canadiens. Les Canadiens de souche, a-t-il rapporté, avaient eu une réaction plutôt blasée à l’emploi de ce mot, tandis que la réaction des nouveaux Canadiens avait été très favorable. Il a ajouté que la ville de Toronto à elle seule accueille maintenant quelque 100 000 Néo-Canadiens par année, ce qui a selon lui des répercussions importantes sur le corps politique canadien65. L’Ontario, notamment Toronto, est le principal pôle d’attraction des nouveaux Canadiens. La province a accueilli annuellement entre 90  000  et 133  000  nouveaux arrivants au cours des 10 dernières années; le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique en ont attiré chacun entre 20 000 et 55 000 par année durant la même période. Les provinces les moins peuplées viennent loin derrière, attirant entre 352 Néo-Canadiens dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard et 2  000  dans le cas du Nouveau-Brunswick durant cette période66. Mais ces chiffres ne disent pas tout. Une fois qu’ils sont entrés au Canada, les nouveaux arrivants ont beaucoup plus tendance à aller s’établir à Toronto, à Montréal et à Vancouver que dans les provinces peu peuplées, ce qui démontre qu’ils souhaitent vivre là où se concentrent les nouveaux Canadiens67. L’immigration est le moteur de l’accroissement démographique au Canada et elle a de profondes conséquences politiques et économiques. De nos jours, 22  % des Canadiens et des Canadiennes sont des immigrants, la proportion la plus élevée en 85  ans68. La participation politique des Néo-Canadiens n’est guère différente de celle de l’ensemble de la population canadienne, mais on observe des différences marquées à d’autres égards. Les données indiquent que les Néo-Canadiens sont plus conservateurs sur le plan social que les Canadiens de souche et qu’ils sont plus satisfaits de l’état de la démocratie canadienne que l’ensemble de la population du

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pays69. Une étude explique ainsi pourquoi  : «  Beaucoup de nouveaux citoyens dans les groupes de discussion ont associé leurs sentiments envers la démocratie canadienne à leur vie avant de s’établir au Canada. Ceux qui viennent de pays comme le Mexique, la Colombie, l’Ukraine ou la Russie estiment que même si la démocratie canadienne a ses problèmes, elle se porte bien mieux que dans les pays qu’ils ont quittés70. » Les Néo-Canadiens croient également que les institutions politiques du Canada représentent bien les vues de la population canadienne (64 % des répondants sont d’accord ou fortement d’accord)71. Ils considèrent le Canada non comme un traité entre deux nations, mais comme un pays qui leur offre un nouveau départ. En outre, ils ne sont pas très au courant des revendications des régions, et il est peu probable qu’ils se préoccupent de la question dont Donald Smiley et Roland Watts, deux éminents spécialistes canadiens du fédéralisme, ont débattu – l’incapacité des institutions fédérales « à satisfaire et à concilier les divers intérêts régionaux72 ». Ils ne s’en rendent peut-être pas compte, mais les Néo-Canadiens ont eux aussi un parti pris régional. Il a été démontré qu’ils exercent une influence profonde sur la vie politique dans la région du Grand Toronto. La firme de recherche ekos rapporte qu’ils ont joué un rôle crucial dans le « rétablissement de la domination du Parti libéral dans le 905 et d’autres régions autour du Grand Toronto73 ». Rappelons aussi que Jason Kenney, ministre de l’Immigration dans le gouvernement Harper, a réussi à attirer des Néo-Canadiens dans les rangs du Parti conservateur, ce qui a permis au Parti de réaliser des percées dans le Grand Toronto lors des élections générales de 201174. Les nouveaux Canadiens ont peut-être des valeurs différentes de celles des Canadiens de souche à leur arrivée au pays, comme l’ont constaté Michael Wilson et d’autres politiciens. D’une part, les nouveaux Canadiens tendent à se montrer beaucoup plus favorables à la politique d’immigration que les Canadiens de souche75. D’autre part, ils attachent une grande importance à la liberté et à l’égalité. Des sondages d’opinion publique révèlent que les Canadiens de naissance sont plus attachés à leur collectivité locale et à leur province que les Néo-Canadiens : 42% se voient comme des citoyens de leur province (fortement d’accord), ce qui contraste avec les immigrants récents, dont seulement 26 % sont fortement d’accord avec l’énoncé selon lequel ils se voient comme des citoyens de leur province76. En revanche, avec le temps, les nouveaux Canadiens se rapprochent des intérêts régionaux de la collectivité où ils s’établissent, renforçant ainsi le facteur de la «  représentation selon la population  »

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dans le choix du parti qui détient le pouvoir politique au Canada. Les sondages d’opinion publique révèlent également qu’ils adoptent à la longue des valeurs semblables à celles des Canadiens de naissance. Il en va de même pour leur attachement à la collectivité et à la province77. Le fait que le Canada s’appuie sur la représentation selon la population pour déterminer qui détient le pouvoir tend à privilégier les régions qui sont les mieux en mesure d’attirer les nouveaux Canadiens. À leur arrivée au pays, ceux-ci ignorent presque tout de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, du régionalisme canadien et des raisons pour lesquelles Ottawa a enchâssé le principe de la péréquation dans la Loi constitutionnelle de 1982.

r e to u r e n a rri ère Que faire lorsqu’un pays n’a du régime fédéral que le nom? Que faire alors que les Pères de la Confédération n’avaient pas prévu la croissance de l’appareil gouvernemental et les exigences de l’État providence lorsqu’ils conçurent la Constitution sans y inclure une formule de modification? Que faire dans un pays où le gouvernement fédéral et plusieurs commissions nationales d’enquête ont conclu que la Confédération était plus avantageuse pour certaines régions que pour d’autres78? Les gouvernements canadiens successifs, depuis Mackenzie King jusqu’à Justin Trudeau, ont fourni les réponses suivantes : adopter une forme de fédéralisme à trait d’union, mettre la Constitution de côté et utiliser le pouvoir fédéral de dépenser pour permettre à Ottawa d’intervenir dans chaque domaine stratégique sans se préoccuper des conséquences qu’en subissent les institutions démocratiques du pays. Alain Noël a touché au cœur de la question lorsqu’il a examiné des mesures susceptibles de limiter le pouvoir de dépenser d’Ottawa. Il a demandé : comment peut-on « limiter un pouvoir qui n’existe pas79 »? Le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral est un pouvoir conféré à des politiciens et à des fonctionnaires qui sont peu soumis à l’obligation de rendre des comptes. Les Pères de la Confédération imposèrent aux décideurs un carcan qui demeure en bonne partie la cause des conflits politiques que connaît le Canada. Contrairement à leurs homologues américains, ils n’étaient pas disposés à accepter un « grand compromis » en veillant à ce que les institutions politiques nationales reflètent la composition régionale du pays, comme le fait le Sénat aux États-Unis. Les principaux architectes de la Constitution canadienne étaient originaires de

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l’Ontario, et le seul « grand compromis » qu’ils étaient prêts à accepter était avec le Canada-Est (le Québec) en reconnaissant l’usage du français au Parlement et dans les tribunaux. Au risque de sembler me répéter, je rappelle que les institutions d’inspiration britannique conçues pour un État unitaire n’avaient rien prévu pour prendre en compte le facteur régional. Les Pères de la Confédération négligèrent la facette sans doute la plus importante du fédéralisme canadien : comment tenir compte du facteur régional dans les institutions politiques et administratives nationales. Les paiements de transfert, sous une forme ou une autre, incarnent le grand compromis canadien. Mais le compromis a présenté une géométrie variable depuis qu’il a été adopté. Le gouvernement fédéral peut intervenir dans des domaines d’intérêt public et s’en retirer à sa guise selon ses propres priorités et sa capacité financière. Le compromis auquel le Canada est parvenu ouvrit la voie au fédéralisme à trait d’union et à de nouvelles méthodes de modification des politiques et des programmes. Le fédéralisme à trait d’union a toutefois beaucoup mieux réussi à gérer les problèmes et les conflits qu’à les résoudre. Le fédéralisme à trait d’union peut tout de même prétendre avoir réussi sur divers fronts politiques : ou bien c’était le fédéralisme à trait d’union, ou bien de nombreuses questions de politique auraient été négligées. Par ailleurs, les Canadiens semblent satisfaits du fédéralisme à trait d’union. Une grande maison de sondage canadienne rapporte que  «  la lutte entre, d’une part, un “gouvernement central fort” et, d’autre part, une “communauté de communautés” est terminée, et les deux côtés ont eu gain de cause80 ». Le fédéralisme à trait d’union a permis aux deux parties d’avoir gain de cause, du moins temporairement. Cependant, cela s’est produit au détriment de nos institutions politiques et administratives nationales, et des fissures commencent à apparaître dans la version canadienne du grand compromis. Le fédéralisme à trait d’union n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes à l’exercice de la démocratie représentative. Il a alourdi les administrations publiques fédérales et provinciales, créé de nouvelles couches de bureaucratie, semé la confusion au sujet de la reddition de comptes et a rendu plus difficile pour les politiciens de diriger le travail de leurs fonctionnaires. Il a laissé pour compte nos représentants élus, en particulier nos députés fédéraux et, jusqu’à un certain point, les ministres. Les députés fédéraux et même les ministres sont maintenant convaincus d’avoir été mis de côté pour permettre au fédéralisme à trait d’union de fonctionner. Ils ont raison.

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Tout ce qui est canadien est régional sauf les institutions politiques nationales

Il serait difficile de trouver un dossier, petit ou grand, sur la scène politique canadienne qui ne suscite pas de tensions régionales. Ce chapitre souligne que, malgré l’importante dimension régionale de presque tous les problèmes nationaux qui se posent au Canada, les institutions politiques et administratives nationales du pays ne sont pas conçues pour tenir compte d’autres perspectives régionales que celles des régions densément peuplées. Il va plus loin en faisant valoir qu’en raison de l’incapacité de ces institutions de tenir compte des réalités régionales, il est en fait devenu plus difficile pour le Canada de gérer les tensions régionales. L’initiative de choisir une femme pour figurer sur un billet de banque canadien a pris une tournure régionale dès le dévoilement des noms des cinq finalistes. Nellie McClung, la militante des Prairies qui mena la charge pour que les femmes obtiennent le droit de vote, n’a pas été retenue parmi les finalistes, contrairement à Idola Saint-Jean, la militante du Québec qui mena la même campagne dans sa province. La Fondation Nellie McClung, de Winnipeg, a demandé pourquoi il n’y avait, parmi les finalistes, « pas une seule femme des provinces des Prairies, la région du pays où le mouvement pour les droits des femmes a pris son essor au Canada1 ». La Canadian Broadcasting Corporation (cbc) a pensé qu’elle contribuerait aux célébrations entourant le 150e  anniversaire du Canada en produisant une série qui raconte l’histoire du pays. Le premier ministre Justin Trudeau a lancé la série en déclarant qu’elle avait pour but de célébrer le Canada. La série s’est immédiatement attiré les critiques des Néo-Écossais, des Acadiens, des communautés autochtones et des Québécois. Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, et le maire d’Annapolis Royal,

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Bill MacDonald, ont demandé à la cbc d’ajouter un épisode à la série pour «  rétablir les faits  ». La Nouvelle-Écosse, a expliqué M. MacDonald, est « le berceau de notre nation [...] une omission aussi importante est plutôt criante2  ». Un professeur d’histoire du Québec a décrié la série, reprochant à la cbc de présenter une histoire déformée fondée sur des vérités alternatives3. Il semblerait que le Canada n’ait pas été représenté en entier à son cent-cinquantenaire. Par ailleurs, le premier ministre Trudeau a convoqué un sommet planifié avec soin pour amener les provinces à s’attaquer aux changements climatiques. Le moment était bien choisi pour la tenue du sommet fédéral-provincial en décembre 2016, alors que le Parti libéral détenait le pouvoir à Ottawa et dans 7 des 10 provinces et que le npd était au pouvoir dans une province, l’Alberta, riche en réserves de combustibles fossiles. Trudeau a dit clairement qu’il appuyait l’adoption de mesures pour lutter contre les changements climatiques. Toutefois, les choses ne se sont pas passées comme Trudeau l’avait prévu. Les premiers ministres provinciaux ont réclamé des dispositions spéciales pour tenir compte des préoccupations de leurs régions. Christy Clark, alors première ministre de la ColombieBritannique, s’est présentée devant les caméras de télévision lors du sommet pour déclarer que l’accord présenté aux premiers ministres était injuste envers la Colombie-Britannique, soulignant que sa province paierait deux fois plus que l’Ontario et le Québec selon le plan proposé. En fin de compte, elle a obtenu une entente particulière4. D’autres premiers ministres ont également réussi à ajouter des addenda à l’accord afin d’obtenir des concessions pour leur province5. Cela démontre que le fédéralisme canadien est devenu un assemblage d’ententes particulières destinées à répondre aux doléances régionales. Les ententes particulières sont technocratiques plutôt que structurelles, et Ottawa peut les modifier ou y mettre fin quand bon lui semble. Elles portent sur des questions dont la plupart sont du ressort des provinces. Les tentatives de négociation d’une entente fédérale-provinciale sur la santé à la fin de 2016 ont également été fragmentées par région. Au départ, les 10 provinces ont toutes réclamé un financement supérieur à ce qu’Ottawa offrait, qualifiant d’inacceptable son approche « à prendre ou à laisser ». Les médias ont rapporté que certains gouvernements provinciaux étaient prêts à quitter la réunion si le gouvernement fédéral n’acceptait pas d’augmenter les fonds prévus6. Finalement, le gouvernement fédéral a coupé court aux pourparlers et entrepris de négocier séparément avec les provinces.

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D’abord le Nouveau-Brunswick, puis la Nouvelle-Écosse, TerreNeuve-et-Labrador et, plus tard, les autres provinces ont tour à tour accepté des ententes particulières avec Ottawa7. On a appris plus tard qu’Ottawa avait signé avec le Nouveau-Brunswick une entente particulière sous la forme d’un projet-pilote de 75 millions de dollars pour aider le système de soins de santé de la province à fournir des services à sa population vieillissante8. Le Canada est un « pays de régions9 ». Michael Ornstein explique : « les gens des différentes régions manifestent des loyautés régionales, en ce sens qu’ils préfèrent la qualité de vie de leur province et/ou qu’ils appuient les revendications de leur province à l’égard du gouvernement fédéral10 ». Les Américains se définissent en tant qu’Américains, tandis que les Canadiens se définissent en tant que Québécois ou comme étant des Maritimes ou de l’Ouest canadien11. On trouve au Canada des modèles de conduite politique distincts selon les régions, des caractéristiques géographiques régionales très diverses qu’englobe le deuxième pays du monde en superficie – ce qui comprend le Bouclier canadien, les Plaines intérieures, les Grands Lacs, les Rocheuses, l’Arctique et des territoires bordant trois océans –, des structures économiques régionales bien différentes, deux langues officielles et de fortes identités régionales. Un journaliste canadien réputé a écrit que le Canada éprouve « un malin sentiment d’envie régionale12 ». Il citait par exemple « l’agitation du Québec » et « l’angoisse et la colère » de l’Ouest canadien « au sujet du traitement injuste que la région affirme avoir toujours reçu au sein du Canada13 ». Il n’a pas fait allusion à « l’angoisse » du Canada atlantique, mais elle existe même si la région n’a pas le poids politique ou économique de l’Ouest canadien pour obtenir l’attention des médias ontariens. Le journaliste n’a rien dit au sujet de l’Ontario, bien que la province ait critiqué les paiements de transfert versés par Ottawa aux provinces moins nanties ces dernières années. Le Centre Mowat, qui se pose comme la voix ontarienne en matière de politique publique, a publié un rapport selon lequel la part des dépenses du gouvernement fédéral que l’Ontario reçoit est inférieure aux montants que la province verse dans les coffres de l’État fédéral14. Le fédéralisme canadien en est maintenant arrivé au point où une province qui verse un dollar en impôt à Ottawa s’attend à recevoir en retour un dollar en dépenses du gouvernement fédéral. Le Centre Mowat n’a pas pris en considération tous les avantages que l’Ontario retire du gouvernement fédéral, depuis les investissements importants dans le développement économique

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jusqu’à l’établissement dans la région des administrations centrales des ministères et organismes et des sièges sociaux des sociétés d’État. La langue et le régionalisme demeurent les deux principaux clivages dans la vie politique canadienne et, à bien des égards, la question de la langue est maintenant liée au régionalisme. La population canadienne-française est largement concentrée dans la province de Québec et certaines localités de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba (p. ex. Sant-Boniface), les régions adjacentes du Nouveau-Brunswick et dans l’Est et le Nord de l’Ontario. Malgré la concentration des Canadiens français dans trois provinces, la question de la langue s’est régionalisée à l’intérieur du Canada français au point que le Canada français lui-même n’existe plus en tant que communauté. La création de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le multiculturalisme, conjuguée à l’élection du gouvernement Trudeau en 1968, constitua un point tournant, un moment charnière dans les relations entre anglophones et francophones au Canada et au sein de la communauté canadienne-française. Pierre Trudeau luimême résuma la tâche qui l’attendait et les avantages qui résulteraient de l’exercice, en déclarant que lorsque les droits linguistiques des francophones de partout au Canada seraient enchâssés dans la Constitution, la nation canadienne-française s’étendrait d’un océan à l’autre : « Plus personne [au Québec] ne pourra dire : “Il me faut plus de pouvoirs, parce que je parle au nom de la nation canadienne-française15.” » Trudeau souhaitait garantir un bel avenir à la communauté canadienne-française, qui va au-delà des frontières du Québec. Bref, il s’agissait d’en assurer « la survivance ». Mais dès les droits linguistiques des francophones garantis, la tâche prit une nouvelle forme. Alors que les francophones hors Québec considéraient encore que le défi était, du moins en partie, « la survivance », bon nombre de Québécois francophones souhaitaient plutôt maintenant « l’épanouissement national », c’est-à-dire qu’ils désiraient le plein épanouissement de leur société et, ce faisant, voulaient avoir les coudées franches pour définir leurs institutions politiques, économiques et culturelles. En conséquence, le Canada français se trouve maintenant régionalisé. La question de la langue a fait renaître les frontières définies pour la première fois par Macdonald et Cartier en 1867, quand ils négocièrent le pacte confédératif entre deux nations. De nos jours, le clivage et les tensions politiques entre les Québécois et les Acadiens sont presque aussi prononcés qu’ils peuvent l’être entre le Canada anglais et le Québec. Il existe en effet des tensions grandissantes

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entre les communautés francophones du Canada, qui ont de plus en plus de difficulté à se trouver des intérêts communs. Par exemple, lorsque la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick a voulu accueillir le VIIIe  Sommet de la Francophonie, elle s’est vite rendu compte qu’elle ne pouvait pas compter sur l’appui de ses cousins québécois. Ceux qui auraient été ses alliés les plus naturels une quarantaine d’années auparavant souhaitaient maintenant minimiser la présence francophone à l’extérieur du Québec pour servir leurs propres objectifs. Le Canada français ne parle donc plus d’une seule voix même sur la question de la langue, et c’est en ce sens qu’il y a maintenant deux, trois ou quatre Canadas français qui poursuivent des objectifs différents16. Des sondages d’opinion publique révèlent que le Canada anglais présente aussi différentes identités régionales. Même en laissant de côté les différences marquées qui caractérisent l’économie des régions canadiennes, on observe des différences régionales en ce qui a trait aux questions morales et aux dialectes. Lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est moralement acceptable, par exemple, les Albertains ont davantage en commun avec les Québécois qu’avec les Canadiens d’autres provinces anglophones17. Kevin O’Leary, un des principaux candidats à la direction du Parti conservateur en 2017, a décidé de se retirer de la course parce que, une fois la campagne amorcée, il s’est rendu compte qu’il n’avait « pas saisi la complexité de la dynamique régionale du pays18 ». Le sondeur David Herle explique : « Les résidents des grandes villes de l’Ouest partagent la plupart des valeurs et des attitudes des résidents des grandes villes du centre du pays. » Ils ont néanmoins un point de vue très différent sur le programme d’enregistrement des armes à feu, par exemple, «  parce que leurs perceptions ont été façonnées par leur région plutôt que par leur statut de citadins »19. Les partis politiques au Canada sont aussi fortement régionalisés. Le Parti libéral a été dominé par le Québec et l’Ontario et, parfois, le Canada atlantique. Les partis réformiste, allianciste et conservateur ont leurs assises dans l’Ouest, le Parti conservateur réalisant parfois des percées en Ontario, où il y a beaucoup d’électeurs, pour remporter le pouvoir. Le npd n’a reçu qu’un appui modeste au Canada atlantique. Il est très rare qu’un parti prenne le pouvoir au Canada en bénéficiant d’un appui dans toutes les régions. Un éminent journaliste du Globe and Mail lançait un avertissement au Parti conservateur en 2017  : «  Les conservateurs ne peuvent l’emporter sans appui au Québec20.  » Il n’avait aucun avertissement semblable en

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ce qui concerne le Canada atlantique ou l’Ouest canadien. Je fais cependant remarquer que Stephen Harper a été porté au pouvoir en obtenant une forte majorité de sièges dans l’Ouest canadien et en Ontario. Quelle que soit la combinaison, le vote de l’Ontario est toujours crucial pour accéder au pouvoir à Ottawa. Comme il n’existe aucune autre institution pour faire contrepoids à cette réalité politique au sein du Parlement, il est très difficile pour le gouvernement national de parler au nom de l’ensemble du Canada, d’obtenir un appui pour ses politiques dans toutes les régions et de détenir l’autorité politique nécessaire pour agir au nom de toutes les régions. C’est ce qui a incité les provinces de l’Ouest et du Canada atlantique à affirmer que la «  politique nationale  » n’est en réalité qu’une « politique régionale » conçue à l’intention de l’Ontario et du Québec21. Comme il a été mentionné dans l’introduction, on a demandé aux Canadiens et aux Canadiennes dans un sondage d’opinion publique s’ils croyaient que leur province jouissait de l’influence qu’elle devrait avoir dans la prise de décisions nationales importantes et si elle était traitée avec respect. Il n’y a qu’en Ontario et au Québec qu’une majorité de répondants ont dit oui22. Pour certains, les régions correspondent aux 10  provinces et au Grand Nord; pour d’autres, le Canada est composé de 5 régions : le Canada atlantique, le Québec, l’Ontario, les Prairies et la ColombieBritannique; d’autres encore considèrent que Terre-Neuve-etLabrador constitue une région distincte, et la liste se poursuit23. Richard Simeon a un point de vue différent : « les régions sont simplement des contenants dont le contenu peut différer ou non. Et la façon dont nous traçons les frontières autour d’elles dépend entièrement des buts que nous poursuivons : c’est une question a priori déterminée par des raisons théoriques ou par des motifs politiques. Il peut y avoir des régions à l’intérieur des provinces, ou des régions qui comprennent des groupes de provinces, ou des régions qui transcendent les frontières provinciales24. » Trois analystes de la politique canadienne de l’Ontario et du Québec estiment que les valeurs ont une incidence beaucoup plus grande sur les clivages entre les Canadiens que la région où ils habitent, et que les désaccords politiques entre eux s’expliquent « par des valeurs divergentes et non par des lignes de fracture régionales  ». Ils s’empressent toutefois d’ajouter que les communications qui font la promotion des politiques nationales doivent être adaptées « aux sensibilités régionales en faisant notamment appel à des valeurs que les décideurs de certaines régions ont pu négliger »

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dans le passé ». Ils expliquent : « Comparativement à la moyenne nationale, l’égalitarisme est plus répandu dans la région de l’Atlantique, au Québec et en Ontario. Le rigorisme juridique est relativement plus présent dans les Prairies et au Canada atlantique, et plus répandu que la moyenne au Québec. Il est moins fréquent que la moyenne nationale en Ontario et en Colombie-Britannique. Le traditionalisme est relativement plus prononcé dans les Prairies et en Colombie-Britannique25. » Les institutions politiques et les politiciens des provinces donnent vie au régionalisme : ce sont eux les porte-parole de leur « contenant ». Les frontières provinciales déterminent où les électeurs choisissent des personnes pour les représenter et défendre leurs intérêts. Les hommes et les femmes politiques ont la possibilité d’élargir l’action politique territoriale, ou le contenant, en se rassemblant pour défendre les intérêts de régions qui s’étendent au-delà des frontières provinciales. Je pense au Conseil des premiers ministres de l’Atlantique et à la Conférence des premiers ministres de l’Ouest. Le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique ne décide pas, cependant, qui deviendra premier ministre ou première ministre de la Nouvelle-Écosse. C’est la population de la Nouvelle-Écosse qui en décide, ce qui explique pourquoi le Conseil a obtenu très peu de succès. Les principales fractures territoriales demeurent les frontières provinciales. Le Québec, l’Ontario et le Manitoba ont considérablement étendu leur territoire avec le temps. Un différend frontalier opposa le Manitoba et l’Ontario de 1881 jusqu’en 1889, quand la question fut enfin réglée en faveur de l’Ontario26. Les trois Provinces maritimes, pour leur part, se sont accrochées à leurs territoires définis ou à leurs contenants malgré les recommandations pressantes d’une étude portant sur l’union des trois provinces27. La revue The Economist a fait judicieusement remarquer  que «  [s]elon toute logique administrative, les trois provinces devraient être regroupées en une seule. Mais personne n’est assez fou pour essayer de les regrouper28. » Une fois que les contenants sont définis, il est extrêmement difficile pour ceux qui y exercent leurs activités, que ce soit dans le domaine politique ou l’appareil bureaucratique, de voir l’intérêt de former une union avec les provinces voisines même s’il serait logique de le faire du point de vue économique. Il n’est pas nécessaire que je reprenne les arguments avancés dans les chapitres précédents. Qu’il me suffise de noter que le fédéralisme exige ou devrait exiger que les institutions politiques nationales aient la capacité de concilier le pouvoir politique découlant de la « représentation

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selon la population » avec le besoin de représenter la diversité territoriale ou régionale. Les institutions nationales du Canada, on l’a vu, sont loin de satisfaire à cette exigence et les premiers ministres provinciaux continuent de chercher à combler le vide. Bien entendu, ils sont la voix du régionalisme au Canada, mais ils n’ont pas la capacité de se faire entendre ou de façonner les politiques au sein des institutions politiques nationales. Leurs voix visent largement à être entendues par les personnes qui résident dans les contenants et n’ont, en fin de compte, que peu d’influence dans les institutions nationales. Bref, en ce qui a trait à l’élaboration des politiques et des mesures nationales, les premiers ministres provinciaux ont une voix au chapitre, mais c’est à peu près tout qu’ils ont. Ils n’ont pas le pouvoir de « se retirer » étant donné le pouvoir de dépenser d’Ottawa dans des champs de compétence provinciale et sa capacité d’orienter la politique économique et le développement économique. Ils vouent leur loyauté aux frontières politiques définies qu’ils représentent. Ils s’expriment parfois d’une voix forte, particulièrement lorsqu’il s’agit de politique économique, de développement économique et de transferts fédéraux. Les acteurs de la politique nationale sont libres d’écouter ou de dédaigner ces voix. Leurs voix ont de meilleures chances d’être écoutées, en revanche, si elles proviennent des provinces densément peuplées.

fai re d e s o n m ie u x p o u r q ue cela foncti onne L’encyclopédie canadienne rapporte que l’existence de tensions régionales « n’est guère étonnant[e] si l’on considère que le statut d’État national a été imposé, il y a [plus de] 150 ans, à ce territoire vaste et aux différents peuples qui y sont éparpillés29 ». Il est devenu extrêmement difficile pour la société canadienne, qui fait de son mieux pour qu’un Parlement et un appareil gouvernemental conçus pour un État unitaire fonctionnent dans une fédération tout en devant composer avec une Constitution rigide, de gérer la diversité régionale. Une telle situation contraste avec celle qui prévaut dans d’autres pays. Dans le premier numéro des Federalist Papers, Alexander Hamilton, par exemple, faisait une mise en garde : « Parmi les plus formidables obstacles que la nouvelle Constitution doit rencontrer, on peut compter l’intérêt d’une certaine classe d’habitants, dans chaque État, à s’opposer à tout changement qui pourrait entraîner une diminution du pouvoir, du bénéfice et des avantages attachés aux fonctions qu’ils tiennent des institutions actuelles30. » La même mise en garde vaut

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aussi pour le Canada, sauf qu’il faut remplacer « classe d’habitants » par « régions ». Dans son livre The Crisis of the Middle-Class Constitution, chaudement salué par la critique, Ganesh Sitaraman affirme que les États-Unis sont confrontés à la « crise de la Constitution de la classe moyenne » et que « le système est truqué pour servir les intérêts des riches et des grandes sociétés »31. Examinant les institutions politiques, il conclut que les élites économiques « manipulent et déforment les structures du gouvernement » pour servir leurs intérêts économiques32. La Canada fait face à une crise similaire, sauf qu’elle est de nature régionale. Le langage politique du fédéralisme canadien a encouragé les gouvernements provinciaux à parler de particularisme régional et à demeurer des demandeurs de fonds33. Ottawa a tenté de gérer les tensions régionales en injectant des fonds pour régler le problème grâce à son pouvoir de dépenser. Plus récemment, il a cherché à recentrer ses efforts sur les droits individuels des Canadiens en soulignant l’importance de la Charte des droits et libertés et en fournissant des ressources à des groupes pour qu’ils intentent des poursuites contre le gouvernement en vertu de la Charte. Bien qu’une partie des institutions politiques nationales du Canada aient été conçues à l’origine pour répondre à des préoccupations de classe (p. ex. le Sénat) étant donné leur influence britannique, les tensions dans le fédéralisme canadien n’ont jamais été liées à une lutte des classes. Elles ont toujours été à propos des régions et de la langue34. Il n’est pas exagéré d’affirmer que toutes les crises qui ont fait surface dans le fédéralisme canadien depuis 1867 ont été motivées par des considérations régionales, et Ottawa a compté sur les ententes fédérales-provinciales pour y apporter des solutions. Il en résulte que, mis à part la collecte des déchets, le service postal et peut-être la défense nationale, les gouvernements au Canada n’agissent pas seuls35. Le Canada est doté de trois ensembles d’institutions politiques et bureaucratiques dont la responsabilité relève des deux ordres supérieurs de gouvernement : des institutions associées au gouvernement fédéral, des institutions associées aux gouvernements provinciaux et des institutions associées aux relations fédérales-provinciales. Les régions où habite le plus grand nombre d’électeurs contrôlent les leviers des institutions associées au gouvernement fédéral. Tous les gouvernements provinciaux contrôlent les leviers qui se rapportent à l’Assemblée législative, au Cabinet et à la fonction publique de la province, mais leurs décisions sont souvent liées aux ententes

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fédérales-provinciales. Les gouvernements provinciaux, comme on l’a vu, critiquent le gouvernement fédéral lorsque ses décisions et ses politiques ont un effet néfaste sur leur province ou sont perçues comme telles. La voix des premiers ministres de l’Ontario et du Québec a cependant beaucoup plus de poids dans les milieux politiques et bureaucratiques à Ottawa que celle de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de la ColombieBritannique, de l’Alberta, du Manitoba, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve-et-Labrador réunis. De temps en temps, un premier ministre grandiloquent d’une province peu peuplée, tel le premier ministre Danny Williams, de Terre-Neuve-et-Labrador, retiendra beaucoup l’attention des médias nationaux. Il n’est pas du tout certain qu’une telle notoriété se traduise par des actions concrètes en faveur de la province. Les votes qui permettent d’être porté au pouvoir à Ottawa sont concentrés en Ontario et au Québec, la haute bureaucratie chevauche la frontière entre ces deux provinces, et les médias nationaux s’expriment à partir de ces deux provinces.

l e p ro b l è m e , c ’ es t ottawa Les trois ensembles d’institutions politiques du Canada fournissent aux régions des arguments tout faits pour expliquer leurs déboires économiques ou leur traitement injuste de la part d’Ottawa. Les premiers ministres provinciaux hésitent rarement à accuser Ottawa d’être responsable du manque de fonds dans pratiquement tous les secteurs, des soins de santé au développement économique en passant par l’éducation. Les 10 premiers ministres provinciaux peuvent tous montrer Ottawa du doigt comme étant le coupable, alors que le gouvernement fédéral intervient dans un secteur puis s’en retire ou ajuste son financement selon les provinces quand cela sert ses intentions politiques ou pour surmonter ses propres difficultés financières. En ce sens, toutes les provinces devraient être sur un pied d’égalité, mais elles ne le sont pas. Certaines provinces reçoivent davantage de transferts fédéraux que d’autres, notamment les provinces moins nanties. Le programme de péréquation est conçu par définition pour acheminer des fonds aux régions défavorisées36. Mais Ottawa a ajusté d’autres paiements de transfert pour réduire les montants acheminés aux provinces moins nanties. Nous avons vu plus tôt, par exemple, que le gouvernement Harper a ajusté les paiements de transfert au titre de la santé, des services sociaux et de l’éducation selon un montant égal par habitant, réduisant ainsi leur fonction de

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redistribution de la richesse. Ce changement a fait des gagnantes : les provinces les plus riches. La décision d’établir le Transfert canadien en matière de santé (tcs) selon un montant égal par habitant est entrée en vigueur en 2014-2015. Le Bureau du directeur parlementaire du budget rapporte que, en conséquence, l’Alberta et les Territoires du Nord-Ouest ont connu une augmentation considérable des paiements qui leur ont été versés au titre du tcs (de 37,8 % et 45,2 % respectivement), tandis que la plupart des autres provinces et territoires ont connu une hausse inférieure à 4 %37. Avant 2014-2015, les transferts fédéraux au titre de la santé combinaient les montants en espèces et les points d’impôt, de sorte que les provinces bénéficiaires de la péréquation recevaient des transferts supérieurs à ceux qu’elles reçoivent maintenant38. L’ancien premier ministre Harper a répondu aux pressions des provinces les plus populeuses, dont celles de l’Alberta, sa propre province à croissance rapide, en faveur de l’adoption d’un calcul des paiements de transfert en fonction du nombre d’habitants. L’Ontario a salué le changement, mais il s’est empressé d’ajouter qu’il fallait faire davantage pour que la province reçoive une plus grande part de l’argent qu’elle envoie à Ottawa39. Harper a défendu les intérêts de sa région un peu comme Mackenzie King, Louis St-Laurent, John Diefenbaker, les Trudeau, Mulroney et Chrétien ont défendu les intérêts de leur région, tout en gardant toujours l’Ontario dans l’équation en raison de son influence politique. L’examen des transferts fédéraux et des montants que le gouvernement dépense dans chaque province ne révèle qu’un aspect de la question, et pas le plus important. Les dépenses du gouvernement peuvent prendre différentes formes. Certaines dépenses sont susceptibles de créer une dépendance économique, tandis que d’autres peuvent avoir un effet structurel positif sur l’économie d’une région. Un dollar que le gouvernement fédéral dépense dans le cadre du programme d’assurance-emploi, par exemple, n’a pas le même effet qu’un dollar qu’il consacre à un contrat de consultation en vue de créer des emplois dans le secteur de l’automobile ou d’aider à lancer une nouvelle entreprise des TI, comme BlackBerry. De même, un dollar du gouvernement fédéral versé en salaire à un fonctionnaire fédéral aura une incidence différente de celle d’un dollar dépensé en prestation de sécurité de la vieillesse. Les provinces les plus pauvres et les plus vieillissantes dépendent beaucoup plus des paiements de transfert aux particuliers et aux gouvernements provinciaux que les provinces les plus riches, une situation qui est bien documentée40.

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Une simple comptabilisation de l’effet de redistribution des activités du gouvernement fédéral en matière d’imposition et de dépenses révèle invariablement que les montants versés par des provinces comme l’Ontario et l’Alberta dans les coffres de l’État fédéral sont supérieurs à ceux qu’elles reçoivent en dépenses fédérales41. Aucun examen des dépenses fédérales qui ont un effet structurel n’a été documenté, mais un tel examen révélerait probablement une histoire différente. J’ai rapporté dans un autre ouvrage que le ministère de l’Expansion économique régionale (meer) décida, au début des années 1980, d’entreprendre une étude approfondie en vue de ventiler le budget de dépenses du gouvernement fédéral selon l’endroit (c.-à-d. par région), le type de dépenses (c.-à-d. les mesures de développement économique ou les paiements de transfert), les coûts d’exploitation, et ainsi de suite42. Le rapport d’étude répartissait également les dépenses gouvernementales en diverses catégories, selon les postes de dépenses : les traitements et salaires, les fonds consacrés au développement économique, les dépenses dans les programmes sociaux, les investissements dans les infrastructures, les achats de produits, les dépenses liées aux services de consultation et autres services, et la liste se poursuit encore une fois. Avant que l’étude n’ait pu être lancée en bonne et due forme, le Bureau du Conseil privé (bcp), qui fait rapport directement au premier ministre, fit savoir au ministère qu’il «  devait  » mettre fin au projet : les fonctionnaires du bcp craignaient que l’étude n’ait une incidence négative sur l’unité nationale et qu’elle n’alimente les tensions régionales. Le ministère fit ce qu’on lui demandait et abandonna le projet43. Le meer fut démantelé en 1982 sur l’avis des fonctionnaires du bcp 44. Si elle avait été menée à terme, l’étude aurait fourni un examen en profondeur des dépenses du gouvernement fédéral par région. Dans l’état actuel des choses, le gouvernement a tendance a simplement additionner les dépenses totales dans quatre ou cinq régions sans faire de distinction entre les investissements dans la recherche et développement et les paiements de transfert versés dans le cadre du régime d’assurance-emploi d’Ottawa. J’estime qu’une Chambre haute efficace chargée d’assurer que la politique nationale tient compte du point de vue des régions aurait probablement reconnu la pertinence de réaliser une étude en profondeur des dépenses du gouvernement fédéral pour savoir où les fonds sont investis et à quelles fins. Elle aurait peut-être aussi contesté des directives adressées par le premier ministre ou le Conseil privé à un ministère responsable, comme celles susmentionnées. La Commission Rowell-Sirois avait ceci à dire : « Tout système

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de comptabilité équitable devrait tenir compte des profits et pertes découlant de toutes les initiatives fédérales, non seulement pour une période déterminée, mais bien pour toute la période écoulée depuis la Confédération45. » Les provinces de l’Atlantique et de l’Ouest soutiennent depuis longtemps que la Politique nationale du pays adoptée en 1878, qui resta en vigueur jusque dans les années 1940 et 1950, a fortement avantagé l’Ontario et le Québec à leurs dépens et a eu des répercussions à long terme qui se font encore sentir de nos jours46. On n’a jamais mis en place un système de comptabilité équitable comme le préconisait la Commission Rowell-Sirois.

q u ’ e n t e n d - o n pa r « nati onal »? Il est beaucoup plus facile pour la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Australie de parler de l’intérêt « national » que ce ne l’est pour le Canada. L’ancien premier ministre Paul Martin, parmi de nombreux autres politiciens, a évoqué le problème. Martin a déploré le fait que « lorsqu’une question régionale est soulevée dans le centre du pays, elle devient rapidement une question nationale », mais que ce n’est pas le cas dans les autres régions. Il a ajouté : « Nous ne pouvons pas permettre que les questions nationales en Colombie-Britannique soient reléguées au rang de questions régionales47.  » Il a ensuite expliqué : « Ce dont je parle, c’est de la nécessité absolue de réduire la distance entre la capitale nationale et les régions du pays, une distance qui ne se mesure pas en kilomètres, mais une distance qui se mesure souvent dans l’attitude48. » Pour sa part, Stephen Harper a souligné la nécessité que les régions à l’extérieur du Québec et de l’Ontario aient davantage leur mot à dire49. Peu de choses ont changé, en fait, sous ces deux premiers ministres si ce n’est que, pendant qu’il était au pouvoir, Harper a modifié certains programmes de façon à favoriser l’Ouest canadien. Il s’agissait de changements technocratiques et non structurels. Le député fédéral libéral David McGuinty a touché au cœur du problème lorsqu’il a affirmé que les politiciens de l’Alberta à Ottawa ont une optique trop « provinciale » en concentrant leur attention sur le secteur de l’énergie. Il a dit : « Ils sont des législateurs nationaux qui ont une responsabilité nationale, mais ils agissent comme des provinciaux à l’esprit obtus, très obtus, qui défendent jalousement un secteur industriel, celui des combustibles fossiles et, en particulier, l’industrie des sables bitumineux, pour lequel ils vont se battre jusqu’au bout50. »

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Le secteur industriel en question, celui des combustibles fossiles, est très important pour la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et TerreNeuve-et-Labrador (6 des 10 provinces). Mais qu’importe, aux yeux de McGuinty, il s’agit d’un secteur régional, et les politiciens qui privilégient ce secteur font preuve d’esprit de clocher et sont incapables de voir les choses dans une perspective nationale. Par contre, McGuinty, d’autres députés fédéraux de l’Ontario et les médias nationaux considèrent le secteur de l’automobile comme un «  secteur national  ». Pourtant, l’industrie de l’automobile est un secteur bien plus régional que les combustibles fossiles pour 9 des 10 provinces canadiennes, et le secteur des combustibles fossiles constitue un élément crucial de la croissance économique dans la moitié d’entre elles. Le Pacte de l’automobile n’est pas un produit du marché ou de la main invisible d’Adam Smith. La conclusion de cet accord entre le Canada et les États-Unis était le fruit des efforts du gouvernement fédéral. Le secteur de l’automobile en Ontario est lié à cet événement historique né de l’initiative du gouvernement canadien. Le Pacte de l’automobile permit aux entreprises d’importer des pièces pour automobiles et des véhicules automobiles au Canada sans aucun tarif douanier, à condition qu’elles créent des emplois et génèrent des investissements au pays. Le premier ministre Lester B. Pearson et le président Lyndon B. Johnson ratifièrent le Pacte de l’automobile en janvier 1965, après des mois de négociations entre Ottawa et Washington. L’accord fut bénéfique pour les grands constructeurs automobiles américains et le Sud de l’Ontario. En échange de l’accès sans tarifs douaniers au marché canadien, les trois grands constructeurs automobiles américains acceptèrent de ne pas réduire leur production canadienne sous le seuil de 1964 et de conserver un ratio de trois véhicules produits au Canada pour cinq véhicules qu’ils y vendaient. Le Pacte de l’automobile eut un effet immédiat : en 1964, seulement 7 % des voitures fabriquées au Canada étaient vendues aux ÉtatsUnis; en 1968, cette proportion avait bondi à 60 %51. En 1999, le Canada se classait au quatrième rang mondial des pays constructeurs d’automobiles. Le secteur de l’automobile constituait alors la plus importante composante des échanges canado-américains, et la valeur des exportations totales du secteur est passée de 715 millions de dollars seulement en 1964 à environ 92,7 milliards de dollars en 2000, mais elle a ensuite diminué pour s’établir à 65,3 milliards en 201252. Parmi les 146 495 emplois que l’on comptait au pays dans le secteur

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de la fabrication de pièces et de véhicules en 2001, 130 000 étaient situés en Ontario, soit environ 90 % de tous les emplois dans l’industrie au Canada53. L’industrie de l’automobile, durement frappée par la récession de 2008, a perdu environ 43 500 emplois entre 2007 et 2009. Depuis, il y a eu une modeste croissance de l’emploi dans le secteur, qui demeure largement concentré en Ontario, où il occupe encore plus de 90 000 personnes54. De plus, l’industrie de l’automobile a réussi à obtenir du financement fédéral ces dernières années pour moderniser ses installations55. Lorsque le secteur s’est retrouvé en sérieuse difficulté financière en 2008-2009, le gouvernement fédéral s’est précipité au secours de GM et de Chrysler pour leur éviter la faillite, en leur accordant une aide financière totalisant 9,1  milliards de dollars. Je note toutefois que d’autres pays, dont les États-Unis, ont aussi renfloué leur secteur de l’automobile au même moment. Le ministre de l’Industrie a soutenu plus tard que le geste avait sauvé plus de 50 000 emplois. Cependant, le vérificateur général a rapporté par la suite que, lorsqu’il était venu en aide à l’industrie, le gouvernement disposait « d’analyses limitées sur la façon dont les mesures de restructuration devaient améliorer la situation financière des filiales canadiennes, sur les concessions faites par les parties prenantes et sur la façon dont les sociétés comptaient rembourser les prêts56 ». Ottawa a vendu toutes ses actions de GM en avril 2015, subissant une perte de 3,5 milliards de dollars57. L’Agence de promotion économique du Canada atlantique met 10 ans pour dépenser un tel montant, dont une bonne partie est distribuée sous forme de prêts remboursables. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un certain montant dépensé dans le secteur de l’automobile en Ontario aura des retombées plus importantes sur la restructuration de l’économie locale que le même montant dépensé en paiements de transfert, et que le secteur de l’automobile est un secteur « national » selon le point de vue d’Ottawa et de l’Ontario, tandis qu’il s’agit d’un dossier régional pour les neuf autres provinces. Le gouvernement fédéral a été la bouée de sauvetage du constructeur naval Davie Canada, du Québec, depuis une quarantaine d’années. Lors d’un appel d’offres concurrentiel au début des années 1980, la soumission du chantier Davie pour la construction de frégates destinées à la Marine canadienne fut rejetée au profit de celle du chantier naval Irving de Saint John. Le caucus du Québec, dirigé par Marc Lalonde, le ministre responsable de la région du Québec au sein du Cabinet fédéral, faisant pression sur le gouvernement fédéral, le convainquit d’attribuer une partie du contrat au chantier

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naval de la Davie, situé à l’extérieur de Québec. En 2011, la Davie a perdu à nouveau un contrat de 25  milliards de dollars pour la construction de navires de la Marine. Le chantier Davie a obtenu plus tard un contrat à fournisseur unique pour la fourniture d’un navire d’approvisionnement à la Marine quelques semaines seulement avant les élections générales de 2015. Peu après l’élection du gouvernement Trudeau, le Cabinet a demandé à revoir ce contrat. Un cadre supérieur de la Davie a écrit à des dirigeants d’entreprise et à des lobbyistes à Ottawa en menaçant d’acheter une page complète dans le Globe and Mail pour publier une lettre demandant à Scott Brison, ministre originaire de la Nouvelle-Écosse au Cabinet, de «  mettre de côté son parti pris régional lorsqu’il est question de sécurité nationale58  ». Apparemment, les partis pris régionaux ne sont pas tolérés à l’extérieur de l’Ontario et du Québec. Il reste que les chantiers navals de Saint John (au Nouveau-Brunswick), de Vancouver et d’Halifax ont décroché des contrats de construction de navires dans le cadre d’un processus ouvert d’appel d’offres concurrentiel. On ne peut pas en dire autant du chantier naval québécois. En octobre 2017, la société TransCanada a décidé d’abandonner son projet de construction de l’oléoduc Énergie Est. Elle a invoqué un changement des conditions pour justifier sa décision, mais de nombreux observateurs se sont tournés vers Ottawa et le monde politique pour obtenir une explication. Jeffrey Jones a expliqué que «  le processus d’examen de l’Office national de l’énergie a été un fiasco, car il a fallu reprendre les audiences avec un nouveau groupe d’experts après qu’on apprit que des membres du premier groupe avaient été mal informés lors de rencontres qu’ils avaient eues avec les lobbyistes de TransCanada59 ». On a plus tard introduit de nouvelles conditions pour guider le processus d’examen, y compris en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre en amont et en aval. Il allait donc falloir évaluer les émissions produites par l’extraction du pétrole avant son entrée dans le pipeline, et celles produites par le raffinage du pétrole et sa combustion après sa sortie. C’est ce qui a torpillé le projet. Le projet d’oléoduc Énergie Est posait des problèmes politiques au gouvernement Trudeau parce qu’il posait des problèmes au Québec. Il ne cadrait pas avec l’intérêt économique de la province. Ses principaux bénéficiaires étaient l’Alberta et le Nouveau-Brunswick. Le premier ministre Brad Wall, de la Saskatchewan, a exhorté le maire de Montréal, Denis Coderre, à donner son appui au projet Énergie Est, faisant valoir qu’il était dans l’intérêt de l’économie nationale.

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Coderre a rejeté la position de Wall du revers de la main – comme on l’a vu – en déclarant sans ambages que Montréal a une population de 4 millions d’habitants, alors que la Saskatchewan en a 1,1 million60. Dans une fédération pourvue d’une Chambre haute efficace, aucun maire ou politicien élu d’une grande ville ou d’un État n’avancerait cet argument en espérant justifier sa position. Coderre faisait valoir en outre que les premiers ministres des provinces les plus petites ne jouissent pas d’une grande considération à Ottawa. La décision de ne pas aller de l’avant avec le projet d’oléoduc Énergie Est a soulevé une vive réaction de la part des politiciens de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick. Le premier ministre Trudeau n’a pas tardé à exprimer des préoccupations pour l’unité nationale et a accusé les promoteurs d’Énergie Est d’attiser les divisions régionales61. Trudeau n’a rien dit au maire de Montréal, Denis Coderre, au sujet de sa réponse au premier ministre Brad Wall, qui demandait d’appuyer la construction de l’oléoduc. Trudeau et ses proches conseillers politiques savent compter  : il y a 78 sièges en jeu au Québec, tandis qu’ensemble l’Alberta et le Nouveau-Brunswick n’en comptent que 48. Trois grandes maisons de sondage du Québec ont prévenu le gouvernement Trudeau qu’en donnant son aval au projet Énergie Est il risquait de créer une « tempête parfaite » dans la province. Ils soutenaient non seulement que le Parti libéral aurait du mal à remporter les élections provinciales de 2018, mais aussi qu’une telle décision pourrait « entraîner un regain du mouvement souverainiste au Québec62 ». Nombreux sont ceux dans les provinces de l’Ouest qui reprochent au gouvernement de Justin Trudeau de ne pas accorder au dossier des pipelines l’attention qu’il mérite. Gary Mason écrit : « dans l’Ouest, l’oléoduc est la question la plus importante, un sujet qui fait l’objet de plaintes depuis des générations. Si la partie lésée était le Québec au lieu de l’Alberta, il y a longtemps que l’affaire aurait été réglée (surtout à la satisfaction du Québec). Du moins, c’est le sentiment que cet affrontement a semé à l’ouest de l’Ontario63. » On a l’impression que le Québec, invoquant l’unité nationale, a tenu l’épée de Damoclès au-dessus du reste du Canada. Mathieu Bouchard, conseiller principal en politiques de Justin Trudeau, explique  : «  Si les Québécois ne se sentent pas représentés par le gouvernement pendant un certain temps, cela devient une question d’unité nationale, contrairement à ce qui se passe dans les autres provinces. Nous devons toujours en être conscients64. » Selon Bouchard, celle logique ne s’applique qu’au Québec.

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de u x p o id s , d e u x m e s u r es , s elon la régi on Dans les années 1980, la société allemande Thyssen Industrie AG approcha le gouvernement fédéral en vue d’établir une usine de fabrication à Bear Head, au Cap-Breton. Thyssen voulait aménager une usine de fabrication de produits industriels lourds dans l’Est de la NouvelleÉcosse pour y construire des véhicules militaires et y fabriquer une gamme de produits destinés à la protection de l’environnement. Ce que Thyssen demandait au gouvernement, c’était que le ministère de la Défense nationale (mdn) lui accorde, à titre de fournisseur unique, une commande initiale pour la conception et la construction de 250 des 1 600 véhicules blindés légers (vbl) requis par le ministère. L’Agence de promotion économique du Canada atlantique (apeca) donna son appui vigoureux à la proposition65. Le projet ne se rendit pas plus loin que l’accord de principe entre l’apeca et l’entreprise. La proposition se heurta bientôt à la ferme opposition des ministres de l’Ontario au sein du Cabinet fédéral, de hauts fonctionnaires à Ottawa et des industries de défense situées en Ontario. Le Toronto Star rapporta que la proposition avait « provoqué une division dans le Cabinet Mulroney entre les ministres du Canada atlantique – où se trouve Bear Head, l’endroit proposé pour la construction de l’usine – et ceux du centre manufacturier de l’Ontario66 ». Chaque fois que cela se produit, la région de l’Atlantique n’est pas de taille face au poids politique de l’Ontario à la Chambre des communes ou au Cabinet. Quant au Sénat, il fut laissé de côté et n’avait rien à dire sur la question ou à apporter au débat. Les hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé (bcp), du ministère de l’Industrie et du ministère des Affaires étrangères firent front commun pour s’opposer au projet. Les fonctionnaires du ministère de l’Industrie craignaient que le projet ne « nuise au fabricant canadien General Motors, situé dans le Sud de l’Ontario ». Ceux du bcp et des Affaires étrangères alléguèrent que le projet risquait de « compromettre la politique étrangère du Canada si Thyssen vendait des véhicules militaires à des régions instables comme le MoyenOrient  ». Robert Fowler, qui était alors un haut fonctionnaire du bcp, déclara : « En fin de compte, il s’agit d’un choix moral, d’une question de principe, d’une décision de ne pas monter un étalage dans le bazar des armes du Moyen-Orient67. » Le projet ne se rendit jamais plus loin que l’étape des pourparlers à Ottawa. Faisons maintenant un bond en avant jusqu’en 2015. Pour quelque raison, les choix moraux et les questions de principe ont

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été balancés par la fenêtre. Le gouvernement du Canada a donné son aval à un contrat de vente à l’Arabie saoudite de « véhicules blindés légers fabriqués au Canada  », d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Le contrat de vente a été approuvé par la Corporation commerciale canadienne, un organisme du gouvernement fédéral, en appui à l’entreprise General Dynamics Land Systems Canada, de London, en Ontario. Le gouvernement a refusé de rendre publiques les exigences contenues dans le contrat, expliquant qu’il devait protéger le secret commercial de l’entreprise68. Le gouvernement fédéral a aussi refusé de « divulguer comment il justifiait cette vente importante à l’Arabie saoudite dans le cadre du rigoureux régime canadien de contrôle des exportations », étant donné que « les règles obligent Ottawa à examiner si les expéditions d’armes mettraient encore davantage en danger les populations civiles de pays qui respectent peu les droits de la personne »69. Les courriels du ministère des Affaires étrangères ont révélé que celui-ci n’avait émis aucun signal d’alarme au sujet de l’accord proposé et que « General Dynamics [n’avait] rien à craindre concernant l’approbation officielle de ses permis d’exportation ». Pour sa part, le Globe and Mail a écrit : « La vente par General Dynamics de véhicules blindés légers au gouvernement saoudien aidera à maintenir plus de 3 000 emplois au Canada, dont de nombreux à London, en Ontario, où se trouve l’usine. Il y a 10 circonscriptions électorales dans la région de London, dont plusieurs sont détenues par des conservateurs, qui sont déterminés à conserver ce bastion lors des élections d’octobre70. » Le gouvernement nouvellement élu de Justin Trudeau avait la possibilité d’annuler le contrat peu après son arrivée au pouvoir. Son ministère des Affaires mondiales a la responsabilité de vérifier les demandes d’exportation de matériel militaire vers des pays « où les droits de leurs citoyens font l’objet de violations graves et répétées de la part du gouvernement71  ». Stéphane Dion, le ministre responsable, a déclaré que le gouvernement n’avait pas l’intention de remettre en question le contrat72. Des dirigeants politiques et des chefs d’entreprise de London se sont portés à la défense du contrat conclu avec l’Arabie saoudite en affirmant avec insistance qu’il est « une composante essentielle des efforts visant à faire de la région une plaque tournante de la fabrication de matériel de défense73  ». Aucun ministre fédéral ni aucun haut fonctionnaire fédéral n’a parlé de «  choix moral  » ou de «  monter un étalage dans le bazar des armes du Moyen-Orient ».

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La controverse entourant le contrat de vente d’armes à l’Arabie saoudite négocié par le précédent gouvernement Harper a continué de talonner le gouvernement Trudeau pendant des mois. Les Nations Unies ont dévoilé un rapport documentant les violations des droits de la personne en Arabie saoudite74. Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a qualifié de « terrible » le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits de la personne75. Qu’importe, le gouvernement a annoncé que le contrat « sera exclu du Traité international sur le commerce des armes  », une pratique courante pour les pays signataires du traité, et a appuyé sans réserve le contrat avec l’Arabie saoudite et la vente d’armes76. Le Globe and Mail a expliqué pourquoi : « Le contrat de 15 milliards de dollars permettra de maintenir en emploi 3 000 Canadiens pendant 14 ans, dont beaucoup dans le Sud-Ouest de l’Ontario77. » Le journal a ajouté plus tard, dans un éditorial, que l’annulation du contrat « serait un geste futile parce qu’un autre pays fournirait simplement les véhicules de combat78 ». Un ancien haut fonctionnaire de l’apeca explique : « Le manque d’appui envers l’usine de Bear Head est entièrement attribuable à l’application de stéréotypes à la région et à la mentalité d’Ottawa. Quand le système d’Ottawa pense au Canada atlantique, il pense à la pêche, au tourisme et à la dépendance de la région envers les paiements de transfert. Les initiatives plus attrayantes dans le secteur des TI et celui de la fabrication appartiennent au Canada central. Nous voyons bien le parti pris, mais eux ne le voient pas79. » Ce qu’il dit, c’est que les régions à l’extérieur de l’Ontario et du Québec doivent faire face non seulement aux forces du marché, comme toutes les régions, mais aussi à de puissantes forces politiques et bureaucratiques qui favorisent les régions densément peuplées du pays. Les provinces de l’Atlantique et de l’Ouest doivent lutter contre la force de gravité pour promouvoir leurs intérêts économiques. Ces faits témoignent de la politique de deux poids, deux mesures et illustrent encore une fois l’incapacité de nos institutions politiques nationales de tenir compte de la situation particulière des régions. Si quelqu’un a besoin d’un exemple de situation où les premiers ministres provinciaux ne sont jamais en mesure de jouer le rôle que le Sénat devrait jouer, il n’a pas à chercher plus loin que le cas susmentionné ou que la décision d’Ottawa d’accorder le contrat d’entretien des CF-18 à une entreprise de Montréal même si la soumission de la Bristol Aerospace, une entreprise de Winnipeg, avait remporté l’appel d’offres. Le directeur de Bristol déclara au premier ministre du Manitoba, Howard Pawley  : «  Si c’est de cette façon

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que le gouvernement du Canada veut faire des affaires, nous allons éviter les petites provinces; elles n’ont pas assez d’influence politique auprès d’Ottawa. Il vaut mieux que nous choisissions des provinces comme le Québec et l’Ontario : elles peuvent tirer les ficelles politiques80. » Les Canadiens de l’Ouest et de l’Atlantique comprennent la question et connaissent l’histoire, mais il semble que ce soit beaucoup moins le cas des Canadiens du centre du pays. Il suffit de regarder les négociations qui ont mené aux accords commerciaux pour comprendre que le Canada englobe des économies régionales différentes. Les premiers ministres de l’Ouest, du Centre et du Canada atlantique ont produit des lettres divergentes pour presser les négociateurs fédéraux engagés dans la négociation d’un accord de partenariat transpacifique de promouvoir les intérêts de leur région81. Les négociateurs canadiens ont aussi dû composer avec de vives tensions régionales entre les Canadiens de l’Ouest, du centre du pays et des Maritimes en tentant de négocier une entente commerciale sur le bois d’œuvre avec les États-Unis en 2016-201782. L’histoire économique du Canada est truffée de décisions du gouvernement fédéral qui ont favorisé l’Ontario et le Québec. L’un des deux investissements majeurs dans les infrastructures dans les années qui suivirent la Confédération fut réalisé dans l’aménagement et la reconstruction de canaux. L’entente conclue à cet effet prévoyait l’exécution de travaux sur des canaux dans le CanadaOuest, le Canada-Est et les Maritimes. Une commission royale sur la construction de canaux créée en 1870 dressa la liste des canaux à construire en distinguant les travaux de première, deuxième, troisième et quatrième classes. Tous les canaux de première classe en Ontario et au Québec furent construits. Parmi les canaux qui furent construits ou reconstruits dans les deux Canadas, mentionnons le troisième canal Welland, le canal de Carillon et le réseau de canalisation de la rivière des Outaouais, qui subit des travaux d’amélioration coûteux. Le canal de Chignectou, seul canal de première classe prévu dans les Maritimes, ne fut jamais construit83. La Politique nationale du Canada (adoptée en 1878) favorisait l’Ontario et le Québec aux dépens des provinces de l’Ouest et de l’Atlantique, tandis que le Programme énergétique national (début des années 1980) favorisait l’Ontario et le Québec aux dépens de l’Ouest canadien. L’effort de guerre du Canada lors de la Seconde Guerre mondiale apporta la prospérité économique en Ontario et au Québec, tandis qu’il eut de modestes retombées dans les autres régions. Même les navires de la Marine furent construits dans le

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Centre du Canada, contre l’avis du personnel militaire britannique et américain84. La construction de la Voie maritime du Saint-Laurent, financée par l’État, eut des effets négatifs sur le port d’Halifax. La décision d’accorder le contrat d’entretien des F-18 à une firme de Montréal bien qu’une entreprise de Winnipeg ait soumis l’offre la plus basse, la décision d’accorder des contrats à fournisseur unique au chantier naval Davie de Québec alors que les chantiers navals des Maritimes et de la Colombie-Britannique ont toujours décroché leurs contrats dans le cadre d’un appel d’offres concurrentiel, la décision d’appuyer des contrats de construction de véhicules blindés légers à London après avoir refusé la proposition de Thyssen Industrie de construire des véhicules similaires en Nouvelle-Écosse ... la liste de décisions défavorables aux régions de l’Ouest et de l’Atlantique se poursuit. J’ai fait valoir ces arguments au fil des années à des hauts fonctionnaires à Ottawa et à de grands journalistes et chroniqueurs « nationaux ». Leurs réponses : « c’est comme ça », « ce qui est fait est fait », « ça ne sert à rien de ressasser le passé » et – ce qui démontre une incompréhension du fédéralisme – « la plupart des Canadiens vivent en Ontario et au Québec ». La politique de deux poids, deux mesures s’étend même à la construction de ponts. Quand l’Île-du-Prince-Édouard se joignit à la Confédération en 1873, le gouvernement du Canada accepta la responsabilité de maintenir en tout temps une voie de communication pour le transport de la poste et des passagers entre l’Île et le continent et d’en assumer les coûts. Avant la construction du pont de la Confédération, Ottawa a insisté pour que l’Île-du-Prince-Édouard donne son accord à une modification constitutionnelle permettant l’installation d’un péage afin d’aider à financer la construction du lien fixe, au coût de 1,3 milliard de dollars. Par contre, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas imposer un péage pour aider à financer la construction d’un nouveau pont Champlain à Montréal, au coût de cinq milliards de dollars. Justin Trudeau a expliqué : « Le pont Champlain est un pont de remplacement. Il y a actuellement un pont sur lequel il n’y a pas de péage85. » Trudeau a omis de mentionner qu’il y avait un péage sur le pont Champlain jusqu’en 1990.

r e vo ir

t h e s t o ry o f u s

La cbc a senti le besoin de présenter des excuses peu après la diffusion de The Story of Us, la série de 10 épisodes produite pour marquer le 150e anniversaire du Canada. Konrad Yakabuski explique

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ainsi pourquoi : « L’histoire du Canada, c’est qu’il y a non pas un seul “nous”, mais de nombreux “nous” dans ce pays. La plupart des Canadiens à l’extérieur d’Ottawa et de Toronto ne voient rien de mal à cela. C’est comme ça86. » Les identités régionales sont très fortes et les réalités économiques régionales varient beaucoup, si bien que «  le régionalisme est un élément incontournable de la société, de l’économie et de la politique canadiennes87 ». Dans les derniers jours de 2017, les journalistes ont commencé à demander pourquoi le 150e anniversaire du Canada avait été un échec. Charlotte Gray fournit une réponse  : «  Canada  150 commémorait un événement – l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qui créa la Confédération en 1867 – qui, pour un grand nombre de Canadiens, était sans intérêt ou qui, ce qui est plus sérieux, fut dommageable. La volonté de tenir un carnaval d’un océan à l’autre était vouée à l’échec dès le départ88. » Le régionalisme existe dans tout ce qui est canadien sauf dans les institutions politiques nationales. Preston Manning a mis le doigt sur le problème quand il a demandé « comment les intérêts de l’Ouest seront-ils efficacement représentés dans un Parlement à une chambre dans laquelle le Québec et l’Ontario ont une majorité absolue de sièges89? » À l’époque de la Confédération, Macdonald, Brown, Galt et Cartier ne virent que la nécessité de contrebalancer la domination de l’Ontario découlant de la représentation selon la population, en offrant l’égalité entre l’Ontario et le Québec au sein du Sénat. Cela démontre, encore une fois, que la Confédération était un traité entre deux nations ou entre l’Ontario et le Québec. J.M.S. Careless, l’un des principaux historiens canadiens, a écrit de façon prophétique il y a 50 ans que « l’expérience du régionalisme demeure un trait dominant et distinctif de l’histoire canadienne qui, avec le temps, a eu tendance moins à s’effacer qu’à s’accentuer90 ». Plus récemment, le sondeur bien connu David Herle a affirmé que « l’identité régionale demeure l’un des principaux prismes à travers lesquels les gens voient la politique gouvernementale et les comportements politiques ». Il ajoute qu’« il importe de comprendre que les gens de différentes régions voient les mêmes choses différemment ». Ce qui est plus révélateur, il explique : « Lors des élections de 2004 et de 2006, le Parti libéral a mené au moins cinq campagnes différentes à travers le pays, dans chacune desquelles ses principaux adversaires et les enjeux étaient différents. Nous avons diffusé des publicités spécialement conçues dans presque toutes les provinces. Encore maintenant, à l’extérieur de l’Ontario, le gouvernement fédéral est

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souvent perçu comme une force extérieure qui n’a pas les intérêts de la région à cœur. Cela signifie que tout ce que fait le gouvernement doit franchir une barrière de cynisme. Le gouvernement a donc une obligation particulière de trouver des moyens de communiquer ce qu’il accomplit, et ce, d’une façon et dans un langage qui sont logiques pour les gens de cette région91.  » C’est une chose que de mener cinq campagnes régionales différentes, mais c’en est une autre que de concevoir des politiques fédérales de façon à tenir compte de cinq réalités régionales différentes. En politique, il est important de concilier cinq perspectives régionales différentes. Cela ne s’applique pas, cependant, lorsqu’il s’agit des processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions du gouvernement fédéral. Les premiers ministres des quatre provinces de l’Ouest et des quatre provinces de l’Atlantique, de différents partis politiques ont maintes fois accusé Ottawa de faire preuve de favoritisme envers le Canada central92. Les premiers ministres du Québec insistent pour dire que leur province a un statut particulier au sein de la fédération et qu’elle peut invoquer l’accord conclu en 1867 pour protéger son identité distincte. Compte tenu de sa situation minoritaire en Amérique du Nord, le Québec n’a guère intérêt à faire la promotion ou même à tenir compte d’autres considérations régionales. Il utilise son poids politique à Ottawa et sa situation géographique pour promouvoir ses intérêts politiques et économiques. Il convient de souligner, encore une fois, que les institutions politiques nationales du Canada ont été conçues pour un autre pays qui n’avait pas la capacité d’intégration nécessaire pour tenir compte d’une grande diversité régionale93. Le modèle parlementaire de Westminster, qui repose sur une discipline de parti stricte, «  affaiblit grandement le rôle du Parlement fédéral en tant qu’arène qui permet de tenir compte des différences régionales » et le rend donc incapable d’intégrer les composantes du pays en un tout94. Un politologue a fait le point sur la question pour conclure que le Canada ne fait pas face à une crise linguistique, culturelle ou même économique, mais à une crise politique – une crise entre des communautés politiques et leurs institutions95.

r e to u r e n a rri ère Des intérêts régionaux et des stéréotypes régionaux définissent le Canada. Tout ce qui est canadien est régional sauf le fonctionnement de nos institutions politiques nationales. Considérez les faits

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suivants  : c’est encore la représentation selon la population qui détermine qui détient le pouvoir politique au Canada, comme c’était le cas en 1867. Pas de changement structurel à cet égard. Le rôle de la Cour suprême s’est beaucoup élargi depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, et trois des neuf sièges à la Cour sont réservés au Québec. Les quatre provinces de l’Atlantique disposent d’un siège à la Cour, quoique le premier ministre Justin Trudeau ait songé à le supprimer il y a quelques années. Les quatre provinces de l’Ouest y ont deux sièges. L’Ontario en a trois. La Commission de la capitale nationale se trouve en plein entre l’Ontario et le Québec. C’est le siège du pouvoir politique du gouvernement fédéral, du pouvoir et de l’influence bureaucratiques et des médias grand public du Canada. Le Canada a été immunisé contre les changements structurels parce que le traité de 1867 entre deux nations n’a pas permis de tels changements. Les principaux dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires exercent leurs activités dans des institutions conçues en fonction d’un État unitaire. Ils ne voient pas – et n’ont aucun intérêt à voir – que tout ce qui est canadien est régional. Il est révélateur que John Diefenbaker, Robert Stanfield, Joe Clark, Preston Manning et Stephen Harper étaient considérés comme des politiciens régionaux au Canada central, mais pas Pearson, Trudeau père et fils, Brian Mulroney et Jean Chrétien. Les politiciens régionaux, allègue-t-on, ne sont pas très doués pour la formation de coalitions et l’édification du pays (le nation building)96. Pendant les campagnes électorales, les politiciens reconnaissent la diversité régionale du Canada, comme l’a fait Paul Martin en faisant remarquer : « Nous ne pouvons pas permettre que les questions nationales en Colombie-Britannique soient reléguées au rang de questions régionales.  » Les commissions royales, de la Commission RowellSirois aux groupes de travail nationaux, la reconnaissent également. La Commission de l’unité canadienne de 1977, la Commission PépinRobarts, a fait valoir que le Canada se caractérisait par un comportement électoral qui varie selon les régions, un développement économique inégal et des obstacles géographiques qui divisent les régions, ce qui a engendré des relations ténues entre les régions97. Les discours sur les régions se font entendre avec force lors des campagnes électorales et des commissions royales, mais beaucoup moins dans les cercles politiques et bureaucratiques d’Ottawa, où l’on élabore les politiques et où l’on prend les décisions. Là, c’est encore le traité des deux nations qui règne. Le régionalisme ontarien,

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pour sa part, est largement invisible et se fait passer pour du nationalisme canadien98. Toutes les voix politiques au Québec se sont fortement opposées à une réforme structurelle du Sénat pour qu’il soit élu plutôt que nommé – parce qu’une telle initiative violerait le traité entre deux nations. Par le passé, les Canadiens et les Canadiennes de l’Ouest et de l’Atlantique ont exprimé leur nationalisme par l’entremise de mouvements politiques, par exemple le Parti réformiste et le Mouvement des droits des Maritimes. Ces mouvements se rapportaient davantage à l’espace ou au territoire qu’à une idéologie politique. Ils illustrent que ces régions s’estiment séparées du processus politique du pays. Elles s’identifient avec la situation des colonies de jadis, en ce sens que « le pouvoir qui les gouverne réside et est exercé ailleurs99 ». Le fédéralisme canadien a été transformé en un ensemble d’ententes particulières parce que ses institutions nationales n’ont pas été en mesure de tenir compte du fait que tout ce qui est canadien est régional. Les lacunes structurelles ont contraint le gouvernement fédéral à vouloir acheter la paix, temporairement du moins, en ajustant ses paiements de transfert aux provinces pour répondre aux pressions politiques du moment. Donald V. Smiley a bien résumé la question en écrivant : « les institutions du gouvernement central ont cessé d’être une tribune adéquate pour défendre des intérêts qui touchent un territoire délimité. La tâche de représenter de tels intérêts échoit alors presque exclusivement aux provinces100. » Les premiers ministres provinciaux ont une voix, mais c’est à peu près tout. Ils ne participent pas aux processus internes d’élaboration des politiques et de prise de décisions. Tout ce qui est canadien est régional. Des réalités économiques régionales différentes exigent des politiques qui reflètent ces réalités plutôt que des politiques nationales qui s’appliquent à toutes les régions, qu’elles leur conviennent ou non. Bien sûr, certaines régions, notamment le Sud de l’Ontario, la vallée du bas Fraser en ColombieBritannique et le Sud du Québec, ont nécessité d’importants investissements dans les infrastructures publiques. Le gouvernement fédéral a dévoilé un plan d’infrastructure national de plus de 180 milliards de dollars en 2016101. Il s’agit d’une initiative « nationale », même s’il n’est pas du tout certain que les Maritimes aient besoin de nouveaux investissements en infrastructure. Elles se débattent pour conserver leurs infrastructures alors que leur croissance démographique est stagnante et que leur population est vieillissante. La situation économique de la région exige des investissements différents

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qui conviennent mieux à sa réalité économique. La région a besoin d’un accroissement de sa population, pas d’une expansion de son infrastructure. Les institutions politiques nationales du Canada, y compris le pouvoir exécutif, sont toutefois incapables de voir les choses dans une perspective régionale, ou de voir que Toronto et d’autres grands centres urbains ont besoin d’investissements dans l’infrastructure tandis que les collectivités des provinces les moins peuplées ont besoin de politiques différentes. La situation ne fait qu’empirer. Le premier ministre Justin Trudeau, comme il a été noté, a aboli récemment les ministres régionaux. En outre, il a confié toutes les agences de développement économique régional (c.-à-d. l’apeca, deo, la FedNor, dec, CanNor et FedDev Ontario) à un seul ministre de la région du Grand Toronto, responsable du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, anciennement Industrie Canada. Un député à la Chambre des communes a mis le doigt sur le problème en disant : « Au lieu de pouvoir élaborer des programmes qui seraient adaptés aux besoins des régions, ces agences se font de plus en plus demander de mettre en œuvre des décisions centralisées prises par le ministère102.  » Beaucoup de gens, même des non-Canadiens, se rendent compte que le Canada doit forger des politiques qui sont adaptées à la situation économique des régions. Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (fmi), a dit au premier ministre Justin Trudeau lors d’une visite à Ottawa que le Canada devrait s’attaquer au marché du logement canadien dans une perspective régionale parce que «  le marché du logement au Canada présente des différences régionales marquées103 ». Un journaliste canadien de premier plan écrit : « Il semble impossible de faire de la politique sur la scène nationale au Canada sans dresser une région contre une autre104. » Il en a été ainsi pratiquement depuis le jour de la création du Canada. Ce constat démontre que le déficit démocratique du Canada, du moins dans une perspective comparative, est lié à l’incapacité des institutions nationales du pays de promouvoir l’égalité régionale. On voit la preuve de ce déficit dans la Constitution, l’exécutif et la bureaucratie. L’incapacité de nos institutions de s’adapter aux circonstances régionales n’est qu’un aspect de la question. Nos institutions politiques et administratives nationales tentent aussi de composer avec de nouvelles forces puissantes, des forces qui sont aussi en jeu dans d’autres démocraties anglo-américaines. Les prochaines sections explorent cette question et ce qu’elle implique pour le Canada.

d e u x i è m e pa r t i e

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Se faire élire : la désinstitutionnalisation des partis politiques

Les personnes qui aspirent à une carrière politique et qui souhaitent être élues au Parlement doivent soigneusement franchir un certain nombre d’étapes. Elles doivent être bien en vue dans la collectivité, être membres en règle d’un des grands partis politiques et être prêtes à faire des sacrifices émotionnels et financiers. Les candidats doivent aussi consacrer beaucoup de temps et d’efforts à la tâche et s’exposer à des situations sur lesquelles ils ont bien peu d’influence. Dès que quelqu’un devient candidat à l’élection au Parlement, il est soumis à un examen minutieux du public, qui tente notamment de déterminer s’il a déjà commis des mauvaises actions, même dans un passé lointain. Avec Internet et Google, les histoires anciennes ne sont jamais de vieilles nouvelles. Bref, seuls les courageux osent maintenant se présenter aux élections parlementaires. Certains facteurs sont susceptibles de dissuader les candidats de se présenter aux élections fédérales. À l’exception des premiers ministres et des anciens ministres des Finances et de l’Industrie, les hommes et les femmes politiques ont de plus en plus de difficulté à se forger une carrière après avoir quitté la vie politique. Raymond Garneau, un ancien politicien de haut niveau sur la scène provinciale et fédérale, rapporte que beaucoup de jeunes professionnels évitent de s’engager en politique, et même de se joindre à un parti politique, de crainte de perdre des contrats ou des occasions d’emploi1. Je connais d’anciens politiciens chevronnés qui n’ont pas présenté leur candidature à une nomination au Sénat, sachant que les anciens politiciens, quelle que soit leur allégeance politique, ont peu de chances de l’obtenir. Les politiciens et les hauts fonctionnaires doivent maintenant composer avec une politique rigoureuse sur les conflits d’intérêts et des lignes directrices exigeantes concernant l’après-mandat2.

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Rem C. Westland donne un compte rendu détaillé de ses efforts pour se faire élire sous la bannière du Parti conservateur dans la circonscription d’Ottawa-Vanier lors des élections fédérales de 2011. Son compte rendu apporte un éclairage intéressant pour les personnes qui désirent briguer les suffrages sur la scène fédérale. Bien qu’il exhorte ses lecteurs à se porter candidats, son expérience est loin de les encourager à le faire3. Westland fait une nette distinction entre un politicien « novice » et un politicien de carrière, et entre une circonscription sûre et une circonscription contestée. Il explique que si on est un politicien novice qui se présente dans une circonscription qui n’est pas sûre, « on est presque certain de retourner dans le monde d’où on est venu ». Il fait une nette distinction entre les politiciens novices qui veulent généralement représenter la population et les politiciens de carrière qui veulent représenter le parti4. Westland était peut-être un peu novice dans le domaine de la politique partisane, mais pas en ce qui a trait à l’action gouvernementale ou au processus des politiques publiques. Il avait été chargé de cours à temps partiel en théorie politique à l’Université Carleton, adjoint de direction auprès d’un ministre du Cabinet fédéral, fonctionnaire fédéral durant 22 ans, atteignant le rang de sous-ministre adjoint dans un ministère responsable, puis cadre de direction dans un cabinet d’experts-conseils d’Ottawa. Westland écrit qu’un politicien qui essuie un revers électoral se retrouve confronté à « l’intérêt collectif qui suit immédiatement le dévoilement des résultats électoraux, mais aussi au désir de reprendre le travail. Sa campagne a coûté beaucoup d’argent au novice, qui doit se remettre des dépenses encourues5. » Lorsqu’il a annoncé à sa famille et à ses amis qu’il songeait à se présenter aux élections fédérales, il a déclenché un concert de « pourquoi diable fais-tu ça ? » Des membres de sa famille lui ont répondu «  s’il te plaît, ne fais pas ça  », et des collègues de travail lui ont dit «  prends un congé sans solde, et bonne chance ». Westland souligne qu’après avoir été candidat on continue de porter sur le front la marque de son allégeance politique. On devient un « conservateur », un « libéral » ou un « néo-démocrate » pour le reste de ses jours, du moins aux yeux du public. Une fois qu’on retourne dans le secteur privé et que notre entreprise perd un contrat, on risque de se faire dire « nous avons perdu à cause de ton allégeance politique6 ». Son expérience de la campagne électorale est aussi révélatrice. Il a fait de l’inévitable porte-à-porte, collaboré avec des membres

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locaux du Parti et fait sa part pour collecter des fonds. Mais quand il était question de dossiers importants, il rapporte que ce sont les « dirigeants du Parti et leur personnel » qui menaient la barque. Il n’avait pas son mot à dire. Ils n’aimaient même pas qu’il participe à des débats publics, et il rapporte que « les dirigeants du Parti s’attendaient à ce que les candidats fassent exactement ce que le Parti leur disait de faire7 ». En dépit des défis et des coûts que représente une candidature aux élections fédérales, Rem Westland n’était que l’une des 1  587  personnes qui ont brigué les 308 sièges lors des élections générales de 2011, représentant 18 partis politiques. La perspective de siéger au Parlement continue d’exercer un attrait puissant. On dénombrait 1 792 candidats qui se disputaient 338 sièges et qui représentaient 23 partis politiques lors des élections générales de 20158. Pour les aspirants politiciens, il y a une grande différence entre se présenter dans une circonscription sûre, dans une circonscription girouette ou dans une circonscription où le candidat du parti a peu de chances d’être élu. Comme l’indique Westland, la situation est aussi très différente pour les politiciens de carrière et les politiciens novices qui cherchent à obtenir l’investiture d’un parti. Les politiciens de carrière bénéficient déjà d’une grande notoriété médiatique, de l’appui de personnes influentes au sein du parti et de la collectivité, et de celui des membres locaux et du quartier général du parti9. Alison Loat et Michael MacMillan ont entendu de nombreuses critiques au sujet du processus de nomination lors des 80 entrevues qu’ils ont menées avec des députés fédéraux sortants. Ils précisent que les critiques venaient de candidats qui avaient été élus et qu’on ne peut qu’imaginer ce que les candidats défaits avaient à dire. Ils concluent : « le processus de nomination est une manifestation des perceptions négatives que les gens ont tendance à avoir de l’action politique : un jeu de manipulation opaque et même cruel qui détourne les citoyens et les candidats du processus démocratique. Le processus peut être déroutant, mystérieux et inconsistant. Comme de nombreux Canadiens le soupçonnent, les rouages internes du processus sont sujets à la manipulation de la part des membres de l’association de circonscription et de la direction nationale d’un parti10. » Brent Rathgeber, un ancien député à la Chambre des communes, confirme cette perception et ajoute que la capacité de remporter l’investiture dépend souvent de l’habileté d’un candidat à « vendre des cartes de membre du parti à 10  $  », du moins lorsque le chef du

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parti ou ses principaux conseillers n’ont pas intérêt à intervenir en sa faveur. Rathgeber fait écho aux propos de Rem Westland quand il écrit que les bonzes du parti ne sont pas intéressés à recruter des esprits critiques, qui sont à même de produire des « discussions éclairées ». Ils recherchent plutôt « des femmes, en particulier celles qui sont télégéniques, et des membres de minorités visibles », surtout des candidats qui savent suivre la ligne de parti11. Il insiste pour dire que les bonzes du parti attachent beaucoup d’importance à la capacité de suivre la ligne de parti.

u n c a n d idat c o m p te pour 5 % Un thème récurrent se dégage des points de vue exprimés par de nombreux anciens députés aux Communes et candidats défaits qui écrivent au sujet de leur expérience : ils ne sont pas la clé d’une victoire électorale. Westland écrit : « “Rappelle-toi, me disait-on, que tes chances de te faire élire dans cette circonscription n’ont pas grand-chose à voir avec qui tu es.” Je lisais alors de la documentation sur la politique électorale et je savais déjà que les résultats qu’un candidat obtient de nos jours lors d’une élection fédérale ou provinciale s’expliquent à plus de 95 % par le message émanant du bureau central du parti et à moins de 5 % par le candidat ou la candidate. L’influence des autorités centrales du parti peut même atteindre 100 %12. » Rathgeber tire la même conclusion. Les spécialistes de la science politique en sont aussi venus à la même conclusion13. Pourtant, quiconque souhaite devenir député à la Chambre des communes doit adhérer à un parti politique et en briguer l’investiture. Les députés indépendants ont été rares dans le Parlement canadien. Les campagnes électorales sont maintenant axées sur la personnalité et centrées sur les chefs de parti. Stephen Harper définissait le Parti conservateur bien plus que le Parti ne le définissait. On peut en dire autant de Justin Trudeau lors de la campagne électorale de 2015. Elisabeth Gidengil et André Blais avancent plusieurs raisons pour lesquelles les chefs de parti sont devenus « les superstars de la politique canadienne14 ». L’affaiblissement des liens partisans entre les Canadiens, les débats télévisés entre chefs de parti et l’absence d’idéologies politiques bien définies font en sorte qu’il revient aux chefs des partis et à leurs conseillers de définir une stratégie de campagne destinée à rallier un noyau de fidèles partisans et à attirer autant d’électeurs indécis que possible15.

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Les partis politiques canadiens n’ont pas d’idéologies aussi marquées et distinctives que leurs homologues de Grande-Bretagne, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande16. De tout temps, les classes économiques ou sociales ont eu peu d’influence sur la scène politique canadienne ou sur le comportement des électeurs. En outre, il a été très difficile pour les chefs de parti canadiens de capter l’attention de l’électorat en faisant appel à une idéologie politique17. Les politologues canadiens ont longtemps débattu de l’utilité du modèle de l’idéologie et du modèle de l’intermédiation pour expliquer le comportement des partis politiques. Quelques-uns ont trouvé, au mieux, de modestes preuves que la perspective des partis politiques est façonnée par une idéologie politique18. Janine Brodie et Jane Jenson soutiennent que les partis politiques adoptent des positions de principe seulement à l’occasion et que, de plus, «  ces constructions fragiles sont facilement renversées lorsque les conditions changent19 ». Je laisse le dernier mot à Richard Johnston, sans doute la plus grande autorité en la matière au Canada : « L’image d’intermédiaires des partis canadiens semble être l’image dominante. En effet, l’intermédiation a été décrite comme la théorie classique du système de partis20.  » La politique d’intermédiation est propre au Canada, car elle désigne la capacité d’un parti politique d’agir comme intermédiaire dans les divisions régionales21. Elle témoigne également du déficit démocratique du Canada. Johnston commence son livre The Canadian Party System, chaudement salué par la critique, par deux phrases très éloquentes : « Le système de partis canadien est désordonné et néanmoins insaisissable [...] il défie la généralisation la plus puissante de la théorie politique empirique22. » Johnston examine l’histoire et d’autres facteurs afin de comprendre la logique du système de partis canadien. Selon lui, le succès du Parti libéral est attribuable à ses liens avec le Québec, et la montée des partis politiques nouveaux ou « insurgés » est attribuable à la géographie. Il écrit que de nouveaux partis sont apparus sur la scène politique à différents moments de l’histoire canadienne, mais que les vieux partis ne meurent jamais. David Herle, un sondeur et conseiller politique canadien de premier plan, a expliqué que les libéraux ont mené au moins cinq campagnes différentes lors des élections générales de 2004 et de 2006, afin que les campagnes revêtent une signification particulière dans les régions. L’idéologie politique doit passer au second plan dans un tel contexte politique23. William Cross affirme que l’essor des partis

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régionaux, en particulier le Parti réformiste/l’Alliance canadienne et le Bloc Québécois, avait peu à voir avec l’idéologie. Ces partis ont été en mesure de trouver leurs racines dans la définition et l’expression de « l’intérêt régional »24. La vie politique canadienne continue d’être dominée par les clivages linguistiques et régionaux, non par l’idéologie ou la lutte des classes économiques. Tout comme Macdonald et Cartier cherchèrent à le faire il y a plus de 150 ans, les dirigeants politiques continuent de faire de leur mieux pour définir et gérer une façon de gagner l’appui politique du Québec sans perdre l’appui qu’ils reçoivent ailleurs, en particulier en Ontario, là où les élections fédérales se perdent ou se gagnent. C’est là une entreprise délicate semée d’embûches, qu’il vaut mieux laisser au chef du parti et à ses proches collaborateurs25. Herle offre un conseil aux personnes qui aspirent à devenir des députés fédéraux  : «  Les partis ne s’appuient pas sur ce que leurs membres pensent et ils ne peuvent pas le faire s’ils veulent être portés au pouvoir. Ils s’appuient sur ce qui leur rapportera le plus grand nombre de votes. C’est un exercice de marketing stratégique plutôt qu’un véritable concours d’idées26. » L’idéologie politique et le choc des idées ne font pas le poids devant le marketing stratégique, la valorisation de la marque des partis politiques et la gestion des campagnes électorales à l’échelle régionale, notamment dans les régions qui comptent le plus d’électeurs. Il est beaucoup plus difficile de nos jours de gérer les clivages régionaux que ce ne l’était à l’époque où Macdonald était premier ministre. Exception faite du Québec, Macdonald pouvait nier que le régionalisme constituait une force politique, ce qu’il fit essentiellement. Cartier et lui conclurent un accord pour tenir compte des intérêts du Québec au sein des institutions nationales, en lui garantissant un certain nombre de sièges aux Communes et en acceptant que le Sénat soit nommé selon une représentation régionale plutôt que provinciale et, plus tard, en lui accordant un nombre garanti de juges à la Cour suprême. Comme il a été souligné, l’Ouest n’était pas présent aux conférences de Charlottetown et de Québec et, comme nous l’avons vu, les plus petites colonies, les Maritimes, étaient considérées par Macdonald et Cartier comme des membres du nouveau pays qui furent commodément intégrés ou annexés pour dénouer l’impasse entre le Canada-Ouest et le Canada-Est, ou entre l’Ontario et le Québec. Il n’est pas exagéré de prétendre que Macdonald, Cartier et l’office des colonies décidèrent d’annexer le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse pour que leur Canada puisse fonctionner27.

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Il est aussi plus difficile de gérer le facteur régional aujourd’hui que ce ne l’était à l’époque du gouvernement limité. Les premiers ministres et les gouvernements des provinces jouent un rôle beaucoup plus grand qu’à l’époque, et l’Ouest canadien a maintenant une voix qui gagne en importance chaque fois que la carte électorale est modifiée. Cependant, le facteur régional sert aussi à renforcer la position des chefs de parti et de leurs conseillers parce que les partis politiques sont incapables de « concilier en leur sein des intérêts régionaux des quatre coins du pays28  ». Les chefs de parti et leurs conseillers estiment que les problèmes régionaux sont tellement explosifs politiquement qu’il vaut mieux leur laisser le soin de les régler. Ils savent comment régler les problèmes en faisant primer le désir de ne pas contrarier les régions qui regorgent d’électeurs. Si un candidat ou une candidate fait un faux pas dans une région, celui-ci peut avoir des conséquences très négatives dans une autre région et défrayer les manchettes pendant plusieurs jours. Selon Andrew Perez, il serait plus juste de dire que les campagnes politiques nationales au Canada sont « un ensemble d’élections régionales; dans chaque région, des dynamiques largement différentes – qui influent inévitablement sur les stratégies électorales et les méthodes de communication des partis – sont à l’œuvre29  ». Une fois que les élections sont passées, cependant, le facteur régional est souvent relégué au second plan, derrière les affaires « nationales ». Et pourtant, les partis politiques ont été confrontés au facteur régional au Canada depuis 1867. Il n’arrive pas souvent qu’un parti réussisse à obtenir une forte majorité et au moins un siège dans toutes les provinces. Trudeau père l’a fait en 1968 et Trudeau fils, en 2015. Trudeau père n’a toutefois remporté que trois sièges dans les trois provinces des Prairies lors de l’élection de 1972. Harper a obtenu un mandat majoritaire en 2011, mais il n’a pas suscité beaucoup d’intérêt au Québec et dans les quatre provinces de l’Atlantique. C’est sous le gouvernement de Mulroney que le Parti réformiste dans l’Ouest et le Bloc Québécois ont vu le jour. Il est possible de réprimer le facteur régional dans les milieux politiques et bureaucratiques à Ottawa, mais beaucoup moins lors des campagnes électorales. Les sondeurs sont devenus à la fois des acteurs importants dans les campagnes électorales et de proches conseillers des chefs de parti. Selon Bob Rae, ils sont en mesure « d’examiner, de décortiquer et de décomposer l’électorat afin de renforcer la position du chef de parti en vue d’une victoire électorale30 ». Kenneth Carty, William Cross et Lisa Young font valoir qu’on ne saurait surestimer l’importance des

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personnes qui effectuent des sondages pour le compte des partis. « Les sondeurs qui travaillent pour un parti occupent une place de plus en plus importante parmi le personnel de guerre des partis, écrivent-ils. Pendant que les partis tentent de cibler des groupes précis d’électeurs à l’aide de mesures conçues spécialement pour eux, les sondeurs jouent un rôle crucial en déterminant les régions du pays [et les groupes] sur lesquelles le parti doit concentrer ses ressources31. » Les sondeurs au service des partis, les chefs de parti et leurs proches conseillers sont plus habiles pour gérer les dossiers régionaux en élaborant des stratégies politiques que ne le sont les candidats locaux, qui souhaiteraient peut-être répondre aux pressions de leurs électeurs. Quelle place cela laisse-t-il aux députés ou aux personnes qui cherchent à se faire élire? David Herle, sondeur de longue date du Parti libéral, fournit une réponse à cette question  : «  Une des critiques au sujet du recours aux sondages par le gouvernement vient de ceux qui disent qu’il a réduit le rôle du député. Je crois que ce commentaire est juste [...] personne ne pourrait reproduire par des consultations personnelles les renseignements fiables que procure un sondage [...] d’après mon expérience, de nombreux députés n’ont aucune idée de ce que pensent ou veulent les gens de leur circonscription, ou ils le savent mais n’ont pas intérêt à en tenir compte, de sorte qu’il serait douteux de suivre leurs conseils concernant l’opinion publique32. » Alors, la question suivante s’impose : pourquoi avoir des députés s’ils n’ont aucune idée de ce que croient les gens de leur circonscription ou s’ils n’ont pas intérêt à en tenir compte? Les sondeurs se tourneront immanquablement vers l’Ontario, le Québec et, de plus en plus, l’Ouest canadien pour aller chercher la victoire électorale. Selon un vieil adage, c’est en Ontario qu’on remporte les élections et au Québec qu’on obtient la majorité gouvernementale. David Herle maintient que « l’identité régionale demeure l’un des principaux prismes à travers lesquels les gens voient la politique gouvernementale et les comportements politiques. Cela peut sembler être l’évidence même parce qu’il en est ainsi depuis si longtemps33. » Il faut gérer ce prisme pour être porté au pouvoir au Canada, une tâche si importante qu’il vaut mieux la laisser aux chefs de parti et à leurs conseillers immédiats. Par contre, les institutions politiques nationales n’ont guère la capacité de gérer le « prisme » une fois qu’un gouvernement est élu. C’est l’un des héritages que les Pères de la Confédération ont donnés au Canada : un prisme qui est orienté vers l’Ontario et le Québec et que les deux provinces refusent d’abandonner.

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to u t c e q u i c o m p t e , c’est de gagner L’un des plus importants rôles des partis politiques dans une démocratie en santé consiste à informer les citoyens34. Les partis ont ou devraient avoir pour but de mettre en évidence les défis socioéconomiques que le pays doit relever et de soumettre des solutions stratégiques à la réflexion des citoyens. En théorie, les partis politiques gagnent les élections en s’appuyant sur leur plateforme électorale. De plus, ils voient au bon fonctionnement du Parlement en imposant une discipline et à celui du gouvernement responsable en faisant connaître qui a décidé quoi, comment et pourquoi. Les partis constituent le lien entre le peuple et le pouvoir et, comme l’affirme Paul Pross, ils font du Parlement « l’institution de légitimation prééminente35 ». Je ne voudrais pas laisser entendre que les partis politiques ont connu un âge d’or ou qu’à une époque leurs membres de la base ont été particulièrement habiles à modeler des politiques qui sont devenues plus tard des politiques gouvernementales. Les partis ont été et demeurent largement des coquilles vides en matière de politiques. Il y eut une époque, cependant, où les chefs de parti et leurs proches conseillers ne dominaient pas l’action politique et l’élaboration des politiques autant qu’ils le font maintenant. Ils devaient tout au moins prêter l’oreille aux puissants piliers régionaux des partis, de C.D. Howe, James Gardiner et Marc Lalonde à Allan J. MacEachen, parmi de nombreux autres36. Les puissants ministres régionaux sont toutefois des figures du passé en politique canadienne. Ils ont été remplacés par des sondeurs et une nouvelle classe de courtisans qui collaborent avec les chefs de parti. Les chefs de parti ont leurs sondeurs préférés à la cour et ne sont plus obligés de se fier aux candidats locaux pour connaître la position des électeurs sur telle ou telle question. En outre, les premiers ministres ne sont plus obligés de compter sur des ministres régionaux pour savoir comment une mesure proposée par le gouvernement est perçue dans une région. Il est beaucoup plus facile de faire affaire avec un sondeur préféré et un courtisan qu’avec un ministre régional. Les sondages d’opinion publique sont également plus fiables, plus objectifs, plus précis, moins exigeants et beaucoup plus faciles à gérer que les ministres et les candidats des partis. À son arrivée au pouvoir, le premier ministre Justin Trudeau a simplement décidé de se débarrasser des ministres régionaux37. Il a éliminé le concept de ministre régional parce qu’il ne pouvait pas l’appliquer en Ontario et au Québec. Les deux provinces comptent plusieurs

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ministres chevronnés et il est très difficile d’en choisir un plutôt qu’un autre38. Comment, par exemple, le ministre des Finances pourrait-il être plus novice que le ministre régional? Et traditionnellement, les ministres des Finances viennent de l’Ontario. Sans vouloir exagérer, je soutiens que, de nos jours, les partis politiques ne sont guère plus que des organisateurs de campagnes électorales, des collecteurs de fonds et un moyen commode de sélectionner des candidats qui les aideront à remporter les élections. William Cross l’a bien résumé : « Les partis politiques canadiens ne sont pas des véhicules efficaces pour l’étude et l’élaboration des politiques. Ils n’offrent pas aux électeurs une véritable occasion de prendre part au processus d’élaboration des politiques, pas plus qu’ils ne génèrent régulièrement de politiques différentes pour considération et examen par ceux qui occupent des postes électifs ou dans la haute bureaucratie39. » Cross ajoute que l’incapacité des membres des partis de façonner les politiques explique peut-être la baisse marquée des effectifs des partis et l’attrait grandissant que présentent les groupes d’intérêt pour les Canadiens qui désirent exercer une influence sur l’élaboration des politiques publiques40. Il n’est pas exagéré d’affirmer que les membres des partis sur le terrain doivent s’occuper uniquement des questions locales en matière de personnel et de la gestion des luttes locales lors des campagnes électorales41.

c ’ e s t u n e q u e s t io n de marque Les chefs de parti, leurs proches conseillers et leurs sondeurs préférés sont bien contents de « jouer à la politique de l’image et à la stratégie du vague, [et] n’ont pas d’orientations précises lorsqu’ils prennent le pouvoir42 ». Tout ce qui compte, c’est de gagner les élections, et la stratégie de marque a pris une grande importance dans les campagnes électorales et l’exercice du pouvoir. L’objectif est de faire en sorte que la population canadienne ait une opinion positive du chef du parti. L’approche a tout à voir avec les impressions, les images, les réputations et beaucoup moins avec des questions de politique concrètes ou la substance43. Les politologues s’intéressent de plus en plus au rôle de l’image de marque et du marketing sur la scène politique canadienne. Leur verdict n’est pas réjouissant pour la démocratie. Alex Marland estime que « la stratégie de marque menace des notions idéalisées du gouvernement démocratique et de la politique partisane. Elle uniformise et nivelle par le bas. Elle exige un contrôle strict du message et une

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gestion rigoureuse de l’image. Surtout, la stratégie de marque du secteur public contribue à la centralisation de la prise de décisions dans la garde rapprochée du premier ministre44. » Les chefs des partis politiques, plutôt que les partis mêmes, incarnent la marque à promouvoir. Il y a les marques Trudeau et Harper au Canada, et les marques Bush, Clinton et Trump aux États-Unis. Une fois le parti porté au pouvoir, la marque continue d’être associée au chef de parti, de sorte que le parti forme le gouvernement Chrétien, le gouvernement Harper ou le gouvernement Trudeau. Et une fois au pouvoir, le premier ministre n’hésite pas à utiliser des ressources publiques, des spécialistes en communications qui sont des fonctionnaires de carrière et des subventions à l’information pour promouvoir son image de marque45. Dans l’optique de promouvoir la marque, le premier ministre, le parti et le gouvernement ne font maintenant plus qu’un. La stratégie de marque et le marketing sont aussi liés à l’émergence des campagnes électorales permanentes. Les campagnes permanentes touchent tous les partis politiques et reflètent une façon soutenue de faire de la politique et d’exercer le pouvoir. Elles traduisent une mentalité selon laquelle les efforts pour remporter les prochaines élections commencent dès le lendemain du scrutin. Les campagnes électorales permanentes sont « alimentées par le désir d’obtenir une couverture médiatique positive qui considère toutes les questions de politique comme des mini-concours, avec des gagnants et des perdants. Il faut être gagnant sur tous les plans – sondages d’opinion publique, élections partielles, votes sur les projets de loi, prises de position sur les politiques – comme si le résultat des prochaines élections en dépendait46. » La valorisation ou la dépréciation de la marque ou des tentatives pour accoler une image de marque aux partis de l’opposition ont aussi cours. La stratégie de marque fait appel à tous les moyens de communication disponibles pour véhiculer un message sous-jacent. Si le parti est au pouvoir, on utilisera les outils de communication dont dispose le gouvernement, notamment les logos, les combinaisons de couleurs et les arrière-plans visuels. L’image de marque des partis est indissociable des chefs de parti. Le dépréciation de l’image de marque est la stratégie par laquelle des partis politiques utilisent des outils de communication pour discréditer d’autres partis en s’en prenant à leur chef, souvent par des publicités négatives47. Les conservateurs de Harper ont employé cette stratégie avec succès pour donner de Stéphane Dion l’image d’un faible ou pour dépeindre Michael Ignatieff comme un touriste « de passage » au Canada.

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Les gouvernements exercent maintenant le pouvoir en se souciant constamment des aspects politiques de tous les dossiers et événements. Dans certains cas, le gouvernement a même désigné des « députés fantômes » dans des circonscriptions « gagnables », prêts à se battre lors des prochaines élections. Le gouvernement embauche à contrat d’anciens candidats pour surveiller ce qui se passe dans leur circonscription et servir d’agents de liaison entre Ottawa et leur communauté48. La personne choisie bénéficie ainsi d’une longueur d’avance pour gagner l’investiture du parti et remporter les prochaines élections. Le cycle de l’information en continu et les médias sociaux ont également donné une impulsion aux campagnes électorales permanentes. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect. Les députés en exercice et les candidats à l’élection qui n’en tiennent pas compte le font à leurs risques et périls. En raison de l’appétit insatiable des réseaux d’information continue pour les nouvelles politiques, ils doivent toujours être prêts à faire campagne. Bref, le gouvernement cherchera toujours à présenter ses activités sous un jour favorable tandis que d’autres partis tenteront de présenter une mauvaise image du gouvernement. Le processus ne s’arrête jamais. Les candidats qui mènent des campagnes électorales connaissent la marque de leur chef – ou devraient la connaître – et doivent faire campagne en respectant la marque s’ils souhaitent bénéficier de l’appui des stratèges du parti. Les chefs de parti et leurs courtisans choisiront soigneusement des substituts qui prendront la parole en leur nom devant les téléspectateurs pour alimenter les émissions d’information diffusées par câble. On aurait du mal à trouver une seule occasion où un substitut s’est montré même légèrement critique envers son chef de parti. L’exercice a pour seul objectif d’exposer chaque question, chaque nouveau fait de façon à présenter le chef du parti de manière positive et les partis de l’opposition de manière négative. Les faits et les arguments fondés sur des données probantes ne comptent pas beaucoup dans leur travail. Si les faits ne jouent pas en faveur du chef de parti, ils peuvent toujours essayer les « faits alternatifs », comme l’a fait Kellyanne Conway, conseillère de Donald Trump, peu après l’arrivée de celui-ci au pouvoir49. David McLaughlin explique : « Fidèles au ciment partisan qui les lie à leurs partis, les membres de notre classe politique font tout leur possible pour diminuer, dévaloriser et détruire le bien le plus précieux qu’ils ont vraiment en commun : leur propre intégrité politique. Par leurs attaques incessantes contre toute chose et tout le monde qui se trouvent de l’autre côté du spectre politique, ils continuent de porter

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atteinte à la valeur fondamentale en politique – la confiance –, qui est essentielle entre les électeurs et les élus dans une démocratie. Les perdants, ce sont nous, les électeurs50. » Les chefs de parti et leurs courtisans sont là pour assurer que la politique partisane suit maintenant la voie choisie par leur parti. Les candidats locaux du parti sont là, encore une fois, pour défendre la marque du chef de parti, non pour en créer une nouvelle. Le rôle des chefs de parti et de leurs proches conseillers, les campagnes électorales permanentes et l’image de marque sont des facteurs essentiels pour comprendre ceux qui cherchent à se faire élire ou réélire. Les membres du gouvernement utiliseront tous les outils disponibles pour présenter une image favorable du premier ministre. Les membres de l’opposition offriront de « nouvelles idées » en prévision d’une « ère nouvelle » sans préciser en détail ce que sont ces nouvelles idées. L’objectif de remporter la victoire ou de conserver le pouvoir prime par-dessus tout.

p o u rq u o i d e v e n ir m e mbre d’un parti Les partis politiques canadiens doivent relever un défi de taille pour assumer leur rôle premier dans une démocratie représentative à savoir de refléter et d’exprimer les divisions fondamentales de la société, tant sociales qu’économiques, ethniques ou géographiques, étant donné que le Canada est « un pays de régions à l’équilibre imparfait, aux ressources inégales et à l’engagement variable51 », comme on l’a maintes fois décrit. William Cross a mis en lumière le défi et la nécessité d’aplanir les « divisions régionales et linguistiques52 ». Alan Cairns estime que les partis politiques n’ont pas été habiles à gérer les tensions régionales. Les partis ne génèrent pas de «  compromis entre des intérêts territoriaux divergents qui sont représentés, écrit-il. La capacité de négocier et de faire obstruction dépend largement de la taille de l’électorat qui habite la région, si bien qu’il est difficile, sinon impossible, pour les régions les moins peuplées de se faire entendre53. » On peut difficilement imaginer la démocratie représentative sans partis politiques54. John Miesel fait remarquer que les partis politiques «  sont parmi le nombre relativement restreint de forces véritablement nationales au Canada55  ». Ils remplissent cinq rôles essentiels : ils offrent des candidats aux postes électifs, amènent les citoyens à s’engager dans la vie politique, facilitent les communications entre le Parlement, le gouvernement et les citoyens, informent les citoyens sur les politiques et assurent le bon fonctionnement du gouvernement parlementaire.

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Alors, à quel point les partis politiques canadiens s’acquittent-ils efficacement de leurs cinq rôles essentiels? Les praticiens tels que Rem Westland, Brent Rathgeber et ceux qui ont été interviewés dans le cadre des projets de recherche de Samara soulignent qu’il existe différents processus de nomination des candidats. L’Association canadienne des ex-parlementaires a examiné les processus et a conclu que «  les pratiques actuelles comportent de graves lacunes et il faut les modifier en profondeur pour les rendre conformes aux principes démocratiques reconnus56 ». Les experts en science politique en sont arrivés à la même conclusion. William Cross écrit que «  l’engagement du parti au cœur de la campagne est généralement inégal, les circonscriptions les moins importantes sur le plan électoral étant laissées à elles-mêmes pendant que le parti surveille étroitement et parfois même orchestre le processus de nomination dans les circonscriptions qui ont pour lui une importance électorale57  ». Cross relève ensuite plusieurs caractéristiques de l’approche canadienne à l’égard de la nomination des candidats. Il traite du degré élevé de régionalisation des partis politiques qui vaut souvent aux candidats une importance secondaire – le choix d’un candidat ou d’une candidate a lieu lors de la course à l’investiture –, du quasi-monopole des candidats nommés par les grands partis élus au Parlement et de la capacité limitée des électeurs de choisir localement la personne qu’ils préfèrent lors des élections générales. Les chefs de parti ont le pouvoir de décider qui peut se présenter sous la bannière de leur parti. Le Parti libéral a adopté un certain nombre de règles centrées sur le chef en matière de sélection de ses candidats. La règle 1.2 accorde au ou à la chef « le pouvoir de nommer une personne à titre de candidat(e) dans le cadre de toute élection sans être tenu(e) de prévoir une rencontre ». De plus, la règle 9.3 accorde au ou à la chef le pouvoir de « ne pas donner son appui à un(e) candidat(e) à l’investiture  »58. Le Parti conservateur s’est doté de règles similaires. La règle 4.d accorde à son comité national de sélection des candidats le pouvoir de «  révoquer une demande de mise en candidature pour des motifs qu’il juge raisonnables59 ». C’est un des nombreux signes que les partis appartiennent aux chefs de parti et à leurs courtisans, et non l’inverse. De plus, la capacité ou la volonté des partis politiques d’amener les citoyens à s’engager en politique fait défaut. Vingt-six éminents praticiens ont été interrogés dans le cadre d’une étude du Forum des politiques publiques financée par Élections Canada. L’étude a conclu que les partis politiques confondent «  l’engagement démocratique

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avec l’acte de voter ». L’étude rapporte en outre que la grande majorité des participants croient que les partis politiques ne répondent pas aux attentes : ils ne sont pas des moyens de faire avancer de nouvelles idées audacieuses, ils ne sont pas solidement enracinés dans la collectivité, ils ne donnent pas de pouvoir à leurs membres, leur identité ne dépasse guère celle du ou de la chef et ils ne montrent pas la voie à suivre sur les questions de l’heure60. Les grands partis politiques canadiens «  ont été conçus pour occulter les intérêts plutôt que de les représenter, pour estomper les divisions plutôt que de les accentuer », écrit R. Kenneth Carty. Le raisonnement est que la société canadienne est si fragile, si fragmentée, que les partis politiques doivent faire attention de ne pas monter un segment de la société contre un autre ou, surtout, une région contre une autre61. Le même raisonnement vaut aussi pour ce qui est de faciliter les communications entre le Parlement, le gouvernement et les citoyens. Les partis politiques doivent agir avec prudence par crainte de s’aliéner d’importants segments de la société canadienne. Un faux pas politique ou une position de principe formulée en termes vagues risque de déclencher une guerre d’accusations au sein du Parlement et dans les médias. Il vaut mieux, encore une fois, laisser les chefs de parti, leurs courtisans et leurs sondeurs s’occuper des communications. Les partis politiques permettent-ils au gouvernement parlementaire de fonctionner? Presque tous les députés sont élus à titre de membres d’un parti politique. Un gouvernement ne peut rester au pouvoir que s’il jouit de la confiance de la Chambre des communes. En ce sens, les partis politiques jouent un rôle important : permettre au gouvernement parlementaire de fonctionner. La première phrase de Kenneth Carty dans son ouvrage Big Tent Politics, « l’action politique nationale au Canada est à la fois difficile et contre nature62  », représente un défi particulier pour les partis politiques canadiens. L’un d’eux, le Parti libéral, est ressorti comme étant le « parti naturel du gouvernement au Canada ». Il a réussi à devenir le parti dominant au Canada en étant « sans forme particulière » et en offrant « un compromis continuel et changeant63 ». Le Parti a pris position en faveur de tout et de rien, mais en cherchant toujours à gérer les forces qui sont susceptibles de mener à l’éclatement du pays. À certains moments, il a été le parti du protectionnisme, à d’autres moments, il a privilégié le libre-échange. À certains moments, il favorisait une expansion de l’appareil gouvernemental (les années Trudeau, 1968-1983), tandis qu’à d’autres il

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préconisait une réduction de la taille de l’État et l’équilibre budgétaire (les années Chrétien, 1993-1997). Pendant tout ce temps, il a su apaiser quelque peu les tensions régionales sans jamais perdre de vue sa base électorale (l’Ontario et le Québec). Tous les chefs du Parti libéral avaient leur fief soit en Ontario, soit au Québec, et tous sauf deux étaient natifs de l’une ou l’autre province – les deux autres, Alexander Mackenzie et John Turner, sont nés en Grande-Bretagne. Je signale que le Parti libéral est le seul grand parti à n’avoir jamais été dirigé par une femme. En revanche, parmi les 20 chefs qui se sont succédé à la tête du Parti conservateur – ou progressiste-conservateur – depuis la Confédération, 2 sont nés en Grande-Bretagne, 8 en Ontario ou au Québec, et 10 dans l’Ouest canadien ou au Canada atlantique. Seuls les libéraux et les conservateurs ou progressistes-conservateurs ont détenu le pouvoir à Ottawa, le Parti libéral pendant 81 ans au cours des 150 dernières années, dont environ 43 des 67 dernières années (1950-2017), et le Parti conservateur pendant 69 ans. Le Parti libéral a remporté 19 des 29 dernières élections64. Comment explique-t-on le succès du Parti libéral? Comme nous l’avons vu plus tôt, Richard Johnston l’associe à ses assises au Québec. D’autres politologues canadiens ont découpé l’évolution de la politique partisane en périodes distinctes  : une période clientéliste qui dura de 1867 jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale et durant laquelle les électeurs échangeaient leur appui contre des biens ou des services; une deuxième période de politique d’intermédiation des années 1920 aux années 1950; une troisième période, celle du système pancanadien de partis, à compter des années 1960; et une quatrième période au cours de laquelle la scène politique canadienne est passée d’un système pancanadien à un système de balkanisation régionale65. La période pancanadienne correspond à la croissance de l’État providence, soit la période qui suivit la Commission Rowell-Sirois. Janine Brodie résume bien la période lorsqu’elle écrit que les paiements de transfert «  aideraient simplement à assumer certains des coûts sociaux découlant du développement inégal dans certaines provinces [par exemple le Nouveau-Brunswick], alors que les relations économiques qui ont favorisé le développement inégal n’étaient pas remises en question66 ». Les accords de libre-échange et l’économie mondiale de plus en plus concurrentielle et intégrée transforment cette dynamique67. Je me souviens d’avoir assisté à une table ronde dans les mois précédant la conclusion de l’Accord de libre-échange entre le Canada

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et les États-Unis. Tom Courchene était en faveur de l’accord, mais mettait en garde contre le risque d’une « maritimisation » de l’économie ontarienne. Son argument : les régions américaines les plus fortes économiquement en viendraient, avec le temps, à dominer toute l’économie nord-américaine tout comme l’Ontario a fini par dominer l’économie canadienne. Pour quelque raison, la «  maritimisation  » des Maritimes n’est pas nuisible à l’intérêt national (peu importe sa définition), mais c’est une tout autre histoire quand l’Ontario risque de subir le même sort. L’espace est toujours important, semble-t-il, quand il se mesure à l’échelle nationale (lire ici l’Ontario et le Québec), mais beaucoup moins quand il se mesure à l’échelle régionale. Le régionalisme explique, du moins en partie, pourquoi la théorie de Maurice Duverger sur les partis politiques n’a jamais pris racine au Canada. Duverger affirme que les pays qui ont un système uninominal majoritaire à un tour, comme le Canada, sont condamnés à une lutte politique bipartisane68. La théorie explique peut-être le jeu politique aux États-Unis, mais pas au Canada. Duverger fait valoir que les électeurs sont réticents à gaspiller leur vote en le donnant à un tiers parti, mais disposés à voter pour un parti dont ils ne partagent pas entièrement les vues, parce qu’il a de meilleures chances d’être élu. Au Canada, beaucoup sont prêts à « gaspiller leur vote » pour défendre les intérêts de leur région. Le Parti libéral a dominé la scène politique canadienne, tandis que le Parti conservateur a servi de pneu de rechange69. La population canadienne s’est tournée vers le pneu de rechange chaque fois que le gouvernement libéral a été marqué par des scandales, qu’il s’est «  dépolitisé  » et «  transformé en branche électorale du gouvernement du Canada et qu’il est devenu « préoccupé par les questions administratives70 ». Les chefs du Parti libéral – de sir Wilfrid Laurier, Mackenzie King, Louis St-Laurent, Lester Pearson et Jean Chrétien aux Trudeau père et fils – qui ont gouverné le Canada pendant plus de 80  des 121 dernières années, sont les produits du traité entre deux nations conçu par Macdonald et Cartier. Laurier refusa de promouvoir par voie législative les droits de la minorité catholique au Manitoba71. L’attention de Laurier portait surtout sur l’Ontario et le Québec et la façon de résoudre les problèmes de ces deux provinces. On se rappellera aussi que Laurier exerça des pressions pour que l’Alberta et la Saskatchewan forment deux provinces au lieu d’une seule, notamment parce qu’il craignait qu’une vaste province de l’Ouest englobant

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l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ne remette en question, avec le temps, la position de l’Ontario dans la Confédération. Nous savons que Mackenzie King impressionna le milieu des affaires de Montréal et celui de Toronto en étant attentif à leurs préoccupations et en accordant une «  protection tarifaire aux manufacturiers du Centre du Canada72 ». Il est bien connu que Mackenzie King et C.D. Howe décidèrent de concentrer en Ontario et au Québec l’effort de guerre du Canada durant la Seconde Guerre mondiale. Trente-deux sociétés d’État furent créées pour soutenir l’effort de guerre, toutes en Ontario et au Québec. Les sociétés d’État représentaient une nouvelle source d’investissements considérables susceptibles de générer beaucoup de nouvelles activités économiques. Elles allaient en effet constituer le fondement du développement futur du secteur manufacturier dans les années d’après-guerre73. Ainsi, des sociétés d’État créées pendant la guerre donnèrent naissance à des constructeurs d’aéronefs, à des producteurs de caoutchouc synthétique et à une entreprise de haute technologie appelée Research Entreprises Limited. Comme il a été souligné dans un chapitre précédent, Ottawa établit dans le centre du pays l’essentiel de ses activités de soutien à l’effort de guerre même si cela allait à l’encontre des considérations militaires. Après une visite au Canada en 1940, la Mission technique de l’Amirauté britannique conclut que « les questions politiques pèsent lourdement » sur les décisions militaires. Ses membres soulignèrent les problèmes que posait la construction de navires dans des chantiers coupés de l’océan Atlantique durant cinq mois par année et remirent en question la nécessité que les navires fassent la longue descente du Saint-Laurent. Les conseillers américains firent la même remarque74. Les 10 premiers navires construits pour la Grande-Bretagne évitèrent de justesse de rester coincés sur le Saint-Laurent par le gel hivernal et durent subir « des travaux importants dans les Maritimes avant de se risquer à traverser l’Atlantique75 ». Les Britanniques essayèrent du mieux qu’ils purent de convaincre Ottawa de choisir Halifax comme l’endroit logique où établir le quartier général de la Marine pour leurs convois canadiens et le centre de réparation des navires de fort tonnage. Leurs efforts furent infructueux76. Mackenzie King et C.D. Howe et des hauts fonctionnaires en poste à Ottawa comprenaient qu’il était important politiquement que la majeure partie des activités soient situées en Ontario et au Québec, qui comptaient le plus grand nombre d’électeurs. Ils pouvaient agir à leur guise étant donné que le Parlement était dépourvu d’une Chambre haute ayant la légitimité de défendre les intérêts des provinces les moins peuplées.

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Pierre Trudeau protégea les intérêts de l’Ontario et du Québec lorsqu’il lança son Programme énergétique national (pen). De plus, il décida de réorganiser ses initiatives de développement régional en les orientant de plus en plus vers le Québec dans sa lutte contre le mouvement sécessionniste québécois. Pour sa part, Jean Chrétien centra le gros de ses efforts de développement économique sur l’Ontario et le Québec. En bon politicien de carrière, il comprenait mieux que quiconque que son succès reposait entre les mains de l’Ontario et qu’il n’y avait rien dans les institutions nationales qui l’empêchait de concentrer son attention sur l’Ontario et le Québec, où il y a beaucoup d’électeurs. On se souviendra que le gouvernement Chrétien subit de lourdes pertes lors des élections générales de 1997 dans l’Ouest canadien (ce qui était prévisible) et au Canada atlantique (contre toute attente). Les libéraux de Chrétien remportèrent 101  des 103  circonscriptions en Ontario, mais seulement 9 des 54 sièges dans les trois provinces des Prairies. Le gouvernement Chrétien subit des pertes importantes au Canada atlantique, dont celle deux ministres influents, Doug Young et David Dingwall. Chrétien vit même la défaite de Dominic LeBlanc, le candidat qu’il avait lui-même choisi dans son ancienne circonscription temporaire de Beauséjour, au Nouveau-Brunswick. De plus, le Parti libéral de Chrétien ne remporta aucun des 11 sièges en NouvelleÉcosse. Chrétien savait que l’Ontario, non le Canada atlantique et l’Ouest canadien, était crucial pour l’obtention d’un gouvernement majoritaire lors des prochaines élections. Puisque les provinces de l’Atlantique avaient tourné le dos à son gouvernement, le mieux qu’elles pouvaient espérer de ce politicien aguerri était une indifférence bienveillante, et c’est exactement ce à quoi elles eurent droit. Chrétien tourna le dos à la région un peu comme la région lui avait tourné le dos. Lors des exercices budgétaires qui suivirent l’examen des programmes, à la fin des années 1990, les discours du budget prévoyaient de nouvelles dépenses et de nouvelles mesures de développement économique. L’attention portait principalement sur l’économie ontarienne. Ainsi, le budget de 1999 accordait 200 millions de dollars à la Fondation canadienne pour l’innovation, 75 millions de dollars au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, 6 millions de dollars au Conseil national de recherches du Canada, 55  millions de dollars à la recherche et au développement en biotechnologie, 50 millions de dollars aux Réseaux de centres d’excellence, 150 millions de dollars à Partenariat technologique Canada et

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430 millions de dollars à l’Agence spatiale canadienne. Les retombées de ces dépenses étaient minimes dans les provinces de l’Ouest et de l’Atlantique. Le programme Partenariat technologique Canada était perçu pour ce qu’il était, un programme conçu pour répondre à la situation économique de l’Ontario et du Québec, qui ont toujours obtenu la plus grosse part du budget des programmes, tandis que l’Agence spatiale canadienne était considérée comme avantageuse surtout pour Ottawa et Montréal77. Le budget de 2000 n’avait pas davantage de quoi réjouir la région. Il prévoyait la création de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère, dotée d’un budget de 60 millions de dollars, mais établissait son siège social à Ottawa; il consacrait 46 millions de dollars à l’application nationale de mesures antipollution et au Plan d’action des Grands Lacs, et il accordait 900 millions de dollars à la Fondation canadienne pour l’innovation. De plus, il injectait 80  millions de dollars d’argent frais dans la Banque de développement du Canada, dont le siège social se trouve à Montréal, pour appuyer ses activités de financement78. Il n’y avait aucun mécanisme dans les institutions politiques nationales du pays pour éviter que l’élaboration des politiques et des programmes ne favorise les régions qui donnaient leur appui politique à Chrétien et ne pénalise les régions qui ne le faisaient pas. Stephen Harper a été porté au pouvoir grâce à un appui solide obtenu dans sa région de l’Ouest et en Ontario. L’Ouest canadien faisait valoir depuis longtemps qu’il voulait « être de la partie ». Dès les années  1980, Roger Gibbins a expliqué l’essence du sentiment d’aliénation des provinces de l’Ouest. Il s’agit, a-t-il écrit, d’«  une idéologie politique du mécontentement régional enracinée dans l’insatisfaction des Canadiens de l’Ouest au sujet de leur représentation au sein du gouvernement fédéral et de leur relation avec lui79 ». Le Parti conservateur de Stephen Harper a remporté 124  des 308 sièges lors des élections générales de 2006. Il a obtenu 48 des 56 sièges dans les trois provinces des Prairies et 40 sièges sur 106 en Ontario. Harper a cherché à atténuer le sentiment d’aliénation de l’Ouest et a connu un certain succès. Il a réformé les paiements de transfert fédéraux pour qu’ils soient calculés en fonction du nombre d’habitants, ce qui, comme nous l’avons vu plus tôt, a favorisé sa propre province, l’Alberta. Entre autres mesures, il a augmenté les fonds fédéraux destinés à l’infrastructure dans l’Ouest canadien, appuyé fortement le secteur de l’énergie et supprimé le monopole de la Commission canadienne du blé80. John Ibbitson, chroniqueur

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au Globe and Mail, a écrit que Harper «  a fait entrer l’Ouest au cœur du gouvernement fédéral81 », donnant ainsi à entendre que cela n’avait jamais été le cas auparavant. Peu après l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau, en octobre  2015, un fonctionnaire supérieur d’Affaires mondiales Canada a fait remarquer : « le Québec et l’Ontario sont de retour82 ». Justin Trudeau a envoyé un message important lorsqu’il a formé son Cabinet  : tous les portefeuilles clés sont allés à des ministres de l’Ontario ou du Québec, des Finances aux Affaires mondiales et aux Transports, en passant par Environnement et Changement climatique Canada. En plus d’abolir les ministres régionaux, Justin Trudeau a décidé que, pour la première fois, toutes les agences de développement régional relèveraient d’un ministre de l’Ontario.

ce q u i d iv is e l a p o p u l ati on canadi enne Le paysage politique canadien présente de profondes lignes de fracture géographiques. Les élections se gagnent ou se perdent dans deux ou trois provinces et elles se jouent sur les faux pas commis en cours de campagne, le travail des cellules de crise politique, la performance des chefs de parti lors des débats et l’enjeu ou les enjeux sur lesquels portent les élections. Les partis politiques ne font pas grand-chose par rapport à la question qui divise la population canadienne. Leur principal objectif est de fournir des candidats au moment des élections, mais toujours sous l’œil vigilant des chefs de parti et de leurs courtisans. La vie politique et la gouvernance au Canada sont maintenant gérées par le centre du pouvoir. Les premiers ministres gouvernent à partir du centre, et les dirigeants politiques gèrent les questions politiques depuis leurs bureaux. Les partis politiques canadiens n’ont aucun rôle à jouer à titre de médiateurs institutionnalisés qui définissent des solutions aux difficultés et aux conflits observés dans la société civile canadienne. Sur toutes les questions de fond auxquelles les Canadiens sont confrontés, les partis politiques sont des coquilles vides. Les partis politiques ont abdiqué leur responsabilité concernant la question la plus importante qui divise les Canadiens – le régionalisme – aux mains des chefs de parti et de leurs fidèles courtisans. La question est jugée trop importante et trop difficile à saisir pour être laissée à quelqu’un d’autre, pas même aux candidats des partis en période électorale, précisément au moment où la question devrait être débattue à fond.

