Hypnose en pratiques gériatriques
 9782100813445

Table of contents :
Préface
Table des matières
Liste des situations de toilette
Liste des auteurs
Introduction
Chapitre 1. Généralités
1.1. La gérontologie
1.2. L'hypnose
1.3. Hypnose et personnes âgées
Chapitre 2. Grands principes
2.1. Grands principes des particularités de l'hypnose chez les personnes âgées en l'absence de trouble cognitif ou ayant des troubles cognitifs légers à modérés
2.2. Bases de l'Hypnose Adaptée Pour les troubles Neurocognitifs aux Stades Severes (HAPNeSS)
2.3. Conclusion
Chapitre 3. Troubles neurocognitifs
3.1. Symptomatologie
3.2. Atteinte mnésique
3.3. Du comportement à l'épuisement
3.4. Neurophysiologie et hypnose
3.5. Prises en charge existantes et lien avec l'hypnose
3.6. Hypnose et comportements
3.7. Conclusion
Chapitre 4. L'hypnose fonctionnelle
4.1. Physiologie et pathologies
4.2. De la médecine physique et réadaptation à la rééducation en gériatrie
4.3. L'hypnose fonctionnelle
4.4. Parkinson et syndromes parkinsoniens
4.5. Accident vasculaire cérébral
4.6. Équilibre et syndrome de désadaptation psychomotrice
4.7. Grands principes dans les pathologies du mouvement
4.8. Conclusion
Chapitre 5. Douleurs
5.1. La douleur des douleurs
5.2. Douleurs aiguës et procédurales
5.3. Douleurs chroniques
5.4. Autohypnose
5.5. Conclusion
Chapitre 6. Soins palliatifs gériatriques
6.1. Prérequis
6.2. De l'hypnose en soins palliatifs gériatriques
6.3. Conclusion
Chapitre 7. Accompagner les aidants au quotidien
7.1. L'annonce du diagnostic, comme un syndrome de stress post-traumatique
7.2. Un soutien pour le quotidien
7.3. Expliquer la mémoire
7.4. Conclusion
Conclusion générale
Glossaire
1. Glossaire gériatrique
2. Glossaire Hypnose
Remerciements
Bibliographie

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Marie FLOCCIA et al.

Hypnose en pratiques gériatriques



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Conseiller éditorial : Thierry Servillat

EAN 9782100813445



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Préface Thierry Servillat

ENDANT LONGTEMPS,

il a été dit que les personnes âgées n’étaient pas hypnotisables. Ou en tout cas qu’elles l’étaient peu. Cela a été un a priori étonnant, et qui a retardé de plusieurs années le phénomène qui se produit maintenant. Heureusement, dans notre pays ainsi qu’en de nombreux autres, l’hypnose thérapeutique arrive dans le domaine de la gériatrie. Il était temps ! Le présent livre est destiné à être le premier ouvrage présentant cette actualité.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

P

S’il y avait un principe énonçant que l’hypnose n’était pas utile en gériatrie, il a donc fallu qu’un certain nombre de soignants courageux, indépendants d’esprit, osent, comme disait Maurice Bensignor, pionnier de la médecine de la douleur, « donner sa chance à l’hypnose » et en examiner pragmatiquement les résultats. Durant des années, des médecins, mais aussi, encore plus souvent, des infirmières et des infirmiers, des psychologues, des aides-soignants ont expérimenté, ont par moments échoué. Et, à d’autres, ils ont été étonnés de voir ce que l’hypnose pouvait apporter dans un domaine où les traitements classiques ont un apport souvent très limité dans leur efficacité et de par aussi des effets secondaires indésirables qu’ils produisent souvent. Encouragés par ces résultats, stimulés par le désir de leurs soignants de faire progresser les qualités des soins, un certain nombre d’établissements ont formé leurs équipes à la communication thérapeutique. D’autres ont été plus loin, tel le CHU de Bordeaux qui a formé à l’hypnose une partie importante du personnel de son pôle de gérontologie clinique. C’est après une conférence donnée au diplôme inter universitaire d’hypnose à Bordeaux que j’ai rencontré Marie Floccia - qui m’avait proposé quelques mois



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IV

P RÉFACE

plus tôt de rédiger un article pour une revue que je dirigeais alors. Je lui ai dit que je n’avais plus la possibilité d’organiser cette publication. Mais devant son dynamisme et l’intensité de son engagement professionnel, j’ai évoqué l’idée de rédiger un livre. Elle n’a hésité que quelques minutes avant de me répondre positivement, et nous bûmes le soir même à la santé de ce projet ! Deux ans après, toute une équipe de professionnels talentueux a finalisé le travail intense effectué dans ce livre que vous tenez dans vos mains. Celui-ci est un outil de travail évidemment, mais il est plus que cela. Il témoigne qu’il est licite d’utiliser l’hypnose en gériatrie. Parcourant l’ensemble du champ clinique, des grandes maladies neurodégénératives aux principales situations cliniques quotidiennes (tels les troubles de l’appétit ou de la marche), aux soins palliatifs et à l’aide aux aidants, cet ouvrage est à la fois un livre de réflexion et un manuel pratique. Il illustre particulièrement comment, dans la nouvelle philosophie scientifique qu’est celle des médecines complémentaires, il faut davantage agir pour comprendre que l’inverse. C’est donc d’une incitation à oser qu’il s’agit ici, à expérimenter, au sens de la tradition médicale classique, tout en étant guidé par l’expérience des auteurs qui nous ouvrent la voie. Il reste de nombreux autres champs thérapeutiques à explorer, dans lesquels l’hypnose a beaucoup à apporter, tels celui de la médecine fonctionnelle et du soin aux handicapés, physiques et mentaux. Pour autant, le vaste mouvement de réflexion et d’action qui est en train de naître en France, visant à améliorer les soins aux personnes âgées, dans les hôpitaux, les EPHAD tout comme à domicile, trouve ici un argument majeur pour qu’il se dynamise. La pratique de l’hypnose thérapeutique n’est guère coûteuse, ni en temps ni en argent. C’est une goutte d’eau dans l’énorme masse de dépenses de santé de notre pays. C’est même très probablement une source d’économie. Par les effets directs et indirects qu’elle produit, elle est aussi un gain d’humanité dans un domaine où on a mieux mis en évidence les carences. On souhaiterait que cette évolution soit irréversible. Ce livre, en étant construit sur une démarche scientifique, œuvre à cela. Mon rôle de conseiller éditorial aura été limité à catalyser la mise en œuvre de ce projet, et à encourager Marie Floccia et son équipe lorsqu’elle a pu connaître quelques (rares) moments de doute. La conviction et l’enthousiasme des auteurs ont été tels que j’ai été surtout admiratif du travail qu’ils ont produit.



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Table des matières

III

PRÉFACE

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Thierry Servillat

LISTE DES SITUATIONS DE TOILETTE

IX

LISTE DES AUTEURS

XI

INTRODUCTION

1

1. Généralités

3

Marie Floccia, Philippe Sol, Sophie Lagouarde, Fabienne Bidalon

La gérontologie Un âge ?, 3 • Le vieillissement, 4 • Psychologie du vieillissement, 5 • La mémoire... des mémoires, 6 • La gériatrie : une jeune discipline et ses spécificités, 8

3

L’hypnose Définir l’hypnose ?, 15 • Un état clinique particulier, 16 • Un mode de fonctionnement cérébral particulier, 17 • Différentes formes d’hypnose thérapeutique, 19 • Éthique de l’hypnopraticien, 23

15

Hypnose et personnes âgées Une évidence ?, 24 • Susceptibilité à l’hypnose et suggestibilité, 25 Utilisation clinique de l’hypnose dans la population vieillissante et

24 •



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VI

TABLE

DES MATIÈRES

indications dans la littérature, 27 • Quotidien de l’utilisation de l’hypnose en gériatrie : indications et qualité, 29 2. Grands principes

33

Marie Floccia, Philippe Sol, Fabienne Bidalon, Françoise Le-Ru

Grands principes des particularités de l’hypnose chez les personnes âgées en l’absence de trouble cognitif ou ayant des troubles cognitifs légers à modérés À quelles ressources accéder ?, 34 • Hypnose conversationnelle ou hypnose formelle ?, 35 • Communication non verbale, 36 • Communication verbale, 39 • De quoi parler ?, 43 • S’accorder aux canaux, 46 • Inductions, 49 • Ancrages, 51 • Métaphores, 57 Bases de l’Hypnose Adaptée Pour les troubles Neurocognitifs aux Stades Severes (HAPNeSS) Une temporalité ?, 60 • « Se souvenir des belles choses », 62 • Communication non verbale, 62 • Communication verbale, 65 • Un melting pot, 67 • Et si le patient ne communique plus verbalement ?, 78 Conclusion

34

59

79

3. Troubles neurocognitifs

81

Fabienne Bidalon, Laurent Bujon, Marie Floccia, Sophie Lagouarde, Françoise Le Ru, Jessica Meliani, Philippe Sol

Symptomatologie

82

Atteinte mnésique

84

Du comportement à l’épuisement

84

Neurophysiologie et hypnose Physiopathologie de la maladie d’Alzheimer, 86 • Hypothèses neurophysiologiques de l’évolution de la maladie d’Alzheimer et de ses impacts sur l’hypnose, 87

86

Prises en charge existantes et lien avec l’hypnose Traitements médicamenteux, 89 • Thérapeutiques non médicamenteuses existantes et leurs liens avec l’hypnose, 90

89

Hypnose et comportements Idées délirantes, 99 • Hallucinations, 103 • Agitation/agressivité, 106 Dépression/dysphorie, 116 • Anxiété, 122 • Exaltation de l’humeur/euphorie, 129 • Apathie/indifférence, 130 • Désinhibition, 133 • Irritabilité/instabilité, 134 • Comportement moteur, 138 • Sommeil, 141 • Troubles de l’appétit, 142 • Cris, 144

98 •



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Table des matières

Conclusion

VII

150

4. L’hypnose fonctionnelle

151

Laurent Bujon, Marie Floccia, Jessica Meliani

Physiologie et pathologies

151

De la médecine physique et réadaptation à la rééducation en gériatrie

152

L’hypnose fonctionnelle

154

Parkinson et syndromes parkinsoniens Épidémiologie, 155 • Clinique, 155 Hypnose et Parkinson, 157



Traitements actuels, 156



155

Accident vasculaire cérébral Épidémiologie, 173 • Clinique, 173 Hypnose et AVC, 174



Traitements actuels, 174



173

Équilibre et syndrome de désadaptation psychomotrice Épidémiologie, clinique et prise en charge, 186 • Percevoir pour s’équilibrer, 187 • L’opposition à la marche, 188 • Intégration des mouvements oculaires, 189

186

Grands principes dans les pathologies du mouvement Dans la pratique conversationnelle, 191 • En état hypnotique, 194

191

Conclusion

198

5. Douleurs

199

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Marie Floccia, Françoise Le Ru, Véronique Martin

La douleur des douleurs Pluralité de la douleur, 200 • Spécificités et retentissements de la douleur en gériatrie, 203 • Concept de l’analgésie multimodale, 206 Hypnose et douleurs, 207

199 •

Douleurs aiguës et procédurales En l’absence de troubles cognitifs ou présence de troubles neurocognitifs aux stades légers à modérés, 211 • Présence de troubles neurocognitifs aux stades modérément sévères à sévères, 219

210

Douleurs chroniques Consultation douleur chronique en gériatrie : quelques bases, 232 hypnotique, 235

232 •

État

Autohypnose

246

Conclusion

248



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VIII

TABLE

DES MATIÈRES

6. Soins palliatifs gériatriques

249

Véronique Martin

Prérequis Des définitions en évolution, 250 • Données épidémiologiques, 251 • De la phase curative à palliative, 251 • Les soins palliatifs en gériatrie, 253 • Hypnose et soins palliatifs, 254

249

De l’hypnose en soins palliatifs gériatriques Premier abord, 255 • Accompagnement, 256 Respirer mieux, 262

255 •

Se ressourcer, 258



Conclusion 7. Accompagner les aidants au quotidien

264 265

Sophie Lagouarde, Jessica Meliani, Laurent Bujon

L’annonce du diagnostic, comme un syndrome de stress post-traumatique

266

Un soutien pour le quotidien

269

Expliquer la mémoire Métaphore de la maison pour la mémoire, 273

273

Conclusion

275

CONCLUSION GÉNÉRALE

277

GLOSSAIRE

279

Glossaire gériatrique

279

Glossaire Hypnose

280

REMERCIEMENTS

285

BIBLIOGRAPHIE

289



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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Liste des situations de toilette

Toilettes accompagnées

p. 113

Un bijou comme ouverture

p. 118

De beaux sourcils

p. 137

Avancer... à votre rythme... sur plusieurs années

p. 158

Une toilette esthétique

p. 174

On démarre

p. 176

La toilette et la mer

p. 228

Basta à la toilette

p. 257



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Liste des auteurs

Ouvrage dirigé par :

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Marie FLOCCIA Médecin gériatre et algologue, praticien hospitalier dans le pôle de gérontologie clinique du CHU de Bordeaux. Après avoir exercé en court séjour gériatrique et SSR, elle travaille depuis une dizaine d’années en Equipe Mobile de Gériatrie et intervient aux urgences. Elle a également développé une consultation douleur chronique spécifique pour les personnes âgées. Après le Diplôme Universitaire d’Hypnose Médicale et Thérapeutique de Bordeaux en 2010, elle commence à utiliser l’hypnose en consultation douleur chez des patients ayant des troubles neurocognitifs, puis devant les résultats, étend sa pratique aux urgences dans les situations de douleurs aiguës, procédurales et de troubles du comportement. Auteur d’articles sur le sujet et intervenant régulièrement en conférences, elle est enseignante au Diplôme Inter Universitaire d’Hypnose Médicale et Thérapeutique de Bordeaux et aux formations Hypnose du Centre de Formation Permanente des Professionnels de Santé du CHU.



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XII

L ISTE

DES AUTEURS

Avec la collaboration de : Fabienne BIDALON Psychologue clinicienne, disposant d’une expérience en secteur hospitalier en Unités de Soins de Longue Durée de 10 ans, intervenant en Établissement pour Personnes Agées Dépendantes et en Foyer d’Accueil Médicalisé auprès de personnes handicapées vieillissantes dans le département de la Gironde. Formée à l’hypnose en 2014-2016 par le Centre de Formation Permanente des Personnels de Santé du CHU de Bordeaux. L’hypnose lui a permis de proposer une démarche thérapeutique plus large auprès des patients, de pouvoir être en position d’aidant dans des situations complexes et de disposer d’un panel de techniques pour faire face aux troubles du comportement dans les pathologies dites neurodégénératives ou apparentées. Laurent BUJON Hypnopraticien libéral depuis 2012 et formateur en hypnose depuis 2016. Il découvre l’hypnose dans son expérience professionnelle en salle de soins postinterventionnelle, se forme à l’hypnose et aux thérapies brèves avec Actiif à Brive entre 2009 et 2011. Pratique l’hypnose conversationnelle pendant les soins infirmiers comme « le prolongement naturel de ses doigts ». Propose des consultations spécifiques dans son cadre de compétence où l’hypnose est une rencontre chaleureuse permettant l’accordage « des métronomes » du patient dans les dimensions psycho-sociales et corporelles. Sophie LAGOUARDE Psychologue de la fonction publique hospitalière depuis 1992, avec une expérience sur de nombreuses spécialités : neurologie et neurochirurgie, psychiatrie, médecine physique et de réadaptation, douleurs chroniques, EHPAD, médecine gériatrique, longs séjours gériatriques, consultation mémoire. Actuellement en poste sur le centre mémoire du pôle de Gérontologie clinique du CHU de Bordeaux. Formée à l’hypnose en 2015-2016. Pratique de l’hypnose auprès de patients et familles dans le cadre des accompagnements psychothérapiques.



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Liste des auteurs

XIII

Françoise LE RU Cadre de santé disposant d’une expérience hospitalière en secteur de réanimation, services de médecine (diabétologie / endocrinologie ; gériatrie ; pneumologie). Sa formation en hypnose s’inscrit dans le projet de pôle de gérontologie du CHU de Bordeaux en 2014 – 2016 qui a permis également de former plusieurs infirmiers et aides-soignants de l’unité gériatrique. L’hypnose lui a permis d’accompagner l’équipe paramédicale dans les prises en soin potentiellement algiques (actes invasifs) et dans les situations de grande anxiété chez des patients présentant des troubles du comportement. Mais aussi de fédérer l’équipe autour d’un vocabulaire positif et de pratiques de soin « revisitées » dans la prise en compte de la douleur. Véronique ELLIES MARTIN Psychologue clinicienne, exerce en centre hospitalier en service de médecine gériatrique avec des lits identifiés de soins palliatifs et en hôpital de jour gériatrique au CHU de Bordeaux. Formée à l’hypnose au Centre de Formation Permanente des Professionnels de Santé du CHU de Bordeaux. Pratique de l’hypnose auprès de patients âgés depuis 2014 et Diplôme Interuniversitaire d’Hypnose Médicale et Thérapeutique de Bordeaux en cours.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Jessica MELIANI Psychologue et psychothérapeute, travaille en Moselle au sein d’un EHPAD accueillant uniquement des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou syndrome apparentés. Elle a été formée dans un premier temps à la Validation de Naomi Feil auprès des malades. Après 3 années de formation au sein de l’institut UTHyL de Nancy (Institut pour l’Utilisation des Thérapies brèves et de l’Hypnose en Lorraine) entre 2014 et 2017, il lui a été possible dès 2014 de mettre en place et de développer des interventions spécifiques avec des outils hypnotiques adaptés à la particularité des troubles du comportement des pathologies démentielles. Philippe SOL Médecin gériatre, praticien hospitalier. Chef du pôle gérontologie CH Castelnaudary (France). Formation en Hypnose médicale à TOULOUSE en 2014. Développement de l’hypnose en Unité d’Hébergement Renforcée et dans le secteur protégé en EHPAD pour les patients ayant une maladie d’Alzheimer.



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Introduction

« La vieillesse bien comprise est l’âge de l’espérance. » Victor Hugo. Proses philosophiques

en hypnose ? De quel grand âge parlons-nous ? Chaque vieillissement est différent, dans son vécu, dans ses pathologies ou son absence de pathologie, dans son autonomie, son lieu de vie et son tissu social et familial. C’est une période de vie souvent cachée et déniée par la société, comme si elle ne devait plus apparaître de crainte de projeter dans un futur non désiré. Et pourtant, bien qu’ayant fréquemment de nombreuses pathologies, les personnes qui ont atteint ce grand âge attendent de leurs cadets une continuité de vie et une relation plus forte que les seuls soins techniques dont elles pourraient avoir besoin.

L

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E GRAND ÂGE

Lorsque cela est nécessaire, des personnes dévouées et aimantes entourent nos aînés et assurent leur quotidien, avec une attention de tous les instants. Elles peuvent témoigner de la vie et des joies toujours présentes, quels que soient l’âge et la cognition. Elles peuvent dire que de nombreuses ressources sont accessibles et que des forces oubliées peuvent réapparaître quand elles sont nécessaires. Elles peuvent affirmer que la Vie continue. Au-delà de la technicité des soins, les soignants, mais aussi les aidants, des patients âgés ont réfléchi, depuis de nombreuses années, aux façons d’apporter au mieux un soutien et une aide quotidienne. Jusqu’à récemment, l’hypnose thérapeutique n’entrait pas dans ces aides. Et pourtant, quelle approche autre que l’hypnose pourrait être mieux adaptée à la



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2

I NTRODUCTION

population âgée ? Elle permet de nous recentrer sur le patient, de l’appréhender dans sa globalité, dans ce qu’il est, dans ce qu’il a été, de lui donner le choix d’accéder à ses propres solutions, dans un accompagnement bienveillant et empathique. Toutefois des questions se posent : les patients âgés sont-ils suggestibles ? Sur quelles ressources s’appuyer ? Comment accéder à une attention si celle-ci n’est plus ? Quels mots utiliser ? De quoi parler quand il n’y a plus de paroles ? Et au-delà de ces aspects : est-ce que l’hypnose thérapeutique fonctionne chez les personnes âgées ? Quelles en sont les indications ? À travers nos expériences de professionnels de santé, d’horizons différents et travaillant auprès des personnes âgées, nous allons essayer de répondre à ces questions et à bien d’autres, de susciter d’autres questions et, nous l’espérons, de vous donner envie et confiance en la pratique de l’hypnose dans le grand âge.



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Chapitre 1

Généralités Marie Floccia, Philippe Sol, Sophie Lagouarde, Fabienne Bidalon

LA

GÉRONTOLOGIE

Mme N. a 100 ans, elle a gagné une course de 1 500 m nage libre dans la catégorie des 100 à 104 ans, où elle était certes la seule à concourir, mais après avoir appris à nager à 80 ans !

De ces deux patients, lequel aura le plus besoin de soins spécifiques : Mme N. pour garder son autonomie ? Ou M. R. pour adapter ses thérapeutiques ? Les deux, mais de manières très différentes. N

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M. R. a 76 ans, il est insuffisant cardiaque et a une maladie de Parkinson, il chute tous les jours et s’apprête à entrer en institution...

Un âge ?

En France comme dans tous les pays développés, la population vieillit. Si en 2016, 18,8 % de la population française était âgée de plus de 65 ans, l’INSEE prévoit qu’à l’horizon 2060, dans l’hypothèse d’une société stable, 1 personne sur 3 aurait plus de 60 ans. Toutefois, ces chiffres cachent des vérités bien différentes et les termes de « personne âgée » ou « senior » définissent une population très hétérogène tant au niveau de l’âge que de l’état de santé et de l’autonomie.



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4

H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

L’âge de la vieillesse même revêt plusieurs définitions selon les contextes :

➙ l’Organisation mondiale de la santé retient le critère d’âge civil de 65 ans et

plus ; ➙ la société s’appuie sur l’âge de la retraite ; ➙ la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) a acté l’âge de 75 ans ; ➙ l’âge moyen dans les institutions gériatriques en France approche davantage le seuil des 85 ans, avec la possibilité d’entrer en Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes1 (EHPAD*) dès 60 ans. Ainsi, fixer un seuil à la vieillesse devient dépendant de ce dont on parle : santé ? Société ? L’espérance de vie en France en 2017 est de 79,5 ans pour les hommes et 85,3 ans pour les femmes et l’espérance de vie en bonne santé de 62,7 années pour les hommes et 64,1 années pour les femmes (Bilan démographique 2017, INSEE). Dans quelle catégorie est-on quand on dépasse l’âge de l’espérance de vie ? Dans le grand âge ? Un survivant ? Il n’y a pas de réponse à ces questions, seulement des points de vue différents sur une population très hétérogène. N

Le vieillissement

Encore plus que l’âge, le terme de vieillissement évoque de multiples réalités. De nombreux facteurs entrent en compte dans notre vieillissement : la génétique, l’environnement, le hasard... Il est habituel de parler de : 



Vieillissement robuste et vieillissement usuel, qui concerne la majorité de la population âgée et regroupe les personnes n’ayant pas ou peu d’atteintes des fonctions physiologiques, sans pathologie définie. Vieillissement fragile, qui regroupe environ 15 % des 65 ans et plus (SantosEggimann B., et al. 2009). La fragilité est un concept gériatrique qui souffre encore d’une absence de définition consensuelle mais qui pourrait se définir comme une diminution des réserves physiologiques de la personne vieillissante. En cas d’agression par un stress (psychologiques, accidentels, maladies), la personne a des difficultés d’adaptation et il y a alors un risque de perte d’une fonction, dont l’autonomie. C’est donc un état instable mais c’est aussi un

1. Les définitions des termes marqués d’un astérisque sont données dans le Glossaire en fin d’ouvrage.



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Généralités



5

état réversible qui nécessite, lors d’une agression par un stress, une prise en charge spécifique qui va permettre de revenir à l’état antérieur après l’épisode aigu. Vieillissement avec « dépendance », fréquemment associé aux pathologies sévères évolutives ou compliquées et/ou au handicap. Cela concerne environ 10 % des sujets âgés. Ces sujets sont dépendants, fréquemment hospitalisés ou en institution. Malgré une prise en charge adaptée, leur état de dépendance est le plus souvent irréversible.

En fonction du type de vieillissement, les objectifs de prise en charge ne seront pas les mêmes. 



L’augmentation du nombre de « sujets âgés fragiles » dans les prochaines décennies représente l’un des enjeux essentiels de la prise en charge gérontologique. N

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Chez le patient robuste, les traitements proposés seront les mêmes que chez le sujet plus jeune : M. O. de 85 ans s’est fait mal au dos en tombant de son échelle en taillant ses haies avant de courir chercher ses arrières petitsenfants. Celui-ci sera traité quasiment comme un sujet jeune avec comme objectif le retour à l’état antérieur d’une autonomie complète. Pour le patient fragile, le risque majeur est la perte d’autonomie : Mme Z. marche avec une canne à petits pas sur de petites distances ce qui lui permet d’aller ouvrir la porte à ses amis et sa famille, elle risque de tout perdre si elle ne peut plus se déplacer suite à une chute qui va engendrer la crainte de la re-chute et donc l’arrêt progressif de la marche. L’objectif pour elle sera une récupération de la petite autonomie qu’elle avait. Et quand les patients sont entrés dans la grande dépendance, passant du lit au fauteuil ou restant au lit, l’objectif de bien-être devient primordial.

Psychologie du vieillissement

Vieillir, c’est rencontrer des blessures narcissiques au travers des pertes physiques et des pertes psychiques, des deuils, des réminiscences, des traumatismes de vie ou du vécu de la maladie. Si vieillir est un processus physiologique, les capacités de la personne vieillissante se restreignent et ne correspondent plus à ce qu’elles étaient antérieurement. Le sujet qui avance en âge fait face à la perte de sa jeunesse, la modification de son image corporelle notamment, la perte de sa capacité de séduction, le handicap physique ou encore psychique.



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Comme le souligne M. Perruchon, le travail de deuil exige un travail psychique pour faire face à la réalité de son âge, il pourra déployer ou non des mécanismes de défense, des stratégies de coping pour faire face, trouver de nouvelles orientations ou de nouveaux investissements afin de sublimer et dépasser ces constats douloureux et obtenir ainsi une forme de résilience. M. Perruchon souligne que le travail du vieillir assure la métabolisation de la perte et de la souffrance, ceci dès 50 ans ; le deuil du moi qui intervient à un âge plus avancé correspond lui à une forme de préparation à la finitude (Perruchon M., 2017). N

La mémoire... des mémoires

La mémoire est une fonction cognitive complexe, indispensable à l’identité, à l’expression, au savoir, aux connaissances, à la réflexion et même à la projection de chacun dans le futur. Elle fonctionne avec plusieurs étapes de mémorisation : un encodage du stimulus (mémoire à court terme), puis un stockage et une consolidation (mémoire à long terme) et enfin, en cas de nécessité de rappel du stimulus, une réucpération en ayant accès aux informations stockées. Le modèle MNESIS

F. Eustache et B. Desgranges proposent, dans la lignée des travaux de E. Tulving (Eustache F. et al., 2010) et A. Baddeley (Baddeley A., 2000) le modèle MNESIS (Modèle NÉoStuctural InterSystémique) qui comprend cinq systèmes de mémoires : la mémoire de travail, la mémoire procédurale, la mémoire perceptive, la mémoire sémantique et la mémoire épisodique (Desgranges B. et al., 2011) : 



La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) : mémoire du présent, elle est au cœur du réseau. Elle comprend quatre sous-systèmes dont l’administrateur central est situé dans les lobes frontaux. Sollicitée en permanence, elle permet de retenir des informations pendant quelques secondes, voire quelques dizaines de secondes. Les informations ne sont pas stockées et consolidées (leur souvenir est vite oublié). La mémoire procédurale : mémoire des automatismes : apprentissage et rétention d’une large gamme de capacités cognitives et motrices comme jouer au piano, conduire, résoudre un puzzle, calculer, lire... La mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et situés dans le cervelet.

La mémoire perceptive, la mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont, quant à elles, trois systèmes de représentation à long terme :



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La mémoire perceptive : acquisition et maintien des connaissances relatives à la sensorialité. Elle recrute des réseaux neuronaux à proximité des aires sensorielles. Cette mémoire fonctionne beaucoup à l’insu de l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux... La mémoire sémantique : mémoire du savoir et de la connaissance, elle est culturellement partagée et atemporelle. Elle permet l’acquisition de connaissances générales sur soi (son histoire, sa personnalité) et le monde (géographie, politique, actualité, nature...). Elle implique des réseaux neuronaux disséminés dans des régions très étendues notamment dans les lobes temporaux. La mémoire épisodique : mémoire des événements autobiographiques inscrits dans un contexte spatial et temporel précis. Elle permet de se souvenir de moments passés mais aussi de prévoir le lendemain (mémoire prospective). Elle fait appel à des réseaux neuronaux situés dans l’hippocampe et plus largement dans la face interne des lobes temporaux. Elle est composée de deux sous-systèmes :

➙ la mémoire antérograde : mémorisation d’informations nouvelles, conserve

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temporairement tous les souvenirs récents ; ➙ la mémoire rétrograde autobiographique, elle-même constituée de deux composantes : - une composante sémantique qui repose sur les connaissances générales de soi et de son passé (je sais), - une composante épisodique qui rassemble les souvenirs d’événements spécifiques situés dans le temps et dans l’espace (je me souviens). Mémoire et émotions

La qualité de l’encodage d’un stimulus dépend de facteurs personnels, à savoir, le niveau d’attention que nous portons à l’information à mémoriser, mais aussi la charge émotionnelle attachée à la nature même de cette information. Mémoires et émotions sont effectivement étroitement liées. B. Croisile précise que la joie et la peur favoriseraient davantage un ancrage* durable en mémoire de scènes vécues, que la sérénité ou la tristesse (Croisile B., 2008). Sava A.A. et al. évoquent l’existence d’un effet de positivité dans la mémoire des personnes âgées qui se souviendraient mieux des informations positives que des informations négatives ou neutres, contrairement aux sujets jeunes (Sava A.A., et al., 2013). Ainsi, quand les sujets âgés évoquent des souvenirs



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anciens, les émotions négatives seraient estompées. Les événements passés seraient réélaborés de façon plus positive. Cet effet de positivité serait plus marqué en mémoire rétrograde autobiographique qu’en mémoire antérograde. Le vieillissement de la mémoire

Le vieillissement physiologique de la mémoire n’entraîne pas de perte d’autonomie ou d’indépendance, et ce, malgré un vieillissement physiologique du cortex préfrontal (Parris B.A., 2016). Une fois encore, face au vieillissement de la mémoire nous ne sommes pas égaux, et ce vieillissement est multifactoriel :

➙ plasticité et réserve cérébrale initiale ; ➙ diminutions sensorielles d’origine pathologique entraînant des diminutions de stimulations ; ➙ diminution de la sollicitation cognitive ; ➙ polypathologies ; ➙ iatrogénie médicamenteuse ; ➙ deuils répétés, anxiété, dépression...

Le vieillissement s’accompagne d’une fragilisation des capacités mnésiques qui constitue la principale plainte des personnes âgées. Les effets du vieillissement les plus marqués apparaissent en mémoire de travail et en mémoire épisodique : la composante épisodique de la mémoire rétrograde autobiographique (je me souviens) est nettement plus sensible au vieillissement que la composante sémantique (je sais). Nous aborderons le vieillissement pathologique de la mémoire dans le chapitre 3. N

La gériatrie : une jeune discipline et ses spécificités

Avec de telles disparités, il devient complexe de donner une définition à la gérontologie (γερων : vieillard et λογια : études) qui étudie le vieillissement humain et ses conséquences psychologiques, physiologiques, sociétales, anthropologiques, démographiques, etc. L’une de ses composantes est la gériatrie qui s’attache à étudier les implications du vieillissement sur la santé. Reconnue comme spécialité complémentaire en 2004 et spécialité à part entière en 2017, la gériatrie est jeune. La SFGG la définit comme la médecine de la personne âgée à domicile ou en institution présentant des problèmes bio-psycho-sociaux parfois complexes ou



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des affections liées à l’âge. Cette définition vaste fait une fois de plus apparaître qu’en ce qui concerne le vieillissement des mots comme « complexe » et « problèmes » sont quotidiens. Mais ne serait-il pas possible d’envisager la gériatrie sous un jour positif ? Une médecine qui s’occupe d’une personne âgée dans sa globalité, l’accompagnant dans ses projets de vie et sa santé, en respectant ses souhaits et en favorisant son bien-être. Ainsi nous abordons une médecine qui nécessite une approche globale et pour laquelle tout abord par le prisme de la médecine d’organe est vaine : la personne et ses pathologies, son équilibre psychologique, son autonomie, ses aidants familiaux ou professionnels, le matériel dont elle a besoin à domicile, etc. Ce n’est qu’en appréhendant cet ensemble, qu’il sera possible de proposer un accompagnement adapté. Cette médecine ne peut s’envisager que sous l’angle de la pluridisciplinarité voire de l’interdisciplinarité, tous les professionnels étant nécessaires à la construction d’un projet de vie adapté et adaptable au cours des années. Ainsi, autour de la personne vont s’articuler : infirmiers, aides-soignants, médecins (généralistes, gériatres et spécialistes d’organes), kinésithérapeutes, psychologues, ergothérapeutes, cadres de santé, assistantes sociales, psychomotriciens, gestionnaires de cas... Ces professionnels formés travailleront en transversalité dans tous les lieux où la personne séjournera : domicile, Établissement d’hébergement pour personnes âgées* (EHPA), EHPAD, Unités de soins de longue durée* (USLD), Urgences, Unité de court séjour gériatrique* et Soins de suites et réadaptation* (SSR).

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Autonomie

L’un des enjeux les plus importants de la gériatrie est le maintien de l’autonomie dans son sens de fonctionnalité mais aussi dans sa capacité à faire des choix. L’autonomie fonctionnelle est communément mesurée par des échelles qui sont des marqueurs importants d’indépendance et de capacité en gériatrie : 



ADL (Activities Daily Living) : capacité à faire sa toilette, à s’habiller, à être continent, à marcher, à aller aux WC et à manger seul (avec ou sans matériel) ; IADL (Instrumental Activities Daily Living) : capacité à utiliser le téléphone, faire les courses, préparer les repas, entretenir la maison, faire la lessive, utiliser un moyen de transport, prendre ses médicaments et gérer son budget.

L’autonomie est évidemment étroitement liée à l’état de santé du patient, mais pas seulement : le tissu social, la vie affective et les ressources financières y



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contribuent fortement. La gériatrie mettra en place des actions préventives et/ou curatives lors d’un épisode aigu afin de revenir à l’état d’autonomie antérieur. Néanmoins, lorsque l’autonomie vient à diminuer, une entrée en EHPAD est souvent envisagée, comme une réponse à une situation de crise ou d’urgence. Parfois acceptée car déjà réfléchie ou anticipée, elle peut aussi être mal perçue par la personne, et nécessiterait un travail de préparation au changement pour aider à passer ce cap, qui malheureusement ne peut pas toujours se faire avant et se fait une fois la personne entrée en institution. Pathologie, polypathologies, polymédications

Le vieillissement s’accompagne de maladies, de facteurs psychologiques et sociaux qui peuvent avoir des conséquences sur l’autonomie de la personne. La polypathologie (coexistence de plusieurs maladies chroniques chez le même individu) est fréquente, ainsi que son corollaire la polymédication (consommation chronique de plus de quatre médicaments différents). De même, la survenue de handicaps (défaillances sensorielles, motrices et intellectuelles), de problèmes neuropsychiques (dépression, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, etc.) vont agir sur la santé de la personne et sur son autonomie. La réponse aux traitements médicamenteux peut être parfois « explosive ». Modèle du 1 + 2 + 3 D’une façon générale, le vieillissement s’accompagne d’une diminution des réserves adaptatives de l’organisme. Le modèle du 1 + 2 + 3 décrit par J.P. Bouchon explique comment le patient va franchir le seuil d’insuffisance d’organe (état de dysfonctionnement d’un organe qui n’assure plus correctement sa fonction) (Bouchon J.P., 1984) : 1. il existe, avec le vieillissement, une diminution physiologique de la réserve fonctionnelle de nos organes (cœur, rein, cerveau...), sans toutefois atteindre le seuil d’insuffisance de ces mêmes organes. 2. peut se rajouter une diminution pathologique de la réserve d’organe par affection chronique, menant à moyen terme à franchir le seuil d’insuffisance d’organe. 3. si des facteurs intercurrents de décompensation (stress, effort, pathologies aiguës, iatrogénie) s’ajoutent, ils peuvent mener rapidement au seuil d’insuffisance d’organe ; que ce soient les patients ayant une maladie chronique (modèle : 1 + 2 + 3) ou ceux ayant un vieillissement physiologique (modèle :



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1 + 3). Ce passage sous le seuil d’insuffisance d’organe est théoriquement réversible si la prise en charge de la pathologie aiguë causale est adaptée. Ainsi, chez les patients âgés non malades, le vieillissement seul ne suffit pas à expliquer une défaillance d’organe. En revanche, chez les patients âgés polypathologiques, les réserves adaptatives diminuent et entraînent un état de fragilité permanent caractérisé par une instabilité physiologique et une incapacité à s’adapter à un stress quel qu’il soit. Décompensations en cascade Ces patients « fragiles » sont à risque de décompensation en cascade, initiée par une affection aiguë. Par exemple, une pneumopathie favorise la dénutrition, laquelle entraîne une chute du patient avec une fracture du bassin, puis un globe urinaire, un syndrome confusionnel, une grabatisation, des escarres, etc. Le Collège national des enseignants de gériatrie rappelle que certaines fonctions sont particulièrement sensibles à la décompensation en cascade :     

la fonction cérébrale corticale : confusion*, dépression ; la fonction cérébrale sous-corticale : désadaptation psychomotrice ; la fonction cardiaque ; la fonction rénale ; la fonction d’alimentation : déshydratation, dénutrition.

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Ce phénomène de la cascade retrouvé en gériatrie s’auto-entretient : la pneumopathie entraîne une anorexie, qui majore la dénutrition, qui elle-même diminue le système immunitaire et aggrave la pneumopathie. Le pronostic est gravissime pour ces patients, et l’un des enjeux de la prise en charge gériatrique est d’éviter ces décompensations en cascade risquant de mener les patients à une plus grande perte d’autonomie, pouvant aller jusqu’à l’institutionnalisation, voire au décès. La connaissance du schéma du 1 + 2 + 3 permet d’agir sur les facteurs intercurrents et de les prendre en compte dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique afin de permettre une récupération grâce à un traitement adapté : c’est le concept de réversibilité. Cette prise en charge, qui est la force de la gériatrie, nécessite de la part des soignants une connaissance des pathologies, des thérapeutiques des patients fragiles mais aussi, et surtout, de bonnes capacités relationnelles et une grande adaptabilité.



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Grands syndromes Si toutes les pathologies se rencontrent en gériatrie, elles sont plus fréquentes que dans la population générale : au-delà de 64 ans, les personnes interrogées déclarent plus de 7 affections en moyenne. Les plus fréquentes concernent les déficits visuels et les problèmes dentaires, sont ensuite identifiés les affections cardiovasculaires (HTA), les troubles endocriniens et du métabolisme, les affections ostéoarticulaires, les troubles du sommeil et les états dépressifs. Les cancers sont également plus fréquents l’âge avançant et, comme nous l’avons vu, les insuffisances d’organes se majorent. Mais certains syndromes sont spécifiques à la gériatrie, ils ont une expression et une prise en charge qui leur est propre et sont fréquemment intriqués : par exemple, un patient ayant un trouble neurocognitif qui chute. La prise en charge de ces syndromes nécessite cette pluridisciplinarité indispensable à la gériatrie, une réévaluation clinique et psychologique régulière et une adaptation fréquente des traitements médicamenteux, de l’environnement humain et matériel. Ainsi les gériatres identifient surtout :  





La perte d’autonomie déjà évoquée. Les troubles cognitifs : ils sont majoritairement en lien avec les troubles neurocognitifs majeurs (ou démences ou pathologies neurodégénératives). Ce sont des syndromes dans lesquels on observe une dégradation de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à réaliser les activités quotidiennes. La maladie d’Alzheimer en est la cause la plus fréquente, elle représente 60-70 % des cas. Le Mini Mental Status Examination (MMSE*) permet d’évaluer différents stades dans l’évolution de ces pathologies. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elles sont parmi les causes principales de handicap et de dépendance dans le monde, avec des conséquences physiques, psychologiques et sociales majeures (cf. chapitre 3). Les troubles de la marche et les chutes : après 65 ans, une personne sur trois chute au moins une fois dans l’année et une sur deux après 80 ans. Les chutes ont souvent des conséquences plus ou moins graves, immédiates (fractures, hémorragies intracérébrales, rhabdomyolyse...), mais aussi à moyen et long terme (désadaptation psychomotrice, perte d’autonomie...) : 40 % des personnes ayant chuté entrent en institution dans l’année qui suit (cf. chapitre 4). Le syndrome confusionnel : souvent confondu avec la démence, le syndrome confusionnel est sous-diagnostiqué et mal identifié. Il s’agit d’une altération



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aiguë et fluctuante de la conscience avec des troubles attentionnels et une désorganisation de la pensée qui survient chez un patient dont la modification cognitive ne peut s’expliquer par une démence préexistante ou en évolution. On peut identifier une cause ou des causes organiques dans l’histoire, l’examen clinique ou les investigations (DSM-IV-TR). Un état confusionnel aigu est retrouvé chez 31,3 % des patients de plus de 70 ans lors de leur admission à l’hôpital (HAS, 2009). C’est un état potentiellement réversible mais qui est souvent à l’origine de complications médicales en hospitalisation. Il s’accompagne d’ailleurs d’une augmentation de la mortalité intrahospitalière (22 à 76 %) et de la mortalité à 1 an (35 à 40 %). La dénutrition protéino-énergétique : sa prévalence est estimée entre 2 et 4 % à domicile, 40 à 80 % à l’hôpital et 30 à 40 % en EHPAD. Elle est un facteur de risque de mortalité et de morbidité. La dépression : pathologie fréquente dans la population âgée, souvent sousdiagnostiquée, dont la prévalence varie entre 3,1 % pour un épisode actuel de dépression majeure dans une population non institutionnalisée de moyenne d’âge 73 ans, à 36 % en EHPAD. Au-delà des symptômes dépressifs, les traitements antidépresseurs instaurés à un moment de la vie du patient sont souvent continués même lorsque cela n’est plus nécessaire, malgré les risques iatrogéniques importants. Les escarres : la prévalence des escarres augmente avec l’âge. Environ 1 à 13 % des personnes âgées constituent des escarres au cours d’un séjour hospitalier. Les problématiques des escarres sont nombreuses : soins répétés, douleurs spontanées et provoquées par les soins, hypercatabolisme, etc. L’incontinence : bien que difficile à évaluer, sa prévalence augmente avec l’âge : 25 % des plus de 80 ans et jusqu’à 90 % des patients ayant des troubles cognitifs sévères. Elle est un facteur important d’isolement social par la honte qu’elle engendre.

D’autres syndromes peuvent être identifiés : les troubles du sommeil, l’anxiété, etc. Enfin, il nous faut aborder les soins palliatifs en gériatrie. Un patient très âgé est, en toute logique, près de la fin de sa vie, et ce, d’autant plus qu’il est porteur de plusieurs pathologies qui n’ont pas de traitements curatifs. Par exemple, un patient ayant un trouble neurocognitif majeur au stade sévère et une insuffisance rénale pour qui l’idée de la dialyse voire de la greffe apparaît rapidement comme déraisonnable. Le patient est donc atteint de plusieurs pathologies qui sont en phases palliatives actives et il est difficile d’appréhender



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

quel évènement précipitera l’évolution et fera entrer le patient dans une phase d’accompagnement palliative dite symptomatique où seuls les traitements liés à l’inconfort seront mis en place (cf. chapitre 6). Le repérage et la prise en charge de ces grands syndromes est une spécificité de la gériatrie : il faudra s’appliquer à corriger les facteurs étiologiques modifiables, s’il y en a. Les traitements médicamenteux pourront être utilisés à visée curative, symptomatique ou préventive, mais seuls ils ne sont pas suffisants. Le médicament tout puissant ? Si la prescription médicamenteuse a le plus souvent une indication légitime et s’avère nécessaire pour certaines pathologies aiguës ou pour la prise en charge d’une maladie chronique, elle n’est pas dépourvue d’effets indésirables et pose la question des interactions des médicaments entre eux. Chez les personnes âgées, ces problématiques sont majorées : les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques liées au vieillissement rendent le patient âgé plus à risque de iatrogénie médicamenteuse. D’autant plus que le nombre de pathologies augmentant, le nombre de médicaments augmente en parallèle, exposant alors aux interactions médicamenteuses : les patients de plus de 70 ans prennent en moyenne entre 4 à 5 médicaments par jour. La iatrogénie est responsable de 5 à 10 % des hospitalisations des plus de 65 ans, et de plus de 20 % au-delà de 80 ans. La iatrogénie précipite les patients dans les grands syndromes gériatriques : chutes, syndrome confusionnel, anorexie, incontinence urinaire, etc. Si les thérapeutiques médicamenteuses sont nécessaires à une bonne prise en charge gériatrique, il est important qu’elles soient adaptées à l’âge et aux insuffisances d’organes, ainsi qu’aux autres médications, dans un esprit de synthèse de la globalité du patient, en hiérarchisant les pathologies et leurs traitements. Même en développant de bonnes pratiques, le médicament n’est pas et ne doit pas être la seule réponse que les soignants peuvent apporter. Comme nous l’avons dit, la prise en charge pluridisciplinaire est nécessaire, mais aussi l’utilisation des thérapeutiques non médicamenteuses ayant fait preuve de leur efficacité.



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L’ HYPNOSE L’histoire d’une influence de l’esprit de l’homme sur l’homme remonte à la nuit des temps et a pris au cours des siècles différentes formes : invocations dans les temples, guérison par la parole, chamanisme, fluide réparateur de Paracelse (XVIe siècle), magnétisme animal de Frantz-Anton Mesmer (XVIIIe siècle), sommeil lucide de l’abbé Faria (début XIXe siècle), état de sommeil nerveux de James Braid (XIXe siècle), pour arriver à la suggestibilité d’Hippolyte Bernheim (fin du XIXe , début du XXe siècle) qui a jeté les jalons de l’hypnose développée par M.H. Erickson (XXe siècle). N

Définir l’hypnose ?

L’absence de définition unique de l’hypnose signe la vastitude du phénomène, et ce, d’autant plus que le terme « hypnose » peut définir différents procédés : l’hypnose comme un état actif physiologique par lequel nous passons plusieurs fois par jour et qui nous donne une impression de dissociation* et de rêverie, et l’hypnose thérapeutique (hypnose pratiquée dans le champ de la santé), que nous allons développer dans cet ouvrage, qui va permettre à l’individu de trouver ou de retrouver cet état à chaque fois qu’il en a besoin ou pour se traiter. M.H. Erikson, père de l’hypnose thérapeutique moderne, nous dit que : « L’hypnose se déroule dans le patient. »

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Et parmi ses nombreuses définitions, il nous livre que : « C’est un état de conscience particulier qui privilégie le fonctionnement inconscient par rapport au fonctionnement conscient ». « Votre but, en vous servant de l’hypnose, est de communiquer des idées et des compréhensions ainsi que d’amener le patient à utiliser les compétences qui existent en lui à la fois au niveau psychologique et au niveau physiologique. » (Erickson M.H., 1983)

Pour M.H. Erickson, l’hypnose permet au patient d’accéder à ses ressources internes (apprentissages, vécu, processus psychique...) et de les mobiliser pour atteindre un objectif thérapeutique* ou autre. Plus récemment, le psychanalyste puis hypnothérapeute F. Roustang décrivait l’hypnose comme un état de « veille paradoxale », donc un état de sommeil apparent du corps mais une attention de veille intense. Pour lui, c’est : Une « manière d’être au monde, une façon de se poser dans l’existence. » (Roustang F., 1994)

L’accompagnement bienveillant de l’hypnopraticien permet au patient de :



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

« Faire l’expérience d’un champ de conscience élargi. » (Bioy A., 2017)

Ceci va lui permettre d’amplifier ses ressources et l’aider à atteindre ses réponses pour initier un changement. Le patient choisira de suivre la voie/voix proposée ou en prendra une autre : L’hypnose « permet au sujet d’accéder à nouveau à la liberté des choix. » (Richard P., 2012)

La dernière définition internationale de l’hypnose proposée par la Society of Psychological Hypnosis (30e section de l’American Psychological Association) en 2014 était : “A state of consciousness involving focused attention and reduced peripheral awareness characterized by an enhanced capacity for response to suggestion.” (Elkins et al., 2015)

Qu’A. Bioy traduit par : « Un état de conscience incluant une focalisation* de l’attention ainsi qu’une attention périphérique diminuée, caractérisé par une capacité accrue à répondre à la suggestion*. » (Bioy A., 2017)

De nombreuses définitions passées, de nombreuses à venir, et une immensité de pratiques... N

Un état clinique particulier

Lorsqu’on observe un adulte jeune en état hypnotique, on constate un état de relaxation, une catalepsie* involontaire des paupières et d’autres signes comme un larmoiement, des mouvements oculaires sous les paupières, un ralentissement de la respiration, une difficulté d’élocution, une diminution de la déglutition, une immobilité... Subjectivement les patients racontent un sentiment de relaxation, de dissociation de leur corps et de leur esprit, une distorsion du temps, une amnésie, des hallucinations... Les praticiens, eux, constatent une plus grande suggestibilité. Les études de J.J. Barrell et D.D. Price ont identifié cinq dimensions constamment présentes : 

 

un sentiment de détente et de relaxation mentale, mais pas nécessairement physique ; une attention soutenue et concentrée sur un ou plusieurs éléments donnés ; une diminution du jugement, du contrôle et de la censure : il y a une perception sensorielle mais pas d’intellectualisation ;



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une suspension de l’orientation temporelle, spatiale et du sens de soi : le temps se module, le corps est différent (le patient le sent lourd ou léger ou penché, etc.) ; une expérience d’un accès à des réponses automatiques, sans délibération ni effort. (Rainville P. et Price D.D., 2003)

Il est important de préciser que la diminution du jugement et du contrôle concerne le contrôle que la conscience du patient exerce sur lui-même et qui est levé en hypnose. Il ne s’agit aucunement d’une perte de contrôle initiée par la volonté d’un hypnopraticien. Cet état de conscience particulier explique la facilité relative pour le patient à avoir accès à ses ressources tout en ayant une impression de bien-être. N

Un mode de fonctionnement cérébral particulier

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Depuis les années 1990 et l’arrivée de la neuroimagerie, l’hypnose a été étudiée du point de vue des neurosciences. De nombreuses études ont pu montrer qu’il existe un état cérébral particulier sous hypnose différent des autres états de conscience. Les premières études d’E. Faymonville et P. Maquet en Belgique ainsi que de P. Rainville et al. au Canada ont identifié initialement des modifications cérébrales : une augmentation du débit cérébral dans le cortex cingulaire antérieur et le cortex occipital (visuel), mais aussi une diminution dans le mésencéphale et le lobe pariétal droit, et une augmentation dans les structures impliquées dans l’attention (tronc cérébral ponto-mésencéphalique, thalamus médian, cortex cingulaire antérieur, lobe frontal inférieur et lobe pariétal de l’hémisphère gauche) ainsi que du cortex sensorimoteur (Maquet P. et al., 1999 ; Rainville P., et al. 2002). Ainsi, une certaine réalité concrète de l’hypnose commençait à apparaître. Plus récemment, les travaux de D. Spiegel et al. ont identifié plusieurs réseaux modifiés par l’hypnose (Jiang H., Spiegel D., 2017) (fig. 1.1 page suivante). 

Le réseau de saillance, qui détermine, parmi la multitude de stimuli internes et externes, ceux qui sont signifiants et dignes d’attention. En état hypnotique, il y a une diminution de l’activité de ce réseau avec une activité réduite du cortex cingulaire antérieur dorsal (CCAD). Cela se traduit cliniquement par une perte de contact avec l’extérieur, un sentiment d’absorption.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Projection CPFDL

CCAD

CCP

CCAV

CPFM H Projection Cortex insulaire Légende Réseau de saillance : – CCAD : cortex cingulaire antérieur dorsal – Cortex insulaire

Réseau de contrôle exécutif : – CPFDL : cortex préfrontal dorso latéral

Réseau du mode par défaut : – CPFM : cortex préfrontal médian – CCP : cortex cingulaire postérieur Autres : – H : hippocampe – CCAV : cortex cingulaire antérieur ventral

Figure 1.1.



Le réseau du contrôle exécutif, qui permet d’accomplir de nombreuses tâches complexes en s’adaptant (organisation, stratégies, planification...) et le réseau du mode par défaut qui est activé lorsque le cerveau est au repos mais actif, sans être focalisé sur le monde extérieur : lorsque le sujet est laissé à ses propres pensées sans être perturbé, mais aussi quand il imagine des événements futurs, conçoit le point de vue d’autrui ou récupère des souvenirs autobiographiques. Ces deux réseaux sont également modifiés en état hypnotique : diminution de connectivité entre le cortex préfrontal dorso-latéral (CPFDL) d’une part et le cortex préfrontal médian (CPFM) et le cortex cingulaire postérieur (CCP) d’autre part, entraînant une impression de dissociation (avec une diminution de la conscience de soi).

Enfin, il y a, durant l’hypnose, une augmentation de connectivité entre le cortex préfrontal dorso-latéral et l’insula qui permet un recentrage sur ses états internes et un contrôle des réactions physiques liées aux pensées et aux émotions.



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Généralités

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Progressivement, les mécanismes neurophysiologiques de l’hypnose sont décryptés et confortent les sensations subjectives ressenties par les patients depuis des millénaires. N

Différentes formes d’hypnose thérapeutique

L’hypnose thérapeutique a un objectif de traitement et se fait en accord (explicite ou implicite) avec le patient dans une relation thérapeutique. Elle regroupe de nombreux objectifs et des pratiques différentes. Des objectifs différents

A. Bioy propose plusieurs hypnoses : 





hypnoanalgésie : utilisation de l’hypnose pour soulager la douleur et les éléments associés à cette douleur ; hypnosédation : utilisation de l’hypnose en péri-opératoire (pré, per et post), développée par M.E. Faymonville (qui ne sera pas développée dans ce livre) ; hypnothérapie : usage psychothérapeutique de l’hypnose, menée par les psychiatres, psychologues et psychothérapeutes.

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Si l’hypnoanalgésie et l’hypnothérapie vont être retrouvées dans quasiment tous les chapitres de ce livre, d’autres types d’hypnose vont également être développés : l’Hypnose Adaptée Pour les troubles Neurocognitifs aux Stades Sévères (HAPNeSS) et l’hypnose fonctionnelle. Chaque professionnel de santé va pouvoir utiliser l’hypnose thérapeutique dans son champ de compétence et l’adapter à sa pratique et ses expériences quotidiennes, mais toujours en constante adaptation à l’état actuel du patient et à ses souhaits, ses ressentis, ses besoins qui sont en mouvance permanente. Des pratiques différentes

Si les techniques utilisées sont globalement similaires, l’hypnose peut être pratiquée en maintenant un état de veille lors d’une conversation, c’est l’hypnose conversationnelle, ou en allant jusqu’à la veille paradoxale plus ou moins profonde, c’est l’hypnose formelle ou état hypnotique, appelée communément transe. C’est en fait un « phénomène graduel » (M.H. Erickson) qui s’adresse à l’inconscient, il n’y a pas de scission entre l’hypnose conversationnelle et l’état hypnotique, mais plutôt, comme nous allons le voir, un continuum qui est d’autant plus vrai en gériatrie.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Il faut également ajouter à ces deux pratiques qui nécessitent l’intervention d’un hypnopraticien, l’autohypnose qui est l’hypnose que s’approprie le patient afin de l’utiliser seul. Cet état d’autohypnose est l’objectif de la majorité des prises en soin en hypnose, et la majorité des patients y parviennent rapidement. Hypnose conversationnelle L’hypnose conversationnelle est une façon de communiquer avec bienveillance lors d’un entretien, en ayant un objectif thérapeutique avec une éthique mais sans qu’il y ait eu auparavant l’induction* d’un état hypnotique. C’est un moment relationnel privilégié centré sur le patient, qui va s’établir entre lui et l’hypnopraticien, comme s’ils étaient tous deux dans la même bulle. Ils sont dans la même temporalité de la consultation. Cet état favorise la suggestibilité et le patient peut alors entrer dans une légère dissociation en commençant à percevoir une réalité différente, il va pouvoir envisager d’initier un changement. Cette approche thérapeutique ne nécessite pas d’accord explicite, car c’est un mode de communication, mais elle nécessite un accord implicite qui ne peut s’établir vraiment que dans une relation thérapeutique avec une alliance en confiance avec l’hypnopraticien. L’hypnose conversationnelle va se baser sur l’écoute, l’observation (« Observer, observer, observer », M.H. Erickson), l’utilisation, l’adaptation au patient et la fixation d’attention. Le langage verbal fait appel à de nombreuses techniques : mots à consonance positive, mots de liaison, verbes d’action, reformulation des mots du patient, recadrage*, suggestions directes et indirectes*, PAVTOG*, truismes*, saupoudrage*, confusion*, ratification*, etc. La position basse de non-sachant permet de laisser au patient la possibilité de trouver ses propres solutions : l’hypnopraticien ne peut pas savoir à la place du patient, lui seul a les clés et les réussites ne sont que les siennes. L’hypnopraticien écoute attentivement sans jugement. Le langage non verbal a été étudié, entre autres, par l’école de Palo Alto. Pour P. Watzlawick, toute communication a deux aspects : la communication digitale, qui utilise les mots, c’est le contenu de la communication, et la communication analogique, affective, qui est l’aspect relationnel de la communication, essentiellement non verbale et que tout le monde peut comprendre (Watzlawick P., 1967). Il est donc important de travailler son langage, mais pas seulement. La position basse, le ton de la voix, le rythme de parole parfois plus lent, parfois plus rapide, la synchronisation*, le toucher, les expressions faciales, etc. sont également capitaux comme nous le verrons plus précisément au chapitre 2. A. Mehrabian en 1967, bien que critiquable en raison de la méthodologie de son étude, suggérait



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Généralités

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qu’en situation de stress, la communication interpersonnelle était pour 93 % non verbale (vocale par l’intonation, le son de la voix et visuelle par les expressions du visage, du corps) (Mehrabian A., 1967). Nous pouvons apparenter ces situations de stress à des situations de soins, et qu’importe les chiffres, l’idée est importante. Qui n’a jamais observé le visage et les mouvements corporels de celui qui vient lui annoncer une nouvelle importante ? et qui n’a jamais senti son corps le trahir (pâleur, rougeur, tremblements...) quand il souhaitait communiquer de manière calme et posée dans un moment de stress ? Cette approche en hypnose conversationnelle se fait dès les premiers instants de la rencontre avec la personne. Pourrait-on imaginer une telle scène ?

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L’hypnopraticien va chercher en salle d’attente M. M., venu pour une prise en charge de son anxiété. Hypnopraticien : Bonjour, comment allez-vous ? M. M. : Pas bien justement, avec tous ces événements dans le monde. Hypnopraticien (grimace) : Ah oui, vous avez entendu ce dernier glissement de terrain à L......, a priori les secouristes ne les retrouvent pas, ce doit être affreux. M. M. : Oh, je n’étais pas au courant... Hypnopraticien (inquiet) : Avec le réchauffement climatique, ça nous tombera dessus un jour ou l’autre ! M. M. : ... Hypnopraticien (sourit) : Bon, vous venez pour votre séance d’hypnose ? Installezvous confortablement.

Dans cet exemple, il est facile de comprendre que la relation thérapeutique débute dès le premier contact avec le patient et se termine au départ de celui-ci. L’hypnopraticien doit d’emblée trouver la « bonne distance » ou « une juste proximité », le sourire, le calme, la disponibilité empathique sont des atouts pour créer une alliance thérapeutique*. L’hypnose conversationnelle, qu’il y ait une séance d’hypnose formelle avec un apprentissage d’autohypnose ou pas, accompagne constamment la consultation. Hypnose formelle ou état hypnotique L’hypnose formelle est un état naturel, mais il peut être induit et amplifié avec l’aide d’un hypnopraticien comme guide pour arriver à cet état clinique et cérébral particulier décrit précédemment. Classiquement l’hypnose formelle nécessite une phase d’alliance thérapeutique (longue ou rapide) dans une approche par hypnose conversationnelle. Avec



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l’accord le plus souvent explicite du patient, parfois implicite, l’hypnopraticien va proposer une induction qui va mener à la dissociation et ainsi à une phase d’ouverture de la conscience, que F. Roustang appelait la « perceptude » : le patient est alors dans son propre univers perceptif, sans jugement de son intellect et en ayant accès à des réponses automatiques. C’est principalement dans cette phase que l’hypnopraticien va pouvoir proposer un travail thérapeutique avec des suggestions et des métaphores*, tout en approfondissant la transe et en faisant des suggestions post-hypnotiques* pour un effet durable. Enfin l’hypnopraticien fera « revenir » le patient ici et maintenant à l’état de veille, c’est le retour. Ce schéma « type » est toutefois en constante adaptation au patient et au contexte (urgences, soins, pathologies chroniques, etc.) et nous verrons qu’en gériatrie il est souvent bousculé. L’autohypnose Pour T. Servillat : « L’autohypnose est l’hypnose qu’on se “fait” à soi-même, par soi-même. » (Servillat T., 2017).

M.H. Erickson décrit ses expériences d’autohypnose à certains moments clés de sa vie, comme un accès à son inconscient qui n’est pas limité par son esprit conscient, en proposant à son inconscient une instruction générale : « J’aimerais être débarrassé de cette douleur. » (Erickson M.H., 1980)

Ainsi parfois seul (avec le soutien d’un livre ou d’une vidéo), mais le plus souvent après un apprentissage de l’hypnose par un hypnopraticien, le patient va retrouver les sensations ressenties pendant les séances et avoir accès à ses ressources, en ayant un objectif thérapeutique. Pour faciliter cet état, l’hypnopraticien utilise des suggestions post-hypnotiques avec des ancrages facilement accessibles pour le patient lors de l’apprentissage. Le patient va ensuite s’approprier la technique et en s’entraînant de plus en plus souvent celle-ci va devenir naturelle, comme une nouvelle façon d’être. Indications

Les indications de l’hypnose sont vastes et couvrent quasiment tout le champ médical, mais certaines indications ont été plus étudiées et c’est sans conteste



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dans le domaine de la douleur que l’hypnose est la plus reconnue, voire recommandée par la Haute Autorité de Santé sur certaines indications ciblées (hypnoanalgésie pour les soins des enfants, la fibromyalgie, douleurs chroniques et aigües non spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde) et par l’Académie de médecine (douleurs aiguës de l’enfant et de l’adolescent, effets secondaires des chimiothérapies). Un rapport de l’INSERM en juin 2015, qui a évalué 82 essais cliniques publiés dans des revues internationales référencées, dont 6 revues Cochrane, reconnaissait l’efficacité de l’hypnose lors des interventions chirurgicales et des actes de médecine ou de radiologie interventionnelles avec une diminution de la quantité des antalgiques et/ou sédatifs peropératoires. Le syndrome de l’intestin irritable faisait également partie des indications admises. La difficulté à mener des études bien conduites selon les critères de l’Evidence Based Medicine, qui nie toute une partie de l’approche qualitative individuelle de l’hypnose, est souvent un obstacle à la validation d’un grand nombre d’indications. Enfin, et il est important de le signaler, le rapport de l’INSERM et une métaanalyse faite sur des études entre 2005 et 2015 n’ont retrouvé aucun effet indésirable de l’hypnose déclaré dans la littérature (INSERM, 2015 ; Häuser W., 2016).

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Éthique de l’hypnopraticien

La pratique de l’hypnose thérapeutique est une pratique des professionnels de santé et, comme telle, a des bases éthiques que l’hypnopraticien se doit de respecter. De nombreuses chartes ont ainsi été élaborées, rappelant les mêmes aspects capitaux. Dans la charte éthique de l’Institut français d’hypnose (IFH), nous pouvons lire : « L’intérêt et le bien-être du patient ou du sujet expérimental doivent toujours constituer un objectif prioritaire (...) » « L’hypnose est considérée comme un complément à d’autres formes de pratiques scientifiques ou cliniques (...) »

L’hypnose thérapeutique doit donc être considérée comme un traitement complémentaire aux thérapeutiques actuelles, et non un traitement alternatif. Un traitement par hypnoanalgésie entrera, par exemple, dans le cadre de l’analgésie multimodale où tous les traitements adaptés au patient douloureux pourront être suggérés, médicamenteux et non médicamenteux (cf. chapitre 5). « L’hypnopraticien doit avoir les diplômes requis lui permettant d’exercer dans le champ où s’exerce son activité hypnotique. »



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« L’hypnopraticien limitera son usage clinique et scientifique de l’hypnose aux aires de compétences que lui reconnaît le règlement de sa profession. »

L’hypnopraticien ne soignera pas par hypnose ce qu’il ne sait pas soigner sans. « L’hypnose ne sera pas utilisée comme une forme de distraction. »

Ainsi, la pratique de l’hypnose thérapeutique se fera, comme l’écrivait M.H. Erickson, en ayant un objectif pour le patient : « Vous ne contrôlez pas le comportement d’une quelconque autre personne. Vous apprenez à le connaître, vous aidez les patients en l’utilisant, vous aidez les patients en les dirigeant de telle façon qu’ils rencontrent leurs besoins ; mais vous ne travaillez pas avec les patients pour atteindre vos propres buts. Le but est leur bien-être et si vous réussissez à obtenir leur bien-être, vous touchez directement votre propre bien-être. »

Nous avons choisi dans cet ouvrage de parler d’hypnopraticien(ne), comme le suggère l’IFH et la Confédération francophone d’hypnose et thérapies brèves (CFHTB), afin d’éviter toute confusion avec le terme galvaudé d’hypnothérapeute utilisé par ceux qui proposent l’hypnose sans avoir de formation de soignant.

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ET PERSONNES ÂGÉES

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Une évidence ?

L’hypnose thérapeutique apparaît comme une évidence lorsque l’on souhaite être soignant auprès de patients âgés. Comme nous l’avons vu, les traitements médicamenteux ne sont pas la seule réponse, loin s’en faut, que l’on peut apporter en gériatrie. Les relations avec ces patients sont complexes et riches, et nécessitent un abord plus humain que technique. L’hypnose apparaît alors rapidement comme une complémentarité nécessaire à nos soins et à nos relations. Mais les patients âgés acceptent-ils cette thérapeutique ? Après une explication appropriée et adaptée à la pathologie à traiter, les patients âgés acceptent quasi constamment la proposition d’utiliser l’hypnose thérapeutique. Ils semblent même avoir moins d’a priori que leurs cadets, étant peut-être moins exposés aux émissions du grand public où les hypnotiseurs font du spectacle. Néanmoins, cela est-il vraiment possible chez des patients âgés pouvant avoir des déficits sensoriels et cognitifs, avec parfois des troubles du comportement ? Et si oui, dans quelles indications peut-on la proposer ? Des techniques différentes vont-elles être nécessaires ?



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Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre au fil des pages de ce livre. N

Susceptibilité à l’hypnose et suggestibilité

Si la suggestibilité à l’hypnose n’est pas la même chez tout le monde, la majorité des personnes est accessible à l’état hypnotique de manière plus ou moins rapide et profonde. Néanmoins, classiquement, des fonctions supérieures intactes et une bonne capacité à se concentrer semblent être indispensables à une bonne hypnose (Spiegel H. et al., 2004). Alors qu’en est-il en vieillissant? En effet, on observe une diminution des capacités d’abstraction et d’imagination dans le grand âge ainsi que des troubles attentionnels plus fréquents (principalement avec une diminution de la capacité à faire plusieurs tâches et une distraction plus rapide par des interférences), souvent majorés par les pathologies (douleurs, dépression, troubles neurocognitifs...) et les traitements médicamenteux. Autant de modifications de capacités qui pourraient être un obstacle à l’hypnose. Quelques études que nous allons développer dans ce paragraphe vont nous apporter un début d’éclairage sur l’accès à l’hypnose en vieillissant, bien que certaines d’entre elles aient parfois des résultats divergents.

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Hypnose, échelles de susceptibilité et âge

Dès les débuts de l’hypnose, H. Bernheim en 1886 montrait que les sujets jeunes de moins de 14 ans étaient les plus accessibles à l’hypnose, mais ne notait pas de différence au-delà de 14 ans. Dans les années 1970, A.H. Morgan et al. se sont intéressés aux scores de susceptibilité hypnotique en fonction de l’âge, à partir de l’échelle de susceptibilité hypnotique de Stanford (Stanford Hypnotic Susceptibility Scale) chez 1 232 sujets, et ont montré que les scores baissaient avec l’âge, les plus susceptibles à l’hypnose étant les 9 à 12 ans, puis une décroissance s’amorçait jusqu’à 41 ans, puis la susceptibilité semblait remonter (Morgan A.H., 1973). Berg S. et al., en 1975, dans une étude de 55 sujets ayant une moyenne d’âge de 80,5 ans, retrouvaient des scores très bas à l’échelle de Stanford, surtout chez les plus de 85 ans. Les scores les plus bas parmi les items concernaient l’inhibition verbale, la catalepsie des paupières et les suggestions post-hypnotiques (Berg S. et al., 1975). En 2007, R.A. Page et al., à partir des découvertes de A.H. Morgan, ont utilisé l’échelle de susceptibilité hypnotique du Groupe d’Harvard, Forme A, et ont identifié une tendance générale de décroissance des scores avec l’âge de 17 à



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40 ans, mais qui remonteraient ultérieurement (Page R.A., Ohio State University et al., 2007). Une autre étude s’est intéressée à l’évolution de la susceptibilité à l’échelle de Stanford sur une période de 25 ans pour une même personne, le début étant en période d’étudiant et notait une stabilité des scores (Piccione C. et al., 1989). Suggestibilité

En 1989, G. Cohen et al. montraient que les patients âgés au vieillissement usuel faisaient plus d’erreurs dans une tâche de rappel (visionnage d’un film avec questionnaire en suivant) que les plus jeunes lorsqu’ils étaient influencés par de fausses informations concernant le film, laissant supposer une augmentation de la suggestibilité en vieillissant. Dans la même étude, les sujets âgés avaient également des difficultés à se rappeler s’ils avaient fait, vu (en vidéo) ou imaginé (en suggestion) une tâche (Cohen G., 1989). B.A. Parris fait le lien entre cette augmentation de la suggestibilité et une atrophie du cortex préfrontal dans un processus de vieillissement usuel (de même que les enfants qui n’ont pas encore fini le développement du cortex préfrontal), rendant les sujets âgés plus suggestibles que les plus jeunes (Parris B.A., 2016). Sur un plan plus psychologique, M. Guillou nous dit que : « Les divers inconforts, la cohorte des douleurs, invitent à fuir, à s’absenter mentalement. La mémoire devient un ailleurs-refuge. La dissociation devient une façon d’être. » « Se retourner vers le passé semble plus rassurant que le futur et plus confortable que le présent. » (Bioy A., 2014)

Elle confirme ainsi une certaine facilité qu’a la population âgée à être dissociée. Des états hypnotiques différents

Ainsi, peut-on commencer à appréhender au travers des résultats parfois divergents de ces quelques études la possibilité qu’en vieillissant nous devenions plus accessibles à la suggestion voire à la reviviscence, mais que parfois les échelles de susceptibilité à l’hypnose ne retrouvent pas chez les sujets âgés les signes habituels de l’hypnose. H. Bernheim, en 1884, disait : « Les aliénés, les mélancoliques, les hypocondriaques sont souvent difficiles ou impossibles à endormir. » (Bernheim H., 1884)

Comme le relève D. Michaux, il peut y avoir chez certains patients des signes isolés de transe ou des suggestibilités sans changement de conscience.



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Généralités

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Au travers de l’expérience journalière qui est la nôtre depuis des années auprès des personnes âgées, nous pouvons confirmer que les patients âgés sont accessibles à l’hypnose, mais que leurs transes sont parfois différentes surtout lorsqu’il existe des troubles cognitifs (en dehors des troubles cognitifs sévères) : 



L’état hypnotique est fréquemment haché avec des moments de discussion voire des passages à l’état de veille. Les patients gardent souvent les yeux ouverts, mais le regard devient fixe et le réflexe de clignement diminue.

Ces constatations cliniques sont probablement les raisons pour lesquelles les patients âgés ont de moins bons scores aux échelles de susceptibilité qui considèrent la fermeture des yeux et la catalepsie comme des conditions sine qua non à l’état hypnotique. M.H. Erickson considérait quant à lui que l’altération du clignement du regard était un signe de transe (Erickson M.H., 1976). Néanmoins, cela ne concerne pas tous les patients âgés car certains ont des états hypnotiques tout à fait « traditionnels ». Quant aux patients ayant des troubles cognitifs sévères, s’ils sont accessibles à l’hypnose, celle-ci est bien différente : de courte durée, en discutant, en marchant ou en étant assis. Nous la développerons dans le chapitre 3. N

Utilisation clinique de l’hypnose dans la population vieillissante et indications dans la littérature

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Patients sans troubles cognitifs

Peu d’auteurs se sont intéressés aux patients âgés, et souvent en excluant les patients ayant des troubles cognitifs. Dans les années 1990, deux études décrivaient des populations entre 60 et 69 ans. Ashton et al. s’intéressaient à l’autohypnose autour des pontages aorto-coronariens dans une cohorte de patients de moyenne d’âge de 64 ans. Ils constataient que les patients nécessitaient moins d’antalgiques et étaient moins anxieux que le groupe contrôle (Ashton C., et al., 1997). Lang et al., avec une moyenne de 69 ans, étudiaient l’autohypnose au cours de la radiologie interventionnelle, et notaient une diminution de l’utilisation de fentanyl, moins de douleur et une meilleure saturation en oxygène (Lang E., et al., 1996).



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Plus récemment, S.K. Lutgendorf et al., en 2007, se sont intéressés à 241 patients de 18 à 92 ans devant subir un geste de radiologie interventionnelle. Ils montraient qu’il n’y avait pas de différence d’hypnotisabilité en fonction de l’âge (p = 0,19), que la douleur diminuait chez les patients sous hypnose quel que soit l’âge, et que l’âge augmentant, les patients contrôlaient plus vite la douleur avec l’hypnose. Il y avait également une diminution de l’anxiété, moins d’antalgiques et moins de désaturation sous hypnose, indépendamment de l’âge. Toutefois, ils avaient posé comme limite un Mini Mental State Examination > 25 (MMSE), soit des patients sans trouble cognitif (Lutgendorf S.K., 2007). Enfin, en 2016, S. Ardigo et al. se penchaient sur la douleur chronique et la dépression de 53 patients âgés hospitalisés (moyenne d’âge 80,6 ans et MMSE > 25) à qui il était proposé de manière randomisée, soit massage (3 sessions de 30 minutes), soit hypnose (3 séances de 30 minutes). Si dans chaque groupe la douleur s’améliorait après les séances, seule l’hypnose avait un effet durable pendant le temps d’hospitalisation (p = 0,008) et un effet également sur la dépression (p = 0,049) (Ardigo S., 2016). Dans un autre registre, en 2015, Cordi et al. s’intéressaient quant à eux à des patientes âgées en moyenne de 67,1 ans, en bonne santé, ayant des troubles du sommeil lent profond, et augmentaient ce sommeil de 57 % par des suggestions post-hypnotiques (Cordi M.J., 2015). Ces études cliniques se sont majoritairement intéressées aux douleurs procédurales et chroniques, mais également à l’anxiété, la dépression et l’insomnie. Ce sont effectivement les indications premières de l’hypnose au quotidien dans la population âgée, auxquelles il faut ajouter les troubles de la marche, les situations de fin de vie, les tremblements, les troubles fonctionnels intestinaux etc. Ces indications chez les patients âgés sans troubles cognitifs sont, à peu de choses près, les mêmes que celles des patients plus jeunes. Patients ayant des troubles cognitifs

Encore moins d’études publiées concernent les patients âgés ayant des troubles cognitifs. En 2007, S. Duff et D. Nightingale faisaient une étude pilote dans 2 EHPAD à Liverpool pendant 9 mois auprès de 18 patients atteints de troubles neurocognitifs majeurs aux stades modérés à modérément sévères : 6 patients bénéficiaient de séances d’hypnose hebdomadaire avec des suggestions post-hypnotiques basées sur la diminution de l’anxiété, la motivation, la relaxation, la clarté de pensée, la concentration et la socialisation. Les 12 autres ayant, soit des



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soins usuels, soit une discussion une fois par semaine autour de l’actualité. Les auteurs mesuraient à 9 mois des critères de qualité de vie (concentration, humeur, relaxation, activités de la vie quotidienne, mémoire immédiate, mémoire d’événements significatifs, socialisation, motivation) qui étaient tous améliorés dans le groupe hypnose, sauf le critère de relaxation, et de manière durable puisque 1 an après la fin des séances (sans intervention complémentaire) les résultats étaient maintenus. Il existait également une satisfaction de la part des soignants qui disaient ces patients plus facile à gérer et étant plus impliqués, plus positifs et actifs dans la vie de l’EHPAD. Les auteurs concluaient que les séances d’hypnose permettaient une libération des ressources des patients qui étaient utilisées pour la dépression et l’anxiété, et qui deviennent alors disponibles pour d’autres tâches. Néanmoins, ils précisaient que l’hypnose ne permet pas de récupérer ce que la pathologie neurocognitive a fait perdre (Duff S. et al., 2007). Bien que difficilement reproductible au quotidien en raison du nombre de séances (36/patients), cette étude nous montre que l’hypnose chez les patients ayant des troubles cognitifs est possible, avec une efficacité des suggestions post-hypnotiques.

Enfin, dans une autre étude préliminaire sur 14 patients, effectuée dans un service d’Unité d’hébergement renforcé chez des patients Alzheimer à un stade léger à modéré, il semblait que la situation de transe soit plus facile à obtenir au début de la maladie par rapport au sujet non Alzheimer. Pour les stades plus sévères, on ne pouvait conclure du fait de la standardisation du protocole qui limitait l’adaptation à chaque patient. Enfin, il existait un effet positif sur les troubles du comportement que nous développerons au chapitre 3 (Sol P., 2015). Le peu de publications dans cette population souligne le manque d’utilisation qu’il est fait de l’hypnose chez ces patients et la nécessité de réfléchir à des pratiques hypnotiques adaptées et différentes de celles qui nous sont habituelles, mais aussi la complexité d’évaluer les résultats obtenus. N

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

J. Becchio souligne, quant à lui, que l’hypnose améliore la capacité de restitution des souvenirs et améliore l’ambiance relationnelle des soins (Becchio J., 2014).

Quotidien de l’utilisation de l’hypnose en gériatrie : indications et qualité

Dans notre expérience clinique, l’hypnose a de nombreuses indications en gériatrie : la majorité sont les mêmes que chez les patients plus jeunes, mais on y adjoindra les troubles du comportement que nous étudierons dans le chapitre 3. Si presque toutes les indications peuvent être prises en charge par tous les



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

soignants formés des équipes, certaines sont plus spécifiques à des corps de métiers (cf. tableau 1.1).

Tableau 1.1. Indications d’hypnose à ce jour en gériatrie dans le champ de compétence des soignants Indications

Qui prend en charge en hypnose

Douleurs aiguës et procédurales

Infirmiers, aides-soignants, psychologues, médecins, kinésithérapeutes, cadres infirmiers, ergothérapeutes

Douleurs chroniques

Psychologues, médecins

Toilette accompagnée

Aides-soignants, infirmiers, psychologues, médecins, cadres infirmiers

Anxiété

Infirmiers, aides-soignants, psychologues, médecins, kinésithérapeutes, cadres infirmiers

Dépression

Psychologues, médecins spécialistes

Insomnie

Infirmiers, aides-soignants, psychologues, médecins, kinésithérapeutes, cadres infirmiers

Troubles du comportement :

Infirmiers, aides-soignants, psychologues, médecins, kinésithérapeutes, cadres infirmiers, ergothérapeutes

idées délirantes, hallucinations, agitation, agressivité, dysphorie, dépression, anxiété, exaltation de l’humeur, apathie, désinhibition, irritabilité, comportement moteur, troubles de l’appétit, cris Troubles de la marche

Kinésithérapeutes, ergothérapeutes, infirmiers, aides-soignants, médecins

Fin de vie

Psychologues, infirmiers, aides-soignants, médecins, kinésithérapeutes, cadres infirmiers, ergothérapeutes

Un soignant formé dans un service de gériatrie c’est très bien, une équipe formée c’est encore mieux ! Si cet adage semble simple, il est pourtant une base de prise en charge. En effet, au-delà du fait qu’un soignant formé à l’hypnose seul dans un service peut avoir du mal à pratiquer en se sentant isolé et parfois jugé par ses pairs, il ne peut seul maîtriser toute la communication autour du patient. Dans la prise en charge globale qui est la base de la gériatrie et que nous avons décrite, chaque intervenant est important, chacun apporte sa compétence et sa présence pour aider le patient à avancer, et chacun communique avec le patient.