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r e to u r e n a rri ère La désinstitutionnalisation des partis politiques s’est accélérée ces dernières années. De nombreux observateurs s’entendent maintenant pour dire que les partis politiques ne servent guère plus qu’à organiser des campagnes électorales. Les partis politiques sont désinstitutionalisés du fait qu’ils ont perdu leur statut dans la société et leur caractère institutionnel. Les partis politiques canadiens ont aussi perdu leur image de marque au profit de celle de leurs chefs. Les marques Trudeau, Harper ou Scheer sont maintenant tout ce qui compte au moment du scrutin. Une expertise politique de pointe, notamment celle de sondeurs et de stratèges politiques, est maintenant nécessaire pour définir et gérer la marque des partis politiques. Les candidats à l’élection au Parlement comptent maintenant pour 5 % du résultat électoral, et les membres des partis politiques sont tenus à l’écart de l’élaboration des politiques et des stratégies du parti. Un trop grand nombre de Canadiens et de Canadiennes estiment que la sphère politique est trop complexe pour qu’ils s’y engagent, ce qui les amène à s’en désintéresser ou à y voir une source de mécontentement. Des données indiquent maintenant que la scène politique canadienne est devenue la chasse gardée de ceux qui s’y engagent et de ceux qui ont les moyens d’embaucher des lobbyistes ou des politiciens professionnels qui obéiront à leurs ordres83.

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Les Communes : l’institution qui manque à ses obligations

Kelly Blidook sert un sérieux avertissement aux personnes élues au Parlement : « Il serait laborieux et probablement futile de faire valoir, dans les 120  prochaines pages, que le Parlement est important1.  » Personne n’est satisfait du Parlement, y compris de nombreux députés fédéraux. Les députés ont été qualifiés de « phoques savants » par Gordon Aiken et les députés de l’opposition, de « nullités » (nobodies) par l’ancien premier ministre Pierre E. Trudeau2. Ned Franks, l’un des plus grands spécialistes canadiens du Parlement, affirme que le rôle de député est « confus et obscur ». John Ibbitson, un chroniqueur très lu, écrit que « notre Parlement est devenu le plus dysfonctionnel du monde anglophone, plus faible et moins pertinent que le Congrès américain ou les parlements de Grande-Bretagne, d’Australie et de Nouvelle-Zélande ». Il ajoute : « Si la Grande-Bretagne est la mère des parlements, sa fille canadienne est déchue [...] Les députés ministériels sont intimidés; trop souvent, les comités parlementaires ne sont pas pertinents3. » Ce chapitre explore pourquoi le Parlement canadien est déchu. Walter Bagehot a assigné un certain nombre de fonctions à la Chambre des communes. Il a soutenu que les Communes ont le pouvoir de décider quels individus occuperont les postes de haute direction au sein de l’appareil gouvernemental, de leur demander des comptes et de les démettre de leurs fonctions politiques si les circonstances l’exigent. Bagehot a aussi assigné plusieurs fonctions délibératives aux Communes. Il considérait les Communes comme l’organe apte à donner une voix « aux sentiments, aux intérêts, aux opinions, aux préjugés, aux désirs de toutes les classes de la nation4 ». Il estimait également que les Communes doivent enseigner à la nation ce qu’elle ne sait pas, exprimer sa volonté et l’informer sur l’état des affaires du pays5.

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De nos jours, les Communes ne répondent pas aux attentes dans l’exercice de ces fonctions. Apparemment, personne ne croit que la Chambre des communes s’acquitte adéquatement de n’importe quelle des fonctions définies par Bagehot. Les analystes du gouvernement soutiennent que le rôle du Parlement, et plus précisément celui de la Chambre des communes, ne consiste pratiquement plus qu’à donner une légitimité démocratique à des décisions qui sont prises ailleurs6. Michael Atkinson et Paul Thomas écrivent que « le rôle du Parlement en matière de législation se limite à améliorer, à ratifier et à légitimer des décisions7 ». Le journaliste bien connu Andrew Coyne conclut que « rien dans notre système actuel ne fonctionne comme il le devrait. La domination de l’exécutif sur le Parlement et des chefs de parti sur les caucus s’étend à tous les aspects du système, du mode de nomination des candidats au processus d’élection des chefs de parti, du déroulement des élections à la façon dont le Parlement fonctionne ou ne fonctionne pas8. » Un sondage a révélé que seulement 27 % des Canadiens et des Canadiennes croient que la Chambre des communes traite de questions qui sont importantes pour eux9. Bon nombre de praticiens ou de personnes qui ont siégé à la Chambre des communes se sont montrés tout aussi critiques. Ainsi, Brent Rathgeber maintient que le gouvernement dirige le Parlement au lieu de lui rendre des comptes et il souligne que la Chambre des communes manque à ses obligations sur plusieurs fronts10. Les Communes jouent néanmoins un rôle constitutionnel essentiel : en dépit de la vaste superficie du Canada, des réalités économiques fort différentes de ses régions et de son système fédéral, seule la Chambre des communes décide qui formera le gouvernement du Canada, et c’est la seule institution légitime dans laquelle toutes les régions peuvent se faire entendre par l’intermédiaire de leurs députés.

l’ a r r iv é e à o ttawa Les députés fédéraux du Canada viennent d’horizons variés. Il n’est pas nécessaire d’avoir étudié à une université fréquentée par l’élite, d’avoir suivi une formation spécialisée ou même d’effectuer un stage pour devenir député. Les personnes élues au Parlement sont des avocats, des enseignants, des professeurs d’université, des travailleurs communautaires, des propriétaires de petite entreprise, des médecins et d’anciens fonctionnaires. Beaucoup sont des nouveaux venus : le roulement à la Chambre des communes du Canada est élevé comparativement à ce qu’on observe dans d’autres pays. Ils se joignent à

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des politiciens de carrière qui survivent aux élections habituellement parce qu’ils se présentent dans des circonscriptions sûres11. Les députés représentent un espace géographique, une circonscription, dont ils deviennent les porte-parole et en défendent les intérêts économiques et politiques. Pour la plupart des députés, c’est ce qui ressemble le plus à une description de leur emploi. Nous savons aussi que, selon certains indices, les politiciens qui tentent de se faire élire au Parlement pour promouvoir les intérêts de leur circonscription ont de meilleures chances d’être élus que ceux qui le font pour contribuer à l’élaboration des politiques, pour amener le gouvernement à rendre des comptes ou pour trouver des failles dans les prévisions de dépenses12. En outre, les députés du Parlement canadien ont beaucoup plus souvent l’occasion de donner à leur électorat le sentiment qu’ils agissent comme les porte-parole de leur circonscription plutôt que comme des personnes qui cherchent à demander des comptes au gouvernement. Les fonctions de la Chambre des communes telles que définies par Bagehot s’appliquent davantage à un État unitaire comme la Grande-Bretagne du 19e siècle qu’au Canada, où l’espace et le territoire dominent la vie politique.

au c u n e f o rmati on En général, les députés connaissent peu les usages du Parlement et du gouvernement à leur arrivée à Ottawa et ont une capacité limitée d’apprendre de l’expérience des autres. Un rapport non partisan, préparé par la Bibliothèque du Parlement sous la direction de trois députés, a résumé le défi : « Il faut huit ans pour former un médecin mais seulement 36 jours pour élire un député13. » Les députés apprennent rapidement que l’avant-midi le plus occupé à Ottawa est celui du mercredi, où ils ont des réunions de caucus régionaux de 7 h à 8 h 45 et une réunion du caucus national de chaque parti de 9 h à 11 h. Les trois grands partis ont tous des caucus régionaux et un caucus national, de sorte qu’il y a les caucus de l’Atlantique, du Québec, de l’Ontario et de l’Ouest. Dans le cas du Parti conservateur, le caucus régional de l’Ouest tient parfois aussi des caucus provinciaux. Les travaux quotidiens de la Chambre des communes, pour leur part, commencent à 14 h le mercredi. Il arrive que les réunions de caucus se transforment en «  séances de rouspétage  », selon les termes d’un député aux Communes14. Les députés peuvent « rouspéter » contre le chef du parti (seules les âmes courageuses oseront le faire si le chef est le premier ministre)

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ou un ministre du Cabinet pour un faux pas politique, contre des hauts fonctionnaires, à cause d’une erreur de la part du gouvernement ou du parti ou encore en raison d’un affront réel ou perçu subi par leur région. D’anciens premiers ministres fédéraux et provinciaux rapportent qu’ils avaient plus de difficulté à gérer les caucus que le Cabinet. C’est ce que m’a confié Frank McKenna à plusieurs occasions15. Brian Mulroney a dit la même chose à maintes reprises lors d’entrevues, et c’est à cause du caucus, non du Cabinet, que Jean Chrétien a connu des jours difficiles. Il se peut que des ministres soient expulsés du Cabinet16 – ils ont quelque chose à perdre – ce qui est moins le cas des députés d’arrière-ban, en particulier lorsqu’ils se sont résignés à ne pas accéder au Cabinet sous le premier ministre en poste. Les réunions de caucus se tiennent à huis clos et sous le secret17. Les députés fédéraux considèrent leur travail et le travail du gouvernement dans une perspective spatiale ou territoriale, celle du territoire qu’ils représentent. Ils s’identifient à leur circonscription, à la province et à la région qu’ils représentent  : tel est leur travail, et beaucoup croient que leur maintien en poste dépend de l’efficacité avec laquelle ils l’exécutent. Je me souviens d’une conversation que j’ai eue avec Maurice Dionne, député de NorthumberlandMiramichi aux Communes, au début des années  1980. Regardant par la fenêtre de son bureau les grues de chantier qui parsemaient le paysage du centre-ville d’Ottawa, il a dit : « Je voudrais seulement une de ces grues pour ma circonscription, une seule : c’est ce que je veux de mon gouvernement. » Voilà ce à quoi il mesurait son succès. Il comprenait que ses électeurs lui seraient reconnaissants de tout ce qu’il réussirait à obtenir pour sa circonscription. Il comprenait aussi qu’ils seraient peu sensibles au travail qu’il était susceptible de réaliser dans des comités à demander des comptes au gouvernement. Les députés ministériels sont libres d’exprimer les préoccupations de leur électorat et de comparer ce que le gouvernement accomplit dans leur circonscription et leur région avec ce qu’il accomplit dans d’autres circonscriptions et régions, ce qu’ils font souvent. Ils sont libres de critiquer les effets d’une politique nationale dans leur région et de mettre en garde contre la façon dont leur région accueillera une éventuelle initiative gouvernementale. Peu importe l’importance que les députés leur attachent, ces préoccupations se font toutefois entendre uniquement en caucus. Rarement a-t-on vu un député ministériel critiquer publiquement l’inaptitude d’une politique nationale à donner des résultats dans sa région. Il vaut mieux exprimer de tels commentaires en privé, lors des réunions du caucus régional ou national, ou d’une

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rencontre individuelle avec un ministre ou un agent du Cabinet du premier ministre (cpm). Il revient cependant au premier ministre ou au chef de parti d’établir un consensus au sein du caucus sur la voie à suivre concernant n’importe quelle question. À partir de ce moment, la discipline de parti s’impose. De plus, les députés ministériels apprennent bientôt qu’ils doivent être en bons termes avec le premier ministre et ses principaux conseillers pour faire avancer les dossiers chers aux électeurs de leur circonscription. Il vaut mieux ne pas les offenser. On a largement rapporté que le premier ministre Justin Trudeau a « attaqué verbalement » un député qui en était à son premier mandat, pour avoir soulevé des questions au sujet d’un projet de loi sur le contrôle des armes à feu. T.J. Harvey soutenait que le caucus n’avait pas suffisamment été consulté sur le projet de loi. Plusieurs députés ont rapporté que le premier ministre « s’en est pris » à Harvey d’une voix « particulièrement fâchée  », ce qui, ont-ils souligné, avait eu «  un effet intimidant » sur les futures discussions en caucus. Par ailleurs, des députés se demandent pourquoi le secrétaire principal de Trudeau et son chef de Cabinet assistent régulièrement aux réunions du caucus, auxquelles, insistent-ils, seuls les députés élus devraient assister. Je signale que, sous tous les premiers ministres précédents sauf Stephen Harper, les réunions du caucus étaient limitées aux députés élus18. Lorsque plusieurs députés ministériels critiquent publiquement une politique ou des décisions du gouvernement, on peut supposer que le premier ministre leur en a donné l’autorisation. Plusieurs députés ministériels ont critiqué ouvertement le projet du gouvernement de réformer l’impôt sur le revenu des petites entreprises en 2017, qui avait aussi des incidences pour des médecins et d’autres professionnels qui ont choisi de se constituer en personne morale afin de conserver des revenus. Le président du Comité des finances de la Chambre des communes, un député ministériel, a déclaré que les changements proposés avaient « déclenché un tollé sans précédent chez ses électeurs19 ». Le ministre des Finances a essuyé une pluie de critiques de la part de députés ministériels lors d’une réunion du caucus tenue en Colombie-Britannique au début de septembre 201720. Le premier ministre et ses conseillers ont décidé de faire marche arrière sur certains changements proposés et ont permis aux députés d’arrière-ban du parti de faire entendre publiquement certaines critiques et de s’attribuer le mérite dans leur circonscription d’avoir influencé le gouvernement. Je reconnais que, devant cette réaction négative, le premier ministre et ses courtisans ont jugé préférable

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de permettre aux députés ministériels de critiquer les changements proposés à l’impôt sur le revenu des petites entreprises au lieu de s’en tenir au projet de réforme. Par ailleurs, les députés ministériels du Canada atlantique – ce qui comprenait alors tous les députés de la région – et certains députés d’autres régions du côté de l’opposition ont exprimé des critiques à l’endroit du premier ministre Justin Trudeau, les premiers en privé et les seconds publiquement, parce qu’il songeait à abolir le seul siège réservé au Canada atlantique à la Cour suprême. Le juge Thomas Cromwell avait annoncé son départ à la retraite pour le 1er septembre 2016, et Justin Trudeau a déclaré qu’il ne pouvait pas « garantir que le plus haut tribunal du pays continuera de compter un juge issu des provinces de l’Atlantique21 ». De nombreux citoyens du Canada atlantique n’ont pas tardé à reprocher sa position à Trudeau, soutenant qu’elle était contraire à une convention constitutionnelle et que le premier ministre ne songerait jamais à retirer une nomination à la Cour suprême aux régions plus peuplées du pays. L’Atlantic Provinces Trial Lawyers Association a décidé d’avoir recours aux tribunaux pour faire valoir que le gouvernement serait obligé de modifier la Constitution s’il voulait abandonner la convention constitutionnelle non écrite que constitue la représentation régionale à la Cour suprême22. Dans un premier temps, les députés du Canada atlantique se sont tenus cois, du moins publiquement. C’est aux avocats plaidants et aux universitaires qu’on a laissé le soin de défendre le maintien du siège du Canada atlantique à la Cour suprême23. La pression a augmenté avec le temps, puis les députés de l’Atlantique ont clairement indiqué au sein de leur caucus régional que la question posait de sérieux problèmes dans leurs circonscriptions. Le porte-parole de l’opposition en matière de justice, Rob Nicholson, a déposé une motion pour demander au gouvernement de « respecter la coutume en matière de représentation régionale [...] notamment dans le processus de remplacement du juge Thomas Cromwell, représentant du Canada atlantique à la Cour suprême, qui prend sa retraite24 ». Trudeau a avisé ses députés du Canada atlantique qu’il avait changé d’idée et qu’il appuierait la motion, qui a été adoptée à l’unanimité25. Cependant, lorsqu’un premier ministre dit au caucus d’appuyer le gouvernement dans tous les dossiers, les députés du parti ministériel l’écoutent. Plusieurs députés ministériels des provinces de l’Atlantique m’ont confié lors de conversations privées qu’ils étaient mécontents lorsque le premier ministre a nommé un député

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de l’Ontario, Navdeep Bains, à la tête de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (apeca). Ils tenaient cependant un discours bien différent lorsqu’ils s’adressaient aux médias. Ils disaient appuyer la nomination ou n’émettaient aucun commentaire. L’un d’eux a déclaré aux médias locaux que la nomination d’un député du Centre du Canada à la tête de l’apeca augmentait la présence des provinces de l’Est à la table du Cabinet26. La discipline de parti a eu gain de cause. La discipline de parti a maintenant atteint un degré qu’on n’avait pratiquement jamais vu dans les premières années de la Confédération. Les partis politiques ne faisaient que commencer à prendre forme en 1867 et, comme Jean-François Godbout et Bjørn Høyland l’ont noté, le comportement partisan et la discipline de parti ne devinrent évidents qu’au début du 20e siècle27. C’est dans les premières législatures que l’on en vint à qualifier de « poissons flottants » un certain nombre de députés qui ne marchaient pas toujours au même pas que leur parti28. Ils accordaient leur appui en échange de quelque avantage pour leur circonscription. Il vaut la peine de citer un long extrait des propos de Jonathan Lemco sur la discipline de parti durant les premières années d’existence du Canada : « Les membres n’étaient pas particulièrement soucieux d’agir avec cohésion pour favoriser l’atteinte des objectifs du parti. Ils visaient surtout à se retrouver du côté des gagnants pour être à même d’obtenir tous les avantages possibles pour leur circonscription. Leur indépendance donnait à la Chambre des communes son caractère collectif et son contrepoids le plus important au pouvoir exécutif29. » Les députés n’hésitaient pas à voter contre leur parti; par exemple, 72 % des députés votèrent contre leur parti en 186730. De plus, le gouvernement de John A. Macdonald fut battu six fois lors de votes sur des projets de loi gouvernementaux et deux fois lors de votes sur les crédits. Il importe de souligner que Macdonald ne jugea pas nécessaire alors de recommander au gouverneur général de dissoudre le Parlement et de déclencher des élections générales31. Les orientations des partis politiques n’étaient pas clairement définies durant un certain temps après la Confédération. Macdonald, par exemple, dirigea le Parti libéral-conservateur jusqu’en 1873. Un certain nombre de députés de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick qui siégeaient aux Communes étaient opposés à la Confédération et avaient leurs propres considérations partisanes. Ils ne souhaitaient pas se ranger du côté d’un parti politique aux dépens des régions qu’ils représentaient. Dans leur examen de l’évolution des partis politiques

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canadiens entre 1867 et 1908, Godbout et Høyland démontrent que «  les liens régionaux entre les députés des Communes s’affaiblirent progressivement au détriment de l’esprit partisan32 ». L’esprit partisan et la discipline de parti sont indissociables et les lignes partisanes font maintenant la loi au Parlement, un phénomène de plus en plus évident avec l’arrivée des campagnes électorales permanentes et des nouveaux médias. Michael Ignatieff a dit de l’esprit partisan qu’il était l’« essence de la lutte politique », expliquant : « Vous vous joignez à une équipe, choisissez un chef, lancez une plateforme puis vous marchez au combat contre ceux qui sont de l’autre côté. L’esprit partisan, c’est faire passer la ligne de parti en premier et votre jugement personnel en second. La loyauté est le code moral de l’esprit partisan, la valeur qui prime toutes les autres. Une fois que vous devenez partisan, vous pénétrez dans une bulle d’information sur la prise de positions politiques. Vous abjurez les membres des autres partis, vous ne leur tenez pas compagnie et vous les définissez comme étant tout ce à quoi vous êtes opposé. L’esprit partisan définit le monde que vous considérez comme normal33. » La politique partisane est un sport d’équipe. Si vous allez contre l’avis de votre équipe, vous êtes déloyal envers l’équipe et envers votre chef. La première chose que les nouveaux députés apprennent en arrivant à Ottawa, c’est que la loyauté, l’esprit partisan et la discipline de parti ont préséance sur tout le reste. Vous êtes des joueurs d’équipe, ou bien vous êtes des nullités que votre caucus évite. Les spécialistes de la politique canadienne insistent pour dire que la discipline de parti au sein du Parlement canadien est la plus rigide du monde. Selon Richard Simeon, « nous sommes pires que les Australiens et bien pires que les Britanniques pour ce qui est de donner aux députés la capacité d’agir et de faire bouger les choses ». Leslie Seidle ajoute : « À l’exception peut-être de certaines dictatures africaines qui sont membres du Commonwealth, il n’existe nulle part dans les démocraties parlementaires avancées une discipline de parti plus lourde, plus rigoureuse que dans la Chambre des communes du Canada. Des gens y sont expulsés temporairement de leur parti pour des questions vraiment mineures34. » Les députés en Grande-Bretagne sont beaucoup plus enclins à défier leur chef de parti que ce n’est le cas au Canada, et la discipline de parti en Grande-Bretagne ou en Australie est beaucoup moins rigide qu’ici. Les députés ambitieux savent qu’il est essentiel de suivre la ligne de parti pour avoir du succès à Ottawa  : cela fait partie du jeu. L’objectif primordial des députés consiste à se faire réélire, et c’est

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là que la loyauté entre en jeu35. La loyauté est la pierre angulaire de la lutte politique et ce qu’il y a de plus précieux pour les chefs de parti. Plus précisément, la loyauté est récompensée et la déloyauté, sévèrement punie. Les chefs de parti disposent de divers leviers pour assurer la loyauté et faire respecter la discipline de parti : le pouvoir de nommer les membres du Cabinet, les secrétaires parlementaires et le Cabinet fantôme, la capacité même de décider qui sera le candidat ou la candidate du parti aux élections et la croyance populaire voulant que la population canadienne vote pour les chefs de parti et leur marque, non pour des candidats locaux. Ils choisissent qui sont les membres des comités et même qui prendra la parole lors de la période des questions. La discipline de parti est considérée comme un élément essentiel de la victoire électorale, comme la nécessité de présenter un front uni et d’éviter de mettre le chef du parti dans l’embarras politique. Un député qui ne se range plus derrière le chef de son parti est assuré de faire les manchettes, ce qui a toujours des répercussions négatives pour le chef. En revanche, un député qui appuie toujours ouvertement le chef de son parti et qui suit la ligne de parti y gagnera sur le plan personnel. L’ancien député fédéral David Kilgour explique : « Un député “loyal” qui vote selon la ligne de parti sera candidat à une promotion – peut-être au Cabinet, s’il est membre du parti au pouvoir – ou à d’autres avantages de la part du parti tels que des voyages intéressants ou une nomination à un comité parlementaire intéressant [...] Dans ce contexte, le véritable serment d’office pour la plupart des honorables membres de tous les partis est peut-être un serment de “solidarité avec mon caucus, et au diable mes électeurs”36. » Au Canada, les députés qui défient ouvertement leur chef se font souvent montrer la porte. Stephen Harper a expulsé Bill Casey du caucus lorsque celui-ci a voté contre le budget en affirmant qu’il coûterait jusqu’à un milliard de dollars à la Nouvelle-Écosse37. Jean Chrétien a écarté John Nunziata du caucus après la décision de celui-ci de voter contre le budget parce que le gouvernement ne respectait pas son engagement électoral d’abolir la taxe sur les produits et services (tps)38. David Kilgour, qui a été expulsé du caucus ministériel avec deux de ses collègues pour avoir voté contre la tps, explique qu’« un député expulsé est forcé de siéger comme indépendant et est pratiquement excommunié du processus politique39 ». Les députés ministériels savent ou devraient savoir qu’il existe une convention de longue date selon laquelle un vote contre le budget équivaut à l’expulsion du caucus. Il y a toutefois d’autres raisons moins

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évidentes de se faire expulser du caucus. On se rappellera que Garth Turner a été chassé du caucus parce qu’il tenait un blogue, Hunter Tootoo pour avoir eu une liaison avec une employée de son cabinet, et Carolyn Parrish pour avoir piétiné une poupée de George W. Bush40. La tenue d’un vote libre aux Communes permet parfois de relâcher la discipline. Les votes libres sont cependant peu fréquents au Canada. Non seulement ils sont rares, mais ils ont tendance à transcender les lignes de parti et portent souvent sur des questions de moralité et de conscience telles que la peine de mort, l’avortement et le mariage entre conjoints de même sexe. Le Canada a bien essayé d’introduire le système de vote à trois catégories, une pratique utilisée en Grande-Bretagne, mais a obtenu en fin de compte un succès limité. Le concept fonctionne de la façon suivante : 1 Lors des votes de première catégorie, tous les députés du parti ministériel, y compris les ministres, sont libres de voter comme bon leur semble. 2 Lors des votes de deuxième catégorie, le gouvernement recommande la position qu’il privilégie, et les ministres ainsi que les secrétaires parlementaires sont tenus de voter comme le gouvernement. 3 Les votes de troisième catégorie sont réservés aux questions de confiance et tous les députés du parti au pouvoir sont tenus de voter comme le gouvernement41. Le concept fonctionne en Grande-Bretagne où, à l’occasion, les députés ministériels défient même le système de vote à trois catégories. Rappelons, par exemple, que 81 députés ministériels ont voté en faveur d’une motion pour la tenue d’un référendum sur le Brexit, en opposition au chef de leur parti42. En Grande-Bretagne, Margaret Thatcher a perdu quatre votes aux Communes, John Major six, Tony Blair quatre, David Cameron six, tous des votes de troisième catégorie. Au Canada, Stephen Harper n’a perdu aucun vote soumis à la discipline de parti, ni Justin Trudeau43. Le concept a suscité peu d’intérêt au Canada depuis son introduction par le gouvernement de Paul Martin, en 200444. Bref, peu de députés au Canada sont prêts à briser les rangs avec leur parti, du moins publiquement. Comme l’affirme Jonathan Malloy, les partis représentés à la Chambre des communes du Canada sont très disciplinés «  même par rapport au modèle de Westminster45 ». Mais comment expliquer que la discipline de parti

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est plus forte au Canada qu’en Grande-Bretagne, en Australie ou en Nouvelle-Zélande étant donné que ces pays sont tous dotés d’un système de gouvernement inspiré du modèle parlementaire de Westminster? Pourquoi les chefs de parti au Canada sont-ils moins tolérants envers la dissidence que leurs homologues britanniques?

p o u rq uoi ? Je soutiens que les chefs de parti canadiens se sentent souvent obligés de tenir la bride haute à leurs députés afin de maîtriser le facteur régional, et la maîtrise du facteur régional reflète les intérêts de l’Ontario et du Québec, provinces à forte rentabilité électorale46. Même si l’on exclut le Sénat, où chaque État, petit ou grand, compte un nombre égal de sénateurs, les États-Unis ont d’autres façons de permettre au facteur régional de s’exprimer. Par exemple, des États américains ont formé des blocs régionaux ou territoriaux à maintes occasions pour la tenue de certains votes. Les représentants des partis républicain et démocrate ont la possibilité de voter en bloc, ce qu’ils font effectivement, et ils travaillent souvent main dans la main dans des comités pour promouvoir les intérêts régionaux47. La Nouvelle-Angleterre, la Ceinture de soleil et les États des Rocheuses figurent parmi les blocs régionaux d’États américains. Le bloc du Sud, comme on le sait, a joué un rôle déterminant dans l’obtention de dépenses militaires et spatiales qui ont contribué à la relance économique dans la Ceinture de soleil : la coalition de démocrates et de républicains du Sud a remporté 85 % des votes qu’elle a cherché à influencer48. Le vote régional ou en bloc est une pratique inconnue au Canada; la discipline de parti et les campagnes électorales permanentes ne le permettent tout simplement pas. Les députés en Grande-Bretagne, nous l’avons vu, sont plus disposés à voter contre la ligne de parti. D’une part, les votes de défiance y sont beaucoup plus explicites que ce n’est le cas au Canada. D’autre part, la polarisation idéologique des partis politiques britanniques est beaucoup plus forte que chez leurs pendants canadiens. Jonathan Lemco estime qu’il n’existe entre les deux grands partis canadiens que « quelques différences réelles quant à leurs initiatives de politique publique et à leurs croyances idéologiques [...] Par conséquent, la ligne est souvent mince entre les deux partis, qui doivent maintenir une discipline de parti rigoureuse pour éviter que les députés ne votent contre la ligne de parti49. » Robert Jackman souligne que la stricte discipline de parti au Canada a entravé la capacité des partis politiques de devenir des organes

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efficaces d’intégration nationale, ce qui, croit-il, explique pourquoi le Canada tire de l’arrière sur d’autres pays en matière de promotion de l’intégration nationale50. Les députés canadiens n’ont pas la liberté de répondre aux pressions régionales devant le Parlement ou en public de crainte que cela ne soit perçu comme une critique à l’endroit du chef de parti. Étant donné qu’elles peuvent avoir pour effet de jeter de l’huile sur le feu, les chefs de parti et leurs conseillers surveilleront de près les activités des députés pour éviter qu’elles ne suscitent une escalade des tensions régionales ou l’émergence d’un problème pour le parti dans une autre région. Les efforts déployés pour gérer les tensions régionales à partir du bureau du chef de parti afin de les maîtriser ont favorisé du même coup l’essor de tiers partis au Canada, qui souvent sont des formations à caractère régional51. On s’accorde généralement à dire que le Parlement canadien et les députés ministériels sont peu en mesure de restreindre le pouvoir du premier ministre52. Les partis politiques n’ont pas vraiment non plus l’influence nécessaire pour contrer le pouvoir du premier ministre. Brian Tobin, qui a été un député de longue date et un membre en vue du Cabinet, déplore la décision d’accorder aux chefs de parti le pouvoir d’accepter ou de rejeter une candidature à l’investiture du parti. Il affirme que les règles maintenant en place traduisent « un déplacement radical du pouvoir des associations de circonscription et des organisations provinciales vers le chef national et le comité de la campagne nationale53 ». On se souviendra que Justin Trudeau a fait volte-face sur son engagement de mettre fin à la pratique de protéger les députés sortants contre une opposition à leur investiture. Le Parti libéral a décidé en 2018 que les députés sortants qui rempliront certaines conditions seront choisis par acclamation comme candidats lors des élections de 201954. Les nombreux rapports portant sur le déclin du Parlement qui ont été déposés ont souvent mis l’accent sur la nécessité de faire des députés plus que de simples « phoques savants55 ». Un tel objectif a de vastes répercussions non seulement sur l’intégration nationale, mais aussi sur la capacité d’obliger le gouvernement à rendre des comptes. C’est particulièrement évident en ce qui a trait à la gestion des dépenses publiques. Robert Marleau, un ancien greffier de la Chambre des communes très respecté, affirme que la Chambre des communes s’est « presque soustraite à sa responsabilité constitutionnelle à l’égard des crédits56 ». Le Parlement inspiré du modèle de Westminster a le pouvoir de lever des impôts et de dépenser les fonds publics, ou du moins il

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devrait l’avoir. Ni le premier ministre, malgré la multitude de leviers du pouvoir dont il dispose, ni le Cabinet ou la fonction publique ne peuvent lever des impôts ou dépenser un seul dollar des fonds publics sans en obtenir l’autorisation préalable et explicite du Parlement57. Comme l’ont montré les chapitres précédents, le Parlement s’est taillé un rôle constitutionnel au prix de luttes avec la Couronne pour le pouvoir de lever des impôts et de dépenser.

l e s t r avau x d es crédi ts : che rc h e r u n e a ig u il l e da ns une botte de foi n Les députés doivent bien comprendre l’importance du budget. La Chambre des communes du Canada a le pouvoir de défaire un gouvernement en lui refusant des crédits. En outre, le budget précise, dans les termes les plus clairs, qui sont les gagnants, qui sont les perdants et qui reçoit combien du gouvernement, en dollars et en cents. Deux analystes du gouvernement ont fait observer que « la budgétisation est le rituel annuel le plus important du gouvernement, les séries mondiales du gouvernement ou peut-être la Coupe Grey du gouvernement dans le contexte canadien58 ». Pour les députés, le budget est le moment de vérité. Ils comprennent les effets politiques d’une hausse ou d’une baisse de l’impôt et, mieux que quiconque, les conséquences d’une augmentation ou d’une réduction des dépenses dans leur circonscription. Les ministres aussi s’intéressent beaucoup au processus budgétaire  : ils savent qu’ils seront évalués d’après leur capacité à aller chercher une part du gâteau pour leur circonscription. Ils considèrent que leur capacité à obtenir des fonds pour des initiatives réalisées dans leur circonscription et pour leur ministère est le moyen le plus objectif d’évaluer leurs résultats tant au sein du gouvernement que dans leur région.

e n q u ê t e d ’ u n e soluti on De nombreuses études se sont penchées sur le déclin du Parlement et le rôle des députés, particulièrement au cours des 40  dernières années. Les publications ou les rapports qui allèguent que tout va pour le mieux au Parlement sont très rares. Nous avons néanmoins un catalogue de rapports contenant des recommandations qui visent à renforcer le rôle des députés. Le rapport McGrath, le rapport Bennett-Grey, divers rapports de l’organisme Samara et des discours et des articles produits par de nombreux députés réclament

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tous une réforme du Parlement qui renforcerait le rôle des députés59. Invariablement, les chefs de parti promettent aux députés qu’ils auront davantage leur mot à dire lorsqu’ils siègent dans l’opposition, mais leur promesse reste sans effet une fois qu’ils deviennent premiers ministres. Bien souvent, ils font plutôt le contraire60. La population canadienne devrait pouvoir compter sur les députés pour assurer que le gouvernement gère efficacement les ressources publiques. Le gouvernement canadien souligne que « le Parlement dispose d’un vaste éventail de moyens pour obliger le gouvernement à rendre des comptes. Le plus ancien et celui qui s’avère encore l’un des moyens les plus efficaces, est le contrôle des fonds publics61. » La Bibliothèque du Parlement fait valoir que « l’étude des prévisions budgétaires des ministères leur offre l’occasion de critiquer, voire de modifier les affectations de crédits. En effet, les règles concernant les comités autorisent les députés à accepter, à réviser à la baisse ou même à rejeter purement et simplement les propositions budgétaires gouvernementales62. » Le rapport de la Bibliothèque nationale poursuit : « L’examen des dépenses gouvernementales est par conséquent un élément essentiel de la fonction de surveillance des députés63. » Cependant, tout ne se passe pas comme le gouvernement ou la Bibliothèque du Parlement l’envisage. Le gouvernement a tenté à plusieurs reprises, sans grand succès, de réformer son processus budgétaire. J’ai relevé ces diverses tentatives, depuis l’établissement du budget par objet de dépenses jusqu’au système de gestion des secteurs des dépenses (sgsd) en passant par la rationalisation des choix budgétaires (rcb), dans mon livre The Politics of Public Spending in Canada. Il serait inutile de revenir sur ces explications. Notons simplement que toutes les réformes ont échoué lamentablement et que le sgsd et la rcb ont été jetés par-dessus bord quelques années seulement après leur adoption. J’ai cherché à expliquer dans l’ouvrage, par une analogie, les raisons pour lesquelles les réformes ont échoué  : «  Dix personnes se rencontrent pour la première fois pour dîner. Elles doivent décider si elles vont partager une seule addition ou demander 10 additions séparées. En théorie, si elles décident de partager une seule addition, elles choisiront les plats les plus chers. Mais si chaque personne paie séparément, elles feront probablement des choix différents  : personne ne voudra se priver des plats les plus savoureux tout en payant pour que d’autres les aient64. » Ainsi peut-on résumer la politique des dépenses publiques au Canada  : le régionalisme, la politique de l’envie régionale et les pressions des ministères en faveur

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d’une augmentation des dépenses alimentent de nouvelles demandes de dépenses publiques, et aucun processus budgétaire constitué judicieusement ne peut résister à la pression. Il en résulte que le premier ministre et le ministre des Finances, et tout particulièrement le premier ministre et ses courtisans, décident de l’affectation des crédits, fin de la discussion. Les premiers ministres Trudeau père, Mulroney, Chrétien, Harper et Trudeau fils ont tous renoncé à la capacité du Cabinet de gérer le processus budgétaire du gouvernement. Quand les ministres du Cabinet se réunissent lors d’un dîner pour examiner les besoins budgétaires, ils et elles ont tendance à commander les plats les plus chers dans l’espoir que la région qu’ils représentent ou le ministère qu’ils dirigent obtiendra une part des dépenses. Les premiers ministres ont écarté les ministres de la table et décidé de s’asseoir avec le ministre des Finances pour prendre toutes les décisions budgétaires importantes. Les ministres qui souhaitent obtenir de nouvelles dépenses plaident maintenant leur cause devant le premier ministre, non devant le Cabinet ou même le ministre des Finances. En somme, il revient au premier ministre et au ministre des Finances de choisir le menu du dîner et, de concert avec les conseillers principaux du cpm, le Bureau du Conseil privé et le ministère des Finances, la portion que chacun obtient. Les premiers ministres et leurs courtisans savent mieux que quiconque où se trouvent les votes requis pour former le gouvernement. Malgré ses efforts récents pour démontrer qu’il devient un acteur indépendant plus crédible et non partisan, le Sénat n’a pas tellement eu son mot à dire au fil des ans sur le processus budgétaire.

q u ’ e n e s t- il du parlement? Imaginez que vous êtes une députée ou un député nouvellement élu aux Communes. Certains députés ont de l’expérience en conduite des affaires publiques, mais la plupart n’en ont pas. Certains ont de l’expérience en gestion, beaucoup n’en ont pas. Certains ont de l’expérience en budgétisation, la plupart n’en ont pas. Les députés ont une longue liste de tâches à accomplir à leur arrivée au Parlement. Ils doivent embaucher du personnel pour leur bureau à Ottawa et leur bureau de circonscription, et certains d’entre eux n’ont jamais embauché ou géré de personnel avant leur élection au Parlement. Ils doivent établir les procédures administratives à l’intention du personnel chargé du courrier, des appels téléphoniques, des acquisitions et des relations avec les médias.

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De nombreux députés nouvellement élus doivent aussi se familiariser avec la façon dont les travaux se déroulent à Ottawa et beaucoup se tournent vers les députés chevronnés en guise de modèles. Les députés chevronnés insisteront sur l’importance de la discipline de parti et la nécessité de soulever des questions litigieuses en privé seulement et d’éviter de créer des problèmes embarrassants pour le chef de parti. Les députés ambitieux apprennent rapidement à obéir à ces règles d’or pour promouvoir leur propre avancement professionnel et aider leur parti à remporter les prochaines élections. Qu’en est-il de l’un des rôles les plus importants que Bagehot a définis pour les députés, soit amener le gouvernement à rendre compte de ses dépenses? Les députés sont assis au bout de la chaîne de montage dans le processus budgétaire. Au moment où le gouvernement dépose le budget et les prévisions aux Communes, il a examiné toutes les demandes concurrentes et pris toutes les décisions. Des milliers et des milliers de pages sont déposées chaque année devant le Parlement et soumises à l’examen des députés. Ce processus donne toutefois très peu de résultats. Je ne connais personne qui serait prêt à soutenir que le Parlement est en mesure de demander des comptes au gouvernement sur des questions budgétaires ou que les députés jouent un rôle appréciable dans l’examen des plans de dépenses du gouvernement. Je connais toutefois de nombreux interlocuteurs crédibles qui affirment le contraire. Sheila Fraser, ancienne vérificatrice générale du Canada, a déclaré avant de quitter son poste que les députés manquent à leurs obligations envers la population canadienne relativement à l’un de leurs rôles les plus fondamentaux : l’examen des prévisions de dépenses annuelles65. Herb Gray, un député chevronné qui connaît bien la façon dont fonctionne le Parlement, explique : « l’étude des prévisions budgétaires est devenue plutôt superficielle, et les dépenses gouvernementales ne font l’objet d’aucun débat parlementaire avant que le gouvernement ait établi ses priorités66 ». Shawn Murphy, l’ancien président du Comité des comptes publics des Communes, a bien fait ressortir le problème lors d’une réunion avec des hauts fonctionnaires. Il leur a dit d’insérer des pages blanches dans les documents budgétaires qu’ils envoyaient au Parlement pour voir si quelqu’un parmi les députés le remarquerait, prédisant que personne ne s’en rendrait compte. Il a rappelé au Comité que le ministère de la Justice avait tout simplement « oublié » d’inclure les états financiers du registre des armes à feu, une initiative controversée dont les médias ont fait grand cas. Personne ne l’a

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remarqué et encore moins n’a soulevé de questions à ce sujet67. Lowell Murray, un ministre très respecté au sein du gouvernement Mulroney, a affirmé : « Le Parlement, plus précisément la Chambre des communes, a permis durant plus d’une quarantaine d’années que son pouvoir le plus fondamental, le pouvoir de dépenser, devienne lettre morte, et que le processus d’étude des crédits et des budgets des dépenses devienne un rituel vide de sens68. » Les députés du parti au pouvoir sont censés appuyer le budget et les prévisions sans poser de questions. Les députés de l’opposition, de leur côté, sont censés y trouver des failles. Peu d’entre eux, cependant, prendront le temps de scruter les montagnes de documents déposés devant le Parlement. Leur personnel et eux suivront de près les nombreux reportages dans les médias pour repérer ceux susceptibles d’engendrer des questions ou de faire l’objet d’un clip de 15 secondes au bulletin de nouvelles du soir. Parmi les nombreux exemples de tels reportages, mentionnons «  Over $350-Million Spent to Clean Up Abandoned Mine in Yukon and Not an Inch Has Been Remediated69 » (Plus de 350 M$ dépensés pour le nettoyage d’une mine abandonnée au Yukon sans qu’un pouce de terre ait été assainie). Pour leur part, les ministères riposteront en fournissant des informations bien contrôlées qu’il est difficile de contester. Ainsi, le ministère des Finances soutient qu’il joue le « rôle essentiel d’aider le gouvernement du Canada à concevoir des politiques sociales et économiques qui permettront d’améliorer davantage le niveau de vie et la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiens, de leurs familles et de leur collectivité pour les années à venir ». Et il ajoute qu’il accomplit son travail en comptant « moins de 1 000 employés »70. Comment un député – ou n’importe qui, d’ailleurs – peut-il savoir qu’un ministère des Finances comptant un millier d’employés en donne pour son argent à la population canadienne? Considérez les faits suivants  : Le ministère des Finances est un organisme central et ne fournit pas directement de programmes à la population canadienne. Plusieurs autres organismes centraux du gouvernement fédéral – le Cabinet du premier ministre, le Bureau du Conseil privé et le Secrétariat du Conseil du Trésor (doté d’un personnel de 1  800  employés) – sont en mesure d’affirmer qu’eux aussi jouent le rôle essentiel d’aider le gouvernement à concevoir des politiques sociales et économiques. Dix gouvernements provinciaux et trois territoires ont aussi un ministère des Finances qui s’acquitte de tâches semblables. Le ministère des Finances pourrait-il donner d’aussi bons résultats s’il ne comptait que 700 ou même 500 employés? Personne ne le sait, sinon peut-être les

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fonctionnaires du ministère des Finances et ils ne le diront jamais – pourquoi le feraient-ils? Les députés peuvent consulter une myriade de documents produits par le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances pour y trouver des réponses. Je leur souhaite bonne chance. Je ne peux faire mieux que de citer un extrait du discours qu’un haut fonctionnaire du Secrétariat du Conseil du Trésor a livré lors du Colloque sur le secteur public de 2016. Il a écrit : « Nous avons produit de nombreux rapports qui n’ont pas été très lus, ainsi qu’une grande quantité d’informations de moindre qualité sur les résultats71. » Un consultant embauché pour aider le Secrétariat à revoir sa manière de travailler a déclaré qu’il est peu probable que la production de rapports moins détaillés sur les résultats se traduirait par une perte importante d’informations utiles aux parlementaires et au public. Personne, semble-t-il, n’a demandé pourquoi on avait produit ces informations au départ. La Politique sur la structure de la gestion, des ressources et des résultats (sgrr) d’Ottawa a été la dernière d’une longue série de mesures en matière de gestion des dépenses publiques et de présentation de rapports au Parlement. Elle n’a pas donné de meilleurs résultats que les mesures précédentes et a été rejetée par le nouveau gouvernement de Justin Trudeau peu après son entrée en fonction. On nous dit que la sgrr présentait les lacunes suivantes : « elle a été jugée “inefficace” parce qu’elle “imposait un fardeau inutile” aux ministères en leur demandant des données trop détaillées sur les programmes et parce que les rapports qui en résultaient étaient “sans grand intérêt pour les parlementaires, les gestionnaires publics et la population72” ». Le gouvernement de Justin Trudeau a tenté d’appliquer encore une autre méthode, intitulée Politique sur les résultats, adoptée le 1er juillet 2016. À l’instar des initiatives précédentes, cet outil est conçu pour contribuer à une meilleure réalisation des résultats, permettre une meilleure compréhension des résultats à atteindre et déterminer clairement les ressources à utiliser pour y parvenir. Il est aussi destiné à assurer que « les parlementaires et le public reçoivent des informations transparentes, claires et utiles73 ». Le gouvernement ajoutait que la nouvelle méthode assurerait que les « ressources sont attribuées afin d’obtenir un rendement permettant d’optimiser les résultats74 ». C’est exactement ce qu’Ottawa déclara, presque mot pour mot, lorsqu’il introduisit la rationalisation des choix budgétaires (rcb) en 196875. Le gouvernement fédéral n’a jamais expliqué pourquoi

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la nouvelle méthode devrait marcher là où la rcb a échoué. Il n’a jamais fait allusion à la rcb lorsqu’il a présenté sa nouvelle mesure malgré les ressemblances évidentes entre les deux. On ne peut qu’en conclure que la mémoire institutionnelle est inexistante au sein de l’appareil gouvernemental fédéral. Il y a un fossé qui sépare le Parlement et le gouvernement à bien des égards, mais nulle part n’est-ce plus évident que dans la gestion des dépenses publiques. La responsabilisation, l’une des fonctions les plus importantes du Parlement, sinon la plus importante, en est la première victime. La responsabilisation se heurte à divers obstacles, à commencer par le fait que tous les principaux acteurs politiques ont intérêt à rogner sur les exigences en matière de reddition de comptes. D’une part, les députés ont peu à gagner à lire des rapports d’évaluation – et n’ont peut-être pas les compétences pour le faire –, d’autre part, les hauts fonctionnaires ont peu de raisons de produire des rapports d’évaluation révélateurs et accessibles sur leurs programmes ou leurs activités. Les députés visent deux objectifs primordiaux  : rendre leur parti politique et, en particulier, leur chef de parti attrayants pour les électeurs, et promouvoir du mieux qu’ils le peuvent les intérêts de leur circonscription. Les députés du parti ministériel ne vont pas soulever des questions délicates au sujet des dépenses publiques de crainte de faire mal paraître le premier ministre ou le gouvernement. Les députés de l’opposition, eux, ont intérêt à exiger le respect des obligations redditionnelles, mais pas les moyens de l’imposer. Les fonctionnaires ont tout intérêt à exercer leurs fonctions sans attirer l’attention sur eux. Attirer l’attention, que ce soit à l’intérieur du Parlement ou dans les médias, est un moyen assuré de freiner l’avancement de sa carrière76. Si le gouvernement a pour objectif d’encourager le Parlement ou les députés à s’intéresser à ses plans de dépenses, il doit alors faire tous les efforts possibles pour présenter ses plans de dépenses dans un format clair et très facile à comprendre. Il ne le fait pas. Si le gouvernement veut capter l’attention des députés lors du dépôt de ses plans de dépenses, il faut qu’il donne à ceux-ci un sens concret en présentant les prévisions par région ou d’une façon et dans un format qui interpelleront les députés. Au risque de me répéter, je rappelle que les députés pensent toujours en termes d’espace ou de régions. Or, à quelques exceptions près, les plans de dépenses sont élaborés par secteur, par exemple la santé, l’agriculture et les ressources naturelles. Ils sont ensuite présentés dans « une grande quantité d’informations de moindre qualité sur les résultats », selon la description d’un haut

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fonctionnaire du Secrétariat du Conseil du Trésor, si bien que «  les Canadiens et les parlementaires ont du mal à comprendre ce que font les ministères et dans quelle mesure ils le font bien »77. C’est loin d’être une méthode « facile à utiliser » pour les députés. Par ailleurs, il y a peu de mesures qui incitent les hauts fonctionnaires à produire des rapports d’évaluation précis, bien documentés et révélateurs, ou à produire des documents budgétaires qui adoptent une perspective régionale. D’une part, les premiers ministres et leurs courtisans n’en font pas la demande, préférant ne pas attirer l’attention des députés et des médias sur les prévisions budgétaires tant qu’ils n’annonceront pas les engagements de dépenses. D’autre part, les hauts fonctionnaires en poste à Ottawa savent qu’une telle approche serait source de nombreux problèmes politiques, en ce sens qu’elle fournirait matière à alimenter le jeu des accusations. Un journaliste qui assistait à des séances d’information sur le budget préparées par des représentants du ministère des Finances en vue du jour du budget a parlé des difficultés que rencontraient les députés en tentant de comprendre ce qu’on leur demandait d’approuver. Il a rapporté que ses collègues et lui étaient restés perplexes devant les informations qu’on leur avait fournies : « non seulement les chiffres essentiels – recettes totales, dépenses totales et déficit – n’apparaissaient qu’à la page  268 d’un document de 419 pages, mais aussi un tableau important sur la répartition des recettes et des dépenses [...] était manquant78  ». Les députés de l’opposition, les organismes centraux, le Bureau du vérificateur général et les médias ne visent pas à examiner les prévisions budgétaires ou les rapports d’évaluation dans le but d’applaudir le travail des hauts fonctionnaires. Les hauts fonctionnaires le savent mieux que quiconque. Comme l’a dit Doug Hartle, « un chien serait fou de porter le bâton qui servira à le battre79. » Ainsi, les hauts fonctionnaires se gardent bien de porter un tel bâton à Ottawa sous la forme de rapports d’évaluation bien étayés qui dépeignent les échecs de leur ministère ou de leurs programmes. On se rappellera que les mesures issues de la nouvelle gestion publique inspirée du secteur privé, dont nous reparlerons plus loin, ont été conçues pour éliminer un grand nombre de règlements établis par le centre du pouvoir afin de permettre aux gestionnaires de pratiquer une gestion semblable à celle de leurs homologues du secteur privé. De nombreux règlements prescrits par le centre ont été écartés au profit de rapports d’évaluation visant de toute évidence à déterminer l’efficacité des hauts fonctionnaires à gérer

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les activités et les programmes. Les hauts fonctionnaires ont vite appris qu’il est plus facile de trafiquer des rapports d’évaluation que de contourner des règles émanant du centre de l’appareil gouvernemental. La reddition de comptes devant le Parlement et au sein du gouvernement en a subi de lourdes conséquences qui continuent de se faire sentir80. Les fonctionnaires savent comment trafiquer les rapports. Ils sont moins habiles, cependant, à esquiver des règles clairement énoncées. Un ancien adjoint du premier ministre Chrétien a souligné que la plupart des problèmes politiques se manifestent par « des questions sans grande importance, et non par des affaires de gros sous81 ». Il a fourni des exemples : un jus d’orange à 16 $, des souliers Gucci, des robinets plaqués or à bord d’un avion, un montant de 6 000 $ dépensé par une ministre pour les services d’un photographe ou de 3 700 $ pour un service de transport en voiture durant deux jours, ou la réclamation d’indemnités de logement pour une maison que le demandeur n’habite même pas82. Les députés de l’opposition sont toujours à l’affût de manchettes permettant de prendre le premier ministre ou les ministres du Cabinet en défaut, tandis que les ministres du Cabinet, les députés ministériels et les hauts fonctionnaires s’emploient à éviter que le gouvernement ne prête le flanc à de telles situations embarrassantes. Moins les partis de l’opposition et les médias en savent, mieux c’est. Voilà ce qui motive maintenant le processus budgétaire au Parlement.

c o n f ie r l e s r ê n e s à d’autres Les députés de la Chambre des communes se sont, dans une grande mesure, déchargés de certaines de leurs responsabilités sur la « société de responsabilisation », en particulier sur les agents du Parlement. David Smith avance que les agents du Parlement sont passés du rôle de serviteurs du Parlement à celui de maîtres du Parlement83. Les postes suivants peuvent prétendre à un certain statut d’agent du Parlement : le Bureau du vérificateur général, le Commissariat aux langues officielles, le Commissariat à l’information, le Commissariat à la protection de la vie privée, le Commissariat à l’intégrité du secteur public, la Commission de la fonction publique du Canada (on peut se demander cependant si la Commission est un organisme gouvernemental), le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement, le directeur parlementaire du budget (bien qu’il fasse partie du personnel de la

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Bibliothèque du Parlement), le commissaire au lobbying, le directeur des poursuites pénales et le directeur général des élections. Le Canada compte davantage d’agents du Parlement que tout autre régime de gouvernement parlementaire inspiré de Westminster. Les agents du Parlement ont accru considérablement leur personnel et élargi leur mandat ces dernières années. La douzaine d’agents emploient plus de 2  000  personnes et dépensent plus de 250  millions de dollars. Un grand nombre des 2 000 employés des agents du Parlement s’affairent chaque jour à déceler des erreurs administratives. Ils visent à mettre en place des processus pour éviter de telles erreurs et à surveiller et évaluer le travail de fonctionnaires, de ministères et de programmes particuliers. Il y a plusieurs années, 286 des 700 employés d’un ministère travaillaient à l’examen de divers rapports redditionnels84. C’est pourquoi les agents du Parlement sont très souvent perçus comme «  l’ennemi dans la salle85  », selon les termes d’un haut fonctionnaire d’un ministère responsable. Le succès des agents du Parlement se mesure surtout par les erreurs qu’ils découvrent ou les processus qu’ils peuvent prétendre avoir défendus et mis en œuvre. Les agents du Parlement, dont le vérificateur général, ont voulu s’affranchir des limites traditionnelles de leurs fonctions pour se donner de nouvelles responsabilités, mais pas nécessairement à la demande expresse du Parlement. En effet, ils semblent maintenant fonctionner comme des agents libres en quelque sorte, n’ayant de comptes à rendre qu’à eux-mêmes. Bien entendu, ils ne peuvent être subordonnés au gouvernement ou devoir lui rendre des comptes, car cela suffirait, en soi, à compromettre leur raison d’être. Néanmoins, une fois en poste, les agents du Parlement, comme les autres organismes bureaucratiques, chercheront à étendre leur sphère d’influence, et le Parlement n’a pas été très efficace dans ses rapports avec eux. Sans grande surprise, les partis de l’opposition et les médias appuient l’élargissement du rôle des agents du Parlement, tandis que les membres du parti ministériel s’y opposent. Les partis politiques qui appuyaient les agents du Parlement lorsqu’ils se trouvaient dans l’opposition peuvent rapidement leur être hostiles une fois qu’ils sont eux-mêmes au pouvoir86. C’est souvent ce qui se produit à mesure qu’ils constatent que les choses sont bien différentes selon le côté de la Chambre où l’on siège. Dans sa plateforme électorale de 1993, le Parti libéral promettait de restaurer l’intégrité parlementaire en nommant un responsable de l’application du code de déontologie au sein du gouvernement87. Le premier ministre Chrétien, un politicien chevronné qui connaissait

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les règles du jeu des accusations, a changé son fusil d’épaule après l’élection de son gouvernement. Il a nommé un agent qui relevait de lui, affirmant qu’en dernier ressort il lui revenait de veiller à ce que la conduite de son gouvernement soit conforme à l’éthique88. Les partis de l’opposition ont immédiatement protesté et promis de corriger la situation lorsqu’ils seraient portés au pouvoir. Le premier ministre Stephen Harper a mis en œuvre la Loi sur les conflits d’intérêts dans le cadre de la Loi fédérale sur la responsabilité de 2006, qui a fait du commissaire à l’éthique un agent du Parlement. On peut facilement supposer que Harper a probablement regretté d’avoir fait de ce poste un agent du Parlement une fois au gouvernement, mais il a maintenu le cap sur son engagement89. Le Bureau du vérificateur général, par exemple, assume un rôle et des responsabilités dont les limites étaient autrefois clairement établies. Il avait pour mission d’appuyer le Comité des comptes publics de la Chambre des communes et de faire rapport au Comité des résultats de ses enquêtes sur la probité financière et la conformité aux autorisations pertinentes. De nos jours, 50 % de son budget est consacré à des examens « qualitatifs » ou « souples » qui « n’ont aucun lien apparent avec une utilisation efficace ou économique des fonds, des ressources humaines ou du matériel90 ». Bon nombre des rapports publiés par le Bureau du vérificateur général concernent très peu la probité financière. Il s’agit essentiellement de documents politiques, en ce qu’ils expriment des prises de position politiques ou explorent des questions qui n’ont rien à voir avec les vérifications financières. Le Bureau du vérificateur général continue pourtant d’insister sur son caractère apolitique même s’il intervient régulièrement dans des débats de politique. Ni le vérificateur général, ni les médias ne prennent la peine d’expliquer que les examens qualitatifs ou souples ne seront jamais aussi convaincants ou concluants que les vérifications financières. Le Bureau est néanmoins devenu particulièrement adroit pour attirer l’attention des médias et il fait maintenant rapport de ses conclusions autant aux médias qu’au Parlement. On se rappellera que la vérificatrice générale du Canada est devenue une vedette médiatique au moment du scandale des commandites. Lors de plusieurs tribunes téléphoniques, on a évoqué la candidature de « Sheila Fraser comme première ministre » et on l’a décrite comme «  un héros populaire auprès de l’électorat  »91. Le Bureau a réussi à se donner une voix distincte et considère essentiellement le Parlement comme étant simplement un autre consommateur de ses rapports. Ses activités ne s’appuient plus uniquement sur

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le travail méticuleux de comptables, mais englobent de plus en plus un vaste examen du travail d’élaboration des politiques. Le vérificateur général n’exprime peut-être pas un point de vue partisan, mais certainement un point de vue politique dont l’influence est suffisante pour que le premier ministre, les ministres et les hauts fonctionnaires investissent temps et efforts afin d’en tenir compte. En fait, le vérificateur général est devenu un important acteur de la politique publique à part entière, ce qui est bien différent de son mandat initial. Les agents du Parlement adoptent tous un point de vue étroit, selon leur mandat ou leurs intérêts particuliers, et personne n’est chargé d’apporter une perspective globale. Par conséquent, les députés du parti ministériel sont soumis à l’examen de plusieurs agents indépendants qui surveillent ce qu’ils font d’après des perspectives différentes et parfois contradictoires (par exemple le droit à la vie privée et l’accès à l’information). Les partis de l’opposition considèrent les agents du Parlement comme leurs alliés naturels et ne veulent pas les contrarier et encore moins les obliger à rendre des comptes, préférant les laisser fureter où bon leur semble dans l’espoir qu’ils découvriront une situation embarrassante pour le gouvernement. Le directeur parlementaire du budget, un poste créé par le gouvernement Harper dans le cadre de la Loi fédérale sur la responsabilité, en fournit un excellent exemple. Le ministre des Finances et ses fonctionnaires ou les comités parlementaires ont immanquablement remarqué l’insistance avec laquelle le gouvernement affirmait que le poste avait été créé pour « garantir la transparence de la budgétisation ». Apparemment, ils ne sont pas aussi crédibles qu’un directeur parlementaire du budget et ils sont incapables d’assurer la transparence du processus budgétaire. Peu de temps après l’accession de Harper au pouvoir, le directeur parlementaire du budget a été mêlé à une controverse politique. Il a commencé à remettre en question les prévisions de dépenses du gouvernement, ses prévisions économiques et ses prévisions de recettes. Il s’est demandé si le plan gouvernemental de relance économique de 2009 allait véritablement créer les 189 000 emplois prévus92, affirmant que le plan pousserait « le pays au bord d’un déficit persistant93 ». Pour quelque raison, il a pu en arriver à cette conclusion et à d’autres à l’aide d’une poignée d’employés, alors que le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé n’y sont pas parvenus. Les médias ont accordé beaucoup d’attention au directeur parlementaire du budget qui, d’obscur bureaucrate, est devenu du jour au lendemain quelqu’un de très sollicité par les journalistes. D’une

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certaine façon, il a joué le rôle qui incombait au chef de l’opposition par le passé; de plus, il a permis aux médias de mettre en doute le gouvernement sans devoir faire eux-mêmes le travail en amont. La députée d’expérience Carolyn Bennett, qui siégeait alors dans l’opposition, est allée au fond des choses en faisant remarquer que le directeur parlementaire du budget devrait être « au service des parlementaires, pas du public ». Elle s’est offusquée de son « habitude de rendre des rapports publics en même temps qu’il les remettait aux députés qui en faisaient la demande ou qu’il les déposait aux Communes et au Sénat94 ». En créant le poste de directeur parlementaire du budget, le gouvernement Harper s’inspirait des États-Unis et du Congressional Budget Office. Le directeur parlementaire du budget a pour fonction d’aider les députés à comprendre le processus budgétaire du gouvernement, mais le premier titulaire du poste considérait que son rôle consistait moins à aider les députés à le comprendre, qu’à fournir au ministère des Finances un deuxième ensemble de chiffres pour ses prévisions budgétaires à court et moyen terme95. Il a clairement indiqué à plusieurs reprises qu’il avait le mandat de « garantir la transparence de la budgétisation » et que son budget annuel de 2,8 millions de dollars n’était pas suffisant pour lui permettre de le faire. Il a réclamé une augmentation du personnel et des ressources affectées à son bureau. Comme dans le cas d’autres agents du Parlement, sa relation redditionnelle est orientée vers les médias davantage que vers les parlementaires. Le premier titulaire du poste a revu son mandat et ses relations avec le gouvernement Harper, celui-là même qui avait créé le poste. Il explique : « Ce qui semblait être une bonne idée aux conservateurs lorsqu’ils étaient dans l’opposition l’était moins une fois qu’ils ont été au pouvoir. » Il a fait état de tentatives soutenues du gouvernement Harper et des hauts fonctionnaires pour discréditer son bureau. Par ailleurs, il a applaudi la promesse faite par le Parti libéral, alors qu’il était dans l’opposition, de renforcer le rôle du directeur parlementaire du budget en accordant au poste un statut d’agent parlementaire indépendant. Il a souligné l’appui des médias au travail de son bureau en appelant à un renforcement de son rôle96. L’exemple du directeur parlementaire du budget démontre que les agents du Parlement sont devenus des entités autonomes aux liens incertains avec le Parlement. Les agents du Parlement déterminent maintenant leurs priorités et la mission qu’ils doivent accomplir, et on ignore au juste à qui ils doivent rendre des comptes. Le gouvernement critique souvent leur travail, tandis que les députés de

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l’opposition les exhortent à maintenir la pression puisqu’ils n’ont rien à perdre, du moins tant qu’ils siégeront dans l’opposition. Les agents du Parlement, qui étaient les serviteurs du Parlement comme l’affirme David Smith, en sont discrètement devenus les maîtres. Bien qu’ils aient à leur façon renforcé la responsabilisation du gouvernement, ils ont peu contribué à renforcer le rôle de la Chambre des communes. En somme, les agents du Parlement ont fait des gains ces dernières années aux dépens de l’institution qu’ils sont manifestement appelés à servir : le Parlement. S’ils ont aussi permis d’accroître la transparence au sein du gouvernement, ils ont contribué à rendre les activités gouvernementales plus embrouillées, plus lentes et plus coûteuses, et à rendre le gouvernement plus réfractaire au risque.

r e to u r e n a rri ère La Chambre des communes du Canada ne remplit pas les rôles que Walter Bagehot a donnés au Parlement selon le modèle de Westminster. La Chambre des communes décide encore qui détiendra le pouvoir exécutif, mais elle ne s’acquitte plus de ses autres responsabilités décrites par Bagehot. Elle n’en fait pas assez pour donner voix aux sentiments, aux intérêts et aux opinions de la population canadienne. Elle n’enseigne pas à la nation ce qu’elle ne sait pas et se transforme en un théâtre politique pur et simple. Il est révélateur que peu de gens se soient montrés plus critiques envers la Chambre des communes que les députés qui y ont siégé. L’incapacité de la Chambre des communes d’obliger le gouvernement à rendre compte, notamment de ses dépenses, est particulièrement flagrante. Le premier ministre, les ministres et les députés du parti ministériel n’ont aucun intérêt à s’occuper des questions de reddition de comptes. On peut en dire autant des hauts fonctionnaires, car ils associent la reddition de comptes au jeu des accusations. Les députés de l’opposition se tourneront vers les médias pour trouver des indices sur les questions de reddition de comptes qu’ils pourraient soulever et les médias, à leur tour, compteront sur les agents du Parlement pour obtenir leurs indices. Le budget de plus de 300  milliards de dollars du gouvernement fédéral comprend des milliers de pages qui laissent les députés perplexes. Les députés ministériels applaudiront le budget parce que c’est ce qu’on attend d’eux; ceux et celles de l’opposition se tourneront vers les médias pour trouver quelque chose, n’importe quoi, qu’ils pourraient reprocher au budget parce que c’est ce qu’on attend

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d’eux. De leur côté, les Canadiens et les Canadiennes perçoivent le processus budgétaire comme la production d’un document par une poignée de membres de l’élite politique et bureaucratique dans son propre intérêt et celui de l’élite économique. Ils ont très bien compris ce qu’est le processus budgétaire : un processus fermé. Il s’agit d’un processus fermé parce que nos institutions politiques encouragent une telle situation et que tous les acteurs qui contribuent à la préparation du budget et à l’affectation des dépenses publiques ont intérêt à ce que le processus soit fermé. Le budget fédéral de 2017-2018 illustre cet intérêt. Les fonctionnaires du ministère des Finances ont dépensé 212  000  $ pour la conception de la couverture du budget et de matériel de promotion connexe. Andrew Coyne a fait remarquer que les autres pays ne permettent pas que leurs budgets soient ainsi couverts de publicité et que nous ne le permettions pas non plus autrefois. Selon Coyne et d’autres, la dépense de 212  000  $ témoigne d’un mépris pour le Trésor public et pour les Canadiens et les Canadiennes qui essaient de joindre les deux bouts et laisse entendre que ceux au pouvoir ont le droit de dépenser autant d’argent à des fins aussi peu judicieuses. Coyne estime que le problème touche à la dernière parcelle de dignité institutionnelle97. Le budget fédéral de 2017-2018 montre également que le Parlement ne parvient pas à remplir l’un de ses devoirs constitutionnels les plus importants : assumer la responsabilité constitutionnelle en matière de crédits et amener le gouvernement à rendre compte des dépenses publiques.

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Le Sénat : l’institution qui n’a jamais existé

En réponse aux critiques selon lesquelles le Sénat n’a rien fait pour appuyer le projet d’oléoduc Énergie Est, le sénateur Percy Mockler a écrit que deux comités sénatoriaux avaient examiné des façons « de moderniser et de dépolitiser le processus d’approbation des pipelines  » et qu’ils avaient formulé des recommandations en ce sens, mais que le gouvernement avait « ignoré [les] recommandations »1. Aux yeux de la plupart des Canadiens et des Canadiennes, il en a toujours été ainsi du Sénat canadien. Certains Pères de la Confédération, surtout dans les premières années, croyaient que le Parlement, par l’entremise du Sénat, défendrait les intérêts des régions, notamment les moins peuplées. La Cour suprême du Canada a rappelé que «  les provinces les moins peuplées n’ont consenti à la Confédération qu’à la condition qu’il y ait une Chambre haute régionale2 ». Cela n’a pas empêché la Cour d’énoncer, dans son Renvoi relatif à la réforme du Sénat, « les nature et rôle fondamentaux du Sénat en tant que corps législatif complémentaire chargé de donner un second regard attentif aux projets de loi3 ». La Chambre haute s’est constamment révélée incapable de défendre les intérêts des régions. Alan Cairns a souligné que le Sénat devrait constituer «  un organe important visant à permettre aux intérêts régionaux et provinciaux d’exercer une influence réelle au sein du gouvernement central. C’était particulièrement le cas pour le premier groupe de sénateurs nommés.  » Il ajoute toutefois que « la pratique et les valeurs démocratiques ont de plus en plus mis sur la défensive une Chambre haute nommée qui était dépourvue d’une base aristocratique  »4. En conséquence, poursuit-il, la responsabilité d’« accorder aux intérêts régionaux et provinciaux une influence véritable au sein du gouvernement central » est laissée à la

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Chambre des communes et au gouvernement. Eux aussi ont échoué à cet égard, du moins selon le point de vue des provinces de l’Ouest et de l’Atlantique, pratiquement depuis la fondation du Canada. Je peux dresser un inventaire de critiques adressées au Sénat depuis 150 ans. Un parti politique, le Nouveau Parti démocratique, a réclamé son abolition de façon répétée5. La Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada a qualifié le Sénat d’«  échec institutionnel6  ». La revue Maclean’s demande son abolition en affirmant que, « d’un point de vue pratique, le Canada a déjà un parlement unicaméral. Pourquoi ne pas le rendre officiel? [...] le manque de légitimité démocratique du Sénat l’empêche de repousser des initiatives gouvernementales au nom de l’équité régionale7. » La plupart des politologues ont été très critiques eux aussi à l’égard du Sénat. David Docherty écrit que «  le Sénat canadien est l’une des dernières chambres non réformées parmi les démocraties parlementaires fondées sur le modèle de Westminster [...] Il représente et incarne certaines des caractéristiques les plus anti-démocratiques des assemblées représentatives.  » Il ajoute que le Sénat actuel « ressemble énormément au Sénat de 1867 (par ses qualités démocratiques) »8. Les conséquences de l’échec institutionnel du Sénat sont plus lourdes pour certaines régions que pour d’autres. David E. Smith indique que «  le Sénat a été conçu pour protéger la voix des Maritimes [...] au sein d’un parlement dont la chambre basse se concentrait dans une très large mesure sur les préoccupations du Canada central, conséquence de la représentation selon la population9 ». Avec le temps, l’Ouest canadien s’est tourné lui aussi vers le Sénat pour promouvoir ses intérêts, alors que «  l’Ouest veut être de la partie » est devenu le cri de ralliement de sa campagne en faveur d’un Sénat triple E (égal, élu et efficace), un cri qui s’est fait entendre tout au long des années 1980 et 1990. On se souviendra qu’une élection s’est tenue à l’échelle provinciale en Alberta pour choisir des sénateurs et que l’ancien premier ministre Brian Mulroney s’est appuyé sur ses résultats pour nommer Stan Waters au Sénat en 1990. La campagne de l’Ouest en faveur d’un Sénat triple E, comme on l’a vu, a perdu son élan lorsque Stephen Harper a été porté au pouvoir. Avec l’élection de Harper à titre de premier ministre, l’Ouest occupait la place qui compte vraiment dans la partie : le fauteuil du premier ministre. Les médias nationaux ou ceux de l’Ontario et du Québec se sont montrés très peu favorables au Sénat ou à une réforme du Sénat. Le

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Globe and Mail, le National Post, La Presse et la revue Maclean’s ont soit demandé l’abolition du Sénat, soit préconisé le statu quo. Les médias du Québec ont largement favorisé le statu quo tandis que ceux de l’Ontario, en particulier le Globe and Mail, continuent d’insister sur le rôle de «  second examen objectif  » du Sénat, faisant fi le plus souvent de sa responsabilité de défendre les intérêts des provinces les moins peuplées10. Il y a cependant une question à laquelle les médias ontariens et québécois n’ont pas répondu : qui doit défendre les intérêts des provinces de l’Ouest ou de l’Atlantique au sein des institutions nationales si le Sénat en est incapable ou s’il est aboli11? Robert MacGregor Dawson, le doyen des politologues canadiens, a rappelé à ses lecteurs que les espoirs des Pères de la Confédération envers le Sénat « n’avaient rien d’excessif12 ». Janet Ajzenstat ajoute : «  Les fondateurs ne pouvaient pas croire que la représentation des régions à la Chambre haute suffirait à apaiser les ambitions locales13. » Mais beaucoup le crurent. Ils anticipaient que le Sénat et le Cabinet deviendraient les institutions qui veilleraient sur les intérêts régionaux. Le Sénat n’a jamais été à la hauteur des attentes tandis que le Cabinet y a répondu, mais seulement dans une certaine mesure et seulement jusqu’à récemment.

l’ in s t it u t io n ta nt décri ée La plupart des gens qui ont étudié le Sénat l’ont décrit comme une assemblée nommée « tant décriée » et « ridiculisée »14. J’ai eu de nombreuses discussions au fil des ans avec plusieurs sénateurs au cours desquelles j’ai exprimé mes réserves au sujet du travail du Sénat. J’ai souligné son incapacité ou son refus apparent de promouvoir les intérêts des régions. Peu d’entre eux contestent mon point de vue, mais ils invoquent invariablement les études importantes que le Sénat a produites au fil des ans. Ils citent souvent l’exemple d’une étude sur la santé mentale parue en 200615. Il ne fait aucun doute que l’étude a apporté une contribution importante, comme l’ont relevé de nombreux observateurs16. Je fais cependant remarquer aux sénateurs que le budget annuel du Sénat s’élève maintenant à plus de 100 millions de dollars et que, si l’objectif est de produire des études importantes, il y a des moyens plus efficaces et moins coûteux de le faire. Le Sénat a été confronté à une crise de légitimité durant une grande partie de son existence. La remise en question de sa légitimité est directement liée au mode de nomination des sénateurs et des sénatrices.

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David E.  Smith a conclu son ouvrage abondamment consulté The Canadian Senate in Bicameral Perspective par la remarque suivante : « Si l’on devait trouver un thème pour l’historique de la deuxième chambre du Canada, celui de la légitimité mériterait notre attention. Plus précisément, on a longtemps fait valoir que, parce qu’il n’est pas élu, le Sénat est sans légitimité17. » Je compte parmi ceux qui ont mis en doute la légitimité du Sénat. Les appels à une réforme du Sénat remontent à ses tout débuts. La Cour suprême du Canada a souligné que, « depuis ses premières séances, des voix se sont élevées pour réclamer sa réforme, et même, parfois, son abolition18 ». Le Sénat lui-même a débattu de sa propre abolition en 1906, et un parti qui a été au pouvoir sur la scène provinciale dans plusieurs provinces, et qui a été pendant un mandat le principal parti de l’opposition à la Chambre des communes (le ccfnpd), a appuyé l’abolition du Sénat. Telle est la position adoptée par le Parti depuis sa fondation, en 193519.

p ou rq u o i u n e r é f o r m e , p ourquoi l’aboli ti on Il faudrait chercher longtemps pour trouver un individu ou un groupe qui, à n’importe quelle époque de l’histoire canadienne, se soit dit satisfait du Sénat. Aucun autre sujet, à ma connaissance, n’a généré autant d’intérêt ou fait l’objet d’autant de rapports que le Sénat et son avenir. Le sujet suscite l’intérêt soutenu d’individus, d’associations et de politiciens de la Colombie-Britannique jusqu’à Terre-Neuve-et-Labrador. De plus, les sondages d’opinion publique indiquent constamment qu’une majorité de Canadiens et de Canadiennes souhaite que le Sénat soit réformé ou aboli20. Divers rapports et leurs recommandations ont cherché à régler des questions relatives au Sénat qui remontent aux débats ayant mené à la Confédération et à la Loi constitutionnelle de 1867. Deux questions dominèrent alors les débats au sujet du Sénat  : ses rôles et responsabilités, et le processus de nomination. Trois colonies – les Canadas, la Nouvelle-Écosse et le NouveauBrunswick – unirent leurs efforts pour définir les institutions politiques du pays. En 1867, la population du Canada-Uni s’élevait à 3  090  936  habitants, comparativement à 295  084  habitants au Nouveau-Brunswick et à 368  781  habitants en Nouvelle-Écosse21. La colonie canadienne était dirigée par George Brown, qui tenait à ce que la composition de la Chambre des communes repose sur le principe de la représentation selon la population; George-Étienne

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Cartier, qui cherchait à faire valoir les intérêts du Canada-Est; et John A. Macdonald, qui tentait de trouver un compromis entre les deux Canadas, notamment en misant sur les colonies maritimes pour dénouer l’impasse. Ils décidèrent de scinder la colonie canadienne en deux provinces. À l’insistance du Canada-Est ou du Québec, la composition du Sénat se fonderait sur la représentation des régions plutôt que sur celle des provinces. Comme il cherchait à faire contrepoids au pouvoir du Canada-Ouest, plus peuplé, par l’entremise du Sénat, le Canada-Est refusait d’avoir le même nombre de sénateurs que les deux provinces les moins peuplées. C’est pourquoi il fut décidé que la composition du Sénat reposerait sur la représentation des régions plutôt que sur celle des provinces, contrairement aux chambres hautes d’autres fédérations, notamment les États-Unis, l’Australie et la Russie, dans lesquelles les provinces ou les États, et non les régions, sont tous représentés par un nombre égal de sénateurs et de sénatrices.

rô l e s e t r e s p o nsabi li tés David E. Smith a constaté qu’une large part des critiques dont le Sénat a fait l’objet au cours des années ont porté également sur son rôle, qui n’a jamais été clairement établi22. Son rôle de « second examen objectif » défini par Macdonald a résisté à l’épreuve du temps, du moins selon certains, particulièrement en Ontario. La Cour suprême du Canada, les médias, des commissions royales et des associations indépendantes ont aussi adhéré à son rôle de second examen objectif. Les Pères de la Confédération du Nouveau-Brunswick et de la NouvelleÉcosse croyaient que le rôle du Sénat nommé serait centré sur sa capacité de défendre les intérêts régionaux. Comme nous l’avons vu, les représentants du Québec exigèrent que leur province compte le même nombre de sénateurs que l’Ontario et que les colonies maritimes réunies pour continuer à négocier les conditions de la Confédération23. La Cour suprême affirme que le Sénat a assumé une troisième responsabilité au fil des années : « le Sénat en est aussi venu à représenter divers groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Il a servi de tribune aux femmes, ainsi qu’à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n’avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions24. » Le Sénat a été la cible de critiques généralisées touchant chacun de ses trois rôles. On a accusé le Sénat de faillir à son rôle de

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«  second examen objectif  ». Selon l’argument présenté, le Sénat a reflété jusqu’à récemment le même esprit partisan que la Chambre des communes25. Exception faite de certains faits nouveaux, le Sénat a été divisé selon les lignes de parti, les libéraux d’un côté, les conservateurs de l’autre et quelques indépendants parmi eux, et les débats ont trop souvent porté sur les politiques des partis et été alimentés par des considérations politiques partisanes. De nombreuses personnes, en particulier dans les provinces de l’Ouest et au Canada atlantique, et un certain nombre de rapports ont affirmé que le Sénat n’a pas été en mesure de promouvoir les intérêts régionaux et qu’il a échoué en tant qu’instrument de promotion du fédéralisme intra-étatique. Le Sénat était appelé à parler au nom des régions parce que les Pères de la Confédération accordèrent à Ottawa tous les principaux pouvoirs dans les secteurs clés tandis que les gouvernements provinciaux devaient être des partenaires subalternes, et parce que notre système parlementaire concentre le pouvoir entre les mains de l’exécutif. Rappelons que le gouvernement national a même obtenu le pouvoir de rejeter les lois des gouvernements provinciaux s’il estime qu’elles ne servent pas l’intérêt national ou pour toute raison qu’il juge valable. Selon ces critiques, le Sénat n’a pas la légitimité démocratique nécessaire pour s’acquitter de son rôle26. On a souvent avancé que le processus de nomination au Sénat, du moins jusqu’à récemment, a eu pour effet de « discréditer la deuxième Chambre27 ». Le critère applicable au Sénat était alors et est encore bien simple : si les nominations sont suspectes et si le Sénat manque de légitimité démocratique, ses actions sont donc aussi suspectes et manquent aussi de légitimité. Bref, cet argument s’applique aux trois rôles attribués au Sénat par la Cour suprême et d’autres instances28. Il n’est pas exagéré d’affirmer que, mis à part les sénateurs euxmêmes, peu de gens ont été disposés à se porter à la défense du Sénat. Les actions de certains sénateurs ont contribué à ternir l’image de l’institution29. Les spécialistes de la politique canadienne et les médias ont, pour la plupart, critiqué l’incapacité du Sénat à remplir ses rôles30. Je fais remarquer cependant qu’un éminent analyste du gouvernement a fait ressortir plusieurs avantages du Sénat. David E. Smith rappelle à ses lecteurs que le Sénat n’a pas le pouvoir de retirer sa confiance au gouvernement ou la capacité de faire et de défaire les gouvernements. Il ajoute que le Sénat comporte certains avantages par rapport à la Chambre des communes : le petit nombre de membres du Sénat signifie qu’il y a moins de discours, que les procédures y sont plus informelles et que l’institution a la capacité de produire des études très réputées31.

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d e s t e n tat iv e s d e réforme Les projets de réforme du Sénat ont fait l’objet de nombreux rapports, en particulier depuis les années 1970. Il n’est pas nécessaire d’examiner ces rapports en détail. Il suffit de noter qu’ils provenaient de diverses sources, qu’ils ont tous mis en lumière de sérieuses lacunes et qu’ils ont tous recommandé une réforme de l’institution. Le Canada n’avait que sept ans lorsque la Chambre des communes débattit d’une proposition de modifier la Constitution afin de permettre aux provinces de choisir leurs sénateurs. En 1909, le Sénat songea à limiter le mandat des sénateurs à sept ans et à faire en sorte que les deux tiers des sénateurs soient élus32. Les deux propositions furent rejetées. Plus récemment, en 1978, le gouvernement du Canada déposa un rapport et le projet de loi 60 sur la réforme du Sénat. Le gouvernement rejeta toutefois l’idée d’un Sénat élu, faisant valoir que celui-ci compromettrait la suprématie de la Chambre des communes. Un an plus tard, le groupe de travail Pépin-Robarts rejeta lui aussi la notion d’un Sénat élu, estimant qu’il ne ferait que promouvoir encore plus la politique partisane et l’esprit partisan plutôt que les préoccupations régionales33. La Canada West Foundation lança un débat sur les avantages d’un Sénat élu selon la formule triple E. La fondation réclamait un nombre égal de sénateurs par province, l’élection de tous les sénateurs et le pouvoir de s’opposer à la Chambre des communes34. Plus tard, cette organisation insista sur le fait qu’un Sénat réformé « apporterait un contrepoids précieux à la Chambre des communes et au pouvoir du premier ministre35 ». La Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, appelée communément la Commission MacDonald, fit l’éloge du gouvernement parlementaire, mais recommanda que le Sénat soit élu. Elle invoquait la nécessité de « mieux sensibiliser le gouvernement fédéral aux aspirations des diverses régions du Canada36 », faisant valoir que les institutions politiques nationales n’en avaient pas la capacité. La Commission recommanda aussi que les élections au Sénat aient lieu en même temps que celles à la Chambre des communes pour réduire le risque qu’il y ait un contraste marqué entre la représentation des partis aux deux chambres et éviter la paralysie du Parlement qui pourrait en résulter37. L’Accord du lac Meech, qui fut rejeté, prévoyait une réforme du Sénat qui aurait permis aux gouvernements provinciaux d’avoir leur mot à dire dans la sélection des sénateurs. De nombreux citoyens

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et citoyennes des provinces de l’Ouest étaient cependant d’avis que la réforme du Sénat proposée dans l’accord n’allait pas assez loin38. L’Accord de Charlottetown, qui se solda par un échec, chercha à aller plus loin et proposait un Sénat élu, sans toutefois recommander de mécanisme pour élire ses membres. Il prévoyait aussi l’attribution de sièges réservés aux Autochtones et l’élargissement des pouvoirs du Sénat, qui se verrait confier le pouvoir de ratifier les nominations aux postes de la haute direction et celui d’opposer un veto suspensif aux projets de loi traitant des recettes et des dépenses39. La trop brève description qui précède retrace les efforts passés visant à réformer le Sénat. J’aurais pu illustrer davantage ces efforts en faisant état des travaux du comité Molgat-Cosgrove (1984) et du comité Beaudoin-Dobbie (1992)40. J’aurais pu également traiter des rapports produits par des associations telles que l’Association du Barreau canadien, le Forum des politiques publiques, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et j’en passe41. Peu de gens sont satisfaits du Sénat dans l’état actuel des choses, sauf les sénateurs (et une partie d’entre eux seulement). Divers efforts déployés pour réformer le Sénat, conjugués à des sondages d’opinion publique, révèlent une forte volonté de réformer ou d’abolir le Sénat. Les scandales liés aux comptes de dépenses et les controverses entourant le lieu de résidence auxquels ont été mêlés certains sénateurs et sénatrices n’ont rien fait pour arranger les choses. À ce que je sache, aucune autre Chambre haute, y compris la Chambre des lords britannique, n’a été si ouvertement et si souvent contestée.

u n e ch a m b r e h au t e c r it iquée mai s néanmoi ns c o n da m n é e à r e s t e r i nchangée 42 Roger Gibbins, ancien président de la Canada West Foundation, gardait dans son bureau un cochon en bois muni d’ailes, qu’il appelait son «  cochon de la réforme du Sénat, comme dans “le Sénat canadien sera réformé quand les cochons pourront voler”43 ». Le Sénat fonctionne encore largement comme il le faisait lors de sa première séance, en 1867. Encore une fois, je ne peux penser à aucune autre institution, à aucun dossier qui ait généré autant de propositions de réforme et de débats que le Sénat. Lorsqu’il s’agit du Sénat, le Canada est comme un chevreuil aveuglé par les phares d’une voiture. Les Canadiens et les Canadiennes savent qu’ils doivent réformer le Sénat, mais ils sont tout simplement incapables de passer à l’action.

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Il faut remonter jusqu’aux Pères de la Confédération, en 1867, pour comprendre pourquoi. Comme il a été souligné plus tôt, et pour des raisons obscures, ils décidèrent de ne pas joindre une formule de modification à la Constitution. La meilleure explication de cette décision, c’est qu’ils considérèrent l’Acte de l’Amérique du Nord britannique pour ce qu’il était vraiment, soit une loi du Parlement britannique, et que celui-ci pouvait le modifier s’il le jugeait opportun. Quoi qu’il en soit, comme Macdonald ne comprenait pas tellement les rouages du système fédéral, peut-être a-t-il conclu qu’il n’était pas approprié que les provinces aient leur mot à dire concernant la modification de la Constitution. À compter de 1927, le gouvernement fédéral tenta à plusieurs reprises, mais en vain, de rapatrier la Constitution et d’y inclure une formule de modification. Ottawa finit par rallier suffisamment d’appuis pour rapatrier la Constitution par l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y eut la conférence de 1927, la conférence de 1935, la conférence de 1950, la proposition Fulton-Favreau, la Charte de Victoria et l’initiative fédérale de 1980, qui se soldèrent toutes par un échec44. Dans le cas de la proposition Fulton-Favreau et de la Charte de Victoria, le Québec fit marche arrière. Je rappelle au lecteur que le Québec n’a toujours pas signé la Loi constitutionnelle de 1982. Le Québec affirme depuis longtemps qu’il n’est pas une province comme les autres et invoque la Loi constitutionnelle de 1867 pour affirmer qu’il jouit d’un statut particulier. La Loi donne au Québec son régime de droit civil français, entre autres choses, elle consacre l’usage du français et de l’anglais dans son Assemblée nationale et devant ses tribunaux, et accorde à la province un statut particulier dans le calcul de la représentation selon la population, qui détermine le nombre de sièges à la Chambre des communes45. La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit une formule de modification. Aucune modification importante n’y a cependant été apportée depuis 1982. L’une des premières tentatives de faire appel à la formule de modification de la Constitution touchait aux pouvoirs du Sénat. En 1984, le gouvernement Mulroney a cherché à donner au Sénat un droit de veto suspensif de 30 jours sur de nombreux projets de loi et de 45 jours sur d’autres projets de loi. La modification a été abandonnée après que le Québec et le Manitoba, suivis plus tard de l’Ontario, eurent décidé de s’y opposer46. La formule de modification de la Constitution est maintenant assez claire. Stephen Harper s’est tourné vers la Cour suprême lorsqu’il a cherché à réformer le Sénat, en 2013. Il a demandé à la Cour

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suprême de déterminer si le Parlement détenait la compétence législative voulue pour réformer le Sénat dans plusieurs domaines et pour abolir l’institution.

l e c o c h o n n e vo l e toujours pas Le gouvernement Harper a fait ce que font les gouvernements canadiens lorsqu’ils doivent résoudre une question hautement sensible sur le plan politique qui requiert des précisions constitutionnelles : ils renvoient la question à la Cour suprême. Le gouvernement de Pierre Trudeau s’est adressé à la Cour suprême lorsqu’il a décidé de rapatrier la Constitution, comme l’a fait le gouvernement Chrétien sur la question de la sécession du Québec et le gouvernement Harper au sujet du mariage entre conjoints de même sexe47. Harper a demandé à la Cour suprême de déterminer si le Parlement avait le pouvoir de modifier la Constitution afin d’établir de nouvelles limites à la durée du mandat des sénateurs, de permettre à la population canadienne d’être consultée sur les nominations au Sénat, de revoir le critère de propriété des sénateurs et de déterminer s’il était possible d’abolir le Sénat sans obtenir le consentement unanime du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux48. Le renvoi de la Cour suprême a suscité beaucoup d’intérêt, et les 10 gouvernements provinciaux et 3 gouvernements territoriaux ont tous pris position dans l’affaire au nom de l’intérêt public. Partisan depuis longtemps d’une réforme du Sénat, Harper a enfin comparu devant le tribunal. Harper préconisait une réforme du Sénat dès son entrée en politique dans les rangs du Parti réformiste. Il représentait l’Ouest, une région en pleine croissance qui voulait « être de la partie » à Ottawa; comme d’autres membres du Parti réformiste, il considérait qu’une réforme du Sénat était la voie à suivre. Je souligne que, dans son premier discours du Trône, Harper faisait de la réforme du Sénat une priorité de son gouvernement, faisant valoir que le Sénat devrait mieux refléter « les besoins des régions du pays49 ». Nik Nanos, chef d’une importante firme de sondage, laisse entendre que Harper a passé beaucoup de temps à créer les conditions favorables à une réforme du Sénat pendant qu’il était au pouvoir. Il s’est toutefois heurté à une vive résistance. Les libéraux, qui dominaient le Sénat, s’y sont opposés, tout comme les sénateurs conservateurs, même lorsqu’ils sont devenus majoritaires. Harper a aussi rencontré de la résistance de la part de certains membres de son caucus, en particulier chez ceux de l’Ontario et du Québec50.

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Vaincre la résistance des députés et sénateurs conservateurs de l’Ontario et du Québec était une chose, mais se conformer à la Constitution et subir l’épreuve des tribunaux était une tout autre affaire. Le Québec avait déjà contesté le projet de loi de Harper sur la réforme du Sénat devant sa Cour d’appel, qui avait statué en 2013 que le projet de loi C-7 de Harper visant à tenir des élections sénatoriales et à limiter la durée du mandat des sénateurs sans consulter les provinces était inconstitutionnel51. Les audiences de la Cour suprême du Canada et sa décision ont fait l’objet d’une procédure accélérée. La Cour a rendu un verdict unanime, comme il était largement prévu52. Elle a conclu que « le Parlement ne peut unilatéralement apporter au Sénat la plupart des changements proposés, qui exigent le consentement d’au moins sept provinces dont la population confondue représente au moins la moitié de la population de toutes les provinces53 ». Elle a ajouté que « l’abolition du Sénat exige le consentement de l’ensemble des provinces  ». Le Parlement canadien peut cependant abroger l’obligation pour les sénateurs de posséder des terres valant au moins 4 000 $ dans la province pour laquelle ils sont nommés. La décision ne s’appliquait cependant pas au Québec, où il faudrait que le gouvernement provincial renonce aux arrangements spéciaux consentis à la province en 186754. La Cour suprême a fait savoir sans équivoque que ses réponses se limitaient aux questions dont elle était saisie et qu’elles ne s’appliquaient pas à « l’éventail complet des changements susceptibles de toucher le Sénat », précisant qu’il ne lui revenait pas de « juger de l’opportunité de ces changements; il appartient plutôt aux Canadiens et à leurs institutions législatives d’en décider  »55. En revanche, la Cour a fait allusion au «  second regard attentif  » du Sénat à 13 reprises dans sa décision, soulignant son importance. En outre, lorsqu’elle avait rendu sa décision sur le projet du Canada de rapatrier sa Constitution en 1981, elle avait obligé le gouvernement fédéral à retourner à la table des négociations avec les provinces. La Cour suprême n’a pas offert la même directive lorsqu’elle a statué sur la réforme du Sénat. Les médias et les observateurs ont rapidement conclu, dans les jours qui ont suivi la décision de la Cour, que le projet de réforme du Sénat était mort, qu’il ne faisait plus partie des intentions législatives du gouvernement ou que la Cour suprême lui avait tout simplement donné le coup de grâce56. Emmett Macfarlane a écrit que le jugement de la Cour « contribuera peut-être à cimenter la stase constitutionnelle inquiétante que connaît le Canada », ajoutant que « ce n’est

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peut-être pas la Cour, mais bien la Constitution, qui est à l’origine de cette absurdité »57. Pour ceux qui souhaitent l’abolition du Sénat, y compris les membres du npd, la barre à franchir est maintenant très haute : le gouvernement fédéral et les 10 gouvernements provinciaux doivent tous donner leur accord. Il est très peu probable que le Québec accepterait de rouvrir la Constitution au sujet de l’abolition du Sénat sans apporter des demandes à la table de négociation, demandes que les autres provinces auraient peut-être du mal à accepter. Les demandes du Québec ne constitueraient pas la seule pierre d’achoppement. J’ai demandé à Wade MacLauchlan, l’ancien premier ministre de l’Îledu-Prince-Édouard, s’il pourrait accepter l’abolition du Sénat. Sa réponse : « Jamais, je vous en donne ma parole. »

d e s s é n at e u rs indépendants En janvier 2014, Justin Trudeau a décidé, sans trop prévenir, qu’il demanderait à toutes les sénatrices et à tous les sénateurs libéraux de siéger désormais à titre d’« indépendants », indiquant qu’ils ne siégeraient plus au caucus libéral et que, par conséquent, ils étaient libres de voter comme bon leur semblerait. Dans sa plateforme électorale de 2015, le Parti libéral déclarait : « Le statu quo n’est pas une option : le Sénat doit changer. » Trudeau promettait de « mettre en place un comité non partisan, dont les membres seront nommés au mérite, qui proposera au premier ministre des candidates et des candidats à la Chambre haute »58. Peu après son arrivée au pouvoir, Trudeau a créé le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, qui a pour mandat de « formuler des recommandations non contraignantes et fondées sur le mérite à l’intention du premier ministre en regard des nominations au Sénat ». Le Comité se compose de « trois membres fédéraux permanents provenant de chacune des provinces et de chacun des territoires pour lesquels des postes sont à pourvoir »59. Je fais remarquer que j’ai accepté de devenir membre du Comité à titre de représentant du Nouveau-Brunswick. Je souligne aussi que mon expérience au sein du Comité s’est révélée positive. Le processus s’est déroulé tel que prévu. Je n’ai vu ou senti aucune interférence politique. Tous les Canadiens et les Canadiennes étaient libres de présenter leur candidature, et les délibérations se sont tenues de manière professionnelle et non partisane. S’il y avait un parti pris, c’était contre les anciens politiciens, y compris les libéraux. Selon

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une rumeur qui courait, il était inutile que les anciens politiciens, peu importe leur allégeance politique ou la région d’où ils ou elles provenaient, soumettent leur candidature, car ils avaient peu de chances d’être nommés. On nous a priés de soumettre cinq candidatures pour chaque siège vacant et, dans tous les cas, le premier ministre a choisi l’une des cinq. Il a été clairement établi qu’il reviendrait au premier ministre de décider et qu’il pouvait ou non consulter un ou des ministres. La réforme de Trudeau donne des résultats. Un haut fonctionnaire m’a confié : « La meilleure chose qui soit arrivée au Sénat, c’est que les sénateurs sont maintenant indépendants. La pire chose qui soit arrivée au Sénat, c’est que les sénateurs sont maintenant indépendants60. » Ce qu’il voulait dire, c’est que le gouvernement et, en particulier, les hauts fonctionnaires aiment l’idée que les sénateurs soient indépendants, mais qu’ils sont incertains des effets qui en résulteront pour les politiques et les activités gouvernementales. Il est certain que la réforme du premier ministre Justin Trudeau a entraîné le Sénat en terrain inconnu. Trudeau a expliqué pourquoi : « Je donne au Sénat une chance de se sauver lui-même61. » Il ne pouvait guère faire davantage compte tenu de la diversité régionale du pays et des intérêts régionaux, de la rigidité de notre Constitution et du jugement de la Cour suprême. Qu’est-ce qui a changé exactement? Le processus de nomination, et c’est à peu près tout. Il importe néanmoins de ne pas sous-estimer les conséquences d’un processus de nomination indépendant. En octobre 2017, une majorité des sièges était occupée par des sénatrices et des sénateurs indépendants. Cette situation risque toutefois d’être éphémère. Andrew Scheer, le chef de l’opposition, a promis d’abandonner l’idée d’un Sénat indépendant. Il a déclaré que les personnes qu’il nommerait au Sénat « seraient des sénateurs conservateurs qui contribueraient à mettre en œuvre une vision conservatrice du Canada62 ». Le changement a suscité beaucoup d’intérêt à l’intérieur comme à l’extérieur de l’appareil gouvernemental. De nombreux médias continuent d’affirmer que le Sénat demeure une institution «  non démocratique ». Le Globe and Mail a rappelé à ses lecteurs que le Sénat reste inchangé et a souligné qu’il reste encore à « redistribuer les sièges afin de mieux représenter les populations des provinces canadiennes63  ». Il donnait ainsi à entendre que les provinces les moins peuplées comptent un trop grand nombre de sénateurs et les provinces plus peuplées, pas assez, ignorant apparemment le rôle que

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joue une Chambre haute dans une fédération – prenons l’exemple des États-Unis ou de l’Australie, entre autres. Il est intéressant de noter que le Globe and Mail voit les choses d’un autre œil dans le cas des États-Unis où, comme il a été mentionné plus tôt, l’exécutif est moins puissant qu’au Canada et où la Californie (près de 40 000 000 d’habitants) et le Wyoming (590  000  habitants) comptent 2 sénateurs chacun. De même, en Australie, qui est dotée d’un système parlementaire inspiré du modèle de Westminster, la Nouvelle-Galle-duSud (7 272 800 habitants) a 12 sénateurs, tout comme la Tasmanie (516 000 habitants). Dans un autre éditorial, le Globe and Mail a écrit : « Le Sénat, cette Chambre non élue de second examen objectif [...] bloque présentement deux projets de loi adoptés par les députés élus de la Chambre des communes. S’il persiste, on lui reprochera à juste titre d’agir d’une manière non démocratique. » Il a poursuivi : « Il y a des moments où la crédibilité de nos sénateurs non élus ne tient qu’à un fil. C’est l’un de ces moments64. » Le journal, semble-t-il, a des réserves au sujet des trois rôles du Sénat parce que celui-ci demeure non élu. Le Devoir a fait peu de cas des changements apportés par Trudeau au processus de nomination au Sénat. Il avait cependant indiqué clairement que le Québec avait raison de ne pas appuyer les propositions de réforme de Harper65. Pour sa part, La Presse a publié des articles sur la réforme de Trudeau et affirmé que le premier ministre fermait la porte essentiellement à des négociations constitutionnelles visant une réforme du Sénat66. Andrew Coyne, du National Post, a écrit : « Parmi les nombreuses questions que le gouvernement n’a pas encore abordées, il y a la suivante : qui a demandé cela [la réforme de Trudeau]? Lorsqu’on l’interroge sur la question, la majorité de la population répond que le Sénat devrait être élu ou aboli. Presque personne ne demande simplement des nominations de meilleure qualité [...] il y a trois genres de réformes possibles du Sénat. Il y a ce qui est souhaitable, c’est-à-dire une Chambre haute élue démocratiquement, une formule réputée pour être difficile à mettre en œuvre. Il y a ce qui est nécessaire, c’està-dire empêcher le Sénat de s’opposer à la volonté démocratique de la population, ce qu’il serait possible d’obtenir simplement en modifiant le Règlement du Sénat. Et il y a ce qui n’est pas pertinent. Il est curieux que les libéraux mettent autant l’accent sur ce dernier genre de réforme67. » Plus tôt, un éditorial du National Post avait appelé à une réforme du Sénat suivant le modèle triple E68.

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Les médias ont aussi soulevé des préoccupations envers le travail d’une « auguste instance » qui n’a aucun lien politique avec le gouvernement ou l’opposition. Peu de journalistes ou d’observateurs non partisans contestent que les personnes nommées au Sénat par Trudeau sont non partisanes, réfléchies et qu’elles se distinguent par leurs accomplissements. De nombreux observateurs reconnaissent que les sénateurs indépendants ont accepté leur nomination en vue de faire du Canada un pays meilleur. Les sénateurs nommés par Trudeau ne sont toutefois pas représentatifs de monsieur et madame tout le monde. Ils font partie de l’élite, en ce sens qu’ils sont des chefs de file du domaine des arts ou de la littérature, du monde des affaires et des milieux gouvernemental, universitaire ou communautaire. Beaucoup d’observateurs font cependant remarquer que les sénateurs n’ont de comptes à rendre à personne et ne doivent allégeance à aucun parti politique dans leurs efforts pour faire du Canada un pays meilleur tel qu’ils le perçoivent. Selon le Globe and Mail, « c’est précisément pour cette raison qu’ils sont dangereux69 ».

à l a r e c h e rc h e d ’ u n e d escri pti on de poste Justin Trudeau est allé aussi loin qu’il lui était possible de le faire pour réformer le Sénat sans devoir rouvrir la Constitution. Les sénateurs de Justin Trudeau ont tout le loisir de définir leur travail comme bon leur semble. Ils ne rendent pas compte à un caucus partisan, à un parti politique ou à un chef de parti. Au sujet des nominations au Sénat, le site Web du gouvernement explique les exigences d’admissibilité inscrites dans la Constitution pour toute personne qui souhaite soumettre sa candidature (c.-à-d. être âgée de 30 ans, être citoyenne canadienne, résider dans la province pour laquelle elle est nommée et posséder un avoir net de 4 000 $). Il précise également qu’il faut présenter « un bilan exceptionnel de réalisations dans [sa] profession ou [son] domaine de compétence » et insiste sur l’importance de posséder de l’expérience en ce qui a trait au processus législatif. Il informe les candidats et les candidates que le processus de nomination accordera la priorité aux personnes qui permettront une représentation équilibrée « des sexes, des Autochtones et des minorités70 ». Le site Web du gouvernement ne fournit aucun renseignement sur ce qu’on attend des sénateurs indépendants. On n’y trouve aucune description de poste. Il semble toutefois que, en soulignant l’importance de la « représentation des sexes, des Autochtones et des minorités »,

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le gouvernement reconnaisse l’un des rôles que la Cour suprême a définis pour le Sénat en écrivant qu’il sert de « tribune aux femmes ainsi qu’à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n’avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions71 ». Il vaut la peine de répéter que le gouvernement a également envoyé un message important aux régions lorsqu’il a annoncé la création du Comité consultatif indépendant. La présidente et les deux membres « fédéraux » du Comité ne sont pas issus des provinces les moins peuplées. La présidente est originaire de l’Ontario, la province la plus peuplée du Canada; l’un des membres fédéraux est du Québec, la deuxième province en importance, et l’autre de l’Alberta, qui arrive au quatrième rang. Cela porte à croire que le gouvernement fédéral privilégie le rôle de second examen objectif du Sénat72. Le gouvernement Trudeau aurait envoyé un message important aux provinces peu peuplées, sans parler des provinces les plus peuplées, s’il avait nommé une personne du Manitoba à la présidence, une personne de la Nouvelle-Écosse à la vice-présidence et une autre de l’Ontario ou du Québec à titre de troisième membre fédéral. La réforme du Sénat réalisée sous le gouvernement Trudeau a néanmoins stimulé les discussions entourant le rôle du Sénat et la description des tâches qui incombent aux sénateurs. Un sénateur récemment nommé a écrit que « tout ce que le premier ministre nous a demandé, c’est d’apporter une perspective indépendante à notre travail73 ». Il n’a rien dit au sujet du rôle de promouvoir le point de vue des régions. Un autre sénateur a mentionné sa contribution à la promotion des droits de la communauté lgbtq dans son travail au Sénat74. Ce qu’il faut retenir, c’est que les sénateurs indépendants sont libres d’établir leur description de poste comme ils l’entendent. Gloria Galloway a décrit le Sénat de l’ère post-Trudeau comme étant « imprévisible. Il s’agit d’une Chambre composée de membres qui ne s’entendent pas entre eux sur les éléments essentiels de leur description de tâches75. » J’ai noté plus tôt que deux sénateurs de premier plan, Michael Kirby et Hugh Segal, ont signé un document dans lequel ils suggéraient des moyens de renforcer le Sénat à la lumière du nouveau processus de nomination mis en place par Trudeau. Ils ont dit des changements de Justin Trudeau qu’ils étaient « peut-être la plus grande réforme réelle de l’institution, par opposition aux nombreuses réformes envisagées depuis la Confédération  », mais ils ont ajouté ensuite que « le premier ministre a donné peu d’indications sur la façon dont un

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Sénat indépendant devrait fonctionner ». Ils ont voulu combler cette lacune et donner des conseils au nouveau Sénat. Leur essai s’ouvre par le commentaire suivant  : «  Qu’on ne s’y trompe pas  : sans le Sénat pour servir de contrepoids régional à la Chambre des communes élue par le peuple, le projet de Confédération aurait échoué. » Ils ont rappelé à leurs lecteurs que « cette question était si sensible que l’Île-du-Prince-Édouard est demeurée à l’extérieur du Canada durant six ans parce que la demande d’une représentation provinciale égale plutôt qu’une représentation régionale égale n’avait pas été satisfaite »76. Leur recommandation : « Puisqu’à l’origine l’organisation du Sénat reposait sur la représentation régionale, nous estimons que c’est une bonne façon de procéder pour remplacer les prérogatives de l’allégeance politique. » Ils reconnaissaient que certains sénateurs et sénatrices souhaiteront unir leurs efforts pour promouvoir des objectifs tels que les droits de la communauté lgbtq et les mesures de lutte contre la pauvreté, mais « il ne s’agit pas d’une assise durable sur laquelle l’organisation du Sénat devrait se fonder ». Ils ont ensuite exhorté les sénateurs indépendants à se serrer les coudes, sinon « il ne se produira aucun changement substantiel ». À cet effet, ils ont recommandé que l’organisation du Sénat soit axée sur des caucus régionaux qui rassembleraient tous les sénateurs, indépendamment de toute allégeance. Ces caucus régionaux tiendraient des réunions hebdomadaires pendant les séances du Sénat. Kirby et Segal envisageaient la formation des quatre caucus régionaux «  contemplés  » par les fondateurs de la Confédération (l’Atlantique, le Québec, l’Ontario et l’Ouest); quant aux trois sénateurs du Nord canadien, ils se verraient offrir « une seule occasion de choisir celui des caucus auquel ils souhaitent se joindre ». Ils ont aussi formulé d’autres recommandations qui portaient surtout sur le Règlement du Sénat et proposé cinq changements de nature législative touchant notamment l’abolition de la condition relative à l’avoir net77. Le rapport Kirby-Segal n’a pas porté ses fruits. « Il est mort dans l’œuf », m’a dit Michael Kirby. Les sénateurs ont manifesté peu d’intérêt pour ses conclusions et peu d’entre eux, à l’extérieur de l’Ouest canadien et du Canada atlantique, voyaient les avantages d’une organisation du Sénat axée sur des caucus régionaux. Kirby a expliqué que « personne ne voulait entendre parler de caucus régionaux78 ». Hugh Segal semble également avoir mis une croix sur la recommandation du rapport et il écrit maintenant au sujet du rôle de second examen objectif du Sénat. Il convient de le citer longuement à ce propos : « La

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conduite du Sénat, où j’ai siégé de 2005 à 2014, était largement motivée par des directives partisanes provenant de l’aile parlementaire des deux vieux partis. Les nominations faites par les partis pendant qu’ils étaient au pouvoir reflétaient ces priorités partisanes. Il n’était pas dans l’intention des négociateurs de la Confédération de faire de la Chambre haute un miroir de la Chambre basse élue, avec les mêmes divisions et les mêmes tensions. Ils visaient à créer une Chambre de second examen qui améliorerait les mesures législatives, poserait des questions détaillées et porterait sans précipitation un jugement réfléchi, tout en respectant la volonté démocratique de la population canadienne conformément au mandat conféré par élection et exprimé par le gouvernement dûment élu79. » Les sénateurs reviennent à ce qu’ils savent faire le mieux : examiner les mesures législatives. Les sénateurs indépendants, dont beaucoup possèdent une expérience politique limitée en raison de la réticence à nommer d’anciens politiciens, se tournent vers d’autres sénateurs pour connaître la façon de procéder afin d’orienter leur contribution aux travaux. Dans son rapport sur la modernisation du Sénat, produit dans la foulée de la réforme de Trudeau, un groupe non partisan de sénateurs a concentré ses efforts sur le Règlement du Sénat, l’examen des projets de loi au sein des comités sénatoriaux et le mode de sélection des membres des comités. Il n’a fait qu’une brève allusion aux caucus régionaux80. J’ai noté plus tôt qu’un sénateur du Québec a fait publiquement une mise en garde contre une réorganisation du Sénat axée sur des caucus régionaux, craignant qu’elle ne provoque une recrudescence des tensions régionales. Il n’était pas le seul sénateur du Québec à s’opposer à une réorganisation du Sénat en fonction de frontières régionales, comme nous le verrons plus loin. Le sénateur Peter Harder, le représentant du gouvernement au Sénat, a produit un document de travail étoffé sur le rôle du Sénat à la lumière du nouveau processus de nomination. Il a relevé un ensemble de principes en vue de guider le travail des sénateurs. Il a recommandé que le Sénat adopte une approche équilibrée lorsqu’il apporte des amendements aux projets de loi, « qui comprend un second examen objectif de l’interaction de la loi avec la Constitution [...] [et] les traités et les accords internationaux [...]; des conséquences négatives de la législation sur les minorités et les groupes économiquement désavantagés; [...] du texte pour y déceler des erreurs de rédaction, des conséquences graves non souhaitées ou d’autres omissions ». En ce qui concerne les régions, Harder a minimisé la question et évoqué la nécessité d’examiner les projets de loi pour déterminer « l’incidence de la législation sur

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les régions, provinces et territoires, tout en considérant principalement l’intérêt national de la fédération dans son ensemble »81. L’ensemble du système à Ottawa – de la représentation selon la population, qui détermine qui détiendra le pouvoir, au Cabinet, qui compte toujours une forte représentation de l’Ontario, en passant par la haute fonction publique fédérale, qui est concentrée à Ottawa – est conçu pour « considérer principalement l’intérêt national ».

l a s it uat io n e s t di fférente Le Sénat, qui regroupe une coterie grandissante de sénateurs indépendants, est moins prévisible et plus exigeant envers le gouvernement en place. Les liens entre le gouvernement et le Sénat ne sont plus aussi solides qu’ils l’étaient quand le leader du gouvernement au Sénat siégeait au Cabinet et aidait à faire adopter les projets de loi au Parlement. Sous le gouvernement de Justin Trudeau, le représentant du gouvernement au Sénat n’est pas membre du Cabinet, mais il assiste aux réunions du Cabinet s’il y a lieu ou quand il faut discuter du programme législatif du gouvernement82. Les lobbyistes, qui ont pris bonne note du changement, sont souvent une indication fiable de l’endroit où se trouvent le pouvoir et l’influence. Les démarches des lobbyistes auprès du Sénat ont été multipliées par six depuis l’accession au pouvoir de Justin Trudeau. Ce sont les sénateurs indépendants, plutôt que les partisans, qui acceptent la plupart des rencontres. Bien sûr, les députés à la Chambre des communes continuent de mener largement quant au nombre de rencontres ou de communications qu’ils acceptent (environ 8 000 par mois contre 1 250 pour le Sénat). Toutefois, le Sénat gagne lentement du terrain. Les 28 sénateurs et sénatrices nommés par Trudeau comptent pour plus du tiers des rencontres. Le sénateur Terry Mercer explique que «  les sénateurs font davantage l’objet de lobbying parce que nous sommes plus actifs. Nous sommes très proactifs. » Un lobbyiste rapporte que c’est maintenant une « “nouvelle normalité”, un reflet du fait que les sénateurs indépendants transforment la façon dont les décisions sont prises83 ». Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer l’incidence du nouveau processus de nomination et qu’un certain nombre de journalistes aient exprimé des préoccupations au sujet du processus, certains observateurs bien informés se réjouissent de la « nouvelle version » du Sénat. «  Il est probablement temps de revoir notre image stéréotypée du Sénat comme étant un échec total », écrit Paul Thomas.

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Tout en reconnaissant que l’avenir du Sénat « demeure incertain », il ajoute que «  des preuves tangibles démontrent que le nouveau Sénat ne traite plus le premier ministre et le gouvernement avec autant de déférence et qu’il est plus disposé à modifier une loi déjà adoptée par la Chambre des communes »84. C’est là une amélioration, particulièrement en ce qui a trait au rôle de « second examen objectif » du Sénat. Même si je maintiens que les réformes de Justin Trudeau n’ont pas vraiment permis de clarifier le rôle du Sénat, les nominations faites par Trudeau donnent des résultats. Trudeau a nommé Peter Harder, un représentant très respecté du gouvernement au Sénat, qui connaît bien les coulisses du pouvoir à Ottawa et le processus législatif. Harder a collaboré avec succès avec des sénateurs indépendants et de nombreux sénateurs partisans, et ils ont rendu le Sénat plus pertinent à l’intérieur du gouvernement et aux yeux de la population canadienne. Ce n’est pas un mince exploit. Le temps nous dira si le changement est susceptible d’être maintenu. Étant donné les réactions au rapport KirbySegal, il est peu probable que le Sénat acquiert une forte capacité à faire entendre la voix des régions à Ottawa.

r e to u r e n a rri ère Peu importe ce qu’en pensent les Canadiens et les Canadiennes, le Sénat est là pour rester et, fort probablement, pour rester dans sa forme actuelle. Le virage vers la nomination de sénateurs indépendants sera peut-être de courte durée si Andrew Scheer devient premier ministre. Il a clairement indiqué qu’il est un «  partisan d’un Sénat élu » mais que, à défaut, il nommerait « des sénateurs conservateurs qui contribueraient à mettre en œuvre une vision conservatrice du Canada »85. Il faut encore ratisser large, cependant, pour trouver quelqu’un qui applaudit les contributions des sénateurs. Lorsqu’il a adopté le nouveau processus de nomination, le premier ministre Justin Trudeau a décrit le Sénat comme « une force puissante, négative86 ». La plupart des médias nationaux ne voient pas tellement l’utilité du Sénat; le Globe and Mail, par exemple, affirme que «  le Canada n’a peutêtre pas besoin d’un Sénat, mais il en a un sur les bras87 ». Certains sénateurs, pour leur part, reconnaissent la valeur du Sénat, que l’un d’eux a qualifié de «  l’une des institutions démocratiques les plus importantes du pays88 ». Il n’a pas précisé pourquoi, selon lui, il est l’une des institutions les plus importantes du pays.

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Toutes les tentatives visant à réformer le Sénat ces dernières années se sont soldées par un échec, exception faite du nouveau processus de nomination. L’initiative de Harper en ce sens a mené à une décision de la Cour suprême qui a effectivement tué tout espoir d’une future réforme majeure du Sénat. Le nouveau processus de nomination mis en place par Trudeau est encore une œuvre inachevée. La réforme du Sénat ne figurait pas parmi les priorités de Pierre Trudeau lorsqu’il décida de rapatrier la Constitution. Celui-ci décida plutôt d’opter pour l’adoption de la Charte des droits et libertés. Après le rapatriement, un certain nombre de rapports, dont celui de la Commission royale MacDonald et le rapport Beaudoin-Dobbie, ont réclamé une réforme du Sénat, mais en vain. En conséquence, le Sénat demeure le « souffre-douleur des institutions démocratiques ». Se porter à sa défense, comme le fait remarquer David Docherty, «  est une tâche ingrate que peu de gens à l’extérieur du Sénat sont disposés à assumer  ». Docherty conclut que «  le Sénat fait piètre figure quand il s’agit de représenter les intérêts régionaux à Ottawa »89, mettant en lumière l’échec le plus important des sénateurs. Qu’ils soient indépendants ou partisans, les sénateurs et les sénatrices jonglent avec plusieurs descriptions de poste. Et pourtant, les attentes à l’égard des sénateurs devraient être plus précises que dans le cas des députés. Les électeurs décident tous les quatre ans de leurs attentes à l’égard des députés élus mais ce n’est pas le cas pour les sénateurs. Comme l’écrit un journaliste, le Sénat « n’est élu par personne et ne rend de comptes à personne90 ». Le rapport Kirby-Segal, qui invitait le Sénat à retrouver ses racines en se réorganisant selon la représentation régionale, n’a abouti à rien. Les sénateurs indépendants ont plutôt cherché à affiner leur rôle de « second examen objectif » à la lumière de divers rapports qui recommandaient essentiellement l’établissement d’une «  grille d’analyse pour le second examen objectif91 ». La crainte, comme toujours à Ottawa, est d’attiser les tensions régionales. Dans l’optique de l’Ontario, du Québec et du Cabinet du premier ministre, il est beaucoup plus sûr de favoriser le rôle de second examen objectif du Sénat que de donner plus de poids aux voix régionales. Il en résulte que nous nommons des sénateurs et des sénatrices qui doivent se débattre avec trois rôles différents : deux qui furent définis par les Pères de la Confédération à l’époque où la démocratie représentative prenait encore forme, soit assurer un second examen objectif des projets de loi de la Chambre des communes et exprimer

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le point de vue des régions à Ottawa; et un troisième rôle qui s’est ajouté ou a été encouragé avec le temps,  soit parler au nom des minorités. Libre aux sénateurs de choisir parmi les trois rôles. Le Sénat demeure une institution dont les membres ont du mal à saisir le rôle et les normes. L’institution est née d’un compromis dégagé par les Pères de la Confédération, un compromis qui leur évitait de répondre aux exigences élémentaires du fédéralisme. Les Canadiens et les Canadiennes comprirent, pratiquement dès le premier jour, que l’institution ne servirait pas adéquatement l’intérêt de leur pays. Certes, le nouveau processus de nomination se traduit par la nomination de sénateurs qui sont issus de divers horizons, qui possèdent des compétences variées et qui, surtout, sont moins partisans que leurs prédécesseurs. Mais l’institution continue tout de même de prescrire les comportements qui sont attendus, comme le révèle le rejet du rapport Kirby-Segal. Le Sénat, depuis l’époque des Pères de la Confédération, qui permirent à la confusion de s’installer autour de son rôle, continue de modeler le comportement des sénateurs et de générer des caractéristiques qui se perpétuent d’elles-mêmes. Rappelons que les délégués de l’Ontario (le Canada-Ouest à l’époque) ne voulaient pas qu’une Chambre haute compromette le pouvoir découlant de la représentation selon la population, et que le Québec (le Canada-Est) ne voulait pas d’une Chambre haute où toutes les provinces seraient représentées également. La légitimité du travail du Sénat apparaît douteuse aux yeux de nombreux Canadiens et Canadiennes d’autant plus que le Sénat demeure non élu. Compte tenu de la Constitution et des récentes décisions des tribunaux, la Chambre haute du Canada continuera de s’attirer les critiques et est condamnée à rester inchangée. Elle continuera également de modeler le comportement des sénateurs et de générer des caractéristiques qui se perpétuent indéfiniment. Les institutions sont composées d’individus « liés par la volonté commune d’atteindre certains objectifs92 », et le Sénat n’est pas différent. Le Sénat demeure une institution qui n’a jamais existé pour au moins 8 des 10 provinces canadiennes. Le Sénat canadien ne contribue pas à renforcer la légitimité démocratique lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes, en assurant une double majorité : l’une fondée sur la représentation selon la population à la Chambre basse et l’autre parmi les collectivités constitutionnellement reconnues dans la fédération à la Chambre haute. C’est ce qu’on attend d’un système fédéral. Le Canada constitue l’exception. Une évidence s’impose  : les premiers ministres provinciaux ne sont pas en mesure de s’acquitter de cette tâche parce qu’ils n’ont

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pas le pouvoir, en vertu de la Constitution, de participer aux décisions d’Ottawa concernant les politiques ou les intérêts nationaux93. Macdonald et d’autres Pères de la Confédération y veillèrent lorsqu’ils décidèrent que les gouvernements provinciaux seraient responsables de «  toutes les matières de nature purement locale ou privée dans la province  ». Un ancien haut fonctionnaire provincial responsable des relations intergouvernementales a écrit : « Les premiers ministres provinciaux sont maintenant aussi influents à Ottawa que les députés que Trudeau a qualifiés de “nullités”. Il n’existe aucun forum national où les premiers ministres provinciaux pourraient faire valoir leurs intérêts et interagir avec le gouvernement fédéral94. »

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Le Cabinet : l’institution qui a cessé d’exister

Nous avons au Canada un gouvernement de cabinet, nous dit-on. Un gouvernement de cabinet est un gouvernement dirigé par le Cabinet et non par une personne. Dans un gouvernement de cabinet, les ministres participent à l’établissement du programme du gouvernement en matière de politiques, à la prise de décisions gouvernementales importantes et à la vie politique et administrative de l’État. Dans un système parlementaire westminstérien, un gouvernement de cabinet signifie également que les ministres sont individuellement et collectivement responsables devant le Parlement, dont ils doivent conserver la confiance1. Le gouvernement leur appartient, du moins en théorie. Walter Bagehot a écrit que « le Cabinet, en somme, est un bureau de contrôle que la législature choisit parmi les personnes en qui elle a assez de confiance et qu’elle connaît assez pour leur donner la charge de gouverner la nation2 ». Bagehot avait entièrement confiance dans le gouvernement de cabinet et insistait pour dire qu’il était bien supérieur au gouvernement présidentiel. « Les gouvernements de Cabinet sont les éducateurs des peuples, a-t-il écrit; les gouvernements présidentiels ne le sont pas, et, de plus, ils peuvent les corrompre3. » J’ai écrit dans Governing from the Centre en 1999 que nous avions un primus, mais qu’il n’était plus inter pares. Vingt ans plus tard, seuls quelques anciens praticiens contestent cette affirmation4. Le premier ministre est primus en toutes choses  : dans l’établissement des grandes orientations de l’action gouvernementale, dans la définition de l’image de marque du gouvernement, dans la prise de décisions, importantes ou non, conformes à sa volonté, dans toutes les nominations par décret, y compris celle des sous-ministres, des sénateurs et des juges, et dans l’élaboration du budget, notamment la prise de nouveaux engagements de dépenses.

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Lors des élections générales de 2015, Justin Trudeau a promis de ramener le gouvernement de cabinet à Ottawa. Il a déclaré à Peter Mansbridge, de la cbc, que si son père avait amorcé la concentration du pouvoir, il serait celui qui rétablirait le gouvernement de cabinet à Ottawa. Le jour de l’assermentation de son gouvernement, il a lancé « c’est le retour du gouvernement de cabinet », reconnaissant en fait que le Canada n’était plus dirigé par un gouvernement de cabinet en 20155. Mais le gouvernement de cabinet n’est pas de retour. Je dirais même que nous nous en sommes éloignés un peu plus. Non seulement Trudeau fils a aboli la fonction de ministre régional, mais il a aussi bien fait comprendre qu’il est le primus et qu’il ne se voit plus parmi des pares. Ainsi, lors d’une conférence de presse, Trudeau a dit aux journalistes que c’était à lui qu’ils et elles devaient adresser leurs questions plutôt qu’à son ministre des Finances, également présent, qui est traditionnellement le ministre le plus puissant du gouvernement. La raison pour laquelle ils devaient s’adresser à lui, a-t-il expliqué aux journalistes rassemblés, c’est parce qu’il était le premier ministre. Un journaliste du Globe and Mail a persisté et a tenté à nouveau de poser une question au ministre des Finances, debout aux côtés du premier ministre. Trudeau a répondu : « Vous devez me poser la question en premier parce que vous avez une chance de vous adresser au premier ministre6. » Je ne peux imaginer l’ancien premier ministre Lester Pearson formuler une demande semblable, ni d’ailleurs ses ministres des Finances, tant Walter Gordon que Mitchell Sharp, trouver qu’elle soit acceptable.

où s o n t pas s é s to u s mes personnages? De puissants ministres des Finances ont été en poste à Ottawa au cours des années. Ils ont laissé leur propre marque et pourraient mettre en avant des réalisations importantes dont ils furent les promoteurs fructueux et qui sont devenues des éléments de leur marque. Je pense notamment à Clifford Sifton et à la politique d’immigration, à C.D.  Howe et au développement économique, à Allan J. MacEachen et à la politique sociale, à Lionel Chevrier et à la politique des transports, et à Judy LaMarsh et au Régime de pensions du Canada. Je pourrais poursuivre l’énumération. Dans Politics of Public Spending in Canada, paru en 1990, j’ai regroupé les ministres en quatre catégories  : les participants dotés d’un statut, les participants dotés d’une mission, les participants

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à l’élaboration des politiques et les participants au processus. Je reprends brièvement mon propos en rappelant que les participants dotés d’un statut poussent la notoriété publique à l’extrême. En général, ils collaboraient très bien avec leur ministère, expliquais-je, et rôdaient toujours dans leur ministère ou ailleurs dans l’appareil gouvernemental lors d’initiatives ou d’annonces qui leur permettaient d’accroître leur notoriété auprès de la population. Le défi pour leur ministère était d’assurer qu’ils étaient toujours vus sous une lumière favorable en public. Le cas échéant, ces ministres et leur ministère étaient voués à un partenariat heureux et productif. Les ministres dotés d’un statut ne voulaient pas rater l’occasion de se mettre en valeur en contestant des positions politiques de leur ministère. Tant qu’ils ne causaient aucun problème au premier ministre ou au gouvernement, ils étaient libres de chercher les occasions de se faire connaître dans les médias. Les participants qui se donnaient une mission apportaient des idées très arrêtées au gouvernement et n’évitaient pas les confrontations avec des collègues ou leur ministère. Ils s’efforçaient avec ténacité de faire valoir leurs opinions bien tranchées et étaient prêts, s’il le fallait, à remettre en question les positions des hauts fonctionnaires de leur ministère. Les participants animés par une mission jouissaient d’une grande considération au sein du gouvernement, du caucus auprès de leurs collègues aux vues similaires, et de leur parti. Les pressions qu’ils exerçaient sur le gouvernement ont entraîné le plus souvent une forte augmentation plutôt qu’une baisse des dépenses publiques. Parce que les participants dotés d’une mission avaient leur propre marque et leur propre base d’appui à l’intérieur du parti, le premier ministre devait se montrer prudent dans les rapports qu’il entretenait avec eux (pensons, par exemple, à Louis St-Laurent et C.D. Howe, et à John Diefenbaker et Alvin Hamilton). Les participants à l’élaboration des politiques s’étaient lancés en politique en vue de façonner les politiques publiques et s’engageaient volontiers dans de longs débats avec les fonctionnaires de leur ministère et leurs collègues du Cabinet. De plus, ils mettaient leurs compétences dans un domaine d’expertise particulier au service du gouvernement, et les questions qu’ils soulevaient au Cabinet dépassaient les généralités de la plateforme électorale de leur parti. Ils n’étaient pas des politiciens de carrière qui avaient acquis des compétences dans un secteur de politique ou un domaine d’action politique avant d’être élus au Parlement.

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Les participants au processus, pour leur part, ne remettaient généralement pas en question les politiques ou le processus politique, pas plus qu’ils ne défendaient des idées bien arrêtées. Ils étaient entrés au gouvernement pour conclure des ententes avec des collègues, leur ministère ou des hauts fonctionnaires afin d’obtenir un projet pour leur ministère, pour les secteurs dont ils avaient la responsabilité ou pour leur circonscription. Ils s’étaient lancés en politique pour livrer des projets, faire bouger les choses et conclure des ententes7. Bref, c’étaient des négociateurs d’ententes. Ils se faisaient un devoir de comprendre les rouages du Parlement et du gouvernement pour être en mesure de faire bouger les choses. Le premier ministre et ses conseillers collaboraient de près avec les participants au processus pour se tenir au courant des ententes qui étaient conclues. Lorsque j’ai écrit au sujet de ces différentes catégories de ministres, à la fin des années 1990, je pouvais encore classer les ministres dans telle ou telle catégorie. Je considérais qu’Ed Lumley et Jean-Jacques Blais, parmi d’autres, étaient des participants dotés d’un statut dans le Cabinet de Trudeau père. Je considérais que Jake Epp et John Wise dans le Cabinet Mulroney et Roméo LeBlanc et Monique Bégin dans le Cabinet de Trudeau père étaient des participants animés par une mission. Je considérais également que Donald Johnston dans le Cabinet de Trudeau père était un participant à l’élaboration des politiques en raison de ses compétences en politique fiscale. Je considérais qu’André Ouellet dans le Cabinet de Trudeau père, entre autres ministres, était un participant au processus. Je serais bien en peine de classer n’importe quel des ministres du Cabinet de Trudeau fils dans les quatre catégories susmentionnées. Je peux en dire autant du gouvernement Harper. Nous n’avons plus de ministres ayant leur propre marque qui puissent se comparer à ceux et celles que je viens d’énumérer, ou, plus récemment, à Paul Martin, à Brian Tobin et à Sheila Copps sous le gouvernement de Jean Chrétien. Nous avons maintenant la marque Stephen Harper ou Justin Trudeau, point à la ligne. Les ministres se fondent tout simplement dans ces marques et se laissent porter par les vagues où qu’elles les mènent. Comme l’explique Alex Marland, « les ministres et les députés ne peuvent pas posséder leur propre marque. La marque appartient aux chefs de parti8. » Il n’existe plus maintenant qu’une seule marque pour les ministres : celle du premier ministre, telle la marque Harper ou la marque Trudeau. Les marques concurrentes de ministres ne font qu’affaiblir la marque du premier ministre, ce qui n’est pas toléré.

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Les premiers ministres ont maintenant entre leurs mains tous les leviers du pouvoir qui leur permettent d’imposer leur domination concernant toutes les questions sur lesquelles ils veulent garder la mainmise et d’intégrer leurs ministres et députés à leur marque. Les médias se sont ajustés et comprennent maintenant que le gouvernement appartient au premier ministre, non aux ministres. Doug Saunders a imputé à Stephen Harper, non aux ministres ou même au ministre des Affaires étrangères, certaines décisions prises en matière de programmes. Il a écrit : « le Fonds pour la société civile du Zimbabwe, de 3,4  millions de dollars, a été épuisé en 2013 après que le premier ministre Stephen Harper eut fermé les principaux organismes de promotion de la démocratie et retiré des ressources [que le Canada avait mis] en place dans des pays tels que le Zimbabwe9 ». Aucune allusion au ministre ni au Cabinet parce que la décision, qui comportait un modeste financement, appartenait au premier ministre Harper et à ses principaux conseillers et à personne d’autre, pas même le ministre. Le Parti libéral a remporté les élections générales de 2015 parce que Justin Trudeau a mené une campagne solide et en raison de sa marque et du travail de ses sondeurs et conseillers politiques, qui forment sa cour. Ils ont compris que l’appel à un « changement de discours  » trouverait écho auprès de la population canadienne10. La marque Trudeau a dominé la campagne, et aucun intermédiaire régional du pouvoir n’a contribué à la victoire du Parti dans les circonscriptions. La vie politique canadienne est maintenant centrée sur les chefs de parti de la même façon que le gouvernement est centré sur le premier ministre. Tout tourne autour du chef de parti. Les députés, les aspirants députés et les conseillers politiques savent que si les faiblesses d’un chef de parti sont révélées au grand jour, l’opposition et les médias vont s’acharner dessus. Les médias mettent également l’accent sur les chefs de parti – qui sont des personnalités de la télévision –, et les débats des chefs lors des campagnes électorales sont susceptibles d’avoir de profondes répercussions11. Les candidats et les membres de parti se doivent quant à eux de montrer leur loyauté envers leur chef et d’applaudir leur performance. Une fois que le chef de parti remporte l’élection en obtenant un mandat majoritaire, il exerce un pouvoir presque absolu au sein du gouvernement. Il est bon de rappeler au lecteur les nombreux leviers du pouvoir que détient le premier ministre ou la première ministre. Il ou elle préside le Cabinet, nomme les ministres et les

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sous-ministres, les sénateurs et les sénatrices et les juges, établit tous les comités du Cabinet et décide de toutes les questions liées à l’appareil gouvernemental sans consulter le Cabinet. Tous les décrets qui visent à apporter des modifications à l’appareil gouvernemental énoncent clairement que l’initiative appartient au premier ministre, non au Cabinet. C’est lui qui énonce les grandes orientations stratégiques du gouvernement dans le discours du Trône, qui a le dernier mot dans l’établissement du cadre financier du gouvernement et de tous les postes budgétaires importants, qui est l’arbitre ultime de tous les conflits interministériels, qui dirige la partie fédérale dans les relations fédérales-provinciales, qui représente le Canada à l’étranger, et c’est le seul politicien à représenter une circonscription « nationale ». Aucune exigence constitutionnelle n’oblige le premier ministre à consulter le Cabinet; il n’existe que des conventions en ce sens. Le premier ministre dirige le Cabinet du premier ministre (cpm), le bureau qui exerce les plus grandes fonctions politiques partisanes – et de loin – au sein du gouvernement. Après l’obtention d’une majorité de sièges, la discipline de parti s’applique avec toute sa force, et le Parlement est littéralement laissé pour compte jusqu’aux prochaines élections générales. Les monarques britanniques de jadis seraient bien satisfaits de ces leviers. Les ministres continuent de perdre de l’influence au profit du centre du gouvernement, soit les premiers ministres et leurs courtisans. Bien sûr, les premiers ministres, de John A. Macdonald à Justin Trudeau, ont toujours eu la haute main sur l’établissement du programme politique de leur gouvernement. Dans son ouvrage Prime Ministerial Power in Canada, Patrice Dutil documente le pouvoir des premiers ministres sous Macdonald, Laurier et Borden12. On racontait à Ottawa que R.B. Bennett tenait des réunions du Cabinet en marchant tout seul et en se parlant à lui-même13. Bref, les premiers ministres ont toujours été puissants au Canada comme en Grande-Bretagne et dans d’autres systèmes parlementaires inspirés de celui de Westminster. Ils ont progressivement remplacé tous les monarques puissants à la tête de l’exécutif et ils ont conservé pour eux-mêmes bon nombre des pouvoirs que ceux-ci exerçaient14. Cependant, les premiers ministres ont de nos jours davantage d’outils qui leur permettent de gouverner à partir du centre, outils qui n’existaient pas il y a 50 ans. Autrefois, les cabinets comptaient de puissants ministres (pensons au premier Cabinet de John A. Macdonald et George-Étienne Cartier; à Wilfrid Laurier et Clifford Sifton et John Cartwright; Mackenzie King et Ernest Lapointe et

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Charles « Chubby » Power; Louis St-Laurent et C.D. Howe et Jack Pickersgill; John Diefenbaker et Alvin Hamilton et Donald Fleming; Lester B. Pearson et Walter Gordon, Paul Martin père et Mitchell Sharp; Pierre E. Trudeau et Lloyd Axworthy et Marc Lalonde; Brian Mulroney et John Crosbie et Don Mazankowski). Les premiers ministres qui précèdent, comme il a été noté plus tôt, durent aussi traiter avec de puissants ministres régionaux. Alan C. Cairns l’a bien résumé : « Les premiers cabinets étaient des regroupements de notables régionaux qui avaient leurs propres bases de pouvoir [et] qui défendaient avec force les besoins de leur province dans les plus hautes instances politiques du pays [...] toutefois, les porte-parole régionaux d’une telle authenticité et dotés d’un tel pouvoir ne sont plus maintenant que des souvenirs du passé, bien que la nomination du Cabinet demeure fondée sur des considérations régionales15.  » Ce dernier argument ainsi que la présence de ministres régionaux appartiennent maintenant aux livres d’histoire. Il n’y a plus au Canada de « gros bonnets » au sein du Cabinet comme c’était le cas autrefois16. Ces ministres influents jouissaient d’un appui solide de leur parti, de leur région, du caucus et du Cabinet. Trudeau fils, comme nous l’avons vu, a supprimé la fonction de ministre régional parce que ses conseillers et lui ont conclu qu’il leur était impossible de faire fonctionner le concept en Ontario et au Québec. Avant Trudeau fils, les premiers ministres consultaient leurs ministres régionaux sur de nombreuses questions, des projets d’infrastructure dans leur région aux nominations par décret17. De nos jours, le premier ministre fait appel à des groupes consultatifs pour obtenir des avis sur les nominations au Sénat et la nomination des juges, et aux organismes centraux pour obtenir des avis sur les projets d’infrastructure. Cela explique peut-être pourquoi le nombre de postes gouvernementaux vacants a atteint un nouveau record deux ans après l’arrivée au pouvoir de Trudeau fils. En novembre 2017, on comptait 594  postes vacants ou occupés par une personne dont le mandat était expiré. De plus, 54 nominations à la magistrature étaient encore attendues, et plus de la moitié des postes n’avaient toujours pas été remplis dans un tiers des organismes fédéraux18. Le gouvernement a aussi essuyé de vives critiques pour la lenteur de ses décisions concernant son engagement électoral de procéder aux plus importants investissements en infrastructures jamais réalisés dans l’histoire du Canada19. Il semble bien que la concentration du pouvoir et les processus bureaucratiques soient incapables de produire des

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décisions aussi rapidement que les ministres régionaux pouvaient le faire autrefois. Quoi qu’il en soit, les premiers ministres n’ont plus besoin d’avoir recours aux ministres, y compris les ministres régionaux – même s’ils étaient encore en place –, pour se faire une idée de l’évolution de la situation politique, d’une initiative proposée ou de la perception d’un programme gouvernemental dans une région donnée. Les premiers ministres et leurs courtisans peuvent faire appel à toute une gamme de sondages d’opinion publique pour remettre en question le point de vue de leurs ministres. Il existe maintenant des sondages disponibles au moment voulu qui documentent l’opinion des Canadiens et des Canadiennes sur pratiquement toutes les questions de politique publique. Après tout, comment le ministre le plus influent pourrait-il contester ce que disent les sondages? Les sondages d’opinion publique sont plus fiables, plus objectifs, moins empreints de parti pris pour les régions et plus ciblés que les avis des ministres, et il est plus facile de traiter avec des sondages qu’avec des ministres. La concentration du pouvoir n’est toutefois pas sans soulever des problèmes. L’appareil gouvernemental et la bureaucratie sont beaucoup trop complexes pour qu’une personne et une poignée de courtisans puissent en assurer entièrement la gestion et le contrôle. Une trop grande partie du système gouvernemental est mise à l’écart lorsque le premier ministre et ses courtisans prennent toutes les décisions importantes et même certaines décisions mineures. Les ministres et les hauts fonctionnaires doivent maintenant obtenir le feu vert du premier ministre et du cpm pour mettre en œuvre des initiatives importantes et même prendre de nombreuses décisions. Il en résulte une surcharge du système, et l’engorgement subsiste tant que le premier ministre et le cpm n’ont pas choisi les initiatives proposées qui peuvent aller de l’avant. Une telle surcharge, conjuguée au nombre croissant d’organismes de surveillance, étouffe le système en le rendant plus réticent à prendre des risques qu’il ne l’était dans le passé. Le centre du pouvoir ne peut se concentrer que sur des questions choisies avec soin. Il doit aussi prévoir du temps pour gérer les controverses politiques imprévues, qui ne manquent jamais de survenir. La denrée la plus rare à Ottawa est le temps passé avec le premier ministre. Le premier ministre du Canada mène une vie particulièrement stressante. Il a rarement un moment libre dans son agenda20. Pensez-y : le premier ministre a une trentaine de ministres qui relèvent de lui, il supervise le travail de plus d’une centaine de

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sous-ministres, de dirigeants d’organismes et de sociétés d’État, il dispose d’un bureau comptant une centaine d’employés, il doit être attentif au caucus et, à l’occasion, être accessible à un membre du caucus. Il doit aussi prêter attention à son parti politique, traiter avec le président du parti, assister aux activités de financement et aux congrès d’orientation du parti. Il y a toujours des messages téléphoniques auxquels il faut répondre, de la correspondance à laquelle donner un suivi, des documents à lire et des nominations à faire. Le premier ministre tient des réunions avec le greffier du Conseil privé presque chaque matin lorsqu’il est à Ottawa, pour s’occuper des questions d’actualité. Mais ce n’est pas tout. Le premier ministre doit également être accessible aux 10  premiers ministres provinciaux, ainsi qu’aux chefs de grandes entreprises, aux médias et aux dirigeants d’associations importantes. Il doit en outre être disponible lorsque des chefs de gouvernement lui téléphonent ou viennent en visite au pays. Il participe aux rencontres internationales, notamment celles du  G8, du  G20, des chefs du Commonwealth et de l’Organisation internationale de la francophonie. Il doit trouver le temps d’assister à la période des questions et à un certain nombre d’activités parlementaires, par exemple le discours sur le budget et l’attribution de crédits spéciaux. Son personnel et lui doivent toujours garder un œil sur les controverses politiques en cours ou émergentes. À l’instar de tous les ministres, le premier ministre doit s’occuper de sa propre circonscription. Comparez cela aux premières années du Canada, lorsque le premier ministre Alexander Mackenzie n’avait pas de secrétaire et qu’il répondait lui-même à la correspondance qu’il recevait21. De grands chercheurs en gestion estiment que l’étendue de l’autorité qu’exerce directement un gestionnaire ne doit pas dépasser 10 à 15 personnes22. Elliott Jaques soutient que de 10 à 15 personnes semble être un nombre acceptable et qu’il est possible d’augmenter le nombre de subordonnés qui relèvent d’un gestionnaire « lorsque le gestionnaire n’éprouve aucun problème technique ou de planification de calendrier, qu’il ne doit assister à aucune réunion et qu’il peut passer son temps à superviser les subordonnés23 ». Cette description est loin de correspondre à la charge de travail du premier ministre. Il en résulte un problème de surcharge écrasante qui crée un goulot d’étranglement au centre de l’appareil gouvernemental, où se prennent les décisions importantes du gouvernement et où les nouvelles initiatives reçoivent le feu vert pour prendre forme. Les ministres, les ministères, les organismes fédéraux et les hauts fonctionnaires qui

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n’obtiennent pas le feu vert doivent poursuivre leur travail, laisser les choses comme elles sont et éviter d’attiser le jeu des accusations, ce qui entrave le système bureaucratique et le processus décisionnel. David Mulroney, un ancien haut fonctionnaire du Bureau du Conseil privé et ancien ambassadeur du Canada en Chine, explique comment fonctionne maintenant le processus de prise de décisions à Ottawa. « Les négociations commerciales, un art que seule une élite à Ottawa maîtrisait autrefois, écrit-il, sont maintenant une fonction bureaucratique plus banale. À l’époque des négociations de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et de l’alena, nous avons déployé une équipe de négociateurs très expérimentés, des géants d’une discipline dans laquelle le Canada exerçait alors une influence mondiale. Ces négociateurs travaillaient en étroite collaboration, souvent directement, avec les ministres et le premier ministre. Il y eut peu de surprises, voire aucune. Aujourd’hui, la distance entre les gens qui négocient l’accord et la personne qui y appose sa signature – le premier ministre – est beaucoup plus grande, et de nombreuses autres personnes, parmi elles des mandarins d’une prudence congénitale issus des “organismes centraux” d’Ottawa et des légions de membres hyperpartisans du personnel politique, se dressent entre les négociateurs et le PM. En conséquence, nous sommes davantage sujets aux hésitations et susceptibles d’avoir des surprises de dernière minute24. »

s i l a t ê t e d ir ig e a nte s’en va ... Gordon Robertson, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet à une époque où le gouvernement de cabinet était beaucoup plus évident, a écrit : « Les ministres sont responsables. Le gouvernement appartient aux ministres25. » Le Bureau du Conseil privé affirme dans l’une de ses publications que « nous partons du principe que le processus décisionnel est de nature confédérale et que le pouvoir émane des ministres26  ». Je soutiens au contraire que le pouvoir n’émane plus des ministres, mais du premier ministre. Dans un compte rendu de mon livre Governing from the Centre, Robertson a fait remarquer que j’étais le premier à avoir « perçu un changement dans la façon de gouverner le Canada, qui a déjà eu des conséquences préjudiciables pour notre pays27 ». Robertson a servi sous les gouvernements de Mackenzie King, de Louis St-Laurent et de John Diefenbaker et a été greffier du Conseil privé dans les gouvernements de Lester Pearson et de Pierre

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Trudeau. Depuis l’époque de Trudeau père jusqu’à nos jours, les premiers ministres ont tous cherché à renforcer leur pouvoir au sein du gouvernement fédéral. La taille et l’influence des organismes centraux se sont accrues, à commencer par le cpm. Trudeau père a été l’architecte du cpm moderne. Il trouvait que le centre du pouvoir avait été dépourvu d’une véritable capacité d’action durant les années Pearson et que, en conséquence, celles-ci avaient été marquées par le désordre et le chaos. Il décida que les choses seraient différentes dans son gouvernement. Il expliqua : « Une des raisons pour lesquelles je voulais ce poste, quand on m’a dit qu’il serait peut-être libre, c’est parce que je croyais que c’était important d’avoir un gouvernement central fort, de rebâtir l’exécutif, le bureau du premier ministre, et renforcer le parlement28.  » Par conséquent, Trudeau accrut considérablement la taille du cpm et détermina les fonctions et les tâches particulières qui lui incombaient. Tom Kent, secrétaire principal du premier ministre Pearson, a décrit ce qu’était le Cabinet du premier ministre avant l’ère Trudeau : « Le cpm était alors complètement différent de ce qu’il est devenu à l’époque de Trudeau et de ce qu’il est demeuré depuis. Il ne comprenait pas une bande de sous-ministres et de sous-ministres adjoints et d’agents principaux de ceci et de cela, secondés par des hordes de personnel de soutien29. » Aucun premier ministre depuis Pierre Trudeau n’a cherché à revenir en arrière en réduisant la taille du bureau ou en limitant ses fonctions à ce qu’elles étaient avant l’ere Trudeau père. D’ailleurs, Mulroney a fait le contraire en augmentant le personnel du cpm d’un tiers, le budget du bureau de 50 % et en ajoutant au personnel huit professionnels chargés d’analyser les politiques30. À son arrivée au pouvoir, l’une des premières décisions qu’a prises Jean Chrétien fut d’abolir le poste de chef de cabinet dans tous les cabinets de ministre, poste que Mulroney avait créé. Chrétien a décidé, cependant, de garder un chef de cabinet pour son propre bureau, qui avait le rang de sous-ministre. Le cpm sous Stephen Harper dominait le gouvernement. Les juges John Gomery et Charles Vaillancourt sont allés jusqu’à affirmer que le Cabinet du premier ministre Harper représentait une menace pour la démocratie. Gomery a insisté pour que « l’on retire le pouvoir des mains de la multitude de personnes non élues et non responsables qui travaillent au cpm  ». Il a ajouté  : «  Je soutiens que cette tendance est un danger pour la démocratie canadienne et qu’elle laisse la porte grande ouverte [à l’]interférence politique dans l’administration

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quotidienne de l’État31.  » Dans son jugement sur le scandale Mike Duffy, qui a secoué le Sénat, le juge Vaillancourt a déclaré que les actions du Cabinet du premier ministre Harper étaient « choquantes et inacceptables dans une société démocratique32  ». Des observateurs politiques, de Jeffrey Simpson à Lawrence Martin, en passant par Jonathan Rose et Nik Nanos, se sont tous exprimés au sujet du contrôle étroit exercé sur le gouvernement par le cabinet de Harper33. Trudeau fils, comme nous l’avons vu, a attribué à son père la responsabilité d’avoir mis en place des mesures pour concentrer le pouvoir et d’avoir amorcé le virage vers l’exercice du pouvoir à partir du centre. Il a dit : « L’un des changements que nous avons observés au sein du gouvernement dans les dernières décennies est le mouvement vers une augmentation du contrôle exercé par le Cabinet du premier ministre. Son origine remonte d’ailleurs à mon père, qui le premier a lancé le mouvement. Et je crois que nous sommes rendus à la fin du mouvement34. » On ne sait pas quand nous serons rendus à la fin de ce mouvement, mais il n’a pas pris fin sous la gouverne de Justin Trudeau. Trudeau fils a renforcé le pouvoir du centre de l’appareil gouvernemental au lieu de le réduire. Peu après son assermentation au pouvoir, il a créé une unité de «  résultologie  » au Bureau du Conseil privé. Il a invité Michael Barber, un conseiller politique britannique, aux trois premières réunions de réflexion du Cabinet pour y vanter les mérites de la résultologie. Barber, qui n’est sûrement pas le premier consultant à faire entendre ce discours, a souligné l’importance d’une gestion axée sur les résultats dans le secteur public35. Comme nous l’avons vu, Trudeau a demandé à Matthew Mendelsohn, qui a des liens étroits avec le gouvernement ontarien et le Parti libéral, de diriger l’unité. Il a décidé également de présider le Comité du Cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications36. L’unité a pour rôle d’assurer que le gouvernement respecte ses engagements électoraux et ses grandes priorités. Mendelsohn faisait partie de l’équipe de transition de Trudeau et a aidé à rédiger les lettres de mandat des ministres. Les lettres, que Trudeau a rendues publiques, exposent les objectifs prioritaires que les ministres et leur ministère doivent poursuivre. La mesure dans laquelle les ministres remplissent leur mandat est devenue un important critère d’évaluation du travail pour l’unité et le Comité du Cabinet. L’unité attache une grande importance aux objectifs fixés et à la production des données nécessaires à l’évaluation des résultats. Ironiquement, c’est

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précisément ce que Trudeau père cherchait à faire lorsque son gouvernement adopta la rationalisation des choix budgétaires (rcb), un processus scientifique conçu pour évaluer si les programmes ont donné les résultats escomptés37. On se souviendra que la rcb s’est soldée par un échec parce que ses objectifs étaient formulés en termes trop généraux, qu’elle n’a jamais réussi à produire les données requises et que l’établissement du budget gouvernemental est essentiellement un document politique et non un exercice scientifique38. Il semble que les efforts de Trudeau fils ne soient pas plus efficaces. La résultologie se heurte aux mêmes difficultés que la rcb : nous n’avons toujours pas les connaissances requises pour évaluer de nombreux programmes. Les objectifs des programmes sont trop abstraits ou trop subjectifs, à quelques exceptions près, pour qu’on puisse en mesurer les retombées. La définition d’objectifs clairs, l’établissement de critères d’évaluation et l’obtention des données nécessaires pour évaluer 364 priorités différentes posent un défi que l’on n’a toujours pas su relever. En outre, définir 364 priorités dans les lettres de mandat revient peut-être à n’établir aucune priorité. Comme on le sait, de nombreuses actions du gouvernement ne sont tout simplement pas mesurables. Par exemple, comment peut-on évaluer des programmes visant à améliorer la situation socioéconomique des communautés autochtones ou de régions ou collectivités données; dans l’évaluation des mesures de développement économique, comment peut-on, notamment, isoler l’effet des taux d’intérêt ou de la volatilité de la monnaie canadienne? Quelques années seulement après son introduction, des journalistes d’Ottawa rapportaient que la résultologie n’est pas à la hauteur des attentes. Adam Radwanski écrit que « même certains des partisans les plus enthousiastes de la résultologie sont devenus sceptiques ». Il demande comment il serait possible de mesurer l’objectif de Trudeau d’«  aider la classe moyenne  » et il qualifie l’approche de la résultologie de « tentative des libéraux de s’autoévaluer »39. Il y a lieu de se demander aussi comment il serait possible d’évaluer sérieusement les efforts de Justin Trudeau pour «  promouvoir un engagement international qui a des effets réels dans le monde40 ». La résultologie elle-même n’a pas précisé les moyens d’évaluer son propre succès. Certains la rejettent comme étant un simple exercice de relations publiques41. L’unité de résultologie a assuré un suivi des engagements pris lors de la campagne électorale de 2015, tâche que d’autres unités du Bureau du Conseil privé et du Secrétariat du Conseil du Trésor ont effectuée durant des années. Ces unités

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n’ont pas été démantelées, cependant, lors de la création de l’unité de résultologie, ce qui a contribué à alourdir l’appareil de l’État. C’est ainsi que le gouvernement fonctionne : il excelle à lancer de nouvelles unités bureaucratiques, mais se révèle largement incapable de s’en départir même lorsqu’elles n’ont plus leur raison d’être. Quoi qu’il en soit, la capacité de Justin Trudeau de s’acquitter efficacement des engagements pris lors de la campagne électorale de 2015 est comparable à ce que les gouvernements précédents ont accompli entre 1945 et 2014 ou n’est pas meilleure. D’autres gouvernements l’ont fait sans unité de résultologie42. Le mandat de l’unité de résultologie ressemble beaucoup à celui du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor est chargé d’évaluer les retombées des programmes, leur efficacité et la façon dont les ministères gèrent leurs activités43. Lors de la création de l’unité de résultologie, le mandat du Secrétariat du Conseil du Trésor n’a pas été modifié en conséquence et son personnel n’a pas été réduit. Conformément à la façon de faire du gouvernement, les deux organismes ont simplement continué de fonctionner en vertu de mandats qui se chevauchent, d’où une augmentation des pressions exercées sur les ministères responsables et les organismes pour qu’ils fournissent des données au centre du pouvoir. De plus, les nouvelles circonstances ont renforcé la capacité du centre de l’appareil gouvernemental d’assurer que les ministères responsables restent sur la bonne voie. Il est peu probable, néanmoins, qu’ils aient un effet durable sur la prise de décisions gouvernementales. Richard French a bien résumé la situation en écrivant : « La résultologie n’est que la dernière d’un flot continu de tendances et de modes qui déferlent sur [...] le secteur public avec la régularité d’un métronome [...] elles ne révolutionnent jamais l’appareil gouvernemental [...] parce que les problèmes persistants [...] sont profondément enracinés dans la nature humaine très réfractaire au changement fondamental, dans l’inertie institutionnelle et – en régime démocratique – dans la contrainte additionnelle exercée par les constitutions démocratiques qui mettent l’accent à juste titre sur la légitimité plutôt que sur l’efficacité44. » Pour comprendre le processus décisionnel d’Ottawa, il est essentiel de porter son attention principalement sur le premier ministre et ses courtisans, sur les nouvelles mesures annoncées de temps à autre, particulièrement après le dépôt du budget, et sur la capacité des ministres et des fonctionnaires à garder leurs ministères et leurs organismes sur les rails. Le premier ministre est toujours au cœur de l’action et il est immanquablement consulté sur toutes les questions

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importantes. On ne peut pas en dire autant du Cabinet. Le premier ministre et ses courtisans peuvent rappeler aux ministres que le gouvernement peut se dispenser d’eux et poursuivre ses activités. Ce n’est pas le cas du premier ministre : si le premier ministre s’en va, le gouvernement s’en va.

to u s l e s h o m m e s e t toutes les femmes du p r e m ie r mi ni s tre L’appareil gouvernemental canadien se caractérise par la lourdeur de ses organismes centraux, davantage que d’autres systèmes parlementaires westminstériens. Il y a le Cabinet du premier ministre (100 équivalents temps plein), le Bureau du Conseil privé (1 022 équivalents temps plein), le Secrétariat du Conseil du Trésor (1 849 équivalents temps plein) et le ministère des Finances (735  équivalents temps plein)45. Quelque 4  000  équivalents temps plein travaillent dans des organismes centraux qui n’offrent aucun programme ou service à la population canadienne – c’est ce que font les ministères responsables et les organismes. Ils fournissent des conseils politiques (cpm) et des conseils stratégiques (bcp) au gouvernement, ou plutôt au premier ministre, et reçoivent leurs directives directement du premier ministre et de ses courtisans46. Les fonctionnaires des organismes centraux constituent l’élite de la bureaucratie et des politiques publiques au sein de l’appareil de l’État. Si un fonctionnaire aspire à devenir sous-ministre, la voie la plus sûre vers le sommet passe par les organismes centraux. Il fut un temps où un sous-ministre pouvait se hisser au sommet de son ministère en gravissant les échelons de sa hiérarchie. Plus maintenant. Au moment où je rédige ces lignes, pas un seul sous-ministre n’a atteint le sommet de la hiérarchie en gravissant les échelons de son ministère. Une fois en poste, le ou la sous-ministre se tournera vers le centre du pouvoir, tout autant sinon davantage que vers son ou sa ministre, pour obtenir des conseils. Les sous-ministres savent qu’ils ne doivent pas court-circuiter le système : non seulement leurs promotions futures dépendent du greffier du Conseil privé et du premier ministre, mais de plus leurs tentatives pour contourner les organismes centraux afin de faire avancer les dossiers de leur ministère ont tendance à se retourner contre eux47. Le cpm exerce maintenant un plus grand pouvoir que jamais auparavant en ce qui concerne la dotation en personnel des bureaux ministériels. À une certaine époque, les ministres étaient libres de

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choisir eux-mêmes leur personnel politique. Ce n’est plus le cas. Le plus souvent, le cpm décide maintenant qui travaille dans les bureaux ministériels. On nous a dit que le premier ministre Harper formait dans son cabinet du personnel qu’il chargeait ensuite d’aller diriger les bureaux ministériels « à l’image du cpm ». Il semble qu’on puisse en dire autant du gouvernement de Justin Trudeau. Six chefs de cabinet en poste dans des bureaux ministériels sous le gouvernement de Trudeau fils ont travaillé à une certaine époque dans son cabinet48. Un ancien député fédéral libéral affirme qu’en matière de concentration du pouvoir, le gouvernement de Justin Trudeau est identique au gouvernement Harper et peut-être même pire49.

q u ’ e s t- il a dv e n u du gouvernement d e c a b in e t? Dans un système parlementaire inspiré du modèle de Westminster, les conventions constitutionnelles et la tradition exigent que l’exécutif soit dirigé par un organe collectif50. Je soutiens que nous nous sommes éloignés du gouvernement de cabinet pour nous rapprocher d’une forme de gouvernement monarchique. Au risque de me répéter, je rappelle que le gouvernement est dirigé non pas par un cabinet, mais plutôt par un individu, le premier ministre, et des courtisans triés sur le volet. Bien qu’il soit allé plus loin que les autres gouvernements parlementaires d’inspiration britannique, le Canada n’est pas le seul à délaisser le gouvernement de cabinet. Mark Bevir et R.A.W. Rhodes ont passé en revue un ensemble d’articles de journaux qui documentent la montée du «  régime présidentiel  » sous Tony Blair en Grande-Bretagne entre 1997 et 2005. Ils ont également consulté un certain nombre de praticiens qui ont fait observer que «  de plus en plus de décisions étaient prises au numéro 10 sans consultation avec le ministre ou le secrétaire d’État compétent », que le Cabinet n’était pas assez inclusif et que « le Bureau du Cabinet sert maintenant le premier ministre plutôt que le Cabinet dans son ensemble »51. Les praticiens ont relevé également une série de décisions importantes « qui n’ont même jamais été portées à la connaissance du Cabinet », dont « l’indépendance de la Banque d’Angleterre, le report de l’adhésion à l’euro, la réduction des prestations aux familles monoparentales et l’avenir des pairs héréditaires »52. Un haut fonctionnaire australien aux longs états de service a écrit, dès 2003, que « le pouvoir du premier ministre et du Cabinet du premier ministre continue de s’accroître53 ».

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Le Canada a poussé l’exercice de concentration du pouvoir jusqu’à des sommets inégalés54. Le mandat du greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet a pris une nouvelle forme dans les années 1990. Aucun secrétaire du Cabinet depuis Gordon Robertson n’a cherché à décrire sa principale fonction comme étant celle de secrétaire du Cabinet. Le Bureau du Conseil privé est maintenant au service du premier ministre plutôt que de l’ensemble du Cabinet. En 1997, le Bureau du Conseil privé a produit un document sur son rôle et sa structure qui, dès les premières pages, établit sans équivoque que la responsabilité première du secrétaire est envers le premier ministre. Le document énonce que le « greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet » assume trois responsabilités principales : 1 À titre de sous-ministre du premier ministre, il conseille et appuie le premier ministre dans l’exercice de toutes ses fonctions de chef de gouvernement, y compris la gestion de la fédération. 2 À titre de secrétaire du Cabinet, il fournit un appui et des conseils au Conseil des ministres dans son ensemble et supervise les services fournis au Cabinet et aux comités du Cabinet en matière de politiques et de secrétariat. 3 À titre de chef de la fonction publique, il est responsable de la qualité des conseils et des services spécialisés, professionnels et non partisans fournis par la fonction publique au premier ministre, au Conseil des ministres et à tous les Canadiens et Canadiennes55. Le lien direct entre le premier ministre et le secrétaire du Cabinet et greffier du Conseil privé est encore plus évident dans l’énoncé de mission et des valeurs du Bureau du Conseil privé. Sa mission consiste à « servir le Canada et les Canadiens en conseillant et en assistant, au mieux et en toute impartialité, le Premier ministre et les ministres de son portefeuille ». L’énoncé de ses valeurs ne fait absolument aucune mention du Cabinet et se lit comme suit : « Nous sommes conscients de la nécessité de fournir au Premier ministre et aux ministres de son portefeuille nos conseils et nos services en temps opportun. Nous nous consacrons à notre travail et veillons à la bonne marche du gouvernement. Nous sommes convaincus que l’intégrité, le bon sens et le discernement sont essentiels à l’accomplissement de notre mission56. » C’est le premier ministre, non le Cabinet, qui nomme et congédie le greffier du Conseil privé.

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Depuis 1997, le greffier du Conseil privé est vu par les fonctionnaires fédéraux comme le sous-ministre du premier ministre bien plus que comme le secrétaire du Cabinet. Le premier ministre, sur les conseils du greffier du Conseil privé, non du Cabinet, nomme tous les sous-ministres, les dirigeants des organismes centraux et ceux et celles des sociétés d’État. Les fonctionnaires qui sont ambitieux le savent très bien. Ces dernières années, les greffiers du Conseil privé attachent beaucoup d’importance au premier de leurs trois rôles énumérés ci-dessus  : sous-ministre du premier ministre. Ce rôle leur confère toute l’influence dont ils ont besoin. Dans son rapport présenté à la commission Gomery, Sharon Sutherland a écrit : « brandir ce titre témoigne d’un manque d’abnégation. Cela semble sous-entendre un pouvoir illimité acquis grâce à l’accès au Premier ministre. Comme le disait un répondant, Gordon Robertson, qui est une sorte d’étalon-or en ce qui concerne le rôle de greffier, aurait été choqué qu’on l’appelle “SM du PM”. Le greffier est avant tout le gardien du système de gouvernement responsable, ce qui comprend le gouvernement en Cabinet57. » J’invite ceux qui croient que le Canada est encore dirigé par un gouvernement de cabinet à réfléchir à l’argument avancé plus tôt : «  Deux décisions cruciales concernant le déploiement de troupes canadiennes en Afghanistan – l’une par un gouvernement libéral, l’autre par un gouvernement conservateur – ont été prises dans le cpm avec l’aide d’une poignée de conseillers politiques et de représentants des autorités civiles et militaires. Les ministres compétents – de la Défense nationale et des Affaires étrangères – n’étaient même pas présents dans la pièce. » Le Cabinet a été informé plus tard de la décision. L’ancien ministre Lowell Murray ajoute que « cet exemple est loin d’être un cas isolé »58. L’ancien premier ministre Jean Chrétien a résumé le rôle des ministres du Cabinet lorsqu’il a écrit que le ministre «  peut être tout-puissant dans son ministère, au Cabinet il n’est qu’un conseiller du premier ministre parmi d’autres. Si on lui ordonne de prendre telle ou telle mesure sur des sujets importants, il n’a en vérité qu’une alternative  : s’exécuter ou démissionner59.  » Pour Chrétien, les ministres n’étaient rien de plus que d’autres conseillers politiques, qui fournissaient des conseils sur diverses questions, évaluaient la situation politique et offraient un soutien au premier ministre. Le premier ministre a de nombreux conseillers politiques, notamment les cadres supérieurs de son bureau, et les ministres du Cabinet ne

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font pas le poids face au chef de cabinet du premier ministre. De nos jours, le rôle du Cabinet dans son essence est d’offrir une représentation symbolique de l’unité du gouvernement devant le Parlement, les médias et la population canadienne. Le Hill Times, un journal d’Ottawa qui suit de près les actions politiques et les mesures administratives du gouvernement fédéral, fournit une liste des personnes les plus puissantes et les plus influentes. Selon son classement de 2018, les trois individus les plus puissants à Ottawa étaient Justin Trudeau, suivi de son secrétaire principal et de son chef de cabinet. Le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet venait au quatrième rang sur la liste. Parmi les 25  personnes les plus influentes, on comptait seulement six ministres du Cabinet, mais neuf membres du personnel du cpm et du bcp 60. D’autres observateurs de la scène politique à Ottawa en sont venus à la même conclusion. Selon John Ibbitson, «  en réalité, le pouvoir repose entre les mains de quelques individus seulement », y compris « la petite équipe de puissants ministres auxquels le premier ministre fait confiance pour qu’ils gèrent les dossiers cruciaux, tandis qu’il n’accorde qu’une marge de manœuvre très étroite à tous les autres »61.

c e l a a - t- il d e l’ i mportance? La responsabilité ministérielle collective est fondamentale dans le système parlementaire de Westminster, du moins en théorie. Elle exige, de toute évidence, que les ministres prennent collectivement les décisions et assument collectivement la responsabilité de leurs décisions. L’ouvrage abondamment consulté La procédure et les usages de la Chambre des communes, de Robert Marleau et Camille Montpetit, précise clairement que, tout comme en Grande-Bretagne, «  [l]es ministres sont censés assumer la responsabilité de toutes les décisions du Cabinet, et les défendre. Ce principe apporte la stabilité dans le système du gouvernement ministériel en incorporant les responsabilités des ministres individuellement dans la responsabilité collective de l’État62. » Au Canada comme dans d’autres systèmes parlementaires inspirés du modèle de Westminster, ce principe doit demeurer « l’une des pierres angulaires du gouvernement de Westminster63 ». Le gouvernement du Canada affirme qu’il n’a pas dérogé à ce principe qui, continue-t-il de faire valoir, «  demeure un élément dynamique de la Constitution canadienne – en fait, de la Constitution de Westminster64 ». Le gouvernement continue également de s’accrocher

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aux exigences du gouvernement de cabinet. Il faut se rappeler que l’ancien secrétaire du Cabinet Bob Bryce prit une décision déterminante en 1957 lorsqu’il demanda aux premiers ministres Louis St-Laurent et John Diefenbaker d’accepter de protéger les documents confidentiels du Cabinet, qui révélaient « des divergences de vues entre ministres ou des opinions de ministres qui ne seraient pas mises sur papier si l’on croyait qu’ils pourraient tomber entre les mains de membres d’un autre parti politique65  ». Le principe de la confidentialité des documents du Cabinet est encore évoqué à l’occasion lorsque le premier ministre rappelle aux ministres le règlement qui interdit strictement la prise de notes au Cabinet par d’autres personnes que les preneurs de notes officiels du secrétariat du Conseil des ministres66. Nicholas D’Ombrain, un ancien haut fonctionnaire du Bureau du Conseil privé à Ottawa, explique dans un article primé que la convention constitutionnelle du secret entourant les travaux du Cabinet «  a été établie pour protéger le processus décisionnel, qui est éminemment politique dans un système de gouvernement fondé sur la responsabilité collective des ministres devant la Chambre des communes ». D’Ombrain attache une plus grande importance à la protection du processus décisionnel et des «  points de vue et opinions des ministres qu’à la substance des décisions stratégiques prises au Cabinet »67. Il écrit que le bon fonctionnement du processus décisionnel du Cabinet exige que « les ministres puissent s’exprimer franchement, sans craindre que les points de vue divergents ou les désaccords ne deviennent connus et ne soient exploités dans le cadre du processus politique et qu’ils ne minent ainsi la confiance du Parlement envers le Conseil des ministres68 ». Bref, le gouvernement de cabinet permet d’éviter que la conduite des affaires publiques n’amène un ministre ou un groupe de ministres à se dresser contre un autre en public, ce qui est un élément fondamental du modèle parlementaire de Westminster. Cette condition est cruciale parce que, en théorie, le gouvernement appartient aux ministres : c’est leur gouvernement. Les ministres ont le choix de respecter le processus décisionnel du Cabinet et d’accepter (du moins, devant la Chambre des communes et publiquement) les décisions qui en découlent, ou de démissionner. Lorsque le Cabinet résout une question, tout ministre qui s’opposait auparavant à la résolution doit maintenant se ranger derrière elle et la défendre comme si c’était sa propre décision. Encore une fois, si un ministre est incapable de respecter cette règle, il doit démissionner. Rappelons, par exemple, que James Richardson démissionna à titre de ministre de la Défense du gouvernement Trudeau en 1976

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parce qu’il était en désaccord avec la politique des langues officielles du gouvernement. Rappelons également que Michael Chong démissionna du Cabinet Harper pour manifester son opposition à la décision du gouvernement de reconnaître le Québec « comme nation à l’intérieur d’un Canada uni69 ». Les deux démissions étaient liées à la politique linguistique ou à la place du Québec dans le Canada. En outre, elles démontrent toutes deux que les ministres au Canada ne sont pas portés à démissionner pour des questions de principe. Certains observateurs de la scène politique canadienne ont évoqué mes propres ouvrages pour soulever des questions fondamentales au sujet du rôle du Cabinet. David E. Smith écrit que « Donald Savoie a soutenu que dans la mesure où le pouvoir est concentré, il l’est dans les organismes centraux responsables devant le Premier ministre70 », laissant entendre que le rôle du Cabinet dans l’élaboration des politiques est en train de diminuer et que les ministres ne sont peut-être plus collectivement responsables. Nicholas D’Ombrain, citant également mon livre Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics, est allé plus loin en écrivant : « Comme l’a fait valoir Donald Savoie, il n’est pas certain que le Cabinet continue de remplir son rôle central d’unir les ministres afin qu’ils puissent être collectivement responsables du gouvernement71. » Si les ministres ne sont plus collectivement responsables du gouvernement, il importe alors de revoir un certain nombre de conventions constitutionnelles. Si bon nombre des exigences relatives au secret ministériel ne s’appliquent plus, il faut se demander fondamentalement si ce qui soustend le modèle de Westminster est toujours pertinent. Si le Cabinet n’est rien de plus qu’un groupe de consultation pour le premier ministre ou qu’une séance d’encouragements pour les membres les plus influents du caucus, il faut se demander s’il est encore nécessaire de lui accorder « l’immunité de divulgation de ses travaux, des renseignements encore moins factuels qui y sont présentés72  ». Je ne peux faire mieux que de citer D’Ombrain pour résumer ce que cela signifie pour le gouvernement de cabinet : « La version canadienne de la démocratie de Westminster est en train de s’éroder à cause du manque de compréhension – et donc de respect – à l’égard des conventions du gouvernement responsable et des importants principes de gouvernement constitutionnel qu’elles sous-tendent. Le caractère politique et non officiel du Cabinet se trouve au cœur des conventions de la Constitution. La convention du secret ministériel est le fondement du maintien de la responsabilité collective du Cabinet, mais si le secret ministériel doit continuer de faire partie

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de nos arrangements constitutionnels, il est essentiel que le Cabinet demeure le pivot central du gouvernement73.  » En somme, si le Cabinet n’est plus le pivot central du gouvernement, on est en droit de se demander ce qui sous-tend la convention du gouvernement responsable et si le secret ministériel doit demeurer un élément important de notre Constitution. Je soutiens que le premier ministre et ses courtisans – non le Cabinet – sont maintenant le pivot central du gouvernement. Trop souvent, les ministres du Cabinet sont confinés à un rôle de spectateurs, comme ce fut le cas par exemple avec la décision de déployer des soldats canadiens en Afghanistan. Il y a plusieurs années, j’ai été invité à rencontrer certains cadres supérieurs du cabinet de Stephen Harper. Deux d’entre eux m’ont demandé de leur dédicacer un exemplaire de mon livre Governing from the Centre. L’un avait visiblement lu le livre, dont des passages étaient soulignés. Alors que je signais le livre, j’ai dit : « J’espère que vous aurez appris quelque chose en le lisant. » L’un d’eux a répondu : « Oh oui, il nous sert de guide. » Je tiens à assurer au lecteur qu’en écrivant ce livre je n’avais pas pour but de donner au personnel du cpm ou à d’autres hauts fonctionnaires des organismes centraux les moyens d’accroître leur pouvoir ou de renforcer le processus de concentration du pouvoir. Un ancien sous-ministre m’a confié que la concentration du pouvoir est devenue plus évidente après la parution de mon livre. Il affirmait que de nombreux diplômés universitaires sont arrivés dans l’administration fédérale après avoir lu le livre, en pensant que c’était ainsi que le gouvernement fonctionnait et qu’il était dans leur intérêt d’adapter leur façon de penser en conséquence. Le livre, faisait-il valoir, a permis de renforcer le virage vers l’approche de concentration du pouvoir au lieu de contribuer à y mettre un frein74.

r e to u r e n a rri ère Le gouvernement de cabinet manque à son devoir. Il n’est plus l’organe indispensable d’élaboration des politiques et de prise de décisions. Les décisions se prennent de plus en plus lors de rencontres bilatérales, qui sont la formule préférée du premier ministre. Aucun autre ministre du Cabinet n’entend les discussions qui ont lieu lors de ces rencontres bilatérales, où les décisions prises sont définitives. Qui, dans le système, peut alors contester une décision prise par le premier ministre? Les ministres sont tenus de souscrire aux points de vue et aux décisions du premier ministre ou de démissionner

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– c’est devenu la nouvelle norme –, et l’histoire démontre que peu de ministres sont prêts à démissionner peu importe l’enjeu ou le processus d’élaboration des politiques. Il est plus qu’ironique que des ministres aient conçu la confidentialité des renseignements du Cabinet en Grande-Bretagne en guise de mesure de protection contre le monarque. L’idée que les ministres devaient parler d’une seule voix s’imposa comme un moyen d’empêcher le monarque britannique d’adopter à leur égard une stratégie consistant à diviser pour mieux régner. Au 18e siècle, le monarque exerçait un rôle qui appartient maintenant au premier ministre George  III (v.  1760-1820) rencontrait ses ministres non pas en groupe, mais un à la fois. Les ministres décidèrent que la meilleure façon pour eux de lutter contre le désir du roi de les contraindre à résoudre un problème particulier était de parler d’une seule voix. Lorsqu’il s’agissait de questions politiques d’ordre général, les ministres s’entendaient d’avance sur ce qu’ils allaient dire, puis rencontraient le roi et disaient tous la même chose. Les ministres avaient ainsi la possibilité de débattre de questions et de prendre des décisions en tenant des discussions franches sans craindre que leurs délibérations – à savoir qui s’exprimait en faveur d’une mesure et qui se disait contre – ne parviennent à l’oreille du roi, d’où la naissance de la confidentialité des renseignements du Cabinet75. Tout d’un coup, la confidentialité des renseignements du Cabinet n’a plus sa raison d’être. Le Cabinet n’a pas réussi ces dernières années à défendre le point de vue des régions au sein du gouvernement fédéral comme certains Pères de la Confédération alléguaient avec insistance qu’il le ferait. On se souviendra que Macdonald fit valoir que l’attribution d’un rôle de promotion des intérêts régionaux au Cabinet était le moyen d’inciter la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick à accorder leur appui à la Confédération. De plus, les puissants ministres régionaux et les personnalités influentes au sein du Cabinet sont maintenant chose du passé. Depuis Trudeau père, les premiers ministres ont interprété le pouvoir discrétionnaire étendu qui leur est conféré en vertu du modèle de Westminster pour prendre des décisions qui, autrefois, incombaient au Cabinet et aux différents ministres76. Les premiers ministres font maintenant de plus en plus appel à un organe dirigeant composé de hauts fonctionnaires du cpm et du bcp, dont l’influence s’est accrue récemment au détriment du Cabinet77. Les lacunes du Cabinet ont de vastes répercussions sur la démocratie représentative, la reddition de comptes et notre Constitution. Si le Cabinet ne constitue plus le fondement de notre système

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parlementaire inspiré du modèle de Westminster, quel en est alors le fondement? Qu’advient-il des exigences de confidentialité des documents du Cabinet? Qu’est-ce que cela signifie pour la bureaucratie? Qui, le cas échéant, défend maintenant les régions à l’intérieur du gouvernement fédéral?

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Les médias : l’institution perdue

Nous sommes rendus à l’ère de la politique post-vérité. Donald Trump a démontré qu’il en était passé maître lors des élections présidentielles de 2016. Les partisans du Brexit ont eux aussi mené une campagne fructueuse de désinformation en alléguant, par exemple, qu’il en coûtait près de 500 millions de dollars par semaine à la Grande-Bretagne pour être membre de l’Union européenne, argent qu’il vaudrait mieux dépenser, affirmaient-ils, dans les services de santé nationaux1. Le Canada n’est pas à l’abri de la politique post-vérité. La publication iPolitics a documenté les 15 principales allégations non véridiques avancées par des politiciens de premier plan lors des élections fédérales de 20152. Le site Web FactsCan a également été fort occupé tout au long de la campagne électorale de 20153. Le mot « post-vérité » a été sacré mot international de l’année 2016 par l’Oxford Dictionary, qui le définit ainsi : « qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles4 ». Il ajoute que le terme « post-vérité », auparavant marginal, est devenu un pilier du commentaire politique5. Le monde numérique a permis au mot «  post-vérité  » de se répandre. Il met à rude épreuve les médias traditionnels, dont le nombre de lecteurs et les revenus continuent de chuter. À mesure que leurs revenus diminuent, il en va de même pour la taille de leurs salles de rédaction. Les politiciens et les politiciennes qui étaient en poste aussi récemment qu’à la fin des années 1980 ne reconnaîtraient pas le paysage politique actuel. Ils constateraient que leur profession est dévalorisée par les nouveaux médias ainsi que par d’autres forces, et beaucoup concluraient peut-être qu’ils ne pourraient pas l’exercer dans le contexte politique actuel. Ils se demanderaient pourquoi

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la cohorte de politiciens qui leur ont succédé appuierait des innovations qui ont rendu possible le monde post-vérité et leur travail beaucoup plus difficile en faisant en sorte que ce qui était autrefois inacceptable est devenu acceptable. Jusqu’au milieu des années 1980, les politiciens n’avaient pas à tenir compte de la Loi sur l’accès à l’information, ni des réseaux d’information continue, toujours à l’affût de nouvelles à rapporter – la plupart négatives –, et les médias sociaux n’étaient même pas sur la planche à dessin. Les médias imprimés traditionnels étaient florissants, abondamment lus et soumis à un contrôle éditorial. La presse écrite et électronique constituait la plus importante source d’informations politiques et non partisanes ou, du moins, elle était perçue comme telle. Elle avait une influence considérable sur le discours politique du pays alors qu’elle exerçait son rôle traditionnel d’arbitre entre des partis politiques concurrents ou des points de vue divergents. Les journaux et les bulletins de nouvelles du soir à la télévision et à la radio permettaient à un petit nombre de journalistes de parler de politique à des millions de Canadiens et de Canadiennes. Ceux-ci ne pouvaient toutefois pas leur répondre. Les hommes et les femmes politiques des années 1980 se trouvaient encore à des années de ce que Lawrence Martin, un chroniqueur populaire du Globe and Mail, qualifie de crise d’une ampleur sans précédent dans l’industrie du journalisme. Nous sommes témoins d’« une implosion des médias, explique-t-il. Des journaux qui n’existent plus qu’en édition numérique, de nombreux emplois perdus, une baisse de la diffusion, une chute des revenus publicitaires [...] le vieux modèle d’affaires [se trouve] dans un état d’effondrement6.  » On ne peut qu’imaginer combien la situation doit être difficile pour les journalistes qui travaillent selon le vieux modèle d’affaires.

l e s mé d ias   : l’ é p in e d o rsa le de la démocrati e La démocratie représentative exige que les citoyens soient informés, et pour que les citoyens soient informés, il faut des médias qui leur fournissent des renseignements et des connaissances7. La démocratie représentative efficace et la liberté de la presse vont de pair. Les médias sont le quatrième pouvoir, une source additionnelle de pouvoir ou d’influence qui s’ajoute à l’exécutif, au législatif et au judiciaire. Les médias ont pour rôle d’agir comme chien de garde, d’offrir une tribune où se tiennent des débats objectifs, de protéger l’intérêt public général et d’aider à demander des comptes aux

Les médias

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gouvernements. Les médias sociaux assument aussi ou devraient assumer le même rôle et les mêmes responsabilités. Alexis de Tocqueville a qualifié la presse de principal instrument de liberté et de démocratie. Il a écrit  : «  Je pense que les hommes qui vivent dans les aristocraties peuvent, à la rigueur, se passer de la liberté de la presse; mais ceux qui habitent les contrées démocratiques ne peuvent pas le faire [...] La presse est, par excellence, l’instrument démocratique de la liberté8. » La démocratie représentative sans la liberté de la presse n’était pas possible selon Tocqueville. Natalie Fenton abonde dans le même sens et ajoute que « les informations sont la pierre angulaire de la démocratie » et que « la vocation de journaliste est ancrée dans une relation avec la démocratie et sa pratique »9. De nombreux politiciens sont d’accord. La députée Mélanie Joly, par exemple, affirme que le journalisme joue un rôle central dans une démocratie en santé10. Tocqueville a rédigé son traité il y a près de deux siècles, tandis que Fenton a exposé son point de vue il y a environ une décennie seulement. Si les médias d’information ont eu un âge d’or, ce fut pendant les années qui séparent Tocqueville et Fenton. C’est au cours de cette période que les médias devinrent moins ouvertement partisans, moins directement liés à un parti politique, et commencèrent à être considérés comme une source d’information objective. Les politiciens en vinrent à respecter les médias, quoique à contrecœur dans bien des cas. Bien que Tocqueville ait vu dans la presse le principal instrument démocratique de la liberté, les médias de son temps présentaient un mélange d’informations et d’opinions, et le concept de journaliste objectif et impartial n’existait pas à l’époque11. Au début du 20e  siècle, de nombreux journalistes conclurent cependant qu’ils se devaient d’être objectifs pour mieux servir la démocratie. La presse écrite encourageait les journalistes à rapporter les «  faits  », à adopter un point de vue objectif et à regarder au-delà de la propagande politique et des informations politiques partisanes. C’était aussi une décision logique sur le plan commercial. Un journal objectif et non partisan était susceptible d’attirer un plus grand nombre de lecteurs et de clients annonceurs. Tant les journalistes que les propriétaires de journaux croyaient qu’il était bon pour leur profession de présenter un récit impartial des événements et de l’évolution politique12. Ils préparèrent le terrain à la construction d’institutions qui se dotèrent de normes et de valeurs et qui exerçaient un contrôle éditorial afin de guider la façon de traiter l’actualité.

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Le Canada voyait le lien entre les médias et la démocratie représentative en 1867. Les nouveaux édifices du Parlement comprenaient une tribune de la presse pour que les journalistes soient aux premières loges des délibérations des députés et du processus décisionnel du gouvernement13. Les dirigeants politiques voulaient s’assurer que les journalistes rapporteraient à la population canadienne la teneur des débats qui avaient lieu à la Chambre des communes et au Parlement. Les écoles de journalisme firent leur apparition au pays au tournant du 20e siècle, lorsque l’Université Columbia devint la première université à offrir des cours de journalisme, en 191214. Des écoles canadiennes de journalisme commencèrent à prendre forme à la fin de la Seconde Guerre mondiale à l’Université Carleton, à l’Université Western Ontario et à l’Université Ryerson. Les écoles de journalisme de l’époque, comme celles d’aujourd’hui, insistaient sur l’importance de l’objectivité du traitement de l’information et le rôle positif que les médias devaient jouer en appuyant la démocratie représentative15. De nos jours, toutes les universités proposent des cours dans le domaine des communications, et un certain nombre d’entre elles offrent des programmes d’études supérieures16. Les écoles de journalisme n’ont cependant pas empêché les médias traditionnels de perdre rapidement du terrain au profit des médias sociaux. Même les chaînes d’information continue diffusées sur le câble ressentent une pression pour qu’elles accroissent leurs revenus et maintiennent leur part d’auditoire. Twitter et Facebook sont devenus des sources d’information importantes et des acteurs influents dans le processus politique. L’opinion selon laquelle les médias traditionnels sont les champions de l’objectivité et de la qualité est de plus en plus mise en doute17. Il n’est peut-être pas important qu’ils soient meilleurs ou non. Comme le fait remarquer Nic Newman, de la bbc : « Ce n’est pas mieux. Simplement inévitable que les médias sociaux changent la donne18. » En menaçant l’existence des journaux en format imprimé et en remodelant les informations, les nouveaux médias ont de profondes répercussions sur les médias traditionnels, ce qui entraîne des conséquences importantes pour la démocratie représentative. Ils offrent aux journalistes en herbe la possibilité de pratiquer un journalisme qui échappe pratiquement à tout contrôle éditorial. Les informations proviennent maintenant de nombreuses sources, pas simplement de la salle des nouvelles. Les médias sociaux fonctionnent dans un monde d’auditoires fragmentés et fournissent très rapidement

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des informations aux utilisateurs. En outre, ils sont interactifs19. Il semble que quiconque possède un téléphone cellulaire peut maintenant s’improviser journaliste. Les médias traditionnels ont du mal à ne pas se laisser distancer par l’information en temps réel dans un environnement très concurrentiel. Ils ont ainsi été contraints de couper dans leurs dépenses en réduisant leurs activités de supervision et de vérification des faits. Le débat parmi les journalistes et les étudiants en journalisme consiste à savoir si Internet et les médias sociaux donnent présentement un nouveau souffle à la démocratie ou s’ils y sèment la pagaille. La question centrale est la suivante : les médias sociaux peuvent-ils « augmenter la quantité et améliorer la qualité de la participation citoyenne à la vie politique et atténuer les inégalités qu’on observe présentement dans les taux de participation de différents groupes sociaux 20 »? La question demeure sans réponse, mais de nombreux observateurs font valoir que les médias sociaux ont un effet négatif.

l a d é s in s t it u t io n n a l i sati on des médi as Madelaine Drohan a publié une étude sur l’état des médias canadiens dans laquelle elle fait ressortir les difficultés financières auxquelles les médias traditionnels sont confrontés. Elle a souligné qu’« il est rare que des organes de presse en difficultés financières consacrent des ressources à des enquêtes coûteuses ou au genre d’analyses approfondies d’une question qui produit du journalisme utile [...] Ils réduisent leur personnel ou incitent des journalistes d’expérience à prendre une retraite anticipée. Il en résulte inévitablement une perte de qualité du journalisme et une diminution du nombre de voix qui participent au débat public21. » Les réductions de personnel surviennent souvent là où il est plus facile d’y procéder  : loin du siège social et du bureau d’Ottawa. À titre d’exemples, le National Post a mis fin à ses activités au Canada atlantique il y a plusieurs années et le Globe and Mail a fermé son bureau du Canada atlantique il y a quelques années, pour le rouvrir récemment. Les journaux provinciaux et locaux se trouvent eux aussi en difficulté, et un bon nombre ont fermé leurs portes ces dernières années. Ceux qui continuent de paraître réduisent leur effectif et sont aussi beaucoup moins enclins que par le passé à affecter des ressources à des études approfondies. Les médias imprimés traditionnels en ressentent certainement les effets sur leurs résultats financiers. Un

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journaliste canadien chevronné a résumé le problème : « le bouleversement [numérique] met en péril la démocratie en vidant le journalisme de son contenu local, en retirant les journalistes des assemblées législatives et en faisant passer l’argent à des diffuseurs d’information non canadiens tels que Google et Facebook22  ». Il s’ensuit que les médias au Canada sont de plus en plus mondialisés et de moins en moins « nationaux », « régionaux », « provinciaux » ou « locaux ». La démographie est plus importante que la géographie lorsqu’il s’agit de médias sociaux. Le Globe and Mail, qui prétend être le «  journal national du Canada  » –  tout en oubliant habituellement et commodément le Canada français –, en offre un bon exemple. Il ferme discrètement des bureaux régionaux. Il a aussi mis fin à son édition imprimée d’abord au Canada atlantique à l’été 2017, et d’autres régions risquent de subir le même sort, ce qui met en évidence l’urbanisation accrue de l’actualité politique. De son côté, le National Post a éliminé son édition du lundi dans toutes les régions au cours du même été23. Phillip Crawley, l’éditeur du Globe, a expliqué sa décision : « Contrairement à la cbc, qui est financée par l’État, le Globe est une société indépendante, et je dois prendre des décisions d’affaires [...] pour que l’entreprise demeure viable. Nous n’avons pas le devoir public de perdre un million de dollars par année en frais d’impression et de distribution dans les Maritimes24. » Le journal se concentre de plus en plus sur la scène politique nationale et l’économie nationale, bien qu’il y consacre maintenant des ressources réduites. Il demeure que le Globe and Mail, comme d’autres quotidiens, continue d’avoir un rédacteur en chef qui gère le processus de rédaction et qui assure un niveau d’intégrité. Il compte encore une forte présence à Toronto, où est situé son siège social, il a conservé ses principaux chroniqueurs et journalistes à son bureau d’Ottawa et, jusqu’à récemment, il faisait une place à des voix provenant des régions ou de St John’s à Victoria. Les journaux régionaux et locaux réduisent également le nombre de leurs correspondants dans la tribune de la presse à Ottawa. Sean Speer et Jamil Jivani expliquent les conséquences de cette situation : «  Ces journalistes jouaient un rôle crucial en inscrivant les questions régionales et locales parmi les priorités nationales et en communiquant les décisions fédérales dans l’optique des préoccupations régionales ou locales25. » Trois voix puissantes issues de la presse écrite et du mouvement syndical ont récemment lancé un appel à l’aide : « La situation est mauvaise et ne fait qu’empirer. De plus en plus d’emplois dans la

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presse écrite disparaissent – au moins un emploi sur trois depuis 2010 selon nos calculs –, et la fermeture de journaux dans plus de 200  circonscriptions fédérales a ébranlé le ciment social que l’information procure aux collectivités. Ces organismes, qui emploient de nombreux journalistes, sont tributaires d’une grande partie des informations générées au Canada au sujet des institutions démocratiques, tant sous forme imprimée qu’en ligne. » Ces trois observateurs ajoutent que la menace est plus forte au Canada à cause de la petite taille du marché. « Les quotidiens canadiens ont vu leurs revenus publicitaires fondre de moitié – environ 1,5 milliard de dollars – dans la dernière décennie, au profit surtout de Google et de Facebook, qui ensemble ont publié 8 annonces numériques sur 10 au Canada l’an dernier. Malheureusement, Google et Facebook n’investissent pas dans la production d’informations26. » Les nouvelles désolantes n’en finissent plus dans le milieu de la presse écrite traditionnelle. Le personnel de la salle de rédaction du Toronto Star est passé de 470 à 170 employés en 10 ans. L’entreprise Rogers Media a supprimé les éditions imprimées de quatre de ses revues en 2015-201627. Le National Post a perdu 25 employés lors d’acquisitions à la fin de 2016, et le groupe Postmedia a éliminé 90 postes de journaliste de ses salles de rédaction en 201728. Allan Gregg rapporte que seulement 16 % des Canadiens et des Canadiennes adultes sont maintenant abonnés à l’édition papier d’un journal et qu’un nombre grandissant d’entre eux ont accès à l’information en ligne plutôt que hors ligne. Il note qu’une majorité considérable de Canadiens croient que les informations auxquelles ils ont accès dans les médias non numériques sont « comparables » à celles offertes par les médias numériques, et qu’une pluralité d’entre eux « croient que le professionnalisme et l’objectivité du journalisme non numérique sont les mêmes que dans le cas du journalisme en ligne29  ». Ce point de vue est contesté. Deux chercheurs en journalisme canadien écrivent que les Canadiens se montrent critiques envers les médias sociaux et citent un sondage d’opinion publique selon lequel seulement 24  % d’entre eux pensent que les médias sociaux les « aident à distinguer la réalité de la fiction30 ». Andrew Potter va au cœur de la question lorsqu’il évoque la «  désinstitutionnalisation  » des médias. Comme d’ailleurs la plupart de ses collègues, il soutient que le journalisme canadien traverse actuellement une «  crise  » qui va au-delà de la diminution radicale des effectifs des salles de rédaction et du nombre de mises à pied31. L’aspect le plus important de la crise, selon Potter, c’est que

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« le journalisme a en fait subi une désinstitutionnalisation parce que les mesures de protection des consommateurs ne sont plus en place. Il n’y a plus aucun moyen d’assurer que l’on peut avoir confiance dans les informations32. » Il explique que, dans certains cas, « ce sont littéralement des gars en pantalon de jogging assis sur un divan qui inventent des histoires, qui écrivent des faussetés en les faisant passer pour des nouvelles, avec une date et un lieu d’origine, une signature et des citations, et qui les mettent sur Internet, où elles flottent quelque part parmi d’autres textes apparemment informatifs, rivalisant dans le même écosystème pour les mêmes ressources rares [...] Et c’est là que la désinstitutionnalisation pose un problème : en ligne, tous les articles se trouvent, d’une certaine façon, sur un pied d’égalité. Dans la grande démocratie du World Wide Web, une adresse url est comme une monnaie. L’adresse url de n’importe qui est aussi bonne que celle de n’importe qui d’autre33. » Des observateurs ont fait valoir que les médias sociaux élargissent les débats publics en transcendant les frontières territoriales. Les nouveaux médias donnent une voix à tout le monde et permettent d’étendre les débats politiques et économiques au-delà des élites34. Il y a cependant un revers à la médaille : comment donner un sens à tout ce qu’on trouve dans les médias sociaux? The Economist avance que « les médias sociaux répandent un poison » et qu’ils « ne suscitent pas la division autant qu’ils l’amplifient »35. Edward Greenspon, un ancien journaliste très respecté, a mis en contraste les médias sociaux avec la valeur sous-jacente des médias traditionnels : « Je me suis toujours fixé pour objectif d’assurer que nos conclusions se fondaient sur les faits et l’analyse36. » Selon son argument, les médias sociaux manquent d’objectivité et ne servent pas l’intérêt public général. Ils ne font que fournir une bulle, une chambre d’écho où les gens qui partagent les mêmes opinions politiques peuvent discuter ensemble et éviter les points de vue contraires ou les remises en question de leurs propres réflexions. Les quotidiens imprimés, en revanche, fournissent beaucoup de matériel que le lecteur n’a pas ou n’aurait pas choisi. Le gouvernement canadien essaie de maintenir un équilibre délicat entre le besoin de venir en aide au journalisme et la nécessité d’assurer l’indépendance du journalisme. Dans son énoncé économique de l’automne 2018, le ministre des Finances, Bill Morneau, a déclaré qu’il était important de protéger le rôle vital que les médias indépendants jouent dans notre démocratie et nos collectivités. Il a en outre dévoilé un programme d’aide de 600 millions de dollars sur 5 ans

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destiné à l’industrie journalistique canadienne. Le gouvernement a décidé de maintenir l’équilibre en mettant en place un ensemble d’incitatifs fiscaux et de crédits d’impôt afin de soutenir le journalisme local. Le Parti conservateur n’a pas tardé à dénoncer l’initiative, accusant le gouvernement d’utiliser les fonds publics pour gagner la faveur des journalistes37.

p o u rq u o i e s t- c e im p ortant pour la d é m o c r at ie r e p r ésentati ve? Les nouveaux médias, depuis les réseaux d’information continue jusqu’aux médias sociaux, sont différents des médias traditionnels sur plusieurs plans. Ils sont plus ouverts au « journalisme citoyen » et, en même temps, ils ont une dimension planétaire et sont en mesure comme jamais auparavant de mettre les individus en lien avec des événements qui surviennent à l’étranger. Les médias sociaux permettent ainsi aux gens de devenir des citoyens du monde en les plaçant aux premières loges d’événements tels que le Printemps arabe, les tensions sociales en Europe et les élections présidentielles américaines. Ce facteur, parmi d’autres, explique pourquoi les annonceurs affluent sur Facebook et d’autres plateformes numériques. Par l’entremise de Facebook et de Twitter, par exemple, la population canadienne a pu suivre les élections présidentielles de 2016 aux États-Unis d’aussi près que les Américains. En même temps, les élections américaines de 2016 ont offert plusieurs leçons au monde post-factuel. Un flot constant d’assertions farfelues ont défilé, par exemple, alléguant que le pape avait déclaré son appui à Donald Trump ou encore, à l’opposé, que le pape exhortait les catholiques à ne pas voter pour Donald Trump. Michael Flynn, que Donald Trump a désigné comme son conseiller à la sécurité nationale, a retransmis sur Twitter une fausse nouvelle selon laquelle le service de police de New York menait une enquête sur Hillary Clinton pour blanchiment d’argent et crimes sexuels contre des enfants38. Certains observateurs soutiennent que les fausses nouvelles transmises sur Facebook ont contribué à la victoire de Donald Trump. Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a émis une déclaration peu après les élections pour faire valoir que les 44 % de citoyens américains qui tirent leurs informations des médias sociaux sont bien servis. Il insiste pour dire que « seule une petite quantité d’informations sont de fausses nouvelles et des canulars » et que « les canulars qui circulent ne se limitent pas à un seul point

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de vue partisan  ». Il a toutefois déclaré plus tard que Facebook avait «  encore du travail à faire pour combattre la désinformation  »39. Encore plus tard, il est allé plus loin en promettant de revoir en profondeur la politique de Facebook à l’égard des publicités à caractère politique et de demander à l’avenir aux annonceurs politiques de divulguer qui paie les publicités40. La transition des médias traditionnels aux médias sociaux n’est pas sans avoir des conséquences importantes pour la démocratie représentative. Les médias sociaux créent des plateformes de partage d’informations, des lignes de communication entre les utilisateurs, et permettent à beaucoup d’entre eux d’ajouter et de commenter du contenu sans toujours s’assurer de son exactitude. Ils ont donné aux gens accès à la presse. En revanche, les médias sociaux ne se prêtent pas aux études approfondies et au contrôle éditorial et sont, en conséquence, particulièrement vulnérables aux fausses nouvelles et aux stéréotypes. De nombreux politiciens et observateurs ont exprimé de vives inquiétudes devant la montée des nouveaux médias. Le président Obama en a fait un thème important de son discours d’adieu au peuple américain. Il a dit : « Nous nous sentons ainsi tellement à l’aise dans nos bulles que nous sommes prêts à croire n’importe quelle information, qu’elle soit vraie ou fausse, pourvu qu’elle conforte notre point de vue, au lieu de fonder notre jugement sur les preuves qui existent41. » The Economist a écrit : « Les médias sociaux offrent des plateformes aux monomaniaques qui, auparavant, rageaient dans l’intimité de leur chambre. Des gens qui hésiteraient peut-être à s’en prendre à leurs concitoyens en personne n’éprouvent maintenant aucun scrupule lorsqu’il s’agit d’engueuler des cibles virtuelles. Des gazouillis hargneux balancés en quelques secondes suscitent des réponses hargneuses, ce qui crée une culture vitriolique42.  » Selon Brad Lavigne, un conseiller politique de longue date du npd, « les médias sociaux amplifient les interventions de « bozos » dans le discours politique43 ». Taylor Owen a demandé : « Est-ce que Facebook menace l’intégrité de la démocratie canadienne? » Sa réponse : oui44. Roberto Coloma affirme que, dans les médias sociaux, le principal risque concerne l’exactitude « on perd le contrôle de ses informations à chaque niveau de transmission, car les gens condensent, déforment, interprètent et commentent les variantes du reportage initial45. » Les médias sociaux permettent aux auteurs de textes d’être « propres à tout et bons à rien  ». On s’attend maintenant à ce que les auteurs assument plusieurs tâches : journaliste, rédacteur en chef, caméraman,

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technicien du son, photographe, éditeur photo et agent de surveillance des médias sociaux, avec ou sans supervision éditoriale. Aujourd’hui, les journalistes des médias traditionnels doivent aussi produire pour plusieurs plateformes – journaux, revues, télévision, radio et en ligne – et être des touche-à-tout polyvalents. Ils sont tenus de produire des nouvelles rapidement en ayant peu de possibilités de réaliser une analyse approfondie. Dan McHardie, un journaliste chevronné de la presse écrite et de la cbc, écrit qu’« avant l’émergence de l’information continue diffusée en ligne de minute en minute, un journaliste pouvait se voir confier une histoire le matin, assister peut-être à une conférence de presse, vérifier ses sources pendant toute la journée et produire un reportage pour le bulletin de nouvelles du soir ou le journal du matin. De nos jours, poursuit-il, les journalistes des grands médias d’information devront probablement emporter [...] un iPhone à une conférence de presse pour pouvoir envoyer immédiatement des manchettes sur Twitter, afficher de courts paragraphes sur le site Web de l’organisme médiatique, préparer des grands titres pour la radio ou la télévision qui pourront être transmis sur les réseaux de câblodistribution ou aux bulletins d’information radiophoniques, puis produire un reportage plus étoffé pour le bulletin de nouvelles du soir ou le journal du matin. Des pressions incroyables sont exercées sur les journalistes pour qu’ils sortent la nouvelle rapidement et avec exactitude en prenant tous les moyens nécessaires. Les médias et les politiciens doivent maintenant exercer leurs activités dans un monde d’information continue qui est rapidement devenu méchant, brutal et éphémère46. » Natalie Fenton s’interroge sur la nécessité de faire plus rapidement avec moins de moyens47. Même dans les médias traditionnels, les reportages sont de plus en plus diffusés avant les vérifications d’usage de leur intégrité journalistique48. Le Canada n’a certainement pas été à l’abri de ces changements. Le journalisme objectif exige un mélange équilibré de points de vue opposés, jouant ainsi son rôle traditionnel d’arbitre. De plus, il doit promouvoir des débats publics pluralistes et exercer une surveillance sur les actions des personnes investies d’une fonction publique ou privée. Pinar Gurleyen et Robert A. Hackett résument bien la question : « L’objectivité fait partie intégrante d’un cadre institutionnel. Elle suppose que le journalisme est pratiqué par des professionnels qui possèdent les compétences appropriées et qui sont employés au sein d’institutions spécialisées (des organes d’information qui appartiennent généralement à des sociétés, mais qui exercent des fonctions

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d’édition et de marketing séparées)49 ». Quand le cadre institutionnel s’effondre, l’objectivité suit peu longtemps après. Il est certain que les politologues continueront de débattre des avantages des médias sociaux. Certains arguent que les médias sociaux facilitent l’organisation de groupes, donnent une voix à des gens qui n’en avaient pas et contribuent à promouvoir le militantisme démocratique. Ils sont facilement accessibles à tous les participants, qui peuvent exprimer des opinions sans vraiment faire l’objet d’une supervision éditoriale. Les citoyens sont donc en mesure de participer à part entière aux débats sur les politiques publiques, ce qui transforme la démocratie représentative. Les médias sociaux offrent effectivement de nouvelles occasions de critiquer ceux et celles qui occupent des postes de pouvoir ou d’influence. Selon cet argument, les citoyens ne sont plus contraints de rester des observateurs passifs des tactiques politiques, des interprétations du gouvernement ou des médias traditionnels50. D’un côté du débat, les observateurs font valoir que les médias sociaux offrent à toutes les personnes qui ont accès à Internet des occasions et une structure qui leur permettent d’exprimer des opinions et de participer à la vie politique du Canada. Ils obligent également les citoyens à ne plus être simplement des consommateurs passifs de médias traditionnels, de beaux discours politiques ou de propagande partisane. Bref, les médias sociaux incitent les citoyens à participer à la démocratie représentative en faisant la promotion de l’engagement citoyen en politique. D’autres ne sont pas si sûrs des avantages des médias sociaux. Ils avancent que les médias sociaux rendent l’action politique plus chaotique. Selon leur point de vue, les médias sociaux continuent de créer de l’instabilité sur la scène politique51. Ils accueillent des observateurs à la gâchette facile qui ont tendance à enlever toute crédibilité aux discussions informées sur les questions d’intérêt public. Au lieu de fournir un nouvel outil qui renforce la démocratie représentative, les médias sociaux offrent à tous les citoyens la possibilité de laisser libre cours à leurs frustrations, à leurs préjugés et à des abus, sans exercer un contrôle éditorial ou centralisé. Un grand nombre d’observateurs soutiennent que les plateformes telles que Facebook et Twitter permettent aux fausses nouvelles provenant de sources incertaines de se répandre. Comme nous l’avons vu, des preuves démontrent que de fausses nouvelles se sont répandues comme une traînée de poudre lors de la campagne électorale présidentielle de 2016 aux États-Unis et de la campagne en faveur

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du Brexit, et qu’elles ont eu une incidence sur les résultats. En outre, Facebook permet aux personnes qui partagent les mêmes vues de conforter leurs opinions. Phil Howard explique : « Quand on nous offre un choix de nouvelles, nous préférons lire au sujet des questions qui, déjà, nous sont chères, traitées par des experts ou des organes de presse que nous avons pris plaisir à lire dans le passé. Nous avons supprimé de notre alimentation en nouvelles et en informations l’exposition aléatoire à des contenus. Le problème, ce n’est pas que nous avons construit notre propre communauté en vaseclos, ce que les humains feront toujours. Le problème, c’est que les réseaux sociaux éliminent l’exposition fortuite à de nouvelles informations de grande qualité52. » Le Parti libéral du Canada, on s’en souviendra, a été impliqué dans le scandale Facebook-Cambridge Analytica53. En somme, les médias sociaux se prêtent bien à la manipulation des données et à la production de faussetés et contribuent donc à propager « l’indignation, qui altère le jugement des électeurs et exacerbe l’esprit partisan54 ». Il est certain que les institutions politiques et gouvernementales ont du mal à contrer les médias sociaux. Par définition, les médias sociaux s’adressent à la masse et peuvent donner naissance à une foule de questions controversées à partir de plusieurs points de vue. La gestion des médias sociaux requiert également beaucoup de temps et de ressources, et la capacité d’adapter les exigences en matière de sécurité et de protection de la vie privée55. Les gouvernements se sont penchés sur certaines de ces questions, ne serait-ce que pour faire appel aux médias sociaux en vue de faciliter la prestation des programmes. Les ministères fédéraux ont eu recours aux médias sociaux pour annoncer leurs services et leurs produits et pour diffuser des renseignements au public, y compris au sujet de possibilités d’emploi56. Leur communication avec les citoyens s’est faite dans un seul sens, cependant, les ministères leur envoyant des renseignements plutôt que de leur demander des renseignements. La plupart des politiciens canadiens ont fait la même chose. Tom Flanagan a fait le point sur la situation en écrivant : « En comparaison [des Américains], les politiciens canadiens utilisent les médias sociaux presque exclusivement dans un mouvement descendant. Ils affichent des photos d’eux-mêmes, des membres de leur famille et de leurs animaux domestiques sur leurs sites Web et sur Facebook [...] Ils publient des gazouillis pour attirer l’attention sur leur dernier discours ou critiquer leurs adversaires, ou simplement pour dire à leurs partisans ce qu’ils font aujourd’hui [...] Il s’agit d’une communication du haut

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vers le bas qui ne stimule pas la participation politique57. » On sait très bien que Justin Trudeau a abondamment utilisé les égoportraits, Facebook et Instagram pour promouvoir son profil politique58. Ces dernières années, un nombre grandissant d’annonces payées par le gouvernement fédéral ont été diffusées dans les médias sociaux. En 2011-2012, Ottawa a consacré environ 10 % de ses dépenses en publicité aux annonces sur Internet. Ce nombre avait grimpé à 25 % en 2014-2015 et continue d’augmenter. Les annonces touchent un large éventail de sujets – elles peuvent demander à la population canadienne d’accueillir des nouveaux arrivants aussi bien que promouvoir le tourisme intérieur59. Un agent du Secrétariat du Conseil du Trésor a expliqué  : «  Que ce soit Twitter, Facebook, Snapchat, Instagram [...] il est important pour notre gouvernement d’entrer en contact avec les Canadiens sur des plateformes qu’ils connaissent de mieux en mieux60. » Par contre, Ottawa dépense de moins en moins pour acheter des annonces dans les médias imprimés. Il s’est cependant porté à la rescousse du journalisme local dans le budget de 2018 en engageant un montant de 10 millions de dollars par année pendant 5 ans pour venir en aide à l’industrie des journaux. On a estimé que le financement était insuffisant et qu’il arrivait trop tard, et un ancien journaliste devenu universitaire a déclaré qu’Ottawa avait décidé de laisser mourir les journaux61. Le gouvernement fédéral n’a pas réussi à faire appel à Internet pour amener les citoyens à contribuer à l’élaboration de nouvelles politiques ou pour promouvoir un débat public sur certaines questions. La communication dans les médias sociaux, qui s’effectue de la base vers le sommet, ne cadre pas bien avec l’approche descendante du gouvernement. Depuis 1867, les gouvernements du pays ont développé une capacité bien rodée d’exercer une gestion descendante dans laquelle les représentants élus interviennent de temps en temps pour ajuster des politiques et des programmes. L’engagement des citoyens dans l’élaboration des politiques publiques selon une approche ascendante est un travail inachevé qui se poursuit depuis que la démocratie participative est devenue à la mode dans les années 1960. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’utilisation des médias sociaux par le gouvernement canadien est la plus efficace lorsqu’elle sert à mettre en œuvre des programmes et à fournir des services. Même si les politiciens et les hauts fonctionnaires feront appel aux médias sociaux pour faire passer des messages peu compliqués et non controversés, ou pour promouvoir leur travail, chacun au sein de l’administration

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publique redoublera de prudence en s’exprimant sur des questions d’intérêt public dans les médias sociaux de crainte que ses propos ne déclenchent le jeu des accusations. Parce que le jeu des accusations est maintenant omniprésent dans l’appareil de l’État, les fonctionnaires du gouvernement s’attachent particulièrement à contrôler le message et ils n’ont pas tellement l’habitude de répondre à des voix venues de la base qui, selon eux, se moquent avec mépris de l’expertise62. Bref, sa structure hiérarchique et la lenteur de son processus décisionnel ne permettent pas à l’appareil gouvernemental de réagir adéquatement aux informations reçues en temps réel qui risquent de provoquer des controverses politiques. Les médias sociaux peuvent rapidement générer une voix forte, mais peut-être n’est-ce au fond que la voix d’une petite minorité qui se fait passer pour un vaste mouvement populaire. Cela pose un dilemme pour le gouvernement alors que les Canadiens deviennent dépendants des médias sociaux. Selon un rapport d’Abacus Data, 21 % des Canadiens et des Canadiennes trouvent leurs informations d’abord sur Facebook, comparativement à 29 % qui les trouvent à la télévision et à seulement 1 % qui les trouvent dans les journaux. Mis ensemble, Facebook, les sites Web de nouvelles, les applis d’information et Twitter comptent pour 44 % des sources où les Canadiens obtiennent leurs informations en premier lieu. Plus de la moitié des Canadiens se rendent sur Facebook au moins une fois par jour et au moins un Canadien sur trois se tourne maintenant tous les jours vers Facebook pour connaître l’actualité. Qui plus est, les utilisateurs de Facebook les plus actifs au Canada « se gavent de nouvelles et d’informations qui correspondent à leurs intérêts, à leurs valeurs et à leurs idéologies. Plus les Canadiens sont actifs sur Facebook, plus leur vision du monde est limitée63. » Un pourcentage élevé (86 %) de Canadiens croient qu’ils seraient en mesure de se tenir informés de l’actualité si leur journal quotidien fermait ses portes64. Il en résulte que les citoyens n’ont plus à réagir aux informations qui proviennent du gouvernement ou qui sont transmises du haut vers le bas. Les informations sont modelées par ce que les gens disent ou voient sur Facebook, de sorte que l’industrie de l’information et les politiciens, voire les ministères, doivent réagir à ce qui apparaît dans les médias sociaux. Esther Dyson, une pionnière d’Internet, affirme qu’une des vertus importantes d’Internet, c’est qu’il « érode le pouvoir que les institutions exercent sur les individus65 ». Voilà où le bât blesse pour la démocratie représentative.

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qu ’e n e s t- il d e l a d é m o c r ati e représentati ve? Max Weber a employé le terme « affinité élective » pour établir un rapport entre l’esprit du capitalisme et l’éthique protestante. Son argument est qu’il existe une association entre des systèmes de croyance en vigueur dans des sphères différentes66. Les médias sociaux sont maintenant devenus une force puissante qui promeut l’affinité élective. Les gens préfèrent s’associer à des personnes et à des organismes qu’ils aiment. L’Oxford Internet Institute a étudié les incidences des médias sociaux sur la démocratie pour conclure que les médias sociaux « permettent aux fausses nouvelles provenant de sources non fiables de se propager avec la rapidité de l’éclair sur les réseaux ». Les médias sociaux comme Facebook et Twitter « ont reçu “l’autorisation morale” de passer outre aux obligations que nous imposons aux journalistes et aux groupes de la société civile »67. Ils sont spontanés, sporadiques et beaucoup moins réglementés, sinon pas du tout. À la différence des médias traditionnels, ils présentent diverses caractéristiques qui « nuisent particulièrement à la capacité de l’être humain de penser par lui-même : la propagation de fausses nouvelles et de théories du complot [...] et le militantisme passif qu’elle engendre ». Bref, les médias sociaux ont donné lieu à la formation de chambres d’écho et à la possibilité d’éviter de lire des points de vue opposés68. La démocratie sociale éloigne les gens autant qu’elle les rapproche. Elle favorise le rassemblement de citoyens qui sont du même avis et elle crée des communautés de gens aux vues similaires. Or, quand tout le monde et toutes les communautés qui partagent le même point de vue s’expriment, qui écoute vraiment? Les communautés dont les membres pensent tous de la même façon tendent à renforcer des positions bien arrêtées et créent des réalités politiques concurrentes et de la partisanerie à outrance69. Comment peut-on alors concilier les médias sociaux avec les exigences de la démocratie représentative? La démocratie représentative est composée d’un ensemble complexe d’institutions qui voient au respect d’un certain nombre d’exigences relatives à l’égalité, à la prévention de la tyrannie par la majorité, à la participation citoyenne sous diverses formes, à la résolution de préoccupations divergentes, au degré de contrôle des représentants du gouvernement et à la capacité de leur demander des comptes70. Dans de nombreux pays occidentaux, dont le Canada, la population a peu confiance dans les institutions politiques, et les médias sociaux n’ont pas été des témoins innocents de la situation.

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a m bas sa d e u rs de marque Les chaînes d’information par câble et les réseaux d’information continue possèdent une vertu importante  : comme le dépanneur du coin, ils sont ouverts à toute heure. De plus, leurs produits se consomment rapidement : « l’information continue est le format de nouvelles le plus accessible, rapide et facile à utiliser, mais elle est conçue pour ne laisser aucune impression durable. Son obsolescence est intégrée et calculée d’heure en heure, voire de demi-heure en demi-heure. » Les chaînes d’information continue ont laissé tomber beaucoup de choses, tout cela dans l’intérêt de l’immédiateté et des entrevues rapides. Favorisant « l’instantanéité aux dépens de l’analyse », elles sont davantage des produits de consommation que des instruments de démocratie71. Personne ne devrait cependant sous-estimer l’influence des chaînes d’information continue. S’ils avaient le choix, les députés préféreraient accorder une entrevue de cinq minutes à des émissions comme Power and Politics de la cbc ou Question Period de ctv plutôt que de livrer un long discours devant la Chambre des communes. Quatre raisons sous-jacentes expliquent l’influence des chaînes d’information continue diffusées sur le câble : leur large public, leurs longues heures de programmation, leur force de persuasion et le fait qu’elles sont offertes à la télévision72. Les chaînes d’information continue sur le câble offrent des possibilités aux porte-parole d’un parti de mener des campagnes électorales sans fin. Tous les partis ont des doreurs d’image ou des «  ambassadeurs de marque » qui sont prêts à en découdre sur des chaînes d’information continue pendant une heure ou deux, tous les jours, à Power and Politics de Newsworld, à Power Play sur le réseau ctv et aux Coulisses du pouvoir sur rdi 73. Ils vont même se chamailler les fins de semaine sur ces chaînes d’information continue. Leurs interventions sont presque toujours prévisibles. Les ambassadeurs de marque visent à dorer l’image de leur chef de parti et à ternir celle de leurs adversaires politiques, un point c’est tout. Ils cherchent toujours à faire tourner la situation à l’avantage de leur chef de parti. Ils sont des ambassadeurs à la télévision à l’heure du souper sur les réseaux d’information par câble et, souvent, ils travaillent comme lobbyistes à temps plein. Ils n’ont pas pour rôle d’être objectifs ou d’informer les citoyens au sujet des avantages d’une politique publique proposée. Ils servent plutôt à alimenter ou à gérer le jeu des reproches, à pratiquer un journalisme qui cherche

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constamment à prendre l’adversaire en défaut et à mettre leur parti politique ou leur chef de parti en position de marquer des points dans le cadre d’une perpétuelle campagne électorale. Si leur chef de parti a adopté une position sur telle ou telle question, ils s’assureront de faire écho à sa position sans égard à leurs propres opinions ou même à ce que pouvait être la position de leur chef un ou deux ans auparavant. On peut prédire le discours que tiendront les ambassadeurs de marque selon la marque qu’ils représentent. Pendant qu’il était dans l’opposition, Justin Trudeau a qualifié les lois interdisant le port du niqab de triste farce. Mais une fois qu’il a été porté au pouvoir et après avoir jugé qu’il était crucial d’avoir l’appui du Québec pour remporter les prochaines élections, il a fait remarquer que la contestation de telles lois ne faisait pas partie du travail d’Ottawa. Comme l’a souligné Adam Radwanski, il se pourrait que la ville de Québec ou des petites villes de la province décident si les libéraux de Trudeau obtiendront un deuxième gouvernement majoritaire74. Trudeau peut aussi miser sur ses «  ambassadeurs de marque » pour qu’ils défendent les deux côtés de la médaille sur les chaînes d’information continue. Les chaînes d’information continue mettent l’accent sur les personnes et sur les nouvelles du jour. La télévision s’intéresse davantage aux personnes et aux conflits politiques qu’à la définition des priorités en matière de politiques. Les chaînes d’information se livrent une forte concurrence pour offrir les dernières nouvelles, même lorsqu’il n’y a aucune nouvelle à rapporter, et une augmentation de la quantité d’informations ne se traduit pas nécessairement par une amélioration de la qualité75. En accordant autant d’importance aux personnes et aux dirigeants politiques et à ce que les ambassadeurs de leur marque ont à dire, non seulement les chaînes d’information continue évitent d’examiner la situation dans son ensemble et de mener une analyse approfondie, mais aussi elles dévaluent le rôle des institutions publiques76. Si l’on fait abstraction des partisans engagés, les téléspectateurs peuvent voir la propagande politique pour ce qu’elle est. L’objectif des chaînes d’information continue est de garder l’intérêt des téléspectateurs et celui des ambassadeurs de marque est de présenter leur parti politique et leur chef de parti sous un éclairage favorable, peu importe le point de vue qu’ils défendent sur une question donnée. L’accent mis sur les personnalités et les conflits, s’il convient bien pour la télévision, n’est pas sans conséquences pour nos institutions politiques. Il a amené de nombreux Canadiens à

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éprouver un sentiment de méfiance, de scepticisme et de cynisme envers la politique77. Il a « contribué à la désaffection de la population envers le monde politique et les politiques publiques78 ».

l e s m é d ias d ’ e x t r ême droi te : au c u n at t r a it au Canada Certains observateurs ont établi un lien entre la montée des mouvements de droite et le fait que les médias sociaux procurent à une nouvelle génération de populistes de droite une chambre d’écho dans laquelle il se forme une communauté de gens qui partagent les mêmes idées79. Autrement dit, les médias sociaux se prêtent à « la politique de créneaux et à la représentation de points de vue marginaux80 ». Le Canada n’a pas échappé à l’essor des groupes de droite. Barbara Perry et Ryan Scrivens ont rédigé le rapport Right Wing Extremism in Canada, dans lequel ils documentent la présence de mouvements de droite au fil des ans et la montée récente de groupes de droite qui sont antisémites, anti-Autochtones, anti-immigrants, hostiles aux élites gouvernementales et méfiants envers l’autorité centrale du gouvernement fédéral. Selon une estimation prudente, ils croient qu’entre 82 et 100 groupes du genre sont actifs au Canada. Ils évoquent plusieurs phénomènes qui ont contribué à l’essor de ces groupes et parmi lesquels les médias sociaux et Internet arrivent au premier rang. À leur avis, les médias sociaux fournissent un appui important aux membres des mouvements de droite, « dans la mesure où les utilisateurs voient généralement leurs points de vue renforcés et reflétés par d’autres utilisateurs plutôt que d’être confrontés à des sentiments antiracistes ». Ils ajoutent qu’Internet procure un sentiment d’appartenance et qu’il a été une vraie bénédiction pour les idées d’extrême droite81. Internet est l’endroit idéal pour exprimer des opinions extrémistes, parce qu’il n’y a aucune limite sur Internet, il n’y a personne pour contester l’opinion des gens et il n’existe aucune structure hiérarchique. Le réseau Sun News, surnommé le Fox News du Nord, a lancé une chaîne d’information continue en 2011. Les employés de Sun News reconnaissaient volontiers qu’ils entendaient représenter un point de vue de centre-droite, ne serait-ce que pour faire contrepoids à ce que le réseau appelait une surabondance d’organes de presse de centregauche. Ils ont ciblé les chaînes d’information télévisées, en particulier l’émission Newsworld de cbc. Sun News a cependant mis fin à ses activités en février 2015, cinq ans à peine après son lancement.

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La direction de Sun News a expliqué que la disparition de la chaîne n’avait rien à voir avec l’appétit de la population canadienne pour une chaîne d’information continue qui présente un point de vue de droite82. Les cadres supérieurs de Sun News ont pointé du doigt l’organisme de réglementation d’Ottawa, alléguant qu’il mettait des bâtons dans les roues de la croissance de Sun News. Mais d’autres voyaient les choses autrement. Jeffrey Dvorkin, de l’Université de Toronto, a affirmé que Sun News a échoué parce que les Canadiens n’étaient pas à l’aise avec les opinions de droite83. Sun News a fait valoir au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (crtc) qu’il lui fallait obtenir sa «  distribution obligatoire  » durant cinq ans, ce qui signifie que la chaîne aurait été comprise dans tous les abonnements de base au câble. La distribution obligatoire de Sun News lui aurait rapporté des revenus de 18 cents par mois pour chaque abonné, ce qui, selon ses dirigeants, aurait assuré la survie de la chaîne. Je fais toutefois remarquer que Sun News n’a réussi à attirer que quelques milliers de téléspectateurs84. Certains membres du personnel de Sun News ont ensuite créé un site Web pour exprimer des opinions d’extrême droite. Ezra Levant a lancé The Rebel pour, affirme-t-il, rapporter des nouvelles que les médias grand public ne souhaitent pas couvrir en raison de leur tendance libérale à la rectitude politique85. The Rebel s’est fait connaître en effet pour ses points de vue controversés. On se souviendra que l’une de ses associés était présente à un rassemblement de la droite alternative à Charlottesville, en Virginie, où une voiture a foncé dans une foule de contre-manifestants, tuant une personne et blessant 19  autres participants. Ses reportages étaient sympathiques envers l’essor d’une «  conscience raciale blanche ». D’autres associés ont également présenté des points de vue anti-musulmans et antisémites. Soustraits aux exigences des instances de radiodiffusion, les associés de Rebel sont libres de dire tout ce qu’ils veulent quand ils le veulent et ils se sont pleinement prévalus de cette liberté. Le site The Rebel a remporté du succès – il compte 840  000  abonnés sur YouTube86. Son objectif est de présenter des points de vue opposés à ce qu’il considère comme un parti pris de gauche des médias, de sorte que les faits sont moins importants que la présentation du point de vue de la droite. Certains membres du Parti conservateur semblent cependant ambivalents dans leurs rapports avec The Rebel. Andrew Scheer, le chef du Parti conservateur, a embauché Hamish Marshall, un associé

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du Rebel, à titre de directeur de campagne lors de la course à la direction du Parti. Marshall a ensuite été invité à diriger la prochaine campagne électorale nationale du Parti conservateur87. Du même souffle, Scheer a annoncé qu’il n’accorderait pas d’entrevues au Rebel à moins que le site ne modifie sa ligne éditoriale88. Il n’a pas dit, cependant, quels changements étaient requis. Le député fédéral conservateur Michael Chong a publiquement critiqué The Rebel en disant : « Je crois qu’il est clair que ce n’est pas une entreprise de presse de bonne réputation89. » Qu’il ait bonne réputation ou non, le site est abondamment consulté par des personnes qui partagent ses vues.

l e s m é d ias e t l e r é g ionali s me canadi en Les médias nationaux, concentrés à Toronto, à Ottawa et à Montréal, ont tendance à définir les questions nationales selon la perspective de l’Ontario et du Québec. Ils exercent aussi une forte influence sur les élites politiques et bureaucratiques d’Ottawa. Les membres des élites lisent le Globe and Mail, l’Ottawa Citizen, le National Post, Le Devoir et La Presse s’ils sont bilingues. Ils ne lisent pas le Regina Leader-Post ou le Cape Breton Post. Les sièges sociaux de la cbc, de ctv et de Radio-Canada, ainsi que leurs principaux journalistes, se trouvent tous dans l’axe Toronto-Ottawa-Montréal. Ils voient les problèmes des provinces de l’Ouest ou de l’Atlantique comme des questions régionales, mais ce n’est pas le cas pour les problèmes de l’Ontario et du Québec. « Les stéréotypes régionaux ont attiré l’attention du pays sur les régions périphériques plutôt que sur le Centre du Canada90 », explique Stephen Tomblin. Glen Clark, un ancien premier ministre de la Colombie-Britannique, a fait observer que, « selon les médias nationaux, un homme d’État de l’Ouest canadien est quelqu’un qui vient des provinces de l’Ouest et qui adopte la perspective de l’Ontario ou du centre du pays91  ». On aurait du mal à trouver un stéréotype positif véhiculé dans les médias nationaux à l’égard des Provinces maritimes ces dernières années. Dans son ouvrage intitulé Down Home, Harry Bruce a documenté l’« impérialisme culturel » de la station de la cbc à Toronto et son insistance pour que les reportages provenant des Maritimes traitent de sujets tels que « Anne... la maison aux pignons verts, les Jeux écossais, les parcs nationaux et des pêcheurs en bottes de caoutchouc92 ». Jeffrey Simpson, un observateur très respecté de la politique canadienne, a écrit : « Le Canada atlantique a un problème d’image

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en quelque sorte. Son économie est en déclin depuis si longtemps que les gens du reste du Canada croient que la région n’est rien d’autre que quatre provinces pleines de gens amicaux qui demandent la charité. Vous connaissez l’image  : l’assurance-chômage, les travailleurs saisonniers, les projets ponctuels de création d’emplois, les agences de développement régional, la politique de l’assiette au beurre, la péréquation93. » Les stéréotypes dans les médias sont comme des codes qui donnent au lecteur une idée toute faite d’une région. Les stéréotypes véhiculés par les médias créent les conditions de leur perpétuation. Inutile de dépenser temps et efforts pour acquérir une compréhension éclairée d’une question ou d’une région. Une fois qu’un stéréotype médiatique est ancré, il est difficile de le changer. Il est peu probable que les nouveaux médias remettent en question les stéréotypes régionaux puisque, sur Internet, vérités et faussetés semblent faire autant autorité les unes que les autres et que ces médias ne se prêtent pas aux analyses en profondeur.

r e to u r e n a rri ère La confiance dans les institutions de la démocratie représentative diminue et les médias ont beaucoup de comptes à rendre. La presse écrite traditionnelle perd rapidement du terrain tout comme, du même coup, le critère d’objectivité qu’elle cherchait à promouvoir depuis plus d’un siècle. Nous revenons à un journalisme partisan et à un monde où la réalité et les « faits alternatifs » s’entremêlent. Internet est un endroit qui convient très bien pour affirmer que des faussetés sont vraies et que des vérités sont fausses94. La démocratie représentative, pour sa part, repose sur le principe qu’un citoyen bien informé prendra des décisions éclairées au sujet des personnes qui doivent avoir le pouvoir de diriger. Selon Brian Loader et Dan Mercea, l’effet le plus évident d’Internet et des médias sociaux sur la politique a été leur « capacité de nuire aux pratiques et aux institutions politiques traditionnelles95  ». Les médias sociaux s’appuient sur des opinions personnelles, contrairement aux médias traditionnels, qui se fondent davantage sur la vérification des faits et une couverture équilibrée des institutions. De plus, les médias sociaux permettent à tous les individus sans restriction d’y participer sur un pied d’égalité  : les gens informés et les mal informés, les personnes instruites et celles non instruites, les membres de l’élite économique et les personnes qui n’en font pas partie. L’élite des médias traditionnels a beaucoup à perdre en raison de l’émergence des

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médias sociaux. On peut en dire autant des institutions et des acteurs politiques et bureaucratiques qui en assurent le fonctionnement. Les médias sociaux sont non hiérarchiques par définition, et la plupart d’entre eux ne font l’objet d’aucun contrôle éditorial. Le premier réflexe des institutions gouvernementales est de se protéger elles-mêmes. Ce n’est pas nouveau. Allan Levine a examiné l’histoire pour documenter la relation difficile entre les premiers ministres et les médias au Canada96. Il suffit toutefois d’y réfléchir un instant pour comprendre qu’il était beaucoup plus facile pour les institutions de se protéger avant l’avènement de la Loi sur l’accès à l’information, des chaînes d’information continue et, surtout, des médias sociaux. C’est une chose pour les fonctionnaires de défendre leurs institutions lorsqu’ils traitent avec les médias traditionnels, qui ont pris le parti de vérifier les faits et de les rapporter de façon objective. C’est une tout autre chose pour eux de répondre aux attaques sur Facebook venant de toutes parts : interlocuteurs informés ou mal informés, valables ou non, qui rapportent des faits ou des faits alternatifs. « Si votre fil de nouvelles vous met constamment en colère, explique M.J. Crockett, il ne vous restera peut-être plus assez d’énergie pour mener des actions qui font bouger les choses, comme faire du bénévolat, manifester ou voter97. » En raison des médias sociaux, nous sommes témoins d’une délégitimation sans précédent des institutions publiques98. Nous savons que, lorsqu’on fait trop confiance à nos institutions, il arrive que des problèmes ne soient pas dénoncés ou même qu’ils passent inaperçus. Par ailleurs, les institutions représentatives ont du mal à fonctionner lorsqu’elles inspirent un trop faible degré de confiance99. Nous nous dirigeons rapidement vers un trop faible degré de confiance. Des sondages d’opinion publique ont amplement révélé une baisse de la confiance envers les institutions liées à la démocratie représentative, tant le Parlement que les partis politiques et la bureaucratie gouvernementale. Certains médias sont revenus à la case de départ et ressemblent de plus en plus à leurs prédécesseurs du 19e siècle. La différence, c’est que les médias actuels peuvent suivre l’action politique et les activités du gouvernement en temps réel. Les médias actuels, notamment les médias sociaux, sont devenus partisans et ont tendance à créer une atmosphère de dénigrement. Les chaînes d’information continue et les médias sociaux, en particulier, ont contribué également à promouvoir les campagnes électorales permanentes. Nos institutions politiques et administratives n’ont pas été conçues pour fonctionner

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dans un contexte de campagnes électorales permanentes ou pour affronter au quotidien, ou même à toutes les minutes, une atmosphère de téléroman. La presse traditionnelle, les médias sociaux et même ce qu’Andrew Chadwick appelle le système médiatique hybride ont contribué aussi à une surcharge informationnelle100. Herbert A. Simon, lauréat d’un prix Nobel, a écrit avant même l’essor des médias sociaux que nous avons maintenant une surabondance d’informations qui a entraîné une raréfaction de l’attention101. La surcharge informationnelle, conjuguée à la raréfaction de l’attention, a fait que les citoyens n’ont plus la capacité d’attention, le jugement critique et les connaissances nécessaires pour faire des choix politiques adéquats. Une chose est sûre  : il n’est pas possible de revenir en arrière. Le contexte dans lequel vivent maintenant les électeurs est plus complexe, instable et fragmenté. La démocratie représentative, comme l’a fait observer le président de la Chambre des communes de Grande-Bretagne, « est une créature souple102 ». La démocratie représentative du Canada et ses institutions doivent faire preuve de souplesse et trouver un moyen de s’adapter, sinon elles risquent d’être dépassées103. Une démocratie représentative efficace va de pair avec une presse libre qui est capable de fournir des informations et des connaissances aux citoyens et aux citoyennes. Le risque que la démocratie représentative du Canada soit dépassée est évident. Nous assistons à la désinstitutionnalisation, à la dénationalisation et à la dérégionalisation des médias. Les Canadiens et les Canadiennes se tournent vers diverses sources pour obtenir leurs informations, que ce soit cnn, Facebook ou d’autres chaînes d’information en ligne. La cbc, le réseau ctv, Radio-Canada, le Globe and Mail, Le Devoir et la presse écrite locale perdent du terrain. Brenda O’Neill présente un argument convaincant, à savoir que « les médias contribuent à façonner l’engagement politique et civique de la population canadienne104  ». Elle rapporte qu’Internet a un effet différent de celui des médias traditionnels sur le degré d’engagement civique et elle établit une distinction entre le rôle des médias en tant qu’instrument d’engagement et leur rôle en tant qu’instrument d’information. Ce chapitre a montré que la démocratie représentative canadienne perd du terrain sur les deux plans. Les désinstitutionnalisation des médias est loin d’être un phénomène isolé. La population canadienne est également témoin de la désinstitutionnalisation d’autres instruments qui sous-tendent la démocratie représentative, comme le feront voir les prochains chapitres.

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« A Nowhere Man, in a Nowhere Land »: les fonctionnaires maintenant actifs dans deux institutions La chanson Nowhere Man des Beatles se prête bien à une discussion sur la démocratie moderne. Au cours des 40 dernières années, la bureaucratie a fait l’objet d’attaques soutenues dans les démocraties anglo-américaines, et le niveau de confiance dont elle bénéficie auprès tant des politiciens que de la population du pays n’est plus aussi élevé qu’il l’a déjà été1. Les fonctionnaires ont peut-être fini par croire qu’ils et elles comptent peu d’amis à l’extérieur de l’administration publique, et parfois même à l’intérieur. Le fiasco du système de paye Phénix a été révélateur à plusieurs égards. On se souviendra que l’initiative du gouvernement fédéral de remplacer son système de paye s’est transformée en un véritable gâchis qui a coûté très cher. Elle a causé plus de 500 000 problèmes de paye aux fonctionnaires fédéraux, qu’on a mis en moyenne plus de trois mois à corriger. Beaucoup de gens dans la fonction publique croient que les cadres supérieurs ont veillé à ce que leurs propres problèmes de paye, s’ils en ont eu, soient rapidement réglés. Les fonctionnaires ordinaires n’ont senti aucun appui de leurs supérieurs ou de la haute direction ni de la population canadienne, même si bon nombre n’ont pas été payés pendant des semaines2. Les fonctionnaires soulèvent des questions fondamentales au sujet de leur rôle dans l’appareil gouvernemental, certains faisant valoir qu’ils se trouvent maintenant en terre de nulle part. Ce phénomène n’est toutefois pas particulier au Canada – la fonction publique d’autres démocraties anglo-américaines a aussi été la cible de critiques depuis le début des années 1980. Margaret Thatcher a dit qu’elle n’aimait pas cette « race » que sont les fonctionnaires. Ronald Reagan a affirmé qu’il était allé à Washington pour «  nettoyer le bourbier », et Brian Mulroney a promis de donner aux fonctionnaires

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« des avis de congédiement et des chaussures de course » s’il était élu3. Les politiciens de l’époque comme ceux d’aujourd’hui, malgré quelques exceptions notables récentes, ont continué avec succès de casser du sucre sur le dos de la bureaucratie pour gagner des votes. On se rappellera que Donald Trump s’est engagé à son tour à « nettoyer le bourbier » dans la campagne qui a mené à son élection à Washington. Stephen Harper a eu des relations tendues avec la fonction publique durant tout le temps où il a été au pouvoir4. Derek Bok, ancien président de l’Université Harvard, a résumé toute la difficulté qui se pose aux fonctionnaires : « Parmi les plus riches et les mieux instruits, l’une des rares choses qui unissent la gauche et la droite est leur mépris commun pour les bureaucrates5 ».

m a x w e b er : l e p è r e d e l’ a d m in is t rati on publi que Tous les États ont besoin d’une bureaucratie pour mettre en œuvre les politiques et les programmes. Max Weber, l’un des premiers à étudier l’administration publique, considérait la bureaucratie gouvernementale comme une institution officielle et rigide capable de servir ses maîtres politiques d’une manière impersonnelle et avec détachement. Il croyait fermement dans la hiérarchie et estimait que les gestionnaires de l’administration publique doivent faire du respect des règles et des règlements la marque distinctive de leur institution. Selon Weber, une division hiérarchique des responsabilités, de l’autorité et des connaissances spécialisées est le meilleur moyen d’assurer qu’un poste de niveau supérieur n’exécute pas le travail d’un autre poste de niveau inférieur, ainsi que d’établir clairement la marche à suivre pour en appeler de « la décision d’un poste inférieur devant l’autorité supérieure correspondante6 ». Le type idéal de fonctionnaire selon Weber est une personne dont les valeurs n’interfèrent pas avec l’évaluation de l’objet de recherche. À mesure que l’appareil de l’État prenait de l’expansion et assumait de plus en plus de responsabilités, on s’attendait à ce que la bureaucratie fasse davantage que simplement fournir des services publics de base en fonction des règles. Il était beaucoup plus facile pour les fonctionnaires de mener leurs activités à l’époque où l’action gouvernementale était limitée : leur travail et les résultats qu’ils devaient produire étaient faciles à évaluer. La situation est bien différente aujourd’hui. On demande aux fonctionnaires de fournir des conseils stratégiques à leurs maîtres

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politiques « sans crainte ni favoritisme », de proposer des solutions complexes pour régler de vilains problèmes et de fournir des services et des programmes en toute impartialité7. Les politiciens et les fonctionnaires de carrière ont conclu une entente tacite pour guider leurs relations. Selon cette entente, les fonctionnaires ont renoncé à la partisanerie manifeste, à certains droits politiques et à la notoriété publique en échange de carrières permanentes, ou du moins de postes d’une durée indéterminée, de l’anonymat, de la sélection selon le mérite et de la promesse qu’on s’occuperait d’eux au terme de leur carrière, ce qui leur épargnait de devoir faire particulièrement attention à leurs propres intérêts matériels pendant qu’ils étaient en poste. De leur côté, des politiciens ont cédé leur pouvoir de nommer ou de renvoyer des fonctionnaires et celui de modifier leurs conditions de travail à volonté en échange d’une garantie, par les fonctionnaires, d’obéissance non partisane au gouvernement de l’heure8. L’entente a bien fonctionné de l’après-guerre jusque dans les années  1970. Si la bureaucratie a déjà connu un âge d’or, c’est lorsque l’entente était respectée par les deux parties. Cependant, la perspective wébérienne et l’entente traditionnelle ont été la cible d’attaques répétées de la part de politiciens de premier plan depuis une quarantaine d’années, et les tensions ont augmenté considérablement entre la bureaucratie et les politiciens. Pourtant, la conception wébérienne de la bureaucratie demeure le point de départ pour de nombreux étudiants en administration publique et praticiens du gouvernement, ne serait-ce que parce que personne n’a proposé de meilleure définition. Beaucoup croient néanmoins qu’un tel point de départ ne convient plus. Weber n’aurait pas pu imaginer la bureaucratie tentaculaire et complexe qui occupe une place si importante dans les démocraties représentatives actuelles. Il envisageait pour le gouvernement un rôle limité qui convenait parfaitement à une bureaucratie hiérarchique guidée par des règles. La valeur durable de sa contribution réside dans la place qu’il a accordée au rôle de la bureaucratie dans une démocratie représentative. À son avis, la bureaucratie procurait la stabilité, l’impartialité, l’équité et le comportement administratif d’usage qui étaient complémentaires à un processus politique dans lequel les politiciens se succédaient les uns après les autres, sans parler des guerres et des révolutions. En raison de la structure hiérarchique et du rôle limité de l’État, il était relativement facile pour les politiciens d’adopter une approche descendante, de diriger le travail des fonctionnaires et de leur demander des comptes.

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Après l’expansion effrénée des administrations publiques dans les années 1960 et 1970, les hommes et les femmes politiques ont commencé à se poser des questions sur leur capacité de diriger et, plus encore, de contrôler la bureaucratie. Thatcher, Reagan et Mulroney n’étaient certainement pas les seuls politiciens dans les années 1980 à se montrer critiques envers le travail des fonctionnaires. Des politiciens qui préconisaient depuis longtemps un rôle accru du gouvernement dans la société, tels Allan J. MacEachen au Canada et Shirley Williams en Grande-Bretagne, se sont mis eux aussi à exprimer publiquement leur mécontentement à l’égard des bureaucraties gouvernementales. Les politiciens canadiens avaient des raisons de croire que le modèle wébérien et l’entente traditionnelle qui l’accompagnait ne tenaient plus la route. Ils tentaient de mettre en œuvre le fédéralisme exécutif tout en gardant la mainmise sur l’élaboration des nouvelles initiatives et en demandant des comptes aux fonctionnaires. Des ministres qui faisaient partie de gouvernements tant libéraux que progressistes-conservateurs ont commencé à affirmer que les fonctionnaires exerçaient une influence indue sur l’élaboration des politiques et des programmes et qu’ils n’accordaient pas une attention suffisante à la bonne gestion des activités gouvernementales9. Les travaux de John Locke et l’importance qu’il attachait au pouvoir législatif en tant que centre des démocraties représentatives et ceux de Max Weber et son idéal-type bureaucratique ne trouvaient plus écho auprès des politiciens ni même des analystes du gouvernement dans les années 1980. On s’est lancé à la recherche de la meilleure façon de réinventer la bureaucratie. Les politiciens n’étaient plus d’accord avec le point de vue de Weber selon lequel les fonctionnaires étaient en mesure d’assurer que leurs valeurs n’interféraient pas avec leurs évaluations ou leurs recherches. Certains politiciens se sont inspirés des travaux de James Buchanan sur la théorie des choix publics, qui lui ont valu le prix Nobel en économie, et de ceux de Michael Jensen et William Meckling sur la théorie de l’agence pour trouver des solutions, tandis que d’autres se sont tournés vers les pratiques de gestion du secteur privé en cherchant un moyen de les intégrer dans l’appareil gouvernemental pour améliorer l’efficacité de ses activités. Richard Crossman a porté un dur coup à la bureaucratie gouvernementale lorsqu’il a publié ses mémoires intitulées The Diaries of a Cabinet Minister10. Son « journal d’un ministre » a incité Anthony Jay et Jonathan Lynn à produire la série Yes, Minister à la bbc.

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Yes, Minister a été suivie par un vaste public dans les démocraties anglo-américaines, en particulier parmi la classe politique et bureaucratique et les personnes qui s’intéressaient de près à la conduite des affaires publiques. Margaret Thatcher fit enregistrer tous les épisodes et encouragea vivement tous les hauts fonctionnaires à regarder la série. Elle souscrivait à la vision caricaturale de la haute fonction publique, et la satire est devenue pour certains un documentaire sur l’action des bureaucrates du gouvernement. Le message pas très subtil de Yes, Minister était que les fonctionnaires dirigeaient le pays, que leur déférence envers les politiciens n’était qu’un faux-semblant et que c’étaient les hauts fonctionnaires, non les politiciens, qui détenaient vraiment le pouvoir au sein du gouvernement11. Qu’il s’agisse ou non d’une coïncidence, c’est à l’époque où Yes, Minister était diffusée sur les ondes que des dirigeants politiques dans les démocraties anglo-américaines ont décidé de réorienter le travail des fonctionnaires au nom de la démocratie. Ils voulaient accroître leur mainmise sur les leviers d’élaboration des politiques et des nouvelles initiatives, et amener les fonctionnaires à se concentrer davantage sur la gestion. Leur discours faisait toutefois davantage allusion aux problèmes qu’aux solutions, et peu d’entre eux avaient une grande stratégie pour améliorer la bureaucratie lors de leur entrée en fonction12. Les dirigeants politiques pouvaient chercher conseil auprès de hauts fonctionnaires sur la meilleure façon de réformer l’appareil gouvernemental, ce qui posait cependant des difficultés. En effet, les hauts fonctionnaires n’étaient pas convaincus de la validité de la rhétorique politique. Ils faisaient valoir que, même s’ils leur fournissaient des conseils stratégiques, les politiciens étaient libres de les accepter ou de les refuser. Si les politiciens n’étaient pas satisfaits des avis qu’ils leur fournissaient, ils n’avaient qu’à les rejeter ou à se tourner vers d’autres sources, y compris un éventail grandissant de groupes de réflexion et de consultants. En ce qui concerne la gestion, de nombreux hauts fonctionnaires croyaient que les politiciens devraient se soigner eux-mêmes avant de chercher à guérir la bureaucratie. La plupart d’entre eux étaient persuadés que les problèmes de gestion dans l’appareil gouvernemental découlaient de décisions politiques et non de leur travail. La solution pour de nombreux hauts fonctionnaires : garder son calme et attendre que la dernière tempête politique se calme13. Mais la tempête ne s’est jamais calmée. Les politiciens, comme l’affirma Margaret Thatcher, n’étaient pas disposés à faire demi-tour,

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du moins sur cette question. Ils s’étaient fixé comme objectif de prendre la direction de l’élaboration de politiques et de faire des hauts fonctionnaires de meilleurs gestionnaires. Pointant du doigt les « bureaucrates », ils estimaient que les dépenses de fonctionnement du gouvernement étaient trop élevées. Sur le plan des politiques, les politiciens étaient déterminés à moins compter sur les conseils des hauts fonctionnaires, persuadés que ceux-ci avaient leur propre programme politique et leurs propres intérêts à promouvoir. Là encore, cette attitude se rencontrait chez des politiciens des deux extrémités du spectre politique. Flora MacDonald, une conservatrice de gauche qui a servi comme ministre des Affaires extérieures au sein du gouvernement éphémère de Joe Clark, en 1979-1980, effectua une tournée de conférences pour dénoncer les hauts fonctionnaires, affirmant qu’ils employaient des ruses astucieuses pour faire progresser leurs propres objectifs et pour contourner les directives du Cabinet et des ministères14. Allan MacEachen, ministre chevronné et vice-premier ministre au sein du gouvernement de Pierre Trudeau, a rapporté que s’il y avait une leçon à tirer pour le Parti libéral de son bref séjour dans l’opposition en 1979, c’était qu’il ne devait plus s’appuyer autant qu’il l’avait fait sur les avis des hauts fonctionnaires15. Les politiciens qui ont suivi étaient encore plus déterminés à appliquer leurs propres solutions stratégiques en formant le gouvernement. Paul Martin, ancien ministre des Finances et premier ministre, aimait dire à ses fonctionnaires  : si vous voulez diriger les choses, vous devez vous rendre dans tous les sous-sols d’église d’un bout à l’autre du Canada et vendre votre programme16. Le gouvernement de Stephen Harper, comme cela est bien connu et bien documenté, avait des relations difficiles avec la bureaucratie. Harper a expliqué : « Le travail le plus ardu [...] l’aspect pratique le plus difficile qu’il faut apprendre en tant que premier ministre et ministres, c’est de traiter avec la bureaucratie fédérale. Il s’agit de ne pas franchir la frontière étroite entre jouer un rôle positif de chef de la fonction publique et, en même temps, pousser les bureaucrates et ne pas en devenir les prisonniers17. » Harper a clairement indiqué qu’il ne voyait pas toujours l’utilité des conseils stratégiques fondés sur des éléments probants des fonctionnaires lorsqu’il a éliminé le long questionnaire obligatoire du recensement canadien de 2011 et, à nouveau, lorsque son gouvernement a décidé de réduire son financement à Statistique Canada18. Les fonctionnaires se sont ajustés. Andrew Griffith, un haut fonctionnaire, explique : « Sous le gouvernement Harper, l’une des

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principales difficultés de la fonction publique, c’était que ses connaissances et son expertise étaient remises en question19. » L’adaptation au nouvel ordre des choses était une question existentielle démoralisante, traumatisante même, pour de nombreux fonctionnaires20. Il leur fallait s’adapter à un monde où les politiciens et leurs conseillers leur disaient que ce n’était pas la peine de s’appuyer sur des faits et des preuves. Le message des politiciens, et en particulier du premier ministre Harper et de ses proches conseillers partisans, était simple : nous savons ce que nous voulons faire et votre travail est de nous aider à le faire; vous n’êtes pas là pour nous dire ce que nous devrions faire, mais plutôt pour expliquer pourquoi nous le faisons21. Les hauts fonctionnaires ont également eu affaire à des politiciens de carrière de tous les partis qui ont réduit leur rôle de conseillers en matière de politiques. Certains politiciens se lancent maintenant en politique à un jeune âge, et ceux qui obtiennent du succès tentent d’en faire une carrière. Leur domaine d’expertise est la politique et l’action gouvernementale, et ils excellent à survivre au rythme épuisant de l’information continue. Ils n’ont toutefois pas la capacité d’évaluer les politiques qu’ils préconisent à la lumière d’expériences acquises à l’extérieur de l’arène politique. Pourtant, quand ils reçoivent des avis de fonctionnaires, ces politiciens sont souvent mieux informés qu’eux, ou du moins ils croient qu’ils le sont, parce qu’eux aussi ont choisi de faire carrière dans l’administration publique. En raison de tous les facteurs susmentionnés, les hauts fonctionnaires ont été sur la défensive quant à leur rôle de conseillers politiques depuis 40 ans ou plus. En ce qui concerne la gestion, les fonctionnaires se sont fait dire de façon répétée depuis le début des années  1980 qu’ils ne sont pas aussi compétents que les gestionnaires du secteur privé. Les personnes qui exercent maintenant le pouvoir politique ont davantage leur mot à dire dans l’élaboration des politiques et la prise de décisions que leurs prédécesseurs il y a 40 ans. Bref, selon le verdict des politiciens, les fonctionnaires n’étaient pas à la hauteur de la tâche pour élaborer des politiques ou gérer les activités du gouvernement. « Cela ne nous laisse pas grand-chose d’autre à faire22 », comme l’a souligné un haut fonctionnaire. Le moral a beaucoup baissé dans l’appareil gouvernemental. On a reproché bien des choses aux fonctionnaires : de manquer de créativité, d’être léthargiques et insensibles et de coûter cher. Le modèle wébérien tombait en morceaux, et les politiciens se sont mis à rechercher des compétences en matière de capacité de répondre aux besoins plutôt que des conseils stratégiques neutres pour mettre en œuvre leur programme d’action.