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Généralités

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Exemple Imaginons une situation clinique lors d’une toilette d’un patient habituellement agité non communiquant verbalement et grabataire où une aide-soignante qui travaille en binôme, mais qui est seule à avoir été formée à l’hypnose, tente de proposer un accompagnement par hypnose : Aide-soignante : M. M. bonjour, nous venons vous faire le soin. Je vous aide à vous installer confortablement. Le ciel est magnifique aujourd’hui, d’un beau bleu, tranquille. Collègue : On va faire la toilette, c’est froid, mais ça ne sera pas long. Aide-soignante : Parfois la pluie peut tomber, douce et apaisante, comme une pluie d’été. Collègue : Ouh la la, mais il commence à marquer, on n’est pas loin de l’escarre. Aide-soignante en cherchant des yeux les objets et photos qu’il y a dans la chambre : Il est beau ce petit, peut-être est-ce quelqu’un de votre famille, il a de beaux yeux, une peau de pêche. Collègue : Et toi tu travailles ce week-end ? Le patient s’agite et s’oppose, et l’aide-soignante renonce.

Dans cet exemple, très fréquemment rapporté par les soignants, il est facile de comprendre qu’il est nécessaire que le maximum de soignants soient formés à l’hypnose ou au moins sensibilisés, et cela dans tous les corps de métiers soignants : infirmiers, aides-soignants, psychologues, médecins, kinésithérapeutes, cadres infirmiers, ergothérapeutes, psychomotriciens, etc. L’ UTILISATION DE L’ HYPNOSE THÉRAPEUTIQUE AUPRÈS DE PATIENTS ÂGÉS DANS UN SERVICE OU UN ÉTABLISSEMENT GÉRIATRIQUE

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Elle permet : 

une équipe paramédicale fédérée autour de l’hypnose conversationnelle avec un vocabulaire gratifiant et rassurant ;



une communication apaisée dans les relations complexes avec les familles en difficulté psychologique face à leur parent hospitalisé ou hébergé ou en difficulté à domicile ;



une utilisation de techniques d’hypnoanalgésie pour des situations de soins douloureuses (bilan sanguin, pose de sonde gastrique, pose de sonde vésicale, ponction lombaire, réfection de pansement d’escarre ...) ;



une satisfaction des soignants lors de l’utilisation de l’hypnose, ils retrouvent du sens dans le soin en sortant de la technicité pure pour réinvestir la relation avec le patient.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

L’hypnose thérapeutique dans un service de gériatrie est un garant de la qualité des soins. En permettant aux soignants de réinventer leur pratique tous les jours, elle redonne un sens aux soins, évite la routine et par là-même l’épuisement. PAROLES DE SOIGNANTS



Infirmière : « L’hypnose à visée médicale apporte une approche positive des soins. Une meilleure prise en soins des patients et leur entourage. Elle permet de mieux appréhender les situations difficiles, que ce soit dans la vie professionnelle ou que ce soit dans sa vie personnelle. »



Infirmière : « Le manque de temps n’est pas un critère car l’hypnose m’en fait gagner sur mon temps de travail. »



Cadre de santé : « Dans la pratique au quotidien, l’hypnose conversationnelle auprès des patients et famille est une technique de communication qui permet de desamorcer, de rentrer en communication. »



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Chapitre 2

Grands principes Marie Floccia, Philippe Sol, Fabienne Bidalon, Françoise Le-Ru

ANS CE CHAPITRE, nous allons faire un tour rapide de certaines techniques d’hyp-

D

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nose adaptées aux personnes âgées (sans ou avec des troubles cognitifs) et nécessaires à la compréhension des chapitres suivants afin de les aborder en toute sérénité. Ces quelques bases que nous vous proposons ne sont pas exhaustives pour toute l’hypnose thérapeutique, elles ne concernent que les spécificités des sujets âgés. Des pratiques plus approfondies seront développées au fur et à mesure des chapitres suivants. Si l’utilisation de l’hypnose chez les patients âgés nécessite quelques adaptations mineures de la part de l’hypnopraticien, lorsque les troubles cognitifs apparaissent et que les niveaux de compréhension et d’attention se modifient, les techniques de base restent les mêmes, mais les approches deviennent totalement différentes. La 1re partie de ce chapitre ne concernera que les patients n’ayant pas de troubles neurocognitifs ou des troubles aux stades légers à modérés. La seconde partie s’attachera aux patients ayant des troubles neurocognitifs majeurs aux stades modérément sévères à sévères (la description précise de ces stades est faite au chapitre 3, « Symptomatologie »). Néanmoins, la césure n’est souvent pas aussi franche entre les stades et certains patients ayant une pathologie à un stade léger peuvent nécessiter de l’Hypnose Adaptée Pour les troubles Neurocognitifs aux Stades Sévères (HAPNeSS) et vice-versa.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

G RANDS

PRINCIPES DES PARTICULARITÉS DE L’ HYPNOSE CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES EN L’ ABSENCE DE TROUBLE COGNITIF OU AYANT DES TROUBLES COGNITIFS LÉGERS À MODÉRÉS N

À quelles ressources accéder ? « Votre but, en vous servant de l’hypnose, est de communiquer des idées et des compréhensions ainsi que d’amener le patient à utiliser les compétences qui existent en lui à la fois au niveau psychologique et au niveau physiologique. » (Erickson M.H., 1983)

La base de notre prise en soins va s’appuyer sur les ressources du patient en allant chercher avec lui l’origine de ses ressources, en la lui montrant, en la développant, en la laissant faire le travail qu’elle a à faire. Ces ressources peuvent être psychologiques, mais aussi s’appuyer sur les capacités restantes du corps par recadrage. L’âge avançant, les patients semblent avoir plus de difficultés à accéder à leurs ressources, ou peut-être les soignants et les familles sont-ils plus prompts à vouloir les protéger sans leur faire confiance ? Ainsi, n’est-il pas fréquent de ne pas vouloir annoncer un diagnostic de cancer à un patient de 90 ans sous le prétexte de le « protéger » ? Alors que les études montrent que les sujets âgés manifestent moins de problèmes psychosociaux et de stress face au diagnostic que les sujets plus jeunes, avec de meilleures stratégies d’adaptation (Mor V., 1994 ; Baider L. et al., 2003). Les expériences accumulées au cours de la vie lors des décisions importantes permettraient aux personnes âgées d’aborder le cancer dans des conditions psychologiques plus favorables (Pignon T. et al., 2000). Ainsi, aller chercher les ressources d’un patient âgé c’est souvent s’appuyer sur son vécu. M. Guillou nous dit que « la mémoire est l’histoire de l’Être », elle contient « toute la construction identitaire », les personnes âgées ont tendance à s’y réfugier (Bioy A. et al., 2004). Il existe dans nos mémoires des périodes plus accessibles que d’autres : D.C. Rubin et al. ont montré l’existence de la fonction de rétention, du pic de réminiscence et de l’amnésie infantile. Dans le vieillissement non pathologique, le pic de réminiscence se situe entre l’âge de 10 et 30 ans, ce qui correspond au moment où le patient a construit sa vie, fait ses études, s’est marié, a eu des enfants, a choisi son métier, etc. La fonction de rétention correspond au fait que les personnes, quel que soit leur âge, évoquent plus de souvenirs sur les douze



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Grands principes

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derniers mois. L’amnésie infantile est la rareté des souvenirs avant 6 ans (Rubin D.C. et al., 1997). Enfin, comme nous l’avons vu chapitre 1, dans le paragraphe « La mémoire... des mémoires », de nombreuses études se sont intéressées aux liens, maintenant établis, entre émotion et mémorisation et ont prouvé que les sujets âgés, contrairement aux sujets plus jeunes, se rappellent mieux des informations positives que des informations négatives et neutres, ce que les auteurs appellent l’effet positivité : « Les souvenirs positifs deviennent aussi plus durables et accessibles plus longtemps que les souvenirs négatifs. » (Guillaume C. et al., 2009)

C’est l’inverse pour des sujets plus jeunes et ce n’est pas le cas non plus de ceux ayant des troubles neurocognitifs ou des syndromes dépressifs. Cet effet de positivité serait expliqué par la théorie de la sélectivité socio-émotionnelle : ce serait l’impression subjective du temps que l’on a devant soi qui déterminerait nos priorités : quand on pense avoir un temps infini, on privilégie ce qui élargira notre horizon ; quand on a un temps plus limité, on privilégiera les émotions positives plus immédiates (Carstensen L.L. et al., 1999). Ainsi, le patient âgé en bonne santé a une vision plus positive que la réalité de son passé. Appuyons nous sur cette constatation pour aider nos patients à accéder à leurs ressources, sans oublier toutefois de recadrer le patient sur ses capacités actuelles.

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Hypnose conversationnelle ou hypnose formelle ?

Comme nous l’avons vu, l’hypnose conversationnelle va permettre, dans une relation thérapeutique, de communiquer avec le patient en utilisant des principes d’hypnose, mais sans forcément aller jusqu’à un état hypnotique. Elle va permettre au patient d’envisager la réalité d’une manière différente et d’amorcer des changements. Elle s’envisage dans une relation de confiance pour mener à une alliance thérapeutique (cf. chapitre 3, Mme O., Dépression). Les indications de l’hypnose conversationnelle sont vastes : aider lors d’un soin inconfortable, prise en charge d’une pathologie chronique, soulager une anxiété... Elle est une relation particulière que le soignant entretient avec le patient, dans une bulle de bienveillance pour un soulagement du corps et de l’esprit. Il est coutume de faire une différence entre l’état hypnotique et l’hypnose conversationnelle. Si les techniques sont à peu de chose près les mêmes pour



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

l’un ou pour l’autre, cette dichotomie en gériatrie a très peu lieu d’être. En effet, très souvent la conversation peut mener à l’état hypnotique ou l’état hypnotique peut être ponctué de conversation. Ainsi se trouve-t-on dans un continuum entre conversationnel et état hypnotique où le patient peut passer de l’un à l’autre (cf. chapitre 5, M. R., Douleur aiguë ; chapitre 6, Mme B.). Une séance d’hypnose chez un patient âgé, avec ou sans troubles cognitifs, pourrait donc parfois ressembler à une courbe sinusoïdale (fig. 2.1), mais parfois aussi la séance sera plus traditionnelle avec une transe profonde et une catalepsie durant toute la séance (cf. chapitre 3, Mme T., Dépression ; M. M., Anxiété). Veille ordinaire Dissociation

Profondeur de la transe

Veille paradoxale

Figure 2.1.

N

Communication non verbale La bonne hauteur ? La bonne distance ?

La position basse est une des bases de l’hypnose ericksonienne : c’est le patient qui va faire le changement, ce sont ses propres ressources qu’il va solliciter ; l’hypnopraticien ne fait que proposer et accompagner, le patient choisit. Si cette position basse est dans l’échange ou lors de l’état hypnotique, elle est aussi physique : le fait de se tenir en dessous du patient, le fauteuil plus bas ou accroupi auprès du lit, va permettre au patient de prendre le dessus physiquement sans se sentir agressé ou envahi, et d’apaiser ainsi bien des situations (cf. chapitre 3, M. E., Idées délirantes ; chapitre 3, M. R., Agitation, Mme B. Agitation ; chapitre 5, Mme T., Douleur chronique).



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La question de la distance est également importante. Depuis les travaux de E.T. Hall en 1971, il est classique de définir la distance publique (> 3,6 m, l’autre n’est alors pas en relation), la distance sociale (de 120 cm à 360 cm, une relation s’installe), la distance personnelle (de 45 cm à 125 cm, un contact corporel peut s’établir) et la distance intime (< 40 cm, les corps se touchent) (Hall E.T., 1971). Lors d’une séance d’hypnose ou dans une relation thérapeutique, la distance habituelle se situe entre la distance sociale et la distance personnelle. L’hypnopraticien peut être amené à évaluer cette distance en demandant au patient s’il est à la bonne distance (ce qui peut également s’inclure dans une Yes-set*). Mais, au cours des soins au patient, la distance devient nécessairement intime. Certains patients, surtout s’ils ont des troubles cognitifs, apprécieront cette proximité, parfois même lors d’une discussion : certains attrapent le bras, le cou, pour que nous nous rapprochions. Et plus les troubles cognitifs évoluent, plus, bien souvent, la distance diminue. Comme toujours, il est alors important de s’adapter à la demande explicite ou implicite du patient, d’observer si celui-ci recule quand on s’approche, ou au contraire de ressentir qu’il nous accepte dans sa bulle et au plus près (cf. chapitre 3, M. Y., Hallucinations). Cette proxémie offre deux avantages :

➙ elle permet de parler plus près de l’oreille des patients ayant des troubles

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auditifs ; ➙ elle permet d’utiliser le canal tactile en hypnose, comme nous allons le voir. De l’importance de la synchronisation

Si une attitude ouverte et de disponibilité est importante, la synchronisation l’est encore plus. La synchronisation est une autre base du langage corporel de l’hypnose. Elle fait appel aux neurones miroirs découverts par Rizzolati et al. chez les macaques et étudiés depuis chez l’Homme (Rizzolatti G. et al., 1996). Ce système miroir entraîne chez l’observant une représentation mentale d’un acte moteur effectué chez l’observé, ils sont donc importants dans le cadre de l’apprentissage par imitation et dans le cadre des rééducations (cf. chapitre 4). Mais ils sont également, et surtout, impliqués dans la reconnaissance des comportements affectifs et donc de l’empathie (cette capacité que nous avons de percevoir ce que ressent autrui), dans ce qui nous permet d’identifier, de comprendre et d’accepter les émotions de l’autre. Les neurones miroirs permettent une synchronisation par



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

une mise en phase physique et mentale avec le patient (Gangitano M. et al., 2001). En hypnose, cette synchronisation va être progressive : au début, l’hypnopraticien adopte de manière consciente la même position, les mêmes mots (mirroring) que le patient, le même rythme (pacing) respiratoire ou de mouvements : l’hypnopraticien peut faire les mêmes mouvements que le patient ou être amené à marcher avec son patient dans la même cadence (plutôt que de chercher absolument à ce que celui-ci s’assoit). Et au fur et à mesure de la consultation, la synchronisation va se faire de manière inconsciente en s’ajustant au patient et en permettant ensuite au patient de s’ajuster au praticien (leading) : si le patient est fermé, les bras croisés, l’hypnopraticien peut aborder la même attitude puis progressivement au cours de la conversation s’ouvrir, décroiser les bras, et le patient fera les mêmes mouvements. Il en est de même pour la respiration que l’hypnopraticien peut caler sur celle du patient dans un premier temps puis progressivement ralentir pour, par leading, emmener le patient à faire de même. Le contrôle de la respiration a un grand intérêt car la régulation par le contrôle permet d’inhiber l’activité sympathique du système nerveux autonome et donc d’apaiser les signes de stress du patient. Regarder... rythmer

Le regard de l’hypnopraticien privilégiera dans tous les cas un regard long et proche à l’opposé du regard fuyant. Le regard posé sur le patient, avec pudeur et intérêt, sans « papillonnage », permet d’ouvrir la relation. Les expressions des yeux de l’hypnopraticien accompagnent sa parole et ses gestes. Il est tout entier dans la relation avec son patient, il observe les mouvements, les habits, les objets, l’aidant, il devine les non-dits. « Observer, observer, observer » (M.H. Erickson), tout le long de la relation. En gériatrie, c’est souvent une observation mutuelle car, comme nous l’avons dit, il est fréquent que le patient âgé ne ferme pas les yeux mais observe l’hypnopraticien, puis garde un regard fixe avec une diminution du réflexe de clignement, centré sur une focalisation induite ou sur les yeux mêmes du praticien. Si cela peut être un peu déstabilisant, l’état hypnotique du patient n’en reste pas moins présent. Les troubles cognitifs évoluant, nous verrons que le regard devient encore plus important, avec la notion de captation du regard que nous développerons ciaprès au paragraphe « Augmentation du recrutement sensoriel ».



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Une voix douce et posée, un peu monocorde parfois, apparaît chez l’hypnopraticien quand il débute l’hypnose, puis il va apprendre à jouer avec cette voix, à la moduler dans les rythmes, les graves, à accentuer certaines phrases, certains mots, certains silences... puis à ralentir ou à accélérer. Si chez les patients sans troubles cognitifs, les silences et un rythme lent peuvent être intéressants dans des contextes de pathologies chroniques, en cas de douleur aiguë ou procédurale ou lorsque les troubles cognitifs évoluent, il y a de moins en moins de place pour les silences. N

Communication verbale Les mots qui soignent

Si le langage non verbal est important, le langage et les mots le sont évidemment aussi. Il y a les mots qui font mal et les mots qui soulagent et apaisent. Mots sombres à éclairer

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Les mots noirs sont ces mots qui éveillent chez nous des images sombres et anxiogènes. Un certain nombre de ces mots sont faciles à identifier. Dans l’exemple quotidien lors d’un soin d’escarre, il est fréquent d’entendre : trou, énorme, sale, ça fistule, je découpe, ça pue... À ces mots vont s’ajouter les mots techniques du milieu médical, mais qui sont également loin de rassurer : on déterge, ça nécrose, curette, bistouri... L’absence de mots peut être également anxiogène, et le pire est le « hhhaaannn !!! » quand nous sommes surpris par l’étendue d’une plaie au retrait du pansement. Qui ne l’a pas fait ? Et le patient, même déficient auditif, l’entendra, car lors de ce soin il est en éveil, focalisé sur le moindre de nos mouvements et mots. Avec ces mots, le patient va se construire une image de ce qui se passe, de l’évolution de sa plaie, et ce, d’autant plus que le plus souvent il ne la voit pas car elle est située dans le dos ou aux talons. Ainsi peut-on modifier notre langage : « je vais faire le soin, ça évolue, je retire le pansement, tout se passe bien ». Il nous faut prêter une attention toute particulière aux mots médicaux qui nous paraissent anodins, mais ont un double sens (potence, pistolet, inflammatoire, barrières, lavement) et essayer de les bannir de notre langage (Perennou G., 2017). Lorsque les mots sombres émanent du patient, plusieurs façons peuvent être proposées :



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reformuler ces mots autrement : « je suis très mal » devient « vous dites que vous avez mal » : l’idée passe d’un mal-être total à une zone douloureuse plus concrète et donc plus atteignable, du verbe « être » au verbe « avoir » plus concret ; reformuler par son contraire : « je veux mourir » devient « vous voulez cesser de vivre » : induit l’idée de la vie ; reformuler par recadrage : « je veux tout arrêter, je n’en peux plus » devient « vous ne voulez pas continuer, vous êtes trop fatigué pour faire cet examen, vous pouvez vous reposer ».

La reformulation permet au patient de sentir que l’hypnopraticien prend sa souffrance en compte, tandis que celui-ci sème des graines pour aider le patient. La négation En vous demandant : « ne pensez pas à un éléphant rose », l’image de l’éléphant rose vous apparaît avant d’être chassée par la négation. En situation de stress (ce qui peut s’apparenter à un soin, une anxiété, une hospitalisation...), ce processus est prégnant et le patient est alors à l’écoute des mots seuls, sans les négations. Une infirmière bienveillante va dire à propos d’un prélèvement sanguin : « ne vous inquiétez pas, ça ne va pas durer longtemps, ça ne va pas faire mal ». Le patient va entendre : « inquiet », « mal », « longtemps », et se prépare alors au pire...Nous pouvons modifier par « rassurez-vous, le soin va durer quelques minutes, puis vous pourrez prendre votre café (projection dans le futur) » ou « je vous donne un traitement pour que vous soyez confortable » ou « êtes vous assez confortable ? ». En gériatrie, on entend souvent : « ne vous agitez pas », « ne vous levez pas », etc. On appuie ainsi sur l’idée de se lever et s’agiter, que le patient n’avait peut-être pas avant qu’on le lui suggère. Transformer cela en « vous pouvez rester tranquille », « vous êtes confortablement installé », sera plus probant surtout si ces phrases sont accompagnées de synchronisation. Un exercice de base consiste à supprimer de son langage ce fameux « ne vous inquiétez pas », ce qui peut prendre du temps, car il est bien ancré dans notre mode de communication de soignant. Cette négation, qui est à éviter dans ces situations de soins, peut être parfois utilisée pour contourner les résistances : « ne vous détendez pas tout de suite », « le soin ne sera pas apaisant immédiatement », ce qui va permettre au patient de se détendre et de s’apaiser un peu plus vite (Michaux D., 2007).



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Grands principes

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La ratification Par la ratification, nous disons au patient que l’on prend acte de ce qui se passe chez lui, que les mouvements soient volontaires ou involontaires (traduisant une expression de l’inconscient). Cela contribue à dissocier et à approfondir l’état hypnotique. À un patient pendant une séance formelle qui fait un mouvement : « vous changez de position pour être encore plus confortable et c’est très bien ». La ratification est aussi très utile lors des échanges dans un contexte plus conversationnel : les patients en gériatrie sont coutumiers des pertes, des deuils et des incapacités progressives. Il n’est pas rare que, lors d’une hospitalisation, ils entendent : « il n’y a plus rien à faire », « vous ne récupérerez pas », « il est devenu incontinent ». Mais alors qu’en est-il des victoires quotidiennes de nos patients ? Dans cette population fragilisée, nombreux sont ceux qui ne se croient plus capables de rien, et nos soins quotidiens ancrent ces incapacités : ne plus pouvoir se laver, être incontinent, ne plus pouvoir manger seul. Il devient alors important de souligner toutes les petites victoires du quotidien, aussi minimes soient-elles. Exemples

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M. O. a fait un AVC, c’est son premier lever : « C’est très bien ce que vous faites, les deux pieds au sol, vos jambes vous tiennent. Ce premier lever se passe très bien. » Qu’importe la façon dont ce dernier s’est passé, il a eu lieu et c’est bien là le plus important. Chaque mouvement est ratifié : les pieds au sol, les jambes qui tiennent, etc. tout ce qui fonctionne est noté et exprimé au patient. Il est certain qu’il y aura du travail, mais cela se fera petit à petit. Mme R. ne mange presque plus : « Vous avez mangé un peu de yaourt, c’est très bien, cela doit être agréable ce yaourt dans la bouche, frais et sucré, c’est vraiment bien ces efforts que vous faites. » Le plus souvent l’objectif dans ce genre de situation est rarement de passer à une alimentation normale, mais plutôt de garder une alimentation plaisir. Ce plaisir passe aussi par nos mots et nos attitudes. Balayer le PAVTOG sur cet aliment, si la patiente n’a pas de problèmes buccaux qui peuvent modifier le goût, est un excellent moyen d’augmenter le sentiment de plaisir. M. P. sort d’une pneumopathie sévère : « Votre poumon est guéri, les prélèvements sanguins montrent que tout s’améliore, bravo pour ce que votre corps a accompli. » Rappeler au patient que c’est lui qui a guéri, que c’est son corps qui s’est défendu et a gagné est un point de vue différent de celui qui dit que le bon antibiotique a été donné, moins gratifiant pour les soignants, mais tellement plus pour le patient.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Mais dans la ratification, il y a aussi la reconnaissance du vécu de l’autre et des difficultés qu’il a traversées : M. L vous raconte sa vie, il est veuf depuis peu et avait un fils unique qui s’est tué à 20 ans. Ce discours est toujours dur à entendre et que répondre ? Nous pourrons, en tant que soignant, exprimer vraiment ce que nous ressentons par la ratification : « vous avez vraiment eu une vie très dure ». Cela va offrir au patient la prise en compte de son état émotionnel, la prise en considération de ce vécu, et évitera le « faut plus y penser », « ça va passer », etc.

La ratification peut aussi s’appliquer à l’environnement, qui est parfois peu amène au calme. Aux urgences par exemple « C’est un lieu de soins, tout le monde est là pour vous, il y a beaucoup de monde, certains sont plus doux, certains parlent fort, d’autres bougent, mais c’est un lieu de soins, bienveillant, pour vous, et nous sommes là pour nous occuper de vous. »

Le saupoudrage « Utilisez des mots positifs, évitez les négations, ratifiez régulièrement, saupoudrez abondamment et répétez. » Cette petite recette de cuisine est valable pour tous les patients bien sûr. Mais le saupoudrage a une saveur toute particulière en gériatrie où le monde médical est souvent omniprésent avec ces mots durs, dont nous avons parlé, qui sont saupoudrés négativement toute la journée. Le plus souvent, le saupoudrage est fait de mots agréables, empreints de sensorialité, parsemés par-ci par-là, qui vont permettre au patient de se tranquilliser : agréable, confortable, apaisant, tranquille, serein, paisible, calme, doux, quiétude, bienveillant, bienfaisant, détente... Ils peuvent être utilisés pour tous les patients, parsemés dans nos phrases. D’autres mots seront plus à choisir en fonction de ce que l’on souhaite travailler (confiance en soi, fierté...) ou des préférences des patients : chaleureux, léger, frais, torpeur, etc. Et certains mots pourront être choisis dans les mots positifs du discours du patient. Si ces mots sont utilisables pour tout le monde, il en est un qu’il est souvent important de rajouter en gériatrie : sécurité. En effet, il est fréquent que les patients ne sachent plus où ils sont, ils peuvent se sentir agressés et malmenés, parfois à juste titre, lorsqu’ils ne comprennent pas les examens qu’ils subissent.



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Grands principes

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Il est alors important de leur rappeler qu’ils sont ici « en sécurité, c’est un lieu de soins, de sécurité ». La répétition de ces mots, presque machinalement, permet au patient de se les approprier (cf. chapitre 4, M. T. AVC), et ce d’autant plus avec nos patients où la répétition est souvent quelque chose de quotidien en raison des troubles mnésiques (cf. chapitre 3, Mme R., Cris ; chapitre 4, M. B., AVC). Un petit exercice pour s’entraîner Notez vos 10 mots de saupoudrage et pendant 2 semaines, lisez-les tous les jours. L’objectif est qu’ils deviennent automatiques et qu’il vous paraisse familier de les utiliser.

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De quoi parler ?

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« Bonjour M. I., je viens vous faire le soin, êtes-vous confortable ? Vous êtes assis sur ce fauteuil. Vous vous installez mieux, c’est très bien, vous serez plus tranquille. » Maintenant que nous avons mis dans notre langage de la ratification, du saupoudrage, des mots qui soignent et des truismes, nous allons vouloir parler d’autre chose afin de sortir le patient du soin. La distraction peut être un mode d’entrée en hypnose, mais comme nous le rapporte A. Bioy, la distraction n’est qu’un jeu attentionnel, quand l’hypnose induit une plongée dans l’imaginaire et une suggestibilité accrue (Bioy A., 2014). Nous pouvons donc proposer de la distraction simple qui consistera à discuter d’un sujet qui plaît au patient, mais nous pouvons surtout faire de l’hypnose en emmenant le patient vivre une situation en lien avec le sujet qui lui plaît, ce qui permettra de bien meilleurs résultats et un effet durable. La répétition des mots, des phrases, des histoires, en saupoudrant inlassablement, permet au patient de s’approprier ces mots et ces histoires, de les approfondir, de les goûter au mieux et enfin de les ancrer dans son inconscient. Retour vers le passé

L’utilisation des « souvenirs réels » était mise en avant par M.H. Erickson (Erickson M.H., 1980). Comme nous l’avons vu, le retour dans le passé est une ressource souvent importante et positive pour les patients âgés, avec deux périodes privilégiées liées à la fonction de rétention (12 derniers mois) et au pic de réminiscence (10 à 30 ans). En s’aidant de ces notions et en faisant confiance à l’effet de



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positivité, nous pouvons axer notre discussion sur le passé lointain (le métier, les études, l’enfance, le bal, le voyage de noces...) ou plus récent (les petits-enfants, le jardin, la maison...) (cf. chapitre 3, Mme T., Dépression). Ainsi, il peut être surprenant parfois d’entendre les patients âgés parler de leur enfance, de leurs petits-enfants, mais moins souvent de leurs propres enfants adultes. Si nous connaissons le patient, parler de ces périodes sera plus simple, et ce d’autant plus qu’il en parle spontanément. Ce sont des régressions en âge guidées par le patient. Bien entendu, les régressions en âge vers les apprentissages premiers sont également très utiles dans la population âgée. Néanmoins, ils nécessitent un accompagnement bienveillant de l’hypnopraticien pour éviter de ramener de mauvaises expériences ou de faux souvenirs (cf. chapitre 4, M. T., AVC ; chapitre 7, Mme W.). L’utilisation de moment de fierté de la vie du patient est également une technique très utile dans la population âgée, cela permet de raviver une estime de soi parfois malmenée. Les pertes de compétences sont réelles en vieillissant (perte d’autonomie, perte de la santé, baisse de la cognition, etc.) : l’estime de soi étudiée dans une population de 9 à 99 ans montre une diminution à partir de 69 ans (Robins R.W. et al., 2002). Toutefois, l’âge chronologique ne semble pas être déterminant pour tous les auteurs, ce serait plutôt la qualité de la vie sociale et les capacités adaptatives pour faire face aux événements, mais aussi la possibilité de réussir des actions valorisantes (Alaphilippe D., 2008). Quel que soit l’âge, l’estime de soi est nécessaire à l’individu pour un réel accomplissement de soi, selon la théorie de la pyramide des besoins d’A. Maslow. Aider le patient à revivre sous hypnose un moment de sa vie où il a été « particulièrement fier de lui » : « ce peut être lors d’un sport, en amour, en amitié, au travail, dans les études, en famille » et ensuite balayer le PAVTOG sur ce souvenir en insistant sur la sensation physique de fierté telle que ressentie ce jour-là : « cette fierté est peut-être ressentie dans le cœur, ou dans le ventre, ou dans la tête... cette sensation physique de fierté... », lui laisse une possibilité de retrouver ce moment mais aussi et surtout de mieux s’accomplir dans le présent (cf. chapitre 3, Mme P., Dépression ; Mme M., Apathie ; chapitre 4, M. R., Parkinson). Enfin, comme cela a été évoqué, les moments de joie sont plus durables dans le mémoire que les moments de tristesse mais aussi de sérénité (Croisile B., 2008). Comme les moments de fierté, ils peuvent être utilisés et ancrés sur la sensation physique de joie (cf. chapitre 3, M. M., Anxiété).



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Safe place

La safe place* peut être un lieu de souvenir, de loisirs, de quotidien : montagne, plage, campagne, jardin, etc. (cf. chapitre 5, M. M., Douleur aiguë). Dans la population âgée, la safe place « imaginaire », que l’on retrouve chez le patient plus jeune, est rare. Une fois encore, le passé ressurgit et la safe place se trouve souvent être liée à un moment de l’enfance ou de la vie de jeune adulte (cf. chapitre 4, M. E., AVC). En raison de l’effet de positivité, la safe place dans un souvenir est souvent très intéressante pour le patient, à la fois pour la sécurité, mais aussi le bonheur retrouvé. Nénamoins, il faut rester vigilant car les personnes présentes dans une safe place trouvée dans le passé ont souvent disparu et cela peut créer un sentiment difficile à gérer. Si la safe place n’est pas facile à trouver, ce qui est fréquent lorsque le patient a un syndrome dépressif ou un trouble neurocognitif léger, nous pouvons proposer la métaphore du chemin de vie qui va l’aider à retrouver un moment précieux: La métaphore du chemin de vie

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« Vous êtes sur ce sentier, tranquille, paisible... et vous vous sentez léger... léger... comme une plume....peut-être même comme un nuage... ou sur un nuage....et votre corps s’élève doucement au-dessus de ce sentier... léger... sur ce nuage... Les yeux regardent alors le chemin que vous venez de parcourir... c’est un très beau chemin... un long chemin... sinueux... il y a sur ce chemin des zones que vous avez traversées sombres... mais vous êtes surpris de constater qu’il y a de nombreuses zones lumineuses... merveilleuses... où vous vous sentez en sécurité... Rassuré... les yeux peuvent observer ces lumières... douces... et voir combien ces lumières diffusent sur le chemin... ».

Sans renseignements

Si nous ne connaissons pas le patient, nous pouvons lancer des « hameçons » : « Vous avez exercé quel métier ? Vous conduisez ? etc. » et développer ensuite une hypnose conversationnelle et/ou formelle sur le sujet qui a « mordu ». Et si nous n’avons pas le temps d’essayer d’en savoir plus, observons ce qu’il a, ce qu’il porte, ses bijoux, ses cadres, ses photos, les livres, l’émission qu’il regarde à la télévision, et attachons-nous à ces accroches pour les décrire par le biais d’un PAVTOG tout en saupoudrant (cf. chapitre 5, M. G., Douleur aiguë). S’il n’y a rien autour de lui, nous pouvons parler de la pluie et du beau temps, ce qui peut s’avérer être un excellent sujet pour aborder une conversation et ensuite évoluer vers autre chose, voire même pour parler métaphoriquement : « après la pluie vient le beau temps. »



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Enfin, nous développerons plus loin dans le paragraphe « Communication non verbale » la communication des patients ne communiquant pas verbalement. N

S’accorder aux canaux

Aristote, au IVe siècle avant notre ère, disait des 5 sens (Vision, Audition, Kinesthésie, Olfaction et Goût) : « On peut affirmer qu’aucun sens ne nous manque. »

Mais, en raison des avancées des sciences et des constations cliniques, force est de constater qu’il y en a peut-être plus que 5 ! J. Becchio propose une division du sens « kinesthésie » en « proprioception » (perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps) et « tact », soit 6 sens. Comme lui, nous avons fait dans cet ouvrage le choix d’utiliser le PAVTOG à la place du VAKOG, qui correspond effectivement à notre pratique quotidienne. Néanmoins, nous continuerons parfois à utiliser le terme « kinesthésique » quand celui-ci est utilisé dans le sens de la proprioception et du tact ensemble. L’identification des canaux prépondérants est une étape importante : le patient est-il plus visuel ? auditif ? olfactif ? tactile ? proprioceptif (sensible à ses sensations internes) ou gustatif ? Ou a-t-il plusieurs canaux associés ? Ce repérage se fait en observant le patient : ses gestes, ses vêtements, ses couleurs, ses objets, mais aussi en écoutant ses répétitions (vous voyez ! je sens bien ! etc.), en lui demandant comment il apprend ? (en lisant ? en écoutant ?). Le portrait chinois que nous développerons dans le chapitre 5 apporte également des éléments précieux. Ce repérage va permettre à l’hypnopraticien d’adapter son langage au patient à tous les moments de la communication : suggestions et métaphores, en hypnose conversationnelle, mais aussi en état hypnotique, seront ainsi mieux entendues et comprises par le patient dans son propre référentiel : vous voyez, vous entendez, vous sentez, vous ressentez, vous goûtez ce moment, etc. Au cours de l’induction, l’hypnopraticien, même s’il balaye tous les canaux, insistera plus sur les canaux prépondérants, de même lors des ancrages. Il ajustera également son langage non verbal. Exemple Pour un patient visuel, l’hypnopraticien utilisera « vous voyez », les couleurs, les formes. Mais il pourra aussi accentuer les mimiques de son visage et s’autoriser à plus de gestes pour soutenir son propos.



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Le cas des déficits sensoriels

Même dans le vieillissement physiologique, les perceptions sensorielles diminuent avec l’âge, mais sans atteindre leur seuil d’insuffisance qui provoquerait alors un handicap. Si une pathologie se rajoute à cette diminution d’un sens, celui-ci va alors être altéré, voire disparaître :  







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pathologie ophtalmologique (cataracte, glaucome...) qui mène à la cécité ; atteintes auditives (presbyacousie, acouphènes...) qui peuvent rendre la relation complexe ; altération du toucher par le diabète, les neuropathies, les accidents vasculaires cérébraux. Incapacité, dans les troubles neurocognitifs, d’interpréter le chaud, le froid ou l’inconfort (Kenigsberg P.A. et al., 2015) ; proprioception détériorée dans un contexte d’atteinte centrale (AVC, pathologies neurologiques...) ou périphériques (pathologies articulaires ou musculaires) ; atteinte olfactive par AVC, cancer ORL mais aussi dans le cadre des maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, dont un des signes d’atteinte précoce serait des troubles de l’olfaction ; modification gustative : le goût se modifie en vieillissant, faisant plus apprécier le sucré, mais certaines pathologies ne laissent que l’amer, le sucré et le salé.

Nous sommes donc souvent face à un déficit partiel, et parfois total, d’un sens, voire de plusieurs. Dans les deux cas, il faut accentuer les sens les moins déficitaires et continuer à utiliser le sens déficient de manière adaptée au déficit (partiel ou total) et au ressenti du patient (colère de la perte, acceptation...). 

Lors d’un déficit visuel partiel, l’hypnopraticien peut utiliser le visuel en induction, mais sans insister, puis en état hypnotique. Il insistera plus sur les autres sens non altérés. Si le déficit visuel est complet, l’induction se fera par les autres sens, en les accentuant : respiration, tact, etc. Une fois l’induction faite, le sens déficient peut être inclus normalement dans la séance, les zones cérébrales correspondant à la vision n’étant le plus souvent pas en cause. Pour ne pas brusquer le patient ou le surprendre, lors de la première utilisation en état hypnotique du canal déficient, il est possible de dire : « les yeux retrouvent ces couleurs... qui lui plaisaient tant... qu’ils apprécient regarder... », en faisant un rapide passage du présent au passé, puis à nouveau au présent. Par contre, les ancrages qu’il faudra proposer ne seront pas visuels.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Pour un déficit kinesthésique, il en est de même : lors de l’induction, la zone d’hypoesthésie, de paralysie, voire de douleur, peut être balayée, mais rapidement et plutôt en fin d’induction. En revanche, il est tout à fait possible en état hypnotique, voire recherché en fonction de l’indication de l’hypnose, de proposer au patient de marcher, de nager et d’utiliser cette zone qui dysfonctionne. Un déficit auditif est souvent vécu comme un obstacle à l’hypnose, et pourtant nous avons vu que le langage verbal n’est pas toujours nécessaire. Il faut se rappeler que 45 % des femmes et 55 % des hommes présentent une surdité partielle ou totale à 80 ans. En cas de déficit partiel, ce qui est le plus fréquent, la voix doit rester forte et plutôt dans les graves (l’atteinte auditive étant le plus souvent sur les aiguës). Il est possible lors de l’induction d’un état hypnotique de dire au patient « et si ma voix n’est pas assez forte, vous pouvez me le faire savoir en me faisant un signe de la main » (signaling*), ce qui permet de se réajuster pendant la séance. Si le patient a une surdité complète, l’induction se fera surtout en accentuant le visuel (l’hypnopraticien peut faire des mouvements, accentuer son sourire, ses hochements de tête), voire par le biais d’un support écrit, ce qui ralentit la relation, mais accentue la dimension visuelle. Souvent les patients savent lire quelques mots sur les lèvres, il faut donc se mettre bien en face et accentuer les syllabes. Le contact est également aidant (en touchant le patient s’il en est d’accord, en caressant...). Le reste de la séance sera beaucoup plus en autonomie pour le patient, mais il pourra accéder à ses ressources et l’hypnopraticien pourra continuer à parler, une partie de la communication passant en non verbal (cf. chapitre 3, M. Z., irritabilité). Exercice Pour travailler votre voix, installez-vous face à un paysage et décrivez-le à voix haute en écoutant les sonorités de votre voix. Vous trouverez vite le bon niveau sonore et la capacité à moduler la voix.



Les déficits olfactifs et gustatifs, même s’ils peuvent empêcher une induction olfactive ou limiter l’utilisation du gustatif lors d’un état hypnotique, ne sont pas perçus comme une difficulté pour un hypnopraticien, il devra simplement se réajuster.



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Grands principes

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Si l’altération, voire la disparition, d’un sens n’empêche pas d’utiliser ce sens en état hypnotique, il peut être hasardeux de l’utiliser en induction ou en ancrage. N

Inductions

Les inductions habituelles font souvent appel à des techniques de focalisation, de travail sur la respiration, etc. D’autres techniques s’appuient sur la surprise et la confusion. S’adapter

Une fois encore, il convient de se mettre en congruence avec les patients pour favoriser l’induction, en fonction de plusieurs critères : 



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L’indication de la séance : pour une pathologie chronique, l’induction pourra durer quelques minutes, alors que pour une pathologie aiguë (exemple : douleur aiguë) celle-ci sera rapide (cf. chapitre 5). Les canaux prépondérants du patient et les canaux résiduels, sur lesquels l’hypnopraticien insistera plus, en évitant les canaux déficients. Le nombre de séances que le patient a déjà eues : le temps d’induction ne sera pas le même s’il s’agit d’une première séance ou d’une cinquième séance. En effet, le patient devient de plus en plus facilement inductible : une première induction qui aura duré 10 minutes pourra ne prendre que 2 minutes à la 5e séance pour peu que le patient ait pratiqué son autohypnose régulièrement ou qu’il s’agisse d’un soin répété. Le cognitif :

➙ en l’absence de troubles cognitifs : il est possible de prendre le temps, de

laisser des silences, de passer d’un canal à l’autre tranquillement, d’utiliser de la confusion, de faire appel à des images que la personne a dans sa tête : il s’avère souvent plus efficace de focaliser sur ces images que sur un point ou un autre (Erickson M.H. et al., 1976) ; ➙ en présence de troubles cognitifs : plus ceux-ci évoluent, moins il y a de place pour les silences et plus il devient nécessaire d’utiliser l’ensemble de tous les canaux, jusqu’à arriver à l’augmentation du recrutement sensoriel que nous développerons plus loin (cf. paragraphe « Augmentation du recrutement sensoriel »). L’appel aux images internes, sauf si le patient en parle, devient plus hasardeux et plus les troubles avancent plus il devient difficile d’y accéder.



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C’est alors à l’hypnopraticien de proposer des sensations facilement accessibles comme la respiration ou des stimuli externes qu’il peut présenter :

➙ visuel : capter le regard avec le regard de l’hypnopraticien ou avec un objet statique ou animé. Ce peut être en s’aidant de l’environnement, de ce que porte le patient (cf. chapitre 3, Mme P., Dépression) de la télévision ou en apportant des objets ; ➙ auditif : par la parole de l’hypnopraticien, en laissant le moins de temps de pause possible, mais aussi parfois une musique, une chanson connue du patient ; ➙ proprioceptif : faire faire des mouvements répétitifs ; ➙ tactile : caresser, tapoter ;

➙ l’utilisation de la confusion devient de moins en moins possible lorsque les troubles cognitifs évoluent (cf. paragraphe « Confusion »).

Mais il nous faut aussi nous adapter à la génération avec laquelle nous travaillons : de la même manière que les soignants travaillant avec les enfants et les adolescents connaissent les musiques, les films et les jeux vidéo aimés de cette génération, les soignants travaillant en gériatrie se doivent de connaître Charles Trénet, Tino Rossi, Édith Piaf, mais aussi les Feux de l’Amour, Questions pour un champion, etc., afin de pouvoir utiliser ces connaissances dans l’hypnose (cf. chapitre 4, Mme M., Équilibre). L’induction peut également se faire très aisément par la conversation, quel que soit le niveau cognitif, en laissant parler le patient sur un souvenir, un lieu agréable, celui-ci va pouvoir s’apaiser progressivement, le langage de l’hypnopraticien s’accompagnant de saupoudrage et de PAVTOG. Enfin, il est possible d’utiliser des techniques d’induction rapide pour soulager une phase aiguë (douleur, anxiété...) (cf. chapitre 3, Mme H., Anxiété). Utilisation de l’olfaction

Lors de l’induction, s’il est fréquent d’utiliser les canaux visuel, auditif et kinesthésique, il est plutôt rare d’utiliser, chez les sujets plus jeunes, les canaux olfactif et gustatif. En ce qui concerne le canal gustatif, celui-ci peut être utilisé dans en hypnose conversationnelle ou lors de l’état hypnotique. Mais en raison du risque de fausses routes, il ne semble pas judicieux de l’utiliser avec un objet externe (exemple : un raisin ou autre...). Le canal olfactif, en revanche, peut être une ressource importante à utiliser chez les patients âgés, car :



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« Nous ne voyons que lorsque la lumière est suffisante, ne goûtons que lorsque nous portons les choses à notre bouche, ne touchons que lorsque nous établissons un contact physique avec quelqu’un ou quelque chose, n’entendons les sons que lorsqu’ils sont assez forts. Mais nous sentons constamment et à chaque respiration. » (Ackerman D., 1991)

Une des spécificités de la mémoire olfactive est son pouvoir d’évocation : le souvenir d’une odeur renvoie d’une manière particulièrement nette aux souvenirs des événements qui y sont associés. En effet, les influx nerveux olfactifs atteignent directement le système limbique qui a un rôle fondamental dans la régulation des émotions, l’adaptation à l’environnement social et la mémoire à long terme, dont la mémoire épisodique. C’est ce phénomène qui explique le syndrome de Proust : quand on a tout oublié d’un événement donné, seule une odeur est capable de faire resurgir ce pan de vie apparemment effacé (Gervais R., 2001). La très grande majorité des souvenirs olfactifs sont liés à des souvenirs agréables et en particulier à la période 6-10 ans (Candau J., 2001 ; Chu S. et al., 2000). Ainsi peut-on utiliser une odeur appropriée au patient lors de l’induction, mais aussi et surtout en ancrage, odeur qui s’apparentera le plus souvent à un souvenir heureux de l’enfance. Il est alors facile de s’aider d’huiles essentielles (cf. chapitre 3, Aromathérapie), dont on déposera quelques gouttes sur un mouchoir ou une compresse, mais aussi de jeux pour enfants qui contiennent différentes odeurs.

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Ancrages

L’ancrage est ce stimulus suggéré le plus souvent en état hypnotique et qui va permettre au patient de retrouver en autohypnose les ressentis de l’état hypnotique. Quelle que soit l’indication, trouver un ancrage pour une induction facile et rapide de l’autohypnose est capital, cela permet au patient d’accéder rapidement à l’autohypnose lorsque celle-ci lui est nécessaire. De la même manière que pour l’induction, il faut tenir compte des canaux sensoriels prépondérants, mais aussi des déficits sensoriels existants et proposer des ancrages facilement accessibles. En vieillissant, la mémorisation ne s’attache pas aux mêmes choses : autour du même événement, les sujets jeunes vont plutôt mémoriser les éléments objectifs et factuels, tandis que les plus âgés vont mieux se souvenir du contexte affectif (Kensinger E.A., 2008 ; D’Argembeau A., 2004). Nous supposons que cette meilleure mémorisation du contexte affectif nous permet de faire des



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ancrages (qui sont inclus dans un moment de bien-être avec un affect positif) plus facilement mémorisés par les patients âgés que par les patients plus jeunes. Les ancrages sont proposés tout au long de la séance avec les suggestions posthypnotiques : « la prochaine fois que vous penserez à ce bel arbre, ce sera pour vous l’occasion de retrouver ce moment agréable et heureux, etc. ». Le patient pourra ensuite le réutiliser en autohypnose en débutant son induction par cet ancrage, ou tout simplement dans son quotidien en gardant son ancrage sur lui pour réactiver régulièrement des ressources. Comme nous allons le voir, l’ancrage peut être soit interne au patient et c’est à lui de le stimuler régulièrement (prendre une grande inspiration, croiser les mains, retrouver une image plaisante), soit il peut être externe au patient et c’est lui ou son entourage qui va pouvoir l’activer (exemple : musique, odeurs). Absence de troubles cognitifs ou troubles cognitifs légers

En l’absence de trouble cognitif, les ancrages proposés seront des ancrages « habituels », en privilégiant les canaux prépondérants du patient. Le meilleur ancrage est celui que le patient trouve lui-même, mais parfois il faut en proposer plusieurs pour accompagner le patient. Visuels L’ancrage visuel est très souvent utilisé par la suggestion de retrouver une image visualisée pendant la séance (cf. chapitre 6 Mme A.), ou plus concrètement de fixer un point, de mettre un tableau ou une photo dans son environnement qui représente la safe place ou encore une couleur qui a été particulièrement appréciée pendant la séance, ou retrouvée pendant cette séance. Ainsi, à chaque passage devant l’image, le patient peut retrouver les sensations. Il pourra également s’installer confortablement en face de cette image et débuter son induction en observant cette image. Auditifs L’ancrage auditif peut être utilisé en pensant à un son particulier. Mais si on souhaite utiliser un ancrage externe, cela nécessite que le patient ne soit pas trop malentendant ou soit appareillé. Plusieurs ancrages peuvent être proposés : 

l’enregistrement de la séance sur un support que le patient pourra ramener chez lui : dictaphone du smartphone, mais aussi cassette audio dans cette



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population qui a souvent encore un magnétophone à cassette comme moyen d’écoute de la musique ; écouter une musique connue apaisante ou une musique attachée à la safe place ; mais ce peut être aussi l’écoute des bruits de la nature que l’on trouve facilement compilés sur des supports audiophoniques (mer, campagne, oiseaux, etc.), ou une chanson que le patient lui-même peut fredonner ; ou tout simplement écouter les bruits familiers de l’environnement.

Kinesthésiques 

Proprioceptif

Le plus habituel est de faire un ancrage proprioceptif sur la respiration (« la prochaine fois que vous prendrez une grande inspiration ») ou la lourdeur du corps, voire sa légèreté, par le biais d’une lévitation. Ce peut être aussi naturellement la position du corps, un geste suggéré ou tout simplement de la détente (cf. chapitre 3, M. M., Sommeil). 

Tactile

L’ancrage peut également être un objet extérieur au patient, qu’il a choisi ou qui peut être proposé par l’hypnopraticien en adéquation avec la problématique.

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Exemple Mme H est une patiente de 70 ans qui a eu un cancer, traité par chimiothérapie il y a 10 ans, en rémission. Elle consulte car depuis l’arrêt des chimiothérapies, elle a des épisodes de douleurs très violentes, arrivant rapidement à leur paroxysme (en quelques secondes) et durant très peu de temps (une dizaine de minutes). Ces douleurs surviennent entre 2 et 3 fois par semaine, nuit comme jour et la font hurler au milieu de la rue ou dans la nuit. Les nombreux bilans n’ont rien retrouvé et les traitements médicamenteux s’avèrent inefficaces. Son objectif est donc de trouver un ancrage qui lui permette d’entrer en hypnose instantanément. Cette patiente apprécie les plages, le sable, le ciel bleu de l’été. Lors des premières séances, en plus de l’apprentissage du gant magique, l’hypnopraticien suggère de multiples ancrages à cette patiente visuelle et kinesthésique :    

le suivi de la respiration ; la couleur bleue ; la fraîcheur de l’eau dans laquelle elle met les mains ; la sensation de sa main sur la zone inconfortable.

Elle retrouve assez rapidement sa safe place et son confort, mais cela nécessite quelques minutes de respiration calme, ce qui n’est pas possible lorsque la douleur arrive.



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À la 3e séance, elle décrit sa douleur comme une pierre anguleuse. Lors de la séance, elle met cette pierre anguleuse dans l’eau de l’océan, et attend que l’eau fasse son œuvre en transformant la pierre en un doux galet lisse et frais. C’est ainsi qu’à la 4e séance, elle arrive en consultation avec un galet qu’elle garde tout le temps sur elle : il s’agit d’un galet qu’elle a ramassé lorsqu’elle se promenait avec ses enfants au bord de la mer. Ce galet est son point d’ancrage lui permettant une entrée immédiate en autohypnose. 

Olfactif

Comme nous l’avons vu, le canal olfactif est souvent oublié et pourtant il peut être très aidant en ancrage externe en intercalant dans la séance une odeur préalablement choisie avec le patient (huiles essentielles) ou une odeur que le patient semble apprécier (son parfum, sa crème...), voire en suggérant une odeur dont on sait qu’elle est familière au patient (odeur de sa maison, de sa chambre). Il lui suffira ensuite de sentir cette odeur, puissant activateur du syndrome de Proust, pour retrouver les sensations de la séance. Exemple Mme V. a 72 ans, elle ne présente pas de trouble cognitif et est hospitalisée en service de soins de suites et réadaptation dans les suites d’une colostomie de décharge en urgence sur une tumeur rectale obstructive. Les suites opératoires ont été compliquées et la patiente doit débuter une radiothérapie qui l’angoisse beaucoup. L’hypnopraticienne lui propose une séance d’hypnose pour la détendre et la faire accéder à ses ressources afin qu’elle puisse se mettre en autohypnose lorsqu’elle sera en radiothérapie : après avoir choisi la lavande pour « son côté frais et léger » la patiente part dans sa safe place non connue de l’hypnopraticienne, celle-ci lui fait respirer plusieurs fois la lavande et lui fait des suggestions post-hypnotiques, entre autres autour de cette lavande. À chaque séance de radiothérapie, Mme V. emmène son mouchoir imprégné de lavande, ce qui lui permet de retrouver rapidement sa safe place. 

Gustatif

L’ancrage gustatif externe, comme pour l’induction, n’est pas recommandé en gériatrie en raison du risque de fausse route. Troubles cognitifs modérés

Lorsque les patients présentent des troubles cognitifs modérés, il faut pouvoir proposer des ancrages simples et facilement réutilisables. Ainsi, proposer à nos patients de s’installer confortablement, de penser à une image agréable



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et de fixer un point avant de sentir la lourdeur du corps (ancrage visuel et proprioceptif) peut être voué à l’échec. Ce n’est alors plus le patient qui va chercher ses ancrages, mais les ancrages qui doivent venir au patient. Le plus souvent, l’hypnopraticien se montrera un peu plus direct, mais aussi concret dans ses propositions. Toutefois, le meilleur ancrage reste celui que trouve le patient et, même lorsqu’il y a des troubles cognitifs, le patient accède à ses ressources ; à nous, hypnopraticiens, de faire confiance et de laisser la liberté au patient d’y accéder. Visuel On retrouve la possibilité d’installer un tableau, une photo sur un lieu de passage (suggérer d’accrocher l’image sur le frigo). Mais le mieux est d’utiliser l’environnement habituel du patient si on le connaît ou si lui ou ses proches nous en ont parlé : un arbre, le ciel, la photo sur la table de nuit, etc. Auditif Les propositions ci-dessus sont toujours utilisables, mais de manière plus courte : 



si la séance enregistrée est proposée, celle-ci devra être courte, une dizaine de minutes est un grand maximum ; si une musique est proposée (parmi celles qui sont connues ou appréciées), celle-ci peut être diffusée régulièrement par les aidants.

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Kinesthésique L’ancrage proprioceptif peut devenir difficile à utiliser seul : la répétition d’un geste simple, aidée par l’aidant, peut permettre de réactiver l’état d’hypnose. Dans l’exemple de M. L. ci-après, le patient a trouvé seul son ancrage proprioceptif et l’utilise avec le soutien des rappels de son épouse. Exemple M. L. a 86 ans, il a une maladie d’Alzheimer à un stade modéré (MMSE à 20/30). C’est un homme souriant et sympathique. Il présente depuis plus de 20 ans un prurit généralisé pour lequel de très nombreux traitements ont été réalisés sans succès. M. L. apprécie beaucoup la baignade. Les séances chez lui vont se faire autour d’une safe place, de baignade dans l’eau « qui soigne » et de baume magique qui apaise. Parmi les ancrages proposés, deux vont s’avérer intéressants :



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

sur la plage où il se baigne, l’hypnopraticienne suggère à M. L. de ramasser un objet, celui-ci prend de l’eau. À la fin de la séance, quand M. L. met ses mains sous l’eau il se sent apaisé ; - spontanément, sans que cela ait été suggéré par l’hypnopraticienne, M. L. utilise comme induction le mouvement des vagues qu’il fait avec son torse.

M. L., très kinesthésique, utilise désormais un ancrage proprioceptif (les mouvements du torse), mais aussi un ancrage tactile (l’eau). Son épouse lui rappelle régulièrement : « fais tes mouvements avec le haut du corps ».

L’ancrage tactile est souvent plus facilement applicable : 





 



le soin lui-même : « lorsque nous referons ensemble ce soin, ce sera pour vous l’occasion de retrouver ce moment de calme... » ; un objet ou une sensation externe qui plaît au patient, ou que l’hypnopraticien suggère en fonction de la safe place, de la problématique, etc. ; l’utilisation du fauteuil préféré (cf. chapitre 3, Mme T., Dépression), de coussins de positionnement : « la prochaine fois que vous serez confortablement installé et que votre peau ressentira ce coussin... » ; l’utilisation synergique de certains traitements locaux non médicamenteux : poche plastique réutilisable contenant du propylène glycol, à utiliser chaud ou froid en fonction de la problématique : « quand vous sentirez à nouveau sur cette peau cette chaleur douce et bienfaisante... », neurostimulateur électrique transcutané (TENS) : très utilisé dans les traitements non médicamenteux de la douleur, le TENS peut être utilisé comme ancrage tactile en adaptant le discours au programme choisi :

➙ le programme gate-control donne une sensation de vague qui passe, facile

à rattacher à une sensation ressentie pendant la transe pour peu que le patient ait choisi de se baigner durant celle-ci, ➙ le programme acupunctural donne une sensation de rythme sur la peau, que l’on peut rattacher à un rythme musical. Ainsi, à chaque fois que le patient va utiliser le TENS, avec ou sans aide extérieure, idéalement 3 heures par jour, il retrouvera facilement les sensations de l’état hypnotique. Bien entendu, ces ancrages tactiles peuvent aussi être utilisés en l’absence de troubles cognitifs.



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Grands principes

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Olfactif Comme ci-dessus, l’olfaction est une ressource très utile :



les huiles essentielles sur une compresse ou un mouchoir ; l’odeur du domicile du patient ; le parfum sur la table de nuit ; les fleurs du jardin...

N

Métaphores

  

Les métaphores sont utilisées à tout moment, elles deviennent de plus en plus simples en même temps que les troubles cognitifs s’aggravent. Il est toutefois toujours possible de raconter des contes métaphoriques quel que soit le niveau cognitif du patient, celui-ci percevra une belle histoire, un rythme de voix, un temps avec lui.

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Les meilleures métaphores sont celles que le patient apporte (cf. chapitre 6, Mme V.). D’autres sont utilisables à condition de les adapter à l’histoire de vie du patient et à sa problématique, mais aussi à ce qu’il aime, à ce qu’il est, et enrichies de ses mots (cf. chapitre 4, Mme Y. Parkinson ; Mme C. Parkinson ; M. B. AVC ; chapitre 5, Mme L., Douleur chronique ; M. P., Douleur chronique ; chapitre 7, Mme L.). Les patients âgés, comme nous l’avons déjà abordé, sont souvent en proie à des deuils répétés, à leur perte d’autonomie, à leur dépendance à autrui. Certaines métaphores, dont l’objectif est de travailler sur les capacités restantes et sur la reconnaissance du vécu, sont particulièrement adaptées dans cette population : Le vieil arbre pour parler du patient lui-même1 « Alors que vous continuez votre promenade... le regard se pose sur un arbre... un vieil arbre... très grand... qui est là depuis longtemps... profondément ancré dans la terre... peut-être est-ce un chêne ou un pin, ou un hêtre ou toute autre essence d’arbre... il est là depuis longtemps... il a vécu de nombreuses tempêtes... sûrement a-t-il eu des branches cassées... mais autour de nouvelles pousses... des petites branches ont poussé... il est là...il a traversé des hivers rudes et des étés secs... il a su chercher loin, par les racines, les ressources dont il a besoin...il est là... les yeux regardent la couleur des feuilles d’automne... des branches d’hiver... et à chaque printemps la renaissance des bourgeons... de ce bel arbre...il va puiser loin... dans ses racines... les forces dont il a besoin pour les mener jusqu’aux bourgeons... le long de son tronc,

1. Cf. chapitre 4, M. R., Parkinson, chapitre 5 Mme T., Douleur chronique.



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que la main peut caresser... le long de ses branches... jusqu’aux bourgeons... il étend une ombre douce et bienfaisante... où il est agréable de s’asseoir et de profiter de ce lieu paisible... il n’a pas poussé très droit, mais il est beau dans cette imperfection... il est unique et apprécié des promeneurs... peut être même que le nez sent l’odeur familière de cet arbre... »

La « bulle de ressources » pour permettre d’accéder à ses ressources facilement1 « Je vous propose de regarder une bulle... une bulle dans laquelle vous allez mettre tout ce qui est important et positif pour vous... vous et vous seul choisissez ce que vous mettez dans cette bulle... vos forces... vos ressources... vous pouvez choisir la taille de votre bulle, la forme, la couleur, la matière... Peut-être même a-t-elle une odeur... et vous choisissez d’y mettre tout ce qui est positif... des souvenirs... des personnes... si vous le souhaitez, vous pouvez même vous installer dans cette bulle... et quand vous aurez mis tout ce que vous souhaitez y mettre... vous pourrez me le faire savoir en me faisant un signe de la main... très bien... à tout moment de votre vie, cette bulle vous accompagne... vous pouvez y puiser quand vous en avez besoin... changer ce qu’elle contient... y accéder facilement. »

Le lac pour aider le patient à retrouver un sens à sa présence et à sa vie « C’est un beau lac, qui est là depuis longtemps... peut-être entre deux montagnes... il reflète le paysage... comme un miroir... lisse... il a oublié qu’au début il était un étang, un tout petit étang... Et il a grossi... grandi... il a vécu des années de sécheresse... des années de crues... mais il a continué... pour devenir ce beau lac qu’il est aujourd’hui...tranquille... paisible... qui apporte de l’eau aux plantes qui l’entourent... des montagnes l’entourent... sans lui elles ne seraient pas si belles... elles se reflètent dans ce lac...ou est-ce le lac qui se reflète dans les montagnes...et de lui partent des ruisseaux... qui vont vers d’autres lieux... d’autres lacs... »

La bibliothèque en soutien à la mémoire « C’est une bibliothèque, une très grande bibliothèque que les yeux regardent... les couleurs variées des livres... des couvertures... les rayonnages... de très nombreux ouvrages sont là depuis très très longtemps... tous contiennent des histoires... gaies... tristes... drôles... touchantes... le nez sent peut-être même des odeurs particulières... l’odeur des livres... les bruits des pas... des voix... comme des chuchotements... ou pas... certains ouvrages sont plus souvent consultés que d’autres... et dans cette bibliothèque il y a un bibliothécaire... il connaît tous les livres, toutes les histoires... il a tout classé... il peut tout retrouver... mais parfois il lui faut un peu de temps... il retrouve l’ouvrage... ces dernières années, n’ayant plus de places sur les rayonnages proches,

1. Cf. chapitre 6 Mme A.$.



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il a mis les nouveaux ouvrages plus loin, ou plus haut... il lui faut parfois un peu plus de temps pour aller les chercher... il le trouve... facilement... en y allant à son rythme... ».

Il existe de très nombreuses métaphores utilisables en hypnose, des contes pour enfants aux métaphores sur le temps, les saisons, les mouvements de la nature, que nous pouvons adapter à nos patients. Nous en verrons quelques-unes au cours de cet ouvrage.

B ASES DE L’H YPNOSE A DAPTÉE P OUR LES TROUBLES N EUROCOGNITIFS AUX S TADES S EVERES (HAPN E SS) L’hypnose des patients ayant des troubles cognitifs modérément sévères à sévères est une hypnose qui ne peut se définir ni par l’état hypnotique, ni par l’hypnose conversationnelle, mais plutôt comme un entre-deux constant. Inspirée des techniques d’utilisation de M.H. Erickson, c’est un mode de communication sur un temps plus ou moins court utilisant les techniques d’hypnose et s’adaptant à un état cognitif différent de celui de l’hypnopraticien.

Dans le développement des techniques d’utilisation, MH Erickson disait :

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« la procédure habituelle (d’induction) est inversée, et l’opérateur accepte d’emblée le comportement du patient et coopère avec celui-ci, même si le comportement qu’il manifeste peut sembler contraire à ce qu’on attend dans la situation clinique. » (Erickson M.H., 1980)

Ainsi, comme dans tout abord par hypnose, l’hypnopraticien s’adapte au patient, mais dans la réalité nouvelle qui est celle du patient, parfois tellement loin de la réalité prévue qu’elle est impossible à appréhender si le praticien n’a pas une approche bienveillante et mouvante : à certains moments, le patient peut être orienté dans notre réalité, et il convient de le ratifier ; mais à d’autres moments, il est dans sa réalité, et il convient une fois encore de le ratifier ; parfois il est compréhensible, parfois ses réactions sont brutales et différentes de ce qu’il est habituellement. Parfois l’approche pour une problématique se fera par une conversation de quelques minutes, parfois le patient entrera en état hypnotique, sans que cela soit prévisible d’un patient à l’autre, mais même d’un jour à l’autre chez le même patient. Ainsi, au gré des vagues du comportement, l’hypnopraticien va se laisser porter par le patient pour l’aider à être apaisé, dans une mouvance constante et un accord tacite.



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Malgré ce qui peut sembler être des difficultés, ces patients ont accès à leurs ressources et il faut leur faire confiance pour les trouver. Nous développerons au chapitre 3 (paragraphe Neurophysiologie) certaines bases physiopathologiques de la maladie d’Alzheimer pouvant justifier en partie l’HAPNeSS que nous proposons. Cette prise en charge des patients âgés avec l’aide de l’hypnose, que nous allons développer dans ce livre, permet de ne pas majorer l’anxiété des patients et d’éviter d’entrer dans la spirale qui mènera à l’agressivité, à la mise en place de traitements, à l’angoisse des familles et à l’épuisement des aidants. N

Une temporalité ?

Nous ne pouvons pas demander à un patient ayant des troubles cognitifs sévères de s’installer confortablement, d’avoir une pensée agréable sur un lieu qui lui plaît et nous attendre à faire une séance formelle. C’est au cours de la journée, de la semaine, que l’hypnopraticien va pouvoir repérer les moments où le patient est accessible, peut-être est-ce le matin (mais peut-être pas tous les matins...) ou au moment de la sieste ? Là où il se trouve dans le sens physique du terme : en marche, dans son fauteuil au milieu du Pôle d’Activités et de Soins Adaptés (PASA), pendant le repas (cf. chapitre 3, Mme E., Trouble de l’appétit)... C’est en repérant ces moments de calme que l’hypnopraticien va pouvoir aborder le patient au mieux en s’adaptant à lui, en marchant s’il marche, dans sa chambre ou ailleurs, sans attendre du patient une entrée en état hypnotique, mais plutôt un temps de communication particulier (cf. chapitre 3 Mme G., Comportement moteur). Il y a donc des moments plus accessibles que d’autres pour aborder le patient en HAPNeSS. Mais au fur et à mesure de l’accentuation des troubles cognitifs, les patients vont présenter ce qu’on pourrait appeler des « temps de veille paradoxale ». Ces moments sont le plus souvent neutres, mais parfois ils sont négatifs. Ils se traduisent :  

soit par une fixité du regard et un ralentissement de la réponse verbale ; soit par de l’agitation diffuse, de la rigidité et de la tension corporelle.

Le patient est alors hermétique à toute réassurance et les soignants se trouvent en difficulté. Ce sont des situations de « crise » plus ou moins expliquées par une épine irritative (douleur, chute) ou pas, qui nécessite aussi de les aborder en HAPNeSS. D.D. Price, en parlant de l’hypnose, disait :



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« Suspension de l’orientation temporo-spatiale et du sens de soi. »

Pour ces patients qui n’ont plus de notion du temps : le passé est très loin, le présent se confond, le futur n’est pas, l’hypnose apparaît alors comme une technique tout à fait compatible à condition qu’elle soit adaptée. M. Guillou disait : « la particularité des patients avec des troubles cognitifs sévères qui sont à la fois présents et absents, soit dissociés ». Peut-on utiliser le terme de « déjà dissociés » ? Ils sont dans une réalité qui leur est propre, parfois positive, parfois négative et, comme le fait M. Guillou, il convient d’aller les rencontrer « là où ils sont dans leurs souvenirs et de les remettre en contact avec l’adulte porteur de ressources qu’ils étaient ». Exemple Mme F. pleure car elle doit aller retrouver son petit frère qu’elle a laissé chez elle. Si nous la réintégrons dans la réalité qui est la nôtre : « votre petit frère est décédé depuis 26 ans et vous vivez en maison de retraite car vous avez 96 ans » nous allons, en plus de créer une anxiété majeure, créer un sentiment de suspicion envers vous et probablement que ce sentiment de malaise perdurera dans la mémoire émotionnelle du patient pour que plus jamais il ne se sente bien avec vous. Si nous entrons dans sa réalité, réalité où elle a probablement 15 ans, et lui demandons : « il a quel âge votre petit frère ? il va à l’école ? Vos parents s’arrangent toujours quand vous n’êtes pas là pour avoir quelqu’un avec lui, etc. », alors nous allons rassurer la patiente et établir une relation de confiance avec elle.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ensuite nous pourrons continuer la conversation sur un PAVTOG et du saupoudrage : « il a de beaux cheveux... c’est un gentil petit frère... vous êtes une grande sœur responsable... il a de la chance de vous avoir... »

Au fur et à mesure de l’évolution des troubles neurocognitifs, les souvenirs s’effacent en commençant par les plus récents pour remonter petit à petit vers les souvenirs les plus lointains, il existe donc, selon la théorie de Théodule Ribot en 1881 sur l’amnésie rétrograde, un gradient temporel en faveur des souvenirs les plus anciens (Piolino P., 2003). Cliniquement, on constate un déplacement progressif du pic de réminiscence vers des âges plus jeunes que pour les patients n’ayant pas de troubles cognitifs (cf. chapitre 3, M. R., Agitation). Cet abord spécifique en HAPNeSS, que nous allons développer, est très souvent court (de 1 minute à une dizaine de minutes) car l’attention du patient est fluctuante, mais ces petits moments sont précieux et permettent de désamorcer bien des situations.



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« Se souvenir des belles choses »

La valence émotionnelle du souvenir heureux ou malheureux persiste chez les patients malgré l’oubli de l’événement qui l’a provoquée. E. GuzmánVélez et al. ont montré chez 17 patients ayant une maladie d’Alzheimer (à un stade léger) que ceux-ci gardaient l’émotion (triste ou gaie) en rapport avec l’événement qu’il venait de vivre, l’événement lui-même ayant été oublié (dans l’expérience, il s’agissait d’extraits de films tristes ou gais) (Guzmán-Vélez E. et al., 2014). Exemple Mme R., 88 ans, est en EHPAD et le vit très mal. Son MMSE est à 12/30 dans un contexte de démence mixte. Elle fait 5 séances d’hypnose dans un contexte d’anxiété, qui fonctionnent bien avec un ancrage adapté. Deux ans après, les IDE de l’EHPAD reprennent rendez-vous pour elle pour une séance « de rappel ». Elle arrive, énervée, presque agressive en consultation. L’hypnopraticienne la salue dans le couloir. Mme R. : « Vous êtes qui ?? Je ne vous connais pas !! » Elle entre ensuite dans le bureau de consultation qui a peu changé en 2 ans, elle s’installe, sourit et dit : « Qu’est-ce que je suis bien chez vous, je ne sais pas qui vous êtes, mais qu’est-ce que c’est bien ! ».

Mais l’inverse est fréquent : un patient qui a mal vécu un soin va être agressif à chaque soin, sans faire le lien avec le soin qui s’est mal passé, seulement quand le stimulus « soins » apparaît. Si ce même patient a vécu un moment agréable grâce à l’hypnose, pendant le soin, il pourra prolonger cet état de bien-être et le revivre au prochain soin ou à la prochaine rencontre avec le soignant, sans faire le lien avec la séance d’hypnose. « La théorie de l’hypnose médicale tend à faire admettre la persistance d’une vie psychique de type hypnotique dissociée du déclin cognitif. Cette notion est fondamentale en gériatrie car elle redonne du sens et de l’humanité à l’équipe soignante, à la famille, à l’entourage de nos résidents déments, crépusculaire ou en fin de vie », écrivait un collègue travaillant en EHPAD (Goldschmidt G., 2008).

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Communication non verbale

Le langage non verbal prend une place de plus en plus importante au fur et à mesure de la sévérité de la maladie. La personne ayant un trouble neurocognitif majeur au stade sévère peut être dans l’impossibilité de communiquer son univers, ne peut exprimer par la parole ce qu’elle ressent, comment elle ressent notre présence. Seules des réactions subtiles et préférentiellement non verbales



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(mimiques, gestuelles du corps) peuvent parfois nous renseigner sur son état interne. Une attitude en amène une autre

Une attitude bienveillante et en position basse de la part du soignant est indispensable. L’alliance thérapeutique peut se jouer en quelques secondes : le patient accorde ou non sa confiance sur ses perceptions inconscientes et sur le non-verbal (cf. chapitre 3, M. R., Apathie).

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Comme nous l’avons vu, la distance est celle que souhaite le patient, il peut nous autoriser, ou pas, à entrer dans une distance intime et l’exprimer de manière verbale, mais le plus souvent non verbale par un petit recul ou au contraire par une tendance à se rapprocher. Il est fréquent que les patients nous attrapent, nous agrippent, nous nous rapprochons dans une proxémie partagée. L’utilisation de la synchronisation est capitale pour entrer en communication avec le patient, mais aussi, comme nous l’avons vu précédemment, pour mettre en place un leading qui permettra d’apaiser le patient par la suggestion de notre propre apaisement (cf. chapitre 3, Mme G., Anxiété). Le système des neurones miroirs semble être préservé chez les patients ayant une maladie d’Alzheimer (Kenigsberg P.A. et al., 2015). T. Rousseau, dans une étude de cas de 2 patientes ayant des troubles neurocognitifs majeurs à un stade sévère (MMSE < 5) montrait qu’il existait une capacité à imiter la relaxation chez ces patientes, ce qui permettait une diminution nette de l’anxiété qui durait jusqu’à 1 heure après la séance (Rousseau T., 2007). Le leading est d’autant plus facile à obtenir lorsque les patients ont des atteintes frontales qui peuvent favoriser l’imitation (dans le cadre d’une démence fronto-temporale, d’un accident vasculaire cérébral (AVC), d’un traumatisme frontal ou toute autre pathologie neurocognitive qui, lorsqu’elle est évoluée, atteint les lobes frontaux). Ainsi, les mouvements de l’hypnopraticien peuvent se faire plus appuyés, mais également les mimiques de son visage, en accord avec le discours qu’il tient. Cela va permettre d’établir un mirroring, mais aussi un leading, menant à une modification d’un mouvement du patient ou alors en suggérant un autre mouvement. La synchronisation de la respiration est également intéressante. Si le patient n’en a jamais eu l’expérience, la respiration est difficile à faire travailler par suggestion directe chez un patient ayant des troubles cognitifs sévères, mais la synchronisation va être aidante : l’hypnopraticien va d’abord respirer avec le patient, dans le même rythme, puis amplifier un peu les mouvements tout en étant toujours dans le même rythme, mais en permettant à l’esprit inconscient du



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patient de visualiser cette respiration. Enfin l’hypnopraticien va pouvoir ralentir sa propre respiration et, par leading, le patient va faire de même. Bien entendu, cette synchronisation ne se fera pas seule et sera couplée à une discussion ou d’autres techniques que nous allons décrire en suivant. Si l’on peut induire un état de relaxation par leading, on peut aussi induire de l’anxiété voire de l’agressivité : lorsqu’un patient s’agite et déambule, se mettre devant lui et lui signifier en contenant notre énervement : « maintenant il va falloir se calmer, sinon je vous fais une piqure » ne rétablira pas la situation, et ce, d’autant plus que le soignant se trouve en général dans une situation de stress et d’énervement, qui, par leading, va stresser encore plus le patient. En revanche, marcher avec lui, discuter de ce qui lui plaît tout en saupoudrant, se mettre en mirroring, puis s’asseoir sur une chaise en ayant pris soin auparavant d’avoir installé une seconde chaise à une distance suffisante pour ne pas braquer le patient, permettra le plus souvent de voir le patient s’asseoir avec nous ou au moins se (re)poser (cf. chapitre 3, Mme Z., Idées délirantes). S’autoriser à toucher

Le sens du toucher (contact, pression, chaleur, froid, douleur) est le premier sens ressenti par le nourrisson qui lui permet d’entrer en contact avec le monde. Ce sens vieillit et, dans le cadre des troubles neurocognitifs, le patient ne sait pas toujours repérer à quel endroit il est touché. Mais, même en fin de vie, les sensations de pression et de contact sont les mieux préservées, principalement sur le dos de la main, les jambes et les pieds (Kenigsberg P.A. et al., 2015). Dans une métaanalyse, V. Hansen et al. retrouvaient des résultats en faveur des thérapies par le toucher chez les patients atteints de troubles neurocognitifs, surtout en ce qui concernait le massage des mains pour la réduction immédiate ou à court terme de l’agitation et l’ajout du toucher à la parole pour l’encouragement à manger (Viggo Hansen N. et al., 2006). Il faut également avoir conscience que l’image que l’on a de notre propre corps n’est pas statique : c’est une construction active, constamment remaniée des données actuelles et du passé. Les troubles neurocognitifs avançant, la représentation du soi corporel se modifie encore, avec une difficulté à se sentir « unifié et séparé de l’objet ». P.M. Charazac suggère que le patient vit une « succession d’états de désintégration et de réintégration d’étendue variable » (Charazac P.M., 2009). C. Hoenner et al. parlent d’une perte de sentiment de la continuité de soi avec une difficulté à situer la limite entre l’interne et l’externe (Hoenner C. et al., 2004). Nous observons effectivement que, chez certains patients ayant des



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pathologies neurocognitives, le corps peut s’étendre aux objets qui entourent le patient ou même à l’autre. C. Hoenner et al. soulignent l’importance des psychothérapies à médiation corporelle (massages, mobilisations passives...) pour aider ces patients à se rassembler, et constatent aussi avec quel plaisir les patients accueillent ces thérapies et l’apaisement qu’elles occasionnent. Ainsi, ce toucher, qui est plutôt rare dans la relation thérapeutique habituelle, devient de plus en plus nécessaire avec l’évolution des troubles cognitifs. Il apparaît alors souvent une attente de la part du patient et le soignant peut y répondre par un serrement de mains chaleureux, une main rassurante sur l’épaule, une caresse répétitive sur le dos de la main, un massage, etc. (cf. chapitre 3, Mme L., Agitation, Mme D., Anxiété ; chapitre 4, M. M., Parkinson). Dans les soins d’hygiène, le toucher devient doux, enveloppant et protecteur dans une totale congruence avec les mots employés ; il est, comme en Humanitude , proposé et non imposé, c’est alors souvent la seule observation des signes non verbaux du visage et du corps qui renseigne l’hypnopraticien sur l’accord et le bien-être du patient. N

Communication verbale

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La communication est toujours présente et désirée, même si elle ne nous semble pas appropriée. Les patients ayant des troubles neurocognitifs au stade sévère nous interpellent, nous accrochent, crient, discutent, sont parfois compréhensibles, parfois pas du tout, parfois orientés, parfois non, et l’hypnopraticien se laisse porter par ces courants pour les accompagner au mieux et les aider à accéder à leurs ressources. Les bases décrites dans le chapitre précédent restent bien entendu valables. Les mots utilisés sont des mots qui soignent, en ratifiant toujours, en saupoudrant encore plus et en mettant des mots passe-partout évitant de mettre le patient en échec (cf. paragraphe « Et si le patient ne communique pas »). Il est classique chez les patients ayant des troubles cognitifs sévères d’utiliser un langage simple, des phrases courtes et répétées, de préférence affirmatives, au contenu positif, et de poser des questions fermées voire des non-questions : « ça va mieux ! » plutôt que « ça va mieux ? ». Cela permet d’éviter de mettre le patient en difficulté (le patient ne sachant que répondre à une question ouverte) mais aussi d’utiliser les truismes (si le patient va effectivement mieux), ou d’initier une prédiction auto-réalisante (le patient ira mieux) (cf. paragraphe « Prédiction auto-réalisante »).