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Le modèle idéal de Weber avait convenu à l’époque, jusqu’à l’aprèsguerre, lorsque les politiciens adoptèrent par l’entremise du Parlement des programmes très prescriptifs qui établissaient assez concrètement ce que les fonctionnaires pouvaient accomplir, à quel moment et de quelle façon. La période de l’après-guerre amorça une nouvelle ère de gouvernement constructif où la bureaucratie était appelée à régler un large éventail de problèmes. Néanmoins, les bureaucrates virent ainsi augmenter leur pouvoir discrétionnaire, ce qui commença à irriter les politiciens, qui trouvaient que les bureaucrates exerçaient une trop grande influence sur les politiques à leurs dépens23.

u n e m p l oy e u r m o d è l e dans une économi e m o n d ia l e c o n c u rrenti elle Le gouvernement constructif a amené le secteur public à montrer la voie en devenant un employeur modèle. En 1967, le Parlement canadien adopta une loi qui autorisait la négociation collective dans la fonction publique et qui reconnaissait le droit de grève de ses employés24. Les gouvernements provinciaux suivirent les uns après les autres en autorisant la négociation collective. Le droit de grève avait fait ses preuves dans le secteur privé comme moyen de régler les conflits de travail. Dans le secteur public, en revanche, le droit de grève doit s’exercer dans un contexte où il n’existe aucun marché pour discipliner le comportement de chacune des parties25. La décision d’autoriser la négociation collective a façonné le comportement des gestionnaires et des employés du gouvernement canadien beaucoup plus que l’ensemble des mesures de gestion inspirées du secteur privé ne l’ont fait au cours des 40 dernières années environ. En effet, malgré les efforts déployés pour gérer le secteur public à l’image du secteur privé, les ministères demeurent des monopoles ou des quasi-monopoles isolés de la concurrence. L’absence de pression du marché signifie que «  la prestation efficace des services ne fait pas partie des intérêts personnels des fonctionnaires26  ». De plus, elle suscite une inertie dans les activités du gouvernement. Encore maintenant, il n’y a pas grand-chose qui incite les gestionnaires du gouvernement à affronter les syndicats du secteur public et à régler le problème des employés improductifs. Cela n’a cependant pas empêché les politiciens de faire pression sur les fonctionnaires pour qu’ils s’occupent davantage de la gestion et de vouloir les forcer à gérer les activités à la manière de leurs homologues du secteur privé. Depuis lors, les hauts fonctionnaires ont tenté de concilier cette

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contradiction, sans grand succès. Leurs efforts ont engendré d’autres rapports et une augmentation du travail confié aux consultants, mais peu de changements réels si ce n’est d’accroître la complexité, la lenteur et les coûts des activités du gouvernement. Le secteur public ne fonctionne pas en vase clos. Non seulement l’économie mondiale est très concurrentielle, mais aussi elle s’étend à toutes les collectivités, quelle que soit leur taille. Les occasions économiques se créent et disparaissent très rapidement, tout comme les entreprises et les emplois. De nombreux régimes de pension du secteur privé s’effondrent et même de grandes entreprises très rentables délaissent les régimes de retraite à prestations déterminées, y compris les banques canadiennes27. Les anciens employés de Sears, par exemple, ont appris en juin 2018 que leurs chèques de pension seraient amputés de 20 % afin que leurs régimes de pension redeviennent pleinement capitalisés28. Sears Canada n’est qu’un des grands employeurs du secteur privé qui ont permis que leurs régimes de pension soient sous-financés, laissant des milliers d’anciens employés dans l’incertitude quant à l’avenir de leurs pensions29. Pour leur part, les employés de la fonction publique ont été protégés de l’économie mondiale. Les emplois n’y sont pas disparus, les fonctionnaires bénéficient de la règle d’inamovibilité sans risquer d’être renvoyés pour improductivité, et les régimes de pension généreux sont demeurés en place, de même que d’autres avantages auxquels les travailleurs à l’extérieur de la fonction publique n’ont pas accès. Les personnes qui ne travaillent pas dans l’administration publique se demandent pourquoi il existe deux poids, deux mesures. De plus, l’appel de Steve Bannon à « déconstruire l’État administratif » trouve encore écho dans certains milieux au Canada30. Les non-fonctionnaires se demandent pourquoi leur emploi est soumis à la concurrence mondiale et pourquoi ils ne peuvent plus compter sur des régimes de retraite à prestations déterminées, alors que les employés du gouvernement n’ont pas à se préoccuper de telles questions. Cette situation a elle aussi contribué au dénigrement de la bureaucratie.

l e s f o n c t io n n a ir e s , des consei llers e n p o l it i ques Il est rare que des politiciens soient élus pour leur connaissance étroite des questions de politiques. Les politiciens de carrière peuvent toutefois acquérir une bonne compréhension du processus politique, des usages

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du Parlement, de la façon de traiter avec les médias et les groupes d’intérêt et des rouages de l’appareil de l’État ainsi qu’une connaissance approfondie de ce que veulent leurs électeurs. Par ailleurs, les fonctionnaires sont censés ou étaient censés fournir des conseils stratégiques en étant libres de toute influence partisane, et leurs conseils ne devaient aucunement favoriser ou défavoriser les intérêts politiques partisans d’un parti politique, y compris le parti au pouvoir31. Telle est, du moins, la théorie, et les hauts fonctionnaires ont attaché une grande importance à ce rôle, reléguant la fonction de gestion au second plan. Gordon Robertson, considéré comme la référence en ce qui concerne le rôle de greffier du Conseil privé et chef de la fonction publique n’a pas abordé les questions de gestion dans ses mémoires, comme je l’ai déjà noté; son intérêt et son attention portaient sur les politiques32. Al Johnson, ancien secrétaire du Conseil du Trésor, a publié un article en 1961, «  The Role of the Deputy Minister  », dans lequel il n’a pas mentionné une seule fois le mot management33. C’était un signe des temps. Le rôle des sous-ministres et des autres hauts fonctionnaires consistait à fournir des conseils aux ministres en matière de politiques et à leur éviter des ennuis. Le point de vue de Johnson mérite d’être souligné : « Le rôle du sous-ministre est de faire en sorte que le ministre et le Cabinet puissent assurer la meilleure gouvernance dont ils sont capables – même d’assurer une meilleure gouvernance qu’eux s’il s’avère que l’un des deux est faible34. » À la fin des années 1970, les politiciens voulaient des gestionnaires. Ils croyaient que le budget des dépenses était mal administré et ils introduisirent de nouvelles méthodes les unes après les autres, afin d’exercer un meilleur contrôle budgétaire35. Essentiellement, les politiciens considéraient que le problème qu’il fallait régler était la bureaucratie. Ils trouvaient également que la capacité de formuler des politiques était insuffisante à l’intérieur du gouvernement, donnant à entendre que celui-ci n’était pas à la hauteur pour s’attaquer à des défis économiques et environnementaux importants36. Au moment où les politiciens insistaient pour que les fonctionnaires deviennent de meilleurs gestionnaires, ils entreprirent de trouver d’autres sources de conseils stratégiques, bien résolus à ne pas être prisonniers de la bureaucratie comme l’étaient leurs prédécesseurs. Ronald Reagan exprimait l’opinion de nombreux politiciens lorsqu’il affirmait que la bureaucratie gouvernementale ne faisait pas partie de la solution, mais du problème37. Mais il n’est pas facile de changer les choses au sein de l’appareil gouvernemental. Selon la mentalité qui était et demeure la plus répandue

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parmi eux, les hauts fonctionnaires et les personnes qui aspiraient aux échelons supérieurs devaient se concentrer sur les politiques et la définition de nouvelles mesures, et laisser les questions de gestion aux fonctionnaires les moins ambitieux et les moins doués. Bref, les hauts fonctionnaires ont décidé de laisser la gestion à une classe inférieure, celle des moins doués, pendant qu’ils s’occupaient des questions plus importantes telles que l’élaboration de propositions de politiques et la soumission d’idées « géniales » aux politiciens. Il existait des règles et des règlements imposés par les organismes centraux dans l’intention de guider la classe administrative, permettant ainsi aux hauts fonctionnaires de concentrer leurs efforts sur les questions de politiques. Pour leur part, les politiciens voulaient quelque chose de différent : ils voulaient une classe de gestionnaires dirigés par des hauts fonctionnaires, non une classe d’administrateurs dirigés par des bureaucrates prudents plus soucieux des règlements que des résultats, pour gérer les activités du gouvernement de la même façon que le feraient des dirigeants d’entreprises privées. Que fallait-il faire? Les fonctionnaires n’étaient pas convaincus qu’il y avait eu un problème, du moins un problème dont ils étaient responsables. Lorsque les politiciens firent appel à eux pour obtenir des conseils sur les moyens de renforcer la gestion des activités gouvernementales, ils firent chou blanc. Les politiciens voulurent ensuite s’inspirer du secteur privé. Des cadres supérieurs du secteur privé furent invités à participer à divers groupes de travail et comités d’examen conçus pour réformer les activités du gouvernement38. Deux consultants en gestion ayant des liens étroits avec le secteur privé lancèrent une phrase qui est devenue à la mode dans toutes les démocraties anglo-américaines, y compris au Canada : les gouvernements devraient gouverner et non ramer39. Osborne et Gaebler firent valoir que le gouvernement devrait diriger le navire dans la direction où il voulait aller, et laisser au secteur privé ou aux gestionnaires gouvernementaux autorisés le soin de ramer et de s’occuper des activités tout en étant soumis à un minimum de règles prescrites par les organismes centraux. À nouveau, c’est Margaret Thatcher qui ouvrit la voie, cette fois en déployant des efforts soutenus pour séparer l’élaboration des politiques des autres activités gouvernementales, ce qui permettrait aux politiciens de prendre d’importantes décisions stratégiques et qui, en même temps, obligerait les hauts fonctionnaires à devenir de meilleurs gestionnaires. De plus, elle privatisa des services gouvernementaux et accrut les pouvoirs des gestionnaires pour leur permettre

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d’effectuer leur travail comme leurs homologues du secteur privé40. Bientôt, les dirigeants politiques au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande emboîtèrent le pas41. Nul besoin d’examiner en détail les initiatives mises en oeuvre au cours des quelque 40 dernières années en vue de réinventer l’appareil gouvernemental. Elles ont déjà fait l’objet d’un examen complet42. Il suffit de noter que les efforts visaient à séparer l’élaboration des politiques des autres activités, d’accroître les moyens d’action des gestionnaires, d’instiller une tendance à privilégier l’action dans l’appareil de l’État, d’introduire un élément de concurrence dans les activités gouvernementales et d’obliger les hauts fonctionnaires à devenir de meilleurs gestionnaires. On croyait qu’il était possible de quelque façon de reproduire les forces du marché à l’intérieur des activités gouvernementales sans rien changer au fonctionnement de nos institutions politiques43. L’objectif revenait ni plus ni moins à transformer les administrateurs publics en gestionnaires. Même les gestionnaires publics réticents furent sommés, en termes non équivoques, de gérer comme leurs homologues du secteur privé. Du début des années  1980 jusqu’à ce jour, nous avons vu une pléiade de réformes en matière de gestion destinées à réinventer le gouvernement et à renforcer les pratiques de gestion. À ce jour, personne n’a réussi à reproduire les forces du marché dans les activités gouvernementales, bien que ce ne soit pas faute d’avoir essayé. Nous avons assisté à l’adoption de nombreux modèles de mesure des résultats et de cibles en matière de gestion, à l’introduction d’organismes de surveillance et à la croissance explosive de l’industrie de l’évaluation de programmes. Les régimes de rémunération au rendement sont demeurés populaires depuis les années 1980. Ni les efforts d’évaluation des programmes, ni les régimes de rémunération au rendement n’ont cependant répondu aux attentes44. D’ailleurs, des faits indiquent que, dans les deux cas, ils ont donné lieu à des jeux politiques et à des tentatives, de la part de ministères et de fonctionnaires, de fausser les priorités du gouvernement et de donner de la situation un portait différent de ce qu’elle est réellement45. Nonobstant la multitude de mesures adoptées au cours des 40 dernières années, le rendement dans l’appareil gouvernemental est une question de point de vue, de sorte que ce n’est pas vraiment un critère objectif sur lequel un régime de rémunération au rendement peut se fonder. C’est peut-être ce qui explique pourquoi les fonds alloués aux régimes de rémunération au rendement à Ottawa sont

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invariablement épuisés peu importe le montant auquel ils s’élèvent et pourquoi, il y a plusieurs années, 90  % des gestionnaires de la fonction publique canadienne recevaient une prime au rendement. C’est ce qui poussa la présidente du Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction dans la fonction publique, elle-même issue du secteur privé, à préciser que le Comité « s’abstiendra de recommander de nouvelles augmentations [...] jusqu’à ce que le gouvernement montre son engagement à assurer que le programme ne récompense pas des employés aux résultats médiocres46  ». La présidente n’a jamais expliqué, cependant, comment s’y prendre pour déterminer que des cadres supérieurs de la fonction publique offrent des résultats insatisfaisants. La réforme de la gestion dans le secteur public est toujours en évolution, et des primes au rendement continuent d’être versées chaque année. On a jeté par la fenêtre un certain nombre de règles et de règlements prescrits par les organismes centraux afin de permettre aux gestionnaires publics de gérer comme s’ils et elles se trouvaient dans le secteur privé. Si nous avons libéré les hauts fonctionnaires de certaines exigences concernant la gestion des ressources humaines et financières, nous sommes toujours incapables d’évaluer d’une manière objective si les gestionnaires ont amélioré leurs résultats. En conséquence, les frais généraux de l’administration fédérale ont augmenté, tandis que la capacité d’amener les gestionnaires à rendre des comptes a diminué. Les mesures de réforme sont lourdes de conséquences pour la démocratie représentative. Un bon nombre d’entre elles se fondaient sur un modèle économique individuel. On se disait que tous les problèmes de gestion sont semblables et qu’il faut les traiter de la même façon47. On supposait qu’il y a peu de différences entre la responsabilité politique et la responsabilité de gestion, et entre le secteur public et le secteur privé, du moins en ce qui a trait à la gestion. Les démocraties représentatives voient les choses différemment. Les changements dans la  fourniture de conseils stratégiques et la gestion des activités ont forcé les gouvernements à rechercher un équilibre entre les trois valeurs liées à la démocratie  : la responsabilité, l’équité et la probité. Comme le souligne Guy Peters, «  le choix de maximiser l’une de ces valeurs aura tendance à créer des problèmes en lien avec certaines des autres48 ». Jusqu’à quel point le gouvernement peut-il demander aux hauts fonctionnaires d’être réceptifs, tout en respectant le rôle particulier qui incombe à la fonction publique dans une démocratie représentative inspirée de celle de Westminster? Jusqu’où peut-on aller pour mettre de côté la hiérarchie tout en maintenant des

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exigences rigoureuses de reddition de comptes? Ces questions revêtent peut-être plus d’importance au Canada que dans de nombreux autres pays parce que, comme le fait remarquer Arend Lijphart dans Patterns of Democracy, la domination de l’exécutif est une caractéristique qui définit la démocratie de Westminster49.

l e c a n a da : u n e n g ag e m e n t pa rt ie l e nvers une réforme Le gouvernement du Canada, à commencer par celui de Mulroney, a mis en œuvre un certain nombre de mesures de réforme comprises sous le vocable de « nouvelle gestion publique » (ngp). À l’instar de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et de Ronald Reagan aux États-Unis, Mulroney a adhéré à la ngp. Rappelons que Margaret Thatcher supprima des pans de la fonction publique pour les confier à des organismes de direction indépendants. Ainsi, 133 organismes furent créés et employaient 375 000 personnes, soit environ 77 % de la fonction publique. Selon un représentant du gouvernement britannique, ces organismes furent créés notamment pour « assurer qu’un nombre accru de cadres supérieurs auraient de l’expérience en gestion de la prestation de services et non seulement dans la formulation de politiques », et pour « concentrer l’attention sur les résultats atteints en fonction des ressources (efficacité) plutôt que simplement sur les montants d’argent dépensés par les ministères »50. La GrandeBretagne a réussi à transférer une grande partie de sa bureaucratie vers des organismes de direction indépendants. Le Canada a cherché à suivre l’exemple de la Grande-Bretagne, mais il a échoué lamentablement. Le gouvernement canadien a adopté le concept d’agence, mais celui-ci n’a rien donné de concluant. Au début, le gouvernement a admis volontiers qu’il s’était inspiré de la Grande-Bretagne. Le secrétaire du Conseil du Trésor a expliqué que « l’intérêt du Canada pour les organismes de services spéciaux (oss) avait été attisé par l’agence Next Step, au Royaume-Uni51 ». Du personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor se rendit à Londres pour étudier le concept d’organisme et en revint avec des idées sur la façon de l’adapter pour le Canada. Au Canada, le concept des oss n’est qu’un pâle reflet de sa version britannique. Seuls une poignée de ces organismes y ont été créés et, contrairement à la situation en Grande-Bretagne, ils restent subordonnés à leur ministère d’attache. Leurs dirigeants et leur personnel sont choisis comme ceux de n’importe quel ministère, et leurs

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obligations de rendre compte demeurent essentiellement les mêmes que celles qu’on trouve dans n’importe quel ministère. Plus personne à Ottawa ne parle des oss comme d’un modèle à suivre, et personne ne prétend que les oss sont mieux gérés que les ministères du gouvernement52. Contrairement à la situation en Grande-Bretagne, aucun premier ministre canadien n’a jamais épousé pleinement le concept d’organisme et, par conséquent, celui-ci n’a jamais profité de l’engagement catégorique de la personne qui compte le plus dans un gouvernement parlementaire de type Westminster. Et contrairement à ce qui s’est fait en Grande-Bretagne, le concept d’organisme n’a jamais été débattu à fond en comité parlementaire et personne dans la bureaucratie n’a pris l’initiative de promouvoir le concept à l’intérieur de la fonction publique. Pourquoi en a-t-il été ainsi? Le premier ministre de l’époque, Brian Mulroney, avait des questions plus urgentes à régler que de voir à la mise en place complète du concept d’organisme. Mulroney devait s’occuper des répercussions des projets d’accords constitutionnels du lac Meech et de Charlottetown. Aucun premier ministre canadien ne voudrait voir le Québec quitter le Canada pendant qu’il est en poste. Mulroney, un député du Québec à la Chambre des communes, était très attentif aux intérêts économiques de sa province, comme l’ont montré sa décision d’attribuer le contrat d’entretien des F-18 à une usine de Montréal bien qu’une entreprise de Winnipeg ait présenté une meilleure proposition, ainsi que sa détermination à amener le Québec à endosser la modification constitutionnelle de 198253. Chrétien, Harper et Trudeau fils, à la suite de Mulroney, ne se sont pas non plus montrés intéressés à appliquer le concept d’organisme. En outre, Chrétien était aux prises avec des problèmes pressants d’unité nationale, notamment un référendum qui a failli se solder par le retrait du Québec de la Confédération, ainsi que de sérieuses difficultés financières durant son premier mandat. Les questions d’unité nationale au Canada priment facilement l’adoption et le maintien de mesures de gestion. Certains gouvernements ont fait meilleure figure que d’autres dans la mise en œuvre durable de mesures de réforme inspirées de la ngp 54. Le gouvernement du Canada est en queue de peloton55. Les efforts en ce sens ont eu des effets visibles et durables en GrandeBretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande, mais beaucoup moins au Canada. En effet, la ngp semble n’avoir laissé aucune trace au sein de l’État canadien, si ce n’est qu’elle a engendré de

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nombreux groupes de travail et rapports de consultants56. Comme on l’a vu, les organismes de services spéciaux ont tourné court sans vraiment donner de résultats, l’introduction du concept d’administrateur des comptes n’a pas changé les choses à Ottawa, et d’autres mesures de la ngp n’ont guère eu plus de succès dans l’administration publique canadienne57. Bien peu de choses permettent de croire qu’après 40 ans de ngp les hauts fonctionnaires à Ottawa aient cessé de se concentrer sur les politiques, de définir de nouvelles mesures et de proposer des idées géniales afin d’accorder une attention accrue à la gestion, et ce, même si les politiciens chevronnés et leurs conseillers partisans ont considérablement élargi leur champ d’action en matière d’élaboration des politiques. Par ailleurs, une foule de données indiquent que les hauts fonctionnaires considèrent encore que la gestion est l’apanage des administrateurs et des moins doués.

l’ a d m in is t r at e u r des comptes Le gouvernement canadien a aussi cherché à suivre l’exemple de la Grande-Bretagne en introduisant le concept d’administrateur des comptes. Cependant, ses efforts ont largement raté la cible encore une fois. Les administrateurs des comptes occupent un poste clé en ce qui concerne le contrôle financier et la reddition de comptes en Grande-Bretagne depuis 150 ans. Ils sont responsables de plein droit et agissent comme des témoins « responsables » devant le Comité des comptes publics du Parlement. Il existe un mémorandum qui décrit les responsabilités des administrateurs des comptes publics et établit la marche à suivre lorsqu’un ministre fait fi des conseils d’un administrateur des comptes sur une question d’intégrité et de régularité. Ce document précise aussi clairement que les administrateurs des comptes sont responsables de l’atteinte des objectifs ministériels de la façon la plus économique et efficace possible58. Jean Chrétien s’est engagé à instaurer au Canada le poste d’administrateur des comptes d’après le modèle britannique59. Mais cet engagement n’a mené à rien. Stephen Harper, pour sa part, a profité du scandale des commandites de Chrétien pour se hisser au pouvoir en janvier 2006 et a fait d’une meilleure reddition de comptes un thème central de sa campagne électorale. Quelques semaines après son accession au pouvoir, il a déposé un projet de loi qui prévoyait l’introduction du concept britannique d’administrateur des comptes dans l’appareil gouvernemental canadien. Ce que Harper envisageait

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alors qu’il était dans l’opposition et ce qu’il a inclus dans le texte législatif sont deux choses fort différentes. Tout porte à croire que le Bureau du Conseil privé (bcp) avait de sérieuses réserves au sujet de la proposition de Harper, ce qui explique peut-être la décision de celui-ci de changer sa position une fois élu. Ainsi, le bcp a produit un document à l’intention des sous-ministres, qui ne cadrait pas avec la position initiale de Harper. Le document Guide du sous-ministre, daté de juin 2003, qui se trouve encore sur le site Web du bcp, va plus loin que l’argument selon lequel la fonction publique n’a pas de «  personnalité constitutionnelle  » et fait valoir qu’elle «  n’a pas de voix ou d’identité distincte de celle de son ministre, mais elle n’a pas non plus à rendre des comptes politiques comme le ministre [...] Dans son appui des responsabilités du ministre, le sous-ministre peut très bien avoir à témoigner devant un comité parlementaire pour expliquer ce qui n’a pas fonctionné. Il pourrait, par exemple, dire : ‘Oui, une erreur a été commise. Je rends compte au ministre et, avec son aide, j’ai réglé le problème.’ Il pourrait également ajouter devant le comité qu’une mesure disciplinaire a été prise mais il ne nommerait pas les personnes concernées, même si leur identité a déjà été révélée par les médias ou autrement60.  » Le bcp n’a pas révisé le document depuis que Harper a introduit le concept d’administrateur des comptes au Canada. Il n’a vu aucune raison de le faire, et ce, bien que les politiciens aient insisté, depuis le début des années 1980, sur la nécessité que les hauts fonctionnaires revoient leur rôle en profondeur et gèrent les activités comme leurs homologues du secteur privé. Ralph Heintzman a dit que la version canadienne de l’administrateur des comptes était une «  mauvaise application du concept britannique ». Il a fait valoir qu’en fin de compte l’introduction du concept n’a rien changé et qu’on a raté l’occasion d’établir une relation adéquate entre les administrateurs des comptes et l’exécutif61. Comme je l’ai souligné plus tôt, on aurait du mal à citer un seul cas où la version canadienne a exercé une influence au Parlement ou à l’intérieur de l’appareil gouvernemental depuis son adoption. Pourquoi? Il est fort probable que les fonctionnaires préfèrent nettement que les ministres assument l’entière responsabilité à la fois des politiques et des décisions administratives. Cela explique, du moins en partie, pourquoi les fonctionnaires du bcp ont exhorté Harper à diluer le concept d’administrateur des comptes. Les hauts fonctionnaires ont plusieurs raisons de vouloir éviter que les questions de gestion ne se transforment en débat politique

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et de chercher à diluer le concept d’administrateur des comptes. Arthur Kroeger, un sous-ministre de longue date très respecté dans l’administration fédérale, a invoqué le régionalisme pour affirmer que le concept d’administrateur des comptes est mieux adapté pour la Grande-Bretagne que pour le Canada. Dans un article intitulé « The Elected Should Have the Last Word », il écrit : « un directeur régional pourrait fermer des bureaux locaux et mettre à pied du personnel à sa guise dans des régions où le taux de chômage est élevé. Toute intervention du ou de la ministre responsable et des députés locaux constituerait de l’ingérence politique62. » Cela n’empêche pas des fonctionnaires de faire valoir, souvent avec succès, que les politiciens élus ne devraient pas se mêler des questions d’ordre administratif. Le principe du mérite, la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur les langues officielles et d’autres lois fournissent toutes aux fonctionnaires des munitions pour éloigner les politiciens élus de leurs bureaux et de leurs responsabilités administratives. Ces lois accordent à la fonction publique une personnalité distincte de celle des ministres qu’elle sert. Le régionalisme au Canada, semble-t-il, ne permet pas que cette personnalité soit complètement distincte.

l a m o in d r e im p o rta n c e de la gesti on En dépit des nombreuses mesures de réforme visant à renforcer la gestion au sein du gouvernement, la priorité absolue des sousministres demeure que les hauts fonctionnaires mettent l’accent sur les politiques et aident le premier ministre et les ministres à assurer le meilleur gouvernement dont ils sont capables. Par exemple, le Guide du sous-ministre place encore l’appui aux ministres en tête de liste de leurs responsabilités63. Le Bureau du Conseil privé a largement son mot à dire dans le choix des personnes qui se hissent au sommet de la fonction publique. C’est là un autre signe que la gestion passe au second plan, derrière l’appui au premier ministre et à ses courtisans ainsi qu’aux ministres, la résolution des problèmes et l’élaboration des politiques. Il existe de nombreux autres exemples. Comme il a été noté plus tôt, la décision du gouvernement fédéral de remplacer son système de paye a rapidement connu des ratés importants. Certains fonctionnaires n’ont pas été payés durant des mois, et le gouvernement a engagé des ressources financières et humaines considérables pour régler le problème. L’un des hauts fonctionnaires responsables du

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système de paye Phénix a relevé, en rétrospective, plusieurs problèmes importants : le manque de planification, le manque de formation et l’incapacité de traiter directement avec l’entrepreneur du secteur privé embauché pour concevoir le système. Ce sont tous là des problèmes de gestion cruciaux. Le ministère responsable a rapporté que le nouveau système de paye ne permettrait pas de réaliser les économies de 70  millions de dollars qu’on avait promises en 2016 et qu’il faudrait débourser encore de 45 à 50 millions de dollars en septembre 2016 pour résoudre les problèmes64. En 2017, d’autres ressources financières ont été nécessaires pour corriger la situation. En 2018, le gouvernement a alloué 431 millions de dollars supplémentaires à l’initiative et débloqué 16 millions de dollars pour entamer des démarches en vue de remplacer le système défectueux65. La plus haute fonctionnaire chargée de la mise en place du système Phénix a été discrètement mutée à un autre poste de direction dans la fonction publique en octobre 201666. Le fait que des fonctionnaires ne recevaient pas leur dû constituait un problème bien visible et ne manquait pas d’attirer l’attention des médias. Bientôt, on a appris que les fonctionnaires de l’extérieur d’Ottawa étaient davantage touchés par les défaillances du système de paye Phénix que leurs collègues d’Ottawa67. Le jeu des accusations était lancé et, aux yeux de bien des gens, le coupable était le régionalisme. Le Globe and Mail a publié un article intitulé « Someone Should Take the Fall for Ottawa’s Botched Phoenix Pay System  » («  Quelqu’un doit porter le blâme pour le travail bâclé d’Ottawa dans l’affaire du système de paye Phénix  ») et a prétendu que la décision d’établir le système de paye à Miramichi (N.-B.), qui s’est traduite par « l’élimination de 700 emplois, surtout à Ottawa », était une forme de « compensation politique »68. Il semble qu’aux yeux du Globe and Mail la localisation de 700  emplois à Ottawa n’ait rien à voir avec une « compensation politique ». Un vice-président exécutif régional de l’Alliance de la Fonction publique du Canada a carrément déclaré aux médias : « Je crois que c’est évident. C’était une erreur de le transférer à Miramichi69. » Personne n’a attribué la source du problème à ibm, l’entreprise qui a vendu le système au gouvernement. Personne ne s’est penché sur la façon dont le système a été mis en place ou sur le fait que des problèmes de gestion, notamment au chapitre de la formation et de l’amélioration des compétences, n’avaient pas été réglés. Personne ne s’est demandé si un financement suffisant avait été affecté à la mise en place du système. Personne n’a regardé du côté de l’Australie, où

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un système de paye semblable à Phénix a coûté 1,2 milliard de dollars aux contribuables et a été décrit comme « le pire échec de politique publique de l’histoire de l’Australie70 ». Personne en Australie n’a imputé la cause de cet échec catastrophique au régionalisme. Le vérificateur général a blâmé trois hauts fonctionnaires pour les problèmes liés au système Phénix. Il a qualifié la situation d’« échec incompréhensible  » et a évoqué les «  problèmes généralisés de culture  » au sein de la fonction publique fédérale. Les obligations redditionnelles étaient pratiquement inexistantes et les trois hauts fonctionnaires n’ont pas été congédiés, mais simplement réaffectés sans être rétrogradés et sans subir de baisse de salaire71. Le rapport du vérificateur général a provoqué une querelle sans précédent entre le vérificateur général et le greffier du Conseil privé, ce qui a largement fait les manchettes. Le greffier a rejeté le rapport en le qualifiant d’article d’opinion truffé de grandes généralisations72. Il a cependant reconnu que la fonction publique fédérale avait une aversion pour le risque et il a mis en garde contre le danger de poser un diagnostic erroné du problème et d’appliquer les mauvais remèdes, mais il n’avait rien à proposer au sujet du diagnostic et des remèdes possibles73. Selon des sondages d’opinion publique, seulement 6  % des Canadiens et des Canadiennes disent avoir « une grande confiance envers les hauts fonctionnaires  ». Les fonctionnaires de première ligne, quant à eux, obtiennent de meilleurs résultats, la population canadienne leur témoignant une grande confiance74. Cela confirme l’existence d’une ligne de faille qui sépare les hauts fonctionnaires et les gestionnaires de première ligne et leur personnel. Un sondage financé par le Conseil du Trésor et mené auprès des fonctionnaires arrive à la même conclusion et laisse entendre que le greffier du Conseil privé pose un diagnostic erroné du mal qui afflige la fonction publique. D’après les réponses de 174  544  employés interrogés en 2017, seulement 17  % des fonctionnaires fédéraux rapportent que la «  haute direction communique efficacement les renseignements essentiels au personnel  », seulement 11  % d’entre eux estiment que « le rendement insatisfaisant des employé(e)s est géré de manière efficace » et seuls 25 % disent « recevoir une reconnaissance significative » lorsqu’il font du bon travail75. Ces résultats permettent de croire qu’il existe un problème généralisé de culture dans la fonction publique fédérale. Trois cas récents semblables au système de paye Phénix démontrent également que le régionalisme est loin d’être la cause des

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dérapages des mesures de la nouvelle gestion publique. Au milieu des années 1990, le gouvernement fédéral a lancé une initiative d’envergure pour réformer son système de classification et d’évaluation des emplois dans la fonction publique. L’objectif était de standardiser la classification des emplois à l’échelle du gouvernement. Le gouvernement fédéral a investi environ 200  millions de dollars dans des études et des consultations et affecté « des dizaines de milliers d’employés » à la tâche entre 1998 et 200076. Les efforts ont échoué, un résultat que le principal organisme chargé de l’initiative, le Conseil du Trésor, reconnaît volontiers. La seule chose que nous avons apprise, c’est qu’entre 1993 et 1999 environ 28 000 promotions – près du tiers de toutes les promotions – ont été accordées par voie de reclassification de postes. Personne dans les organismes centraux ou les ministères responsables ne sait combien de ces postes ont été surclassifiés. Depuis, le gouvernement a déployé de nouveaux efforts pour harmoniser ses processus de classification et d’évaluation des emplois mais, encore une fois, ses efforts n’ont guère porté leurs fruits. L’initiative visant à réformer le système de classification était un exercice mené strictement par Ottawa. Le fait qu’elle a conduit à de nombreuses reclassifications (qui n’ont fait essentiellement que des gagnants, aucun perdant, du moins dans la fonction publique fédérale) et qu’elle s’est déroulée à l’intérieur du système d’Ottawa explique qu’elle n’a pas suscité l’intérêt des médias. Un certain nombre d’autres erreurs administratives plus coûteuses se sont produites. Elles sont loin d’avoir attiré autant d’attention parce qu’elles ont eu peu de répercussions sur la vie des fonctionnaires et de la population canadienne. Il s’agissait, là aussi, d’exercices dirigés par Ottawa. Ainsi, le gouvernement a provoqué un beau gâchis avec son projet de modernisation de son infrastructure de TI77. Le gouvernement a procédé à la création de l’organisme Services partagés Canada pour qu’il fournisse des services de courriel, de centre de données et de réseau à 43  ministères et organismes. Avant la création de l’organisme, chaque ministère assurait la gestion de sa propre infrastructure et de ses propres services de TI. Le Bureau du vérificateur général (bvg) a fait le point sur les progrès accomplis dans ce dossier en 2015 et ses conclusions étaient tout simplement accablantes. Le bvg a découvert que les règles élémentaires de gestion étaient déficientes à plusieurs égards : le gouvernement n’avait pas établi clairement les attentes en matière de services, il n’avait pas documenté les ententes sur les niveaux de services avec les ministères, il n’avait pas effectué

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une planification adéquate et il n’avait pas clairement fait connaître les objectifs qu’il entendait poursuivre78. D’autres erreurs de gestion encore plus coûteuses sont associées à l’initiative  : on n’avait pas obtenu de locaux à bureaux pour le personnel, le budget de l’organisme a subi des réductions généralisées (le moyen traditionnel de réduire les dépenses publiques), si bien qu’en fin de compte les contribuables canadiens devront dépenser une fortune pour corriger la situation de Services partagés Canada79. Un employé de Services partagés Canada a mis le doigt sur le problème : « Je ne sais pas combien de fois j’ai entendu des sous-ministres dire qu’ils n’y connaissaient rien dans les technologies de l’information. Ils n’aimaient pas les TI et ils espéraient ne plus jamais devoir s’occuper de TI durant le reste de leur carrière80.  » Parmi les plus hauts fonctionnaires de la fonction publique, la mentalité selon laquelle il vaut mieux laisser les questions de gestion à d’autres, à une autre classe d’employés et, dans bien des cas, au personnel le moins doué, est profondément ancrée. Encore une fois, le régionalisme n’était pas en cause dans ce cas puisque l’initiative a été mise en place et gérée par Ottawa. Un examen des édifices gouvernementaux fédéraux réalisé en 2016 a révélé qu’Ottawa dépense plus de 40 millions de dollars par année pour l’entretien d’immeubles vacants81. De plus, la même année, le Conseil du Trésor a entrepris un nouvel examen coûteux du système de classification des emplois du gouvernement et l’initiative comportait encore une fois de nombreux rapports de consultants, la mise sur pied de nombreux comités ministériels et interministériels et d’innombrables réunions. Cette initiative non plus n’a pas su donner les résultats escomptés. Le problème de grimpement de la classification est un phénomène qui touche particulièrement Ottawa. Un sondage effectué par la Commission de la fonction publique indique que 60  % des répondants et des répondantes de la région de la capitale nationale ont dit avoir reçu une promotion au cours des 5 dernières années, comparativement à 48 % de ceux de toutes les autres régions82. Michael Ferguson, l’ancien vérificateur général du Canada, a émis un certain nombre de constats flagrants dans son rapport de novembre 2016, alors qu’il était au milieu de son mandat de 10 ans. S’inspirant de la théorie des choix, il a écrit : « [Q]ue dire des programmes qui sont gérés de façon à servir les besoins des gens qui les dirigent plutôt que ceux des gens qui en sont bénéficiaires? » Il a affirmé que divers rapports publics ne dressent pas un portrait clair de ce qui se passe. «  Nos audits relèvent ces mêmes problèmes au sein de différentes organisations à maintes et maintes reprises, a-t-il ajouté [...] lorsque

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nous effectuons un suivi, nous constatons souvent que les résultats des programmes ne se sont pas améliorés [et] évoquant les mots de l’illustre Yogi Berra “encore du déjà vu”83. » Cependant, tout comme ses prédécesseurs, le vérificateur général était à court de solutions ou de moyens de redresser la barre du navire.

p o u rq uoi ? Pourquoi la ngp a-t-elle eu une influence beaucoup plus grande en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande qu’au Canada? Pourquoi les hauts fonctionnaires canadiens continuent-ils d’adhérer à la vision que Max Weber avait de la bureaucratie et des modèles administratifs traditionnels? Pourquoi les hauts fonctionnaires se sont-ils efforcés de rendre inefficace le concept d’administrateur des comptes? Pourquoi le groupe des plus hauts fonctionnaires continue-t-il d’accorder une moins grande priorité à la gestion que leurs homologues dans les autres systèmes parlementaires de type Westminster? Il y a très peu d’incitatifs pour encourager les sous-ministres à se concentrer sur la gestion. Les hauts fonctionnaires qui proposent des « idées géniales », qui cherchent à éviter des ennuis à leur ministre, qui définissent des mesures permettant au gouvernement de respecter ses engagements pris lors de la dernière campagne électorale ou qui impressionnent les hauts fonctionnaires du Cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé ont toujours la cote à Ottawa. Bref, les hauts fonctionnaires préfèrent se tourner vers le haut, non vers le bas. Leur prochaine promotion – s’il s’agit de sous-ministres adjoints ou de sous-ministres de second rang – dépend de l’attention qu’ils accordent au sommet de la hiérarchie, et non de l’attention qu’ils prêtent aux échelons inférieurs, aux questions de gestion et aux bureaux régionaux. Les fonctionnaires ambitieux prennent bien note du conseil de Kroeger de faire preuve d’une grande prudence sur les questions régionales ou celle de l’unité nationale, car elles conduisent souvent en terrain politique miné. Il vaut mieux laisser les politiciens s’occuper de ces questions et éviter les changements structurels, comme la création d’un poste d’administrateur des comptes efficace qui risque de raviver les problèmes régionaux et d’attirer l’attention sur eux. La question de l’unité nationale et de la place du Québec dans la fédération a dominé, encore une fois, le programme d’action politique à des moments cruciaux où les questions liées à la nouvelle gestion publique exigeaient l’attention des premiers ministres et de leurs courtisans.

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D’éminents spécialistes qui étudient le gouvernement ont essayé de concilier la théorie de la dépendance trajectorielle et la mise en œuvre de mesures inspirées de la ngp dans la fonction publique canadienne. Ils doivent tenir compte du fait que le secteur public dans la plupart des démocraties anglo-américaines est bien différent de ce qu’il était dans les années 1980 de par sa taille, la portée de ses activités et ses pratiques de gestion. Ils soutiennent que le « changement de paradigme fondamental  » s’est produit parce que des politiciens de premier plan ont conclu que le statu quo ne fonctionnait plus. Ils soulignent que la théorie de la dépendance trajectorielle est toujours valable parce qu’elle explique « les périodes prolongées de stabilité considérable [...] interrompues par des moments de turbulence formateurs  »84. La Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont été témoins de «  moments formateurs  » au sein de leur gouvernement national et elles ont apporté des changements structurels à leur appareil gouvernemental. Cela n’a pas été le cas au Canada en raison des préoccupations que suscitent l’unité nationale et le régionalisme85.

l a b u r e au c r at ie d’ottawa La bureaucratie fédérale demeure une institution qui fonctionne selon un mode descendant. Elle n’a pas réussi à se départir de son rôle – qui se limite à l’application des règlements – au moment où les programmes et directives du gouvernement étaient concrets, normatifs et conçus pour offrir des mesures étroitement définies qui exigeaient peu de pouvoir discrétionnaire chez le personnel de première ligne. Le modèle descendant a tenu bon même après que la bureaucratie fédérale eut reçu des pouvoirs plus abstraits et normatifs en matière d’élaboration et de mise en œuvre de mesures, avec l’avènement du fédéralisme exécutif et du gouvernement moderne86. Comme nous le savons maintenant, même les mesures issues de la ngp ont eu peu d’effet sur la bureaucratie canadienne. La bureaucratie fédérale est une institution qui applique une approche descendante et qui est centrée sur Ottawa depuis la création du pays. En fait, elle est devenue encore plus centrée sur Ottawa ces dernières années. Les cadres supérieurs de la fonction publique préfèrent nettement travailler près du pouvoir politique que loin de lui. J’ai évoqué dans un autre ouvrage l’image d’une ligne de faille qui sépare les fonctionnaires responsables des politiques et les travailleurs de première ligne. Ceux qui se trouvent au-dessus de la ligne

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ont tendance à se tourner vers le processus politique et le bcp pour obtenir des conseils et rendre des comptes, tandis que ceux qui se trouvent sous la ligne considèrent qu’ils doivent rendre des comptes à un éventail d’acteurs, depuis leur supérieur immédiat jusqu’à leur clientèle, en passant par des organismes de surveillance87. Le Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique a repris l’image par la suite. On peut lire dans son rapport : « les discussions que nous avons amorcées avec les fonctionnaires nous ont révélé l’existence d’un véritable fossé entre les divers échelons dans la fonction publique, surtout, peut-être, lorsqu’il est question des valeurs. Bon nombre de subalternes et des cadres intermédiaires n’avaient pas le sentiment d’avoir véritablement des liens avec les échelons supérieurs, et se demandaient s’ils partageaient nécessairement les mêmes valeurs que les fonctionnaires au plus haut niveau.  » Selon le rapport, l’une des sources «  de cette ligne de faille semble être la confusion au sujet de l’obligation de rendre compte et la tension qui existe entre la responsabilité politique et la responsabilité à l’égard du “client”. Ceux qui sont en première ligne estiment qu’ils sont d’abord responsables envers les citoyens/clients, tandis que les fonctionnaires des échelons plus élevés peuvent avoir le sentiment qu’ils sont d’abord responsables envers les électeurs et les contribuables, par le truchement du processus politique88. » Les sous-ministres, l’échelon le plus élevé dans la fonction publique, travaillent à partir d’Ottawa. Même lorsqu’ils et elles sont nommés à la tête d’une agence de développement régional dont le siège social est situé en région, les sous-ministres auront un bureau à Ottawa où, le plus souvent, ils et elles auront aussi leur résidence et passeront la plupart de leur temps. Les sous-ministres veulent rester bien informés et se faire voir là où ça compte. Peu de fonctionnaires fédéraux ambitieux considèrent qu’il serait bon pour leur carrière de quitter Ottawa pour s’établir en région. Ottawa est le lieu de résidence de pratiquement tous les sous-ministres, sous-ministres délégués et sous-ministres adjoints, qui veulent bénéficier d’une oreille attentive des ministres et du Bureau du Conseil privé. Selon la culture au sein de l’appareil gouvernemental, l’action des sous-ministres est orientée vers le cpm, le bcp, les ministres d’expérience, le processus politique et les échelons supérieurs de la fonction publique. La période des questions et le travail des médias nationaux occupent une grande place dans leur travail. Les fonctionnaires en poste dans une région, quant à eux, ont tendance à porter leur attention vers les citoyens et les citoyennes, la prestation des programmes

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et les clients de leur ministère. Les fonctionnaires en région qui déménagent à Ottawa apprennent rapidement les usages d’Ottawa, où les fonctionnaires «  se sont bâti une carrière grâce à leurs aptitudes à gérer vers le haut. Ils ont été appréciés et promus parce qu’ils étaient habiles à fournir à leurs supérieurs, en temps opportun, ce dont ils avaient besoin [...]89. » Ou bien les fonctionnaires se fondent dans le système d’Ottawa et épousent ses valeurs et sa culture, ou bien ils sont mis de côté et ont peu de possibilités d’être promus. La bureaucratie d’Ottawa est définie par des responsabilités sectorielles associées aux ministères. L’attention des bureaucrates se concentre sur leur secteur, les objectifs de leur ministère ou organisme, leur lieu de travail et leur lieu de résidence (c.-à-d. Ottawa). Ils voient les choses dans une perspective sectorielle (p. ex. le secteur manufacturier ou celui des ressources naturelles) et dans une perspective « nationale ». À l’exception des agences fédérales de développement régional, des ministres et des députés aux Communes, peu de gens à Ottawa envisagent les choses selon une autre perspective régionale que celle de leur propre région ou de la capitale nationale.

d e s c o n s e il l e rs parti sans Jonathan Craft, Jennifer Robson et Paul Wilson ont documenté l’influence grandissante qu’exercent les conseillers politiques partisans sur les politiques et les activités gouvernementales90. Ils examinent le travail des conseillers partisans au centre du gouvernement, dans le Cabinet du premier ministre et les bureaux ministériels. Craft décrit comment les conseillers partisans ont réussi à se tailler un rôle important en tant que source de conseils en matière de politiques et comment ils servent de « pont » entre les hauts fonctionnaires et les politiciens élus91. Il s’intéresse tout particulièrement aux conseillers partisans du premier ministre et à leur capacité de façonner « dès le départ » des instruments de politique par l’intermédiaire des lettres de confirmation de mandat et des discours du Trône92. Dans le cas du gouvernement fédéral, les conseillers partisans sont maintenant admis aux réunions des comités du Cabinet, contrairement à il y a une trentaine d’années, quand seuls les ministres et les fonctionnaires de carrière pouvaient y assister. Depuis le gouvernement Mulroney, les chefs de cabinet des ministres occupent un poste de même niveau que celui de sous-ministre adjoint93. Le changement avait pour but de restreindre l’influence des fonctionnaires de carrière et, comme l’affirme Jacques Bourgault, de renforcer le contrôle

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politique et d’assurer que les politiciens ne sont pas « prisonniers » de la bureaucratie94. Les conseillers partisans ont, par définition, un parti pris politique. Ils ont pour fonction de promouvoir les intérêts politiques du premier ministre, des ministres et du parti au pouvoir. Il s’agit d’anciens travailleurs de campagne électorale ou de proches collaborateurs de l’homme ou de la femme politique qu’ils sont appelés à servir. Les chefs de cabinet sont des personnes expérimentées dans les domaines de la politique (certains ayant servi le parti pendant qu’il était dans l’opposition), du droit et des politiques publiques (certains sont d’anciens fonctionnaires). La majorité des chefs de cabinet dans le gouvernement de Justin Trudeau sont de la région de Toronto et bon nombre ont occupé des postes semblables à Queen’s Park sous des gouvernements libéraux. On comptait 30 chefs de cabinet en février 2016 : 17 venaient de l’Ontario, 7 du Québec, 5 de l’Ouest canadien et 1 du Canada atlantique. Comme il a été noté à plusieurs reprises, l’intérêt politique du gouvernement fédéral se situe dans les régions les plus peuplées du pays, soit l’Ontario, le Québec et, de plus en plus, les provinces de l’Ouest. Les conseillers politiques partisans le savent aussi bien que les maîtres politiques qu’ils servent, ce qui n’a fait qu’aviver la crainte que le gouvernement de Justin Trudeau ne voie les choses que dans l’optique de l’Ontario et du Québec. Le gouvernement Trudeau a remporté 80 des 121 sièges en Ontario et 40  des 78  sièges au Québec, et des députés de ces deux  provinces ont été nommés à tous les postes importants au sein du Cabinet : le premier ministre, les Finances, Environnement et Changement climatique, Innovation, Sciences et Développement économique, y compris tous les organismes régionaux, les Transports, le Commerce international et la Santé95. Bien que les médias ontariens et québécois aient fait peu de cas de la situation, ceux des provinces de l’Ouest et de l’Atlantique se sont dits inquiets du fait que 24 des 30 chefs de cabinet étaient originaires de l’Ontario et du Québec, alléguant que le « bloc de pouvoir » formé par ces ministres et leur personnel supérieur exercerait une influence excessive à Ottawa. Roger Gibbins, un observateur de longue date de la scène politique canadienne, a expliqué  : «  Si on prend l’exemple des pipelines, les solutions proposées sont bien différentes selon qu’on examine l’exploitation des ressources naturelles à travers la lentille du Grand Toronto ou celle de Calgary ou même du Grand Vancouver96. » Au lieu de choisir des candidats de l’Ouest ou du Canada atlantique à titre de chefs de cabinet pour faire contrepoids aux postes importants

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au sein du Cabinet, le gouvernement a nommé des personnes dont le lieu d’origine accentue le parti pris en faveur de l’Ontario et du Québec ou des régions qui comptent le plus d’électeurs.

ot tawa , o ù s e r e n c o ntrent les élite s Il y a la perspective d’Ottawa, la lentille d’Ottawa et la bulle d’Ottawa dans laquelle les politiciens de premier plan, les plus hauts fonctionnaires et les lobbyistes exercent leurs activités. Le premier ministre s’est dit «  heureux de sortir de la bulle d’Ottawa  » au moment de son départ pour une tournée de rencontres publiques97. J’en ai fait l’expérience durant plusieurs années au sein d’un ministère et de deux organismes centraux, mon dernier poste étant du niveau de sous-ministre adjoint. L’argument de Roger Gibbins est valable : les questions telles que les pipelines et les mesures de promotion du développement économique prennent un aspect différent selon la position qu’on occupe. Les personnes qui sont au service de l’administration publique acquièrent des croyances, des normes, des valeurs et des attentes qui orientent leur travail, selon la région où elles sont en poste. Les attentes sont différentes selon qu’on travaille à Ottawa, dans les régions, à titre de conseiller politique partisan, de fonctionnaire de carrière, de ministre du Cabinet, de député ministériel ou de député de l’opposition. La perspective d’Ottawa est la clé pour comprendre le processus d’élaboration des politiques et les initiatives du gouvernement. Le gouvernement fédéral est devenu encore plus centralisé, plus centré sur Ottawa au cours des dernières années, et ce, pour plusieurs raisons. Le gouvernement de cabinet cède le pas à l’exercice central du pouvoir. Il existe maintenant un besoin accru d’assurer que les ministères et organismes gouvernementaux « restent sur les rails » pour éviter de provoquer des controverses politiques en cette ère d’information continue et de médias sociaux, de faire face à la montée de la classe des lobbyistes concentrée à Ottawa et de collaborer avec une fonction publique davantage centralisée dans la région de la capitale nationale. Le Canada se distingue des autres pays anglo-américains en ce qui concerne la localisation des fonctionnaires dans la région de la capitale nationale. Il en a été ainsi à travers les époques, mais le mouvement s’est accéléré ces dernières années. Chaque année, le gouvernement australien publie un rapport sur l’état de sa fonction publique, qui présente une répartition des fonctionnaires selon leur

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lieu de travail. Le dernier rapport révèle que 38 % des fonctionnaires australiens travaillent dans le Territoire de la capitale de l’Australie98. La Grande-Bretagne publie également un rapport annuel qui contient des données sur les emplois dans la fonction publique par région. Selon le dernier rapport, 18,6  % d’entre eux sont situés à Londres99. Aux États-Unis, environ 16  % des employés de l’État fédéral travaillaient à Washington,  D.C., et dans les environs en septembre 2015100. En France, un État unitaire, comme la GrandeBretagne, on dénombre quelque 22 % des fonctionnaires en poste dans la région d’Île-de-France, à Paris101. Au Canada, la Commission de la fonction publique et le Secrétariat du Conseil du Trésor ne font plus état du lieu de travail des fonctionnaires fédéraux dans leurs rapports annuels. Par contre, Statistique Canada en rend compte, tout comme le Bureau du directeur parlementaire du budget l’a fait en 2015. Il y a 45 ans, environ le quart des fonctionnaires fédéraux travaillaient dans la région de la capitale nationale (rcn)102. Depuis le début des années 1990, nous sommes témoins d’une diminution considérable des emplois fédéraux dans les régions au profit de la rcn, où la proportion des fonctionnaires fédéraux est passée de 35,5 % en 2000 à 41,1 % de nos jours, un nombre beaucoup plus élevé que dans les autres pays anglo-américains103. Plus de 66 % des employés de la fonction publique fédérale habitent en Ontario et au Québec, ce qui représente 61,5 % de la population canadienne. Préoccupé par la concentration grandissante des fonctionnaires dans la rcn, le premier ministre Stephen Harper a promis en 2012 que la région d’Ottawa-Gatineau serait davantage touchée que les autres régions lorsqu’il donnerait suite à son engagement d’éliminer 19 200 emplois dans la fonction publique104. Il a manqué à sa promesse. Le Bureau du directeur parlementaire du budget a rapporté, le 26 février 2015, qu’après la promesse de Harper « près des deux tiers des éliminations de postes se sont produites à l’extérieur de la rcn 105  ». Compte tenu des récents progrès technologiques qui permettent aux fonctionnaires de différents bureaux d’être reliés par téléconférence et vidéoconférence, on pourrait s’attendre à ce que la centralisation des employés de l’État diminue. C’est plutôt le contraire qui se produit : leur présence dans les régions diminue. Rappelons qu’au milieu des années 1970, le gouvernement fédéral mit en place un programme pour «  favoriser l’unité nationale, le développement économique régional, une croissance urbaine équilibrée et l’amélioration des services offerts à la population106  ». Il

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s’engageait à délocaliser « 10 000 postes au sein de 24 unités administratives vers 24 villes différentes107 » à l’extérieur de la rcn. Le gouvernement fédéral mit fin au programme en 1979-1980, quoiqu’il ait de temps en temps transféré une unité vers une région pour régler un problème politique, par exemple lors de la fermeture d’une base aérienne à Summerside, à l’Île-du-Prince-Édouard. Un rapport de la Bibliothèque du Parlement donne trois raisons pour lesquelles le programme fut supprimé : les coûts, l’opposition de députés de la rcn et les fonctionnaires et leurs syndicats. Les deux dernières raisons sont plausibles, mais pas la première. On peut démontrer de façon convaincante que les dépenses de fonctionnement des unités administratives fédérales sont moins élevées en région. D’une part, les coûts des locaux à bureaux y sont inférieurs à ceux dans la rcn. D’autre part, grâce aux progrès technologiques, d’Internet à FaceTime en passant par Skype, les communications entre bureaux sont maintenant faciles et peu coûteuses. La Direction du contrôle du remboursement des chèques du ministère des Approvisionnements et des Services, située à Matane, au Québec, dans la région économiquement éprouvée de la Gaspésie, traite le même nombre de chèques avec 275  employés qu’elle le faisait avec 300  employés quand elle se trouvait à Ottawa. Le directeur de l’unité a expliqué que la productivité accrue est due au fait, notamment, qu’il a pu sélectionner les 275 employés parmi 3 500 candidats, tandis qu’à Ottawa le nombre de candidats était beaucoup moins élevé. De plus, le roulement de personnel est presque inexistant à Matane par rapport au roulement important observé auparavant à Ottawa. Le directeur de l’unité des approvisionnements et des services de Shediac, au Nouveau-Brunswick, est arrivé à des conclusions semblables, affirmant que son unité est beaucoup plus efficace qu’à l’époque où elle était située à Ottawa108. Une gestionnaire m’a dit qu’il n’y a presque pas de roulement de personnel dans les bureaux de Shediac. Quelqu’un qui a un emploi à Shediac, a-t-elle expliqué, ne cherchera pas une promotion dans une autre unité administrative de l’autre côté de la rue parce qu’il n’y en a pas, contrairement à Ottawa109. Les organismes centraux à Ottawa, pas plus que les syndicats du secteur public, n’ont jamais calculé les économies de coûts qu’engendre la décision d’établir des unités administratives dans les régions plutôt qu’à Ottawa lorsqu’ils établissent le coût total du transfert d’emplois fédéraux vers les régions. Les hauts fonctionnaires à Ottawa réagissent mal au moindre indice que le gouvernement

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songe à relancer le programme de délocalisation d’unités administratives du milieu des années 1970. Le marché immobilier d’Ottawa est important pour eux, pas celui de Saskatoon ou de Sydney110. Dominic LeBlanc, un député du Nouveau-Brunswick, a fait remarquer  : «  Les sous-ministres n’aiment pas annoncer de mauvaises nouvelles (des suppressions d’emplois ou le transfert d’unités à l’extérieur d’Ottawa) à des employés qui viennent d’être mis à pied en prenant l’ascenseur avec eux. Il est plus facile pour eux de supprimer des postes et du personnel dans des bureaux dans lesquels ils sont peu susceptibles de mettre les pieds111. » Ce facteur, bien que loin d’être le seul en cause, explique les relations difficiles entre au moins certains politiciens et certains fonctionnaires. Les politiciens ne croient pas que le travail des hauts fonctionnaires se fonde toujours sur des données probantes. Quand leurs propres intérêts sont en jeu, les fonctionnaires ne tiendront pas compte des données probantes ou ne chercheront pas à les obtenir. Si les fonctionnaires s’accrochent peut-être encore à l’idéal wébérien voulant qu’ils mettent leurs valeurs de côté afin qu’elles n’interfèrent pas avec leur évaluation d’une initiative possible, les politiciens et les politiciennes ne voient plus les choses de cette façon. Dans le cas de la centralisation-décentralisation de services gouvernementaux et de fonctionnaires, les premiers ministres auraient cependant pu obliger les hauts fonctionnaires à effectuer une analyse coûts-avantages approfondie du programme de décentralisation d’Ottawa. Rien n’indique que Mulroney, Chrétien, Harper ou Trudeau fils l’aient fait. Le risque politique de s’aliéner des électeurs du corridor Montréal-Ottawa-Toronto est trop élevé. Ils pourraient également invoquer des questions d’unité nationale (p.  ex. l’assurance qu’une unité respecte les exigences de la Loi sur les langues officielles lorsqu’elle est située en Saskatchewan, à Terre-Neuve ou dans une région rurale du Québec) et des préoccupations au sujet de tensions régionales potentielles pour justifier le choix d’une localité ou d’une région plutôt qu’une autre afin d’y établir une unité, avant de décider de ne pas poursuivre la décentralisation. Même en gouvernant à partir du centre, Harper n’a pas pu tenir l’engagement que son gouvernement ciblerait particulièrement la rcn pour donner suite à sa décision d’éliminer près de 20 000 emplois dans la fonction publique. Pourquoi? En raison des pressions constantes qui s’exercent sur leur programme politique, les premiers ministres ne peuvent se concentrer que sur un certain nombre de questions, et

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le dénombrement des effectifs de la fonction publique n’en fait pas partie. Aucune autre voix ne s’est levée dans le système d’Ottawa pour réclamer que Harper respecte son engagement. Les députés d’Ottawa et de la région ont tout intérêt à minimiser cet engagement. On peut en dire autant de la haute direction de la fonction publique. Peu importe le marché immobilier de la rcn, il est plus facile pour les organismes centraux et les cadres supérieurs des ministères d’assurer la bonne marche des affaires publiques lorsque de plus en plus de fonctionnaires sont en poste à Ottawa plutôt qu’à Calgary ou à Halifax. Les médias nationaux, situés à Ottawa, à Toronto et à Montréal, sont peu intéressés à se pencher sur la question. Le Sénat, qui est parmi toutes les institutions politiques nationales celle qui devrait étudier de telles questions, ne l’a pas fait. La question ne cadre pas avec son rôle de « second examen objectif ».

r e to u r e n a rri ère La fonction publique canadienne a mis au point la capacité de donner l’impression qu’elle se transforme tout en demeurant inchangée. Une multitude de rapports de consultants, de groupes de travail, de mesures inspirées de la nouvelle gestion publique et l’introduction du concept d’administrateur des comptes n’ont laissé presque aucune trace. Nous avons toutefois assisté à l’abandon d’un grand nombre de règles et règlements imposés par les organismes centraux, ce qui, nous l’avons vu, a rendu les activités gouvernementales plus complexes et plus coûteuses et le gouvernement, plus soucieux d’éviter les risques. Les politiciens ont décidé, il y a une quarantaine d’années, que les hauts fonctionnaires devaient se concentrer davantage sur les activités de gestion afin de devenir de meilleurs gestionnaires. Les politiciens désiraient aussi raffermir leur emprise sur les moyens d’élaboration des politiques en faisant des hauts fonctionnaires de meilleurs gestionnaires. Le virage a eu toutefois peu d’effet sur le travail des hauts fonctionnaires. La gestion au sein de l’appareil gouvernemental demeure la responsabilité d’une classe d’administrateurs moins doués. Les hauts fonctionnaires préfèrent encore se consacrer aux politiques et concevoir des « idées géniales » qu’ils tentent de vendre au premier ministre, à ses courtisans, au Bureau du Conseil privé, au ministère des Finances et aux ministres. Notre fonction publique n’est plus animée par des valeurs communes. Une ligne de faille l’a scindée en deux institutions  : dont l’une qui est toujours tournée vers les plus hauts politiciens du parti

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ministériel et les organismes centraux. Les fonctionnaires qui se trouvent au-dessus de la ligne de faille savent comment faire avancer des propositions au nom du premier ministre ou de leur ministre dans le processus d’approbation d’Ottawa. Ceux qui se trouvent sous la ligne de faille ont tendance à accorder la priorité à leurs clients dans la prestation des programmes et des services. Par ailleurs, la fonction publique fédérale est de plus en plus centrée sur Ottawa alors que 41 % des fonctionnaires fédéraux travaillent dans la rcn, un pourcentage considérablement plus élevé qu’il y a 40 ans et que dans d’autres démocraties occidentales. C’est ce qui explique, du moins en partie, la détérioration de la qualité des services fournis par le gouvernement fédéral à la population canadienne. L’abandon par la fonction publique du Canada de ses valeurs et de ses normes institutionnelles communes s’est produit lentement. Le dénigrement de la bureaucratie, l’élimination de nombreuses règles prescrites par les organismes centraux, le message selon lequel les gestionnaires du secteur privé sont supérieurs aux gestionnaires du gouvernement, la ligne de faille qui divise la fonction publique et l’exercice central du pouvoir par le premier ministre et ses courtisans qui recherchent constamment des hauts fonctionnaires en particulier pour promouvoir leur programme d’action, ont amené les fonctionnaires à s’occuper de leurs propres intérêts. Un ancien sous-ministre chevronné a résumé la situation en faisant remarquer : « Les politiciens actuels n’aiment pas la fonction publique, mais ils apprécient les fonctionnaires individuellement112.  » Les politiciens d’autrefois n’appréciaient peut-être pas certains fonctionnaires en particulier, mais la plupart d’entre eux aimaient et respectaient la fonction publique en tant qu’institution. En un mot, les politiciens d’autrefois respectaient la fonction publique tandis que, maintenant, les politiciens apprécient les fonctionnaires qui se trouvent « presque en situation de promiscuité partisane » et qui acceptent de les aider à intégrer les campagnes électorales permanentes dans l’art de gouverner113.

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La fonction publique : une institution à six gardiens

Bien que j’aie passé la majeure partie de ma carrière dans le milieu universitaire, j’ai déjà été fonctionnaire fédéral dès ma sortie de l’université en tant qu’adjoint d’Allan Gotlieb, alors sous-ministre des Communications. Ensuite, j’ai servi au sein d’un bureau ministériel régional, puis au niveau de sous-ministre adjoint dans un organisme central à Ottawa. Plus tard encore, on m’a demandé d’occuper par intérim un poste du niveau de sous-ministre pendant un an à la direction de l’École de la fonction publique, en attendant l’arrivée de son titulaire permanent. Mes incursions occasionnelles dans la fonction publique fédérale, la première fois dans les années 1970 et la dernière en 2004, conjuguées à mon expérience à titre de directeur de la recherche de la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada, m’ont permis de tirer des enseignements précieux sur les rouages du gouvernement et l’évolution de la fonction publique fédérale. J’ai vu la fonction publique, une institution proactive relativement confiante, se transformer en une institution prudente, incertaine, trop souvent prête à serrer les rangs. Lors de ma recherche documentaire en préparation du présent ouvrage, j’ai demandé au sénateur Peter Harder quel était son point de vue sur l’état de la fonction publique fédérale. Avant sa nomination à titre de représentant du gouvernement au Sénat, Harder a mené une brillante carrière dans la fonction publique fédérale comme sous-ministre d’Industrie Canada, sous-ministre des Affaires étrangères et secrétaire du Conseil du Trésor. Il a répondu : « Si l’on demandait présentement à la fonction publique de former une équipe de hockey, elle enverrait six gardiens de but sur la glace. »

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La fonction publique fédérale a elle-même créé certains des problèmes qu’elle éprouve, mais pas tous. La fonction publique canadienne est aux prises avec certaines des difficultés que l’on observe dans toutes les bureaucraties gouvernementales des démocraties anglo-américaines. Je me souviens d’avoir rencontré un haut fonctionnaire, alors que j’étais au service du gouvernement, pour lui dire qu’à mon avis le ministère comptait beaucoup trop d’employés pour assumer son rôle et ses responsabilités. Sa réaction a été vive. Il m’a dit que je faisais preuve de déloyauté envers le ministère et que, si je croyais vraiment ce que je venais de dire, je devrais me chercher un nouvel emploi. J’ai bientôt quitté la fonction publique, mais le message était clair : il n’y a pas de place pour la discussion lorsqu’il s’agit des intérêts du ministère. J’ai vu la fonction publique fédérale se transformer au cours des 50  dernières années. Gotlieb était un fonctionnaire très respecté, et ce, à juste titre. Il avait un esprit vif, était toujours parfaitement au courant des dossiers importants du ministère, entretenait une excellente relation de travail avec son ministre et faisait avancer les choses. Il concentrait son attention sur le ministère, l’élaboration de nouvelles politiques et la définition du mandat du ministère. Je me rappelle qu’il avait des contacts avec des organismes centraux et d’autres ministères, mais que ceux-ci n’étaient jamais au centre de ses préoccupations. Le ministre, Gotlieb et une poignée de hauts fonctionnaires du ministère décidaient de l’orientation des politiques. Cependant, je me souviens aussi qu’il s’intéressait peu aux questions administratives. Le ministère avait des employés qui s’occupaient de ces questions et qui venaient l’en informer de temps en temps. La situation est différente de nos jours. Dans des publications antérieures, j’ai fait valoir deux arguments qui ont trouvé écho auprès des fonctionnaires, des anciens fonctionnaires et des journalistes. Dans un cas, comme je l’ai mentionné, j’ai comparé la bureaucratie fédérale à une grosse baleine qui est incapable de nager. Dans l’autre, j’ai écrit qu’on gardait un trop grand nombre de fonctionnaires «  occupés à actionner des manivelles qui tournent dans le vide  ». Bon nombre de fonctionnaires fédéraux et de non-fonctionnaires, notamment des consultants, m’ont dit que les deux commentaires décrivaient très bien l’état actuel de la fonction publique. La fonction publique fédérale est confrontée à plusieurs grandes difficultés. La fonction publique ne fonctionne pas en vase clos, indépendamment de la situation politique. Elle doit maintenant composer avec les nouveaux médias, l’arrivée de la nouvelle gestion publique, les exigences accrues de transparence, un système de

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vérification élargi, l’augmentation du personnel politique partisan dans le Cabinet du premier ministre et les bureaux ministériels ainsi que le passage d’un gouvernement de cabinet à une gouvernance centrale. Ces changements se sont largement produits au cours des 50  dernières années et ont transformé la façon dont les fonctionnaires traitent avec les hommes et les femmes politiques, leur façon d’exercer une influence sur le processus d’élaboration des politiques et la façon de fournir les programmes et les services aux Canadiens et aux Canadiennes. Je me souviens d’avoir lu, alors que j’étais étudiant, le rapport Northcote-Trevelyan soumis en 1854 au gouvernement du Royaume-Uni sur l’état de la fonction publique du pays. Le rapport traça la voie à la nomination fondée sur le mérite dans la fonction publique au Royaume-Uni et, plus tard, au Canada. Il cherchait à corriger des problèmes de longue date de la fonction publique et à mettre fin aux nominations politiques partisanes qui y avaient cours. Ses conclusions méritent d’être longuement citées : « Il serait naturel de croire qu’une profession aussi importante attirerait dans ses rangs les jeunes gens les plus habiles et les plus ambitieux du pays, qu’un désir d’émulation des plus ardents prévaudrait parmi ceux qui y ont accédé, et que ceux qui possèdent des hautes qualifications sauraient rapidement se distinguer et acquérir une notoriété publique. C’est loin d’être le cas, cependant. L’admission dans la fonction publique est en effet avidement convoitée, mais ce sont surtout les peu ambitieux, les indolents ou les incapables qui désirent y entrer. Ceux dont les habiletés ne permettent pas d’espérer qu’ils pourront réussir dans les professions ouvertes à tous, où ils doivent affronter la concurrence de leurs contemporains, et ceux dont le tempérament indolent ou les infirmités physiques les rendent inaptes aux efforts soutenus, sont placés dans la fonction publique, où ils peuvent mener une existence honorable sans devoir travailler beaucoup et sans courir de risques, où il leur suffit d’éviter tout écart de conduite flagrant et d’exécuter plus ou moins régulièrement des tâches routinières pour assurer leur succès, et où ils sont protégés contre les conséquences ordinaires de la vieillesse ou d’une santé défaillante grâce à un arrangement qui leur procure les moyens de subvenir à leurs besoins après qu’ils sont frappés d’incapacité1.  » Les conclusions du rapport Northcote-Trevelyan demeurent d’actualité dans certaines parties de la fonction publique fédérale alors que d’autres secteurs s’adaptent au changement. Le présent chapitre tente d’expliquer pourquoi il en est ainsi.

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Le rapport Northcote-Trevelyan entraîna une réorganisation des services publics britanniques qui en fit sans doute la meilleure fonction publique du monde occidental2. Le Canada suivit avec le rapport Murray en 1912. Murray conclut que « la mission d’un ministre est de diriger, et non pas d’administrer. Quand un ministre a établi le programme qu’il veut faire adopter par un département, l’observation de ce programme [...] devrait être laissée à ses subordonnés3. » Le rapport Murray et un rapport précédent sur l’état de la fonction publique fédérale déposé en 1891-1892 jetèrent les bases du principe de la sélection au mérite du personnel de la fonction publique canadienne et de la Loi sur le service civil de 1918. Par ailleurs, les fondements de la doctrine de la responsabilité ministérielle furent établis à l’époque victorienne. Jusqu’à tard dans le 20e siècle, chacun en Grande-Bretagne et au Canada connaissait la place qu’il occupait, chacun savait quel était son rôle et à qui il devait rendre des comptes. Grâce à la simplicité des activités gouvernementales, les ministres étaient en mesure d’obtenir des renseignements des échelons inférieurs de la hiérarchie et acceptaient d’emblée la responsabilité des politiques et de l’administration. Par exemple, lord Palmerston assuma devant le Parlement l’entière responsabilité de « l’élimination d’un cheval inutilisable4 ». De même, John A. Macdonald expliqua l’absence de trois fonctionnaires de son ministère : l’un souffrait d’épilepsie, un autre avait perdu la vue, et la santé fragile du troisième l’empêchait d’être présent5. La simplicité de l’appareil gouvernemental au moment où la doctrine de la responsabilité ministérielle prenait forme permettait aussi aux ministres de prêter attention à des détails insignifiants. En 1867, on ne comptait au Canada que 10 fonctionnaires fédéraux pour chaque député aux Communes. De nos jours, on en dénombre environ 800, ce qui n’inclut pas les sociétés d’État6. Il n’existait que quelques journaux, dont les moyens étaient modestes, et aucun lobbyiste rémunéré n’arpentait les officines gouvernementales à Ottawa. Il n’y avait aucun agent du Parlement et très peu d’organismes de surveillance. Le premier ministre et les ministres se chargeaient de la surveillance. Ce n’est qu’en 1875 que fut créé le poste de vérificateur général à titre d’agent du Parlement, dans la foulée du scandale du Pacifique. Jusqu’à la fin des années 1970, le Bureau du vérificateur général était de petite taille et ne s’intéressait qu’aux vérifications financières7. Vu la simplicité des activités gouvernementales, un seul gardien de but suffisait sur la glace. Les arbitres qui surveillaient les joueurs

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sur la glace étaient moins nombreux à distribuer les punitions. Les joueurs avaient ainsi amplement l’occasion de contrevenir aux règles sans se faire prendre8. À mesure que les activités gouvernementales se complexifiaient, la doctrine de la responsabilité ministérielle céda le pas à la confusion au sujet de la responsabilisation, une question tout aussi importante pour le gouvernement que les forces du marché le sont pour le secteur privé. Geoffrey Marshall a résumé le problème dans son ouvrage précurseur. Il a écrit qu’il est devenu extrêmement difficile de fournir «  une explication claire et succincte du principe ou de la convention de la responsabilité ministérielle » parce que la convention est «  plutôt vague et difficile à saisir  ». Il ajoute  : « la responsabilité individuelle et la responsabilité collective sont deux doctrines, non une seule, et chacune se divise à son tour en un ensemble de thèmes disparates »9. Le caractère insaisissable de la doctrine est devenu encore plus évident ces dernières années, et nombreux sont ceux dans l’administration publique qui se servent de la doctrine comme écran. Elmer MacKay, un ancien ministre des gouvernements Clark et Mulroney, a rapporté que, malgré tous les efforts qu’il a déployés alors qu’il était au Cabinet, il n’a jamais réussi à trouver un coupable dans la bureaucratie lorsque les choses tournaient mal10.

l a d o c t r in e m is e à rude épreuve La doctrine de la responsabilité ministérielle comportait de nombreux avantages pour les ministres et les fonctionnaires. Elle permettait au gouvernement de fonctionner plus ou moins secrètement et aux fonctionnaires de passer inaperçus. On a longtemps soutenu que la fonction publique n’avait pas de personnalité juridique propre11. Elle avait pour mission de servir le gouvernement en place. La doctrine permettait même aux ministres de remonter dans le temps et d’obtenir des réponses à des questions soulevées au Parlement tout en protégeant l’anonymat des fonctionnaires. En 1985, Robert Armstrong, alors secrétaire du Cabinet en Grande-Bretagne, a écrit dans une déclaration soigneusement rédigée: «  Les fonctionnaires sont les serviteurs de la Couronne. À toutes fins utiles, dans ce contexte, la Couronne [...] est représentée par le gouvernement au pouvoir [...] La fonction publique n’a pas de personnalité constitutionnelle ou de responsabilité séparée du gouvernement dûment élu12. » L’État canadien souscrit au

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point de vue d’Armstrong. Dans son mémoire final présenté à la commission Gomery, le gouvernement du Canada a déclaré : « les fonctionnaires, comme tels, n’ont pas d’identité constitutionnelle indépendante de leur ministre13 ». Le gouvernement a prévenu que tout « effort visant à définir les secteurs qui doivent relever spécifiquement de la responsabilité des fonctionnaires aurait pour effet d’effacer davantage les limites de responsabilité et d’affaiblir le cas échéant l’aptitude de la Chambre à tenir le ministre responsable des questions qui sont de sa compétence14 ». Le gouvernement du Canada va même plus loin que la Grande-Bretagne en en ce qui a trait à l’argument de l’inexistence de la personnalité constitutionnelle de la fonction publique. Dans son Guide du sous-ministre, il fait valoir  : «  La fonction publique n’a pas de voix ou d’identité distincte de celle de son ministre, mais elle n’a pas non plus à rendre des comptes politiques comme le ministre15. » Pour que la thèse de l’absence de personnalité fonctionne, les fonctionnaires doivent exercer leurs activités sous le couvert de l’anonymat, sinon elle s’écroule. Il est aussi devenu nécessaire d’agir secrètement alors que les partis luttaient pour conquérir le pouvoir. Norman Chester explique que le conflit ayant pour objet le pouvoir a mis l’accent sur le secret dans l’appareil gouvernemental, sur la non-divulgation de toute information qui pourrait être utile à l’opposition16. Les fonctionnaires ont appris à fournir des avis sous le couvert de l’anonymat. Cette situation faisait toutefois leur affaire, car elle leur assurerait un statut permanent et la capacité d’accomplir leur travail loin du regard public. S’ils faisaient connaître publiquement leurs opinions, ils deviendraient des acteurs politiques en ce sens qu’ils seraient perçus comme favorisant publiquement une position politique, au risque d’être associés aux vues d’un parti politique. Les fonctionnaires soulignent que l’anonymat leur permet de fournir des avis fondés sur des données probantes. Selon leur raisonnement, les politiciens protégeront leur anonymat en contrepartie, parce qu’il est dans leur intérêt de le faire. Ce raisonnement ne tient plus, du moins pour les ministres ou les médias. À l’extérieur de la fonction publique, on considère qu’il n’est plus approprié de tenir les ministres responsables de leur ministère et de permettre aux fonctionnaires qui commettent des erreurs de s’en tirer sans recevoir de sanctions publiquement ni même, le plus souvent, à l’intérieur du système17. Dans les années 1980, les ministres ont commencé à se retourner contre leurs fonctionnaires

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en les montrant du doigt publiquement pour «  leurs  » erreurs. L’affaire Al-Mashat, parmi d’autres, démontre que les ministres ne sont plus disposés à accepter qu’on leur impute la responsabilité de décisions prises par les fonctionnaires. Rappelons que Mohammed Al-Mashat, l’ambassadeur d’Irak aux États-Unis, fut rappelé à Bagdad. Le Canada lui accorda ainsi qu’à sa femme le statut ordinaire d’immigrant reçu. La demande d’Al-Mashat bénéficia d’un traitement accéléré, qui fut géré du début à la fin par des fonctionnaires. Lorsque la décision fut rendue publique, les ministres refusèrent d’en assumer la responsabilité et pointèrent volontiers du doigt les fonctionnaires responsables du dossier18. Dans les faits, en refusant d’en accepter la responsabilité, les ministres donnèrent à la fonction publique une personnalité distincte du gouvernement en place. L’affaire Al-Mashat est loin d’être le seul cas où des ministres ont décidé de reporter la responsabilité sur les fonctionnaires19. Ainsi, la ministre du Revenu au sein du gouvernement de Justin Trudeau, Diane Lebouthillier, a reproché à ses bureaucrates la décision de considérer comme des avantages imposables les rabais offerts aux employés. Lebouthillier s’est dite déçue de ses fonctionnaires, qui auraient pris cette décision sans son approbation. Le premier ministre a immédiatement déclaré son soutien à la ministre et annoncé qu’elle avait demandé à l’Agence du revenu de corriger la situation20. Par ailleurs, un directeur à Pêches et Océans a déclaré aux médias que son ministère appliquerait pratiquement une politique de tolérance zéro envers tout empêtrement ou décès de baleine causé par la pêche. « Je ne peux pas l’affirmer avec certitude, a-t-il ajouté, mais s’il se produit un empêtrement, cela risque d’entraîner la fermeture de la pêche. » Ce fonctionnaire, volontairement ou non, démontrait que la fonction publique a une personnalité. Le ministre des Pêches et Océans s’est rapidement dissocié des commentaires de son directeur21. Enfin, un haut fonctionnaire du Bureau du Conseil privé a clairement fait connaître aux médias son opinion au sujet des problèmes survenus lors de la visite du premier ministre en Inde, en février 2018. Il a laissé entendre que « des éléments perturbateurs au sein du gouvernement indien ont saboté le voyage du premier ministre en Inde ». Le fonctionnaire a reçu une demande de comparution devant un comité parlementaire, mais les députés ministériels ont tenté, du moins au début, de faire obstacle à la demande22. Ces cas sont loin d’être isolés23.

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il vau t m ie u x m a intenant avoi r s ix g a r d ie n s s ur la glace Le monde des fonctionnaires a été complètement chamboulé au cours des 50 dernières années. Pensez aux changements suivants  : l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles; l’élargissement considérable du rôle du vérificateur général; la création de plusieurs postes d’agent du Parlement, dont un bon nombre exercent des responsabilités de surveillance du travail des fonctionnaires; l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information; l’avènement des chaînes d’information continue par câble et des médias sociaux; la baisse du respect pour les fonctionnaires dans la société; l’instauration du programme de promotion sociale à l’intention de groupes désignés, y compris les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles; l’autorisation de la négociation collective; l’adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne; l’adoption d’une Charte des droits et libertés; la croissance des organismes centraux et le virage vers une gouvernance centrale; l’apparition d’une profonde ligne de faille qui divise les fonctionnaires entre ceux qui sont responsables envers le premier ministre, une poignée de ministres influents et les organismes centraux, et ceux qui sont responsables envers les travailleurs et les travailleuses de première ligne et les clients des programmes; l’arrivée des lobbyistes (dont certains ont des liens étroits avec des politiciens de haut niveau); et l’adoption d’une approche activiste par l’appareil judiciaire. Chacun de ces éléments vient alimenter le jeu des reproches. Leurs effets combinés produisent une force extraordinaire qui met les fonctionnaires constamment sur la défensive. Ceux-ci doivent se méfier des ministres qui refusent de respecter les exigences de la responsabilité ministérielle, composer avec le cycle de l’information continue, les courtisans du premier ministre et les organismes centraux, et demeurer constamment sur leurs gardes pour assurer le bon fonctionnement des ministères alors que les agents du gouvernement cherchent sans cesse à détecter ce qui ne fonctionne pas. Au risque de me répéter, je crois important de rappeler la croissance qu’ont connue les organismes centraux au cours des 50  dernières années. En 1969, le Bureau du Conseil privé (bcp) et le Cabinet du premier ministre (cpm) employaient 260 personnes, le ministère des Finances 372 et le Conseil du Trésor 41424. De nos jours, le bcp et le cpm comptent plus de 727 employés, le ministère des Finances 750

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et le Secrétariat du Conseil du Trésor 1 76125. Je souligne que plusieurs grandes sociétés d’État ont été privatisées il y a 25 ou 30 ans, dont Air Canada, la Compagnie des Chemins de fer nationaux du Canada, Petro-Canada et les aéroports, ce qui devrait avoir réduit le volume de travail des organismes centraux. Les organismes centraux et les agents du Parlement sont comme une ombre qui plane au-dessus des épaules des fonctionnaires dans les ministères axiaux. Un sous-ministre m’a rapporté qu’un trop grand nombre de fonctionnaires de son ministère passent trop de temps à « nourrir la bête » ou à fournir de l’information, des rapports et des évaluations des résultats aux organismes centraux26. Un autre sous-ministre a dit que près de 300 de ses 700 employés sont affectés à la production de divers rapports redditionnels demandés par les organismes centraux et les agents du Parlement27. Les facteurs qui précèdent, ainsi que les appels incessants à une plus grande transparence des activités gouvernementales et l’arrivée des nouveaux médias, ont transformé les façons de faire du gouvernement et mis les fonctionnaires dans des situations difficiles. C’est dans ce contexte que des mesures inspirées de la nouvelle gestion publique (ngp) ont été mises en place, quoique sans grand succès au Canada. La ngp est devenue en vogue dans l’ensemble des démocraties anglo-américaines. Son objectif principal consistait à introduire des pratiques de gestion issues du secteur privé dans l’appareil de l’État28. La ngp figure parmi les mesures les plus malavisées jamais adoptées pour régler les problèmes de la bureaucratie. Dans le cas du Canada, elle n’a fait qu’aggraver la situation29. L’idée que nous puissions rendre la gestion dans l’administration publique semblable à la gestion dans le secteur privé a rompu les amarres des bureaucraties gouvernementales. Ceux qui croient encore que la gestion du secteur public peut ressembler à celle du secteur privé et qu’il est possible pour les gestionnaires du secteur public d’imiter leurs homologues du secteur privé n’ont qu’à penser à ce que le légendaire entrepreneur Harrison McCain a répondu à une journaliste lorsqu’elle lui a dit  : «  J’aimerais maintenant vous parler des affaires de votre entreprise. » Il a répondu : « Les affaires de mon entreprise ne sont pas de vos affaires30. » Imaginez la réaction si un politicien de premier plan ou un haut fonctionnaire faisait une telle déclaration à un journaliste. Ce que McCain donnait à entendre, c’est que dans le secteur privé la gestion est une affaire privée, tandis que dans le secteur public la gestion est une affaire publique.

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Les fonctionnaires d’expérience savaient intuitivement que les mesures issues de la ngp étaient vouées à l’échec. Mais ils se sont engagés sur cette voie parce que l’approche était dans l’esprit du temps, parce que les dirigeants politiques y voyaient des avantages et parce que, selon eux, elle éliminerait quantité de règles et de règlements prescrits par les organismes centraux. Ils croyaient que la ngp leur simplifierait la vie, du moins sur le plan administratif. Elle leur a simplifié la vie, mais elle comportait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages pour les fonctionnaires, du moins pour ceux et celles qui voudraient prendre des risques. Les organismes centraux n’ont pas cessé de rajouter des exigences en matière de production de rapports au moment où certains politiciens commençaient à vouloir rejeter les exigences de la doctrine de la responsabilité ministérielle. Les exigences en matière de production de rapports ne valent pas des règles et des attentes bien définies. En conséquence, un certain nombre de hauts fonctionnaires qui se situent au-dessus de la ligne de faille ont décidé de s’identifier avec les politiciens au pouvoir et de promouvoir leur programme politique. D’autres, notamment ceux qui se situent sous la ligne de faille, ont décidé de serrer les rangs et d’éviter d’alimenter le jeu des reproches mutuels. Cela a contribué à désinstitutionnaliser davantage la fonction publique. Le Parlement est au cœur de la question. Nous avons assisté à un changement important dans les modalités de reddition de comptes en vertu de notre Constitution. Plus exactement, «  la concurrence politique s’est de moins en moins concentrée sur la contestation parlementaire et de plus en plus sur le conflit entre le pouvoir exécutif et les organismes de responsabilisation plus neutres, plus spécialisés et davantage axés sur les normes – les tribunaux, les organismes de réglementation, les agents de surveillance et les commissions31. Les agents du Parlement sont différents des comités parlementaires. Les comités parlementaires comptent un personnel limité, et les députés ont tendance à se préoccuper avant tout de leur circonscription, des questions auxquelles ils attachent de l’importance et à l’image positive qu’ils veulent projeter d’eux-mêmes dans les médias. De leur côté, les agents du Parlement disposent d’un personnel considérable composé de professionnels instruits, ils travaillent à partir d’Ottawa et sont à même de se concentrer exclusivement sur leur mandat sans égard à toute considération politique. De plus, ils n’ont pas à craindre que des organismes de surveillance mettent en doute la qualité de leur travail. Sharon Sutherland estime que le rôle du

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vérificateur général, par exemple, a complètement changé lorsque les comités parlementaires sont devenus des « intervenants » et des « clients » au lieu d’être la source du rôle et du pouvoir du Bureau du vérificateur général32. Les députés de l’opposition comptent sur les agents du Parlement pour obtenir des munitions en vue d’attaquer le gouvernement, tandis que les députés ministériels et les hauts fonctionnaires les considèrent comme les principales voix qui se font entendre dans le jeu des accusations. Les agents du Parlement reconnaissent le problème. Sept d’entre eux ont lancé un appel sans précédent à la Chambre des communes, lui demandant de mieux examiner et surveiller le travail des députés ministériels, mais ils n’ont pas obtenu de réponse33. Chaque matin, les agents du Parlement se rendent au travail pour y chercher des erreurs administratives. Les fonctionnaires en sont bien conscients et ils savent que les médias traditionnels et les nouveaux médias mettront invariablement l’accent sur ce qui fonctionne mal plutôt que ce qui fonctionne bien dans l’appareil de l’État. Le mieux pour eux est de rester sur la défensive et de ne pas fournir de munitions au jeu des reproches.

en affaires, il vaut mieux demander pardon; dans l’appareil gouvernemental, il vaut mieux ne jamais pécher Chuck Guité, le haut fonctionnaire au cœur du scandale des commandites sous Chrétien, a eu une grande influence sur le travail de la fonction publique fédérale. On se souviendra que le gouvernement fédéral avait adopté un programme de commandites en vue de démontrer aux Québécois et aux Québécoises l’importance du rôle que le gouvernement fédéral joue dans leur province. Le programme est demeuré en place de 1996 à 2004, jusqu’à ce qu’on y découvre une affaire de corruption. Ottawa a dépensé 250 millions de dollars dans le cadre du programme, dont plus de 100 millions sont allés à des firmes de communication amies des libéraux. Certaines de ces firmes furent grassement rémunérées sans avoir effectué le moindre travail ou presque. Chuck Guité, un fonctionnaire de carrière, était le directeur du programme34. Guité contourna les règles pour obtenir des résultats. Il fut plus tard reconnu coupable d’avoir fraudé l’État. Avant que n’éclate le scandale, Chuck Guité avait incarné les efforts du gouvernement visant à intégrer les pratiques de gestion du secteur privé dans les

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activités gouvernementales. Voilà quelqu’un qui était capable de faire avancer les choses. C’était un entrepreneur qui travaillait dans l’administration publique, le genre de ceux dont les politiciens et la ngp faisaient la promotion. On lui avait dit de ne pas s’embarrasser des formalités et de faire bouger les choses. C’est ce qu’il fit et, en récompense, il obtint plusieurs promotions en peu de temps, tout en s’attirant des éloges. Des fonctionnaires ont raconté aux médias que Guité était « un homme d’action, un homme de décisions, il ne lui fallait pas 50 ans avant de prendre une décision. En matière de service à la clientèle, il était pratiquement imbattable35.  » Tant le Cabinet du premier ministre que le ministre responsable de l’initiative des commandites encouragèrent l’ascension rapide de Guité dans la hiérarchie. Il avait fait ce qu’il estimait devoir faire ou ce à quoi on se serait attendu dans le secteur privé. Mais quand le scandale canadien des commandites commença à faire la une des journaux du pays, politiciens et fonctionnaires se défilèrent, et tant pis pour la doctrine de la responsabilité ministérielle. Le premier ministre Chrétien affirma qu’il n’était pas au courant de toutes les magouilles; le ministre compétent, Alfonso Gagliano, pointa du doigt les fonctionnaires; le sous-ministre du ministère affirma que Guité avait reçu ses ordres du Cabinet du premier ministre, tandis que Guité confirma qu’il avait reçu ses directives du cpm. Le cpm déclara que la responsabilité en revenait aux personnes qui avaient pris les décisions au sein du ministère responsable et aux firmes de communication qui avaient fraudé l’État. Le juge Gomery accusa le cpm, Gagliano, Guité et les firmes de communication36. Les effets du scandale des commandites se font ressentir encore aujourd’hui dans l’appareil gouvernemental. Le scandale a renforcé la position des fonctionnaires des organismes centraux qui veillent à ce que les ministères axiaux n’alimentent pas le jeu des accusations. Les fonctionnaires, qui gèrent les programmes et les services et qui comprennent que la doctrine de la responsabilité ministérielle ne s’applique que lorsqu’elle fait l’affaire des ministres, ont fini par comprendre qu’ils et elles devront se débrouiller tout seuls si les choses dérapent. Bref, la fonction publique est devenue plus prudente et plus bureaucratique dans la prestation des programmes. Le scandale des commandites n’est qu’un exemple parmi plusieurs scandales très médiatisés auxquels le gouvernement fédéral a été mêlé ces dernières années. Dans certains cas, les scandales ont été causés directement par des fonctionnaires sans que des politiciens aient été impliqués ou même au courant. Je pense notamment à un

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haut fonctionnaire de Santé Canada qui s’est fait prendre alors qu’il montait un stratagème frauduleux et à un autre de la Défense nationale qui a plaidé coupable à des accusations de fraude37. La fonction publique fédérale a perdu de son prestige auprès de la population canadienne ces dernières années. Tel qu’il a été noté, cette perte de prestige est survenue au moment où les travailleurs et les travailleuses de l’extérieur du secteur public demandent comment il se fait que les employés de l’État ne sont pas soumis à la discipline et aux exigences imposées par l’économie mondiale. Les conditions socioéconomiques des années  1960 et  1970, qui donnèrent naissance à la négociation collective, à de généreux régimes de pension et d’assurance-maladie, à la sécurité d’emploi et à l’image de l’État en tant qu’« employeur modèle », ont disparu, mais les avantages sont demeurés. Les fonctionnaires, par la voie de la négociation collective, continuent de résister au changement lorsque celui-ci touche aux avantages sociaux et à la sécurité d’emploi. Il n’est pas rare que les Canadiens et les Canadiennes lisent des grands titres qui annoncent que personne ne perdra son emploi à Ottawa lors de la réorganisation de ministères38. Tous les facteurs susmentionnés ont également contribué à mettre la fonction publique fédérale sur la défensive.

l a l é g is l at io n s u r l’ ac c è s à l’i nformati on et l e s c a m pag n e s é l e c to r ales permanentes La Constitution canadienne, en particulier la doctrine de la responsabilité ministérielle, exige que la fonction publique fonctionne dans un monde clos, sous la direction de politiciens, et qu’elle soit soumise à l’obligation de rendre compte aux politiciens39. La doctrine ne sert pas seulement l’intérêt des ministres. Max Weber insistait pour dire que le «  secret officiel  » est une notion que la bureaucratie a inventée parce qu’elle voit d’un bon œil que le Parlement, les médias et la population soient peu renseignés, étant donné que « l’ignorance sert bien, d’une certaine façon, les intérêts de la bureaucratie40 ». Bien que beaucoup de fonctionnaires y opposent une certaine résistance encore à ce jour, la législation en matière d’accès à l’information fait en sorte que l’anonymat des fonctionnaires fédéraux n’est plus protégé. La Loi sur l’accès à l’information a permis aux médias, aux partis de l’opposition et aux citoyennes et citoyens canadiens intéressés de savoir exactement sur quels dossiers travaille chaque fonctionnaire et même avec qui il ou elle a dîné si ce sont les contribuables canadiens qui ont payé l’addition. La seule façon pour les

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hauts fonctionnaires de garder l’anonymat est d’éviter les comptes de dépenses et de s’abstenir d’écrire leurs opinions sur papier ou sous forme électronique puisque les courriels sont accessibles en vertu de la Loi. On se rappellera que le premier ministre Stephen Harper a dirigé une initiative de réduction des dépenses de deux milliards de dollars en demandant aux fonctionnaires de communiquer oralement avec les agents publics, enjoignant aux consultants dans au moins un ministère de faire part de leurs constatations lors de séances d’information orales41. La Loi a eu de profondes répercussions. Tout d’abord, elle a créé une demande de politiciens habiles à « éteindre des feux » à Ottawa et a incité les fonctionnaires à redoubler de prudence. Comme l’explique Giles Gherson, un ancien conseiller en politiques au ministère du Développement des ressources humaines puis journaliste  : « Pour répondre à la question de l’accès à l’information [...] j’ai moimême vu que les fonctionnaires hésitaient beaucoup à mettre sur papier des renseignements qu’ils ne souhaitaient pas voir divulguer ou tomber entre les mains des médias, et qui risqueraient de mettre le ministre dans l’embarras plusieurs mois plus tard42.  » Conrad Winn, un sondeur, estime que l’accès à l’information a sérieusement nui à la capacité des ministères de poser les bonnes questions lorsqu’ils commandent un sondage : « L’essentiel pour le fonctionnaire moyen est de ne pas mettre le ministre dans l’embarras, car cela serait la meilleure façon de mettre fin à sa carrière ou d’en ralentir l’avancement. Si les sondages posaient toutes sortes de questions qui révélaient toute la complexité de ce que les gens pensent [...] ils [les sondages] montreraient inévitablement que le public n’aime pas certaines choses que fait le gouvernement43.  » L’ancien journaliste politique Hugh Winsor reconnaît volontiers que les médias tirent souvent avantage de la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir une histoire. Mais, souligne-t-il, ce n’est «  pas tant pour savoir ce que les gens n’aiment pas à propos du gouvernement [...] que pour avoir un aperçu de ce que réserve le programme d’action du gouvernement [...] ou le prochain budget ou le prochain discours du Trône, qu’ils font une demande d’accès à de l’information concernant un sondage d’opinion publique commandé par le gouvernement44 ». De plus, la Loi a eu un effet important sur les fonctionnaires de carrière. Dans le cas de Guité, du moins, n’eût été l’initiative d’un journaliste qui a suivi son intuition, reçu un renseignement et fait une demande d’accès à l’information, la population canadienne n’aurait probablement jamais rien su du scandale des commandites, et Guité

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aurait profité de sa retraite en Arizona au lieu de purger une peine d’emprisonnement. Des hauts fonctionnaires du ministère ont rapporté au tribunal que l’arrivée de la première demande d’accès à l’information à propos du programme de commandites avait plongé le ministère dans un état de crise45. La Loi sur l’accès à l’information a permis aux médias et à d’autres parties intéressées de tourner leur attention vers les fonctionnaires, pas seulement vers les politiciens. Par exemple, en 2004, en réponse aux critiques qui reprochaient aux fonctionnaires de trop dépenser en frais d’accueil et de voyage – y compris George Radwanski, le commissaire à la protection de la vie privée, qui dépensa 500 000 $ en deux ans en frais d’hébergement dans des hôtels luxueux, de voyage en première classe et de repas extravagants – le gouvernement a ordonné à tous les cadres supérieurs d’afficher leurs dépenses de voyage sur les sites Web des ministères. En conséquence, deux des restaurants les plus réputés d’Ottawa, le Café Henry Burger et Clair de Lune, ont fermé leurs portes. Le propriétaire de l’un d’eux a raconté que, à partir du moment où ils ont dû divulguer sur Internet leurs demandes de remboursement de frais d’accueil, « ils ont simplement cessé de venir au restaurant ». Un autre a rapporté : « Ce n’est pas nécessairement les politiciens, mais les plus hauts fonctionnaires qui ont cessé de venir46. » Les fonctionnaires ont longtemps résisté à l’élargissement de la portée de la Loi sur l’accès à l’information, alléguant que Max Weber avait raison il y a plus d’un siècle en affirmant que le secret officiel est une invention de la bureaucratie. Alasdair Roberts, qui fait figure d’autorité en matière d’accès à l’information, a documenté les moyens conçus par les fonctionnaires pour réduire le plus possible les dommages politiques causés à leur ministère et à leur ministre par l’accès à l’information. Les stratégies déployées consistent notamment à retarder le traitement des demandes d’information ou même à tenter d’y faire échec. Roberts explique que le retard du traitement des demandes d’information «  peut être très important, en particulier celles adressées par des journalistes, des députés ou d’autres représentants des partis. Le cycle de l’information continue suit son propre rythme – un sujet ne restera pas indéfiniment à l’avant-plan et sera bientôt supplanté par d’autres47. » Le commissaire à l’information, un agent du Parlement, ne voit pas d’un bon œil que des fonctionnaires servent de «  gardiens de but  » envers la Loi sur l’accès à l’information. L’hostilité est évidente entre les hauts fonctionnaires et le commissaire à l’information depuis l’adoption de la Loi48. Sur l’avis de hauts fonctionnaires,

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Stephen Harper a dilué son engagement pris lors de la campagne électorale de renforcer la Loi sur l’accès à l’information. Justin Trudeau, suivant le même conseil, a aussi mis un bémol à sa promesse de renforcer la Loi. Trudeau s’était engagé à réformer l’accès à l’information en adoptant diverses mesures de renforcement, y compris pour accroître les pouvoirs du commissaire à l’information. Le projet de loi que son gouvernement a déposé ne répondait pas aux attentes sous plusieurs aspects importants49. Suzanne Legault, la commissaire à l’information, a critiqué l’initiative législative au moment de quitter son poste, en février 2018. Elle a déclaré : « Le gouvernement glisse de plus en plus vers une culture du secret et, dans les faits, il ne respecte pas ses promesses [...] Le projet de loi C-58 est un projet de loi favorable à la bureaucratie; ce n’est pas un projet de loi qui favorise la transparence50. »

c ’ e s t u n e a f fa ir e de campagnes é l e c to r a l e s p e rmanentes Le Bureau du Conseil privé (bcp) fournit des lignes directrices sur le rôle des fonctionnaires lors des campagnes électorales, dont les mots clés sont «  de nature courante  » et «  qui ne suscite pas la controverse »51. Le bcp ne précise pas comment les lignes directrices s’appliquent à l’ère des campagnes électorales permanentes, mais on peut comprendre que de nombreux fonctionnaires trouveraient avantageux de continuer de les appliquer. Alex Marland, Anna Lennox Esselment et Thierry Giasson touchent au cœur de la question : « À une certaine époque, on considérait que les exigences des campagnes électorales étaient bien distinctes des responsabilités liées à l’exercice du pouvoir [...] la séparation entre la conduite des campagnes électorales et l’exercice du gouvernement était relativement claire. De nos jours, les politiciens sont toujours en mode électoral, dans un esprit de concurrence permanente pour résister à l’assaut des batailles médiatiques, recueillir des fonds, convaincre l’opinion publique, faire avancer des objectifs politiques et, de façon générale, se tenir prêts pour des élections52. » Si les campagnes électorales ne se terminent jamais, il s’ensuit que les lignes directrices du bcp à l’intention des fonctionnaires en période électorale ne devraient jamais cesser de s’appliquer non plus. C’est certainement plus sûr ainsi pour les fonctionnaires. De nos jours, le parti au pouvoir cherche constamment à obtenir l’approbation du public, ce qui a des conséquences importantes pour

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les fonctionnaires. Paul Thomas explique que les techniques utilisées pour remporter le pouvoir ont de plus en plus été transposées dans les processus gouvernementaux53. Les médias ont grandement contribué à la montée des campagnes électorales permanentes. Il n’y a pas si longtemps, on comptait seulement trois émissions d’information en soirée (sur cbc, ctv et Radio-Canada), un journal quotidien qui, du moins, prétendait être un journal national au Canada anglais et un certain nombre de journaux locaux. Maintenant, le parti politique au pouvoir et les partis de l’opposition doivent continuellement alimenter Internet et les réseaux d’information continue par câble. La grande majorité des fonctionnaires sait maintenant que le meilleur moyen de survivre et d’éviter les ennuis est de ne pas se mettre en évidence. La façon la plus sûre d’engager leur carrière sur une pente descendante est de se laisser entraîner dans des débats de politique partisane où il est de bonne guerre que même des erreurs purement administratives suscitent des questions politiques hautement controversées. Ils savent que, en période électorale ou non, la doctrine de la responsabilité ministérielle, comme nous l’avons souligné, ne s’applique plus que lorsque cela fait l’affaire des ministres54. Les fonctionnaires savent mieux que quiconque que les médias mettront en lumière les erreurs commises, petites ou grandes, politiques ou administratives. Ils savent que leur ministre en sera tenu responsable et qu’ils n’ont aucun avantage à prendre des risques à moins que quelqu’un au centre du gouvernement ne leur en donne l’autorisation. Ceux qui travaillent au centre de l’appareil gouvernemental sont aux antipodes des gestionnaires de première ligne. La meilleure chose à faire pour ces derniers est de donner une impression de changement tout en maintenant le statu quo, d’assister à des réunions où il se prend peu de décisions, voire aucune, et de commander et réviser des rapports de consultants. Cependant, certains cadres des échelons supérieurs de la fonction publique considèrent que les campagnes électorales permanentes offrent des occasions à saisir. Jonathan Craft n’est pas le seul à signaler que les campagnes électorales permanentes nuisent à l’impartialité de la fonction publique55. Craft soutient que la difficulté pour les fonctionnaires des échelons supérieurs consiste à assurer que les politiques aux visées partisanes soient conformes aux normes traditionnelles de la fonction publique56. Tout porte à croire que la «  compétence désintéressée  » qu’on a longtemps associée aux valeurs de la fonction publique a perdu du terrain ces dernières années. Ralph Heintzman, un ancien haut fonctionnaire fédéral,

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affirme que les hauts fonctionnaires à Ottawa ont perdu de vue le maintien d’une « ligne de démarcation nécessaire entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique57 ». Peter Aucoin a écrit au sujet des pressions exercées sur les hauts fonctionnaires des pays régis par le système de Westminster pour qu’ils favorisent la «  promiscuité partisane  ». Il a constaté l’émergence d’une nouvelle approche de la gouvernance caractérisée par une augmentation de la taille et de l’influence du personnel politique partisan rattaché aux premiers ministres et à leurs courtisans, qui confond « loyauté envers la fonction publique » et « appui au gouvernement ». Plus précisément, il a observé que des hauts fonctionnaires se placent en situation de « promiscuité partisane » avec le gouvernement de l’heure, quel que soit le parti politique au pouvoir. Aucoin fait remarquer que les courtisans auxquels le premier ministre fait le plus confiance sont parfois tout aussi influents, sinon davantage, que des ministres chevronnés ou des hauts fonctionnaires. Aucoin s’est intéressé particulièrement à un groupe d’environ 80 cadres supérieurs de la fonction publique du niveau de sous-ministre et de sous-ministre délégué. Tous sont nommés à ce niveau par le premier ministre58. Aucoin aurait pu inclure de nombreux titulaires de poste de sous-ministre adjoint ou les personnes qui aspirent à une nomination de sous-ministre ou de sous-ministre délégué. Michael Keating, ancien secrétaire au ministère du premier ministre d’Australie, a résumé la situation en deux mots lorsqu’il a souligné que les hauts fonctionnaires en quête d’une promotion ont tendance à se montrer extrêmement complaisants59. Un petit nombre de fonctionnaires des niveaux supérieurs ont été intégrés dans les campagnes électorales continuelles et de plus en plus mis en évidence à l’intérieur comme à l’extérieur de l’appareil gouvernemental. Les plus hauts fonctionnaires doivent maintenant traiter avec les intervenants, les médias et les parlementaires, et participer à des tribunes et à des consultations publiques. Le premier ministre et les ministres, « parfois de façon explicite, généralement de façon implicite, s’attendent à ce que ces fonctionnaires qui se font voir et entendre sur d’innombrables tribunes appuient les politiques gouvernementales et ne se contentent pas de les décrire et de les expliquer60  ». À une époque où les campagnes électorales permanentes créent des contextes politiques très tendus et imprévisibles, il ne faut pas s’étonner que les premiers ministres et leurs courtisans regardent les plus hauts fonctionnaires en se demandant  : sont-ils avec nous ou contre nous?

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Pendant ce temps, le reste de la fonction publique doit vaquer à ses activités sans commettre d’erreurs ou, s’il se produit des erreurs, elle doit gérer la situation de façon à ne pas attirer l’attention des médias. C’est ce qui explique pourquoi la grande majorité des fonctionnaires ont été convertis en gardiens de but. Ils sont prudents, peu enclins à prendre des risques et ils se font discrets à l’extérieur des milieux gouvernementaux. La Commission de la fonction publique offrait le conseil suivant aux fonctionnaires : « Bien que les fonctionnaires doivent être sensibilisés aux considérations partisanes, ils ne sont pas tenus d’appuyer ou de débattre activement les décisions en matière de politiques. S’ils doivent justifier une politique, les fonctionnaires n’ont pas à intervenir en faveur ou contre une politique en particulier.  » La Commission poursuit en faisant une mise en garde aux fonctionnaires : « Peu importe dans quelle mesure la visibilité des fonctionnaires s’est accrue, plus les fonctionnaires sont visibles, plus ils sont vulnérables aux attaques partisanes. Si les fonctionnaires sont attaqués publiquement par un parti et louangés par un autre, cela pourrait nuire à l’impartialité de la fonction publique. Ce genre de situation est encore plus complexe lorsque l’on tient compte des pouvoirs et des responsabilités que la loi confère aux administrateurs généraux61. » Veiller à ce que la majeure partie de la fonction publique assure le bon fonctionnement des programmes et services, amener les fonctionnaires à faire tout leur possible pour éviter de commettre des erreurs qui risqueraient de faire mal paraître le premier ministre ou les ministres, et leur dire que leur institution n’a pas de personnalité distincte du gouvernement en place, cela comporte son lot de difficultés. Certains signes indiquent que la fonction publique ne réussit plus à attirer dans ses rangs les meilleurs et les plus brillants éléments de la société62. Nous savons qu’un problème grave et tenace de baisse de moral se fait sentir depuis longtemps dans la fonction publique fédérale63. Nous savons également que la fonction publique fédérale a connu une explosion des demandes de prestations d’invalidité, dont près de 50 % sont dues à des troubles de santé mentale, principalement la dépression et l’anxiété64. La Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health a décrit l’administration publique fédérale comme un « environnement vide d’émotions65 ». Statistique Canada a également rapporté une baisse de moral d’après des sondages66. Le greffier du Conseil privé indique qu’il est impératif de s’attaquer au « “nombre troublant” de cas de harcèlement dans la fonction publique fédérale, entre autres, l’intimidation, les brimades et les problèmes de comportement67 ».

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En 2008, 150  fonctionnaires fédéraux en début de carrière ont été invités à étudier les défis qui attendent la fonction publique fédérale et à proposer des moyens de les relever avant 2017, année du 150e anniversaire de la création du Canada. Ils ont produit un document révélateur dans lequel l’un d’eux fait valoir que, « en tant que nouveaux fonctionnaires », ils voulaient faire davantage dans le cadre de leur travail qu’occuper une position de gardien de but. Ils ont écrit : « nous avons cerné quelques problèmes qui, s’ils ne sont pas réglés, pourraient faire en sorte que l’organisation éprouve de la difficulté à répondre aux attentes des citoyens et citoyennes et à s’acquitter de son mandat en 2017 » et au-delà. Les problèmes cernés comprennent les suivants : « structures hiérarchiques qui ralentissent la rapidité d’action et rendent les communications moins claires; culture opposée au risque, qui n’incite pas à la créativité ou à l’innovation; l’accent placé sur l’imputabilité, ce qui renforce la hiérarchie et favorise une culture opposée au risque, qui s’attache aux résultats à court terme plutôt qu’à l’amélioration à long terme et qui fonde les relations sur les responsabilités contractuelles plutôt que sur la confiance; relations déficientes avec les intervenants, les citoyens, les autres ministères et les autres ordres de gouvernement, qui empêchent l’établissement de partenariats et de délibérations significatives; querelles territoriales internes (tant interministérielles qu’intraministérielles) pour déterminer qui devrait assumer la “direction” d’un enjeu, résultant en un environnement encore plus complexe et hostile; limites juridictionnelles de longue date et incontestées qui entravent la collaboration entre les différents intervenants d’un enjeu commun; animosité régionale et confiance décroissante envers le gouvernement, qui accroissent la difficulté de travailler ensemble pour comprendre et régler nos problèmes communs  »68. Cette liste de problèmes dressée par de jeunes fonctionnaires fédéraux est révélatrice des frustrations qu’ils éprouvent à devoir jouer les gardiens de but. Les problèmes susmentionnés illustrent la façon de gouverner au Canada et résultent du manque de règles au sein des institutions publiques, qui reposent lourdement sur des conventions vaguement définies69. La vieille entente qui guidait les relations entre les politiciens et les fonctionnaires a été rompue70. Les sous-ministres, les sous-ministres délégués et les aspirants sous-ministres adjoints qui tirent leur épingle du jeu « ont mis au point la capacité de détecter et de gérer les crises politiques émergentes71  » et de répondre aux intérêts politiques partisans et aux intérêts stratégiques des premiers

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ministres et de leurs courtisans. Ces fonctionnaires savent que la meilleure façon de survivre et de continuer de gravir les échelons est de collaborer avec le premier ministre et ses courtisans à repousser les attaques de l’opposition et des médias. Leur désir de plaire est omniprésent au plus haut échelon de la fonction publique. Toutefois, ils sacrifient le principe de l’impartialité de la fonction publique issu de la tradition de Westminster, au profit de l’intérêt politique du gouvernement au pouvoir et de leur propre intérêt personnel et professionnel. Certains s’estiment mieux en mesure de détecter les crises politiques émergentes et de les gérer face à l’opposition et aux médias, que bien des ministres. Ils sont les seuls dans la fonction publique qui ne jouent pas les gardiens de but.

r e to u r e n a rri ère Les plus hauts fonctionnaires s’opposent à ce que d’autres joueurs offensifs qu’eux-mêmes soient envoyés sur la glace. Les risques sont trop élevés. Ils craignent que l’envoi d’une ligne offensive sur la glace ne provoque de nouvelles crises politiques qui alimenteraient l’appétit insatiable des partis de l’opposition et des médias, traditionnels et nouveaux. Tous les joueurs offensifs dans la fonction publique fédérale doivent jouer sur la glace d’Ottawa, où se trouvent le premier ministre et ses courtisans, les médias, les ministres et leur personnel partisan, les agents du Parlement, les lobbyistes, les sous-ministres, les sous-ministres délégués et les sous-ministres adjoints ambitieux. Ce qui compte, c’est la capacité de promouvoir l’image de marque du premier ministre et de bien gérer les erreurs tant politiques qu’administratives afin de limiter au maximum leurs répercussions politiques négatives sur le gouvernement en place. Il s’agit d’un monde où ce qui compte, c’est la perception, la construction de l’image et la propagande politique, et où les conseils fondés sur des données probantes sont trop souvent relégués au second plan. C’est ce que m’a fait comprendre un sous-ministre principal, citant en exemple la stratégie adoptée par Joe Clark pour répondre aux souverainistes québécois. Clark fut au pouvoir durant quelques mois en 1979, trois ans après l’élection du Parti Québécois au Québec. Le Québec menait alors une vigoureuse campagne de promotion de la souveraineté-association. Trudeau avait clairement indiqué qu’il s’attaquerait directement au projet de souveraineté-association au Québec. Clark affirma qu’il préférerait laisser les Québécois prendre

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une décision et qu’il ferait obstacle à toute ingérence du gouvernement fédéral dans le débat. Le sous-ministre a affirmé que ce n’était que de la propagande politique fondée sur des réalités politiques. Le gouvernement Clark n’avait fait élire que deux députés au Québec en 1979, Roch LaSalle et Heward Grafftey. Le sous-ministre a expliqué : « Clark n’avait tout simplement pas les effectifs pour mener une lutte politique au Québec. » LaSalle, le seul ministre francophone du Québec, n’était pas reconnu comme un poids lourd politique. Rappelons qu’il a démissionné du Cabinet Mulroney en 1987 après que des accusations d’avoir accepté un pot-de-vin furent portées contre lui72. Selon le sous-ministre, Clark tenta de tourner la situation à son avantage en niant la réalité. Le sous-ministre a également fait remarquer que les considérations politiques dominaient tous les aspects du gouvernement et que les conseils fondés sur des données probantes n’étaient accueillis favorablement que lorsqu’ils étaient politiquement avantageux. Plus exactement, il est possible de rationaliser n’importe quelle position dans la conduite des affaires publiques, et les plus hauts fonctionnaires sont censés aider les hommes et les femmes politiques à le faire et à gérer des situations politiques délicates, comme il ne manque jamais de s’en produire compte tenu des campagnes électorales permanentes, des chaînes d’information continue diffusées par câble et des médias sociaux. Rien n’a changé depuis que le sous-ministre de premier plan Al Johnson a écrit dans les années 1960 que « le rôle du sous-ministre est de faire en sorte que le ministre et le Cabinet puissent assurer la meilleure gouvernance dont ils sont capables – même d’assurer une meilleure gouvernance qu’eux s’il s’avère que l’un des deux est faible73 ». Ce rôle s’est maintenu même si les politiciens ont tenté de modifier les façons de faire depuis les années 1980 par l’adoption de la nouvelle gestion publique et d’autres mesures de réforme. Les hauts fonctionnaires étaient censés s’inspirer de leurs homologues du secteur privé pour améliorer leur capacité de gestion, tout en laissant l’action politique et les orientations stratégiques aux politiciens. C’est le contraire qui s’est produit. Les fonctionnaires au sommet de la hiérarchie concentrent davantage leurs efforts sur l’action politique et la gestion des demandes quotidiennes que leur adressent le premier ministre et ses courtisans dans le cadre des campagnes électorales permanentes. Les gestionnaires de programmes, y compris les plus expérimentés, sont devenus des gardiens qui jouent un rôle défensif afin de ne pas donner aux médias et aux partis de l’opposition de quoi alimenter le jeu des accusations. L’ère

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des campagnes électorales permanentes est une chose. Les gestionnaires principaux de programmes doivent en outre traiter avec un nombre grandissant d’agents du Parlement penchés par-dessus leur épaule et d’organismes centraux qui réclament sans cesse davantage de rapports des résultats de la part de ceux qui se situent sous la ligne de faille. Le problème se fait fortement sentir dans les bureaux régionaux, où les programmes et les services sont offerts. Non seulement les bureaux régionaux du gouvernement fédéral perdent du personnel au profit des administrations centrales des ministères à Ottawa, mais de plus ce sont eux qui doivent faire preuve de souplesse et de capacité d’innovation, composer avec les circonstances locales et, selon les mots de l’un des 150 fonctionnaires susmentionnés, améliorer les « relations déficientes avec les intervenants et les citoyens » et faire face à l’« animosité régionale et [à la] confiance décroissante envers le gouvernement ». Il n’est pas possible de surmonter ces difficultés en ne mettant que des gardiens sur la glace. Le jeu défensif n’est pas le moyen le plus prometteur d’attirer les meilleurs et les plus brillants éléments de la société dans la fonction publique, un argument que les fonctionnaires en début de carrière ont soulevé. Un greffier du Conseil privé qui a récemment pris sa retraite a également exprimé des inquiétudes au sujet de la capacité de la fonction publique à attirer les meilleurs étudiants et étudiantes74. Les institutions respectent des règles, des procédures et des normes à la fois officielles et non officielles. Lorsqu’on écarte de la main l’une de ces normes les plus importantes, dans ce cas-ci la doctrine de la responsabilité ministérielle, ou qu’on la réinterprète au gré des exigences de l’heure, on ébranle les fondements de l’institution. C’est ce que nous voyons se produire à Ottawa. En l’absence de normes et de procédures largement acceptées, la fonction publique comprend maintenant deux institutions  : l’une qui se trouve au-dessus de la ligne de faille et qui fonctionne selon ses propres normes conçues pour plaire au premier ministre et à ses courtisans, et l’autre qui se trouve sous la ligne de faille et qui est composée de gardiens de but.

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Il n’y a pas si longtemps, les tribunaux jouaient un rôle de second plan derrière le Cabinet et le Parlement. Plus maintenant. Il n’y a pas si longtemps non plus, on aurait eu du mal à trouver plus d’une poignée de lobbyistes à Ottawa. Plus maintenant. Bien que personne ne veuille tracer de parallèle entre le travail que les uns et les autres accomplissent, les tribunaux et les lobbyistes exercent maintenant un pouvoir et une influence dont les effets sur les institutions politiques et administratives du Canada se sont fortement fait sentir ces dernières années. Les juges sont indépendants. Ils sont libres de voir la vérité telle qu’elle leur apparaît en se fondant sur les précédents et selon leur discernement. Les lobbyistes sont différents. Ils voient la vérité telle que leurs clients la voient. Les hommes et les femmes politiques qui ne considèrent pas la vérité comme étant pure, simple et fondée sur des données probantes peuvent faire appel à des lobbyistes pour contester l’opinion de leurs fonctionnaires afin d’entendre le genre de vérité qu’ils souhaitent entendre. Toutefois, quand une question se rend devant les tribunaux, les politiciens doivent accepter la vérité telle que les juges la voient. Ce sont les politiciens qui nomment les juges et ils chercheront à nommer des personnes qui ont été associées à leur parti politique. Mais cela ne va pas plus loin et, une fois qu’ils sont nommés, les juges sont libres d’interpréter les faits pour ce qu’ils sont, à l’abri de toute influence politique partisane. Les tribunaux se situent au-dessus de la mêlée. Les lobbyistes font partie de la mêlée. Le lecteur se demandera peut-être pourquoi je m’intéresse aux magistrats et aux lobbyistes dans un même chapitre. C’est que les uns et les autres ont vu leur notoriété et leur pouvoir s’accroître à peu près en même temps – dans les années 1980 – et que la

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plupart s’occupent de questions qui présentent un intérêt particulier à Ottawa pour les personnes qui se situent au-dessus de la ligne de faille. Tant les magistrats que les lobbyistes continuent d’avoir une influence profonde sur les institutions politiques et administratives nationales du Canada et renforcent la position du premier ministre, de ses courtisans et des organismes centraux. Un an après la création du Canada, un analyste de l’appareil judiciaire dans le cadre du système parlementaire de Westminster fit observer que le premier principe de la Constitution était l’omnipotence du Parlement1. Trois ans plus tard, le juge Willes déclara : « Les lois du Parlement [...] sont les lois du pays, et nous ne siégeons pas ici en tant que cour d’appel du Parlement [...] Nous siégeons ici à titre de serviteurs de la Reine et de la législature. Les délibérations qui ont cours ici sont de nature judiciaire, non autocratique, ce qu’elles seraient si nous pouvions faire les lois au lieu de les administrer2. » Ce n’est qu’en 1875 que le Canada parvint à créer sa Cour suprême, qui n’entendit que quelques causes au cours des premières années. Les tribunaux du Canada ont veillé à préserver la suprématie du Parlement pendant un siècle. Les décisions des tribunaux se bornaient à interpréter la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en vertu de la Constitution. Lorsque des fonctionnaires outrepassaient leurs pouvoirs, «  on considérait qu’il appartenait au Parlement, non aux tribunaux, de remédier à la situation3  ». Les choses sont très différentes aujourd’hui. Il y a 45 ans, il fallait chercher de tous bords tous côtés pour dénicher un lobbyiste dans les coulisses du pouvoir à Ottawa. De nos jours, on dénombre plus de 8 600 lobbyistes à Ottawa. Certains ont des liens étroits avec les politiciens au pouvoir, la plupart sont bien rémunérés et nombre d’entre eux sont des experts de la façon dont le gouvernement prend des décisions4.

l e s t r ib u n aux On dit souvent dans le milieu politique d’Ottawa que la Loi sur l’accès à l’information est un cadeau que Pierre Trudeau donna à Brian Mulroney et aux autres premiers ministres qui ont suivi. Autrement dit, Trudeau n’eut pas à subir les conséquences de la mesure législative produite par son gouvernement quelques mois seulement avant qu’il quitte son poste. Trudeau allait laisser un autre cadeau beaucoup plus important aux futurs premiers ministres  : la Charte canadienne des droits et

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libertés. Certains premiers ministres ont eu des difficultés avec la Cour suprême. Comme le note Emmett Macfarlane, certains observateurs croient que «  Harper est devenu convaincu que la Cour suprême s’était érigée en opposition non officielle5  ». On peut difficilement exagérer les conséquences que la Charte des droits et libertés a engendrées dans la vie politique canadienne. L’idée que le Parlement est suprême appartient maintenant aux livres d’histoire. La Charte et la Constitution du Canada établissent clairement que toute loi incompatible avec la Charte est inopérante6. En somme, nous avons maintenant la suprématie de la Constitution. La Cour suprême s’est taillé un rôle qui aurait été impensable il y a moins de 40  ans. Les tribunaux avaient eu auparavant l’occasion d’élargir la portée de leur pouvoir, notamment après 1960, lorsque le Parlement adopta la Déclaration canadienne des droits sous Diefenbaker7. Rappelons que Diefenbaker décida qu’il ne chercherait pas à obtenir le consentement des provinces pour enchâsser sa Déclaration des droits dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Emmett Hall, un ancien juge notoire de la Cour suprême, a résumé les effets de la Déclaration en rappelant que, après avoir suscité des attentes élevées, elle perdit rapidement de l’intérêt et tomba presque dans l’oubli8. Les tribunaux ont toutefois rattrapé le temps perdu avec la Charte des droits et libertés. Depuis l’adoption de la Charte, nous avons été témoins d’un important transfert de pouvoir du Parlement, du Cabinet et du gouvernement vers les tribunaux9. Les tribunaux ont le pouvoir de dire au Parlement ou aux assemblées législatives qu’ils doivent agir, et de préciser le délai qu’ils ont pour agir, comme l’a fait la Cour suprême en 2015 dans sa décision sur l’aide au suicide. Il arrive parfois que la vérité est un concept changeant, même pour la Cour suprême. En 1993, le plus haut tribunal du pays avait rejeté la demande de Sue Rodriguez de mettre fin à ses jours. Rodriguez était atteinte d’une maladie mortelle et voulait éviter une mort lente et douloureuse. La Cour suprême a changé d’avis en 2015 et statué, dans une décision unanime, que les Canadiens et les Canadiennes avaient droit à l’aide médicale à mourir10. La Cour suprême et les juges de la Cour suprême sont devenus des acteurs politiques de premier plan. Aux yeux de nombreux observateurs bien informés, la Cour est allée au-delà des dispositions de la Charte pour rendre des décisions fondées sur les valeurs de la Charte. Leur inquiétude, c’est que ce virage permet aux tribunaux de « menacer la division institutionnelle adéquate du travail entre les assemblées

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législatives et les tribunaux11 ». L’ex-juge en chef du Canada Beverley McLachlin explique que les Canadiens « peuvent maintenant s’adresser aux tribunaux pour contester les lois et les décisions des gouvernements non seulement au motif qu’elles outrepassent les pouvoirs conférés aux gouvernements, mais aussi au motif qu’elles portent atteinte à des droits fondamentaux12 ». La Cour suprême a maintenant le pouvoir de décider ce qui constitue des droits fondamentaux et d’orienter les lois, à défaut de faire les lois. Les Canadiens ont réagi. Ils ont fait appel aux tribunaux et continuent de le faire pour obtenir leurs droits13. Comme le fait remarquer James B. Kelly, la Charte a contribué d’une part à marginaliser le Parlement et, d’autre part, à renforcer la gouvernance du premier ministre14. Kelly affirme que le ministère de la Justice a été attiré vers le centre et que ses pouvoirs se sont accrus du fait qu’il est chargé de coordonner l’examen du respect des droits à l’intérieur de l’appareil gouvernemental15. Les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice font maintenant partie du centre et exercent leurs activités au-dessus de la ligne de faille lorsqu’ils traitent de questions relatives à la Charte. Les fonctionnaires du ministère, de concert avec les hauts fonctionnaires des organismes centraux, ont essentiellement écarté les ministères axiaux et l’examen parlementaire des mesures législatives en invoquant l’examen au regard de la Charte. Kelly explique que l’émergence du ministère de la Justice à titre de composante importante du centre est survenue au moment où « le greffier du Conseil privé, suivant les instructions du premier ministre, a ordonné aux ministères axiaux de consulter le ministère de la Justice lorsqu’ils examinaient des questions relatives à la Charte16 ». Le centre est l’endroit où se prennent maintenant les décisions cruciales qui déterminent si un projet de loi cadre avec la Charte. Les tribunaux, comme il se doit, protègent soigneusement leur indépendance du gouvernement et du Parlement. Depuis l’adoption de la Charte, nous avons assisté à un débat animé entre les personnes qui dépeignent la Cour suprême comme une force politique puissante qui affaiblit le Parlement et le gouvernement de cabinet, et celles qui saluent l’intervention judiciaire au nom du respect des droits et libertés individuels17. Ce dernier groupe soutient que la Cour suprême a été le principal agent responsable de changements fondamentaux et positifs survenus dans la société canadienne. Il fait remarquer que les tribunaux, y compris la Cour suprême, ne sont pas des institutions qui prennent elles-mêmes des initiatives; ils répondent aux demandes

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d’individus, d’associations et de groupes qui cherchent des réponses. Bref, les tribunaux ne sont pas à l’origine des actions intentées, mais ils y apportent une réponse18. Tout le monde s’entend pour dire que les tribunaux sont devenus d’importants acteurs politiques. La Cour suprême s’est prononcée sur le sort de la réforme du Sénat et sur le mariage entre conjoints de même sexe, elle a interdit la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et elle a établi qu’on ne pouvait porter atteinte sans justification aux droits des Autochtones qui existaient avant la Loi constitutionnelle de 1982. Mais ce n’est pas tout. Dans Governing from the Bench, Emmett Macfarlane souligne l’importance grandissante de la Cour suprême et ses répercussions sur les institutions politiques et l’élaboration des politiques publiques du Canada. Il écrit : « L’importance de la Cour suprême du Canada peut se mesurer non seulement par les effets de ses décisions sur les lois du pays et les questions immédiates de politique dont elle est saisie, mais également par l’influence que ses décisions exercent sur la gouvernance, la culture politique et le discours public19. » Macfarlane fait aussi valoir que la Cour suprême est loin d’être exempte de considérations politiques. Il a cité plusieurs causes portant sur des questions litigieuses dans lesquelles les préférences personnelles de certains juges ont pris le dessus. Dans une affaire, les juges ont retenu l’avis d’un seul expert qui affirmait que l’autorisation de l’assurance-maladie privée ne porterait pas préjudice au système public, et ils ont écarté le point de vue de six autres experts qui prétendaient le contraire20. Les juges sont nommés par le premier ministre, à l’exception de ceux nommés par les gouvernements provinciaux. De nombreux juges nommés par un premier ministre – par exemple Jean Chrétien – ne seraient probablement pas nommés par un autre – par exemple Stephen Harper. Les juges nourrissent certaines valeurs et certaines opinions politiques qui influent sur leur travail, et les premiers ministres nomment des juges dont ils préfèrent les jugements. C’est le premier ministre qui évalue le mérite des candidats, et le fait qu’ils aient été associés dans le passé avec lui ou avec le parti politique au pouvoir a une importance à cet égard. Dans une étude récente sur la Cour suprême, Donald Songer a observé un lien plus ou moins étroit entre le parti fédéral qui a nommé un juge et les préférences de celui-ci en matière de politiques. Il écrit que « même si l’on dément que l’idéologie judiciaire soit activement prise en compte dans le choix des juges », trois des juges de la Cour suprême

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qu’il a interviewés ont confirmé qu’ils croyaient que c’est le cas21. Constance Backhouse, sans doute l’une des plus grandes spécialistes du système judiciaire canadien, a fait le commentaire suivant : « Allons-nous enfin admettre que la politique avec un “p” minuscule a une influence sur les décisions judiciaires qui sont prises? [...] Parce que nous prétendons tous qu’elle n’en a jamais eu. Et bien sûr, selon moi, elle en a toujours une, mais elle reste discrète22. » Dans un de mes ouvrages antérieurs, j’ai écrit que Roméo LeBlanc, un ministre de premier plan dans le gouvernement Trudeau devenu plus tard gouverneur général du Canada, m’a déjà dit : « Les avocats sont les seules personnes au monde qui peuvent retrouver leur virginité; tout ce qu’il faut, c’est qu’ils soient nommés juges. » Il a expliqué que certains d’entre eux qui étaient de farouches partisans se transforment du jour au lendemain et affichent un dédain pour les politiciens et tout ce qui concerne la politique. «  Vous les rencontrez dans les aéroports, et ils s’empressent d’exprimer toute leur loyauté envers vous et votre parti, et leur volonté de s’impliquer et de vous donner un coup de main. Vous encouragez leur nomination à la magistrature. Plus tard, quand vous les voyez dans les aéroports, ils vous évitent; certains ne veulent même pas établir un contact visuel avec vous. Ils changent du jour au lendemain. Tout d’un coup, la politique est quelque chose de malsain qu’il faut éviter. Cela m’a toujours semblé fascinant et amusant23. » Un juge d’expérience qui avait lu mon commentaire m’a dit plus tard que je devrais faire attention de ne pas déprécier le système judiciaire24. Il reconnaissait que les décisions fondées sur la Charte ont attiré l’attention sur les juges, ce qui n’est pas sans conséquences. Plus la notoriété des juges est grande, plus ils et elles deviennent controversés. Ce qu’il disait, c’est que la notoriété publique s’accompagne de l’examen minutieux du public, mais que les juges ne sont pas des politiciens, qu’ils ne peuvent pas se défendre en public ou répondre aux critiques. Les juges observent des règles de conduite différentes de celles des politiciens et des fonctionnaires. Ils ne sont pas soumis à la législation en matière d’accès à l’information en raison de l’obligation de préserver l’indépendance des juges par rapport aux politiciens, aux médias et aux contribuables. Les avantages sociaux liés à leur emploi sont généreux, même selon les normes de la fonction publique fédérale. Lorsque les juges atteignent l’âge de retraite, trois options s’offrent à eux : continuer de siéger comme juges à temps plein jusqu’à l’âge de 75 ans, agir comme juges surnuméraires ou prendre leur retraite. Les

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juges surnuméraires continuent de recevoir le même salaire et tous les mêmes avantages sociaux que les juges à temps plein, mais ils ne doivent accomplir que 40 % de leur charge de travail. Les juges sont toujours vigilants quant aux conditions de l’indépendance judiciaire, qui comprennent leur inamovibilité, leur sécurité financière et leur indépendance administrative25. La Cour suprême a statué en 1997 que toute tentative d’un gouvernement provincial de réduire les salaires des juges pour lutter contre les déficits budgétaires contrevenait à l’indépendance de la magistrature26. Les gouvernements peuvent uniquement en déférer la décision à des comités indépendants de la rémunération des juges. La Cour suprême a décidé également que les gouvernements ne pouvaient pas éliminer le poste de juge surnuméraire pour des raisons financières. Pour qu’une telle décision soit rendue, elle doit être prise par un comité indépendant de la rémunération des juges27. La grande majorité des politiciens et des politiciennes au Canada reconnaît que l’indépendance de la magistrature est nécessaire et peu d’entre eux sont disposés à critiquer l’appareil judiciaire, du moins publiquement. Ils comprennent que la possibilité qu’un gouvernement perde sa cause devant son propre tribunal constitue le critère de la primauté du droit dans une démocratie. Le Canada répond à ce critère. L’ex-juge en chef Beverley McLachlin a indiqué  : «  J’ai la conviction que les tribunaux canadiens doivent devenir plus indépendants sur le plan administratif du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux qui comparaissent souvent devant eux28. » Elle a ajouté toutefois que « nous vivons à une époque de transparence et de responsabilisation. Notre époque est teintée de cynisme à l’égard de nos grandes institutions sociales et d’un certain pessimisme au sujet de notre avenir29. » À mesure que les juges ont acquis de la notoriété, les appels à une plus grande transparence dans le travail du système judiciaire se sont de plus en plus fait entendre. Deux juges le reconnaissent : « La confiance du public est la seule source d’autorité de la magistrature [...] Il est donc impératif que le système judiciaire fasse le nécessaire pour garder cette confiance. Les attentes du public ont augmenté au point où il est nécessaire de fournir des renseignements sur les fonctions administratives du système judiciaire pour maintenir la confiance du public. On ne devrait pas s’y opposer30.  » L’opinion publique est changeante et, comme l’a dit l’ancienne juge en chef McLachlin, « notre époque est teintée de cynisme ». Il est démontré que certaines régions, notamment l’Alberta, s’opposent au pouvoir

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du plus haut tribunal de faire de la justice sociale par la voie de l’interprétation judiciaire31. Comme le notent Lori Hausegger et Troy Riddell, la Cour suprême du Canada ne fonctionne pas indépendamment de l’opinion publique32. Les sondages d’opinion publique révèlent cependant que la population canadienne a une opinion favorable de la Cour suprême, du moins comparativement à d’autres institutions. Jeffrey Simpson écrit que les « tribunaux sont plus populaires que les assemblées législatives et les juges, plus respectés que les politiciens. Les juristes eux-mêmes préfèrent les arguties juridiques des tribunaux au brouhaha de la politique; d’habitude, le “dialogue” signifie pour eux que les tribunaux devraient dicter au Parlement ce qu’il doit faire et que le Parlement devrait obtempérer33. » Par exemple, un sondage Angus Reid rapporte que le public canadien a davantage confiance dans la Cour suprême que dans le Parlement. Selon ce sondage, 61 % des Canadiens et des Canadiennes disent avoir confiance dans la Cour suprême, tandis que 25 % disent avoir confiance dans le Parlement, seulement 13 % dans les partis politiques et 12 % dans les politiciens. Le Sénat arrive au dernier rang, seulement 10 % des répondants ayant dit qu’ils ont « beaucoup » ou « assez » confiance dans la Chambre haute34. Les tribunaux n’ont pas à affronter des partis d’opposition ni à composer avec des médias indiscrets et la législation sur l’accès à l’information. C’est vrai en ce qui concerne les comptes de dépenses des juges. De plus, les juges de la Cour suprême ont décidé récemment que les documents qui ont trait à leurs délibérations ne seront pas dévoilés avant 50 ans ou de leur vivant et peut-être même jamais. La règle de 50 ans s’applique à partir du moment où ils rendent un jugement dans une affaire et la Cour suprême a le droit, si elle le désire, de garder les documents confidentiels sans justifier sa décision. Enfin, les juges n’ont pas besoin de se soumettre à un concours pour obtenir une nomination et ils n’ont pas à prendre des décisions budgétaires difficiles lorsqu’ils rendent leurs jugements, même si ceux-ci se traduisent par une dépense de nouveaux fonds publics. Chaque année, la Cour suprême rend des décisions qui sont lourdes de conséquences pour l’action politique, la politique sociale, la politique économique et les droits des minorités. Les tribunaux sont devenus la principale voie qu’empruntent les individus et les groupes pour revendiquer des droits. Emmett Macfarlane s’est intéressé à la montée d’une « culture politique imprégnée de droits » et les tribunaux ont réagi à cette culture. Ce faisant, ils ont exercé une influence profonde dans plusieurs domaines stratégiques35. On se souviendra,

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par exemple, que la Cour suprême a été désignée décideur politique de l’année par l’Institut Macdonald-Laurier en 201436. Comme l’ont noté de nombreux observateurs, la Cour suprême a redessiné les relations entre les gouvernements et les groupes minoritaires depuis le milieu des années 1980. Il n’est pas nécessaire de passer en revue les causes pertinentes, même les plus importantes. D’autres ouvrages l’ont fait37. Nous nous intéresserons particulièrement aux décisions de la Cour suprême touchant de façon importante aux politiques publiques, qui ont été nombreuses depuis le milieu des années 1980. Raymond Bazowski a parlé d’une «  judiciarisation de la vie politique », laissant entendre que les tribunaux se sont immiscés dans le domaine de l’élaboration des politiques et que les conflits politiques se transforment en questions juridiques qui sont maintenant résolues « dans un cadre institutionnel impénétrable »38. Le cadre est peutêtre particulièrement impénétrable pour les simples citoyens, mais beaucoup moins pour les groupes et les associations qui disposent de ressources financières. Certains observateurs soutiennent que des groupes d’intérêt particulier (les féministes, la communauté lgbtq, les Autochtones et les minorités linguistiques) ont eu recours aux tribunaux pour obtenir des droits qu’il leur aurait été impossible de faire reconnaître dans le cadre du processus politique39. Dans certains cas, les tribunaux sont allés plus loin que la Charte pour empêcher le gouvernement de modifier une orientation politique. Lorsque le gouvernement du Nouveau-Brunswick a décidé d’éliminer son programme d’immersion précoce en français en mars 2008, des parents ont contesté sa décision en cour. Le juge a statué que la décision du gouvernement n’allait pas à l’encontre de la Charte des droits et libertés, mais que le gouvernement n’avait pas prévu suffisamment de temps pour débattre de la question. Estimant que la décision du ministre était injuste et déraisonnable, il l’a cassée40. Le gouvernement a décidé de ne pas aller en appel, mais de refaire ses devoirs. Il a mené une nouvelle série de consultations publiques et, par la suite, il a révisé son plan en introduisant l’immersion précoce en troisième année. Ce qu’il faut retenir de cet exemple, c’est que la cour n’a essentiellement pas tenu compte du fond de la question pour décider qu’un gouvernement démocratiquement élu avait adopté un processus inapproprié pour prendre une décision de politique. En somme, la cour, de quelque manière, connaissait mieux que le gouvernement la façon dont un processus de consultation publique devrait se dérouler et elle a forcé le gouvernement à réaliser de nouvelles consultations.

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Une autre surprise attendait le gouvernement du NouveauBrunswick lorsqu’il a voulu réformer la prestation des services de soins de santé dans la province. Apparemment pour réduire les coûts et éliminer des dédoublements, il prévoyait faire passer le nombre de régies régionales de la santé de huit à deux. Un juge de la Cour suprême retraité depuis peu, reconnu comme un ardent défenseur des droits des minorités linguistiques à l’époque où il siégeait, a accepté de faire partie du groupe de citoyens qui a traîné le gouvernement provincial devant les tribunaux. Il a rejeté d’emblée la prétention du ministre de la Santé selon laquelle la décision en revenait au gouvernement. Il a souligné que plus aucun corps législatif au Canada ne détient un tel pouvoir41. La réforme proposée touchait à l’appareil gouvernemental et avait pour objectif une rationalisation des activités et une réduction des dépenses. Toutefois, les tribunaux ne se préoccupent pas des subtilités des enjeux liés à l’appareil gouvernemental ou de la provenance des fonds. Ils ne se soucient pas non plus de la meilleure façon de mettre en œuvre un programme, se disant que tout ce qui compte vraiment, c’est qu’ils prennent la décision qui leur semble appropriée. Il appartient aux politiciens et aux fonctionnaires de mettre en œuvre la décision, peu importe leur difficulté à le faire. Dans bien des cas, y compris dans cette cause, le gouvernement est tenu d’assumer tous les frais juridiques ou presque des deux parties. Lorsque le gouvernement doit payer les frais encourus par les groupes qui le poursuivent en justice, les groupes n’ont rien à perdre et ont tout à gagner. Par ailleurs, dans un jugement unanime rendu le 10 novembre 2012, la Cour suprême a conclu que les gouvernements et les conseils scolaires ne pouvaient pas invoquer des contraintes financières ou d’autres arguments afin d’éviter de fournir des programmes spécialisés conçus pour aider les élèves ayant des besoins spéciaux à obtenir une éducation. La juge Rosalie Abella a écrit : « Des services d’éducation spécialisés adéquats ne sont donc pas un luxe dont la société peut se passer. Dans le cas des personnes atteintes de troubles d’apprentissage sévères, de tels services servent de rampe permettant de concrétiser l’engagement pris dans la loi envers tous les enfants en Colombie-Britannique, à savoir l’accès à l’éducation42. » Des représentants de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage se sont réjouis : « Les districts scolaires disent continuellement qu’ils ne peuvent pas se permettre une telle dépense. Eh bien, maintenant, ils ne peuvent pas se permettre de ne pas la faire43. »

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Encore une fois, les tribunaux ne se sont pas prononcés sur la provenance des fonds ni sur la façon de donner suite à la décision de la Cour suprême. Le soin de régler la question a été laissé à d’autres. Quelqu’un d’autre devra augmenter les impôts ou réduire les dépenses dans d’autres secteurs, et la Cour s’est gardée de formuler toute recommandation à cet effet. Elle a simplement décidé qu’il était dans l’intérêt public que des programmes spécialisés soient offerts pour aider les élèves à besoins spéciaux. La Cour ne s’est penchée que sur une partie de l’équation, la partie facile à bien des égards. Il n’en est pas moins dans l’intérêt public de déterminer la façon de financer de telles initiatives à partir des deniers publics. Quelqu’un – pas les tribunaux – doit décider s’il faut supprimer ou réduire des services publics ou quel impôt il faut augmenter. Je signale que, mis à part quelques premiers ministres provinciaux, les premiers ministres et les parlementaires ont été réticents à invoquer la disposition de dérogation prévue à l’article 33 pour passer outre aux décisions de la Cour suprême.

l a c o u r e n ta n t q ue gesti onnai re du s e c t e u r publi c La Cour suprême a renversé une décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse en 2003 et forcé le gouvernement provincial à lui rendre compte des progrès accomplis dans les projets de construction d’écoles destinées aux élèves de langue française. Dans son jugement, la Cour a indiqué que tout retard dans la construction d’écoles à l’intention de la minorité linguistique constituait une violation des droits de la minorité et ne serait pas toléré. La Cour a soutenu que les membres de la minorité étaient de plus en plus assimilés à la majorité anglophone et que, en conséquence, des retards dans l’application de sa décision représenteraient des risques pour la minorité. Dans sa décision, la Cour suprême a aussi indiqué qu’elle ne se satisfaisait pas d’émettre simplement un jugement sans pouvoir; elle voulait également évaluer les progrès du gouvernement dans l’application de la décision. Deux juges de la Cour suprême (LeBel et Deschamps) ont rédigé une opinion dissidente au motif que les tribunaux doivent éviter de se transformer en « gestionnaires de la fonction publique »44. Ils faisaient valoir qu’un gouvernement et des députés dûment élus sont capables de penser et d’agir convenablement et d’être tenus responsables de leurs décisions, et que des juges ne pourraient jamais les remplacer.

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Les tribunaux ont limité la capacité du gouvernement de façonner les politiques et les programmes lorsque la juge Anne Mactavish a statué, en juillet 2014, que les compressions dans les soins de santé destinés aux demandeurs d’asile déboutés étaient « inconstitutionnelles ». Ses propos rappelaient ceux de politiciens de l’opposition lorsqu’elle a invoqué l’article 12 de la Charte des droits et libertés pour déclarer que la décision du gouvernement constituait un traitement cruel et inusité. Elle a donné quatre mois au gouvernement pour qu’il rétablisse le financement45. Chris Alexander, le ministre responsable, a expliqué que les compressions auraient épargné aux contribuables des centaines de millions de dollars à tous les ordres de gouvernement46. Adam Dodek lance une mise en garde  : «  Les juges ne peuvent pas choisir les lois qu’ils aiment et celles qu’ils n’aiment pas. Cela mine la primauté du droit et la confiance du public envers l’administration de la justice. » Un juge reconnaît que Dodek a raison, mais précise que « le principe le plus important est un principe de justice, il est plus important de défendre ce qui est juste »47. Les juges, non les politiciens, décident maintenant dans certaines circonstances ce qui est la politique publique appropriée et ont maintenant le pouvoir, semble-t-il, de décider d’appliquer la loi ou non. Il n’appartient plus aux politiciens de trouver un juste équilibre entre les dépenses en canons et les dépenses en beurre. Les tribunaux ont maintenant leur mot à dire, sans toutefois avoir la responsabilité d’équilibrer les dépenses et les recettes ou les niveaux d’emprunt. Les personnes qui entrent dans l’arène politique se rendent rapidement compte que gouverner, c’est prendre des décisions difficiles. On peut se demander – et beaucoup se demandent – si les politiciens ont ou non les compétences nécessaires pour prendre ces décisions, mais il s’agit ou devrait s’agir de leur responsabilité. Il n’est jamais facile de faire des compromis, comme Michael Ignatieff l’a découvert lors de son bref séjour en politique. Il écrit : « Les communautés immigrantes voulaient davantage d’immigration tandis que les travailleurs syndiqués en voulaient moins; les gens riches voulaient des allègements fiscaux et les pauvres voulaient un meilleur arrangement. Le contrôle des armes à feu, quel qu’il soit, était une question empoisonnée dans n’importe quelle petite ville ou région rurale, mais il était néanmoins crucial pour garder le vote dans les noyaux urbains. Partout, les gens voulaient plus d’argent du fédéral, mais partout les gens voulaient que le gouvernement fédéral ne s’ingère pas dans les champs de compétence provinciale48. »

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Les tribunaux sont maintenant des participants à part entière dans l’arène politique sans devoir se soumettre à l’électorat ou concilier une décision avec une autre dans une perspective de politique publique ou de dépenses publiques, ou assumer la tâche difficile d’allouer de maigres ressources et de déterminer exactement comment mettre en œuvre cette décision. De plus, l’art du compromis politique se trouve ainsi laissé pour compte. Peter Russell prévient que « la grande majorité des citoyens qui ne sont ni juges ni avocats abdiqueront leur responsabilité de trouver des moyens raisonnables et mutuellement acceptables de régler les questions qui les divisent49 ». La Charte a également fait porter l’attention moins sur la géographie et davantage sur les individus et leurs droits. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Marshall (1999), qui a accordé à la Première Nation mi’kmaq des droits de pêche de vaste portée, a eu des conséquences politiques et économiques énormes pour le Canada atlantique. Pour une raison inexpliquée, le représentant du Canada atlantique à la Cour suprême ne fut pas invité par le juge en chef à prendre part à la décision dans cette affaire. Tout porte à croire que le gouvernement fédéral n’avait aucun plan d’urgence pour faire face aux répercussions politiques pouvant découler de l’affaire Marshall. Comparez cela à l’unité spéciale que le gouvernement fédéral a mise en place au Bureau du Conseil privé pour faire face à toute conséquence politique au moment où la Cour suprême rendait son jugement sur le référendum au Québec. Pourtant, les pêches et les affaires autochtones relèvent de la compétence d’Ottawa50. La tâche de réparer les pots cassés a été laissée aux fonctionnaires du ministère des Pêches qui travaillent sous la ligne de faille. Ceux-ci ont été placés dans la situation difficile où ils devaient en même temps répondre aux attentes de collectivités mi’kmaq qui n’avaient pas beaucoup d’expérience dans le domaine de la pêche commerciale et défendre et appliquer la décision dans des localités où la pêche est pratiquée depuis longtemps. N’ayant reçu aucune directive ou presque de la Cour suprême ou de ceux qui se situent au-dessus de la ligne de faille, ils ont dû improviser, faisant leur possible pour gérer les attentes des unes et des autres et les tensions qui en résultaient. Le jeu des accusations n’a pas tardé à commencer. Kenneth Coates explique  : «  La seule chose qui est certaine au sujet de la décision Marshall, c’est qu’elle a suscité beaucoup d’incertitude dans les Maritimes. Le jugement de la Cour suprême [...] a créé divers problèmes et difficultés supplémentaires [...] Les

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tensions raciales provoquées par la décision Marshall vont probablement persister51. » Quand il y a des dérapages dans l’application d’une décision, ce n’est pas la Cour suprême ou les organismes centraux qui sont pointés du doigt, mais les « bureaucrates » qui travaillent sous la ligne de faille. Depuis l’adoption de la Charte des droits et libertés, l’action des tribunaux a élargi le fossé entre l’élaboration des politiques et les personnes chargées de les mettre en œuvre. En conséquence, on discerne encore mieux la ligne de faille. Les tribunaux, par inadvertance ou non, ont également renforcé la position du centre au sein du gouvernement fédéral dans les rapports avec les ministères axiaux. La Charte a délibérément détourné l’attention de la géographie ou des régions pour la faire porter sur les droits des individus et des groupes. De plus en plus d’études sont consacrées au rôle de la Cour suprême dans l’orientation des politiques publiques. Ce que les études ont trop souvent négligé, c’est que la Cour suprême, par son interprétation de la Charte, s’est taillé un rôle en tant que « gestionnaire de la fonction publique  » qui a voix au chapitre quant aux modalités de mise en œuvre des politiques et des programmes. On dit que l’autorité de la cour, « qui ne dispose ni de la bourse, ni de l’épée, repose en définitive sur la confiance soutenue du public et de sa sanction morale52  ». De par certaines de ses décisions, la Cour suprême du Canada a acquis le pouvoir de tirer les cordons de la bourse et celui de donner des instructions aux fonctionnaires sur la façon d’appliquer ses décisions. Les fonctionnaires qui exercent leurs activités sous la ligne de faille en subissent de vastes répercussions.

l e l o b b y in g   : c e qui compte, c ’ e s t q u i l’ o n connaî t L’ancien premier ministre Paul Martin a résumé le problème concernant la façon de fonctionner du gouvernement par la remarque suivante : « L’important si on veut obtenir quelque chose, c’est qui on connaît au cpm 53. » Il a promis de s’attaquer au déficit démocratique du Canada en réorganisant le centre de l’appareil de l’État et en donnant des pouvoirs accrus aux députés, aux ministres responsables et à leurs ministères. Cependant, comme le note Susan Delacourt : « Les gens que l’on connaissait au cpm étaient un facteur important durant les années Martin54. » J’ajouterais qu’un facteur plus important encore, ce sont les gens qui vous connaissent au cpm.

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Les lobbyistes, notamment ceux et celles qui ont leurs entrées auprès du premier ministre et de ses courtisans, sont toujours en demande. La structure de gouvernance du Canada en fait l’un des systèmes politiques les plus centralisés du monde. Contrairement aux États-Unis, où la séparation des pouvoirs peut amener le pouvoir législatif à s’opposer à l’exécutif, le gouvernement fédéral, qui détient la majorité au Parlement, n’a pas à craindre que l’opposition ne vienne bloquer son programme législatif, fiscal ou économique. Il en résulte que les lobbyistes à Ottawa peuvent concentrer leurs efforts sur l’exécutif, en particulier le premier ministre et ses courtisans, pour promouvoir les intérêts de leurs clients. Les lobbyistes qui ont accès au premier ministre et au cpm jouissent d’une influence considérable, parfois même plus grande que celle d’un député du gouvernement et même de certains ministres. Au Canada, les lobbyistes bénéficient d’un avantage par rapport à leurs homologues américains  : lorsqu’ils exercent des pressions sur des membres de l’exécutif, ils en exercent aussi sur des membres de la législature. Il y a deux genres de lobbyistes à Ottawa  : les lobbyistes salariés et les lobbyistes-conseils55. Tous deux sont influents. C’est ce qui explique que le Canada a adopté une loi régissant les activités de lobbying à la fin des années 1980 et lui a donné plus de force en y ajoutant de nouveaux règlements en 1995, en 2005 et en 2008. C’est donc dire que tant des gouvernements libéraux que des gouvernements conservateurs ont vu la pertinence de réglementer l’industrie du lobbying au Canada56. Les lobbyistes doivent maintenant s’inscrire dans un registre, divulguer l’identité de leurs clients et fournir un flot constant de renseignements au commissaire au lobbying, qui supervise le registre public des lobbyistes. L’adoption du Programme énergétique national (pen) en 1980 se révéla un moment charnière dans la formation et l’essor du secteur du lobbying au Canada. Rappelons que le pen comportait une taxe destinée, en partie, à financer Petro-Canada, la société énergétique nationale créée par Ottawa. Des entreprises étrangères se mirent à vendre des actifs qu’elles avaient dans le pays, ce qui eut des conséquences très négatives sur le secteur énergétique dans l’Ouest canadien. John Sawatsky rapporte que « l’industrie pétrolière réagit avec colère. Calgary voulait savoir ce qui s’était passé, quels politiciens et quels bureaucrates étaient les coupables et comment les écarter57. » Le pen donna l’impulsion à l’industrie du lobbying, qui n’a cessé de croître depuis les années 1980.

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De nos jours, tous les grands cabinets d’avocats ont des lobbyistes parmi leur personnel, ainsi que toutes les principales associations industrielles. Les plus grandes entreprises du secteur privé embauchent aussi des lobbyistes salariés qui ont de bonnes relations avec le premier ministre et ses courtisans pour défendre leurs intérêts à Ottawa. Tous les premiers ministres depuis les années 1980 ont eu des liens étroits avec des lobbyistes : Pierre Trudeau et Bill Lee, Joe Clark et Bill Neville, Brian Mulroney et Frank Moores, le directeur d’une grande firme de lobbying, Jean Chrétien et Edmond Chiasson, lui aussi directeur d’une grande firme de lobbying, Paul Martin et Michael Robinson, Stephen Harper et Ian Brodie, et Justin Trudeau et Sheamus Murphy58. L’espérance de vie des lobbyistes salariés qui ont des liens étroits avec un premier ministre dépend souvent de la durée du mandat du premier ministre. Frank Moores a vendu sa firme de lobbying quand Mulroney a quitté le pouvoir, l’entreprise de Chiasson a fermé ses portes après la fin du mandat de Chrétien, et Ian Brodie ne travaille plus comme lobbyiste. Tout lobbyiste-conseil ayant accès au premier ministre ou à ses proches conseillers réussira à obtenir des contrats lucratifs avec le secteur privé. Un lobbyiste-conseil se félicitait d’avoir eu « trois » rencontres avec Stephen Harper alors qu’il était premier ministre et s’en vantait publiquement. Le lobbyiste a expliqué : « Une rencontre avec le premier ministre est un accomplissement en soi pour quiconque dans le domaine des relations gouvernementales. J’imagine qu’il doit recevoir 500  demandes par semaine, peut-être davantage. Je suppose qu’il va sans doute faire un choix judicieux des personnes qu’il va rencontrer59.  » Le premier ministre choisira immanquablement des lobbyistes qui ont des liens étroits avec son parti et qui, de préférence, ont pris part à sa campagne à la direction du parti. Les lobbyistes salariés qui entretiennent des liens étroits avec les ministres au centre du gouvernement ne sont pas les seuls dont la réussite est tributaire du succès continu du premier ministre. Bernard Lord, un ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, a coprésidé la campagne nationale de Steven Harper en 2008, qui a mené à sa victoire. Quelques semaines après les élections, l’Association canadienne des télécommunications sans fil a nommé Lord président et chef de la direction, essentiellement pour qu’il mène des activités de lobbying en faveur de l’industrie à Ottawa. Quand Harper a quitté son poste, Lord en a fait autant. Il a été remplacé par Robert Ghiz, ancien premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, un partisan et bon ami de Justin Trudeau60.

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Selon ce que m’a rapporté un lobbyiste d’expérience, les lobbyistes ne sont pas tous de la même étoffe – certains sont reconnus pour obtenir des résultats pour leur clients tandis que d’autres, pour informer leurs clients sur les dernières nouvelles à Ottawa qui ont des répercussions sur leurs entreprises. Il m’a expliqué que ceux qui « obtiennent des résultats » ont généralement des liens étroits avec le centre du gouvernement. D’autres lobbyistes excellent à documenter les efforts qu’ils déploient pour le compte de leurs clients : à combien de réunions ils ont assisté, à qui ils ont téléphoné et avec qui ils se sont entretenus en tête-à-tête61. Leurs comptes rendus montrent que leurs activités ont été nombreuses, a-t-il expliqué, mais ils ne montrent pas si elles ont été fructueuses. Autrement dit, il ne faut pas se fier au rapport annuel du Commissariat au lobbying pour savoir qui exerce un pouvoir dans l’industrie du lobbying à Ottawa. Le rapport annuel du commissaire au lobbying dévoile le nom des institutions gouvernementales qui font l’objet de lobbying. À eux deux, le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé ont été les institutions les plus visées par les activités de lobbying en 2016-2017, comptant 39  962  mentions en tout dans les enregistrements de lobbyistes. Ils sont suivis de la Chambre des communes (30 748 mentions), d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (25 265) et de Finances Canada (21 312). Ces résultats font clairement voir que les clients qui ont des préoccupations économiques dominent le travail des lobbyistes et expliquent pourquoi l’industrie était le sujet de discussion le plus courant lors des activités de lobbying énumérées dans le registre des lobbyistes en 2016-2017, suivie du commerce international, de l’environnement et des impôts et finances. Le rapport du commissaire révèle en outre que 8 653 lobbyistes étaient inscrits dans le registre en 2016-2017, soit environ 1 700 de plus qu’en 200962. Les lobbyistes ont-ils de l’influence? Oui. Les entreprises n’ont pas l’habitude de payer pour rien et s’attendent que leur investissement leur rapporte quelque chose. Un lobbyiste qui a ses entrées dans le milieu politique peut ouvrir des portes, faire passer des messages au plus haut niveau de l’administration publique, chercher des occasions d’affaires dans l’appareil gouvernemental, contester les avis de fonctionnaires, obtenir du financement public pour un projet et expliquer les subtilités d’une politique gouvernementale à ceux et celles qui ne connaissent pas le mode de fonctionnement du gouvernement. Andrew Coyne rapporte une conversation entre un lobbyiste et son client, qu’il a surprise dans un restaurant d’Ottawa.

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Le lobbyiste disait au client qu’il avait eu une discussion avec un membre du personnel d’un ministère qui lui avait expliqué ce dont le ministère avait besoin pour accorder des fonds à l’entreprise63. Les entreprises ont toutes les raisons d’embaucher des lobbyistes pour promouvoir leurs intérêts. Il y a des règlements gouvernementaux à réviser et des questions de politique publique qui ont des conséquences importantes pour les entreprises à régler. De plus, Ottawa verse des subventions et des contributions au secteur privé à diverses fins. John Lester, de l’Université de Calgary, a publié une étude sur les subventions aux entreprises accordées par Ottawa et les quatre plus grandes provinces. Il rapporte qu’à lui seul Ottawa a versé 14  milliards de dollars en subventions aux entreprises en 2014-2015, un montant qui représente la moitié des recettes tirées de l’impôt sur le revenu des sociétés64. Chaque année, le Hill Times, une publication très lue à Ottawa, dresse une liste des 100 lobbyistes les plus influents. De façon générale, les plus grands lobbyistes ont des liens avec le parti au pouvoir, comprennent comment fonctionnent les médias, sont familiarisés avec les tactiques de la propagande politique et ont une connaissance approfondie des activités politiques et de l’élaboration des politiques. En outre, les principaux lobbyistes ont tendance à centrer leurs efforts sur le cpm, les ministres importants, les conseillers en politiques auprès des ministres de premier plan et les hauts fonctionnaires65. Un bon nombre d’entre eux étaient auparavant des membres du personnel ministériel ou des fonctionnaires qui exerçaient leurs fonctions au-dessus de la ligne de faille. On peut dégager plusieurs observations des points qui précèdent. Tout d’abord, tous les Canadiens et les Canadiennes ont le droit de communiquer avec leurs gouvernements, mais tous et toutes ne sont pas traités sur un pied d’égalité. Les lobbyistes ont fondamentalement transformé la façon dont les membres les plus puissants de la société traitent avec le gouvernement. Le Canadien moyen qui tente de communiquer avec le gouvernement par l’intermédiaire d’un député ou d’un fonctionnaire, ou plus probablement par l’entremise d’un numéro 1-800, ne fait pas le poids devant un lobbyiste salarié qui est bien placé. Les lobbyistes salariés savent quelles personnes ils et elles doivent rencontrer au sein du gouvernement, le moment où il faut le faire et la meilleure façon de transmettre leur message. De plus, l’industrie du lobbying est centrée sur Ottawa. Les lobbyistes sont partie intégrante de la communauté ottavienne et sont en communication constante avec les politiciens et les hauts

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fonctionnaires. Ils connaissent bien la culture politique et bureaucratique d’Ottawa. Beaucoup en faisaient partie et continuent d’en faire partie, mais à un titre différent. Ils savent que, pour obtenir du succès, il est crucial pour eux d’éviter d’attirer l’attention et d’être mêlés à des controverses publiques. Leur objectif est d’influencer les décideurs au nom de leurs clients, ce qu’ils font discrètement sans se faire entendre en dehors du milieu politique d’Ottawa, surtout pas dans les médias. Bref, ils effectuent leur travail en privé, à l’abri de l’examen du public. Le fait que les activités de lobbying sont centrées sur Ottawa a renforcé la position du premier ministre et de ses courtisans et affaibli celle des ministres et de la fonction publique. Les lobbyistes qui essaient d’obtenir une rencontre avec le premier ministre ont des objectifs, une proposition à mettre en avant. Il est rare qu’ils veuillent rencontrer le premier ministre pour lui dire que tout va bien en ce qui concerne les priorités de leurs clients. Ils considèrent souvent que le premier ministre et ses courtisans sont le dernier recours qu’il reste à leurs clients pour obtenir ce qu’ils désirent. Ils savent que l’accès au premier ministre et à ses courtisans est le meilleur moyen de remettre en question la position des ministres et des fonctionnaires. Avec l’aide de leurs clients, les lobbyistes sont en mesure de rassembler des arguments et du matériel pour appuyer n’importe quelle position qui, s’ils ne convainquent pas les bureaucrates, convaincront peut-être le premier ministre. Les lobbyistes les plus compétents savent que le moment choisi pour soumettre une proposition est crucial et qu’il ne faut ménager aucun effort pour qu’une proposition s’harmonise avec le programme politique du gouvernement. Un lobbyiste rapporte qu’il dit parfois à ses clients : « Ne perdez pas votre temps et votre argent » si le gouvernement «  ne vous donne pas son appui maintenant. Vous voudrez peut-être revenir dans un an ou deux, ou voici comment vous devriez procéder pour faire inscrire votre proposition parmi ses priorités66.  » Au bout du compte, les entreprises du secteur privé, les associations industrielles et leurs lobbyistes salariés sont là pour promouvoir leurs intérêts économiques, pas pour défendre l’intérêt général du public. Il importe de souligner également qu’il y a très peu de lobbyistes à Ottawa qui agissent comme porte-parole des régions ou qui défendent des intérêts régionaux. Il n’y a pas d’argent à faire en défendant de tels intérêts. À l’instar des tribunaux, les lobbyistes ont aussi contribué au virage du gouvernement de cabinet à la gouvernance exercée à partir du centre. Les lobbyistes savent mieux que quiconque que le pouvoir

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réside au centre du gouvernement, soit entre les mains du premier ministre et des organismes centraux. Ils savent également que les «  lettres de mandat  » aux ministres préparées par le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé offrent le meilleur guide pour orienter leurs activités et savoir qui fait quoi. Selon Greg MacEachern, un lobbyiste bien connu d’Ottawa dont les propos ont été rapportés dans le Hill Times : « Les lobbyistes qui espèrent faire avancer leurs dossiers auprès du gouvernement devraient se servir des lettres de mandat comme d’un guide67. » Si les lobbyistes ne réussissent pas à convaincre les ministres et leurs ministères, ils savent qu’ils peuvent toujours en appeler auprès du centre.

r e to u r e n a rri ère Les tribunaux et les lobbyistes exercent leurs activités dans des contextes très différents. Les juges souhaiteront se tenir loin des hommes et des femmes politiques, tandis que les lobbyistes voudront s’en rapprocher pour plaider leur cause. Les tribunaux agissent dans l’intérêt de la justice telle que définie par la Constitution, les lois et la jurisprudence, en s’inspirant de leurs valeurs. Pour leur part, les lobbyistes travaillent dans l’intérêt de leurs clients, défini dans un sens plus ou moins restrictif. Les juges exercent leurs fonctions à l’abri de l’examen du Parlement et des médias et ne sont pas soumis à la législation en matière d’accès à l’information. Les lobbyistes doivent répondre aux demandes du Commissariat au lobbying du Canada, et les médias peuvent avoir accès aux renseignements concernant leurs rapports avec les ministères en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Tant la Cour suprême que les lobbyistes sont centrés sur Ottawa, traitent directement ou indirectement avec les élites politiques et économiques et ont contribué à renforcer la position du centre sur l’échiquier politique canadien et dans l’administration publique du pays. La géographie ou le facteur régional ne revêt qu’une importance minime dans leur travail. La Charte des droits et libertés témoigne de l’importance accordée aux intérêts des individus ou des communautés qui transcendent la géographie (par exemple le mariage entre conjoints de même sexe, les droits des minorités linguistiques et ceux des communautés autochtones). Les lobbyistes défendent les intérêts économiques ou politiques de leurs clients, dont la plupart ne voient pas les choses sous une perspective régionale. La magistrature et l’industrie du lobbying favorisent toutes deux les élites économiques. Les services de lobbyistes salariés à

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Ottawa coûtent cher et ne sont pas à la portée des Canadiens et des Canadiennes ordinaires. On peut en dire autant de l’accès au système judiciaire. « Nous avons un système judiciaire qui est merveilleux pour les grandes entreprises et les gens fortunés, a écrit l’ex-juge en chef Beverley McLachlin. Mais la classe moyenne et les pauvres ne sont peut-être pas en mesure d’avoir accès à notre système de justice [...] Comment le public peut-il avoir confiance dans un système de justice qui exclut certaines personnes et auquel elles n’ont pas accès? » Elle conclut par une mise en garde : « Il est très dangereux de suivre cette voie68. » Nous avons souligné dans l’introduction que l’égalité est un élément fondamental de la démocratie représentative. De l’avis de nombreuses personnes qui étudient le gouvernement, c’est l’élément le plus important69. Les tribunaux et les lobbyistes, en particulier, contribuent maintenant à la politique de l’inégalité davantage qu’à la politique de l’égalité. Ce chapitre a fait valoir, encore une fois, que le déficit démocratique du Canada revêt un caractère particulier  : il est lié à l’incapacité de nos institutions nationales de tenir compte des réalités régionales et de respecter le principe de l’égalité des régions.

t r o i s i è m e pa r t i e

Pourquoi et que faire maintenant?

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Le Canada : une démocratie défaillante?

Ce chapitre a pour but d’approfondir notre compréhension des changements qui sont ou qui ne sont pas survenus au sein des institutions politiques du Canada depuis 1867. Pour ce faire, nous devrons plus précisément déterminer l’adaptabilité des institutions canadiennes ou leur incapacité à s’ouvrir au changement. Nous devrons revoir brièvement certains points soulevés dans les chapitres précédents. Nous avons vu que le Canada a beaucoup changé depuis 1867 en ce qui concerne la société, la structure de l’économie, la composition de la population, la répartition entre la population urbaine et rurale, ainsi que la vie politique du pays. Nous avons vu aussi que le fédéralisme canadien s’est tourné vers des approches novatrices pour réagir aux transformations de la société et qu’il est maintenant fondamentalement différent de ce qu’il était en 1867, que le Parlement ressemble beaucoup à ce qu’il était en 1867, que la fonction publique a délaissé la pratique du favoritisme pour devenir une institution non partisane, que le système judiciaire s’est transformé, que les exigences en matière de transparence et de reddition de comptes sont infiniment plus rigoureuses qu’elles ne l’étaient en 1867 et que les médias en 1867 ne ressemblaient en rien à ce qu’ils sont aujourd’hui. En quoi alors les institutions canadiennes se sont-elles transformées? Et pour quelles raisons?

to u t a c o m m e ncé en 1867 Les Pères de la Confédération s’étaient donné une tâche impossible en voulant marier le système parlementaire de Westminster avec le fédéralisme. Ils traçaient une voie nouvelle en disposant de maigres ressources et d’une faible connaissance du fédéralisme et de ses

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exigences. Lors de la Conférence de Londres, John A. Macdonald expliqua que l’objectif consistait à négocier un traité. Le traité visait à unir « deux nations en guerre » qui se trouvaient encore en conflit dans les années 1860, plutôt qu’à concevoir de nouvelles institutions qui correspondraient à la situation socioéconomique du pays. Plus tôt, lord Durham avait fait valoir qu’il était impossible d’améliorer les institutions sans «  avoir réussi à exterminer la haine mortelle qui maintenant divise les habitants du Bas-Canada en deux groupes hostiles  : Français et Anglais1  ». Les quatre principaux architectes de la Confédération, tous du Bas et du Haut-Canada, en avaient déjà plein les bras à tenter de calmer l’animosité et de conclure un traité permettant aux deux Canadas d’amorcer un nouveau départ. Ils étaient remplis d’admiration pour les institutions britanniques et se montrèrent incapables de définir des institutions adaptées au contexte canadien ou peu disposés à le faire. Ils décidèrent de se tourner vers les modèles institutionnels de conception britannique déjà existants pour concrétiser le traité. Ce faisant, les Pères de la Confédération imposèrent des menottes aux dirigeants politiques qui suivraient, en produisant une Constitution qui ne reflétait pas les conditions politiques et géographiques du nouveau pays. Persuadés que les institutions d’inspiration britannique étaient la solution pour le Canada, ils ne jugèrent même pas opportun d’inclure une formule de modification dans la Constitution. Il importe de souligner à nouveau que Bagehot, considéré comme l’auteur de la Constitution britannique, n’aborda pas du tout la question de la géographie dans son ouvrage classique La Constitution anglaise2. Il prévint qu’il serait difficile d’établir des institutions inspirées du modèle britannique sur des assises solides dans les colonies. J’ai noté que, dans la préface de La Constitution anglaise, il écrivit : « la plus grande difficulté qu’on éprouve [dans les colonies] [...] est le fait de la géographie3 ». Il ne proposait aucun moyen de surmonter cette difficulté. Sa Constitution était conçue pour l’Angleterre, pas pour les colonies. Il expliqua simplement que « les principales propriétés de la Constitution anglaise sont inapplicables dans les pays où n’existent point de matériaux pour une monarchie ou une aristocratie4 ». Bagehot avait raison. La Chambre des lords avait sa place en Grande-Bretagne en 1867, alors que le pays se dirigeait timidement vers la démocratie représentative. Bagehot n’était pas démocrate et redoutait l’extension du droit de vote à la classe ouvrière. Son biographe explique que Bagehot voyait ce que l’avenir réservait, que cela lui déplaisait

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énormément et qu’il chercha à en signaler les dangers5. Il convient de souligner à nouveau que, dans les fédérations, la Chambre haute est la principale institution responsable de la promotion des exigences du fédéralisme intra-étatique. Comme nous l’avons vu plus tôt, c’est le cas notamment aux États-Unis, en Allemagne et en Russie, mais pas au Canada. Le Sénat canadien a plus de points en commun avec la Chambre des lords de Grande-Bretagne qu’avec les sénats américain et australien. Il est un organe dont les membres sont nommés et satisfont, entre autres exigences, à l’obligation de posséder un avoir net de 4  000  $, un montant important en 1867 qui permettait de départager les nantis et les moins fortunés. Les principaux architectes de la Confédération originaires des deux Canadas qui négocièrent le traité étaient davantage favorables à la création d’une Chambre haute conçue d’après le modèle de la Chambre des lords britannique, que d’une Chambre haute destinée à donner une voix aux régions. Nous avons vu plus tôt que les délégués des colonies maritimes à la Conférence de Québec réclamaient une Chambre haute chargée de représenter les régions, mais leurs appels furent rejetés. À l’origine, l’Île-du-Prince-Édouard décida de ne pas adhérer à la Confédération et l’Ouest canadien fut absent des discussions aux conférences de Charlottetown, de Québec et de Londres. Les Pères de la Confédération croyaient avoir gravé dans le marbre deux institutions cruciales : le Parlement et le fédéralisme. Dans la tradition de Westminster, le Parlement devait être suprême et exercer une souveraineté absolue sur les autres institutions, y compris les tribunaux, le pouvoir exécutif et les gouvernements provinciaux. Le système n’avait du fédéralisme que le nom au début, au point qu’Ottawa avait le pouvoir de révoquer les lois provinciales. Par ailleurs, la fonction publique était considérée en 1867 comme une extension du parti politique au pouvoir. Parce que la question est importante pour notre thèse, il y a lieu de rappeler que les Pères de la Confédération qui dirigèrent les négociations et établirent les conditions du traité cherchèrent à minimiser l’influence du facteur régional au Canada. Macdonald insista pour dire que le Cabinet était parfaitement en mesure de s’occuper du facteur régional au Canada et qu’il n’était pas nécessaire d’en faire davantage. Toutefois, les temps ont changé.

q u ’ e n e s t- il du parlement? De façon générale, le Parlement du Canada ressemble largement de nos jours à ce qu’il était en 1867. Par exemple, le gouvernement doit

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Pourquoi et que faire maintenant?

encore conserver la confiance de la Chambre des communes pour se maintenir au pouvoir. La forme est une chose, le rôle en est une autre. On a laissé le Parlement s’éloigner de son rôle traditionnel, et maintenant plus personne n’est satisfait du statu quo, à l’exception des premiers ministres et de leurs courtisans. Les députés ont produit une série de rapports, comme on en a vu ces dernières années, qui préconisaient l’adoption de vastes mesures de réforme. Des groupes de réflexion non partisans, dont Samara et le Forum des politiques publiques, ont lancé le même appel. Le Sénat demeure composé de membres non élus qui doivent encore satisfaire à un critère concernant la richesse pour être nommés. Il continue également d’être très décrié. La réforme du processus de nomination mise en place par Justin Trudeau n’a pas marqué un moment transformateur, du moins jusqu’à présent. Comme il a été noté, la réforme risque d’être de courte durée étant donné que le chef de l’opposition s’est engagé à revenir aux nominations partisanes. De plus, le Sénat continue de faire l’objet de titres négatifs dans la presse, et des appels à son abolition se font toujours entendre6. Les provinces les plus peuplées n’ont aucun intérêt à permettre une transformation du Sénat ou un abandon de son rôle de second examen objectif, car il est dans leur intérêt politique et économique de laisser le Sénat dériver comme il le fait et de tolérer qu’il joue un modeste rôle de second examen objectif. Elles ont le poids politique nécessaire pour empêcher une réforme du Sénat. Justin Trudeau a dit aux sénateurs et aux sénatrices qu’il y avait même des limites au rôle de second examen objectif et les a avertis de ne pas aller à l’encontre de la volonté exprimée par la population canadienne lors des élections générales de 2015, qui s’est prononcée en faveur de la légalisation de la marijuana7. Encore maintenant, le Sénat correspond bien à ce que John A. Macdonald et George Brown voulaient. Il est resté prisonnier de sa dépendance trajectorielle. Macdonald envisageait que le Sénat n’aurait qu’un rôle limité à jouer au nom des régions. Il définit pour le Sénat un rôle qui a continué de s’appliquer jusqu’à ce jour. Malgré de nouvelles méthodes de gestion et le processus de nomination réformé, le Sénat insistait sur l’importance de son rôle de second examen objectif aussi récemment qu’en mars 2018. Dans un bulletin intitulé Le second examen objectif au Sénat, le Sénat a rapporté qu’il avait « amendé plusieurs projets de loi, notamment la mesure législative sur l’aide médicale à mourir et la mesure législative qui contribue à lutter contre la crise des opioïdes8 ». Le bulletin du Sénat est

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demeuré silencieux au sujet du rôle qu’il joue à l’égard des régions les moins peuplées. La Chambre des communes a été témoin de certains changements, mais on peut cependant difficilement les qualifier de transformateurs. La Chambre a revu en profondeur son approche en matière d’approbation du budget des dépenses publiques. Toutefois, tout ce que ce changement a apporté, c’est qu’il est maintenant plus facile pour le gouvernement d’imposer sa volonté sur la façon de dépenser, et de déplacer des fonds une fois que le Parlement a approuvé le budget9. Le nombre de sièges aux Communes augmente tous les 10  ans, après le recensement d’une année se terminant par un «  1  »10. À l’heure actuelle, on dénombre 338 députés élus aux Communes, et un certain nombre de dispositions sont en place pour assurer que la taille de la Chambre continuera d’augmenter, dont une disposition qui prévoit qu’aucune province ne peut compter moins de députés qu’elle n’en avait en  1976. En outre, aucune province ne peut avoir moins de représentants élus à la Chambre des communes que de représentants nommés au Sénat. Les Pères de la Confédération accordèrent également au Québec la garantie constitutionnelle que la province aurait un certain nombre de sièges aux Communes. Il résulte de ces dispositions qu’il y a un député ou une députée élu aux Communes pour 102 000 Canadiens et Canadiennes, tandis qu’il y a un représentant ou une représentante au Congrès des États-Unis pour 750 000 Américains et Américaines. En somme, quel que soit le problème qui afflige les Communes, il n’a rien à voir avec un nombre insuffisant de personnes qui y siègent. En raison de la négligence bénigne de ceux qui pourraient y insuffler de réels changements, on a laissé la situation se détériorer à la Chambre des communes. Voici ce que deux députés aux Communes issus de différents partis et un sénateur ont écrit dans un rapport au Parlement : « [...] le sentiment d’aliénation qu’éprouvent beaucoup de gens et les solutions proposées pour y remédier trouvent un écho dans les problèmes que les parlementaires ont eux-mêmes soulevés [...] Le Parlement a perdu sa qualité de tribune [...] sa faculté d’examiner les activités gouvernementales » et il « ne contribue plus vraiment à faire progresser le débat »11. Des promesses de changements profonds ont été formulées par ceux qui avaient le pouvoir de les introduire et de les enraciner. Paul Martin, Stephen Harper et Justin Trudeau se sont tous fermement engagés, avant de devenir premiers ministres, à transformer le

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Parlement et sa culture, à accroître la pertinence du Parlement aux yeux de la population canadienne et à renforcer le pouvoir des députés élus. Une fois au pouvoir, ils ont vite découvert qu’il était dans leur intérêt de s’en tenir au statu quo, ce qu’ils ont tous fait. Les premiers ministres et leurs courtisans ont tous changé d’avis une fois au pouvoir. Ils évoquent la charge de travail excessive qu’ils doivent assumer, mais ils constatent aussi que des voix et des contraintes nombreuses s’opposent à ce qu’ils aillent de l’avant. Ils voient le cycle d’information continue et les médias sociaux qui sont toujours prêts à relever les lacunes de leur programme et à l’affût de scandales. Ils voient les partis de l’opposition qui cherchent sans cesse à marquer des points politiques contre eux et ils ne voient aucune raison de leur donner davantage de munitions. Ils voient les agents du Parlement qui sont aussi constamment à la recherche d’erreurs qu’ils auraient commises. Ils voient 10 premiers ministres provinciaux qui sont rarement, voire jamais, satisfaits de leur travail. Ils voient des groupes d’intérêt aux préoccupations variées et parfois contradictoires qui les pressent d’en faire davantage ou d’en faire moins, selon leurs propres priorités. Pendant ce temps, ils voient les forces économiques mondiales qui érodent leur marge de manœuvre et leur capacité de faire bouger les choses12. Pourquoi alors les premiers ministres et leurs courtisans se compliqueraient-ils la vie encore plus en renforçant le rôle de la Chambre des communes? De plus, les premiers ministres et leurs courtisans ont bientôt appris qu’ils ont intérêt à réserver l’accès au pouvoir à un nombre limité de personnes. Le partage du pouvoir signifie une diminution du pouvoir qu’ils exercent. Il est préférable qu’ils accumulent le pouvoir plutôt que de le partager pour faire avancer leur programme, garder une emprise sur le flot continu d’informations et gérer les questions politiques à l’ère des campagnes électorales permanentes. Si la gouvernance à partir du centre ne leur apportait aucun avantage distinct, ils renverseraient la tendance à la concentration du pouvoir. De nombreux débats sont soulevés au Parlement chaque fois qu’il est question d’une réforme de la Chambre des communes, dont la nature varie de l’adoption du modèle de la Grande-Bretagne à l’amélioration de la période de questions, en passant par la limitation du recours à des projets de loi omnibus. Les projets de loi omnibus ont toujours été jugés insensés par un parti quand il se trouvait dans l’opposition, mais étrangement ils deviennent tout à fait logiques quand le parti siège du côté du gouvernement dans la Chambre. Les débats qui visent à changer les choses donnent généralement peu de

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résultats parce que la personne qui détient toutes les cartes nécessaires pour amorcer un changement, le premier ministre, n’a aucun intérêt dans le changement13. Le mode d’élection des députés est encore sensiblement le même qu’il y a un siècle. Justin Trudeau n’a pas tenu l’une de ses promesses électorales les plus importantes de la campagne de 2015 : une réforme électorale afin que «  chaque vote compte  » de telle sorte que «  les élections de 2015 seraient les dernières tenues selon le système de vote uninominal majoritaire à un tour »14. Il serait revenu sur sa promesse parce que «  le large appui que requiert un changement d’une telle ampleur n’existait pas parmi la population canadienne15 ». Trudeau n’a pas expliqué comment il en était venu à la conclusion que les Canadiens et les Canadiennes n’appuyaient pas «  un changement d’une telle ampleur ». La promesse d’un changement marquant était très logique durant la campagne électorale, mais pas une fois qu’il occupait le fauteuil du premier ministre. Trudeau a rejeté la possibilité de tenir un référendum sur la question pour savoir de première main ce que les gens du Canada voulaient16. De plus, il a reproché aux partis de l’opposition de manquer d’ouverture et estimait que « la représentation proportionnelle serait mauvaise pour notre pays17  ». Il a décidé de consulter la population canadienne par l’intermédiaire d’un comité parlementaire, une avenue beaucoup moins risquée qu’un référendum lorsqu’un premier ministre qui détient un mandat majoritaire décide de veiller sur les intérêts de son parti18. Nous traiterons de cette question plus en détail dans le dernier chapitre. Bref, il n’y a tout simplement aucune chance qu’un premier ministre et ses courtisans saisissent une occasion d’apporter de profondes transformations à moins qu’ils n’y voient l’intérêt de le faire. Les élections ont pour but de choisir un gouvernement et de donner à chaque électeur ou à chaque électrice admissible l’occasion de se faire entendre. Dans le cadre du système actuel, le plus souvent, des gouvernements majoritaires sont élus par une minorité des voix exprimées. Dans un rapport de 2014 intitulé Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, la Commission du droit du Canada a soutenu qu’il fallait abolir le système actuel parce qu’il accorde à un parti une majorité artificielle lorsque celui-ci remporte les élections avec sensiblement moins de 50 % des suffrages. La Commission du droit a fait valoir aussi que le système actuel encourage les tensions régionales, notamment parce que les «  partis qui ont un fort appui dans une région en particulier ont plus de chances de voir cet appui converti en sièges19 ». Un ancien dirigeant du npd s’est associé à un

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ancien greffier du Conseil privé et à un ancien sénateur de premier plan pour signer un article d’opinion dans lequel ils réclamaient la fin du système uninominal majoritaire à un tour. Ils expliquaient que ce système « alimente la discorde entre les régions. Dans un pays aux régions aussi variées que le Canada, le système électoral doit être en mesure de permettre à un gouvernement de gouverner efficacement et, à l’opposition, de formuler des critiques éclairées. Tous deux doivent assurer une représentation régionale. Notre système actuel ne répond pas à ce critère, ce qui constitue une lacune importante20. » Les auteurs ont recommandé un mode de scrutin proportionnel. Trudeau s’est rendu compte après les élections générales de 2015 que le système électoral du Canada fonctionne très bien, du moins pour lui et son parti, car il lui a permis d’accéder au pouvoir en obtenant une majorité appréciable des sièges, mais seulement 39,5 % des suffrages exprimés. Trudeau a affirmé que les gouvernements majoritaires sont une bonne chose pour le Canada. Le pays a déjà connu des gouvernements minoritaires (11 des 29 élections tenues depuis 1921 se sont soldées par un gouvernement minoritaire) qui se sont révélés productifs malgré leur bref séjour au pouvoir, où ils se sont maintenus moins de deux ans en moyenne. Les gouvernements minoritaires assurent également un meilleur contrepoids au pouvoir des premiers ministres et de leurs courtisans, renforcent l’esprit de coopération entre le Parlement et le gouvernement, et permettent aux députés de jouer un rôle accru pour ce qui est d’élaborer des politiques et de demander des comptes au gouvernement21. Les gouvernements minoritaires ont aussi des points faibles, ils contribuent notamment à la montée fulgurante des campagnes électorales permanentes. Mais la réforme électorale doit recevoir le feu vert du premier ministre pour aller de l’avant. Justin Trudeau, comme de nombreux premiers ministres avant lui, a changé d’idée à ce sujet et au sujet d’autres mesures qui réduiraient son pouvoir après une campagne électorale. L’important, c’est de remporter les élections. Quant à tenir les promesses faites en campagne électorale, c’est une autre histoire. Quand on lui a demandé « qu’est-ce qu’un bon politicien? », Jean Chrétien a rapidement répondu un « politicien qui remporte la victoire  »22. Les premiers ministres savent qu’ils ont de meilleures chances d’obtenir un mandat majoritaire sous le système uninominal majoritaire à un tour, et tant pis pour les véritables changements. Le fait qu’aucun moment charnière n’ait permis de placer le Parlement sur une nouvelle trajectoire explique peut-être pourquoi moins de la moitié des Canadiens et des Canadiennes ont maintenant

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confiance dans le Parlement23. En outre, des sondages démontrent que la perte de confiance de la population canadienne envers les institutions publiques s’accentue selon une perspective comparative. Le Baromètre de confiance Edelman révèle que le Canada a glissé au 49e rang parmi les pays classés selon l’indice de confiance en 2017, arrivant derrière l’Italie, la Russie, la Pologne et la Turquie24. De plus, les gouvernements au Canada tirent de l’arrière sur les médias et les entreprises pour ce qui est de la confiance qu’ils inspirent. Le sondage d’Edelman révèle un écart de 17 points entre le pourcentage de confiance envers le gouvernement chez le public informé et parmi la population de masse25. Le Canadien moyen a moins confiance dans le gouvernement que le public informé, qui est plus instruit. De nombreux citoyens du pays pensent que le secteur public tend à favoriser les élites économiques et les groupes d’intérêt particulier et qu’un trop grand nombre de politiciens, de fonctionnaires et de juges sont en poste pour servir leurs propres intérêts plutôt que ceux du public. Nombreux aussi sont les Canadiens qui croient que les élections n’ont pas d’importance. Le Baromètre des Amériques, un sondage sur les valeurs démocratiques, rapporte que seulement un Canadien sur cinq fait beaucoup confiance aux élections. Au sujet de leur intérêt pour la politique, le sondage révèle également que les Canadiens sont portés à être spectateurs davantage que participants actifs26. Il met en lumière une inquiétante tendance à la baisse de la confiance des Canadiens dans leur système politique dans chacune de trois catégories : 1) le respect envers les institutions politiques; 2) la fierté de vivre sous le système politique; 3) la mesure dans laquelle ils pensent que le système politique devrait être soutenu27. Ces mesures ne montrent cependant qu’une partie de la situation, et pas la plus importante : le Canada n’est pas à la hauteur, même d’un point de vue comparatif, lorsqu’il s’agit de tenir compte de la perspective des régions dans l’élaboration de la politique nationale.

d ’ u n é tat q uasi uni tai re à u n f é d é r a l is me hybri de John A. Macdonald, comme nous l’avons vu plus tôt, souhaitait que le Canada prenne la forme d’un État unitaire en 1867 et faillit l’obtenir. Il espérait tout de même qu’avec le temps le Canada serait transformé en un État unitaire. Le fédéralisme canadien a connu des moments de transformation, mais ceux-ci ont orienté la fédération dans la direction opposée de celle que Macdonald voulait emprunter.

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Pourquoi et que faire maintenant?

Aucun pays ne peut survivre durant plus de 150  ans sans passer par des moments charnières, et le Canada a connu sa part de moments semblables. Mais ceux-ci ont tiré leur origine à l’extérieur de la Constitution et, dans une certaine mesure, à l’extérieur des institutions politiques. Au départ, en refusant de doter la Constitution écrite d’une formule de modification et en omettant de mettre en place au sein des institutions nationales un moyen de promouvoir le fédéralisme intra-étatique ou des façons de tenir compte des circonstances régionales, les Pères de la Confédération permirent que les gouvernements provinciaux en viennent à jouer ce rôle même s’ils n’étaient pas et ne sont toujours pas équipés pour l’assumer lorsqu’il s’agit d’élaborer les politiques nationales. Les régions et les personnes qui bénéficient d’un accès disproportionné aux leviers politiques et décisionnels se sont opposées à des modifications fondamentales de la Constitution et des institutions politiques nationales, ce qui a contribué à attiser les tensions régionales au lieu de les atténuer. La décision du Québec de défendre les intérêts du Canada français étant donné que personne d’autre, y compris le gouvernement fédéral, n’était en mesure de le faire constitua un moment charnière28. Le Québec décida aussi qu’il valait mieux que la province se concentre sur les activités réalisées à l’intérieur de ses frontières géographiques pour promouvoir cet objectif. D’autres gouvernements provinciaux de l’Ouest et du Canada atlantique décidèrent pour leur part que le modèle impérial de fédéralisme préconisé par Macdonald ne pouvait pas répondre à leurs besoins. William Aberhart, par exemple, chercha à promouvoir les intérêts de l’Alberta en « utilisant le pouvoir et la position de l’Assemblée législative provinciale plutôt qu’en obtenant des changements législatifs à Ottawa en vue de modifier la politique nationale29 ». La Grande Crise fut un moment charnière. Elle démontra clairement que la structure fédérale définie en 1867 était incapable de faire face à une crise économique profonde. La Constitution devint un obstacle aux mesures que les décideurs fédéraux voulaient prendre pour lutter contre la crise économique et instaurer un régime de bien-être social. Incapables de modifier la Constitution de manière substantielle pour répondre à la crise, les décideurs d’Ottawa firent appel à un fédéralisme hybride pour mettre en œuvre les mesures qu’ils préconisaient. Plusieurs gouvernements provinciaux étaient favorables à cette approche et s’engagèrent dans un processus d’édification des provinces (province-building). Le pouvoir de dépenser d’Ottawa

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devint le nouveau pouvoir de révocation, ce qui occasionna toutefois un contrecoup important30 en ce sens que, comme il a été souligné, les gouvernements provinciaux en sont ressortis plus forts, plus éloquents, et qu’ils se sont faits les champions des intérêts régionaux. Ce revirement illustre lui aussi l’expérience du Canada. Le fédéralisme hybride a accru le pouvoir des gouvernements provinciaux, non seulement parce que ceux-ci ont maintenant accès à du financement du gouvernement fédéral, mais aussi parce que le fédéralisme hybride leur a ouvert une fenêtre sur les activités de l’administration fédérale à travers un vaste réseau de comités fédéraux-provinciaux. En outre, le fédéralisme hybride a procuré aux gouvernements provinciaux une présence sur la scène nationale, leur a permis de jouer un rôle proactif dans les provinces à l’aide des fonds fédéraux et leur a donné de nouvelles occasions et une exposition médiatique leur permettant de défendre les intérêts régionaux. Le fédéralisme hybride a donné aux fonctionnaires une présence et un pouvoir dans l’élaboration de nouvelles politiques et de programmes à coûts partagés. Il leur a permis de promouvoir leurs propres intérêts, d’étendre la portée des activités gouvernementales, d’alourdir le fonctionnement de l’appareil gouvernemental et de compliquer la reddition de comptes. Des exigences traditionnelles en matière de reddition de comptes ont été mises de côté pour faire place à des comités fédéraux-provinciaux de fonctionnaires chargés de planifier et de mettre en œuvre les programmes à coûts partagés nécessaires à la construction de l’État providence. L’institutionnalisme historique considère que la politique gouvernementale est le choix logique et rationnel qui s’impose à un moment donné31. C’est le cas au Canada. Le rapport Rowell-Sirois donna aux décideurs des solutions pour régler la situation en cause. L’institutionnalisme historique reconnaît que les moments charnières ont des conséquences inattendues et, encore une fois, c’est le cas au Canada. La Commission Rowell-Sirois et les décideurs à Ottawa entreprirent de s’attaquer à des difficultés économiques énormes et aux disparités de développement économique. Les exigences traditionnelles en matière de reddition de comptes ne faisaient pas le poids en regard des politiques et des programmes nécessaires à la construction de l’État providence. Bref, la santé des institutions politiques canadiennes a été reléguée au second plan, derrière les actions requises pour répondre aux exigences de l’heure en matière de politiques, ce qui était une conséquence inattendue de la mise en œuvre des recommandations du rapport Rowell-Sirois.

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Le fait que les moments de transformation au sein du fédéralisme canadien se sont produits en marge de la Constitution et, dans une grande mesure, à l’extérieur des institutions politiques nationales a contribué à alimenter les tensions régionales plutôt qu’à les apaiser. Les institutions obéissent à des règles, à des contraintes et à une logique d’acceptabilité32. Le fédéralisme hybride a rejeté le comportement attendu selon le modèle de Westminster et y a substitué ses propres procédures non officielles et sa propre logique d’acceptabilité. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il a transformé les comités fédéraux-provinciaux en organismes officiels autonomes. Le fédéralisme hybride a aussi créé des processus qui ne veulent pas dire grand-chose pour les personnes qui ne participent pas directement au processus décisionnel et a sérieusement embrouillé les exigences en matière de reddition de comptes33. Par ailleurs, l’approche de rafistolage au cas par cas dans les relations intergouvernementales a mené à l’instauration de politiques coûteuses et malavisées et éloigné les gouvernements de leurs responsabilités fondamentales. Sachant fort bien que les gouvernements provinciaux surveillent de près les dépenses du gouvernement fédéral, Ottawa a adopté une approche universelle pour régler des questions d’intérêt public importantes. C’est le cas notamment dans les soins de santé, mais c’est loin d’être le seul exemple. Peu après les élections générales de 2015, Ottawa a annoncé un ambitieux programme de construction d’infrastructures. Encore une fois, l’approche universelle s’est appliquée, sans égard au fait que le Canada est un pays de régions et que celles-ci diffèrent beaucoup les unes des autres. Il va sans dire que certaines régions du Canada ont besoin d’investissements en infrastructures, en particulier les grands centres urbains en pleine croissance comme Toronto, Montréal et Vancouver. Ces villes n’ont pas les infrastructures nécessaires pour accommoder une population grandissante ou, autrement dit, elles ont trop de résidents et pas assez d’infrastructures. D’autres régions, par contre, n’ont pas besoin de nouvelles infrastructures. Certaines ont plus d’infrastructures qu’elles n’en ont besoin, ou trop d’infrastructures et pas assez de résidents. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, par exemple, l’ajout d’infrastructures ne ferait qu’aggraver une situation déjà difficile34. Le programme d’infrastructures d’Ottawa exige une contribution financière des gouvernements provinciaux, ce qui impose une charge lourde à supporter pour les petites provinces moins nanties qui doivent se serrer la ceinture. Mais ce n’est pas tout. Une fois

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que l’infrastructure est en place, les gouvernements provinciaux doivent en assumer tous les frais d’entretien. Si le Canada avait des institutions nationales capables de tenir compte des réalités régionales, Ottawa aurait un programme d’infrastructures destiné aux régions qui en ont besoin et d’autres mesures à l’intention des régions qui n’en ont pas besoin, c’est-à-dire un programme d’infrastructures pour le Sud de l’Ontario et des mesures visant à contrer les effets du déclin et du vieillissement de la population pour le Nouveau-Brunswick. Le fédéralisme hybride à grande échelle n’a pas réussi à combler le fossé linguistique et culturel au Canada et à aplanir les différences économiques marquées entre les régions du pays. Le fédéralisme hybride laisse également en plan une exigence importante du fédéralisme : la nécessité que le gouvernement fédéral revoie ses propres politiques et activités afin de prendre en considération la situation économique des régions canadiennes. Le président du Comité des finances de la Chambre des communes explique que le Canada « est vraiment un pays de régions économiques aux caractéristiques très variées et, par conséquent, on ne peut simplement pas tout mettre dans le même panier35  ». Au lieu d’adapter ses politiques et programmes afin de répondre aux besoins des régions du pays, Ottawa s’en est remis à des comités fédéraux-provinciaux. Exaspéré par les tensions régionales, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que les Canadiens « méritent mieux qu’une discussion au cours de laquelle des dirigeants cherchent à monter en épingle des perceptions régionales sans tenir compte du contexte et des faits36 ». Il n’est certainement pas le premier premier ministre qui est dépassé par les doléances régionales. Les frustrations régionales et le clivage linguistique ont, plus que tout autre facteur, façonné l’histoire du Canada. Un journaliste canadien de premier plan a écrit : « Un pays qui se dispute sur des questions telles que les relations fédérales-provinciales ou la forme et les pouvoirs du Sénat canalise des émotions dans des activités qui demandent beaucoup de temps et qui sont plutôt inoffensives. » Jeffrey Simpson poursuit en citant les propos d’« un vieil ami » et affirme que le Canada éprouve « un malin sentiment d’envie régionale »37. Il est facile d’écarter le problème comme étant simplement de « l’envie régionale ». Ce diagnostic ne requiert aucun changement dans les institutions politiques nationales, uniquement un changement d’attitude de la part d’autres régions que l’Ontario – et tout ira pour le mieux. Voilà un exemple classique d’une erreur de diagnostic. Le seul

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changement d’attitude qui importe ne peut se produire qu’à l’intérieur des institutions politiques nationales du Canada, ce qui est possible uniquement si les institutions mêmes changent.

l e m o m e n t t r a n s f o r m ateur pour les t r ib u n au x e s t s u rvenu en 1982 Pierre Trudeau avait un but en se lançant en politique. Il voulait garantir la place du Québec au sein du Canada, rapatrier la Constitution et promouvoir les droits des individus38. À l’instar de John A. Macdonald et George-Étienne Cartier, et de lord Durham avant eux, Trudeau voyait le Canada selon une perspective linguistique et culturelle dualiste. Il a écrit : « Les jeux sont faits au Canada : il y a deux groupes ethniques et linguistiques; chacun est trop fort, trop bien enraciné dans le passé et trop bien appuyé sur une culturemère pour pouvoir écraser l’autre39. » De plus, Trudeau était consterné de voir le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, bafouer les droits des individus. On se souviendra que le gouvernement Duplessis adopta la « loi du cadenas » pour protéger la province contre les « agitateurs communistes ». Duplessis cibla également les Témoins de Jehovah en raison de leur attitude opposée à la guerre et de leur ferveur religieuse40. Trudeau exprima clairement son point de vue en 1967 : « Si nous réussissons à nous entendre sur les droits fondamentaux des citoyens, sur leur définition et leur protection à travers tout le Canada, nous aurons fait un pas important vers une réforme constitutionnelle de base41. » Une fois au pouvoir, Trudeau mit ses idées en avant, animé par ce seul objectif. Il organisa la Conférence constitutionnelle de Victoria, où il proposa un document relatif aux droits de la personne qui visait à protéger la liberté de pensée, la liberté d’association et les droits linguistiques42. L’initiative se solda par un échec lorsque le Québec refusa de donner son accord. Trudeau mena une nouvelle série de négociations constitutionnelles fédérales-provinciales en  1978-1979 qui comprenaient cette fois l’enchâssement d’une Charte des droits. Ces efforts furent aussi voués à l’échec parce que plusieurs provinces n’étaient pas prêtes à appuyer l’inclusion d’une Charte des droits dans la Constitution et parce que le mandat de Trudeau tirait à sa fin43. Trudeau revint au pouvoir avec un mandat majoritaire à la suite d’un bref intermède dans l’opposition, après que l’éphémère gouvernement minoritaire de Joe Clark eut perdu la confiance des

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Communes en 1980. Il résolut de rapatrier la Constitution et d’y enchâsser une Charte des droits avec ou sans l’appui des provinces. Il convoqua une conférence fédérale-provinciale où il présenta un «  ensemble [de propositions] pour le peuple  ». Comme chacun le sait, les débats qui suivirent furent acrimonieux et semèrent la discorde, et il n’est pas nécessaire de revoir le fil de ces événements ou ce sujet largement étudié44. Trudeau n’avait pas l’intention de faire marche arrière malgré la vive opposition de huit gouvernements provinciaux. Il venait d’obtenir un mandat majoritaire et il ne fallait pas rater l’occasion. Il estimait que, s’il parvenait à ses fins, il serait inutile qu’il sollicite un nouveau mandat, et tant pis pour les intérêts du Parti libéral. Il voulait mener à bien des objectifs plus importants, l’ambition qu’il nourrissait depuis toujours d’enchâsser les droits des citoyens et des citoyennes dans la Constitution. Il se trouve que le Parti libéral subit une défaite cuisante lors des élections suivantes, obtenant seulement 40 sièges contre 211 pour le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Trudeau eut toutefois gain de cause en 1982. Il réussit à rapatrier la Constitution et à y adjoindre une formule de modification et la Charte des droits et libertés, décrite comme sa magnifique obsession45. Puisque le but qu’il s’était fixé était d’enchâsser les droits de la personne dans la Constitution, il n’était pas nécessaire de modifier la Constitution pour assurer aux institutions politiques nationales la capacité de s’occuper du facteur régional. Pour les politiciens de l’Ontario et du Québec depuis l’époque du Haut et du Bas-Canada, le problème n’est pas aussi évident que pour les Canadiens de l’Ouest et de l’Atlantique. Les efforts fructueux de Trudeau pour rapatrier la Constitution démontrent qu’à force de volonté une personne peut à elle seule – du moins, quand on est premier ministre ou première ministre – provoquer une transformation qui donne des résultats durables. Cela dit, la Charte permet aux provinces de passer outre à certains droits des citoyens. Certains premiers ministres provinciaux craignaient que la Charte ne compromette le dernier vestige qui subsistait au Canada du gouvernement parlementaire fondé sur le modèle de Westminster46. Une disposition de dérogation fut incluse dans la Constitution, permettant au Parlement ou aux assemblées législatives provinciales de passer outre à certaines parties de la Charte. Le Québec n’a toujours pas ratifié la Constitution. Rappelons que lors du 20e anniversaire de la Charte, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité la résolution suivante  : «  Que

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l’Assemblée nationale réaffirme qu’elle n’a jamais adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982 qui a eu pour effet de diminuer les pouvoirs et les droits du Québec sans le consentement du gouvernement québécois et de l’Assemblée nationale et que celle-ci est toujours inacceptable au Québec47. » L’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 constitua un moment charnière dont les effets se sont profondément fait sentir dans la société canadienne, au Parlement, dans les deux ordres de gouvernement et dans la fonction publique fédérale. Les Canadiens et les Canadiennes membres des communautés autochtones et des minorités linguistiques, ceux qui demandent l’approbation du mariage entre conjoints de même sexe et les membres de la communauté lgbtq n’ont plus besoin de se tourner vers le Parlement pour trouver des solutions. Deux observateurs attentifs de l’application de la Charte soutiennent que celle-ci a lancé les tribunaux, le Parlement et le gouvernement sur une nouvelle trajectoire. Rainer Knopff et F.L. Morton vont jusqu’à affirmer que « la longue tradition de suprématie parlementaire  » au Canada a été compromise et que l’on y observe maintenant une suprématie du judiciaire. Ils ajoutent que les juges jouent maintenant un rôle actif dans le processus politique et qu’ils « ont abandonné la déférence et la retenue qui caractérisaient leur jurisprudence antérieure à la Charte »48. Emmett Macfarlane a émis le commentaire suivant au sujet de la relation entre le gouvernement Harper et les tribunaux : « Depuis l’adoption de la Charte, c’est le seul gouvernement dont des politiques contenues dans sa plateforme électorale ont été invalidées (pas moins de cinq promesses importantes ont en effet été touchées). C’est aussi le seul gouvernement qui a perdu toutes les causes judiciaires qu’il a portées devant la Cour suprême. Le gouvernement conservateur n’a pas réussi à influencer le comportement de la Cour par ses nominations à la magistrature ou par d’autres moyens, en grande partie en raison des éléments qui subsistent de la longue tradition antérieure à la Charte, dont la Cour elle-même49. » La Charte a eu des répercussions importantes à l’intérieur de l’appareil gouvernemental. Elle a renforcé la position du centre dans ses rapports avec les ministères (en raison de l’examen des lois au regard de la Charte). Elle a obligé la plupart des ministères à embaucher du personnel juridique supplémentaire pour traiter des questions liées à la Charte, telles que les droits des Autochtones et ceux des minorités linguistiques. Nous savons également que la Cour suprême a non seulement donné instruction aux ministères de prendre certaines

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mesures, mais aussi indiqué la façon de les mettre en œuvre. Dans certains cas, les jugements ont entraîné des coûts additionnels pour le gouvernement, et les tribunaux ont simplement laissé les gouvernements prendre les décisions difficiles qui en découlaient. Bref, la Loi constitutionnelle de 1982 adoptée sous Trudeau a établi une nouvelle dépendance trajectorielle pour les institutions, les politiciens et les fonctionnaires. Les âpres négociations fédérales-provinciales du début des années  1980, suivies de l’échec des accords du lac Meech et de Charlottetown, ont laissé à Ottawa et dans les capitales provinciales, quelle que soit l’allégeance politique, un sentiment d’amertume envers de futurs efforts visant à modifier la Constitution50. La formule de modification unanime n’a jamais été employée, et la formule de 7 provinces représentant 50 % de la population n’a été appliquée qu’une seule fois pour résoudre des questions autochtones peu après l’entrée en vigueur de la Charte. Nous avons vu des changements constitutionnels bilatéraux lorsque le gouvernement fédéral et une province se sont entendus pour modifier la Constitution afin de régler une situation locale. C’est ce qui s’est produit en 1993 lorsque Ottawa et le Nouveau-Brunswick ont convenu d’enchâsser l’égalité des deux communautés linguistiques officielles51. Le Canada continuera très probablement de passer outre à la Constitution lorsqu’il sera forcé d’agir comme il le fut après la Grande Crise ou lors de la construction de l’État providence. Le projet d’une réforme constitutionnelle au Canada a été renvoyé aux calendes grecques. En conséquence, d’importantes questions constitutionnelles telles qu’une réforme du Sénat et l’admission future des territoires à titre de provinces demeurent irrésolues. La croyance que le Canada peut repousser indéfiniment la tenue de négociations constitutionnelles laisse la Constitution et de nombreux décideurs dans un état de paralysie. La Cour suprême a décidé dans l’arrêt Comeau que rien dans la Constitution du Canada ne garantit le libre-échange entre les provinces. La Cour a décidé à l’unanimité en 2018 que le Nouveau-Brunswick avait le droit d’imposer une amende à Comeau pour avoir importé 14  caisses de bière du Québec52. L’Alberta et la Colombie-Britannique se sont empressées d’analyser la décision étant donné leurs conflits au sujet de l’expansion d’oléoducs. Certains observateurs n’ont pas tardé non plus à reprocher aux tribunaux de freiner le libre-échange entre les provinces53. Les barrières au commerce sont cependant le produit des gouvernements provinciaux et non des tribunaux. Le

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Nouveau-Brunswick n’est pas la seule province à penser que les politiques nationales et l’intérêt national sont du langage codé pour désigner l’intérêt de seulement quelques provinces densément peuplées.

p o u r l a f o n c t io n publi que, to u t a c o m m e n c é e n 1918-1919 La fonction publique canadienne prit véritablement son envol il y a environ un siècle. Un ensemble de rapports et de mesures, certains inspirés de Grande-Bretagne, d’autres des États-Unis, commencèrent à transformer la fonction publique du Canada en une institution professionnelle non partisane habilitée à classer les postes en fonction des rôles, des responsabilités et des exigences professionnelles qui y étaient rattachés. En s’appuyant sur des concours fondés sur le mérite au lieu de nominations partisanes pour garnir ses rangs, la fonction publique accrut son influence et son degré d’indépendance de ses maîtres politiques. Ce fut une transformation qui résultait du désir de développer des capacités et des compétences en matière de formulation de politiques et d’administration et qui s’inspirait d’initiatives récentes mises en place dans d’autres États qui poursuivaient des objectifs semblables54. Si une telle formule était judicieuse pour la Grande-Bretagne, on se disait qu’elle devait être judicieuse pour le Canada au début du 20e siècle. Il est ironique que, quelque 60  ans plus tard, des efforts pour engendrer une deuxième période de transformation de la fonction publique aient été déployés parce que les hommes et les femmes politiques estimaient que les fonctionnaires exerçaient une trop grande influence sur les politiques et qu’ils n’accordaient pas assez d’importance à la gestion. La deuxième tentative de procéder à une transformation de la fonction publique était liée à la nouvelle gestion publique (ngp). La première période de transformation plaça la fonction publique sur une nouvelle trajectoire durable; la deuxième tentative n’a pas eu autant d’effet. Au mieux, elle a obtenu seulement 50 % des effets qu’elle cherchait à produire55. La transformation survenue au cours de la première période était assez simple  : faire de la fonction publique une institution professionnelle et non partisane. La fonction publique avait d’ailleurs de bonnes raisons de profiter du moment et de se lancer sur une nouvelle trajectoire de dépendance. La plupart des politiciens croyaient également que le changement servirait leurs intérêts, car il donnait lieu à un contexte qui serait bénéfique pour eux ainsi que pour les

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fonctionnaires56. Les politiciens continueraient de prendre toutes les décisions stratégiques importantes et certaines décisions en matière de programmes, tandis que les fonctionnaires fourniraient sans crainte ni favoritisme des conseils en matière de politiques et mettraient en œuvre des programmes conformément aux règles prescrites et conçues pour promouvoir l’égalité des activités et des services offerts par les gouvernements. Tout le monde ramait dans le même sens. Toutefois, la transformation réussie de la fonction publique engendra son lot de problèmes. Avec le temps, les politiciens sentirent qu’ils perdaient leur capacité à orienter les nouvelles politiques. De plus, le processus décisionnel, lent et axé sur les règles, devint une source de frustration pour les politiciens, qui se mirent à comparer la gestion de l’appareil gouvernemental avec celle observée dans le secteur privé. C’est ainsi que s’amorça l’initiative visant à rendre la gestion de l’appareil gouvernemental semblable à celle pratiquée dans le secteur privé. Plus tard, les politiciens devinrent convaincus que les fonctionnaires contrecarraient leur désir d’apporter des changements aux politiques, aux programmes et aux activités du gouvernement. À compter des années 1980, les politiciens décidèrent de redoubler de détermination à repousser les fonctionnaires hors du domaine de l’élaboration des politiques et à renforcer leur fonction de gestionnaires. La transformation anticipée ou espérée a complètement échoué, du moins au Canada. Cela n’a toutefois pas été le cas dans d’autres pays, telles la Grande-Bretagne et l’Australie. Il y a là un important message à retenir pour les institutions politiques canadiennes. Au Canada, en même temps qu’on disait aux hauts fonctionnaires de devenir de meilleurs gestionnaires et de prendre leurs homologues du secteur privé pour modèles, on leur imposait de nouvelles exigences en matière de transparence et de reddition de comptes, ces dernières ne convenant pas toujours bien au gouvernement. Et toujours en même temps qu’on leur disait de prendre leurs homologues du secteur privé pour modèles, on leur disait également de mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles, de promouvoir les efforts dans le domaine de l’équité en matière d’emploi et de se plier aux demandes d’organismes de surveillance de plus en plus nombreux. Les politiciens et les politiciennes croyaient qu’en forçant les hauts fonctionnaires à se concentrer sur la gestion ils seraient eux-mêmes en mesure de s’emparer des moyens d’action permettant d’orienter les nouvelles politiques. Ils se sont vite rendu compte, cependant,

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que la maîtrise d’un levier politique réservait parfois de mauvaises surprises dont les effets se faisaient sentir bien au-delà de leur ministère. Ils ont appris également que les campagnes électorales permanentes exigeaient des paires de mains sûres, ce que les fonctionnaires pouvaient fournir compte tenu de leur connaissance approfondie de l’appareil gouvernemental. On a bientôt compris que la gestion continuerait d’être réservée aux fonctionnaires les moins doués. La nouvelle gestion publique a eu une incidence modeste au Canada et n’a fait qu’aggraver la situation57. De plus, comme on l’a vu, il s’est creusé une ligne de faille dans la fonction publique, qui a affaibli les services de première ligne et rendu les fonctionnaires moins accessibles. La ngp a également élargi le fossé entre les ministres et les hauts fonctionnaires désireux d’élaborer des politiques et de servir le premier ministre, et les fonctionnaires qui travaillent en première ligne auprès des clients. Elle a aussi renforcé considérablement les administrations centrales des ministères à Ottawa aux dépens des bureaux régionaux et locaux, atténuant d’autant plus la capacité de l’appareil gouvernemental fédéral de tenir compte de l’influence qu’exerce le facteur régional au Canada. Qu’est-ce qui a changé? Aux yeux de plusieurs observateurs avisés de l’administration publique, les fonctionnaires les plus haut placés se sont rendus coupables de promiscuité partisane alors qu’ils ont été de plus en plus projetés sous les feux de la rampe par leurs maîtres politiques58. Je reconnais que la pratique de la promiscuité partisane chez les fonctionnaires n’est pas un phénomène nouveau; depuis l’époque de Mackenzie King, les premiers ministres ont toujours recherché des sous-ministres qui sont favorables à leur programme d’action politique59. Ce qui est différent, c’est que de nos jours les hauts fonctionnaires, dans leur désir ardent de compter parmi les courtisans du premier ministre, se préoccupent moins de la santé de la fonction publique située sous la ligne de faille que ne le faisaient leurs prédécesseurs. La fonction publique canadienne qui se trouve sous la ligne de faille a été particulièrement dépendante de sa trajectoire passée. Elle a repoussé les mesures inspirées de la nouvelle gestion publique en donnant une impression de changement tout en demeurant inchangée. Selon mes calculs, au moins 8  tentatives ambitieuses ont été déployées pour renouveler la fonction publique au cours des 25 dernières années, dont plusieurs ont été menées par le Bureau du Conseil privé. Un examen des tentatives réalisé par un ancien haut

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fonctionnaire a conclu qu’elles avaient toutes «  évité le problème inhérent60 » ou évité de déclencher une période de transformation. Le gouvernement et la fonction publique ont écarté l’idée de restructurer la fonction publique selon des critères régionaux plutôt que des critères fonctionnels afin qu’elle reflète mieux la composition du pays61. Selon l’argument avancé pour justifier cette idée, le gouvernement produirait de meilleures politiques s’il était explicitement organisé autour d’intérêts régionaux pour déterminer les grandes orientations nationales62. De plus, les gouvernements provinciaux verraient ainsi leur rôle diminuer en tant que porte-parole des régions sur la scène nationale. La seule personne capable de s’attaquer au cœur du problème est le premier ministre et, selon son point de vue, il vaut mieux laisser les choses telles qu’elles sont. Une fonction publique dépendante de sa trajectoire sert les intérêts du premier ministre. Les premiers ministres et leurs courtisans ont toutes les raisons de vouloir que le gouvernement et la fonction publique restent sur les rails dans des domaines qui ne retiennent pas leur intérêt. Une fonction publique dépendante de sa trajectoire est la solution quand on cherche à éviter les controverses et les surprises dans les ministères qui présentent un intérêt limité pour le premier ministre. Les politiciens de haut rang possèdent également l’avantage d’avoir accès aux lobbyistes, dont beaucoup connaissent très bien les façons de faire du gouvernement, s’ils ont besoin d’obtenir des conseils à l’extérieur de la fonction publique ou de sonder des groupes de clients du gouvernement sur la façon dont ils reçoivent ses politiques, ses programmes et ses décisions. Par ailleurs, nous avons vu dans les chapitres précédents que la question de l’unité nationale et la crainte d’alimenter les tensions régionales ont ralenti l’adoption de mesures inspirées de la nouvelle gestion publique, notamment des initiatives telles que l’introduction du concept d’administrateur des comptes. Les deux facteurs continuent de décourager la création de moments porteurs de transformation pour la fonction publique. Les premiers ministres ne veulent tout simplement pas détourner leur attention de la question de l’unité nationale pour la porter sur les problèmes de gestion du secteur public. L’expérience de la Grande-Bretagne et de l’Australie révèle que le premier ministre doit constamment s’engager à assurer que la transformation dont ces moments sont porteurs dans la fonction publique et l’appareil gouvernemental puisse prendre racine.

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d o n n e r u n s e n s à tout cela Je ne connais aucun analyste de l’appareil de l’État qui prétend qu’il vaut mieux laisser la situation telle qu’elle est, et je connais peu de praticiens qui insistent pour dire que tout va bien dans les institutions nationales du Canada63. Pourtant, maints observateurs font valoir que le Canada est l’une des meilleures démocraties dans le monde64, ce qui semble indiquer que la démocratie représentative est partout aux prises avec des difficultés importantes. C’est pourquoi nous avons vu paraître récemment une foule de livres aux titres inquiétants, notamment Four Crises of American Democracy, The End of Whitehall, Democracy in Decline et How Democracies Die65. Même si d’autres pays éprouvent aussi des difficultés à assurer le bon fonctionnement de leur démocratie représentative, il ne faut pas croire pour autant que la population canadienne doive s’abstenir de corriger les faiblesses ou les lacunes que comportent la Constitution et les institutions du pays. Robert Asselin, ancien conseiller principal de trois chefs du Parti libéral, dont Justin Trudeau, et du ministre des Finances, Bill Morneau, ainsi qu’ancien chercheur en politiques publiques au Woodrow Wilson Center, a relevé trois problèmes fondamentaux au sein de la démocratie représentative au Canada : 1) la légitimité politique étant donné la baisse du taux de participation électorale; 2) la manière dont les institutions amènent les décideurs à répondre de leurs actes; 3) la perte de confiance dans les institutions66. L’ancien premier ministre Paul Martin a souvent fait allusion au déficit démocratique du Canada et promis d’apporter un changement en profondeur à la culture parlementaire du Canada et de rééquilibrer la relation entre le Cabinet et la Chambre des communes67. Il n’a pas réussi, au cours de son bref mandat comme premier ministre, à avoir le moindre effet sur la culture parlementaire ou à rééquilibrer quelque relation que ce soit à l’intérieur des institutions ou entre celles-ci. Les premiers ministres qui lui ont succédé, Stephen Harper et Justin Trudeau, ont aussi promis de transformer la culture à l’intérieur du Parlement et le fonctionnement du Cabinet, Trudeau soulignant qu’il ramènerait le gouvernement de cabinet. Il ne l’a pas fait. Au contraire, il a concentré encore plus de pouvoir à l’intérieur de son bureau et il s’est départi des ministres régionaux, comme on l’a noté. Le Canada a été témoin d’une désinstitutionnalisation progressive de ses institutions politiques nationales, qui a amené de nombreux Canadiens et Canadiennes à ne plus croire que les institutions

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représentent leurs intérêts à l’heure actuelle. Les institutions jouent néanmoins un rôle important. Elles établissent les règles expresses ou implicites qui guident les interactions et les activités humaines, et leur durabilité repose sur leur aptitude à fixer des attentes stables quant aux comportements des individus. Les institutions permettent « la pensée ordonnée, l’anticipation et l’action en donnant forme et cohérence aux activités humaines68 ». En somme, les institutions à la fois contraignent et facilitent certains comportements au moyen de règles et de processus officiels. La présente étude fait valoir que les institutions nationales du Canada sont défaillantes à cet égard. Les règles expresses ou implicites sont maintenant élaborées à la hâte en fonction du moment. La dépendance trajectorielle et l’institutionnalisme historique expliquent-ils l’évolution des institutions politiques nationales du Canada69? L’institutionnalisme historique se rapporte essentiellement à des institutions qui sont actives sur de longues périodes de stabilité – ce que l’on appelle la dépendance trajectorielle – interrompues par des moments de turbulence formateurs. C’est lors de tels moments de turbulence que de nouveaux objectifs sont établis, puis les institutions s’adaptent et une nouvelle période de stabilité s’amorce70. L’institutionnalisme historique considère que le changement est le choix le plus rationnel à un moment donné71. Une fois que le changement est en place, les politiciens et les fonctionnaires adaptent leurs objectifs afin de maximiser leur intérêt. Parfois, le changement est soudain et se produit en réaction à des forces exogènes ou endogènes. Toutefois, le changement ne se traduit pas toujours par un changement des personnes au pouvoir. Dans certains cas, le pouvoir change de mains; dans d’autres, les personnes qui détiennent le pouvoir feront des pieds et des mains pour s’y accrocher ou l’accroître. Je ne peux pas, en quelques paragraphes, donner un aperçu satisfaisant de la documentation de plus en plus abondante qui porte sur la dépendance trajectorielle et l’institutionnalisme historique. Je souligne que cette approche est axée sur la résolution de problèmes et qu’elle a été adoptée dans divers contextes nationaux et dans une perspective comparative72. Je prétends que la dépendance trajectorielle et l’institutionnalisme historique expliquent bien l’évolution du fédéralisme canadien et des institutions politiques du pays. J’apporte néanmoins des précisions importantes. Je soutiens que, dans certains cas, les moments charnières ont provoqué l’effritement des institutions en ce sens qu’ils

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ont amené les politiciens et les fonctionnaires à s’affranchir des limites des institutions, de leurs règles et de leurs procédures. Dans d’autres cas, ces moments n’ont pas entraîné un changement des personnes qui détiennent le pouvoir dans la fédération. Dans d’autres cas encore, ils ont contribué à concentrer davantage le pouvoir entre les mains du premier ministre et de ses courtisans au sein de l’appareil gouvernemental fédéral. Et dans d’autres situations, les moments de transformation ont permis aux responsables des politiques et aux décideurs canadiens de s’appuyer sur des conventions larges et vaguement définies pour faire avancer les choses. Bref, j’affirme que l’institutionnalisme historique explique à la fois la persistance des valeurs et des processus et l’apparition de moments charnières, du moins dans le cas du Canada. L’institutionnalisme historique nous permet également de comprendre comment et pourquoi le fédéralisme canadien a été remodelé au fil du temps. Lorsque de nouvelles approches sont adoptées, elles s’intègrent dans les processus existants au lieu de remplacer les formes institutionnelles en place. Je soutiens qu’il vaut mieux examiner les rapports entre les institutions et les organismes au cours des époques pour comprendre le changement, plutôt que de mettre l’accent sur une seule institution ou sur des individus. Il est important de procéder ainsi en raison de la complexité de l’organisation institutionnelle du Canada. Les institutions politiques nationales du pays répartissent inégalement le pouvoir entre les régions en accordant à certaines un accès disproportionné aux leviers politiques et décisionnels73. C’est là un autre facteur qui a accentué leur tendance à la dépendance trajectorielle. L’argument central de mon analyse est que la dépendance trajectorielle et l’institutionnalisme historique expliquent à la fois la nature des moments de transformation survenus et le peu de progrès réalisés dans l’évolution du fédéralisme canadien, des institutions nationales et de la fonction publique du pays. Bref, ils expliquent pourquoi les institutions nationales du Canada dépendent fortement de la trajectoire passée ou sont incapables de se transformer en profondeur à moins de faire face à une situation qui exige des changements fondamentaux, telle la Grande Crise. C’est aussi pourquoi les moments charnières les plus marquants dans l’histoire du Canada sur le plan des politiques sont survenus à l’extérieur de ses institutions politiques habituelles parce que celles-ci n’étaient pas en mesure de les accommoder. C’est ce qui a causé l’effritement progressif des institutions.

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L’institutionnalisme historique et la dépendance trajectorielle expliquent en grande partie à la fois l’évolution et le manque d’évolution qu’ont connus la Constitution canadienne et les institutions politiques et administratives nationales du pays. Cependant, ils n’expliquent pas tout. L’institutionnalisme historique surestime en effet le rôle des institutions et sous-estime le rôle des idées; les institutionnalistes historiques n’affirment pas que les institutions sont la seule force qui importe en politique1. Cela dit, il survient parfois des moments de transformation – le Canada n’y fait pas exception – et de tels moments amènent les institutions à s’engager sur une nouvelle trajectoire. Des politiciens et des hauts fonctionnaires canadiens de premier plan ont réussi à engendrer et à gérer des moments de transformation lorsqu’ils faisaient face à une crise (la crise économique de 1929) ou lorsqu’un premier ministre menait une initiative avec un objectif bien précis (le rapatriement de la Constitution). En appliquant l’institutionnalisme historique et la dépendance trajectorielle au contexte canadien, je veux démontrer qu’il est particulièrement difficile de créer des moments de transformation au Canada en raison de la Constitution du pays, de ses institutions politiques et de son caractère régional. Si l’on se fie au passé, le prochain moment transformateur au Canada sera déclenché soit par une crise politique ou économique importante, soit par l’initiative de dirigeants politiques déterminés à atteindre un objectif bien défini. On peut difficilement prévoir la nature de la prochaine crise, si elle sera politique ou économique, ou le moment où elle aura lieu. On peut néanmoins prévoir que les mesures pour remédier à la crise, de quelque façon que ce soit, seront adoptées en dehors du cadre constitutionnel.

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La Constitution du Canada demeure rigide, du moins sa partie écrite. À cause des différences, voire des tensions régionales, les premiers ministres provinciaux ont beaucoup de mal à s’entendre sur ce qui constitue l’intérêt national et encore plus à accepter de modifier la Constitution. Les Pères de la Confédération supposaient qu’il appartiendrait au Parlement canadien et au Cabinet fédéral de définir l’intérêt national. Comme le Parlement et le Cabinet fédéral n’ont pas la capacité de défendre les intérêts de toutes les régions, y compris les moins peuplées, il leur est très difficile de définir et de promouvoir un intérêt national qui interpelle toutes les régions du Canada. Il existe au Canada de nombreuses problématiques dont la solution exige un moment de transformation. Il est beaucoup plus difficile, cependant, de garder le cap dans l’environnement politique actuel que ce ne l’était lors du dépôt du rapport Rowell-Sirois ou lorsque Pierre Trudeau procéda au renouvellement de la Constitution. Les dirigeants politiques devront donc être fermement déterminés à apporter des changements quelle que soit la problématique. Les médias sous toutes leurs formes exercent maintenant une plus grande influence dans la vie politique qu’il y a 30 ans. Le cycle de l’information continue et les médias sociaux sont venus complètement changer la donne. Ils ont accentué la discorde et la division. La « médiatisation » de l’action politique est telle qu’elle modifie non seulement ce qu’on nous dit, mais aussi ce que nous savons, la façon dont nous le savons et notre façon de penser et d’agir2. La relation entre les nouveaux médias et la scène politique est encore en état de transition, et les premiers signes semblent indiquer que les hommes et les femmes politiques ont aujourd’hui plus de difficulté à traiter avec les médias tant traditionnels que nouveaux. Les médias traditionnels, qui exercaient un contrôle éditorial, étaient considérés comme les défenseurs de la démocratie, informant les citoyens de façon objective dans la plupart des cas et leur donnant les moyens de prendre des décisions éclairées3. L’évolution des médias représente un défi de taille pour les politiciens et le Canada, compte tenu des divisions régionales au sein du pays. La transition entre un monde où toute action politique s’inscrit dans un contexte local ou régional et le monde des médias sociaux, où toute action politique s’inscrit dans un contexte social, sera particulièrement ardue pour les futurs premiers ministres. Conjuguée aux appels incessants à une plus grande transparence, cette transition rendra la tâche doublement difficile pour les dirigeants politiques qui voudront créer des moments de transformation. Je rappelle au lecteur

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que la mise en œuvre des recommandations du rapport Rowell-Sirois et le rapatriement de la Constitution canadienne sont survenus avant l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information, et que les Pères de la Confédération purent sans difficulté tenir leurs négociations loin des médias et du public. De plus, les médias sociaux font en sorte qu’il est très difficile sinon impossible pour les citoyens et les citoyennes du pays d’être d’accord sur un ensemble commun de faits. Nous avons constaté dans un chapitre précédent que les médias sociaux favorisent l’affinité au sein de groupes spécifiques, le cloisonnement, la propagation de fausses nouvelles et les théories du complot. Si vous voulez croire que les changements climatiques sont une supercherie, il y a un site Web pour vous. Si vous voulez croire que la charia fait son entrée en Amérique du Nord, il y a un site Web pour vous. Les médias sociaux ont contribué à donner une vision simpliste de problèmes sociaux complexes et ont fait des politiciens et d’autres représentants du gouvernement des cibles faciles. Doug Saunders rapporte qu’il a demandé à des décideurs de divers pays occidentaux, y compris le Canada : qu’est-ce qui vous fait peur? La réponse typique : « Nous sommes en train de perdre contact avec un grand nombre d’électeurs qui tirent toutes leurs nouvelles et leurs informations de messages et de vidéos parus dans les médias sociaux. Nous ne pouvons tout simplement plus entrer en contact avec ces personnes. Elles abandonnent les pratiques politiques normales4. » En revanche, les médias traditionnels en déclin sont mieux adaptés pour intéresser les citoyens à la politique. Ils offrent un cadre institutionnel, fournissent un tronc commun de faits et agissent comme un agent de cohésion dans la société en faisant la promotion de questions d’intérêt public et en les examinant selon des perspectives variées5. Les médias traditionnels respectent la hiérarchie. Les médias sociaux, par contre, ont bien peu à faire de la hiérarchie; ils échappent largement à la réglementation et à la surveillance et sont souvent anonymes. Les nouveaux médias ne semblent pas promouvoir un engagement civique accru, comme le révèlent les taux de participation électorale6. Bref, les partisans des moments de transformation devront affronter les nouveaux médias, qui sont imprévisibles, incontrôlables et souvent détachés des faits. Les médias traditionnels et les nouveaux médias ne sont certainement pas le seul facteur qui rend la tâche difficile aux dirigeants politiques qui souhaitent apporter des transformations. Les nouveaux Canadiens continueront d’avoir une incidence sur les priorités

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politiques du Canada. Le pays a accueilli environ cinq millions de nouveaux arrivants au cours des 25 dernières années et maintenant 22 % des Canadiens et des Canadiennes sont nés à l’étranger.7 À leur arrivée au Canada, ils connaissent peu les tensions régionales passées ou même celles qui y existent à l’heure actuelle et la façon dont les institutions politiques du pays ont fait fi dès le départ des exigences du fédéralisme intra-étatique. Ils sont venus au Canada pour améliorer les perspectives de leur famille. La plupart s’établissent dans des régions densément peuplées, renforçant le pouvoir politique de régions qui en ont déjà beaucoup. Puisqu’ils ont quitté leur pays d’origine en quête de meilleures possibilités d’avenir, ils ne voient pas d’emblée les faiblesses des institutions nationales canadiennes ou ne comprennent pas les tensions régionales et encore moins leurs causes profondes. Ils souhaitent peut-être qu’on ne touche pas aux institutions nationales. Toutes les faiblesses qu’elles comportent ne sont probablement rien en comparaison de celles des institutions politiques qu’ils et elles ont laissées derrière eux. Le défi pour les futurs premiers ministres consiste à trouver un moyen de concilier les attentes des néo-Canadiens et des régions densément peuplées avec les doléances régionales profondément ancrées dans huit provinces. Le défi échappe à la portée d’un seul individu, si puissant soit-il, y compris le premier ministre.

q u e fa ire? Les pays occidentaux sont aux prises avec un déficit démocratique. Comme il a été noté dans l’introduction, le déficit démocratique du Canada présente un caractère particulier du fait de l’incapacité des institutions nationales de prendre en considération le facteur régional et de promouvoir l’équité régionale, abstraction faite des régions populeuses. Autrement dit, la perspective régionale n’a pas sa place dans les institutions politiques et administratives nationales du Canada et c’est là que réside le problème. Ce n’est toutefois pas le seul problème qui témoigne du déficit démocratique du Canada. Nous avons vu aussi plus tôt que le Parlement, le Cabinet et la fonction publique se trouvent tous dans un état de délabrement. Si l’on fait exception de la Charte des droits et libertés – une exception importante –, les moments charnières et les rebondissements qui ont marqué les institutions politiques nationales du Canada se sont produits en marge du cadre constitutionnel. Les institutions politiques et administratives du Canada sont tissées de nombreux

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fils invisibles. Le fonctionnement du Parlement et du gouvernement repose en grande partie sur des conventions constitutionnelles ou sur des « règles de comportement obligatoires » qui ne sont pas juridiquement exécutoires devant les tribunaux, si bien qu’elles ne sont obligatoires que dans un sens politique, y compris l’obligation d’agir de bonne foi8. Les conventions constitutionnelles dans les systèmes parlementaires inspirés du modèle de Westminster sont omniprésentes dans les activités du Parlement et du gouvernement. Il est bon de souligner encore une fois que la Constitution écrite du Canada ne fait même pas mention du rôle du premier ministre, par exemple. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est possible de mettre en avant des mesures de réforme importantes sans modifier officiellement la Constitution. Par exemple, rien n’empêchait le premier ministre Justin Trudeau de nommer des sénateurs indépendants. Rien n’empêche non plus le Sénat d’adopter une nouvelle organisation fondée sur une base régionale, comme les anciens sénateurs Michael Kirby et Hugh Segal l’ont recommandé9. Rien n’empêchait le premier ministre Justin Trudeau de se défaire des ministres régionaux. Rien n’empêcherait non plus un futur premier ministre de désigner un ministre responsable d’une région donnée. L’élément crucial pour promouvoir des changements importants est la volonté politique ou la volonté de dépenser du capital politique. La personne qui décide si un enjeu justifie une dépense de capital politique est le premier ministre et uniquement le premier ministre.

re m é d ie r à l’ e f f r it e m ent du parlement À Ottawa, tout gravite autour du premier ministre et de ses courtisans. Je suis loin d’être le seul à prétendre que ces acteurs dominent le gouvernement fédéral en toute chose et qu’ils gouvernent à partir du centre10. Nous savons que le premier ministre domine maintenant les campagnes électorales, le Parlement, le Cabinet, le caucus et la fonction publique. Chaque nouveau phénomène, semble-t-il, sert à renforcer sa position, de l’avènement des campagnes électorales permanentes à l’essor des nouveaux médias. Les choses à Ottawa devraient cependant graviter autour du Parlement plutôt que du premier ministre, et c’est sur ce plan qu’il faut d’abord intervenir pour corriger le déficit démocratique du Canada. Le Parlement est la seule institution nationale qui a des liens directs avec toutes les collectivités canadiennes, petites et grandes, par l’entremise des personnes qu’elles élisent à la Chambre des communes.

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Il est toutefois impossible de remettre le Parlement sur un piédestal, au-dessus de toutes les autres sources d’autorité. Contrairement à 1867, le Parlement doit maintenant coexister avec d’autres sources d’autorité, en particulier les tribunaux et les assemblées législatives provinciales. S’il est impossible de rétablir nos institutions dans leur état originel, il est possible de donner un nouveau souffle au Parlement en vue de renforcer son rôle et les liens qui l’unissent à la population canadienne. Le défi est de déterminer avec soin ce que le Parlement est en mesure d’accomplir et ce qu’il n’est pas en mesure d’accomplir dans le contexte politique et juridique actuel. Nous pouvons commencer par admettre que tout ne va pas pour le mieux au Parlement. Un récent sondage auprès des députés en exercice révèle qu’une majorité d’entre eux était insatisfaite de la qualité des débats et des rouages des Communes11. Les idées ne manquent pas sur les moyens de renforcer le rôle du Parlement. Une multitude d’études produites par des parlementaires, des groupes de réflexion et d’éminents universitaires proposent des façons d’améliorer le Parlement. Il importe de souligner cependant que le Parlement ne prend pas les décisions ou ne les met pas en œuvre; il incombe au gouvernement de le faire. Le Parlement n’exerce pas et ne doit pas exercer la responsabilité de la gestion quotidienne des politiques et des programmes. Le Parlement devrait plutôt exercer une influence et être perçu comme exerçant une influence. Le Parlement a vu son influence s’étioler ces dernières années. Nous en sommes au point où ce qui se dit dans l’enceinte du Parlement est beaucoup moins important que ce qui se dit dans maints autres contextes, notamment les chaînes télévisées d’information continue. Trop souvent, la démocratie parlementaire n’est guère plus qu’un complément de la bataille médiatique entre les machines électorales des partis12. On ne saurait trop insister sur l’ampleur du défi. Les politiciens ne sont pas tenus en haute estime, tant individuellement que collectivement. L’essor des nouveaux médias a produit un courant virulent d’opposition au monde de la politique13. Le respect à l’égard des institutions politiques a également diminué au cours des dernières années. Le désir d’affirmer la suprématie du jugement populaire sur les points de vue des représentants élus et des experts est répandu, notamment en raison des médias sociaux14. Néanmoins, le Parlement demeure la seule source de consentement à la règle de majorité et la seule autorité apte à exiger des personnes qui détiennent le pouvoir qu’elles répondent de leurs actes. C’est là un principe fondamental

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de la démocratie représentative. Je ne connais aucune solution de rechange plausible au gouvernement parlementaire dans la tradition de Westminster. Encore une fois, le premier ministre est le seul en mesure d’apporter de véritables changements au sein du Parlement afin d’accroître sa pertinence pour les Canadiens et les Canadiennes et de renforcer sa capacité d’exercer une influence, d’exiger des comptes de ceux qui sont au pouvoir, de servir de tribune pour la tenue de débats sur des questions importantes pour la nation et d’encadrer la façon dont le gouvernement s’acquitte de ses responsabilités. Le premier ministre a le pouvoir de décider du mode d’élection des députés, d’assurer que les députés ne représentent pas seulement la marque du chef de parti, de voir à ce que les députés contribuent davantage aux travaux du Parlement qu’ils ne le font présentement et de mettre en place des mesures pour que les députés jouent un plus grand rôle dans l’examen de la perception et de la dépense des fonds publics. Qu’est-ce qu’il faut faire? Le premier ministre Justin Trudeau a vu juste lorsqu’il a promis que « l’élection de 2015 [sera] la dernière élection fédérale organisée selon un scrutin majoritaire uninominal à un tour15 ». Le Comité spécial sur la réforme électorale de la Chambre des communes, créé en 2016, a recommandé que le système majoritaire uninominal à un tour soit remplacé par un système de représentation proportionnelle dans lequel le nombre de sièges que chaque parti détient à la Chambre des communes est proportionnel au nombre de votes qu’il a reçus. Le comité a recommandé que sa proposition soit soumise à un référendum. Trudeau a abandonné sa promesse et rejeté la recommandation du comité des Communes. Je reconnais que le système proportionnel présente des inconvénients, mais ses avantages sont bien plus considérables16. D’abord, la représentation proportionnelle est en place dans de nombreux pays occidentaux et elle fonctionne. De plus, la représentation proportionnelle fait en sorte que chaque vote compte, elle assure une véritable représentation en ce sens que des voix différentes ont la possibilité de se faire entendre au Parlement, elle est plus démocratique car elle encourage une hausse des taux de participation électorale, et elle contribue à réduire le pouvoir du premier ministre et de ses courtisans17. Le système majoritaire uninominal à un tour exagère l’ampleur de la victoire du parti élu et a un effet dissuasif sur la participation électorale dans les circonscriptions considérées comme sûres. Je signale que le Parti libéral a obtenu 54,4 % des sièges aux Communes lors des élections de 2015 avec seulement 39,5  % des

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votes, tandis que le Parti vert a remporté 0,3  % des sièges après avoir obtenu 3,4 % des suffrages. Par ailleurs, les Conservateurs ont obtenu 53,9 % des sièges lors des élections de 2011 avec seulement 39,6  % des votes, tandis que le Parti vert a remporté 0,3  % des sièges mais a reçu 3,9 % des suffrages18. Dans un régime de représentation proportionnelle, un parti doit remporter la majorité des suffrages pour obtenir la majorité des sièges. Le premier ministre domine le Parlement de maintes façons. Mis à part la période des questions, il ne se passe pas grand-chose à la Chambre des communes sans la bénédiction du premier ministre. Pensez aux prérogatives suivantes : le premier ministre nomme les personnes à la présidence de tous les comités présidés par un député ou une députée (à l’exception du Comité des comptes publics); il donne le ton aux travaux du Parlement dans le cadre du discours du Trône; il a le pouvoir de décréter que toute proposition législative est une question qui engage la confiance de la Chambre; il a le pouvoir de fixer le niveau des ressources financières allouées au fonctionnement des comités de la Chambre; il a un mot important à dire dans la planification des travaux de la Chambre des communes; il a le pouvoir d’approuver les candidats et les candidates du parti et, en dépit de la nouvelle loi électorale, le premier ministre exerce encore le pouvoir de dissoudre le Parlement et de déclencher des élections. Le premier ministre du Canada a aussi le pouvoir de proroger le Parlement, de reporter un vote de défiance et de se soustraire à un examen pour mauvaise administration. Deux premiers ministres issus de partis politiques différents, Chrétien et Harper, ont eu recours à ce pouvoir, ce qui a été qualifié d’abus de pouvoir19. Avant d’accéder au pouvoir, les premiers ministres voient facilement le besoin de renforcer le rôle et les rouages du Parlement. Ils ne tardent pas à changer d’idée, cependant, une fois qu’ils occupent le fauteuil du premier ministre20. Il n’est pas possible de renforcer le pouvoir du Parlement sans restreindre dans une certaine mesure le pouvoir du premier ministre. Certaines des mesures nécessaires exigent une modification de la Constitution, mais ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres. De plus, s’il est impossible de modifier la Constitution, les futurs premiers ministres devront s’abstenir d’élargir la portée de leur pouvoir, par souci de renforcer la démocratie parlementaire canadienne. Je note cependant qu’il devrait être plus facile de s’entendre sur des modifications constitutionnelles qui visent à renforcer le Parlement étant donné qu’elles n’auraient aucune incidence sur les pouvoirs législatifs ou les droits des provinces.