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Nous nous adaptons constamment et il nous faut aussi utiliser tout ce que le patient apporte : noter ses phrases, ses mots répétitifs, ses onomatopées, les inclure dans notre langage et notre abord du patient (cf. chapitre 3 M. I., Hallucinations). Ce mirroring verbal est important : répéter les mots du patient peut aider à entrer en communication, surtout si ceux-ci sont positifs (cf. chapitre 3, Mme R., Idées délirantes). S’ils sont négatifs, on peut les répéter comme une ratification et les transformer :

➙ en leur exact contraire : « mort » devient « vie » ; ➙ changer le sens : « mordre » devient « chien », etc. Et quand le seul mot qui reste est « papa » ou « maman », au-delà de la détresse qui est derrière cet appel, il y a de la tendresse et de l’amour filial. Le patient n’est probablement pas, à ce stade, dans une problématique de deuil, mais plutôt dans une période où il est enfant et où il recherche la sécurité du lien parental. Après accord tacite du patient, lui toucher le cœur ou la tête et lui dire « comme si votre maman était là, maman vous aime, elle a mis une belle robe, elle a une odeur agréable et douce, elle toucherait votre front » va le rassurer et apporter un contexte propice à une suggestion s’il y en a une à placer : « maman aime quand vous êtes gentil avec les autres, bienveillant et attentif, maman vous aime » (cf. chapitre 3, M. Y., Hallucinations). Pour aller plus loin, l’hypothèse de la rétrogenèse (principe schématique énonçant le fait que les patients atteints de maladie d’Alzheimer perdent leurs facultés dans l’ordre inverse de leur acquisition) pourrait s’appliquer au langage (Reisberg B. et al., 2002). Ainsi, l’utilisation des mots acquis plus précocement dans l’existence semblent faciliter la compréhension du patient ayant une patholgie neurocognitive à stade sévère. En s’aidant de l’étude de L. Ferrand qui identifiait les 50 mots appris le plus précocement : « bain, bien bouche, main, arbre, belle, jouer, boule, clown, couche, fort, froide, botte, dire, nuage, sieste, bruit, ours, poule, pomme, voir, bonne, fruit, jour, noire, cirque, dame, chèvre, aide, dure, drôle, forte, gris, prince, sage, bulle, douche, porte, soir, vite, gorge, mouche, viande, bosse, propre, cercle, rire, tape, frite, cage », nous pouvons proposer un langage saupoudré des mots positifs de cette liste (sage, bien, belle...) ou les utiliser pour des métaphores simples (arbre, bulle, sieste...). De même que certains mots pourraient être déconseillés (dure, tape, cage...) (cf. chapitre 3, Mme R.). (Ferrand L. et al., 2003). Il nous faut dire un mot sur les truismes chez les patients ayant des troubles cognitifs sévères. Comme toujours ils sont à adapter à l’endroit où se trouve le



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patient, mais en se rappelant qu’il n’est pas forcément là où nous le voyons, ni même en train de faire ce que nous pensons qu’il fait. Les truismes peuvent donc être induits par des stimuli extérieurs dont nous sommes sûrs : « votre nez sent cette odeur » (en faisant sentir une odeur que l’on sait être appréciée par le patient), « vos pieds marchent », etc. Ils peuvent également exprimer un sentiment connu : « vous l’aimez cette maison », « vos petits-enfants qui vous aiment », etc. (cf. chapitre 4 Mme V., AVC). Enfin, notre voix s’adapte aux capacités auditives du patient, en restant le plus souvent rassurante et calme, mais parfois, dans un souci de mirroring pouvant mener au leading, elle pourra être ajustée à la tonalité ou à la sonorité de celle du patient. N

Un melting pot

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Ces quelques bases étant posées, les séances d’HAPNeSS vont mélanger en quelques minutes de nombreuses techniques d’hypnose en même temps : augmentation du recrutement sensoriel qui initie la relation et qui continue durant celle-ci, safe place, prédictions auto-réalisantes, souvenir dont le patient est fier, métaphores, ancrage après repérage des canaux prépondérants etc. Cela se fera en fonction des besoins du patient et toujours en s’adaptant à son présent et à ce qu’il vit au moment où on est avec lui. Nous allons observer et utiliser le comportement et les mots du patient ; ils ont une source et un sens, à nous d’aider le patient à le découvrir et à s’apaiser, même si nous-mêmes ne comprenons pas le lien qui va s’établir entre la source et le comportement (cf. chapitre 3 M. F. Irritabilité). Si dans une séance d’hypnose chez un patient n’ayant pas ou peu de troubles cognitifs, après la phase d’induction qui a utilisé les stimulations externes, la dissociation emmène le patient vers un monde à lui où il fait « comme si » (même si stricto sensu en imagerie fonctionnelle il revit ce monde), chez un patient ayant des troubles cognitifs sévères, le monde « comme si » est le monde « pour de vrai ». L’hypnopraticien va alors pouvoir s’appuyer sur les stimulations du monde extérieur et les maintenir durant toute la séance avec le PAVTOG qui entoure le patient, faire visualiser, faire l’action, etc. (cf. chapitre 3 Mme J., Agitation).



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Augmentation du recrutement sensoriel

Il est souvent illusoire pour la majorité de ces patients de demander un effort attentionnel suffisamment long pour faire une induction « classique » : le patient ne restera pas et ne vous écoutera pas. L’objectif du recrutement sensoriel est moins de dissocier (le patient étant déjà dans sa réalité) que de capter quelques temps l’attention en utilisant les différents stimulis sensoriels. En effet, les troubles neurocognitifs évoluant, le monde du patient se réduit de plus en plus aux stimulations sensorielles sans qu’il soit forcément capable de les analyser et de les situer, avec parfois une sensation de morcellement décrite précédemment. La présence de ces stimulations sensorielles peut néanmoins être utilisée par le biais des différentes sensorialités ressenties au moment présent en utilisant le maximum de canaux simultanément et en laissant peu de temps au silence. Cette augmentation du recrutement sensoriel va permettre de capter l’attention de tous les sens du patient et de le mener à un engagement psychosensoriel plus intense. Néanmoins, pour arriver à proposer une augmentation du recrutement sensoriel, une relation de confiance est nécessaire, parfois par une Yes-set (cf. chapitre 3, Mme L., Agitation), mais parfois ce sera plus implicite : une communication empathique qui passe par les neurones miroirs et grâce à laquelle le patient nous autorise à entrer dans son monde. Le recrutement sensoriel va se faire en utilisant tous les canaux résiduels. Il s’agit finalement de balayer le PAVTOG « pour de vrai » et non plus « comme si » : c’est l’hypnopraticien qui apporte les éléments du PAVTOG qu’il évoque, il les propose de manière directive mais à tout moment il peut se réadapter. Ainsi, si le praticien parle d’un objet qui semble précieux pour le patient (comme une poupée qu’il tient), celui-ci peut le ressentir comme une intrusion et se refermer, il faut alors savoir rapidement changer d’objet de focalisation : 

Captation du regard : l’hypnopraticien va capter le regard du patient (tout en l’observant et en notant toutes les réactions) :

➙ par son propre regard (cf. chapitre 4, Mme V., AVC ; chapitre 5, Mme T., Douleur aiguë) ➙ ou par son visage souriant et avenant avec une majoration des mimiques faciales sans exagération ➙ ou par un objet, une image, la télévision (cf. chapitre 5, Mme L., Douleur aiguë)



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➙ ou par l’apparition dans le champ de vision du patient d’une présence,

d’un mouvement inhabituel (mais ne pouvant être perçu comme un danger) exécuté par l’hypnopraticien ➙ ou encore par la répétition d’un mouvement adapté (cf. chapitre 3 Mme L., Agitation). Le plus souvent, le patient a alors un regard qui devient fixe, ce qui peut s’assimiler à une focalisation visuelle. Elle est souvent le signe que le patient est attentif voire suggestible et que les suggestions peuvent commencer à être délivrées (cf. chapitre 3, M. R., Agitation), elle peut se suffire à elle-même pour maintenir l’attention, mais le plus souvent nécessite d’être complétée par les autres sens. 





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Recrutement auditif : Utilisation d’un ton doux et hypnotique, avec du saupoudrage, tranquillement, mais sans temps de pause (sauf si le patient est en état hypnotique), en répétant (recrutement auditif). Recrutement tactile : En caressant ou tapotant doucement (cf. chapitre 4, M. J., Parkinson) de manière répétitive le bras ou le dos de la main ou toute autre partie que le patient nous autorise à toucher voire à masser, ou qu’il attrape (cf. chapitre 6, Mme J.), ou en utilisant un mouvement enveloppant (cf. chapitre 3, Mme R., Cris ; chapitre 5, Mme T., Douleur chronique), ou en utilisant des objets à manipuler comme le sac d’Augustine (cf. chapitre 3, Mme L., Idées délirantes) (recrutement tactile). Recrutement proprioceptif : En initiant chez le patient un mouvement répétitif ou un mouvement connu comme le tricot (recrutement proprioceptif) (cf. chapitre 3, Mme H., Anxiété ; Mme M., Apathie ; Mme G., Irritabilité). Recrutement olfactif : En rajoutant si possible en fonction du contexte une odeur.

Ce recrutement se fera rapidement sur un temps court qui permettra d’entrer dans un état de confiance et de bien-être mutuels permettant ainsi d’accéder très vite à une phase de travail. Elle nécessite d’être plus dans la suggestion directe qu’indirecte, en laissant peu de place à un égarement de l’attention (cf. chapitre 3, M. Y., Idées, hallucinations). L’augmentation du recrutement sensoriel sera, le plus souvent, maintenu durant tout le temps de l’échange : discussion, regard posé, tapotement régulier, odeur maintenue, etc. L’espace Snoezelen (développé chapitre 3) en EHPAD peut être particulièrement propice à ce recrutement sensoriel par toutes les sensations « pour de vrai »



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qui s’y trouvent, si l’hypnopraticien accompagne ces sensations de manière dynamique. Cette technique permet de capter l’attention du patient sur des sensations externes pour, ensuite, mieux lui permettre de s’ouvrir à une conscience interne, souvent négative, mais qui, accompagnée par l’hypnopraticien, initiera un changement positif vers un bien-être. La conversation

Si l’augmentation du recrutement sensoriel permet parfois de mener à un état hypnotique, le plus souvent la phase de travail ressemblera à une conversation avec peu de silences, tout en maintenant le recrutement sensoriel, ce qui permet de garder l’attention du patient, et en se réadaptant toujours aux réactions du patient. Le patient pourra alors avoir un « temps de veille paradoxale » positif : avoir le regard fixe, des mouvements plus lents, une respiration différente, continuer à parler ou suspendre parfois. En quelques minutes, toutes les techniques peuvent s’intégrer, à condition qu’elles correspondent à une réalité du patient : transformation des mots sombres répétés, modification d’une réalité douloureuse, safe place en utilisant le PAVTOG sur cette safe place, métaphore simple : « après l’orage et la tempête, vient toujours le beau temps, durablement souvent et agréablement » en regardant le temps, utilisations des hallucinations, ancrages dans l’entourage du patient, utilisation des réussites du patient, ratification de ses positions corporelles, etc. Faire et voir pour de vrai

Comme nous l’avons déjà dit, le monde est le monde pour de vrai. La parole est accompagnée par le geste : un mouvement en rythme, qui peut être accéléré, modifié, arrêté voire inversé va permettre d’installer les bases d’un changement bénéfique pour le patient. Utiliser les gestes est aussi une façon de s’extraire du langage verbal qui commence à être compliqué pour le patient, et d’exprimer des sentiments ou des impressions par l’expérience réelle du « faire » associée à l’expérience du « voir » : 

Faire une action avec ses mains (par exemple serrer les poings, etc.) pour écraser une angoisse (cf. chapitre 3, Mme D.), ou pour s’ouvrir (Mme R., Anxiété, Cris), ou pour se relâcher (cf. chapitre 4, M. J., Parkinson).



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Souffler des bulles de savon pour la respiration pour obtenir un contrôle de la respiration. Objectiver un espace avec les mains pour exprimer une anxiété, en créant une réification* réelle. Exemple « Je vous trouve inquiète, c’est grand comme cela ou petit comme cela ? » (faire visualiser à la patiente l’anxiété avec la distance entre ses 2 mains, plus grande ou plus petite, en lui ouvrant les bras ou en les rapprochant). « Ou petit comme cela et grand comme cela ? » (la patiente spontanément diminue la distance entre ses mains). « Et vous voudriez quoi à la place, plus de confort, plus de tranquillité, plus de calme à l’intérieur de soi ? C’est grand comme cela ou petit comme cela ? ou petit comme cela et grand comme cela ? » (refaire visualiser le confort à la patiente avec la distance entre ses 2 mains, plus grande ou plus petite, en lui ouvrant les bras ou en les rapprochant).

Ainsi peut-on mettre de la distance au ressenti émotionnel par une expérience physique. Cette façon de faire et de voir en même temps sera d’autant plus efficace à utiliser que l’hypnopraticien se mettra en mirroring avec le patient.

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La suggestion directe proposée

Si les suggestions indirectes restent une base (métaphores, synchronisations...), il est fréquent d’utiliser des suggestions directes, plus ciblées, laissant finalement peu d’espace au patient dans un premier temps pour ne pas qu’il se sente en échec face à des suggestions peu claires et nécessitant un choix, même illusoire (cf. chapitre 5, Mme T. et Mme R., Douleur aiguë). Mais ces suggestions lui laissent la possibilité de reprendre la main dans un second temps (cf. chapitre 3, Mme Y., Agitation ; chapitre 5, Mme Y., Douleur aiguë, Mme J., Douleur aiguë). Cela permet de capter une fois de plus l’attention tout en orientant le patient et en l’observant pour pouvoir se réadapter à tout moment. Il s’agit finalement de faire une suggestion directe qui, à tout moment, peut être changée en fonction des réactions du patient (cf. chapitre 3, Mme D., Anxiété). Prédiction auto-réalisante

Très utilisées par M.H. Erickson, les présuppositions sont des suggestions de transformation. Dans les pathologies neurocognitives, les présuppositions vont être un peu plus directes et devenir des prédictions auto-réalisantes. En effet,



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dans le cadre des troubles neurocognitifs majeurs, il peut être utile d’utiliser la mémoire procédurale pour induire un état émotionnel choisi en s’inspirant de l’effet Rosenthal qui va conduire le patient à se conformer à l’attente de l’hypnopraticien (Rosenthal R. et al., 1968). Celui-ci va présupposer l’apparition d’un sentiment qui va se manifester ensuite chez le patient, même si le patient n’était pas dans cet état d’esprit initialement. Ceci est particulièrement parlant avec l’ébauche de sourire : ce sourire qui est à la fois un signe de reconnaissance de l’autre, mais aussi l’une des premières acquisitions de l’homme lié en général à un état émotionnel positif, de plaisir et de confiance, et l’une des dernières acquisitions qu’il perdra dans la maladie d’Alzheimer. L’hypnopraticien peut l’utiliser lorsqu’il rentre en contact avec le patient et l’amplifier : il va présupposer le sourire, le visualiser, le réaliser : « Je vois comme un sourire... Quel joli sourire... regardez comme il est magnifique ce sourire. » Susciter ce sourire, c’est induire une transformation fortement corrélée à une émotion positive et finalement permettre de passer d’un état émotionnel négatif à positif, voire d’une transe négative à une transe positive (cf. chapitre 3, Mme D., Anxiété ; Mme R., Cris). L’utilisation répétée de ces modifications d’affects permet de substituer des affects positifs à des autorépétitions négatives. Ces prédictions auto-réalisantes peuvent être faites également pour un mouvement que l’hypnopraticien souhaite initier chez le patient (cf. chapitre 5, M. M., Parkinson ; Mme V., AVC). Safe place ou moments agréables ?

Il n’est pas rare que la personne atteinte de troubles neurocognitifs ou de dépression ne trouve pas cet espace de sécurité : Fromholt et al. ont montré que les récits autobiographiques de ces patients par rapport à des patients sains octogénaires étaient significativement moins bien datés, moins nombreux, moins détaillés et surtout moins positifs, il en était d’ailleurs de même pour les centenaires (Fromholt P. et al., 2003). Exemple Mme C. a 88 ans quand elle est adressée pour la première fois en consultation dans un contexte de douleurs anciennes, mal soulagées par les traitements médicamenteux. Elle a des troubles neurocognitifs majeurs à un stade modérément sévère (MMSE à 14/30) et décrit une vie très difficile: sa mère est décédée en faisant une fausse couche avec Mme C. à ses côtés alors qu’elle avait 3 ans. Son père s’est rapidement remarié avec une femme qui n’a jamais aimé Mme C. et la battait. À 22 ans, elle s’est mariée avec un époux qui s’est rapidement révélé violent et l’empêchait de sortir avec



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des amies, et lorsqu’il est décédé, sous la pression de ses enfants, elle est entrée en EHPAD, ce qu’elle vit très mal. Après une séance d’hypnose où un simple bien-être était suggéré avec un chemin de vie comme décrit au paragraphe « Communication verbale », Mme C. a un sourire et parle du bal de ses 18 ans, du prix de danse qu’elle a gagné avec un jeune homme, ils avaient alors dansé sur une table. Il est alors très facile de trouver avec elle une musique appropriée et de partir au bal.

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La safe place dans cette population en insécurité constante (perte des repères, ne sachant pas où ils sont) est capitale, mais, comme pour Mme C., elle se couple souvent à un lieu ressource, un souvenir de fierté ou simplement un lieu agréable qui sont nécessaires à une renarcissisation pour cette population subissant de nombreuses pertes. C’est aussi une façon de retrouver des moments paisibles ou forts qui ont laissé une sensation agréable, et de réinstaller ces sensations dans le présent (cf. chapitre 3 Mme E., Troubles de l’appétit ; chapitre 5, Mme S., Douleur aiguë). Comme nous l’avons évoqué précédemment, le risque de ces safes places du passé est la réactivation du deuil des personnes disparues qui se trouvent dans ces souvenirs. Néanmoins, il apparait dans notre expérience clinique, que cela est rare dans cette population qui a perdu le ryhtme temporel et semble s’accrocher plus au plaisir de revoir les êtres aimés qu’à la tristesse de les avoir perdus. Il faut néanmoins savoir rester attentif. Mais plus les troubles évoluent, plus la safe place se rapproche du présent, et l’hypnopraticien peut proposer au patient d’aller dans son jardin (cf. chapitre 3, Mme B., Agitation), sa maison si celui-ci s’y sent bien (cf. chapitre 5, Mme Y., Douleur aiguë), ou dans son salon, voire dans son fauteuil ou dans son lit. Ce sont des lieux connus et de bien-être (si c’est effectivement le cas) qui représentent le monde actuel du patient tout en contribuant à sécuriser un peu plus le lieu dans lequel il aime être (cf. chapitre 3, Mme Z., Idées délirantes). De l’utilisation des hallucinations

M.H. Erickson disait à propos d’une patiente psychotique avec des hallucinations : « Pourquoi aurais-je discuté les illusions et les hallucinations de la patiente ? C’étaient les siennes. Je devais les respecter de la même façon que je respecte une jambe cassée ou une mâchoire fracturée. En sachant que je respectais ses hallucinations et ses illusions, cette femme pouvait développer un rapport avec moi (...) vous devez vraiment accepter et utiliser la réalité du patient. » (Erickson M.H., 1983)



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Comme nous le verrons chapitre 3 (3.6.2 Hallucinations), s’appuyer sur les hallucinations des patients permet de mieux les apaiser, car, une fois encore, elles sont leur réalité et c’est à nous de nous adapter sans jugement. Si elles sont anxiogènes, on peut les transformer pour les rendre plus acceptables si ce n’est agréables. Exemple À cette dame de 87 ans qui voient des araignées qui l’inquiètent, l’hypnopraticien demande : combien ?, de quelle tailles ?, ont-elles une couleur ? Puis, adhérant à ces hallucinations, il propose de chercher dans le mur s’il y a des trous par lesquels les araignées sortent (le praticien cherche « pour de vrai » en suivant les instructions de la patiente), jusqu’à ce qu’il trouve les trous et les bouche (en faisant le geste) et en suggérant une solidité du mur.

Mais il est aussi possible de les utiliser pour faire passer des messages. Exemple À ce monsieur de 91 ans qui voit sa mère, on peut lui suggérer qu’elle le protège, le câline, l’embrasse, l’apaise, etc., ce qui permet de calmer son anxiété.

Les réussites

En raison du maintien de la valence émotionnelle liée à un événement chez les patients ayant des troubles cognitifs, il existe un réel intérêt en hypnose à faire appel à la mémoire biographique sur des faits marquants positifs affectivement, cela va permettre de prolonger l’effet de bien-être du patient. Avec le déplacement du pic de réminiscence chez les patients ayant des troubles neurocognitifs majeurs, le souvenir sera cherché dans l’enfance du patient : apprentissage du vélo, de l’écriture... La réactivation de ces sensations de force est une ressource précieuse à utiliser régulièrement, en saupoudrant d’adjectifs adaptés : fiers, heureux, content de vous, etc. L’ancrage et la répétition

Il pourrait paraître vain de faire un ancrage pour un patient ayant des troubles cognitifs sévères, car il oubliera forcément. Nous avons vu que la valence émotionnelle d’un événement persiste chez les patients ayant des pathologies cognitives. Mais de plus, il existe chez les patients ayant une maladie d’Alzheimer, un



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effet favorable sur la mémoire quand les stimuli utilisés ont une intensité très forte et/ou une pertinence personnelle très importante et/ou se sont produits de manière répétitive (Sava A.A., 2013 ; Chainay H. et al., 2014). Il apparaît qu’il est important que les patients ayant une maladie d’Alzheimer soient en contact répétitif avec des situations porteuses d’émotions positives, ce qui améliorerait leur état émotionnel, mais aussi leur mémoire (Sava A.A., 2015). Enfin, la familiarité (reconnaissance par des processus automatiques et non conscients d’un stimulus) ne semble pas altérée. Il est donc possible de faire appel à cette familiarité pour évoquer un souvenir sensoriel (Kenigsberg P.A. et al., 2015). Dans ces publications récentes, nous trouvons la justification de la clinique que nous pratiquons depuis des années : proposer des ancrages répétés même aux patients ayant des troubles très sévères, même si le lien avec la séance ne sera probablement pas fait ou pas de la manière dont nous l’entendons, peut-être pasera t’il par la sollicitation de la mémoire procédurale.

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Lorsque les troubles cognitifs sont sévères, le patient ne peut plus aller vers les ancrages, ceux-ci doivent être déjà présents et connus dans son environnement immédiat, afin d’être réactivés régulièrement : ce sont des ancrages « pour de vrai ». C’est alors à l’hypnopraticien d’observer l’environnement du patient et de proposer des ancrages issus de celui-ci. Une fois encore une augmentation du recrutement sensoriel est souvent nécessaire, et fréquemment un seul ancrage ne suffit pas. C’est plus souvent une association de « signaux », comme la posture répétitive d’un soignant (cf. chapitre « Soins palliatifs » : « Basta » ; chapitre 3, Mme P., Agitation, Mme G., Anxiété ; chapitre 4, M. M., Parkinson ; chapitre 6, Mme A.) ou l’entrée dans un espace Snoezelen, qui va réactiver chez le patient une sensation de calme. Mais ce peut être aussi l’ancrage très utile sur un soin qui s’est bien passé (cf. chapitre 5, Mme T., Douleur aiguë ; Mme Y., Douleur aiguë). Nous allons développer les différents canaux, mais en gardant à l’esprit qu’il sera souvent nécessaire de les associer pour obtenir un ancrage utile. Visuel Lorsqu’un ancrage visuel paraît adapté, alors la séance proposée se fera en tenant compte de l’ancrage utilisable dans l’environnement.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Exemple 1. Si la métaphore de l’arbre est proposée, cet arbre sera celui que le patient voit à travers sa fenêtre tous les jours. 2. Si c’est une image d’un souvenir agréable, ce souvenir doit se rattacher à une photo déjà présente dans son environnement ou qu’on pourra facilement rajouter. 3. Ce peut être aussi sur la propre image du patient, si celle-ci le satisfait (cf. chapitre 3, M. F., Irritabilité).

Auditif Il en est de même au niveau auditif. Une séance enregistrée n’a que peu d’utilité chez ces patients car ils ne resteront pas pour l’écouter. S. Samson et al. ont montré que 2 mois ½ après l’écoute répétitive d’une musique chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, il persistait un sentiment de familiarité qui n’existait pas pour des stimuli linguistiques, plaidant en faveur d’un système de mémoire musicale à long terme (Samson S. et al., 2009.) Nous reparlerons au chapitre 3 de la musicothérapie, mais il est important chez les patients ayant des pathologies neurocognitives majeures de ne pas sous-estimer la musique qu’ils ont dans leur chambre, mais également une musique nouvelle qu’ils apprécient. Cela peut aussi être un ancrage auditif sur un souvenir ou un ancrage auditif sur un mot, une phrase (cf. chapitre 4, M. B., AVC). Exemple Mme S. vit en EHPAD, elle a des troubles neurocognitifs majeurs au stade sévère. Elle s’isole et refuse de venir participer aux activités proposées. Une discussion rapide apprend à l’hypnopraticienne que le bruit de l’EHPAD la gêne. Cette patiente a travaillé longtemps sur un marché. En discutant avec elle de ce marché, des couleurs, des odeurs, des bruits, Mme S. sourit. L’ancrage est donc « la prochaine fois que vous entendrez ces voix, ces bruits, ces cris, ce sera pour vous l’occasion de retrouver ce lieu familier et amical et de vous y sentir bien ». Cet ancrage va permettre à Mme S de se sentir bien dans les bruits de son EHPAD tout en réactivant des souvenirs dont elle est fière.

Kinesthésique Comme chez les patients ayant des troubles cognitifs modérés, l’ancrage kinesthésique est essentiellement tactile. Il est toutefois possible d’obtenir parfois un ancrage proprioceptif sur la sensation de détente, mais couplé à une autre sensorialité (cf. chapitre 3, Mme C., Désinhibition). Comme nous l’avons vu,



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le schéma corporel du patient peut s’étendre à son environnement, et donc finalement, ce qui est considéré comme tactile peut être pour le patient une continuité de lui-même :   





le physiopack ; les coussins d’installation ; les doudous que certains patients gardent avec eux ou tout autre objet que les patients apprécient (cf. chapitre 5, Mme R., Douleur aiguë) ; le sac d’Augustine (cf chapitre 3, Mme L, Hypnose et comportement, Comportement moteur) ; le soignant lui-même.

Mais aussi et bien sûr le toucher, les caresses, les mouvements répétitifs, les massages, le soin lui-même, voire sa répétition. À signaler que lorsque les patients ont des troubles cognitifs sévères, le TENS est rarement utilisable car les patients ont tendance à l’arracher. Olfactif

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

C’est un canal très facile à utiliser chez les patients ayant des troubles neurocognitifs au stade sévère, mais il faut néanmoins garder en tête qu’il existe une altération de l’olfaction dans la maladie d’Alzheimer : ce que nous sentons n’est pas toujours ce que sent le patient, parfois il ne sent pas du tout. Avant d’utiliser ce canal, il faut donc vérifier que le patient sent bien l’odeur que nous lui présentons. L’odeur proposée sera d’autant plus efficace qu’elle est familière ou présente dans l’environnement du patient :   



le parfum habituel d’une femme ; l’eau de toilette d’un homme ; l’odeur du savon, du shampoing, du lait, de la crème (cf. chapitre 4, Mme V., AVC) ; parfois les huiles essentielles, mais avec plus ou moins de succès. Si l’odeur est connue et habituelle ce sera plus facile : par exemple, une dame qui a mis de la lavande dans son linge toute sa vie appréciera l’odeur de l’huile essentielle de lavande.

Ainsi, par le biais de ces ancrages externes répétés, le patient, même atteint de troubles neurocognitifs majeurs à un stade sévère, va pouvoir trouver le chemin vers l’autohypnose, sans même s’en rendre compte.



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Confusion et amnésie

Nous mettons ces deux techniques traditionnelles de l’hypnose thérapeutique dans le même paragraphe, car si celles-ci sont utilement utilisables auprès des patients n’ayant pas de troubles cognitifs, il n’en est pas de même avec ceux ayant des troubles cognitifs. En effet, tout message incompréhensible pour un patient ayant des troubles cognitifs est anxiogène, et peut être vécu comme une agression. Utiliser de la confusion chez ces patients n’est pas toujours accepté et peut faire sortir ceux-ci de l’état hypnotique là où notre objectif était de l’approfondir. Il en est de même de l’amnésie. Il est délicat de suggérer de l’amnésie à un patient qui a des troubles mnésiques. Nous proposerons le plus souvent des suggestions d’hypermnésies : « vous aurez des pensées plus claires » « vos souvenirs sont plus clairs », etc. C’est pourquoi confusion et suggestion d’amnésie doivent être utilisées avec une grande prudence. N

Et si le patient ne communique plus verbalement ? « Tout refus de communiquer est une tentative de communication ; tout geste d’indifférence ou d’hostilité est appel déguisé. » Albert Camus

Selon l’école de Palo Alto, « on ne peut pas ne pas communiquer ». Même si nos patients ne s’expriment pas par le langage, et même s’ils ne se mobilisent plus, ils communiquent et attendent de nous que nous fassions de même, et ce, qu’importe la raison de l’absence de communication, troubles cognitifs ou pas : AVC avec une aphasie, troubles neurocognitifs majeurs, coma ou fin de vie. Le terme même de « non-communicant » est donc un non-sens, le patient est non-communicant verbalement, mais d’autres langages sont accessibles. Lorsque le langage fait défaut, il nous faut encore plus observer le non-verbal pour comprendre l’humeur et les besoins du patient. Nous allons alors nous attacher à observer toute modification, à la recherche d’une approbation ou d’une négation, et à chaque modification de comportement ratifier. Par exemple, le patient esquisse un sourire à l’évocation de la montagne, l’hypnopraticien dit alors : « oui, c’est cette montagne que vous appréciez tout particulièrement ». Nous allons majorer encore notre langage non verbal et paraverbal ; être souriant, ouvert, expressif, se synchroniser pour entrer en relation, et... parler ! Apparaissent alors ces mots « passe-partout » avec lesquels nous allons pouvoir mener une véritable conversation avec le patient. Ces mots sont peut-être compris,



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Grands principes

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mais ils ne le sont peut-être pas, et qu’importe. Le ton adopté, rassurant, calme, peut suffire à faire comprendre la signification de notre relation avec le patient : l’attention que nous lui portons et l’envie d’échanges que nous avons. Mieux vaut dans ces situations éviter toute question ouverte pour ne pas mettre le patient en échec. Ces mots « passe-partout » regroupent le saupoudrage et la ratification : « oui, c’est très bien, je comprends, et tout est tranquille, vous êtes confortable, bien installé, tout à fait, parfaitement, etc. » Nous allons ensuite pouvoir adapter notre langage à notre observation du patient : « quelle belle étole, douce, chaude, d’un beau bleu... », ou à notre connaissance du patient, si tel est le cas : « il est gentil votre petit-fils, oui, tout à fait. » L’absence totale de mouvement n’empêche pas cette observation : capter des mimiques, des modifications de la respiration. Et même s’il ne se passe rien, la relation passe et est utile. Ces échanges, associés à d’autres techniques d’hypnose (augmentation du recrutement sensoriel avec entre autres captation du regard, etc.), ne durent souvent que quelques minutes, ce sont des moments d’intenses échanges, chacun étant attentif et à l’écoute du monde de l’autre, dans une bulle à deux probablement favorisée par les neurones miroirs.

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C ONCLUSION S’adapter, observer, saupoudrer, recruter, utiliser, faire pour de vrai et surtout faire confiance en les capacités des patients quelles que soient leur cognition et leur communication, sont les bases importantes de l’hypnose dans le grand âge. En donnant aux patients la possibilité d’accéder à leurs ressources enfouies, l’hypnose permet d’apaiser et de soulager, améliorant ainsi les soins des patients, mais surtout les relations humaines.



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Chapitre 3

Troubles neurocognitifs Fabienne Bidalon, Laurent Bujon, Marie Floccia, Sophie Lagouarde, Françoise Le Ru, Jessica Meliani, Philippe Sol

ES TROUBLES NEUROCOGNITIFS

MAJEURS ou pathologies démentielles ou neurodégénératives touchent dans le monde 47 millions de personnes (environ 1 million en France), avec 9 millions de nouveaux cas par an. L’OMS estime qu’entre 5 et 8 % des personnes âgées de 60 ans et plus sont atteintes à un moment donné. Le nombre total de personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs devrait atteindre 75 millions en 2030 et pourrait être multiplié par 3 d’ici 2050.

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L

Cette pathologie, vécue comme un cataclysme inéluctable lorsqu’on lit ces chiffres, nécessite une réflexion et un recul pour envisager l’avenir et l’accompagnement de la population vieillissante sous un autre regard que celui de la lutte contre la maladie d’Alzheimer, mais plutôt comme celui de l’accompagnement bienveillant de nos aînés atteints par cette maladie. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif à ces pathologies (sauf très rares exceptions), nos objectifs sont alors que les patients atteints vivent le mieux possible, apaisés et tranquilles, que leurs conjoints et enfants puissent les accompagner sereinement et que les professionnels aient des outils pour pouvoir les aider et les soutenir, sans s’épuiser eux-mêmes. La prise en soins des pathologies neurodégénératives peut nécessiter une approche médicamenteuse, mais surtout des approches non médicamenteuses et pluridisciplinaires qui se complètent. L’hypnose thérapeutique fait partie de ces approches : elle est nécessaire, utile et bienveillante et pourrait aussi se définir, dans ce contexte, comme un accompagnement relationnel thérapeutique.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

S YMPTOMATOLOGIE 





Les troubles neurocognitifs majeurs (DSM-V), anciennement appelés démences par le DSM-IV, sont caractérisés par un déclin cognitif significatif par rapport au niveau de performance antérieur dans un domaine cognitif ou plus (attention complexe, fonctions exécutives, apprentissage et mémoire, langage, perception-motricité ou cognition sociale). Les déficits cognitifs interfèrent avec l’autonomie dans les activités quotidiennes avec, au minimum, un besoin d’aide pour les activités instrumentales complexes de la vie quotidienne telles que la gestion des finances ou des médicaments. Le DSM-V décrit également les troubles neurocognitifs mineurs qui correspondent aux troubles cognitifs légers (Mild Cognitive Impairment : MCI) dont l’évolution est très variable : stade prodromique de la maladie d’Alzheimer pour les uns, ou syndrome clinique d’étiologies variées pour les autres. Ce sont des patients ayant de légers troubles cognitifs sans retentissement significatif sur l’autonomie. Grâce aux progrès des tests neuropsychologiques et des biomarqueurs, le diagnostic est souvent fait de plus en plus tôt, mais pas toujours (American Psychiatric Association, 2013.) La maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente des troubles neurocognitifs majeurs et serait à l’origine de 60-70 % des cas. Comme nous l’avons vu au chapitre 1, elle n’est pas le résultat inévitable du vieillissement. Les autres formes répandues sont notamment la maladie à corps de Lewy (trouble neurocognitif cliniquement proche de la maladie d’Alzheimer avec en plus des caractéristiques motrices du syndrome parkinsonien, des fluctuations des performances cognitives et des hallucinations visuelles), la démence vasculaire (liée à des lésions cérébrales d’origine vasculaire occasionnant une grande variété de symptômes cognitifs dont des troubles de la mémoire), et la démence fronto-temporale (dégénérescence des lobes frontaux du cerveau occasionnant des troubles du comportement et du langage très variables d’un patient à l’autre). Les formes mixtes sont fréquentes, associant plusieurs étiologies.

Même si les troubles neurocognitifs majeurs touchent souvent différemment chaque personne en fonction de sa personnalité, de son vécu et des pathologies associées, ce sont des pathologies évolutives dont l’aggravation est progressive et insidieuse sur des années. Aux stades sévères, il est très difficile de faire un diagnostic étiologique précis de ces maladies, tant elles tendent alors à se ressembler.



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Troubles neurocognitifs

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Différents stades correspondant à différentes étapes de l’évolution de la pathologie sont identifiés. Le test de dépistage rapide le plus utilisé en France est le score de Mini Mental State Examination (MMSE) du GRECO (Derouesné C., 1999), qui permet d’établir plusieurs stades. Toutefois le score doit être pondéré en fonction de l’âge, de l’origine socio-culturelle de la personne et de son niveau d’étude.    

MMSE de 26 à 21 : stade léger ; MMSE de 16 à 20 : stade modéré ; MMSE de 10 à 15 : stade modérément sévère ; MMSE < 10 : stade sévère à très sévère.

L’échelle Clinical Dementia Rating (CDR), validée en français en 2003, permet de se faire une meilleure idée de l’évolution des troubles neurocognitifs, et notamment de la maladie d’Alzheimer, en décrivant les degrés de sévérité des déficits cognitifs et fonctionnels. Le stade de la CDR est établi à partir d’un questionnaire complété grâce à l’évaluation du patient et des informations recueillies auprès de son aidant. L’élaboration des stades de la CDR permet de bien comprendre l’évolution de la maladie et d’entrevoir les difficultés de prise en charge qui peuvent en découler (Ousset P. et al., 2003).. Elle identifie plusieurs stades corrélés au MMSE : CDR 0 : sans déficit

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CDR 0.5 : démence très légère (oublis réguliers, orientation temporelle peu être touchée, activités sociales, domestiques et de loisirs légèrement altérées), le MMSE est à 22,8 +/– 2,6. CDR 1 : démence légère (perte de mémoire plus marquée, activités quotidiennes perturbées, difficultés d’orientation temporelle, abandon des tâches de loisirs difficiles, ne peut participer seul aux activités sociales, altération des activités domestiques, nécessité de supervision pour les soins personnels), le MMSE est à 19,7 +/– 3,5. CDR 2 : démence modérée (perte de mémoire sévère, désorienté dans le temps, nécessite un accompagnement hors du domicile, assitance pour la toilette, jugement social altéré), le MMSE est à 15,9 +/– 4,3 CDR 3 : démence sévère (fragments de souvenirs, perte du jugement, nécessite une assistance sociale, domestique et pour les soins personnels, incontinence fréquente), le MMSE est à 11,3 +/– 3,9



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Cette échelle a également l’avantage de donner une corrélation avec le score NPI (NeuroPsychiatric Inventory), qui évalue les troubles du comportement et qui sera décrit ci-dessous. Dans les cas cliniques que nous allons développer, nous utiliserons le score du MMSE ou le stade correspondant chez les patients atteints de troubles neurocognitifs.

ATTEINTE

MNÉSIQUE

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par une altération progressive de la mémoire épisodique antérograde, avec une incapacité à se fabriquer de nouveaux souvenirs. Dès le stade prodromal, la mémorisation de nouvelles informations est perturbée par un trouble du stockage et de la consolidation, entraînant un déficit au niveau de la récupération. La composante épisodique de la mémoire rétrograde autobiographique est également sensible à la maladie d’Alzheimer. Les souvenirs anciens seraient mieux préservés parce que la plupart d’entre eux deviennent de nature sémantique (répétitions d’événements similaires). Au stade modéré de la maladie, toutes les étapes de la mémorisation sont altérées. Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, les patients atteints par des troubles neurocognitifs ont des émotions relativement préservées. Concernant les autres syndromes démentiels comme la démence fronto-temporale, la maladie à corps de Lewy ou la démence vasculaire, les troubles de la récupération sont au premier plan, du moins à un stade débutant. Avec l’avancée de la maladie, les profils mnésiques sont nettement moins spécifiques. Il n’est pas rare d’observer ce que D. Taillefer et D. Geneau ont nommé un plongeon mnésique rétrograde chez les personnes présentant des troubles cognitifs, avec une remémorisation d’un passé très ancien qui ne peut retrouver ses bases dans le présent actuel et être source d’angoisse pour le patient. Celui-ci peut alors se retrouver face à une dissociation sur des éléments négatifs. Tout le travail en hypnose va consister à accompagner la sortie de cette transe négative en ramenant dans une transe positive ou sur un lieu ressource.

DU

COMPORTEMENT À L’ ÉPUISEMENT

Plus que les troubles mnésiques, ce sont les troubles du comportement qui posent le plus de problèmes au quotidien pour les aidants. Ce sont eux qui



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Troubles neurocognitifs

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souvent mènent à l’institutionnalisation par épuisement de l’aidant familial, ou eux qui épuisent les aidants professionnels en milieu hospitalier et institutionnel, et ce sont encore eux qui mènent à l’escalade médicamenteuse pour tenter de « calmer » le patient avec tous les risques iatrogéniques que les psychotropes provoquent. Les troubles du comportement, par leur dénomination même, insinuent que le comportement est gênant, et donc perçu négativement, même si cela n’est pas forcément le cas : ce peut être un comportement inhabituel dans un lieu inadapté (exemple : déambulation incessante) ou sortant des normes médicales habituelles (exemple : hallucinations non anxiogènes pour le patient). J. Pelissier interroge judicieusement le fait que « la personne a un comportement mais qui a le trouble ? » . Il est néannmoins certain que ce sont eux qui mènent à l’épuisement et parfois même à la mise en danger du patient. A signaler qu’une autre appellation est proposée depuis quelques années : les syndromes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD), mais pour plus de clarté nous continuerons à parler de troubles du comportement. L’échelle d’évaluation des troubles du comportement qui fait consensus en gériatrie est le NPI ((NeuroPsychiatric Inventory ou inventaire de neuropsychiatrie) proposé par Cummings depuis 1999. Même s’il pose la question de la norme, il permet une évaluation consensuelle et un langage commun qui facilitent les échanges entre les aidants ou les proches familiaux d’une personne ainsi qu’avec les soignants et les professionnels (Cummings J.L. et al., 1994). Nous pouvons le considérer comme un outil à la fois diagnostique, pronostique, thérapeutique et pédagogique (Bidalon F., 2015). Il permet d’apprécier :

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« les troubles du comportement considérés comme des manifestations aiguës ou chroniques, hors des normes sociales établies. » (Vetel J.M., 2003)

Le NPI identifie la majorité des troubles du comportement rencontrés lors de l’évolution des pathologies neurocognitives : les idées délirantes, les hallucinations, l’agitation/l’agressivité, la dépression/dysphorie, l’anxiété, l’exaltation de l’humeur, l’apathie/l’indifférence, la désinhibition, l’irritabilité/l’instabilité, le comportement moteur, le sommeil et les troubles de l’appétit. Chacun est côté en fonction de la gravité du trouble et de son retentissement, un score supérieur à 2 à un item est pathologique. Plus la pathologie neurocognitive évolue, plus les troubles du comportement sont fréquents et donc plus le score augmente (Ousset P. et al., 2003) :   

CDR 0,5 : NPI à 10,8 +/-12,2 CDR1 : NPI à 15,9 +/- 13,3 CDR2 : NPI à 19,2 +/- 15,2



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

CDR3 : NPI à 25,9 +/- 19,9

La nature des troubles du comportement et leur fréquence diffèrent selon le stade de la maladie d’Alzheimer (Noblet-Dick M. et al., 2004) : 

Stades débutants (MMSE > 25) :

➙ L’anxiété (60 %) et la dépression (53 %) sont fréquentes. ➙ Il n’y a pas d’hallucination et rarement des idées délirantes (7 %). 

MMSE compris entre 18 et 25 inclus :

➙ L’apathie (81 %) et la dépression (76 %) sont les symptômes plus fréquents. 

MMSE < 18 :

➙ L’irritabilité (75 %), l’agitation (71 %), les idées délirantes (63 %) et les hallucinations (33 %) sont présentes à une fréquence maximale, en partie responsables des comportements moteurs aberrants (67 %) et des troubles du sommeil (47 %).

Dans le paragraphe « hypnose et comportement », nous reviendrons plus longuement sur ce sujet et proposerons des cas cliniques permettant d’appréhender comment l’hypnose permet de désamorcer un grand nombre de situations

N EUROPHYSIOLOGIE

ET HYPNOSE

L’hypothèse que nous formulons est que les réseaux neuronaux utilisés lors de l’hypnose sont en partie altérés lors de l’évolution des troubles neurocognitifs, nécessitant donc une adaptation constante à ces modifications. N

Physiopathologie de la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer résulte de l’installation progressive et irréversible de deux types de lésions provoquant la mort neuronale : 

La dégénérescence neurofibrillaire (DNF) par accumulation intracellulaire de protéine Tau hyperphosphorylée qui désorganise le cytosquelette du neurone. La clinique de la maladie d’Alzheimer s’explique bien par la progression hiérarchique et séquentielle de la DNF décrite en 10 stades par A. Delacourte et al. (de S0 à S10). Ainsi à un stade léger à modéré de la maladie d’Alzheimer, l’atrophie touche la région hippocampique, le cortex temporo-pariétal, le cortex cingulaire postérieur et le précunéus puis la région préfrontale alors que



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Troubles neurocognitifs



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les aires primaires motrices, sensorielles et somesthésiques sont longtemps épargnées. Les plaques séniles par accumulation extracellulaire de peptide Aβ qui vont altérer la membrane cellulaire du neurone. Elles n’ont pas de topographie sélective. Elles sont retrouvées dans de nombreuses aires corticales et expliqueraient l’hétérogénéité non négligeable dans les manifestations cliniques et l’évolution des malades. À noter cependant, une vulnérabilité préférentielle au niveau du cortex préfrontal médian.

N

Hypothèses neurophysiologiques de l’évolution de la maladie d’Alzheimer et de ses impacts sur l’hypnose Aux stades modérés à légers de la maladie d’Alzheimer

Sur le plan anatomopathologique (fig. 3.1), le cortex cingulaire antérieur reste préservé jusqu’à un stade modéré de la maladie ainsi que le cortex préfrontal dorso-latéral et l’insula. Les réseaux de saillance et du contrôle exécutif ne sont donc pas touchés en début de maladie, il persiste une capacité à ressentir un sentiment d’absorption et un recentrage sur ses états internes. En revanche, le circuit du mode par défaut est altéré : 

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la diminution de connectivité du cortex cingulaire postérieur va entraîner une diminution de la conscience de soi ; la diminution d’activité du cortex préfrontal médian va entraîner une perte du contrôle somatique et émotionnel.

Le circuit du mode par défaut étant altéré, des situations de « dissociation » négative sont fréquemment observées : anxiété, dépression... comme une « transe négative ». L’objectif de l’hypnose sera alors de transformer la transe négative en transe positive. Aux stades sévères de la maladie d’Alzheimer

À ces stades, les trois réseaux sont altérés. Comme précédemment la transe est négative et, de plus, les leviers attentionnels sont diminués, ce qui rend plus difficile le changement de transe car le patient est figé sur son état émotionnel. Le sentiment d’absorption tend probablement à disparaître, ce qui se traduit sur le plan hypnotique par la non-entrée en état hypnotique « habituel » comme nous l’entendons chez le patient sans altération cognitive : on ne fait plus « comme si » (en utilisant que l’imaginaire), on fait « pour de vrai » (l’imaginaire



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

CPFDL

CCAD

CCP

Cortex insulaire

CPFM

Figure 3.1. Dégénerescence neurofibrillaire (d’après A. Delacourte) et circuits impliqués dans l’hypnose Réseau de saillance : - CCAD : cortex cingulaire antérieur dorsal - Cortex insulaire Réseau du contrôle executif : - CPFDL : cortex préfrontal dorso-latéral Réseau du mode par défaut : - CCP : cortex cingulaire postérieur - CPFM : cortex préfrontal médian

a besoin d’un support sensoriel) (cf. chapitre 2). Il faut alors mobiliser les ressources sensorielles qui sont épargnées pour mieux capter l’attention puis travailler sur le changement.



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Troubles neurocognitifs

P RISES EN CHARGE AVEC L’ HYPNOSE

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EXISTANTES ET LIEN

N

Traitements médicamenteux

À l’heure actuelle, aucun traitement curatif ne permet de guérir des troubles neurocognitifs (sauf exception de pathologies rares : neurosyphilis, déficits vitaminiques, etc.), mais certains traitements médicamenteux peuvent permettre de ralentir l’évolution des troubles. Ils sont controversés en raison de leurs effets indésirables et de leur efficacité très modeste. Cette efficacité est établie uniquement à court terme sur les troubles cognitifs. Les effets sur les troubles du comportement, la qualité de vie, le délai d’entrée en institution, la mortalité, la charge de la maladie pour les aidants ne sont pas établis. Dans l’apathie, ces médicaments peuvent être utiles.

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➙ Les traitements actuels (sous forme orale ou transdermique) sont les anticholinestérasiques (inhibiteurs à la destruction de l’acétylcholine) et les antiglutamates (antagoniste des récepteurs NMDA du glutamate). Les effets secondaires sont le plus souvent gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées), mais aussi crampes musculaires, bradycardie, convulsions et peuvent donc faire chuter le patient. Ils peuvent également provoquer des agitations et des troubles du comportement. ➙ Les benzodiazépines et les neuroleptiques sont parfois utilisés pour passer un cap d’anxiété ou d’agitation, mais malheureusement ils sont ensuite souvent maintenus au long cours par peur de l’arrêt qui risque de provoquer la récidive du trouble du comportement qui les avait nécessités. Ils deviennent alors délétères sur la mémoire, majorent le risque de chutes, etc. D’autres thérapeutiques sur l’humeur sont utilisées, avec parfois comme effet secondaire une majoration des troubles du comportement, une désinhibition, voire une majoration des troubles cognitifs... Il est donc surtout important d’arrêter ou de ne pas prescrire un traitement qui peut être délétère chez les patients ayant des troubles cognitifs.

Ainsi en est-il de beaucoup de psychotropes, de tous les médicaments qui peuvent occasionner une chute ou un syndrome confusionnel... et la liste est vaste. Quand on prend en compte la polymédication des patients âgés, on mesure



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le risque majeur dans cette population des effets indésirables graves et des interactions médicamenteuses. « En dépit de la recherche pharmacologique considérable autour des pathologies neurocognitives, aucun traitement médicamenteux n’a réussi à prévenir ou influencer l’évolution de ces pathologies ».

Guzman-Vélez et al. concluent dans leur article : « Plus de ressources devraient être dévolues à la recherche et la diffusion des techniques de soutien qui peuvent augmenter le bien-être et minimiser la souffrance de millions d’individus. » (Guzman-Vélez E. et al., 2014)

N

Thérapeutiques non médicamenteuses existantes et leurs liens avec l’hypnose

Les approches dites non médicamenteuses jouent un rôle important dans la prise en soins des personnes atteintes de maladies neurodégénératives et apparentées et dans la promotion de la bientraitance (HAS, 2012). Ces approches visent à proposer un accompagnement relationnel thérapeutique permettant de préserver les capacités résiduelles et d’améliorer la qualité de vie des malades et de leurs proches. Elles prennent appui sur ce qui a du sens pour la personne : développer des moments de relation et de plaisir, tout en respectant la dignité et la parole du patient et en encourageant une vie avec les autres. Ces approches permettent de prendre en compte l’évolution de la maladie, des troubles du comportement, des capacités de communication, et présentent une aide précieuse pour les proches comme pour les soignants dans le quotidien. Elles reposent à la fois sur une attitude thérapeutique en privilégiant les capacités restantes mises en œuvre dans le quotidien quel que soit le lieu de vie ou d’hospitalisation du patient, mais aussi sur des ateliers thérapeutiques développés dans les lieux de soins : accueils de jour, haltes répit, Unités cognitivo-comportementales, lieux d’hébergement comme les EHPAD, les Unités de vie protégées, les Unités d’hébergements renforcés ou les Unités de soins de longue durée. Un certain nombre de ces approches non médicamenteuses peut être mis en perspective avec l’hypnose. Nous proposons d’en développer quelques-unes sans les détailler, mais en les éclairant des principes de réflexion de l’hypnose telle qu’elle peut être pratiquée auprès des sujets âgés présentant une maladie de type Alzheimer ou apparentée. Il nous paraît essentiel de considérer l’hypnose thérapeutique comme un outil complémentaire au niveau des prises en



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Troubles neurocognitifs

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soins déjà existantes et déployées dans les secteurs sanitaires, médicosociaux ou au domicile. Il n’en demeure pas moins que leur évaluation pose la question des indicateurs dans les sciences humaines. Le principe d’évaluation qui pourrait être retenu, souligne J. Gaucher, serait celui « d’efficacité qui résiderait alors dans le fait de donner à chacun la capacité de s’exprimer en mobilisant ses compétences, de lui permettre d’avoir une action sur soi, sur son environnement. » (Document France Alzheimer) La Validation de Naomi Feil

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Naomi Feil, psychologue américaine, a élaboré à partir de 1963 une nouvelle méthode pour accompagner et prendre soin des personnes âgées désorientées et en perte d’autonomie : la Validation . Elle est fondée sur le fait de reconnaître comme « valides » les émotions exprimées par la personne âgée, émotions que celle-ci exprime verbalement ou au travers de son comportement. Pour ce faire, Naomi Feil s’appuie sur la conviction que ce que nous prenons pour de la démence est en fait une résurgence de traumatismes anciens. Les personnes désorientées chercheraient, en fait, au travers de la manifestation de ce qui est identifié comme « troubles du comportement » à « régler » ces situations. Si le patient n’a pas la possibilité de résoudre « les tâches de vie », la survenue d’un état végétatif en serait la conséquence. Ainsi, Naomi Feil identifie 3 phases de « Résolution » qui passent de la « mal-orientation » à la « confusion temporelle » puis aux « mouvements répétitifs » avant d’aboutir à cet « état végétatif » et qui caractérisent, d’une certaine façon, les stades de la maladie. Se basant sur ces prédicats, Naomi Feil a, dès son première ouvrage, en 1982, Validation : Mode d’emploi, défini une approche qui permet aux soignants de développer le fondement d’une alliance thérapeutique indispensable aux situations de soins. Cette approche est développée à partir d’outils de communication et de principes de psychologie tels que l’empathie, la non-directivité, la reformulation et l’écoute active. Cette écoute active doit être complètement orientée vers l’autre afin d’accueillir avec empathie et sans jugement le discours de la personne désorientée. Certains autres outils sont également nécessaires à cette communication tels que la synchronisation, la reformulation ou encore l’exploration par le questionnement avec pour objectif principal d’aider la personne à dire tout ce qu’elle a besoin d’exprimer. Ces outils utilisés par Naomie Feil peuvent être mis en lien avec l’hypnose puisque directement inspirés de l’école de Palo Alto, dont l’équipe s’est très tôt intéressée



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

à l’hypnose. Ils font pleinement écho à certaines bases communicationnelles et relationnelles en hypnose : ratification, langage non verbal, validation des paroles du patient... L’Humanitude 

L’Humanitude , créée par F. Klopfenstein et popularisée par A. Jacquard puis par Y. Gineste et R. Marescotti dans les années 1970, est apparentée à une philosophie du lien et du soin. L’Humanitude : « est constituée par ces particularités qui permettent à un homme de se reconnaître dans son espèce, l’humanité... et qui permettent à un homme de reconnaître un autre homme comme faisant partie de l’humanité. » (Gineste Y. et al, 2008, 2007).

Le concept d’Humanitude permet d’associer la notion de to cure, agir sur la pathologie, et de to care, agir sur le potentiel de vie tout en favorisant l’autonomie, c’est-à-dire la capacité de décision de la personne. En hypnose, nous faisons appel aux ressources propres de la personne. Ainsi, un des principes applicables aux deux méthodes est de se centrer sur la personne soignée : « Je ne peux plus te soigner sans toi, malgré toi, je ne peux t’aider. » (Livret de formation institut IGM)

Les auteurs relèvent que la personne âgée présentant des troubles cognitifs a une diminution de ses capacités sensorielles induisant une perte de repères temporels, spatiaux et une forme d’isolement psychique. Pour eux, la surcharge de stimulations ne présente pas plus de bénéfice pour les personnes, ni d’efficacité sur le confort des soins. La technique proposée en Humanitude prend appui sur les interactions précoces avant le soin, ressenties comme positives et bienveillantes et permet ainsi d’éviter les comportements d’agitation pathologiques. Il convient alors, comme en hypnose, de savoir entrer dans l’espace de la personne au sens psychique et physique selon l’approche. Les préliminaires du soin permettent, comme l’hypnose conversationnelle, d’envisager la participation active de la personne, que son consentement prenne une forme verbale ou non verbale. Pour cela, dans les deux approches, l’histoire de vie, les habitudes, les goûts, les désirs, les besoins, les relations et le rythme de la personne sont un appui précieux intégrant ainsi la singularité de chacun. La mise en Humanitude repose sur le regard (dit de « pupille à pupille »), la parole et le toucher : elle prend appui sur le rebouclage sensoriel qui consiste à adresser un message bienveillant de manière congruente et simultanée avec plusieurs sens. De la même manière en hypnose, l’hypnopraticien va augmenter le recrutement sensoriel avec, entre autres, une captation du regard, afin de



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pouvoir s’appuyer sur un phénomène de fixation d’attention et permettre au sujet de répondre aux suggestions. Il est par ailleurs essentiel de s’assurer d’une consolidation émotionnelle : il est nécessaire de terminer un soin avec un message positif pour renforcer la mémoire émotionnelle et prédisposer au mieux les soins futurs. En hypnose, les suggestions post-hypnotiques avec ancrage permettent de laisser la trace d’une mémoire positive du soin voire de prédire un résultat positif. En ce qui concerne la parole, nous retrouverons des éléments de la communication hypnotique avec un ton mélodieux des mots positifs suggérant le confort ou la détente et donc le fait de bannir les mots dits « noirs ». Cependant dans la philosophie de l’Humanitude , le soignant mettra en place un auto feed-back (annonçant et décrivant ses gestes, là où la personne ne peut mettre des mots) pour permettre le lien en évitant les silences et en réassociant le sujet à l’ici et maintenant du soin. A contrario, l’hypnopraticien va chercher à dissocier du soin afin de conduire le patient dans sa safe place ou un lieu ressource, il ne décrira pas forcément le soin, mais va ratifier volontiers ce qu’il observe sur le plan émotionnel et va reconnaître les comportements non verbaux comme source de communication.

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La thérapie par réminiscence

La thérapie par réminiscence pratiquée auprès des personnes âgées repose sur les travaux de R.N. Butler qui définit la réminiscence ou « revue de vie » (life review) comme étant un fonctionnement mental naturel et universel, caractérisé par le retour progressif à la conscience de l’expérience passée, et en particulier, la résurgence de conflits non résolus qui peuvent être interrogés et réintégrés (Butler R.N., 1963). Les années 1990 ont vu naître un engouement pour ce type d’approche. Ainsi, pour S. Bluck et al., la réminiscence est un acte ou un processus volontaire ou non, de remémoration de souvenirs personnels (Bluck S. et al., 1998). Cela peut impliquer le rappel d’épisodes généraux ou particuliers qui peuvent ou non avoir été précédemment oubliés. Selon P. Cappeliez et al., les personnes âgées utilisent préférentiellement les réminiscences instructives dont la fonction est de transmettre des expériences vécues (Cappeliez P. et al., 2001 ; 2002). Ces auteurs ont défini trois types de recours concernant uniquement les personnes âgées : 

l’envahissement par les réminiscences négatives, comme des ruminations chez des patients dépressifs ;



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le recours aux réminiscences pour donner un sens à sa vie ; le peu de recours aux réminiscences.

La thérapie par réminiscence auprès des personnes âgées se fait soit en psychothérapie individuelle dans un contexte de dépression, soit chez des patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée, le plus souvent en groupe. Elle consiste à susciter l’évocation de souvenirs autobiographiques de chacun des participants en proposant des thèmes comme le mariage, les expériences professionnelles, sportives, la naissance des enfants. Les proches peuvent être sollicités pour la préparation des séances : il leur est demandé d’aider le patient à rechercher des photos, des objets, des souvenirs en lien avec le thème abordé à la séance suivante. Selon F. Eustache et al., cette approche n’a pas pour objectif de faire recouvrer la mémoire, mais de renforcer l’estime de soi des patients et leur sentiment d’identité (Eustache F. et al., 2013). Dans une perspective neuropsychologique, la thérapie par réminiscence cible néanmoins les troubles cognitifs en sollicitant la mémoire autobiographique qui rassemble les expériences vécues et forme l’essence même de notre identité. Deux méta-analyses ont montré une amélioration de la cognition, de l’humeur, de la mémoire autobiographique des patients et une diminution du fardeau lié à la prise en charge pour les aidants (Woods B. et al., 2005 ; Cotelli M. et al., 2012). La thérapie par réminiscence n’est pas sans rappeler les techniques d’hypnose permettant de travailler sur l’estime de soi et la confiance en soi, « Souvenir dont on est fier », « Apprentissage réussi », bien que celles-ci se pratiquent habituellement en individuel et non en groupe. L’utilisation de ces périodes de vie, en insistant sur les pics de réminiscence, permet, comme nous l’avons vu au chapitre 2, de retrouver des valences émotionnelles fortes. Les espaces Snoezelen

Le concept Snoezelen, initialement utilisé comme alternative non médicamenteuse pour les troubles du comportement des personnes polyhandicapées, propose une prise en charge globale de la personne dans un contexte de communication difficile (DOC’AMP, mars-avril 2010, n° 4). Son déploiement s’est étendu vers les lieux de vie que sont les EHPAD et en particulier auprès de résidents présentant des troubles neurocognitifs. Le Snoezelen (contraction de snuffelen (sentir, renifler) et doezelen (somnoler) en néerlandais) suggère une « langueur » et un bien-être dans une ambiance chaleureuse, donc un objectif à la fois de détente et de stimulation sans aucune



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directivité. Une salle, ou espace Snoezelen, est dédiée à cette prise en charge et aménagée, cependant le chariot sensoriel permet aussi de proposer une prise en soins en chambre directement. Le matériel proposé en Snoezelen est fait d’objets concrets à qui la relation donne de la valeur (Orain S., 2008). Il vise à produire une stimulation sensorielle par le biais de ces objets qui sont des médiateurs, en introduisant des variations (tapis de mousse, matelas à eau, stimulations visuelles, auditives, tactiles, vibratoires). Cette stimulation rappelle celle inspirée du PAVTOG. De même qu’en hypnose, il faut alors chercher à repérer le canal dominant du sujet pour le stimuler de façon adaptée en sélectionnant et en dosant les stimulations, en observant les effets positifs ou non auprès de la personne. L’accompagnant mobilise chaque sens séparément.

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En Snoezelen, l’être est plus important que le faire. M. Thiry souligne qu’« il s’agit d’aller à la rencontre de l’émotion, du mouvement de l’âme dans l’acceptation inconditionnelle de l’être et de ce qu’il exprime ». Selon lui, « c’est vivre à travers la sensorialité du corps avec des personnes aussi démunies soient-elles, une attitude interrelationnelle favorisant la détente, le bien-être, la sécurisation, au service de la réalisation de l’être et non du faire ». Le vécu personnel est la seule chose qui compte, il n’est pas une obligation d’apprendre quelque chose. Il s’agit de créer les circonstances où chacun pourra construire son espace, en structurant les éléments de son environnement, ses émotions, pour que la personne ait davantage de prise sur le contexte dans lequel elle évolue, ceci en créant une atmosphère propice à la détente et à la relaxation. Tout comme en hypnose, il convient de s’adapter au rythme et aux choix de la personne, donc de faire preuve de souplesse dans l’accompagnement. L’accompagnant crée une relation de confiance et de proximité en sécurisant le patient, en favorisant l’interaction et en veillant à ne pas être intrusif. En Snoezelen, la sécurisation passe par la notion de répétition qui entraîne la prévisibilité et génère un état de conscience modifié, une ouverture au monde des souvenirs anciens, des sensations, etc. En hypnose, si la sécurisation et la confiance sont importantes, la répétitivité des moments d’hypnose conversationnelle ou d’état hypnotique avec suggestions post-hypnotiques et ancrages sert de point d’appui aux expériences futures. Dans les deux pratiques, il convient de prendre appui sur l’histoire de vie de la personne auprès de ses proches, mais aussi, par le biais de transmissions, de permettre le relais à d’autres professionnels pour que ceux-ci puissent s’adapter au mieux au patient : déroulement d’une séance de soin, observations et réactions de la personne, etc.



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Enfin les deux approches ont en commun, comme le souligne S. Orain pour le Snoezelen, de se vivre intensément, de l’intérieur, avec authenticité. La musicothérapie « La musique a un effet d’apaisement par le moyen de ce qui peut être une transe, dont la forme est variable. » Aristote

Des techniques d’art-thérapie, la musicothérapie est la plus facilement proche de l’hypnose, bien que la peinture puisse aussi avoir un intérêt. Elle a été définie par S. Munro comme : « L’utilisation intentionnelle des propriétés et du potentiel de la musique et de son impact sur l’être humain ». Elle est proposée dans des modalités actives (production de sons à partir d’instruments de musique ou de la voix) ou réceptives. F. Biley, parlant de la thérapie réceptive, souligne que c’est : « une technique contrôlée d’écoute musicale utilisant son influence physiologique, psychologique et émotionnelle sur la personne durant le traitement d’une maladie ou d’un traumatisme. » (Guétin S. et al., 2017)

Elle présente différents modes d’actions selon trois types d’après S. Guétin et al. : analytique (prenant appui sur l’émotion et ses possibles verbalisations), détente musicale et réminiscence. Étudiée dans la maladie d’Alzheimer, elle exerce une action positive sur certains symptômes: la douleur, l’humeur, l’anxiété, les épisodes dépressifs, le comportement agressif, le sommeil et la mémoire par le biais de mécanismes à la fois neurophysiologiques (interaction permanente entre les deux hémisphères cérébraux), psychologiques (prenant appui sur le lien social, l’expression, la communication et quand la possibilité de parler n’est plus présente, c’est le corps qui parle) et psycho-physiologiques (action sensorielle, cognitive, émotionnelle) (Fondation Médéric Alzheimer). Elle améliorerait également l’autonomie (Guétin S. et al., 2013). B. Cagnat et al. ont utilisé l’effet de la musicothérapie, Music Care (séquences en U), auprès de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée. Dans cette technique, chaque séquence musicale est structurée en plusieurs phases, endormante, relaxante et dynamisante, définissant la forme du U. On peut souligner que, comme dans les techniques hypnotiques, « par la musique, dans la musique, avec la musique, il y a rythme, mise en mouvement du corps et de l’esprit » en prenant bien entendu appui sur la relation mise en place entre le patient et le musicothérapeute (Cagnat B., 2014).



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L’hypnose et la musicothérapie sont des techniques complémentaires. L’hypnose pourra utiliser la musicothérapie plutôt dans son mode réceptif, dans le cadre du PAVTOG, des inductions et des ancrages. L’aromathérapie

L’aromathérapie est l’art de soigner avec les huiles essentielles. C’est une thérapeutique qui commence à être utilisée dans les EHPAD, soit par diffusion atmosphérique, soit par inhalation sèche sur un mouchoir. L’effet des huiles est alors combiné aux pouvoirs de l’odorat, on peut aussi parler d’olfactothérapie. Quelques études dans les EHPAD montrent que l’aromathérapie est utilisée, principalement en prévention des troubles du comportement, avec des résultats variables en fonction des études (Lin P.W., 2007 ; Millán-Calenti J.C., 2016). Elle est également utilisée à l’hôpital de Garches dans la rééducation des patients traumatisés crâniens ou ayant eu un AVC et présentant des troubles cognitifs pour les aider à reconstruire leurs souvenirs, dans le cadre d’ateliers olfactifs. L’utilisation d’huiles essentielles en hypnose est surtout aidante pour la recherche d’odeurs facilement utilisables comme nous l’avons vu au chapitre 2, elles permettent de retrouver des souvenirs, d’ancrer les séances, d’approfondir un état hypnotique et d’accéder à ses ressources.

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Conclusions des approches non médicamenteuses

Cette synthèse rapide de toutes ces pratiques nous permet de noter un grand nombre de similitudes pour chacune d’entre elles avec certaines techniques d’hypnose dont nous avons déjà parlé et que nous allons développer. Ainsi, au-delà de la possibilité d’utiliser en complément certaines techniques, retrouvet-on de nombreux principes validés par ces méthodes et utilisés par l’hypnose : ratification, appels aux ressources du patient, reconnaissance de la singularité de chacun, synchronisation, recherche du canal dominant, relation de confiance, choix des mots, espace de liberté et utilisation des souvenirs pour renforcer l’estime de soi.

Toutes ces approches non médicamenteuses s’enrichissent les unes les autres pour proposer au patient des relations humaines riches et sincères.



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ET COMPORTEMENTS

Dans ce paragraphe nous allons aborder les troubles du comportement sous l’œil empathique de l’hypnose thérapeutique. Il n’en reste pas moins que, lorsque les patients ont des comportements sortant des normes sociales, sont anxieux, voire agressifs, les aidants, familiaux et professionnels, s’épuisent rapidement et se sentent démunis, aussi bienveillants soient-ils. Il est en effet très difficile de réagir à l’agressivité de celui qu’on aime ou à l’opposition de celui qu’on soigne. Et pourtant il y a un sens derrière toutes les attitudes, un sens caché, parfois loin, et c’est à nous de renouer ce lien pour apaiser le comportement : L’angoisse demeure tout au long de la maladie. Elle amène la personne à s’inquiéter subitement pour diverses situations. Elle peut s’inquiéter pour son enfant, qu’elle croit avoir oublié à l’école ou pour ses parents, auprès desquels elle doit rentrer pour ne pas qu’ils s’inquiètent. Elle s’affole, essaie de les chercher sans savoir où aller et l’angoisse augmente. Si la réponse apportée est trop rapide, par exemple que la personne est forcée à s’asseoir, sans prendre le temps d’entendre ses peurs, elle s’irrite encore davantage. Elle défend ce qui lui tient à cœur : sa famille. Ce genre de situations est souvent à l’origine de la survenue de troubles du comportement qui deviennent, une fois déclarés, très difficiles à apaiser. D’après une étude préliminaire sur 14 patients, effectuée dans un service d’Unité d’hébergement renforcé, l’hypnose montre des résultats sur les troubles du comportement et leurs évaluations par le NPI chez des patients Alzheimer à un stade léger à modéré (Sol P., 2015) : 







Pour les patients répondeurs à l’hypnose : le MMSE était > 15, avec une diminution de 30 points environ au NPI ES (version du NPI pour les Équipes Soignantes). La répétition améliore la réponse à l’hypnose chez les patients répondeurs (cf. chapitre 2). La diminution des symptômes est observée dès les premières séances sans spécificité sur les différents items du NPI-ES. L’action des suggestions post-hypnotiques est durable dans le temps.

À travers des cas cliniques présentant les comportements listés par le NPI, nous allons proposer des approches par l’hypnose thérapeutique « classique » et/ou par l’HAPNeSS pour apporter des pistes de réflexion et, nous l’espérons, de l’espoir. Nous avons choisi d’individualiser un item supplémentaire: les cris, dans la mesure où leur gestion nous interrogent régulièrement.



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N

Idées délirantes

La fréquence des délires chez les personnes souffrant de pathologie neurocognitive se situerait entre 10 et 73 % (Wragg R.E. et al., 1989). Les délires de persécution ou de paranoïa sont les plus courants : le type de délire le plus fréquent serait l’impression de se faire voler des objets (18 à 43 % des patients), le délire de l’abandon (3 et 18 %) et celui de l’infidélité (1 à 9 %) (Tariot P. et al., 1994). Les délires constitueraient un facteur de risque d’agressivité physique pour 43,5 % des patients (Finkel S., 1996).

M ARCHER ET SE REPOSER Avec la psychologue en EHPAD Mme Z., 75 ans, est une résidente qui vit en EHPAD depuis 2 ans. Elle présente une maladie d’Alzheimer avec un MMSE à 18/30. Elle est veuve, a 4 enfants. Elle a toujours été une femme très active dans sa maison. Elle a élevé ses 4 enfants et gérait d’une « main de fer » son domicile comme elle aime à le dire. Dès son arrivée dans l’unité, Mme Z. y a pris des repères, proches de son domicile, et a immédiatement participé à la vie quotidienne (vaisselle, débarrassage des tables, petit ménage...). Elle a organisé sa vie comme « chez elle », l’espace cuisine devenant son espace ressource.

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Un matin, Mme Z. n’investit pas ce repère et refuse tout ce qui lui est proposé. Elle a enfilé son manteau, pris son sac et se déplace dans l’unité de vie d’un pas rapide et décidé, cherchant la sortie. Elle exprime le fait qu’il est nécessaire qu’elle rentre immédiatement chez elle car « il » va s’inquiéter, elle n’a donc pas le temps de rester ici. Mme Z. continue de se déplacer avec de plus en plus de détermination. Dans son discours, elle exprime de l’inquiétude pour une personne proche qui ne sera en sécurité que lorsqu’elle sera à ses côtés. La première constatation est qu’il n’est pas possible de proposer à Mme Z. de s’asseoir, ni de discuter car le besoin « de partir » qu’elle ressent est si intense qu’elle n’est pas en situation d’écoute. Dans un objectif de synchronisation, l’hypnopraticienne se met aux côtés de Mme Z., se déplace avec elle, à son rythme (mirroring), en la laissant continuer à exprimer ce dont elle a besoin, ce qui est un prérequis nécessaire. Au bout de quelques minutes de déplacements, Mme Z. questionne l’hypnopraticienne pour savoir si elle peut l’aider à « partir » car il est vraiment nécessaire qu’elle s’en aille. La réponse apportée par l’hypnopraticienne est que le besoin de partir est bien compréhensible et que sa demande est normale (ratification), qu’il est possible de l’aider à partir, mais qu’il est nécessaire d’être bien habillé car il fait froid à l’extérieur. L’hypnopraticienne lui propose donc « d’aller par là... » (en direction de sa chambre) pour aller chercher un manteau.



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Une fois dans sa chambre, l’hypnopraticienne lui demande de s’asseoir car l’armoire est bien remplie et qu’il faut qu’elle cherche un manteau bien chaud. Mme Z. s’installe sur son lit et demande si elle peut s’allonger un peu car elle se sent fatiguée. Elle s’allonge donc sur son lit. Il s’agit de la 4e intervention avec l’hypnose auprès de Mme Z. L’hypnopraticienne utilise le canal kinesthésique comme induction car c’est celui qui a été repéré comme étant son canal préférentiel. En s’installant à ses côtés, l’hypnopraticienne commence par une phase d’induction par la respiration en lui demandant de prendre une profonde inspiration, puis une seconde... de laisser ses paupières se fermer en même temps qu’elle sent l’air passer dans ses poumons, sa gorge, son nez (induction proprioceptive)... L’attitude « physique » de Mme Z. s’apaise immédiatement, ses bras se relâchent... Le choix de la suite de la séance se porte sur la technique de la safe place, en décrivant à Mme Z. l’une des pièces de sa maison où elle se sentait bien (et précédemment utilisé en séance). L’hypnopraticienne lui suggère d’y faire venir toutes les personnes qu’elle a envie de mettre en sécurité... de prendre le temps de profiter de ce moment, tout en complimentant régulièrement son travail... « C’est bien, continuez... » (ratification). Sans sortir de transe, Mme Z. dit à voix haute « au revoir papa », puis elle s’endort. L’hypnopraticienne laisse donc Mme Z. dans sa chambre, au calme et revient 30 minutes plus tard. À son retour, Mme Z. s’est installée avec d’autres personnes pour le repas, en salle à manger. Son visage est détendu, elle n’exprime plus le désir de s’en aller et ce désir n’est pas réapparu sur le reste de la journée.

Points forts 





Synchronisation : l’hypnopraticienne marche avec Mme Z., adopte le même rythme, ce qui est nécessaire pour créer le lien utile au travail thérapeutique. C’est une base de l’HAPNeSS. Ratification du souci dans lequel est la patiente, sans jugement. Cela permet à l’hypnopraticienne de débuter une relation de confiance et d’être pleinement à l’écoute de l’autre. Utilisation de la safe place qui va sécuriser Mme Z. mais aussi tous ceux qu’elle souhaite sécuriser (ce qui est son souci), et ainsi de la rassurer et de la stabiliser un peu plus.



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E NFANTS ET ÉCOLE Mme R., 92 ans, présente une démence vasculaire au stade modérément sévère. Elle est hospitalisée aux urgences pour une chute. Elle s’affole à 16 h aux urgences, car elle doit aller chercher ses « petits » à l’école. Malheureusement, son bilan biologique n’est pas bon et elle doit encore rester quelques heures dans le service. Elle devient agressive et son inquiétude est palpable, elle est debout et tente de rassembler ses affaires. Des soignants tentent de la raisonner en lui expliquant qu’elle doit rester, que ses enfants sont grands et sont au courant. Elle devient suspicieuse. L’hypnopraticienne s’approche et entame la discussion. Hypnopraticienne : Ils ont quel âge vos petits ? (utilisation des mots du patient, adhésion à sa réalité). Mme R. : Oh, je sais plus (énervée) Hypnopraticienne (évite les questions ouvertes) : ils découvrent plein de choses. Ils doivent avoir une bonne maîtresse. Mme R. (commence à se détendre mais reste debout) : Oui, elle les fait bien travailler. Hypnopraticienne: Ça c’est très bien une bonne maîtresse (le praticien s’assoit), juste mais travailleuse, et surement très calme (saupoudrage). Mme R. (toujours debout) : Oui une bonne maîtresse, il faut que j’aille les chercher. Hypnopraticienne : Mais vous vous êtes arrangée avec la voisine pour aller les chercher ou est-ce avec Mme... ? Mme R. : Avec Mme T. ... elle est bien bonne. Hypnopraticienne : Mme T., oui elle est bien bonne de vous aider, quel bonheur. C’est elle qui s’occupe de tout aujourd’hui, dans le calme et la sécurité, pour les petits... et pour vous. Mme R. s’assoit (leading) : Ah, elle est bien bonne.  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Hypnopraticienne : en attendant cette bonne Mme T, nous pouvons boire un petit café. Mme R. va ensuite continuer à déambuler mais sans cette anxiété initiale. Elle rentrera à son EHPAD quelques heures plus tard.

Points forts 

Acceptation de la réalité de la patiente, ce qui permet d’établir une relation, voire un début d’alliance thérapeutique. L’adhésion à cette réalité permet à l’hypnopraticienne de mieux comprendre la détresse de la patiente et d’entrevoir quelle aide elle peut lui apporter. Pour Mme R., c’est une reconnaissance de sa réalité, condition nécessaire à une communication apaisée. Lorsqu’on accepte cette réalité, il se produit souvent une modification de l’humeur qui peut parfois être surprenante tant elle est rapide : Mme R passe de l’énervement à la détente sur la seule suggestion de la maitresse. Il s’agit d’une autre partie importante dans l’approche par HAPNeSS.

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Adaptation : une première tentative de question ouverte a mis la patiente en difficulté, l’hypnopraticienne va donc privilégier les questions fermées. Mirroring verbal : « petits », « bien bonne » avec du saupoudrage : « calme », « sécurité », « bonne », « bonheur » dans des phrases affirmatives, va permettre de mener au leading : Mme R. s’assoit.

U N PROBLÈME DE COUPLE Avec l’IDE aux urgences M. E. a 86 ans, il vit avec sa femme et a 3 enfants. Il a un MMSE à 19/30 dans un contexte de maladie d’Alzheimer. Depuis quelques mois, il est persuadé que sa femme le trompe avec l’IDE du domicile, il l’a menacée avec un couteau. Il arrive alors aux urgences avec les pompiers et est hospitalisé en post-urgences plusieurs jours. Lors de son hospitalisation, il est calme, mais adhère toujours et totalement à son délire de mari trompé. Il a des hallucinations visuelles sur une thématique sexuelle le plus souvent, ainsi que des fausses reconnaissances : un matin, il tord le bras d’une IDE et frappe un aide-soignant qu’il a reconnu comme étant l’amant de sa femme. La décision est prise alors de le contenir au fauteuil mais il se libère et est furieux et menaçant dans le couloir, les soignants l’encerclent afin qu’il regagne sa chambre et qu’il prenne un neuroleptique en goutte, ce qu’il refuse catégoriquement, persuadé qu’il est victime des manipulations de sa femme et de nous tous. Et il s’énerve encore. L’hypnopraticienne propose d’essayer de convaincre M. E. de s’apaiser et de prendre le médicament, elle se retrouve seule avec lui dans sa chambre. M. E. s’adresse à l’hypnopraticienne de manière très autoritaire, la prévenant que « ce n’est pas la peine d’insister qu’il sait très bien à quoi s’en tenir ». L’hypnopraticienne s’assied en face de lui, un peu plus bas et l’écoute pendant plusieurs minutes. Son discours est sur le mode défensif et suspicieux. L’hypnopraticienne profite d’un moment de silence pour lui dire : « Je suis ici pour vous aider, je n’ai que des bonnes intentions à votre égard. » À ce moment-là, M. E s’approche très près du visage de l’hypnopraticienne et pose ses 2 index sous les yeux. Il se remet à discourir sur la vérité qui se cacherait derrière les yeux de l’hypnopraticienne, lui dit que s’il les enlevait peut-être alors y verrait-il LA vérité (l’hypnopraticienne ne recule pas, ne se sentant pas en danger). Hypnopraticienne : Ce que j’ai à vous dire EST la vérité. Vous êtes très énervé et la seule chose qui vous ferait du bien c’est l’apaisement. Cet apaisement, vous pouvez le trouver en acceptant de prendre les gouttes que j’ai dans la main. M. E. refuse, et dit que la praticienne veut l’« entourlouper » et qu’il connaît la vérité. Hypnopraticienne : Je n’ai aucun intérêt à faire cela, je suis là pour vous aider à vous sentir mieux. Je peux comprendre votre difficulté à accepter votre hospitalisation, votre



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angoisse et votre peine et toutes ces choses incompréhensibles qui nous entourent. Est-ce que ce que je viens de dire est la vérité (mirroring verbal) ? M. E. : Oui. L’hypnopraticienne insiste sur la nécessité de prendre les gouttes pour se débarrasser des états de tension qu’il subit. M. E. demande si elles ont le même goût amer que les précédentes. La praticienne lui répond que oui, mais qu’il peut apporter un verre de sirop pour le boire juste après. M. E. accepte, il prend son médicament en faisant la grimace puis son verre de sirop. Il reste assis à son fauteuil, il n’y a pas eu d’autre incident ce jour-là.

Points forts  





N  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Synchronisation et position basse physique. Ratification de l’état émotionnel du patient en exprimant la compréhension que l’hypnopraticienne a de son angoisse. Mirroring verbal en utilisant la vérité qui était un mot et un souci récurrent pour M. E. La vérité est la base de la communication avec M. E, jusqu’ au fait de ne pas minimiser le gout amer des gouttes. À aucun moment l’hypnopraticienne ne s’est sentie en danger, malgré la tension de la situation, M. E. et l’hypnopraticienne étaient dans une bulle, les neurones miroirs en éveil.

Hallucinations

Les hallucinations font partie des troubles du comportement les plus anxiogènes pour les aidants. Si elles sont rares en début de maladie, sauf dans le cas d’une maladie à corps de Lewy, elles deviennent fréquentes dans les stades sévères et peuvent prendre des formes bien diverses : personne qui s’introduit chez le patient, disparus qui reviennent, présentateur de la télévision ou photo qui discute avec le patient, animaux qui passent, etc. Elles sont souvent visuelles, mais aussi auditives. Elles peuvent être anxiogènes pour le patient ou ne pas l’être du tout et n’être vécues que comme un élément non perturbateur de son environnement. Mais elles peuvent aussi perturber la faculté du patient de comprendre le monde qui l’entoure et nuire à la relation aidant/aidé. Pour l’aidant, elles sont toujours très anxiogènes et sont souvent une cause d’hospitalisation en urgence.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

L’ HALLUCINATION COMME APPUI Avec le médecin aux urgences M. I. a 86 ans, il a une démence mixte au stade sévère. Il vit en EHPAD et est tombé en se cognant la tête. Il est sous anticoagulant et nécessite donc une surveillance de son traumatisme crânien en milieu hospitalier de 24 h. En perte de repère, il déambule dans les urgences et entre chez les autres patients en débranchant les perfusions. Les autres patients sont inquiets et s’irritent contre lui, les soignants sollicitent la mise en route d’un traitement psychotrope pour qu’il reste dans sa chambre. L’hypnopraticienne rejoint le patient dans le couloir et se présente. Le patient est peu communiquant, il répète « chien » et continue à regarder partout. Sans connaître l’histoire de vie de ce patient (il s’avérera qu’il était agriculteur), l’hypnopraticienne s’empare de ce mot. Hypnopraticienne : Un chien, un beau chien sûrement ? Ah oui, gentil ce chien (saupoudrage du mot répétitif). M. I. continue à marcher et à chercher : Chien. Hypnopraticienne : Il doit être brave ce chien, il a un beau regard doux, c’est un bon chien. M. I. s’arrête et regarde le praticien : Chien. Hypnopraticienne en souriant : Oui, c’est un bon chien, brave, doux et gentil (utilisation des mots qui ont attiré l’attention du patient). M. I. esquisse un sourire. Hypnopraticienne : Cherchons ce chien, il doit être par là. M. I. et l’hypnopraticienne regardent et cherchent dans les urgences. Hypnopraticienne : Ah, le voilà ce beau chien, il est magnifique, il est brave. La praticienne se baisse pour caresser le chien illusoire. M. I. fait de même. Hypnopraticienne : Il est beau, de belle taille. C’est un bon chien, il est brave. Quel beau chien. Vos yeux retrouvent les couleurs, votre main sent sa chaleur, ses poils soyeux. C’est un bon chien. Oh, regardez ! il trottine par-là, peut-être pouvons-nous le suivre. M. I. et l’hypnopraticienne suivent le chien illusoire dans la chambre du patient. Le chien s’allonge près du fauteuil, M. I. s’assoit dans son fauteuil, rassuré, et ne tarde pas à somnoler. Il va attendre tranquillement la fin de sa surveillance et retourner ensuite à son EHPAD. Les soignants ont dû lui rappeler à quelques reprises non pas de retourner dans sa chambre, mais de rester près de son chien pour ne pas le perdre à nouveau. A posteriori, le comportement insupportable pour le service de débranchement des perfusions était probablement une recherche de laisse de ce chien.



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Troubles neurocognitifs

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Points forts 





Acceptation de la réalité du patient et appui sur une hallucination pour limiter un trouble du comportement gênant (en l’occurrence la déambulation), ce qui a permis d’éviter le recours aux médicaments délétères chez lui. Utilisation du mot de M. I. : « chien » que l’on saupoudre : bon, brave... Ces mots sont répétés car en observant M. I. ils semblent faire écho positivement pour lui. Description avec le PAVTOG sur le chien illusoire.

U NE HALLUCINATION COMME UNE RÉMINISCENCE Avec la psychologue en EHPAD

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mme L., âgée de 92 ans, est entrée en EHPAD depuis quelques mois après une aggravation des chutes au domicile dans un contexte de maladie d’Alzheimer avec composante vasculaire. Le MMSE présente un score témoignant de troubles légers. Elle verbalise fréquemment après un réveil matinal un discours confus intégrant des épisodes hallucinatoires, elle décrit alors la présence de sa mère dans la chambre puis, après la disparition de cette dernière, celle d’un homme qui ne dit et ne fait rien, allongé sur le lit (registre visuel). Lors de ces épisodes, elle présente un haut niveau d’anxiété, une tristesse, une incompréhension de la situation. Une démarche de soutien et d’apaisement prenant appui sur l’hypnose conversationnelle est mise en place afin d’accompagner la réminiscence du décès de sa mère pour lui permettre de formuler ses ressentis et faciliter l’accès à un état de réassurance. L’hypnopraticienne intervient dans un premier temps pour l’aider à formuler ses perceptions et ressentis, sans chercher à discuter ou opposer un principe de réalité, partant du pré-requis que ce qui est énoncé est la vérité du patient. Progressivement, Mme L. modifie son discours, le connote de façon moins négative, cherche à y intégrer des éléments d’une possible réalité comme le décès de sa mère, l’associant à son déplacement au cimetière. Cette démarche est reproduite régulièrement quand elle manifeste son mal-être matinal reprenant les contenus hallucinatoire pré-cités, et il est possible en quelques minutes de lui fournir un état de calme et de quiétude plus confortable.

Points forts 

 

Acceptation de la réalité des hallucinations, et discussion autour des perceptions et ressentis de Mme L. en lien avec ses hallucinations. Synchronisation sur le vocabulaire de la patiente. Ancrage sur la quiétude et le confort.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

A PPEL AU SECOURS DES PARENTS M. Y., 87 ans, présente une pathologie neurocognitive au stade sévère et est non communicant verbalement, il passe du lit au fauteuil habituellement, mais malheureusement il a glissé de son lit et son comportement se modifie : il crie et il est agressif. Il est hospitalisé et on trouve une fracture du bassin. Dès son arrivée, il s’agite, crie et appelle « maman » par période. L’équipe médicale et paramédicale s’occupe de lui et débute un traitement antalgique. Mais, bien que M. Y. semble soulagé, il continue à appeler « maman ». L’hypnopraticienne vient le voir à la demande de ses collègues. Le patient ne semble pas algique au niveau du bassin, mais il est inquiet et appelle « maman » et tend les bras, semble vouloir embrasser. L’hypnopraticienne s’approche au plus près, pose sa main sur la poitrine du patient, le regarde dans les yeux en souriant et lui parle près de l’oreille. M. Y. semble apprécier cette proxémie. Hypnopraticienne : Maman est là (en touchant son cœur), elle est là (en touchant sa tête), avec vous. Maman aime son enfant, elle est douce. Elle a mis sa belle robe aujourd’hui et elle sent bon. Maman est là, douce et bienveillante et tout va bien. Elle est avec son enfant qu’elle aime. Elle a une belle voix. Maman est là (touche le cœur). Elle protège son enfant, il est en sécurité avec elle. Tout est bien quand elle est là. M. Y. s’apaise, l’équipe va continuer à parler de maman au présent, et rajouter un léger anxiolytique le temps de passer le cap de cette hospitalisation.

Points forts Il est toujours très difficile d’entendre un patient âgé appeler son papa ou sa maman. Est-ce une idée délirante ou une hallucination, ou simplement l’expression d’une anxiété sans autre recours que celui, ultime, d’appeler ses parents ? Qu’importe, cet appel montre la détresse et l’impuissance dans lesquelles se trouve M. Y. 



Ne pas craindre cette réalité, le mot « maman » est la réalité du patient, et il faut l’utiliser sans jugement et sans excès de compassion, tout en utilisant le PAVTOG sur maman, comme une hallucination qu’on utilise. Proxémie acceptée qui permet une augmentation du recrutement sensoriel par le toucher, l’auditif et une captation du regard (HAPNeSS).

N

Agitation/agressivité

L’agitation est définie par une activité verbale, vocale ou motrice inappropriée qui n’est pas considérée par un observateur externe comme résultant directement d’un besoin ou d’un état de confusion (Cohen-Mansfield J. et al., 1986). L’agressivité et l’agitation sont des comportements perturbateurs gênants qui poussent à l’institutionnalisation et qui perturbent la vie des institutions. Ils



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Troubles neurocognitifs

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provoquent la peur des familles et des aidants et la destruction de l’image du patient pour ses proches. Elles sont souvent liées à un inconfort, une frustration, une incompréhension, une anxiété non comprise par l’entourage. Un abord en hypnose permet de limiter les conséquences et, au mieux, d’apaiser. Néanmoins, l’idéal est d’éviter d’arriver à ces phases d’agitation en utilisant l’hypnose conversationnelle à tous les moments d’accompagnement de ces patients, ce qui peut éviter de créer des frustrations ou des incompréhensions qui vont mener à l’agressivité. U N BEAU SOUVENIR Avec la psychologue en EHPAD

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mme L. vit depuis plusieurs années en EHPAD. Elle est veuve, a eu 2 enfants dont l’un est décédé lorsqu’il était enfant. Elle présente une maladie d’Alzheimer avec un MMSE à 13/30. Les troubles du langage et le manque de mots sont très importants. L’expression verbale de Mme L. est donc très altérée et il est parfois difficile de suivre son discours. Mme L. est dans une certaine forme d’opposition depuis son arrivée car elle n’a jamais voulu quitter son domicile dans lequel elle se mettait régulièrement en danger du fait de la maladie. Il lui arrive régulièrement de manifester de l’agitation en lien avec, parfois, des épisodes d’hallucinations et/ou des idées délirantes. Mme L. est très agitée en cette matinée, elle entre et sort de sa chambre et semble complètement perdue. Les soignants n’ont pas pu l’aider car elle refuse avec virulence verbale et physique toutes formes de sollicitations. Elle crie, insulte et déplace absolument tout ce qui se trouve dans sa chambre. L’hypnopraticienne rejoint Mme L. dans sa chambre, elle continue de déplacer les objets et de faire des allers-retours entre le couloir et sa chambre. Elle demande en criant ce qu’elle « fout là !» et disant à l’hypnopraticienne qu’elle est sûrement « avec les 2 hommes qui sont venus dans sa chambre pour lui prendre ses affaires mais qu’elle ne se laissera pas faire ! ». Son discours est très confus, elle n’arrive pas à se poser, à s’asseoir. L’hypnopraticienne s’installe au coin du lit et observe Mme L. dans ses déplacements. Elle sort de moins en moins de la pièce mais continue toujours à déplacer les objets d’un meuble à l’autre... La réassurance est amenée par une explication sur le fait qu’il est compréhensible qu’elle soit mécontente et que personne n’apprécierait l’intrusion de 2 hommes qui viendraient pour prendre des affaires (ratification). L’hypnopraticienne lui confirme qu’elle non plus, elle ne se laisserait pas faire si cela était le cas. Mme L. répond : « bien voilà !! ». La relation s’engage de cette manière. L’hypnopraticienne est toujours installée sur son lit, en face de son fauteuil, et s’exprime volontairement très doucement, ce qui oblige Mme L. à se rapprocher pour entendre et donc maintenir cette relation. Lorsqu’elle se rapproche d’un fauteuil, l’hypnopraticienne se lève et appose son bras sur son épaule tout en avançant le fauteuil de sorte que le creux de ses genoux soit en contact avec le



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

fauteuil (suggestion indirecte). Le geste sur l’épaule de Mme L. a vocation à la rassurer et elle s’assoit. L’hypnopraticienne reste ensuite assise en face d’elle tout en la laissant exprimer ce qui la contrarie en reformulant avec ses mots jusqu’à obtenir une Yes-set de sa part. L’hypnopraticienne parle de son fils à Mme L. et d’un moment agréable qu’elle a passé avec lui lorsqu’il était enfant et qu’elle racontait assez souvent lors de son arrivée dans l’institution. C’est la première fois que ce souvenir est abordé en séance d’hypnose mais cela fait plusieurs fois que Mme L. en fait le récit. L’hypnopraticienne se synchronise sur le léger mouvement de balancement d’avant en arrière de Mme L, puis elle utilise le canal préférentiel, visuel (repéré précédemment en séance) comme induction. L’hypnopraticienne demande à Mme L. de fermer les yeux (suggestion directe) et de laisser ses yeux voir son fils, enfant, ses cheveux, ses yeux, ses vêtements, et de laisser ses yeux explorer l’endroit où il se trouve, dans ce jardin... de prêter attention aux arbres, au décor... Mme L. se détend, son visage se décrispe, ses yeux restent ouverts et elle continue à verbaliser des mots et le ton de sa voix est plus régulier, calme. Mme L. sourit, son corps se détend... Durant tout la séance, Mme L. exprime certains mots « oui », « bien ». Lorsque l’hypnopraticienne perçoit la sortie de transe de Mme L. (elle commence à bouger les mains, les bras), elle lui propose de rejoindre plusieurs personnes qui sont en activité dans la salle de vie, ce que Mme L. accepte avec le sourire sans manifestations d’agitation ou d’agressivité.

Points forts  







Adaptation de la séance à Mme L. La simple présence d’un tiers, même en l’absence de communication verbale et en retrait, fait ici office d’induction. De ce fait, dès que Mme L entre en relation avec l’hypnopraticienne, la transe s’installe déjà. Cette situation met en lumière le fait que la communication entre la personne et l’hypnopraticienne n’est pas forcément verbale mais également non verbale (position de l’hypnopraticienne, toucher bienveillant et rassurant) et que c’est bien la qualité de la relation qui permet au patient d’accéder à ses ressources et non obligatoirement le contenu de l’échange. Communication verbale : reformulation, ratification des soucis de Mme L. jusqu’à arriver à une Yes-set. Utilisation de suggestions directes proposées : « Fermez les yeux et laissez les yeux voir... » Mme L. garde les yeux ouverts, mais voit son fils et l’hypnopraticien s’adapte, dans cette approche par HAPNeSS.



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Troubles neurocognitifs

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D ÉAMBULER ENSEMBLE Avec la psychologue en EHPAD Mme P., âgée de 82 ans, est atteinte d’une maladie d’Alzheimer diagnostiquée à un stade sévère aujourd’hui. Elle est entrée depuis peu en unité protégée, à la suite d’un transfert d’un EHPAD ne comportant pas de dispositif pour les personnes « déambulantes ». Elle présente en effet une déambulation majeure difficile à canaliser et dans certains contextes, elle a un discours délirant, persécuté, verbalisant sa colère et devenant agressive. Les épisodes d’agitation font écho à des moments de conscience douloureuse de sa situation, de ses pertes et difficultés, qu’elle verbalise très bien, interrogeant sur sa place en établissement, l’absence de ses proches, la mort de ses parents et en particulier de sa mère. Nous avons pu observer différents moments d’agitation, le matin, dans l’après-midi ou en début de soirée. Elle augmente alors sa déambulation anxieuse, parle de façon logorrhéique, refusant toute forme d’aide. La proposition d’intervention de l’hypnopraticienne est alors de la suivre dans un premier temps dans la déambulation, de se synchroniser sur son rythme de déplacement et sur son langage (en prenant soin de ne pas reformuler les termes négatifs qu’elle utilise et en mettant en avant les termes positifs), tout en lui permettant de gérer librement ses mouvements (il est prudent de ne pas entraver cette liberté pour le patient) et en prenant acte de cette manifestation de colère (en entendant l’émotion qui apparaît dans les mots et le comportement, et en reconnaissant ce droit à la colère quand on ne comprend pas une situation). L’hypnopraticienne l’accompagne progressivement, elle observe, elle calibre pour s’assurer que Mme P. ne se sente pas persécutée par la présence d’autrui, parfois elle laisse l’agitation s’apaiser seule un moment, mais surtout elle rassure en mettant en avant l’environnement bienveillant (saupoudrage répété) dans lequel Mme P. évolue et en soulignant le fait qu’il y a une présence continue, y compris la nuit, car cela fait partie de ses inquiétudes. La répétition de cet accompagnement a permis une raréfaction des épisodes d’agitation, en termes de fréquence et de gravité pour la patiente, et d’ancrer dans le temps, par des mots, des gestes et des images, le souvenir d’un temps positif.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts 

 

La calibration, terme qui vient du vocabulaire de la Programmation neuro-linguistique (PNL), est une observation fine du comportement qui permet d’en décoder tous les aspects verbaux, non verbaux, paraverbaux (exemples : couleur du visage, niveau de la respiration, rythme de la parole), afin de déterminer si l’hypnose induit un changement chez le sujet. C’est un repérage des comportements externes, en particulier des modulations de la voix et des microréactions physiologiques, qui sont des manifestations des états internes et processus internes du sujet (Fevre L., 1997). La calibration permet au praticien de se synchroniser au mieux, de manière non verbale et verbale avec précaution sur le choix des mots. Saupoudrage sur la bienveillance et l’apaisement. Répétition de la posture du soignant qui permet un ancrage durable.

U N SOIN DANS LA BOULANGERIE L’agitation et l’agressivité interviennent dans un contexte où la personne n’arrive plus à comprendre la situation de soin, à reconnaître le soignant ou encore à supporter psychiquement ce qui est vécu dans le soin. Elles s’expriment par une vive opposition verbale ou physique au soin de la part de la personne. Ces réactions sont souvent une mise à mal pour l’entourage ou les professionnels de soins, car il n’y a pas de compliance possible de la part du patient et il est alors souvent nécessaire de reporter le soin. V. Frankl parle de « réaction anormale dans une situation anormale » qui s’apparente alors à un comportement normal (Gineste Y., 2007 ; Revue de Gériatrie, 2008). Avec l’infirmière aux urgences M. R. a 84 ans, il est veuf depuis 2012 et a un fils unique. Il a une formation de boulanger, mais a changé de métier quand il s’est marié. Il était propriétaire d’un magasin de journaux avec son épouse. Il souffre de troubles neurocognitifs majeurs à un stade modéré (MMSE à 17/30) et vit en EHPAD depuis quelques mois. L’EHPAD l’a adressé aux urgences car il leur était difficile de faire face aux comportements violents de M. R. Il a, en effet, frappé plusieurs résidents et cassé le nez de l’un d’entre eux dans la nuit ainsi que renversé le matelas d’une résidente alors qu’elle y était couchée. Jusqu’à cet accès d’agressivité, M. R. s’était bien adapté à l’EHPAD et ne posait pas de problème particulier. Il est actuellement dans un box des urgences, en refus de soin avec une grande agitation psychomotrice. Les urgentistes ont fait plusieurs tentatives d’approche pour des prélèvements sanguins ainsi que la réalisation d’un ECG mais M. R. ne veut pas et s’énerve. L’hypnopraticienne propose à une infirmière de tenter à nouveau de réaliser les deux soins indispensables aux urgentistes. En entrant dans le box, ils trouvent M. R. s’affairant autour de son brancard, les draps sont sans dessus dessous et il tient une couverture.



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Troubles neurocognitifs

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Hypnopraticienne : Bonjour M. R., comment allez-vous ce matin ? M. R. : Ça va, ça va... (Le ton est agacé.) Hypnopraticienne : Vous faites le lit ? C’est gentil. Vous aimez le rangement... M. R : Ah ça oui ! Il ne regarde pas l’hypnopraticienne et continue à manipuler draps et couverture avec des gestes nerveux. Hypnopraticienne : Je suis venue discuter un peu avec vous... Comment vous vous sentez ? M. R. : Et ben, comment vous voulez que je me sente ? Avec tout ça !... Hypnopraticienne : C’est quoi tout ça ? M. R. : Tout ça ! (Il continue à manipuler la literie et ne paraît pas remarquer les personnes qui l’entourent.) Hypnopraticienne : Je suis d’accord avec vous. On va ranger ça ensemble. L’hypnopraticienne prend un des draps qu’il ne tient pas et couvre le brancard. Quand elle essaye de prendre l’autre, M. R. le retient et le met sous son bras. Hypnopraticienne : Vous voyez, on a bien refait ce lit ! Maintenant nous pouvons nous asseoir. Il s’assied et pour la première fois regarde l’hypnopraticienne et semble la remarquer véritablement seulement à cet instant. L’hypnopraticienne s’assied à son tour sur une chaise en position plus basse que lui. L’infirmière reste en retrait. Hypnopraticienne : M. R. vous êtes à l’hôpital et vous avez besoin de soins. Alors si vous êtes d’accord, nous allons faire une prise de sang. M. R. : Pff... quelle histoire ! Hypnopraticienne : Ca va très bien se passer et ça va être très court (saupoudrage). L’hypnopraticienne fait signe à l’infirmière de s’approcher avec le matériel.  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

M. R. : J’ai l’habitude de me lever tôt moi ! Hypnopraticienne : Ah oui, c’est sûr avec le métier que vous aviez. Il fallait ranger la presse avant que les clients arrivent. M. R. : Non, la boulangerie... Et il essaie de se lever mais il retombe assis. Il paraît fatigué mais il va retenter de se lever. Alors l’hypnopraticienne enchaîne très vite sur la boulangerie. Hypnopraticienne : Quel beau métier, la boulangerie. Vous faisiez certainement du bon pain. Est-ce que vous faisiez des croissants ? M. R. : Et pardi, bien sûr ! Hypnopraticienne : Le matin avec un bon café, c’est un régal... M. R. : Le café bien chaud. Hypnopraticienne : Vous l’aimez avec du sucre ? L’hypnopraticienne invite M. R. à s’installer plus au fond du brancard et lui prend les jambes pour qu’il se mette allongé. Il n’oppose aucune résistance.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

M. R. : 2 sucres, toujours 2 sucres et très chaud. (PAVTOG) Hypnopraticienne : L’odeur du café, ça c’est un vrai plaisir le matin. En plus, vous, vous aviez l’odeur de la boulangerie. M. R. : Oui, c’est du travail, au milieu de la nuit... Hypnopraticienne : Vous faisiez des pains aux raisins aussi ? Elle lui tient le bras pendant que l’infirmière s’apprête à lui poser le garrot, et lui dit : Je vous tiens le bras, tout va bien... (Ratification) M. R. : Il y a du café ? Hypnopraticienne : Oui. Je vais vous en apporter dès que l’on aura fini le soin. Du café bien chaud avec 2 sucres comme vous en prenez à la boulangerie. Quelle bonne odeur ! (projection dans le futur) M. R. : ... Pas de réponse. Il regarde la praticienne. Hypnopraticienne : La préparation du pain. C’est un vrai savoir-faire ça. D’abord faire la pâte, ensuite confectionner chaque pain, chaque croissant, chaque pain aux raisins, chaque chocolatine... Et toutes ces bonnes choses que vous avez fabriquées... Le prélèvement de sang est terminé. M. R. regarde chaque geste que font les soignants mais ne bouge pas. L’infirmière quitte la pièce. L’hypnopraticienne continue à lui parler pendant l’électrocardiogramme. Hypnopraticienne : Le passage au four de chaque pièce fabriquée qui dégage une odeur agréable. Cette chaleur du four réconfortante que vous ressentez peut-être sur le visage, les bras ou ailleurs... La pâte lève peu à peu sous l’effet de cette chaleur, c’est réjouissant de regarder ce travail qui se déroule bien... L’odeur est de plus en plus présente dans la pièce, elle est appétissante et plaisante... M. R. fixe le plafond. Hypnopraticienne : Et quand vous ouvrez le four pour sortir toutes ces bonnes choses, vous pouvez voir les belles couleurs de chaque pièce... elles sont peut-être dorées ou un peu marron, des teintes nuancées, jolies à regarder... vous pouvez... observer les différentes formes... il y en a peut-être des plus petites que d’autres... des plus grandes... des plus réussies... des reliefs différents... et puis... vous pouvez aussi peutêtre... entendre les petits crépitements de la pâte qui tiédit... tranquillement... ce petit bruit léger, familier... et vous les rangez sur le support de votre choix... dans l’ordre qui vous convient... ensuite ces pains et ces viennoiseries sont amenés au magasin pour être mis à la vente. Et vous, vous avez fini votre travail. Vous pouvez être satisfait de ce que vous avez accompli, vous pouvez être serein et détendu. Vous pouvez enfin vous reposer... M. R. a fermé les yeux et il est en passe de s’endormir. Il a besoin de ce repos. Hypnopraticienne : Prenez le temps de dormir, M. R., vous êtes ici en sécurité. Les personnes qui vous entourent sont là pour prendre soin de vous et veiller sur vous. Vous êtes à l’hôpital et tout va bien... À plus tard. M. R. ne répond pas, il dort.



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Troubles neurocognitifs

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Points forts 





 



S’il est entré en état hypnotique ensuite, l’approche par l’IDE de M. R s’est faite par HAPNeSS dans un premier temps : Adaptation à la réalité de M. R. qui était complètement pris par la manipulation des draps. Était-ce l’expression d’idées délirantes ? D’hallucinations ? Ce n’est qu’à partir du moment où l’hypnopraticienne a pris en compte sa préoccupation (sans vraiment la comprendre) qu’à son tour M. R. a pu prendre en compte l’hypnopraticienne. Adaptation à la période qui plaît au patient : la boulangerie, beaucoup plus antérieure que la presse, avec effet de positivité (car l’hypnopraticienne a appris plus tard que cette période d’apprentissage ne s’était pas bien passée pour M. R.). Captation du regard qui permet ensuite d’engager une vraie conversation Induction par la conversation avec balayage du PAVTOG qui permet de mettre en place un état hypnotique. À la fin, rappel du lieu de soin bienveillant. M. R. a bien entendu ces paroles, il n’a plus posé de problème de comportement toute la journée passée aux urgences. Un diagnostic d’infection urinaire a pu être posé et traité et il est rentré quelques jours après à son EHPAD.

TOILETTES ACCOMPAGNÉES

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le dernier toucher qui n’est pas un traitement envers le corps vieillissant est la toilette et toute la symbolique qu’elle véhicule : la perte d’autonomie, la fin de la pudeur, le rappel du bain du petit enfant. Cette toilette est souvent vécue comme intrusive, pas toujours adaptée à la temporalité antérieure du patient qui pouvait ne se laver qu’au gant et ne supportera pas une douche. Si de nombreuses méthodes existent et se développent, toutes sont d’accord pour dire que la toilette est un moment relationnel important qui devrait être privilégié. Malheureusement il y a un monde entre ce qu’apprennent les aides-soignants et ce qu’ils aimeraient pouvoir faire, ils sont nombreux à dénoncer la « pression de la pendule ». Ainsi, ce qui pourrait être un moment relationnel fort d’échanges et d’apaisement peut parfois se transformer en un moment de stress bilatéral. L’hypnose se révèle alors être une aide précieuse, modulant le temps et accompagnant le patient et le soignant dans un même voyage. Pour une mère aimante, faire « comme si » pour de vrai Avec la psychologue en USLD, accompagnant l’infirmière Mme J. est âgée de 96 ans, elle présente une pathologie de type Alzheimer à un stade sévère. Elle a vécu en EHPAD, a été accueillie en Unité d’hébergement renforcée pendant deux ans en lien avec des troubles du comportement significatifs à type d’opposition, d’agitation, de refus de soins. Sa dépendance physique s’est majorée, sa fragilité est devenue plus importante, elle a perdu du poids et un accueil en Unité de



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

soins de longue durée a été envisagé. Lors de la rencontre, elle présente, au-delà de la pathologie neurodégénérative, une cécité quasi totale due à une dégénérescence maculaire, elle est cependant en mesure de conserver le lien et de faire usage de la parole pour exprimer ses ressentis. Mme J. est une femme dont le parcours singulier a été marqué par son rôle de mère auprès de ses enfants. Originaire de la campagne, elle est décrite par sa fille référente comme une « bonne mère », aimante, qui a choyé ses enfants au nombre de quatre. Sa vie est émaillée de pertes et de deuils, elle a toujours fait face dans l’adversité. Rapidement les difficultés de l’équipe se focalisent sur la toilette : moment inconfortable, vécu comme une intrusion dans son intimité par la patiente, ce d’autant plus que le soin est devenu invasif du fait de pansements d’escarres (trochanter et sacrum) et générateur de douleurs. Après avoir repris la situation, posé le contexte, la proposition a été de tenter un soin accompagné par la psychologue pour permettre au soignant de se concentrer sur le soin d’hygiène et les pansements, afin d’ancrer un confort possible pour la patiente et l’équipe, et d’envisager une autre forme de dissociation sur le temps du soin. Le comportement de Mme J. lors de la toilette est marqué par une agitation, une hétéro-agressivité, des cris, éléments manifestant son désaccord et son refus d’un soin considéré comme dérangeant qu’elle ne peut plus comprendre. L’hypnopraticienne a débuté par une phase d’hypnose conversationnelle avec Mme J., remettant en mouvement sur le plan psychique son rôle de mère lors des soins apportés à ses enfants petits, moment qui lui a permis de verbaliser les gestes, les mouvements, les sensations composant le souvenir du « prendre-soin » de son enfant. Un temps de suggestion sur l’apaisement passe par la respiration, la détente du corps, Mme J. entre en hypnose progressivement, poursuit ses verbalisations, donne des explications, et elle entre dans un état hypnotique plus profond où son corps se met alors en mouvement au rythme du soin qu’elle propose à son enfant, alors petit. Les images sont celles de son enfant potelé dont elle lave chaque partie du corps, en y associant les sons, les explications données par la mère, les sensations, les effets de ce soin chaleureux. Mme J. peut manifester des moments de refus, repousser doucement la main, mais au fil de l’aventure avec elle, tenant la main de l’hypnopraticienne solidement, elle effectue les gestes du lavage du corps, avec douceur et fermeté, frottant chaque partie disponible du dos de l’hypnopraticienne et acceptant le soin infirmier, y compris celui des pansements. Le soin sous hypnose a pu se dérouler avec une diminution des comportements défensifs et d’opposition et des comportements de la patiente centrés sur la simulation du lavage du dos de l’hypnopraticienne. À la fin du soin, après la phase d’habillage et d’installation au fauteuil, l’hypnopraticienne fait des suggestions post hypnotiques pour un pont positif vers le futur d’une nouvelle toilette, Mme J. sort en douceur de sa transe. Intervient alors le temps des remerciements, elle embrasse doucement nos mains et nous adresse un sourire chaleureux. Elle a ainsi pu bénéficier de l’ancrage d’un moment confortable, dans lequel elle a pu agir dans son imaginaire, retrouver son rôle utile et être en position d’actrice de la situation vécue. Les toilettes mises en œuvre ensuite par l’équipe soignante ont



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pu prendre appui sur l’ancrage émotionnel positif et se dérouler progressivement de façon plus confortable pour Mme J. et les soignants, tout en diminuant le temps du soin car Mme J. manifestait moins ostensiblement ses refus par son comportement.

Points forts 



L’hypnopraticienne a recours aux images de souvenirs des soins à ses enfants. Elle utilise l’HAPNeSS par le recrutement sensoriel et la possibilité de mise en action par des gestes réalisés par elle « pour de vrai ». Ces techniques ont permis de proposer un moment de soin un peu plus confortable, moins associé à l’inconfort et l’aspect intrusif du soin et du toucher, en l’invitant, elle, à toucher, certes de façon « tonique » mais adaptée. Le temps ne permet pas de redéployer cet accompagnement en systématique mais il est possible, par des suggestions pendant et après la séance, de générer un sentiment de confort « acceptable » qui pourra être retrouvé lors des prochains soins, ce qui facilitera le travail des soignants.

L A PUDEUR

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Avec l’infirmier à domicile Mme B., âgée de 94 ans, vit avec son mari. Depuis des années, Mme B. souffre d’un canal rachidien étroit non opéré, par choix. Elle nécessite désormais une aide partielle pour la toilette et pour la pratique de sondages vésicaux intermittents deux fois par jour, consécutifs à sa pathologie rachidienne. Elle présente des troubles cognitifs modérément sévères : elle se souvient difficilement des prénoms usuels, est désorientée dans le temps et l’espace et appelle fréquemment « maman ». Elle a souhaité un cabinet d’infirmières et manifeste sa surprise lors des congés car les soignantes présentent leur remplaçant masculin. C’est un premier refus et le libre choix d’une personne à son domicile, mais elle ne souhaite pas changer de cabinet et cela pose un dilemme car elle nécessite des soins quotidiens... Elle crie et appelle « sa maman » à son secours, son mari peine à la rassurer. Lorsque l’infirmier vient seul à domicile, elle se met en colère. L’hypnopraticien use de la position basse, s’assoit en face d’elle, valide sa révolte, son choix de conserver ce cabinet soignant et s’exprime ainsi : « Il est important de préserver sa pudeur, sachez que chaque soignant respecte cela ainsi que le secret professionnel. Il est nécessaire de vous laisser faire tout ce que vous pouvez faire par vous-même et de se retourner lorsque vous ferez votre toilette intime. Cependant, comptez sur ma bienveillance pour vous couvrir lors du sondage et respecter votre pudeur, le soin sera pratiqué toujours avec votre accord ». Elle s’apaise et décide de se lever, l’hypnopraticien présuppose



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

et saupoudre ses mouvements lents « continuez de marcher ainsi, au rythme qui vous convient le mieux, avancez comme cela tranquillement... ». Sans un mot, Mme B. va dans la salle de bain, l’hypnopraticien détaille et explique ce qu’il fait, vient le moment du sondage redouté : « Installez-vous confortablement sur votre lit et sentez comme cette serviette de toilette qui recouvre votre abdomen vient vous protéger en vous réchauffant, cette serviette est douce et agréable comme une couverture dans laquelle on s’endort tranquillement (...) », (variante du gant magique qui sera mieux décrit chapitre 5, paragraphe Douleurs chronique) Mme B. gesticule et semble plus apaisée, puis l’hypnopraticien lui demande « dans quel endroit elle aimerait être en ce moment ? » Mme B. : « Si je pouvais être dans mon jardin, sous mon tilleul, je serais heureuse, maman, maman ! » s’exclame-t-elle. « À quelle saison préférez-vous cet arbre ? » demande l’hypnopraticien ? « Au printemps lorsque les premières feuilles vertes apparaissent, c’est magnifique ! » lui répond-elle. L’hypnopraticien accentue les émotions de ce lieu, les couleurs, la senteur des fleurs à la fin du printemps, la cueillette des fruits en été et les infusions calmantes et apaisantes en hiver... (Safe place, distorsion du temps). Le soin est terminé, Mme B. n’a rien senti, elle est très surprise. Les autres soins et remplacements se dérouleront paisiblement, l’hypnopraticien propose un ancrage corporel confortable à chaque positionnement de la serviette et en proposant à Mme B. de retourner sous son tilleul.

Points forts 



La position basse et l’humilité de l’hypnopraticien préparent le changement attendu. La ratification, la safe place, le saupoudrage et la distorsion du temps proposés sont d’un grand secours dans le contexte de stress préalable. Leur efficacité a fait évoluer très rapidement la position et les certitudes de Mme B., conduisant à une acceptation et même une confiance dans l’hypnopraticien.

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Dépression/dysphorie

Comme nous l’avons vu, la dépression est fréquente lors des pathologies neurocognitives, à tous les stades de la maladie. La dépression se présente le plus souvent par la tristesse, la fatigue, la perte d’intérêt dans tous les loisirs, l’isolement, le rejet des autres, la perte d’appétit et de poids, les troubles du sommeil, la perte d’estime de soi (penser être un poids pour les autres ou ne plus s’aimer soi-même), la consommation d’alcool ou d’autres substances, les pensées suicidaires jusqu’aux tentatives de suicide. Mais la symptomatologie



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Troubles neurocognitifs

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peut s’exprimer chez le sujet âgé sous des formes atypiques en particulier réactionnelle ou de manière masquée en lien avec des situations comme l’entrée en institution, la maladie et les pertes associées au vieillissement. U N ACCÈS À SES RESSOURCES

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Avec la psychologue en EHPAD Mme T. est âgée de 77 ans, elle vit en EHPAD depuis plus de 20 ans, elle présente des troubles cognitifs légers (MMSE à 22/30) dans un contexte de profil psychiatrique incluant des troubles de l’humeur anciens et chroniques, sans symptôme psychotique et sans décompensation majeure récente. Son entrée en établissement s’est faite en raison d’une conjugopathie ancienne avec une impossibilité d’assurer l’éducation de ses 2 enfants lorsqu’ils étaient petits. Elle a maintenu des liens avec ses proches mais souffre de la faible fréquence de leurs visites. Elle a accompagné son ex-époux dans la maladie (cancer digestif) en allant le voir régulièrement et a surmonté le décès de ce dernier il y a 3 ans. Aujourd’hui, elle est confrontée à des pertes physiques et sensorielles ainsi que des douleurs et prend conscience de ses difficultés quotidiennes. Elle peut présenter des signes d’anxiété associés. Elle sollicite l’hypnopraticienne pour pouvoir mieux gérer ses moments douloureux physiquement et psychiquement, et pouvoir déposer le contenu de son ressenti en cherchant à obtenir de l’apaisement dans la rencontre. Un entretien formel est mis en place à sa demande avec un travail en hypnose pour accompagner ses affects dépressifs, et ceci, pendant plus d’un an, avec possibilité pour elle de s’approprier l’accès à la safe place quand elle estime en avoir besoin. Chaque séance passe par l’expression de son activité onirique, les rêves intégrant les personnes décédées. Elle adopte une position assise au fauteuil qui correspond à un véritable ancrage. Après un screening corporel, il s’agit de faciliter les images, sons, sensations correspondant à une époque « ressource » de sa jeunesse où elle était dans une phase d’apprentissage, de développement de ses compétences et où elle développait son sens de la sociabilité. La durée des séances hebdomadaires était au début de 45 minutes et progressivement de 20 minutes avec une plongée en transe profonde immédiate, quelques sorties de transe pour aborder une question ou un sujet préoccupant, puis une réentrée en transe tout aussi rapide. Il a ainsi été possible de soutenir une élaboration psychique, de lui permettre d’avoir recours à sa safe place quand nécessaire, de prendre appui sur la plainte dépressive pour l’écouter et induire de petits changements bénéfiques en facilitant le quotidien et en gérant mieux ses réactions agressives envers ses pairs.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts  



État hypnotique haché. Accès aux compétences au travers d’une période ressource, qui correspond à son pic de réminiscence, avec mise en place d’un pont vers le futur après chaque séance, afin de lui permettre de faire usage des principes de la séance avec l’hypnopraticienne en chambre dans les moments dépressifs. Ancrage par la position et le fauteuil qui ont une accessibilité facile dans son quotidien.

U N BIJOU COMME OUVERTURE Mme P., 81 ans, vit en EHPAD. Veuve depuis 10 ans, elle a deux enfants très proches. Elle était cuisinière, propriétaire avec son époux de 3 restaurants, elle a travaillé jusqu’à l’âge de 78 ans. Elle souffre d’une pathologie démentielle mixte au stade modéré (MMSE à 19/30). Elle est adressée aux urgences pour altération de l’état général : depuis une chute il y a 3 semaines, cette dame ne veut plus marcher et s’alimente très peu. Elle dit avoir des douleurs fortes et diffuses. Elle est d’humeur triste et pleure fréquemment. Sur le plan radiologique, aucune lésion n’est retrouvée. La douleur est prise en compte depuis plusieurs semaines par des antalgiques et réévaluée régulièrement. L’hypnopraticienne rencontre Mme P. en post-urgences, elle est alitée. Elle présente un faciès crispé et triste. L’hypnopraticienne sait par sa fille qu’elle parlait bien le français mais que, depuis quelques semaines, elle ne s’exprime plus qu’en espagnol. Cependant, elle comprend toujours le français. L’hypnopraticienne se présente et lui demande comment elle se sent. Mme P. répond en espagnol par des plaintes de douleur. Selon ses propos, elle ne peut pas bouger sans souffrir. Une aide-soignante arrive pour proposer de lui faire la toilette, elle est un peu tendue car la toilette de la veille a été difficile. À ce moment, Mme P. se raidit et montre un visage très inquiet. L’hypnopraticienne propose de rester dans la chambre et d’aider la collègue à réaliser ce soin d’hygiène. Le soin se fait sous l’effet des antalgiques administrés 45 minutes plus tôt. Hypnopraticienne : Mme P., je vais rester avec vous pour la toilette. Ainsi, nous serons deux personnes pour vous mobiliser doucement. Ça se passera bien. Mme P. : ... Pas de réponse. Hypnopraticienne : Est- ce que vous voulez prendre le gant pour laver vous-même votre visage ? Mme P. fait signe de la tête que non.



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Troubles neurocognitifs

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Hypnopraticienne : Je vais le faire pour vous. Je comprends tout à fait que vous ne puissiez pas le faire si vous n’êtes pas confortable (ratification). L’hypnopraticienne commence la toilette, Mme P. présente toujours un visage exprimant de l’anxiété et ne fait aucun mouvement. Hypnopraticienne : Votre fille va venir en fin de matinée. Ça doit vous faire plaisir de voir vos enfants tous les jours. (Projection dans le futur) Mme P. : ... Pas de réponse, juste un petit hochement de tête. Hypnopraticienne : Vous avez de très belles boucles d’oreille Mme P. ! Mme P. : C’est mon mari qui me les a offertes en 90. L’hypnopraticienne est sous l’effet de la surprise (Mme P. parle et en français), mais ne le montre pas et enchaîne le plus naturellement la conversation. Hypnopraticienne : Ah oui, c’était pour votre anniversaire ? Mme P. : C’était pour la naissance de notre premier petit-fils. Il était tellement gentil... Mme P. pleure. Hypnopraticienne : Oui, il devait beaucoup vous aimer votre mari. Mais, vous avez été une épouse très courageuse. Vous avez eu 2 enfants et, en plus, vous faisiez la cuisine pour le restaurant... La toilette est presque finie. La collègue lui lave le dos alors que Mme P. est tournée vers l’hypnopraticienne. Son visage s’est décrispé, son regard semble comme absorbé par ce qui occupe son esprit actuellement. L’hypnopraticienne opte pour le silence afin de la laisser profiter de ce qui se passe en elle. Ce silence dure une quarantaine de secondes.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mme P. : Oui je faisais des spécialités espagnoles. Ça marchait bien, on avait trois restaurants ! Hypnopraticienne : Quelle belle réussite ! Vous pouvez être fière de ce que vous avez accompli. Ce qui est extraordinaire c’est que vous ayiez travaillé jusqu’à l’âge de 78 ans. Vraiment bravo ! Mme P. sourit. Hypnopraticienne : Vous êtes prête pour la journée. Je vais vous aider à vous installer au fauteuil. Mme P. a une attitude de réserve, elle refuse de se lever depuis plus d’une semaine à l’EHPAD ainsi que depuis 48 h en hospitalisation. Hypnopraticienne : Avec ma collègue on va vous accompagner en douceur. Vous allez prendre le temps nécessaire. L’hypnopraticienne lui sourit : « une dame courageuse comme vous, va très bien y arriver ! » (Accès aux ressources). Pendant qu’elle mobilise son buste puis ses jambes, l’hypnopraticienne constate qu’elle n’a pas de signe de douleur. Les soignants l’aident à se mettre debout puis à marcher et s’installer au fauteuil.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Hypnopraticienne : C’est très bien, Mme P. Formidable. Vous voyez : vous y arrivez très bien ! ... Cette force, ce courage que vous avez eu tout au long de votre vie sont toujours en vous. Ces ressources peuvent vous aider... chaque fois que vous en avez besoin... Et vous pouvez reprendre le cours de votre journée, parmi nous, sereinement et tranquillement... Avant de quitter la chambre, Mme P., bien qu’émue par la conversation, remercie avec un sourire.

Points forts 







Adaptation à Mme P. : après un essai avec les enfants qui ne fonctionne pas, l’hypnopraticienne rebondit avec le bijou, puis devant les pleurs de Mme P., l’hypnopraticienne ne continue pas sur l’époux mais sur une période heureuse. Utilisation de l’environnement pour une induction: les boucles d’oreilles mais aussi de la conversation. Reconnaissance des émotions et des sentiments, ce qui aide à construire la confiance qui amène la sécurité et ouvre à la communication. Utilisation du souvenir dont elle est fière, avec accès à ses ressources, qui lui permet de faire appel à ses forces pour sortir de son lit.

D ES CRÊPES POUR LE MORAL Avec l’infirmier à domicile Mme O., ancienne professeure des écoles, a 70 ans et vit seule depuis le décès de son mari des suites de longue maladie dix ans auparavant. Elle a repris ponctuellement une vie de couple quelques années auparavant sans le succès qu’elle aurait souhaité. Elle est impliquée dans le tissu associatif local et est très active dans sa maison. Depuis quelques mois, assez insidieusement, s’est installée une grande lassitude et des troubles cognitifs modérés. Récemment, elle a été hospitalisée pour un syndrome confusionnel sur déshydratation, anorexie et dépression. Le retour au domicile nécessite un passage quotidien infirmier pour la prise des médicaments du soir et la préparation de ceux du matin. Elle demeure à proximité de sa fille dans la même ville. Elle mange et boit peu, s’ennuie beaucoup et se sent très lasse, une fois par semaine elle va en hôpital de jour. L’hypnopraticien rend visite à Mme O. ce soir-là pour l’observance médicamenteuse : elle exprime sa grande lassitude coutumière, interroge sur l’heure et verbalise qu’elle a passé une meilleure journée la veille en hôpital de jour. L’hypnopraticien l’interroge : Quelque chose a dû changer..., que s’est-il donc passé hier ?



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Troubles neurocognitifs

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Mme O. : C’était la chandeleur et nous avons préparé des crêpes... Hypnopraticien : Vous avez préparé des crêpes ! Mme O. : Oui, chacun a contribué, un patient nous a même accompagnés en jouant de la guitare, c’était plus gai... L’hypnopraticien lui fait remarquer que sa voix change lorsqu’elle dit cela, elle exprime par la suite des émotions, la joie des préparatifs, l’émulsion ou émotion positive et la musique comme lors des fêtes d’école de fin d’année lorsqu’elle était en activité. « Ce moment est important pour vous ! » rétorque l’hypnopraticien, elle acquiesce et enrichit encore ce moment d’exception par des sensations et des sourires. L’hypnopraticien ratifie et montre le cadre où sont photographiés ses deux petits-enfants : « Ces deux enfants doivent aussi adorer les crêpes... » Mme O. : C’est vrai, le grand m’a aidée l’année dernière à les préparer... La conversation se concentre sur la prise des médicaments « qui la fatiguent ». L’hypnopraticien valide la fatigue, « mais ces médicaments doivent l’aider à passer un cap (recadrage) et aussitôt qu’elle se sentira mieux, dans quelques temps son médecin pourra ajuster la posologie » (projection dans le futur). Le lendemain soir, Mme O. parle avec la même voix claire que la veille, l’hypnopraticien le lui fait remarquer. Mme O. : Je suis allée avec mon gendre chercher les enfants à l’école et nous avons préparé des crêpes ensemble. L’hypnopraticien félicite et questionne comme la veille en insistant sur l’aspect positif. Puis, entrant dans la cuisine pour préparer la médication journalière, l’hypnopraticien remarque une assiette posée sur la table et sent une bonne odeur de cuisine.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mme O. : J’ai aussi profité de la disponibilité de mon gendre pour faire quelques courses et me cuisiner quelque chose... L’hypnopraticien félicite Mme O. pour tous ces progrès, il accentue l’émotion positive du jour en ratifiant et projetant aussi ce moment positif vers l’avenir : « les enfants adorent qu’on fasse des crêpes avec eux, c’est comme un jeu de cuisiner, il est plus agréable de préparer ce qu’on aime, vous avez raison de toujours manger selon votre goût » (séquence d’acceptation). Le sourire de Mme O. s’illumine. Progressivement, Mme O. reprend confiance, s’alimente mieux et récupère désormais tous les mercredis midi ses petits-enfants après l’école, elle leur prépare le repas ! Elle reprend du poids et se sent mieux.

Points forts 

L’hypnopraticien « dilate » le moment d’exception au problème en faisant ressortir le changement, l’émotion et si possible l’action. Cela remet la personne dans une description autobiographique active et positive. Cette conversation narrative permet aussi à Mme O. de mieux s’orienter dans le temps par la description de sa journée.

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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

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Ce sont les principes d’observation, d’utilisation et de fixation de l’attention : trépied de l’hypnose conversationnelle.

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Anxiété

Les troubles anxieux regroupent différentes entités cliniques : le trouble anxieux généralisé, le trouble panique avec ou sans agoraphobie, le trouble anxiété sociale, la phobie spécifique, le trouble obsessionnel compulsif et le trouble de stress post-traumatique décrits dans la CIM-10 et le DSM-IV. Pour définir l’anxiété, nous prendrons appui sur le travail de F. Viéban et J.P. Clément : « Contrairement à la peur qui naît d’une menace objective, l’anxiété est un sentiment pénible d’appréhension et de détresse qui répond à un péril imprécis et subjectif mais dont le fantasme de l’imminence renforce jusqu’à la démesure de l’intensité émotionnelle. »

Des manifestations physiques augmentent le sentiment de malaise et d’insécurité, avec des symptômes neurovégétatifs (dyspnée, sensation d’oppression thoracique, tachycardie, sudation excessive, tremblement, sensation vertigineuse). Ces auteurs soulignent que chez les sujets privés de leurs facultés cognitives, dont les efforts d’adaptation sont mis à mal, ils ont tendance à présenter une anxiété « lourde de conséquence quel que soit le stade de la maladie » (Viéban F. et al., 2005). S. Lauderdale et al. identifient que les troubles anxieux semblent plus fréquents chez le sujet âgé que chez le sujet jeune, avec pour conséquence la baisse de la qualité de vie et une augmentation des soins (Lauderdale S. et al., 2003), ils sont par ailleurs fréquents dans les troubles neurocognitifs et à l’origine de troubles du comportement plus ou moins marqués. Le sujet âgé, présentant une maladie neurodégénérative ou apparentée peut exprimer des préoccupations en ce qui concerne ses finances, son avenir, sa santé, ou encore sa mémoire. Mais il peut également développer des craintes au sujet d’événements et d’activités qui n’avaient jamais fait l’objet d’inquiétudes auparavant, comme le fait de se trouver éloigné de son domicile, ou d’être dans une situation inhabituelle. L’anxiété devient alors disproportionnée par rapport à tout danger réel. Il est possible d’observer un syndrome spécifique associé à la détérioration cognitive, le syndrome de Godot : le patient va suivre l’aidant principal au domicile ou en EHPAD, exprimant alors une angoisse de séparation de type « névrotique », telle que celle observable chez l’enfant ou l’adulte (Rangaraj J. et al., 2006). L’anxiété se trouve alors majorée par le déficit cognitif,



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Troubles neurocognitifs

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induisant des persévérations dans des demandes de réassurance présentant un risque d’épuisement pour les aidants. L’anxiété peut aussi s’exprimer par des troubles du comportement, traduisant une certaine nervosité, de l’inquiétude, de la frayeur, cela sans raison apparente, le sujet est alors incapable de se détendre et peut présenter des symptômes physiques associés, voire éviter des situations (Cummings J.L. et al., 1994). U N COUPLE QUI AIDE IL Y A 50 ANS ET MAINTENANT Avec la psychologue en EHPAD M. M. a 87 ans, il souffre d’une maladie à corps de Lewy. À son entrée en institution, le MMSE était de 25/30, il est à 8/30 au moment de l’intervention. M. M. est veuf et a un enfant. Il a fait le choix, il y a plusieurs mois, d’entrer dans une institution car il ne se sentait plus en capacité de vivre seul à son domicile. M. M. a complètement investi son environnement, il a aménagé sa chambre et organisé sa vie au plus proche de sa vie à domicile. Malgré l’avancée de la pathologie, M. M. veut continuer à faire le plus de choses possible en autonomie. Sa maladie se développe entre autres sur le versant moteur avec une perte de mobilité, des mouvements ralentis, une rigidité musculaire, des mimiques figées, des troubles de la marche avec une tendance aux chutes. Surviennent également une posture voûtée ainsi qu’une mobilité réduite des bras.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

M. M. est donc régulièrement victime de chute dans sa chambre. Il n’arrive plus à se relever seul et appelle « au secours » lorsqu’il est en difficulté. Suite à l’une de ses chutes, M. M. s’est blessé et il est tombé derrière sa porte de chambre, il est coincé au sol entre la porte et le mur. Les membres du personnel alertés par ses appels au secours sont intervenus, mais il n’était pas possible d’entrer dans la chambre pour lui venir en aide car M. M. n’était pas en mesure de bouger de derrière la porte. Après de multiples tentatives, la solution trouvée fut de briser la vitre de sa chambre qui se trouvait à l’opposé de sa porte. Les soignants ont pu expliquer à M. M. ce qui allait se passer (bruits, verres...) mais ce dernier a verbalisé une grande peur « J’ai peur, je ne peux pas me protéger le visage, je ne peux pas bouger ! ». M. M. ne voyait pas ce qui se passait et surtout il était immobilisé au sol. La vitre brisée, il a pu être porté secours à M. M. mais ce dernier était alors dans un état de sidération. L’hypnopraticienne étant sur place au moment de l’accident, l’hypnose est apparue comme une possibilité pour aider M. M à intégrer le souvenir de cet événement pénible pour lui. L’hypnopraticienne a proposé à M. M. d’écouter sa respiration et de laisser l’air entrer et ressortir à son rythme. M. M. a rapidement fermé les yeux, mais, comme cela



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

est souvent le cas avec l’hypnose et les personnes ayant des troubles cognitifs, il a continué à verbaliser son ressenti. L’hypnopraticienne lui demande de ressentir son dos contre la chaise, ses pieds bien posés dans le sol (truismes). Elle lui a indiqué de manière directive de tranquillement lui parler de ce voyage en Grèce qui lui est si cher : M. M. raconta alors cette rencontre avec un couple d’un village (souvenir agréable). Alors que son épouse et lui avait fait un très long voyage et se retrouvaient perdus dans un pays inconnu, ce couple se proposa de les héberger pour la soirée. Ils avaient préparé un repas copieux et M. M. put décrire chacune des émotions ressenties lors de ce moment « de bonheur, de convivialité... », « Un accueil si chaleureux alors qu’ils nous connaissaient à peine ». M. M. indique alors s’être senti « accueilli, protégé et choyé » (saupoudrage). Ces termes lui sont venus du souvenir de son expérience sensorielle. L’hypnopraticienne propose alors à M. M. de laisser son inconscient se nourrir de toutes ces sensations de bien-être, de sécurité et de chaleur (suggestions). Ensuite, il lui est proposé de revenir tranquillement sur sa chaise, ici et maintenant. M. M. a tout de suite exprimé un ressenti de calme. Son visage s’est détendu, est devenu souriant. M. M. n’a pas reparlé de ce vécu de chute et de sa peur et il n’a pas été nécessaire d’aborder à nouveau cette situation compliquée.

Point forts 

  

L’hypnose a permis à M. M. d’avoir accès à des ressources liées à un souvenir agréable, lui permettant d’intégrer cet événement traumatique comme ayant existé, sans laisser un souvenir de peur capable de ressurgir dans un autre contexte. Importance de connaître l’histoire de vie des personnes pour les utiliser au mieux. Saupoudrage adapté au souvenir, aux mots et à la problématique actuelle de M. M. Accompagnement dans un état hypnotique fluctuant.

L’ APAISEMENT PAR L’ ACCOMPAGNEMENT Avec la psychologue en EHPAD La situation concerne Mme G., âgée de 78 ans, présentant une pathologie diagnostiquée de type Alzheimer à un stade sévère, un diabète difficile à équilibrer et une cécité partielle. Elle est accueillie en séjour temporaire en EHPAD : son époux à domicile est épuisé, ce séjour est pour lui un moment de répit, utile pour se reposer et envisager ensuite pour Mme G. un hébergement classique pérenne. Mme G. se déplace, mange seule, doit être guidée dans le quotidien. Elle présente des moments d’anxiété dans tous les contextes de changement, de situations nouvelles, prenant douloureusement conscience à certains moments de sa perte de repères. Elle est décrite par ses proches comme une personnalité anxieuse mais ce trait est majoré depuis l’apparition des



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troubles mnésiques et aussi par le sentiment d’abandon quand son époux n’est pas présent. Elle alterne des moments d’échanges avec les soignants et avec les autres résidents, et des moments de déambulation anxieuse, présentant alors un risque de fugue pour rejoindre son domicile. Son anxiété est sensiblement aggravée en fin de journée, dans sa forme vespérale, quand elle se met à la recherche de son conjoint. Lors de la rencontre, Mme G. est arrivée dans la structure depuis quelques heures, accompagnée par son époux très âgé et sa sœur cadette. Elle est préparée à ce changement depuis quelques jours par les siens. Vers 17 h, elle s’agite, cherche des explications tangibles à sa situation, verbalise son incompréhension d’être là, loin de son mari, demande expressément à le rejoindre. Dans un premier temps, l’hypnopraticienne lui propose une rencontre, l’accueillant dans un espace calme et contenant. Elle la laisse exprimer son inquiétude, l’objet de son anxiété, la sollicite pour qu’elle lui explique qui elle est. Mme G. est une femme très sociable, elle n’a pas eu d’enfants, est très entourée par son époux, ses nièces et sa sœur.

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Après avoir écouté et entendu l’émotion, la peur se traduisant par sa gestuelle anxieuse, son débit de voix rapide, son désir manifeste de bouger, l’hypnopraticienne propose en choisissant chaque terme de reprendre les éléments de la situation avec son débit et son volume de voix (synchronisation verbale préalable), l’invitant à lui parler de ses proches, que l’hypnopraticienne ne connaît pas encore. Mme G. s’apaise doucement, son rythme de parole se synchronise ensuite sur celui de l’hypnopraticienne devenu plus lent, Mme G. verbalise sa réassurance, elle prend la main de l’accompagnante, elle demande alors ce qu’elle doit faire et reformule finalement ce qu’elle fait ici (« mon époux a besoin de repos, il est à la maison, il vient me voir prochainement, je suis ici pour quelques jours pour permettre que tous les deux nous restions en forme le plus longtemps possible »). L’accompagnement se poursuit jusqu’au temps du repas en ce premier jour, où elle s’installe confortablement, rassurée par le fait que l’on peut joindre ses proches si besoin. Son séjour de 3 semaines comportera de nombreux temps comme ceux-là, courts, simples dans la mise en place, l’ancrage de la voix, le rythme, le contact de la main, le regard direct avec une certaine proximité, permettant à chaque fois de réinitier un sentiment de confort et de sécurité que l’équipe pourra adopter facilement, avec les mêmes mots simples, positifs et rassurants (« votre époux se repose, il est fatigué, rassurez-vous il est à la maison, il vient vous voir d’ici demain... »).

Points forts 

L’HAPNeSS présente ici l’avantage de permettre de proposer un discours dont les « mots noirs » sont mis de côté, d’élaborer autour d’une situation et d’un vécu tout en rassurant et en étant « contenant ».

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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

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Le fait de prendre appui sur la calibration et la synchronisation (vocale : rythme, intensité et sur la respiration) a présenté un véritable bénéfice pour Mme G., de même que l’usage de mots positifs permettant un saupoudrage de réassurance, de confort et d’apaisement. L’ancrage tactile et visuel, mais aussi par la posture de l’hypnopraticienne, permet une réutilisation simple par les autres soignants.

C ALMER ... VITE Avec la psychologue en EHPAD Mme H., 75 ans, vit en Unité Alzheimer sécurisée depuis 5 ans. Elle souffre d’une maladie d’Alzheimer avec un MMSE à 20/30. Mme H. est veuve, elle a deux fils. L’un de ses fils a connu des problèmes de santé et Mme H. s’est toujours beaucoup inquiétée à son sujet. La survenue de la maladie a exacerbé ses inquiétudes et Mme H. a régulièrement, dans la journée, des épisodes de pleurs avec une humeur dépressive marquée et des idées de culpabilisation ainsi que des ruminations et une grande anxiété. Celles-ci se manifestent de manière soudaine avec un sentiment de peur et de la culpabilité de ne pas être avec son fils, d’être « ici » et de ne pas pouvoir s’occuper de lui. Mme H. pose alors beaucoup de questions à toutes les personnes qu’elle croise, leur demandant s’ils ont des nouvelles de son fils. Sans réponse suffisamment rassurante, elle utilise alors son téléphone portable avec les numéros préenregistrés et elle appelle continuellement le numéro de son fils. Celui-ci n’étant pas toujours en mesure de décrocher, l’absence de réponse augmente l’angoisse et les pleurs de Mme H. Cela se traduit alors par la survenue d’un épisode de pleurs intenses, elle s’isole, refuse de communiquer, de manger, et exprime le fait qu’elle préférerait être « morte » car elle n’est « plus utile » à rien dans ces circonstances. L’hypnopraticienne retrouve la patiente dans cet état d’anxiété dans sa chambre où elle lui propose de s’asseoir, ce que Mme H. accepte, elle connaît l’hypnopraticienne de par sa fonction dans l’institution où elle la voit très régulièrement. Ce lien de confiance est très important car il permet d’accélérer la transe hypnotique grâce à la qualité de la relation thérapeutique. Cela dit, cette technique peut également être utilisée dans une situation plus urgente sans ce lien thérapeutique préétabli. « Bonjour, je viens vous voir car je sais qu’il se passe quelque chose d’important pour vous en ce moment... Je peux peut-être vous aider si vous voulez bien vous asseoir ? » (lien de confiance) La deuxième phase consiste en l’utilisation d’une rupture de pattern. L’hypnopraticienne demande à Mme H. de lui tendre sa main et elle balance calmement son bras de droite à gauche tout en lui indiquant de s’installer confortablement et de fermer ses yeux si Mme H. le souhaite (induction rapide).



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Rapidement la respiration de la patiente se ralentit, s’apaise. L’hypnopraticienne lui demande alors de décrire ce qu’elle ressent. Elle identifie une douleur dans la poitrine, comme « un poids » (réification de l’anxiété). L’hypnopraticienne lui indique alors de décrire ce poids, quelle est sa couleur, sa forme, ses contours, de lui montrer précisément dans quel endroit de son corps se trouve ce poids. Ensuite, l’hypnopraticienne lui suggère simplement « si ce poids devient plus petit, légèrement plus petit, à quoi ressemble-t-il ? ». Petit à petit, le poids se réduit et l’hypnopraticienne lui suggère alors que plus le poids se réduit, plus l’apaisement, la détente sont présents (suggestion composée). Cette démarche de réduction du poids est réitérée plusieurs fois, et, petit à petit elle le décrit comme un « petit pois ». Un petit pois vert, cabossé et léger, plus « supportable ». L’hypnopraticienne propose alors à Mme H. de garder ce « petit pois » si elle pense que cela lui convient. Elle confirme que cela lui va très bien et qu’elle n’a plus de douleur liée à cette présence, elle dit même être « apaisée » et sentir « mieux ». Il est important de préciser que suite à cette intervention, il n’y a pas eu de retour de l’angoisse et des pleurs dans les jours suivants comme cela est parfois le cas lors de l’utilisation de techniques de diversion par exemple.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Points forts L’hypnose est ici tout indiquée pour que Mme H., qui a une pathologie neurocogntiive à un stade modéré, puisse travailler sur son ressenti. Dans les situations où l’angoisse et les pleurs sont déjà bien installés, il est très compliqué d’intervenir avec les techniques classiques d’induction hypnotique (PAVTOG). Les techniques d’induction rapide sont nécessaires pour permettre une transe elle aussi rapide car, dans la pathologie neurocognitive, l’angoisse peut augmenter très vite et entraîner la personne vers un malaise. Les techniques d’approche dans le cadre de la maladie sont souvent basées sur la reconnaissance des émotions de la personne. Le fait d’entrer en relation sans rien vouloir imposer à la personne est une base nécessaire. En se positionnant dans une attitude bienveillante d’écoute, cela permet l’entrée en relation de confiance. Cette relation permet une entrée rapide en état hypnotique. Mme H. a donc elle-même travaillé en hypnose avec ses propres ressources pour réduire cette sensation douloureuse. Cela ne signifie pas qu’elle a oublié son inquiétude mais simplement que celle-ci est revenue à un niveau plus « raisonnable » pour elle et surtout plus accessible à des réassurances classiques du type « votre fils va bien, il travaille actuellement et vient vous rendre visite chaque dimanche ».



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

FAIRE ET VOIR Avec le médecin en EHPAD Mme D., âgée de 86 ans, est atteinte d’une maladie d’Alzheimer à un stade sévère. Elle se trouve dans un état d’anxiété important. Hypnopraticien : Bonjour Mme D., c’est le médecin, je vous trouve anxieuse ce matin. (Partir de la réalité du patient). La patiente se trouve debout, dans le couloir, le regard figé, en tension interne, en transe négative. Elle raconte avec ses mots, sans plus tarder, tout ce qui ne va pas. Dans son langage, il y a de nombreuses paraphasies, un manque du mot qui rend difficile la compréhension. Dans ce flot de mots, l’hypnopraticien comprend qu’elle a peur de se faire gronder par sa mère. L’hypnopraticien touche l’épaule pour la rassurer (enveloppe sensorielle : le toucher). La patiente continue à parler. Il la recadre sur son ressenti de l’anxiété. Hypnopraticien : Et ce que vous ressentez, c’est fort comment ? Montrez-moi avec les mains. (réification)... Serrez les mains, comme cela... il faut serrer les mains plus fort, encore, encore (suggestions directes) La patiente relâche seule les mains. Les doigts sont plus souples... il y a plus de calme, plus de confort, plus de paix... c’est vous qui contrôlez tous ces changements...votre corps respire... avec plus de calme, plus de confort, plus de paix... c’est vous qui choisissez le rythme de votre respiration... avec plus de calme, plus de confort, plus de paix (saupoudrage)... et c’est très bien, vous pouvez être fière de ce que vous faites. (Ratification) La patiente semble un peu plus apaisée. Je vois comme un sourire... que le travail se fait à son rythme... ce beau sourire vous le connaissez... il commence, tout doucement. (Prédictions auto-réalisantes) La patiente amorce un sourire. Restons un peu de temps ensemble.L’hypnopraticien lui sourit pendant quelques secondes. Et ce sourire il est grand comme ça ou plutôt comme ça... montrez-moi avec vos mains (réification)... c’est gros comme une bulle, comme un ballon... comme un ballon (métaphore). L’hypnopraticien prend les mains de Mme D. Vous sentez la chaleur des mains qui monte (ratification)... je vois que cela vous fait sourire... c’est drôle (suggestion indirecte)... on dirait que cet espace, entre vos mains, se transforme... avec plus de calme, plus de confort, plus de paix. C’est comme après une bonne sieste, et on se sent bien... et on peut recommencer autant de fois que l’on en a besoin. (Suggestion post-hypnotique) Comment vous sentez vous ? C’est mieux, beaucoup mieux... vous pouvez être fière de vous... Ici en ce moment... (Retour) La patiente est plus apaisée.



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Points forts  







Partir de l’état émotionnel actuel du patient : partager la réalité du patient. Enveloppe sensorielle : utiliser le toucher et une proxémie acceptée. Pour ne pas surprendre, ne pas oublier de réchauffer les mains avant de voir la personne. A contrario, si on souhaite capter l’attention en surprenant, on peut avoir les mains froides en ratifiant. Apprentissage et utilisation du corps à travers la réification « pour de vrai » de l’anxiété (la main serrée). Suggestion de transformation ou prédictions auto-réalisantes (pour transformer la transe négative en transe positive) : ici le sourire est évoqué chez la patiente, à la fois par mirroring de l’hypnopraticien, à la fois en suggérant à la patiente qu’elle va sourire, ce qui va provoquer son sourire, que l’hypnopraticien ratifie. Saupoudrage et ratification fréquents.

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Exaltation de l’humeur/euphorie

L’exaltation de l’humeur fait partie des comportements troublants. Il s’agit là de repérer un comportement qui est différent : des rires sans raison apparente, une euphorie manifeste qui apparaît en décalage avec le comportement habituel du patient. Ils sont souvent associés à des pathologies psychiatriques que l’on rencontre dans les troubles de l’humeur. Cette exaltation peut s’accompagner d’une accélération des processus psychiques avec fuite des idées et d’une hyperactivité désordonnée.

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U NE MÈRE COMME UN TUTEUR Avec la psychologue en EHPAD Mme B. est âgée de 96 ans, elle est entrée en institution suite à différents épisodes somatiques complexes à l’origine de confusion et d’activités délirantes, épisodes qui ont conduit ses enfants à l’inscrire en établissement et à quitter le domicile. Lors de l’entrevue de pré-admission, elle est calme, communique avec aisance, exprime son accord pour quitter son domicile. Le MMSE lors de l’entrée est à 28/30, mais des variations sont perceptibles au fil des mois sur le plan cognitif, très en lien avec ses troubles de l’humeur. Un diagnostic de pathologie bipolaire avec épisodes hypomaniaques a été retenu. L’intervention de l’hypnopraticienne se situe dans un contexte d’agitation psychique pour la patiente, avec tachypsychie, elle présente une humeur exaltée alors que son contexte familial est difficile, elle vient d’apprendre que son fils aîné a une maladie grave. Elle refuse de quitter sa chambre, crie dès qu’une personne passe devant sa chambre, interpellant les personnes (résidents ou soignants), elle présente un rire



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

théâtral, très expressif et bruyant sans motif réel tout en posant un discours persécuté, négatif, dans lequel elle introduit régulièrement des revalorisations de sa personne, des propos anosognosiques sur ses possibilités physiques. Elle déroule sans discontinuer des pelotes de laine pour en faire un pull pour son fils, une trentaine de pelotes sont amassées sur le lit. L’objectif est de limiter le recours à un traitement sur cet épisode pouvant s’apparenter à de la manie en attendant une hospitalisation programmée, et d’éviter un possible risque de passage à l’acte étant donné la fuite des idées, y compris morbides et suicidaires. L’hypnopraticienne, dans un premier temps, synchronise son langage sur la tachypsychie et la logorrhée de la patiente pour permettre une mise au calme progressive et un ralentissement du débit de parole grâce à un leading de la part de la patiente dans un second temps. La séance est orientée sur la possibilité d’exprimer son ressenti douloureux et de valoriser son rôle de mère avec des métaphores de tutorat, de soins (soins prodigués à une plante, soins pour être belle, transmissions de valeurs, soins pour protéger, pour couvrir). Plusieurs séances de rencontre sur la semaine avant l’hospitalisation vont être réalisées avec un pont vers le futur sur sa position de mère pour accompagner son fils. Ce dernier est ensuite décédé, elle a pu gérer le deuil sans décompensation marquée.

Points forts 





Synchronisation avec Mme B. par le rythme de parole, ce qui permet d’avoir un accès à des moments de calme et de détente et à une expression des affects. Prise en compte de son monde, de ses critères, de ses valeurs et croyances (même si certaines apparaissaient comme erronées). Utilisation des métaphores de tuteur adaptées à son rôle de mère qui va pouvoir soutenir son fils malade.

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Apathie/indifférence

L’apathie, symptôme de la pathologie, entraîne très souvent une perte de la motivation, des initiatives, et par ricochets, un appauvrissement des activités sociales, un désintérêt et un émoussement affectif amenant la personne à se replier sur elle-même et à avoir tellement peur d’échouer qu’elle refuse toute forme de stimulation.



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Troubles neurocognitifs

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L E TRICOT COMME INDUCTION HYPNOTIQUE À VISÉE THÉRAPEUTIQUE Avec la psychologue en EHPAD Depuis 2015, une activité autour de l’utilisation de la laine (tricot et confection de pompons) est utilisée en EHPAD comme une induction hypnotique afin de proposer une stimulation cognitive. Cet atelier était régulièrement ponctué d’abandons ou de refus de participer, de changements de participants, sans qu’un objectif thérapeutique n’ait pu être ciblé. Suite à sa formation en hypnose, l’hypnopraticienne a démarré un nouvel atelier avec un groupe de personnes composé de 7 femmes (entre 75 et 91 ans) ayant toutes un diagnostic de maladie d’Alzheimer et des scores au MMSE compris entre 12/30 et 25/30. Mme M. a 84 ans, elle vit en unité depuis 4 ans, une maladie d’Alzheimer a été diagnostiquée et le MMSE est à 20/30. Mme M. est allongée sur son lit toute la journée, elle s’isole très souvent, elle ne partage du temps avec les autres résidents qu’au moment des repas. Ceux-ci terminés, elle retourne s’installer dans son lit. Dès son arrivée, Mme M. a toujours accepté de venir participer aux activités proposées (musicothérapie, atelier écriture, atelier décoration, atelier cuisine...), elle y prend part, mais s’interrompt très rapidement. Elle ne quitte pas l’atelier mais refuse de poursuivre ce qu’elle a commencé en verbalisant des phrases comme « Non, je n’y arriverai jamais !! », « Non ! Je n’ai pas envie ! Je préfère regarder ! ».

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En connaissant l’histoire de vie de Mme M., l’hypnopraticienne prend note de son attrait pour le tricot. Cela est confirmé par son fils qui explique qu’elle a toujours tricoté des vêtements pour lui, son frère et sa sœur jusqu’à l’âge adulte. Depuis son entrée en institution, il y a 3 ans, elle ne tricote plus. L’atelier a lieu juste après le petit-déjeuner, Mme M. n’a donc pas encore quitté la table quand les pelotes de laine y sont disposées... Comme pour les autres ateliers, elle accepte de le débuter... le travail de focalisation et de dissociation devient de plus en plus diffus au fur et à mesure que Mme M. enchaîne les mailles, il permet à l’esprit de Mme M. de s’évader et d’ouvrir la porte à l’hypnose conversationnelle. Mme M. poursuit donc son travail sans s’interrompre et suite à l’évocation par l’hypnopraticienne et les autres participantes de la date du jour, du fait que la laine permet de bien se couvrir, de tenir chaud car dehors il fait froid aujourd’hui... elle indique au groupe avoir tricoté un costume à l’un de ses fils, de couleur gris chiné, un costume entier, avec le pantalon, la veste... L’intervention de l’hypnopraticienne aide Mme M. à reprendre contact avec les souvenirs sensoriels de ce moment et elle décrit ce costume, sa couleur, sa texture... (PAVTOG) et assez subitement elle dit au groupe qu’elle pense que l’anniversaire de son fils était hier !... Qu’elle aimerait lui souhaiter... Après vérification, le souvenir de Mme M. était exact, il lui a été possible de souhaiter l’anniversaire à son fils avec 1 jour de retard mais le fait de s’en être souvenu toute seule a engendré une grande fierté chez elle.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Ce type de réminiscence a été observé chez plusieurs participantes, tout en fournissant un tricot de qualité ! Après 2 ans de fonctionnement, l’atelier, dont les participantes sont les mêmes qu’à ses débuts, fonctionne 1 fois par semaine pendant 1 h 30. Les objectifs ont pu être étendus à d’autres symptômes de la maladie comme la dépression, l’angoisse ou encore l’agitation, permettant de faire diminuer ces troubles de manière significative.

Points forts L’objectif de l’atelier est d’utiliser le support d’une activité que les personnes ont connue et très bien maîtrisée dans le passé et dont on a pu recueillir l’intérêt dans leurs histoires de vie respective pour stimuler la mémoire. L’activité se déroule en unité de vie, autour d’une table sur laquelle l’hypnopraticienne dispose les pelotes de laine, les aiguilles et les cercles en carton. Le fait de choisir sa laine, sa texture, sa couleur, sa taille, ses aiguilles permet aux personnes de retrouver de l’autonomie. Chaque personne commence au même moment son tricot ou pompon et cela permet de fixer son attention sur un élément de l’environnement, à savoir la laine (focalisation sur des sensorialités réelles), afin de réduire un temps, l’espace de conscience et de faciliter le phénomène de dissociation psychique. Cette dissociation permet ensuite l’amorce d’une forme d’hypnose conversationnelle, état nécessaire pour structurer une approche thérapeutique vers l’objectif fixé : la stimulation. L’hypnopraticienne entame alors l’échange verbal, en amenant des éléments du contexte temporel : nous sommes aujourd’hui mardi, le 4, du mois de juillet... quelles sont vos sensations, froid, chaud... nous sommes en été, ce sont les vacances... Ce discours amène les participantes à prendre la parole pour commenter, participer aux échanges, tout en restant focalisées sur leur travail... De ce fait, il n’y a pas de temps de réflexion, ni le temps à la « peur de se tromper » de se manifester... De ces échanges naissent souvent des souvenirs anciens permettant une réelle stimulation de la mémoire épisodique, comme ce souvenir de costume tricoté qui rend Mme M. fière.

L A POSITION POUR REMONTER Avec l’infirmier à domicile M. R., 89 ans, ancien mineur, rentre à domicile affaibli d’une hospitalisation à la suite d’une détresse respiratoire majeure liée à une aggravation de la silicose contractée pendant son activité professionnelle. L’oxygène lui est prescrit en continu, il vit replié et en retrait de la vie sociale dans son environnement où il a ses repères : il présente des troubles cognitifs modérément sévères. Il attend chaque jour les soins infirmiers, bras croisés comme les momies, immobile sur son lit, les yeux perdus dans le vide. Il demande aux soignants qu’on le laisse tranquille, il subit les soins et fait peu de



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Troubles neurocognitifs

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chose de ses journées. Son épouse âgée s’inquiète fortement de ce retour au domicile compliqué par de l’agitation nocturne. L’hypnopraticien arrive au domicile pour une aide totale à la toilette et se présente à M. R. L’hypnopraticien baisse les barrières du lit médicalisé, s’agenouille à la même hauteur que M. R. puis l’interpelle ainsi : « Bonjour monsieur, je suis le nouvel infirmier, je m’appelle Laurent, je sais que vous venez de vivre une période difficile... », M. R. dirige un œil vers l’hypnopraticien, celui-ci pose sa main sur celle de M. R. : « Seriez-vous d’accord pour que je vous aide ? », M. R. ouvre la bouche, tourne sa tête vers l’hypnopraticien et dit « oui ». Cette autorisation donnée sera le début d’une progressive amélioration de l’état général avec une participation croissante, une reprise modérée de la communication et un cycle circadien plus cohérent.

Points forts La position basse du soignant, physique et verbale, rend du pouvoir à la personne soignée. Cet abord direct de présentation, de ratification du vécu et de demande de permission de faire le soin permet de créer rapidement un climat de confiance : l’hypnopraticien qui obtient l’accord du patient reçoit alors en retour l’aide nécessaire du patient.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Désinhibition

La désinhibition est souvent associée à un trouble des fonctions exécutives chez le patient. Cela se traduit par des réactions comportementales avec l’expression de propos qui ne se disent pas en public, ou des gestes ou actions qui ne se font pas. La désinhibition peut prendre des formes essentiellement verbales mais il arrive qu’elle s’accompagne de gestes non adaptés pouvant même prendre une connotation sexuelle. Ce trouble du comportement est particulièrement problématique auprès des proches et en établissement, notamment dans sa forme gestuelle où les actes sont vécus comme intrusifs, non respectueux et hors des convenances sociales. E MBRASSER N ’ EST PAS ADAPTÉ Avec la psychologue en EHPAD Mme C. est âgée de 80 ans, elle présente une maladie d’Alzheimer à un stade avancé, le MMSE est inférieur à 10. Elle vit dans une unité sécurisée du fait de sa déambulation associée à un risque de fugue et un comportement désinhibé (peut se promener sans vêtement). L’équipe sollicite l’hypnopraticienne car les comportements deviennent



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

complexes à gérer, Mme C. embrasse à pleine bouche toutes les personnes qu’elle croise dans sa déambulation, les prenant pour son époux. L’intervention de l’hypnopraticienne a été de profiter d’un moment de sieste pour déployer une métaphore pouvant venir soutenir une autre forme de rapprochement de la part de la résidente envers les autres résidents. Deux séances ont permis ce travail avec un effet bénéfique immédiat. Après une mise au calme, un ancrage sur la détente, l’hypnopraticienne a raconté l’histoire d’une petite fille, éprouvant des difficultés à gérer ses émotions et ses réactions et qui, ne sachant comment ajuster sa façon de se comporter quand elle rencontrait une personne, pouvait simplement l’embrasser sur le front. La suggestion incluse dans la métaphore a fait l’objet d’un ancrage corporel avec la main posée sur le ventre. Au sortir de la première séance, la résidente s’est dirigée vers le lieu de vie et a embrassé sur le front la première résidente croisée sur son chemin.