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Il y a des mesures importantes qui n’exigent pas que la Constitution soit modifiée. Ce qu’elles exigent, c’est l’appui du premier ministre. La Loi électorale du Canada devrait être modifiée afin de retirer aux chefs de parti le pouvoir de rejeter des candidats qui sollicitent l’investiture officielle du parti. Ce pouvoir devrait être dévolu aux associations locales du parti, là où commence la démocratie représentative. En renforçant le rôle des membres subalternes du parti, cela permettrait de renforcer la démocratie représentative. À l’heure actuelle, les chefs de parti sont en mesure d’écarter des candidats qu’ils n’aiment pas en faveur de quelqu’un qui pense comme eux ou d’une étoile montante aux yeux des dirigeants du parti et de leurs courtisans, ou de dire non à quelqu’un qui, à l’inverse, est le candidat ou la candidate préféré de l’association locale du parti. La condition voulant que le gouvernement doive conserver la confiance de la Chambre des communes pour diriger le pays est un élément essentiel du modèle parlementaire de Westminster. Il est nécessaire de la respecter. On est en droit de se demander néanmoins si on devrait recourir de façon aussi fréquente et routinière au vote de confiance comme moyen d’assouplir le pouvoir du premier ministre21. Le Canada devrait s’inspirer de ce qui se fait dans d’autres pays et se tourner vers un « système de défiance constructive » qui retire au premier ministre le pouvoir de déclarer qu’un vote engage la confiance de la Chambre. Dans un système de défiance constructive, on ne peut retirer la confiance au gouvernement qu’au moyen d’une motion de censure explicite. Aucune autre mesure législative du gouvernement, y compris le discours du Trône, n’engage la confiance de la Chambre. Un tel système accorderait aux députés la liberté de voter comme bon leur semble sur les projets de loi. Il mettrait fin également à la pratique des premiers ministres et de leurs courtisans de faire appel à un vote de confiance pour contraindre les députés ministériels de voter conformément à leurs vœux et les députés de l’opposition, dans un contexte minoritaire, de ne pas voter contre le gouvernement, ce qui déclencherait des élections22. La tendance à concentrer les mesures législatives de toute une session parlementaire en un projet de loi omnibus limite sérieusement le débat et mine le rôle du Parlement en matière d’examen des projets de loi. Le Parlement n’est tout simplement pas en mesure de les étudier adéquatement. Là encore, les chefs des partis de l’opposition voient de nombreuses lacunes dans les projets de loi omnibus, mais changent bientôt d’idée une fois qu’ils sont portés au pouvoir. Dans le cas d’un projet de loi omnibus en particulier, les députés et les groupes d’intérêt

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devaient : être au courant d’un accord sur la sécurité sociale entre le Canada et la Pologne, des implications d’une proposition d’éliminer le monopole de Postes Canada sur le traitement du courrier expédié à l’extérieur du Canada, des lois régissant les pensions et de ce que signifierait l’autorisation que les caisses populaires deviennent des banques, comprendre les propositions de modification au processus d’évaluation environnementale, les conséquences de l’autorisation de vendre Énergie atomique du Canada limitée (eacl) et d’autres mesures financières23. Ce n’est pas le seul exemple d’un projet de loi omnibus qui porte sur plusieurs questions importantes. On se souviendra que Justin Trudeau a fait campagne en promettant de mettre fin aux projets de loi omnibus, faisant valoir qu’ils forcent les députés à voter oui ou non sur un ensemble de changements même si, peutêtre, ils appuient certains d’entre eux et s’opposent à d’autres. Malgré cette promesse, le ministre des Finances de Trudeau a déposé un volumineux projet de loi omnibus de 300 pages en 2017, qui englobait encore une fois une multitude de sujets24. Rien n’empêche le premier ministre de mettre fin aux projets de loi omnibus; tout ce qu’il faut, c’est de la volonté politique et le respect des engagements pris au cours d’une campagne électorale. Quiconque veut des preuves que le Parlement est engagé sur la voie de l’effritement n’a qu’à repenser au commentaire de Lowell Murray, l’ancien ministre de premier plan qui a fait valoir que le Parlement et, surtout, la Chambre des communes « ont permis que leur pouvoir le plus fondamental, le pouvoir de dépenser, devienne lettre morte et que le processus d’examen du Budget des dépenses et des crédits devienne un rituel vide de sens25 ». Paul Thomas a mis le doigt sur le problème : « le fait que les parlementaires sont bourrés d’informations et avides de compréhension est un problème qui ne date pas d’hier26 ». Les piles et les piles de documents écrits dans un style obtus et impénétrable ne présentent guère d’intérêt pour les députés, comme les chapitres précédents l’ont clairement démontré. Si l’objectif est de décourager les députés de soulever des questions pointues au sujet des dépenses publiques à l’ère des campagnes électorales permanentes, alors l’approche actuelle fonctionne bien. Si l’objectif est de renforcer la capacité des députés d’examiner les dépenses publiques et d’amener le gouvernement à rendre des comptes, le processus d’examen des prévisions budgétaires doit alors mieux cadrer avec leur intérêt. Les députés voient les choses selon une perspective locale ou régionale et non selon une perspective ministérielle ou

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sectorielle. Les fonctionnaires, pour leur part, voient les choses selon la perspective de leur ministère, non selon une perspective spatiale à moins que l’intérêt économique de leur propre circonscription ne soit à l’étude. Le processus actuel d’examen du Budget des dépenses et des crédits est lié à l’intérêt des fonctionnaires, pas des députés. Le processus cadre aussi avec l’intérêt politique des premiers ministres et de leurs courtisans. Il leur permet de maintenir sur leurs rails les activités qui présentent peu d’intérêt pour leur programme, ce qui les aide par ricochet à gérer le jeu des accusations et les campagnes électorales permanentes. Il est nécessaire de fournir une répartition géographique des dépenses projetées du gouvernement ou de leur donner une orientation régionale pour capter l’intérêt des députés. Ceux-ci seront vivement intéressés à être au courant et à débattre des fonds qui sont accordés à leur circonscription ou à leur région dans le cadre des divers programmes, de ce à quoi ils sont destinés et de la possibilité qu’ils engendreraient de plus grandes retombées s’ils étaient réaffectés à des fins différentes. Des hauts fonctionnaires soutiennent, comme certains me l’ont affirmé, qu’une telle approche risque d’alimenter les tensions régionales. Le risque en vaut certainement la chandelle s’il permet de transformer un « rituel vide de sens » en un rôle significatif pour les députés. Je soutiens qu’en faisant la lumière sur la façon de dépenser du gouvernement, sur les endroits où les fonds publics sont investis et sur leur utilisation prévue, non seulement on renforcerait la démocratie représentative en renforçant le rôle de tous les députés, mais aussi on s’attaquerait au cœur du problème qui alimente les tensions régionales : le manque d’informations fondées sur des données probantes dont la population canadienne dispose au sujet des dépenses publiques fédérales à l’échelle régionale. Les décideurs ne devraient pas avoir peur de fournir aux Canadiens et à leurs députés des renseignements qu’ils sont capables de comprendre et dont ils peuvent débattre. Comme il a été mentionné dans la préface, Tocqueville a fait une mise en garde contre une opinion publique mal informée. Les institutions nationales du Canada ne seront pas en mesure de servir de tribune centrale pour concilier les intérêts des régions et l’intérêt national si elles ne reçoivent pas les informations dont elles ont besoin à cet effet, à commencer par le budget de dépenses du gouvernement. Les partis politiques doivent amorcer un débat sur la façon dont les chefs de parti sont choisis et maintenus en poste. Ils laissent présentement cette responsabilité aux membres subalternes des partis. Deux

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éminents analystes de la politique canadienne ont apporté une excellente contribution au débat dans leur ouvrage Politics at the Centre27. Ils appuient l’approche actuelle et, bien qu’elle présente de l’intérêt, nous devons évaluer cette approche selon l’optique du Parlement. Christopher Moore offre un point de vue différent qui met en doute la sagesse de laisser aux membres subalternes la responsabilité de choisir le chef de leur parti et de le maintenir en poste. Il soutient que l’attribution de cette responsabilité aux députés leur vaudrait de ne plus se faire appeler des « nullités »28. Il vaut la peine de citer un long extrait des propos de William Hague, un ancien chef du Parti conservateur britannique, sur la question, car il dit tout : « L’élection du chef par les députés aux Communes renforce le Parlement lui-même. Sans le pouvoir de remplacer le chef, d’élire le premier ministre, les députés d’arrière-ban auraient moins d’influence, moins d’emprise sur leur chef de parti. Nous tous qui sommes députés de circonscription, qui tentons de représenter nos électeurs et nos intérêts dans différentes régions du pays, savons que ce pouvoir énorme qui est à notre disposition accroît notre force. Dans d’autres systèmes, où les congrès de parti choisissent le chef, les députés aux Communes exercent moins d’influence dans la plupart des facettes de la vie parlementaire. Et l’on peut clairement soutenir que la démocratie souffre de la situation parce que la capacité des députés d’exercer une influence est fondamentale pour la démocratie29. » Le Sénat devrait souscrire à la proposition du rapport Kirby-Segal voulant qu’il adopte une organisation structurée en fonction des régions et composée de quatre régions. Les auteurs du rapport font valoir avec raison qu’une telle organisation augmenterait la légitimité politique du Sénat30. La recommandation n’a donné aucun résultat en raison de critiques formulées par quatre sénateurs du Québec. Nous avons vu plus tôt que le sénateur Paul Massicotte a exprimé de fortes réserves au sujet du rapport Kirby-Segal. Un autre, André Pratte, a prévenu que « [c]ette approche [...] comporte le risque que les sénateurs en viennent à considérer les questions soumises au Sénat uniquement du point de vue de leur région [...] Le Canada n’a pas besoin d’encore une autre institution qui engendre des tensions régionales. De puissants gouvernements provinciaux font déjà la promotion des besoins locaux31.  » On ne sait pas au juste à quelle autre institution qui engendre des tensions régionales Pratte pensait alors. Les gouvernements provinciaux sont absents quand les politiques et les programmes du gouvernement fédéral prennent forme, une

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situation que nous avons pleinement exposée dans des chapitres précédents. De plus, l’argument de Pratte ne tient pas compte des exigences du fédéralisme intra-étatique, que nous avons aussi décrites plus tôt. Bien que cet argument ait eu un certain poids au Québec et en Ontario depuis 1867, ce n’est pas le cas dans l’Ouest et au Canada atlantique. Il passe sous silence le débat qui a fait rage dans l’Ouest canadien au sujet des avantages du Sénat triple E, considéré comme beaucoup plus apte à parler au nom des régions. Il ne prend pas en considération non plus le fait que d’autres fédérations, de l’Australie aux États-Unis en passant par l’Allemagne et la Russie, sont dotées d’une Chambre haute qui représente les régions. Pratte n’explique pas pourquoi une telle Chambre haute est avantageuse pour toutes les autres fédérations, mais pas pour le Canada.

r e m é d ie r à l’ e f f r it ement du cabi net Dans Governing from the Centre, paru en 1999, j’ai écrit que «  le Cabinet fait maintenant partie, avec le Parlement, des institutions que l’on contourne ». Vingt ans plus tard, la pratique de gouverner à partir du centre n’a fait que prendre de l’ampleur. Le livre a suscité de nombreux commentaires, certains positifs, d’autres moins32. Il y a lieu de répéter un élément que j’ai souligné plus tôt  : ceux et celles qui désirent contester la thèse que je défends dans Governing from the Centre doivent expliquer comment la situation suivante cadre avec le gouvernement de cabinet : « Ce qui est loin d’être un exemple isolé, deux décisions cruciales concernant le déploiement de troupes canadiennes en Afghanistan – l’une par un gouvernement libéral, l’autre par un gouvernement conservateur – ont été prises dans le cpm avec l’aide d’une poignée de conseillers politiques et de représentants des autorités civiles et militaires. Les ministres compétents – de la Défense nationale et des Affaires étrangères – n’étaient même pas présents dans la pièce33. » Le Cabinet a simplement été informé plus tard de la décision. Plusieurs anciens ministres du Cabinet fédéral, tant libéraux que conservateurs, ainsi que des hauts fonctionnaires m’ont dit que j’avais vu juste dans Governing from the Centre. Je reconnais toutefois que les personnes qui n’étaient pas d’accord avec le livre ont peutêtre évité d’aborder la question avec moi. Il n’est pas nécessaire de revoir les conclusions de cet ouvrage ou les arguments avancés dans les chapitres précédents au sujet d’un gouvernement centré sur le premier ministre. Le pouvoir du premier ministre découle largement de sa position établie depuis longtemps

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à titre de premier ministre de la Couronne, chargé de diriger les affaires de l’État. Le pouvoir de nommer les ministres, les hauts fonctionnaires, les dirigeants de sociétés d’État, les secrétaires parlementaires, les sénateurs, les juges et d’autres titulaires de postes dans des organismes publics est en place depuis longtemps et donne au premier ministre un pouvoir immense. Le premier ministre a gagné en notoriété au cours des dernières années, tandis que les ministres en ont perdu. Le premier ministre exerce maintenant un plus grand contrôle sur les activités de l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Souvent, il contourne le Cabinet et ses comités pour conclure des ententes avec des ministres clés lors de rencontres et de conversations bilatérales. Souvent, il conclue des accords, puis en informe le Cabinet comme un fait accompli. Les médias traditionnels et nouveaux font du premier ministre la seule voix qui compte à Ottawa. Nevil Johnson écrit  : « le Cabinet est devenu une composante beaucoup plus fluide et plus difficile à cerner dans la structure du gouvernement britannique qu’il ne l’était autrefois34 ». Le même constat vaut aussi pour le Canada. Le premier ministre est maintenant épaulé par des organismes centraux dotés de personnel suffisant pour lui permettre d’exercer un contrôle sur l’ensemble de l’appareil gouvernemental et d’assurer que les ministres et leurs ministères restent sur les rails. Le Cabinet du premier ministre est infiniment plus grand et mieux doté en personnel qu’il ne l’était à l’époque de Pearson et auparavant. On peut en dire autant des organismes centraux, du Bureau du Conseil privé (bcp) et du ministère des Finances jusqu’au Conseil du Trésor. De plus, les campagnes électorales permanentes ont transformé la dynamique de l’exercice du pouvoir, ce qui se fait sentir dans tout l’appareil de l’État, du Cabinet du premier ministre aux employés de première ligne. Un gouvernement ne peut mener des campagnes électorales permanentes s’il n’est pas en mesure de gérer le jeu des reproches. Le jeu des reproches n’est pas une condition temporaire. Il y a maintenant, à l’intérieur comme à l’extérieur du gouvernement, des gens qui adressent des reproches et d’autres qui assument les reproches. Ceux qui adressent des reproches sont les partis de l’opposition, les médias, les agents du Parlement et les groupes d’intérêt. Il y a plusieurs niveaux hiérarchiques de gens qui assument les reproches, depuis le premier ministre, les ministres et les hauts fonctionnaires, jusqu’aux gestionnaires de première ligne et à leur personnel. Il existe aussi des stratégies qui visent à éviter les reproches et d’autres qui visent à s’arroger la paternité de mesures populaires.

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Le joueur central est le premier ministre, et tout le monde au gouvernement doit éviter de créer des circonstances qui lui attireraient des reproches. Une compréhension de la marche à suivre à l’intérieur du « monde des reproches » et la crainte d’être la cible d’accusations poussent les représentants du gouvernement à tous les niveaux à éviter de prendre des risques35. Les ministres sont d’importantes cibles des reproches. Ils doivent être gérés par le centre, une autre raison pour laquelle la gouvernance à partir du centre est maintenant de rigueur à Ottawa, peu importe qui occupe le fauteuil du premier ministre. Le centre doit surveiller étroitement toutes les activités gouvernementales, y compris celles qui jadis incombaient clairement aux ministres. Je me souviens par exemple que, à l’époque de Pierre Trudeau, les ministres avaient les coudées franches pour choisir leur propre personnel exonéré. Plus maintenant. Le Cabinet du premier ministre se charge désormais directement de doter les cabinets des ministres en personnel, et ce, depuis Jean Chrétien. Il appartient au premier ministre de faire du Cabinet l’élément central du processus d’élaboration des politiques gouvernementales. Après tout, seuls quelques obstacles constitutionnels, pour peu qu’ils existent, empêchent le premier ministre de toujours concentrer davantage de pouvoir entre ses mains. Le premier ministre a cependant la possibilité d’améliorer la conduite des affaires publiques en se soumettant aux critiques de ses collègues du Cabinet et en s’appuyant sur eux et elles pour définir, élaborer et mettre en œuvre les politiques. Le premier ministre a la possibilité de faire du Cabinet plus qu’un groupe de rétroaction et beaucoup plus qu’un organe de ratification. Il peut voir à ce que le Cabinet serve de tribune où les ministres discutent de questions de première importance pour le Canada ou l’ensemble du gouvernement. Les ministres devraient se sentir libres de soulever toute question qui touche le pays, leur région et leur ministère et, surtout, le premier ministre doit y consentir. Les ministres ont des liens directs avec les Canadiens et les Canadiennes, ils reçoivent une grande attention médiatique et ils sont tenus de rendre des comptes alors qu’il est impossible d’amener les courtisans du premier ministre à rendre des comptes36. Il suffirait de quelques changements pour qu’un premier ministre, s’il le veut, donne davantage de pouvoir au Cabinet et à ses ministres. Tout d’abord, il devrait permettre aux ministres de choisir librement le personnel de leur cabinet, ce qui enverrait un puissant message aux ministres ainsi qu’à d’autres personnes. Le premier ministre devrait également réduire considérablement la taille et le rôle des

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organismes centraux, à commencer par le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé. Ces deux entités sont allées dans la direction opposée depuis Pierre Trudeau. Le premier ministre pourrait simplement annoncer que la taille des organismes centraux, y compris le cpm, sera réduite de 25 % et tenir parole. Une comparaison à l’échelle internationale montre que le Canada compte un plus grand nombre d’organismes centraux et qu’ils sont mieux dotés en personnel que les autres administrations publiques des démocraties anglo-américaines37. Une réduction de leur personnel ferait en sorte que les organismes centraux se mêleraient moins du travail des ministres responsables et de leur ministère et augmenterait le pouvoir des ministres, du moins à l’intérieur de leur ministère. Justin Trudeau, comme nous l’avons vu, a adopté une approche de «  résultologie  » en arrivant au pouvoir. Voilà la plus récente mesure prise par les premiers ministres pour étendre la portée de leur influence. Non seulement ils ont la capacité d’intervenir directement en élaborant des politiques dans la plupart des sphères d’activités gouvernementales, mais aussi ils ont maintenant encore une autre unité au sein des organismes centraux qui est chargée de surveiller ce qu’ils font et comment ils le font. Justin Trudeau n’a demandé l’avis de personne, y compris son Cabinet ou les hauts fonctionnaires, sur les avantages d’une unité de résultologie. Lui et ses courtisans ont simplement décidé qu’elle améliorerait l’exercice des activités gouvernementales et leur permettrait de resserrer leur mainmise sur l’orientation du gouvernement et son programme d’action. Les avantages de l’unité de résultologie restent à démontrer. Une chose est sûre, cependant, c’est qu’elle a alourdi les activités gouvernementales et imposé aux ministères responsables de nouvelles exigences en matière de rapports38. Les futurs premiers ministres pourront supprimer l’unité de résultologie aussi rapidement qu’elle a été introduite.

r e m é d ie r à l’ e f f r itement de la f o n c t io n p u b li que La fonction publique a perdu ses amarres. Elle est coûteuse, trop grande et peu encline à prendre des risques. Son rôle consultatif en matière de politiques est incertain et elle n’est pas à la hauteur en ce qui a trait à la gestion des ressources financières et humaines. C’est une institution de plus en plus centrée sur Ottawa et elle présente une ligne de faille entre les hauts fonctionnaires et les gestionnaires

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de première ligne. L’institution doit améliorer sa capacité de tenir compte de la réalité des régions du Canada. Je ne peux faire mieux que de citer le rapport que des employés de la fonction publique en début de carrière ont préparé pour étudier les défis qui guettaient le Canada en vue des célébrations de son 150e anniversaire : « Bien que 60 p. 100 de la fonction publique travaille dans les régions, il semble que toutes les possibilités et l’action se trouvent dans la région de la capitale nationale. De façon générale, Ottawa semble mal diffuser les débats de politique publique aux régions et ne pas tenir pleinement compte de leurs conseils39. » Le débat acrimonieux qui a fait rage entre le vérificateur général et le greffier du Conseil privé au sujet de l’échec du système de paye Phénix est révélateur et mérite que nous revenions sur le sujet. Le vérificateur général a fait remarquer que l’« échec incompréhensible » du système de paye, qui découle de la « culture défaillante » du gouvernement, est révélateur. Le greffier a rapidement balayé du revers de la main le rapport du vérificateur général, le qualifiant d’«  article d’opinion non appuyé par des données probantes40  ». C’était une réponse mesquine à un rapport qui tentait d’y voir clair dans une initiative de gestion ratée qui coûte plus d’un milliard de dollars aux contribuables canadiens. Le greffier du Conseil privé doit répondre à la question suivante : si cet échec ne résulte pas de la culture défaillante du gouvernement, quelle en est la cause? J’ai lu tous les rapports annuels au premier ministre sur la fonction publique du Canada soumis par le greffier du Conseil privé. Ce sont des articles d’opinion classiques qui n’expliquent jamais pourquoi il arrive parfois que les choses déraillent au sein du gouvernement et encore moins comment empêcher qu’elles ne déraillent ou qui est responsable de la situation41. Ralph Heintzman, un ancien fonctionnaire fédéral et l’auteur principal du rapport Tait sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique fédérale, a écrit que le vérificateur général avait raison de dire que « le fiasco du système de paye Phénix révèle un problème sérieux ». Il a rappelé que les consultants en gestion auxquels on a fait appel pour examiner l’initiative bâclée du système de paye Phénix ont expliqué que les défaillances « tirent en partie leur origine de la culture au sein de la fonction publique qui veut qu’on ne récompense pas ceux qui disent la vérité aux personnes qui sont au pouvoir42 ». Le message du greffier du Conseil privé aux fonctionnaires fédéraux selon lequel il n’existe pas de culture défaillante au sein de la fonction publique fédérale ne concorde pas non plus avec les

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conclusions du rapport préparé par 150 fonctionnaires fédéraux en début de carrière pour étudier les défis qui guettent la fonction publique fédérale. Ceux-ci ont fait état de la « culture opposée au risque  », des «  querelles territoriales internes  », de l’«  animosité régionale », de la « confiance décroissante envers le gouvernement », et de l’incapacité du système à régler le problème des employés qui ne donnent pas de bons résultats43. Autant de caractéristiques qui témoignent de la culture défaillante du gouvernement. La fonction publique fédérale ne répond pas aux attentes sur deux fronts  : fournir des conseils opportuns en matière de politiques et assurer une solide gestion. Il s’agit d’un problème de culture qui découle de ses relations avec le premier ministre et ses courtisans, des campagnes électorales permanentes, du jeu des reproches, d’une ligne de faille qui divise la fonction publique, des tentatives ratées de rendre les pratiques de gestion du secteur public semblables à celles du secteur privé et d’une incapacité chronique de déterminer à qui incombe la responsabilité de telle ou telle mesure. Il n’est pas nécessaire de reprendre des arguments exposés dans les chapitres précédents sur ces questions. Sur le plan des politiques, les hauts fonctionnaires ont perdu de l’influence et doivent maintenant rivaliser avec plusieurs sources de conseils vers lesquelles les hommes et les femmes politiques de premier plan peuvent maintenant se tourner : des conseillers partisans ou exonérés, des groupes de réflexion, des associations, des consultants et des lobbyistes. Les hauts fonctionnaires ont de plus en plus de difficulté à établir la distinction entre servir le gouvernement en place et servir les intérêts du parti qui gouverne44. Les campagnes électorales permanentes ont incité les hauts fonctionnaires à pratiquer la promiscuité partisane au lieu de demeurer neutres ou de fournir des conseils objectifs et fondés sur des données probantes dans la poursuite des objectifs du gouvernement45. Ils misent sur le premier ministre et ses courtisans pour se hisser au sommet de la hiérarchie parce que le pouvoir de nomination est concentré entre les mains du premier ministre46. Les campagnes électorales permanentes ont aussi eu pour effet d’attirer de plus en plus de fonctionnaires dans les activités de communication politisées, transformant des acteurs non partisans en engrenages de la machine partisane47. Sur le plan de la gestion, la fonction publique fédérale a été décrite comme « une grosse baleine qui est incapable de nager ». Elle est centrée sur Ottawa, elle compte beaucoup trop de niveaux de gestion, elle possède des effectifs trop nombreux et elle a reçu la directive de

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gérer comme on le fait dans le secteur privé en sachant que les différences entre les deux approches sont incommensurables. De plus, les fonctionnaires doivent traiter avec une multitude d’organismes de surveillance et il s’est formé une ligne de faille dans la fonction publique qui divise les fonctionnaires en deux groupes. J’ai écrit dans une publication antérieure qu’il était possible, au sein de l’appareil gouvernemental, de « laisser le gestionnaire gérer pourvu que sa gestion cadre avec les rpp, les rrm, le crg, le bcg, le bcp, le sct, le bvg, la llo, le pra, la cfp, l’aiprp, le ccie, le cpvp, la sicc, les svg et le rft, et qu’elle ne crée aucun problème pour le ministre et le sous-ministre ou qu’elle n’attire pas l’attention du premier ministre et de ses conseillers48 ». La situation n’a pas beaucoup changé depuis que j’ai écrit ces lignes en 2013, et les observateurs n’ont pas besoin d’y réfléchir bien longtemps pour comprendre pourquoi les fonctionnaires sont peu enclins à prendre des risques. Que faut-il faire? La fonction publique doit redécouvrir son rôle en tant que source indépendante de conseils faisant autorité en matière de politiques. En premier lieu, il faut modifier la façon dont les sous-ministres sont nommés. D’autres pays occidentaux dont le gouvernement repose sur le modèle de Westminster ont revu l’approche qu’ils avaient adoptée pour la nomination des sous-ministres et des secrétaires permanents49. Le Canada ne l’a pas fait. Tant que le premier ministre aura le pouvoir de nommer les sous-ministres sans passer par un processus ouvert, transparent et concurrentiel, le gouvernement monarchique demeurera en place. Le gouvernement fédéral devrait s’inspirer du gouvernement de l’Alberta, où le sous-ministre du Conseil exécutif (l’équivalent du greffier du Conseil privé) préside un comité d’entrevue qui comprend un représentant des groupes clients et qui soumet des recommandations au ministre compétent. Le ministre soumet la recommandation finale au Cabinet et le premier ministre peut y opposer un droit de veto50. Ce dernier point est important : le premier ministre conserverait le droit d’opposer son refus, mais uniquement pour non-respect du caractère concurrentiel et transparent du processus. Le gouvernement fédéral doit également donner du mordant au concept d’administrateur des comptes, comme nous l’avons souligné plus tôt. Je me souviens des propos de hauts fonctionnaires qui me disaient que le concept d’administrateur des comptes était « une catastrophe en devenir », car il dressait des ministres contre leurs fonctionnaires ou vice-versa. Nous n’avons pas même assisté à un accrochage depuis l’introduction du concept au Canada, encore

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moins à une catastrophe. Le concept a été dilué au point qu’un ancien haut fonctionnaire fédéral l’a qualifié de farce. Il a affirmé que le gouvernement n’a adopté du concept que le nom et que, malgré le titre d’administrateur des comptes, les sous-ministres « n’ont toujours ni l’obligation, ni les moyens de faire la distinction, lorsqu’il y a lieu, entre la reddition de comptes sur le plan politique et la reddition de comptes dans l’administration publique. Il faut y remédier51. » Des dispositions bien structurées relatives à l’administrateur des comptes permettraient aux sous-ministres de bien faire la distinction entre les actions dont ils sont susceptibles de devoir rendre compte devant le Parlement et celles dont ce n’est pas le cas. Le concept a bien fonctionné en Grande-Bretagne et il n’y a aucune raison qu’il ne puisse pas en faire autant au Canada52. Conçu adéquatement, le concept renforcerait la reddition de comptes en matière de gestion, voire la gestion elle-même des activités gouvernementales. Il est nécessaire d’éliminer des niveaux de gestion. Les niveaux de gestion étouffent la créativité et contribuent à accroître les coûts de fonctionnement du gouvernement et à élargir la ligne de faille entre la haute direction de la fonction publique et les gestionnaires de première ligne. Une réduction des niveaux de gestion servirait les intérêts de la fonction publique en améliorant le moral des effectifs, un aspect déjà soulevé par le Secrétariat du Conseil du Trésor. De plus, elle rehausserait la crédibilité de la fonction publique auprès des contribuables. On distingue présentement six niveaux de gestion dans l’appareil gouvernemental fédéral entre le poste de sous-ministre et les travailleurs et les travailleuses de première ligne. Cela ne comprend pas un certain nombre de postes de « délégués » tels que les « sous-ministres délégués » et les « sous-ministres adjoints délégués ». Je signale que l’Église catholique n’a que cinq niveaux de gestion entre le Vatican et les curés des petites villes canadiennes. Rappelons que le Conseil du Trésor a annoncé en grande pompe en 1989 qu’il lançait une initiative consistant à «  supprimer des postes de cadres supérieurs dans le but de rehausser le moral et d’améliorer le fonctionnement » de la fonction publique53. En 1989, celle-ci comptait 2 562 postes de cadres supérieurs, un nombre que le Conseil du Trésor jugeait trop élevé. Le Secrétariat a expliqué  : «  si on élimine tout un niveau de la pyramide de gestion, les gestionnaires du niveau inférieur acquerront automatiquement une plus grande emprise sur les activités54 ». On n’a pas éliminé un niveau de gestion en 1989; en fait, de nouveaux niveaux se sont ajoutés, sans compter la prolifération des postes de délégués de niveau supérieur.

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En 2000, on dénombrait 3 293 hauts fonctionnaires dans le groupe de la haute direction ou le groupe des cadres supérieurs qui se trouve entre le niveau de sous-ministre et le niveau subordonné de cadre intermédiaire. En mars 2011, il y en avait environ 6 00055. En mars 2017, ils étaient 6  48056. L’initiative a lamentablement échoué, et le nombre de cadres supérieurs a continué de grimper. Les nombreux rapports d’évaluation des résultats présentés chaque année au Parlement n’ont jamais mentionné l’échec de l’initiative destinée à éliminer un niveau de gestion. Personne au Parlement ni ailleurs n’a reproché au Conseil du Trésor de ne pas avoir atteint l’objectif qu’il s’était fixé. Tout ce que le gouvernement fédéral doit faire, c’est de déclarer qu’il procédera à une réduction des niveaux de gestion et tenir parole. Le gouvernement fédéral peut aussi annoncer qu’il souhaite décentraliser les activités gouvernementales, en faisant valoir que la décentralisation renforce la capacité de servir la population canadienne et que le transfert d’unités du gouvernement fédéral dans les régions est une décision judicieuse sur le plan économique en raison du roulement de personnel, des coûts de location et des dépenses de fonctionnement moins élevés qu’on observe dans les régions. Il pourrait ajouter qu’il n’est pas dans l’intérêt de la population canadienne, de l’unité nationale et de la fonction publique elle-même que 41,1 % des fonctionnaires soient en poste dans la région de la capitale nationale, dans un pays aussi vaste et aussi varié que le Canada. Nous avons vu plus tôt que dans d’autres pays, dont certains sont dotés d’un système de gouvernement inspiré du modèle de Westminster et où la géographie est un facteur beaucoup moins important, le pourcentage d’employés de la fonction publique situés dans les régions est plus élevé. Les récents progrès dans les technologies de l’information et des communications font en sorte que les bureaux peuvent beaucoup plus facilement communiquer entre eux que ce n’était le cas aussi récemment que dans les années 1970, lorsqu’un ambitieux programme de décentralisation fut mis en œuvre, pour être supprimé quelques années plus tard seulement. Les effectifs de la fonction publique fédérale sont trop nombreux pour les responsabilités que le gouvernement fédéral assume. La responsabilité des secteurs qui exigent beaucoup de main-d’œuvre, tels les soins de santé, l’éducation et les services sociaux, relève des gouvernements provinciaux. Il y a trop de fonctionnaires fédéraux dans les unités chargées des politiques, de la coordination et de l’évaluation. Le gouvernement doit réduire le nombre de postes du secteur

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des politiques et améliorer sa capacité opérationnelle de prestation des services. Les Canadiens et les Canadiennes demandent une meilleure prestation des programmes, pas une augmentation du nombre de postes en politiques ou dans d’autres catégories de personnel. J’ai déjà suggéré à un sous-ministre qu’il serait possible de réduire la taille de la fonction publique de 25 %, ce qui permettrait d’augmenter l’efficacité du gouvernement et de réduire ses coûts de fonctionnement, tout en améliorant le moral des employés de l’État. Il a répondu : « Avez-vous des données pour appuyer votre raisonnement? », ce à quoi j’ai répondu : « Pas plus que vous n’en avez pour justifier que le gouvernement ait besoin de 262 696 fonctionnaires pour s’acquitter des responsabilités qui lui sont attribuées par la Constitution. » Les faits démontrent que les fonctionnaires fédéraux sont sous-employés. Un analyste principal au sein d’un ministère axial passait plus de la moitié de ses heures de travail à naviguer sur des sites de nouvelles, de sports et des sites pornographiques assis à son bureau alors qu’il était employé à l’administration centrale. Ce n’est pas un cas isolé. Le ministère a pris une mesure peu courante en le congédiant pour «  vol de temps  », faisant valoir qu’il avait accepté un salaire pour du temps passé à naviguer sur Internet. L’employé en a appelé de son congédiement auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (crtfp), alléguant qu’il n’avait pas suffisamment de travail pour le tenir occupé et soulignant qu’il avait toujours respecté les délais et reçu des évaluations positives de son rendement. La crtfp a donné raison à l’employé et ordonné au ministère de le réintégrer dans ses fonctions immédiatement. En rendant sa décision, la Commission s’est dite étonnée « qu’un employé ait pu consacrer autant de temps à des activités non liées au travail durant des mois sans que ses superviseurs aient remarqué un manque de productivité ou d’engagement57  ». Cette décision n’est pas passée inaperçue aux yeux des autres gestionnaires de la fonction publique : à quoi bon vouloir punir ou congédier un employé? La fonction publique fédérale doit renforcer sa capacité d’adopter des mesures à l’encontre des employés au rendement insatisfaisant pour rétablir sa crédibilité auprès des Canadiens, en particulier ceux, nombreux, qui sont privés des avantages liés à l’emploi dont bénéficient les fonctionnaires. Il n’a jamais été facile de s’occuper des fonctionnaires inefficaces au sein du gouvernement du Canada, et le défi semble encore plus grand de nos jours. Le greffier du Conseil privé a déclaré devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales en juin 2018 qu’il était difficile de congédier des fonctionnaires

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fédéraux. Il a réclamé que des changements soient apportés à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique afin de « faciliter le congédiement de fonctionnaires pour inconduite, faible rendement ou mauvaise gestion58 ». On se rappellera que 150 fonctionnaires en début de carrière ont aussi réclamé une capacité accrue de remédier au problème des employés peu efficaces afin d’améliorer le moral de la fonction publique et d’éviter de ternir son image lorsque personne ne peut être tenu responsable59. La direction du deuxième syndicat fédéral en importance du secteur public a pris à partie le greffier du Conseil privé pour avoir demandé des mesures plus sévères à l’encontre des employés inefficaces60. Selon des hauts fonctionnaires, il ne vaut la peine de vouloir s’occuper des employés inefficaces parce que, trop souvent, la tâche demande beaucoup de temps, est trop difficile et ses résultats, trop incertains. Il est plus facile, ajoutent-ils, de simplement laisser de côté ces employés ou de les muter à une autre direction gouvernementale ou à un autre ministère. Ils indiquent que leurs relations avec les syndicats du secteur public constituent un obstacle important. Partis de rien au milieu des années 1960, les fonctionnaires ont maintenant droit à la négociation collective et le droit de se syndiquer dans toute la fonction publique fédérale. De nos jours, 70 % des travailleurs et des travailleuses du secteur public appartiennent à un syndicat, comparativement à seulement 14 % de leurs homologues du secteur privé. Les gestionnaires savent très bien que les employés de la fonction publique et leurs représentants syndicaux iront devant les tribunaux si la direction prend la moindre mesure en vue de congédier quelqu’un pour faible productivité. Pour éviter les tracasseries, les gestionnaires s’emploieront plutôt à régler les questions sur lesquelles ils exercent un certain contrôle. De toute façon, ils ne sont guère incités à s’engager dans un processus d’une durée probable de deux ans pour renvoyer un employé à cause de ses mauvais résultats. Même s’ils croient que leur cause est solide, rien ne garantit le succès de leur démarche61. Un premier ministre pourrait certainement accepter les avis du greffier du Conseil privé et demander au Parlement de modifier la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Une telle initiative exigerait de la volonté politique, car le gouvernement ferait face à une vive opposition de la part des dirigeants syndicaux. Mais la question va au-delà d’une simple révision de la loi qui s’applique. Il est facile pour le greffier du Conseil privé et d’autres hauts fonctionnaires de pointer du doigt la Loi et le Parlement en disant qu’ils sont la source du problème. Nous savons que la grande majorité

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des gestionnaires et des employés de première ligne ne prend pas au sérieux les évaluations annuelles de rendement. Barbara Wake Carroll et David Siegel indiquent que « presque tout le monde » a ri quand ils ont demandé à des fonctionnaires du domaine ce qu’ils pensaient du système d’évaluation du rendement. Ils rapportent que l’évaluation du rendement est largement effectuée machinalement et que ni le superviseur, ni les subalternes ne prennent l’exercice très au sérieux. Ils citent les commentaires suivants d’un travailleur de première ligne : « Au cours des sept dernières années, personne n’est venu me dire que j’avais fait quelque chose de mal. Personne ne vient jamais vérifier... Ils ne vous disent pas que vous avez fait quelque chose de bien; ils ne vous disent pas que vous avez fait quelque chose de mal. Il n’y a aucun examen du fonctionnement62. » Aucune volonté politique ou modification de loi n’est requise pour prendre les évaluations annuelles de rendement au sérieux; il ne faut que des gestionnaires qui font ce qu’on attend d’eux et d’elles.

l a d é m o c r at ie r e p r é s e ntati ve du canada a b e s o in d ’ in s t it u ti ons en santé Les députés qui siègent à la Chambre des communes sont le produit du suffrage universel par scrutin secret. Le Canada se caractérise par un régime de partis concurrentiels, la liberté de presse, une fonction publique professionnelle et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Bref, le Canada a ce qu’il faut pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie représentative. La question est de savoir si ces institutions, pierres d’assise de la démocratie représentative, sont à la hauteur. J’affirme qu’elles ne le sont pas et que nous avons permis pendant trop longtemps qu’elles s’effritent. Nous ne devrions plus adopter une attitude de laisser-aller envers le fonctionnement de nos institutions nationales63. Je soutiens que ce qu’il faut pour redresser nos institutions est de la volonté politique et la reconnaissance que nous avons concentré trop de pouvoir entre les mains d’un seul individu et d’une poignée de courtisans. La géographie du Canada et ses différences régionales marquées exigent que les institutions nationales aient la capacité de refléter le facteur régional et de mieux prendre en considération la situation des régions au moment d’élaborer les politiques et les programmes nationaux. La volonté politique, non les modifications constitutionnelles, peut permettre de rétablir le rôle de la Chambre des communes en tant que source de légitimité ou comme la seule

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voix qui puisse légitimement parler au nom de toutes les collectivités canadiennes, et de faire du Sénat le porte-parole des régions. La volonté politique est également tout ce qu’il faut pour que le Cabinet soit véritablement l’organe d’élaboration des politiques gouvernementales chargé de résoudre toutes les questions importantes, plutôt qu’un organe qui ratifie simplement les décisions prises par le premier ministre et ses courtisans. La volonté politique est tout ce qu’il faut pour permettre à la fonction publique d’exercer son jugement avec autorité et lui accorder une capacité renouvelée de préparer et de soumettre des avis fondés sur des données probantes, ainsi que les moyens d’assurer une prestation efficace des services et des programmes. Ce qu’il faut c’est un premier ministre ou une première ministre qui est aussi fermement engagé à redresser nos institutions politiques que l’était Pierre E. Trudeau à rapatrier la Constitution du Canada. Il ne faut rien de moins pour y parvenir, comme l’histoire le démontre. Dans la préface, j’ai cité Robertson Davies  : «  Le Canada n’est pas un pays que l’on aime, mais un pays dont on se soucie. » Les Canadiens et les Canadiennes ont des raisons de se faire du souci au sujet de l’état de leurs institutions politiques et administratives nationales. L’avenir du Canada dépend de la capacité des institutions de représenter les points de vue de toute la population et de toutes les régions du pays, de montrer à la population canadienne qu’elles peuvent défendre d’autres intérêts que ceux des élites et de déterminer qui sont les personnes responsables et quelles sont leurs responsabilités.

Notes

p r é fac e 1 C.B. Macpherson, The Real World of Democracy (Toronto : House of Anansi Press, 2000) (traduction libre). 2 Howard A. Doughty, compte rendu de Participatory Democracy: Prospects for Democratizing Democracy, de Dimitrios Roussopoulos et C. George Benello (dir.), College Quarterly, vol. 9, no 4 (2006), http://www. collegequarterly.ca/2006-vol09-num04-fall/reviews/doughty3.html (traduction libre). 3 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, What Is Government Good At? A Canadian Answer (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2015). 4 Bob Hepburn, « Why Canada’s Democracy Rates a Sad “C” Grade », The Toronto Star, 25 mars 2015, www.thestar.com/opinion/ commentary/2015/03/25/why-canadas-democracy-rates-a-sad-c-gradehepburn.html (traduction libre). 5 Cité dans David Olive, Canada Inside Out: How We See Ourselves – How Others See Us (Toronto, Doubleday, 1996), 41 (traduction libre). 6 «Farewell Speech », Washington, Executive Office of the President, 10 janvier 2017, 9 (traduction libre).

i nt roduct i o n 1 John Dunn, Setting the People Free: The Story of Democracy (Londres : Atlantic Books, 2005), 16. 2 Voir, par exemple, A.C. Grayling, Towards the Light: The Story of the Struggles for Liberty and Rights That Made the Modern West (Londres : Bloomsbury, 2007), 159.

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Notes des pages 4-8

3 William Cross, « Canada: A Challenging Landscape for Political Parties and Civil Society in a Fragmented Polity », dans Klaus Detterbeck et Wolfgang Renzsch (dir.), Political Parties and Civil Society in Federal Countries (Toronto : Oxford University Press, 2015), 71. 4 James Madison, The Federalist Papers, no 10, « The Utility of the Union as a Safeguard Against Domestic Faction and Insurrection », New York, Daily Advertiser, 22 novembre 1787 (traduction libre). 5 Cheryl Simrell King et Camilla Stivers, « Citizens and Administrators: Roles and Responsibilities », dans Richard C. Box (dir.), Public Administration and Society: Critical Issues in American Governance (Londres : M.E. Sharpe, 2004), 272 (traduction libre). 6 William Doyle, The Oxford History of the French Revolution (Oxford : Oxford University Press, 2002). 7 Phillip A. Buckner, « Rébellions de 1837-1838 », L’encyclopédie canadienne, 15 juillet 2013, http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/ rebellions-de-1837/. 8 L’Act of Settlement de 1701 établissait que le Parlement avait le pouvoir de déterminer l’identité du monarque en modifiant l’ordre de succession. 9 Dunn, Setting the People Free, 26. 10 Ibid., 13. 11 Ibid., 18 (traduction libre). 12 Stephen Brooks, Canadian Democracy, 8e éd. (Toronto : Oxford University Press, 2015), 15 (traduction libre). 13 Forrest Vern Morgeson III, Reconciling Democracy and Bureaucracy: Towards a Deliberative-Democratic Model of Bureaucratic Accountability (Pittsburgh : University of Pittsburgh Press, 2005), thèse de doctorat, polycopie, 10. 14 « Apple Against Pie », The Economist, 17 mars 2018, 81 (traduction libre). 15 Marc Mayrand, « Maintenir la confiance et l’engagement envers les élections au Canada : un appel à l’action », allocution du directeur général des élections du Canada au Economic Club of Canada le 25 septembre 2012, Toronto, 1. 16 Thomas S. Axworthy, « Addressing the Accountability Deficit: Why Paul Martin’s Minority Government Must Pay More Attention to the Three A’s », Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, document de travail no 2004-11, octobre 2004, 1 (traduction libre). 17 Alison Loat et Michael MacMillan, Tragedy in the Commons: Former Members of Parliament Speak Out About Canada’s Failing Democracy (Toronto : Random House, 2014), 33. 18 Andrea Lawlor, Alex Marland et Thierry Giasson, « Emerging Voices, Evolving Concerns », dans Alex Marland, Thierry Giasson et Andrea

Notes des pages 8-12

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30 31 32 33 34

431

Lawlor (dir.), Political Elites in Canada: Power and Influence in Instantaneous Times (Vancouver : ubc Press, 2018), 269. Voir, entre autres, Peter Aucoin, Mark Jarvis et Lori Turnbull, Democratizing the Constitution: Reforming Responsible Government (Toronto : Emond Montgomery Publications, 2011). La démocratie à 360 de Samara : parler, agir, diriger (Toronto : Samara, 2015), 6. Voir, entre autres, Donald J. Savoie, What Is Government Good At? A Canadian Answer (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2015), et Fareed Zakaria, The Future of Freedom: Illiberal Democracy at Home and Abroad (New York : W.W. Norton, 2007). Je suis redevable à mon collègue le professeur Gabriel Arsenault qui a souligné ce point lors de sa lecture du manuscrit. C’est le point qu’a soulevé Francis Fukuyama dans Political Order and Political Decay: From the Industrial Revolution to the Globalization of Democracy (New York : Farrar, Straus and Giroux, 2015), 548. Richard Nadeau et André Blais, « Accepting the Election Outcome: The Effect of Participation on Losers’ Consent », British Journal of Political Science, vol. 23, no 4 (octobre 1993), 553-63. Bill Browder, Red Notice: A True Story of High Finance, Murder, and One Man’s Fight for Justice (New York : Simon and Schuster, 2015), 6. Ibid., 10, 11 et 24. Kelly Blidook, Constituency Influence in Parliament: Countering the Centre (Vancouver : ubc Press, 2012), 1 (traduction libre). Daniel J. Levitin, A Field Guide to Lies: Critical Thinking in the Information Age (Londres : Allen Lane, 2016), 41 (traduction libre). Michael Harris, « Review: Daniel J. Levitin’s A Field Guide to Lies Is Smart, Timely and Massively Useful », Globe and Mail, 2 septembre 2016, https://www.theglobeandmail.com/arts/books-and-media/book-reviews/ review-daniel-j-levitins-a-field-guide-to-lies-is-smart-timely-and-massivelyuseful/article31690289/ (traduction libre). Cass R. Sunstein, #Republic: Divided Democracy in the Age of Social Media (Princeton : Princeton University Press, 2017), 1-4, 9 et 259. Joel Stein, « Millennials: The Me, Me, Me Generation », Time Magazine, 9 mai 2013, time.com/247/millennials-the-me-me-me-generation/. Savoie, What Is Government Good At?, chapitre 2. Bob Rae, What’s Happened to Politics? (Toronto : Simon and Schuster Canada, 2015), 108 (traduction libre). Richard Simeon, « Regionalism and Canadian Political Institutions », Queen’s Quarterly, vol. 82, no 4 (hiver 1975), 504 (traduction libre).

432

Notes des pages 12-14

35 Voir, entre autres, ibid., 33. 36 Cité dans Jean-François Lisée, « Un Canada postnational? », Le Devoir, 7 juillet 2016, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/474905/ un-canada-postnational. 37 Margaret Atwood, Essai sur la littérature canadienne (Montréal : Boréal Express, 1987), 158. 38 Cité dans « Searching for a Canada of the Soul not the Census », Globe and Mail, 18 juin 2016, F3 (traduction libre). 39 Cité dans Northrop Frye, The Bush Garden: Essays on the Canadian Imagination (Toronto : Anansi, 1971), i-ii (traduction libre). 40 Don Desserud, « The Senate Residency Requirement and the Constitution – ‘He Shall Be Resident in the Province’ », Journal of Parliamentary and Political Law XI, no 1 (mars 2017), 61-98. 41 Voir, par exemple, Michael Kirby et Hugh Segal, A House Undivided: Making Senate Independence Work (Ottawa : Forum des politiques publiques, 2016). 42 Guy Laforest citant le rapport du Comité constitutionnel du Parti libéral du Québec intitulé « Un Québec libre de ses choix », dans Trudeau et la fin d’un rêve canadien (Sillery : Septentrion, 1992), 65. 43 Gregory S. Mahler, « Canada: Two Nations, One State? », dans Daniel P. Franklin et Michael J. Baun (dir.), Political Culture and Constitutionalism: A Comparative Approach (Londres : M.E. Sharpe, 1995), 62. 44 Arthur Lower, cité dans Neil Reynold, « Quebec a Nation? In a Dominion of Canada », Globe and Mail, 3 novembre 2006, https://www. theglobeandmail.com/report-on-business/quebec-a-nation-in-a-dominionof-canada/article22504797/ (traduction libre). 45 Gordon T. Stewart, The Origins of Canadian Politics: A Comparative Approach (Vancouver : University of British Columbia Press, 1986), 7 (traduction libre). 46 Voir, entre autres, Elisabeth Gidengil, André Blais, Richard Nadeau et Neil Nevitte, « Making Sense of Regional Voting in the 1997 Canadian Federal Election: Liberal and Reform Support Outside Quebec », Canadian Journal of Political Science = Revue canadienne de science politique, vol. 32, no 2 (juin 1999), 247-72. 47 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 48 Voir, entre autres, Alan C. Cairns, « The Governments and Societies of Canadian Federalism », Canadian Journal of Political Science = Revue canadienne de science politique, vol. 10, no 4 (décembre 1977), 695-725.

Notes des pages 14-19

433

49 Peter M. Leslie, Rebuilding the Relationship: Quebec and Its Confederation Partners (Kingston : Institut des relations intergouvernementales, 1987). 50 Nelson Wiseman, In Search of Canadian Political Culture (Vancouver : ubc Press, 2007). 51 Andrew Coyne, « New Senate Activism Undermines the Very Principle of Democracy », National Post, 8 juin 2016, http://nationalpost.com/opinion/ andrew-coyne-new-senate-activism-undermines-the-very-principle-ofdemocracy (traduction libre). 52 Voir, entre autres, Colin Crouch, Post-Democracy (Cambridge : Polity Press, 2004). 53 C’est ce que font valoir Guy Lodge et Glenn Gottfried dans leur « Introduction » de Democracy in Britain: Essays in Honour of James Cornford (Londres : ippr, 2014), 8. 54 Ganesh Sitaraman, The Crisis of the Middle-Class Constitution: Why Economic Inequality Threatens Our Republic (New York : Alfred A. Knopf, 2017), 3. 55 Donald J. Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers, and Parliament (Toronto : University of Toronto Press, 2003). 56 Voir Gidengil, Blais, Nadeau et Nevitte, « Making Sense of Regional Voting », 247-72, et Stéphane Paquin, L’invention d’un mythe : le pacte entre deux peuples fondateurs (Montréal : vlb, 1999). 57 Peter H. Russell, Canada’s Odyssey: A Country Based on Incomplete Conquests (Toronto : University of Toronto Press, 2017). 58 Richard Simeon et Luc Turgeon, « Federalism, Nationalism and Regionalism in Canada », Revista d’Estudis Autonòmics i Federals, no 3 (2006), 19. 59 B. Guy Peters, « Institutional Theory: Problems and Prospects », Vienne, Institute for Advanced Studies, 2000, 3, coll. « Political Science Series » (traduction libre). 60 De plus en plus d’ouvrages traitent de la dépendance trajectoriellle et de l’institutionnalisme historique. Voir, par exemple, James G. March et Johan P. Olsen, Rediscovering Institutions: The Organizational Basis of Politics (New York : Free Press, 1989). 61 Pour une excellente analyse de l’institutionnalisme historique, voir Peter A. Hall, Governing the Economy: The Politics of State Intervention in Britain and France (Oxford : Oxford University Press, 1986). 62 B. Guy Peters, Jon Pierre et Desmond S. King, « The Politics of Path Dependency: Political Conflict in Historical Institutionalism », The Journal of Politics, vol. 67, no 4 (novembre 2005), 1282 et 1283. 63 Voir, par exemple, David E. Smith, Federalism and the Constitution of Canada (Toronto : University of Toronto Press, 2010). 64 Ibid., 2.

434

Notes des pages 19-29

65 Richard Simeon, « Conflicts and Contradictions: Contemporary Strains in Canadian Federation », Proceedings, Social Development in a Pluralist Society, Ottawa, Conseil canadien de développement social, 1977, 9 (traduction libre). 66 Nicholas d’Ombrain, « Cabinet Secrecy », Canadian Public Administration = Administration publique du Canada, vol. 47, no 3 (automne 2004), 353 (traduction libre). 67 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Visiting Grandchildren: Economic Development in the Maritimes (Toronto : University of Toronto Press, 2006). 68 J.E. Hodgetts, « Challenge and Response: A Retrospective View of the Public Service of Canadas », Canadian Public Administration = Administration publique du Canada, vol. 7, no 4 (décembre 1964), 410, 414 et 415. 69 Alan C. Cairns, From Interstate to Intrastate Federalism in Canada (Kingston : Institut des relations intergouvernementales, 1979), 8, coll. « Documents de travail », no 5 (traduction libre). 70 Savoie, Breaking the Bargain. 71 Voir, par exemple, Andrew Griffith, « Resetting Citizenship and Multiculturalism », Optimum Online, vol. 43, no 2 (juin 2013), http:// www.optimumonline.ca/article.phtml?&id=436. 72 Allocution prononcée par la très honorable Beverley McLachlin, C.P., juge en chef du Canada, à l’Université Western Ontario, Faculté de droit, London, 6 novembre 2002, 4 et 5 (traduction libre). 73 Peter H. Russell, « The Effect of a Charter of Rights on the Policy-Making Role of Canadian Courts », Canadian Public Administration = Administration publique du Canada, vol. 25, no 1 (mars 1982), 1-33. 74 John Sawatsky, The Insiders: Government, Business, and the Lobbyists (Toronto : McClelland and Stewart, 1987).

c ha p i t r e u n 1 Platon : Œuvres complètes, traduit sous la dir. de Luc Brisson (Paris : Flammarion, 2008). 2 Rod Jenks, Plato on Moral Expertise (New York : Lexington Books, 2008), 53 (traduction libre). 3 Alexander Hamilton, John Jay et James Madison, The Federalist (New York : McGraw-Hill, 1987), 313. 4 Josiah Ober, Mass and Elite in Democratic Athens: Rhetoric, Ideology and the Power of the People (Princeton : Princeton University Press, 1989), 7 (traduction libre).

Notes des pages 29-37

435

5 John Thorley, Athenian Democracy, 2e edition (Abingdon : Taylor and Francis, 2004). 6 A.H.M. Jones, Athenian Democracy (Oxford : Basil Blackwell, 1957). 7 Platon, La République, 2e éd. (Paris : Flammarion, 2004). 8 Thomas Paine, Rights of Man (Mineola : Dover Publications, 1999). 9 Voir, parmi de nombreux autres, Hans Julius Wolff, Roman Law: An Historical Introduction (Norman : University of Oklahoma Press, 1951). 10 S.E. Finer, The History of Government from the Earliest Times, vol. I : Monarchies and Empires (Oxford : Oxford University Press, 1997), 542. 11 Ibid. 12 Ibid., 543 (traduction libre). 13 Ibid., 583-5. 14 Thomas Jefferson, « Letter to Henry Lee », 9 mai 1825, dans Morton J. Frisch et Richard G. Stevens (dir.), The Political Thought of American Statesmen (Itasca : F.E. Peacock, 1973), 12. 15 Mortimer N.S. Sellers, “The Roman Republic and the French and American Revolutions,” dans Harriet I. Flower, The Cambridge Companion to the Roman Republic (Cambridge : Cambridge University Press, 2004). 16 Anthony Everitt, Cicero: The Life and Times of Rome’s Greatest Politician (New York : Random House, 2002). 17 L’Act of Settlement de 1701 établissait que le Parlement avait le pouvoir de déterminer l’identité du monarque en modifiant l’ordre de succession. 18 Voir, entre autres, Jeffrey Goldsworthy, The Sovereignty of Parliament: History and Philosophy (Oxford : Oxford University Press, 2001), 16-18. 19 A.C. Grayling, Toward the Light of Liberty: The Struggles for Freedom and Rights That Made the Modern Western World (Londres : Bloomsbury, 2007), 111. 20 Cité dans Joyce Lee Malcolm, « Doing No Wrong: Law, Liberty, and the Constraint of Kings », Journal of British Studies, vol. 38, no 2 (avril 1999), 161 (traduction libre). 21 Divers collaborateurs, « Magna Carta », New World Encyclopedia, 28 août 2014, www.newworldencyclopedia.org/p/index.php?title=Magna_ Carta&oldid=983998 (traduction libre). 22 Barry Coward, The Cromwellian Protectorate (Manchester : Manchester University Press, 2003). 23 Goldsworthy, The Sovereignty of Parliament, 140-1 (traduction libre). 24 Alfred, Lord Tennyson, « You Ask Me, Why, Tho’ Ill at Ease », Poems, 2 vol. (Boston : W.D. Ticknor, 1842), rpo.library.utoronto.ca/poems/you-askme-why-tho-ill-ease (traduction libre).

436

Notes des pages 37-42

25 Finer, The History of Government, vol. 1, 1340. 26 John Miller, James II (New Haven : Yale University Press, 2000). 27 Bryan Bevan, King William III: Prince of Orange, the First European (Londres : Rubicon Press, 1997). 28 L.G. Schwoerer, « The Contributions of the Declaration of Rights to Anglo-American Radicalism », dans M.C. Jacob et J.R. Jacob (dir.), The Origins of Anglo-American Radicalism (Londres : Allen and Unwin, 1984), 112. 29 Adam Tomkins, Public Law (Oxford : Oxford University Press, 2003), 44 (traduction libre). 30 Walter Bagehot, La Constitution anglaise, traduit de l’anglais par M. Gaulhiac (Paris : Germer Baillière, 1869), 323. 31 L.G. Schwoerer, « Locke, Lockean Ideas, and the Glorious Revolution », Journal of the History of Ideas, vol. 51, no 4 (octobre-décembre 1990), 538 (traduction libre). 32 Alex Tuckness, « Locke’s Political Philosophy », The Stanford Encyclopedia of Philosophy (printemps 2016), plato.stanford.edu/ archives/spr2016/entries/locke-political/ (traduction libre). 33 John Locke, Deux traités du gouvernement, traduit de l’anglais par Bernard Gilson (Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 1997), 236. 34 John Locke, Locke: The Political Writings, introduction de David Wootton (Cambridge : Hackett Publishing, 2003). 35 Joanna Innes et Mark Philp (dir.), Re-imagining Democracy in the Age of Revolutions: America, France, Britain, Ireland 1750-1850 (Oxford : Oxford University Press, 2013) (traduction libre). 36 Janet Ajzenstat, The Canadian Founding: John Locke and Parliament (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2007). 37 Anne M. Cohler, Basia C. Miller et Harold S. Stone (dir.), Montesquieu: The Spirit of the Laws (Cambridge : Cambridge University Press, 1989). 38 Pour un excellent portrait de Thomas Paine, de son œuvre et de son influence, voir Grayling, Toward the Light of Liberty, chapitre 4. 39 Thomas Paine, Le sens commun, adressé aux habitants de l’Amérique, traduit de l’anglais (Rotterdam : J. Hofhout et E. Wolfsbergen, 1776), 10, 13-14 et 18. 40 Ibid. 41 W.A. Speck, A Political Biography of Thomas Paine (Londres : Routledge, 2013). 42 Ian Ward, The English Constitution: Myths and Realities (Oxford : Hart Publishing, 2004).

Notes des pages 43-51

437

43 Voir, par exemple, P.B. Waite (dir.), The Confederation Debates in the Province of Canada, 1865 (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2006). 44 Barbara Silberdick Feinberg, The Articles of Confederation: The First Constitution of the United States (Brookfield : Twenty-First Century Books, 2002). 45 George M. Wrong, « The Creation of the Federal System in Canada », dans George M. Wrong et al., The Federation of Canada 1867-1917: Four Lectures Delivered at the University of Toronto in March 1917 to Commemorate the Fiftieth Anniversary of the Federation (Toronto : Oxford University Press, 1917), 19. 46 Cohler, Miller et Stone, Montesquieu. 47 K.C. Wheare, « Walter Bagehot: Lecture on a Master Mind », Proceedings of the British Academy, vol. 60, prononcée le 27 février 1974 (Oxford : Oxford University Press, 1975), 197. 48 Bagehot, La Constitution anglaise, 16. 49 Walter Bagehot, The English Constitution, 2e éd. (Boston : Little, Brown and Company, 1873), 21. 50 Ibid., 51. 51 Bagehot, La Constitution anglaise, 233. 52 Ibid., 20. 53 Ibid., 282-3 et 278. 54 Vernon Bogdanor, « Britain: The Political Constitution », dans Vernon Bogdanor (dir.), Constitutions in Democratic Politics (Aldershot : Gower, 1988), 54 (traduction libre).

c ha p i t r e d e u x 1 J.M.S. Careless, The Union of the Canadas: The Growth of Canadian Institutions, 1841-1857 (Toronto : McClelland and Stewart, 1967). 2 Ibid. Voir aussi Gordon Stewart, The Origins of Canadian Politics: A Comparative Approach (Vancouver : University of British Columbia Press, 1986), 59. 3 Richard Gwyn, John A.: The Man Who Made Us, vol. 1 : 1815-1867 (Toronto : Vintage Canada, 2008), 271 (traduction libre). 4 Stephen Harper, « Sir Wilfrid Laurier Was One of the Greatest Prime Ministers of All Time », National Post, 9 septembre 2016. 5 Canada, Loi constitutionnelle de 1867, 30 Victoria, ch. 3 (R.-U.), http:// laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/page-1.html.

438

Notes des pages 51-5

6 Cité dans J.K. Johnson et P.B. Waite, « Macdonald, sir John Alexander », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. XII : (1891-1900), s.d., http://www.biographi.ca/fr/bio/macdonald_john_alexander_ 12F.html. 7 Gwyn, John A., 321-2. 8 C.M. Wallace, « Smith, sir Albert James », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. XI : (1881-1890), s.d., http://www.biographi.ca/fr/bio/ smith_albert_james_11E.html. 9 J.M.S. Careless, Canada: A Story of Challenge, 2e éd. (Cambridge : Cambridge University Press, 2012). 10 Donald Creighton, John A. Macdonald: The Young Politician (Toronto : Macmillan, 1952). 11 Cité dans Gwyn, John A., 398 (traduction libre). 12 Cité dans Joseph Pope, Memoirs of the Right Honourable Sir John Alexander Macdonald, G.C.B., First Prime Minister of the Dominion of Canada, vol. 1 (Londres : Edward Arnold, 1894), 229; traduit en français dans Wolfgang Koerner, Les fondements du fédéralisme canadien (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, Service de recherche, 1988), 5. 13 Goldwin Smith, cité dans Ged Martin, « Faction and Fiction in Canada’s Great Coalition of 1864 », conférences Winthrop Pickard Bell à l’Université Mount Allison de Sackville (N.-B.), polycopie, novembre 1991, 1 (traduction libre). 14 Ibid., 8. 15 George F.G. Stanley, « Act or Pact: Another Look at Confederation », message annuel du président à la Société historique du Canada, 1956, polycopie, 7 (traduction libre). 16 Martin, « Faction and Fiction in Canada’s Great Coalition of 1864 », 3 (traduction libre). 17 Gwyn, John A., 292 et 439 (traduction libre). 18 Ibid., 311 (traduction libre). 19 Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l’Amérique du Nord britannique, 3e session, 8e Parlement provincial du Canada (Québec : Hunter, Rose et Lemieux, imprimeurs parlementaires, 1865), 983. 20 Donald Creighton, The Road to Confederation: The Emergence of Canada, 1863-1867 (Toronto : Macmillan, 1964), 130. 21 M.O. Hammond, « Sir Samuel Leonard Tilley », dans Canadian Confederation and Its Leaders, s.d., www.electriccanadian.com/makers/ confederation/chapter12.htm (traduction libre). 22 Voir, entre autres, Gwyn, John A., 271. 23 Creighton, The Road to Confederation, 330.

Notes des pages 55-60 24 25 26 27 28 29 30 31 32

33 34 35 36 37 38 39 40

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45 46

439

Ibid., 342 (traduction libre). Wallace, « Smith, sir Albert James ». Ibid. Cité dans ibid. Ibid. Creighton, The Road to Confederation. Ronald Rees, New Brunswick: An Illustrated History (Halifax : Nimbus, 2014), 142 (traduction libre). Ed Whitcomb, A Short History of Nova Scotia (Ottawa : From Sea to Sea Enterprises, 2009), 29. Cité dans Peter Burroughs, « MacDonnell, sir Richard Graves », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. XI : (1881-1890), http://www.biographi.ca/fr/bio/macdonnell_richard_graves_11F.html. Creighton, The Road to Confederation, 350 (traduction libre). Ibid., 368 (traduction libre). Ibid. Ibid. Voir, entre autres, Jack Stilborn, La réforme du Sénat : enjeux et développements récents (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 2008). Gwyn, John A., 319. Cité dans Jennifer Smith, Federalism (Vancouver : ubc Press, 2004), 49 (traduction libre). G.P. Browne (dir.), Documents on the Confederation of British North America: London Conference, 13 December 1866 (Montréal : McGillQueen’s University Press, 2009), 211 (traduction libre). Creighton, The Road to Confederation, 153. Voir l’hon. Noël A. Kinsella, « Avant-propos », Le Sénat : rapport d’activités, 2010, s.d., https://sencanada.ca/portal/AnnualReports/2009-2010/ forewordhnk-F.htm. Margaret Conrad, « 150? Canada’s Sticky, Messy History », Atlantic Books Today, 5 juin 2017, http://atlanticbookstoday.ca/150-canadassticky-messy-history/ (traduction libre). Philip Girard, « The Atlantic Provinces and the Confederation Debates of 1865 », 28 juin 2016, http://activehistory.ca/2016/06/the-atlantic-provincesand-the-confederation-debates-of-1865/ (traduction libre). Richard Foot, « Sénat du Canada », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/senat/. Voir, parmi de nombreux autres, Lysiane Gagnon, « A Senate Still Searching for Sober Second Thought », Globe and Mail, 13 février 2013, https://www.theglobeandmail.com/opinion/a-senate-still-searching-forsober-second-thought/article8508777/.

440

Notes des pages 60-4

47 Stilborn, La réforme du Sénat. 48 Chris Wattie, « It Gets Large-H Harder to Say Just What the Senate’s for », Globe and Mail, 5 mai 2016, https://beta.theglobeandmail.com/opinion/ editorials/it-gets-large-h-harder-to-say-just-what-the-senates-for/ article29905257/ (traduction libre). 49 Canada, 2014 csc 32, numéro du greffe 35203, Ottawa, Cour suprême du Canada, 25 avril 2014, 11-12. 50 Michael Kirby et Hugh Segal, A House Undivided: Making Senate Independence Work (Ottawa : Forum des politiques publiques, 2016), 5 (traduction libre). 51 Ibid., 8 (traduction libre). 52 Ibid., 13. 53 Ibid., 15 (traduction libre). 54 Voir Paul Thomas, « Transforming Senate Will Take Soft Power », Winnipeg Free Press, 29 décembre 2016, https://www.winnipegfreepress. com/opinion/analysis/transforming-senate-will-take-soft-power408577145.html. 55 Sénateur Paul J. Massicotte, « Why the Senate Shouldn’t Organize by Region », Hill Times, 24 novembre 2016 (traduction libre). 56 Matthew Mendelsohn, « Abolish the Senate? Forget It: Change the Senate? Maybe », Globe and Mail, 24 mai 2013, http://www. theglobeandmail.com/opinion/abolish-the-senate-forget-it-change-thesenate-maybe/article12127063/ (traduction libre). 57 Stéphane Dion, « Institutional Reform: The Grass Isn’t Always Greener on the Other Side », dans Hans J. Michelmann, Donald C. Story et Jeffrey S. Steeves (dir.), Political Leadership and Representation in Canada: Essays in Honour of John C. Courtney (Toronto : University of Toronto Press, 2007), 185 (traduction libre). 58 Roger Gibbins, Regionalism: Territorial Politics in Canada and the United States (Toronto : Butterworth, 1982), 195 (traduction libre). 59 Cité dans Colby Cosh, « Roger Gibbins Against Senate Reform? The Hell You Say! », Maclean’s, 14 mai 2012, http://www.macleans.ca/authors/ Colby-cosh/roger-gibbins-against-senate-reform-the-hell-you-say/ (traduction libre). 60 Ibid. (traduction libre). 61 « Abolish the Senate Because Reform Is “Never Going to Happen”: Saskatchewan Premier Brad Wall », National Post, 23 juillet 2013, http:// nationalpost.com/news/politics/abolish-the-senate-because-reform-is-nevergoing-to-happen-saskatchewan-premier-brad-wall. 62 Preston Manning, « Senate Reform, Not Abolition, Is in the East’s Interests », Globe and Mail, 10 juin 2013, A13 (traduction libre).

Notes des pages 65-72

441

63 Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 64 Ibid. 65 Ibid., 100. 66 Cité dans Stanley, « Act or Pact », 12; traduit dans Débats parlementaires sur la question de la Confédération. 67 MacNutt, New Brunswick: A History, 456 (traduction libre). 68 Ibid., 457. 69 Creighton, The Road to Confederation, 444. 70 Phillip Buckner, « chr Dialogue: The Maritimes and Confederation: A Reassessment », Canadian Historical Review, vol. 71, no 1 (1990), 3 (traduction libre). 71 Whitcomb, A Short History of Nova Scotia, 31. 72 Gwyn, John A., 372 (traduction libre). 73 Voir, par exemple, Donald Creighton, Towards the Discovery of Canada: Selected Essays (Toronto : Macmillan of Canada, 1972), 295. 74 « A Hard-Won Century », The Economist, 7 octobre 2017, 86. 75 Johnson et Waite, « Macdonald, sir John Alexander ». 76 Gwyn, John A., 279-81 (traduction libre). 77 Creighton, Towards the Discovery of Canada, 295 (traduction libre). 78 Gwyn, John A., 390 (traduction libre). 79 « La Nouvelle-Écosse (1867) », dans La Confédération canadienne (Ottawa : Bibliothèque et Archives Canada, s.d.), http://www.bac-lac. gc.ca/fra/decouvrez/politique-gouvernement/confederation-canadienne/ Pages/confederation-canadienne.aspx. 80 Cité dans Douglas How, A Very Private Person: The Story of Izaak Walton Killam and His Wife Dorothy (Halifax : fiduciaires de la succession de feue Dorothy Killam, 1976) (traduction libre). 81 « Sir Samuel Leonard Tilley », dans Canadian Confederation and Its Leaders, s.d., www.electriccanadian.com/makers/confederation/chapter12. htm (traduction libre). 82 Kenneth McNaught, The Pelican History of Canada (Londres : Penguin Books, 1976), 131. 83 Johnson et Waite, « Macdonald, sir John Alexander ». 84 J’ai consulté deux éminents spécialistes des institutions politiques canadiennes, le professeur David E. Smith et Richard Gwyn, et tous deux ont dit qu’à leur connaissance il n’existait aucune publication sur la question. 85 Ganesh Sitaraman, dans « Can the Country Survive Without a Strong Middle Class? », The Atlantic, 21 mars 2017, www.theatlantic.com/ business/archive/2017/03.

442

Notes des pages 72-7

86 Ganesh Sitaraman, The Crisis of the Middle-Class Constitution (New York : Alfred A. Knopf, 2017), 4. 87 Claude Bélanger, « The Powers of Disallowance and Reservation in Canadian Federalism », Montréal, Marianopolis College, 19 février 2001, http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebechistory/federal/disallow. htm (traduction libre). 88 Ibid. 89 Ibid. 90 Ibid. 91 Ronald Watts, « Final Comments », dans Bertus de Villiers et Jabu Sindane (dir.), Regionalism: Problems and Prospects (Pretoria : hsrc Publisher, 1993), 196 (traduction libre). 92 Nelson Wiseman, In Search of Canadian Political Culture (Vancouver : ubc Press, 2007) (traduction libre). 93 Richard French, « The Future of Federal-Provincial Relations... If Any », document présenté à l’iapc, région de la capitale nationale, juin 1990, 2 (traduction libre). 94 Linda Cardinal et Sébastien Grammond, Une tradition et un droit : le Sénat et la représentation de la francophonie canadienne (Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa, 2016). 95 La Confédération canadienne, Bibliothèque et Archives Canada, http://www.collectionscanada.gc.ca/confederation/023001-2700-f. html. 96 « Second Reform Act 1867 », Living Heritage, s.d., http://www. parliament.uk/about/living-heritage/evolutionofparliament/ houseofcommons/reformacts/overview/furtherreformacts/ (traduction libre). 97 Canada, Loi constitutionnelle de 1867, 30 Victoria, ch. 3, art. 18. (R.-U.), http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/page-1.html. 98 Walter Bagehot, The English Constitution, 2e éd. (Londres : Chapman and Hall, 1873), 14 (traduction libre). 99 Ibid., 15 (traduction libre). 100 Walter Bagehot, La Constitution anglaise, traduit de l’anglais par M. Gaulhiac (Paris : Germer Baillière, 1869), 4. 101 Claude Bélanger, « Supremacy of Parliament and the Canadian Charter of Rights and Freedoms », Montréal, Marianopolis College, 19 février 2001, http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebechistory/federal/parl.htm (traduction libre). 102 Bagehot, La Constitution anglaise, 102. 103 Ibid., 83. 104 Ibid., 155.

Notes des pages 77-82 105 106 107 108 109 110

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Bagehot, The English Constitution, 17 (traduction libre). Ibid., 19 (traduction libre). Ibid., 9 (traduction libre). Bagehot, La Constitution anglaise, 171. David E. Smith, The People’s House of Commons: Theories of Democracy in Contention (Toronto : University of Toronto Press, 2007), 8 (traduction libre). Voir, par exemple, William C. Macpherson, The Baronage and the Senate: Or, the House of Lords in the Past, the Present, and the Future (Londres : John Murray, 1893). G. Lowes Dickinson, The Development of Parliament During the Nineteenth Century (Londres : Longmans, Green, 1895), 181-2 (traduction libre). Zsuzsanna C. Krakker, Golden Age of the British Aristocracy: Methods of Preserving Traditional Leader Position in the Industrial Society (Saarbrucken, Allemagne : vdm Publishing, 2008). Ibid. James Allan, Democracy in Decline: Steps in the Wrong Direction (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2014), 25 et 26 (traduction libre). Bagehot, La Constitution anglaise, 57 et 58. Ibid., 55 Ibid., 314. Voir, par exemple, Seymour Martin Lipset, « The Value Patterns of Democracy: A Case Study in Comparative Analysis », American Sociological Review, vol. 28, no 4 (août 1963), 517. David E. Smith, « Pour bien comprendre : une analyse de la décision de la Cour suprême de 2014 sur le Sénat », 5 décembre 2015, présenté au Comité sur la modernisation du Sénat, document parlementaire no 1/4228S, 18, https://sencanada.ca/content/sen/committee/421/MDRN/Briefs/ MDRN_FINAL-Analysedelad%C3%A9cisiondelaCoursupr%C3%AAme (Prof.DavidSmith)_f.pdf. Lipset, « The Value Patterns of Democracy », 523. Bagehot, La Constitution anglaise, 19 et 21. B. Guy Peters, Carl Dahlström et Jon Pierre (dir.), Steering from the Centre: Strengthening Political Control in Western Democracies (Toronto : University of Toronto Press, 2011). Smith, « Pour bien comprendre », 18. Ibid., 20. Ibid., 4. Ibid., 17.

444

Notes des pages 83-7

c h a p i t r e tro i s 1 Voir Herbert Spencer, The Man Versus the State (Caldwell : The Caxton Printers, 1960). 2 John Stuart Mill, Le gouvernement représentatif, traduit de l’anglais par M. Dupont White (Paris : Guillaumin et Cie, libraires, 1862), 133. 3 Norman McCord et Bill Purdue, British History, 1815-1914 (Oxford : Oxford University Press, 2007), 11. 4 J.A. Cannon, « Aristocracy », The Oxford Companion to British History, 2002, http://www.encyclopedia.com/social-sciences-and-law/politicalscience-and-government/political-science-terms-and-concepts-80 (traduction libre). 5 Janet Ajzenstat, The Canadian Founding: John Locke and Parliament (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2007), 119. 6 Voir, par exemple, V.H.H. Green, A History of Oxford University (Londres : B.T. Batsford, 1974). 7 Joe Nimmo, « Why Have So Many Prime Ministers Gone to Oxford University? », bbc News, 5 octobre 2016, http://www.bbc.com/news/ uk-england-37500542. 8 Karen Seidman, « McGill University Loses Title of “Harvard of the North” to U of T: Rankings », Global News, 5 mars 2013, https:// globalnews.ca/news/403400/ mcgill-university-loses-title-of-harvard-of-the-north-to-u-of-t-rankings/. 9 M.L. Bush, The English Aristocracy: A Comparative Synthesis (Manchester : Manchester University Press, 1984), 151 (traduction libre). 10 David Cannadine, The Decline and Fall of the British Aristocracy (New Haven : Yale University Press, 1990). 11 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome 2 (Paris : M.-Th. Génin, 1951), 228. 12 Donald J. Pierce, « The Rebellion of 1837 and Political Liberty: The Meaning and Value of Responsible Government in Canada », ccha Reports, vol. 4 (1936), 73. 13 Antoine Gérin-Lajoie et Henri Raymond Casgrain, Dix ans au Canada de 1840 à 1850 : histoire de l’établissement du gouvernement responsable (Québec : L.J. Demers et frère, 1888), 407. 14 Voir, par exemple, J.M.S. Careless, Careless at Work: Selected Canadian Historical Studies (Toronto : Dundurn Press, 1996), 67-77. 15 Cité dans J.-C. Bonenfant, « Sir George-Étienne Cartier », Dictionnaire biographique du Canada, vol. X : (1871-1880), http://www.biographi.ca/ fr/bio/cartier_george_etienne_10F.html.

Notes des pages 87-91

445

16 Careless, Careless at Work, 72 (traduction libre). 17 Donald Creighton, The Road to Confederation: The Emergence of Canada, 1863-1867 (Don Mills : Oxford University Press Canada, 2012). 18 Michael Nolan, « Political Communication Methods in Canadian Federal Election Campaign 1867-1925 », Canadian Journal of Communication, vol. 7, no 4 (1981), 32. 19 Norman Ward, The Public Purse: A Study in Canadian Democracy (Toronto : University of Toronto Press, 1951), 80 (traduction libre). 20 Voir, entre autres, Richard Gwyn, John A.: The Man Who Made Us, vol. 1 : 1815-1867 (Toronto : Vintage Canada, 2008), 303. 21 Voir, par exemple, Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 22 James H. Marsh, « Histoire du chemin de fer », L’encyclopédie canadienne, 25 mars 2015, http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/ histoire-du-chemin-de-fer/. 23 Jean-Pierre Kesteman, « Sir Alexander Tilloch Galt – Canada’s First Finance Minister », Financial Post, 3 novembre 2008, http://www. financialpost.com/related/topicsAlexander+Tilloch+Galt+Canada+first+ finance+minister/929548/story.html. 24 Pierre Berton, The Last Spike: The Great Railway 1881-1885 (Toronto : Anchor Canada, 2001). 25 Laura Neilson Bonikowsky, « Le premier télégraphe au Canada », L’encyclopédie canadienne, 18 octobre 2013, http:// encyclopediecanadienne.ca/fr/article/le-premier-telegraphe-au-canada/. 26 George M. Wrong, « The Creation of the Federal System in Canada », dans George M. Wrong, sir John Willison, Z.A. Lash et R.A. Falconer, The Federation of Canada 1867-1917 (Toronto : University of Toronto Press, 1917), 32 (traduction libre). 27 Escott Reid, « The Rise of National Parties in Canada », dans Hugh Thorburn et Alan Whitehorn (dir.), Party Politics in Canada (Toronto : Prentice-Hall, 2001), 15. 28 Khayyam Paltiel, Political Party Financing in Canada (Toronto : McGrawHill, 1970), 76 (traduction libre). 29 Canada, Les statistiques canadiennes en 1867, s.d., https://www65.statcan .gc.ca/acyb07/acyb07_0002-fra.htm, et Warren E. Kalbach, « Population du Canada », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, http:// encyclopediecanadienne.ca/fr/article/population/. 30 Sir John A. Macdonald, cité dans « The Indian Act », Indigenous Foundations, s.d., www.indigenousfoundations.web.arts.ubc.ca/the_ indian_act/ (traduction libre).

446

Notes des pages 92-7

31 William B. Henderson, « Loi sur les Indiens », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/ loi-sur-les-indiens/. 32 Jean-Charles Bonenfant, Les Canadiens français et la naissance de la Confédération (Ottawa : Société historique du Canada, 1984), coll. « Brochures historiques », vol. 21, http://www.collectionscanada.gc.ca/ cha-shc/008004-119.01-f.php?&b_id=H-21&ps_nbr=1&brws= y&&PHPSESSID=s72pjvaac26t2n55f5d52as7t4. 33 Ibid., 16, 18 et 19. 34 Cité dans ibid., 16. 35 Sir John Bourinot, The Story of Canada (New York : G.P. Putnam’s and Sons, 1896), 439 (traduction libre). 36 J.P. Beaulieu, Province of Quebec Industrial Expansion Publication (Québec : Office provincial de publicité pour le ministère de Commerce et Industrie, 1952) (traduction libre). 37 Justin Trudeau, Terrain d’entente (Montréal : Éditions La Presse, 2014), 112-13. 38 Ian McKay et Robin Bates, In the Province of History: The Making of the Public Past in Twentieth-Century Nova Scotia (Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2010), 23. 39 Canada, Affaires autochtones et du Nord Canada, Les Premières Nations au Canada, s.d., https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1307460755710/1307 460872523. 40 Canada, Affaires autochtones et du Nord Canada, Une histoire des Affaires indiennes et du Nord Canada, s.d., https://www.aadnc-aandc. gc.ca/fra/1314977281262/1314977321448. 41 Canada, Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.), par. 91(24), http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/page-1.html. 42 Stephen Brooks, Canadian Democracy, 8e éd. (Toronto : Oxford University Press, 2015), 503 (traduction libre). 43 Desmond Morton, A Short History of Canada (Toronto : McClelland and Stewart, 2006). 44 Creighton, The Road to Confederation, 123 (traduction libre). 45 Ibid., 147 (traduction libre). 46 Ibid., 159 (traduction libre). 47 « Canadian History of Women’s Rights », The Nellie McClung Foundation, s.d., http://www.ournellie.com/womens-suffrage/canadianhistory-of-womens-rights/ (traduction libre). 48 Richard Gwyn, « How Macdonald Almost Gave Women the Vote », The National Post, 14 janvier 2015, http://nationalpost.com/opinion/richardgwyn-how-macdonald-almost-gave-women-the-vote (traduction libre).

Notes des pages 97-104

447

49 Canada, « Le Canada se souvient du rôle joué par les femmes au sein des forces armées », Anciens Combattants Canada, s.d., http://www.veterans. gc.ca/fra/remembrance/those-who-served/women-and-war/military. 50 Le révérend Mather Byles était un membre bien connu du clergé de Boston. On croit qu’il a dit « Qu’est-ce qui est mieux... », mais aucun document ne le confirme. Voir J.L. Bell, « Mather Byles, Sr., and “three thousand tyrants” », Boston 1775: History, Analysis and Unabashed Gossip about the Start of the American Revolution in Massachusetts, 11 mars2007,http://boston1775.blogspot.ca/2007/03/mather-byles-sr-and-threethousand.html (traduction libre). 51 Ruth Holmes Whitehead, Black Loyalists: Southern Settlers of Nova Scotia’s First Free Black Communities (Halifax : Nimbus, 2013). 52 W.S. MacNutt, New Brunswick: A History, 1784-1867 (Toronto : Macmillan, 1963), 83. 53 Barry Cahill, « The Black Loyalist Myth in Atlantic Canada », Acadiensis, vol. XXIX, no 1 (automne 1999), 82 (traduction libre). 54 Ed Whitcomb, A Short History of Nova Scotia (Ottawa : From Sea to Sea Enterprises, 2009), 13 (traduction libre). 55 Voir, entre autres, Norman Knowles, Inventing the Loyalists: The Ontario Loyalist Tradition and the Creation of Usable Pasts (Toronto : University of Toronto Press, 1997). 56 John Milloy, Indian Act Colonialism: A Century of Dishonour, 1869-1969 (Ottawa : Centre national pour la gouvernance des Premières nations, 2008), 2. 57 Canada, Loi de 1867 sur l’Amérique du Nord britannique, 30-31 Victoria, ch. 3 (R.U.), art. 133, http://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/sjc-csj/ constitution/loireg-lawreg/p1t15.html. 58 Cité dans Creighton, The Road to Confederation, 98. 59 Paul Pierson, Politics in Time: History, Institutions, and Social Analysis (Princeton : Princeton University Press, 2004). 60 George F.G. Stanley, « Act or Pact: Another Look at Confederation », message annuel du président à la Société historique du Canada, 1956, polycopie, 21 et 11 (traduction libre). 61 Milloy, Indian Act Colonialism, 8 (traduction libre). 62 E.B. Titley, A Narrow Vision: Duncan Campbell Scott and the Administration of Indian Affairs in Canada (Vancouver : ubc Press, 1986). 63 K.C. Wheare, Federal Government, 4e éd. (Oxford : Oxford University Press, 1963), 20 (traduction libre). 64 Je ne pourrais terminer ce chapitre sans faire référence à l’ouvrage classique de John Porter, The Vertical Mosaic: An Analysis of Social Class and Power in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1965).

448

Notes des pages 106-9

c ha p i t r e quat re 1 C.M. Wallace, « Sir Albert James Smith », Dictionnaire biographique du Canada, vol. XI : (1881-1890), s.d., http://www.biographi.ca/fr/bio/smith_ albert_james_11E.html. 2 Jennifer Smith, Federalism (Vancouver : ubc Press, 2004, 49 (traduction libre). 3 Cité dans C.M. Wallace, « Albert Smith, Confederation and Reaction in New Brunswick: 1852-1882 », The Canadian Historical Review, vol. 44, no 4 (décembre 1963), 298-9 (traduction libre). 4 « Not Satisfied and Why », Daily Telegraph (Saint John), 29 avril 1870, 4 (traduction libre). 5 Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 6 David E. Smith, Federalism and the Constitution of Canada (Toronto : University of Toronto Press, 2010), 24 (traduction libre). 7 Ashley Csanady, « Quebec Premier Couillard Addresses Ontario Legislature, First Premier to Do So in Over 50 Years », National Post, 11 mai 2015, http://nationalpost.com/news/politics/quebec-premier-couillardaddresses-ontario-legislature-first-premier-to-do-so-in-over-50-years, et Tristin Hopper, « Central Canada Still “a Force to Be Reckoned With”, Quebec Premier Tells Surging West », National Post, 11 mai 2015, http:// nationalpost.com/news/politics/central-canada-still-a-force-to-bereckoned-with-quebec-premier-tells-surging-west (traduction libre). 8 Madeline Kotzer, « “This Is a Sad Day for Our Country”, Premier Brad Wall Slams Montreal Mayor », cbc News, 22 janvier 2016, http://www. cbc.ca/news/canada/saskatchewan/ montreal-mayor-fires-back-feisty-tweet-at-sask-premier-1.3415474. 9 Janine Brodie, The Political Economy of Canadian Regionalism (Toronto : Harcourt Brace Jovanovich, 1990), 143, et Richard Starr, Equal as Citizens: The Tumultuous and Troubled History of a Great Canadian Idea (Halifax : Formac Publishing, 2014), 30. 10 Patrice Dutil, Prime Ministerial Power in Canada: Its Origins under Macdonald, Laurier, and Borden (Vancouver : ubc Press, 2017), 52-3. 11 Cité dans Smith, Federalism and the Constitution of Canada, 47 (traduction libre). 12 https://sencanada.ca/fr/comites/ et https://www.noscommunes.ca/ Committees/fr/Home. 13 Smith, Federalism and the Constitution of Canada, 92. 14 Voir, parmi de nombreux autres, Sean Fine, « Court’s Permission Necessary for Assisted Dying, Ontario Judge Rules », Globe and Mail, 15

Notes des pages 110-14

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18 19 20 21 22 23

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juin 2016, http://www.theglobeandmail.com/news/national/courtspermission-necessary-for-assisted-dying-ontaro-judge-rules/ article30480239/. Beverley McLachlin, « Le respect des rôles démocratiques », allocution prononcée à la Conférence sur le droit et le Parlement, Ottawa, 22 novembre 2004, https://www.scc-csc.ca/judges-juges/spe-dis/bm-2004-1122-fra.aspx?pedisable=true. Cité dans Richard Gwyn, Nation Maker: Sir John A. Macdonald – His Life, Our Times, vol. 2 : 1867-1891 (Toronto : Vintage Canada, 2012), 37 (traduction libre). Cité dans Robert F. Nixon, « Democracy in Ontario », allocution prononcée devant l’Empire Club of Canada, Toronto, 20 avril 1967, 1 (traduction libre). Gwyn, Nation Maker, 43 (traduction libre). Voir Donald J. Savoie, Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics (Toronto : University of Toronto Press, 1999). Dutil, Prime Ministerial Power in Canada. David E. Smith, The People’s House of Commons: Theories of Democracy in Contention (Toronto : University of Toronto Press, 2007), 58. http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l01/cst01/demo62a-fra. htm. Randy William Widds, « Saskatchewan Bound: Migration to a New Canadian Frontier », Great Plains Quarterly, vol. 12, no 4 (automne 1992), 257, https://digitalcommons.unl.edu/cgi/viewcontent. cgi?article=1648&context=greatplainsquarterly. Cité dans Canada, Débats de la Chambre des communes, 37e législature, 3e session, 30 mars 2004, 1891, http://www.noscommunes.ca/ DocumentViewer/fr/37-3/chambre/seance-32/debats. Cité dans « Only Farmers Need Apply: Sir Clifford Sifton – The Immigrants Canada Wants », Maclean’s, 1er avril 1922, 32-4 (traduction libre). Anthony H. Richmond, Post-War Immigrants in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1967). Ted McDonald, Elizabeth Ruddick, Arthur Sweetman et Christopher Worswick (dir.), Canadian Immigration: Economic Evidence for a Dynamic Policy Environment (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2010). Canada, Immigration et diversité ethnoculturelle au Canada, Statistique Canada, http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/ 99-010-x2011001-fra.cfm (consulté le 8 février 2008). Ibid.

450

Notes des pages 115-19

30 Groupe de la Banque mondiale, Exportations de biens et de services (en % du pib ), https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NE.EXP.GNFS. ZS?locations=CA (consulté le 13 février 2018). 31 Canada, « Les statistiques canadiennes en 1867 », Statistique Canada, https://www65.statcan.gc.ca/acyb07/acyb07_0002-fra.htm (consulté le 13 février 2018). 32 Canada, Emploi selon l’industrie, données annuelles, Statistique Canada, https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1410020201& request_locale=fr (consulté le 1er mai 2018). 33 Daniel Workman, « Canada’s Top Trading Partners », World’s Top Exports, http://www.worldstopexports.com/canadas-top-import-partners/ (consulté le 1er février 2018). 34 Daniel Workman, « Canada’s Top 10 Exports », World’s Top Exports, http://www.worldstopexports.com/canadas-top-exports/ (consulté le 1er février 2018). 35 Canada, Statutes of Canada, Passed in the Session Held in the Thirty-First Year of the Reign of Her Majesty Queen Victoria: Being the First Session of the First Parliament of Canada, Begun and Holden at Ottawa, on the Sixth Day of November, and Adjourned on the Twenty-First December, 1867, to the Twelfth March Following; Reserved Acts, Part Second (Ottawa : Malcom Cameron, 1868), 21-35. 36 Ibid. 37 Canada, ministère des Finances, Le ministère des Finances Canada, 10 octobre 2008 (dernière modification), https://www.fin.gc.ca/afc/index-fra.asp. 38 J.E. Hodgetts, « Bureau du Conseil privé », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/ conseil-prive-bureau-du/. 39 Norman Ward, The Public Purse: A Study in Canadian Democracy (Toronto : University of Toronto Press, 1962), 3-4 (traduction libre). 40 Canada, Débats de la Chambre des communes, 2e session, 1re législature, vol. II, 23 avril 1869, Ottawa, Information Canada, 1975, 48. 41 Mélanie Brunet, Sortir de l’ombre : la tradition civiliste au ministère de la Justice du Canada, 1868-2000 (Ottawa : Ministère de la Justice, 2000), 15. 42 R.M. Punnett, The Prime Minister in Canadian Government and Politics (Toronto : Macmillan of Canada, 1977), 75. 43 J.L. Granatstein, The Ottawa Men: The Civil Service Mandarins, 1935-1957 (Toronto : Oxford University Press, 1982), 11-12. 44 Costas Melakopides, Pragmatic Idealism: Canadian Foreign Policy, 1945-1995 (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1998).

Notes des pages 119-24

451

45 J.E. Hodgetts, Pioneer Public Service: An Administrative History of the United Canadas, 1841-1867 (Toronto : University of Toronto Press, 1955). 46 Cité dans Ward, The Public Purse, 57 (traduction libre). 47 Ibid., 44 (traduction libre). 48 Cité dans J.K. Johnson et P.B. Waite, « Sir John Alexander Macdonald », Dictionnaire biographique du Canada, vol. XII : (1891-1900), s.d., http:// www.biographi.ca/fr/bio/macdonald_john_alexander_12F.html. 49 J.E. Hodgetts, The Canadian Public Service: A Physiology of Government 1867-1970 (Toronto : University of Toronto Press, 1973), 49 (traduction libre). 50 Sir George Murray, Rapport sur l’organisation du service public du Canada (Ottawa : Imprimeur du Roi, 1913), 7. 51 Hodgetts, The Canadian Public Service, 18. 52 Ibid., 51. 53 Ward, The Public Purse, 169 (traduction libre). 54 Ibid. 55 Luther Gulick, « Notes on the Theory of Organization », dans Luther Gulick et L. Urwick (dir.), Papers on the Science of Administration (New York : Institute of Public Administration, 1937) (traduction libre). 56 John Stuart Mill, Considerations on Representative Government (New York : Harper, 1869), 100. 57 Hodgetts, Pioneer Public Service, 55. 58 Cité dans Henry Parris, Constitutional Bureaucracy: The Development of British Central Administration Since the Eighteenth Century (Londres : George Allen and Unwin, 1969), 80 (traduction libre). 59 Voir, par exemple, Ward, The Public Purse. 60 J.R. Mallory, « Canada », dans David Butler et D.A. Low (dir.), Sovereigns and Surrogates: Constitutional Heads of State in the Commonwealth (Londres : Macmillan, 1991), 43 (traduction libre). 61 Cité dans Canada, Débats de la Chambre des communes, 4e législature, 4e session, vol. I, 14 avril 1882 (Ottawa : Maclean, Roger et Compagnie, 1882), 956. 62 Johnson et Waite, « Sir John Alexander Macdonald ». 63 Pradeep K. Chhibber et Ken Kollman, The Formation of National Party Systems: Federalism and Party Competition in Canada, Great Britain, India and the United States (Princeton : Princeton University Press, 2004), 108. 64 Johnson et Waite, « Sir John Alexander Macdonald ».

452

Notes des pages 126-31

c h a p i t r e ci n q 1 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Governing from the Centre: The Concentration of Political Power in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1999). 2 Richard Gwyn, Nation Maker: Sir John A. Macdonald: His Life, Our Times, vol. 2 : 1867-1891 (Toronto : Vintage Canada, 2012), 46. 3 Ibid. (traduction libre). 4 J. Murray Beck, The Government of Nova Scotia (Toronto : University of Toronto Press, 1957). 5 Cité dans Gwyn, Nation Maker, 365 et 366. 6 K.C. Wheare, Federal Government, 4e éd. (Oxford : Oxford University Press, 1963), 10 (traduction libre). 7 W.H. Riker, Federalism: Origin, Operation, Significance (Boston : Little, Brown and Company, 1964), 11 (traduction libre). 8 Ronald L. Watts, New Federation: Experiments in the Commonwealth (Oxford : Clarendon Press, 1966), 9 (traduction libre). 9 « La création et les débuts de la Cour », Cour suprême du Canada, https:// www.scc-csc.ca/court-cour/creation-fra.aspx. 10 G.P. Browne, The Judicial Committee and the British North America Act: An Analysis of the Interpretative Scheme for the Distribution of Legislative Powers (Toronto : University of Toronto Press, 1967). 11 Gwyn, Nation Maker, 361. 12 Alan C. Cairns, « The Judicial Committee and Its Critics », Canadian Journal of Political Science, vol. 4, no 3 (septembre 1971), 302 (traduction libre). Cairns avait une opinion très favorable du travail du Comité. 13 Ibid., 305-7. 14 Canada, « L’historique de l’affaire “personne” », Ottawa, Condition féminine Canada, s.d., https://www.swc-cfc.gc.ca/commemoration/pd-jp/ history-histoire-fr.html. 15 Depuis 1982, il est possible d’apporter la plupart des modifications si des résolutions identiques en ce sens sont adoptées par la Chambre des communes, le Sénat et les deux tiers des assemblées législatives. 16 Peter W. Hogg, « Formal Amendment of the Constitution of Canada », Law and Contemporary Problems, vol. 55, no 1 (1992), 254. 17 Bora Laskin, « “Peace, Order and Good Government” Re-examined », dans W.R. Lederman (dir.), The Courts and the Canadian Constitution (Toronto : McClelland and Stewart, 1964), 92 (traduction libre). 18 James Struthers, « Crise des années 1930 », L’encyclopédie canadienne, 11 juillet 2013, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/ crise-des-annees-1930.

Notes des pages 132-5

453

19 « New Deal », Encyclopaedia Britannica, 26 avril 2018, https://www. britannica.com/event/New-Deal. 20 Canada, Rapport de la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces, vol. I : Canada : 1867-1939 (Ottawa : Imprimeur du Roi, 1940), 10. 21 Cité dans Barry Ferguson et Robert Wardhaugh, « “Impossible Conditions of Inequality”: John W. Dafoe, the Rowell-Sirois Royal Commission, and the Interpretation of Canadian Federalism », The Canadian Historical Review, vol. 84, no 4 (décembre 2003), 564 (traduction libre). 22 Ibid., 571 (traduction libre). 23 Ibid., 574. 24 Robert Bothwell, Ian Drummond et John English, Canada 1900-1945 (Toronto : University of Toronto Press, 1987), 275 (traduction libre). 25 Ferguson et Wardhaugh, « “Impossible Conditions of Inequality” », 598 (traduction libre). 26 Canada, Rapport de la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces, vol. II : Recommandations (Ottawa : Imprimeur du Roi, 1954), et Richard Simeon, « Commission royale d’enquête sur les relations fédérales-provinciales », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https:// www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/commission-royale-denquete-surles-relations-federales-provinciales. 27 aanb, art. 91(2A). 28 Ferguson et Wardhaugh, « “Impossible Conditions of Inequality” », 564. 29 W.A. Mackintosh, The Economic Background of Dominion-Provincial Relations (Ottawa : Imprimeur du Roi, 1939), 3. Parmi les autres études, il y a eu celle d’Alvin Hansen, un économiste renommé de Harvard, sur la politique monétaire du Canada. 30 Ferguson et Wardhaugh, « “Impossible Conditions of Inequality” », 575 (traduction libre). 31 Keith Banting, The Welfare State and Canadian Federalism, 2e éd. (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1987). 32 Donald V. Smiley, « Public Administration and Canadian Federalism », Canadian Public Administration, vol. 7, no 3 (septembre 1964), 377 (traduction libre). 33 Ibid., 372 (traduction libre). 34 Ronald L. Watts, Étude comparative du pouvoir de dépenser dans d’autres régimes fédéraux (Kingston : Institut des relations intergouvernementales, Queen’s University, 1999). 35 Voir, par exemple, Donald J. Savoie, Federal-Provincial Collaboration: The Canada-New Brunswick General Development Agreement (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1981).

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Notes des pages 135-40

36 Peter Hogg, Constitutional Law of Canada (Toronto : Carswell, 2007), 174-5. 37 Voir, parmi de nombreux autres, Jacqueline Ismael (dir.), Canadian Social Welfare Policy: Federal and Provincial Dimensions (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1985). 38 Donald V. Smiley souligne que le « terme “fédéralisme coopératif” a été largement mais un peu aveuglément accepté au Canada », dans Smiley, « Public Administration and Canadian Federalism », 373 (traduction libre). 39 Anthony Sayers et Andrew Banfield, « The Dispersal of Power in Federal States: Canada and Australia », document préparé pour l’assemblée générale annuelle de l’Association canadienne de science politique, 1-3 juin 2010, Université Concordia, Montréal, polycopie. 40 Richard Simeon, Federal-Provincial Diplomacy: The Making of Recent Policy in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1972). 41 Richard Simeon, « Plus ça change... les relations intergouvernementales d’hier à aujourd’hui », Options politiques, 1er mars 2005. 42 Cité dans Mark Sproule-Jones, « An Analysis of Canadian Federalism », Publius, vol. 4, no 4 (automne 1974), 111 (traduction libre). 43 Pierre Elliott Trudeau, Le fédéralisme et la société canadienne-française (Montréal : hmh, 1967), 81. 44 Pierre Elliott Trudeau, Les subventions fédérales-provinciales et le pouvoir de dépenser du Parlement canadien (Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1969), 4. 45 Voir, parmi de nombreux autres, Banting, The Welfare State and Canadian Federalism. 46 Watts, Étude comparative du pouvoir de dépenser dans d’autres régimes fédéraux, 51. 47 Sproule-Jones, « An Analysis of Canadian Federalism », 135. 48 Voir, entre autres, Savoie, Federal-Provincial Collaboration: The Canada-New Brunswick General Development Agreement (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1981). 49 Andrew Petter, « The Myth of the Federal Spending Power Revisited », Queen’s Law Journal, vol. 34, no 1 (automne 2008), 165 (traduction libre). 50 Savoie, Federal-Provincial Collaboration. 51 Donald V. Smiley, “An Outsider’s Observations of Federal-Provincial Relations among Consenting Adults », dans Richard Simeon (dir.), Confrontation et collaboration : les relations intergouvernementales au Canada aujourd’hui (Toronto : Institut d’administration publique du Canada, 1979), 112. 52 Savoie, Federal-Provincial Collaboration.

Notes des pages 140-6

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53 Smiley, « Public Administration and Canadian Federalism », 379 (traduction libre). 54 Savoie, Federal-Provincial Collaboration. 55 Les accords étaient en effet qualifiés d’accords de première, deuxième ou troisième génération. Voir ibid. 56 Savoie, Federal-Provincial Collaboration. 57 Voir, entre autres, Jack Stilborn et Robert B. Asselin, Les relations fédérales-provinciales (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, mai 2001). 58 Voir, par exemple, Iain McLean, Fiscal Federalism in Canada, document de travail (Oxford : Nuffield College, 2003). 59 Jean-Francois Nadeau, Transferts fédéraux aux provinces et territoires en 2014-2015 (Ottawa : Bureau du directeur parlementaire du budget, 19 juin 2014), 1. 60 Janine Brodie, The Political Economy of Canadian Regionalism (Toronto : Harcourt Brace Jovanovich, 1990), 145 (traduction libre). 61 Canada, « Tableau 2-1 : Paiements en espèces au titre du tcs aux provinces, en millions de dollars », dans Transferts fédéraux aux provinces et aux territoires en 2014-2015 (Ottawa : Bureau du directeur parlementaire du budget, 19 juin 2014), 3. 62 Voir, entre autres, Stephen Duckett et Adrian Peetoom, Canadian Medicare: We Need It and We Can Keep It (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013). 63 Voir, par exemple, Richard Saillant, Deux pays : le Canada à l’ère du Grand Déséquilibre démographique (Halifax : Nimbus, 2016). 64 Je tiens cette information de Gabriel Arsenault, mon collègue à l’Université de Moncton. 65 Une conversation que j’ai eue avec l’hon. Michael Wilson lors d’un déjeuner le 13 septembre 2016 m’a été très utile. 66 Canada, Tableau 051-0004 : Composantes de l’accroissement démographique, Canada, provinces et territoires (Ottawa : Statistique Canada, consulté le 3 novembre 2017). 67 Voir, par exemple, Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 68 Éric Grenier, « 21.9% of Canadians Are Immigrants, the Highest Share in 85 Years: StatsCan », cbc News, 25 octobre 2017, https://www.cbc.ca/ news/politics/census-2016-immigration-1.4368970. 69 Frank Graves, The Reinstatement of Progressive Canada (Ottawa : Ekos, janvier 2016), 21. 70 Élire et appartenir : les nouveaux citoyens et la participation politique (Toronto : Institut pour la citoyenneté canadienne, 2015), 35.

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Notes des pages 146-50

71 Ibid. 72 Donald V. Smiley et Ronald L. Watts, Le fédéralisme intra-étatique au Canada (Toronto : University of Toronto Press, pour la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, 1985), xiv. 73 Graves, The Reinstatement of Progressive Canada, 21 (traduction libre). 74 Voir, entre autres, Alec Castonguay, « Kenney, le missionnaire de Harper », L’actualité, 22 novembre 2012, http://lactualite.com/politique/2012/11/22/ kenney-le-missionnaire-de-harper/. 75 Neil Nevitte, Nevitte Research Inc., Comparaison des répondants immigrants et canadiens de naissance au World Values Survey (Canada) (Ottawa : Citoyenneté et Immigration Canada, juin 2008), https:// www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/ rapports-statistiques/recherche/comparaison-repondants-immigrantscanadiens-naissance-world-values-survey-canada.html. 76 Ibid. 77 Ibid. 78 Donald J. Savoie, Visiting Grandchildren: Economic Development in the Maritimes (Toronto : University of Toronto Press, 2006). 79 Alain Noël, « Fédéralisme d’ouverture et pouvoir de dépenser au Canada », Revista d’Estudis Autonòmics i Federals, vol. 7 (octobre 2008), 28. 80 David Herle, « Poll-driven Politics – the Role of Public Opinion in Canada », Policy Options, 1er mai 2007 (traduction libre).

c ha p i t r e s i x 1 Mia Rabson, « Nellie McClung Won’t Appear on Canadian Bank Note », Winnipeg Free Press, 25 novembre 2016, https://www.winnipegfreepress. com/local/nellie-mcclung-wont-appear-on-canadian-bank-note-403051206 .html (traduction libre). 2 Ingrid Peritz, « Maritimers, Quebeckers Denounce cbc Series as Historically Inaccurate », Globe and Mail, 4 avril 2017, https://www. theglobeandmail.com/news/national/maritimers-quebeckers-denouncecbc-series-as-historically-inaccurate/article34597798/ (traduction libre). 3 Ibid. (traduction libre). 4 Campbell Clark, « Justin Trudeau Clinches Climate Deal Despite Christy Clark’s Balk », Globe and Mail, 9 décembre 2016, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/justin-trudeau-clinchesclimate-deal-despite-christy-clarks-balk/article33293037/.

Notes des pages 150-3

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5 Cadre pancanadian sur la croissance propre et les changements climatiques : plan canadien de lutte contre les changements climatiques et de croissance économique (Ottawa : Environnement et Changement climatique Canada, 8 décembre 2016), 60-90. 6 Andy Blatchford et Kristy Kirkup, « Provinces, Territories Take a Pass on Trudeau Government’s Health Care Funding Offer », Global News, 19 décembre 2016, https://globalnews.ca/news/3135016/ provincial-ministers-head-into-intense-discussions-over-health-transfers/. 7 « Newfoundland, Nova Scotia Reach Health-Care Funding Deals », The Star, 23 décembre 2016, https://www.thestar.com/news/canada/ 2016/12/23/newfoundland-nova-scotia-reach-health-care-fundingdeals.html. 8 Adam Huras, « Fed Budget 2018: N.B. Lands $75M Seniors Pilot Project », Telegraph Journal, 27 février 2018, https://www. telegraphjournal.com/telegraph-journal/story/100524597/ federal-budget-new-brunswick?source=story-related. 9 Philip Resnick, The Politics of Resentment: British Columbia Regionalism and Canadian Unity (Vancouver : ubc Press, 2000), 11 (traduction libre). 10 Michael Ornstein, « Regionalism and Canadian Political Ideology », dans Robert J. Brym (dir.), Regionalism in Canada (Toronto : Irwin, 1986), 80 (traduction libre). 11 Resnick, The Politics of Resentment, 11. 12 Jeffrey Simpson, « State of the Nation », Globe and Mail, 1er juillet 2016, A2 et A5 (traduction libre). 13 Ibid., A11 (traduction libre). 14 Erich Hartmann et Jordann Thirgood, Mind the Gap: Ontario’s Persistent Net Contribution to the Federation (Toronto : Centre Mowat, 2017). 15 Cité dans Alain Gagnon et James Tully (dir.), Multinational Democracies (Cambridge : Cambridge University Press, 2001), 155 (traduction libre). 16 Donald J. Savoie, « All Things Canadian Are Now Regional », Journal of Canadian Studies, vol. 35, no 1 (printemps 2000), 203-17. 17 Voir, entre autres, Bruce Anderson et David Coletto, « How Big Are Canadian Regional Differences on Questions of Morality? », 10 juillet 2016, http://www.abacusdata.ca/how-big-are-canadian-regionaldifferences-on-questions-of-morality/. 18 « Kevin O’Leary Wants to “Finish Task” with Bernier Team After Failing to Get Rival to Drop Out of Race », National Post, 27 avril 2017, https:// nationalpost.com/news/politics/kevin-oleary-wants-to-finish-taskwith-bernier-team-after-failing-to-get-rival-to-drop-out-of-race (traduction libre).

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Notes des pages 153-7

19 David Herle, « Poll-Driven Politics – the Role of Public Opinion in Canada », Policy Options, 1er mai 2007, http://policyoptions.irpp.org/ magazines/the-arctic-and-climate-change/poll-driven-politics-the-role-ofpublic-opinion-in-canada/ (traduction libre). 20 Campbell Clark, « Conservatives Can’t Win without Support from Quebec », Globe and Mail, 8 janvier 2017, https://www.theglobeandmail. com/news/politics/conservatives-cant-win-without-support-from-quebec/ article33544356/ (traduction libre). 21 Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 22 Richard Simeon et Luc Turgeon, « Federalism, Nationalism and Regionalism in Canada », Revista d’Estudis Autonòmics i Federals, vol. 3 (octobre 2006), 11-41. 23 Voir, parmi de nombreux autres, David J. Elkins et Richard Simeon, Small Worlds: Provinces and Parties in Canadian Political Life (Toronto : Methuen, 1980), et Mildred A. Schwartz, Politics and Territory: The Sociology of Regional Persistence in Canada (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1974). 24 Richard Simeon, « Regionalism and Canadian Political Institutions », dans J. Peter Meekison (dir.), Canadian Federalism: Myth or Reality, 3e éd. (Toronto : Methuen, 1977), 293 (traduction libre). 25 Éric Montpetit, Erick Lachapelle et Simon Kiss, Does Canadian Federalism Amplify Policy Disagreements? Values, Regions and Policy Preferences, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, septembre 2017, 1 et 8, coll. « irpp Study », no 65 (traduction libre). 26 Canada, « Frontières historiques du Canada », s.d., https://www. canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/frontieres-historiquescanada.html. 27 The Report on Maritime Union (mieux connu sous le nom de rapport Deutsch) (Fredericton : Maritime Union Study, 1970). 28 Cité dans Alan C. Cairns, « The Governments and Societies of Canadian Federalism », Canadian Journal of Political Science, vol. 10, no 4 (décembre 1977), 701 (traduction libre). 29 R. Cole Harris, « Régionalisme », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/regionalisme. 30 Alexander Hamilton, James Madison et John Jay, Le Fédéraliste (Paris : V. Giard et Brière, 1902), 2. 31 Ganesh Sitaraman, The Crisis of the Middle-Class Constitution: Why Economic Inequality Threatens Our Republic (New York : Alfred A. Knopf, 2017), 5 (traduction libre). 32 Ibid., 236 (traduction libre).

Notes des pages 157-61

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33 Cairns, « The Governments and Societies of Canadian Federalism », 718. 34 Voir, par exemple, Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens. 35 Voir, par exemple, Richard Simeon, « The Federal-Provincial DecisionMaking Process », dans Intergovernmental Relations: Issues and Alternatives (Toronto : Conseil économique de l’Ontario, 1977), 26. 36 Pour une description du programme de péréquation et ses critères, voir Canada, « Programme de péréquation », Ottawa, Ministère des Finances, s.d., https://www.fin.gc.ca/fedprov/eqp-fra.asp. 37 Jean-Francois Nadeau, Transferts fédéraux aux provinces et aux territoires en 2014-2015 (Ottawa : Bureau du directeur parlementaire du budget, 19 juin 2014), 1. 38 Ibid., 2. 39 Ontario, Des services publics pour la population ontarienne, cap sur la viabilité et l’excellence (Toronto : Commission de réforme des services publics de l’Ontario, 2012), chapitre 20. 40 Richard Saillant, Deux pays : le Canada à l’ère du Grand Déséquilibre démographique (Halifax : Nimbus, 2016), 127-8. 41 Hartmann et Thirgood, Mind the Gap. 42 L’étude, confidentielle à l’époque, s’intitulait « A Perspective on the Regional Incidence of Federal Expenditures and Reserves and Revenues » (Un aperçu de l’incidence régionale des dépenses, des réserves et des recettes fédérales), Ottawa, Ministère de l’Expansion économique régionale, s.d. J’ai aussi fait rapport de cette étude dans Se débrouiller par ses propres moyens. 43 Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens. 44 Donald J. Savoie, Regional Economic Development: Canada’s Search for Solutions (Toronto : University of Toronto Press, 1986). 45 Canada, Rapport de la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces, vol. II : Recommandations (Ottawa : Imprimeur du Roi, 1940), 242. 46 Robert C. Brown, « Politique nationale », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/ politique-nationale. 47 Cité par Dirk Meissner dans un article sans titre de La Presse canadienne au sujet d’un voyage de l’hon. Paul Martin à Vancouver, http://www. canada.com (consulté le 9 juillet 2003) (traduction libre). 48 « Martin to Emphasize Regions », National Post, 23 septembre 2003, A1 (traduction libre). 49 « Stephen Harper’s Next Move », National Post, 12 juillet 2004, A11. 50 Je note cependant que McGuinty s’est par la suite excusé. Voir Steven Chase, « Liberal MP McGuinty Apologizes for Comments; Resigns as

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Energy Critic », Globe and Mail, 21 novembre 2012, A3 (traduction libre). Kenneth Harold Norrie et Doug Owram, A History of the Canadian Economy, 2e éd. (Toronto : Harcourt Brace, 1996), 419. Voir Canada, Tendances récentes dans les industries automobiles canadiennes (Ottawa : Statistique Canada, 20 juin 2013). Voir Canada, Statistique Canada, « Emploi manufacturier total – Véhicules automobiles et pièces pour véhicules automobiles », tableau 281-0024. Ontario, « Automobile », www.investinontario.com/fr/automobile (consulté le 7 mai 2015). Voir, parmi de nombreux autres, « Project Would Secure about 4,000 Jobs at Plant », Globe and Mail, 8 septembre 2004, B18. Rapport du vérificateur général – automne 2014, cité dans « Canada Auto-Bailout Funds Issued with Limited Research: Watchdog », Wall Street Journal, https://blogs.wsj.com/canadarealtime/2014/11/25/Canadaauto-bailout-funds-issued-with-limited-research-watchdog/ (consulté le 17 février 2015). « Canadian Taxpayers Lose $3.5 Billion on 2009 Bailout of Auto Firms », Globe and Mail, 7 avril 2015, http://www.theglobeandmail.com/reporton-business/Canadian-taxpayers-lose-3.5-billion-on-2009-bailout-of-autofirms/article23828543/. « Davie Shipyard Suspected Scott Brison of Favouring Irving in Dispute: Affidavits », Globe and Mail, 23 août 2017, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/davie-shipyard-suspected-scottbrison-of-favouring-irving-in-dispute-affidavits/article36076369/ (traduction libre). Jeffrey Jones, « Energy East Pipeline: Best-laid Backup Plan Goes Awry », Globe and Mail, 5 octobre 2017, www.theglobeandmail.com/report-onbusiness (traduction libre). La Presse canadienne, « Montreal-Area Mayors’ Energy East Criticisms “Short Sighted”, Notley Says », ctv News Atlantic, 22 janvier 2016, http://atlantic.ctvnews.ca/montreal-area-mayors-energy-eastcriticisms-short-sighted-notley-says-1.2748041 (traduction libre). « Trudeau Warns Against “National Divisions” After Energy East Pipeline Decision », Huffington Post, 7 octobre 2017, https://www.huffingtonpost. ca/2017/10/07/trudeau-pipeline-decision_a_23236202/. Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, Le code Québec : les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde, Montréal, L’Homme, 2016, et « Quebec Sovereignty Could Be Ignited by Pipeline Decision, PQ Win, Says Léger », Hill Times, 17 octobre 2016, http://

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www.hilltimes.com/2016/10/17/quebec-sovereignty-ignited-pipelinedecision-pq-win-says-author/83985 (traduction libre). Gary Mason, « Why a Pipeline Could Cost Justin Trudeau the Next Election », Globe and Mail, 13 avril 2018, https://www.theglobeandmail. com/opinion/article-why-a-pipeline-could-cost-justin-trudeau-the-nextelection/ (traduction libre). Daniel LeBlanc, « Trudeau Adviser Mathieu Bouchard More Than Just pmo’s “Quebec Guy” », Globe and Mail, 29 janvier 2016, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/globe-politics-insider/trudeau-advisormathieu-bouchard-more-than-just-pmos-quebec-guy/article28469010/ (traduction libre). J’ai assisté à une séance d’information le 28 novembre 1989, où la proposition fut décrite en détail. « Beatty Baffled by Millions in Bear Head Lobby Fees », The Star, 29 avril 2009, www.thestar.com/news/Canada/ (traduction libre). « Mulroney Didn’t Promote Bear Head, Exec Testifies », The Kingston Whig-Standard, 22 avril 2009, http://www.thewhig.com/2009/04/22/ Mulroney-didn’t-promote-bear-head-executive-restivies (traduction libre). Voir « Ottawa Aims to Keep Lid on Details of Saudi Arms Deal », Globe and Mail, 27 mai 2015, http://www.theglobeandmail.com/news/politics/ Ottawa-wont-release-assesment-of-arms-deal-with-saudi-arabia/ article24634202/, et « Canada’s Arms Deal with Saudi Arabia Shrouded in Secrecy », Globe and Mail, 21 janvier 2015, http:www.theglobeandmail. com/news/politics/Canadas-arms-deal-with-saudi-arabia-shrouded-insecrecy/article22547765/. « The Harper Government Won’t Divulge How It Is Justifying the Sale to a Regime Notorious for Human Rights Abuse », Globe and Mail, 29 mai 2015, http://www.theglobeandmail.com (traduction libre). « Foreign Affairs Found No Red Flags for Israel in Saudi Arms Deal », Globe and Mail, 27 août 2015, http://www.theglobeandmail.com/news/ politics/foreign-affairs-found-no-red-flags-for-israel-in-saudi-arms-sale/ article26121923/ (traduction libre). « Critics Push Ottawa to Explain Justification for Saudi Arms Deal », Globe and Mail, 5 janvier 2016, http://www.theglobeandmail.com/news/ politics/critics-push-ottawa-to-explain-justification-for-saudi-arms-deal/ article28029875/ (traduction libre). Ibid. « London, Ont. Defends Saudi Arms Deal as Integral to Region’s Economy », Globe and Mail, 7 janvier 2016, http://www.theglobeandmail. com/news/national/Ontario-city-defends-saudi-arms-deal-as-integral-toregions-economy/article28063630/ (traduction libre).

462

Notes des pages 168-70

74 « Liberals Committed to Saudi Arms Deal Even After Concerning UN Report, Dion Says », Globe and Mail, 28 janvier 2016, http://www. theglobeandmail.com/news/politics/liberals-committed-to-saudi-arms-dealeven-after-concerning-un-report-dion-says/article28438488/. 75 « Liberals Mum on Dion’s Rationale for Not Cancelling Saudi Arms Deal », Globe and Mail, 19 février 2016, http://www.theglobeandmail. com/news/politics/liberals-mum-on-dions-rationale-for-not-cancellingsaudi-arms-deal/article28825839/. 76 « Saudi Arms Deal Exempt from Global Treaty, Ottawa Says », Globe and Mail, 9 février 2016, http://www.theglobeandmail.com/news/politics/ Saudi-arms-deal-exempt-from-global-treaty-ottawa-says/article28688598/ (traduction libre). 77 « The Big Deal », Globe and Mail, 5 février 2016, http://www. theglobeandmail.com/news/politics/the-saudi-arms-deal-why-its-abigdeal/article28568660/ (traduction libre). 78 « Cancelling Saudi Arms Deal Would Have No Effect on Human Rights: Dion », Globe and Mail, 29 mars 2016, http://www.theglobeandmail.com/ news/politics/cancelling-saudi-arms-deal-would-have-no-effect-on-humanrights-dion/article29427814/ (traduction libre). 79 Consultations avec Paul LeBlanc, ancien président (sous-ministre) de l’apeca, Moncton, diverses dates. 80 Howard Pawley, « Mulroney, Me and the CF-18 », The Winnipeg Free Press, 19 mars 2011 (traduction libre). 81 Voir, entre autres, « East vs. West: Canadian Regional Differences on Display at TPP Trade Talks », National Observer, 2 octobre 2015, https:// www.nationalobserver.com/2015/10/02/news/east-vs-west-canadianregional-differences-display-tpp-trade-talks. 82 Voir, par exemple, « 5 Things to Know about Canada’s Softwood Lumber Trade War with US », Global News, 12 octobre 2016, www.globalnews. com (consulté le 2 septembre 2017). 83 Voir, par exemple, Normand Lafrenière, Le réseau de canalisation de la rivière des Outaouais (Ottawa : Parcs Canada, 1984), 51-4. 84 Voir Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens. 85 Percy Downe, « No Tolls on Champlain Bridge – $46.00 Toll on Confederation Bridge – Why? », National Newswatch, 31 août 2016, https://www.nationalnewswatch.com/2016/08/31/no-tolls-on-champlainbridge-46-00-toll-on-confederation-bridge-why/#.WtTZF3_A-70, et John Ivison, « Ask Not for Whom the Bridge Tolls (It Tolls for Thee, P.E.I) », National Post, 15 mai 2017, http://nationalpost.com/news/politics/ john-ivison-ask-not-for-whom-the-bridge-tolls-it-tolls-for-thee-p-e-i (traduction libre).

Notes des pages 171-4

463

86 Konrad Yakabuski, « When the cbc Broadcasts History, Politics Is Sure to Follow », Globe and Mail, 5 avril 2017, www.theglobeandmail.com/ opinion/when (traduction libre). 87 Harris, « Régionalisme » (consulté le 20 décembre 2016) (traduction libre). 88 Charlotte Gray, « Canada 150, Doomed from the Start, Now Ends with a Whimper », Globe and Mail, 30 décembre 2017, https://www. theglobeandmail.com/opinion/why-canada-150-was-doomedfrom-the-start/article37441978/ (traduction libre). Voir aussi Jonathan Kay, « Why Our Intellectual Class Made Canada 150 the Worst Birthday Ever », National Post, 28 décembre 2017, http://nationalpost.com/ opinion/jonathan-kay-why-our-intellectual-class-made-canada150-the-worst-birthday-ever. 89 « Senate Reform, Not Abolition, Is in the East’s Interests », Globe and Mail, 10 juin 2013, A13 (traduction libre). 90 J.M.S. Careless, « Limited Identities in Canada », Canadian Historical Review, vol. 50, no 1 (mars 1969), 6 (traduction libre). 91 Herle, « Poll-Driven Politics » (traduction libre). 92 Voir, parmi de nombreux autres, Resnick, The Politics of Resentment. 93 Jonathan Lemco et Peter Regenstreif, « The Fusion of Powers and the Crisis of Canadian Federalism », Publius, vol. 14, no 1 (hiver 1984), 111. 94 Richard Simeon, « The Future of Federal-Provincial Relations », dans Elliot J. Feldman et Neil Nevitte (dir.), The Future of North America: Canada, the United States, and Quebec Nationalism (Cambridge : Center for Intergovernmental Affairs, Harvard University, et Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, 1979), 149 (traduction libre). 95 Richard Simeon, « Scenarios for Separation », dans Richard Simeon (dir.), Must Canada Fail? (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1977), 147. 96 Voir, entre autres, Bob Plamondon, « Blue Thunder: The Truth about Conservatives from Macdonald to Harper », Policy Options, 1er juillet 2009, www.policyoptions.irpp.org. 97 La Commission de l’unité canadienne – Se retrouver : observations et recommandations (Ottawa : Ministère des Approvisionnements et Services, 1979). 98 Frank Davey, « Towards the Ends of Regionalism », dans Christian Riegel et Herb Wyile (dir.), A Sense of Place: Re-Evaluating Regionalism in Canadian and American Writing (Edmonton : University of Alberta Press, 1998), 6. 99 Ibid., 11 (traduction libre). 100 Donald V. Smiley, « Territorialism and Canadian Political Institutions », Canadian Public Policy, vol. 3, no 4 (automne 1977), 453 (traduction libre).

464

Notes des pages 174-82

101 Canada, « Un plan d’infrastructure transformateur », Infrastructure Canada, automne 2016, https://www.budget.gc.ca/fes-eea/2016/docs/ themes/infrastructure-fr.html. 102 Guy Caron, député, cité dans « Opposition Slams Government for Removing Regional Development Cabinet Posts », Hill Times, 10 août 2016, https://www.hilltimes.com/2016/08/10/opposition-slams-liberalsfor-removing-regional-development-cabinet-posts/75995 (traduction libre). 103 Bill Curry, « Canada Should Take Regional Approach to Address Housing Problems: imf Chief », Globe and Mail, 13 septembre 2016, https://www.theglobeandmail.com/news/politics/canada-should-takeregional-approach-to-adress-housing-concerns-imf-chief/article31870606/ (traduction libre). 104 John Ibbitson, « East vs. West: Political Success Involves Pitting Group against Group », Globe and Mail, 16 mai 2012, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/east-vs-west-political-successinvolves-pitting-group-against-group/article4184570/ (traduction libre).

c ha p i t r e s e p t 1 Consultations téléphoniques avec l’hon. Raymond Garneau, le 20 novembre 2016. 2 Canada, « Politique sur les conflits d’intérêts et l’après-mandat », s.d., https://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=25178. 3 Rem C. Westland, Running for the People? How Canadian Elections Favour the Career Politician, livre numérique (Polarbear Lane, 2015). 4 Ibid., 3. 5 Ibid., 4 (traduction libre). 6 Ibid., 7-12 (traduction libre). 7 Ibid., 34 (traduction libre). 8 Voir Canada, Résultats officiels du scrutin d’Élections Canada, http:// www.elections.ca/. 9 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Power: Where Is It? (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2010). 10 Alison Loat et Michael MacMillan, Tragedy in the Commons: Former Members of Parliament Speak Out about Canada’s Failing Democracy (Toronto : Random House Canada, 2014), 55-6 (traduction libre). 11 Brent Rathgeber, Irresponsible Government: The Decline of Parliamentary Democracy in Canada (Toronto : Dundurn, 2014), 140 (traduction libre). 12 Westland, Running for the People?, 36 (traduction libre).

Notes des pages 182-4

465

13 Voir, par exemple, Jason Roy et Christopher Alcantara, « The Candidate Effect: Does the Local Candidate Matter? », Journal of Elections, Public Opinion and Parties, vol. 25, no 2 (2015), 195-214. 14 Elisabeth Gidengil et André Blais, « Are Party Leaders Becoming More Important to Vote Choice in Canada? », dans Hans J. Michelmann, Donald C. Story et Jeffrey S. Steeves (dir.), Political Leadership and Representation in Canada: Essays in Honour of John C. Courtney (Toronto : University of Toronto Press, 2007), 39-59. 15 Gidengil et Blais, « Are Party Leaders Becoming More Important? » 16 Peter Aucoin, « Prime Minister and Cabinet », dans James Bickerton et Alain-G. Gagnon (dir.), Canadian Politics, 2e éd. (Toronto : Broadview Press, 1994), 268. 17 Michael Ornstein et H. Michael Stevenson, Politics and Ideology in Canada: Elite and Public Opinion in the Transformation of a Welfare State (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1999), 248. 18 Voir, par exemple, Donald Blake, « Division and Cohesion: The Major Parties », dans George Perlin (dir.), Party Democracy in Canada: The Politics of National Party Conventions (Scarborough : Prentice Hall, 1988), 23-53. 19 Janine M. Brodie et Jane Jenson, « Piercing the Smokescreen: Brokerage Politics and Class Politics », dans Alain-G. Gagnon et A. Brian Tanguay (dir.), Canadian Parties in Transition: Discourse, Organization and Representation (Scarborough : Nelson, 1991), 33 (traduction libre). 20 Richard Johnston, « The Ideological Structure of Opinion on Policy », dans Perlin (dir.), Party Democracy in Canada, 54-70, 57 (traduction libre). 21 Je dois cette observation à un examinateur anonyme chez McGill-Queen’s University Press. 22 Richard Johnston, The Canadian Party System (Vancouver : ubc Press, 2017), 3 (traduction libre). 23 David Herle, « Poll-Driven Politics – the Role of Public Opinion in Canada », Policy Options, 1er mai 2007, http://policyoptions.irpp.org/ magazines/the-arctic-and-climate-change/poll-driven-politics-the-roleof-public-opinion-in-canada/. 24 William Cross, « The Increasing Importance of Region to Canadian Election Campaigns », dans Lisa Young et Keith Archer (dir.), Regionalism and Party Politics in Canada (Toronto : Oxford University Press, 2002), 117. 25 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics (Toronto : University of Toronto Press, 1999). 26 Herle, « Poll-Driven Politics » (traduction libre).

466

Notes des pages 184-8

27 C’est ce que soutient Margaret Conrad en citant Philip Girard dans « 150? Canada’s Sticky, Messy History », Atlantic Books Today, no 83 (printemps 2017), www.atlanticbookstoday.ca/150. 28 Sharon Sutherland, « Does Westminster Government Have a Future? », Ottawa, Institut sur la gouvernance, 11 juin 1996, 5, coll. « Occasional Paper Series » (traduction libre). 29 Andrew Perez, « Regional Strengths (and Weaknesses) Key to Electoral Success in Campaign 2015 », National Newswatch, 15 août 2015, www. nationalnewswatch.com (traduction libre). 30 Bob Rae, What’s Happened to Politics? (Toronto : Simon and Schuster, 2015), 8 (traduction libre). 31 R. Kenneth Carty, William Cross et Lisa Young, Rebuilding Canadian Party Politics (Vancouver : ubc Press, 2000), 185 (traduction libre). 32 Herle, « Poll-Driven Politics » (traduction libre). 33 Ibid. (traduction libre). 34 A. Paul Pross, « Parliamentary Influence and the Diffusion of Power », Canadian Journal of Political Science, vol. 18, no 2 (juin 1985), 256. 35 Ibid. (traduction libre). 36 Herman Bakvis offre une excellente vue d’ensemble du rôle des ministres régionaux dans Regional Ministers: Power and Influence in the Canadian Cabinet (Toronto : University of Toronto Press, 1991). 37 « Trudeau Doing away with Regional Cabinet Ministers », Winnipeg Free Press, 18 novembre 2015, www.winnipegfreepress.com. 38 Consultations avec un haut fonctionnaire du gouvernement du Canada, Moncton, le 10 mai 2017. 39 William Cross, « Policy Study and Development in Canada’s Political Parties », dans Laurent Dobuzinskis, Michael Howlett et David Laycock (dir.), Policy Analysis in Canada: The State of the Art (Toronto : University of Toronto Press, 2007), 425 (traduction libre). 40 Ibid. 41 R. Kenneth Carty et William Cross, « Political Parties and the Practice of Brokerage Politics », dans John C. Courtney et David E. Smith (dir.), The Oxford Handbook of Canadian Politics (Toronto : Oxford University Press, 2010), 204. 42 Robert Young, « Effecting Change: Do We Have the Political System to Get Us Where We Want to Go? », dans G. Bruce Doern et Bryne B. Purchase (dir.), Canada at Risk? Canadian Public Policy in the 1990s (Toronto : Institut C.D. Howe, 1991), 77 (traduction libre). 43 Jennifer Lees-Marshment, Political Marketing: Principles and Applications (Londres : Routledge, 2014).

Notes des pages 189-92

467

44 Alex Marland, Brand Command: Canadian Politics and Democracy in the Age of Message Control (Vancouver : ubc Press, 2016), 3 (traduction libre). 45 Ibid., 365. 46 Alex Marland, Anna Lennox Esselment et Thierry Giasson, « Welcome to Non-Stop Campaigning », dans Alex Marland, Thierry Giasson et Anna Lennox Esselment (dir.), Permanent Campaigning in Canada (Vancouver : ubc Press, 2017), 5 (traduction libre). 47 Alex Marland, « Political Communication in Canada: Strategies and Tactics », dans James Bickerton et Alain-G. Gagnon (dir.), Canadian Politics (Toronto : University of Toronto Press, 2014), 322. 48 « Every Day Is Election Day in Canada », Maclean’s, 9 janvier 2012, www.maclean’s.com. 49 « Donald Trump’s Team Defends “Alternative Facts” after Widespread Protests », The Guardian, 23 janvier 2017, http://www.theguardian.com. 50 David McLaughlin, « In Canada’s Damaged Democracy, Partisanship Has Taken the Place of Trust », Globe and Mail, 25 juin 2013, A8 (traduction libre). 51 R. Kenneth Carty, « The Shifting Place of Political Parties in Canadian Public Life », Choices, vol. 12, no 4 (juin 2006), 5 et 9 (traduction libre). 52 William Cross, « Canada: A Challenging Landscape for Political Parties and Civil Society in a Fragmented Polity », dans Klaus Detterbeck, Wolfgang Renzsch et John Kincaid (dir.), Political Parties and Civil Society in Federal Countries (Toronto : Oxford University Press, 2015), 71 (traduction libre). 53 Alan C. Cairns, From Interstate to Intrastate Federalism in Canada (Kingston : Institut des relations intergouvernementales, 1979), 5, coll. « Discussion Papers », no 5 (traduction libre). 54 E.E. Schattschneider, Party Government (Londres : Transaction Publishers, 2009). 55 John Meisel, « The Stalled Omnibus: Canadian Parties in the 1960s », Social Science Research, vol. 30, no 3 (automne 1963), 370 (traduction libre). 56 Association canadienne des ex-parlementaires, « Survey: The Political Nomination Process in Canada », Ottawa, 8 mars 2005, 2 (traduction libre). 57 William Cross, « Candidate Nomination in Canada’s Political Parties », dans Jon H. Pammett et Christopher Dorman (dir.), The Canadian Federal Election of 2006 (Toronto : Dundurn Press, 2006), 171 (traduction libre). 58 Parti libéral du Canada, Règles nationales intérimaires pour la sélection de candidat(e)s pour le Parti libéral du Canada (Ottawa : Parti libéral du Canada, ratifiées le 13 septembre 2016).

468

Notes des pages 192-8

59 Parti conservateur du Canada, Règles et procédures régissant les mises en candidature (Ottawa : Parti conservateur du Canada, adoptées le 20 octobre 2017). 60 Graham Fox, Rethinking Political Parties, document de travail (Ottawa : Forum des politiques publiques, novembre 2005), 4 (traduction libre). 61 Carty, « The Shifting Place of Political Parties in Canadian Public Life » (traduction libre). 62 R. Kenneth Carty, Big Tent Politics: The Liberal Party’s Long Mastery of Canada’s Public Life (Vancouver : ubc Press, 2015), 1 (traduction libre). 63 Ibid., 30 (traduction libre). 64 Voir Élections Canada, Élections actuelles et élections passées, http://www. elections.ca/content.aspx?section=ele&lang=f. 65 Voir, par exemple, Carty, Cross et Young, Rebuilding Canadian Party Politics. 66 Janine Brodie, The Political Economy of Canadian Regionalism (Toronto : Harcourt Brace Jovanovich Canada, 1990), 145 (traduction libre). 67 Donald J. Savoie, Se débrouiller par ses propres moyens : le développement économique dans les Maritimes (Halifax : Nimbus, 2017). 68 Maurice Duverger, Les partis politiques (Paris : Armand Colin, 1951). 69 Andrew Coyne, « Harper Made Bigger Mark as Party Leader than as Prime Minister », Ottawa Citizen, 27 mai 2016, http://www.ottawacitizen. com/news/national. 70 Carty, « The Shifting Place of Political Parties in Canadian Public Life » (traduction libre). 71 Joseph Schull, Laurier, the First Canadian (Toronto : Macmillan, 1965). 72 Stephen Clarkson, The Big Red Machine: How the Liberal Party Dominates Canadian Politics (Vancouver : ubc Press, 2005), 9 et 10 (traduction libre). 73 Donald J. Savoie, The Politics of Public Spending in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1990), chap. 10. 74 Ernest R. Forbes, Challenging the Regional Stereotype: Essays on the 20th Century Maritimes (Fredericton : Acadiensis Press, 2012), 174 (traduction libre). 75 Ibid., 180 (traduction libre). 76 Ibid., 181. 77 Canada, Documents budgétaires, « Discours du budget », Ottawa, Ministère des Finances, 16 février 1999. 78 Canada, Documents budgétaires, « Permettre à l’économie canadienne d’innover davantage », Ottawa, Ministère des Finances, 28 février 2000. 79 Roger Gibbins, Prairie Politics and Society: Regionalism in Decline (Toronto : Butterworths, 1980), 41 (traduction libre).

Notes des pages 198-202

469

80 Voir, entre autres, « Stephen Harper’s Legacy: Good, Bad and a Dose of Ugly », Globe and Mail, 20 octobre 2015, www.theglobeandmail.com. 81 John Ibbitson, « In Wake of Tory Loss, Questions Remain about Harper’s Legacy », Globe and Mail, 19 octobre 2015, www.theglobeandmail.com (traduction libre). 82 Consultations avec un haut fonctionnaire fédéral, Moncton, le 11 octobre 2016. 83 C’est ce qu’affirme Jessica Asato dans « Tomorrow’s Political Parties », dans Guy Lodge et Glenn Gottfried (dir.), Democracy in Britain: Essays in Honour of James Cornford (Londres : Institute for Public Policy Research, 2014), 82. Pour des données canadiennes, voir Martin Turcotte, L’engagement communautaire et la participation politique au Canada (Ottawa : Statistique Canada, 14 septembre 2015), 8.

chapitre huit 1 Kelly Blidook, Constituency Influence in Parliament: Countering the Centre (Vancouver : ubc Press, 2012), 2 (traduction libre). 2 Gordon Aiken, The Backbencher: Trials and Tribulations of a Member of Parliament (Toronto : McClelland and Stewart, 1974) (traduction libre), et Pierre Elliott Trudeau, Memoirs (Toronto : McClelland and Stewart, 1993), 115. 3 John Ibbitson, « Few Countries Can Claim Such a Pathetic Parliament », Globe and Mail, 8 janvier 2010 (traduction libre). 4 Walter Bagehot, The English Constitution (Oxford : Oxford University Press, 2001), 142 (traduction libre). 5 Walter Bagehot, La constitution anglaise, traduit par Gaulhiac (Paris : Germer Baillière, 1869), 233. 6 A. Paul Pross, Group Politics and Public Policy (Toronto : Oxford University Press, 1992). 7 Michael M. Atkinson et Paul G. Thomas, « Studying the Canadian Parliament », Legislative Studies Quarterly, vol. 18, no 3 (août 1993), 415 (traduction libre). 8 Andrew Coyne, « Preface », dans Brent Rathgeber, Irresponsible Government: The Decline of Parliamentary Democracy in Canada (Toronto : Dundurn, 2014), 12 (traduction libre). 9 Rebecca Lindell, « Backbenchers Point to Less Party Discipline as a Fix for Parliament », Global News, 10 février 2013, https://globalnews .ca/news/391008backbenchers-point-to-less-party-discipline-as-a-fixforparliament/.

470

Notes des pages 202-6

10 Rathgeber, Irresponsible Government, 62. 11 David C. Docherty, Mr. Smith Goes to Ottawa: Life in the House of Commons (Vancouver : ubc Press, 1997). 12 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom (Toronto : University of Toronto Press, 2008). 13 Carolyn Bennett, Deborah Grey et l’hon. Yves Morin, Un Parlement selon nos vœux : les vues des parlementaires sur la réforme du Parlement (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 2003), 21. 14 Consultation avec un député aux Communes, le 21 octobre 2016. 15 Frank McKenna a fait ce commentaire à plusieurs occasions lors de parties de golf. 16 Voir, entre autres, « Mulroney Says Leaders Must Take Good Care of Caucus », Globe and Mail, 20 août 2002, www.theglobeandmail.com. 17 Une semaine à la Chambre des communes, s.d., http://www.res.parl.gc.ca/ About/Parliament/weekinhouse/index-f.asp. 18 Abbas Rana, « Upcoming Gun Bill “Scaring the Hell Out of the Liberal Caucus,” and Trudeau’s Response to Harvey’s Concerns Puts a Chill on Backbenchers, Say Liberals », Hill Times, 12 mars 2018, https://www. hilltimes.com/2018/03/12/upcoming-gun-legislation-scaring-hell-liberalcaucus-pm-trudeaus-vitriolic-response-grit-mp-harveys-concernsput/137000 (traduction libre). 19 « Finance Committee Chair Wayne Easter Denounces His Own Government’s Rollout of Tax Changes », Globe and Mail, 13 septembre 2017, https://www.theglobeandmail.com/news/politics/wayne-easterdenounces-his-own-governments-rollout-of-tax-changes/article36239318/ (traduction libre). 20 « Liberal Caucus Retreat to Focus on Small Business Tax, other HotButton Topics », Global News, 5 septembre 2017, https://globalnews.ca/ news/3717793/liberal-caucus-retreat-agenda/. 21 « Trudeau Won’t Commit to a Supreme Court Judge from Atlantic Canada », cbc News, 15 août 2016, https://www.cbc.ca/news/politics/ justin-trudeau-supreme-court-judge-atlantic-canada-1.3721255 (traduction libre). 22 « Atlantic Canada Lawyers Challenge Trudeau on Changes to Supreme Court Appointment Process », cbc News, 19 septembre 2016, https:// www.cbc.ca/amp/1.3769108. 23 « Ottawa Stripped Atlantic Canada of Inclusion on Supreme Court with Barely a Peep », cbc News, 10 août 2016, https://www.cbc.ca/news/ canada/newfoundland-labrador/supreme-court-appointments-justin-trudeaupolicy-atlantic-canada-1.3713759.

Notes des pages 206-9

471

24 Canada, Débats de la Chambre des communes, 42e Législature, 1re session, le 27 septembre 2016. 25 Ibid. 26 « Updated: War of Words Reignites Debate over Why a “Central Canadian” MP Heads ACOA », Telegraph Journal, 26 octobre 2016, https://www.telegraphjournal.com/tribune/story/49032968/updatedwar-of-words?source=story-related. 27 Jean-François Godbout et Bjørn Høyland, « The Emergence of Parties in the Canadian House of Commons (1867-1908) », Canadian Journal of Political Science, vol. 46, no 4 (décembre 2013), 773-97. 28 F.H. Underhill, « The Development of National Parties in Canada », Canadian Historical Review, vol. 16, no 4 (décembre 1935), 367-75 (traduction libre). 29 Jonathan Lemco, « The Fusion of Powers, Party Discipline, and the Canadian Parliament: A Critical Assessment », Presidential Studies Quarterly, vol. 18, no 2 (printemps 1988), 287 (traduction libre). 30 Roman March, The Myth of Parliament (Scarborough : Prentice-Hall, 1974), 59. 31 Paul Thomas, « The Role of National Party Caucuses », dans Peter Aucoin (dir.), Party Government and Regional Representation in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1985), 81. 32 Godbout et Høyland, « The Emergence of Parties in the Canadian House of Commons (1867-1908) », 773 (traduction libre). 33 Michael Ignatieff, Fire and Ashes: Success and Failure in Politics (Toronto : Random House Canada, 2013), 147 (traduction libre). 34 « Is Canada’s Party Discipline the Strictest in the World? Experts Say Yes », Globe and Mail, 7 février 2013, https://www.theglobeandmail.com/ news/politics/is-canadas-party-discipline-the-strictest-in-the-world-expertssay-yes/article8313261/ (traduction libre). 35 Blidook, Constituency Influence in Parliament, 27. 36 David Kilgour, député, « Discipline versus Democracy: Party Discipline in Canadian Politics », s.d., www.david-kilgour.com/mp/discipline.htm (traduction libre). 37 « Tory MP Kicked Out of Caucus over Budget Vote », Globe and Mail, 6 juin 2007, https://www.theglobeandmail.com/news/national/tory-mpkicked-out-of-caucus-over-budget-vote/article686850/. 38 « Nunziata Expelled from Liberal Caucus », The Canadian Encyclopedia, 17 mars 2003, www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/ nunziata-expelled-from-liberal-caucus. 39 David Kilgour, « Parliamentary Democracy in Canada », Ottawa, polycopie, septembre 2012, 2 (traduction libre).

472

Notes des pages 210-12

40 Un examinateur anonyme chez McGill-Queen’s University Press a porté ces cas à mon attention. 41 « La discipline de parti et le vote libre », Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2006, 3-4. 42 Doreen Barrie, « Parliamentary Reform Could Be Progress », Times Colonist, 12 mai 2017, 3. 43 « What the UK Can Teach Canada about Democracy », National Observer, 9 mai 2015, www.nationalobserver.com/2015/05/09/opinion/ what-uk-can-teach-canada. 44 Voir, par exemple, Paul E.J. Thomas, « Mesure de l’efficacité d’un parlement minoritaire », Revue parlementaire canadienne, vol. 30, no 1 (printemps 2007), 23-33. 45 Jonathan Malloy, « High Discipline, Low Cohesion? The Uncertain Patterns of Canadian Parliamentary Party Groups », The Journal of Legislative Studies, vol. 9, no 4 (hiver 2003), 116-29 (traduction libre). 46 Je reconnais que d’autres peuvent avoir un point de vue différent. Voir, par exemple, Lemco, « The Fusion of Powers, Party Discipline, and the Canadian Parliament ». 47 Kilgour, Parliamentary Democracy in Canada, 2. 48 Ibid. 49 Lemco, « The Fusion of Powers, Party Discipline, and the Canadian Parliament », 294 (traduction libre). 50 Robert W. Jackman, « Political Parties, Voting and National Integration: The Canadian Case », Comparative Politics, vol. 4, no 4 (juillet 1972), 512. 51 Lemco, « The Fusion of Powers, Party Discipline, and the Canadian Parliament », 289. 52 Anthony Sayers et Andrew Banfield, « The Dispersal of Power in Federal States: Canada and Australia », allocution prononcée lors de l’assemblée générale annuelle de l’Association canadienne de science politique, 1-3 juin 2010, Université Concordia, Montréal, polycopie, 4. 53 L’hon. Brian Tobin, cité dans William P. Cross, Political Parties (Vancouver : ubc Press, 2004), 55 (traduction libre). 54 Joan Bryden, « Incumbent Liberals Who Meet New Conditions Won’t Have to Face Nomination Challenge », Globe and Mail, 28 janvier 2018, https://www.theglobeandmail.com/news/politics/incumbent-liberals-whomeet-new-conditions-wont-have-to-face-nomination-challenge/ article37761517/. 55 Samara, « C’est mon parti » : retour sur le dysfonctionnement parlementaire (Ottawa : Samara, 2011), 9. 56 Robert Marleau, « Legislative Process », Hill Times (Ottawa), 18 février 2002 (traduction libre).

Notes des pages 213-19

473

57 Les travaux de crédits (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 2004), 7. 58 Robert F. Adie et Paul G. Thomas, Canadian Public Administration: Problematical Perspectives (Scarborough : Prentice-Hall, 1980), 141 (traduction libre). 59 Voir, parmi de nombreux autres ouvrages, Un Parlement selon nos vœux. 60 Laura Ryckewaert, « Hill Journalists Say There’s Too Much Government Information Control and Parliament Has Lost Its Power », Hill Times, 1er mars 2014, 5. 61 Voir, par exemple, Répondre aux attentes des Canadiennes et des Canadiens : examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2005), 16. 62 Le député fédéral : ses fonctions (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 1998), 6. 63 Ibid., 9. 64 Donald J. Savoie, The Politics of Public Spending in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1990), préface (traduction libre). 65 Cité dans « Scrutinize Spending Estimates », Hill Times, 20 juin 2011, 8. 66 Canada, Débats de la Chambre des communes, 35e Législature, 1re session, vol. 1, 7 février 1994, 962. 67 Donald J. Savoie, What Is Government Good At? A Canadian Answer (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2015), 66. 68 Lowell Murray, « Souper hommage à Donald J. Savoie », allocution, Bouctouche (N.-B.), 8 juin 2011. 69 National Post, 25 décembre 2016. 70 Canada, Ministère des Finances Canada : 149 ans et ça continue (Ottawa : Ministère des Finances, s.d.), https://www.fin.gc.ca/afc/index-fra.asp. 71 Brian Pagan, « Connecting the Dots between Resources and Results », allocution prononcée lors du Colloque de cpa Canada sur le secteur public, novembre 2016, 6 (traduction libre). 72 Mark Schacter, « A Step Toward Common Sense », Ottawa, Schacter Consulting, décembre 2016, mimeo, 1 (traduction libre). 73 Canada, Politique sur les résultats (Ottawa : Gouvernement du Canada, 1er juillet 2016), 3.1.1, 3.1.2 et 3.2.4, https://www.tbs-sct.gc.ca/pol/ doc-fra.aspx?id=31300. 74 Ibid., 3.2.3. 75 Canada, Conseil du Trésor, Planning, Programming, Budgeting Guide (Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1968). 76 Pour un examen de la question, voir Donald J. Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers and Parliament (Toronto : University of Toronto Press, 2003).

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Notes des pages 220-3

77 Pagan, « Connecting the Dots between Resources and Results », 3 (traduction libre). 78 William Robson, « Government Budgets: Why It’s So Difficult to Follow the Money », Globe and Mail, 16 avril 2016, https://www. theglobeandmail.com/opinion/government-budgets-why-its-so-difficultto-follow-the-money/article29642761/ (traduction libre). 79 Doug Hartle, « The Role of the Auditor General of Canada », Canadian Tax Journal, vol. 23, no 3 (1975), 197 (traduction libre). 80 Savoie, What Is Government Good At? 81 Warren Kinsella, « Big Political Graves Are Dug with Tiny Shovels », Hill Times, 29 août 2016 https://www.hilltimes.com/2016/08/29/big-politicalgraves-are-dug-with-tiny-shovels/78458/feed (traduction libre). 82 « When It Comes to the Money That Politicians Spend, We Worry about the Wrong Stuff », Globe and Mail, 23 août 2016, https://www. theglobeandmail.com/opinion/editorials/when-it-comes-to-the-money-thatpoliticians-spend-we-worry-about-the-wrong-stuff/article31520824/. 83 David E. Smith, « Une question de confiance : la démocratie parlementaire et la société canadienne », Revue parlementaire canadienne, vol. 27, no 1 (printemps 2004), 27. 84 Ce renseignement m’a été fourni à titre membre du comité d’examen stratégique de l’organisme, à Moncton, le 18 mai 2010. 85 Consultations avec un haut fonctionnaire, Ottawa, le 20 octobre 2011. 86 Le Bureau du directeur du budget, créé par le gouvernement Harper après un engagement électoral, en offre un excellent exemple. Harper a écarté du revers de la main les avis du directeur parlementaire du budget, les qualifiant de « stupides », et son gouvernement a pris des mesures pour restreindre la portée du travail du directeur. Voir, entre autres, « Harper Rejects “Dumb” Budget Advice », National Post, 11 juillet 2009. 87 Parti libéral du Canada, Livre rouge, Ottawa, Parti libéral du Canada, chapitre 6. 88 Ibid. 89 Voir, par exemple, « Why the Ethics Commissioner Did Wrong by Nigel Wright », Maclean’s, 26 mai 2017, https://www.macleans.ca/politics/ ottawa/why-the-ethics-commissioner-did-wrong-by-nigel-wright/. 90 Voir Sharon Sutherland, « Parliament’s Unregulated Control Bureaucracy », Briefing Notes (Kingston : Queen’s University School of Policy Studies, 2002), 9 (traduction libre). Il faut noter toutefois que le Bureau du vérificateur général a le pouvoir statutaire d’entreprendre une vérification intégrée ou une vérification de l’optimisation des ressources.

Notes des pages 223-9

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91 « The Woman Who Enraged Voters », Ottawa Citizen, 9 juin 2004, B1 (traduction libre). 92 « Week of Heavy Job Losses Puts Pressure on Flaherty to Open Stimulus Taps Wider », Globe and Mail, 6 février 2009, A1. 93 « Why Canada’s Budget Watchdog Is So Good at Dropping the Gloves », Globe and Mail, 31 janvier 2009, F3 (traduction libre). 94 « Put Tether on Budget Watchdog, MPs Urge », The Star, 17 juin 2009 (traduction libre). 95 Voir, par exemple, « It’s Finance Minister Flaherty versus Budget Officer Page », Hill Times, 24 octobre 2011, 1 et 20. 96 « On pbo Reform Liberals Make the Right Call », Globe and Mail, 29 mai 2017, https://www.theglobeandmail.com/opinion/on-pbo-reformliberals-make-the-right-call/article35144497/. 97 « Bloated, Glossy $212,000 Federal Budget Cover a Fitting Symbol of Modern Government », National Post, https://nationalpost.com/ opinion/andrew-coyne-bloated-glossy-212000-federal-budget-covera-fitting-symbol-of-modern-government (consulté le 8 décembre 2017).

c ha p i t r e n e u f 1 Percy Mockler, « L’abandon d’Énergie Est – une tragédie pour le NouveauBrunswick vu l’échec possible des pourparlers de l’alena », dans Sénat du Canada, Opinions, 23 novembre 2017, https://sencanada.ca/fr/ sencaplus/opinion/l-abandon-d-energie-est-une-tragedie-pour-lenouveau-brunswick-vu-l-echec-possible-des-pourparlers-de-lealenasenateur-mockler/. 2 Canada, Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute (1980), rcs 54, 10. 3 Canada, Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014, csc 32, no du greffe 35203. 4 Alan C. Cairns, « From Interstate to Intrastate Federalism in Canada », Kingston, Institut des relations intergouvernmentales, 1979, 5, document de travail no 5 (traduction libre). 5 « ndp Leader Tom Mulcair Says He’ll Seek Mandate for Senate Abolition », cbc News, 10 juin 2015, https://www.cbc.ca/news/politics/ ndp-leader-tom-mulcair-says-he-ll-seek-mandate-for-senate-abolition-1. 3107870. 6 Canada, Rapport de la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, vol. 3 (Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1985), 79.

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Notes des pages 229-31

7 « Why the Senate Should Be Abolished », Maclean’s, 8 mars 2013, www. macleans.ca (traduction libre). 8 David C. Docherty, « The Canadian Senate: Chamber of Sober Reflection or Loony Cousin Best Not Talked About », The Journal of Legislative Studies, vol. 8, no 3 (automne 2002), 27-8 et 38 (traduction libre). 9 David E. Smith, Pour bien comprendre : une analyse de la décision de la Cour suprême de 2014 sur le Sénat (Ottawa : Gouvernement du Canada, 3 décembre 2015), 18, document parlementaire 1/42-29S. 10 Voir, entre autres, « Le poids du Québec et le Sénat », Le Devoir, 12 juin 2013, https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/380529/ le-poids-du-quebec-et-le-senat. 11 Voir, entre autres, « Four Arguments for Senate Reform in Canada », 21 février 2010, http://troymedia.com/2010/02/21/four-arguments-forsenate-reform/, et « Alberta Says Provinces Must Be Consulted on Senate Reform » », Calgary Herald, 30 août 2013, http://www.calgaryherald. com/news/alberta+says+provinces+must+consulted+senate+reform/ 8853120/story.html. 12 Cité dans Serge Joyal (dir.), Protéger la démocratie canadienne : le Sénat en vérité (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2003), 20. 13 Janet Ajzenstat, « Le bicaméralisme et les architectes du Canada : les origines du Sénat canadien », dans ibid., 20. 14 Voir, parmi de nombreux autres, David E. Smith, The Canadian Senate in Bicameral Perspective (Toronto : University of Toronto Press, 2003), 114, et « Canada’s Senate Speaker Pierre Claude Nolin Dies », The Star, 24 avril 2015, https://www.thestar.com/news/canada/2015/04/24/canadassenate-speaker-pierre-claude-nolin-dies.html (traduction libre). 15 De l’ombre à la lumière : la transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada (Ottawa : Sénat du Canada, 2006). 16 Voir, entre autres, « Mental Health in Canada: Out of the Shadows Forever », cmaj - jamc , vol. 178, no 10 (6 mai 2008), 1320-2, et « Ten-Year Anniversary of the Kirby Report,” British Columbia Medical Journal, vol. 54, no 10 (décembre 2012), 518. 17 Smith, The Canadian Senate in Bicameral Perspective, 181 (traduction libre). 18 Canada, Renvoi relatif à la réforme au Sénat, 2014, csc 32, no du greffe 35203. 19 John F. Conway, Debts to Pay: The Future of Federalism in Quebec (Toronto : James Lorimer, 2004), 154. 20 « Canadians Want to Reform or Abolish Senate: Polls », Globe and Mail, 30 mai 2013, https://www.theglobeandmail.com/news/politics/canadianswant-to-reform-or-abolish-senate-polls/article12260094/.

Notes des pages 231-5

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21 Canada, Census of British North America, Statistics Canada, accessed on 12 February 2019, https://www66.statcan.gc.ca/eng/1867/186700160016_ The%20census.pdf. 22 Smith, The Canadian Senate in Bicameral Perspective, 4. 23 R.A. MacKay, The Unreformed Senate of Canada (Toronto : McClelland and Stewart, 1963), 38. 24 Canada, Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014, csc 32, no du greffe 35203, paragr. 16, 13. 25 Ibid. 26 Ibid. 27 David E. Smith, The Constitution in a Hall of Mirrors: Canada at 150 (Toronto : University of Toronto Press, 2017), 63 (traduction libre). 28 Canada, Renvoi relatif à la réforme du Sénat. 29 Je pense aux sénateurs Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau et au sénateur Andrew Thompson, qui n’a assisté que 47 fois aux séances du Sénat sur une période de 14 ans, passant le plus clair de son temps au Mexique. 30 Voir, entre autres, C.E.S. Franks, The Parliament of Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1987). 31 Smith, The Canadian Senate in Bicameral Perspective, 159-60. 32 Voir MacKay, The Unreformed Senate of Canada, et Colin Campbell, The Canadian Senate: A Lobby from Within (Toronto : Macmillan, 1978). 33 Canada, Se retrouver : observations et recommandations (Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services, 1979), 103. 34 Regional Representation: The Canadian Partnership (Calgary : Canada West Foundation, septembre 1981). 35 Re-inventing Parliament (Calgary : Canada West Foundation, 1994), 2. 36 Keith G. Banting, « Commission royale d’enquête sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https://www. thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/royal-commission-on-economic-unionand-development-prospects-for-Canada. 37 Canada, Rapport de la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, vol. 3 (Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services, 1985). 38 Voir Roger Gibbins, « Senate Reform: Always the Bridesmaid, Never the Bride », dans Ronald L. Watts et Douglas Brown (dir.), Canada: The State of the Federation 1989 (Kingston : Institut des relations intergouvernementales, 1989), 193-210. 39 Kenneth McRoberts et Patrick Monahan (dir.), The Charlottetown Accord, the Referendum, and the Future of Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1993).

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Notes des pages 235-8

40 La réforme du Sénat, foire aux questions (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 2011). 41 Voir, par exemple, Projet de loi C-7 Loi sur la réforme du Sénat (Ottawa : Association du Barreau canadien, 2012). 42 Danielle Pinard, « The Canadian Senate: An Upper House Criticized Yet Condemned to Survive Unchanged? », dans Jörg Luther, Paolo Passaglia et Rolando Tarchi (dir.), A World of Second Chambers: Handbook for Constitutional Studies on Bicameralism (Milan : Giuffrè, 2006). 43 Roger Gibbins, « When Pigs Fly? », Dialogues: A Canada West Foundation Publication, vol. 2, no 3 (été 2006), 32 (traduction libre). 44 Canada, La Constitution du Canada : bref historique des discussions relatives à la procédure de modification (Ottawa : Publications Canada, 1992). 45 Voir, par exemple, Claude Bélanger, « Quebec, the Constitution and Special Status », 23 août 2000, http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/ quebechistory/readings/special.htm. 46 Howard Cody, « Parliamentary Reform: Some Implications for Western Canada », American Review of Canadian Studies, vol. 22, no1 (1992), 11-27. 47 Adam Dodek, « The Politics of the Senate Reform Reference: Fidelity, Frustration, and Federal Unilateralism », Revue de droit de McGill, vol. 60, no 4 (2015), 624. 48 Canada, Renvoi relatif à la réforme du Sénat. 49 Canada, Discours du Trône ouvrant la première session de la trente-neuvième législature du Canada, 4 avril 2006. 50 « Tory Resistance to Senate Reform Puts Harper in Bind, Pollster Says », Globe and Mail, 16 juin 2011, https://www.theglobeandmail.com/news/ politics/ottawa-notebook/tory-resistance-to-senate-reform-puts-harper-inbind-pollster-says/article615232/, et consultations avec le sénateur Percy Mockler, dates variées. 51 « Harper Senate Reform Bill Rejected by Quebec Appeal Court », cbc News, 24 octobre 2013, https://www.cbc.ca/news/politics/ harper-senate-reform-bill-rejected-by-quebec-appeal-court-1.2223975. 52 Adam Dodek, « The Politics of the Senate Reform Reference: Fidelity, Frustration, and Federal Unilateralism”, Revue de droit de McGill (2015) 60 : 4 RD McGill 623. 53 Canada, Renvoi relatif à la réforme du Sénat, paragr. 3, 85, 86. 54 Ibid. 55 Ibid., paragr. 4. 56 Voir, entre autres, « Canada Court Kills off Government’s Senate Reform Plan », 24 avril 2014, https://ca.reuters.com/article/domesticNews/ idCABREA3O1BN20140425, et « After the Supreme Court Decision Is

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Senate Reform Off the Table? », 24 juillet 2015, https://www.cbc.ca/ radio/checkup/after-the-supreme-court-decision-is-senate-reformoff-the-table-1.2783926. Emmett Macfarlane, « Did the Supreme Court Just Kill Senate Reform? », Maclean’s, 25 avril 2014 https://www.macleans.ca/politics/did-thesupreme-court-just-kill-senate-reform/ (traduction libre). Changer ensemble : le bon plan pour renforcer la classe moyenne (Ottawa : Parti libéral du Canada, 2015), 31. Canada, Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, s.d., https://www.canada.ca/fr/campagne/comite-consultatifindependant-sur-les-nominations-au-senat.html. Michael Wernick, le greffier du Conseil privé, m’a fait ce commentaire lors d’un souper à Moncton (N-.B.) (traduction libre). Le premier ministre Justin Trudeau, cité dans « What Do We Do about Fools in the Senate », iPolitics, 28 mars 2017, https://ipolitics.ca/2017/03/28/ what-do-we-do-about-fools-in-the-senate/ (traduction libre). « Andrew Scheer Says He Will Not Appoint Independent Senators If Elected Prime Minister », cbc News, 28 juin 2017, https://www.cbc.ca/news/ politics/andrew-scheer-interview-barton-1.4182567 (traduction libre). « Senate Reform Is No Reform at All, and Could Have Unintended Consequence », Globe and Mail, 3 décembre 2015, https://www. theglobeandmail.com/opinion/editorials/senate-reform-is-no-reform-atall-and-could-have-unintended-consequence/article27587177/ (traduction libre). « Senate Showing Its Undemocratic Side with Delay of Bills », Globe and Mail, 29 octobre 2017, https://www.theglobeandmail.com/opinion/ editorials/globe-editorial-senate-showing-its-undemocratic-side-withdelay-of-bills/article36752899/ (traduction libre). « Le Québec ne veut pas de la réforme du Sénat », Le Devoir, 2 juin 2007, https://www.ledevoir.com/politique/canada/145917/le-quebec-ne-veut-pasde-la-reforme-du-senat. Voir, par exemple, « Justin Trudeau : “On ne rouvre pas la Constitution” », La Presse, 1er juin 2017, https://www.lapresse.ca/ actualites/politique/politique-canadienne/201706/01/01-5103416justin-trudeau-on-ne-rouvre-pas-la-constitution.php. Andrew Coyne, « Who Asked for This Kind of Senate Reform? », National Post, 15 décembre 2015, https://nationalpost.com/opinion/ andrew-coyne-who-asked-for-this-kind-of-senate-reform (traduction libre). « Canada Needs Triple-E Senate Reform », National Post, 28 mai 2013, https://nationalpost.com/opinion/kline-editorial.

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Notes des pages 242-6

69 Tony Keller, « Mr. Trudeau’s FrankenSenate: It’s Alive, and It’s Dangerous », Globe and Mail, 14 juin 2017, https://www.theglobeand mail.com/opinion/mr-trudeaus-frankensenate-its-alive-and-its-dangerous/ article35309120/ (traduction libre). 70 Canada, Critères d’évaluation, Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, s.d., https://www.canada.ca/fr/campagne/ comite-consultatif-independant-sur-les-nominations-au-senat/criteres-devaluation.html. 71 Canada, Renvoi relatif à la réforme du Sénat. 72 Canada, Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, s.d., https://www.canada.ca/fr/campagne/comite-consultatifindependant-sur-les-nominations-au-senat.html. 73 Tony Dean, « Senate in Transition: Observations from a Rookie Senator », The Star, 3 avril 2017, https://www.thestar.com/opinion/commentary/ 2017/04/03/senate-in-transition-observations-from-a-rookie-senator.html (traduction libre). 74 « Gay N.B. Senator: “Dark Facet of Our History Repaired” », Telegraph Journal, 9 février 2018, https://www.telegraphjournal.com/daily-gleaner/ story/100508075/gay-sex-criminal-records. 75 Gloria Galloway, « Increasingly Independent Senate Injecting Uncertainty into Parliamentary Process », Globe and Mail, 4 février 2018, https:// www.theglobeandmail.com/news/politics/increasingly-independentsenate-injecting-uncertainty-into-parliamentary-process/article37846575/ (traduction libre). 76 Michael Kirby et Hugh Segal, A House Undivided: Making Senate Independence Work (Ottawa : Forum des politiques publiques, 2016), 2, 7 et 8 (traduction libre). 77 Ibid., 15-21 (traduction libre). 78 Conversations avec Michael Kirby, Bradenton (Floride), mars 2017 (traduction libre). 79 Hugh Segal, « We Can’t Return to a Senate Ruled by Partisan Politics », Globe and Mail, 27 juin 2018, https://www.theglobeandmail.com/opinion/ article-we-cant-return-to-a-senate-ruled-by-partisan-politics/ (traduction libre). 80 Canada, Rapport des séances de travail sur la modernisation du Sénat (Ottawa : Sénat, 11 décembre 2015). 81 L’hon. V. Peter Harder C.P., La complémentarité : le rôle constitutionnel du Sénat du Canada (Ottawa : le Sénat, 12 avril 2018), 5 et 6. 82 « Questions courantes concernant la représentation gouvernementale dans un Sénat en transformation », 10 novembre 2017, https://senat-brg.ca/

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renouveau-s%C3%A9nat/questions-courantes-concernant-la-representationgouvernementale-dans-un-senat-en-transformation/. « Six-fold Increase in Senate Lobbying under Trudeau, with Independents Taking Most Meetings », National Post, 22 janvier 2018, https:// nationalpost.com/news/politics/six-fold-increase-in-senate-lobbyingunder-trudeau-with-independents-taking-most-meetings (traduction libre). Paul G. Thomas, « The “New” Improved Senate », Policy Options, 26 janvier 2018 (traduction libre). « Andrew Scheer Says He Will Not Appoint Independent Senators If Elected Prime Minister » (traduction libre). Cité dans Kirby et Segal, A House Undivided, 14 (traduction libre). « It Gets Large-H Harder to Say Just What the Senate’s For », Globe and Mail, 5 mai 2016, https://www.theglobeandmail.com/opinion/editorials/ it-gets-large-h-harder-to-say-just-what-the-senates-for/article29905257/ (traduction libre). Dean, « Senate in Transition » (traduction libre). Docherty, « The Canadian Senate », 38 (traduction libre). Andrew Coyne, « Our Unelected Senate Has No Business Rewriting Federal Budgets », National Post, 12 juin 2017, http://nationalpost.com/ opinion/andrew-coyne-canadian-democracy-is-being-vandalized-by-ourunelected-senate-heres-how-to-stop-it (traduction libre). Voir, par exemple, la sénatrice Diane Bellemare, « Adoptons une grille d’analyse pour le second examen objectif », 3 novembre 2017, https://senat-brg.ca/renouveau-s%C3%A9nat/adoptons-unegrille-danalyse-pour-le-second-examen-objectif-la-senatrice-bellemare/. Douglass C. North, « Economic Performance through Time », American Economic Review, vol. 84, no 3 (juin 1994), 361 (traduction libre). Brian Lee Crowley fait valoir cet argument dans « Canada Needs a Senate and Our Senate Needs to Be Fixed. Here’s How », National Post, 10 juin 2015, http://nationalpost.com/opinion/brian-lee-crowley-canada-needs-asenate-and-our-senate-needs-to-be-fixed-heres-how. Donald Dennison, un ancien sous-ministre des Affaires intergouvernementales du Nouveau-Brunswick, a écrit ces mots dans une note qu’il m’a adressée le 22 février 2013 (traduction libre).

chapitre dix 1 Jean Blondel, « Cabinet Government and Cabinet Ministers », dans Jean Blondel et Jean-Louis Thiébault (dir.), The Profession of Government Minister in Western Europe (Londres : Palgrave Macmillan, 1991).

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Notes des pages 251-7

2 Walter Bagehot, La Constitution anglaise, trad. par M. Gauliac (Paris : Germer-Baillère, 1869), 17. 3 Ibid., 26. 4 Voir, par exemple, Ian Brodie, ancien chef de cabinet du premier ministre Stephen Harper, At the Centre of Government: The Prime Minister and the Limits on Political Power (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2018). 5 « Justin Trudeau Begins His Bold Experiment in “Government by Cabinet” », cbc News, 5 novembre 2015, https://www.cbc.ca/news/ politics/government-cabinet-chris-hall-1.3304812 (traduction libre). 6 « At Different Pressers, Trudeau Fields Questions for His Finance Minister, While Scheer Ends Things Abruptly », Huffington Post, 16 octobre 2017, https://www.huffingtonpost.ca/2017/10/16/trudeaumorneau-scheer-press-conference-watch_a_23245141/ (traduction libre). 7 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, The Politics of Public Spending in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1990), 189-93. 8 Alex Marland, « Studying Message Control in Canadian Politics and Beyond », allocution présentée devant l’Atlantic Provinces Political Science Association, Moncton, 12 octobre 2017 (traduction libre). 9 Doug Saunders, « The World Needs Canada back in the Democracy Export Business », Globe and Mail, 29 décembre 2017, https://www. theglobeandmail.com/opinion/the-world-needs-canada-back-in-thedemocracy-export-business/article37454136/ (traduction libre). 10 Voir, par exemple, Éric Grenier, « Post-Election Polls Suggest Reasons behind Trudeau Win », cbc News, 23 octobre 2015, https://www.cbc.ca/ news/politics/grenier-election-poll-change-oct24-1.3286044. 11 Voir, par exemple, « How the Trudeau Liberals Won a Majority in the 2015 Federal Election », Globe and Mail, 30 octobre 2015, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/how-the-trudeau-liberals-won-amajority-in-the-2015-federalelection/article27048562/. 12 Patrice Dutil, Prime Ministerial Power in Canada: Its Origins under Macdonald, Laurier and Borden (Vancouver : ubc Press, 2017). 13 « Seeking Stephen Harper Historically », Globe and Mail, 27 août 2013, https://www.theglobeandmail.com/opinion/seeking-stephen-harperhistorically/article13957176/. 14 Voir, par exemple, Michael Foley, The British Presidency (Manchester : Manchester University Press, 2000). 15 Alan C. Cairns, From Interstate to Intrastate Federalism in Canada (Kingston : Institut des relations intergouvernementales, 1979), 6 (traduction libre).

Notes des pages 257-61

483

16 Voir, par exemple, « Executives – Prime Minister, Cabinet and the Core Executive », Ashbourne College, Government and Politics, s.d., 1, https:// politics-blog.ashbournecollege.co.uk/unit-2-governing-the-uk/ executives-prime-minister-cabinet-the-core-executive/. 17 Voir Herman Bakvis, Regional Ministers: Power and Influence in the Canadian Cabinet (Toronto : University of Toronto Press, 1991). 18 « Trudeau Government Sets New Record for Vacant Appointments », cbc News, 1er décembre 2017, https://www.cbc.ca/news/politics/ trudeau-appointments-government-jobs-1.4427307. 19 « Justin Trudeau s’engage à faire le plus important investissement de l’histoire du Canada en matière d’infrastructures », 27 août 2015, https:// www.liberal.ca/fr/justin-trudeau-sengage-a-faire-le-plus-importantinvestissement-de-lhistoire-du-canada-en-matiere-dinfrastructures/, et « Bill Morneau Wants Slow and Steady Approach to Infrastructure Funding », Globe and Mail, 24 mars 2017, https://www.theglobeandmail. com/news/politics/bill-morneau-wants-slow-and-steady-approach-toinfrastructure-funding/article34421297/. 20 Voir, par exemple, Donald J. Savoie, Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics (Toronto : University of Toronto Press, 1999). 21 R.M. Punnett, The Prime Minister in Canadian Government and Politics (Toronto : Macmillan, 1977), 75. 22 Voir, entre autres, « Span of Control » The Economist, 9 novembre 2009, https://www.economist.com/news/2009/11/09/span-of-control. 23 Elliott Jaques, Requisite Organization: A Total System for Effective Managerial Organization and Managerial Leadership for the 21st Century, Abingdon, Cason Hall, 1996, 97 (traduction libre). 24 David Mulroney, « Trudeau’s China Setback Was a Self-Inflicted Wound », Globe and Mail, 6 décembre 2017, https://www.theglobeandmail.com/ opinion/trudeaus-china-setback-was-a-self-inflicted-wound/ article37222702/ (traduction libre). 25 Gordon Robertson, « The Changing Role of the Privy Council Office », Canadian Public Administration, vol. 14, no 4 (hiver 1971), 497 (traduction libre). 26 Canada, Responsibility in the Constitution (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 1993) (traduction libre). 27 Gordon Robertson, Memoirs of a Very Civil Servant: Mackenzie King to Pierre Trudeau (Toronto : University of Toronto Press, 2000) (traduction libre). 28 Trudeau, cité dans George Radwanski, Trudeau (Montréal : Fides, 1979), 171.

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Notes des pages 261-4

29 Tom Kent, A Public Purpose: An Experience of Liberal Opposition and Canadian Government (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1988), 225 (traduction libre). 30 Peter Aucoin, « Organizational Change in the Machinery of Canadian Government: From Rational Management to Brokerage Politics », Canadian Journal of Political Science, vol. 19, no 1 (mars 1986), 22. 31 « Gomery Challenges Harper and the All-Powerful pmo », The Star, 14 mars 2008, https://www.thestar.com/news/canada/2008/03/14/ gomery_challenges_harper_and_the_allpowerful_pmo.html (traduction libre). 32 « 8 of the Most Scathing Quotes about the Former pmo in the Duffy Judgement », ctv News, 22 avril 2016, https://www.ctvnews.ca/ politics/8-of-the-most-scathing-quotes-about-the-former-pmo-in-the-duffyjudgment-1.2870429 (traduction libre). 33 Voir David Johnson, Thinking Government: Public Administration and Politics in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 2011). 34 Cité dans « The Case for Decentralizing Power in the pmo », Maclean’s, 18 septembre 2015, https://www.macleans.ca/politics/ottawa/the-case-fordecentralizing-power-in-the-pmo/ (traduction libre). 35 Michael Barber et al., Deliverology 101: A Field Guide for Educational Leaders (Londres : Sage, 2011). 36 « Delivering the Goods: Why Matthew Mendelsohn Is Trudeau’s Go-To Guy », Ottawa Citizen, 15 janvier 2016, https://ottawacitizen.com/news/ politics/delivering-the-goods-why-matthew-mendelsohn-is-trudeausgo-to-guy. 37 Savoie, The Politics of Public Spending in Canada. 38 Voir, par exemple, Allan M. Maslove, « Processus budgétaire », L’encyclopédie canadienne, 6 février 2006, https://www. thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/budgetary-process. 39 Adam Radwanski, « Trudeau’s “Deliverology” on the Verge of Becoming a Punchline », Globe and Mail, 17 novembre 2017, https://www. theglobeandmail.com/opinion/trudeaus-deliverology-on-the-verge-ofbecoming-a-punchline/article37023338/ (traduction libre). 40 « How Justin Trudeau Plans to Deliver on “Deliverology” », cbc News, 27 août 2016, https://www.cbc.ca/news/politics/wherry-trudeaudeliverology-1.3735890 (traduction libre). 41 Voir, par exemple, Radwanski, « Trudeau’s “Deliverology” on the Verge of Becoming a Punchline ». 42 François Petry, « To What Extent Do Parties Fulfill Their Campaign Promises? », Québec, Université Laval, polycopie, s.d., et « Promises,

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Promises: The Liberals Made a Lot, Maybe Too Many », cbc News, 16 novembre 2017,https://www.cbc.ca/news/politics/liberals-trudeau-promisestracker-analysis-wherry-1.4401614. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, www.Canada.ca, s.d. Richard French, « Trudeau’s Challenge: Delivering on All the Promises », Globe and Mail, 20 juillet 2016, A11 (traduction libre). Canada, Plan ministériel 2017-2018 pour tous les organismes centraux, 2017, https://www.canada.ca/fr/commission-fonction-publique/services/ publications/plan-ministeriel-2017-2018.html. Voir, par exemple, Maslove, « Processus budgétaire ». Savoie, Governing from the Centre. « Trudeau pmo Tightening Control over Ministerial Staffing, “Identical” to Harper Approach, Says Ex-Liberal MP », Hill Times, 25 octobre 2017. Ibid. Philippe Lagassé, « La Couronne et le pouvoir du premier ministre », Revue parlementaire canadienne, vol. 39, no 2 (été 2016), 22. Mark Bevir et R.A.W. Rhodes, « Prime Ministers, Presidentialism and Westminster Smokescreens », Political Studies, vol. 54, no 4 (2006), 671-90 (traduction libre). Ibid. (traduction libre). Don Russell, « The Role of Executive Government in Australia », Papers on Parliament, no 41 (décembre 2003), 2 (traduction libre). Voir les chapitres 5, 7 et 8 dans Carl Dahlström, B. Guy Peters et Jon Pierre (dir.), Steering from the Centre: Strengthening Political Control in Western Democracies (Toronto : University of Toronto Press, 2011). Canada, Le rôle et la structure du Bureau du Conseil privé (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 1997), 1. Voir l’examen du mandat dans Canada, Bureau du Conseil privé : budget des dépenses pour 2004-2005 (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 2004), 2. Sharon Sutherland, « Le rôle du greffier du Conseil privé », dans Rétablir l’imputabilité : études, volume 3 (Ottawa : Commission d’enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires, 2006), 107. Sénateur Lowell Murray, « Power, Responsibility and Agency in Canadian Government », dans James Bickerton et B. Guy Peters (dir.), Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013), 27, et Janice Gross Stein et Eugene Lang, The Unexpected War: Canada in Kandahar (Toronto : Viking Canada Press, 2007), 2 (traduction libre). Jean Chrétien, Dans la fosse aux lions (Montréal : Éditions de l’Homme, 1985), 96.

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Notes des pages 269-72

60 « The List: TheTop 100 Most Powerful and Influential People in Federal Government and Politics in 2018 », Hill Times, 8 janvier 2018, 14. 61 John Ibbitson, « Trudeau’s Shuffle Reveals Two Truths about Liberal Cabinet », Globe and Mail, 29 août 2017, https://www.theglobeandmail. com/news/politics/trudeaus-shuffle-reveals-two-truths-about-liberalcabinet/article36101146/ (traduction libre). 62 Canada, Robert Marleau et Camille Montpetit (dir.), « Le gouvernement responsable et la responsabilité ministérielle », La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd. (Ottawa : Chambre des communes, 2009), http://www.noscommunes.ca/procedure-book-livre/ Document.aspx?sbdid=9DEFAEC1-C6DC-4247-95A0-91EE644 C8BFD&sbpid=878305E3-21C8-49BF-BD35-77ECF7078E04&Language =F&Mode=1. 63 Felicity Matthews, « The Coalitioninsing of Collective Responsibility », allocution présentée à la conférence annuelle de la Political Studies Association, 14-16 avril 2014, Department of Politics, University of Sheffield, 1 (traduction libre). 64 Nicholas D’Ombrain, « Cabinet Secrecy », Canadian Public Administration, vol. 47, no 3 (automne 2004), 334 (traduction libre). 65 Bryce à St-Laurent, 14 juin 1957, cité dans ibid., 353 (traduction libre). 66 Voir Documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada (documents confidentiels du Cabinet), s.d., https://www.canada.ca/fr/ secretariat-conseil-tresor/services/acces-information-protectionreseignements-personnels/protection-renseignement-personnels/ documents-confidentiels-conseil-prive-reine-canada-documentsconfidentiels-cabinet.html. 67 Canada, Oaths of Office, Ottawa, Gouverneur général du Canada, s.d., http://www.gg.ca/document.aspx?id=316 (traduction libre) 68 D’Ombrain, « Cabinet Secrecy », 333 (traduction libre). 69 Tonda MacCharles, « Tory Minister Quits over Quebec Vote », Toronto Star, 28 novembre 2006, A1 (traduction libre). 70 David E. Smith, « Clarification de la doctrine de la responsabilité ministérielle applicable au gouvernement et au Parlement du Canada », dans Rétablir l’imputabilité : études, volume 1, Ottawa, Commission d’enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires, 2006, 128. 71 D’Ombrain, « Cabinet Secrecy », 352 (traduction libre). 72 Ibid., 352-3 (traduction libre). 73 Ibid. (traduction libre). 74 Richard Dicerni a formulé ce commentaire lors d’un dîner-causerie à Ottawa alors qu’il était sous-ministre de l’Industrie, en 2011.

Notes des pages 273-7

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75 Alpheus Todd, On Parliamentary Government in England: Its Origin, Development, and Practical Operation (Londres : Longmans, Green, and Co., 1889), 130-40. 76 Voir, par exemple, W.T. Stanbury, Accountability to Citizens in the Westminster Model of Government: More Myth Than Reality (Vancouver : Fraser Institute, février 2003), 8. 77 Savoie, Governing from the Centre.

c ha p i t r e o n ze 1 « Yes, I’d Lie to You », The Economist, 10 septembre 2016, https://www. economist.com/briefing/2016/09/10/yes-id-lie-to-you. 2 Jacob Schroeder, Tyler Sommers and Dana Wagner, « 365 Days of Lies: The Year in Canadian Political Claptrap », iPolitics, 4 janvier 2016. 3 www.factscan.ca, s.d. 4 « Word of the Year 2016 Is ... », Oxford Dictionaries, s.d., https://en. oxforddictionaries.com/word-of-the-year/word-of-the-year-2016, traduit dans Agence France-Presse, « Post-vérité, le mot de l’année selon le dictionnaire Oxford », La Presse, 16 novembre 2016, https://www.lapresse. ca/international/201611/16/01-5041850-post-verite-le-mot-de-lanneeselon-le-dictionnaire-oxford.php. 5 Ibid. 6 Lawrence Martin, « Canada’s Media: A Crisis That Cries out for a Public Inquiry », Globe and Mail, 2 février 2016, https://www.theglobeandmail. com/opinion/canadas-media-a-crisis-that-cries-out-for-a-public-inquiry/ article28494689/ (traduction libre). 7 Doris Graber, « The Media and Democracy: Beyond Myths and Stereotypes », Annual Review of Political Science, vol. 6, no 2 (juin 2003), 139-60. 8 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, vol. II (Paris : M. Th. Génin, 1951), 443-4. 9 Natalie Fenton, « Drowning or Waving? New Media, Journalism and Democracy », dans Natalie Fenton (dir.), New Media, Old News: Journalism and Democracy in the Digital Age (Londres : Sage, 2010), 1 (traduction libre). 10 Citée dans « Democracy Warning as Canadian Media Outlets Merge and Papers Close », The Guardian, 24 février 2016, https://www.theguardian. com/world/2016/feb/24/democracy-warning-as-canadian-media-outletsmerge-and-papers-close. 11 Ted McAllister, Liberty and a Free Press (Princeton : Witherspoon Institute, 2012), 2.

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Notes des pages 277-81

12 Voir, entre autres, Richard L. Kaplan, Politics and the American Press: The Rise of Objectivity, 1865-1920 (Cambridge : Cambridge University Press, 2002). 13 « L’avenir du journalisme canadien », Options politiques, 23 janvier 2017, http://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/janvier-2017/ the-future-of-canadian-journalism/. 14 James Boylan, Pulitzer’s School: Columbia University’s School of Journalism, 1903-2003 (New York : Columbia University Press, 2003). 15 Voir, entre autres, Andrew Osler, « The Beginnings of Communication Studies in Canada: Royal Commissions, Journalism, and Communication Studies », Canadian Journal of Communication, vol. 25, no 1 (2000). 16 Pour une excellente vue d’ensemble de l’étude du journalisme au Canada, voir ibid. 17 Charlie Beckett, SuperMedia: Saving Journalism So It Can Save the World (Londres : Wiley-Blackwell, 2008). 18 Nic Newman, cité dans Jennifer Alejandro, Journalism in the Age of Social Media (Oxford : Reuters Institute for Study of Journalism, 2010), 26 (traduction libre). 19 Ibid., 6. 20 F. Christopher Arterton a soulevé cette question en ce qui concerne la télévision par câble dans Teledemocracy: Can Technology Protect Democracy? (Londres : Sage, 1987), 7 (traduction libre). 21 Madelaine Drohan, Does Serious Journalism Have a Future in Canada? (Ottawa : Forum des politiques publiques, 2016), 5 (traduction libre). 22 Cité dans Dean Beeby, « Squeeze Cash from Facebook, Google, Say Canadian News Media Leaders », cbc News, 11 janvier 2017, https:// www.cbc.ca/news/politics/newspapers-news-media-digital-publicpolicy-forum-google-facebook-tax-1.3929356 (traduction libre). 23 « National Post to Eliminate Monday Print Edition », cbc News, 19 juin 2017. 24 Message de Phillip Crawley envoyé par courriel à J.W. Bud Bird, daté du 24 août 2017 (traduction libre). M. Bird m’a transmis le message. 25 Sean Speer et Jamil Jivani, « The Urban/Rural Divide and a More Inclusive Canada », Policy Options, 5 juin 2017, 5, http://policyoptions.irpp.org/ magazines/june-2017/the-urbanrural-divide-and-a-more-inclusive-canada/ (traduction libre). 26 Bob Cox, Jerry Dias et Edward Greenspon, « Journalism Matters More Than Ever. We Need Help to Save It », Globe and Mail, 14 septembre 2017, https://www.theglobeandmail.com/opinion/journalism-mattersmore-than-ever-we-need-help-to-save-it/article36248690/ (traduction libre).

Notes des pages 281-4

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27 Michael Den Tandt, « Do Something, or We’ll Have the cbc – and Nothing Else », National Post, 2 octobre 2016, https://nationalpost.com/ opinion/do-something-or-well-have-the-cbc-and-nothing-else. 28 Joyita Sengupta, « Postmedia to Cut National Post’s Monday Print Edition », Globe and Mail, 19 juin 2017, https://www.theglobeandmail. com/report-on-business/postmedia-to-cut-national-posts-monday-printedition/article35356448/. 29 Allan R. Gregg, « What Canadians Think of the News Media », Policy Options, 10 février 2017 (traduction libre). 30 Sébastien Charlton et Colette Brin, « Traditional Media Still Most Trusted », Policy Options, 22 juin 2017, 3, http://policyoptions.irpp.org/ fr/magazines/juin-2017/traditional-media-still-most-trusted/ (traduction libre). 31 Andrew Potter, « De-institutionalization, Fake News and the Crisis of Journalism », Policy Options, 6 février 2017, 2, http://policyoptions.irpp. org/magazines/february-2017/de-institutionalization-fake-news-and-thecrisis-of-journalism/. 32 Ibid. (traduction libre). 33 Ibid., 3 (traduction libre). 34 Barend Lutz et Pierre du Toit, Defining Democracy in a Digital Age: Political Support on Social Media (New York : Palgrave Macmillan, 2014). 35 « Do Social Media Threaten Democracy? », The Economist, 4 novembre 2017, https://www.economist.com/leaders/2017/11/04/do-socialmedia-threaten-democracy (traduction libre). 36 Edward Greenspon, « Shoring Up the Civic Function of Journalism in Canada », Policy Options, 26 janvier 2017, 3, http://policyoptions.irpp. org/fr/magazines/janvier-2017/shoring-up-the-civic-function-of-journalismin-canada/ (traduction libre). 37 Voir, entre autres, « Morneau’s Update Bolsters Struggling Media with $600M in Tax Measures », cbc News, 21 novembre 2018, https://www. cbc.ca/news/politics/news-industry-economic-update-1.4915113. 38 « Washington Gunman Motivated by Fake News “Pizzagate” Conspiracy », The Guardian, 5 décembre 2016, https://www.theguardian. com/us-news/2016/dec/05/gunman-detained-at-comet-pizza-restaurantwas-self-investigating-fake-news-reports. 39 Andrew Liptak, « Mark Zuckerberg Outlines How Facebook Will Tackle Its Fake News Problem », The Verge, 19 novembre 2016, https://money. cnn.com/2016/11/19/technology/mark-zuckerberg-facebook-fake-newselection/, « Zuckerberg: Facebook Will Develop Tools to Fight Fake News », cnn Business, 19 novembre 2016, https://money.cnn. com/2016/11/19/technology/mark-zuckerberg-facebook-fake-news-

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election/, et Michael Nunez, « Facebook’s Fight Against Fake News Was Undercut by Fear of Conservative Backlash », Gizmodo, 14 novembre 2016, https://gizmodo.com/facebooks-fight-against-fake-news-wasundercut-by-fear-1788808204 (traduction libre). David Ingram, « Facebook to Overhaul Policy on Political Adverts after Regulation Threats », Independent, 22 septembre 2017, https://www. independent.co.uk/news/business/news/facebook-russia-linkedpolitical-adverts-regulation-2016-presidential-elections-donaldtrump-a7960556.html. « Read the Full Transcript of President Obama’s Farewell Speech », Los Angeles Times, 10 janvier 2017, https://www.latimes.com/politics/la-polobama-farewell-speech-transcript-20170110-story.html (traduction libre). « Bagehot – Get Stuffed », The Economist, 22 juillet 2017, 46 (traduction libre). Brad Lavigne, « The Whole New Ballgame of Social Media », Policy Magazine, janvier/février 2015, http://hkstrategies.ca/canada/en-ca/thewhole-new-ballgame-of-social-media/ (traduction libre). Taylor Owen, « Is Facebook a Threat to Democracy? », Globe and Mail, 19 octobre 2017, https://www.theglobeandmail.com/opinion/is-facebooka-threat-to-democracy/article36661905/ (traduction libre). Roberto Coloma, cité dans Alejandro, Journalism in the Age of Social Media, 25 (traduction libre). Daniel McHardie, How the Media Influences Public Policy: A Case Study on the New Brunswick Government’s Failed Attempt to Sell NB Power, thèse de maîtrise, Université du Nouveau-Brunswick, 2014, 27 (traduction libre). Fenton, « Drowning or Waving? », 7. Barrie Gunter, News and the Net (Mahwah : Lawrence Erlbaum, 2003). Pinar Gurleyen et Robert A. Hackett, « Who Needs Objectivity? Journalism in Crisis, Journalism for Crisis », dans Mike Gasher et al. (dir.), Journalism in Crisis: Bridging Theory and Practice for Democratic Media Strategies in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 2016), 29 (traduction libre). Voir, par exemple, Chris Atton, An Alternative Internet: Radical Media, Politics and Creativity (Édimbourg : Edinburgh University Press, 2004). Pour une excellente analyse de ces questions, voir Helen Margetts, Peter John, Scott Hale et Taha Yasseri, Political Turbulence: How Social Media Shape Collective Action (Princeton : Princeton University Press, 2016). Phil Howard, « Is Social Media Killing Democracy? », Culture Digitally, 14 novembre 2016, http://culturedigitally.org/2016/11/is-social-mediakilling-democracy/, (traduction libre).

Notes des pages 287-9

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53 Andy Blatchford, « Canadian at Centre of Facebook Data Scandal Cut Political Teeth with Liberals », cbc News, 19 mars 2018, https://www. cbc.ca/news/politics/christopher-wylie-canada-libeals-cambridgeanalytica-1.4582190. 54 « Do Social Media Threaten Democracy? », 11 (traduction libre). 55 Amanda Clarke, Les médias sociaux, vol. 4 : Utilisations politiques et conséquences pour la démocratie représentative, publication no 2010-10-F, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 22 mars 2010, 8. 56 Ibid., 3. 57 Tom Flanagan, « Will Social Media Change Canadian Politics? Hasn’t Happened Yet », Globe and Mail, 6 mai 2013, https://www. theglobeandmail.com/opinion/will-social-media-change-canadianpolitics-hasnt-happened-yet/article11698749/ (traduction libre). 58 Voir, par exemple, Chantal Hébert, « Trump, Meet Trudeau, King of the Selfie: Hébert », Toronto Star, 23 janvier 2017, https://www.thestar.com/ news/canada/2017/01/23/trump-meet-trudeau-king-of-the-selfie-hbert.html. 59 Jason Fekete, « Liberals Have Spent More on Facebook Ads Than Total Amount Spent Between 2006 and 2014 », National Post, 10 octobre 2016, https://nationalpost.com/news/canada/liberals-government-hasspent-more-on-facebook-ads-than-amount-spent-between-2006-and-2014. 60 Rachel Aiello, « Trudeau Government Spent $13.6M on Sponsored Social Media », ctv News, 26 septembre 2017 (traduction libre). 61 Paul Adams, cité dans Bruce Campion-Smith, « Federal Budget Fails to Provide Real Help to Canadian Media, Industry Officials Warn », The Star, 27 février 2018, https://www.thestar.com/news/canada/2018/ 02/27/federal-budget-fails-to-provide-real-help-to-canadian-mediaindustry-officials-warn.html. 62 Dhruva Jaishankar, « Brexit: The First Major Casualty of Digital Democracy », Brookings, 29 juin 2016, https://www.brookings.edu/blog/ order-from-chaos/2016/06/29/brexit-the-first-major-casualty-ofdigital-democracy/. 63 Mark Blevis and David Coletto, « Matters of Opinion 2017: 8 Things We Learned About Politics, the News, and the Internet », Abacus Data, 7 février 2017, https://abacusdata.ca/matters-of-opinion-2017-8-things-welearned-about-politics-the-news-and-the-internet/, (traduction libre). 64 Bruce Anderson and David Coletto, « Newspapers in Peril? … Canadians Unworried », Abacus Data, 16 juin 2017, https://abacusdata.ca/ newspapers-in-peril-canadians-unworried/. 65 Esther Dyson, « Imagining the Internet », s.d., http://www.elon.edu/e-web/ predictions/metaverse/dyson_transcript.xhtml (consulté le 18 octobre 2017) (traduction libre).

492

Notes des pages 290-3

66 Richard H. Howe, « Max Weber’s Elective Affinities: Sociology within the Bounds of Pure Reason », American Journal of Sociology, vol. 84, no 2 (septembre 1978), 366-85. 67 Phil Howard, « Is Social Media Killing Democracy? » (traduction libre). 68 Boryana Ilyova, « Social Media: Do They Enhance or Erode Democracy? », American University in Bulgaria, printemps 2017, 2-3 (traduction libre). 69 Voir, par exemple, The Omidyar Group, Is Social Media a Threat to Democracy?, 1er octobre 2017, https://www.omidyargroup.com/wpcontent/uploads/2017/10/Social-Media-and-Democracy-October-5-2017.pdf. 70 Christopher Weare, « The Internet and Democracy: The Causal Links Between Technology and Politics », International Journal of Public Administration, vol. 25, no 5 (2002), 662. 71 Justin Lewis, « Democratic or Disposable? 24-Hour News, Consumer Culture, and Built-in Obsolescence », dans Stephen Cushion et Justin Lewis (dir.), The Rise of 24-Hour News Television: Global Perspectives (New York : Peter Lang, 2010), 86-7 (traduction libre). 72 Brenda O’Neill, « The Media’s Role in Shaping Canadian Civic and Political Engagement », The Canadian Political Science Review, vol. 3, no 2 (juin 2009), 105-27. 73 Je dois le terme « ambassadeurs de marque » à Alex Marland, de l’Université Memorial. 74 Adam Radwanski, « Why Trudeau Has Incentive to Go Easy on Quebec’s Controversial Niqab Law », Globe and Mail, 25 octobre 2017, https:// www.theglobeandmail.com/opinion/why-trudeau-has-incentive-to-goeasy-on-quebecs-controversial-niqab-law/article36710624/. 75 Natalie Fenton, « Drowning or Waving? New Media, Journalism and Democracy », dans Fenton (dir.), New Media, Old News, 9. 76 Rodney Tiffen, « The Media and Democracy: Reclaiming an Intellectual Agenda », dans Julianne Shultz (dir.), Not Just Another Business: Journalists, Citizens, and the Media (Leichhardt : Pluto Press, 1994), 64. 77 Voir, entre autres, Gary Mason, « Our Political Discourse Has Become Belligerent, Cynical and Un-Canadian », Globe and Mail, 16 octobre 2015, https://www.theglobeandmail.com/news/british-columbia/ourpolitical-discourse-has-become-belligerent-cynical-and-un-canadian/ article26855652/. 78 David Taras et Christopher Waddell (dir.), How Canadians Communicate IV: Media and Politics (Edmonton : Athabasca University Press, 2012), 111 (traduction libre). 79 John McCoy et David Jones, « Look Beyond Trump to Explain the Rise of Right Wing Extremism », Globe and Mail, 17 août 2017, https://www.

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theglobeandmail.com/opinion/look-beyond-trump-to-explain-the-rise-ofright-wing-extremism/article36014162/. Majid Khosravinik, « Right Wing Populism in the West: Social Media Discourse and Echo Chambers », commentaire, été 2017, 63, https://www. researchgate.net/profile/Majid_Khosravinik/publication/319124944_ Right_Wing_Populism_in_the_West_Social_Media_Discourse_and_Echo_ Chambers/links/59a00538a6fdcce2df63db5f/Right-Wing-Populism-in-theWest-Social-Media-Discourse-and-Echo-Chambers.pdf (traduction libre). Barbara Perry et Ryan Scrivens, Right Wing Extremism in Canada: An Environmental Scan (Toronto : University of Ontario Institute of Technology, 2015), 45-51 (traduction libre). « Demise of Sun News Not Due to Canadian Tastes: Bureau Chief », CityNews, 14 février 2015, https://toronto.citynews.ca/2015/02/14/ demise-of-sun-news-not-due-to-canadian-tastes-bureau-chief/. Cité dans ibid. « Five Fatal Flaws That Led to Sun News Network’s Demise », Globe and Mail, 13 février 2015, https://www.theglobeandmail.com/report-onbusiness/five-problems-that-led-to-sun-news-networks-demise/ article22986815/. « Some Conservatives Have Denounced The Rebel. What Took so Long? », Globe and Mail, 25 août 2017, https://www.theglobeandmail. com/opinion/why-did-it-take-so-long-for-the-conservatives-todenounce-the-rebel/article36088082/. Pour un examen en profondeur du Rebel, voir « Inside Rebel Media », National Post, 21 août 2017, https://nationalpost.com/features/ inside-ezra-levants-rebel-media. « Conservatives Name Former Rebel Media Director as 2019 Campaign Chair », cbc News, 17 octobre 2017, https://www.cbc.ca/news/politics/ hamish-marshall-andrew-scheer-conservative-campaign-1.4358811. « Andrew Scheer Won’t Grant Interviews to The Rebel under Current “Editorial Direction” », cbc News, 17 août 2017, https://www.cbc.ca/ news/politics/andrew-scheer-rebel-interviews-1.4251070. Cité dans « Inside Rebel Media », National Post, 21 août 2017, https:// nationalpost.com/features/inside-ezra-levants-rebel-media (traduction libre). Stephen G. Tomblin, Ottawa and the Outer Provinces (Toronto : Lorimer, 1995), 16 (traduction libre). Cité dans Philip Resnick, The Politics of Resentment: British Columbia Regionalism and Canadian Unity (Vancouver : ubc Press, 2000), 28 (traduction libre). Harry Bruce, Down Home: Notes of a Maritime Son (Toronto : Key Porter Books, 1988) (traduction libre).

494

Notes des pages 296-9

93 Jeffrey Simpson, « The Truth about Atlantic Canada’s Economy », Globe and Mail, 20 juin 2001, A7 (traduction libre). 94 Jeff Flake a fait ce commentaire dans le discours où il a annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat au Sénat. Voir « Full Transcript: Jeff Flake’s Speech on the Senate Floor », New York Times, 24 octobre 2017, https://www.nytimes.com/2017/10/24/us/politics/jeff-flake-transcriptsenate-speech.html. 95 Brian D. Loader et Dan Mercea, « Networking Democracy? Social Media Innovations in Participatory Politics », Information, Communication and Society, vol. 14, no 6 (2011), 762 (traduction libre). 96 Allan Levine, Scrum Wars: The Prime Ministers and the Media (Toronto : Dundurn Press, 1996). 97 M.J. Crockett, « Modern Outrage Is Making It Harder to Better Society », Globe and Mail, 2 mars 2018, https://www.theglobeandmail.com/opinion/ modern-outrage-is-making-it-harder-to-bettersociety/article38179877/ (traduction libre). 98 Deborah Coyne, « Does Social Media Save or Sour Politics? », Huffington Post, 23 novembre 2013, https://www.huffingtonpost.ca/deborah-coyne/ social-media-politics_b_3967863.html. 99 Peter Dahlgren, Media and Political Engagement: Citizens, Communication and Democracy (Cambridge : Cambridge University Press, 2009). 100 Andrew Chadwick, The Hybrid Media System: Politics and Power, 2e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2017). 101 Herbert A. Simon, cité dans « How the World Was Trolled », The Economist, 4 novembre 2017, 20. 102 John Bercow, « Representative Democracy in a Digital Age: Fact of Fiction? », http://www.parliament.uk/business/commons/the-speaker/ speeches/speeches/representative-democracy-in-a-digital-age (consulté le 11 décembre 2017) (traduction libre). 103 Gillian Wong Miswardi, « Digital Media: A Double-Edged Sword for Representative Democracy », récipiendaire du prix décerné par l’idea à un essai, 2017, polycopie, 16. 104 O’Neill, « The Media’s Role in Shaping Canadian Civic and Political Engagement », 121 (traduction libre).

c ha p i t r e do u ze 1 Voir, parmi de nombreux autres, Donald J. Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers and Parliament (Toronto : University of Toronto Press, 2003).

Notes des pages 299-305

495

2 Voir, parmi de nombreux autres, une série d’articles sous la rubrique « Phoenix Falling », cbc, 24 octobre 2017, www.cbc.ca. 3 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney: In Search of a New Bureaucracy (Pittsburgh : University of Pittsburgh Press, 1994) (traduction libre). 4 Voir, par exemple, Susan Delacourt, « The Harper Government vs. the Public Servants », The Star, 13 juillet 2013, A6. 5 Derek Bok, « A Daring and Complicated Strategy », Harvard Magazine (mai-juin 1989), 49 (traduction libre). 6 Max Weber, The Theory of Social and Economic Organization (New York : Oxford University Press, 1947), 333-7 (traduction libre). 7 Voir, entre autres, Savoie, Breaking the Bargain. 8 Bernard Schaffer, The Administrative Factor (Londres : Frank Cass, 1973). 9 Voir, par exemple, Donald J. Savoie, The Politics of Public Spending in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1990). 10 Richard Crossman, The Diaries of a Cabinet Minister, 3 vol. (New York : Holt, Rinehart and Winston, 1976). 11 Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney. 12 Voir, entre autres, Hugo Young et Anne Sloman, No, Minister: An Inquiry into the Civil Service (Londres : British Broadcasting Corporation, 1982), 19. 13 Voir, parmi de nombreux autres, Christopher Pollitt et Geert Bouckaert, Public Management Reform: A Comparative Analysis, 3e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2011). 14 Flora MacDonald, « The Minister and the Mandarins », Policy Options, vol. 1, no 3 (septembre-octobre 1980), 29-31. 15 Savoie, The Politics of Public Spending in Canada, 144. 16 Paul Martin a fait ce commentaire lors d’un entretien que j’ai eu avec lui à Ottawa en préparation de mon livre Governing from the Centre. 17 Cité dans Susan Delacourt, « Tory Government Takes Aim at Bureaucracy », Toronto Star, 17 janvier 2008 (traduction libre). 18 Voir, entre autres, Jeffrey Simpson « From Census to Wireless: A Lesson in Intransigence », Globe and Mail, 14 septembre 2013. 19 Delacourt, « The Harper Government vs. the Public Servants » (traduction libre). 20 Andrew Griffith, « Resetting Citizenship and Multiculturalism », Optimum Online, vol. 43, no 2 (juin 2013). 21 D’après des conversations avec Richard Saillant, un ancien directeur général à Industrie Canada, dates variées. 22 Consultations avec un haut fonctionnaire fédéral à Halifax, le 10 mai 2016 (traduction libre).

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Notes des pages 306-9

23 Voir, par exemple, Richard A. Harris et Sidney M. Milkis, The Politics of Regulatory Change: A Tale of Two Agencies (New York : Oxford University Press, 1996). 24 Ruth Hubbard, « Performance, Not Model Employer », Optimum Online, vol. 43, no 2 (juin 2013), http://www.optimumonline.ca/article. phtml?e=jqlmrocl&cid=438. 25 Secrétariat du Conseil du Trésor, Examen des dépenses et comparabilité de la politique de rémunération dans le secteur public fédéral (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2007), 15-24. 26 Mark Bevir, Governance: A Very Short Introduction (Oxford : Oxford University Press, 2012), 73 (traduction libre). 27 Bob Plamondon, « Look in the Mirror, MPs, Before Reforming Pensions », Globe and Mail, 3 janvier 2012, https://www.theglobeandmail. com/opinion/look-in-the-mirror-mps-before-reforming-pensions/ article554241/. 28 Michael Staples, « “Disgusted”: Ex-Sears Worker Fuming over Pension Hit », Telegraph Journal, 22 juin 2018, https://www.telegraphjournal.com/ telegraph-journal/story/100636669/sears-pension. 29 Daniel Tencer, « Trudeau Suggests E.I. for Sears Workers Who Risk Losing Pensions », Huffington Post, 25 janvier 2018, https://www.huffingtonpost. ca/2018/01/25/trudeau-suggests-e-i-for-sears-workers-who-risk-losingpensions_a_23343650/. 30 Voir, par exemple, « Steve Bannon Details Trump Agenda: Deconstruction of the Administrative State », s.d., www.canadafreepress.com (traduction libre). 31 Voir Peter Aucoin, « New Political Governance in Westminster Systems: Impartial Public Administration and Management Performance at Risk », Governance, vol. 25, no 2 (avril 2012), 178. 32 Gordon Robertson, Memoirs of a Very Civil Servant: Mackenzie King to Pierre Trudeau (Toronto : University of Toronto Press, 2000), 38. 33 A.W. Johnson, « The Role of the Deputy Minister », Canadian Public Administration, vol. 4, no 4 (1961), 363. 34 Ibid. (traduction libre). 35 Voir Savoie, The Politics of Public Spending. 36 Peter Aucoin, Introduction: Restructuring the Canadian Government (Ottawa : Centre canadien de gestion, 1995), polycopie, 5. 37 Ezra Suleiman, Dismantling Democratic States (Princeton : Princeton University Press, 2005), 34. 38 Voir, parmi de nombreux autres, Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney.

Notes des pages 309-13

497

39 David Osborne et Ted Gaebler, Reinventing Government: How the Entrepreneurial Spirit Is Transforming the Public Sector (Boston : Addison-Wesley, 1992). 40 Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney. 41 Voir, par exemple, Jerome B. McKinney et Lawrence C. Howard, Public Administration: Balancing Power and Accountability (Londres : Praeger, 1998). 42 Voir, entre autres, Pollitt et Bouckaert, Public Management Reform. 43 Voir, par exemple, Christopher Hood, « A Public Management for All Seasons », Public Administration, vol. 69, no 1 (mars 1991), 3-19. 44 Voir Savoie, Breaking the Bargain. 45 Voir Gwyn Bevan et Christopher Hood, « Have Targets Improved Performance in the English nhs? », British Medical Journal, no 332 (18 février 2006), 419-22. 46 « Senior Civil Servants Use up Entire Budget for Bonuses », National Post, 29 août 2002, A1 et A9 (traduction libre). 47 Voir, par exemple, B. Guy Peters et Jon Pierre, « Governance without Government? Rethinking Public Administration », Journal of Public Administration Research and Theory, vol. 8, no 4 (1998), 227-43. 48 B. Guy Peters, « Still the Century of Bureaucracy? The Role of Public Servants », Public Policy and Administration, no 30 (2009), 8 (traduction libre). 49 Arend Lijphart, Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in Thirty-Six Countries, 2e éd. (New Haven : Yale University Press, 2012). 50 Voir le rapport préparé par Andrew Limb, secondé par le Cabinet Office of the U.K. to Statskontoret, What Lessons Can We Learn from the U.K.’s Next Steps Agencies Model? (Londres : Statskontoret, 2001), 10 (traduction libre). 51 I.D. Clark, « Special Operating Agencies: The Challenges of Innovation », Optimum, vol. 22, no 2 (1991), 13 (traduction libre). 52 Donald J. Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom (Toronto : University of Toronto Press, 2008). 53 Voir, entre autres, Ian Stewart, Just One Vote: From Jim Walding’s Nomination to Constitutional Defeat (Winnipeg : University of Manitoba Press, 2009). 54 Voir, par exemple, Chris Hood, « The New Public Management in the 1980s: Variations on a Theme », Accounting, Organizations and Society, vol. 20, no 2 (1995), 93-109.

498

Notes des pages 313-17

55 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher? How Government Decides and Why (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013). 56 Voir, entre autres, Kate McLaughlin, Stephen P. Osborne et Ewan Ferlie (dir.), New Public Management: Current Trends and Future Prospects (Abingdon : Routledge, 2002), et Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney. 57 Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom. 58 U.K. Treasury, « Responsibilities of an Accounting Officer », memorandum, Londres, s.d. 59 Canada, Bureau du premier ministre, « Le premier ministre annonce de nouvelles lignes directrices à l’intention des ministres et une nouvelle procédure pour la nomination du conseiller à l’éthique », communiqué, Ottawa, Bureau du premier ministre, 11 juin 2002. 60 Canada, Bureau du Conseil privé, Guide du sous-ministre (Ottawa: bcp, 2003), 16 et 27. 61 Ralph Heintzman, « Establishing the Boundaries of the Public Service: Toward a New Moral Contract », dans James Bickerton et B. Guy Peters (dir.), Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013), 102 (traduction libre). 62 Arthur Kroeger, « The Elected Should Have the Last Word », Globe and Mail, 7 février 2006, A15 (traduction libre). 63 Canada, Bureau du Conseil privé, Guide du sous-ministre, https://www. canada.ca/fr/conseil-prive/services/publications/guide-sous-ministre.html (consulté le 5 janvier 2017). 64 Kathryn May, « Price Tag to Fix Phoenix Pay System Nearly Doubles, Expected to Cost up to $50 Million », Ottawa Citizen, 7 septembre 2016, https://ottawacitizen.com/news/national/price-tag-to-fix-phoenix-paysystem-nearly-doubles-expected-to-cost-up-to-50-million. 65 Susan Burgess, « Phoenix Fix Approaching $1B as Feds Look at Scrapping System », cbc News, 27 février 2018, http://www.cbc.ca/news/canada/ ottawa/phoenix-eventually-replaced-federal-budget-2018-1.4554399. 66 Kathryn May, « Bureaucrat Who Led Phoenix Project Shuffled Aside in Executive Shakeup », Ottawa Citizen, 12 octobre 2016, https:// ottawacitizen.com/news/national/bureaucrat-who-led-phoenix-projectshuffled-aside-in-executive-shakeup. 67 Marie-Danielle Smith, « Public Servants outside Ottawa More Often Affected by Phoenix Pay Fiasco: Documents », National Post, 31 janvier 2018,http://nationalpost.com/news/politics/federal-public-servants-outsideottawa-more-often-affected-by-phoenix-pay-fiasco-documents.

Notes des pages 317-20

499

68 Barrie McKenna, « Someone Should Take the Fall for Ottawa’s Botched Phoenix Pay System », Globe and Mail, 26 février 2017, www. theglobeandmail.com/report-on-business (traduction libre). 69 Nathalie Sturgeon, « Miramichi Mayor Wants Apology for Payroll Centre Comments », cbc News, 27 août 2017, https://www.cbc.ca/news/ canada/new-brunswick/miramichi-pay-centre-apology-pheonix-paysystem-1.4264367 (traduction libre). 70 Voir, entre autres, Blair Crawford, « Phoenix Down Under: Auditor Likens Bungled Payroll System to “Catastrophic” Australian Experience », Ottawa Citizen, 21 novembre 2017, http://ottawacitizen.com/news/localnews/phoenix-down-under-auditor-likens-bungled-payroll-system-tocatastrophic-australian-experience (traduction libre). 71 Canada, Rapport 1 – La création et le déploiement du système de paye Phénix, Ottawa, Bureau du vérificateur général, 2018, http://www.oagbvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_201805_00_f_43032.html. 72 Voir, par exemple, John Ivison, « Canada’s Senior Bureaucrat and Top Auditor Are Having an Unprecedented Feud over the Public Service », National Post, 14 juin 2018, https://nationalpost.com/news/politics/ john-ivison-canadas-senior-bureaucrat-and-top-auditor-are-having-a-verypublic-feud-over-the-public-service. 73 Kathryn May, « Clerk Defends Bureaucracy Against Accusations of a Broken Culture », iPolitics, 12 juin 2018, https://ipolitics.ca/2018/06/12/ clerk-defends-bureaucracy-against-accusations-of-a-broken-culture/. 74 Kathryn May, « Canadians Lack Faith in Upper Ranks of Public Service: Survey », Ottawa Citizen, 7 septembre 2016, https://ottawacitizen.com/ news/politics/canadians-lack-faith-in-upper-ranks-of-public-service-survey (traduction libre). 75 Canada, Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, 2017 (Ottawa : Conseil du Trésor du Canada, 2017), et Jake Cole, « The Latest Public Service Survey Shows Us What to Fix », Ottawa Citizen, 26 juin 2018, https://ottawacitizen.com/opinion/columnists/cole-the-latest-public-servicesurvey-shows-us-what-to-fix. 76 Canada, Chapitre 6 – La réforme de la classification et de l’évaluation des emplois dans la fonction publique (Ottawa : Bureau du vérificateur général, 2003), et Canada, Directive sur la classification (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2015). 77 Monique Scotti, « Government Email Project Still Stalled after Five Years, $100 Million Spent », Global News, 10 septembre 2017, https:// globalnews.ca/news/3709736/canadian-government-email-project-stalled/. 78 Canada, Rapport 4 – Services partagés en technologies de l’information (Ottawa : Bureau du vérificateur général, automne 2015).

500

Notes des pages 320-5

79 « Built to Crash: The Ugly, Sputtering Beginning of Shared Services and How Politics Conspired against It », Ottawa Citizen, 14 novembre 2016, https://ottawacitizen.com/news/national/built-to-crash-the-ugly-sputteringbeginning-of-shared-services-and-how-politics-conspired-against-it. 80 Ibid. (traduction libre). 81 « Feds Paid More than $40-million in 2016 to Maintain Vacant, Partially Vacant Buildings », Hill Times, 19 décembre 2016, https://www.hilltimes. com/2016/12/19/40-million-spent-upkeep-vacant-partially-vacant-federalbuildings-2016/91088. 82 Sondage sur le favoritisme politique dans la fonction publique fédérale : rapport final (Ottawa : Commission de la fonction publique du Canada, 2005). 83 Canada, « Message du vérificateur général », Automne 2016 – Rapports du vérificateur général du Canada (Ottawa : Bureau du vérificateur général, novembre 2016). 84 B. Guy Peters, Jon Pierre et Desmond S. King, « The Politics of Path Dependency: Political Conflict in Historical Institutionalism », The Journal of Politics, vol. 67, no 4 (novembre 2005), 1276 (traduction libre). 85 Pollitt et Bouckaert, Public Management Reform. 86 C’est ce que souligne Theodore J. Lowi dans The End of Liberalism (New York : Norton, 1969), 98-9. 87 Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher?, 112-13. 88 Canada, Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique, De solides assises : rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique, document de réflexion (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 1996), 55. 89 Ibid. 90 Jennifer Robson, « Spending on Political Staffers and the Revealed Preferences of Cabinet: Examining a New Data Source on Federal Political Staff in Canada », Canadian Journal of Political Science, vol. 48, no 3 (septembre 2015), 675-97, et R. Paul Wilson, « Research Note: A Profile of Ministerial Policy Staff in the Government of Canada », Canadian Journal of Political Science, vol. 48, no 2 (juin 2015), 455-71. 91 Jonathan Craft, Backrooms and Beyond: Partisan Advisors and the Politics of Policy Work in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 2016). 92 Ibid., 249. 93 Savoie, Breaking the Bargain. 94 Jacques Bourgault, « The Role of Deputy Ministers in Canadian Government », dans C. Dunn (dir.), The Handbook of Canadian Public Administration (Toronto : Oxford University Press, 2002).

Notes des pages 325-8

501

95 « The Trudeau Cabinet », Globe and Mail, 5 janvier 2017, www. theglobeandmail.com/news/politics/the-trudeau-cabinet. 96 Roger Gibbins, cité dans « Trudeau Says He Won’t Be Ruled by His Massive Eastern Power Block », Calgary Herald, 21 octobre 2015, https:// calgaryherald.com/news/politics/braid-trudeau-says-he-wont-be-ruled-byhis-massive-eastern-power-bloc (traduction libre). Voir aussi « Top Queen’s Park Staffers Heading to Ottawa to Work for Trudeau’s New Government », National Post, 26 novembre 2015, https://nationalpost. com/news/politics/top-queens-park-staffers-heading-to-ottawato-work-for-trudeaus-new-government. 97 Aaron Wherry, « Trudeau Goes Again to the People, but Spare a Thought for the Ottawa Bubble », cbc News, 10 janvier 2018, http://www.cbc.ca/ news/politics/trudeau-town-halls-ottawa-bubble-wherry-1.4480775 (traduction libre). 98 Australian Public Service Commission, State of the Service Report 201415 (Canberra : apsc, 2015), 13. 99 Civil Service Statistics: 2015, https://www.ons.gov.uk/. 100 Data, Analysis and Documentation, « Federal Civilian Employment by Major Geographic Area », Office of Personnel Management, www. opm.gov. 101 Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher?, 201. 102 Le gouvernement du Canada a différentes façons de déterminer la taille de la fonction publique fédérale. D’abord, il y a l’administration publique centrale, y compris des employés séparés dont l’employeur est le Conseil du Trésor, puis il y a la fonction publique en général, qui comprend les sociétés d’État, le personnel militaire, la grc et d’autres entités qui ne figurent pas aux annexes I, IV et V de la Loi sur la gestion des finances publiques. 103 « Tendances de l’emploi dans l’administration publique centrale : un profil selon la région », Ottawa, Statistique Canada, www.statcan.gc.ca. 104 « Federal Job Cuts to Hit Ottawa-Gatineau Hardest », Ottawa Citizen, 29 mars 2012, www.ottawacitizen.com. 105 Budget supplémentaire des dépenses (C) 2014-2015 (Ottawa : Bureau du directeur parlementaire du budget), 4. 106 Délocalisation des fonctionnaires fédéraux vers les régions (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 31 mars 2006), 1. 107 Ibid. 108 « Productivité accrue », Le Soleil (Québec), 5 août 1978. Le directeur de l’unité de Shediac a émis ce commentaire lors d’une réunion de fonctionnaires fédéraux à laquelle j’avais été invité. La réunion était présidée par le coordonnateur fédéral du développement économique pour le Nouveau-Brunswick.

502

Notes des pages 328-36

109 La gestionnaire a fait cette remarque alors qu’elle était étudiante dans mon cours de maîtrise en administration publique à l’Université de Moncton en novembre 2008. 110 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, « Le programme fédéral de décentralisation – un réexamen », Analyse de politiques, vol. 12, no 3 (1986), et « La bureaucratie représentative : une perspective régionale », Revue canadienne de science politique, vol. 20, no 4 (1987). 111 Dominic LeBlanc a formulé ces commentaires à l’émission The House, de cbc, le 30 août 2011 (traduction libre). 112 Gérard Veilleux m’a fait cette remarque à maintes occasions. 113 Voir, entre autres, Peter Aucoin, « New Political Governance in Westminster Systems: Impartial Public Administration and Management Performance at Risk », Halifax, Dalhousie University, 2010, polycopie, 2 (traduction libre).

c h a p i t r e t r e i ze 1 Report on the Organisation of the Permanent Civil Service (Londres : House of Commons, imprimé par George E. Eyre and William Spottiswoode, 1854) (traduction libre). 2 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney: In Search of a New Bureaucracy (Pittsburgh : University of Pittsburgh Press, 1994). 3 Sir George Murray, Rapport sur l’organisation du service public du Canada (Ottawa : Imprimeur de Sa Très Excellente Majesté le Roi, 1913), 10. 4 Henry Parris, Constitutional Bureaucracy (Londres : George Allen and Unwin, 1969), 106 (traduction libre). 5 Ibid., 127. 6 Donald J. Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom (Toronto : University of Toronto Press, 2008), 30. 7 Donald J. Savoie, The Politics of Public Spending in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1990). 8 Je dois cette observation à un examinateur anonyme de chez McGillQueen’s University Press. 9 Geoffrey Marshall, Constitutional Conventions: The Rules and Forms of Political Accountability (Oxford : Clarendon Press, 2001), 54 (traduction libre). 10 D’après des consultations avec Elmer MacKay. 11 Donald J. Savoie, « The Canadian Public Service Has A Personality », Canadian Public Administration, vol. 49, no 3 (septembre 2006), 261-81.

Notes des pages 336-8

503

12 Robert Armstrong, The Duties and Responsibilities of Civil Servants in Relation to Ministers: Note by the Head of the Civil Service (Londres : Cabinet Office, 1985), 2 (traduction libre). 13 Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, Rétablir l’imputabilité : recommandations (Ottawa : Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 2006), 23. 14 Canada, Bureau du Conseil privé, La responsabilité constitutionnelle, section VII : « La responsabilité constitutionnelle et l’obligation de rendre compte » (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 1993). 15 Canada, Guide du sous-ministre, « Obligation de régler les erreurs administratives » (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 2003). 16 Norman Chester, The English Administrative System: 1780-1870 (Oxford : Clarendon Press, 1981), 22. 17 Christopher Kam, « Not Just Parliamentary “Cowboys and Indians”: Ministerial Responsibility and Bureaucratic Drift », Governance, vol. 13, no 3 (juillet 2000), 380. 18 S.L. Sutherland, « The Al-Mashat Affair: Administrative Accountability in Parliamentary Institutions », Canadian Public Administration, vol. 34, no 4 (décembre 1991), 573-603. 19 Par exemple, le ministre des Anciens Combattants, Seamus O’Regan, a dit à la veuve d’un soldat qu’une décision avait été prise par des fonctionnaires et qu’il ne pouvait pas la renverser. Voir « Veterans Affairs Still Acts Like It Doesn’t Owe Canadian Soldiers A Thing », Huffington Post, 10 novembre 2017, https://www.huffingtonpost.ca/jeff-rosemartland/ veterans-affairs-still-acts-like-it-doesnt-owe-canadian-soldiers-athing_a_23271429/. 20 « Trudeau Rules out Taxing Employee Discounts », Globe and Mail, 11 octobre 2017, https://www.theglobeandmail.com/news/politics/trudeaurules-out-taxing-employee-discounts/article36559394/. 21 « Fishery Closure Threat “Categorically False” », Telegraph Journal, 2 mars 2018, www.telegraphjournal.com (traduction libre). 22 « Liberal MPs Block Tory Bid to Hear from Trudeau’s National Security Adviser on India », Globe and Mail, 1er mars 2108, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/liberals-block-tory-effort-to-forceadviser-to-testify-on-atwal-comments/article38167419/. 23 Je pourrais fournir une liste de cas semblables. Voir, entre autres, « Seamus O’Regan – Here Is an Example of How Screwed up Your Veterans Affairs Department Really Is », Ottawa Citizen, 13 octobre 2017, https://ottawacitizen.com/news/national/defence-watch/seamusoregan-here-is-an-example-of-how-screwed-up-your-veterans-affairsdepartment-really-is.

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Notes des pages 339-44

24 Canada, Budget des dépenses pour l’année financière se terminant le 31 mars 1969, Ottawa, Imprimerie de la Reine, 1969, 106, 109, 349, 365, 436, 438, et Budget des dépenses 1996-1997, Partie III. 25 Canada, Effectif de la fonction publique fédérale par ministère, https://www.canada.ca/fr/secretariat-conseil-tresor/services/innovation/ statistiques-ressources-humaines/effectif-fonction-publique-federaleminstere.html. 26 Consultations avec le sous-ministre d’Industrie Canada, Ottawa, le 20 octobre 2011. 27 Pour une évaluation plus détaillée du rôle des organismes centraux et des agents du Parlement, voir Donald J. Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher? How Government Decides and Why (Montréal : McGillQueen’s University Press, 2013), 144-6. 28 Voir, parmi de nombreux autres, Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney. 29 Donald J. Savoie, « What Is Wrong with the New Public Management », Canadian Public Administration, vol. 38, no 1 (mars 1995), 112-21. 30 Donald J. Savoie, Harrison McCain: Single-Minded Purpose (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013) (traduction libre). 31 John Whyte, dans David E. Smith, The Constitution in a Hall of Mirrors: Canada at 150 (Toronto : University of Toronto Press, 2017), 125. 32 Sharon L. Sutherland, « The Office of the Auditor General of Canada: Government in Exile? », Kingston, Queen’s University, School of Policy Studies, 2003, 2. 33 Kathryn May, « Parliamentary Watchdogs Still Wait for Reply on Call for Better Accountability from MPs », Ottawa Citizen, 20 décembre 2011, www.ottawacitizen.com. 34 Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (Ottawa : 25 janvier 2005). 35 « Before You Clamour for Results-Based Management in the Civil Service, Remember Chuck Guité Could Be Its Poster Boy », Globe and Mail, 23 novembre 2005, www.theglobeandmail.com (traduction libre). 36 Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires. 37 Voir Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher?, 209-11. 38 Peter Mazereeuw, « Inside the Indigenous Affairs Split: “Nobody Is Losing Their Job” during Transition, Feds Say », Hill Times, 6 septembre 2017, https://www.hilltimes.com/2017/09/06/nobody-losing-job-inside-indigenousaffairs-split/117718. 39 Le rapport Fulton a fait valoir cet argument. Voir D.N. Chester, « The Report of the Fulton Committee on the Civil Service », Australian Journal of Public Administration, vol. 27, no 4 (décembre 1968), 295-310.

Notes des pages 344-8

505

40 Max Weber, Essays in Sociology, traduit de l’allemand par H.H. Gerth, introduction de C. Wright Mills (New York : Oxford University Press, 1946), 231 (traduction libre). 41 Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom, 267. 42 Giles Gherson, « Public Opinion », This Morning, émission de la cbc, 3 décembre 1997 (traduction libre). 43 Ibid. (traduction libre). 44 Ibid. (traduction libre). 45 « Globe Request Caused Crisis, Guité Trial Told », Globe and Mail, 11 mai 2006, A1. 46 « Big Spending Days Over for Ottawa », National Post, 24 avril 2004, RB1 (traduction libre). 47 Alasdair S. Roberts, « Spin Control and Freedom of Information: Lessons for the United Kingdom from Canada », Public Administration, vol. 82, no 2 (2005), 4 (traduction libre). 48 Voir, entre autres, Alasdair Roberts, « Deux défis dans l’administration de la loi sur l’accès à l’information », dans Rétablir l’imputabilité, études – volume 2 : La fonction publique et la transparence, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (Ottawa, 2006). 49 Voir, par exemple, « Trudeau Needs to Deliver on His Access-toInformation Promises », Globe and Mail, 18 septembre 2017, https:// www.theglobeandmail.com/opinion/trudeau-needs-to-deliver-on-hisaccess-to-information-promises/article36287981/. 50 « Information Watchdog Blasts Liberals Ahead of Her Retirement », Globe and Mail, 21 février 2018, https://www.theglobeandmail.com/news/ politics/information-watchdog-blasts-liberals-ahead-of-her-retirement/ article38060282/ (traduction libre). 51 Canada, Lignes directrices régissant la conduite des ministres, ministres d’État, membres du personnel exonéré et fonctionnaires en période électorale (Ottawa : Bureau du Conseil privé, août 2015). 52 Alex Marland, Anna Lennox Esselment et Thierry Giasson, « Welcome to Non-Stop Campaigning », dans Alex Marland, Thierry Giasson et Anna Lennox Esselment (dir.), Permanent Campaigning in Canada (Vancouver : ubc Press, 2017), 3 et 4 (traduction libre). 53 Paul G. Thomas, « Communications and Prime Ministerial Power », dans Jim Bickerton et B. Guy Peters (dir.), Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013). 54 Donald J. Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers, and Parliament (Toronto : University of Toronto Press, 2003).

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Notes des pages 348-53

55 Jonathan Craft, « Governing on the Front Foot: Politicians, Civil Servants, and the Permanent Campaign in Canada », dans Marland, Giasson et Lennox Esselment, Permanent Campaigning in Canada, 30. 56 Ibid., 41. 57 Ralph Heintzman, Renouvellement de la fonction publique fédérale : vers une Charte de la fonction publique (Ottawa : Canada 2020, 2014), 11. 58 Peter Aucoin, « New Political Governance in Westminster Systems: Impartial Public Administration and Management Performance at Risk », Governance, vol. 25, no 2 (avril 2012), 177-99. 59 Michael Keating, cité dans ibid., 189. 60 Aucoin, « New Political Governance in Westminster Systems », 191 (traduction libre). 61 Canada, L’impartialité de la fonction publique : un bilan (Ottawa : Commission de la fonction publique du Canada, 2008), 21 et 24. 62 Savoie, Breaking the Bargain. 63 Hugh Winsor a soulevé ce problème en 2010 dans « A New Style for the Public Service », Queen’s Alumni Review, année 2010, no 2, 8. 64 Don Butler, « PS Disability Claims Soaring », Ottawa Citizen, 28 juin 2011. 65 Cité dans ibid. (traduction libre). 66 Canada, Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2008 (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 12 mai 2009). 67 Emily Haws, « “Disturbing Level” of Bullying, Intimidation in Public Service Must Be Rooted Out, Says pco Clerk », Hill Times, 2 mai 2018, https://www.hilltimes.com/2018/05/02/clerk-says-harassment-publicservice-bullying-sexual-nature-committed-rooting/142523 (traduction libre). 68 Canada, Canada@150, rapport de recherche, partie III : « La fonction publique du Canada en 2017 » (Ottawa : Projet de recherche sur les politiques, 2010), 179-80. 69 C’est la conclusion que tirent également Dennis C. Grube et Cosmo Howard de mes travaux. Voir leur article « Promiscuously Partisan? Public Service Impartiality and Responsiveness in Westminster Systems », Governance, vol. 29, no 4 (octobre 2016), 528. 70 Savoie, Breaking the Bargain. 71 Ibid., 19 (traduction libre). 72 Voir Robert Bothwell, Ian Drummond et John English, Canada since 1945: Power, Politics and Provincialism (Toronto : University of Toronto Press, 1989), 332. 73 A.W. Johnson, « The Role of the Deputy Minister », Canadian Public Administration, vol. 4, no 4 (1961), 363 (traduction libre).

Notes des pages 354-8

507

74 Canada, « Conférence Manion 2017 – Renforcer la confiance dans le Canada : le rôle de la fonction publique », Ottawa, École de la fonction publique du Canada, 2017, 4.

c h a p i t r e quato rze 1 C.D. Yonge, The Life and Administration of Robert Banks, Second Earl of Liverpool, vol. 3 (Londres : Macmillan and Co., 1868), 340. 2 Ibid. (traduction libre). 3 Carl Baar, « The Courts in Canada », dans Jerold L. Waltman et Kenneth M. Holland (dir.), The Political Role of Law Courts in Modern Democracies (New York : St Martin’s Press, 1988), 79 (traduction libre). 4 Canada, Rapport annuel 2016-2017, Commissariat au lobbying (Ottawa : Commissariat au lobbying du Canada, 2017), 5. 5 Emmett Macfarlane, « “You Can’t Always Get What You Want”: Regime Politics, the Supreme Court of Canada, and the Harper Government », Canadian Journal of Political Science, vol. 50, no 1 (mars 2018), 1, https:// www.cambridge.org/core/journals/canadian-journal-of-political-sciencerevue-canadienne-de-science-politique/article/you-cant-always-get-whatyou-want-1-regime-politics-the-supreme-court-of-canada-and-the-harpergovernment/582D938884A837896EBC764538EE5001 (traduction libre) (consulté le 18 septembre 2017). 6 William Conklin, Images of a Constitution (Toronto : University of Toronto Press, 1989), chapitre 5. 7 W.H. McConnell, « La déclaration canadienne des droits », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/ article/la-declaration-canadienne-des-droits. 8 Dennis Gruending, Emmett Hall: Establishment Radical (Toronto : Macmillan of Canada, 1985), 164. 9 Emmett Macfarlane, Governing from the Bench: The Supreme Court of Canada and the Judicial Role (Vancouver : ubc Press, 2013), 12. 10 Canada, « Jugement de la Cour suprême », Ottawa, Ministère de la Justice, 12 octobre 2016, https://www.justice.gc.ca/fra/jp-cj/am-ad/ csc-scc.html. 11 Mark S. Harding et Rainer Knopff, « ‘Charter Values’ vs. Charter Dialogue », National Journal of Constitutional Law, vol. 31, no 2 (2013), 161-81 (traduction libre). 12 Allocution prononcée par Beverley McLachlin, juge en chef du Canada, Université Western Ontario, faculté de droit, London, 6 novembre 2002, 4 et 5 (traduction libre).

508

Notes des pages 358-61

13 Rainer Knopff, cité dans « 6 Big Changes the Charter of Rights Has Brought », cbc News, 12 avril 2012, https://www.cbc.ca/news/ canada/6-big-changes-the-charter-of-rights-has-brought-1.1244758. 14 James B. Kelly, Governing with the Charter: Legislative and Judicial Activism and Framers’ Intent (Vancouver : ubc Press, 2005), 223. 15 Ibid., 222. 16 Ibid., 224 (traduction libre). 17 Voir, par exemple, F.L. Morton et Rainer Knopff, The Charter Revolution and the Court Party (Peterborough : Broadview Press, 2000); Christopher P. Manfredi, Judicial Power and the Charter (Don Mills : Oxford University Press, 2001), et Lorraine Eisenstat Weinrib, « Canada’s Constitutional Revolution: From Legislative to Constitutional State », Israel Law Review, vol. 33, no 1 (hiver 1999). 18 Alan C. Cairns, « The Judicial Committee and Its Critics », Canadian Journal of Political Science, vol. 4, no 3 (septembre 1971), 319-20. 19 Macfarlane, Governing from the Bench, 2 (traduction libre). 20 Ibid., chapitre 1. Voir aussi Bob Tarantino, « Court Politics », Literary Review of Canada, vol. 22, no 1 (janvier-février 2014), 8. 21 Donald R. Songer, The Transformation of the Supreme Court of Canada: An Empirical Examination (Toronto : University of Toronto Press, 2008), 109-10 (traduction libre). 22 Citée dans Sean Fine, « Retired Supreme Court Justice Claire L’HeureuxDubé’s Biography Uncovers Secret History of Court », Globe and Mail, 27 août 2018, https://www.theglobeandmail.com/canada/article-retiredsupreme-court-justice-claire-lheureux-dubes-biography/ (traduction libre). 23 J’ai eu de nombreuses conversations avec le très honorable Roméo LeBlanc à des dates variées, entre 1982 et 2004, à Ottawa et à GrandeDigue (N.-B.). 24 Je n’ai pas la permission de révéler son identité. 25 Kelly, Governing with the Charter, 150. 26 Ibid. 27 Ibid., 151. 28 La très honorable Beverley McLachlin, « Avant-propos », dans Cour suprême du Canada, Statistiques 2006 à 2016, Ottawa, Cour suprême du Canada, 2017, 1, https://www.scc-csc.ca/case-dossier/stat/pdf/2006-2016fra.pdf. 29 Allocution prononcée par la très honorable Beverley McLachlin, C.P., juge en chef du Canada, lors du Hutcheon Dinner, Vancouver, 1er mars 2017, 1 (traduction libre).

Notes des pages 361-4

509

30 Juge Jan-Marie Doogue, juge Colin Doherty et Jeff Simpson, « Accountability for the Administration and Organisation of the Judiciary », document de travail, s.d., 11 (traduction libre). 31 Brian Laghi, « Rage Finds Its Voice in Alberta », Globe and Mail, 11 avril 1998, A4. 32 Lori Hausegger et Troy Riddell, « The Changing Nature of Public Support for the Supreme Court of Canada », Canadian Journal of Political Science, vol. 37, no 1 (mars 2004), 23-50. 33 Jeffrey Simpson, « Medically Assisted Dying: How Not to Make a Law », Globe and Mail, 2 juin 2016, https://www.theglobeandmail.com/news/ politics/globe-politics-insider/jeffrey-simpson-medically-assisted-dyinghow-not-to-make-a-law/article30239186/ (traduction libre). 34 « Vast Majority of Canadians Trust Supreme Court, Including Most Tories », iPolitics, 16 août 2015, https://ipolitics.ca/2015/08/16/ vast-majority-of-canadians-trust-supreme-court-including-most-tories/. 35 Emmett Macfarlane, The Supreme Court of Canada and the Judicial Role: An Historical Institutionalist Account, thèse de doctorat, Toronto, Queen’s University, 2009, 3 (traduction libre). 36 Benjamin Perrin, The Supreme Court of Canada: Policy-Maker of the Year (Ottawa : Institut Macdonald-Laurier, novembre 2014). 37 Raymond Bazowski, « The Judicialization of Canadian Politics », dans James Bickerton et Alain-G. Gagnon (dir.), Canadian Politics (Peterborough : Broadview, 2004), 203. 38 Ibid. (traduction libre). 39 Voir, entre autres, F.L. Morton et Rainer Knopff, The Charter Revolution and the Court Party (Peterborough : Broadview, 2000). 40 Chris Morris, La Presse canadienne, « NB Holds More Talks on Early French Immersion after Losing Court Case », 12 juin 2008, http:// hamlit2008.blogspot.ca/2008/06/wow-lots-to-report-from-press-innb.html. 41 « Michel Bastarache reprend du service », L’Acadie Nouvelle, 23 août 2008, 3. 42 Canada, Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), [2012] 3 R.C.S., 368, paragr. 5. 43 Cité dans Steve Mertl, « Supreme Court Decision in Favour of Dyslexic B.C. Student Has Wide Implications for School Boards across Canada », Yahoo News, 10 novembre 2012, https://ca.news.yahoo.com/blogs/dailybrew/supreme-court-decision-favour-dyslexic-b-c-student-224858176.html (traduction libre).

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Notes des pages 365-9

44 Marilyn L. Pilkington, « Enforcing the Charter: The Supervisory Role of Superior Courts and the Responsibility of Legislatures for Remedial Systems », Supreme Court Law Review, vol. 25 (2004), 77-99. Voir aussi le texte complet de la décision de la Cour suprême du Canada à Lexum, https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/2096/index.do? alternatelocale=fr, et à https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2003/ 2003csc62/2003csc62.html. 45 Sean Fine, « Ottawa’s Refugee Health-Care Cuts “Cruel and Unusual”, Court Rules », Globe and Mail, 4 juillet 2014, http://www. theglobeandmail.com/news/politics/Ottawa-refugee-health-cutscruel-and-unusual-court-rules/article19459837/. 46 Debra Black, « Court Strikes Down Conservatives’ Cuts to Refugee Health-Care Coverage », The Star, 5 juillet 2014, https://www.thestar. com/news/canada/2014/07/04/court_rules_against_conservative_ governments_refugee_health_cuts.html. 47 Cité dans ibid. (traduction libre). 48 Michael Ignatieff, Fire and Ashes: Success and Failure in Politics (Cambridge : Harvard University Press, 2013), 63-4 (traduction libre). 49 Peter H. Russell, « The Political Purpose of the Canadian Charter of Rights and Freedoms », Canadian Bar Review, vol. 61 (1983), 52 (traduction libre). 50 Donald J. Savoie, Visiting Grandchildren: Economic Development in the Maritimes (Toronto : University of Toronto Press, 2006), 288-9. 51 Kenneth S. Coates, The Marshall Decision and Native Rights (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2000), 187 (traduction libre). 52 Le juge Frankfurter, cité dans Lori Hausegger et Troy Riddell, « The Changing Nature of Public Support for the Supreme Court of Canada », Canadian Journal of Political Science, vol. 37, no 1 (mars 2004), 23 (traduction libre). 53 Voir, entre autres, Peter Aucoin et Lori Turnbull, « The Democratic Deficit: Paul Martin and Parliamentary Reform », Canadian Public Administration, vol. 46, no 4 (décembre 2003), 427-49 (traduction libre). 54 Susan Delacourt, « What Canada’s 21st and 23rd Prime Ministers Have in Common », The Star, 13 mai 2006, https://www.thestar.com/news/ insight/2016/05/13/what-canadas-21st-and-23rd-prime-ministers-have-incommon-delacourt.html (traduction libre). 55 W. Scott Thurlow, « Quelques observations sur l’état du lobbyisme au Canada », Revue parlementaire canadienne, vol. 33, no 2 (été 2010). 56 Alexander Furnas, « Transparency Case Study: Lobbying Disclosure in Canada », Sunlight Foundation, 5 mai 2014, https://sunlightfoundation. com/2014/05/05/transparency-case-study-lobbying-disclosure-in-canada/. 57 John Sawatsky, The Insiders: Government, Business, and the Lobbyists (Toronto : McClelland and Stewart, 1987), 140 (traduction libre).

Notes des pages 370-80

511

58 « Here Are a Few Liberal Lobbyists That Boast Close Connections to the Trudeau Government », Ottawa Citizen, 16 décembre 2016, wwwottawacitizen.com. 59 Cité dans « Energy, Tech Sectors Dominate List Lobbying Prime Minister Trudeau », Hill Times, 25 avril 2016, 1 et 20 (traduction libre). 60 « Former P.E.I. Premier Robert Ghiz to Lead Wireless Industry Group », cbc News, 28 novembre 2016, https://www.cbc.ca/news/canada/ prince-edward-island/pei-robert-ghiz-cwta-1.3871003. 61 Consultations avec Gerry Doucet, autrefois de la firme gci, Ottawa, dates variées. 62 Canada, Rapport annuel 2016-2017, Commissariat au lobbying du Canada, 2017. 63 Andrew Coyne, « The Bonanza of Buying Subsidies », National Post, 5 décembre 2015, A4. 64 John Lester, Business Subsidies in Canada: Comprehensive Estimates for the Government of Canada and the Four Largest Provinces (Calgary : University of Calgary – The School of Public Policy, janvier 2018), coll. « spp Research Paper 10 », no 1. 65 « Lobbyists’ Communications Up by More Than 100 per Cent over Last Year, Liberals More Open to Lobbying », Hill Times, 6 juin 2016, 4. 66 Tim Powers, cité dans « The Hill Times’ Top 100 Lobbyists: Elite Players Know How to “Align Interests” with Government », Hill Times, 20 février 2017, https://www.hilltimes.com/2017/02/20/top100-lobbyists-elite-players-know-align-interests-government/96666 (traduction libre). 67 Derek Abma, « Bains, MacAulay Two Most Lobbied Cabinet Ministers during Summer Months », Hill Times, 12 septembre 2016, https://www. hilltimes.com/2016/09/12/bains-macaulay-two-most-lobbied-cabinetministers-during-summer-dog-days/79945 (traduction libre). 68 La juge Beverley McLachlin, citée dans « Access to Justice Becoming a Privilege of the Rich, Judge Warns », Globe and Mail, 10 février 2011 https://www.theglobeandmail.com/news/national/access-to-justice-becominga-privilege-of-the-rich-judge-warns/article565873/ (traduction libre). 69 Voir, entre autres, James Bickerton, Stephen Brooks et Alain-G. Gagnon (dir.), Freedom, Equality, Community: The Political Philosophy of Six Influential Canadians (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2006).

c ha p i t r e q u i n ze 1 Le rapport de Durham, présenté, traduit et annoté par Marcel-Pierre Hamel (s.l. : Éditions du Québec, 1948), 68.

512

Notes des pages 380-5

2 K.C. Wheare, « Walter Bagehot », Proceedings of the British Academy, vol. 60, 1974, 105-106. 3 Walter Bagehot, La Constitution anglaise, traduit de l’anglais par M. Gaulhiac (Paris : Germer Baillière, 1869), 55. 4 Ibid., 4. 5 Alastair Buchan, The Spare Chancellor: The Life of Walter Bagehot (Londres : Chatto and Windus, 1959), 31. 6 Voir, par exemple, Chris Selley, « Listening to Senators Debate Marijuana Bill Convinced Me We Need to Abolish the Senate », National Post,23 mars 2018,https://nationalpost.com/opinion/chris-selley-listening-todebate-over-legalized-marijuana-bill-convinced-me-we-need-to-abolishthe-senate. 7 « Trudeau Warns Senators Not to Thwart Will of Canadians on Marijuana Bill », Ottawa Citizen, 22 mars 2018, https://ottawacitizen. com/pmn/news-pmn/canada-news-pmn/trudeau-warns-senators-not-tothwart-will-of-canadians-on-marijuana-bill/wcm/afd17546-7caa4cee-83fa-c4b0201bbe9d. 8 Canada, « Le second examen objectif au Sénat », Sénat brg , mars 2018, https://senat-brg.ca/nouvelles/le-second-examen-objectif-au-senat/. 9 Donald J. Savoie, The Politics of Public Spending in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1990). 10 Eli Yarhi et Robert J. Jackson, « Député », L’encyclopédie canadienne, 17 juin 2010, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/ member-of-parliament. 11 Carolyn Bennett, Deborah Grey et l’hon. Yves Morin, Un Parlement selon nos vœux : les vues des parlementaires sur la réforme du Sénat (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 2003), 6 et 7. 12 Guy Lodge et Glenn Gottfried, « Introduction », dans Guy Lodge et Glenn Gottfried (dir.), Democracy in Britain: Essays in Honour of James Cornford (Londres : Institute for Public Policy Research, 2014), 10-29. 13 Voir, par exemple, « Liberals’ Latest Attempt at Parliamentary Reform Remains a Tale of Woe, for Now », cbc News, 25 mars 2017, https:// www.cbc.ca/news/politics/wherry-parliament-reform-chagger1.4037813. 14 « Trudeau Abandons Electoral Reform, Breaking Key Campaign Promise », Globe and Mail, 1er février 2017, https://www. theglobeandmail.com/news/politics/trudeau-abandons-electoralreform/article33855925/ (traduction libre). 15 Ibid. (traduction libre).

Notes des pages 385-8

513

16 « Electoral Reform: It’s Complicated », Globe and Mail, 12 mai 2016, http://www.theglobeandmail.com/news/politics/explainereverything-you-wanted-toknow-about-electoralreform/article29996105/. 17 Voir, entre autres, « PM Trudeau Blames Opposition for Electoral Reform Failure, Budget Deficit », ctv News, 27 juin 2017, https://www.ctvnews. ca/politics/pm-trudeau-blames-opposition-for-electoral-reform-failurebudget-deficit-1.3478395; « “There Was No Path” to Bring in Electoral Reform, Trudeau Says about Breaking His Promise », National Post, 27 juin 2017, https://nationalpost.com/news/canada/justin-trudeau-electoralreform-broken-promise (traduction libre). 18 Paul G. Thomas, « Comparing Electoral Systems: Criteria, Advantages and Disadvantages, and the Process for Finding a Consensus on Which System Is Best for Canada », polycopie, Winnipeg, Université du Manitoba, 2 mars 2016, 25. 19 Canada, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada (Ottawa : Commission du droit du Canada, 2004), 74. 20 Ed Broadbent, Alex Himelfarb et Hugh Segal, « Only Proportionality Will Fix Our Democratic Malaise », Globe and Mail, 10 mai 2016, https:// www.theglobeandmail.com/opinion/only-proportionality-will-fix-ourdemocratic-malaise/article29944241/ (traduction libre). 21 Voir, entre autres, Maxwell Cameron, « Minority Government Could Be Good for Our Democracy », Globe and Mail, 12 octobre 2015, https:// www.theglobeandmail.com/opinion/minority-government-could-be-goodfor-our-democracy/article26761611/. 22 Paul Wells, The Longer I’m Prime Minister: Stephen Harper and Canada, 2006- (Toronto : Random House Canada, 2013), 405 (traduction libre). 23 Confidence in Parliament (Ottawa : Conference Board du Canada, 2013). 24 2017 Edelman Trust Barometer – Canadian Results, www.eldelmantrust.com, slideshow.net. 25 Ibid. 26 Americas Barometer: Citizens Across the Americas Speak on Democracy and Governance (Ottawa : Environics Institute et Institut sur la gouvernance, 2014), 5. 27 Ibid., 27. 28 W.L. Morton, « Confederation 1870-1896 », dans A.B. McKillop (dir.), Contexts of Canada’s Past: Selected Essays of W.L. Morton (Toronto : Macmillan, 1980), 217. 29 James Mallory, Social Credit and the Federal Power in Canada (Toronto : University of Toronto Press, 1976), 57 (traduction libre).

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Notes des pages 389-92

30 Jörg Broschek, « Federalism and Political Change: Canada and Germany in Historical-Institutionalist Perspective », Canadian Journal of Political Science, vol. 43, no 1 (mars 2010), 17. 31 B. Guy Peters, Jon Pierre et Desmond J. King, « The Politics of Path Dependency: Political Conflict in Historical Institutionalism », The Journal of Politics, vol. 67, no 4 (novembre 2005), 1277. 32 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Federal-Provincial Collaboration: The Canada-New Brunswick General Development Agreement (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1981). 33 Donald Smiley avance aussi ce point de vue dans « An Outsider’s Observations of Federal-Provincial Relations among Consenting Adults », dans Richard Simeon (dir.), Confrontation et collaboration : les relations intergouvernementales dans le Canada d’aujourd’hui (Toronto : Institut d’administration publique du Canada, 1979), 105-13. 34 « New Brunswick, Federal Government Sign Infrastructure Agreement », Sackville Tribune Post, 15 mars 2018, http://www.sackvilletribunepost. com/news/regional/new-brunswick-federal-government-sign-infrastructureagreement-193883/. 35 « Budget Should Respect Regional Economic Differences, Says Finance Committee Chair Easter », Hill Times, 31 octobre 2016, 1 (traduction libre). 36 Cité dans « Énergie Est : Trudeau accuse ses adversaires d’alimenter les tensions régionales », La Presse, 7 octobre 2017, https://www.lapresse.ca/ actualites/politique/politique-canadienne/201710/07/01-5139283-energieest-trudeau-accuse-ses-adversaires-dalimenter-les-tensions-regionales.php. 37 Jeffrey Simpson, « State of the Nation », Globe and Mail, 1er juillet 2016, A2 et A5 (traduction libre). 38 John English, Trudeau, regardez-moi bien aller!, trad. de l’anglais par S. Anfossi et al. (Montréal : Éditions de l’Homme, 2009). 39 Pierre Elliott Trudeau, Le fédéralisme et la société canadienne-française (Montréal : hmh, 1967), 187-8. 40 Voir, entre autres, Eugene A. Forsey, « Loi du cadenas », L’encyclopédie canadienne, 7 février 2006, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/ fr/article/loi-du-cadenas, et William Kaplan, State and Salvation (Toronto : University of Toronto Press, 1989). 41 Trudeau, Le fédéralisme et la société canadienne-française. 42 Claude Bélanger, « The Victoria Charter: Constitutional Reform and Quebec (1971) », 23 août 2000, http://faculty.marianopolis.edu/c. belanger/quebechistory/readings/victoria.htm. 43 Peter H. Russell, Constitutional Odyssey: Can Canadians Become a Sovereign People? (Toronto : University of Toronto Press, 1993).