Points forts La technique a été reproduite sur deux temps d’accompagnement avec reprise de la métaphore, travail d’ancrage sur la détente et sur la main posée sur le ventre. Cela a permis d’obtenir la substitution d’un comportement par un autre comportement moins génant. La réaction de la résidente a été étonnamment adaptée à ces séances. Malheureusement, les jours suivants, une chute a radicalement modifié la situation de déambulation sans permettre réellement d’apprécier la mise en place du changement dans le temps.

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Irritabilité/instabilité

L’irritabilité ou l’instabilité de l’humeur peuvent revêtir plusieurs types de présentation émotionnelle se succédant rapidement chez une même personne. Le patient souffre d’une labilité émotionnelle avec des changements brutaux d’humeur pouvant aller jusqu’à l’explosion de colère envers les autres mais également envers lui-même. R ASSURER AVEC LE SOUVENIR Avec la psychologue en EHPAD Mme G., âgée de 83 ans, réside en unité Alzheimer depuis 5 ans. Elle présente une maladie d’Alzheimer avec un MMSE à 17/30. Elle a toujours eu une vie sociale très riche, elle a été veuve jeune et a élevé ses 2 enfants. L’époux de Mme G. avait une entreprise et à son décès Mme G. a repris l’affaire familiale en collaboration avec les associés de son époux. Mme G. avait un quotidien « bien rempli » comme elle aime



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Troubles neurocognitifs

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à le dire. En dehors de sa famille et de son activité professionnelle, Mme G. avait un cercle d’amies avec qui elle faisait beaucoup d’activités telles que des voyages, du sport, des sorties. Au diagnostic de la maladie, Mme G. vivait seule dans un appartement. Sa famille s’est rapidement mobilisée autour d’elle afin de maintenir l’ensemble de ses activités et cela pendant plusieurs années. Lorsque la maladie n’a plus permis à Mme G. de vivre seule en sécurité, elle est entrée en institution. Dès son arrivée, certaines habitudes ont pu être maintenues mais, avec l’évolution de la maladie, les sorties ont été de plus en plus compliquées à effectuer. Mme G. ne se sentait plus à l’aise à l’extérieur, demandait régulièrement à ses accompagnateurs de la « ramener », de « rentrer ». De ce fait, les sorties se sont faites de plus en plus rares. La famille de Mme G. est toujours très présente à ses côtés, mais le rôle social qu’elle avait a peu à peu disparu, laissant place à de l’isolement et à des comportements de plus en plus stéréotypés qui ont rapidement évolué vers des comportements d’irritabilité se traduisant par des actes auto-agressifs. Dans ces moments, Mme G. s’isole dans sa chambre, se frappe le visage et la tête avec les poings. Rapidement les interventions non médicamenteuses classiques ont été mises en place (diversion, validation, chariot d’urgence non médicamenteux), mais elles ont contribué à renforcer les troubles et non à les apaiser.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’hypnopraticienne intervient un matin où Mme G. est dans sa chambre, elle se frappe la tête en exprimant le fait qu’il n’y a « plus rien dedans ». Elle demande à Mme G. ce qu’elle aimerait qu’il se trouve dans sa tête ? Mme G. parle alors de son passé et plus particulièrement d’une situation où elle était avec son mari dont elle voit la photo juste à côté d’elle (souvenir agréable). En balançant doucement la main de droite à gauche, l’induction suivante lui est indiquée : « Plus votre bras se balance, plus la détente vous envahit et plus cette détente se répand dans votre corps (suggestion composée), plus elle se rapproche de ce souvenir, cette plage, où vous vous trouvez avec votre mari à vos côtés (dissociation)... vos yeux voient la mer bleue, votre peau ressent les rayons du soleil... (approfondissement) ». Peu à peu, le visage de Mme G. devient souriant, apaisé, ses bras se détendent, sa respiration se fait plus lente et la thérapeute lui propose de « profiter tout le temps qu’elle souhaite, de ce moment agréable, et, quand elle sentira qu’elle a suffisamment profité de ces sensations, elle pourra revenir ici, dans cette pièce, avec toutes ces sensations de bien-être... ». Lorsque Mme G. sort de transe elle s’exprime en disant : « Je n’ai pas besoin d’avoir peur. »



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✐ “FLOCCIA-077622-BAT” (Col. : Psychothérapie 2014 17x24) — 2018/7/6 — 15:20 — page 136 — #150





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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts  



Augmentation du recrutement sensoriel : visuel, auditif, tactile, kinesthésique. Utilisation de l’environnement : ancrage avec la photo près d’elle, ce qui permet après information de la famille et des soignants de réactiver facilement le moment de calme. Le fait d’avoir permis à Mme G. de retrouver un moment précieux de sa vie où son mari se trouvait à ses côtés a pu lui permettre de réassocier des sensations passées dans sa vie présente et ainsi aux troubles du comportement de s’interrompre.

U N HANDICAP INENTENDABLE Avec la psychologue en EHPAD M. Z. est entré depuis peu en EHPAD, il vient d’un foyer d’accueil médicalisé, il est âgé de 64 ans, présente un handicap rare avec une surdité majeure et des troubles cognitifs qui impactent sa compréhension des situations, sans que l’on puisse donner un diagnostic précis. Ses fonctions mnésiques et exécutives se dégradent avec des difficultés dans les gestes de la vie quotidienne. Sa famille constate ses pertes. M. Z. présente une irritabilité et une instabilité de l’humeur, son comportement pendant les soins ou dans les gestes de tous les jours témoigne d’un agacement avec expression d’une méconnaissance de son handicap par autrui, de son sentiment d’incompréhension face au monde qui l’entoure et l’absence de réponse immédiate à ses demandes. Il peut être calme, se monter jovial et plaisanter, voire s’endormir, à certains moments de la journée. Mais à d’autres moments, il manifeste un changement brutal d’humeur, explose dans son expression verbale et dans ses gestes, s’inscrit dans la plainte. Du fait de la surdité, la prise en soins par l’hypnopraticienne et l’équipe soignante nécessite une ardoise pour inscrire les messages importants et les consignes liés à la vie quotidienne. Il s’agit alors de travailler avec M. Z. sur la perception de ses moments d’irritabilité. L’expression de la colère, du déni et de la dénégation sont des éléments essentiels, même si l’idéation est ralentie, que l’échange dans la relation en est impacté et que les réponses ne sont pas toujours à propos. L’approche en hypnose repose sur la reconnaissance de ses émotions ressenties et les expressions de vécu (colère, déni, dénégation), la mise en avant des aspects positifs de l’hébergement (confort de son lieu de vie personnalisé, proximité des siens) et l’utilisation d’images pour lui permettre de prendre appui sur ses expériences de voyages afin de l’aider à sortir de cette stigmatisation autour du handicap et de sa position de victime (qu’il verbalise ainsi : « je suis handicapé moi, je ne peux rien faire, personne ne me comprend »). La démarche est verbale en passant par l’écrit, un peu l’oral et aussi par le tactile. Les signes d’irritabilité sont encore présents après quelques mois, mais il semble s’établir des alliances thérapeutiques bénéfiques qui augmentent son sentiment de compréhension des personnes qui l’entourent.



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Troubles neurocognitifs

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Points forts 





La surdité constitue un frein à la relation, mais il est possible de travailler avec un toucher léger et rythmé pour permettre l’entrée en transe et la dissociation. L’objectif est avant tout de favoriser l’expression de la colère dans la relation avec l’hypnopraticienne, et de permettre que son expression se fasse par des mots et non des gestes. La possibilité de se dissocier sur une expérience de voyage permet de donner une autre lecture au parcours individuel de la personne, dont la vie n’a pas été que « handicap », et de témoigner de la confiance en ses capacités. Les métaphores prenant appui sur les voyages sont alors des bases ouvrant vers un possible changement.

D E BEAUX SOURCILS Avec l’infirmier à domicile

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

M. F. est âgé de 90 ans, il vit avec sa femme qui s’occupe de lui. Il présente une maladie d’Alzheimer à un stade sévère : il déambule, peut se perdre dans la maison hors des pièces de vie, s’exprime par néologismes et ne semble reconnaître que sa femme. Il est dépendant pour la toilette, l’habillage et peine à manger seul. Les soins infirmiers consistent en une aide totale à la toilette et l’habillage, le plus souvent au lavabo. L’hypnopraticien sollicite progressivement M. F. en lui mettant le gant sur la main afin qu’il se lave le visage. Chaque jour, à la fin de la toilette, après le rasage mécanique, M. F. fronce les yeux devant la glace et manifeste son désaccord en refusant parfois de sortir de la salle de bain ou en ayant des gestes brusques. L’hypnopraticien lui présente donc un rasoir électrique pensant l’apaiser, mais il s’énerve et manifeste encore plus d’opposition. Sa femme explique qu’un jour, en le laissant faire, il s’était rasé les sourcils ! Le lendemain, l’hypnopraticien propose en fin de toilette de tailler les sourcils à M. F. À mesure que la tâche avance, il sourit, bombe le torse, s’approche du miroir et attend la suite. En fin de soin, il sort de la salle de bain facilement, se met devant sa femme et attend. Elle remarque le changement dans son regard, lui dit qu’il est beau, il bombe le torse, ajuste sa casquette, sourit et prononce quelques sons. Chaque matin, l’hypnopraticien repère que le froncement de sourcils a disparu. Un petit coup de ciseau même minime sur les sourcils de M. F. le contente, il réapprend à se laver, rincer et sécher son visage et le torse. Il ne manifestera plus d’opposition pour sortir de la salle de bain. Il prononce parfois le prénom de l’hypnopraticien, son épouse remarque qu’il est beaucoup plus calme.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts 



Adaptation au désir du patient, en interprétant de manière constructive ce qui aurait pu être compris comme un comportement moteur aberrant : se raser les sourcils. Importance de l’image corporelle dans le ressenti et le regard porté sur soi : les mots prononcés par Mme F. « que tu es beau » résonne chez monsieur en fierté et en sourires. Cette image renvoyée par le miroir et l’esthétique souhaitée peuvent être source d’apaisement et devenir un ancrage.

N

Comportement moteur

Certaines manifestations comportementales de la maladie peuvent faire évoquer des mécanismes compulsifs comme des comptages à voix haute, des répétitions gestuelles (frottements...) ou verbales (répétition incessante de questions ou du même refrain). F RAPPEZ , FROTTEZ Avec la psychologue en EHPAD Mme G. a 76 ans, elle vit en unité Alzheimer depuis 2 ans. Elle présente une maladie de type Alzheimer avec un MMSE à 8/30 au moment de l’intervention. Elle a un fils et est veuve. Elle est l’aînée d’une fratrie de 3 enfants, uniquement des filles. D’après ses récits, elle a toujours eu une place de « préférée » dans la famille. Il était dit d’elle qu’elle était la plus jolie, qu’elle avait la plus belle voix, avec toujours une comparaison très marquée avec ses sœurs. Son discours se centre le plus souvent autour de ses souvenirs de mise en valeur par sa famille. Elle a besoin d’exister dans l’unité, d’être à une place plus particulière et en fait régulièrement la demande de diverses manières. Par exemple, elle se rend systématiquement vers chaque personne qui entre dans l’unité en bousculant les autres résidents pour monopoliser l’attention du visiteur, mais également en accompagnant le personnel pour ne pas rester seule, ou encore en souhaitant être installée aux côtés des intervenants... La pathologie évoluant, le langage verbal de Mme G. est devenu de plus en plus inexistant. L’expression orale est devenue de plus en plus comportementale avec la survenue d’épisodes de déambulation mais surtout de troubles moteurs très compliqués à accompagner et à vivre pour les autres résidants. En effet, Mme G. s’est mise à taper très fort dans ses mains. Elle réalise ces gestes plus de 10 fois par heure, de jour comme de nuit, qu’elle soit en temps d’activité, aux repas ou plus au calme. Elle déclenche de l’agressivité chez les autres personnes qui vivent avec elle et cela entraîne parfois des conflits que Mme G. vit très mal car elle n’en comprend pas le sens.



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Troubles neurocognitifs

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À la demande du médecin du service, l’approche par l’hypnose est envisagée pour essayer de comprendre, voire réduire, ces manifestations qu’aucune autre technique non médicamenteuse (validation, art thérapie, massage/bien-être) n’a pu atténuer jusqu’à maintenant. Les séances ont lieu deux fois par semaine à intervalles réguliers. L’observation du comportement de Mme G. met en évidence le fait qu’elle frappe dans ses mains sans déclencheurs particuliers. Qu’elle soit au calme, installée confortablement ou en train de se déplacer, les gestes sont complètement automatisés et elle semble ne pas s’en rendre compte. Il y 5 ou 6 frappements de mains puis quelques minutes où Mme G. s’interrompt, se pose, puis les frappements de mains reprennent. Les séances d’hypnose ont lieu volontairement en début d’après-midi, temps de repos pour Mme G. où elle se trouve déjà allongée, au calme, dans le petit salon de l’unité, endroit qu’elle préfère régulièrement à son lit, notamment la nuit. L’abord se fait en insistant sur les sensations proprioceptives de bien-être, de confort. La notion de confort a déjà été expérimentée auprès de Mme G. dans les premiers mois de son admission, lors d’ateliers de bien-être/massage qui pouvaient parfois contribuer à diminuer l’impact de certaines demandes comme celle de rentrer chez elle. Aujourd’hui, la maladie ayant évolué, ce type d’accompagnement ne fonctionne plus car Mme G. accepte de plus en plus difficilement le toucher. Très rapidement, Mme G. frappe dans les mains, le saupoudrage est alors porté spécifiquement sur ses mains, ses doigts, leur douceur, leur calme, et dès qu’un frappement de mains survient, la suggestion porte sur le fait que la douceur de ses mains appelle plutôt à des caresses, une sensation de douceur (substitution de sensation)... et à chaque frappement de mains, la suggestion suivante est faite à Mme G. : « Frottez, frottez vos mains l’une contre l’autre, c’est plus doux, comme du coton, apaisant, délicat... »

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Chaque séance trouve le même déroulé et, au terme d’un mois d’accompagnement, Mme G. frappe toujours des mains mais à une fréquence nettement moins importante. Le trouble du comportement n’a pas disparu, cependant Mme G. a pu, lors des séances, travailler sur l’expression de son comportement. Elle a toujours le besoin d’exister au sein de l’unité, le langage verbal qui lui permettait de définir sa place, d’asseoir son existence dans l’unité étant moins accessible, Mme G. a trouvé un autre mode d’existence, plus bruyant et dérangeant pour l’environnement, mais qui lui assure de l’attention et des interventions individuelles ce qui, à terme, la valorise. L’hypnose par la mise en place d’un travail individuel, créant une relation thérapeutique stable et régulière, a pu être rassurante pour elle et lui a permis d’apporter un lieu d’expression et d’existence permettant de réduire les troubles.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts  

Canal prépondérant kinesthésique identifié par le comportement. Substitution du comportement envahissant, générateur d’inconfort pour la patiente et son entourage, par un autre comportement toujours envahissant moins perturbant, mais lui garantissant toujours un espace d’expression.

[Remplir un sac] Mme L., âgée de 87 ans, est atteinte d’une maladie d’Alzheimer diagnostiquée depuis 10 ans, aujourd’hui à un stade sévère. Elle éprouve le besoin de déplacer les objets de son environnement, tant au niveau du lieu collectif que de son espace de vie privée et de son placard de vêtements. Les équipes de soins rangent patiemment son vestiaire chaque jour. De nombreuses stratégies de diversion ont pu être proposées, certaines efficaces mais sur une courte durée. Sur une idée partagée avec sa famille, la suggestion formulée a été de lui proposer un sac personnel en intégrant différents objets, de textures différentes, inspiré du sac d’Augustine (Chareyre M.C., 2015). L’hypnopraticienne et l’assistante de soins en gérontologie ont ainsi pu initier des temps où le comportement moteur aberrant a pu s’interrompre pour permettre une dissociation passant par l’approche visuelle et tactile des objets disponibles dans le sac. Chaque objet et morceau de tissu a ainsi pu être exploré, commenté, apprécié dans tous les aspects sensoriels. La démarche initiée semble favorable à la mise au repos et au calme de la personne, le sac assure une fonction transitionnelle au sens de Winnicott (Blondel M.P., 2004).

Points forts 



L’hypnose utilisée prend appui sur l’exploration du PAVTOG, la description des objets et l’exploration des sensations tactiles : le sac d’Augustine est un outil sensoriel d’accompagnement. Dans ce sac, on trouve différents tissus, différentes textures de tissus, faciles à utiliser, à ranger et à laver, chaque pièce étant tenue par un cordon au fond du sac. Cela permet de mobiliser la concentration du résident et de stimuler les souvenirs sensoriels en particulier tactiles. L’outil peut être décliné dans une version féminine ou masculine, il se présente comme un objet transitionnel moins controversé que les poupées ou poupons qui peuvent être proposés auprès des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Il peut permettre de créer un ancrage facilement accessible pour la suite. Le saupoudrage de calme et de détente permet aussi d’accompagner l’anxiété présente dans le comportement moteur initial.



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Troubles neurocognitifs

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N

Sommeil

Les troubles du sommeil sont régulièrement observés au travers d’une fragmentation du rythme du sommeil allant jusqu’à l’inversion jour/nuit ou des états d’hyperactivité rencontrés uniquement à des horaires précis, le plus souvent après 16 h 00 (sundowning syndrome). Cette perturbation du sommeil chez les patients ayant des troubles neurocognitifs perturbe la consolidation mnésique en raison d’une mauvaise récupération des souvenirs autobiographiques récents durant le sommeil. Sur le plan social, la perturbation du sommeil est un vrai souci pour les aidants, qui dorment mal et s’épuisent. De même en EHPAD, les patients vont perturber les autres résidants et provoquer des réactions de rejets. U N SOUVENIR AGRÉABLE Avec la psychologue en EHPAD

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

M. M. vit en EHPAD depuis 2 ans. Il souffre d’une maladie d’Alzheimer et présente un MMSE de 23/30. Sa pathologie est débutante et il s’exprime de manière très claire sur son vécu. M. M. présente des troubles du sommeil qu’il exprime. Il indique avoir des difficultés à s’endormir car il a des douleurs dans le dos. Ses douleurs sont prises en charge au niveau médicamenteux mais M. M ne constate pas d’amélioration. Dès le premier entretien avec l’hypnopraticienne (qui a lieu en toute fin de journée), M. M parle de son épouse, décédée il y a quelques mois des suites d’une longue maladie. Le couple aimait beaucoup les voyages, partait à la découverte de pays, de leur civilisation, ils aimaient partir sans adresse, trouvant parfois l’hospitalité chez les habitants des villes qu’ils visitaient. L’hypnopraticienne se rend rapidement compte de la détente physique que l’évocation de ce souvenir provoque chez lui. M. M. raconte alors un souvenir de voyage où son épouse et lui avaient été logé au domicile d’une famille. Ils avaient été accueillis pour quelques jours (souvenir agréable). M. M. se souvient très précisément des visages de ces personnes, de leur maison, des plats, de leurs odeurs (PAVTOG). L’hypnopraticienne demande alors à M. M. de repenser au moment où il est allé se coucher, de laisser son corps se souvenir des points d’appui dans le matelas, de sa tête appuyée contre le coussin, de la sensation des draps contre sa peau, peut-être frais ou plus chaud, du poids de la couverture sur ses jambes, la douce sensation de bien-être et de complète détente. Au fil de sa description, M. M. est en état hypnotique, il est allongé sur son lit et l’hypnopraticienne lui propose de se concentrer sur ses sensations... de plus en plus longtemps, comme si le temps devenait plus lent, plus long (suggestion composée)... de se débarrasser des tensions superficielles du corps et de le laisser se détendre, de poser sa conscience sur ses paupières pour complètement détendre ses yeux... profondément... et d’apporter cette qualité de relaxation jusqu’au sommet de son crâne pour l’envoyer le long de



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

tous son corps, jusqu’au bout de ses orteils... L’hypnopraticienne commence alors par décrire la détente sur le visage de M. M. (le front se lisse, chacune des petites crispations se défroissent... puis le tour des yeux, la bouche, les oreilles, les épaules, le dos, le bas du dos, les jambes, les mollets, les talons, la plante des pieds, etc.)... M. M. s’endort profondément au bout de quelques minutes. M. M. reste donc ainsi, allongé, endormi sous la surveillance des membres du personnel de l’unité dans laquelle il vit. À son réveil, M. M. s’est dit « reposé » et « bien de retour dans son pantalon ! ». Il a été possible de travailler avec M. M. sur l’apprentissage de l’autohypnose afin qu’il puisse accéder à ces mêmes ressources à chaque fois qu’il en éprouve le besoin pour l’aider à s’endormir. Plusieurs séances ont été nécessaires. M. M. a continué à se plaindre de son sommeil mais de manière plus espacée, suite à quoi de nouvelles séances d’hypnose ont été organisées.

Points forts 



Apprentissage de l’autohypnose au travers de l’utilisation de repères identiques à chaque séance. Elles se sont toutes déroulées dans la chambre de M. M. où il était allongé sur son lit. Le contenu de la séance a été en quelque sorte « protocolisé », afin de donner des repères à M. M. (même induction...) et par l’utilisation d’un ancrage (cercle entre le pouce et l’index) avant la fin de chaque séance pour ancrer pleinement le ressenti de détente. L’hypnopraticienne a demandé à M. M. de reproduire ce geste en début de séance pour qu’il puisse se l’approprier et le réutiliser seul. Le moment de la journée où les séances se déroulent n’est pas important dans cette situation, car le patient ne présente pas de troubles cognitifs majeurs, il est donc en capacité de reproduire les séances au moment où il n’arrive pas à s’endormir.

N

Troubles de l’appétit

Les repas sont souvent longs en raison de la lenteur et de la distractibilité des personnes. Il arrive aussi qu’elles pensent avoir (ou ne pas avoir) déjà mangé et refusent parfois de rester assises pendant les repas. De plus, les pathologies neurocognitives modifient le goût et l’odorat. Ces perturbations peuvent même entraîner une anorexie. Ainsi tous ces troubles sont souvent responsables d’une perte de poids et d’une dénutrition protéino-énergétique. Les patients deviennent alors plus fragiles, moins résistants aux infections, moins autonomes, avec des risques de chutes, de perte de l’autonomie, de majoration du risque d’escarres, etc.



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Troubles neurocognitifs

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AU RESTAURANT Avec la psychologue en EHPAD Mme E., 80 ans, est atteinte d’une maladie d’Alzheimer à un stade sévère. Elle exprime depuis plusieurs semaines des comportements de refus alimentaire et hydrique généralisés à l’ensemble de l’alimentation (sucrée et salée). Elle refuse très souvent de s’installer à table et lorsqu’elle se laisse convaincre, elle ne veut rien manger. Elle exprime le fait qu’elle n’a pas faim ou encore qu’elle a déjà mangé. Elle adopte le même type de comportement vis-à-vis des boissons. Le médecin de l’institution propose l’utilisation de l’hypnose pour travailler avec Mme E. La séance se déroule dans la salle à manger, Mme E. est installée à table. Compte tenu du stade évolué de la maladie, Mme E. présente des troubles du langage avec un manque de mots, elle s’exprime beaucoup avec des termes imprécis et génériques, ce qui rend son discours parfois peu compréhensible, mais elle semble toujours avoir besoin de cette relation verbale avec l’autre. L’histoire de vie de Mme E. est ponctuée par un rituel très important pour elle depuis de nombreuses années, elle sort au restaurant avec une amie un jour par semaine. Ce temps très précieux a lieu depuis 30 ans et il s’est petit à petit interrompu il y a 2 ans, du fait des troubles de la maladie qui ne permettaient plus à son amie de partager ce temps avec elle.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’hypnose conversationnelle semble parfaitement indiquée puisque Mme E. aime exprimer ses émotions verbalement. La séance commence, environ 15 minutes avant le début du repas, par une discussion au sujet de cette amie, avec qui elle partageait un repas, « de cette sortie si précieuse pour elle, dans ce restaurant, peut-être les personnes qui se trouvent autour d’elle dans ce restaurant, des hommes, des femmes, le bruit, les odeurs (PAVTOG), le serveur, qui peut-être lui propose un apéritif, frais, avec des glaçons, et peut-être que cette boisson est accompagnée de petits gâteaux... et ce plat qu’elle choisit sur la carte du restaurant, ce plat qui lui fait envie, que ce serveur lui apporte, pose devant elle, en présence de son amie, avec qui elle partage ce bon repas... ». Mme E. est déjà installée à table, lorsqu’il lui est proposé de trinquer en buvant une petite gorgée de ce verre, posé sur la table... Mme E. soulève son verre et le boit. Son assiette étant posée devant elle, il lui est proposé de goûter ce plat, savoureux, et elle accepte, prend quelques bouchées puis repose sa fourchette. Mme E. n’a pas retrouvé l’appétit à chaque repas mais elle a peu à peu repris contact avec l’alimentation, et surtout avec l’hydratation, au fur et à mesure des séances qui ont eu lieu sous cette même forme de manière très régulière.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts 



On retrouve à nouveau le choix du moment : c’est au moment où il y a le trouble qu’il faut pouvoir être là et s’adapter, quand il y a des troubles cognitifs sévères. L’accès à un moment agréable (le restaurant avec son amie) permet de retrouver les sensorialités de ce moment soutenues par le PAVTOG et de réinstaller ce moment dans le présent.

Un petit exercice Lors d’une pathologie aiguë ou au cours de l’évolution des troubles neurocognitifs, il est souvent nécessaire d’aider les patients à s’alimenter. Cette tâche, parfois minimisée, est pourtant une condition essentielle pour un maintien optimal de la santé, tout en considérant le plaisir des sens et le plaisir social d’être à table ! Là encore, comme pour la toilette, le temps est malheureusement souvent compté, et les soignants ne passent pas le temps qu’ils souhaiteraient. Toutefois, un petit exercice peut aider à prendre conscience de la façon de rendre le moment du repas agréable dans un échange mutuel. Il est basé sur celui proposé par A. Baudin, médecin sur le plateau de Millevaches, pour les soignants d’un institut médico-éducatif dont les enfants avaient des courbes de croissance disharmonieuses. L’exercice consiste à faire manger et boire sa ou son collègue revêtu d’un drap dont ne sort que la tête. Il est inutile de détailler plus pour comprendre : la personne sujette (qui d’autant plus peut s’exprimer !) demandera d’aller moins ou plus vite, de faire une pause ou réclamera aussi l’ajustement des quantités. L’ « opérateur » met plus de bienveillance, prend son temps, observe attentivement, sourit, interroge si tout se passe bien, etc. et finalement se synchronise. La bonne alimentation de la personne âgée dépend pour partie de la bienveillance et l’hypnopraticien formé à l’hypnose repère beaucoup mieux chaque signe et le langage non verbal de la personne même lorsqu’elle est dépendante. Les points essentiels de cet exercice sont l’expérimentation et la calibration de nos gestes professionnels vers le patient.

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Cris

Parmi les symptômes psycho-comportementaux perturbateurs, force est de constater que les cris semblent être les plus complexes à appréhender dans les lieux de vie accueillant des personnes âgées atteintes de troubles neurocognitifs majeurs à un stade sévère. Ils apparaissent souvent à un stade tardif de la maladie et touchent 5 à 10 % des personnes ayant une pathologie neurocognitive institutionnalisées. Ils retentissent sur les autres résidants et sur les soignants avec souvent un sentiment d’impuissance marqué, difficile à supporter. L’HAS définit les cris comme des vocalisations compréhensibles ou non, de forte intensité et répétitives (HAS, 2009).



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Troubles neurocognitifs

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L. Ferreira Da Silva et al. proposent de catégoriser le cri sous différentes classifications (Ferreirra Da Silva L. et al., 2017) : 









Cri réflexe : pour remplir un monde intérieur devenu vide (action innée, instinctive, archaïque, expression d’une tension interne, qui confirme la vie chez le nouveau-né). Cri comportement : en réponse à une souffrance physique (douleur) ou psychique (dépression, angoisse...), sorte de mécanisme du moi interne, mécanisme de survie. Cri langage : plus intentionnel, témoigne de la petite enfance, de l’angoisse de séparation, il est considéré alors comme une communication, un appel, une sollicitation. Il peut révéler un état intérieur en exprimant des désirs, des émotions, des pulsions. Cri langage du corps : pour résoudre des tensions causées par des besoins de base non satisfaits (faim, soif...) ou par la solitude, la séparation... Cri agressif : manifestation d’un refus et/ou d’une d’opposition qui transgresserait les lois de l’institution et qui apparaît dangereux. Il est plus dépendant de la personnalité.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La question de la signification du cri est fréquemment escamotée, comme le souligne D. Tribout, pour n’en voir que l’explosion (Tribout D., 2011). Il reprend à ce propos P. Charazac qui identifie dans l’analyse des cris le rythme (alternance de tension et de décharge), son intensité (de l’appel à la colère), le contenu (allant de l’onomatopée ou la stéréotypie verbale à la courte phrase). J.M. Gomas propose un outil pour donner du sens, en trois axes soulignant que le sujet qui crie peut « avoir mal » (causes organiques, trompeuses ou cachées), « qu’il est mal » (causes relationnelles et psychiques associées à une incompréhension sensorielle, une appréhension, un vécu abandonnique), ou « qu’il présente un déficit cognitif » (pouvant se traduire par une demande de présence, au travers de lésions neurologiques, ou d’une agnosie sensorielle) (Gomas J.M. et al., 2016). Plusieurs hypothèses interprétatives guident les professionnels de la gérontologie dans ce contexte de cris perturbateurs. Ils peuvent être l’expression de la peine, de la fatigue, de la tension émotionnelle, du désarroi face à l’incapacité d’arrêter les cris ou du sentiment de perdre le contrôle de soi. B. Groulx met en exergue le fait que le monde intérieur du patient rapetisse, devient de plus en plus vide, accompagné de pertes sensorielles, naît alors le besoin de remplir ce monde par du bruit pour faire face au vide de la vie psychique faite de solitude et d’ennui (Groulx B., 2005). L’hypothèse psychodynamique souligne par ailleurs



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

que certains patients, en proie à un sentiment de vide psychique, crient pour se sentir exister, pour rester maîtres d’un événement : « je fais du bruit donc je suis » (Manière D. et al., 2010). Ainsi, nous pourrions conclure simplement : 





Les cris « langage du corps » et « comportement » peuvent servir à communiquer un besoin, la diminution des cris passe par la satisfaction des besoins de base ou le traitement du symptôme, l’hypnose intervenant par exemple en complément d’une prise en soins de la douleur. Les cris « langage » appellent à combler un besoin, l’hypnose vise alors surtout l’anxiété. Les cris « réflexes » et « agressifs » expriment des affects négatifs, où l’hypnose n’apporte que peu de bénéfice sur les cris mais peut améliorer par exemple des manifestations associées comme des troubles de la déglutition liés aux cris incessants lors de la prise alimentaire.

Nous allons donc ici développer deux exemples de cris réflexes qui sont les symptômes les plus difficiles à appréhender, les autres cris relevant plutôt de la prise en charge de la douleur, de l’anxiété ou de la dépression. J OURS ET NUITS Avec la psychologue en EHPAD L’intervention de l’hypnopraticienne auprès de cette dame a été sollicitée par les équipes face à l’épuisement des soignants mais aussi des résidants. Mme L. a 88 ans, elle présente des troubles cognitifs sévères depuis 5 ans, date de son entrée en EHPAD avec son époux décédé depuis. Son parcours médical a été complexe, et l’émergence des cris a été longtemps associée à la douleur physique, à un signe d’inconfort, qu’aucun traitement antalgique n’a pu faire céder. Mme L. présente également une hypoacousie sévère, cette situation de handicap auditif pénalise ses relations et sa communication avec ses proches et les équipes de soins. Elle peut crier 80 % de la journée, de jour comme de nuit, les cris peuvent cesser quand elle s’alimente. Elle demande fréquemment à s’allonger, ce que nous pourrions assimiler à une clinophilie présentant le risque d’une grabatisation. Sa dépendance est telle, qu’elle mobilise à peine les membres supérieurs. Classiquement, la présence soignante ou familiale ne constitue pas un motif d’apaisement pour cette résidante. Quand on l’interroge sur le pourquoi de ces cris, elle nous fait comprendre qu’elle ne crie pas selon elle. Elle peut crier pour signifier un besoin (comme celui d’allumer la TV, de boire), son recours au langage verbal étant extrêmement réduit aujourd’hui, mais aussi sans aucune cause identifiée.



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Troubles neurocognitifs

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L’hypnopraticienne a tenté de proposer une prise en charge en hypnose face à l’hypothèse secondaire de l’anxiété et de l’angoisse d’abandon ou de mort. L’hypnose s’avère cependant peu efficace sur ce trouble du comportement. Les quelques techniques mise en œuvre ont pris appui sur la synchronisation sur la respiration, la synchronisation sur le rythme du cri (à l’expiration), la synchronisation sur le toucher en lien avec le rythme du cri (par un tapotement adapté à l’émission des cris) ou encore le mirroring (attitude visant à fonctionner en miroir de la personne qui crie et donc à crier aussi). L’hypnopraticienne a pu, dans certains cas, obtenir un léger apaisement des cris, mais dès la fin de la prise en soins il y avait une résurgence de ces derniers parfois de plus belle. Pour cette patiente, la catégorisation du cri est le cri réflexe : un remplissage de son monde intérieur par son cri.

Points forts

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Un panel de techniques a été tenté, allant de la synchronisation sur la respiration, sur le toucher, sur la voix et le volume sonore, avec des résultats mineurs. À ce jour, le cri réflexe est souvent une limite de l’hypnose. Il demeure néanmoins que si l’on peut s’épargner la seule approche médicamenteuse, ces techniques hypnotiques peuvent être aidantes après avoir analysé les causes possibles des cris et tenté d’y remédier en modifiant les composantes psychologiques, somatiques, environnementales, sociales ou cognitives pour la résidente. La recherche de sens reste essentielle pour les professionnels du soin.

C RIER ET SOURIRE Avec le médecin en EHPAD Mme R., 89 ans, souffre d’une maladie d’Alzheimer à un stade très sévère. Elle a des cris incessants durant la journée, mais pas la nuit ni les siestes quand elle dort. L’hypnopraticien avait effectué plusieurs séances d’hypnose 2 mois auparavant et fait venir un autre hypnopraticien (pour avis) mais sans obtention de réduction des cris : ni en intensité, ni en fréquence. L’essai d’utilisation d’un objet transitionnel est également un échec ainsi que la participation à des ateliers thérapeutiques et de musique. Rien ne l’apaise. La résidente crie aussi pendant la prise alimentaire. Le risque de fausses routes est de plus en plus important, rendant l’alimentation (lisse) quasi impossible. Elle ne prend aucun traitement depuis quelques semaines et depuis quelques jours les soignants n’arrivent plus à l’alimenter.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Face à la problématique alimentaire et à la demande de l’équipe, l’hypnopraticien se rend auprès de Mme R. Elle est assise au fauteuil, semble contente de le voir et crie de façon stéréotypée. Il se présente, prend la main de la patiente, prend le temps pour la regarder et ressentir cette tension interne. La communication est difficile, elle comprend des formulations simples, mais ses réponses se limitent à « oui, non, là, bien, assez » répétitifs. Elle semble montrer la porte de sa chambre : « là... là... là... oui... oui... » L’hypnopraticien décide de l’emmener dehors, dans le jardin, le temps le permet, il fait beau. Dans ce dialogue, il parle et un cri de Mme R. ponctue chaque « ... » Hypnopraticien : Je viens vous voir « ... » ce matin « ... » je suis venu « ... » je vous ai vu « ... » je suis venu (truismes, réalité de la patiente) « ... » et vous m’avez fait un beau sourire « ... » oh le sourire (ébauche de sourire) « ... » il commence « ... » voilà (prédictions auto-réalisantes) « ... » je vais m’occuper de vous « ... » tout doucement « ... » voilà... allez « ... » je vais prendre soins de vous « ... » le mieux possible « ... » regardez... ce beau sourire vous le connaissez « ... » voilà « ... » doucement « ... » nous restons « ... » un peu de temps ensemble « ... » vous allez venir ... doucement « ... » je sens que vous êtes bien... Hypnopraticien : Je vais vous toucher tout doucement la main (augmentation du recrutement sensoriel avec un enveloppement : une main au niveau de sa main et l’autre au niveau de l’épaule, du même côté que la main touchée) « ... » tout doucement « ... » ouvrir le bras « ... » comme quand on prend un enfant « ... » avec la douceur d’un enfant (métaphore) « ... » alors vous prenez confiance « ... » et tout s’ouvre « ... » oui, vous voulez bien « ... » me donner votre bras « ... » voilà « ... » doucement « ... » ouvrez votre bras « ... » voilà doucement « ... » oh, c’est fantastique « ... » ça vient tout seul « ... » voilà « ... » ouvrez doucement « ... » voilà tout s’ouvre « ... » la respiration s’ouvre « ... » dans la gorge « ... » Hypnopraticien : Regardez comme ce bras est ouvert « ... » la facilité avec laquelle le bras s’est ouvert « ... » comme une porte qui s’ouvre (utilisation de l’environnement : une porte s’ouvre) « ... » pour mieux laisser le passage « ... » l’air qui passe (ratification) « ... » et on peut sentir l’air « ... » sur le visage « ... » ou dans le corps « ... ». Hypnopraticien : Un air magique qui se glisse à l’intérieur (métaphore simple) « ... » et à chaque respiration « ... » il glisse un peu plus loin « ... » un air qui transporte du bien-être « ... » et de sentir « ... » la douceur ou tout autre chose « ... » et c’est très bon signe « ... » signe que cet air fait son travail (suggestion de transformation) « ... » un air magique « ... » un peu comme dans un nuage « ... » porté par le vent « ... » de porter attention au nuage « ... » son épaisseur « ... » sa forme « ... » la couleur du nuage (utilisation de l’environnement) « ... » et de le voir passer « ... » voilà « ... » en douceur « ... » comme une douceur « ... » très bien « ... ». Hypnopraticien : Ce nuage est comme un cadeau « ... » que vous utilisez « ... » chaque fois que tu as besoin (tutoiement de l’enfance, suggestion post-hypnotique) « ... » et



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Troubles neurocognitifs

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à présent « ... » d’être ici « ... » dans le jardin « ... » doucement « ... » à votre rythme « ... » doucement « ... » bravo « ... » c’est très bien « ... » La semaine suivante, quand il est retourné dans le service, l’hypnopraticien a eu la surprise d’entendre les aides-soignantes lui dire que la patiente s’était, le midi même de la séance, alimentée, et le lendemain un passage prudent d’une alimentation lisse, hachée, avait pu être effectué. Les cris persistaient, mais la déglutition s’était améliorée.

Points forts 

Plusieurs phases :

➙ ➙ ➙ ➙ ➙ ➙ 





Partir de l’état émotionnel actuel du patient, partager sa réalité. Utiliser les prédictions auto-réalisantes. Proposer une augmentation du recrutement sensoriel : visuel, auditif et mouvement enveloppant. Utilisation du corps (faire pour de vrai : ouvrir le bras pour tout ouvrir) et des premiers mots (nuage, porte, main, bien). Suggestions indirectes (métaphore simple). Suggestion post-hypnotique.

Phrases simples mais non enfantines, utilisation de la répétition. Les phrases sont très courtes car rythmées par le « ... » scandé par la patiente et sont énoncées pendant que la personne dit « ... ». Totalement dans le présent, en utilisant les événements du présent (porte qui s’ouvre), ce qui permet de changer le présent. Utilisation temporaire du tutoiement en transe afin de permettre au patient de mieux s’identifier : idée du parent qui donne un cadeau.

Quelles que soient les causes qui sous-tendent les cris, il faut essayer, avec beaucoup d’imagination, de trouver des solutions pour un patient particulier parce qu’il y a toujours quelque chose à faire.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

C ONCLUSION Si l’hypnose ne permet pas de récupérer les capacités perdues par les pathologies neurocognitives, elle permet d’accéder aux capacités restantes qui sont débordées par d’autres modes de fonctionnements péjoratifs et qui figent le patient dans un processus négatif. En remettant en mouvement, en proposant d’autres visions du patient et de son comportement, l’hypnose permet au patient, mais aussi à ses aidants, de prendre conscience qu’un autre fonctionnement est possible. Cette approche en hypnose auprès des patients ayant des troubles neurocognitifs majeurs sera plus efficiente si les aidants professionnels entourant les patients sont nombreux à utiliser l’hypnose, ou tout au moins à être sensibilisés.



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Chapitre 4

L’hypnose fonctionnelle L’hypnose au service du mouvement Laurent Bujon, Marie Floccia, Jessica Meliani

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P HYSIOLOGIE

ET PATHOLOGIES

Le mouvement volontaire se divise en trois phases : la phase de prise de décision (préparation du mouvement avec un objectif) : « Attention ! », la phase de planification et d’initiation du mouvement (coordination de la motricité et du regard) : « Prêt ! », et la phase d’exécution : « Partez ! ». Contrairement aux réflexes et aux automatismes, le mouvement volontaire agit consciemment sur les muscles et nécessite l’intervention de nombreux centres nerveux supraspinaux, voire de tout le néocortex : le cortex moteur, le cortex somesthésique et le cortex préfrontal. Le cortex moteur se situe dans le lobe frontal en avant du sillon central et comprend l’aire motrice primaire, l’aire prémotrice et l’aire motrice supplémentaire. Ces aires sont nécessaires à l’initiation, la planification, l’intégration des informations sensorielles et la coordination des mouvements. Elles ont une représentation somatotopique selon l’Homonculus moteur de Penfield : chaque zone du corps est représentée, non pas en fonction de la taille de la partie du corps correspondante, mais en fonction de la complexité des mouvements



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

que cette partie réalise. Il y a donc une surreprésentation de la main et de la bouche. Le cortex moteur reçoit des informations du cortex somesthésique (représentation somatotopique selon l’homonculus sensitif quasi superposable à l’homonculus moteur), du cortex auditif et du cortex visuel qui ont reçu des informations sensorielles en provenance de la peau, des yeux, etc., ce qui permet de vérifier si le mouvement prévu est approprié à l’environnement et au corps. Le cortex préfrontal a lui aussi un rôle dans la genèse du mouvement et la décision de l’effectuer. L’information du mouvement va être véhiculée par la voie pyramidale, mais aussi par la voie extrapyramidale. Les noyaux gris centraux (voie extrapyramidale) vont intervenir dans la programmation et la régulation du mouvement, le cervelet permet, en recevant des informations du cortex moteur et du cortex somesthésique, d’ajuster et de coordonner les mouvements de manière fluide. L’information est transmise au tronc cérébral (action sur l’équilibre, la posture et le tonus) et à la moelle épinière pour atteindre le muscle par le biais des motoneurones. Ce système nécessite l’intégrité de tous les niveaux. Grâce à la neuroplasticité, durant toute la vie, le cerveau se réorganise dans le cadre des apprentissages, des adaptations et des expériences : l’apprentissage du violon développe la représentation cérébrale des deux mains alors que l’une prédomine habituellement chez le droitier ou le gaucher (Piette P., 2010). Lorsqu’un membre est sous-utilisé (amputation, immobilisation...), la diminution des stimulations entraîne une modification de la représentation de celui-ci au niveau cérébral (modification de l’homonculus). Ce phénomène, très étudié lors des amputations et des greffes, existe également lors des accidents vasculaires cérébraux (AVC) (Rossini P.M., 2003). La plasticité cérébrale post-lésionnelle peut être bénéfique ou au contraire « maladaptative » et entraver la récupération (Deroide N. et al., 2010). L’utilisation de la neuroplasticité est une cible des nouvelles thérapies de rééducation (Sharma N. et al., 2009).

DE

LA MÉDECINE PHYSIQUE ET RÉADAPTATION À LA RÉÉDUCATION EN GÉRIATRIE « Le corps et l’esprit sont une même chose, mais vus sous un angle différent. » (Spinoza).

Réduite pendant longtemps aux seuls moyens physiques, la médecine physique et réadaptation s’inscrit dans un contexte pluridisciplinaire qui coordonne infirmier, aide-soignant, neuropsychologue, psychomotricien, ergothérapeute, médecin,



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L’hypnose fonctionnelle

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kinésithérapeute, orthophoniste, assistante sociale, etc., pour « assurer la mise en application de toutes les mesures visant à prévenir ou réduire au minimum inévitable les conséquences fonctionnelles physiques, psychologiques, sociales et économiques des déficiences et des incapacités. » (Union européenne des médecins spécialistes). Depuis quelques années émerge une nouvelle discipline, la rééducation gériatrique. Définie comme étant l’« ensemble des mesures d’évaluation, de diagnostic et de traitement visant à restaurer ou à améliorer les capacités fonctionnelles résiduelles de personnes âgées présentant une affection source d’incapacités et de handicap » (Lohr K.N., 1997), elle propose une rééducation adaptée à la population vieillissante qui est confrontée aux incapacités et aux handicaps. Dans la pluridisciplinarité chère à la gériatrie, elle va pouvoir adapter les techniques de rééducation à la compréhension et aux possibilités des patients gériatriques, tout en prenant en compte les aidants.

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Depuis les années 1990, la médecine physique et réadaptation s’enrichit de techniques visant à développer la neuroplasticité, la sélection d’un nouveau réseau de fonctionnement intervenant généralement entre trois semaines et trois mois. La thérapie miroir, première thérapie de ce type, a été initialement développée par V.S. Ramachandran et al., pour les douleurs de membre fantôme, puis s’est ensuite étendue pour la rééducation motrice des déficits moteurs post-AVC (Ramachandran V.S. et al., 1995 ; Altschuler E.L. et al., 1999). Par l’utilisation d’un leurre visuel qui effectue un acte moteur (et ce d’autant plus que c’est le patient lui-même qui effectue le mouvement avec le membre sain, et le voit), il y a un remaniement des phénomènes de plasticité cérébrale et une amélioration clinique du côté atteint. Plus tard, la découverte des neurones miroirs, dont certains sont impliqués dans l’exécution et l’imitation du mouvement, a pu enrichir la rééducation des patients ayant fait un AVC. En effet, si les neurones des cortex prémoteurs et pariétal s’activent lors d’un mouvement, ils s’activent aussi lors de l’observation de ce mouvement par autrui. Ainsi, des auteurs suggèrent d’utiliser une technique de rééducation passive basée sur les systèmes de neurones miroirs (Mathon B., 2013). Enfin, de plus en plus d’études s’intéressent à la notion de rééducation par l’imagerie mentale, en s’appuyant sur les résultats cliniques mais aussi sur les modifications de l’imagerie fonctionnelle. De multiples techniques existent : imagerie mentale seule ou couplée à la rééducation motrice, biofeedback visuel, etc. Malgré un engouement dans les années 2000, les études prennent appui sur de petits effectifs, avec des protocoles différents et nécessiteraient d’être mieux conduites. Néanmoins, les résultats restent en faveur d’une probable efficacité



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

de la pratique mentale pour la rééducation post-AVC avec hémiplégie, pour les syndromes parkinsoniens ou les scléroses (Barclay-Goddard R.E. et al., 2011 ; Braun S. et al., 2013). Si la HAS recommande l’imagerie mentale motrice à la phase chronique des AVC, elle recommande également de combiner les méthodes de rééducation motrice sans se limiter à une seule approche (HAS, 2012).

L’ HYPNOSE

FONCTIONNELLE

L’hypnose est en mouvement. Peu d’études se sont intéressées à l’utilisation de l’hypnose dans les pathologies du mouvement. Néanmoins, dans la description de son autohypnose après sa crise de poliomyélite, M.H. Erickson nous guide : « À l’âge de 18 ans, je me suis rappelé de tous les mouvements que je faisais enfant pour m’aider à réapprendre la coordination musculaire. » (Erickson M.H., 1980)

L’imagerie mentale faisant partie des composantes de l’hypnose, nous constatons que l’hypnose a une efficacité dans ces indications probablement en favorisant le remaniement des phénomènes de plasticité cérébrale, et ce d’autant plus que l’hypnose stimule les aires sensorimotrices (cf. chapitre 1). E.L. Rossi postule que les homuncules sensoriel et moteur sont activés « dans un ensemble de zones de relation via les processus idéo-moteurs de l’hypnose thérapeutique » et que l’hypnose permet un « entraînement mutuellement empathique aux différents niveaux de l’expression de gène, de la plasticité cérébrale et des neurones miroirs ». (Rossi E.L., 2008). Nous allons développer « l’hypnose fonctionnelle », qui va bien au-delà des exercices d’imagerie mentale, en impliquant de manière plus soutenue et personnalisée le patient dans l’activation sensorielle, en privilégiant son ou ses canaux sensoriels prépondérants pendant l’entretien ou l’état hypnotique, en proposant des métaphores, etc. Cette personnalisation de la séance d’hypnose fait appel aux goûts, loisirs, professions ou centres d’intérêts de la personne, en tenant compte de la singularité de chacun. Pour ceci, il faudra créer une expérience sensori-motrice dans un « contexte » bénéfique, en l’absence de stimulation externe : la personne voit pendant la transe alors qu’elle a les yeux fermés. Elle peut aussi entendre, ressentir, humer ou goûter et donc bien sûr stimuler les capacités motrices ou proprioceptives.



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L’hypnose fonctionnelle

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Nous proposons donc de définir l’« hypnose fonctionnelle » comme une réadaptation des déficiences par l’expérience pluri-sensorielle et métaphorique de l’hypnose. Les moyens pour atteindre ce but sont ceux de la palette hypnotique que nous allons définir et détailler dans les expériences cliniques décrites lors de la pratique de soins ou de consultations spécifiques. Ainsi, l’hypnose fonctionnelle va permettre d’atténuer un symptôme, de restaurer un mouvement ou une fonction. « C’est le corps tout entier qui est l’esprit. » (Roustang F.)

PARKINSON

ET SYNDROMES PARKINSONIENS

N

Épidémiologie

Le syndrome parkinsonien atypique représente 15 % des cas et se regroupe principalement en quatre pathologies difficiles à différencier et souvent ressemblantes dans leur début à la maladie de Parkinson : l’atrophie multisystématisée (AMS), la paralysie supranucléaire progressive (PSP), la dégénérescence corticobasale (DCB) et la maladie à corps de Lewy, qui donnent toutes des atteintes cognitives. Dans 5 % des cas, les syndromes parkinsoniens sont médicamenteux, liés à la prise de neuroleptiques. N

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La maladie de Parkinson est la deuxième pathologie neurodégénérative la plus fréquente en France après Alzheimer, avec une prévalence de 150 000 personnes en France et une incidence d’environ 15/100 000 habitants/an. Elle débute principalement entre 50 et 60 ans, c’est une pathologie idiopathique mais il est retrouvé dans 15 à 20 % des cas une prédisposition héréditaire surtout dans les formes précoces. Si elle est rare avant 50 ans, elle devient fréquente au-delà de 85 ans : 35/1 000.

Clinique

La maladie de Parkinson est une affection chronique dégénérative du système nerveux central qui touche les réseaux neuronaux du mouvement et particulièrement les neurones dopaminergiques du locus Niger (appartient aux noyaux gris centraux). La dopamine est un neurotransmetteur qui contrôle, entre autres,



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

nombre de mouvements moteurs. Au cours de la maladie, ces noyaux vont progressivement se dégrader, la quantité de dopamine va diminuer. L’ensemble des signes traduit une altération du faisceau extrapyramidal avec l’apparition d’un syndrome dit extrapyramidal. La maladie de Parkinson est caractérisée par : 







Le tremblement de repos : dans 70 % des cas, le tremblement asymétrique de repos est le premier motif de consultation. Ce sont des tremblements d’un seul côté du corps non contrôlables : d’une main, tête, puis jambe. Ceuxci sont exagérés lors d’une émotion et évoluent après plusieurs années à l’ensemble du corps. Les patients rapportent une fatigue et un épuisement, liés à la maladie. L’akinésie : les mouvements sont plus lents et plus rares. La démarche du patient parkinsonien est caractérisée par des petits pas, les pieds qui traînent, un effacement du balancement des bras et un point de gravité déplacé vers l’avant, évoluant vers des pertes d’équilibre. Une micrographie s’installe : écriture « en pattes de mouche ». L’hypertonie extrapyramidale ou rigidité : spasticité des membres, des mouvements rigides ou saccadés. L’instabilité posturale.

On retrouve aussi un faciès figé, une hypersalivation, une peau plus grasse et des difficultés à articuler. Des symptômes annonciateurs non spécifiques sont rapportés a posteriori comme la dépression, l’anxiété, la dysphagie et les troubles de la continence urinaire. Les fonctions cognitives et sensorielles sont préservées, mais tardivement, la maladie peut évoluer vers une démence parkinsonienne. L’évolution dans les syndromes parkinsoniens tels que la PSP, la DCB et l’AMS est souvent plus rapide avec une moindre efficacité des traitements, les patients « se figent » plus jeunes avec des atteintes cognitives diverses. N

Traitements actuels

Le traitement de la maladie de Parkinson nécessite une fois encore une coordination pluriprofessionnelle et une prise en charge globale du patient avec prise en compte de son aidant. C’est une pathologie pour laquelle nous n’avons pas à ce jour de traitement curatif, mais de nombreux traitements aident à freiner l’évolution et à améliorer les symptômes.



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L’hypnose fonctionnelle

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La médication vise à substituer la dopamine manquante, on soulage sans guérir. La L-dopa, traitement historique de la maladie est un précurseur de la dopamine au niveau cérébral et est fréquemment utilisée. Mais d’autres traitements peuvent être utiles : agonistes de la dopamine, inhibiteurs de la monoamineoxydase B, etc. que l’on peut utiliser en association. Dans les formes les plus avancées, une stimulation profonde des noyaux gris par électrostimulation est possible. Enfin, des traitements expérimentaux sont à l’étude tels que la greffe de cellules souches dans les noyaux gris ou les thérapies géniques dans les formes héréditaires. L’hygiène de vie a une grande importance : rester actif permet de conserver une bonne coordination des mouvements, stimule l’équilibre et aide aussi à lutter contre l’anxiété liée à la pathologie. Cette anxiété perturbe aussi et amplifie les signes extrapyramidaux, il est donc favorable de privilégier des moments de relaxation ou de pratiquer des activités en ce sens (HAS, 2016). La kinésithérapie est essentielle pour améliorer et maintenir l’équilibre postural et les fonctions motrices, c’est un apport bénéfique qui permet d’éviter la fonte musculaire et un surcroît médicamenteux. L’orthophonie permet l’amélioration des troubles du langage dû aux difficultés d’articulation et permet de maintenir la communication et la socialisation. Les soins infirmiers, le plus souvent envisagés à un stade évolué de la maladie, permettent un maintien ou rétablissement de la personne dans les actes de la vie courante.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

N

Hypnose et Parkinson

Il existe peu de littérature sur la maladie de Parkinson et l’hypnose. Néanmoins une vidéo d’E.L. Rossi nous permet de le voir « recadrer » les tremblements de la personne comme une forme d’énergie qui circule et sort du corps (Rossi E.L., 2001). De même, I. Schlesinger et al. ont montré qu’une séance de groupe de relaxation et autohypnose avec des malades parkinsoniens ont permis une diminution du stress et une amélioration des tremblements (Schlesinger I., 2009). L’hypnose fonctionnelle apparaît donc comme un traitement complémentaire en permettant une amélioration des troubles. Cette partie sera consacrée à plusieurs expériences cliniques en soins à domicile en utilisant l’hypnose conversationnelle, puis en consultations où l’hypnose formelle sera décrite.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Hypnose à domicile AVANCER ... À VOTRE RYTHME ... SUR PLUSIEURS ANNÉES Avec l’infirmier à domicile M. M., âgé de 85 ans, agent SNCF retraité, est pris en charge pour un suivi du diabète et une aide à la toilette liée à un ralentissement moteur et une rigidité dans un contexte de maladie de Parkinson. Il présente une légère altération de ses capacités mnésiques : désorientation temporelle et erreurs sur les prénoms des personnes qui sont hors de la sphère familiale. Lors d’une visite matinale, M. M. est bloqué et a beaucoup de mal à se redresser. Il est assis dans un fauteuil roulant alors qu’il marchait encore un mois auparavant. Sa femme s’adressant à l’hypnopraticien lui dit « vous aussi vous allez lui faire la toilette dans la cuisine... » et sans attendre la réponse s’empresse de sortir le nécessaire. M. M. a de grandes difficultés à se redresser, malgré les efforts de sa femme et de l’hypnopraticien, pour commencer la toilette. L’hypnopraticien lui propose de se mettre debout en appliquant méthodiquement le « mirroring » corporel et de se tenir « juste un peu plus droit... ». M. M. se redresse en même temps que l’hypnopraticien, presque complètement. L’hypnopraticien lui propose alors d’aller à la salle de bain prendre une douche, ce que M.M. apprécie particulièrement, et accompagne ses mouvements de présuppositions comme : Avancez tranquillement, à votre rythme, un pied après l’autre en les soulevant légèrement... (prédictions auto-réalisantes). Le but est atteint dès le premier essai, M. M. a la satisfaction de remarquer que ce jour qui s’annonçait mal s’est transformé en moment de réussite inattendue. Au fil des jours, des mois et des années, l’hypnopraticien a enrichi cette expérience en la rendant plus puissante et utile par exemple lors d’un changement de position : « On va s’avancer légèrement (saupoudrage) dans le fauteuil et bien placer les pieds sur le sol pour se lever, c’est bien ! (ratification). On compte jusqu’à trois (ancrage numéraire) pour se lever tranquillement et une fois debout... vous sentez vos pieds sur le sol, percevez votre équilibre en modifiant votre position, en déplaçant doucement vos bras, comme cela, c’est très bien... » « Vous allez pouvoir ensuite laisser vos jambes avancer à leur rythme et sentir tous vos muscles s’assouplir à chaque pas. Remarquez comme vos mains peuvent légèrement soulever le déambulateur. Et vous pouvez aussi apercevoir plus loin... en face de vous cette pendule et vous souvenir que vos jambes peuvent avancer automatiquement comme ce balancier le fait de droite à gauche (métaphore). »



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L’hypnose fonctionnelle

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Points forts 







Dans les premières phrases du soin, utiliser le « on » informel comme « on va se lever ou on va à la salle de bain, etc. », puis rapidement le « vous » devient un marqueur de contexte pour favoriser la transe conversationnelle et impliquer le patient dans l’action. Le marqueur de contexte est un changement de ton ou de rythme d’élocution, mais aussi un changement de pronom du « tu » au « vous » ou du « on » au « vous ». Ce changement de contexte permet de placer une ou des souggestion(s) juste après cette articulation linguistique et de les rendre plus efficaces. Décrire, utiliser les prédictions auto-réalisantes ou simplement valider les mouvements encourage le patient et focalise son attention. En insistant et en saupoudrant sur les qualificatifs des gestes de la marche automatique « léger, souple, tranquille... », cela permet la meilleure réalisation du mouvement. De plus, l’adjonction du verbe « pouvoir » les renforce, tandis que l’emploi des verbes « remarquer, se souvenir, ou bien découvrir... » fait appel à l’imaginaire et à l’inconscient en amplifiant la transe conversationnelle. L’hypnopraticien propose de « sentir ses mouvements » pour deux raisons :

➙ ➙ 

le canal proprioceptif a besoin d’être stimulé ; la sensibilité et la motricité mobilisent des connexions neuronales concomitantes.

L’entourage du patient doit être pris en compte par l’hypnopraticien, car c’est lui qui remarque, valorise les progrès, et qui finalement agit comme un moteur pour faire mieux jour après jour. Cela change radicalement l’ambiance du foyer.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Deux ans plus tard, quatre épisodes de blocage se sont produits. Une adaptation de posologie de Lévodopa ayant produit de graves troubles confusionnels, la posologie est finalement restée inchangée. Lorsque l’hypnopraticien retrouve M. M., il reprend les premières suggestions de verticalisation en posant les mêmes objectifs : marcher jusqu’à la salle de bain et prendre une douche. Ceci en accentuant les bienfaits à venir (projection dans le futur) et immédiats de la chaleur de l’eau qui calme, apaise et assouplit les muscles. La rigidité a rapidement régressé en un ou deux jours. L’hypnopraticien répète à chaque passage quelques suggestions de verticalisation et de souplesse en restant créatif, en saisissant les choses superflues du quotidien qui parlent pourtant à M. M. : « Les feuilles d’automne virevoltent légèrement..., la neige tombe doucement..., Mais quelle heure est-il ? (Pour lui faire lever la tête et regarder la pendule), Avez-vous vu les pommes en haut de votre pommier ? etc. » M. M. répète seul ses inductions sous forme d’autosuggestions comme E. Coué : « Chaque matin, je remarque que je vais mieux en posant mes pieds sur le sol et je compte jusqu’à trois... ». (Autosuggestion)



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On note chez M. M. une amélioration notable et rapide de la déambulation, de la locution et de l’humeur. Il se remet à lire, à s’intéresser aux autres et marche accompagné en s’aidant d’un déambulateur, ceci alors qu’il était cloué dans un fauteuil roulant ! Il répète souvent : « Je vais mieux, je ne pensais pas qu’il était possible de vieillir en allant mieux... » Durant l’été, deux ans plus tard, M. M. a été admis en hospitalisation de répit, sa femme ayant dû être longuement hospitalisée. À son retour au domicile, 7 mois plus tard, il est figé, ne parle plus et dort presque tout le temps avec une très nette aggravation cognitive. Il n’a plus droit à l’appui suite à une fracture du fémur gauche spontanée pendant son séjour qui ne consolide pas et a reçu une médication pour éviter de se lever. Il est devenu incontinent, il reste alité de longues semaines, seulement levé épisodiquement au fauteuil par séquence d’une heure, deux à trois fois par semaine. Après suppression des calmants, M. M. se réveille furieux, apeuré et harcelé par des hallucinations à thématiques hospitalières. L’hypnopraticien lui propose alors un exercice qui est une adaptation de la spirale des sens d’E. Erickson : l’hypnopraticien lui montre du doigt 5 objets que M. M. voit dans la pièce, puis lui fait entendre 5 sons (quitte à faire du bruit) et ensuite 5 choses que M. M sent sur sa peau : vêtement, montre, lunettes, etc. Par la suite, l’exercice se poursuit en lui demandant de voir 4 objets dans la pièce, d’entendre 4 bruits et de sentir 4 perceptions tactiles ; puis 3, 2 et pour finir voir 1 objet, entendre 1 bruit, sentir 1 chose sur sa peau : « Voyez votre téléviseur, entendez le tic-tac de votre pendule, sentez votre montre au poignet » et il la regarde. À la fin de cet exercice M. M. est apaisé et fatigué, il regarde calmement l’hypnopraticien et sa femme, et les soins infirmiers se déroulent calmement. Il aura des moments de confusions anxieuses mais très atténuées et cet exercice s’avérera à nouveau efficace en l’adaptant et le transposant pendant la toilette.. Il retrouve rapidement un rythme circadien grâce à sa femme qui rythme la journée, quelques moments d’éveil apparaissent, il reconnaît sa femme et reprend désormais ponctuellement la parole. Malgré la difficulté, les soignants le lèvent chaque jour et lui permettent ainsi de sortir de la chambre et de participer aux événements familiaux du quotidien. Mais on peut remarquer chaque matin et chaque soir lors des soins comme un sentiment d’étrangeté et d’inquiétude dans les yeux de M. M. : il ne reconnaît plus les soignants. L’hypnopraticien lui serre la main en posant sa deuxième main pour recouvrir la sienne (ancrage tactile, proprioceptif et sur la posture de l’hypnopraticien : fig. 4.2) comme il le fait habituellement, les yeux de M. M. deviennent interrogateurs. Il dévisage alors l’hypnopraticien ; celui-ci en profite pour lui expliquer le déroulement du soin et sollicite son acquiescement.



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Figure 4.1.

Puis, l’hypnopraticien lui demande de « s’avancer légèrement et de placer et sentir ses deux pieds sur le sol pour se lever comme autrefois. On compte jusqu’à trois (ancrage numéraire) pour se redresser et laisser éprouver un instant son pied droit sur le sol. C’est très bien... » (ratification). Ensuite, une fois installé confortablement dans son fauteuil roulant, il dirige ses yeux interrogateurs vers l’hypnopraticien, fixe, se questionne, il dit quelques mots, il semble éprouver une familiarité en lui.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Quatre mois après son retour au domicile, l’amélioration est notable, son épouse le stimule avec ses centres d’intérêts télévisuels, musicaux et gustatifs avec les plats qu’il apprécie et la mémoire autobiographique, familiale, gestuelle semble émerger du contexte de ses goûts : son faciès est plus apaisé et expressif lorsqu’il écoute Maurice Chevalier, il reprend l’alimentation seul depuis qu’il savoure les clafoutis et ses mets favoris. Il regarde les photos de sa famille accrochées sur les murs et retrouve les prénoms avec l’aide de son épouse. La communication redevient possible, il exprime certains désirs et comprend ce qu’on lui demande. Les soins devenant maintenant plus faciles, l’hypnopraticien propose systématiquement de s’asseoir sur le bord du lit pour faire la toilette du buste et du visage. Toujours en questionnant sur son « bon équilibre », il lui demande : « de s’avancer légèrement jusqu’à ce qu’il sente son pied droit posé confortablement sur le sol et de bien veiller à ce que son pied reste en contact avec le sol ». M. M. acquiesce, tient l’équilibre parfaitement tout le temps du soin en mettant de la force et de la concentration dans son pied. L’hypnopraticien lui tend alors la serviette de toilette et lui dit : « comme à la douche ! », son expression change alors, il sourit et se sert alors habilement de ses bras.



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Points forts 













« Utiliser » le contexte est le maître-mot des séances : les goûts et l’entourage sont les ressources primordiales pour pratiquer l’hypnose conversationnelle, mais aussi la réalité qui entoure le patient : les flocons, la pendule, les feuilles d’automne sont des aides précieuses. La force de l’autosuggestion issue des techniques d’E. Coué est très aidante comme une autohypnose facilement accessible pour M.M (Coué E., 1926) Le mouvement semble être facilité par les prédictions auto-réalisantes qui présupposent l’apparition des gestes et rappellent les expériences antérieures en stimulant la mémoire procédurale. L’environnement et le contexte relationnel favorisent également le mouvement. L’utilisation de suggestions directes de souplesse et de verticalité et la ratification par la félicitation pendant l’expérience améliore la gestuelle et la motricité, tout comme l’utilisation d’adjectifs issus de saupoudrage en préambule au verbe moteur comme : « et maintenant vous allez légèrement avancer votre pied... ». Les ancrages permettent à M. M. de s’approprier la séance conversationnelle, comme un clin d’œil complice de tout un travail préalable qui ressurgit positivement à cette stimulation. Ceci permet à l’amélioration de devenir durable, de se transformer en suggestion ou autosuggestion positive. Cet ancrage permet de retrouver sa mémoire du toucher. Bien qu’altérée, elle reste relativement préservée. L’exercice de la spirale des sens d’Elizabeth Erickson (technique d’autohypnose ou d’induction amenant le sujet à focaliser sur plusieurs sensations choisies, visuelles, auditives et kinesthésiques, puis restreignant progressivement le champ pour n’arriver qu’à une sensation) est modifié car l’hypnopraticien propose de voir, entendre et sentir de manière directive. Le but est de ramener la personne prisonnière de ses pensées et visions hallucinatoires dans « son corps » à l’écoute de ses sens. Cet exercice est apaisant et permet une réorientation de la personne. L’album photo est une ressource pour tester la reconnaissance et stimuler la mémoire déficiente : comme dans une transe régressive, on progresse en âge au fils des pages en cherchant la reconnaissance des lieux, des personnes ainsi que les émotions associées. L’émotion est le « fixateur » mnésique.

Dans la durée, l’hypnose conversationnelle a permis d’améliorer l’orientation, le relationnel et l’humeur de M. M.

U N PETIT CAFÉ POUR LA MÉMOIRE Avec l’infirmier à domicile M. J., 64 ans, commercial retraité depuis 4 ans, est atteint d’un syndrome parkinsonien depuis 10 ans. D’après sa famille, ses troubles sont plus anciens et se sont manifestés initialement par un syndrome dépressif et un ralentissement moteur. Ce patient a travaillé jusqu’à sa retraite malgré un handicap moteur important, son



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L’hypnose fonctionnelle

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métier l’obligeait à se déplacer souvent et, à son rythme, il assumait complètement sa fonction. Son état évolue rapidement depuis quelques mois vers une démence parkinsonienne au stade sévère. Au mois d’octobre, il faisait encore un petit parcours de golf, sa passion, et ses troubles s’atténuaient quelques instants. Après deux hospitalisations successives, son état s’aggrave et il est totalement dépendant et alité ; toutes les thérapeutiques pour sa maladie sont arrêtées. Il est désormais hospitalisé à domicile en soins palliatifs. La première rencontre a lieu au mois de décembre, la prise de contact est difficile, car M. J. somnole en permanence et est confus, peut-être à cause d’un traitement antalgique trop puissant. Après quelques stimulations verbales, l’hypnopraticien partage ses anecdotes d’autres patients parkinsoniens qu’il suit en hypnose (technique de l’ami) et M. J. sollicite son aide. Le projet pour cette rencontre est de préparer un changement de position « réaliste » : s’asseoir.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’hypnopraticien tapote chacun des membres de M. J. en insistant sur les mains, le visage et le cou, qui sont des zones sensori-motrices surreprésentées au niveau cérébral : M. J. ouvre les yeux. Ensuite, l’hypnopraticien focalise l’attention du patient sur les canaux sensoriels kinesthésique, visuel et auditif : il tapote la main en la montrant, fait remarquer le son du tapotement et son ressenti intérieur (vibration, picotements, chaleur...). La technique du tapotement en étant à l’écoute de son corps se poursuit sur l’ensemble du corps plusieurs minutes et aboutit à un recadrage oscillatoire d’esprit. Avant le changement de position, l’hypnopraticien demande à M. J. « de sentir sa tête sur ses épaules », puis après l’acquiescement, s’il peut positionner sa tête « au-dessus de son corps comme est le point sur le i ». (Métaphore, approfondissement). M. J. parle maintenant avec plus de lucidité et pose des questions : « pourquoi tu fais ça ?... ». Après cette première question, il prend conscience de l’existence des personnes, du contexte et demande à sa femme qui est très surprise : « Est-ce que je peux boire un café moi aussi ? ». Il avait remarqué que son épouse en servait, il observait alors qu’il n’en avait pas. M. J. s’assoit sur le bord du lit pour boire son café et se tient plutôt droit pour quelqu’un d’alité depuis six semaines. Par la suite, avec une aide, il se met debout et demande à le refaire avec les compliments de l’hypnopraticien qui insiste juste sur les qualificatifs de verticalité et de souplesse à chacun de ses gestes (ratification, saupoudrage). Finalement, une expression sur son visage apparaît : son sourire debout devant sa femme en l’interpellant du regard. Le contentement de Mme J. agit comme un stimulant pour M. J., il refait l’exercice. M. J. est crispé au niveau des mains, l’hypnopraticien suggère « de rendre un peu plus souple son pouce ou plus léger son index pour ouvrir sa main » (double choix orienté), ce qui permet à M. J. d’être plus confortablement relâché. Le bénéfice de la séance dure plusieurs heures après la séance avec une meilleure présence et communication.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts 

 



La pertinence de l’anecdote d’autres patients parkinsoniens (« mon ami John » de M.H. Erickson), par son pouvoir irréfutable, capte l’attention et contribue à lever les résistances chez les patients. L’objectif (s’asseoir) est fixé ensemble, avec un objectif possible. Le recadrage oscillatoire d’esprit est un condensé s’inspirant de l’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing) et de la spirale des sens utilisant l’augmentation du recrutement sensoriel. L’hypnopraticien focalise les sensations du patient sur son corps et plus particulièrement sur les régions surreprésentées de l’homunculus de Penfield. Le praticien « tapote » les membres, cou, face du patient en lui faisant voir et sentir ses membres ; il centre l’attention sur les petits bruits ressentis, les vibrations. Il stimule ainsi le tact mais aussi la proprioception. L’hypnopraticien questionne sur les sensations et perceptions éprouvées par le patient et cherche l’acquiescement : « Est-ce que vous voyez votre main ? Sentez-vous cette vibration sur le dessus de votre main ? Entendez-vous ces petits bruits ? etc. » Cette technique de réassociation permet de stimuler le lien corps-esprit, tout en stimulant le cortex sensoriel proche du cortex moteur. La finalité est de ramener le patient dans son corps et dans l’instant quand il est isolé dans son monde intérieur. Pour M. J., le recadrage commence en s’adressant à lui au lieu de parler de lui, puis en dirigeant toute l’attention vers son corps et l’utilisation de ses sens par le tapotement. Ceci a permis à M. J. de « sortir de sa tête » et il a commencé à se réassocier et à réinvestir son corps. La stimulation des sens par augmentation du recrutement sensoriel a permis, en réassociant le corps à l’esprit, de favoriser la relation, il en a résulté plus de cohérence. Double choix orienté : par cette suggestion directe, on bascule du « on fait comme si » à « on fait pour de vrai ».

Les suggestions en hypnose améliorent les situations habituellement « bloquées » où beaucoup de professionnels pratiquent des soins dits de confort palliatif. Consultations d’hypnose fonctionnelle R ÉASSURANCE , TREMBLEMENTS ET MOUVEMENTS , INTRICATION DES SÉANCES Avec l’infirmier en consultation 1re séance : réassurance et tremblement Mme Y. est une jeune retraitée de 64 ans. Cette grande dame brune, coquette, était auparavant agent administratif et développe depuis peu un tremblement prédominant à gauche associé à des troubles de l’équilibre pour lesquels elle est suivie par un neurologue et prend de la Lévodopa. Elle consulte sur recommandation d’un ami et manifeste une appréhension mêlée de curiosité pour faire de l’hypnose. Elle explique ses difficultés et ce tremblement prédominant sur le membre supérieur gauche, elle



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L’hypnose fonctionnelle

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raconte que parfois les gens la regardent bizarrement à cause de sa démarche, puis très émue, elle relate les moqueries d’enfants qui l’interpellent en pensant qu’elle a bu. L’hypnopraticien remarque et elle-même constate qu’une émotion amplifie le tremblement. Elle attend de la séance de pouvoir mieux contrôler ses mouvements et mieux vivre avec « sa » maladie. L’hypnopraticien valide alors ce projet et recadre son propos en lui disant qu’il est important maintenant de mieux vivre avec « la » maladie (recadrage).

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’induction hypnotique se fait par focalisation visuelle sur une statue de chat qui lui plaît puis en dirigeant son attention vers ses cinq sens, elle remarque que sa respiration change, elle ferme les yeux... La voix de l’hypnopraticien l’accompagne pendant toute la séance comme « une voix bienfaisante, une voix connue d’un proche ou sa propre voix intérieure ». Elle ferme les yeux et choisit dans cette voix « seulement les mots ou phrases importantes et laisse passer tous les autres comme s’ils pouvaient passer à travers elle, sans la toucher... » (Reparentage) (Halfon Y., Michaux D., 2007). L’hypnopraticien lui fait repérer ensuite un endroit de son corps où elle « se sent bien ou un peu mieux et elle s’y installe comme dans un jardin secret... ». Elle découvre ce lieu à l’aide de ses sens, l’explore. En se rapprochant « d’un arbre, elle remarque une chenille colorée remuante sur l’écorce de l’arbre... Cet insecte très maladroit se soulève... semble prêt à tomber, se reprend puis finit par aller s’installer à l’abri dans un creux de l’arbre... la saison change, elle s’immobilise la luminosité diminue, l’automne avance et la chenille se transforme en chrysalide... immobile, protégée dans son cocon, l’hiver et le froid s’installent... elle se transforme mais ne peut s’en apercevoir... elle sent que quelque chose change profondément en elle et quelle va être sa surprise lorsque la lumière reviendra... les jours, les semaines passent et vous (marqueur de contexte) remarquez maintenant cette luminosité paisible et cette chaleur douce qui grandissent... la place vient à manquer et la chenille commence à bouger et sent cette chaleur se répandre agréablement dans son corps... la chrysalide se déchire, elle passe la tête et découvre ce magnifique jardin transformé, changé. Avec effort, elle dégage le haut du corps et observe ses nouveaux membres, prend un temps pour les sentir, les maîtriser ». (Métaphore) « Puis tout son corps sort du cocon, elle teste ses pattes, découvre ses ailes pour la première fois, fait plusieurs mouvements et dès qu’elle maîtrise, perçoit les exactes limites de ce nouveau corps, s’élance hors du creux et part découvrir le jardin dans les airs, de fleurs en fleurs, de parfums en couleurs, etc. » (PAVTOG) La fin de séance est consacrée aux suggestions post-hypnotiques : « aussitôt qu’elle en ressent le besoin, elle peut retrouver tous les bienfaits de la séance en faisant un geste ou en retrouvant sa manière de respirer dans cet endroit ». Puis l’hypnopraticien oriente Mme Y. vers un retour confortable en focalisant sur ses sensations et sa respiration. Mme Y. dit être surprise de ne sentir aucun tremblement et se sent détendue, l’hypnopraticien la complimente pour sa séance.



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2e et 3e séances : réassurance et mouvements hypnotiques, intrication des séances Mme Y. revient un mois après, elle se sent beaucoup plus décontractée, les tremblements sont atténués mais persistent plus le soir. Elle a repris la conduite et est fière d’être venue seule à la consultation. L’équilibre a progressé légèrement. Cette deuxième séance est différente et complémentaire : l’hypnopraticien lui demande de placer ses mains en miroir à la manière de E.L. Rossi (fig. 4.3), de fixer son attention sur cet espace et lui fait imaginer qu’elle tient entre ses mains tous les bienfaits qu’elle a ressentis lors de la première séance : « Faire confiance à ses mains qui vont bouger... et amplifier cette amélioration en transformant cet espace en jardin ou un lieu où elle se sent bien ». Elle ferme les yeux, utilise sa respiration, l’hypnopraticien utilise le « reparentage » qui recadre positivement la voix intérieure et elle part dans la neige dans un lieu connu où elle sera très étonnée d’avoir entendu le bruit de ses pas.

Figure 4.2. 3

L’hypnopraticien la félicite d’avoir repris la conduite et tout ce qu’elle a fait depuis la première consultation (ratification). Deux mois s’écoulent, Mme Y. rapporte une nette amélioration du tremblement et de l’équilibre. Elle revient de chez son neurologue qui reconnaît lui aussi la « métamorphose ». Le projet de la 3e séance est d’améliorer son équilibre car elle relate désormais des journées entières sans tremblements. La transe hypnotique commence à l’aide de ses mains en miroir dans un lieu enneigé : « elle marche et entend le bruit de ses pas dans la neige. Plus le bruit est important et plus il faut faire l’effort de lever les pieds, la neige est épaisse... elle aperçoit un arbre et va se mettre à l’abri sous ses branches, la neige est moins épaisse et n’entend presque plus le bruit de ses pas. La saison change, la neige disparaît progressivement, elle observe cet arbre le connaît-elle ? Dans l’écorce, elle remarque un creux, une chrysalide vide, elle se retourne la saison avance, il y a des papillons... » (métaphore filée)



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L’hypnose fonctionnelle

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En sortie d’hypnose, elle se sent bizarre, plus légère et de plus en plus « forte » à chaque séance. Elle se servira de ses mains en miroir (ancrage) pour faire de l’autohypnose quand elle en sent le besoin.

Points forts 





L’histoire personnelle du patient inspire l’hypnopraticien pour créer une transe hypnotique qui va faire « unicité » avec la personne. Les métaphores suggèrent le changement attendu, leurs contenus doivent être adaptés au patient. Elles sont thérapeutiques et, au cours des séances, elles se complètent et s’intriquent si possible (métaphore filée). Celle de la chenille/papillon paraît particulièrement adaptée au tremblement parkinsonien et permet aussi par sa modularité l’amélioration d’autres troubles au travers de la réassurance. Les personnes ayant une maladie chronique ont souvent « une petite voix » péjorative dans la tête qui les fait s’auto-déprécier. La technique du reparentage consiste à modifier ou transformer cette petite voix de façon à ce qu’elle devienne bienveillante. Les mains sont des membres moteurs, des organes de perceptions, de sensations mais aussi de création et d’apprentissage, elles sont donc utiles aux processus d’approfondissement et de focalisation hypnotique. Les mains sont un excellent outil pour enseigner l’autohypnose et « ancrer » une séance par le geste. Ces ancrages sont assez naturels et fréquents (Jacques Chirac avait un ancrage de sécurité : fréquemment lors de ses discours, il formait un cercle avec pouce et index et levait cette main...).

T ROUVER SA PLACE ET CONTINUER

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Avec le médecin en consultation M. R., 75 ans, consulte pour des cauchemars liés à un traitement expérimental qu’il prend dans le cadre d’une maladie de Parkinson, mais qu’il refuse d’arrêter de peur de l’aggravation de la maladie. Il a une atteinte cognitive avec un ralentissement psychomoteur dont il se plaint (MMSE à 20/30). C’est un patient anxieux, peu sûr de lui, qui vit avec une épouse très protectrice. Il travaillait comme cuisinier dans une grande entreprise. Il consulte de très nombreux neurologues et n’arrive pas à vivre avec sa maladie de Parkinson. C’est un patient très croyant, et il se raccroche souvent à la religion pour avancer. La 1re séance nécessite une induction avec une spirale des sens complète de plus de 10 minutes. Les inductions suivantes seront bien plus rapides. À la 4e séance, il peut faire seul son induction. La 1re séance est très orientée sur sa safe place et la légèreté des rêves concrétisée par le biais d’une lévitation du bras, pour travailler rapidement sur ses cauchemars. L’hypnopraticienne lui raconte le conte métaphorique du Roi et la Lune. Les cauchemars



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s’amendent rapidement, et les séances suivantes vont être axées sur l’acceptation de la pathologie et la confiance en lui : 

Il trouve rapidement un souvenir dont il est fier : un jour où il a été applaudi au travail pour son excellent repas lors d’un dîner important donné par la direction de son entreprise.



L’hypnopraticienne complète la safe place par une bulle de ressource.



Métaphore d’une église qui a été construite en plusieurs fois, à plusieurs époques différentes, dont chaque partie prise isolément n’est pas forcement jolie, mais dont l’ensemble est merveilleux, il va s’y recueillir un temps (signaling).



Métaphore d’un arbre qui a poussé le long de cette église et qui n’a pas poussé droit car il a été gêné par le mur de l’église, mais il a su se contorsionner pour continuer à pousser, à bourgeonner, et il est soutenu par l’église mais soutient également l’église. Il est fort et là depuis longtemps, magnifique dans sa non-perfection, et tellement nécessaire à son environnement. Il est stable bien que parfois tremblant dans le vent.

Chez ce patient, l’ancrage sur la croix qu’il porte autour du cou est très efficace.

Points forts 





Le conte métaphorique du Roi et la Lune (conte qui permet, entre autres, de promouvoir le changement), proposé dans le début de la prise en charge, est une première suggestion de changement mais aussi, dans ce contexte, de nuit douce et tranquille, ce qui permet de travailler sur les cauchemars. Les métaphores adaptées aux croyances du patient, ainsi que l’ancrage choisi en fonction des objets qu’il porte, d’autant plus intéressant qu’ils se rapportent à sa religion. L’arbre permet d’aborder de nombreux symptômes de la maladie de Parkinson : tremblements, force, asymétrie des branches (asymétrie des symptômes), mais aussi la nécessité et le rôle de M. R. dans son couple ainsi que l’intégration de sa maladie.

LOURDEUR PHYSIQUE ET RESPIRATION Avec l’infirmier en consultation Mme C. vient consulter pour des troubles de l’élocution et une rigidité musculaire. Elle est âgée de 77 ans, parfaitement adaptée et autonome, elle était auparavant auxiliaire de puériculture. Elle vit dans une grande ville et revient en vacances dans la région dans sa contrée natale. Ses centres d’intérêts sont urbains, elle adore les boutiques, sortir et voyager avec son mari. Elle parle de sa maladie de Parkinson



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comme d’un enchaînement fataliste après un premier mariage malheureux. Elle souhaiterait pouvoir vivre sans ce handicap, d’autant plus que son mari plus âgé est très dynamique. 1re consultation : se libérer d’un poids Elle souhaite améliorer prioritairement ce « poids » qu’elle a sur la poitrine et sentir ses membres plus souples. Elle parle à voix basse et a une respiration exclusivement abdominale, son élocution saccadée la rend difficilement compréhensible. La faire répéter augmente son stress et amplifie le symptôme. Elle perçoit une raideur musculaire accentuée le matin et elle ne peut parfois pas avancer, piétinant comme si son corps « ne répondait plus ». Elle ajoute « je suis toujours stressée, j’ai très peur de finir dans un fauteuil roulant ». L’hypnopraticien doit à ce moment ratifier la souffrance en reformulant les phrases de la personne : « Il est difficile d’avoir ces moments de stress, cela doit être éprouvant de vivre avec cette peur..., comment faites-vous pour tenir ? ». (Reformulation/ratification) Il la questionne sur ce qu’elle a tenté pour améliorer «ces » troubles : la kinésithérapie améliore la respiration et la raideur, mais l’effet ne dure que quelques heures. L’entretien préalable à la séance d’hypnose détermine comme projet commun de « respirer plus librement ».

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Une échelle de progrès est proposée afin qu’elle puisse mesurer les bienfaits futurs de la séance, ce qui est déjà une suggestion d’amélioration où 1 est le pire moment et 10 : elle respire librement comme elle le souhaite. Mme C. s’évalue entre 1 et 3. La transe hypnotique débute par focalisation visuelle qui est son canal sensoriel privilégié, la fermeture des yeux intervient rapidement, puis elle fixe son attention sur sa respiration qui peut être par moment « lourde ou légère, froide ou chaude » (confusion, approfondissement). L’hypnopraticien lui fait remarquer qu’elle peut entendre et sentir sa respiration qui devient dans son thorax comme une sorte de mouvement de « balancement ou bercement agréable intérieur » (double choix orienté). Elle suit ce mouvement agréable et ses muscles intercostaux se mettent à fonctionner. Au rythme de ce « balancement » l’hypnopraticien lui fait remarquer une partie de son corps où elle se sent au moins un peu mieux (ancrage corporel). Elle s’installe dans cette partie comme dans un lieu confortable, agréable, elle se retrouve au bord de la mer « où le vent fort marin souffle bruyamment dans les pins et elle inspire profondément cet air agréable. Chaque lieu à son propre parfum, et le bord de mer particulièrement... » (approfondissement et amplification des mouvements respiratoires). « Vous marchez le long de cette plage, les vagues sont fortes et freinent votre promenade, le sable humide colle à vos pieds plus lourds qui s’enfoncent dans le bord de plage (métaphore)... vous regardez plus loin et vous vous dirigez vers les pins, le sable devient sec ... vous marchez de plus en plus facilement et vous respirez profondément l’air iodé... un chemin apparaît entre les pins... il devient facile de se promener le long de la mer. Les vagues se calment au loin, elles sont fluides et régulières comme la respiration d’un enfant endormi... (utilisation passé professionnel). Chaque fois



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que vous en avez besoin, votre respiration devient comme cette vague capable de grandir... » (suggestion post-hypnotique). Mme C. est surprise de découvrir que le poids a disparu, sa voix est plus tonique et fluide. Elle se lève et appelle son mari d’une voix forte, ses jambes sont plus légères. L’hypnopraticien lui conseille en complément de consulter en orthophonie. Sur l’échelle de progrès établie précédemment, elle se situe à 7 en fin de séance, l’hypnopraticien la félicite chaleureusement. 2e séance : souffler Cinq mois après, Mme C. téléphone elle-même pour prendre rendez-vous, ce qui n’avait pas été le cas auparavant. Elle revient en consultation et rapporte une amélioration qui a duré 6 semaines puis une lente réapparition des troubles. Depuis la première séance, elle a un meilleur moral et une respiration plus fluide. Elle souhaite améliorer son élocution, elle a consulté un phoniatre récemment qui ne souhaite pas poursuivre le travail avec elle car elle n’arrive pas à souffler une bougie. L’hypnopraticien évoque l’échelle de progrès instaurée en première séance, elle se situe à 5 et confirme un mieux. La séance débute par un exercice de focalisation de l’attention visuelle sur ses mains (qui tremblent un peu) : en observant les mouvements, la température, le poids ou la légèreté de celles-ci. Puis l’hypnopraticien demande : « de fixer un détail sur une main intensément comme on regarde un petit point éloigné à l’horizon dont on veut identifier la forme, couleur, contour... remarquez en fixant attentivement ensuite comme ce point se déforme... se transforme... devient complétement flou comme si un nuage ou brouillard passait là devant vos yeux... accueillez et laissez-vous entourer par cet apaisant nuage... comme lorsqu’on est un peu dans la lune... jusqu’à ce que vos paupières se ferment complètement. » Mme C. tremble beaucoup, l’hypnopraticien lui demande d’observer cette légère vibration intérieure se répandre dans son corps et lui demande de la synchroniser avec sa respiration : « comme une vague qui arrive... un flux intérieur » (approfondissement, intrication des séances). L’hypnopraticien énonce alors tous les bénéfices de souplesse, élocution et respiration de la première séance, puis la transe débute : « C’est une petite rivière tortueuse, encombrée de branchages et d’obstacles à nettoyer, le bord est presque inaccessible, le flux est perturbé... En vous avançant prudemment, vous dégagez une branche puis une autre... (avec application elle va commencer ce travail)... les nuages qui couvrent le ciel viennent vous aider, grâce à la pluie, le vent, la tempête... la rivière devient alors torrent (la tête de Mme C. bouge et se redresse en accompagnant ces mouvements, l’hypnopraticien suggère plus de souplesse, confort)... le calme revient, la rivière s’écoule tranquillement vers le fleuve, puis jusqu’à la mer. La mer sous l’effet du soleil deviendra vapeur d’eau, nuages et pluie. » (métaphore du cycle de l’eau, processus de changement).



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En fin de consultation, Mme C. respire bien, elle souffle une bougie avec facilité et se situe à 8 sur son échelle de progrès. Son faciès est plus expressif et relâché. L’hypnopraticien lui propose de s’exercer en tenant ses mains « en miroir » pour faire de l’autohypnose en concentrant tout le bien-être dans l’espace entre ses deux mains (ancrage). 3e et 4e séances : syndromes extrapyramidaux Deux années passeront, Mme C. revient et rapporte une amélioration nette de l’élocution et de la motricité qui a duré six mois, puis les bienfaits se sont lentement atténués. Elle prétend ne jamais « être tombée aussi bas que deux ans auparavant ». Elle souhaite améliorer la déambulation, la parole, mais aussi des tics faciaux et du cou comme des grimaces qui deviennent très gênants. Elle a consulté son neurologue plusieurs fois pour cela depuis quatre mois mais les modifications thérapeutiques n’ont pas permis d’amélioration. Pendant cette consultation, l’hypnopraticien suggère un retour le long d’une rivière à désobstruer comme à la deuxième séance... la rivière se jette dans un grand fleuve puissant. Puis elle arrive à la plage de la première séance où elle découvre les changements de ce lieu : la plage, le vent, les vagues, le chemin... La séance lui permet de revenir à 8 sur son échelle préétablie.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Deux ans passeront encore et Mme C. respire mieux, elle explique que ses tics faciaux ont cessé pendant plus de six mois après la séance précédente, elle se sent « mieux dans sa peau, a plus envie de communiquer et marche plus droit ». Elle a fait son autohypose avec ses mains mais a désormais besoin d’aide parce que les tics faciaux sont à nouveau omniprésents. La rigidité a été améliorée par une augmentation de la thérapeutique mais reste gênante. Elle consulte un kinésithérapeute épisodiquement pour la marche et l’équilibre. L’hypnopraticien propose après induction hypnotique par focalisation sur les mains, un rappel des lieux et des bénéfices des trois premières séances. Puis il propose une transe régressive en âge : « Laissez revenir en arrière tous vos souvenirs, un peu comme si on passait un film à l’envers, votre mariage, vos anniversaires et événements importants... tout cela se rembobine en arrière, vous êtes à l’école avec vos camarades, vos mains deviennent plus petites, le porte-plume grand... l’odeur de la salle de classe, de la craie... puis la bobine du film devient floue... presque plus d’images, des sensations... » « Puis, vous percevez de manière floue des visages et reconnaissez des voix... vos bras se tendent vers ces visages et vous découvrez ces mains passant devant les yeux. » Beaucoup de mouvements oculaires apparaissent derrière les paupières fermées de Mme C. « Vous appelez et pour cela il a fallu gonfler les poumons, déformer le visage et laisser sortir ces sons... puis en écoutant, en reproduisant ces sons, ces mots... vous êtes parvenue à dire « papa », « maman » et à vous faire comprendre de mieux en mieux grâce à l’expérience... Puis de nouveaux mots, des phrases et sentez quels mots reviennent, les sourires et la joie de partager avec vos parents, vos proches... à force de



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volonté aussi, on peut aussi se servir de nos bras, apprendre à les maîtriser pour saisir, se redresser, s’asseoir et contrôler notre équilibre... il y a parfois des jouets colorés qui vous attirent et vous avez très envie de vous en rapprocher, de les regarder entre vos mains, les secouer, les mordre et de les posséder... par imitation et parfois avec aide, on apprend à sentir nos jambes tenir notre dos, notre corps... vos parents vous tiennent sous les bras pour avancer, puis on s’accroche à leurs mains pour se redresser. À cette époque, il faut penser, observer avant d’agir. À force de répétitions, de chutes, d’envie... vous vous lâchez et partez explorer le monde de plus en plus loin... tout cela se produit automatiquement désormais, c’est inscrit en vous. » (Régression en âge) Le retour de la transe « régressive » se fait alors dans l’autre sens et l’hypnopraticien encourage à en ramener tous les bénéfices dans l’instant. Cette séance a permis à Mme C. une atténuation notable des tics, un changement radical de faciès, une meilleure élocution et une amélioration de la marche. Elle se situe difficilement sur l’échelle de progrès et pense être un peu au-dessus de 8 car elle se sent bien différente. Un rappel de l’exercice d’autohypnose avec les mains lui sera proposé. À ce jour, Mme C. est plus autonome et ne « retombe jamais aussi bas » qu’avant la première consultation.

Points forts 





La construction d’échelles de progrès permet de mesurer les perceptions et l’amélioration ressentie par l’individu, voire de s’évaluer. C’est une réorientation future positive enseignée en thérapie brève orientée vers la solution. On peut se référer à l’enseignement de l’école de Palo Alto et au mouvement initié par S. de Shazer et I.K. Berg (de Shazer S., 1994 ; Berg I.K. et al., 1996). L’intrication d’hypnose et de thérapie brève solutionniste rend l’espoir et permet au patient de se réorienter vers un futur plus positif. Les inductions par fixation corporelle permettent de transformer positivement un symptôme : la personne tremble et l’hypnopraticien peut évoquer « une légère vibration intérieure... », la personne reste figée « pendant que vos mains restent immobiles une partie de vous commence à se détendre... », les mains descendent « plus vos mains se rapprochent de vos cuisses et plus vous explorez vos solutions internes... ». Ceci est une adaptation des techniques d’E.L. Rossi. Les métaphores proposées pendant la transe s’adaptent à l’expérience de vie et permettent une expérience positive, recadrante et réparatrice. Les métaphores sont comme une sorte de miroir en mouvement avec l’expérience de vie du patient. Les métaphores intriquées des trois premières séances sont particulièrement adaptées aux troubles moteurs et anxieux : revenir dans un lieu de « confort » calme l’anxiété, proposer d’expérimenter pendant l’hypnose stimule les zones motrices concernées et prépare au mouvement ou à la fonction ultérieure.

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L’hypnose fonctionnelle

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La régression en âge vers les apprentissages premiers : la motricité, les premiers mots et l’élocution parlent encore plus à Mme C. du fait de sa profession d’auxiliaire de puériculture. La régression est suivie d’une progression en âge, l’hypnopraticien « ramène » les expériences positives motrices, sensorielles et émotionnelles dans le présent.

A CCIDENT

VASCULAIRE CÉRÉBRAL

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Épidémiologie

Un accident vasculaire cérébral (AVC) est un déficit neurologique soudain d’origine vasculaire causé par un infarctus (80 % des AVC) ou une hémorragie (20 % des AVC) au niveau du cerveau. Les étiologies des AVC sont vastes : athérosclérose, dissection des troncs supra-aortiques, fibrillation auriculaire, valvulopathies, troubles de l’hémostase, maladie inflammatoire, etc. Ils sont parfois inexpliqués. Ils représentent la troisième cause de décès en France (la seconde dans le monde), ce qui fait qualifier les AVC par l’OMS de pandémie. Ils sont la première cause de handicap acquis et la seconde cause de pathologie démentielle après Alzheimer : la démence vasculaire. La moitié des AVC concerne des personnes de 65 à 84 ans, les autres quarts concernent des personnes de moins de 65 ans et d’au moins 85 ans.

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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Parmi les 70 % de survivants à un an après l’accident initial, 40 % ne récupèrent pas leur autonomie fonctionnelle. Clinique

L’AVC est une urgence médicale dont les symptômes varient en fonction de la localisation de l’atteinte cérébrale, de l’étendue de la lésion et de l’étiologie : céphalée brutale et intense, troubles de la vigilance, aphasie (difficulté à parler, énonciation de mots incompréhensibles), paralysie faciale, hémiplégie, hémiparésie, héminégligence, troubles de la vision, troubles de l’équilibre et/ou de la coordination, etc. Les séquelles fréquentes peuvent être à type de déficit moteur, cognitif, dépressif, douloureux ou de trouble de l’équilibre.



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Traitements actuels

Les traitements des AVC évoluent : initialement essentiellement médicamenteux, ils font maintenant appel à des techniques de pointe : thrombolyse, thrombectomie, dont l’objectif en phase aiguë est de limiter les séquelles. La prise en charge pluridisciplinaire reste une constante capitale et, en Unité neuro-vasculaire, les neurologues, les médecins de Médecine physique et réadaptation, les radiologues, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les ergothérapeutes, les psychologues, les aides-soignant(e)s, les infirmier(e)s et les assistant(e)s sociaux se regroupent autour du patient pour restaurer son autonomie et limiter les séquelles. N

Hypnose et AVC

En complément des spécialistes médicaux et paramédicaux, l’hypnose peut être initiée dès la prise en charge pour limiter le stress et l’anxiété. Les pompiers d’Alsace utilisent déjà ces techniques et ont commencé à partager leurs expériences afin de diffuser l’utilisation de l’hypnose dans ce contexte (Durrmann Y. et Colas-Nguyen C. http://double-lien.fr/2017/02/18/le-coin-des-medias). Comme nous l’avons vu précédemment, l’hypnose peut aussi trouver toute sa place dans la réadaptation fonctionnelle et même de manière ciblée lors de consultation à distance de l’AVC. Au moyen d’exemples cliniques à suivre, nous allons explorer les possibilités de l’hypnose à moyen et long terme après un AVC. Comment peut-elle aider à améliorer la récupération fonctionnelle et améliorer la qualité de vie des personnes victimes d’AVC ? Quel est le rôle de l’entourage dans la valorisation ? Hypnose conversationnelle à domicile TOILETTE À DOMICILE Avec l’infirmier à domicile Une toilette esthétique Mme V. a été victime d’un AVC ischémique huit ans auparavant qui lui laisse de nombreuses séquelles physiques, cognitives (démence vasculaire au stade sévère) et de locution. Cette ancienne agricultrice de 78 ans se déplace très difficilement avec l’aide de deux personnes et un déambulateur ou en fauteuil roulant. Elle vit seule avec son fils qui est un aidant ressource.



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Un passage quotidien infirmier couplé avec celui des auxiliaires de vie est instauré matin et soir pour des soins de nursing lourds, un pansement d’escarre de l’épaule, une mobilisation et une prévention des troubles de décubitus. Mme V. ne regarde personne au moment des soins, alors l’hypnopraticien tente quelques suggestions simples et directes lorsqu’elle est assise comme « Est-ce que vous pouvez tenir votre tête un peu plus haute ? » et elle réagit en se relevant et vient croiser le regard du soignant (captation du regard). L’hypnopraticien choisit d’arriver un peu avant les auxiliaires de vie (pour la plupart nouvelles dans leur métier ou en remplacement), de faire les soins et d’éviter certaines phrases parasites comme « il ne va pas vous faire mal... », « vous n’allez pas tomber, n’ayez pas peur... » ou « que cette plaie est profonde, ça ne guérira jamais... ». Chaque matin, l’hypnopraticien salue Mme V. en lui prenant la main et en la recouvrant de la sienne (ancrage fig. 4.2), puis en employant de nombreux truismes : « Il fait plus clair maintenant que les volets sont ouverts, le soleil va nous réchauffer, c’est agréable d’entendre les oiseaux chanter... ». (Yes-set) Aussitôt après ces affirmations, qui constituent une séquence d’acceptation utilisant le contexte, l’hypnopraticien cherche un nouvel acquiescement plus personnel pour la suite des soins : il se met dans son champ de vision et lui prend la main : « Êtes-vous d’accord pour vous lever ? », après approbation : « Souhaitez-vous aller faire la toilette à la salle de bain ? ». Elle répond des yeux le plus souvent ou par un « oui ».

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’hypnopraticien utilise ensuite la technique du saupoudrage « Vous allez vous asseoir sur le bord du lit... tranquillement, sentez vos pieds en contact sol, c’est très bien, sentez votre équilibre s’installer... ». Il pose une main en haut de son dos (ancrage rassurant), elle s’aide de ses bras en s’appuyant sur le lit, elle tient parfaitement l’équilibre. L’hypnopraticien lui donne la décision : « Dès que vous êtes prête, vous vous avancez légèrement vers l’avant pour vous lever » et elle se verticalise sans aide. L’hypnopraticien se met alors à côté de Mme V. au lieu de la pousser ou de la tirer et lui demande « de prendre tout son temps ». Lui enlever la pression du temps, la laisser marcher à son rythme permet à Mme V. d’avancer bien plus vite ! Rapidement, elle maîtrise son déambulateur quasiment seule et participe modestement à ses soins d’hygiène en s’essuyant le visage, le thorax. Elle est curieuse de son reflet dans le miroir au-dessus du lavabo et finit d’elle-même par faire l’effort de se tenir droite pour observer son image. Lors de la réfection du pansement, l’hypnopraticien suggère l’analgésie en parlant « d’eau qui nettoie, rafraîchit, apaise... » (ratification, saupoudrage). Mme V. apprécie l’application de crème sur son visage et ses mains, le parfum aussi éveille ses sens (ancrage). Ses auxiliaires de vie excellent dans ce rôle et on sent ce plaisir partagé de « féminité » et d’amplification sensorielle, se traduisant concrètement par de nombreux sourires illuminant son visage et « merci ». En accompagnant de manière bienveillante Mme V. à son salon, il suffit de parler en présupposant les mouvements de ses mains et de ses jambes (prédiction autoréalisante). Son fils l’observe marcher, l’encourage et la félicite, ce qui lui apporte une



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énergie supplémentaire pour avancer. Elle énonce quelques phrases pertinentes circonstancielles lorsque son fils dit des plaisanteries et en est particulièrement heureuse. Elle parvient à changer de place dans son lit et son escarre de l’épaule guérit en quelques semaines.

Points forts 





Le soin est d’abord une rencontre, c’est soigner en faisant éprouver les sens (PAVTOG) dont l’équilibre, ce qui aide la personne à sortir de son retranchement et l’incite à communiquer. La mise en mouvement de Mme V. en quelques semaines a permis de lui faire reprendre contact avec l’extérieur, de s’ouvrir et de s’améliorer dans sa communication. Lorsqu’un hypnopraticien s’adresse directement à la personne (au lieu de parler d’elle) et prend le temps d’expliquer le déroulé des soins, cela valorise l’individu et lui rend du pouvoir. Un des moyens est de permettre à la personne de décider en faisant un geste ou un mouvement signalant qu’elle est prête à se lever. L’hypnopraticien demande l’autorisation et se met à l’écoute du patient, au final celui-ci devient décideur de ses mouvements, prend conscience de son équilibre et évite l’appréhension qui oblige le soignant à agir de manière désynchronisée avec elle ou à agir en force si le patient n’a pas eu le temps de percevoir son équilibre. Les soins esthétiques sont d’importants catalyseurs d’émotion, en stimulant probablement des souvenirs sensoriels et évidemment sensorimoteurs. Ils permettent d’améliorer l’image corporelle et peuvent aussi agir comme un « ancrage » de plaisir en fin de soin. Le miroir permet de s’observer, se reconnaître pour donner la meilleure image de soi. Ces soins esthétiques, trop souvent négligés, améliorent l’image corporelle par le ressenti et le plaisir sensoriel.

O N DÉMARRE M. B. est mécanicien retraité et passionné d’automobile, il a eu un AVC ischémique à l’âge de 68 ans deux ans auparavant et a développé un syndrome extrapyramidal post-AVC à type de tremblements à droite. Il est hémiplégique gauche, très lent, spastique et douloureux de ce côté. Il communique verbalement lentement mais en toute cohérence. Des médications spécifiques tentent de le soulager. Son épouse s’occupait de ses soins jusque-là, mais épuisée, elle passe le relai aux infirmiers pour l’aide à la toilette et l’habillage du matin. Dans un premier temps, le passage infirmier est bi-hebdomadaire puis rapidement quotidien. Le matin, M. B. attend dans un fauteuil de son salon, les quinze mètres le séparant de la salle de bain peuvent prendre dix minutes juste pour l’aller. Le temps de mobilisation durant ses soins est très long.



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L’hypnose fonctionnelle

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L’hypnopraticien vient à sa rencontre dans le salon et lui parle en l’aidant à se lever : « La marche c’est un peu comme une voiture, on met la clef dans le contact et on démarre ! Une fois la clef tournée, l’électricité de la batterie est mobilisée pour mettre en marche le démarreur. Comme quand vous décidez de marcher dans votre tête et que vous sentez alors l’énergie dans vos jambes. Le démarreur envoie l’énergie à l’allumage qui met en marche les pistons de haut en bas. Comme vos jambes qui se soulèvent automatiquement comme une mécanique bien huilée... très bien continuez comme ça... ». Ceci tout en avançant de plus en plus rapidement. « Les pistons mettent en marche l’arbre à cames... tout cela fonctionne parfaitement, la mécanique est bien huilée, la boîte de vitesse reçoit alors l’énergie et met en marche les cardans... qui mettent en marche les roues et la voiture avance de plus en plus rapidement... » (saupoudrage, répétition mentale, métaphore). Il atteint la salle de bain en moins de deux minutes, M. B. ne s’est aperçu de rien, il est focalisé sur la mécanique et explique à l’hypnopraticien qu’un véhicule ne fonctionne pas tout à fait comme cela... Durant la toilette, il parle de ses vielles tractions et autres modèles bien connus de la marque. Au moment de s’essuyer le torse et le visage, l’hypnopraticien met une serviette dans ses mains, ses deux bras se soulèvent en même temps et il s’essuie. Très surpris luimême, l’hypnopraticien le félicite sur sa capacité de récupération et affirme que sa récupération va continuer (projection dans le futur) en utilisant chaque progrès au quotidien, « les choses qui s’usent sont celles dont on ne se sert pas comme une voiture qu’on ne ferait jamais rouler ».

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Après quelques variantes de cette transe conversationnelle, il suffit de dire, au moment des soins, à M. B. : « On démarre ! » (ancrage verbal) et il se lève en utilisant ses deux bras, marche plus rapidement, participe à la toilette et finalement les soins infirmiers sont revenus à un passage bi-hebdomadaire.

Points forts 



L’utilisation des centres d’intérêts professionnels ou passionnels permettent une focalisation de l’attention. Pendant ce temps, l’hypnopraticien n’a plus qu’à insister sur certains mots en relation avec le mouvement ou l’objectif souhaité. L’ancrage est là encore indispensable : deux mots choisis suffisent pour en faire émerger tous les bienfaits. Répétition mentale : « marche, en marche » cette technique de saturation et de répétition d’un mot ou d’une phrase allant dans le sens de l’action réalisée par le patient ou de son projet stimule et active.



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E N COLÈRE ! La colère atténue le raisonnement en bloquant la communication avec les lobes préfrontaux et c’est l’amygdale qui va diriger. Cela ressemble à de « l’hypnose négative », le cerveau fonctionne comme dans un mode réflexe où la personne, dans une sorte de transe, réagit aux suggestions qui vont dans son sens. M. A. est un ancien maçon, il est âgé d’un peu plus de 60 ans lorsqu’il est victime d’un AVC hémorragique massif. Il sera opéré en neurochirurgie d’un volumineux hématome intra-parenchymateux de l’hémisphère droite. De longs mois passeront et M. A. reviendra au domicile, dans un premier temps en permission les fins de semaine, puis son épouse cessera de travailler pour s’occuper de lui et il rentrera définitivement chez lui. Il est hémiplégique gauche avec un lymphœdème de l’hémicorps. Depuis l’accident il s’exprime en italien, sa langue natale, avec quelques jurons de français circonstanciés qui surviennent fréquemment. Les soins infirmiers durent depuis huit ans, les premiers temps au domicile sont paisibles et une légère récupération fonctionnelle survient. Après la toilette, l’hypnopraticien plaçait quelques « saupoudrages » de souplesse, confort et analgésie, et il était convenu chaque jour de marcher de la chambre au salon. M. et Mme A. emménagent dans un logement de plain-pied, ce qui permet à M. A. de sortir en fauteuil roulant devant chez lui. Quelques années plus tard, des tensions apparaissent. M. A. devient exigeant envers sa femme et celle-ci lui reproche sa conduite les années précédant l’AVC où il n’avait pas tenu compte des recommandations médicales ni de celles qu’elle lui avait prodiguées. Elle lui reproche de lui avoir fait abandonner son travail et sa vie sociale, des altercations surgissent : « on va te laisser dans la chambre, ça me fera des vacances... tu n’es pas capable de marcher, je vais t’envoyer en maison de retraite, etc. » M. A. est révolté et rejette les professionnels du soin qui lui font mal à la mobilisation. Il refuse souvent la kinésithérapie et une rétraction totale de son bras gauche survient aggravant les douleurs, la déambulation devient compliquée et douloureuse. L’hypnopraticien dit discrètement à M. A. : « Vous n’allez pas donner raison à votre épouse ! Vous êtes capable de marcher... » (alliance), ce qui accroît sa motivation ; et Mme A. surenchérit : « Tu n’y arriveras pas, tu n’es qu’un bon à rien... », alors de rage il se lève, saisit sa canne et met une force incroyable à marcher, refusant même de faire une pause. L’hypnopraticien l’encourage là encore avec des suggestions de souplesse : « À chaque pas, tranquillement, vous laissez passer un pied devant l’autre... sentez comme vos muscles deviennent de plus en plus souples à chaque mouvement... plus vous avancez et plus vous sentez vos muscles détendus, continuez, c’est très bien... ». M. A. se conforme aux recommandations du soignant alors que Mme A. hurle « tu es un pantin, tu n’y arriveras pas... ». Une fois au salon, l’hypnopraticien félicite M. A. et celui-ci jure en français et rit avec un geste de victoire, Mme rit aussi !



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Points forts Cet exemple met en lumière la difficulté de l’aidant familial qui s’épuise au quotidien dans la longueur et la nécessité d’apporter un soutien extérieur. 



L’hypnopraticien utilise le contexte douloureux en conservant un discours bienveillant auprès du couple. La reprise de mobilité du patient atténue la souffrance du patient, réduit l’œdème et calme aussi ponctuellement les tensions. L’alliance thérapeutique est fondée sur la colère qui devient une énergie, une force si prodigieuse qu’elle permet de retrouver la motricité.

Consultations d’hypnose fonctionnelle L A MOTRICITÉ PAR LA CHASSE Avec l’infirmier en cabinet M. T. est retraité de l’industrie, il est âgé de 73 ans, veuf depuis trois ans. Il a été victime d’un AVC ischémique il y a dix mois qui l’a laissé hémiplégique gauche. Il a passé cinq mois en centre de rééducation où il a appris à se débrouiller avec son handicap car il a eu peu de récupération motrice et est resté douloureux. Il marche en fauchant avec une canne trépied, son bras gauche est en écharpe et il se déplace péniblement. C’est une personne très volontaire qui se dépense quotidiennement en marchant malgré le handicap, il aime se retrouver dans la nature et est passionné par la chasse. Il choisit de vivre seul avec son chien alors qu’il pourrait vivre chez ses enfants.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1re consultation La première évaluation met en évidence une motricité conservée de la hanche gauche et une sensibilité conservée de la jambe ; la mobilité du membre supérieur gauche ne concerne que l’épaule, la sensibilité est diffuse jusqu’au milieu de la main et très atténuée sur les doigts (recadrage). M. T. perçoit son côté gauche « beaucoup plus lourd comme si c’était froid ». L’induction hypnotique commence par une focalisation visuelle sur un point de sa main droite. Ce point de fixation « se déforme et fait émerger comme un petit brouillard qui cache un souvenir... ». L’hypnopraticien lui suggère de laisser passer les années jusqu’à l’enfance en insistant sur les moments marquants de sa vie, issus du récit qu’il en a fait en début de consultation. « Vous regardez maintenant vos mains, plus petites, plus lisses... Vous êtes assis devant une table sur une grande chaise et vos pieds n’atteignent pas le sol, vous les laissez se balancer d’avant en arrière et c’est amusant... sur la table, des feuilles à votre disposition et des crayons de couleur... vous saisissez ce grand et beau crayon, il est lourd et ne va pas toujours où vous voulez, alors vous ralentissez... très bien... vous vous appliquez maintenant (répétition mentale) sans déborder de la feuille... des ronds, des traits, des formes apparaissent... vous changez de couleur, de main et vous



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continuez et prenez plaisir une fois fini à montrer votre dessin (...). » M. T a le regard fixe et ferme les yeux par moment. « Vos mains grandissent vous retrouvez maintenant votre école, vos camarades, votre maître ou maîtresse préféré(e)... vous prêtez attention à l’odeur de la salle de la classe, du bois, de la craie et vous êtes confortablement maintenant installé sur cette chaise... vos pieds se balancent facilement (saupoudrage) sous la chaise et vous sentez parfois vos chaussures heurter le sol, vos mains vont se poser sur votre cahier... vous l’ouvrez et comme à l’habitude... automatiquement... comme vos camarades, vous prenez entre vos doigts ce stylo plume... il paraît grand... lourd pour votre main encore petite qui fait l’effort maintenant de tracer avec application les lettres de votre prénom. Ce « M » majuscule d’abord, la boucle puis vous remontez jusqu’à la troisième interligne (...) et vous êtes surpris le stylo plume se réchauffe entre vos doigts et glisse légèrement sur le cahier (réification, métaphore)... maintenant votre main gauche instinctivement vous aide et participe à l’ouvrage en maintenant votre cahier... et parfois votre esprit s’échappe vous entendez votre professeur sans écouter ou bien en l’écoutant sans vraiment l’entendre (confusion et approfondissement). » La fermeture des yeux est plus longue. « Vous êtes maintenant dans une nouvelle classe, vous réussissez à la perfection votre exercice, votre stylo plume devient plus léger à mesure qu’il se réchauffe et vos doigts sont maintenant plus habiles et vous écrivez facilement les mots dictés par votre professeur automatiquement et vous n’avez plus besoin de penser aux interlignes, votre main gauche se place au bon endroit pour parfaire le travail de main droite. Vos pensées s’inscrivent maintenant facilement en signes, en mots, en phrases et vos mains grandissent, apprennent et deviennent encore plus habiles (...). Et parfois le temps paraît long... votre regard se perd facilement dans le vide... et vous rêvez en classe. » (...) « Le professeur interroge la classe, vous sortez de ce rêve (ouverture des yeux), vous êtes dans une grande classe, vos pieds maintenant touchent le sol, vos mains sont grandes et votre regard est bien plus haut que la table. Vos camarades lèvent la main, vous savez la réponse et levez la vôtre bien haut pour qu’on vous remarque. Vous sentez la joie intérieure de donner la solution (souvenir de fierté). Vous ramenez maintenant tout ce bien-être dans vos mains et aussitôt que vous en aurez besoin, vous retrouverez d’un geste, d’une image tout le confort que vous éprouvez maintenant pour tous les instants qui vont suivre l’ouverture de vos yeux. » (Ancrage, suggestion post-hypnotique)



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L’hypnose fonctionnelle

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Points forts 





En faisant un état des lieux de la motricité, l’hypnopraticien recadre sur ce qui fonctionne au lieu de pointer les dysfonctionnements, Tout au long de la séance, la répétition du mot « maintenant/ main tenant » permet de faire tenir en suspens sa main (catalepsie). L’hypnopraticien l’utilise aussi comme une suggestion directe pour stimuler une fonction de la main. La transe régressive vers l’apprentissage de l’écriture stimule l’apprentissage, la mémoire procédurale et praxique d’autant plus fort en y ajoutant du ressenti et de l’émotionnel. Une progression « valorisante » de l’individu dans le temps ramène ensuite les bienfaits éprouvés par la personne jusqu’à l’instant présent. Symboliquement, les mains qui « grandissent » au cours de la séance ramènent de précieuses informations car ce sont les principaux « organes » sensori-moteurs de perception, d’apprentissage et de création. C’est une expérimentation à la fois motrice et émotionnelle à visée thérapeutique.

2e consultation

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Trois semaines plus tard, M. T. va mieux, il bouge son genou et les douleurs s’atténuent dans sa jambe gauche. Son pouce et son index gauches sont plus souples, il marche plus loin avec le kinésithérapeute et fait de nouveaux exercices depuis qu’il bouge le genou. Il remarque par contre plus de sensations douloureuses dans son bras gauche. Il souhaite pendant cette séance améliorer aussi son équilibre. La transe hypnotique débute par fixation corporelle sur sa main droite, tout en énumérant les bénéfices et les nouvelles actions qui découlent de la première consultation. L’hypnopraticien focalise l’attention de M. T. sur sa respiration « lourde/légère et froide/chaude » (recadrage) à l’inspiration et à l’expiration. L’attention est portée sur ce court instant entre les deux temps respiratoires où il ne se passe « rien... comme un point d’équilibre ni chaud ni froid, ni lourd ni léger où tout est calme. Un moment de bien-être intérieur, un équilibre parfait... comme les balances romaines dont vos bras soupèsent les plateaux » (suggestion indirecte, métaphore). L’hypnopraticien demande à M. T. de lui faire comprendre lorsque ce « point d’équilibre » s’installe d’un geste : M. T. bouge la tête (signaling), l’équilibre s’installe dans le haut du thorax. M. T. ouvre et ferme ses yeux pendant la transe hypnotique ou garde le regard fixe. Ce « point d’équilibre » se transforme en lieu et devient un matin d’automne juste avant de partir à la chasse, il ressent de l’impatience, de la joie. M. T. prépare son matériel et sa voiture. « Vous conduisez en songeant à cette journée qui se prépare, vos pieds se dirigent instinctivement vers les pédales, vos mains passent les vitesses et tournent le volant automatiquement et vous êtes surpris d’être déjà au point de rencontre en forêt (...). Vous marchez l’air est vif et ramène des odeurs de sous-bois et de champignons, les



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couleurs des arbres sont changeantes à cette saison... les chiens aboient... vous observez tout en avançant avec précaution en enjambant branches et obstacles (PAVTOG)... les chiens se rapprochent et vous préparez votre fusil. Vous regardez un copain (mot du patient), épaulez... il tient fermement son fusil ajuste la crosse à son épaule, la main gauche tient le canon et l’index droit sur la gâchette, sa tête bouge, il tire... manqué (stimulation des neurones miroirs). L’animal se rapproche de vous, vous vous tenez prêt à votre poste, vous prenez automatiquement le canon métallique du fusil dans votre main gauche, la crosse vient contre votre épaule droite qui instinctivement se prépare à recevoir le recul du fusil et installe une sorte de protection contre votre épaule, vous fermez un œil, votre regard guide vos mains, vos bras se tiennent prêts à tenir fermement le fusil... l’animal est là pour vous et vous tirez (...) » (stimulation mémoire procédurale). « Vous êtes heureux, les amis sont là autour de vous, l’animal est beau, contre cet arbre à l’abri, protégé du froid, vous sentez son écorce, sa rugosité, sa température, sa texture et vous devinez sous vos doigts les reliefs de ce tronc et certains arbres ont une odeur (...) » (amplification sensorielle tactile). La journée se termine. M. T. rentre chez lui en conduisant tranquillement, ses membres sont froids, lourds et engourdis par une journée de chasse dans la fraîcheur de l’automne : « Vous posez vos vêtements froids et allez au-dessus d’un radiateur ou près de la cheminée, ...vous sentez cette chaleur tout doucement revenir sous forme de picotement presque douloureux dans vos mains, vos pieds après une journée dans le froid... vous pensez aux plaisirs partagés de cette journée... les sensations de chaleur et de souplesse remontent le long d’un doigt, un deuxième, puis toute la main, le bras... dans un orteil, un deuxième puis la chaleur, la légèreté revient dans tout le pied, toute la jambe... c’est agréable de sentir tout son corps réchauffé, léger (truisme)... chaque fois que vous en éprouverez le besoin, vous retrouverez cette sensation précieuse d’un geste comme cette grande respiration » (ancrage et suggestions post-hypnotiques). L’hypnopraticien lui conseille d’enlever l’écharpe de son bras lorsqu’il est assis, puis de chercher à ressentir des objets variés dans sa main gauche les yeux fermés ou ouverts, en étant très attentif aux sensations de température, textures et formes. L’hypnopraticien lui suggère qu’il teste son équilibre debout aussi sans écharpe avec le kinésithérapeute. La métaphore de la chasse est particulièrement adaptée à M. T. qui éprouve un réel plaisir pendant la transe, il rentre facilement dans l’expérimentation fonctionnelle hypnotique. Consultations suivantes Un mois après, M. T. bouge toute sa jambe gauche jusqu’aux orteils, il sort de chez lui seul et progresse en kinésithérapie, l’équilibre est meilleur. Les douleurs sont par contre plus présentes dans son bras. Il va voir des voisins seul et a pour objectif d’aller chez son fils à pied, soit environ un kilomètre de marche aller-retour sur un parcours dénivelé.



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Pendant les quatre consultations suivantes, la chasse et la métaphore d’une rivière devenant le symbole de son bras seront utilisées. La consolidation des acquis et l’amplification des sensations de son bras seront les thèmes en filigrane dans l’intrication des séances. M. T. revient à la chasse en suivant son chien, il découvre une rivière et un pont : travail sur la symétrie et l’image corporelle : « Vous vous arrêtez au milieu de ce pont et entendez ce flux : les variations du bruit de l’eau... des feuilles flottent sur l’eau comme des petits bateaux. Vous observez votre reflet, il est ridé, déformé par les mouvements de l’eau... l’image devient plus précise l’eau se calme comme votre respiration tranquille maintenant. Vous bougez votre bras droit qui est votre bras gauche dans le reflet, puis vous bougez votre bras (suggestion directe) gauche qui est votre bras droit dans l’eau » (confusion). L’hypnopraticien valide les mouvements de son bras droit vers le haut (lévitation), la même expérience hypnotique est reprise avec les jambes.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Vous êtes maintenant dans le reflet et vous vous regardez attentivement sur le pont au-dessus de vous bouger le bras. Vous allez maintenant faire l’expérience étrange... vous le reflet... de faire bouger le bras de M. T. ... vous bougez le bras droit et son bras gauche répond, vous bougez la jambe gauche et sa jambe droite remue etc. Vous découvrez maintenant du côté droit ce que vous ressentez de lourd et froid à gauche, juste éprouver cette étrange sensation... puis sentir à gauche ce confort, cette liberté de mouvement, ce bras qui se soulève... (Des mouvements involontaires apparaissent dans le bras et le poignet gauche). Votre reflet fusionne avec vous... et vous rentrez vous réchauffer » (confusion et technique de symétrie). Les séances suivantes utiliseront le chien de chasse comme messager qui explore la rivière, métaphore du bras et de la main. M. T. en améliorera le flux en nettoyant les obstacles rencontrés sur celle-ci : le flux en sera plus libre, fort. Le chien sera utilisé comme celui qui teste avant M. T. afin de stimuler les neurones miroirs, de plus le « tutoiement » du chien permet de placer d’utiles suggestions et permet une sorte de reparentage en changeant de tonalité avec le « tu » : « Tu es un bon chien... tu cours bien... tu es gentil rapporte le bâton... tu as passé l’obstacle c’est bien ! ... » . L’exploration de la rivière avançant, le bras de M. T. devint moins douloureux et mobile jusqu’au coude. En transe, il bougera sa main mais pas les doigts, mais il ne le reproduira pas en dehors de la transe. M. T. a gagné en autonomie, il est parvenu à son objectif de se rendre seul chez son fils à pied. Il fait les exercices préconisés par l’hypnopraticien, particulièrement celui de bouger et toucher ses membres devant un miroir. Son équilibre est amélioré, sa jambe fonctionne dès la deuxième consultation. Il récupère une flexion incomplète de l’avant-bras, plus lente. Le bras devient plus confortable. Son moral est bien meilleur avec la reprise d’une vie sociale dans son voisinage.



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Points forts 





La fixation visuelle sur une main pour induire la transe hypnotique agit comme une sorte de « boucle corporelle » : l’hypnopraticien fait éprouver les bienfaits acquis et attendus par le consultant sur cette partie du corps en le liant avec le ressenti corporel : « découvrez cette même légèreté sur votre main lorsque votre thorax s’abaisse ...doucement » ou encore « plus votre main devient lourde, s’abaisse, ... et plus vos paupières se ferment confortablement », etc. Les mains sont surreprésentées au niveau moteur et sensitif dans le cerveau sur l’homonculus. Découvrir sur une main la sensorialité du corps est stimulant pour le cerveau et permet probablement de travailler la neuroplasticité. La réification hypnotique du symptôme à la fois de l’équilibre et des sensations de M. T. « lourd et froid » permet d’éveiller l’inverse au moyen d’une expérience connue. Nous supposons que la stimulation des neurones miroirs en transe hypnotique est possible. Elle suit un ordre bien établi : M. T. voit d’abord son camarade lever la main, l’autre chasseur épauler et tirer en premier. L’hypnopraticien accentue et détaille chaque geste pour en augmenter le ressenti. Le principe reste le même en utilisant l’animal de compagnie qui réussit certaines actions.

L’expérience de symétrie, comme une application hypnotique de la thérapie miroir par le moyen du reflet, stimule, confusionne et recompose le schéma cérébral du patient en sollicitant la latéralisation et l’expérience sensorielle. L’exercice proposé face au miroir à M. T. (bouger ou imaginer bouger ses membres, être attentif à son ressenti et son équilibre) prolonge la séance, cela permet une assimilation sous une forme d’autohypnose motrice. 



M. T. utilise ses progrès et les convertit en actions : de nouveaux exercices en kinésithérapie, sortir seul, aller chez ses voisins et finalement chez son fils. L’utilisation permet de convertir les progrès en acquis.

U N VÉLO POUR L’ ESCALIER Avec l’infirmier en cabinet M. E. a 65 ans, il est artisan retraité. Des suites d’une pathologie rythmique cardiaque, il a eu un AVC ischémique neuf mois auparavant, il a passé quatre mois en réadaptation fonctionnelle où il a récupéré la parole mais pas son côté gauche hémiplégique. Ses fonctions cognitives sont conservées malgré un ralentissement. Il aime la nature, les animaux, le vélo et aimait travailler le bois. Il vit avec son épouse qui l’aide pour les actes de la vie quotidienne. Suite à de nombreuses chutes dont celle le jour de l’AVC, il a peur de tomber et est « paralysé » dès qu’il voit une marche ou un obstacle : il se met à trembler, à avoir des sueurs importantes et s’accroche à tout ce qu’il trouve. La consultation en hypnose commence par un « état des lieux » de la motricité et de la sensibilité des membres aux moyens de petits jeux d’affiliation avec des objets de



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L’hypnose fonctionnelle

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différentes densités : en mousse (légère, déformable, température neutre), en bois (poids modéré, rigide) et en métal (rigide, lourd et froid). L’hypnopraticien intensifie l’attention de M. E. sur la composante lourde, légère, la texture de l’objet présenté et il remarquera avec surprise qu’il sent la texture des objets jusqu’à la moitié du pouce, cette texture est plus évidente lorsqu’elle est légère et molle et la température neutre mieux ressentie (recadrage). L’hypnopraticien propose à M. E. de partir en transe dans un lieu où il se sent en parfaite sécurité, il choisit une cabane proche de ses collines (safe place). M. E. garde la plupart du temps le regard fixe pendant la séance et ferme les yeux ponctuellement. « Regardez le paysage qui s’offre à vous devant la cabane, la végétation, l’horizon, le ciel et ces deux nuages un peu bizarres qui se rapprochent... ils dessinent deux cercles comme deux roues, un cadre, un vélo... un beau vélo comme celui offert à vos enfants ! Vous vous souvenez lorsque vous avez appris à vos enfants à faire du vélo... il leur a fallu des roulettes, leur montrer comment faire avancer le vélo en mettant les pieds sur les pédales, les aider à diriger avec le guidon, leur enseigner la prudence... puis à force d’expériences, vint le moment d’enlever les roulettes... vous avez su les aider, les lâcher, trouver les attitudes et les mots utiles pour les encourager, les soigner lorsqu’ils sont tombés... leur permettant ainsi de faire un nouvel essai qui ne présage pas de l’échec du précédent, les féliciter à chaque essai indépendant de tous les autres... chaque fois une nouvelle tentative... souvenez-vous de votre propre expérience sur votre vélo, le plaisir ressenti, le vent... » (métaphore). M. E. revient ensuite sur les pentes de sa colline pour en ramener toutes les « agréables sensations de sécurité au moyen d’un geste ou d’une image précieuse », il sert son poing droit (ancrage).

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L’hypnopraticien lui conseille de faire des exercices debout devant un miroir : mouvements symétriques lents, tapotement de son côté hémiplégique, puis de ressentir la modification de son centre d’équilibre lorsqu’il tient un objet en main (droite ou gauche), ceci deux fois par jour. L’hypnopraticien l’incite aussi à monter et descendre l’escalier avec son kinésithérapeute et à utiliser le vélo d’appartement qu’il possède. En sortant de consultation, M. E. teste avec l’hypnopraticien la montée et la descente d’un escalier. M. E. est très crispé dans un premier temps, puis il fixe un point devant lui, serre plus fort son poing droit sur sa canne et monte et descend sans aide.

Points forts La safe place permet de stimuler une expérience métaphorique dans un contexte « protégé », presque comme le mode sans échec de nos ordinateurs. M. E. s’implique dans une activité qu’il aime et cela permet une première amélioration fonctionnelle.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Les progrès durent à condition de les utiliser, une autre séance couplée à de la kinésithérapie allant dans le même sens va permettre de conforter les premiers progrès remarqués.

É QUILIBRE

ET SYNDROME DE DÉSADAPTATION PSYCHOMOTRICE N

Épidémiologie, clinique et prise en charge

L’équilibre est un système complexe dynamique qui nécessite la coordination du système musculo-squelettique, du système nerveux central (informations efférentes pour la motricité et afférentes pour la sensorialité, corrections par le cervelet, etc.), de l’oreille interne, de réflexes, etc. Il peut donc être affecté à de multiples niveaux et dans de nombreuses pathologies, dont les AVC et les syndromes parkinsoniens. En gériatrie, un trouble de l’équilibre est fréquent : le syndrome de désadaptation psychomotrice (SDPM), anciennement appelé syndrome de régression psychomotrice ou communément syndrome post-chute. Ce syndrome est lié à : « une décompensation posturale et motrice secondaire à une altération de la programmation posturo-motrice en relation avec un dysfonctionnement des structures sous-cortico-frontales ». Il associe « une rétropulsion, marche à petits pas glissés, des troubles de l’initiation, une akinésie, une hypertonie oppositionnelle, une diminution des réactions d’ajustement postural anticipées, une phobie de la marche voire de l’orthostatisme (forme aiguë) ou une bradyphrénie, une aboulie et une démotivation (forme chronique). » (Manckoundia P. et al., 2014)

Les facteurs qui prédisposent à l’apparition de ce syndrome sont fréquents chez le sujet âgé (syndromes parkinsoniens, maladie à corps de Lewy, dégénérescences multisystémiques, atteintes vasculaires, hydrocéphalie à pression normale, dépression, néoplasies et infections cérébrales). Néanmoins, ils ne se suffisent pas à eux seuls, et il faut que s’ajoute un facteur précipitant pour provoquer le SDPM, tel qu’une chute, un alitement mais aussi des pathologies aiguës (fièvre, troubles métaboliques, hypotension, insuffisance cardiaque...) et des médicaments (benzodiazépine, antipsychotique...) (Manckoundia P. et al., 2014). Ainsi survient une perturbation voire un arrêt des automatismes concernant la marche et le maintien dans l’espace. À cela s’ajoute une composante psychologique à type de choc émotionnel et de perte de confiance en soi.



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L’hypnose fonctionnelle

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Ce syndrome qui apparaît chez 15 à 20 % des patients victimes d’une chute concernerait jusqu’à un tiers des admissions des personnes âgées à l’hôpital (Morisod J. et al., 2007). C’est une urgence gériatrique qui nécessite une prise en charge rapide sinon les risques de décompensation en cascade et de perte d’autonomie sont majeurs. Sa prise en charge fait appel, une fois de plus, à la pluridisciplinarité : infirmiers, aides-soignants, médecins, ergothérapeutes, kinésithérapeutes et psychologues, sont nécessaires à la récupération des automatismes d’équilibre, de marche mais aussi de confiance en soi. Le traitement passe par la prise en charge des facteurs précipitants, par la rééducation par le biais d’un travail sur l’équilibre, la marche, la mobilisation des schémas moteurs, l’apprentissage du « relever du sol », l’adaptation de l’environnement et par un soutien psychologique pour le maintien de la motivation en surveillant l’apparition des phobies de la marche (Manckoundia P. et al., 2014). Bien que peu étudiée dans ce contexte, l’hypnose a toute sa place dans cette indication quotidienne de la gériatrie. Nous allons proposer trois approches cliniques sensiblement différentes, mais les bases sont celles de l’hypnose que nous avons développées dans les chapitres précédents. N

Percevoir pour s’équilibrer

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Sans aller jusqu’au SDPM, beaucoup de personnes après une immobilisation ou lors d’une pathologie altérant la motricité, perçoivent différemment leur équilibre. Il est très important de les accompagner au mieux dans la reprise de cette fonction majeure pour l’autonomie. Comme nous l’avons vu pour M. J. (cf. Parkinson), le préalable est de repérer si la personne perçoit son corps avant toute mobilisation, en touchant et stimulant au moyen de mouvements alternatifs les membres. Ces petits gestes accompagnés d’hypnose conversationnelle (recadrage, ratification) permettent d’amplifier ces stimulations et de « ramener la personne dans son corps », puis d’améliorer l’énergie et le confort. Ensuite, en demandant à la personne de donner un signe corporel (ce qui élimine toute interprétation du soignant et ne précipite pas le patient), on rend à la personne la responsabilité de ses mouvements. L’hypnopraticien va alors accompagner le patient vers l’objectif fixé avec lui : « Et maintenant, on va s’asseoir sur le bord du lit... prenez un instant pour sentir votre équilibre... Vous pouvez vous aider de vos bras... pour l’aider à s’installer (l’hypnopraticien peut poser sa main dans le haut du dos) ...Dès que vous percevez ou sentez votre équilibre, vous avancez légèrement votre buste vers l’avant et



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

vous pouvez vous lever... » (double lien), à son rythme, cela permet de laisser du temps, d’améliorer la motricité, et donc au patient... d’aller plus vite ! La peur et l’appréhension perturbent l’équilibre, l’attitude rassurante et encourageante du soignant influe positivement sur la motricité. Durant cette phase, parler au présent installe la personne dans l’action, passer du « on » au « vous » marque le contexte et dynamise l’action à suivre. Les patients rapportent souvent que la perception d’équilibre peut être personnellement ressentie en hypnose, le plus souvent dans le haut du tronc. Il est important d’accompagner, d’encourager et de renforcer cette perception d’équilibre après la verticalisation. Pour cela, on peut se servir d’images évoquant l’équilibre adaptées au patient (chat sur un toit, balance romaine, funambulisme, vélo, enfants sur roller, planche à voile, etc.) ou bien aider la personne en présupposant, saupoudrant ses gestes sans omettre de la féliciter. Pour préparer l’avenir, faire un geste stéréotypé crée un ancrage corporel (main sur le haut du dos dans notre exemple) et ramène la personne à ces sensations chaque fois que le geste est reproduit. N

L’opposition à la marche

Lorsque le patient présente un SDPM et est dans l’opposition, soit parce qu’il a peur d’être une fois de plus confronté à l’échec ou à une douleur, soit parce que son opposition est un trouble du comportement de ses troubles neurocognitifs majeurs, soit parce qu’une phobie de la marche se développe, l’abord peut être plus détourné, et tout en valorisant ce que fait le patient, l’hypnopraticienne va l’accompagner en hypnose.

M ME M. NE VEUT PAS Avec le médecin, en service hospitalier Mme M. a 89 ans, des troubles cognitifs modérés (MMSE à 18/30) et est hospitalisée suite à une chute qui a occasionné une fracture du col fémoral. L’hypnopraticienne est appelée 5 jours après son intervention, car malgré l’autorisation de marcher et un traitement antalgique bien conduit, elle refuse de se lever et est en rétropulsion à la moindre mobilisation, même assise. Lorsque l’hypnopraticienne entre dans la chambre, la télévision est en route et Mme M., assise au fauteuil qui est un peu incliné en arrière pour éviter qu’elle ne glisse, regarde attentivement Les feux de l’amour. L’hypnopraticienne s’approche, s’assoit à ses côtés, et commente le film : « Victor a encore divorcé ? il est toujours amoureux de Nicky ? ». Mme M. opine du chef et l’hypnopraticienne continue à parler de Victor qui est « volage », Mme M. acquiesce.



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L’hypnose fonctionnelle

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Pendant cette conversation, elle redresse un peu le fauteuil sans que Mme M. n’exprime de surprise. L’hypnopraticienne va alors attendre un moment du film où un personnage se lève et marche pour l’utiliser: « Et voilà Victor qui se lève, il se sent stable, fort dans ses jambes, il a trouvé son équilibre, il se débrouille très bien » puis rapidement l’hypnopraticienne et la patiente dans le même mouvement se lèvent et marchent (synchronisation). Au bout de quelques pas, l’hypnopraticienne passe de la ratification des pas de Victor à la ratification des pas de Mme M.

Points forts  



N  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Utilisation de l’environnement et des centres d’intérêt pour capter l’attention. Synchronisation : du mirroring où l’hypnopraticienne s’installe dans la même position que la patiente, jusqu’au leading où l’hypnopraticienne et Mme M. se lèvent en ayant stimulé préalablement les neurones miroirs par le lever du personnage à la télévision. Sortie de la transe légère pour lui montrer ce dont elle est capable et le ratifier.

Intégration des mouvements oculaires

C’est dans le cadre du choc émotionnel que peut être utilisée la technique de l’intégration des mouvements oculaires (IMO), également connue comme induction et approfondissement de transe hypnotique depuis plus de deux siècles. L’IMO utilise le mouvement oculaire guidé pour accompagner le patient dans l’accession à l’information enregistrée dans toutes les modalités sensorielles, cognitives et émotives. Elle fait appel aux ressources d’intégration et de résolution quand surviennent des expériences perturbantes et leurs conséquences psychologiques (Beaulieu D., 2006). Créée en 1989 par C. et S. Andreas, D. Beaulieu a par la suite développé la technique et publié le premier ouvrage de référence sur le sujet. La technique consiste à proposer à la personne de se concentrer sur un souvenir particulier chargé d’émotions concernant l’expérience qu’il a vécue. Les mouvements oculaires guidés sont débutés en bougeant la main avec les deux premiers doigts tendus. Ils sont réalisés à un rythme et une distance qui conviennent à la personne. Après, l’hypnopraticien pose plusieurs questions à la personne pour décrire son expérience pendant la séance de mouvements. Les questions sont centrées autour de trois thématiques pour savoir s’il a vu une image, s’il ressent une sensation et/ou une émotion. Une nouvelle série de mouvements oculaires reprend, suivie d’un nouveau questionnement. Les séances ont des durées variables et leur nombre varie en fonction de ce que l’hypnopraticien identifie.



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M ONSIEUR L. NE PEUT PAS SE LEVER Avec la psychologue en EHPAD M. L. présente une maladie d’Alzheimer avec un MMSE à 6/30. L’évolution de la maladie d’Alzheimer est marquée assez souvent par l’apparition de signes cliniques moteurs entraînant des chutes. M. L. a régulièrement des difficultés en tentant de se lever ou en se déplaçant et chute très souvent. Consécutivement à l’une de ces chutes, il présente un SDPM. Lorsque l’hypnopraticienne rencontre M. L., il est allongé sur son lit. Il a une logorrhée verbale très importante, s’exprime très fort par des mots, sons ou encore cris. Il bouge beaucoup sur son lit, notamment les bras et les jambes. Du fait de l’importance des troubles cognitifs, il est difficile de faire comprendre à M. L. qu’il doit se concentrer sur un souvenir désagréable lié à sa chute, il est également difficile pour lui de suivre les doigts de l’hypnopraticienne du regard. Il est alors nécessaire que l’hypnopraticienne prenne sa main et qu’elle la déplace avec la sienne. Le fait que le mouvement concerne une partie de son corps permet à M. L. de fixer son attention. Les mouvements de ses yeux sont moins importants que lors d’une séance avec une personne n’ayant pas de pathologie neurocognitive, mais M. L. suit les mouvements que l’hypnopraticienne réalise devant lui. Il ne bouge plus le corps et reste silencieux pendant les mouvements oculaires. L’hypnopraticienne s’inspire alors des mots qui provoquent un mouvement de repli en situation de marche chez M. L. : « marche » ; « debout » sont utilisés associés aux mouvements oculaires (saupoudrage). Puis l’hypnopraticienne demande à M. L. s’il a une « sensation dans le corps » entre chaque série de mouvements. Après plusieurs séries de mouvements, M. L. répond « faut le faire », puis dans un second temps, « faut y arriver ». Ces séances ont ensuite été réalisées 2 fois par semaine pendant 3 semaines en faisant évoluer le langage de l’hypnopraticienne en fonction des expressions de M. L. qui utilisait des mots comme « allez ! » ou encore « va ! » lors des séances. Cette technique couplée aux interventions d’autres professionnels (kinésithérapeutes) a permis à M. L. d’intégrer cette dernière chute et la peur anticipée de ressentir les sensations désagréables liées à une nouvelle chute a également été amoindrie. M. L. a repris la marche petit à petit.

Points forts  

Proxémie nécessaire et acceptée par le patient. Utilisation de l’IMO adaptée du fait des troubles cognitifs importants. Il faut noter que les yeux bougent moins mais leur léger mouvement suffit visiblement à M. L. pour accéder à ses propres ressources.

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L’induction par augmentation du recrutement sensoriel (tactile, proprioceptif, visuel, auditif) rapide permet une focalisation pour faciliter la dissociation psychique.

G RANDS

PRINCIPES DANS LES PATHOLOGIES DU MOUVEMENT Sans reprendre tous les principes déjà expliqués dans les chapitres précédents, nous allons synthétiser quelques principes spécifiques à l’hypnose fonctionnelle. N

Dans la pratique conversationnelle Synchronisation

Agir en « miroir » permet de se mettre en résonnance corporelle avec la personne. Se redresser sans caricaturer en même temps que le patient, lui demander de se tenir « un peu plus droit », sans omettre de le féliciter et de l’encourager, induit le plus souvent une réaction bénéfique du patient. Il va chercher à nous aider, à faire mieux, il puise dans ses ressources car nous lui demandons avec bienveillance et sans pression de résultat. Observer et s’adapter

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« Observer, observer, observer. » M. H. Erickson

L’observation du patient est la deuxième clef : si un diagnostic donne une perspective thérapeutique et un pronostic pour le patient, il ne fournit pas de description du ressenti et des ressources de l’individu. Aller chercher ses ressources en écoutant le patient, en l’observant lui et son environnement, va permettre d’avancer avec lui. Ressources de l’esprit Dans le contexte du soin à domicile, cela est d’autant plus facile que l’hypnopraticien, sans intrusion dans la sphère privée, va être au plus proche de son patient pour se renseigner sur le caractère de ce dernier, ses goûts et ses centres d’intérêts. Il va utiliser ce que le patient amène : verbalisation, ressenti, langage corporel ; mais aussi ce qu’il observe et devine des objets, lieux, odeurs, photos, etc. Il questionne utilement. Le but est de faire émerger chez l’individu ses ressources par le biais des souvenirs et des émotions. Le métier ou une



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passion agissent comme un catalyseur de mémoire autobiographique, procédurale et émotionnelle : l’utilisation des images du métier de mécanicien de M. B. et la fixation de son attention sur sa passion ont permis d’améliorer sa motricité et ses sensations de confort. Les ressources du patient sont en lui et permettent de faire émerger l’espoir qu’il a d’améliorer la situation. Mais le discours de l’entourage et des professionnels du soin donnent l’orientation positive et sont nécessaires aux avancées du patient. Ressources du corps Il est important de stimuler la participation de la personne en lui proposant de faire des actions de l’ordre de la vie quotidienne comme s’essuyer après la toilette ou se tenir plus droit devant son lavabo pour voir son reflet. Ces gestes font partie des expériences praxiques mémorisées, mais aussi des habitudes contextuelles d’un lieu. Ces « automatismes » facilitent le mouvement et peuvent mobiliser des ressources, particulièrement lorsqu’ils sont accompagnés de compliments et de qualificatifs bienveillants (ratification). Les mouvements sont d’autant plus aisés dans leur réalisation qu’ils sont usuels pour la personne et ont un sens : 



au moment de se lever, Mme V. se tient plus droite lorsqu’on lui dit « Pouvezvous vous redresser comme pour vous regarder dans votre glace ? » M. M. va passer toujours son bras gauche en premier pour enfiler un pull ; si on lui présente le bras droit en premier, il se produit comme un « blocage » et cela pourrait être interprété comme une incapacité.

Il est préférable de connaître et de respecter la singularité praxique de chaque individu. La mobilisation est plus aisée et confortable lorsqu’elle est volontaire, l’inverse d’une mobilisation subie qui fait souvent mal à la personne, épuise l’entourage et les soignants. Il est intéressant de le faire remarquer au patient.

OBSERVER et UTILISER ce qui vient du patient, de son entourage et de son lieu de vie pour créer une hypnose conversationnelle dans laquelle il va être actif et réagir ensuite de son fait.

Rythme Il est également nécessaire d’aller au rythme de la personne d’autant plus si elle est âgée. Lui faire sentir qu’on est avec elle dans l’instant, sans jugement



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du résultat, permet d’enlever une pression inutile. Les patients s’aident et nous aident mieux lorsqu’un climat détendu et de confiance est instauré. Valoriser l’apparence

Permettre la coquetterie : se maquiller, se parfumer, se coiffer, se raser stimulent le bien-être, renforcent l’image et l’estime de soi de l’individu. La personne, qui se regarde avec satisfaction devant son miroir, sourit et ressent un plaisir singulier, communique mieux et exprime sa satisfaction lorsque ces gestes sont accomplis par elle-même. L’image renvoyée de la personne apprêtée à son entourage est valorisante et change donc positivement le lien et le regard porté sur l’autre. Un simple parfum, l’ajustement d’une casquette sur la tête peut devenir un ancrage de bien-être au quotidien.

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Ratifier

Si la ratification est toujours valable en hypnose, elle l’est encore plus en hypnose fonctionnelle : lorsque l’hypnopraticien sollicite la participation du patient pour les changements de position, il le félicite lors du mouvement : « Comment avez-vous fait ? C’est formidable ! », « Je ne pensais pas que vous iriez aussi loin, vous m’avez surpris »... Il convient de faire éprouver au patient ces changements positifs. C’est une manière d’accompagner le mouvement en suggérant du confort et en présupposant la réussite de l’action. Les encouragements augmentent la motivation pour se dépasser, et ce, d’autant plus si l’entourage est témoin. Ainsi, en relatant les progrès, le patient les « ancre » dans le temps et cela en facilite l’acquis. En effet, les patients et leurs soignants ont tendance à remarquer plus ce qui ne va pas que ce qui va bien : éclairer un moment d’exception au symptôme en félicitant permet de valoriser la réussite, de l’amplifier et de l’ancrer pour le réactiver. De même, face à une plainte difficile (« je ne remarcherai plus » « je ne pourrai plus écrire »), si l’écoute permet, en la verbalisant, de l’alléger, la reformuler fait également partie des outils pour atténuer la souffrance. Le moment d’exception au symptôme doit être utilisé et amplifié. Utiliser la révolte ou la colère

La personne peut utiliser ce surcroît « d’énergie réflexe » que provoque la colère pour aller à l’encontre de la fatalité qui l’accable. Dans cet état de « transe négative », l’individu est suggestible à condition de ne pas s’opposer à sa révolte et d’accompagner un projet neutre sans valeur affective. Il peut vouloir par ce



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moyen, comme M. A., prouver à son épouse qu’il est le contraire de ce qu’elle exprime. Sans prendre parti, l’hypnopraticien accompagne, présuppose positivement le mouvement et suggère le confort à venir, en soulignant le moment d’exception au symptôme, même dans la colère. N

En état hypnotique

Au vu de la physiologie du mouvement que nous avons développée en début de chapitre, il est possible de dire que proposer en état hypnotique l’image mentale d’un mouvement va stimuler le cortex moteur et probablement atteindre la sensorialité (échanges entre le cortex moteur et le cortex somesthésique), voire peut-être même les émotions (par le biais des connexions du lobe préfrontal). L’hypnose amplifie la « réparation » et le changement. La « boucle corporelle » comme induction

Inspirée de E.L. Rossi, l’attention du patient se fixe sur son corps et précisément sur sa (ou ses) main(s). Ceci a l’avantage de relier le corps et l’esprit en internalisant les perceptions et les sensations du patient. L’inverse devient aussi possible. Une angoisse qui est un ressenti négatif, souvent perçue comme intérieure, peut être dès l’induction de la transe externalisée sur une main, ce qui permet déjà un premier changement. Cette fixation visuelle sur soi pour induire l’hypnose met le plus souvent en jeu des mouvements hypnotiques comme la lévitation, la catalepsie ; cela permet aussi à l’hypnopraticien par ces mouvements d’évaluer et d’accompagner la transe. La technique de symétrie

L’hypnopraticien propose au patient pendant la transe de bouger, toucher, ressentir en se regardant au moyen d’un reflet. Nous supposons que cela stimule les neurones miroirs et donc la synchronisation, mais aussi les zones sensorimotrices concernées. L’exercice, issu de la thérapie miroir, devant une glace, proposé au quotidien en post-consultation, prolonge l’effet ressenti pendant la séance d’hypnose (exemple : toucher ses membres devant un miroir). Ces exercices ont pour but de recomposer le schéma corporel, de recombiner la sensorimotricité et de stimuler la proprioception et le tact : reconnaître, repérer, ressentir et finalement coordonner les positions de son corps (Becchio J.). Ce travail devant son reflet permet aussi à la personne, mieux que toute autre, de rectifier et de



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L’hypnose fonctionnelle

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donner de la fluidité voire de l’élégance au mouvement, comme les danseurs face à leur miroir dans les salles de danse. Apprentissages et métaphores

Si la meilleure métaphore ou suggestion reste celle du patient ou celle créée pour lui, certaines métaphores ou scripts hypnotiques peuvent être utilisés de manière « générique » dans les pathologies du mouvement. Ce sont celles qui sont les plus vagues et qui rappellent les expériences universellement partagées dans l’humanité. Lors d’une régression en âge La régression en âge, pour parler des apprentissages forcément réussis et de leurs liens avec les émotions, est aidante en hypnose fonctionnelle : 



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les apprentissages premiers comme la marche ou le vélo stimulent les zones sensorimotrices, mnésiques et émotionnelles, sans forcément faire appel à un souvenir très précis ; le « maternage » évoqué à des parents ou à Mme C. (auxiliaire de puériculture retraitée) permet de créer une expérience dans un cadre le plus souvent à bonne connotation ; l’apprentissage de l’écriture implique également la mémoire procédurale en stimulant des zones sensorimotrices plus précises et surreprésentées, comme la main, au niveau cérébral (fig. 4.1).

Ainsi, en activant la motricité, on active également l’affectif et les autres canaux du PAVTOG. On relie ces expériences aux souvenirs, aux émotions et aux perceptions, probablement en stimulant d’anciens réseaux neuronaux. Nous supposons que cela permet d’aller encore plus loin que la mentalisation d’un mouvement en revenant aux apprentissages personnels de celui-ci. Métaphores Les métaphores sont particulièrement thérapeutiques pour la personne à condition qu’elles aient un sens pour elle. Certaines sont particulièrement adaptées à l’hypnose fonctionnelle. Pour Mme Y., on peut remarquer l’analogie entre la chenille remuante et le tremblement, puis l’immobilité de la transe hypnotique et de la chrysalide dans laquelle se prépare le changement, ensuite viennent les perspectives d’avenir avec la métamorphose en papillon. Les deux premières parties de la transe



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« collent » au vécu de Mme Y. comme le ferait une séquence d’acceptation et viennent préparer la dernière étape : la métamorphose. La métaphore d’accompagnement, avec un animal ou une autre personne qui intervient et fait le mouvement souhaité à la place de la personne, stimule la synchronisation et prépare le patient à réaliser l’action en transe : le chien de M. T. saute un obstacle ou son ami épaule son fusil avant de tirer. Cela permet de changer de pronom, de tutoyer, de placer des suggestions plus directes et puissantes. La métaphore du vélo peut avoir de multiples usages dans les troubles moteurs. Pour M. E., elle fait vivre ce moment où il a appris à ses fils à faire du vélo en permettant l’échec, puis évolue vers sa propre pratique du cyclisme où il prenait du plaisir et tenait l’équilibre. Il est aussi possible « de serrer le guidon pour atténuer les légères vibrations de la route » et d’utiliser cette métaphore dans le tremblement ou de « s’arrêter à un carrefour et décider de changer de route, de ne plus s’engager sur cette route monotone, toujours pareille et de choisir la nouveauté, la découverte... » (métaphore du changement). D’autres métaphores peuvent être utilisées, toujours en adaptation au patient, comme celle de l’arbre de Mme R. ou celle non décrite ici du bateau de Thésée dans la Grèce antique : rénové pièce par pièce au fil des siècles pour ne plus en conserver aucune d’originale. Ces deux métaphores font appel aux expériences successives de vie (biologique, psychologique et sociale) dans le mouvement de transformation continu qui fait aujourd’hui ce que nous sommes. Beaucoup d’exemples pourraient être donnés, les métaphores étant inspirées par le patient. Elles doivent être ce miroir en mouvement avec la vie du patient en s’intriquant et se complétant s’il y a plusieurs consultations. L’échelle de progrès

Les idées préconçues des patients sur l’hypnose comme remède « magique » augmentent souvent les attentes qu’ils en ont, et ils peuvent parfois être déçus de ne pas être plus améliorés après une seule séance. Bien qu’étant une thérapie brève, un changement nécessite souvent quelques consultations. Il est important de préciser dès le début que l’hypnose est progressive et de définir avec le patient un objectif commun réaliste, atteignable et mesurable. L’échelle de progrès est un moyen de mesurer.



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L’hypnopraticien va demander au patient de prendre cinq minutes par jour pendant la semaine suivant la séance pour noter par écrit :   

« ce qui va mieux... » de manière affirmative ; une ou des actions qu’il n’aurait pas faites habituellement ; se mettre une note sur l’échelle de progrès.

Il est en effet bien différent d’être plus détendu que moins stressé, ceci renvoie à l’échelle de progrès et permet de prolonger la séance d’hypnose en maintenant la direction thérapeutique positive. Autohypnose

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La personne soignée s’implique dans une séance qui stimule la motricité sans mouvement et devra donc s’impliquer après la consultation dans un processus « de validation » en se servant de ses membres au moyen d’exercices proposés par l’hypnopraticien. C’est donc une nécessité de préconiser des exercices ou de l’autohypnose au patient. Ceci prolonge, rappelle et amplifie la séance : répéter une même tâche la rend plus facile et facilite le processus de changement en créant de nouveaux réseaux cérébraux. Comme nous l’avons déjà souligné, les progrès durent à condition de les utiliser. L’autohypnose avec les mains est puissante (inspirée par J. Becchio) : Une façon de la pratiquer est de proposer au patient de fixer visuellement ses mains et de se répéter mentalement une phrase intentionnelle et positive, puis de laisser ses paupières se fermer pendant trois minutes avec cette phrase litanique en tête et de laisser ses mains explorer l’espace. À la fin de l’exercice, il vérifie si l’intention est validée et peut aussi se noter sur l’échelle de progrès.

Troubles cognitifs

Comme cela a été vu dans les chapitres précédents, si le patient a des troubles cognitifs, l’hypnose devient plus expérientielle, l’hypnopraticien fait alors pratiquer la personne « pour de vrai » ! Cela devient un accompagnement où l’hypnopraticien entre en résonnance avec les émotions de la personne, la synchronisation prend une grande importance, les suggestions passent par les mouvements accompagnés du corps, des regards et de la voix. Toutes les techniques dont nous avons parlé sont adaptables comme la métaphore d’accompagnement par le biais de la télévision, mais aussi des méthodes qui peuvent nécessiter une certaine attention comme l’IMO.



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C ONCLUSION L’hypnose fonctionnelle comme indication dans les pathologies du mouvement est à promouvoir. Son intérêt réside dans la complémentarité avec la rééducation classique et la synergie d’action réhabilitant le mouvement en supprimant la dichotomie corps/esprit. La plasticité cérébrale est stimulée et améliorée quel que soit l’âge par l’expérience et l’hypnose. La prise en charge de la personne soignée devient globale et la complémentarité avec les thérapeutiques habituelles évidente. L’hypnose conversationnelle s’inscrit sur une durée dans la thématique de la personne âgée et du mouvement, elle permet l’expérimentation immédiate. Elle est de ce fait efficace et facile à mettre en œuvre. L’hypnose formelle peut nécessiter un suivi et soulage les troubles fonctionnels ainsi que les appréhensions associées. Le patient s’implique dans le processus d’hypnose, il devient acteur dans le sens de celui qui joue mais aussi de celui qui décide et au final, par la mise en mouvement, sa rééducation est renforcée. L’entourage impliqué dans le processus de ratification prolonge les effets bénéfiques de l’hypnose et devient encore plus aidant en valorisant les progrès accomplis. « Observer, observer, observer » et « utiliser, valoriser » offrent un socle solide d’où émergent les ressources et les moments de réussites de la personne. Il convient de créer ou de se servir d’un contexte bénéfique en favorisant l’alliance thérapeutique, la juste proximité du soignant, la relation de confiance et de sécurité. L’hypnopraticien s’exprime au présent pour installer la personne dans l’action, envisage l’avenir pour permettre l’espoir, stimule la motivation et permet de poser des objectifs réalistes : « comme des bouées dans le futur ». La qualité de vie des patients est notoirement changée, en se remettant en mouvement, ils reprennent espoir et s’autonomisent. Cela réduit à moyen terme la difficulté des aidants, motive le soignant qui devient plus riche en sourires ! L’hypnose améliore la qualité des soins sans risque iatrogénique et rend la thérapeutique à visée fonctionnelle plus efficiente pour la plus grande satisfaction de tous.



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Chapitre 5

Douleurs Marie Floccia, Françoise Le Ru, Véronique Martin

LA

DOULEUR DES DOULEURS

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« La douleur est cet état d’âme qui comparant sa position présente à son passé juge que le corps éprouve, dans quelques-unes de ses parties sensibles ou dans son ensemble, des déchirements ou des altérations qui en dérangent l’harmonie. »

Ainsi était définie la douleur par Marc Antoine Petit, chirurgien en chef de l’Hôtel Dieu de Lyon, dans son discours sur la douleur le 28 Brumaire de l’an VII. Cette définition étonnante de modernité pose les premiers jalons de la prise en soins de la douleur qui nécessite une vision globale du patient. En 1979, la douleur est définie par l’International Association of the Study of Pain comme étant : « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion. »

Les idées d’émotion et de nécessité de reconnaissance de la douleur du patient par le soignant apparaissent ainsi, et cela, même si les examens médicaux ne retrouvent rien d’anormal : lorsque le patient dit qu’il a mal, il a mal. Cette définition a été complétée par : « L’impossibilité à communiquer n’élimine en aucune façon la possibilité qu’une personne expérimente une douleur et ait besoin d’un traitement antalgique approprié. »



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Ce complément nous parle, entre autres, des patients ayant des troubles cognitifs sévères et/ou des troubles de la communication, pour qui la douleur existe et doit être prise en compte. N

Pluralité de la douleur

La douleur est plurielle par plusieurs aspects : des voies différentes, des composantes différentes, des temps différents, des sensorialités différentes. Les voies physiologiques de la douleur passent par un grand nombre de structures cérébrales : nocicepteurs (récepteur sensoriel de la douleur) qui véhiculent le message à la corne dorsale de la moelle (réflexe de retrait), le tronc cérébral (vigilance, respiration, régulation cardiovasculaire), le thalamus qui oriente vers le cortex somatosensoriel primaire et secondaire (sensorialité), le cortex cingulaire antérieur et l’insula (part affectivo-émotionnelle), mais aussi l’amygdale, l’hypothalamus (réaction émotionnelle, comportementale et neuroendocrinienne) et le cortex préfrontal (intégration cognitive). Cette douleur est modulée à de nombreux niveaux, de la corne dorsale de la moelle épinière, au tronc cérébral et au thalamus, des systèmes inhibiteurs nous empêchent d’être envahis par la douleur. Ainsi, beaucoup d’aires cérébrales sont activées avec des chevauchements des aires de perception de la douleur, des aires d’émotions, de réactions et de cognition. Pourquoi la douleur ?