Notes des pages 393-8

515

44 Voir, entre autres, Roy Romanow, Howard Leeson et John Whyte, Canada ... Notwithstanding: The Making of the Constitution 1976-1982 (Toronto : Carswell-Methuen, 1984). 45 Andrew Cohen, « The Last Act: Pierre Trudeau, the Gang of Eight, and the Fight for Canada », Globe and Mail, 6 mai 2011, https://www. theglobeandmail.com/arts/books-and-media/the-last-act-pierretrudeau-the-gang-of-eight-and-the-fight-for-canada-by-ron-graham/ article4262727/. 46 Romanow, Leeson et Whyte, Canada ... Notwithstanding. 47 Québec, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 36e législature, 2e session, vol. 37, no 88, 17 avril 2002. 48 F.L. Morton et Rainer Knopff, The Charter Revolution and the Court Party (Peterborough : Broadview Press, 2000), 13 (traduction libre). 49 Emmett Macfarlene, « “You Can’t Always Get What You Want”: Regime Politics, the Supreme Court of Canada, and the Harper Government », Canadian Journal of Political Science, vol. 50, no 1 (mars 2018), 18 (traduction libre). 50 Peter W. Hogg, « The Difficulty of Amending the Constitution of Canada », Osgoode Hall Law Journal, vol. 31, no 1 (printemps 1993), 41-61. 51 Canada, La Constitution du Canada : bref historique des discussions relatives à la procédure de modification (voir section 43) (Ottawa : Bibliothèque du Parlement, 1992). 52 Canada, Jugements de la Cour suprême, 2018 csc 15, numéro du greffe 37398, 19 avril 2018. 53 Andrew Coyne, « Supreme Court Beer Ruling Ties the Constitution in Knots, and the Economy with It », National Post, 20 avril 2018, http:// nationalpost.com/opinion/andrew-coyne-supreme-court-beer-decisionties-the-constitution-in-knots-and-the-economy-with-it. 54 John E. Hodgetts, The Canadian Public Service: A Physiology of Government 1867-1970 (Toronto : University of Toronto Press, 1973). 55 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney: In Search of a New Bureaucracy (Pittsburgh : University of Pittsburgh Press, 1994). 56 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers, and Parliament (Toronto : University of Toronto Press, 2003). 57 Voir, entre autres, Donald J. Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher? How Government Decides and Why (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013). 58 Voir, par exemple, Peter Aucoin, « The New Public Governance and the Public Service Commission », Optimum Online, vol. 36, no 1 (mars 2006),

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Notes des pages 398-402

33-49. Cependant, voir aussi Dennis C. Grube et Cosmo Howard, « Promiscuously Partisan? Public Service Impartiality and Responsiveness in Westminster Systems », Governance, vol. 29, no 4 (octobre 2016), 517-33. J.L. Granatstein, Mackenzie King: His Life and World (Toronto : McGraw-Hill Ryerson, 1976). Ralph Heintzman, « Renouvellement de la fonction publique fédérale : vers une Charte de la fonction publique », document de politique préparé pour Canada 2020, 2016, 6. Richard Simeon, « Regionalism and Canadian Political Institutions », Queen’s Quaterly, vol. 82 (hiver 1975), 504. Ibid., 507. Voir, entre autres, Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher? Je dois cette observation à un examinateur anonyme chez McGill-Queen’s University Press. Alasdair Roberts, Four Crises of American Democracy: Representation, Mastery, Discipline, Anticipation (Oxford : Oxford University Press, 2017); Patrick Diamond, The End of Whitehall? Government by Permanent Campaign (Londres : Palgrave Macmillan, 2018); James Allan, Democracy in Decline: Steps in the Wrong Direction (Montréal : McGillQueen’s University Press, 2014); Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, How Democracies Die (New York : Crown, 2018). Robert Asselin, Réflexions et propositions : une réforme démocratique au Canada (Ottawa : Canada 2020, 2014), 5. James Bickerton, « Parties and Democracy in Canada: Regional Fragmentation, Institutional Inertia, and Democratic Deficit », dans Kay Lawson et Jorge Lanzaro (dir.), Political Parties and Democracy: The Americas (Oxford : Praeger, 2010), 23. Geoffrey M. Hodgson, « What Are Institutions? », Journal of Economic Issues, vol. 40, no1 (mars 2006), 2 (traduction libre). Voir, entre autres, Peter A. Hall et Rosemary C.R. Taylor, « Political Science and the Three New Institutionalisms », Political Studies, vol. 44, no 5 (1996), 936-57, et James March et Johan Olsen, « The New Institutionalism: Organizational Factors in Political Life », The American Political Science Review, vol. 78, no 3 (septembre 1984), 734-49. Peters, Pierre et King, « The Politics of Path Dependency », 1276. Ibid., 1277. Je pense ici au livre largement consulté de Peter A. Hall, Governing the Economy: The Politics of State Intervention in Britain and France (New York : Oxford University Press, 1986). Hall et Taylor, « Political Science and the Three New Institutionalisms », 941.

Notes des pages 403-8

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c h a p i t r e s e i ze 1 Peter A. Hall et Rosemary C.R. Taylor, « Political Science and the Three New Institutionalisms », Political Studies, vol. 44, no 5 (1996), 941. 2 John Street, Mass Media, Politics and Democracy (Londres : Palgrave Macmillan, 2011), 2-3 et 8. 3 Alex S. Jones, Losing the News: The Future of the News That Feeds Democracy (Oxford : Oxford University Press, 2009). 4 Doug Saunders, « Facebook’s Threat to Democracy Is Worse than Cambridge Analytica », Globe and Mail, 22 mars 2018, https:// www.theglobeandmail.com/opinion/article-facebooks-threat-todemocracy-is-worse-than-cambridge-analytica/ (traduction libre). 5 Douglas Kellner, Media Culture (Londres : Routledge, 1995). 6 Voir, entre autres, Stephen Coleman, « New Media and Parliamentary Democracy », dans Philip Giddings (dir.), The Future of Parliament: Issues for a New Century (Londres : Palgrave Macmillan, 2005), 252. 7 Canada, « Population née à l’étranger et pourcentage de la population totale au Canada, 1871 à 2036 », Statistique Canada, s.d., https://www. statcan.gc.ca/fra/quo/bdd/autresproduitsvisuels/autre006. 8 Andrew Heard, Canadian Constitutional Conventions: The Marriage of Law and Politics (Toronto : Oxford University Press, 1991), et Peter Aucoin, Mark D. Jarvis et Lori Turnbull, Democratizing the Constitution: Reforming Responsible Government (Toronto : Edmond Montgomery Publications, 2011), 77. 9 Michael Kirby et Hugh Segal, A House Undivided: Making Senate Independence Work (Ottawa : Forum des politiques publiques, 2016). 10 Voir, parmi de nombreux autres, Aucoin, Jarvis et Turnbull, Democratizing the Constitution, et Jeffrey Simpson, The Friendly Dictatorship (Toronto : McClelland & Stewart, 2001). 11 Samantha Wright Allen, « MPs Sick of State of Debate in Parliament, but Divided on How to Fix It: Samara Report », Hill Times, 26 septembre 2018, https://www.hilltimes.com/2018/09/26/mps-dislike-state-debatedivided-reforms-improve-parliament-samara-report/170168. 12 Donald Shell, « The House of Lords: A Chamber of Scrutiny », dans Giddings (dir.), The Future of Parliament, 113. 13 Patrick Diamond, The End of Whitehall? Government by Permanent Campaign (Londres : Palgrave Macmillan, 2018), 88. 14 Nevil Johnson, Reshaping the British Constitution: Essays in Political Interpretation (Londres : Palgrave Macmillan, 2004), 135.

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Notes des pages 409-14

15 « Réforme électorale », Ottawa, Parti libéral du Canada, s.d., https:// www.liberal.ca/fr/realchange/reforme-electorale/. 16 Pour une série d’articles intéressants, voir Andrew Potter, Daniel Weinstock et Peter Loewen (dir.), Should We Change How We Vote? Evaluating Canada’s Electoral System (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2017). 17 Voir, entre autres, Henry Milner (dir.), Steps Toward Making Every Vote Count: Electoral System Reform in Canada and Its Provinces (Toronto : University of Toronto Press, 1999). 18 Canada, « Élections : élections actuelles et passées », Élections Canada, s.d., https://www.elections.ca/content.aspx?section=ele&document= index&lang=f. 19 Aucoin, Jarvis et Turnbull, Democratizing the Constitution, 6. 20 Je pense ici à Paul Martin, à Stephen Harper et à Justin Trudeau, qui ont accordé à la réforme une place importante dans leur plateforme électorale. 21 Philip Giddings, « Purpose and Prospects », dans Giddings (dir.), The Future of Parliament, 259. 22 Aucoin, Jarvis et Turnbull, Democratizing the Constitution, 221-3. 23 Voir C.E.S. Franks, « Omnibus Bills Subvert Our Legislative Process », Globe and Mail, 14 juillet 2010, https://www.theglobeandmail.com/ opinion/omnibus-bills-subvert-our-legislative-process/article1387088/. 24 Bill Curry, « Opposition MPs Cry Foul over Liberals’ Tabling of 300-Page Bill », Globe and Mail, 11 avril 2017, https://www.theglobeandmail.com/ news/politics/opposition-cries-foul-over-liberal-omnibus-bill-that-changesbudget-watchdog-powers/article34677973/. 25 Sénateur Lowell Murray, « Power, Responsibility, and Agency in Canadian Government », dans James Bickerton et B. Guy Peters, Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montréal : McGillQueen’s University Press, 2013), 26 (traduction libre). 26 Paul Thomas, « Some Quick, Brief Thoughts on Reform to the Supply Process », Université du Manitoba, 7 avril 2012, polycopie (traduction libre). 27 William P. Cross et André Blais, Politics at the Centre: The Selection and Removal of Party Leaders in the Anglo Parliamentary Democracies (Oxford : Oxford University Press, 2012). 28 Christopher Moore, « Keeping Party Leaders Honest: Canadians Do It Differently from Most – and Quite Possibly Not as Well », Literary Review of Canada, vol. 20, no5 (juin 2012). 29 Ibid. (traduction libre). 30 Kirby et Segal, A House Undivided.

Notes des pages 414-20

519

31 André Pratte, « Why Regional Representation Is the Wrong Basis for Senate Reform », Globe and Mail, 26 septembre 2016, https://www. theglobeandmail.com/opinion/why-regional-representation-is-thewrong-basis-for-senate-reform/article32037411/ (traduction libre). 32 La contribution qui se distingue est celle de Patrice Dutil, Prime Ministerial Power in Canada: Its Origins under Macdonald, Laurier, and Borden (Vancouver : ubc Press, 2017). Dutil contribue au débat en remontant dans l’histoire pour décrire comment la gouvernance à partir du centre a pris forme. 33 Murray, « Power, Responsibility, and Agency in Canadian Government », 47 (traduction libre). 34 Johnson, Reshaping the British Constitution, 85 (traduction libre). 35 Pour un excellent ouvrage au sujet du jeu des reproches, voir Christopher Hood, The Blame Game: Spin, Bureaucracy, and Self-Preservation in Government (Princeton : Princeton University Press, 2011). 36 Johnson, Reshaping the British Constitution, 83-5. 37 Voir, par exemple, Carl Dahlström, B. Guy Peters et Jon Pierre (dir.), Steering from the Centre: Strengthening Political Control in Western Democracies (Toronto : University of Toronto Press, 2011). 38 Voir, par exemple, Aaron Wherry, « How Justin Trudeau Plans to Deliver on “Deliverology” », cbc News, 27 août 2016, https://www.cbc.ca/news/ politics/wherry-trudeau-deliverology-1.3735890. 39 Canada, Canada@150, partie III : « La fonction publique du Canada en 2017 » (Ottawa : Projet de recherche sur les politiques, 2010), 196. 40 Kathryn May, « Tag, You’re It: Auditor General Passes “Broken” PS Culture to Politicians to Fix », iPolitics, 20 juin 2018, https://ipolitics. ca/2018/06/20/tag-youre-it-auditor-general-passes-broken-ps-culture-topoliticians-to-fix/ (traduction libre). 41 Voir, par exemple, Canada, Vingt-quatrième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 31 mars 2017). 42 Ralph Heintzman, « Can the Federal Public Service Fix Its Culture Problem? », Globe and Mail, 22 juin 2018, https://www.theglobeandmail. com/opinion/article-can-the-federal-public-service-fix-its-culture-problem/ (traduction libre). 43 Canada, Canada@150, 179-80. 44 Peter Aucoin, « New Political Governance in Westminster Systems: Impartial Public Administration and Management Performance at Risk », Governance, vol. 25, no 2 (avril 2012), 177-99. 45 Les sous-ministres se sont rencontrés à Ottawa en 2015 pour discuter du problème. Voir Dean Beeby, « Top Bureaucrats Met to Resist Partisanship

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Notes des pages 420-5

Imposed on Public Service », cbc News, 2 novembre 2015, https://www. cbc.ca/news/politics/top-bureaucrats-met-to-resist-partisanshipimposed-on-public-service-1.3294972. Voir, par exemple, Diamond, The End of Whitehall? Andrea Lawlor, Alex Marland et Thierry Giasson, « Emerging Voices, Evolving Concerns », dans Alex Marland, Thierry Giasson et Andrea Lawlor, Political Elites in Canada: Power and Influence in Instantaneous Times (Vancouver : ubc Press, 2018), 276. Donald J. Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher? How Government Decides and Why (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 2013) (traduction libre). Peter Aucoin et Mark D. Jarvis, Moderniser l’obligation de rendre compte du gouvernement : un cadre de réforme (Ottawa : École de la fonction publique du Canada, 2005), 94. Canada, Commission d’enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires, Rétablir l’imputabilité : recommandations (Ottawa : Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 2006), 164-166. Heintzman, « Can the Federal Public Service Fix Its Culture Problem? » (traduction libre). Voir, par exemple, Ralph Heintzman, « Establishing the Boundaries of the Public Service: Toward a New Moral Contract », communication prononcée dans le cadre des conférences Vanier, Institut d’administration publique du Canada, 2007, 97. « Treasury Hopes Senior Cuts Will Boost Employee Morale », Ottawa Citizen, 18 avril 1989, A3. Ibid. (traduction libre). Savoie, Breaking the Bargain, 225. Canada, InfoBase du GF, s.d., https://www.tbs-sct.gc.ca/ems-sgd/edb-bdd/ index-fra.html#. « But Was It Time Theft? », Globe and Mail, 9 septembre 2010, A3 (traduction libre). Kathryn May, « Top Bureaucrat Says Parliament Should Look at Changing PS Rules for Firing », iPolitics, 20 juin 2018, https://ipolitics. ca/2018/06/20/top-bureaucrat-says-parliament-should-look-at-changingps-rules-for-firing/ (traduction libre). Canada, Canada@150, 29-31. Kathryn May, « Union Still Furious over Clerk’s Proposal to Make Firing Public Servants Easier », iPolitics, 8 août 2018, https://ipolitics. ca/2018/08/08/union-still-furious-over-clerks-proposal-to-make-firingpublic-servants-easier/.

Notes des pages 425-6

521

61 Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher?, 216. 62 Barbara Wake Carroll et David Siegel, Service in the Field: The World of Front-Line Public Servants (Montréal : McGill-Queen’s University Press, 1999), 119 (traduction libre). 63 Aucoin, Jarvis et Turnbull, Democratizing the Constitution, 248.

Index

Abacus Data, 289 Abella, Rosalie, 364 Aberhart, William, 388 accès à l’information : fédéralisme à trait d’union et, 140. Voir aussi Loi sur l’accès à l’information Accord de Charlottetown, 235, 313 Accord de libre-échange Canada– États-Unis, 194-5 accord de partenariat transpacifique, 169 Accord du lac Meech, 234-5, 313 Acte constitutionnel. Voir Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867) Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867), 72; aucune considération géographique, 18; Canada-Est et, 13; Comité judiciaire du Conseil privé et, 129, 130; formule de modification, 71, 130, 236; introduction et adoption, 74-5; lacunes, 71; et pouvoir de prélever des deniers, 142; Québec et, 236; et questions fiscales fédérales-provinciales, 142; et régionalisme, 71 Acte d’Union (1840), 13, 49, 52, 66, 73, 87, 93 Act of Settlement, 34

administrateur des comptes (concept), 122, 314-16, 321, 399, 421-2 Affaires extérieures, ministère des, 118, 167-8 Agence de promotion économique du Canada atlantique (apeca), 163, 166, 168, 207 agents du Parlement : à propos, 221-6; comités parlementaires ou, 341; compétence, 341; et erreurs administratives, 342, 384; et fonctionnaires, 340, 342, 354; opposition et, 342; premiers ministres et, 384; et rapports redditionnels, 340; rôle, 341-2 Aiken, Gordon, 201 Ajzenstat, Janet, 40, 230 Alberta : Aberhart et pouvoir de l’Assemblée législative de, 388; Conseil exécutif, 421; élection de sénateurs, 229; Grande Crise en, 131; Harper et, 198; immigrants en, 145; et libre-échange entre les provinces, 395; montant versé au fédéral ou reçu du fédéral, 160; nomination des sous-ministres en, 421; et oléoduc Énergie Est, 164, 165; paiements au titre du tcs, 159;

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Index

secteur de l’énergie, 161-2; et Sénat, 62; transferts fédéraux et, 143, 144 Alexander, Chris, 366 Allan, James, 79 Allemagne, 381; nombre de sénateurs par État, 63; représentation régionale en, 15, 415 Alliance canadienne, 153 Al-Mashat (affaire), 338 Angleterre. Voir Grande-Bretagne Annand, William, 51, 56-7 Arabie saoudite : matériel militaire pour, 167-8; violation des droits de la personne, 168 aristocratie : âge d’or de, 78; à propros de, 83-5; au Canada, 78; Bagehot sur, 77; et exportation des institutions, 86; institutions politiques et, 78 Aristote, 3, 27 Armstrong, Robert, 336-7 Asselin, Robert, 400 Association canadienne des ex-parlementaires, 192 assurance-maladie, 144 Atkinson, Michael, 202 Atlantic Provinces Trial Lawyers Association, 206 Atwood, Margaret, 12 Aucoin, Peter, 349 Australie : Chambre haute en, 59, 241, 381, 415; discipline de parti en, 208, 211; fédéralisme intra-étatique en, 381; fonctionnaires, répartition par région, 326-7; fonction publique, rapport sur l’état de la, 326; et intérêt national, 161; ngp en, 313, 321, 322; nombre de sénateurs par État, 63; pouvoir du premier ministre en, 266; rapport Fulton, 504n39; représentation régionale en, 15, 415

Autochtones : arrivée des Européens de l’Ouest, effet sur les, 95; Confédération et, 91, 95, 100, 104; droit de vote, 92; gestion par un gouvernement central, 104; insatisfaction envers le fédéralisme, 142; Loi sur les indiens, 91; Loyalistes, 99; réserves, 91; responsabilité de la Couronne, 95; Sénat et, 233, 235; statut d’Indien, 92; et tribunaux, 104, 106 Axworthy, Thomas, 6 Backhouse, Constance, 360 Bagehot, Walter, 75-80; et aristocratie, 83; sur le Cabinet, 251; sur la Chambre des communes, 39, 76, 201, 203, 226; sur la Chambre des lords, 77; La Constitution anglaise (The English Constitution), 46, 75-6, 380; sur la démocratie, 76; sur les députés, 216; influence, 46-7; sur la monarchie, 39, 46; et monarchie constitutionnelle, 27; sur le Parlement, 39 Bains, Navdeep, 207 Banfield, Andrew, 136 Bannon, Steve, 307 Banting, Keith, 134 Barber, Michael, 262 Baromètre de confiance Edelman, 387 Baromètre des Amériques, 387 Bas-Canada : population, 49-50; union entre le Haut-Canada et le, 49 Bazowski, Raymond, 363 Beaulieu, J. P., 94 Bégin, Monique, 254 Bélanger, Claude, 72 Bennett, Carolyn, 225 Bennett, R. B., 132, 256

Index Bevir, Mark, 266 Bibliothèque du Parlement : étude des prévisions budgétaires, 214; sur le Sénat, 60 bien-être social. Voir État providence Big Tent Politics (Carty), 193 Blair, Tony, 210, 266 Blais, André, 182; Politics at the Centre, 414 Blais, Jean-Jacques, 254 Blake, Edward, 127-8 Blidook, Kelly, 201 Bloc Québécois, 112, 185 Bogdanor, Vernon, 47 Bonenfant, Jean-Charles, 92 Bouchard, Mathieu, 165 Bourgault, Jacques, 324 Bourinot, Sir John, 94 Bradshaw, James, 294 Brazeau, Patrick, 477n29 Brison, Scott, 164 Bristol Aerospatial, 168-9 Brodie, Ian, 370 Brodie, Janine, 143, 183, 194 Brooks, Stephen, 6 Brown, George, 54; et assimilation des Canadiens français, 86, 106; et Canada-Ouest, 57, 60; et Canadiens français, 92; deux sièges à la fois, 127; gain de cause, 70; et impasse entre les Canada-Ouest et Est, 81; importation des institutions, 50; et Maritimes, 65; né en GrandeBretagne, 91; et Parti libéral, 110; point de vue, 88; et régionalisme, 12, 15; et représentation selon la population, 50, 57, 101, 106; et Résolutions de Québec, 70; et Sénat, 106 Bruce, Harry, Down Home, 295 Bryce, Bob, 270 Buchanan, James, 302

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Buckner, Phillip, 67 budget(s): à propos, 213; Cabinet et, 215; dépense pour la couverture et la promotion, 227; députés et, 213, 216; en 1867, 116-18; libéraux de Chrétien, 197-8; médias et, 217; ministres et, 213; opacité, 220, 226; opposition et, 226; premiers ministres et, 215; rapports d’évaluation, 219, 220; réforme du processus, 214; régionalisme et, 214-15; Sénat et, 215; votes contre, 209. Voir aussi rationalisation des choix budgétaires (rcb) bureaucratie. Voir fonction publique Bureau du Conseil privé (bcp), 38; au service du premier ministre ou du Cabinet, 267; et Charte canadienne des droits et libertés, 358; Comité judiciaire du, 129, 130, 131; et concept d’administrateur des comptes, 315; et cpm, 323; en 1867, 117, 120; et étude du meer, 160; et fiasco du système de paye Phénix, 419; greffier, 267-8, 269; Guide du sousministre, 315, 316, 337; et hauts fonctionnaires, 322-3; lignes directrices, rôle des fonctionnaires lors des campagnes électorales, 347; lobbyistes au, 371; mission et valeurs, énoncé de, 267; et politiques sociales et économiques, 217; et prise de décisions, 260; taille, 265, 417-18; et usine de fabrication de Bear Head, 166. Voir aussi organismes centraux Bureau du vérificateur général : comme agent du Parlement, 223; et fiasco du système de paye Phénix, 317-18, 419; et

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modernisation de l’infrastructure de TI, 319-20; rôle, 222, 223, 341-2; vérificaton intégrée ou de l’optimisation des ressources, 474n90 Burke, Edmund, 42 Bush, George W., 189, 210 Byles, Mather, 99 Cabinet du Premier ministre (cpm) : Chrétien et, 261; concentration du pouvoir au, 400; dotation en personnel des bureaux ministériels, 266, 417; en 1867, 120; Harper et, 262; hauts fonctionnaires et, 323; influence croissante, 261-2; lobbyistes au, 369, 371; Mulroney et, 261; et politiques sociales et économiques, 217; premiers ministres et, 256; et scandale des commandites, 343; taille du, 261-2, 265, 417-18; P. Trudeau et, 261. Voir aussi organismes centraux Cabinet(s) : Bagehot sur, 46-7, 80; et budget, 215; Bureau du Conseil privé et, 267; comme groupe de consultation, 19, 111, 126; concentration des pouvoirs dans, 45; Confédération et, 273; confidentialité et secret, 270, 271-2, 273; conseillers partisans aux réunions du, 324; en 1867, 116; géographie et, 121; Macdonald et, 111, 116, 120; et politiques, 417, 427; pouvoirs conférés au, 121; premiers ministres et, 111, 256, 272; puissants ministres, 256-7; régionalisme et, 120, 121, 230, 381; représentation des Maritimes, 65, 107; rôle, 271; secrétaire du, 267-8; taille, 121; J. Trudeau,

199. Voir aussi gouvernement de cabinet Cahill, Barry, 99 Cairns, Alan, 20, 130, 191, 228, 257 Cameron, David, 210 campagnes électorales : 2015, 182; centrées sur les chefs de partis, 182; différentes selon les régions, 183; idéologie dans les, 183, 184; marketing stratégique, 184; personnalité dans les, 182; sondages, 186 campagnes électorales permanentes : et dépenses gouvernementales, 412-13; fonction publique et, 331, 347-52, 353, 420; hauts fonctionnaires et, 348-9, 353, 398; information continue et, 190, 291-2, 297; et jeu des reproches, 416-17; médias sociaux et, 190, 297; menaces à l’impartialité de la fonction publique, 348; partis politiques et, 189; stratégie de marque et, 189; et vote régional, 211 Canada 150, 170-1 Canada atlantique : Chrétien et, 197-8; droits de pêche des communautés mi’kmaq et décision Marshall, 367-8; Harper et, 185; impuissance face à l’Ontario, 166, 168; insatisfaction envers le fédéralisme, 142; journaux au, 280; mécontentement, 106; sièges à la Cour suprême, 173, 206; stéréotypes, 295-6. Voir aussi Maritimes; Terre-Neuve-et-Labrador Canada-Est : et Confédération, 59, 92; Conférence de Londres et, 65-6; francophones du, 50; impasse avec le Canada-Ouest, 50, 53, 80, 101, 184; population,

Index 49; et régionalisme, 73, 101; relations avec le Canada-Ouest, 66. Voir aussi Bas-Canada Canada-Ouest : et aanb, 70; et Cartier, 92; Chrétien et, 197; et Confédération, 59, 92; Conférence de Londres et, 65-6; entente entre deux nations, 14; expansionnisme américain, 80; fidélité à la Couronne, 81; force politique, 106; Grande Crise, 131; Harper et, 161, 198-9; impasse avec le Canada-Est, 50, 53, 80, 101, 184; insatisfaction envers le fédéralisme, 142; poids électoral, 185; et politique nationale, 72; population, 49; et pouvoir, 186; et régionalisme, 73, 101; relations avec le Canada-Est, 66; et Sénat, 229; et Sénat triple E, 63, 82, 229, 415; stéréotypes associés, 295. Voir aussi Haut-Canada Canada West Foundation, et Sénat triple E, 234 Canadian Broadcasting Corporation (cbc), Story of Us, 149-50, 170-1 The Canadian Party System (Johnston), 183 Canadiens français : après la Conquête, 93-4; assimilation des, 49, 86, 106; attitudes envers les, 92; aucune représentation des minorités à la Conférence de Québec, 91; clivage entre Acadiens et Québécois, 152-3; Confédération comme traité entre les Canadiens anglais et les, 380; Confédération et, 101; Église catholique, 93; régionalisme, 1523; et union des colonies de l’Amérique du Nord britannique, 92; usage du français au Parlement et dans les tribunaux, 148

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canaux, 89, 169 candidats aux élections : acclamation, 212; anciens comme agents de liaison, 190; campagne, 1801; chefs de partis et sélection des, 212; critères d’investiture, 179-82; députés « fantômes » comme, 190; facteurs dissuasifs, 179-82; faux pas, 185; nombre de, 181; nomination, 181, 192 capitale : colonies de l’Amérique du Nord britannique, 49; Ottawa comme, 70, 74 Careless, J.M.S., 171 Carroll, Barbara Wake, 426 Cartier, George-Étienne, 54; et Canada-Ouest, 92; changements au Canada français, 106; et colonies maritimes, 65, 184; et Confédération, 92-3, 95; deux sièges à la fois, 127-8; et fédéralisme, 92; gain de cause, 70; et impasse entre les Canada-Ouest et Est, 81, 184; importation des institutions, 50; point de vue, 88; et régionalisme, 12, 184; et Résolutions de Québec, 70; et Sénat, 87 Carty, R. Kenneth, 185-6, 193; Big Tent Politics, 193 Casey, Bill, 209 caucus : à propos des réunions, 203; chefs de partis et, 202, 205; critique au sein du, 204; expulsion du, 209-10; national, 203, 204; premiers ministres et, 205; qui devrait assister aux réunions, 205; régionaux, 203, 204 cbc. Voir Canadian Broadcasting Corporation (cbc), Story of Us centre, gouvernance à partir du : avantages pour le premier ministre, 384; gouvernement de cabinet, 415; lobbyisme et,

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372-4; Parlement ou, 407; premiers ministres et courtisans, 407; tribunaux et, 368. Voir aussi concentration du pouvoir Centre Mowat, 151-2 Chadwick, Andrew, 298 Chambre des communes britannique : Bagehot sur, 46, 76, 201, 203, 226; Chambre des lords, rôle de surveillance, 78; démocratie représentative et, 46; fonctions, 201, 203; monarchie et, 4, 36; président de, 36; vote à trois catégories, 210 Chambre des communes canadienne : et budget, 118, 213; Confédération et, 58; confiance de la, 193, 411; croissance, 383; failles, 226; lacunes, 202; lobbyistes à la, 371; opinion publique sur la, 202; période des questions, 209, 323; pouvoir exécutif issu de la, 108; et prévisions des dépenses, 118; réforme, 383-5; régionalisme à la, 211; représentation selon la population, 57, 59, 65, 72, 81, 108; responsabilité quant aux dépenses, 212, 226; réunions de caucus, 203-4; rôle constitutionnel, 202; Sénat et, 13, 108, 234; source de légitimité, 426; vote à trois catégories, 210; vote régional à la, 211; votes libres, 210 Chambre des lords britannique : et aristocratie, 85; Bagehot sur la, 77; Chambre des Communes et, 46, 78; et démocratie, 78; influence, 46; projet de loi créant la Confédération canadienne, 74; rôle, 84-5; Sénat et, 381 changement. Voir transformation Charles I, roi, 34, 36

Charles II, roi, 37 Charte canadienne des droits et libertés : accent du fédéral sur l’importance de, 157; bcp et, 358; conséquences politiques, 357; conséquences pour le gouvernement, 394; Cour suprême et, 358, 394; décisions fondées sur les valeurs, 357; disposition de dérogation, 365; enchâssement, 392-3; et fossé entre élaboration et mise en œuvre des politiques, 368; intérêts transcendant la géographie, 374; et marginalisation du Parlement, 358; et ministère de la Justice, 358; et Parlement, 394; et tribunaux, 358, 394; P. Trudeau et, 356-7 Chase, Steven, 168 chefs de partis : campagnes électorales, 182; et caucus, 202, 205; choix et maintien en poste, 414; conservateurs, 194; et discipline de parti, 209, 211; et idéologie, 182; libéraux, 193-4, 195; loyauté envers les, 209; marque, 189, 190, 191; médias et, 255; et ministres régionaux, 187; perte d’image du parti au profit des, 200; pouvoir, 255-6; pouvoir de rejeter des candidats, 411; régionalisme et, 185; et sélection des candidats, 212; et sondeurs, 186, 187; superstars, 182. Voir aussi discipline de parti; partisannerie; partis politiques chemin de fer : à propos, 89-90; en 1867, 115; Intercolonial, 90; intercontinental, 71; Maritimes, 103; Résolutions de Québec, 103; transcontinental, 90 chemin de fer national, 81, 88, 90; Maritimes et, 67; Résolutions de Québec, 103

Index Chester, Noman, 337 Chevrier, Lionel, 252 Chong, Michael, 271, 295 Chrétien, Jean : et agents du Parlement, 222-3; et chef de cabinet, 261; et concept d’administrateur des comptes, 314; et concept d’organisme, 313; et cpm, 261; définition d’un bon politicien, 386; dotation en personnel des bureaux ministériels, 417; expulsion de Nunziata du caucus, 209; marque, 189; sur les ministres du Cabinet, 268; et Ontario et Québec, 197; sur les réunions de caucus, 204; scandale des commandites, 314, 342-4 Churchill, Winston, 15 Cicéron, 27, 28, 33-4 citoyenneté, 119 Clark, Christy, 150 Clark, Glen, 295 Clark, Joe, 304, 352-3, 392-3 Clinton, Hillary, 15, 189, 283 Coates, Kenneth, 367-8 Code civil (Québec), 70 Coderre, Denis, 108, 164-5 Coles, Mercy, 97 Coloma, Roberto, 284 Colombie-Britannique : et chemin de fer transcontinental, 89; et Confédération, 89, 90; construction navale, 164, 170; immigrants en, 145; et libre-échange entre les provinces, 395; et Sénat, 62; sommet fédéral-provincial sur les changements climatiques, 150 colonies de l’Amérique du Nord britannique : Canadiens français et union des, 92; et démocratie, 85; exportation des institutions vers les, 86; fidélité à la Couronne, 87; gouvernement

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responsable dans les, 86; union des, 49, 53, 92 Comité Beaudoin-Dobbie, 235, 248 Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, 239, 243 Comité des comptes publics, 123, 216, 223 Comité du Cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications, 262 Comité Molgat-Cosgrove, 235 commissaire à l’éthique, 223 Commission canadienne du blé, 198 Commission d’enquête, commandites et activités publicitaires du gouvernement du Canada, 332 Commission Macdonald (union économique et perspectives de développement), 229, 234, 248 Commission Rowell-Sirois, 132-5, 137-8, 160-1, 194, 389 Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le multiculturalisme, 152 Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement. Voir Commission Macdonald Commisson des relations de travail dans la fonction publique (crtfp), 424 Commisson du droit du Canada, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, 385 communication, moyens de, 90, 121; et répartition des fonctionnaires hors de la capitale nationale, 327 concentration du pouvoir, 15-16; au Cabinet, 45; au cpm, 45, 400, 402, 426; freins et contrepoids

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contre la, 45; premiers ministres, avantage de la, 384; et prise de décisions, 558; et surcharge du système, 558; P. Trudeau et, 262. Voir aussi centre, gouvernance à partir du Confédération : articles de la, 44; et Autochtones, 91, 95-6, 100, 104; et Cabinet, 273; Canadiens français et, 101; Cartier et, 92, 95; et Chambre des Communes, 58; Colombie-Britannique et, 89, 90; et démocratie, 53, 70; élites et, 98-9; femmes et, 96-8; Fenians et, 56; grand compromis, 56; Île-duPrince-Édouard et, 58, 170; impasse, Canada-Ouest–CanadaEst, 50, 53, 80, 101; et institutions britanniques, 380; Macdonald et, 53-4, 56, 59, 69, 70, 81, 88, 111; Maritimes et, 53, 68-9; Nouveau-Brunswick et, 55-6, 207, 273; Nouvelle-Écosse et, 57-8, 207, 273; et office des colonies britanniques, 50, 53, 55, 70; presse, 100; Québec et, 92; référendum sur la, 55-6; et régionalisme, 100, 101; et représentation selon la population, 57, 58, 70; Résolutions de Québec et, 67; réticence dans le Canada-Est, 92; et Sénat, 58-9, 81; traité entre deux nations, 66, 102; traité entre les Canada-Ouest et Est, 88, 380; valeurs d’hommes blancs dans la, 102. Voir aussi Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867); Pères de la Confédération Conférence constitutionnelle de Victoria, 392 Conférence de Charlottetown, 11, 53, 54, 64 Conférence de Londres, 53, 57, 65-6, 100, 380

Conférence de Québec, 11; Canada-Ouest et, 57; clergé catholique et, 95; démographie des délégations, 91; et femmes, 96; Maritimes et, 64-5, 67; Nouveau-Brunswick et, 55; Nouvelle-Écosse et, 57, 58; politiciens des Canadas contre les Maritimes, 53 Conférence des premiers ministres de l’Ouest, 155 conférences fédérales-provinciales des premiers ministres, 141 Conrad, Margaret, 60 Conseil des premiers ministres de l’Atlantique, 155 Constitution américaine : Bagehot sur, 75; Convention de Philadelphie, 44, 45, 51; crise, 157; élaboration, 44-6; freins et contrepoids dans la, 45; philosophes politiques et, 43, 47; et régionalisme, 48; et résistance au changement, 156; titres de noblesse, 84 La Constitution anglaise (Bagehot), 46, 75-6, 380 Constitution britannique : Bagehot et, 46; parti pris pour modification progressive, 37 Constitution canadienne : conçue pour État unitaire et non fédération, 17; convention constitutionnelle établie avec le temps, 73; et crises économiques, 388; fédéralisme hybride et, 390; formule de modification, 129, 380, 388; importée de GrandeBretagne, 18; et institutions britanniques, 380; moments charnières hors du cadre de la, 407; parti pris pour modification progressive, 37; quasi fédérale du point de vue du droit, 104;

Index rapatriement, 141, 238, 392-3; et régionalisme, 17, 404; Résolutions de Québec et, 53; rigidité, 17, 129, 131, 404 Conway, Kellyanne, 190 Cook, Ramsay, 12 Co-operative Commonwealth Federation (ccf), et Sénat, 231 Copps, Sheila, 254 Corporation commerciale canadienne, 167 Couillard, Philippe, 108 Courchene, Tom, 195 Cour suprême : accès aux délibérations de la, 362; et aide au suicide, 357; arrêt Comeau, 395; centrée à Ottawa, 374; Charte et, 358-359, 394; clarification sur la Constitution, 238; et considérations politiques, 359; construction d’écoles pour élèves de langue française (N.É.), 365; création, 356; et décision Marshall, 367-8; disposition de dérogation et, 365; et droits fondamentaux, 358; et élite, 374; établissement, 129; et femmes, 130; sur l’indépendance judiciaire, 361; et lois, 358; et mise en œuvre des programmes, 127; nombre de juges à la, 184; nominations, 127; opinion publique sur la, 362; et Parlement, 109-10; et politiques, 127, 359, 363-5, 368; premiers ministres et, 357; sur les programmes pour élèves avec besoins spéciaux, 364-5; et rapatriement de la Constitution, 238; et référendum du Québec, 367; et relations entre le gouvernement et les groupes minoritaires, 362-4; Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 228; et Sue

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Rodriguez, 357; rôle, 357-8; et Sénat, 60-1, 228, 231, 232, 238, 243; siège réservé au Canada atlantique, 173, 206; sièges réservés au Québec, 173 Coyne, Andrew, 15, 202, 227, 241, 371-2 Craft, Jonathan, 324, 348 Crawley, Phillip, 280 Crédit social, 112 Creighton, Donald, 55, 68, 96 Crerar, Thomas, 133 crise économique. Voir Grande Crise Crockett, M. J., 297 Cromwell, Oliver, 36 Cromwell, Richard, 36-7 Cromwell, Thomas, 206 Cross, William, 183-4, 185-6, 188, 191, 192; Politics at the Centre, 414 Crossman, Richard, The Diaries of a Cabinet Minister, 302 Dafoe, John W., 132-3, 134 Davie Canada, constructeur naval, 163-4 Davies, Robertson, viii, 427 Dawson, Robert MacGregor, 230 Déclaration des droits, 34, 38-9, 43, 48, 357 Défense nationale, ministère de la (mdn), 166 déficit démocratique, 6-7, 9; face aux réalités régionales, 7 Delacourt, Susan, 368 démocratie : aristrocratie et, 83, 85; Chambre des Communes britannique et, 46; Chambre des lords et, 78; Cicéron et, 28; dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique, 86; Commission Rowell-Sirois et, 135; Confédération et, 70; cpm de

532

Index

Harper et, 262; déclin des institutions, 296; déficit de la, 6-7, 9, 175, 400, 406; définie par des hommes de race blanche, 98; défis, 20, 400; dépendance trajectorielle et, 17; directe, 4, 29; et droit de vote des femmes, 97; économie et, 116; et égalité, 5, 6, 29, 375; élections, 9; en 1867, 75; en Grèce antique, 28-31; équité d’embauche dans l’administration, 9; aux États-Unis, 41, 43-6; explosion de l’information, 10; fédéralisme à trait d’union et, 136, 137, 138-9, 148; fonction publique et, 302, 303; en France, 42; gouvernement de cabinet et, 273-4; en Grande-Bretagne, 43; historique de l’étude de, 27; inégalités régionales et, 175; institutions britanniques, 28; institutions nationales, 426; Internet et, 279; interprétation du terme, 3, 6; libérale, 5, 28; Locke et, 42; Madison sur la, 4; marque ou, 188; médias et, 7, 10, 276-9, 284, 286, 290, 298, 404; méfiance à l’égard de, 3, 4, 30; meilleure forme de gouvernement, 5; monde post-démocratique, 15; monopole de l’État sur la violence, 9; office des colonies et, 86; opinion publique sur la, 3, 30; Paine et, 42; Parlement et, 409; participative, viii; partis politiques et, 191; Pères de la Confédération et, 4; philosophes politiques et, 27, 39-43; Platon et, 28, 30; pouvoir législatif au centre de, 32; principe du citoyen bien informé, 296; réforme de la fonction publique et, 311-12; réforme électorale et, 409-10; et régionalisme, 73; représentative,

27; Résolutions de Québec et, 70; Révolution française et, 5, 72; révolutions et, 5, 40, 42; Sénat et, 33, 72, 109, 228, 229, 233, 241, 248; souplesse de la, 298; taille du gouvernement et, 118; Tocqueville sur la, 277 De la démocratie en Amérique (Tocqueville), vii dépendance trajectorielle : démocratie canadienne et, 17; de la fonction publique, 322, 396, 398-9; des institution politiques nationales, 401-2; Sénat, 382 dépenses gouvernementales, 138; Budget des dépenses, 412-13; campagnes électorales permanentes et, 412-13; cas unique parmi les fédérations, 138; changements dans les postes budgétaires, 106; création d’une dépendance économique ou d’effets structurels positifs, 159; différentes formes, 159; étude du meer sur les, 160; géographie et, 413; gestion des, 218-19; intérêts partisans, 141; nouveau pouvoir de révocation des lois provinciales, 388-9; Parlement et, 21213, 214, 216; pouvoir du fédéral, 135-6, 138, 147, 156, 388-9; et premiers ministres provinciaux, 156; reddition de comptes, 212, 214, 216-21, 226; régionalisme et, 160, 214-15, 413; surveillance par les gouvernements provinciaux, 390-1. Voir aussi budget(s); prévisions budgétaires dépression. Voir Grande Crise députés : aucune formation, 203; et budgets, 213, 216; circonscriptions, 203, 204, 412-13; et discipline de parti, 207, 208, 209; exigence de la tâche, 215-16;

Index « fantômes », 190; horizons variés, 202-3; indépendants, 182; liberté de critiquer les politiques nationales, 204, 205; liberté de vote, 411; loyauté envers leur parti, 209; et médias, 207; nouvellement élus ou chevronnés, 216; obligations redditionnelles quant aux dépenses, 216-21; et pouvoir du premier ministre, 212; premiers ministres et renforcement du pouvoir des, 384; et prévisions budgétaires, 216-17; et régionalisme, 204, 211, 219; relation avec le premier ministre, 205; et répartition géographique des dépenses projetées, 413; rôle, 201, 212, 213-14; sondages et rôle des, 186; vote régional, 211; votes contre le budget, 209 Desmoulins, Camille, 33 deux nations (concept) : chefs du Parti libéral produits du traité entre, 195; Confédération comme traité entre, 66, 88, 380; Pères de la Confédération, 12; provinces de l’Ouest, 14; provinces maritimes, 14; remise en question, 16 Le Devoir, 241, 295, 298 Diaries of a Cabinet Minister (Crossman), 302 Dicerni, Richard, 486n74 Dickinson, G. Lowes, 78 Diefenbaker, John, 138, 253, 270, 357 Dingwall, David, 197 Dion, Stéphane, 62, 63, 167, 168, 189 Dionne, Maurice, 204 directeur parlementaire du budget, 224, 225, 327, 474n86 discipline de parti : chefs de partis et, 209, 211; consensus au sein

533

du caucus et, 205; histoire de, 207; et intégration nationale, 212; partisannerie et, 208; et victoire électorale, 209; vote de défiance ou, 211; et vote régional, 211; votes libres aux Communes, 210. Voir aussi chefs de partis; partisannerie; partis politiques Disraeli, Benjamin, 121 Docherty, David, 229, 248 Dodek, Adam, 366 D’Ombrain, Nicholas, 270, 271 Doughty, Howard, viii Down Home (Bruce), 295 Drohan, Madelaine, 279 Les droits de l’homme (Paine), 31, 42 Duffy, Mike, 262, 477n29 Dunn, John, 5-6 Duplessis, Maurice, 134, 392 Durham, lord, 49, 86, 380 Dutil, Patrice, Prime Ministerial Power in Canada, 111, 256, 519n32 Duverger, Maurice, 195 Dvorkin, Jeffrey, 294 Dyson, Esther, 289 échanges commerciaux : Accord de libre-échange (ale) avec les États-Unis, 114-15; alena, 114-15; avec les États-Unis, 114; exportations, 115-16; interprovinciaux, 395; libre échange, 114, 195, 395; et régionalisme, 168-9 économie : et démocratie, 116; diversification, 115, 116; emplois, 115; en 1867, 91, 114, 115; fonds fédéraux et, 141; industrie, 115-16; mondialisée, 115, 306-7; ouverture, 116; régionalisme et, 151-2; du savoir, 115

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Index

The Economist, 155, 282, 284 Edelman (Baromètre de confiance), 387 égalité : dans la démocratie athénienne, 28-9; démocratie et, 5, 6; et démocratie représentative, 28-9, 375; de représentation, 81, 87; lobbyisme et, 375; NéoCanadiens et, 146; Paine sur, 41; régionale, 9; de représentation, 49, 50; au Sénat, 106-7; tribunaux et, 374 «  The Elected Should Have the Last Word » (Kroeger), 316 élections : poids de l’Ontario, 154. Voir aussi réforme électorale élite : Confédération et, 98-9; Cour suprême et, 374; aux États-Unis, 157; fédéralisme à trait d’union et, 139; institutions politiques nationales et, 22-3; lobbyistes et, 374-5; médias nationaux et, 295; médias sociaux opposés à, 296-7; et médias sociaux ou traditionnels, 282; organismes centraux comme, 265; secteur public et, 387; sénateurs parmi, 242; tribunaux et, 374; universités et, 84 énergie, secteur de, 161-2, 164-5, 198 Énergie Est (oléoduc), 108, 164-5, 228 engagement politique. Voir participation politique Epp, Jake, 254 Esselment, Anna Lennox, 347 Est du Canada. Voir Canada-Est État providence : Commission Rowell-Sirois et, 133, 134; et fédéralisme, 133, 134; et fédéralisme à trait d’union, 137; et fédéralisme hybride, 389; Grande Crise, 388; période pancanadienne de la politique partisane, 194; et politiques, 389; et reddition de comptes, 389

États-Unis : Accord de libre échange Canada–États-Unis, 194-5; adhésion des Maritimes aux, 65; et alena, 114-15; Chambre des représentants, 45; Chambre haute et fédéralisme intra-étatique, 381; Chambre haute et régionalisme, 415; Collège électoral, 14, 15; Congressional Budget Office, 225; Constitution, 28; Déclaration d’indépendance, 33; démocratie aux, 6, 41, 43-6; élections présidentielles de 2016, 14, 283, 286-7; entente sur le bois d’œuvre, 169; expansionnisme, 80; exportations vers les, 115, 116; fédéralisme aux, 44-5, 51; fonctionnaires situés à Washington, 327; Grand Compromis, 45, 81, 136, 147; guerre de Sécession, 80, 101; identité nationale, 151; et Île-duPrince-Édouard, 69; institutions politiques aux, 47; et intérêt national, 161; intérêts de l’élite économique aux, 157; libre échange avec les, 114, 195; Pacte de l’automobile, 162-3; Paine aux, 41; régionalisme, 14; régionalisme dans la Chambre des représentants, 211; représentation régionale, 14-15; Révolution, 5, 28, 41, 98; Sénat, 14, 241, 381; union du Canada avec, 92 exécutif : domination sur le Parlement, 202; pouvoir aux États-Unis, 41 Expansion économique régionale, ministère de (meer), 160 FactsCan (site Web), 275 favoritisme : et fonction publique, 120, 126; gouvernement

Index responsable et, 120. Voir aussi partisannerie fédéralisme : à trait d’union, 133-43, 148; Brown et le, 92; Comité judiciaire du Conseil privé, 129, 130; Commission Rowell-Sirois et, 132, 133, 134; définitions, 128-9; État providence et, 133, 134; aux États-Unis, 44-6, 51; GrandeBretagne et, 51, 53; Grande Crise, 133; hybride, 389-91; insatisfaction envers le, 142; institutionnalisme historique et, 389, 401-2; institutions politiques nationales et, 155-6; intra-étatique, 233, 381, 388, 415; langue et, 157; lutte des classes et, 157; Macdonald et, 51-2, 81, 128-9, 131, 236; Pères de la Confédération et, 51, 72; pouvoir fédéral de dépenser et, 135-6; quasi fédéral au Canada, 124; régime unitaire et, 73; régionalisme et, 14, 51, 147-8, 157, 174; représentation des régions, 6; et révocation de lois provinciales par le gouvernement fédéral, 381; Sénat et, 81, 233, 249; système parlementaire westminstérien et, 379 Federalist Papers, 43, 45, 156 Federal-Provincial Diplomacy (Simeon), 137 femmes : et Comité judiciaire du Conseil privé, 130; Confédération et, 96-8; et Conférence de Québec, 96; et Cour suprême, 130; droit à la propriété, 97; droit de vote, 97 Fenians, 56 Fenton, Natalie, 277, 285 Ferguson, Michael, 320 Fielding, William S., 69 Finances, ministère des : à propos, 217-18; nombre d’employés en

535

1867, 117; taille, 265. Voir aussi organismes centraux Finer, Samuel, 31 Flanagan, Tom, 287-8 Flynn, Michael, 283 fonctionnaires : agents du Parlement et, 340, 342, 354; comptes de dépenses, 346; congédiement, 424-5; et débats de politique partisane, 348; évaluation du rendement des, 31011, 426; improductifs, 306, 307, 424-6; jeu des accusations et, 338, 339; ligne de faille entre première ligne et haute gestion, 398, 421, 422; localisation en Australie, 327; moral, 305, 350, 422; négociation collective, 306, 344, 425; opinion publique, 318; prestations d’invalidité, 350; dans la région de la capitale nationale plutôt qu’ailleurs, 323, 326-31, 354, 398, 423 fonction publique : action gouvernementale limitée et, 300, 301; âge d’or, 301; anonymat et invisibilité, 219, 337, 344-5, 348, 350; attaques envers la, 299-300, 301; aversion pour le risque, 318, 348, 350; Bagehot sur la, 47; cadres supérieurs, suppression de postes de, 422-3; campagnes électorales permanentes et, 331, 347-52, 353, 420; changements au sein de la, 333-4, 339; classe de gestionnaires et non d’administrateurs, 309; compétence, 350; confiance dans la, 299; conseils fondés sur des éléments probants, 304-5, 337, 352, 353, 427; critiques des politiciens envers, 302, 304, 308; décentralisation de la, 423; défis, 20, 22, 332-4, 351, 419; dans la

536

Index

démocratie directe athénienne, 29; et démocratie représentative, 302, 303; dépendance trajectorielle, 322, 396, 398-9; désinstitutionnalisation, 341; développement, 396; disparition des valeurs communes, 330, 331; économie mondialisée et, 306-7; comme employeur modèle, 3067; en 1867, 108, 119; entente avec les politiciens, 301, 351, 396-7; erreurs et médias, 348, 350; extension du parti politique au pouvoir, 381; favoritisme et, 120, 126; fédéralisme à trait d’union et, 139; et fédéralisme hybride, 389; fédéraux et provinciaux, contacts, 123; gestionnaires du privé recrutés par les politiciens, 309; gouvernement constructif et, 306; Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique, 323; harcèlement, 350; hiérarchie dans la, 300, 301, 322; identité constitutionnelle, 336-7; impression de transformation sans changement réel, 330, 348, 398-9; influence sur les politiques ou la gestion, 396; information continue et, 305, 353; institutionnalisme historique, 18, 20; et jeu des accusations, 220, 226, 317; lobbyistes issus de la, 372, 373; lobbyistes ou, 399; Loi sur l’accès à l’information et, 344-7; médias sociaux et, 353; mise en œuvre de politiques et programmes, 300; modèle de commandement, 32-3; nominations fondées sur le mérite, 126, 334, 335, 396; nominations partisanes, 334, 396; non partisane et impartiale, 396; opinion

publique sur la, 344, 387; organismes de surveillance surabondants, 421; et partisannerie, 308, 331; Phénix (système de paie), 299; politiciens contre la, 299300; et politiques, 300, 302, 335, 420, 421; position et salaire des fonctionnaires, 118; pratiques de gestion du secteur privé ou de la, 305, 306, 309, 315, 340, 353, 397, 420-1; prévisions budgétaires et, 413; et privatisation des services gouvernementaux, 309-10; problèmes généralisés de culture, 318; reddition de comptes, 301, 397; réduction des niveaux de gestion, 422-3; réforme, 303, 310, 398-9; réforme, classification et évaluation des emplois, 319, 329; réforme des pratiques de gestion, 310, 420-1; réforme selon des critères régionaux ou fonctionnels, 399; et régionalisme, 419; relation avec les politiciens, 20, 127, 331; représentation provinciale dans la, 108; et responsabilisation gouvernementale quant aux dépenses, 219-20, 226; responsabilité envers le politique ou les clients, 322; responsabilité ministérielle et, 338, 348, 354; Rome antique, 32-3; scission en deux institutions, 330, 354; et « secret officiel », 344; système de paye Phénix, 316-17, 419; taille, 108, 126, 127, 423, 501n102; TI, modernisation de l’infrastructure, 319-20; transparence, 397. Voir aussi secteur public Fowler, Robert, 166 France : colonie, 93; démocratie représentative, 42; fonctionnaires

Index situés à Paris, 327; Révolution, 4-5, 33, 42, 72; Terreur, régime de la, 42 Franklin, Benjamin, 45 Franks, Ned, 201 Fraser, Sheila, 216, 223 freins et contrepoids : dans la Constitution américaine, 45; protection contre la concentration des pouvoirs, 45; Rome et, 31 French, Richard, 264 Gaebler, Ted, 309 Gagliano, Alfonso, 343 Galloway, Gloria, 243 Galt, Alexander, 51, 54; et chemin de fer, 89-90; et colonies maritimes, 65; gain de cause, 70-1, 101; et impasse entre les CanadaOuest et Est, 81; importation des institutions, 50; né en GrandeBretagne, 91; et Résolutions de Québec, 70 Gardiner, James, 187 Garneau, Raymond, 179 General Dynamics Land Systems Canada, 167 géographie : Bagehot sur, 79; et Cabinet, 121; Charte canadienne des droits et libertés et, 374; et circonscriptions des députés, 203, 204; et démocratie canadienne, 18; dépenses projetées du gouvernement et, 413; fracture du paysage politique selon la, 199; frein à l’essor de la vie nationale, 90; institutions d’inspiration britannique et, 380; lobbyisme et, 374; partis politiques et, 183. Voir aussi régionalisme Gherson, Giles, 345 Ghiz, Robert, 370 Giasson, Thierry, 347

537

Gibbins, Roger, 62, 63, 198, 235, 325 Gidengil, Elisabeth, 182 Girard, Philip, 60 Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, 350 Globe and Mail, 280 Glorieuse révolution, 37-9 Godbout, Jean-François, 207, 208 Gomery, John, 261-2, 343 Gordon, Arthur Hamilton, 54-6, 86 Gotlieb, Allan, 332, 333 gouvernement de cabinet : à propos, 251; Bagehot sur, 251; centré sur le premier ministre, 80; et démocratie, 273-4; gouvernance à partir du centre, 326, 415; gouvernement fédéral et, 117; gouvernement monarchique ou, 266-9; en Grande-Bretagne, 266; lacunes, 273-4; et modèle de Westminster, 273; et reddition de comptes, 273; J. Trudeau et le, 252, 400 gouvernement fédéral : accusé des déboires des régions, 158; appareils britannique et canadien, 119; approbation des lois provinciales, 72; Comité judiciaire du Conseil privé et, 129, 130, 131; Commission Rowell-Sirois et relations avec les gouvernements provinciaux, 132-5; dépenses en soins de santé, 144; en 1867, 124-5; et formule de modification de la Constitution, 130-1; gestion des Autochtones, 104; et gouvernement de cabinet, 117; gouvernements provinciaux et déséquilibre budgétaire, 144; gouvernements provinciaux soumis à l’examen du, 126; Grande Crise et, 131-2; influence des

538

Index

provinces sur les décisions et politiques, 108; et journalisme local, 288; migration des talents politiques provinciaux vers le, 127-8; négociations et conflits avec les provinces, 139; pléthore d’ententes fédérales-provinciales, 138; pouvoir d’imposition, 142; pouvoirs en vertu de la Confédération, 52; principe de péréquation dans les programmes, 142; et prise de décisions par les provinces, 157-8; publicités dans les médias sociaux ou imprimés, 288; régionalisme et, 52; relations avec les provinces en 1867, 123-4, 128; responsabilité des services sociaux, 133; responsabilités en 1867, 116; révocation de lois provinciales, 124, 125, 128, 233, 381; système parlementaire de type Westminster, 117, 118; taille et démocratie représentative, 118. Voir aussi dépenses gouvernementales gouvernement responsable : dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique, 86; Confédération et, 55; Durham et le, 49; et favoritisme, 120; au Nouveau-Brunswick, 55; en Nouvelle-Écosse, 86; règles, 117, 119 gouvernements provinciaux : et abolition du Sénat, 238, 239; approbation des lois par le gouvernement central, 72; Comité judiciaire du Conseil privé et, 129, 130; Commission RowellSirois et relations avec le gouvernement fédéral, 132-5; décisions liées aux ententes fédéralesprovinciales, 157-8; dépenses en

soins de santé, 144; déséquilibre budgétaire et, 144-5; en 1867, 127; et fédéralisme hybride, 388-9; et formule de modification de la Constitution, 131; gouvernement fédéral et prise de décision par les, 157-8; influence sur les décisions et politiques fédérales, 108; et infrastructures, 390-1; et libre-échange entre les provinces, 395; Macdonald et, 72, 105, 123-4, 127, 128, 141; ministère des Finances, 217; et négociation collective dans la fonction publique, 306; négociations et conflits avec le gouvernement fédéral, 139; et particularisme régional, 157; perception d’impôts, 123; Pères de la Confédération et, 250; pléthore d’ententes avec le fédéral, 138; et politiques nationales, 388; et régionalisme, 399; relations avec le gouvernement fédéral en 1867, 123-4, 128; responsabilités, 423; révocation des lois par le gouvernement fédéral, 124, 125, 128, 233, 381; rôle, 105-6; sélection des sénateurs, 234; et Sénat, 249; soumis à l’examen du gouvernement fédéral, 126; surveillance des dépenses du fédéral, 390-1; taille, 127; unités fédérales-provinciales ou intergouvernementales, 140 gouvernements territoriaux : et abolition du Sénat, 237; ministère des Finances, 217 gouverneur général en conseil, pouvoirs conférés au, 121-2 Governing from the Bench (Macfarlane), 359 Governing from the Centre (Savoie), x, 251, 260, 271, 272, 415

Index Grafftey, Heward, 353 Grand Compromis, 56, 81, 136, 147 Grande-Bretagne : administrateur des comptes (concept), 122, 314, 316, 422; attitude envers les colonies, 67-8; Brexit, 210, 275, 287; Comité des comptes publiques, 314; Déclaration des droits, 48; déclaration d’indulgence, 38; démocratie représentative, 43; discipline de parti en, 208, 211; droit de vote en, 74-5, 77; exportations vers la, 115, 116; fonctionnaires, nomination au mérite, 334; fonctionnaires, répartition par région, 326-7; fonction publique, 20; Glorieuse révolution, 37-9, 42; gouvernement de cabinet, 266; guerre civile, 27, 35-6; identité nationale, 12; et intérêt national, 161; interrègne, 36-7; liens avec la, 100; ngp en, 321, 322; organismes de direction indépendants, 312; Parlement Act (1911), 85; polarisation idéologique des partis, 211; rapport Northcote-Trevelyan, 334-5; Reform Act (1867), 75, 77; révolution, 5; et union des colonies, 53; et union des Maritimes, 69. Voir aussi institutions politiques et administratives Grande Crise, 131-2, 388 Graves, Frank, 7-8 Gray, Charlotte, 171 Gray, Herb, 216 Grèce antique : démocratie directe, 3, 27; démocratie en, 28-31 Greenspon, Edward, 282 Gregg, Allan, 281 Grey, lord Albert, 86, 122 Griffith, Andrew, 304-5

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groupes d’intérêts, 188, 363-4, 384, 387 Guide du sous-ministre (bcp), 315, 316, 337 Guillaume d’Orange, 38, 39 Guité, Chuck, 342-3 Gulick, Luther, 122 Gurleyen, Pinar, 285 Gwyn, Richard, 50, 51, 53-4, 111 Hackett, Robert A., 285 Hague, William, 414 Hall, Emmett, 357 Hamilton, Alexander, 28, 44, 45, 156 Hamilton, Alvin, 253 Harder, Peter, 61, 245-6, 247, 332 Harper, Stephen: et Alberta, 198-9; et concentration des fonctionnaires à Ottawa, 327, 329; et conférences fédérales-provinciales des premiers ministres, 142; contrat de vente d’armes, 168; et cpm, 262; décisions sur les programmes, 255; définition du Parti conservateur, 182; et démission de Chong, 271; dépréciation de la marque de chefs de partis par, 189; et directeur parlementaire du budget, 224, 225, 474n86; discipline de parti et votes, 210; dotation en personnel des bureaux ministériels, 266; expulsion de Casey du caucus, 209; et fonction publique, 300, 304-5, 345; gouvernance à partir du centre, 266; et Loi fédérale sur la responsabilité, 223, 224; et Loi sur l’accès à l’information, 345, 347; et Loi sur les conflits d’intérêts, 223; et long questionnaire obligatoire du recensement, 304; majorité, 185; marque, 189, 200, 254; et paiements de

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Index

transfert, 158-9; personnel présent aux réunions du caucus, 205; sur le poids des régions, 161; et reddition de comptes, 314-15; réduction du financement de Statistique Canada, 304; et réforme du Parlement, 518n20; et Sénat, 63, 82, 237-8; et Sénat triple E, 229; soutenu par l’Ouest et l’Ontario, 198; et statut du Québec, 271; et transferts fédéraux, 143-4; et tribunaux, 394; victoire grâce aux sièges en Ontario et dans l’Ouest, 154 Harris, Robert, 96 Hartle, Doug, 220 Harvey, T. J., 205 Hausegger, Lori, 362 Haut-Canada : et Confédération, 58; population, 49-50; rebellion, 85; union entre le Bas-Canada et le, 49 hauts fonctionnaires : et bcp, 323; et campagnes électorales permanentes, 348-9, 353, 398; et gestion, 316; gestionnaires, 304, 330, 353, 397-8; installés à Ottawa, 323; et ministres, 323; opinion publique, 318; et partisannerie, 398, 420; et période des questions, 323; et politiciens, 303-4, 397-8; et politiques, 305, 316, 330, 397-8, 420; et pratiques de gestion, 306-7; promiscuité partisane, 349; promotion de la marque du premier ministre, 352; et régionalisme, 173; tactiques de survie, 351-2; et TI, 319-20; travail fondé sur des données probantes, 329 Heintzman, Ralph, 315, 348-9, 419 Henri III, roi, 35 Hepburn, Mitchell, 134

Herle, David, 153, 171-2, 183, 184, 186 Hill Times: sur les lobbyistes, 372; sur le pouvoir et l’influence à Ottawa, 269 Hobbes, Thomas, 27, 41 Hodgetts, J.E., 20, 122 Hogg, Peter, 135 Howard, Phil, 287 Howe, C.D., 187, 196, 252, 253 Howe, Joseph: et Confédération, 57, 72, 103, 109, 110; descendant de Loyalistes, 98; fédéralisme ouvert aux spécificités régionales, 51; Macdonald et, 72; migration vers Ottawa, 127; et non représentation des intérêts régionaux, 109; et Résolutions de Québec, 87 Høyland, Bjørn, 207, 208 Ibbitson, John, 198-9, 201, 269 ibm et fiasco du système de paye Phénix, 317 identité nationale : aux États-Unis, 151; Canada, 12; GrandeBretagne, 12; régionalisme ou, 151 Ignatieff, Michael, 189, 208, 366 Île-du-Prince-Édouard : et abolition du Sénat, 239; et Confédération, 58, 69, 101, 170; construction navale, 115; courtisée par les États-Unis, 69; fermeture de la base aérienne de Summerside, 328; immigrants à, 145; pont de la Confédération, 170; et Résolutions de Québec, 88 immigration/immigrants : et accroissement de la population, 145; destinations, 112-14, 145; et liberté, 145; origines, 112-13, 114; périodes, 112-14; dans les Prairies, 112-13; Seconde Guerre

Index mondiale et, 113; et urbanisation, 113-14. Voir aussi Néo-Canadiens information continue, cycle et réseaux : et autoprotection des institutions, 297; et campagnes électorales permanentes, 190, 291-2, 297; et fonction publique, 305, 353; influence de, 404; maintien de l’intérêt des téléspectateurs, 292; médias sociaux et, 278-9; et nouvelles négatives, 276; politiciens et, 276; et scandales, 384; Sun News, 293-4 infrastructure, plan, 174-5 institutionnalisme historique, 17-18, 389, 401-2, 403 institutions politiques et administratives, 75-80; et aristocratie, 78; Bagehot sur les, 46, 79; cadre constitutionnel, 11; et changements, 11-12, 379; comparées (Grande-Bretagne et États-Unis), 46-7; Confédération et, 380; démocratie directe athénienne, 29; et démocratie représentative, 426; dépendance trajectorielle, 401-2; désinstitutionnalisation des, 400; et élites, 22-3; et élites économiques aux États-Unis, 157; aux États-Unis, 47; État unitaire, 7, 12, 50, 103, 148, 173; et institutionnalisme historique, 17-18; exportation des, 86; fédéralisme et, 155-6; géographie et, 12-13, 380; immobilisme et impression de transformation, 16, 127; importées de Grande-Bretagne, 12, 18, 19, 43, 82, 104, 148, 380; influence britannique, 51, 65, 81, 87, 104; inspirées du modèle de Westminster, 75; institutionnalisme historique et, 401-2; lacunes, 10; de langue française,

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93; et lutte des classes, 157; Maritimes et les, 65; menacées, 6-7; moments charnières et effritement, 401-2; opinion publique sur les, 7, 8-9; Pères de la Confédération et, 43, 47-8, 82, 87; pertinence, 401; philosophes politiques et, 47-8, 50; premier ministre engagé à redresser, 427; provinciales et régionalisme, 155-6; Québec et, 92, 93, 184; et régionalisme, 13, 14, 73, 82, 108, 111-12, 147-8, 149, 155-6, 171, 187, 402, 426; représentation des régions, 9; représentation selon la population, 155-6; révolutions et, 82; satisfaction des intérêts régionaux selon la densité, 7, 14; et situation socioéconomique, 78; volonté politique de redresser, 426 Institut Macdonald-Laurier, 363 iPolitics, 275 Jackman, Robert, 211-12 Jacques II, roi, 37-8, 40 Jaques, Elliott, 259 Jay, Antony, 302 Jay, John, 28, 44 Jean, roi, 34-5 Jefferson, Thomas : et Cicéron, 33; et Déclaration d’indépendance, 33; sur Locke, 41 Jensen, Michael, 302 Jenson, Jane, 183 Jivani, Jamil, 280 Johnson, Al, 308, 353 Johnson, Lyndon B., 162 Johnson, Nevil, 416 Johnston, Donald, 254 Johnston, Richard, 194; The Canadian Party System, 183 Joly, Mélanie, 277 Jones, Jeffrey, 164

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Index

journalisme : citoyen et amateur, 279, 283; et contrôle éditorial, 278; crise, 281-2; écoles de, 278; gouvernement et, 282-3; objectif, 285-6; partisan, 296; vérification des faits, 279. Voir aussi journaux; médias journaux : au Canada atlantique, 280; et Confédération, 100; effet des fermetures sur les communautés, 280-1; implosion des médias et, 276; opinion publique sur les, 289; organisation de partis en 1867, 90-1; et partisannerie, 277; régionaux et locaux, 280. Voir aussi médias traditionnels juges : à propos des, 359-60; comptes de dépenses, 362; et élaboration des politiques publiques, 106; indépendance, 355, 360, 361; nommés par les politiciens, 355, 359; notoriété, 360, 361; opinion publique sur les, 361-2; partis politiques et, 355, 359-60; et primauté du droit, 366; retraite, 360; surnuméraires, 360-1; et transparence, 361; et vérité, 355. Voir aussi tribunaux Justice, ministère de la : et Charte canadienne des droits et libertés, 358; personnel en 1867, 118 Justinien (empereur), 32 Keating, Michael, 349 Kelly, James B., 358 Kenney, Jason, 146 Kent, Tom, 261 Khashoggi, Jamal, 168 Kilgour, David, 209 Killam, Thomas, 68 King, William Lyon Mackenzie: et Commission Rowell-Sirois, 132,

133-4, 138; effort de guerre, 196; et milieu des affaires de Montréal et Toronto, 196; sur le prélèvement de recettes par des gouvernements, 142 Kirby, Michael, 61, 243 Kirby-Segal report, 247 Knopff, Rainer, 394 Kroeger, Arthur, 321; « The Elected Should Have the Last Word », 316 Laforest, Guy, 13 Lagarde, Christine, 175 Lalonde, Marc, 163-4, 187 LaMarsh, Judy, 252 Langton, John, 98 langues : clivages et partis politiques, 184; fédéralisme et, 157; Loi sur les langues officielles, 106, 329, 397; officielle, 152-3; et régionalisme, 152-3 LaSalle, Roch, 353 Laskin, Bora, 131 Laurier, sir Wilfrid, 107, 195-6 Lavigne, Brad, 284 LeBlanc, Dominic, 197, 329 LeBlanc, Roméo, 254, 360, 508n23 Lebouthillier, Diane, 338 Legault, Suzanne, 347 Lemco, Jonathan, 207, 211 Lester, John, 372 Levant, Ezra, 294 Levine, Allan, 297 Levitin, Daniel, 10 Lewis, Justin, 291 libre-échange. Voir Accord de libreéchange Canada–États-Unis; échanges commerciaux lieutenants-gouverneurs, 123-4 Lijphart, Arend, Patterns of Democracy, 312 Lincoln, Abraham, 121 Loader, Brian, 296

Index Loat, Alison, 181 lobbyistes et lobbying : adoption du pen et, 369; et bcp, 371; et Chambre des communes, 371; commissaire au lobbying, 369, 371, 374; concentration à Ottawa, 326, 356, 374; et cpm, 369, 371; demande, 370; égalité ou inégalité, 375; et élite, 374-5; et gouvernance à partir du centre, 372-4; Hill Times sur les, 372; industrie centrée sur Ottawa, 372-3; influence des, 371-2; intérêt des clients, 374; issus de la fonction publique, 372, 373; loi régissant les activités, 369; et organismes gouvernementaux, 371; et partis politiques, 370; patience, 373; politiques publiques et, 22-3; pouvoir, 355; et premiers ministres, 369, 370, 373; salariés, espérance de vie, 370; salariés ou conseils, 369; secteur privé, 371; et Sénat, 246; sources de conseils politiques au dépens de la fonction publique, 399; et transformation des relations entre la société et le gouvernement, 372; tribunaux comparés aux, 355, 373; types d’activités, 371; et vérité, 355 Locke, John, 27, 39-41, 42, 43, 302 Loi constitutionnelle de 1867 : Autochtones dans la, 96; préambule, 50 Loi constitutionnelle de 1982 : effet transformateur, 393-4; formule de modification, 236-7, 393, 395; modification, 130; péréquation dans la, 142; Québec et, 236, 394 Loi électorale du Canada, 410, 411 Loi fédérale sur la responsabilité, 223, 224

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lois : Code Justinien, 32; Cour suprême et, 358; pouvoir absolu et, 32; romaines, 33-4 Loi sur l’accès à l’information : et anonymat des fonctionnaires, 344-5; commissaire, 347; effets, 344-7; et fonction publique, 344-7; et médias, 276, 297, 345-6; opposition et, 344; et scandale des commandites, 345-6; transparence et, 110; P. Trudeau et, 356 Loi sur l’emploi dans la fonction publique, 426 Loi sur les conflits d’intérêts, 223 Loi sur le service civil (1918), 335 Loi sur les soins médicaux, 144 Lord, Bernard, 370 Louis XIV, roi, 38, 42 Lower, Arthur, 13-14 Loyalistes, 65, 98-100 Lumley, Ed, 254 Lynn, Jonathan, 302 MacDonald, Bill, 150 MacDonald, Flora, 304 Macdonald, John A.: sur les Autochtones, 91; Cabinet, 111, 116, 121; et Canada-Ouest, 60; et colonies maritimes, 184; et Confédération, 50, 53-4, 56, 59, 65, 69, 70, 81, 88, 111, 380; et Conférence de Londres, 65, 68; et Couronne britannique, 67; et État unitaire, 52, 66, 72, 105, 124, 387; et favoritisme, 120; et fédéralisme, 51-2, 81, 128-9, 131, 236; sur les femmes, 97; formule de modification, 71; gain de cause, 70, 81, 101; et gouvernement national centralisé, 72, 105; et gouvernements provinciaux, 72, 105, 123-4, 127, 128, 141; et impasse entre les

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Index

Canada-Ouest et Est, 81, 184; institutions britanniques et, 51, 52; intérêts régionaux confiés au Cabinet, 120; et médias, 100; né en Grande-Bretagne, 91; et Parti libéral-conservateur, 110, 207; Politique nationale, 133; sur les provinces, 53; et régionalisme, 12, 15, 52, 73, 105, 184; et représentation selon la population, 110; et Résolutions de Québec, 66, 68, 70; responsabilité pour son ministère, 335; et révocation de lois provinciales par le gouvernement fédéral, 124; et Sénat, 13, 33, 58, 59, 77, 109, 382; et sous-ministres, 108; et système judiciaire, 106; et The Mail, 90-1; unité du Canada, 12; votes de députés contre le gouvernement de, 207 Macdonald (Commission). Voir Commission Macdonald (union économique et perspectives de développement) MacDonnell, Richard, 57 MacEachen, Allan J., 187, 252, 302, 304 MacEachern, Greg, 374 Macfarlane, Emmett, 238-9, 357, 362, 394; Governing from the Bench, 359 Mackenzie, Alexander, 118, 127-8, 194, 259 Mackintosh, W.A., 134 MacLauchlan, Wade, 239 MacMillan, Michael, 181 MacNutt, W.S., 66 Macpherson, C.B., vii-viii Mactavish, Anne, 366 Madison, James : et Constitution, 28, 44; sur la démocratie, 4; Notes of Debates in the Federal Convention of 1787, 52; et

système fédéral de gouvernement, 44 Magna Carta, 34-5, 43 Mahler, Gregory, 13 Major, John, 210 Mallory, J. R., 124 Malloy, Jonathan, 210 Manitoba, expansion du territoire, 155 Manning, Preston, 64, 171 Mansbridge, Peter, 252 March, James G., 19 Marie II, reine, 38 Maritimes : accrochées au territoire défini ou union, 155; adhésion aux États-Unis, 65; Cartier et, 184; chemin de fer national, 67, 103; et Confédération, 53, 65-6; à la Conférence de Québec, 58; construction de canaux, 169; construction navale dans les, 170, 196; entente entre deux nations, 14; fidélité à la Couronne, 81; Grande Crise dans les, 131; institutions britanniques et, 65; intermédiaire impartial entre l’Ontario et le Québec, 65, 107; Loyalistes dans les, 65; Macdonald et, 184; mouvement anti-Confédération, 68-69; Mouvement des droits des, 112, 174; nombre des postes au Cabinet, 65; office des colonies britanniques, 54; pions dans les négociations de la Confédération, 88; et plan d’infrastructure, 174-5; pour dénouer l’impasse entre les Canada-Est et Ouest, 184; et pouvoir de Chambre des Communes, 58; reine Victoria et les, 67; représentation au Cabinet, 107; représentation dans la fonction publique, 108;

Index et Résolutions de Québec, 66-7; Sénat et, 58, 81, 229; union, 54, 57-8, 65, 69, 155. Voir aussi Îledu-Prince-Édouard; NouveauBrunswick; Nouvelle-Écosse Marland, Alex, 188-9, 254, 347 Marleau, Robert, 212; La procédure et les usages de la Chambre des communes, 269 marque : et ambassadeurs de, 291-3; à propos, 188-91; campagnes électrorales permanentes et stratégie de, 189; chefs de partis et, 188, 189, 190, 191, 200; et démocratie, 188; dépréciation, 189; des partis politiques adverses, 189; idéologie ou valorisation de la, 184; et jeu des accusations, 291-2; médias sociaux et, 190; de ministres, 254; partis politiques, 200; politiques ou, 188; premiers ministres et, 191, 352; de premiers ministres ou de ministres, 254; sondeurs et, 200 Marshall, Geoffrey, 336 Marshall, Hamish, 294-5 Martin, Ged, 53 Martin, Lawrence, 262, 276 Martin, Paul : sur le cpm, 368; sur le déficit démocratique, 400; entente fédérale-provinciale sur la santé, 141; et fonctionnaires, 304; marque comme ministre, 254; questions régionales ou nationales, 161; et réforme du Parlement, 518n20; vote à trois catégories, 210 Mason, Gary, 165 Massicotte, Paul, 61-2, 414 Mayrand, Marc, 6 McCain, Harrison, 340 McClung, Nellie, 149 McGuinty, David, 161, 162

545

McHardie, Dan, 285 McKenna, Frank, 204 McLachlin, Beverley, 22, 109-10, 358, 361, 375 McLaughlin, David, 190 McLuhan, Marshall, 12 McNeil, Stephen, 149-50 mdn. Voir Défense nationale, ministère de la (mdn) Meckling, William, 262 médias : et agents du Parlement, 222; et budgets et prévisions, 217; et chefs de partis, 255; et concentration des fonctionnaires à Ottawa, 330; et Conférence de Londres, 68, 100; et démocratie, 276-9, 298; et démocratie représentative, 7; désinstitutionnalisation, 281-2, 298; et directeur parlementaire du budget, 224-5; de droite, 293-4; et erreurs des fonctionnaires, 348, 350; implosion des, 276; influence des, 4045; instruments d’engagement ou d’information, 298; liberté, 277; et Loi sur l’accès à l’information, 345-6; nationaux et élite, 295; opinion des députés dans les, 207; opposition et, 226; Parlement et, 408; et partisannerie, 276-8; politiciens et, 277; premier ministre seule voix qui compte, 416; et premiers ministres, 255, 297; quatrième pouvoir, 276; et régionalisme, 295-6; sur le Sénat, 60, 230-1, 240-2, 247; stéréotypes, 295-6; suivi en temps réel, 297; surcharge informationnelle, 298; système médiatique hybride, 298; J. Trudeau et, 252. Voir aussi journalisme; médias sociaux; médias traditionnels; nouveaux médias

546

Index

médias sociaux : aucun contrôle éditorial, 297; avantages et inconvénients, 283, 284, 286; et campagnes électorales permanentes, 190, 297; chambres d’écho, 282, 287, 290, 293; et délégitimation des institutions, 297; et démocratie, 279; et démocratie représentative, 11, 286, 290; dépendance envers les, 289; détachés des faits, 405; The Economist sur les, 284; élite ou, 282, 296-7; et exactitude de l’information, 284; et faits alternatifs, 296; et fausses nouvelles, 283-4, 286-7, 290; et fonction publique, 353; gestion descendante par le gouvernement, 288; et hiérarchie, 405; hyperpersonnalisation de l’information, 10-11, 22; et instabilité politique, 286; et intérêt public, 282; et jeu des accusations, 289; et jugement populaire, des représentants élus ou des experts, 408; et marque, 190; médias traditionnels comparés aux, 278-9, 290, 296; ministères et, 287; mouvements de droite, 293; Obama sur les, 284; et objectivité, 282; et participation politique, 286, 288; et partisannerie, 297; passe droit moral, 290; politiciens et, 287; et politiques, 288; pourcentage de consommation, 289; prise de décisions gouvernementales et, 288; et programmes, 288; promotion de l’affinité élective, 290; publicités, 284; publicités gouvernementales dans les médias sociaux ou imprimés, 288; raréfaction de l’attention, 298; et réflexe d’autoprotection des institutions, 297; relations des

politiciens et fonctionnaires avec les, 22; rôle et responsabilités, 277; et scandales, 384; sondage sur les, 281; J. Trudeau et, 288 médias traditionnels : adaptés pour intéresser les citoyens à la politique, 405; âge d’or, 277; contrôle éditorial, 297; et couverture équilibrée, 296; et démocratie, 404; en difficulté, 279-80; gouvernement et, 282-3; imprimés, 10, 288, 296; information continue et, 285; journalistes sur plusieurs plateformes, 285; lecteurs et revenus à la baisse, 275; médias sociaux comparés aux, 278-9, 290, 296-7; nouveaux médias comparés aux, 278-9, 282; et objectivité, 277, 278, 296; publicités gouvernementales dans les médias traditionnels, 288; et vérification des faits, 296, 297. Voir aussi journaux meer. Voir Expansion économique régionale, ministère de (meer) Meisel, John, 191 Mendelsohn, Matthew, 62, 262 Mercea, Dan, 296 Mercer, Terry, 246 Mexique : exportations vers le, 116; libre-échange avec le, 115 Mill, John Stuart, 27, 83; Representative Government, 122 La minerve, 101 ministères : ateliers fermés, 123; autonomie, 120; chefs de cabinet, 324; en 1867, 119; et ententes fédérales-provinciales, 141; mandat clair, 122-3; et médias sociaux, 287; ministres dotés d’un statut, 253; comme monopoles, 306; responsabilités, 121; systèmes de comptabilité, 120, 122, 123; tolérance au risque,

Index 338; unités fédérales-provinciales ou intergouvernementales et, 140, 141 ministères fédéraux : en 1867, 117 ministres : absence de marque, 254; et budgets, 213; Chrétien sur les, 268; cibles des reproches, 417; démissions de principe, 270-1; dotation en personnel, 417; hauts fonctionnaires et, 323; interventions de nature administrative, 120, 125; mission, 253; obligation de rendre compte, 126; participant au processus, 254; et politiques, 253, 335; pouvoirs, 252; premiers ministres et, 416; puissants, 256-7; régionaux, 187, 199, 252, 400, 407; responsabilité imputée aux fonctionnaires, 337-8; responsables devant le Parlement, 251; statut, 253 Mission technique de l’Amirauté britannique, 196 Mockler, Percy, 228 « moi, moi, moi », génération du (Times), 11 moments charnières/transformateurs. Voir transformation monarchie : d’absolue à constitutionnelle, 38, 43, 46; Act of Settlement, 34; aristocratie et, 83; Bagehot sur la, 76; Chambre des communes britannique et, 4; Chambre des communes et, 36; confidentialité au Cabinet contre, 273; Déclaration des droits, 34, 38; droit divin de gouverner, 5, 34, 40; empereur romain, 31-2; Glorieuse révolution, 37-9, 42; Locke et, 40; Magna Carta, 34-5; Paine sur, 41; Parlement et, 35-9; Pères de la Confédération et, 67, 87; et

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pouvoir absolu, 4; premiers ministres comparés à la, 256, 273; restauration, 37 Montesquieu, Charles, 41, 43 Montpetit, Camille, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 269 Moore, Christopher, 414 Moores, Frank, 370 Morneau, Bill, 282-3 Morton, F.L., 394 Mowat, Oliver, 51 Mulroney, Brian: et accords du lac Meech et de Charlottetown, 313; et concept d’organisme, 313; et cpm, 261; élection de Waters comme sénateur, 229; et fonction publique, 299-300; et ngp, 312; et partis régionaux, 185; et Québec, 313; sur les réunions de caucus, 204; usine de fabrication de véhicules militaires à Bear Head, 166; et veto suspensif pour le Sénat, 236 Mulroney, David, 260 Murphy, Shawn, 216 Murray, Lowell, 217, 268, 412 Murray, sir George, 120 Nanos, Nik, 237, 262 National Post, 280, 281 Néo-Canadiens, 405-6; et égalité, 146; et liberté, 146; participation politique, 145; et partis politiques, 146; pourcentage de la population, 145; et représentation selon la population, 146-7; valeurs, 146 Newman, Nic, 278 Nicholson, Rob, 206 Noël, Alain, 147 Notes of Debates in the Federal Convention of 1787 (Madison), 52

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Index

Nouveau-Brunswick : et chemin de fer national, 88; et Confédération, 55-6, 65-6, 207, 273; construction navale, 115, 164; égalité des deux communautés linguistiques officielles, 395; et entente fédérale-provinciale sur la santé, 150-1; et union des colonies de l’Amérique du Nord britannique, 49; gouvernement responsable au, 55; immersion précoce en français (programme), 363; immigrants au, 145; infrastructure, 390-1; et libre-échange entre les provinces, 395; Loyalistes au, 98; médias sur le droit de se faire entendre, 107; et oléoduc Énergie Est, 164, 165; et Résolutions de Québec, 66, 70, 88; et Sénat, 62; services de soins de santé, 364; système de paye Phénix, 317; unité des approvisionnements et des services, 328 Nouveau Parti démocratique (npd) : régionalisme et, 153; et Sénat, 229, 231, 239 nouveaux médias : et démocratie, 279; et engagement civique, 405; médias traditionnels comparés aux, 278-9, 282; opposition au monde politique, 408; politiciens et, 275; et stéréotypes régionaux, 296. Voir aussi information continue, cycle et réseaux; médias sociaux Nouvelle-Écosse : absence d’une série de la cbc lors du 150e du Canada, 149-50; et chemin de fer national, 88; et Confédération, 57-8, 65-6, 207, 273; construction navale, 115, 164, 196; et entente fédérale-provinciale sur la santé, 150-1; et union des

colonies de l’Amérique du Nord britannique, 49; fabrication de véhicules militaires, 166, 168, 170; gouvernement responsable en, 49, 86; Loyalistes en, 98; mouvement anti-Confédération, 68-9, 110; et Résolutions de Québec, 66, 70, 88; et Sénat, 62; Voie maritime du Saint-Laurent et, 170 nouvelle gestion publique (ngp), 220, 312-14, 320-2, 340-1, 396, 398 Nouvelle-Zélande : discipline de parti en, 211; idéologies de partis en, 183; moments transformateurs en, 322; ngp en, 313, 321, 322 Nunziata, John, 209 Obama, Barack, viii-ix, 284 Ober, Josiah, 29 office des colonies britanniques : à propos de, 54; et colonies maritimes, 65; et Confédération, 13, 50, 53, 55, 70; et démocratie, 86; et Maritimes, 54; et NouveauBrunswick, 55; relâchement des liens avec les colonies, 87 O’Leary, Kevin, 153 Olsen, Johan P., 19 O’Neill, Brenda, 298 Ontario : allié du Québec, 107-8; et Cabinet de J. Trudeau, 199; et chefs du parti Libéral du Canada, 194; Chrétien et, 197-8; et Commission Rowell-Sirois, 134; et Confédération, 55; construction de canaux, 169; décisions du fédéral en faveur de, 169; effort de guerre en, 169-70, 196; élections fédérales gagnées ou perdues en, 184; expansion du territoire, 155; fonctionnaires

Index fédéraux en, 327; immigrants en, 145; impuissance du Canada atlantique face à, 166, 168; industrie de défense, 166-7; libre-échange et maritimisation de l’économie, 195; Loyalistes en, 98; montant versé au fédéral ou reçu du fédéral, 160; Pacte de l’automobile, 162-3; paiements au titre du tcs, 159; et paiements de transfert, 151; Politique nationale et, 169; pouvoir, 154, 158, 159, 186; Programme énergétique national et, 169, 197; régionalisme, 173-4; régionalisme comme forme de nationalisme, 112; et représentation selon la population, 171; révocation de lois par le gouvernement fédéral, 73; et Sénat, 61, 62, 64, 82; et Sénat élu, 58-9; vente d’armes à l’Arabie saoudite, 167, 168 opinion publique : sur la Chambre des communes, 202; sur la Cour suprême, 362; sur la démocratie, 3, 7-8, 30; sur la fonction publique, 344, 387; sur les hauts fonctionnaires ou fonctionnaires de première ligne, 318; sur les institutions politiques et administratives, 8-9; sur les journaux, 289; sur les médias sociaux, 281; sur le Parlement, 362, 386-7; premiers ministres et, 558; sur le Sénat, 362; sondages, 187; sur le système judiciaire, 361-2; sur le système politique, 387 opposition : et agents du Parlement, 222, 223, 342; et budget, 226; et jeu des accusations, 342; et Loi sur l’accès à l’information, 344; et manchettes nuisibles au gouvernement, 221; et médias, 226;

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et responsabilisation gouvernementale quant aux dépenses, 226 organismes centraux, 338; et jeu des accusations, 342-4; nombre de, 265; premiers ministres et, 416; et rapports redditionnels, 340, 341, 354; rôle, 417-18; scandale des commandites et, 342-4; taille, 265, 417-18; taille et influence croissantes, 261, 339-40. Voir aussi Bureau du Conseil privé (bcp); Cabinet du Premier ministre (cpm); Finances, ministère des; Secrétariat du Conseil du Trésor organismes de services spéciaux (oss), 312-13 Ornstein, Michael, 151 Osborne, David, 309 Ouellet, André, 254 Ouest du Canada. Voir Canada-Ouest Owen, Taylor, 284 Oxford Internet Institute, 290 Pacte de l’automobile, 162-3 paiements de transfert : en fonction du nombre d’habitants, 159; grand compromis canadien, 81, 136, 148; inégalité entre les provinces, 159; investissements en recherche et développement ou, 160; Ontario et, 151; programme de péréquation, 19, 1425, 158-9; provinces pauvres et provinces riches, 159; au Québec et opposition à l’oléoduc Énergie Est, 108; retombées locales du Pacte de l’automobile ou, 163; selon l’aanb, 123 Paine, Thomas, 27, 41-2, 43; Les droits de l’homme, 31, 42; Le sens commun, 42 Palmerston, lord, 335

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Index

Paltiel, Khayyam, 90-1 Paquin, Stéphane, 16 Parlement : agents du, 221-6; Bagehot sur le, 39, 76; Charte canadienne des droits et libertés et, 357, 394; Cour suprême et, 109-10; Déclaration des droits et, 48; déclin du, 213; et démocratie représentative, 409; et dépenses gouvernementales, 212-13, 214, 216; domination de l’exécutif sur le, 202; examen des projets de loi, 411; gouvernance à partir du centre ou du, 407; histoire du, 35-6; importance, 201; médias et, 408; ministres responsables devant le, 251; monarchie et, 35-9; observateur plutôt que participant, 129; opinion publique sur le, 362, 386-7; organe permanent, 36; premiers ministres et, 409-10; premiers ministres et transformation du, 383-4; projets de loi omnibus, 411; et réforme du Sénat, 238; renforcement du rôle du, 408, 409-10; et Résolutions de Québec, 66; et responsabilisation gouvernementale, 219; rôle, 202; suprématie du, 109, 126, 356, 394, 408; tribunaux par rapport au, 76; tribune de la presse, 278, 280; usage du français au, 148 Parrish, Carolyn, 210 participation politique : immigration et, 145; médias sociaux et, 286, 288; partis politiques et, 192-3 Parti conservateur : chefs, 194; comité national de sélection des candidats, 192; défini par Harper, 182; Néo-Canadiens, 146; nomination de candidats, 192; sur le programme d’aide à

l’industrie journalistique, 283; régionalisme et, 153; succès électoral, 195, 198 Parti libéral, 183; acclamation des candidats, 212; et agents du Parlement, 222-3; à propos, 193-4; et changement au Sénat, 239; chefs, 193-4, 195; défini par J. Trudeau, 182; domination du, 195; élections de 1867, 110; nomination de candidats, 192; « parti naturel » du Canada, 193-4; et Politique sur les résultats, 218; régionalisme et, 153; et scandale Facebook-Cambridge Analytica, 287; succès électoral, 194 Parti libéral-conservateur, 110, 111, 207 Parti progressiste, 112 Parti Québécois, 352 Parti réformiste, 112, 153, 174, 185, 237 partisannerie : campagnes électorales permanentes et, 348-9; conseillers partisans, 324-5; et conseils en matière de politiques, 308; discipline de parti et, 208; fonction publique et, 308, 331, 348-9, 351-2, 396; hauts fonctionnaires et, 349, 398, 420; journalisme et, 296; journaux et, 277; médias et, 276, 297; nomination des fonctionnaires, 334; selon Bob Rae, 11; Sénat et, 240, 247, 382. Voir aussi Chefs de partis; Discipline de parti; Favoritisme; Partis politiques partis politiques : adhésion, 179; et agents du Parlement, 222; aliénation d’importants segments de la société, 193; et ambassadeurs de, 291-3; et campagnes électorales permanentes, 189; candidats,

Index pouvoir du chef de rejeter des, 411; clivages linguistiques, 184; et confiance de la Chambre des communes canadienne, 193; Couronne et, 76-7; définition croissante des orientations, 207; et démocratie représentative, 191; dépenses fédérales sans égard aux, 141; désinstitutionalisation, 200; en 1867, 90, 110-11, 207; et engagement citoyen en politique, 192-3; évolution, 110-12; expression de l’intérêt régional, 184; fonctionnement au sein du Parlement, 193; fonction publique comme extension du parti au pouvoir, 381; et géographie, 184; et idéologie, 183; immigration et, 146; information des citoyens par les, 187; intermédiation, 183; juges et, 355, 359-60; lacunes, 193-5; lobbyistes et, 370; loyauté envers les, 209; marketing stratégique, 184; membres, 187; nombre de membres, 8; nomination de candidats, 181, 192; périodes de la politique partisane, 194; perte d’image au profit des chefs, 200; polarisation idéologique en Grande-Bretagne, 211; politiciens novices ou de carrière, 180; et politique nationale, 193; et politiques, 9, 187; et pouvoir du premier ministre, 212; précision de la définition depuis 1867, 126; et programmes fédéraux-provinciaux, 142; reflets des divisions fondamentales de la société, 191; et régionalisme, 14, 112, 153, 185, 191, 192, 195, 198-9; rôles et fonctions, 188, 191, 199-200; Sénat et, 61; similitude entre les deux principaux, 211; et

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sondeurs, 186; système uninominal majoritaire à un tour, 195; tiers, 212; union Canada-Ouest– Canada-Est, 50. Voir aussi Chefs de partis; Discipline de parti path depedency. Voir dépendance trajectorielle patronage. Voir favoritisme Patterns of Democracy (Lijphart), 312 Pawley, Howard, 168-9 Pearson, Lester B., 162, 252, 260, 261 Pêches et Océans, ministère des, 338, 367-8 Pépin-Robarts (groupe de travail), 234 péréquation, programme de, 19, 142-4, 158-9 Pères de la Confédération : et Autochtones, 96; et démocratie, 4; désaccord, 88; deux nations (concept), 12; et fédéralisme, 72; et gouvernements provinciaux, 250; importation des institutions politiques et administratives, 18; et institutions britanniques, 81, 82, 87; institutions politiques et, 44, 47-8; et Locke, 40; pragmatisme, 43; reçus chevaliers, 84; scolarité, 51; et Sénat, 87, 228; système parlementaire de type Westminster et fédéralisme, 19. Voir aussi Confédération; nom de chacun Perez, Andrew, 185 Perry, Barbara, Right Wing Extremism in Canada, 293 Peters, B. Guy, 17, 311 Petter, Andrew, 139 philosophes politiques, 27, 39-43, 47-8, 50 Platon, 3, 27, 28, 34; La République, 30

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Index

politiciens : et anonymat des fonctionnaires, 337-8; aspirants, 179, 181; connaissance des questions de politique, 307; critiques envers la fonction publique, 299-300, 302, 304, 308; défaite, 180; entente avec la fonction publique, 301, 351, 396-7; et gestionnaires du secteur privé, 309; et hauts fonctionnaires, 303-4; et indépendance judiciaire, 360; institutionnalisme historique, 18; juges nommés par les, 355; et médias, 277, 404; et médias sociaux, 287-8; et nouveaux médias, 275; novices ou de carrière, 180; opinion publique sur les, 8; orientation des politiques, rôle de la fonction publique ou des, 397-8; et pouvoir politique, 126; et régionalisme, 173; relations avec la fonction publique, 20, 127, 331; et responsabilité ministérielle, 341; et secteur privé, 309. Voir aussi députés; ministres; premiers ministres Politics at the Centre (Cross, Blais), 414 The Politics of Public Spending in Canada (Savoie), 214, 252-3 Politique nationale, 133, 161, 169 politiques : approche universelle du gouvernement fédéral, 390-1; Cabinet et, 417, 427; Charte canadienne des droits et libertés, 368; choix logique et rationnel selon l’institutionnalisme historique, 389; connaissances des politiciens, 307; conseillers partisans et, 324-5; Cour suprême et, 127, 359, 363-5, 368; critiquées par les députés en caucus, 204-5; et État providence, 389; fonction publique et, 300, 302, 335, 420,

421; groupes d’intérêts et, 188; hauts fonctionnaires et, 305, 316, 330, 420; influence du système judiciaire, 106; institutionnalisme historique, 18; lobbyistes et, 399; marque ou questions de, 188; médias sociaux et, 288; ministres et, 335; nationales, gouvernements provinciaux et, 388; orientation par les politiciens, 397; partisannerie et, 308; partis politiques et, 9, 187; premiers ministres et, 256; premiers ministres provinciaux et, 156; régionales ou nationales, 154; sous-ministres et, 308; télévision et, 292; tribunaux et, 126, 366, 368 Politique sur la structure de la gestion, des ressources et des résultats (sgrr), 218 Politique sur les résultats, 218-19 population : Canada-Ouest et Est, 49; changements depuis 1867, 112-14; croissance, 112-13; démographie, 104, 112-14; en 1867, 91; Haut et Bas-Canada, 49-50; immigration et croissance démographique, 145; née à l’étranger, 114; nombres, 112-13; origines diverses, 112; pourcentage de Néo-Canadiens, 145. Voir aussi représentation selon la population Postmedia (groupe), 281 Potter, Andrew, 281-2 pouvoir : changement au sein du, 402; Charte et transfert du Parlement aux tribunaux, 357; des chefs de partis, 255-6; déplacé de l’arène politique vers les fonctionnaires, 141; exécutif, issu des Communes, 108; de l’exécutif, 42; des lobbyistes,

Index 355; moments charnières et concentration du pouvoir, 402; de l’Ontario, 186; de l’Ouest du Canada, 186; passage de la Couronne au Parlement, 39; politiciens et, 126; des premiers ministres, 212, 251, 252, 255, 261, 384, 416; des premiers ministres provinciaux, 158, 250; du Québec, 186; représentation selon la population et, 155-6; des tribunaux, 355. Voir aussi concentration du pouvoir pouvoir absolu : en France, 42; lois et, 32; monarchie et, 4, 31-2 Prairies : Grande Crise dans les, 131; immigration, 112-13 Pratte, André, 414-15 premiers ministres : agents de transformation, 407, 409; et budget, 215; Bureau du Conseil privé et, 267-8; et Cabinet, 111, 256, 272, 417; et caucus, 205; cibles des reproches, 417; circonscription des, 259; concentration du pouvoir, 45, 402, 426; et concept d’organisme, 313; conseillers partisans des, 324-5; contrôle de l’accès au pouvoir, 384; et Cour suprême, 357, 359; et cpm, 256; députés et, 205; engagement envers la transformation, 399; engagement envers le redressement des institutions politiques, 427; exigences de la tâche, 258-9; formation universitaire, 84; et gouvernance à partir du centre, 384, 407; gouvernement de cabinet et, 80; interventions de nature administrative, 120; juges nommés par, 359; lobbyistes et, 369, 370, 373; marque, 191, 254, 352; et médias, 255, 297; médias et

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influence des, 416; et ministres, 416; et ministres animés par une mission, 253; et ministres régionaux, 187, 557; monarques comparés aux, 256, 273; néo-Canadiens et, 406; nomination des sous-ministres, 421; nominations à la Cour suprême, 127; nominations au Sénat, 60; obligation de rendre compte, 126; et organismes centraux, 416; et Parlement, 409-10; et politiques, 256, 417; pouvoir de nomination, 421; pouvoir des, 212, 251, 252, 255, 256-7, 261, 416; premiers ministres provinciaux et, 384; et réforme électorale, 386; et régionalisme, 111-12; et sondages, 558; et sous-ministres favorables à leur programme, 398; système de défiance constructive, 411; et transformation du Parlement, 383-4 premiers ministres provinciaux : élaboration de politiques, 156; Ottawa montré du doigt par les, 158; pouvoir des, 158, 250; pouvoir fédéral de dépenser et, 156; et premier ministre, 384; régionalisme et, 156 presse. Voir journaux La Presse, 230, 241, 295 prévisions budgétaires : Bibliothèque du Parlement sur les, 214; députés et, 216-17; fonctionnaires et, 413; médias et, 217; opacité, 220; régionalisme et, 219 prévisions de dépenses : en 1867, 117-18 Prime Ministerial Power in Canada (Dutil), 111, 256, 519n32 prise de décisions : Bureau du Conseil privé sur la, 260; centrée

554

Index

sur le premier ministre et ses courtisans, 264; concentration du pouvoir et, 258; critique des députés en réunions de caucus, 205; fédéralisme à trait d’union et, 136; médias sociaux et, 288; par les provinces, 157-8; pratiques de gestion du gouvernement ou du privé, 397 La procédure et les usages de la Chambre des communes (Marleau et Montpetit), 269 programme d’infrastructure, 390-1 Programme énergétique national (pen), 169, 197, 369 programmes, mise en œuvre des : Cour suprême, 127; déséquilibre budgétaire fédéral-provincial et, 144-5; fédéralisme à trait d’union et, 136; tribunaux et, 364-5 Pross, Paul, 187 protectionnisme, 114 provinces : admission des territoires comme, 395; représentation dans la fonction publique, 108 provinces maritimes. Voir Maritimes The Public Purse (Ward), 119 Québec : et abolition du Sénat, 239; allié de l’Ontario, 107-8; appui des dirigeants politiques, 184; et cabinet de J. Trudeau, 199; Chrétien et, 198; Code civil, 70; et Commission Rowell-Sirois, 134; et Confédération, 70, 92-3; et Conférence constitutionnelle de Victoria, 392; et Constitution, 393; construction de canaux, 169; construction navale, 163-4; et Cour suprême, 173; Cour suprême et référendum, 367; Davie Canada, constructeur

naval et, 163-4, 170; décisions du fédéral en faveur du, 169; à la défense des intérêts du Canada français, 388; Direction du contrôle du remboursement des chèques (Matane), 328; effort de guerre au, 169-70, 196; Église catholique, 92, 106; et entretien des F-18, 168, 170, 313; et « épanouissement national », 152; expansion du territoire, 155; fonction publique au, 127, 327; garantie constitutionnelle d’un nombre de sièges aux Communes, 383; Harper et, 185, 237-8, 271; immigrants au, 145; insatisfaction envers le fédéralisme, 142; et institutions politiques et administratives, 92-3, 184; et lois constitutionnelles, 236; Loyalistes au, 98; et modification constitutionnelle de 1982, 313; et mouvement souverainiste, 197, 313, 352-3; et oléoduc Énergie Est, 164-5; et Parti libéral, 183, 194; Politique nationale et, 169; pont Champlain, 170; pouvoir, 165, 186; pouvoir du premier ministre provincial, 158; Programme énergétique national et, 169, 197; et réforme du Sénat, 62, 237-8, 241, 245; et représentation égale, 81; révocation de lois par le gouvernement fédéral, 73; et Sénat, 61-2, 64, 74, 81, 82, 87; et Sénat élu, 58-9; statut particulier, 74, 172, 236; J. Trudeau et, 292 Radwanski, Adam, 263, 292 Radwanski, George, 346 Rae, Bob, 11, 185 Ralliement créditiste, 112 rapport Bennett-Gray, 213

Index rapport Kirby-Segal, 61-2, 243-4, 248, 407, 414 rapport McGrath, 213 rapport Murray, 335 rapport Northcote-Trevelyan, 334-5 rapport Tait, 419 Rathgeber, Brent, 181-2, 192, 202 rationalisation des choix budgétaires (rcb), 214, 218-19, 263 Reagan, Ronald, 299, 308, 312 The Rebel, 294-5 reddition de comptes : et dépenses gouvernementales, 212-13, 214, 216-21, 226-227; État providence et, 389; fédéralisme hybride et, 389; fonction publique et, 301, 397; fonction publique et dépenses gouvernementales, 219-20; gouvernement de cabinet et, 273; Parlement et, 219. Voir aussi responsabilité référendums : Canada, 4; et Confédération, 55-6, 66 réforme électorale, 385-6, 409-10 régionalisme : aanb et, 71; et accroissement des tensions, 175; alliance Ontario-Québec, 107-8; Cabinet et, 19, 120, 121, 230, 381, 557; Canada anglais, 153; Canada-Est et Ouest et, 73, 102-3; Canada « pays de régions », 151; des Canadiens français, 152-3; et caractéristiques distinctes, 14; dans la Chambre des représentants, 211; chefs de partis et, 185; et choix d’une femme pour un billet de banque, 149; aux Communes, 211; et concept d’administrateur des comptes, 316; Confédération et, 70, 100, 102-3; Constitution américaine et, 48; critiques issues du, 16-17; et déficit

555 démocratique, 406; dépenses gouvernementales et, 160, 214-15, 413; députés et, 204, 211, 219; domination du, 108, 173-5; économie et, 151-2; égalité, 82, 175; et entente fédérale-provinciale sur la santé, 150-1; et ententes particulières, 150; et envie régionale, 151, 391; fédéralisme et, 14, 51, 147-8, 157, 174; fédéralisme hybride et, 390, 391; et fiasco du système de paye Phénix, 317; fonction publique et, 354, 399, 419; gouvernements provinciaux et, 399; hauts fonctionnaires et, 173; identité nationale ou, 151; institutions d’inspiration britannique, 147-8; institutions politiques et administratives et, 13, 73, 82, 108, 111-2, 149, 155-6, 168, 171, 173, 186, 402, 426; intérêt national et, 404; et jeu des accusations, 317; langue et, 152-3; et langues officielles, 152-3; et lieu de travail des fonctionnaires, 323, 326-31, 398, 423; lobbyisme et, 374; Macdonald et, 14, 52, 73, 105, 184; médias et, 295-6; et ministres régionaux, 400, 407; modèle parlementaire de Westminster et, 173; négociations d’accord commerciaux et, 169; partis politiques et, 14, 153, 185, 191, 192, 195, 198-9; partis politiques protestataires, 112; politiciens et, 173; politiques nationales ou, 154; pouvoir de l’Ontario et du Québec, 108, 164, 173; pouvoir du gouvernement central et, 52; premiers ministres et, 111-12; premiers ministres provinciaux et, 156; et prévisions budgétaires, 220; programmes d’infrastructure

556

Index

et, 390-1; questions régionales ou nationales, 161; réforme électorale et, 385-6; et répartition inégale du pouvoir, 402; représentation selon la population et, 73; représentation sur la base du, 9, 73; Sénat américain et, 14; Sénat et, 71-2, 82, 109, 228, 229, 230, 232, 243, 244, 407, 414, 427; et série de la cbc lors du 150e du Canada, 149-50, 170-1; et siège de la fonction publique, 173; et sommet fédéral-provincial sur les changements climatiques, 150; et tiers partis, 212; tracé des frontières, 154, 155; valeurs et, 154-5 Renvoi relatif à la réforme du Sénat (Cour suprême), 228 représentation : démocratie et, 6; des régions dans le fédéralisme, 6; égalité et démocratie, 49, 50 représentation selon la population : à la Chambre des communes, 65; Brown et, 50, 101, 106; Chambre des communes, 57, 59, 72, 81, 108; Confédération et, 56-7, 58, 71; dans l’aanb, 71; domination de l’Ontario, 171; institutions nationales et, 156; Néo-Canadiens et, 146-7; et pouvoir, 155-6; et régionalisme, 73; représentation égale par rapport à, 86-7; au Sénat, 57, 62; sièges en Ontario et en Nouvelle-Écosse, 110; tyrannie de la, 108 Representative Government (Mill), 122 La République (Platon), 30 Research Entreprises Limited, 196 Résolutions de Québec : absence de soutien, 70; conditions

d’adoption, 53; Conférence de Londres et, 65-6; et démocratie, 70; engagement à construire un chemin de fer, 103; importation des institutions britanniques, 88; Macdonald et, 54; Maritimes opposées aux, 66, 88; NouveauBrunswick et, 55, 70; NouvelleÉcosse et, 56-7, 70 responsabilité : démocratie et, 6; des ministres et premiers ministres, 126; différentes formes de, 126; fédéralisme à trait d’union et, 136, 139-40, 142; de la fonction publique, politique ou envers les clients, 322, 323; pouvoir fédéral de dépenser et, 147; taille du gouvernement et, 118. Voir aussi reddition de comptes responsabilité ministérielle : collective, 269; en 1867, 118, 119, 120; et fonction publique, 348, 354; fondements de la doctrine, 335; rejet de la doctrine par les politiciens, 341; et responsabilité individuelle ou collective, 336; et scandale des commandites, 343; et simplicité des activités gouvernementales, 335-6; transférée aux fonctionnaires, 338 résultologie (unité), 418 Révolution américaine. Voir États-Unis Révolution française, 33, 42 révolutions : et démocratie représentative, 5, 40; démocratie représentative et, 42; et nouvelles institutions, 82 Rhodes, R.A.W., 266 Richardson, James, 270-1 Riddell, Troy, 362 Rights of Man (Paine). Voir Les droits de l’homme (Paine)

Index Right Wing Extremism in Canada (Perry; Scrivens), 293 Riker, W.H., 128, 129 Roberts, Alasdair, 346 Robertson, Gordon, 260, 267, 268, 308 Robespierre, Maximilien, 42 Robson, Jennifer, 324 Rodriguez, Sue, 357 Rogers Media, 281 Rome antique : aristocratie, 31; Code Justinien, 32; empereurs, 31-32; fonction publique, 32-3; lois, 33-4; organes du gouvernement, 31 Roosevelt, Franklin, New Deal, 132 Rose, Jonathan, 262 Rowell, N.W., 132 Rowell-Sirois. Voir Commission Rowell-Sirois Royaume-Uni. Voir Grande-Bretagne Russell, Peter, 16, 22, 367 Russie : Chambre haute et fédéralisme intra-étatique, 381; Chambre haute et régionalisme, 415; démocratie en, 9; nombre de sénateurs par État, 63; représentation régionale, 15 Saint-Jean, Idola, 149 Samara, 8, 192, 213, 382 Saskatchewan : et assurancemaladie, 144; croissance de la population, 113 Saunders, Doug, 255, 405 Savoie, Donald : Governing from the Centre, x, 251, 260, 271, 272, 415; The Politics of Public Spending in Canada, 214, 252-3 Sawatsky, John, 369 Sayers, Anthony, 136

557

scandale des commandites, 223, 314, 342-4, 345-6 Scheer, Andrew: embauche de Marshall, 294-5; marque, 200; et Sénat, 240, 247, 382 Scrivens, Ryan, Right Wing Extremism in Canada, 293 Sears Canada, 307 Secrétariat du Conseil du Trésor : et concept d’organisme, 312; mandat, 264; et politiques sociales et économiques, 217; réduction des niveaux de gestion dans la fonction publique, 422-3; et réforme, classification et évaluation des emplois, 318-19, 320; taille du, 264; unité de résultologie comparée au, 264 secteur privé : lobbyistes, espérance de vie des, 370; politiciens et, 309; pratiques de gestion de la fonction publique ou du, 305, 306, 309, 315, 340, 353, 397, 420-1; régimes de pension, 307 secteur public : et élite, 387; et groupes d’intérêt, 387; pratiques de gestion du secteur privé ou, 397, 420-1; tribunaux et gestion du, 366-8 secteurs industriels : automobile, 162-3; construction navale, 1634, 170, 196; énergie, 161-2, 1645, 198; entretien des F-18, 168-9, 170; industrie de défense, 166-8, 170; nationaux ou provinciaux, 161-5 Segal, Hugh, 61, 243, 244-5 Seidle, Leslie, 208 Sénat : abolition, 63, 64, 229, 231-2, 238, 239, 382; Accord de Charlottetown et, 235; Accord du lac Meech et, 234-5; anciens politiciens au, 240, 245; Autochtones et, 232, 235;

558

Index

avantages par rapport à la Chambre des communes, 233; Brown et le, 106; budget, 230; et budget fédéral, 215; CanadaOuest et, 229; Chambre des communes canadienne et, 13, 108; Chambre des lords comparée au, 381; composition du, 232; et concentration des fonctionnaires à Ottawa, 330; Confédération et, 58-9, 81; Cour suprême sur le, 60-1, 232; crise de légitimité, 230-1; critiques, 229, 231-2, 382; défense du, 233, 248; et démocratie, 72, 109, 228, 229, 233, 241, 248; et démocratie représentative, 33; dépendance trajectorielle, 382; description de poste, 242-3; de style américain, 59; égal, 59; égalité entre l’Ontario et le Québec, 171; élu, 58-9, 62, 234, 238, 247; études produites par, 230, 233; et fédéralisme, 81, 249; et fédéralisme intra-étatique, 233; formule de modification de la Constitution et pouvoirs du, 236-7; gouvernements provinciaux et, 249; inefficacité, 106, 110; légitimité, 233; liberté de vote, 239; lobbyistes et, 246; Macdonald et, 13, 33, 59, 61, 109, 382; Maritimes et, 81, 229; médias sur, 60, 230-1, 240-2, 247; nominations au, 60, 77, 179, 184, 231, 233, 239-40, 242, 249, 382; et oléoduc Énergie Est, 228; opinion publique sur le, 362; Parlement et réforme du, 238; partisan, 240, 247, 382; et partis politiques, 61; et Pères de la Confédération, 87, 228; politique sur les conflits d’intérêts,

179; Québec et le, 81, 87; rapports sur le, 231; réforme, 231, 234-5, 238, 248, 382; et régionalisme, 71-2, 82, 109, 228, 229, 230, 232, 243, 244, 407, 414, 427; représentation, 249; représentation de groupes minoritaires ou sous représentés, 232, 242-3; représentation égale au, 62-3, 106-7, 232; représentation selon la population, 57, 62; rôle, 13; rôles et responsabilités, 60, 81, 109, 228, 231, 232-3, 243, 248-9; scandales, 235, 261-2; second examen objectif, 13, 60, 77, 109, 110, 228, 232, 238, 243, 244-5, 247, 248, 382; triple E, 58, 63, 82, 229, 234, 241, 415. Voir aussi sénateurs Sénat américain : fortune comme exigence d’admissibilité, 72; nombre de sénateurs par État, 63; représentation régionale, 14 sénateurs : attentes à l’égard des, 248; indépendants, 61, 239-42, 243, 244, 245-7, 248, 382, 407; limite du mandat, 234, 238; Québec autorisé à nommer ses, 74 Sénat romain, 31-2 Le sens commun (Paine), 42 Services partagés Canada, 319-20 Siegel, David, 426 Sifton, Clifford, 113, 252 Simeon, Richard, 12, 19, 154, 208; Federal-Provincial Diplomacy, 137 Simon, Herbert A., 298 Simpson, Jeffrey, 262, 295, 362, 391 Sirois, Joseph, 132 Sitaraman, Ganesh, 16, 157 Smiley, Donald, 135, 139, 140, 146, 174

Index Smith, Albert James : et ajustements régionaux aux institutions, 87; et Confédération, 103, 107; descendant de Loyalistes, 65, 98; sur le droit du Nouveau-Brunswick d’être entendu, 107; et gouvernement responsable, 55; migration vers Ottawa, 127; ouverture aux spécificités régionales, 51; et référendum sur la Confédération, 55-6; et Résolutions de Québec, 55-6; et Sénat, 59, 106, 108 Smith, David E., 78, 80, 81-2, 221, 226, 229, 232, 233, 271; The Canadian Senate in Bicameral Perspective, 231 Songer, Donald, 359 sous-ministres : conseils en matière de politiques, 308; favorables aux programmes des premiers ministres, 398; et Guide du sous-ministre du bcp, 315, 316; installés à Ottawa, 323; issus de l’Ontario et du Québec, 108; nomination des, 421; promotion des, 265; rôle, 353. Voir aussi hauts fonctionnaires Speer, Sean, 280 Spencer, Herbert, 83 Stanley, George, 89, 102-3 Statistique Canada : sur la localisation des fonctionnaires, 327; réduction du financement, 304 Statut de Westminster, 72, 119 Stewart, Gordon T., 14 St-Laurent, Louis, 138, 253, 270 Story of Us (cbc), 149-50, 170-71 Sunstein, Cass R., 10 Sutherland, Sharon, 268, 341-2 système de gestion des secteurs des dépenses (sgsd), 214 système parlementaire westminstérien. Voir Westminster, système parlementaire de type

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taxe sur les produits et services (tps), 209 Tennyson, lord Alfred, 37 Terre-Neuve-et-Labrador : et Confédération, 70, 101; et entente fédérale-provinciale sur la santé, 150-1; et pouvoir de Chambre des Communes, 58 territoires, admission comme provinces, 395 Territoires du Nord-Ouest, paiements au titre du tcs, 159 Thatcher, Margaret : et fonction publique, 299, 303-4, 309-10; et ngp, 312; votes perdus aux Communes, 210; et Yes, Minister, 303 Thomas, Paul, 202, 246, 348, 412 Thompson, Andrew, 477n29 Thyssen Industries, 166, 170 Tilley, sir S. Leonard: à propos de, 56; attentes déçues, 71; chemin de fer intercontinental, 71; chemin de fer national, 88; et Confédération, 56; à la Conférence de Londres, 67; descendant de Loyalistes, 65, 98; Fenians et, 56; dans le gouvernement de Macdonald, 107; migration vers Ottawa, 127 Times sur la génération du « moi, moi, moi », 11 Tobin, Brian, 212, 254 Tocqueville, Alexis de, 27, 85, 277, 413; De la démocratie en Amérique, vii Tomblin, Stephen, 295 Tootoo, Hunter, 210 Toronto Star, 281 TransCanada, société, 164 Transfert canadien en matière de santé (tcs), 159 transformation : crises et, 403; dépense de capital politique, 407;

560

Index

hors de la Constitution, 407; immobilisme ou, 16, 127; impression sans changement réel, 330, 348, 398-9; institutionnalisme historique et, 401-402; institutions politiques et, 379; moments charnières survenus à l’extérieur des institutions politiques, 402; premiers ministres et, 407, 409; volonté politique et, 404 transparence : fonction publique et, 397; juges et, 360; loi sur l’accès à l’information et, 110; médias et, 404 transport, 121. Voir aussi chemin de fer tribunaux : Autochtones et, 104, 106; et Charte canadienne des droits et libertés, 358-9, 394; et décisions politiques, 366; démocratie directe athénienne, 29; et égalité ou inégalité, 374; et élite, 374; gestion du secteur public, 366-8; et gouvernance à partir du centre, 368; gouvernement Harper et, 394; groupes d’intérêt et, 363-4; indépendance, 358; lobbyistes comparés aux, 355, 373; et mise en œuvre des programmes, 364-5, 366; Parlement par rapport aux, 76; et politiques, 366, 368; politiques publiques et, 22, 126; pouvoir, 355; rôle, 109-10; et suprématie du Parlement, 356; usage du français dans les, 148. Voir aussi Cour suprême; juges Trudeau, Justin : sur l’absence d’identité ou de courant dominant au Canada, 12; sur la « bulle d’Ottawa », 326; Cabinet, 116, 199; et candidats choisis par acclamation, 212; sur

le caractère catholique et français du Québec selon P. Trudeau, 94; chefs de cabinet dans le gouvernement de, 325; et Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, 239; concentration du pouvoir dans le cpm, 400; Davie Canada, constructeur naval et, 164; définition du Parti libéral, 182; député attaqué par, 205; discipline de parti et votes, 210; dotation en personnel des bureaux ministériels, 266; engagements électoraux, 264; forte majorité, 185; gouvernance à partir du centre, 266; et gouvernement de cabinet, 252, 400; Hill Times, classement du, 269; lenteur des décisions, 257-8; sur les lois anti niqab, 292; et Loi sur l’accès à l’information, 347; marque, 189, 200, 254; et médias, 252; et médias sociaux, 288; et ministres régionaux, 187, 199, 252, 400, 407, 557; et oléoduc Énergie Est, 164, 165; personnel présent aux réunions du caucus, 205; sur les ponts Champlain et de la Confédération, 170; et postes gouvernementaux vacants, 557; et projets de loi omnibus, 412; et Québec, 292; et réforme du Parlement, 518n20; et réforme du Sénat, 245-247, 382; et réforme électorale, 386, 409-10; sur le régionalisme, 391; et Sénat, 61, 382; et sénateurs indépendants, 239-42, 407; et sgrr, 218; et siège du Canada atlantique à la Cour suprême, 206; sommet sur les changements climatiques, 150; sur P. Trudeau et le pouvoir du cpm, 262; et unité de résultologie,

Index 262-4, 418; vente d’armes à l’Arabie saoudite, 167-8; victoire de 2015, 255; visite en Inde, 338 Trudeau, Pierre E. : sur le caractère catholique et français du Québec, 94; et Charte canadienne des droits et libertés, 356-7, 392-3; Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le multiculturalisme, 152; concentration du pouvoir, 252, 262; et conférences fédérales-provinciales des premiers ministres, 142; et cpm, 261; et fédéralisme à trait d’union, 137, 138; forte majorité, 185; gouvernance à partir du centre, 262; et Loi sur l’accès à l’information, 356; mouvement souverainiste québécois, 352; sur le pouvoir de dépenser d’Ottawa, 138; et Programme énergétique national (pen), 197; et rapatriement de la Constitution, 141, 392-3; et rcb, 263 Trump, Donald : et démocratie, 6, 30; et économie mondialisée, 115; et « faits alternatifs », 190; et fonction publique, 300; marque, 189; médias sociaux et, 283; et politique post-vérité, 275 Tupper, Charles : attentes déçues, 71; brûlé en effigie à Halifax, 68; chemin de fer intercontinental, 71; chemin de fer national, 88; et Confédération, 56-7; à la Conférence de Londres, 67; descendant de Loyalistes, 65; migration vers Ottawa, 127; et représentation selon la population, 59; et Sénat, 59 Turner, Garth, 210 Turner, John, 194 Underhill, Frank, 80

561

Vaillancourt, Charles, 261, 262 vérificateur général. Voir Bureau du vérificateur général Victoria, reine, 39, 67, 74 Voie maritime du Saint-Laurent, 170, 196 Voltaire, 41 Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada (Commisson du droit du Canada), 385 Waddell, Chris, 293 Waite, Peter, 52 Wall, Brad, 64, 108, 164-5 Wallin, Pamela, 477n29 Walpole, Robert, 84 Ward, Norman, 122; The Public Purse, 119 Waters, Stan, 229 Watts, Ronald, 73, 129, 138, 146 Weber, Max, 290, 300-2, 305-6, 329, 344 Westland, Rem C., 180-2, 192 Westminster, système parlementaire de type : à propos, 126; Australie, 59; conventions constitutionnelles dans le, 407; domination de l’exécutif dans le, 312; et fédéralisme, 379; et gouvernement de Cabinet, 251, 273; gouvernement fédéral et, 117, 118; et impartialité de la fonction publique, 352; et régionalisme, 172; et responsabilité ministérielle collective, 269; secret ministériel dans le, 271. Voir aussi Statut de Westminster Wheare, K.C., 46, 104, 128, 129 Whelan, Edward, 96 Willes, juge, 356 Williams, Danny, 158 Williams, Shirley, 302 Williams, William F., 57

562 Wilson, Michael, 145, 146 Wilson, Paul, 324 Winn, Conrad, 345 Winsor, Hugh, 345 Wise, John, 254 Wiseman, Nelson, 73-4 Wrong, George M., 90

Index Yakabuski, Konrad, 170-1 Yes, Minister (émission britannique), 302-3 Young, Doug, 197 Young, Lisa, 185-6 Zuckerberg, Mark, 283-4