Mais à quoi sert-elle, pourquoi devons-nous avoir mal ? 



La douleur aiguë est une douleur de courte durée qui est un signal d’alerte utile et protecteur pour notre organisme, elle nous informe d’un danger qui peut menacer notre intégrité (brûlure, appendicite, etc.). La personne douloureuse est alors totalement mobilisée par le signal. La douleur doit être prise en compte et soulagée rapidement, voire prévenue dans le cas des douleurs procédurales. Lorsque la douleur aiguë s’arrête, les structures cérébrales impliquées doivent revenir à leur état initial. La douleur chronique, définie comme un « syndrome multidimensionnel » (HAS, 2008), se dit d’une douleur durant plus de 3 mois. Elle est inutile et destructrice pour le patient, ce n’est pas une douleur aiguë qui dure mais une « maladie » qui entraîne des modifications structurelles du système nerveux et



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Douleurs



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qui s’autonomise, même si le stimulus douloureux a disparu. Elle va mobiliser toutes les structures cérébrales impliquées dans la douleur et ainsi envahir l’univers du patient et devenir sa préoccupation prédominante : il sera figé dans sa douleur lorsque celle-ci est présente ou dans l’anticipation anxieuse de sa présence quand elle est absente. K.T. Martucci et al. confirment que les études en neuroimagerie montrent une modification des processus du système nerveux central chez les patients ayant des douleurs chroniques (Martucci K.T. et al., 2018). La douleur procédurale ou induite par les soins (ponction, pansements, mobilisation etc.), est une douleur de survenue prévisible qui peut donc être prévenue (d’après Boureau F.). La Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) complète que la prévention de la douleur procédurale doit être une préoccupation constante de tout professionnel de santé. De la même manière que la douleur chronique, une douleur procédurale répétée tous les jours tel un soin de plaie douloureux peut être destructrice : lorsque l’infirmière entre dans la chambre du patient tous les matins avec son charriot, le patient se recroqueville et commence à avoir mal avant même que le soin ait commencé. Il y a dans ce comportement une anticipation anxieuse mais aussi une activation des circuits de la douleur en l’absence du stimulus et donc une autonomisation de la douleur, comme dans la douleur chronique. Comment ?

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La pluralité de la douleur s’exprime aussi à travers des mécanismes différents qui donneront des ressentis différents et des prises en charge différentes : 





Nociceptive : douleur la plus fréquente correspondant à un message douloureux dans un système nerveux intact, avec le plus souvent une douleur localisée d’horaire mécanique ou inflammatoire à type de sensation d’étau, de compression (exemples : arthrite, fractures), difficile à décrire. Neuropathique : douleur qui correspond à une atteinte du système nerveux central ou périphérique (exemples : post-zostérienne, neuropathie diabétique). Ce sont des douleurs que les patients décrivent souvent avec de nombreuses images : « ça brûle », « je marche sur du verre pilé », « c’est comme un rat qui me dévore », etc, ouvrant ainsi la voie à de nombreuses métaphores en hypnose. Idiopathique dysfonctionnelle ou nociplastique : douleur liée à un dysfonctionnement des systèmes de contrôle de la douleur sans lésion identifiée. Les plus fréquentes sont la fibromyalgie, la céphalée de tension, le syndrome de



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l’intestin irritable ou la cystite interstitielle (SFETD). Plus que toute autre, leur prise en charge fait appel à diverses dimensions. Ces douleurs peuvent être mixtes lorsqu’elles se combinent entre elles. Des composantes diverses

Classiquement, on dit que la douleur a 4 composantes : 

 





Une composante sensorielle : localisation, intensité, type, temporalité, habituellement bien évaluée par les soignants. Et trois autres composantes qu’il nous est plus difficile d’appréhender : Une composante affectivo-émotionnelle : aspect désagréable et pénible de la douleur, qui mène aux angoisses, à l’anxiété, à la dépression... Une composante cognitive : liée à l’imaginaire, à la recherche de sens, aux convictions philosophiques et religieuses, aux représentations, à l’anticipation de la douleur... Une composante comportementale : expressions verbale et corporelle (agitation, immobilité, cris, plaintes...).

Toutes ces composantes se construisent en fonction de l’histoire de vie, du vécu physique et psychologique, des douleurs rencontrées dans la vie, de la connaissance qu’on en a par le biais de la culture, des médias et des soignants que nous avons rencontrés (le spécialiste qui nous a dit : « il n’y a rien à faire », « vous aurez mal toute votre vie »), etc. La composante sensorielle apparaît comme la partie émergée de l’iceberg, et il faut aller chercher les parties immergées pour tenter d’approcher la douleur du patient et ses conséquences. Cela devient de plus en plus prégnant lorsque la douleur est chronique. Ainsi, n’ayant pas accès à toutes ces données, il nous est impossible de préjuger de la douleur de l’autre. Cette pluralité de composantes rend l’idée du traitement unique obsolète. Mais tous ces aspects qui rendent la douleur plurielle ne deviennent plus qu’un seul aspect lorsqu’ils concernent l’individu qui devient alors UNE DOULEUR, figé dans son mode de fonctionnement et fermé à toute approche autre que celle de cette douleur. Aspect psychologique

Tous les hommes sont un jour confrontés à la douleur, mais tous ne la ressentent pas et ne l’expriment pas de la même façon. Lorsqu’elle évolue sur un mode



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chronique, la douleur peut occasionner des troubles psychiques significatifs. Elle est symptôme d’appel et est rarement isolée ; le plus souvent, elle s’associe à d’autres symptômes psychiques, ce qui permet de proposer au patient une prise en charge pluridisciplinaire. Cette dernière permettra d’envisager le patient dans sa globalité et de ne pas méconnaître certains aspects qui feraient obstacle au traitement et qui pourraient aboutir à une chronicisation. En effet, la douleur chronique va engendrer le plus souvent des symptômes anxio-dépressifs non caractérisés, mais elle peut également se traduire au travers d’un syndrome dépressif majeur, d’un trouble anxieux généralisé ou d’une autre pathologie psychiatrique. Ce que l’on retrouve est une altération majeure de la qualité de vie. La douleur chronique doit se comprendre sur un mode systémique. Elle est une expérience désagréable subjective qui peut impacter l’individu dans tous les espaces de sa vie. Il souffre dans son corps mais également dans sa tête et la douleur, souvent, prend le contrôle sur lui et sur sa vie entière, il se retrouve enfermé dans un cercle vicieux dont il est complexe de sortir seul. Il y a toujours une histoire précise dans le parcours douloureux du patient qu’il est nécessaire d’entendre. La douleur est à égale distance du corps et du psychisme et elle participe à ces deux champs. Elle doit donc se lire au travers du modèle bio-psycho-social qui nous propose de considérer la douleur sur un plan biologique, psychologique et sociologique. N

Spécificités et retentissements de la douleur en gériatrie

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Quel ressenti en vieillissant ?

En vieillissant, la physiopathologie de la douleur se modifie, mais le ressenti reste présent, battant en brèche l’idée d’une presbyalgie. Les nocicepteurs vieillissent et perçoivent la douleur de manière plus atténuée avec une difficulté à discriminer précisément la localisation, ce qui explique que certaines pathologies se manifestent différemment (infarctus du myocarde qui fait mal au ventre...). Mais les systèmes inhibiteurs de la douleur vieillissent également et protègent moins bien (Pickering G., 2006). Ainsi peut-on retenir que la perception de la douleur reste aussi forte que chez le plus jeune, même si les mécanismes ne sont pas tout à fait similaires. Chez les patients ayant une maladie d’Alzheimer, il semblerait qu’il existe une dissociation de la perception douloureuse : les capacités sensorielles sont préservées, mais la réponse émotionnelle et cognitive à la douleur est inadéquate en raison de l’altération du thalamus, du cortex préfrontal, du locus coeruleus et



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de la mémoire (Benedetti F. et al., 1999 ; Scherder E. et al., 2005). De plus, ces patients présenteraient une dichotomie entre la douleur aiguë (mieux préservée) et le ressenti de la douleur chronique qui paraît diminué (Pickering G. et al., 2005). Finalement ces patients perçoivent un signal, mais il n’est pas identifié comme étant une douleur et cela peut provoquer des troubles du comportement. Enfin, ce qui est vrai pour la maladie d’Alzheimer, ne l’est pas dans les autres pathologies neurocognitives : par exemple, il y a une augmentation des douleurs neuropathiques dans les démences vasculaires. Des chiffres qui font mal

La douleur est le premier symptôme rencontré en gériatrie. Au-delà de 65 ans, plus d’un patient sur deux déclarent avoir eu une douleur dans le mois, souvent multiples, et surtout s’ils sont en perte d’autonomie (Patel K.V. et al., 2013). 23 % des douloureux de plus de 80 ans considèrent que la douleur interfère avec leur qualité de vie (Shi Y. et al., 2010). En EHPAD, 28 à 73 % des résidents sont douloureux selon les études, avec en moyenne 3,2 sites douloureux par personne (genou, lombaire, épaule le plus souvent) (Beerens H.C. et al., 2014 ; Abdulla A. et al., 2013). Enfin, 50 % des personnes âgées immobilisées sont douloureuses (Doubrère J.F., 2005) et dans le dernier mois de vie : 46 % des gens sont douloureux (Smith A.K. et al., 2010). Pourquoi en est-il ainsi ? En vieillissant, les pathologies chroniques sont plus fréquentes : douleurs rhumatologiques d’origine musculo-squelettique, douleurs en lien avec des cancers et leurs traitements, séquelles d’interventions chirurgicales, douleurs neuropathiques liées à un diabète, un AVC, un zona ou douleur globale dans un tableau de dépression. En ce qui concerne les douleurs procédurales, l’étude « Regards » avait relevé, parmi tous les actes ressentis comme douloureux et stressants, que les plus douloureux étaient les soins de plaies (escarres, ulcères...), les mobilisations (dont les toilettes) et les brancardages. Seul 0,9 % avait une analgésie spécifique pour le geste, aucune thérapeutique non médicamenteuse n’était citée (Cimerman P. et al., 2011). Bien entendu, tous les prélèvements, ponction veineuse, artérielle, glycémies digitales à répétition, sont fréquents dans la population âgée à domicile mais encore plus hospitalisée, et sont pourvoyeurs de douleurs procédurales répétées. De plus, probablement en raison de la difficulté à décoder la douleur à travers des troubles du comportement (cf ci-dessous), les patients ayant des troubles cognitifs sont moins traités que les autres.



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Expressions des douleurs

La douleur aiguë chez un patient âgé peut s’exprimer de diverses façons et faire errer le diagnostic : syndrome confusionnel, agitation, agressivité, dépression, repli sur soi, anxiété, mutisme, anorexie, apathie... Un patient ayant des troubles cognitifs mais bien adapté à son environnement et décrit comme agréable peut en 1 heure devenir violent et agressif en raison d’une douleur, ou au contraire être apathique. Il est souvent complexe de penser que le patient est douloureux face à de tels tableaux : le patient n’exprime rien, voire nie l’existence d’une douleur, étant dans l’incapacité d’analyser le stimulus douloureux.

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En ce qui concerne la douleur chronique, la population gériatrique actuelle est une population qui a vécu des périodes d’histoire difficiles, pour qui la douleur est un signe de faiblesse, et qui pense à 60 % qu’il n’y a rien à faire, donc qui endure. Ainsi, 70 % des patients douloureux n’en parlent pas à leur médecin (Boerlage A.A. et al., 2008) et on entend alors des patients nous dire à propos d’une boîterie : « oh, ce n’est rien, c’est ma douleur ‘normale’ du genou ». S’il existe des troubles neurocognitifs, la temporalité de la douleur chronique va évoluer. Si les troubles cognitifs sont modérés, le patient, qui avait des lombalgies très anciennes qu’il gérait seul, n’arrive plus à dériver sa douleur sur autre chose ni à se projeter dans des moments où il est confortable, et peut l’exprimer en continu, il est totalement envahi par celle-ci. Il exprime alors une douleur qui dure toujours, souvent en boucle, à son aidant. Lorsque les troubles cognitifs deviennent sévères, le patient exprime moins les douleurs chroniques, probablement en raison de la difficulté qu’il a à interpréter le stimulus douloureux comme étant une douleur. Néanmoins, celles-ci peuvent être la source de troubles du comportement et il faut savoir y penser, voire faire des traitements antalgiques d’épreuve (Husebo B.S. et al., 2011). Dans tous les cas, un examen clinique minutieux est souvent nécessaire en observant les manifestations corporelles du patient en fonction des zones examinées, mais toujours en accompagnant cet examen d’hypnose : détournement d’attention, dissociation (« c’est ce ventre qui vous ennuie »), recadrage (« les jambes, elles, vont bien »), saupoudrage... Conséquences ?

Au-delà de la source d’inconfort et de diminution de la qualité de vie liés à la douleur, certains retentissements sont plus prégnants chez le patient âgé :



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La douleur est le lit de la perte d’autonomie par restriction de la mobilité mais aussi par l’anorexie, l’angoisse, l’anxiété, la fatigue, les troubles du sommeil et la dépression qu’elle engendre. Le patient âgé douloureux ne va plus sortir, ne plus voir sa famille et ses amis et finalement s’isoler. La douleur chronique a un effet négatif sur la cognition : déficit de l’attention, capacité de décision émotionnelle altérée, plainte mnésique et troubles des fonctions exécutives, sans compter les effets de l’anxiété, du stress, de la dépression et des médicaments (Mc Cracken L.M. et al., 2001 ; Moroni C. et al., 2006). La polymédication avec son florilège d’effets indésirables (chutes, somnolence, troubles digestifs, amaigrissement...) et de risques d’interactions est un fléau en gériatrie (cf. chapitre 1). Certains antalgiques que l’on considère comme adaptés au patient âgé à risque de perte d’autonomie en cas de douleur aiguë, peuvent s’avérer très délétères au long cours dans le cadre des douleurs chroniques, et souvent inefficaces. Ainsi, le prescripteur va, soit hésiter à prescrire un antalgique, soit prendre le risque de majorer la iatrogénie en cas de prescription.

Ainsi la douleur peut précipiter le patient dans une fragilité avec tous les risques inhérents à celle-ci (cf. chapitre 1). La vision des soignants

De nombreuses études cliniques montrent encore que les soignants (infirmiers et médecins) ont tendance à sous-estimer la douleur de leurs patients et particulièrement aux extrêmes de la vie. En ce qui concerne les patients âgés, de nombreux critères entrent en ligne de compte : la peur des opioïdes, la difficulté à reconnaître la douleur des patients ayant des pathologies cognitives, la crainte de la polymédication et l’échec ou les effets indésirables de traitements essayés antérieurement font que les patients sont sous traités et que les mots « il n’y a rien à faire » « c’est l’âge » sont fréquents, immobilisant soignants et soignés dans une fatalité figée voire une fixité fatale. N

Concept de l’analgésie multimodale

La prise en charge de ces patients âgés douloureux nécessite une réflexion sur la globalité de la personne, avec comme objectifs de soulager mais aussi de maintenir, voire d’améliorer, l’autonomie, sans aggraver les troubles cognitifs potentiels tout en améliorant l’anxiété, la dépression etc. Plus la douleur dure,



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plus elle se répète, plus cette vision globale deveint nécessaire. Le médicament n’est alors souvent pas la seule réponse, voire pas la réponse du tout et il faut savoir associer de multiples techniques ; c’est l’analgésie multimodale qui va permettre de soulager au mieux en limitant les risques iatrogéniques. Les thérapeutiques médicamenteuses doivent être adaptées individuellement en prenant en compte les modifications liées au vieillissement et aux altérations d’organes, mais aussi les traitements déjà pris par le patient et ses capacités cognitives. Les traitements non médicamenteux comme l’électrothérapie, la cryoou thermothérapie, ont alors toute leur place. D’autres thérapeutiques plus traditionnelles en traitement de la douleur sont également souvent aidantes (kinésithérapie, positionnement, psychothérapie, acupuncture, psychomotricité, ergothérapie). Le regard du soignant doit aussi se porter sur les aidants du patient et son lieu de vie, pour adapter au mieux ses propositions de traitements (qui va poser une électrothérapie ? donner des gouttes ? etc.) À tous les niveaux de la prise en soins des patients âgés douloureux, l’hypnose peut être utilisée et présente un intérêt majeur : de l’accueil du patient à l’écoute, de l’examen à la prescription médicamenteuse et non médicamenteuse, jusqu’à la proposition de séances d’hypnose formelle, l’hypnoanalgésie accompagne à tous les moments. Le soulagement des patients âgés nécessite une vision globale faisant intervenir les traitements médicamenteux systémiques et locaux ainsi que les traitements non médicamenteux et, tout le long du suivi, l’hypnoanalgésie.

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Hypnose et douleurs

La douleur agit comme une « transe négative », le sujet étant focalisé sur sa douleur, ne devenant plus qu’une douleur, fonctionnant et agissant en fonction d’elle, mangeant et dormant selon le bon vouloir de celle-ci. Ce mode de fonctionnement dans lequel le patient est figé sert de base à l’hypnopraticien pour le « remettre en mouvement » et lui proposer des prismes de vision de sa situation différents, lui permettant in fine de reprendre la main en accédant à ses ressources. Un cerveau douloureux en hypnose

Les composantes sensorielles et affectives de la douleur ont été étudiées par P. Rainville et al. dans des études de Tomographie par Emission de Positons. Ils ont identifié le cortex cingulaire antérieur comme ayant un rôle essentiel dans



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la composante affective de la douleur, alors que la dimension sensorielle serait plutôt liée au cortex somatosensoriel primaire (Rainville P. et al., 2000). Comme nous l’avons vu au chapitre 1, l’imagerie fonctionnelle a permis d’identifier un état cérébral particulier sous hypnose. De nombreuses études se sont intéressées aux effets de l’hypnose sur la douleur, montrant la modulation de plusieurs zones : le cortex cingulaire antérieur, mais aussi un large réseau cortical et sous-cortical : cortex préfrontal, insula, aire motrice supplémentaire, thalamus, striatum et tronc cérébral (Vanhaudenhuyse A. et al., 2014). Dans une méta-analyse, A. Del Casale et al. confirmaient l’existence d’une activation du Cortex Cingulaire Antérieur (droit), du lobe supérieur frontal gauche et de l’insula (droite) ainsi qu’une désactivation du thalamus. Ces modifications pourraient expliquer l’action de l’hypnose sur les composantes émotionnelles, désagréables et anxieuses, et sur la perception de la douleur (Del Casale A. et al., 2015). Une reconnaissance à travers les études cliniques

De nombreuses études cliniques ont été menées dans le domaine des douleurs en hypnose et concluent que, dans le traitement complémentaire de la douleur aiguë, chronique ou procédurale, l’hypnose est utile dans une prise en charge par analgésie multimodale. L’efficacité de l’hypnose sur la composante sensori-discriminative et affectivo-émotionnelle de la douleur est admise (Vanhaudenhuyse A. et al., 2008 et 2014 ; Faymonville M.E. et al. 2003). V. de Pascalis et al. retrouvaient une diminution de 50 % de la composante sensorielle et de la composante affective (détresse) de la douleur dans la phase post-hypnotique chez des sujets hautement hypnotisables (De Pascalis V. et al., 2008). Au-delà des résultats du rapport de l’INSERM de juin 2015 évoqués au chapitre 1 qui soulignent l’intérêt de l’hypnose lors d’intervention chirurgicale ou lors d’acte de médecine ou de radiologie interventionnelle, avec diminution de la consommation de sédatifs et/ou d’antalgiques en peropératoire, d’autres études cliniques sont également intéressantes. B.L. Stoelb et al. ont montré, dans une revue de la littérature de 14 essais randomisés, que, dans les domaines des douleurs chroniques, des douleurs aiguës (douleur du travail pendant l’accouchement) ou procédurales (réalisation d’un myélogramme, réfection de pansement de brûlure, angioplastie, biopsie ou tumorectomie mammaire, radiologie interventionnelle...), l’hypnose est associée à une diminution de l’intensité de la douleur mais également à une diminution de l’anxiété, des nausées post-opératoires, de la fatigue, de la quantité d’antalgiques utilisée, de la durée des interventions



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(en radiologie interventionnelle) et de la durée d’hospitalisation (Stoelb B.L. et al., 2009). D’autres revues de la littérature retrouvaient un impact significatif de l’hypnose sur les douleurs procédurales et chroniques pour les céphalées et les migraines (Patterson D.R. et al., 2003 ; Hammond D.C., 2007), sur les douleurs d’arthrose et les lombalgies (Elkins G. et al., 2007) ainsi que sur les douleurs de fibromyalgie et le syndrome de l’intestin irritable (Derbyshire S.W. et al., 2017 ; Whorwell P.J., 2006 ; INSERM, 2015). Les résultats sont également très intéressants sur les douleurs procédurales et les douleurs chroniques dans le cadre du cancer (Tome-Pires C. et al., 2012). Si des études complémentaires répondant stricto sensu aux exigences de l’Evidence Based Medicine restent difficiles en hypnose, il n’en reste pas moins que les études sont en faveur d’une reconnaissance de l’hypnoanalgésie avec une action qui va au-delà de la partie émergée de l’iceberg (composante sensorielle de la douleur) et qui va atteindre la partie immergée qu’est la composante affectivo-émotionnelle, mais aussi probablement les composantes cognitives et comportementales. Et en gériatrie ?

L’utilisation de l’hypnoanalgésie dans le grand âge est plus anecdotique dans la littérature, mais comme nous l’avons déjà vu au chapitre 1, la majorité des études sur l’hypnose et les personnes âgées concernent la douleur. Nous ne rappellerons pas ces études qui sont détaillées précédemment (cf. chapitre 1, Utilisation clinique de l’hypnose dans la population vieillissante et indications dans la littérature) mais rapporterons seulement leurs conclusions :  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.







Efficacité de l’hypnose en radiologie interventionnelle et en péri-opératoire avec une diminution de l’anxiété, de la douleur et des antalgiques, chez des patients soixantenaires (Ashton C. et al., 1997 ; Lang E. et al., 1996). Dans un contexte de radiologie interventionnelle, pas de différences d’hypnotisabilité et de résultats sur la diminution de la douleur, des antalgiques, de l’anxiété et meilleur contrôle de la douleur avec l’hypnose l’âge augmentant, dans une population allant de 18 à 92 ans, n’ayant pas ou très peu de troubles cognitifs (Lutgendorf S.K. et al., 2007). Efficacité de l’hypnose chez des patients de 80,6 ans d’âge moyen, ayant des douleurs chroniques et un syndrome dépressif, durant une hospitalisation (Ardigo S. et al., 2016).

Désormais, les articles s’intéressant à la douleur des personnes âgées commencent à citer l’hypnose comme un moyen complémentaire qui s’intègre à



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l’analgésie multimodale chez ces patients (Horgas A.L. et al., 2004 ; Abdula A, et al., 2013 ; Capriz F. et al., 2017).

D OULEURS

AIGUËS ET PROCÉDURALES

En fonction de son intensité, une douleur aiguë ou procédurale va déclencher plusieurs réponses : 





une réaction d’alerte : le patient va arrêter ce qu’il fait et s’oriente pour voir le danger, toute son attention est mobilisée, le reste de l’environnement et les parties de son corps sain n’existent plus ; une réponse du système nerveux végétatif avec augmentation de l’adrénaline, la noradrénaline, de l’ACTH et du cortisol : tachycardie, tachypnée, sueurs, pâleur... une réponse comportementale visant à essayer de soulager la douleur (immobilité, frottement) et à la signaler (cris, pleurs...)

Cet état s’apparente à un stress aigu avec une focalisation de l’attention sur la douleur et sa cause, c’est une hypervigilance qui ressemble à de l’hypnose négative : le patient est dans une période de suggestibilité extrême qui peut faciliter l’hypnoanalgésie. Toutefois, la particularité de l’hypnoanalgésie, lors d’une douleur aiguë, est la rapidité avec laquelle elle doit s’installer, les suggestions sont plus directes et l’attention est focalisée. Le patient peut ne pas être connu de l’hypnopraticien, et le temps ne permet pas de prendre beaucoup de renseignements, il faut aller vite ! Lors d’une douleur procédurale on peut avoir plus de temps, mais pas toujours. Nous allons alors développer une hypnose rapide dans sa mise en place et dans son application. L’hypnose dans ce contexte, et en complément d’une analgésie multimodale, présente l’intérêt d’être toujours disponible, de ne pas nécessiter de matériel et surtout d’être un moment relationnel particulier avec le patient. Pour éclairer nos propos, nous allons décliner plusieurs cas cliniques. Certains concernent des patients présentant des douleurs aiguës et d’autres des douleurs procédurales, soit lors d’un acte isolé (exemple : ponction lombaire, ponction d’épaule), soit lors d’interventions itératives (exemple : pansements) qui, dans ce cas, partagent des similitudes avec les douleurs chroniques. Mais nous avons néanmoins choisi, pour plus de clarté, de les traiter dans le même paragraphe. Nous allons cibler les techniques spécifiques à l’hypnoanalgésie, mais les prérequis du chapitre 2 sont bien entendu valables.



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En l’absence de troubles cognitifs ou présence de troubles neurocognitifs aux stades légers à modérés Hypnose conversationnelle

Quelques bases avant de se lancer Du premier lien qui va s’établir avec le patient lors d’un soin douloureux ou d’une douleur aiguë vont découler toute la relation et la prise en charge. Ce lien doit s’installer rapidement, la synchronisation va être aidante ainsi que la reconnaissance de la douleur du patient (ratification), tout en étant toujours dans l’observation et l’utilisation des moindres gestes ou expressions du patient, et en se rajustant constamment. L’approche non verbale est le plus souvent ouverte, rassurante, posée et calme, mais elle peut aussi être basée sur la surprise (musique, grands gestes non menaçants...), à condition que le patient n’ait pas de troubles cognitifs et ne se sente pas en danger. Il est en situation d’hypervigilance et va guetter toutes les expressions du visage du soignant : si à un moment l’hypnopraticien n’est pas dans l’échange avec son patient et pense à quelque chose de désagréable qui n’a rien à voir, non seulement le lien est suspendu, mais l’ombre qui passera sur son visage sera interprétée par le patient comme un problème qui survient dans son soin. Comme il n’est souvent pas possible de se couper du monde alentour en consultation, il est préférable d’intégrer et de dire la vérité au patient :

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Exemple L’hypnopraticien reçoit un SMS qui l’inquiète, il pourra exprimer son inquiétude à son patient sans forcément entrer dans les détails : « j’ai un petit souci professionnel, mais en aucun cas en rapport avec vous ». Il est possible d’être plus naturel avec nos patients et cela rend la relation plus facile.

L’hypnose conversationnelle dans ces situations est souvent plus directive que l’abord dans les pathologies chroniques. L’hypnopraticien laisse peu de temps de silence et de pause dans son langage, permettant ainsi la captation du canal auditif. Plus les troubles cognitifs évolueront, plus il y aura augmentation du recrutement sensoriel avec utilisation des canaux visuels, auditifs et kinesthésiques simultanément pour garder l’attention du patient. Le discours que tient l’hypnopraticien est saupoudré de mots empreints de confort et les mots à connotation négative sont évités (« mal, où souffrez-vous ? ça nécrose, je vais piquer... ») au profit de mots bienveillants et apaisants (« ça cicatrise bien, ça évolue bien, je vais faire le soin »).



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Néanmoins, il faut noter que la suppression des mots « douleurs » et « mal » n’est souvent pas immédiate, car le patient en phase aiguë d’une douleur peut se braquer au début de la rencontre si le mot « moindre confort » est utilisé d’emblée dans un moment où la douleur est pour lui au paroxysme. Cette transformation peut nécessiter un temps d’échange rapide au cours duquel l’hypnopraticien va dans un premier temps ratifier la douleur du patient puis progressivement va pouvoir modifier les mots. La confusion est souvent très utile : « je le pose à la droite du bras gauche ou à la gauche du bras droit, ou peut-être souhaitez-vous plus à gauche du gauche ? » (Erickson M.H., 1983), mais à condition que le patient n’ait pas de troubles cognitifs, sinon il va se sentir en difficulté et donc agressé. Comme vu dans les chapitres précédents, lors de la conversation, l’hypnopraticien va prendre appui sur l’environnement :   

laisser la télévision ou la radio, et commenter ; observer les photos, les objets et en parler ; si la famille ou les amis sont auprès du patient, il n’est pas nécessaire de les faire sortir, à condition que le soin ne soit pas trop complexe ou impudique. Les faire sortir équivaut à recentrer d’un coup le patient sur le soin et à casser un moment de confort pour le plonger dans une réalité peu confortable.

L’évocation d’un souvenir agréable ou d’une safe place permet de faire diminuer la douleur : « Dès que vous introduisez des souvenirs de confort et d’aisance dans une situation douloureuse, la douleur commence à diminuer parce que vous avez seulement une quantité limitée d’attention à donner. » (Erickson M.H., 1983).

Cela nécessite d’avoir vérifié auparavant que le thème que l’hypnopraticien souhaite aborder est effectivement agréable, ou de savoir se réajuster rapidement si nécessaire :   

soit le patient est connu ; soit en demandant au patient ; soit s’il ne l’est pas et qu’une interrogation n’est pas possible (situation d’urgence ou absence de communication) :

➙ essayer de s’aider du peu de biographie que l’on a, ➙ ou parler de manière générale de sujets génériques, mais en observant le patient et en sachant rebondir rapidement si l’on sent que ce n’est pas adapté.



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On entend encore souvent les soignants nous dire que lors de leur formation on leur demande de prévenir pour faire un soin : « attention, je pique » et cette habitude ancrée peut être vécue comme un frein à l’utilisation de l’hypnose, le soignant ayant l’impression de trahir son patient s’il ne lui dit pas ce qu’il fait. En hypnose conversationnelle, il n’est pas question de prendre le patient en traître, mais après lui avoir dit : « Bonjour Mme M., je viens vous faire le soin », il est possible de continuer une conversation non axée sur le soin. Et tout en discutant, le soin se fera sans en avoir reparlé, le patient ayant été informé que c’était la mission du soignant dès le début. Quelques rares patients qui sont dans la « technicité » et le contrôle peuvent souhaiter parler du soin, mais cet axe de conversation peut aussi être un mode d’approche d’hypnose conversationnelle : « Le cathlon que je pose est bleu et je passe un désinfectant sur votre peau, frais et apaisant, me permettant maintenant de poser le cathlon en toute sécurité ». Des mots de saupoudrage ont pu être placés même au centre de la technique.

U N VIRUS BOUILLI Lors d’une douleur aiguë, l’induction peut se faire sur la douleur elle-même en la réifiant rapidement et en transformant cette réification.

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Avec le médecin, aux urgences Mme Z., 78 ans, n’a pas de troubles cognitifs. Elle s’est fait une fracture de cheville complexe en tombant dans ses escaliers pour aller voir pourquoi son petit-fils de 5 ans qu’elle gardait pleurait au milieu de la nuit. Elle arrive en larmes : douloureuse et inquiète pour son petit-fils qui l’a vue au sol dans l’escalier ne pouvant plus bouger. Celui-ci est gardé par la voisine. Tandis que l’infirmière administre un antalgique intraveineux, l’hypnopraticienne s’approche de Mme Z, se présente et lui demande : « Voulez-vous m’aider à vous aider ? » Mme Z. (un peu surprise) : Oui. Hypnopraticienne : Vous êtes tombée dans les escaliers ? Mme Z. (respire vite) : Oui. Hypnopraticienne : Et c’est la cheville qui a amorti le choc ? (début de dissociation) Mme Z. : Oui. Hypnopraticienne (en approchant de la cheville) : La cheville qui est sous ma main et qui est douloureuse ? Mme Z. : Oui (Yes-set). Mme Z. calme sa respiration et l’hypnopraticienne cale sa respiration sur celle de Mme Z. (pacing).



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Hypnopraticienne : Peut-être pouvez-vous sentir comme ma main est froide sur cette douleur, comme je sens que cette cheville est chaude sur ma main (approfondissement)... et commencer à ressentir la chaleur de ma main, ou des picotements, ou pas, ce n’est pas important, ou comme un poids léger (confusion). Et maintenant ou un peu plus tard, vous allez pouvoir voir de quelle couleur est cette cheville par rapport à l’autre (pas de réponse), peut-être même que cette cheville inconfortable a une forme ? Mme Z. (semble s’énerver) : Oui, comme un virus du SIDA rouge. Hypnopraticienne : Ah oui, et une température ? Mme Z. : Bouillante. Hypnopraticienne : Comme de l’eau bouillante ? Mme Z. : Non, comme de l’huile. Hypnopraticienne : De l’huile pour les frites ? (Mme T. acquiesce). Est-ce qu’il serait possible que ce virus rouge plonge dans l’huile bouillante ? Comment se transforme-t-il pour être plus acceptable ? Mme Z. (respire plus calmement) : Il se ratatine, il verdit. Hypnopraticienne : Est-ce qu’il est possible que ce virus vert ratatiné se déplace un tout petit peu, vers la droite ou la gauche ou suive ma main (la main de l’hypnopraticienne fait des petits cercles). Mme Z. : Il suit votre main. Hypnopraticienne agrandit les cercles : Il suit cette main, il s’est un peu déplacé. Et à chaque fois que vous prenez une grande inspiration (Mme Z. inspire), voilà, très bien, et que vous soufflez fort, le virus vert ratatiné sera tout petit, petit (double lien). Dans les jours à venir, ce sera facile pour vous de retrouver cette respiration qui calme, il suffira de souffler, et aussitôt le calme reviendra. Mme Z. ferme les yeux, l’hypnopraticienne la guide un peu dans sa respiration plus calme et finit en disant : « Bravo pour votre gestion et votre courage, vous avez géré votre petit fils qui est tranquille et en sécurité ».



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Points forts 

 







Utilisation de l’analgésie multimodale : un traitement par voie intraveineuse et l’hypnoanalgésie. Mise en place rapide d’une Yes-set et d’un pacing respiratoire. Ratification de la douleur : « Je dis au patient qu’il souffre vraiment de douleur ; que ça fait réellement mal ; qu’il peut minutieusement prêter attention à cette douleur » (Erickson MH., 1983). Réification de la douleur puis utilisation de cette réification par le biais d’une métaphore simple avec ce qu’apporte la patiente. Accompagnement par le toucher et coordination du toucher et de la parole, en utilisant le déplacement de la douleur pour faire prendre conscience à Mme Z. qu’elle peut bouger et donc avoir une action sur elle. Ratification de sa gestion de l’accident, ce qui finit par la calmer totalement.

R EBONDIR DANS L’ URGENCE

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Avec la cadre infirmière, en court séjour gériatrique M. G., 89 ans, sans trouble cognitif, a des douleurs dorsales avec impact sur la marche et limitation du périmètre de marche. Il a eu de multiples séjours hospitaliers, sans réponse à cette algie. Il est veuf et sa seule visite est celle de son frère. Sur sa table de chevet, il y a une photo de son chat. Une ponction lombaire est programmée, les internes sollicitent l’hypnopraticienne pour accompagner le soin, la ponction lombaire étant complexe dans ce contexte algique intense. Le patient est installé, dos courbé, les bras enserrant un oreiller. Il est assez défaitiste sur la réussite du geste, car il y a eu plusieurs échecs auparavant. L’hypnopraticienne se positionne près de sa tête, et lui parle à voix basse, en utilisant la métaphore du blé qui se courbe sous le vent, afin que cette image l’aide à arrondir son dos le plus possible. Cela ne lui convient pas du tout, il l’exprime. Un peu désappointée, l’hypnopraticienne cherche une autre métaphore, et voyant la photo du chat sur son chevet, elle lui propose de faire le dos rond comme le ferait son chat. L’hypnose conversationnelle est alors enclenchée, car il se met à parler de son chat, de ses habitudes ; l’hypnopraticienne le guide tout au long de l’examen, pour qu’il reste en position « dos rond » car son enthousiasme à parler de son chat l’incite à bouger. Au moment de l’introduction de l’aiguille, l’hypnopraticienne choisit la griffe du chat qui l’écorche dans un moment de jeu (ratification du geste). La ponction a pu être réalisée avec succès, et M. G. a ensuite encore parlé longtemps de son chat...



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Points forts 



Adaptation au patient : l’hypnopraticienne rebondit lors de la séance sur une autre métaphore dérivée de ce qu’elle a observé dans l’environnement de M. G. Ratification du geste par la métaphore : griffure du chat.

U NE PROMENADE DANS LES P YRÉNÉES Avec le médecin aux urgences M. R., 88 ans, ayant une maladie d’Alzheimer à un stade modéré, présente une rétention aiguë d’urine pour laquelle une pose de sonde à demeure urinaire est nécessaire. Trois premières tentatives ont échoué. L’hypnopraticienne entend que l’urologue doit venir, le patient a peur, est agité et a crié lors des tentatives précédentes. Sans avoir eu le temps de prendre des renseignements, l’hypnopraticienne se présente, s’installe près du patient qui au début se méfie un peu. La conversation s’engage, l’hypnopraticienne dit qu’elle est là pour l’accompagner lors du soin pour que tout se passe bien, puis il ne sera plus question du soin. M. R. regarde l’hypnopraticienne dans les yeux, un peu interrogatif (captation du regard). À la question « avez-vous un lieu que vous appréciez tout particulièrement ? la montagne ? la campagne ? », M. R. parle rapidement des Pyrénées, une ferme où il a été envoyé par ses parents pendant la guerre pour être en sécurité (safe place) et des vaches qu’il fallait mener aux champs. Au fur et à mesure de la conversation, M. R accepte cette proxémie et semble même l’apprécier, ce qui va permettre à l’hypnopraticienne d’augmenter le recrutement sensoriel en utilisant un toucher répétitif sur l’épaule. À ce moment, l’urologue entre, l’hypnopraticienne lui fait signe de ne pas parler et de débuter le soin. L’hypnopraticienne : Ces vaches ont des odeurs particulières et vos oreilles peuvent percevoir les bruits qui vous apaisent, des cloches ou tout autre bruit de la nature... (recherche du canal prépondérant et inclusion des bruits de la préparation du plateau de soins). Pas de réponse. L’hypnopraticienne : Peut-être même pouvez-vous voir leur couleur ? M. R. : Oui, elles sont marrons et blanches (canal visuel). L’hypnopraticienne : Les yeux regardent ce paysage que vous appréciez, les formes des montagnes et il y a une fontaine ou une rivière fraîche et douce. L’hypnopraticienne fait signe à l’urologue qu’il peut commencer à poser la sonde. À partir de ce moment, il n’y aura aucun temps de pause. Au moment de la pose de la sonde, l’hypnopraticienne parle de « l’eau fraîche et douce, de couleur limpide, qu’il a peut-être envie de toucher et voir, sentir couler, fluide » (métaphore et ratification). Plusieurs essais sont encore nécessaires, parfois le patient grimace mais ne crie plus



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et l’hypnopraticienne continue à parler de ces montagnes et de cette ferme, de tous les animaux, tout en saupoudrant et en répétant. Le patient a le regard fixe, mais à d’autres moments il partage la conversation. Une suggestion post-hypnotique est faite sur un prochain soin qui lui permettra de retrouver ce moment de quiétude et de calme.

Points forts 





 

Proxémie acceptée qui permet à la fois d’utiliser le tact, mais aussi de se faire mieux entendre quand les patients ont des presbyaccousie, Augmentation du recrutement sensoriel : visuel, auditif et tactile, qui est maintenu tout le long de la séance, bien que le patient n’ait pas de troubles cognitifs sévères. Cela permet de garder l’attention de M. R. lors du soin, mais aussi de lui permettre de s’ouvrir à son monde intérieur en allant chercher un souvenir agréable. Balayage rapide du PAVTOG pour trouver le canal prépondérant et l’utiliser en insistant plus sur celui-ci. Voyage entre l’hypnose conversationnelle et l’état hypnotique dans une safe place. Synergie avec l’urologue et ratification du geste par une métaphore.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

État hypnotique

L’état hypnotique pour un patient âgé n’ayant pas de troubles cognitifs ou des troubles légers à modérés pour un soin douloureux s’appuie sur les mêmes bases que chez un patient plus jeune, avec comme spécificités celles qui sont décrites dans le chapitre 2. De nombreuses approches sont possibles, nous n’en citerons que deux classiques, dans la mesure où il y a peu de spécificités dans ce contexte. U N GANT MAGIQUE ... SUR LES DEUX MAINS Avec le médecin aux urgences Mme F. a 77 ans. Alors qu’elle jardinait, elle a trébuché et est tombée sur les avantbras dans son allée pleine de gravillons. Elle s’est fait de multiples dermabrasions dans lesquelles de nombreux petits cailloux et du sable se sont glissés. Elle arrive gémissante et douloureuse. Un antalgique lui est donné, mais ne la calme pas suffisamment et elle redoute le soin. L’équipe des urgences sollicite l’hypnopraticienne pour accompagner Mme F. L’hypnopraticienne s’installe à sa tête, se présente et lui dit qu’elle est là pour s’assurer de son bien-être pendant le soin, et lui demande : « Voulez-vous m’aider à vous aider ? », Mme F. accepte. L’hypnopraticienne lui propose une induction visuelle et



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kinesthésique, Mme F. ferme rapidement les yeux, sa respiration est calme, quelques larmes perlent à ses paupières. L’hypnopraticienne lui demande alors de choisir un gant, un gant qui est magique car il filtre toutes les sensations, agréables ou pas, elle peut en choisir la forme, la taille, la couleur, le tissu, l’odeur, le poids... (PAVTOG) et quand elle l’aura choisi, elle pourra le mettre sur sa main droite en le déroulant jusqu’au coude. Et tandis qu’elle déroule ce gant, son bras devient de plus en plus lourd, engourdi (le bras de Mme F. se détend) et elle va alors être surprise de constater à quel point ce gant la protège, ne laisse passer aucune sensation et plus elle déroule le gant, plus son bras devient de plus en plus relâché, lourd ou léger, endormi et peut-être quelques picotements (ratification). Le médecin fait le soin et nettoie l’avant-bras droit, Mme F. est totalement détendue. Mais au bout d’un moment, alors que le soin se passait bien, Mme F. grimace et commence à geindre. À ce moment, l’hypnopraticienne se rend compte que le médecin a changé de bras et est en train de panser l’autre bras non porteur d’un gant. L’hypnopraticienne fait un petit geste au médecin pour lui signifier de suspendre quelques secondes son soin, et propose à Mme F. de mettre sur la main gauche le gant gauche (PAVTOG). Mme F. se détend et le soin se termine tranquillement.

Points forts 

 

Utilisation du gant magique en état hypnotique, ce qui permet de calmer la patiente avant de débuter le soin. Ratification au moment du soin : picotements. Nécessité de travailler en synergie avec celui qui pratique le soin.

U N CHIEN DANS SON JARDIN ? Avec le médecin aux urgences M. M., 86 ans, se présente aux urgences pour une plaie du mollet faite par la morsure d’un chien il y a 8 jours. Il a des troubles cognitifs légers. La plaie est nécrotique et purulente à plusieurs niveaux du mollet. Un nettoyage et un découpage profond vont être nécessaires chez ce patient pour qui la douleur est déjà là en raison de l’inflammation périlésionnelle. Après une anesthésie par lidocaïne en spray et une proposition d’accompagner le soin par hypnose, l’hypnopraticienne prend quelques renseignements auprès du patient : la safe place est son jardin, le canal prépondérant semble être tactile. L’induction est rapide et le patient est rapidement dans son jardin. L’hypnopraticienne fait signe à l’infirmier qu’il peut commencer le nettoyage. Le passage du sérum physiologique est l’occasion de dire que de « l’eau s’écoule du tuyau d’arrosage sur les jambes



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(ratification)... la peau sent cette sensation de fraîcheur agréable et douce... cette eau est magique car elle protège cette jambe (l’hypnopraticienne fait signe de refaire un lavage), comme si cette eau était un filtre qui ne laisse passer que les sensations agréables... peut-être peut-elle même endormir cette jambe... (l’hypnopraticienne fait signe que la détersion peut commencer)... et vous continuez cette promenade dans ce beau jardin... (le patient dit « aï », s’agite) et peut-être êtes-vous en train depasser près d’un buisson ou d’une branche qui a piqué la jambe (ratification)... son odeur est douce et familière (le patient s’apaise à nouveau, l’hypnopraticienne surveille les gestes de l’infirmier et anticipe), l’eau à nouveau endort... Les oreilles entendent les picotements d’un insecte (confusion), etc. » À la fin du soin, le patient, revenu ici et maintenant, dira qu’il n’a rien senti et que c’était bien agréable. Bien entendu des suggestions post-hypnotiques de confort ont été faites, ancrées à la fois sur le soin suivant, mais aussi pour les jours à venir en dehors du soin sur la vision apaisante de son jardin.

Points forts 

 

Enfin, même si le soin est unique, les suggestions post-hypnotiques restent importantes pour laisser la possibilité au patient d’accéder, si besoin, à ses ressources. N

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.



Synergie qui existe entre celui qui fait le soin et l’hypnopraticienne, l’un agissant en fonction de l’autre et l’autre adaptant la séance à tout moment. Adaptation du gant magique en eau magique. La ratification des gestes par une métaphore en utilisant l’endroit où se trouve le patient et les plantes qui l’entourent. Malgré quelques expressions de douleur, le patient est en transe et reste dans son jardin. Dans l’étude de De Pascalis V. et al., les sujets rapportaient quand ils étaient sortis d’hypnose une analgésie plus importante que celle constatée pendant l’hypnose (De Pascalis V. et al., 2008). Cela est peut-être dû à une amnésie de la séance qui laisse une trace positive et un patient souriant. Il est donc important, même lorsque le patient s’exprime pendant l’état hypnotique de manière négative de ne pas le « lâcher » et de continuer la séance.

Présence de troubles neurocognitifs aux stades modérément sévères à sévères

Les bases de l’HAPNeSS sont les mêmes dans ce contexte de douleur que celles que nous avons vu au chapitre 2. Le patient ayant des troubles neurocognitifs majeurs au stade sévère peut ne plus analyser le message douloureux qu’il



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reçoit comme une douleur et réagir par le biais de troubles du comportement, l’hypnopraticien doit alors s’adapter constamment à ces nouvelles situations. Dans le contexte de douleur aiguë et procédurale, deux situations se distinguent : 



Le patient qui lors de l’hypnose conversationnelle va entrer en état hypnotique et qui n’aura besoin que de quelques mots de saupoudrage pour cheminer seul pendant le soin. Le soin et l’hypnose peuvent alors être faits par une seule personne qui régulièrement saupoudrera. Le patient qu’il faudra accompagner par augmentation du recrutement sensoriel durant tout le soin tout en conversant. Le plus souvent cela nécessitera d’être deux : un pour l’hypnose et l’autre pour le soin.

Il est difficile de savoir comment le patient va réagir tant que l’hypnose n’a pas commencé, ce qui implique une grande adaptabilité pour le soignant sans aucun schéma prédéfini. Comme nous l’avons vu, il est intéressant d’utiliser les quelques données que nous pouvons avoir, soit parce que nous connaissons le patient, soit en cherchant dans son dossier, en observant les objets qui l’entourent ou qu’il porte. Augmentation du recrutement sensoriel P EU DE DONNÉES MAIS IL Y A INTERNET ! Avec le médecin, en court séjour Mme L. a 82 ans et des troubles cognitifs sévères, elle vit à domicile, très entourée par sa famille. Elle est d’origine espagnole, elle ne parle plus, mais semble néanmoins comprendre quelques mots. Elle porte autour du cou une chaîne avec une croix. Elle est hospitalisée en court séjour gériatrique pour de la fièvre. Il est rapidement identifié un coude douloureux et inflammatoire, faisant craindre une arthrite. La patiente est agitée et agressive lorsqu’on s’approche de son bras, et pourtant il est important de la ponctionner pour étayer le diagnostic. Malheureusement, ce matin-là, personne de sa famille ne l’entoure et la communication est difficile. En cherchant rapidement dans son dossier, l’hypnopraticienne voit qu’elle est née à Grenade. Elle cherche alors sur internet un reportage sur Grenade et plus spécifiquement la cathédrale en raison de la croix qu’elle porte autour du cou. L’hypnopraticienne installe l’ordinateur avec le reportage et commente abondamment le reportage autour du PAVTOG : « Le Soleil est chaud là-bas, des fontaines coulent et des enfants jouent, vos oreilles entendent les cloches et votre peau sent la douce chaleur du soleil et la fraîcheur de la cathédrale... ». Elle ne laisse pas de temps de pause, est très proche de la patiente, lui caresse le dos de la main par des mouvements répétitifs



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(augmentation du recrutement sensoriel). Mme L. regarde le reportage et l’hypnopraticienne (captation du regard). Elle saupoudre : « Tout est frais, calme, tranquille, dans ce beau lieu de sécurité, apaisé ». Au moment de la désinfection, une suggestion de fraîcheur d’eau ramassée dans la fontaine et qu’elle met sur son visage en coulant vers son bras, permet à Mme L. de ne pas être surprise (ratification) et l’effleurement du mur de la cathédrale avec le bras (métaphore) au moment de la ponction permet que celle-ci se fasse sans aucun mouvement corporel. La patiente, agitée au début, s’est calmée très rapidement et n’a pas quitté des yeux l’écran et l’hypnopraticienne, acquiesçant de temps à autre, et permettant ainsi de faire une ponction rapidement sans qu’aucun inconfort ne se manifeste. La fin du soin se termine avec une suggestion post-hypnotique d’ancrage sur un prochain soin.

Points forts 

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.



Utilisation de quelques éléments biographiques trouvés dans le dossier et adaptation à ce que Mme L. porte : le bijou, ce qui oriente l’hypnopraticienne vers la cathédrale. Elle fait la supposition, en s’appuyant sur le pic de réminiscence, que le lieu de son enfance est un lieu agréable. Elle reste néanmoins très vigilante au moindre signe de contrariété ou d’inconfort pouvant survenir et indiquer que le postulat était mauvais. Ce n’est pas arrivé, Mme L. était très apaisée. L’augmentation du recrutement sensoriel se fait par le visuel (film d’internet et visage de l’hypnopraticienne), par l’auditif (film et voix) et le canal tactile (proxémie partagée), qui continue durant tout l’échange.

C’ EST BON ! Avec le médecin aux urgences Mme T. a 97 ans, elle a des troubles neurocognitifs majeurs au stade sévère et communique par onomatopées ou mots répétitifs. Elle est hospitalisée aux urgences pour un AVC dont elle récupère rapidement. Elle vit à domicile chez ses petits-enfants. Les ambulanciers arrivent pour la ramener chez elle, quand l’infirmière a au téléphone les infirmières qui s’occupent de la patiente à domicile. Celles-ci expliquent qu’au moment du pansement, la patiente est très agressive et peut les mordre. Elles souhaitent ne plus intervenir à domicile. Le pansement n’avait pas été vu ni refait par les urgences car il est petit au niveau de l’hallux. Sans donner d’antalgique préalable (les ambulanciers attendent), l’hypnopraticienne décide de faire le pansement uniquement sous hypnose. La patiente est installée dans son fauteuil, l’hypnopraticienne



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s’installe près d’elle, mais en dessous. Elle et la patiente se regardent yeux dans les yeux (captation du regard). Hypnopraticienne : Vous vivez chez vos petits-enfants (truisme). Mme T. : C’est bon. Hypnopraticienne, en accompagnant la parole de gestes de caresse répétitifs sur l’épaule : C’est bon chez vos petits-enfants...Tout est calme et tranquille chez vos petitsenfants... et c’est bon (suggestions directes, augmentation du recrutement sensoriel, saupoudrage). Mme T. : C’est bon. Hypnopraticienne : C’est un endroit où vos petits-enfants vous aiment beaucoup, et tout est bon. Mme T. : C’est bon. Hypnopraticienne en lui faisant fixer un objet : Vous voyez cette petite étoile, il y a des rayures sur cette étoile, des rayures bleues (l’hypnopraticienne cherche à déplacer le regard de la patiente sur l’étoile pour pouvoir aller regarder la plaie débarrassée de son pansement par l’infirmière, Mme T. fixe l’étoile et l’hypnopraticienne peut bouger, Mme T. ne bouge pas). Le soin continue, l’hypnopraticienne revient dans le regard de Mme T. et continue le saupoudrage en maintenant le recrutement sensoriel et en rajoutant régulièrement « c’est bon ». Le nettoyage de la plaie est ratifié par « de l’eau douce et apaisante passe sur le pied et c’est agréable et frais ». À la fin du soin, l’hypnopraticienne fait une suggestion post-hypnotique de confort avec comme ancrage le prochain soin, ainsi qu’une prescription d’antalgique à donner 1 heure avant le soin à domicile (analgésie multimodale). Un mois après, l’infirmière appelle pour avoir des nouvelles de Mme T., il n’y a plus jamais eu aucun problème lors des soins de Mme T, elle est tranquille et les soignants aussi.

Points forts 



Le positionnement se fait par position basse physique et proxémie : Mme T. et l’hypnopraticienne se sont déjà rencontrées 1 heure auparavant mais la patiente ne se rappelle plus d’elle, néanmoins il persiste un sentiment de familiarité qui autorise une distance intime et permet d’entrer vite dans la relation. Pas de question ouverte, mais l’utilisation de truismes et de suggestions directes proposées évite de mettre la patiente en difficulté et permet d’initier une Yes-set à laquelle la patiente répond « c’est bon ». Cette phrase est à double sens et l’hypnopraticienne l’utilise comme tel : « oui » et « c’est bien » dans son saupoudrage,

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Captation du regard en deux temps : sur l’hypnopraticienne, puis sur un objet, puis à nouveau sur l’hypnopraticienne, Comme nous l’avons vu, la valence émotionnelle d’un événement persiste chez les patients ayant une maladie d’Alzheimer (Guzmán-Vélez E., 2014). L’ancrage sur ce soin qui a été un moment de communication agréable laisse une trace affective positive et permet de rompre le cercle infernal du comportement agressif lié au soin, preuve qu’un autre soin peut être possible avec un comportement apaisé.

Métaphores autour des soins intrusifs

La pose de sondes, qu’elles soient urinaires ou nasogastriques, est toujours un événement difficile pour le patient atteint de troubles cognitifs. Il est difficile d’expliquer l’intérêt de ce geste intrusif. Par conséquent, ces moments sont souvent traumatisants pour le patient et craints par le soignant. Des métaphores simples issues de l’histoire du patient peuvent être proposées pour accompagner plus paisiblement. S UIVRE LA ROUTE Avec la cadre infirmière en court séjour gériatrique

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mme B., âgée de 88 ans, a une maladie d’Alzheimer au stade sévère (MMSE à 8), elle communique sur un mode de logorrhée. Elle est habillée de couleurs vives (supposition d’un canal visuel prépondérant). Elle a une problématique digestive aiguë et nécessite la pose d’une sonde gastrique pour la soulager. La patiente est déjà dans son univers : préoccupation pluriquotidienne de devoir quitter l’unité pour aller chercher ses enfants qui l’attendent à la sortie de l’école et ne vont pas la voir (confirmation du canal visuel prépondérant). L’hypnopraticienne lui propose de prendre le chemin qui conduit à l’école, de s’engager sur cette voie, tout droit, en déglutissant, afin que la sensation de la sonde gastrique descendant dans l’œsophage soit assimilée au chemin (métaphore), tout droit jusqu’à l’école et sans demi-tour (en lien avec le reflexe nauséeux) afin de chercher ses enfants. Le PAVTOG a été utilisé par l’hypnopraticienne, adapté au canal visuel tout au long de la séance : description du chemin de l’école (couleur et revêtement du sol, maisons en bordure du chemin, végétation en bordure de chemin, l’école : bâtiment, portail, cour de récréation...).



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Points forts 



Canalisation de la logorrhée, avec utilisation du présent dans lequel se trouve Mme B. et saturation du canal visuel sur la vision du chemin de l’école, qui a permis de diminuer la double anxiété : liée au geste technique et nécessité d’être à la sortie de l’école. Utilisation de la métaphore du chemin, cette patiente l’a fait à pied (elle n’avait pas le permis de conduire) mais il était possible pour un autre patient de proposer une métaphore de route et de circulation automobile.

U NE RECETTE DE CUISINE Avec la cadre infirmière en court séjour gériatrique Mme S., 77 ans, a des troubles neurocognitifs majeurs au stade modérément sévère (MMSE à 12). Elle était restauratrice et s’est toujours beaucoup investie dans son restaurant de cuisine italienne. C’est une patiente agitée et logorrhéique. Elle est hospitalisée en court séjour Alzheimer pour des douleurs abdominales dans un contexte de rétention aiguë d’urine. L’échographie dit que sa rétention est à plus de 1 litre, elle nécessite donc la pose d’une sonde urinaire pour être soulagée. Bien entendu, la patiente n’est pas favorable à ce geste. L’hypnopraticienne fait le choix d’utiliser les canaux avec des images culinaires de spaghettis, lubrifiés d’huile d’olive (PAVTOG : saturation des canaux olfactifs – odeur de l’huile d’olive –, visuel – image de l’huile qui coule le long du spaghetti –, et gustatif), puis utilise une métaphore autour d’un spaghetti pendant la pose de la sonde urinaire. Mme S. écoute et commente, la pose est faite et la patiente garde la sonde. Lorsqu’elle demande de quoi il s’agit, les soignants lui reparlent du spaghetti et Mme S. ne tente pas de la retirer.

Points forts 



Appui sur les moments importants de la vie passée qui sont bien présents dans la vie actuelle de Mme S. Balayage d’un PAVTOG adapté à la patiente.

Une safe place

La safe place des patients ayant des troubles neurocognitifs est plus souvent un lieu de l’environnement proche : le fauteuil, la chambre, mais pas toujours, ce peut aussi être un souvenir, un moment agréable, un lieu de ressources, comme si



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dans cette population qui subit de nombreuses pertes, tous les affects positifs et aidants devaient être regroupés au même endroit pour y accéder plus simplement (cf. chapitre 2). A LLER BOIRE UN CAFÉ Avec la cadre infirmière en court séjour gériatrique Mme Y. a 90 ans, elle a une maladie d’Alzheimer au stade sévère (MMSE non réalisable) et est dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne, elle vit en EHPAD. Elle ne s’alimente plus et communique uniquement par des cris et des gémissements tout au long de la journée qui sont majorés lors des gestes douloureux (soins de nursing et réfection de pansements). Elle est hospitalisée en court séjour Alzheimer pour une pneumopathie qui s’améliore doucement. Elle présente une escarre sacrée nécrosée et des escarres talonnières inflammatoires. Les soins de nursing et techniques quotidiens majorent les douleurs, Mme Y. est traitée par des thérapeutiques antalgiques par voie générale ou locale. Par une journée d’été particulièrement chaude, les infirmiers sollicitent l’hypnopraticienne pour les aider lors de la réfection des pansements d’escarres.

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Ayant peu d’éléments de l’histoire de vie de Mme Y., l’hypnopraticienne choisit de l’orienter vers son lieu de vie. En se plaçant près de sa tête, pendant que l’infirmier commence le pansement d’escarre talonnière, elle lui propose d’aller dans sa maison et de s’installer dans la pièce de son choix : la cuisine, le salon, sa chambre (recherche d’une safe place)... Elle utilise le regard, la voix basse, le toucher par la caresse du visage, du front, de la joue (augmentation du recrutement sensoriel) et la ratification tout au long de cette promenade chez elle. Ses gémissements ont un rythme plus lent, elle semble porter attention à la voix. En comprend-elle le sens ? Impossible à dire. L’hypnopraticienne lui propose alors de passer un petit moment dans sa cuisine et l’incite à prendre un verre dans le placard, à se servir un jus de fruit, qu’elle prend dans le frigidaire, à s’asseoir à la table de la cuisine pour le boire, à apprécier la fraîcheur, le gout sucré...de même ensuite avec un café, avec la description depuis la cafetière, la tasse, le gout du café, sucré ou non, l’odeur (PAVTOG). Tout au long de cette étape, les gémissements diminuent, le rythme se ralentit, l’infirmier travaille plus confortablement. Ensuite l’hypnopraticienne lui propose de sortir de la maison, car la réfection du pansement est longue, et d’aller dans le jardin, toujours avec la description des fleurs, odeurs, couleurs, sensation de marcher sur du gravier... mais la patiente a des réactions bien différentes, avec majoration des gémissements et agitation corporelle, alors que l’infirmier n’accentue pas davantage ses soins techniques. L’hypnopraticienne propose aussitôt à la patiente de revenir dans sa maison, de retrouver la cuisine et de s’y installer de nouveau. Mme Y. se calme et retrouve la sérénité de la première



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partie de soin. L’hypnopraticienne lui propose donc de reprendre un jus de fruit, un café jusqu’à la fin du soin. Celui-ci s’est terminé de façon sereine et apaisante pour la patiente et l’équipe. La suggestion post-hypnotique et l’ancrage sont faits sur le confort du prochain soin.

Points forts 



Malgré l’absence de communication, l’hypnopraticienne fait confiance à Mme Y. pour partir en état hypnotique. Utilisations de suggestions directes proposées, à la fois en raison du soin aigu et du peu de données biographiques. L’hypnopraticienne guide Mme Y. au début, mais observe et comprend, par le biais du comportement, que Mme Y reprend la main et veut retourner dans sa maison, l’hypnopraticienne se réadapte alors rapidement.

D ES HABITUDES DIFFÉRENTES Avec le médecin en court séjour Mme J., 82 ans, est une patiente hospitalisée initialement pour fièvre et syndrome confusionnel avec opposition aux soins. La famille décrit des troubles cognitifs habituels évoquant une pathologie neurocognitive au stade modérément sévère, mais qui n’a jamais été diagnostiquée. Elle a une dyspnée et nécessite un bilan biologique avec une gazométrie artérielle. Les infirmières du service ont du mal à l’installer dans sa chambre et à prendre ses constantes, elles réussissent à faire une prise de sang en la maintenant. Il faut maintenant faire la gazométrie artérielle et devant les premières réactions de la patiente, elles demandent de l’aide à l’hypnopraticienne. Celle-ci se positionne donc rapidement auprès de Mme J., elle lui prend la main et lui demande ce qu’elle faisait dans la vie. Mme J. : On cultivait des vignes avec mon pépé. Hypnopraticienne : Très bien... vous habitez avec votre pépé ? (utilisation du présent) Mme J. : Oui avec mon pépé. Hypnopraticienne : Et c’est bien avec votre pépé (phrase affirmative, saupoudrage). Mme J. : Oui, il est gentil mon pépé (la patiente est au présent). Hypnopraticienne : Et vous habitez où avec votre pépé ? Mme J. : Dans la maison, à côté des vignes. Hypnopraticienne : Vous l’aimez cette maison (suggestion directe). Mme J. : Oui. Hypnopraticienne : Quelle pièce préférez-vous ? Y en a-t-il une plus agréable que les autres ?



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Mme J. : Le salon. Hypnopraticienne : Vous y êtes bien, de quelle couleur sont les murs ? Mme J. : Blanc. L’infirmière fait le soin, la patiente ne réagit pas, le premier prélèvement échoue. Hypnopraticienne : Et les rideaux, de quelle couleur sont-ils ? Mme J. : Rouge. Hypnopraticienne : Avez-vous un fauteuil préféré ? Mme J. : Oui, à côté de la cheminée. Hypnopraticienne : Vous aimez vous mettre au coin du feu. Mme J. : Oui... Hypnopraticienne : C’est agréable. Mme J. : Oui. Hypnopraticienne : À quel moment de la journée est-ce le plus agréable ? L’infirmière refait le prélèvement. Mme J. : Quand je rentre de l’école et qu’on prend un petit vin blanc avec mon pépé. Hypnopraticienne (un peu surprise) : Très bien... c’est agréable le goût du petit vin blanc, installée dans votre fauteuil préféré... confortablement... c’est un moment de bien-être... Mme J. : Oui c’est un moment agréable. L’infirmière signale alors que le geste est terminé.

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Hypnopraticienne : Très bien... vous pouvez continuer à boire un petit vin blanc ou quand vous le souhaitez revenir dans la réalité de votre chambre. Lors du prochain soin ce sera pour vous l’occasion de vous installer dans le canapé et de boire un petit verre de vin blanc.

Points forts 









Mirroring verbal : phrases courtes, vocabulaire simple et adapté au centre d’intérêt de Mme J. Confiance en les capacités de Mme J, malgré ses troubles cognitifs, elle a un rôle actif, c’est elle qui mène. Accompagnement et adaptation à la safe place de Mme J., sans jugement de la part de l’hypnopraticienne. Saupoudrage et suggestions directes proposées permettant d’augmenter le bien-être du lieu : « vous l’aimez cette maison ». Pas de ratification des soins, la patiente est totalement dissociée et il n’a pas paru nécessaire à l’hypnopraticienne d’inclure le soin dans la conversation.



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L A TOILETTE ET LA MER Avec la psychologue en EHPAD Mme H. est âgée de 77 ans, elle présente une maladie d’Alzheimer au stade sévère. Suite à une dégradation de son état cutané, elle présente deux escarres (sacrum et trochanter). La toilette est qualifiée d’insoutenable par les équipes soignantes, notamment les pansements par les infirmières, et ceci, malgré la mise en place d’un traitement antalgique préventif aux soins et continu sur la journée. La patiente manifeste des refus et présente des cris importants lors des pansements. L’hypnopraticienne intervient sur quatre moments de soins avec des équipes différentes. Prenant appui sur son goût des voyages en camping-car et de ses déplacements fréquents vers la mer, chaque séance de soins débute par la mise en place d’une transe intégrant la détente. Ensuite l’hypnopraticienne propose une promenade en mer, ponctuant chaque moment de soins par une sensation spécifique : 

lavage de la plaie au sérum : intervention des embruns ;



décollement ou mise en place du pansement : sensation de frottement du sable sur la peau...

Ce travail en binôme, soignant et psychologue, a permis d’ancrer une mémoire plus confortable du temps du soin, favorisant les verbalisations de la patiente et lui apportant un sourire à la fin de la toilette.

Points forts Les techniques en support sont les suggestions de détente, l’utilisation d’une voix servant d’ancrage auditif, et l’utilisation du PAVTOG par des images, objets et sons en lien avec la mer, particulièrement appréciée par la patiente et qui semble être un lieu ressource pour elle. Enfin les ratifications par des métaphores issues de l’environnement sont particulièrement aidantes pour Mme H. La posture de l’hypnopraticienne, répétitive, va finalement servir d’ancrage en plus de la toilette.

Des conversations

Des petits moments d’un langage adapté à la réalité du patient, en trouvant des points d’accroche, peuvent permettre d’offrir au patient un moment de soin agréable et confortable.



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C AROLINE ? Avec le médecin aux urgences Pour les douleurs procédurales, les échanges peuvent être très courts. Mme R., non communicante verbalement et ayant une pathologie démentielle au stade sévère, nécessite un prélèvement veineux mais la veille elle a hurlé au moment de la piqûre. Elle a avec elle une tortue en peluche. L’hypnopraticienne va utiliser cette tortue : « C’est une belle tortue, douce, verte et marron... Vous aimez les tortues (suggestion directe)... elles sont calmes et placides (suggestions indirectes)... elles s’appellent souvent Caroline, elle s’appelle peut-être Caroline (patiente ébauche un sourire), je vous fais rire, mais cette tortue c’est surement Caroline (patiente sourit franchement). Elle est là avec vous, et vous sécurise à chaque fois que vous en avez besoin (suggestion post-hypnotique). » Le prélèvement s’est fait sans agitation et en souriant.

Points forts En 1 ou 2 minutes, l’HAPNeSS a pu être mise en place : utilisation de l’environnement, augmentation du recrutement sensoriel, métaphore, suggestions directes et indirectes, prédiction auto-réalisante et suggestion post-hypnotique avec ancrage sur la tortue pour les soins suivants, en ayant pris soin de tracer dans le dossier la nécessité de garder la tortue lors des soins.

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J ANE AUSTEN EN SOUTIEN Avec le médecin aux urgences Mme O. est hospitalisée aux urgences pour un syndrome confusionnel avec apathie et refus de se lever. Elle a des troubles neurocognitifs au stade modérément sévère. Elle est décrite par l’équipe comme ayant eu des soins difficiles (pose de sonde urinaire, pose de perfusion). L’hypnopraticienne la retrouve fermée au fond de son lit, ne souhaitant pas communiquer, le front plissé en une anxiété profonde. Dans l’idée de l’aider à se lever, il est décidé de retirer la sonde urinaire. À l’ébauche du soulèvement du drap, la patiente se crispe et pousse la main. Dans le dossier, il est retrouvé qu’elle était libraire. L’hypnopraticienne s’installe près d’elle, à sa tête, pendant que l’infirmier retire la sonde. « Vous avez eu une librairie, à vous (pas de réponse), c’est un beau métier que vous avez eu. Vous devez avoir une période littéraire préférée : peut-être les lettres grecques : Aristote, Platon (pas de réponse), ou plus récente, Gide, Sartre ? Ou peutêtre la littérature anglaise (Mme O. tourne le regard, l’hypnopraticienne en profite



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pour poser la main sur son épaule), Jane Austen (un sourire apparaît), ce sont des beaux romans, elle a une écriture fluide, oui la littérature anglaise du XIX e siècle, la campagne anglaise, verte et paisible, des ruisseaux qui s’écoulent (l’infirmier retire la sonde, Mme O. se crispe mais ne s’oppose pas). Et la littérature française, Zola (pas de réponse), Balzac (sourire). » Mme O. accepte le lever et est installée au fauteuil, le front plus détendu, observant un peu ce qui se passe autour d’elle.

Points forts L’abord de Mme O. avec une position différente de celle liée à la technicité d’un soin permet d’ouvrir à une autre relation, puis par le biais de l’augmentation du recrutement sensoriel et la conversation s’adaptant à ses centres d’intérêt avec une métaphore (ruisseau qui s’écoule au moment du retrait de la sonde), le soin est réalisé plus confortablement.

S ANS SAVOIR Dans une situation d’urgence, il est parfois impossible d’avoir accès aux données biographiques du patient. Avec le médecin, aux urgences Mme K. a 88 ans, elle vit en EHPAD et a des troubles cognitifs sévères. Elle ne communique plus verbalement. Elle est adressée aux urgences pour une évacuation d’ascite dans le cadre d’un hépatocarcinome en phase terminale. Elle est allongée, anxieuse et agitée. Les étudiants palpent son ventre pour marquer le lieu de la ponction, mais celle-ci s’annonce difficile, autant au niveau technique qu’au niveau émotionnel. L’hypnopraticienne ne connaît pas la patiente, mais elle propose à l’équipe de l’accompagner au moment où l’interne s’apprêtait à faire le geste et les étudiants à tenir Mme K. L’hypnopraticienne n’a donc pas le temps de rechercher des renseignements biographiques, elle demande à l’interne de lui laisser un tout petit moment. Elle propose à Mme K. de la réinstaller avec un petit coussin sous la tête et un coussin de chaque côté afin de créer un cocon tout en lui parlant et en saupoudrant du confort. Elle monte le lit pour avoir une position basse, cela permettant aussi à l’interne de faire le geste en confort. La patiente n’est pas plus calme, mais elle commence à tourner son regard vers l’hypnopraticienne (captation du regard). Celle-ci s’assoit à son côté, proche. Elle pose sa main sur l’épaule de Mme K. et fait des mouvements de caresses répétitifs (augmentation du recrutement sensoriel). Hypnopraticienne : Je vous propose de vous accompagner pour ce soin, pour bien vous soigner et ensuite rentrer chez vous dans votre lit confortable (projection dans le



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futur). Vous êtes confortablement installée, le coussin sous la tête, les coussins qui vous entourent (Yes-set). Mme K. semble se détendre. Hypnopraticienne (met la main sur le thorax de Mme K.) : Peut-être pouvez-vous suivre votre respiration, qui monte... qui descend (pacing respiratoire), très bien. Et retrouver un lieu ou un souvenir agréable, un moment, peut-être la mer, la montagne, en famille ou même la conduite. L’hypnopraticienne a l’impression que la conduite lui plaît, Mme K. ferme les yeux. Hypnopraticienne : Les yeux regardent les formes, les couleurs de ce qui vous entoure, les oreilles entendent les bruits, familiers ou pas, des voix... Ou le silence... (PAVTOG et approfondissement de la transe), le nez perçoit des odeurs... familières... agréables ...apaisantes... je vous propose d’étendre sur votre ventre une couverture magique (l’hypnopraticienne fait signe à l’interne d’installer le champ), qui ne laisse passer que les sensations agréables, qui filtre tout ce qui ne l’est pas... voilà, très bien (l’interne a posé le champ : utilisation de la ratification pour Mme K. et pour l’interne)... et à chaque fois que vous sentez de la fraîcheur, douce et apaisante, la peau du ventre est de plus en plus endormie et ne laisse passer plus aucune sensation (l’interne désinfecte le site de ponction)... très bien, vous profitez de ce lieu agréable où vous êtes bien... en sécurité... Mme K. est en transe profonde, le soin dure, le liquide d’ascite est cloisonné, l’interne laisse la main au médecin, qui finit par aller chercher l’appareil d’échographie. Pendant ce temps, Mme K. reste en transe profonde, l’hypnopraticienne part et revient plusieurs fois (elle a d’autres patients à voir et Mme K. est très calme) pour saupoudrer un peu : « tout va bien, tout est calme, vous profitez... ».

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Le soin va durer un peu plus d’une heure. Lorsque tout est fini, l’hypnopraticienne fait un retour rapide, la patiente ouvre les yeux, regarde et sourit. Elle rentre le soir même à son EHPAD.

Points forts  



Confiance en les capacités de Mme K. pour trouver un lieu qui lui convient. Double ratification : lors d’un soin, la communication gestuelle ou verbale avec celui qui fait le soin permet d’ajuster l’hypnose à ce qui se passe. La ratification permet de dire à la fois à la patiente, mais aussi au soignant qui fait le soin, que tout se passe bien. Adaptation du gant magique à la couverture magique et la compresse magique qui filtrent les sensations. Cette manière plus directe d’utiliser le gant magique semble être plus efficace chez les patients ayant des pathologies neurocognitives : utiliser une couverture magique posée directement sur la zone à traiter est plus simple pour le patient que de lui demander d’aller poser sa main ou de laisser diffuser une sensation.

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... Cette façon dérivée d’utiliser le gant magique peut aussi être proposée en bonnet magique (céphalées), en chaussette magique (escarres du talon), etc.

D OULEURS

CHRONIQUES

La douleur chronique nécessite une prise en charge prenant en compte toutes les dimensions du patient. Ainsi notre approche en hypnose va être plus vaste avec plusieurs cibles : douleurs, affects, autonomie, activités, etc. Comme nous l’avons vu, si les patients âgés consultent pour des douleurs chroniques, plus les troubles cognitifs évoluent, plus la présentation de la douleur change : de la focalisation totale sur la douleur chez les patients ayant des pathologies neurocognitives à un stade modéré, à l’absence d’interprétation du signal douloureux chronique chez les patients ayant des troubles sévères. Pour cette dernière raison, peu de patients ayant des pathologies neurocognitives au stade sévère sont adressés en consultation, sauf ceux pour qui la douleur est tellement ancienne qu’elle fait partie intégrante de leur être. Certains de ces patients, lorsqu’ils arrivent en consultation, ne se plaignent de rien, et ce, malgré l’insistance de leurs aidants qui parlent de douleurs récurrentes. Il est alors impossible d’avoir accès à quelques informations sur la douleur si celle-ci n’est pas présente au moment de la consultation. Cela est probablement lié à l’altération de la mémoire épisodique qui a un rôle important dans la mémorisation de la douleur (Laurent B., 2011). Nous allons dans cette partie développer les spécificités des douleurs chroniques chez les patients présentant des troubles neurocognitifs. Nous faisons le choix de ne pas décrire les patients n’ayant pas de troubles cognitifs, dans la mesure où, en dehors des quelques spécificités évoquées au chapitre 2, leur prise en charge n’est pas différente des patients plus jeunes. N

Consultation douleur chronique en gériatrie : quelques bases « Puisque tu as deux oreilles et une seule bouche... écoute deux fois plus que tu ne parles. » Confucius

Basée sur l’approche utilisationnelle de M.H. Erickson, sur les thérapies orientées vers la solution (TOS) de S. De Shazer (De Shazer S., 1994) et sur l’approche centrée sur le patient (Mead N. et al., 2000 ; Stewart M., 2014), la consultation de douleur chronique en gériatrie est souvent longue, mais riche pour l’hypnopraticien et le patient.



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Cette consultation sera à part pour l’aider à initier un changement, comme un moment privilégié d’échanges dans une relation empathique et à l’écoute du patient durant lequel l’alliance thérapeutique va se construire pierre par pierre et permettra de fixer ensemble des objectifs atteignables. Au cours de la consultation, de nombreuses méthodes adaptées au patient seront utilisées pour commencer à rompre la logique du symptôme douleur dans laquelle le patient est enfermé, comme autant de bouées que le patient va décider de saisir ou pas en prenant progressivement conscience que les ressources dont il a besoin sont les siennes et celles de nul autre.

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Le patient qui consulte est souvent polypathologique et a déjà consulté de nombreux soignants pour ses douleurs ou autres symptômes, il a subi des interventions chirurgicales et a eu les effets indésirables de médicaments, il arrive prêt à subir une fois de plus. Il arrive le plus souvent en ambulance, accompagné d’un membre de sa famille. La consultation est attendue depuis un certain temps avec anxiété. Le premier accueil, sans blouse blanche, en position physiquement basse (descendre le fauteuil), avec une proxémie inattendue (s’asseoir à côté) permet de provoquer la surprise. L’école de Palo Alto soulignait l’importance de la rupture de cadre pour amorcer un changement, la surprise peut amener à rompre ce cadre. Il en est de même pour l’humour dans le respect du patient et de sa pathologie (Bioy A. et al., 2014). L’abord se fait, le plus souvent, par une question ouverte (« racontez moi pourquoi vous venez me voir aujourd’hui »), en rappelant éventuellement quand il y a des troubles cognitifs (« je m’occupe de soulager les douleurs »). Cela permet au patient d’ouvrir la conversation en premier, ce qu’il ne fait souvent plus depuis longtemps. Le temps de l’aidant viendra un peu plus tard. C’est au patient de raconter ce qu’il ressent, l’hypnopraticien ne l’interrompt pas. Il ne parlera pas forcément de la douleur car elle n’est pas la plus importante ou peut-être l’a-t-il oubliée. Parfois cela peut nécessiter de relancer d’un regard ou d’une parole ou même de s’approcher, d’utiliser une augmentation de recrutement sensoriel en prenant la main, mais les mots ainsi recueillis sont précieux car ils sont le ressenti « sans filtre » du patient, sur lesquels il va falloir travailler. Dans ce même temps, l’observation du patient (son visage, ses habits, ses couleurs, ses mots, ses mouvements répétitifs, ainsi que ceux de son aidant) va rapidement permettre d’identifier les canaux prépondérants, sa position dans sa famille, et de se réajuster. Si le patient ne se sent pas en difficulté dans les questions ouvertes, il est possible de continuer dans cette voie pour avancer au mieux. Mais souvent, soit après la première question, soit d’emblée, soit après quelques questions



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ouvertes, le patient se fatigue et peut se sentir en échec, il faut alors savoir les éviter soigneusement. La question miracle, si utile dans les TOS, peut devenir, en cas de troubles cognitifs, une mise en échec qui va braquer le patient. Nous allons alors nous acheminer vers des choses plus concrètes et débuter la réification de la douleur par le biais de dessin (« Pouvez-vous colorier là où vous avez mal ? » sur un schéma donné), l’hypnopraticien observe les choix de couleurs que le patient fait pour exprimer cette douleur. Ce schéma ainsi dessiné va servir pour le recadrage, ce qui va permettre de passer du « j’ai mal partout » à des zones plus ciblées : « le genou gauche est inconfortable, mais le droit va bien » « oui » « très bien » (utilisation des canaux visuels et auditifs). Et ainsi nous nous acheminons progressivement vers une compréhension commune du symptôme. L’expression des adjectifs autour de la douleur peut être aidée par les échelles d’évaluation des neuropathies : fourmis ? Picotements ? Brûlures ? Ces mots peuvent permettre d’ouvrir à un vocabulaire plus imagé : « j’ai de l’eau bouillante qui coule », « comme si un tigre faisait ses griffes », « je marche sur des braises », etc. (dans le cadre de douleurs neuropathiques). Après cet interrogatoire, qui est souvent long en gériatrie, mais nécessaire, avec le schéma sous la main, nous vérifions avec le patient que l’hypnopraticien a bien compris la plainte : « Donc, si j’ai bien compris ce que vous m’avez dit, vous êtes gêné par le genou gauche, mais le droit va bien, c’est cela ? » « Oui » « Et c’est principalement lorsque vous marchez que cela est inconfortable ? » « Oui » « Et cela fait comme si un animal grignotait et des fourmis courraient, est ce que c’est bien cela ? » « Oui » (Yes-set). Enfin vient une question capitale : « Mais pourquoi avez-vous ces inconforts dans ce genou ? » et il convient alors, soit de ratifier l’explication que le patient en a, soit d’expliquer si le patient n’a pas d’explication d’où cela vient. Cette explication permettra d’établir ensemble des objectifs communs qui sont souvent complexes en gériatrie car la plainte est souvent en rapport avec la perte d’autonomie, le deuil d’un corps en pleine santé ou des deuils des êtres chers. Avec l’aide de l’hypnopraticien, qui peut suggérer des objectifs, le patient va pouvoir avancer : maintien ou récupération d’un peu d’autonomie (être capable de sortir dans le jardin avec son auxiliaire de vie), meilleur confort la nuit etc. Ces objectifs nécessitent souvent d’autres prises en charge que celle stricto sensu de la douleur : matériel adapté, mise en place d’aide humaine, etc. Les traitements proposés sont prescrits après explications, en accord avec le patient et en valorisant les résultats attendus.



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Exemple pour la prise d’un antidépresseur Hypnopraticien : Dans le cerveau, le centre de douleur et le centre du moral fonctionnent ensemble, quand la douleur dure depuis longtemps, le moral baisse (l’hypnopraticien utilise le mouvement pour appuyer ses propos). Patient : C’est vrai. Hypnopraticien : Mais ce qui est plus surprenant, c’est que c’est un ensemble, et quand le moral baisse, la douleur augmente, comme une balance qui peut parfois s’alourdir plus d’un côté que de l’autre, mais dont les deux plateaux sont toujours en lien. (Métaphore) Patient : Ah ? Hypnopraticien : Si vous voulez équilibrer la balance, il faut traiter les deux côtés en même temps pour rétablir un équilibre : un peu de poids d’un côté, un peu moins de poids de l’autre. Patient : Oui. Hypnopraticien : Ainsi, vous allez avoir besoin d’un traitement qui soulage la douleur mais aussi le moral. Le patient ne repart pas avec l’idée que l’hypnopraticien lui a dit : « c’est dans la tête » mais avec cette idée qu’il est un ensemble et que tout est en lien.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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État hypnotique

La proposition de traiter par hypnose formelle se fera dans la continuité de la consultation, elle est soit accueillie favorablement, soit avec interrogation. Il est très rare qu’un patient âgé refuse catégoriquement. L’hypnose a l’avantage en gériatrie d’être une thérapie brève et donc de permettre d’apporter un soulagement à nos patients en peu de séances, ce qui est précieux chez ces patients qui sont difficiles à déplacer. Les études sur le nombre de séances à proposer en douleur chronique sont souvent axées sur la fibromyalgie. D’un auteur à l’autre, cela va de 4 à 8 séances et plus. Le nombre de 8 séances est difficile à obtenir dans notre population âgée, nous proposons entre 4 et 6 séances à 3 semaines/1 mois d’intervalle, avec la possibilité de faire une séance à distance plus tard. Le nombre de séances étant relativement court, il est très important de trouver rapidement des points d’ancrage et de prescrire sur ordonnance les exercices d’autohypnose à pratiquer à domicile entre les séances si le patient a peu de troubles cognitifs, ou de donner les exercices aux aidants du patient pour qu’ils l’aident à les faire. Le contenu des séances va évoluer au fur et à mesure en s’adaptant comme toujours aux changements survenus chez le patient : modification de la douleur, de l’humeur, émergence de nouvelles problématiques. Plus les troubles cognitifs



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évoluent, plus les séances se raccourcissent car le patient fatigue rapidement. Il est souvent illusoire de vouloir faire une séance de 30 minutes à un patient ayant une pathologie neurodégénérative au stade modéré. Les séances deviennent aussi de plus en plus répétitives, mais toujours dans l’adaptation et l’observation du patient. De très nombreuses techniques vont être déployées au cours des séances, ciblant à la fois la sensorialité de la douleur, mais aussi et surtout les parts affectivo-émotionnelles, cognitives et comportementales de la douleur, dans une vision globale du patient, avec cet objectif toujours en arrière-pensée : le maintien de l’autonomie. Nous proposerons une seule technique par cas clinique pour expliquer un concept précis, mais il faut la considérer comme faisant partie d’une séance plus complète et globale. Déclinaisons du gant magique L E GANT SUR LA JOUE Avec la psychologue en court séjour gériatrique M. D. a 93 ans, il a des troubles cognitifs modérés. Il a comme antécédent un carcinome gingival traité par mandibulectomie et radiothérapie qui, un an après, a récidivé. Il est de nouveau opéré avec chirurgie d’exérèse et de reconstruction. Quelques années plus tard, il présente une ostéonécrose mandibulaire qui nécessite un curetage et depuis il souffre d’une douleur chronique. Lors de son unique rencontre avec l’hypnopraticienne, il dit avoir mal depuis longtemps « dans la bouche et le côté droit de la bouche...ça brûle... j’en peux plus... je veux que ça s’arrête... aidez-moi ». Il est très amaigri (cachectique), asthénique et sur un versant dépressif. Comme il porte tout le temps sa main droite à sa bouche, l’hypnopraticienne lui propose une technique pour l’aider à travailler sur cette « sensation de brûlure ». Après un travail de focalisation sur un point et sur la respiration, l’hypnopraticienne lui propose d’imaginer un gant qui l’aiderait à abaisser l’intensité de cette sensation désagréable pour que cela devienne plus supportable : « ce gant que votre main droite va enfiler est de la couleur que vous souhaitez.., de la forme que vous souhaitez... peut être comme un moufle... épais ou très léger... comme vous voulez... et si ce gant pouvait être rafraîchissant comme du satin ou tout autre... doux, agréable pour soulager la bouche et la joue... tranquillement, vous pouvez peut-être passer ce gant sur votre joue et ainsi ressentir de la fraîcheur, des sensations plus agréables, une température idéale, c’est très bien... continuez... (un moment après, accompagnement d’une détente de tout le corps)... si vous ressentez de nouveau au cours des heures qui viennent ou dans les jours suivants cette gêne, une sensation désagréable, vous pourrez de nouveau



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utiliser ce gant chaque fois que vous en aurez besoin... C’est le vôtre, c’est vous qui l’avez créé... » De retour, M. D. regarde sa main droite, regarde l’hypnopraticienne et porte sa main de nouveau à sa bouche. « C’est un peu mieux... » et ils en resteront là car il sort rapidement à domicile, à sa demande, retrouver son épouse.

Points forts 



Utilisation de la position du patient (la main sur la joue) rendant l’utilisation du gant magique facile. Temps d’accompagnement très court, permettant une bonne adhésion du patient.

D U GANT AU BAUME Avec le médecin en consultation

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mme P., 89 ans, a une fibromyalgie, avec des douleurs qui commencent en haut de la tête jusqu’aux orteils. Elle a des troubles cognitifs légers suite à un AVC et un syndrome dépressif. Parmi les techniques qui sont développées au cours des séances, l’hypnopraticienne propose un baume magique. « C’est un baume magique, qui va commencer du haut de la tête, et descendre très progressivement sur l’arrière de la tête... du cou... et qui va apaiser toutes les zones inconfortables... il fonctionne comme un filtre... ne laissant passer que les sensations agréables, douces... la peau ressent la température idéale de ce baume... sur les épaules... le nez sent l’odeur agréable et douce... les yeux regardent la couleur de ce baume... Et ce baume apaise... les bras... il continue à descendre, à diffuser sa caresse, à apporter son bien-être... la peau sent la texture de ce baume bienfaisant... et lorsqu’il sera posé sur toutes les parties de votre corps, les zones de confort et de moindre confort, vous pourrez me le faire savoir en me faisant un signe de la main. »

Points forts 



Adaptation du gant à la partie à traiter, en faisant une description avec le PAVTOG sur le baume. Signaling laissant le temps à Mme P. de faire le travail qu’elle a à faire.



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Métaphores et portrait chinois

Les métaphores sont une aide précieuse en douleur. La meilleure métaphore est celle que nous apporte le patient, mais souvent nous utilisons des métaphores littéraires que nous adaptons aux goûts et problématiques des patients (cf. chapitre 2), voire des comtes métaphoriques comme celui inspiré de l’histoire du roi Mithridate (le Roi et la Lune) ou en adaptant les contes de fée bien connus de la population âgée et particulièrement appréciés :   

Le Petit chaperon rouge : pour accepter l’aide d’autrui ; La Belle au bois dormant : pour promouvoir le changement ; Le Petit poucet : pour trouver son chemin dans une nuit douloureuse.

En les adaptant, en les édulcorant, en les raccourcissant, ils permettent de faire des suggestions indirectes en faisant appel à la mémoire sémantique, qui est robuste même en cas de troubles neurocognitifs, et également d’éveiller, par le biais des souvenirs ou des émotions, des moments de l’enfance. L’utilisation du portrait chinois est un outil facile qui peut également être utilisé en hypnose conversationnelle mais qui est présenté ici comme un soutien permettant de développer plusieurs aspects pour l’état hypnotique :    

réification de la douleur ; recherche des canaux prépondérants ; enrichissement de la safe place par les mots de bien-être du patient ; construction de métaphores permettant de faire évoluer la douleur vers le bien-être.

La présentation du portrait chinois peut parfois être mal perçue ou incomprise par le patient, on peut s’aider de la phrase « je vais vous demander quelque chose de bizarre, d’inhabituel ». Puis l’hypnopraticien va demander au patient le premier mot qui lui vient à l’esprit, sans jugement, quand il pose la question : Si votre douleur était une couleur... une forme... (cf. tableau 5.1). Si rien ne vient, il faut passer à la question suivante sans insister. Il en sera de même pour le portrait chinois du bien-être. Cet outil permet au patient de réifier sa douleur et à l’hypnopraticien d’observer cette réification en comprenant mieux son patient et ainsi d’utiliser les mots qui semblent importants dans le portrait chinois, en hypnose conversationnelle dans un contexte de synchronisation, mais aussi en état hypnotique pour approfondir la transe.



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Tableau 5.1. Portrait chinois Si ma douleur était

Si mon bien-être était

Une couleur Une forme Une saison Un objet Un plat cuisiné Une chanson Un animal Une odeur Un lieu Une musique Un pays Une température Une saveur ...

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Une fois cette réification faite, l’hypnopraticien peut rapidement élaborer des métaphores simples pour amener la douleur à se modifier et à évoluer vers le bien-être. Des métaphores faciles à construire à partir du portrait chinois sont celles qui parlent des mouvements de la nature : 



Si le patient décrit sa douleur comme rouge et le bien-être comme bleu (ce qui est souvent le cas), l’hypnopraticien peut proposer de regarder le lever du Soleil : « Le ciel est rougeoyant...le Soleil se lève... l’horizon se confond avec la Terre, les nuages sont rouges... et puis progressivement le Soleil va monter dans le ciel... les nuages deviennent plus pâles... plus clairs... oranges... roses... se mélangent... des couleurs pastels... douces... et le matin avance... le ciel pâlit.. et un bleu doux commence à apparaître... les roses deviennent bleutés...et le ciel bleu... ce beau bleu du petit matin est là... » Si le patient dit que l’hiver est douleur et le printemps est bien-être, il est facile d’utiliser les rythmes des saisons et ainsi de suite.



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Bien entendu, le lever de Soleil reviendra le matin suivant ou l’hiver recommencera l’année prochaine, mais l’important est d’avoir aidé le patient à se remettre en mouvement, de lui avoir proposé une vision évolutive par un angle différent de celui auquel il est habitué. Enfin, en observant les réponses, le portrait chinois aide aussi à identifier les canaux prépondérants : 





Lors du portrait chinois du bien-être, une patiente site comme objet : « une boîte de savon parfumé à la lavande », puis comme odeur : « odeur du café au petit matin ». Nous savons que nous allons pouvoir cibler le canal olfactif. Pour une autre patiente, la douleur est un boulet qui pèse (objet), tandis que la forme du bien-être est un voilage et l’objet, un coussin. Cette patiente est plus tactile et proprioceptive. Elle propose d’ailleurs elle-même sa métaphore : passer de la lourdeur à la légèreté. En raison de l’atteinte des fonctions exécutives, et donc des capacités d’abstraction, dans les pathologies neurocognitives surtout au stade sévère, le portrait chinois n’est pas utilisable.

U NE SCULPTURE ADAPTATIVE Il est intéressant d’ancrer les métaphores dans le quotidien des patients. Pour cela, utiliser ce quotidien pour les remettre en mouvement s’avère souvent être une bonne ressource. Avec le médecin en consultation Mme L. a 84 ans, elle est sculptrice sur glaise. Elle vit à domicile et commence à avoir des petits troubles de mémoire, mais sans retentissement sur son quotidien. Elle présente depuis de nombreuses années une douleur du bras droit évoquant une douleur neuropathique sur une radiculalgie. Elle la décrit comme une partie d’elle qui « n’est plus à elle », une partie avec des « sensations bizarres » quand elle la touche. Elle a subi des infiltrations et a pris de nombreux traitements. Elle ne souhaite plus en prendre. Depuis quelques mois, exaspérée par ses douleurs, elle a arrêté la sculpture. Parmi les techniques utilisées dans les séances, l’hypnopraticienne propose à la patiente de s’installer pour faire une sculpture. « La sculpture d’un personnage. » « La glaise prend forme petit à petit. » L’hypnopraticienne balaye le PAVTOG sur la glaise, ce qui est très aisé, et voit les doigts de la patiente bouger. « Cette sculpture n’est pas parfaite, elle ne respecte pas toutes les proportions, comme les cubistes qui rejetèrent les proportions parfaites de la Renaissance, pour proposer un art plus profond, plus évolutif, plus modifié (métaphore, suggestion de changement)... Mais c’est son imperfection qui la rend belle et unique. Les yeux la regardent et voient des endroits où la glaise n’est pas aussi lisse, comme des petites aspérités, qui peuvent



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gêner la main au passage, peut-être des petits bouts de glaise qui ont séché et que la main sent, et des zones plus fragiles, moins soudées à l’ensemble. Cela rend la sculpture moins fluide, vous pouvez prendre le temps de la lisser, la fluidifier, l’unifier comme vous le souhaitez et me le faire savoir quand elle sera comme vous la voulez (signaling). Vous pouvez l’observer, la voir dans son entièreté... » La sculpture fut faite sur 3 séances, afin que la patiente puisse prendre le temps de faire évoluer son œuvre et la faire telle qu’elle la souhaitait. À la 4e séance, Mme F. annonce à l’hypnopraticienne qu’elle a repris la sculpture et lui apporte la sculpture d’un oiseau qui prend son envol.

Points forts 



Proposer à Mme F. de reprendre contact physiquement avec ses ressources pour y accéder mentalement. Les arts sont des métaphores faciles à utiliser, que ce soit la peinture, le dessin ou la sculpture, à la fois par les changements que le patient peut apporter à son œuvre pour la faire évoluer, et par la richesse du PAVTOG. La sculpture, ici, permet d’utiliser et de modeler les idées de Mme F. pour arriver à la réunifier et à la rendre plus confortable.

U NE BAIGNADE COMME UN CADEAU

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Avec le médecin en consultation Mme U. a 86 ans, elle a des troubles cognitifs légers non diagnostiqués (MMSE à 21 lors d’un passage en hospitalisation) et une fibromyalgie depuis une vingtaine d’années. Elle a essayé de nombreux traitements avec peu de succès. Lors d’une hospitalisation en court séjour, les médecins lui proposent l’hypnose, et l’adressent à l’hypnopraticienne. Elle arrive accompagnée de son époux très aimant, et elle dit d’emblée à l’hypnopraticienne qu’elle attend un miracle. C’est une patiente souriante et agréable. Dans la discussion préalable, elle évoque son amour de la nage et de la mer. Elle a appris à nager seule alors qu’elle avait 40 ans, en observant les autres, elle en est très fière. Dans son portrait chinois du bien-être, il y a : douce (température), bleu, rond, chat... Elle a à la main un porte-clés qu’elle manipule et utilise de manière répétitive les mots « douceur », « lourdeur » (canaux proprioceptif et tactile). L’induction va être facile pour Mme U. qui avait déjà fait de la relaxation, et une lévitation du bras se met rapidement en place. L’hypnopraticienne lui propose d’aller « à la plage, une belle plage... les yeux regardent les couleurs... des bleus... d’autres... peut-être y a-t-il des personnes... amies... aimées... ou pas... vous êtes bien sur cette plage... un ballon d’enfant passe... peut-être des rires... c’est une belle journée... la



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température est douce... idéale... les pieds sentent les grains de sable... entre les orteils... chauds... et vous vous approchez de l’eau... à l’endroit où le sable durcit... un peu humide... les orteils sentent la caresse de l’eau... douce... agréable... qui repart... vous vous sentez en confiance... les yeux observent les autres... et vous comprenez comment faire... alors... doucement... pas après pas... vous avancez dans l’eau douce... bienfaisante... la température est agréable... l’eau caresse les mollets puis repart... le corps est un peu lourd... puis les genoux... (...) vous êtes dans l’eau... le nez sent l’odeur de l’eau... la bouche sent le goût... et le corps est léger... sûr de lui... comme porté... aidé... comme un cadeau de la nature...un miracle de la nature... les bras et les jambes se coordonnent... trouvent le rythme... l’eau douce passe le long du corps... il est léger... fluide... il vole... il avance... les muscles travaillent tous ... ensemble... en rythme... c’est tellement bien... ce corps qui sait nager... il sent la légèreté, le confort, la fluidité des mouvements... vous êtes si fière... si heureuse... si confortable... et chaque mouvement devient plus fluide... plus facile... plus agréable... l’eau porte... et caresse... (...) sortir doucement... peut-être pouvez-vous ramasser dans l’eau ou au bord un objet dans la main, sentir cet objet... dans les jours et heures à venir, quand cet objet sera dans la main, ce sera pour vous l’occasion de retrouver ce moment de douceur, de force, de fierté, agréable. » D’autres techniques vont être développées avec Mme U. (le baume magique, la Belle au bois dormant, la safe place...). À la seconde séance, Mme U. garde son porte-clés dans la main durant la séance : « j’en ai besoin, cela m’aide ». En 5 séances, elle apprend l’autophypnose.

Points forts 

 



Un lieu agréable couplé à un souvenir de fierté donne une force particulière à l’endroit. Utilisation des mots de la patiente : miracle, douce, lourd qui devient léger. Souvenir dont le patient est fier : nous entendons souvent : « je ne suis plus bon à rien », « je ne vaux plus rien », chez les patients âgés qui ont des douleurs chroniques. De nombreuses pertes de compétences s’accumulent et l’espoir de guérison s’amoindrit. Il y a alors une altération de l’estime de soi, voire un syndrome dépressif. Pour W. James, dans son livre The principal of psychology en 1890, l’évaluation qu’une personne fait d’elle-même correspond au rapport entre ses aspirations et les succès qu’elle parvient à accomplir. Ainsi définit-il l’estime de soi. Chez ces patients, ce sentiment est souvent perdu et les succès se raréfient. Aider à retrouver un moment de fierté, le revivre sous hypnose permet de renouer avec une estime de soi et d’amorcer un changement. Cette estime de soi est ensuite consolidée par le succès de l’apprentissage de l’autohypnose et les résultats obtenus. Adaptation aux canaux prépondérants pour la séance et l’ancrage qui permet à la patiente de s’approprier facilement les suggestions.



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La suggestion de la nage chez les patients qui ont des douleurs chroniques, s’ils ne sont pas phobiques de l’eau, est une ressource précieuse comme un mouvement qui peut se faire plus fluide et naturellement. U N CHEWING - GUM QUI VOLE Lorsque le patient présente des troubles cognitifs modérés, les métaphores sont simplifiées et il les apporte rarement par lui-même sauf dans le cas précis des douleurs neuropathiques où le langage reste très imagé. Le portrait chinois est souvent plus difficile à établir, mais pas toujours impossible. Avec le médecin en consultation M. P. a 92 ans, il est adressé pour une glossodynie réfractaire aux antalgiques. Il a un MMSE à 19/30 dans un contexte de démence vasculaire. Il vit à domicile avec son épouse. Lorsque l’hypnopraticienne lui propose le portrait chinois (tableau 5.2), la réification est difficile, mais quelques mots émergent malgré l’air dubitatif de M. P. Le bien-être, quant à lui, ne pourra être envisagé que si la douleur disparaît.

Tableau 5.2.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Douleur Couleur

noire

Forme

boule

Saison

/

Objet

Bouchée de viande

Plat

Chewing-gum

Musique

/

Animal

/

Odeur

/

Lieu

/

Pays

/

Température

/

Bien-être

Plus avoir mal

La première induction est un peu longue. L’hypnopraticienne décide d’exploiter le portrait chinois qui, même pauvre, permet de réifier la douleur en une boule noire qui va remplacer le ballon de rugby (le patient étant un passionné de rugby), empêchant la fluidité du match qu’il regarde à la télévision, l’hypnopraticienne suggère au patient de se débarrasser de la boule comme il le souhaite, et attend un signaling



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qui vient rapidement. Une autre métaphore est proposée à partir du chewing-gum qui encombre la bouche du patient, l’hypnoraticienne suggère de faire des bulles, des bulles qui s’envolent, et à chaque bulle qui s’envole il reste un peu moins de chewing-gum dans la bouche, jusqu’à ce que la bouche soit agréable (attente de signaling). La safe place a été difficile à trouver pour ce patient, et les 3 premières séances se feront dans son fauteuil chez lui, mais à la 4e séance il parle d’une randonnée en montagne et de son arrivée au cirque de Gavarnie (Pyrénées). Les séances de M. P. se déroulent bien mais elles nécessitent de ne pas dépasser 10 à 15 minutes, sinon il se fatigue. Il arrête les antalgiques qu’il prenait, à la 4e séance.

Points forts  





Adaptation de la durée de la séance à la fatigabilité du patient. Utilisation des quelques mots du portrait chinois pour des métaphores adaptées au patient. Temps laissé au patient pour effectuer les changements qu’il a à faire par le biais de signaling. Émergences des ressources du patient, qui a très bien investi le cirque de Gavarnie.

U N ARBRE , QUEL ARBRE ? L’utilisation des métaphores chez les patients ayant des troubles cognitifs sévères semble être aidante, mais il est difficile de savoir quelle interprétation le patient va en faire. Peut-être est-ce simplement le rythme de l’histoire, le temps passé ensemble ou les mots de saupoudrage, ou encore une interprétation propre qui va atteindre le patient. Quoi qu’il en soit, sans proposer des métaphores trop longues ou trop complexes, il est possible d’aider par des suggestions indirectes le patient à atteindre ses ressources. Le portrait chinois n’est plus utilisable, et il faut une fois de plus s’aider de l’environnement « pour de vrai » du patient (cf chapitre 2 et 3). Avec le médecin en consultation Mme T. a 95 ans, elle vit à domicile avec son fils et présente des troubles cognitifs modérément sévères dans un contexte de dépression évoquant une pathologie bipolaire très ancienne, chez une patiente qui a reçu des neuroleptiques pendant de nombreuses années. Elle dit n’avoir jamais été heureuse, elle est suspicieuse et irritable. Elle consulte pour des douleurs lombaires évoluant depuis l’âge de 31 ans. Elle parle de ses douleurs comme d’une partie d’elle-même. Elle se déplace difficilement avec son déambulateur.



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Elle ne tolère plus les traitements médicamenteux qui aggravent ses troubles du comportement. À la demande de son fils, des séances d’hypnose sont proposées, pour limiter son irritabilité et apaiser ses douleurs. Mme T. a beaucoup de mal à vivre sa perte d’autonomie. L’hypnopraticienne observe Mme T. qui est sur un mode défensif. Elle écoute l’hypnopraticienne, mais ne répond pas. Pour établir une alliance thérapeutique, l’hypnopraticienne va dans la réalité de Mme T., réalité qui est la douleur. La distance est sociale au début, la conversation débute et tourne autour de la douleur (à quel endroit ? quand ?). Mais devant un certain agacement, l’hypnopraticienne se rapproche et dit qu’elle va l’examiner. Mme T. : Pour quoi faire ? Hypnopraticienne : C’est mon travail, je ne sais faire que ça (position basse). Mme T. (avec un air condescendant) : Ah...

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

En utilisant ce prétexte de l’examen clinique, l’hypnopraticienne réussit à se rapprocher de Mme T. et à se faire accepter plus près. Toujours en parlant de la douleur, elle laisse sa main sur l’avant-bras de Mme T. (zone non douloureuse) à la fin de son examen clinique et débute un geste de tapotement doux répétitif, tout en regardant Mme T., en accentuant ses expressions faciales et en utilisant les mots « souffrances », « douleurs », « inconfort » et « moindre confort » en alternance. Mme T. regarde l’hypnopraticienne (captation du regard), celle-ci détourne alors le regard pour regarder un arbre par la fenêtre, Mme T. suit le regard de l’hypnopraticienne (leading) et elle raconte l’histoire du vieil arbre (cf. chapitre 2). À la fin de l’histoire, Mme T. garde les yeux sur l’arbre, respire tranquillement, puis, sans regarder l’hypnopraticienne, lui demande calmement : « Comment vous connaissez le chêne de grand-père ? ». L’hypnopraticienne ratifie. La première séance ne sera pas plus longue. Deux séances supplémentaires avec un ancrage olfactif à l’huile essentielle de cannelle (Mme T. aimait cuisiner et a apprécié l’odeur quand celle-ci lui a été proposée) ont permis d’aider Mme T. à trouver des clés pour s’apaiser auprès du chêne de son grand-père, clés qui sont alors données à son fils pour qu’il puisse réactiver tous les jours les sensations de calme et de forces : il installe Mme T. dans sa maison en tournant le fauteuil de manière à ce qu’elle voit un grand arbre du jardin et en lui mettant quelques gouttes d’huile essentielle de cannelle sur un mouchoir.

Points forts  



L’abord en position basse, progressivement, au rythme qu’autorise Mme T. Une transformation progressive du langage douloureux est nécessaire et peut parfois prendre plusieurs séances. Le recrutement sensoriel commence par le contact tactile dans un contexte technique (l’examen médical), puis la main est laissée « traînante » avec un mouvement

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répétitif qui interroge Mme T. et permet d’obtenir dans un second temps une captation du regard. La captation du regard permet un leading du regard : quand l’hypnopraticienne regarde ailleurs, Mme T. regarde aussi cet ailleurs. Pas de recherche initiale de safe place chez cette patiente, cela l’aurait fermée car aucun mot ou sensation positifs ne sont accessibles chez elle au début de l’entretien. Par la métaphore, Mme T. retrouve un moment de son enfance (période du pic de réminiscence) qui semble avoir été heureux et où la douleur n’était pas encore là. Utilisation double de la métaphore :

➙ ➙ 

La métaphore de l’arbre qui symbolise Mme T. elle-même. Utilisation de l’environnement (arbre) pour parler d’un autre environnement chez elle (ancrage) ou dans son passé.

Ancrage par la cannelle et la vision d’un arbre, ce qui est facile à réactiver pour une autohypnose aidée par son fils.

A UTOHYPNOSE L’autohypnose est capitale dans l’apprentissage de l’autonomie en hypnoanalgésie. Elle va permettre au patient douloureux aigu de se soulager si une nouvelle douleur apparaît, au patient qui a des soins répétés de réaccéder à ses ressources à chaque soin, et au patient qui a des douleurs chroniques d’utiliser les séances régulièrement pour amorcer des changements et aller vers une meilleure qualité de vie. Pour cela toutes les séances seront ponctuées de suggestions post-hypnotiques et d’ancrages ajustés au statut cognitif du patient comme nous avons pu le voir au chapitre 2. Dans un contexte de douleur aiguë, la suggestion post-hypnotique pourra être simple : « et dans les jours et les semaines, les années à venir, si vous ressentez le besoin de retrouver ce moment agréable, de calme, il vous suffira de... (choix en fonction de la séance) prendre une grande inspiration/sentir la légèreté du bras/inspirer en ouvrant les yeux et expirer en fermant les yeux, etc. (cf. Mme Z, Douleur aiguë). Pour une douleur procédurale, l’ancrage se fera naturellement sur le soin suivant (cf. M. R., Douleur aiguë ; M. M., Douleur aiguë ; Mme L., Douleur aiguë ; Mme T., Douleur aiguë, Mme Y. Douleur aiguë ; Mme J. Douleur aiguë) ou sur un objet (Mme R. Douleur aiguë), une odeur, ou sur la posture des soignants lors du soin : « lorsque qu’Alain reviendra près de vous et reprendra la main, chaleureusement,



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ce sera pour vous l’occasion de ressentir à nouveau... » (cf. Mme H., Douleur aiguë). En ce qui concerne les douleurs chroniques, pour quasiment tous les auteurs, l’apprentissage de l’autohypnose permet d’obtenir des résultats durables (Jensen M., 2006). Les suggestions post-hypnotiques accompagnées d’ancrages vont être délivrées au fur et à mesure des séances, réadaptées et réajustées (cf. Mme U., Douleurs chroniques). Des exercices prescrits sur ordonnance entre les séances vont aider les patients à avancer pas à pas. L’utilité de pratiquer ces exercices peut être soulignée par une métaphore simple :

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Vous souhaitez apprendre à nager, le moniteur vous apprend toutes les techniques hors de l’eau, puis dans l’eau, et si dans l’eau vous n’essayez que lorsque le moniteur est là, seulement lors d’un cours, sans vous amuser, vous allez apprendre, mais vous aurez toujours besoin du moniteur. Mais si vous y allez tout seul régulièrement, en suivant au début les préceptes du moniteur puis en les adaptant à vous-même (est-ce que vous préférez sauter ou entrer doucement dans l’eau ? nager sous l’eau ou faire la planche ?) et en y prenant du plaisir, alors vous allez savoir nager et vous amuser, vos mouvements vont devenir fluides, confortables et automatiques, comme si vous aviez appris à nager comme vous avez appris à marcher, en utilisant cet apprentissage sans même vous en rendre compte. Il en va de même pour l’autohypnose. » Pour faciliter l’accès à l’autohypnose à tout moment de la vie du patient, nous faisons les séances assis ou semi-assis, ce qui est plus facile à reproduire qu’allongé au quotidien. Quand cela est possible, nous proposons également de changer de bureau de consultation à chaque séance, ce qui permet au patient de ne pas s’habituer à un lieu. Enfin les exercices donnés vont aller crescendo, d’abord 3 fois par semaine puis, les séances avançant, devenir journaliers. Ces exercices peuvent être délivrés au patient lui-même, mais plus les troubles cognitifs évoluent, plus le soutien des aidants devient nécessaire, les exercices sont les mêmes, mais il faut que l’ancrage permettant d’être en autohypnose vienne de l’extérieur, comme nous l’avons vu au chapitre 2 : 



Si le patient a une pathologie neurocognitive au stade modéré, ce peut être un simple rappel de son aidant qui lui dit de s’installer confortablement, lui donne son (ou ses) ancrage(s) (objet, image, musique, odeur, etc.) et lui propose de faire ses exercices. L’ordonnance « guide » sera alors au mieux rédigée en présence de l’aidant. Lorsque les troubles deviennent plus sévères, il est nécessaire d’utiliser l’environnement du patient (cf. Mme T., Douleur chronique) ou un objet, une odeur,



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une musique que peut passer l’aidant régulièrement, etc. C’est alors à l’aidant de rappeler régulièrement au patient de regarder un temps plus attentivement tel arbre ou de prendre et sentir tel objet. Cela nécessite une explication claire aux aidants en leur disant qu’ils ne doivent pas en attendre un moment de transe profonde, mais peut-être juste une petite suspension du temps.

C ONCLUSION Le rythme de l’hypnose est bien différent s’il s’agit de prendre en charge des douleurs aiguës ou des douleurs chroniques. Pour les unes, il convient d’aller vite et de faire court. Pour les autres, il faudra prendre le temps ensemble avec le patient. L’hypnoanalgésie en gériatrie ne déroge pas à ces principes, l’utilisation et l’efficacité dans les deux indications sont très satisfaisantes, en se réajustant régulièrement et en utilisant ce que le patient apporte, et ce, quelles que soient ses capacités cognitives.



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Chapitre 6

Soins palliatifs gériatriques Véronique Martin

P RÉREQUIS

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Au Moyen Âge, dans toute l’Europe, existaient des maisons, qualifiées d’« hospices », qui accueillaient les pauvres, les malades et les mourants. Ils y bénéficiaient d’une assistance physique et psychologique par des personnes très dévouées qui les accompagnaient dans le plus grand respect jusqu’à la mort. Au XIXe siècle, des initiatives ponctuelles à Lyon (Les Dames du Calvaire) et à Paris (Maison Jeanne Garnier) jettent les jalons des premiers soins palliatifs. Mais c’est au XXe siècle qu’en Angleterre, C. Saunders fonde le Saint Christopher’s Hospice. Elle y met au point des traitements antalgiques et des soins adaptés et individualisés. Elle développe aussi un soutien émotionnel, spirituel et social ainsi que le concept de « total pain » (« douleur globale » qui deviendra « souffrance totale »). Les soins palliatifs vont ensuite s’étendre à l’Amérique du Nord : E. Kübler-Ross décrit « les stades du mourir », puis B. Mount crée le premier service de soins palliatifs en milieu universitaire. Il faut attendre les années 1980 pour que la sensibilisation aux soins palliatifs débute en France et qu’un texte officiel soit publié, la Circulaire Laroque, qui permet la création des unités de soins palliatifs et d’équipes mobiles de soins palliatifs (Circulaire DGS/3D du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale). La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) est créée en 1990.



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Des définitions en évolution

Des premières définitions sont données en 1990 par l’OMS. La SFAP donne une définition inspirée de l’OMS : « Les Soins Palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte de maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle. Les Soins Palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. Les Soins Palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme l’être vivant et la mort comme le processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables (communément appelés acharnement thérapeutique). Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils s’emploient par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche à ce que ces principes puissent être appliqués. »

En 2002, le programme national de développement des soins palliatifs rajoute que : « Les Soins Palliatifs et l’accompagnement concernant les personnes de tous âges atteintes de maladie grave, évolutive mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Ces personnes peuvent souffrir d’un cancer, d’une maladie neurologique dégénérative, du sida ou de tout autre état pathologique lié à une insuffisance fonctionnelle décompensée (cardiaque, respiratoire, rénale) ou à l’association de plusieurs maladies. Les soins prodigués visent à améliorer le confort et la qualité de vie et à soulager les symptômes : ce sont tous les traitements et soins d’accompagnement physiques, psychologiques, spirituels et sociaux envers ces personnes et leur entourage. » (Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé)

L’US Department of Health and Human Services (HHS) des Centers for Medicare & Medicaid Services (CMS) et du National Quality Forum (NQF), dans le National Consensus Project for Quality Palliative Care, 2009, a apporté des éléments supplémentaires : « Les soins palliatifs sont des soins centrés sur le patient et la famille qui optimisent la qualité de vie en anticipant, prévenant et traitant la souffrance. Tout au long de la maladie, ils impliquent de prendre en compte les besoins physiques, intellectuels, émotionnels, sociaux et spirituels, de faciliter l’autonomie du patient, son accès à l’information et ses choix. Ainsi, la philosophie et la délivrance de soins palliatifs sont caractérisées par : – la coordination et la réalisation des soins par une équipe interdisciplinaire ;



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– une collaboration des patients, familles et professionnels de santé, spécialistes ou non en soins palliatifs, et une communication sur leurs besoins ; – des prestations délivrées simultanément ou indépendamment des soins curatifs ou qui prolongent la vie ; – la dignité et les espoirs de paix soutenus tout au long de la maladie, pendant la phase terminale et après la mort. »

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Données épidémiologiques

Les besoins en soins palliatifs augmentent en raison du vieillissement de la population qui s’accompagne d’une augmentation à la fois de l’incidence et de la mortalité des affections vasculaires cérébrales, des dégénérescences neurologiques et des cancers (HAS, Parcours de soins d’une personne ayant une maladie chronique en phase palliative, mai 2013). L’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) a estimé dans le rapport 2011 et 2012 que : 



Selon l’OMS, la plus grande proportion de personnes ayant besoin de soins palliatifs correspondait à des adultes (94 %), parmi lesquels 69 % ont plus de 60 ans (Worldwide Palliative Care Alliance, 2014). N

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.



les 2/3 des personnes qui décèdent sont susceptibles de relever d’une prise en charge incluant des soins palliatifs, soit près de 322 200 personnes en 2008 ; 64 % d’entre elles décèdent à l’hôpital, 23 % à domicile, 11 % en maison de retraite et 3 % dans d’autres lieux ; les patients décédés des suites d’un cancer représentent près de la moitié (48 %) des personnes relevant d’une prise en charge en soins palliatifs, les personnes présentant des défaillances cardiaques et pulmonaires représentent 18,7 %, les maladies cérébro-vasculaires et les démences incluant la maladie d’Alzheimer représentent chacune plus de 9 %.

De la phase curative à palliative

Il est classiquement décrit, dans le cadre de l’évolution d’un cancer, différentes phases de soins : 

une phase curative centrée sur l’objectif d’une rémission complète ou une guérison de la maladie. Les soins de support peuvent être sollicités avec l’intervention de professionnels tels que diététicienne, kinésithérapeute, psychomotricienne, psychologues... pour favoriser une prise en soins globale de la pathologie cancéreuse ;



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une phase palliative impliquant l’absence de guérison due à l’échappement aux traitements ou à plusieurs rechutes. Dans la plupart des cas, c’est la découverte d’une métastase qui définit l’entrée dans cette phase. Mais cette phase palliative ne signifie pas l’imminence de la mort. Cette phase se décompose en trois étapes :

➙ la phase palliative active : l’objectif est de tenter de garantir au patient une

survie la plus longue possible en ralentissant la progression de la maladie tout en favorisant la qualité de vie de la personne ; ➙ la phase palliative symptomatique : l’objectif est le maintien de son confort et de sa qualité de vie, et non l’allongement de la vie, en soulageant tout symptôme gênant (douleur, dyspnée, anxiété, etc.) et en faisant appel à des thérapeutiques spécifiques telles que de la radiothérapie pour soulager des douleurs de métastases osseuses par exemple ; ➙ la phase terminale : les traitements symptomatiques sont privilégiés et essentiels, on ne cherche pas à prolonger artificiellement la vie. Il est devenu usuel de considérer que les soins palliatifs peuvent être mis en œuvre dès l’annonce d’une maladie grave non curable et ne se limitent pas à la fin de vie. La démarche palliative : « prendre soin » va ainsi devenir essentielle tout en tenant compte de la démarche curative « soigner, guérir ». L’ONFV rajoute et décrit dans son rapport de 2014 différentes trajectoires de vie : 





La trajectoire 1, dite de « déclin rapide », correspond aux différentes phases de soins palliatifs citées ci-dessus où la phase terminale est relativement bien définie. Elle concerne 50 % des patients relevant de soins palliatifs. Les décès par cancer sont typiques de cette trajectoire. La trajectoire 2, dite de « déclin graduel », est ponctuée par des épisodes de détériorations aiguës et des temps de récupération. Elle est marquée par une mort parfois soudaine et inattendue. Cette seconde trajectoire renvoie essentiellement aux défaillances d’organe (insuffisance cardiaque et/ou respiratoire, maladies métaboliques, affections de l’appareil digestif, insuffisance rénale, etc.) fréquentes en gériatrie. Elle représente environ 40 % des situations de fin de vie. La trajectoire 3, dite de « déclin lent », est caractérisée par la perte progressive des capacités fonctionnelles et cognitives. Elle est rencontrée chez les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou d’une autre pathologie neurodégénérative. Cette dernière trajectoire concerne environ 12 % des personnes en fin de vie.



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Soins palliatifs gériatriques

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En effet, dans de nombreuses pathologies, la frontière entre la visée curative et la visée palliative reste floue : « Il existe certaines pathologies où le passage d’une visée curative à une visée palliative peut être facilement identifiable, il est de nombreuses maladies pour lesquelles il n’y a pas réellement de rupture brutale mais un glissement progressif de l’une vers l’autre, avec parfois même des possibilités d’allers-retours entre les deux démarches. » (Viallard M.L., 2009)

Cette évolution est très fréquente en gériatrie dans le cadre des maladies neurodégénératives et des insuffisances d’organe comme nous allons le développer ci-après. Ainsi, les soins palliatifs s’inscrivent dans la durée. L’accompagnement du patient et de son entourage est fondamental tout au long de la maladie. Accompagner, c’est être à côté, c’est une attitude, une disponibilité, une écoute. C’est reconnaître « la souffrance totale » de la personne malade. N

Les soins palliatifs en gériatrie

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Par définition, être très âgé c’est être à la fin de sa vie, mais pas forcément en fin de vie. Selon R. Sebag-Lanoë, les soins palliatifs gériatriques s’adressent à des patients de 75 ans et plus qui présentent « des spécificités médicales, psychologiques et sociales » telles que des cancers, mais aussi des affections neurologiques évoluées (maladies neuro-dégénératives comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer...) ou brutales (AVC), des insuffisances d’organes (cardiaque, rénale, respiratoire), souvent sur un terrain polypathologique en perte de réserves (dénutrition, sensibilité aux infections) et en perte d’autonomie (Sebag-Lanoë R., 1999). En gériatrie, le décès est fréquemment lié à une pathologie aiguë qui pourrait être curable, mais qui devient incurable en raison des polypathologies, de la répétition des épisodes aigus, de la grabatisation, etc. Les soins palliatifs s’inscrivent dans une prise en soins globale du patient âgé avec une attention particulière à l’entourage. Les soins de confort et l’accompagnement prodigués tiennent compte de la souffrance globale : 



souffrance physique liée à la maladie, mais aussi au vieillissement physiologique et pathologique : douleurs, asthénie, dyspnée, vomissement, anorexie... souffrance psycho-affective avec l’anxiété de perdre un peu plus d’autonomie au sens fonctionnel du terme (deuil de la marche, de la continence, de se



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nourrir, de soi...), les deuils du passé, la détresse de se sentir partir, l’angoisse de séparation et d’abandon, les symptômes dépressifs, etc. souffrance socio-familiale avec la perte des rôles familiaux et sociaux, la sensation de fardeau pour l’entourage ; souffrance existentielle et spirituelle liée au sens de sa vie ou « pourquoi suis-je encore sur cette Terre ? ».

Les femmes et les hommes âgés savent qu’ils sont mortels et quand ils le peuvent, ils en parlent, relate R. Sebag-Lanoë, ce que nous avons pu rencontrer aussi lors de nos entretiens cliniques (Sebag-Lanoë R., 2008). Dans notre pratique, les patients âgés en situation palliative symptomatique ou proches de leur fin de vie expriment un bienfait d’un accompagnement et d’un apaisement de leurs symptômes liés à leur pathologie. Il arrive tout de même que nous nous trouvions dans une incertitude face à des patients qui ne communiquent peu ou plus, qui sont confus et agités, et pour lesquels il est difficile de recueillir un consentement et des directives anticipées. La frontière entre l’acharnement thérapeutique et l’abandon des soins est souvent ténue et nécessite des questionnements éthiques plurihebdomadaires. Le travail en équipe pluridisciplinaire est essentiel et permet un réajustement quotidien de la prise en soins. Pour A. Van Lander : « Les valeurs des soins palliatifs sont étayantes tant qu’elles restent critiquables et ainsi ne s’imposent pas à un patient vulnérable... L’alliance thérapeutique entre soignant et patient permet de co-construire cet accompagnement en tenant compte des limites de chacun. » (Van Lander A., 2015)

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Hypnose et soins palliatifs

L’hypnose et les soins palliatifs ont une valeur commune : l’accompagnement. L’objectif est de proposer de mobiliser les ressources de la personne même si elle « n’y croit plus, n’en peut plus ». Comme le dit A. Bioy, la posture de l’hypnopraticien est d’être dans un « non vouloir », un « non savoir », « neutre, simple », en permettant au patient de devenir son propre thérapeute, de lui offrir la possibilité d’un changement, si minime soit-il. À chaque rencontre, tout recommence comme si c’était « la première rencontre ». Il convient de reconnaître au patient sa place de sujet vivant et désirant lui permettant de, peut-être, prendre de la distance par rapport à son symptôme, à son ressenti habituel et à son environnement par le « réveil de ses ressources internes, appui sur ses expériences de vie et mobilisation vers le changement » (Bioy A., 2006). Dans les soins palliatifs, le premier symptôme d’appel à l’hypnose est celui de la



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Soins palliatifs gériatriques

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douleur. C’est le patient qui donne l’information de son inconfort en l’exprimant verbalement et aussi corporellement.

D E L’ HYPNOSE

EN SOINS PALLIATIFS GÉRIATRIQUES

Accompagner et soutenir psychiquement sont des valeurs centrales au cœur des soins palliatifs comme de l’hypnose. G. Belouriez parle : « d’un accompagnement au cas par cas, au rythme du patient, dans une temporalité propre et en coopération. » (Belouriez G., 2014)

En gériatrie, c’est d’autant plus important que les patients présentent souvent des retentissements psychiques et cognitifs, liés aux maladies mais aussi aux traitements initiés pour soulager les inconforts, nécessitant de constantes réadaptations de la part des soignants. N

Premier abord

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La première rencontre est déterminante. Lorsque le patient arrive dans le service en Lit identifié de soins palliatifs (LISP), il a déjà un parcours de soins souvent complexe et se situe en « hypnose négative » avec un vécu difficile et un envahissement parfois d’un ou plusieurs symptômes : anxiété, angoisse, douleur, etc. L’approche hypnotique favorise la création d’un lien sécurisant entre le patient et les soignants qui va lui permettre de sortir de son immobilisme psychique et physique lié à sa situation de proximité de la fin de vie. M ME K. Mme K., 92 ans, est la première patiente à qui l’hypnopraticienne, nouvellement formée il y a quelques années, va proposer une séance en situation palliative. Mme K. est entrée pour adaptation des traitements antalgique et anxiolytique du fait d’une escarre sacrée infectée et très douloureuse, développée suite à un AVC majeur. L’hypnopraticienne a déjà rencontré cette dame âgée dans le cadre d’entretiens cliniques de soutien psychothérapique avec son accord. Un après-midi, l’infirmière sollicite l’hypnopraticienne car Mme K. est gémissante et inconfortable. La séance d’hypnose proposée est centrée sur la respiration, un souvenir très agréable pour elle dont elle avait précédemment fait le récit, associé à des traitements médicamenteux et Mme K., petit à petit s’apaise et s’endort tranquillement, le visage détendu... La séance n’a pas duré longtemps, vingt minutes environ.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

En gériatrie, le patient en soins palliatifs est souvent alité car l’asthénie ou d’autres symptômes l’empêchent de rester au fauteuil longtemps. Les entretiens sont écourtés pour lui permettre de se reposer ou de reprendre sa respiration dans certaines situations dyspnéiques. La durée et le déroulement des séances doivent être adaptés à la situation que vit le patient et à ses symptômes. L’hypnopraticienne psychologue, qui est déjà à l’écoute de la parole du patient, de sa demande explicite ou implicite, de ce qu’il dit de son symptôme, de la manière dont il le décrit, des émotions et sensations associées, de sa posture (au fauteuil ou au lit), enrichit sa pratique par l’hypnose. Elle apporte rapidement d’autres possibles vers un changement des sensations chez le patient aussi minime soit-il : la ride du lion s’estompe sur le visage, l’agitation au lit ou au fauteuil diminue, voire disparaît, la respiration se fait plus lente... En hypnose, nous n’abordons pas la question de la mort, nous sommes dans le vivant et dans la continuité, elle permet d’introduire de la fluidité et de la flexibilité. N

Accompagnement

L’anxiété en soins palliatifs gériatriques est omniprésente chez les patients âgés : « j’ai peur de tout, mon corps me lâche, j’en ai plus pour longtemps... » nous dit une dame proche de sa fin de vie. L’hypnose conversationnelle au cœur des entretiens favorise un apaisement de l’anxiété et une mise en mots de la plus grande peur qui est celle des conditions du mourir : dans la souffrance, l’isolement... « je demande que ça de partir, mais comment... je n’en sais rien et quand... ». Écouter, rassurer sur la présence des soignants, sur l’accompagnement et le soulagement qui seront prodigués est indispensable. Ratifier cette peur, qui est universelle, et la nommer permet au patient de se sentir entendu dans ce qu’il ressent et verbalise. Une co-construction débute ainsi et il est important ensuite d’inclure l’ensemble des professionnels du service dans une attention à cette angoisse. Cela favorise la permanence des soins et l’accompagnement jusqu’au bout, mais permet aussi de trouver un sens à cet accompagnement parfois difficile pour les soignants. D’autres patients, au contraire, développent des angoisses majeures car ils ne veulent pas mourir, pas laisser leur famille et leurs proches. Ils luttent, crient, présentent une agitation motrice qui nécessite l’aide de traitements médicamenteux pour pouvoir ensuite établir une communication hypnotique.



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Soins palliatifs gériatriques

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Une dame atteinte d’un cancer de la vessie métastatique, à l’orée de sa vie criait, gémissait et s’agitait dans son lit nuit et jour. Cela s’intensifiait encore quand son fils unique lui rendait visite. Des thérapeutiques ont permis de la soulager et elle put avoir des échanges importants et chargés émotionnellement avec son fils, en la présence de l’hypnopraticienne à la demande de cette dame et de son fils. L’hypnose conversationnelle par l’observation, la ratification des affects, le langage verbal positif et le saupoudrage ont permis à l’hypnopraticienne de les accompagner au mieux. À la fin de la rencontre, Mme a demandé à son fils d’aller se reposer. Elle décéda deux jours plus tard.

B ASTA À LA TOILETTE L’aide à la toilette en soins palliatifs peut s’avérer être un moment particulièrement riche dans l’échange, mais aussi particulièrement difficile pour le patient et les soignants : découverte d’un corps cachectique, plaies, douleurs, inconforts, etc. L’objectif de confort mis en place lors de la phase palliative peut être mis à mal pendant une toilette délicate. Avec la psychologue en LISP Mme J., 95 ans, entre sur un LISP pour AVC avec hypovigilance et troubles de la déglutition majeurs empêchant toute alimentation et hydratation par voie orale. Elle est d’origine espagnole. Les IDE et aides-soignantes éprouvent une difficulté au moment de la toilette où elle est très agressive verbalement et physiquement.

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Un matin, l’hypnopraticienne entend sa collègue IDE dire « je ne sais plus quoi faire pour que la toilette de Mme J. se passe bien ». L’hypnopraticienne lui propose de l’accompagner en hypnose conversationnelle pour la toilette. C’est la première rencontre... Mme J. est au lit, l’hypnopraticienne prend le temps de se présenter calmement avant de lui serrer la main du côté non hémiplégique. Mme J. garde la main dans la sienne et l’hypnopraticienne commence à lui parler sans s’arrêter de tout ce qui allait se passer : le moment de la toilette, le rafraîchissement, la détente de son corps, les soins de plaies pour qu’elle soit plus confortable (en saupoudrant de tranquille, calme, etc.), en anticipant et expliquant tous les gestes des collègues infirmières et aides-soignantes. Mme J. serre fort la main de l’hypnopraticienne à certains moments et dit « basta » à trois reprises. L’hypnopraticienne lui signifie qu’elle peut le redire si elle le souhaite. C’est le seul mot prononcé par Mme J. ce jour au cours de cette toilette. Aucune agressivité gestuelle n’est apparue et Mme J. semblait détendue à la fin de la toilette. L’hypnopraticienne lui propose à la fin de la toilette de se reposer. Tous les soins par la suite se sont réalisés plus facilement, en utilisant la ratification à chaque fois que Mme J. exprimait qu’on la laisse tranquille.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Les collègues IDE ont pu reproduire la toilette en lui parlant sans arrêt et surtout en lui donnant un contact physique « main dans la main » accrocheur et étayant, qui est l’ancrage de Mme J.

Points forts   



Augmentation du recrutement sensoriel, maintenu tout le long du soin. Ratification du seul mot utilisé par la patiente « basta ». Saupoudrage beaucoup utilisé : calmement, tranquillement, apaisant, détendant le corps, les membres, reposant pour la suite avec une installation la plus confortable possible... Mise en place d’une ritualisation de la posture comme ancrage.

L’entourage qui soutient et accompagne depuis longtemps le sujet âgé vit une véritable crise lorsque la proximité de la mort s’approche. Il peut aussi se retrouver dans une détresse psychique nécessitant un soutien psychothérapique. Nous avons intégré l’hypnose conversationnelle dans ce soutien des familles. L’hypnopraticienne utilise, entre autres, la ratification de la culpabilité souvent présente : « et si j’en avais fait plus et si j’étais venu plus souvent »... L’hypnopraticienne : « vous avez fait tout ce que vous pouviez en fonction de vos possibilités. Vous êtes là aujourd’hui, c’est très bien... prenez tranquillement le temps d’être ensemble, profitez comme vous le souhaitez de tous les moments où vous pouvez être avec lui... ». Ainsi, l’hypnose a trouvé sa place auprès de tous les acteurs de situations palliatives : patient, proches, mais aussi soignants. N

Se ressourcer

Même en situation palliative, il est possible pour le patient d’accéder à ses ressources, afin de se soulager. Dans ces descriptions cliniques, nous allons aborder les troubles du sommeil et l’anxiété, si fréquemment présents dans ces phases de vie.



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Soins palliatifs gériatriques

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U N SOMMEIL RÉPARATEUR Avec la psychologue en LISP Mme A., 87 ans, a été transférée d’un service de maxillo-facial pour une prise en soins gériatrique globale. Elle présente une nécrose maxillaire supérieure post-radique suite à un carcinome épidermoïde des fosses nasales en 2013, traité par chirurgie et radiothérapie. Elle ne supporte pas la prothèse. Antérieurement, Mme A. a présenté un cancer anal qui fut traité par chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie avec colostomie définitive. Lors de la première rencontre avec l’hypnopraticienne, Mme A. est installée dans le lit en position demi-assise. Elle a une nutrition parentérale. Elle observe les réactions que le soignant peut manifester devant son visage meurtri, mutilé par le cancer avec une béance maxillaire droite. Elle arrive à s’exprimer verbalement, mais son élocution est difficilement compréhensible... Elle s’épanche sur sa vie, son métier, sa maladie, son impossibilité à remarcher et son désir de retrouver son appartement.

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Un jour où son état se dégrade somatiquement avec des douleurs intenses et une détresse psychique à l’idée de ne pas être soulagée, elle demande à mourir. L’hypnopraticienne s’installe à côté de Mme A. sur une chaise et lui prend la main. Une fois que l’infirmière lui a donné des médicaments pour la soulager de ses symptômes, une séance d’hypnose informelle débute. L’inconfort est tel que l’hypnopraticienne propose une installation plus confortable dans le lit, un relâchement, une détente de tout ce corps contracté avec un travail sur « la respiration qui à chaque souffle... libère les tensions de ce corps inconfortable... (ratification) ». Jusqu’à ce que les jambes repliées de Mme A. se détendent et s’allongent sur le lit et que le front ne soit plus plissé par la douleur et l’inconfort majeur. Ainsi, un accompagnement vers « une bulle de douceur, de soulagement et de confort » peut se poursuivre en partant du PAVTOG, visuel au départ : « de la couleur que vous souhaitez... d’une forme peut-être plus arrondie, plutôt ovale... de la texture que vous voulez... peut-être du coton ou tout autre matière qui vous plaît... et quand vous êtes bien installée dans cette bulle, vous pouvez me faire un petit signe de la main par exemple... (signaling obtenu), vos oreilles peuvent entendre des bruits qui vous appartiennent que vous aimez (aime la musique)... dans cette bulle vous pouvez peut-être ressentir un mouvement agréable, une tranquillité, une douceur... c’est très bien... et vous allez pouvoir profiter de ce moment agréable dans votre bulle... Chaque fois que vous ressentirez le besoin de retrouver ce confort, ce bien-être, vous pourrez vous réinstaller confortablement dans le lit et revenir dans cette bulle ou un ailleurs... c’est vous qui choisirez... » Le silence s’est installé dans la chambre au rythme des deux respirations synchronisées... puis l’hypnopraticienne lui propose de « revenir doucement dans la pièce ici et maintenant, dans ce lit... tranquillement... » et au bout de quelques minutes, l’hypnopraticienne se rend compte que Mme A. dort, elle la laisse dormir en informant les collègues soignants que Mme A. s’est endormie au cours de la séance d’hypnose.



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EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Le lendemain après-midi, l’hypnopraticienne est interpellée par l’infirmière, informée de la réalisation de la séance d’hypnose dont avait bénéficié Mme A. : « Qu’est-ce que tu as fait à Mme A. ? Elle a dormi tout l’après-midi et toute la nuit. Elle s’est à peine réveillée quand on lui a fait les soins. » « Juste une séance d’hypnose ! » Lorsque l’hypnopraticienne entre dans la chambre, elle est en position demi-assise. Sans parler, elle s’allonge comme la veille, recherchant la position la plus confortable, pour débuter une nouvelle séance d’hypnose. Celle-ci est un peu similaire à celle de la veille, avec la suggestion post-hypnotique de repartir seule dans sa bulle quand elle le souhaitera. Elle revient ce jour de sa transe et parle un tout petit peu de son ressenti : « Je me sens...reposée, soulagée... fatiguée... », puis elle repart dans le sommeil ou dans sa « bulle » ? Chaque jour de rencontre est identique et les échanges se raréfient. L’hypnopraticienne est associée à sa « bulle ou ailleurs », que Mme A. n’a pas cherché à décrire verbalement... ni à partager peut-être. Suite à ces séances, d’autres ont été proposées par les infirmières du service également formées à l’hypnose : Mme A. fut plus « détendue » lors des soins. Puis son état de vigilance s’est abaissé et Mme A. dormit de plus en plus jusqu’au jour de son décès.

Points forts 





  

Ratification d’un corps inconfortable, préalable nécessaire à un début d’alliance thérapeutique. Confiance en les capacités et les ressources de Mme A., malgré la communication difficile et la situation complexe. Utilisation d’un PAVTOG « adapté » : l’hypnopraticienne a évité d’amener des sensations olfactives, étant donné que le nez de Mme A. avait été mutilé par le cancer, ainsi que des sensations gustatives dans la mesure où elle était alimentée par voie parentérale. Saupoudrage. Séances très répétitives, telles que les attendaient Mme A. après sa première séance. Utilisation de la pluridisciplinarité : nous avons pu amener Mme A avec l’hypnose pratiquée par tous les soignants formés du service à s’apaiser et à bénéficier de moments de confort et de sérénité.

Associée aux traitements médicamenteux, l’hypnose favorise la synchronisation entre le patient et l’hypnopraticien, mais aussi la détente et le relâchement. Ainsi, le patient peut « se créer un nouveau réel, réinventer son présent en apprenant à modifier ses perceptions corporelles et au-delà en envisageant sa situation



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Soins palliatifs gériatriques

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de façon différente » (Bioy A., 2006) : rester silencieux, s’exprimer à certains moments, revenir dans l’ici et maintenant, repartir et s’endormir s’il le souhaite. C’est à la volonté du patient. En soins palliatifs gériatriques, l’hypnopraticien est permissif, suggère et propose, étaye et contient, peut utiliser des métaphores (peu chargées symboliquement en première intention (Bioy A., 2016) tels que l’arbre et ses racines, le passage, le souvenir de fierté, etc.) et tentent d’ancrer chez le patient la possibilité d’autohypnose par la suite. Nous utilisons le terme « tenter » parce que nous nous sommes rendus compte que certains patients en fin de vie ne pouvaient pratiquer seuls l’autohypnose, comme Mme A. qui avait besoin des hypnopraticiens comme ancrage pour débuter ses séances. En effet, la présence professionnelle bienveillante est souvent nécessaire à l’entrée en état hypnotique. Le professionnel devient l’ancrage. I NVITATION AU VOYAGE

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Avec la psychologue en LISP Mme B., 86 ans, est veuve et a une fille. Elle dit : « quand mon mari est mort ça a été terrible ». Elle est entrée sur un LISP pour « équilibration de ses douleurs ». Mme B. est atteinte d’un cancer du sein depuis 5 ans avec métastases osseuses vertébrales, iliaque gauche, gril costal gauche. Elle a bénéficié de radiothérapie et cimentoplastie, mais est maintenant en phase palliative terminale. Elle est très asthénique, ralentie sur le plan psychomoteur et cachectique. Lors de la troisième rencontre, l’hypnopraticienne la trouve au fauteuil dans sa chambre et dès l’entrée elle exprime « j’ai mal là, montrant le côté gauche » et sa respiration est accélérée. L’infirmière est appelée et lui donne une interdose de morphine. Mme B. dit « je ne sais pas ce qui m’arrive... je ne me sens pas bien... c’est comme des coups là »... L’hypnopraticienne lui dit « comme des coups de poing, des coups de poignard (ratification) » et Mme B. redresse la tête, regarde l’hypnopraticienne (captation du regard). Avec les soignants, elle lui propose de l’aider à se réinstaller dans le fauteuil le plus confortablement possible tout doucement et tranquillement (pour ne pas déclencher de douleurs) car Mme B. se trouve au bord du fauteuil, prête à tomber... Une fois réinstallée, elle fait un signe de tête pour confirmer que c’est mieux et prend la main de l’hypnopraticienne, celle-ci lui propose de se centrer sur sa respiration pour la ralentir... « inspirer tranquillement et souffler toute sensation inconfortable » et de continuer tranquillement. Mme B. souffle et sa respiration petit à petit s’apaise. Elle garde les yeux ouverts et l’hypnopraticienne lui propose de partir en voyage (elle a beaucoup voyagé avec son mari et « c’était agréable »)... « un voyage qu’elle a déjà fait ou tout endroit qu’elle aimerait découvrir... » Mme B. : Oui ! Hypnopraticienne : Il y a peut-être de beaux paysages, un beau ciel bleu (aime la chaleur), le soleil qui vous réchauffe ... très bien... un peu de brise bien agréable que vous sentez sur votre peau...



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Mme B. : Oui ! Hypnopraticienne : Tranquillement, vous profitez de ce moment très agréable... vous sentez peut-être votre corps se détendre dans cet endroit... et peut-être en mouvement...C’est très très bien... Mme B. : Oui ! Hypnopraticienne : Profitez de ce moment, de cet endroit autant de temps que vous le souhaitez... Chaque fois que vous souhaiterez être plus détendue, soulagée, vous pourrez repartir en voyage là où vous êtes ou ailleurs... Mme B. prend son temps et dit : « C’était bien ce voyage, quand est-ce que je repars et pour vous remercier je voudrais vous offrir un café. » L’hypnopraticienne lui propose de revenir le lendemain à l’heure du café après le repas. L’ancrage ici est l’hypnopraticienne.

Points forts 

 

Fixité du regard avec yeux ouverts et expression verbale, qui sont un signe de transe chez Mme B. Ratification de la douleur. Utilisation de souvenirs agréables retrouvés et saupoudrés.

N

Respirer mieux

La dyspnée affecte 40 % des patients hospitalisés en Unité de soins palliatifs, c’est un symptôme souvent difficile à appréhender et à soulager. M. Sahut d’Izarne et al. parlent de « dyspnée totale » tant elle provoque une détresse physique, psychologique, sociale et spirituelle (Sahut d’Izarne M. et al., 2016). Dans les cas cliniques suivants, nous allons aborder ce symptôme particulièrement envahissant et destructeur. U NE TEMPÊTE QUI SOUFFLE DOUCEMENT De nombreux symptômes sont accessibles à l’hypnose, nous expose A. Burlaud : « La douleur, la souffrance, les nausées, les vomissements, l’insomnie, l’anxiété, la dyspnée. » (Burlaud A., 2013) Avec la psychologue en LISP Mme V., 91 ans, est entrée dans le service en soins palliatifs, suite à un cancer du rein avec métastases multiples. Elle a 4 enfants et est divorcée. Lors de la première



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Soins palliatifs gériatriques

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rencontre, Mme V. dit qu’elle a un cancer du rein qui « s’est éparpillé ... pleins de petites tumeurs au poumon et à d’autres choses... je suis fatiguée, mais ce qui me gêne le plus, c’est la tempête dans mes poumons... ça me gêne ». L’hypnopraticienne lui propose de faire un exercice pour transformer cette tempête en quelque chose de plus agréable... Elle s’étonne puis dit : « j’adore le vent, mais seulement quand c’est une brise ». La séance débute par le fait de fixer un point sur le mur. Elle choisit le voyant rouge de sa télé de chambre. Elle est dans son lit et l’hypnopraticienne lui propose « de vous installer le plus confortablement possible (en position demi-assise pour sa respiration avec les lunettes à oxygène) puis d’être attentive à la respiration accélérée et d’inspirer par le nez et de souffler par la bouche » La main de l’hypnopraticienne est posée sur sa poitrine (Mme V. l’accepte) et petit à petit l’hypnopraticienne la retire. Mme V. apaise un peu sa respiration et l’hypnopraticienne l’amène en douceur à travailler sur cette tempête et à voir (PAVTOG visuel) par exemple « des arbres qui bougent avec la force du vent (kinesthésique) et qu’à chaque souffle de sa respiration, la vitesse du vent va ralentir » « oui ! C’est ça » ditelle les yeux fermés. « Doucement tranquillement, l’air, l’oxygène vient vous détendre, ...tranquillement... une petite brise prend le relai sur la tempête... Je vous propose de ne plus écouter cette voix qui vous parle et de profiter de ce moment... Chaque fois que vous souhaiterez ressentir des sensations plus douces... plus agréables de votre respiration et de votre corps... vous pourrez revenir là où vous êtes en ce moment... » Puis l’hypnopraticienne lui a demandé de revenir ici et maintenant dans cette pièce avec nous... Mme V. est revenue après quelques minutes. Ce fut la seule séance avec Mme V. qui s’est éteinte un matin très tôt.

Points forts  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

 



Utilisation de la métaphore de Mme V. Utilisation de plusieurs canaux : visuels, auditifs, kinesthésiques, avec acceptation du toucher par la patiente. Pacing respiratoire non effectué initialement lors de ce symptôme de dyspnée (à éviter pour le confort de l’hypnopraticien...), mais devient possible dans un second temps quand la respiration commence à s’apaiser.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

D U GALOP AU PAS Inspiré par une technique exposée par C. Voineau, pédiatre M. G., 89 ans, est atteint d’une insuffisance respiratoire sévère. Il est entré dans le service pour une infection pulmonaire. Ce Monsieur, non connu de l’équipe et de l’hypnopraticienne, est très anxieux et lorsque l’hypnopraticienne arrive dans sa chambre en se présentant, il majore sa dyspnée. L’hypnopraticienne se rapproche de M. G. doucement et pose la main sur son torse en lui exprimant « vous respirez comme un cheval au galop... Voulez-vous vous aider à vous ralentir (confusion)... Inspirez bien et soufflez bien tranquillement... là, nous sommes encore au trot !... doucement, c’est très bien... continuez... très très bien... vous y arrivez ... Les yeux fermés, le corps commence à se détendre et vous êtes au pas ... » L’hypnopraticienne lui laisse la possibilité de continuer à se sentir détendu et à l’écoute de sa respiration... puis elle reste auprès de lui en silence. Ils échangent ensemble sur ce qui vient de se passer. M. G. est très étonné d’avoir réussi à s’apaiser. L’hypnopraticienne lui confirme qu’il a fait le travail seul, juste un peu guidé.

Points forts 



Proposition d’une métaphore « toute faite », sans vérification d’une phobie préalablement, car la situation est urgente, mais en constante observation et réadaptation. Il se trouve que M. G. aimait bien les chevaux. Travail sur la dyspnée directement plutôt que sur l’anxiété qui majore la dyspnée : mieux vaut aborder le symptôme le plus envahissant pour le patient avant d’aborder l’anxiété. M. G. a souhaité par la suite des entretiens cliniques avec hypnose conversationnelle qui ont permis d’amorcer un travail psychothérapique sur son anxiété « qui bloque ma respiration ». Il est rentré chez lui auprès de son épouse quelques jours plus tard.

C ONCLUSION L’accompagnement palliatif gériatrique et l’hypnose s’enrichissent l’un de l’autre dans le prendre soin des sujets âgés qui vivent des remaniements somatiques et psychiques importants dans cette dernière étape de leur vie. Il en découle une posture éthique du soignant qui ne « sait » rien, ne « veut » rien et n’« attend » rien. Cette posture est aidante pour le patient, lui offrant toutes les libertés de se traiter (Belouriez G., 2017).



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Chapitre 7

Accompagner les aidants au quotidien Sophie Lagouarde, Jessica Meliani, Laurent Bujon

E SOUTIEN DE L’ENTOURAGE

est déterminant dans l’évolution des troubles neurocognitifs. Cette aide est souvent recentrée sur une seule personne appelée l’« aidant principal » ou « aidant naturel ». Il est celui qui va accompagner son parent/ami âgé durant les mois et les années à venir, il va soutenir, entourer, prendre part aux décisions de santé et de vie, améliorer le bien-être et aimer. Mais il va aussi soigner l’esprit et très souvent le corps.  Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L

Si on fait une différence entre aidant « naturel » et « professionnel » (qui qualifie les professionnels tels que les auxiliaires de vie, les infirmiers, etc. qui sont présents autour du patient), tous deux vont être fortement impliqués et ressources dans l’entourage de l’accompagné et, de manière différente, être engagés émotionnellement. En raison de cette très forte implication, l’aidant naturel va souvent s’isoler, s’épuiser et sentir une diminution subjective de sa qualité de vie et de son bien-être. L’impact sur la santé de l’aidant naturel est maintenant fortement reconnu : syndrome dépressif, moins bonne réponse immunitaire, plus de prises médicamenteuses, moins bonne cicatrisation, voire augmentation de la mortalité. La HAS recommande une visite annuelle auprès de leur médecin traitant pour les aidants naturels, en étant vigilant sur l’aspect psychique, physique et sur le suivi préventif (vaccination, etc.), car ils ont tendance à privilégier la santé de leur aidé par rapport à la leur.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

L’aide aux aidants fait donc partie intégrante de la prise en charge globale du patient âgé.

L’ ANNONCE DU DIAGNOSTIC , COMME UN SYNDROME DE STRESS POST-TRAUMATIQUE Parmi les épreuves traversées par les familles, l’annonce d’une maladie grave est un moment délicat et difficile pour le patient, mais aussi pour l’aidant. S’il est trop mal perçu, il peut conditionner toute la prise en charge à venir. De nombreux documents, des formations, voire des postes dédiés (infirmière d’annonce dans le cadre de l’oncologie), sont mis en place depuis quelques années, soulignant la complexité de ce moment. L’annonce diagnostique peut être vécue sur un mode traumatique. Ce type de décompensation psychique est bien souvent le reflet d’une fragilité antérieure. Accompagner ces familles est une priorité au regard des autres épreuves auxquelles elles seront confrontées au cours de l’évolution de la maladie. L’hypnose est une bonne indication de prise en charge des traumatismes psychiques. Il est communément admis que le trauma induit une dissociation pour tenter de faire face à l’angoisse. Selon M. De Clerq, les sujets atteints d’état de stress post-traumatique sont plus facilement et plus profondément hypnotisables que les autres (De Clerq M. et al., 2001). Le trauma pourrait être perçu comme une forme de transe négative. L’hypnose permettrait d’utiliser cette capacité de dissociation jusqu’à la réduction, voire la dissolution des émotions négatives. La technique habituellement utilisée et développée dans le cas clinique suivant est la double dissociation afin d’éviter les suggestions directes relatives aux traumatismes. Elle consiste à suggérer au patient de se voir en train de vivre l’événement traumatisant en utilisant l’image d’un écran de cinéma ou de téléviseur, avec la possibilité à tout moment de mettre l’image sur pause (image de la télécommande) ou de se réfugier dans sa safe place. Ce type de dissociation induite offre la possibilité de revivre l’événement traumatique tout en contrôlant l’intensité des émotions, donnant un rôle actif au patient (Bachelart M. et al., 2013).



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Accompagner les aidants au quotidien

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M ÈRE ET FILLE Mme A., jeune retraitée, sollicite une consultation mémoire pour sa mère, Mme J., pour qui un diagnostic de maladie d’Alzheimer a été porté il y a déjà cinq ans. Mme A. souhaite un second avis. Mme J. est reçue par un médecin de la consultation qui demande la réalisation d’un bilan neuropsychologique. Mme J. a 85 ans. Son mari souffrait d’une maladie d’Alzheimer à un stade très évolué. Il est décédé il y a un an. Elle l’a accompagné et elle décrit une fin de vie compliquée et douloureuse. Mme J. situe l’émergence de ses propres problèmes de mémoire à la suite du décès de son mari : une temporalité bien à elle au regard du suivi médical très antérieur... Mme A. accompagne sa mère pour la réalisation du bilan neuropsychologique. À leur arrivée, l’hypnopraticienne demande à Mme J. si elle souhaite la présence de sa fille pour l’entretien clinique initial. Mme J. accepte volontiers, mais Mme A. s’effondre : c’est au-dessus de ses forces. Elle pourra les rejoindre en fin de bilan et exprimer l’angoisse générée par cette nouvelle démarche diagnostique. L’hypnopraticienne lui suggère de revenir la voir, seule, pour tenter de l’accompagner dans cette épreuve. Elle n’en fait rien, du moins, pas tout de suite... Le suivi se poursuit auprès du médecin de la consultation. Le diagnostic va être confirmé. Mme A. s’effondre dans le bureau du médecin, totalement submergée par l’angoisse et la panique. Elle accepte alors de revoir l’hypnopraticienne. Ses premières paroles : « Je me suis effondrée, j’aurais hurlé dans ce bureau ! Il faut que j’arrive à gérer ». Cette première consultation est centrée sur la verbalisation et sur le recueil d’informations. Mme A. évoque un choc traumatique il y a quatre ans : son fils unique a subi un accident du travail. Elle décrit un état de sidération puis de la colère : « Je n’étais plus moi, j’étais partie pour mettre le feu à l’usine ! ». Encore aujourd’hui, malgré l’issue favorable, elle ne peut pas passer devant l’entreprise qui se situe à proximité de son domicile. Le décès de son père est survenu trois ans plus tard alors même qu’elle restait très fragilisée par ce choc traumatique. Le deuil se fait difficilement. Dans un tel contexte, l’annonce diagnostique concernant sa mère ne peut que réactiver les chocs précédents. L’ensemble de ces éléments cliniques évoquent un état de stress post-traumatique avec des images récurrentes de la machine qui a meurtri son fils, un évitement du lieu de l’accident (phobie posttraumatique), une hyper-émotivité avec agitation anxieuse, des troubles du sommeil. Mme A. présente un syndrome douloureux chronique : son médecin traitant a évoqué une fibromyalgie. Elle commente : « Si je n’ai rien physiquement c’est que le psychisme est atteint. » Elle est prête. Elle veut s’en sortir. Au second rendez-vous, l’hypnopraticienne lui propose une séance d’hypnose. Elles dressent son portrait chinois, à la recherche d’une safe place qu’elle pourrait solliciter de façon efficace. Sans hésitation, Mme A. évoque le village natal de son père. Les canaux sensoriels privilégiés sont la vue et l’olfaction (PAVTOG). L’induction est proposée par le biais du canal visuel et par relâchement des tensions musculaires (canal proprioceptif). L’entrée en transe est rapide, avec un relâchement et un ralentissement de la respiration. Mme A. ferme les yeux. Elle retrouve le village natal de son père (geste de la main, signaling). L’instant suivant, elle manifeste un mal-être (sanglote, légère agitation). Elle semble envahie par



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

des émotions négatives. L’hypnopraticienne relève ces manifestations et, progressivement (ratification), suggère le sentiment de sécurité émanant de ce lieu, sur cette place du village protégée, entourée par les habitations, elles-mêmes entourées et protégées par les montagnes (métaphore de la matrice). L’hypnopraticienne suggère un apaisement, un bien-être, une détente (saupoudrages). Elle prend le temps d’explorer ce lieu de sécurité (saturation du PAVTOG) pour renforcer la dimension protectrice. Mme A. s’apaise, se détend, respire lentement, parfaitement immobile, les yeux fermés. L’hypnopraticienne suggère la possibilité de recourir à cette safe place à chaque fois qu’elle en aura besoin, dans les heures, dans les semaines, dans les mois à venir. Il lui suffira de solliciter les images mobilisées au cours de cette séance ou de reprendre cette même posture, bras reposés sur les accoudoirs du fauteuil, mains détendues (ancrage, suggestions post-hypnotiques). L’hypnopraticienne prend le temps nécessaire pour un retour dans « l’ici et maintenant » tout en douceur. Mme A. décrit une sensation de bien-être : « J’y étais (safe place), et j’y étais bien ! ». Son corps est lourd, totalement relâché, à l’issue de cette première séance. Lors du second rendez-vous pour la séance d’hypnose, visiblement stressée, Mme A. exprime son appréhension : elle ne veut pas être confrontée à ses traumatismes, elle redoute que l’hypnopraticienne lui propose ce travail au cours de la séance d’hypnose (résistance). Elle la rassure. Elles avanceront à son rythme. Mme A. s’apaise et peut verbaliser un mieux-être avec un meilleur contrôle de ses émotions et une diminution des douleurs. Elle utilise l’autohypnose régulièrement, appelle l’image de sa safe place et parvient à mieux gérer les situations stressantes. Ainsi, Mme A. a pu faire face au discours de sa jeune sœur qui nie les troubles cognitifs de leur mère. Elle a pu rassurer sa mère qui manifestait un sentiment de vulnérabilité. Mme A. accueille cette seconde séance d’hypnose en toute confiance. La transe est immédiate et plus profonde. Le relâchement est total. Elle retrouve sa safe place, « sa matrice » : un mouvement certes régressif mais restructurant et nécessaire face au chaos de ces dernières années. qLa troisième séance va être déterminante. Mme A. entre dans le bureau et s’installe directement dans le fauteuil consacré aux séances d’hypnose. La séance débute par une verbalisation avec description détaillée des traumatismes (hypnose conversationnelle). Mme A. avait pu verbaliser certains éléments relatifs aux chocs traumatiques au cours des entretiens initiaux mais sans entrer dans les détails. Elle évoque l’accident de travail de son fils, la maladie et le décès de son père. Elle décrit l’annonce diagnostique concernant sa mère comme représentant le choc le plus violent. L’hypnopraticienne induit alors une transe plus profonde (dissociation par saturation du PAVTOG). Elle n’aura pas à suggérer de double dissociation. Mme A. va l’initier d’elle-même par superposition d’images : le village espagnol (sa safe place) et la scène relative à l’annonce diagnostique. Elle est dans le contrôle de ses émotions. À la fin de la séance, elle ne cessera de répéter : « C’est extraordinaire, j’étais bien ! ». Mme A. se sent désormais en capacité de gérer ses émotions et d’accompagner la maladie de sa mère.



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Accompagner les aidants au quotidien

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Points forts 





Utilisation de la double dissociation : la patiente se voit en train de vivre l’événement traumatisant en utilisant l’image d’un écran de cinéma ou de téléviseur, en laissant la possibilité à tout moment de mettre l’image sur pause ou de se réfugier dans sa safe place. Métaphore de la matrice portée par la safe place : place du village entourée par les habitations, elles-mêmes protégées par les montagnes. Utilisation rapide de l’autohypnose.

UN

SOUTIEN POUR LE QUOTIDIEN

La maladie provoque des bouleversements au sein du couple et de la famille, avec renversement des rôles. Au sein du couple, le conjoint va devoir progressivement tout gérer. Vouloir tout assumer représente une surestimation de ses capacités avec risque d’épuisement et de décompensation sur un mode anxio-dépressif. L’introduction des aides professionnelles soulage le conjoint, mais peut être vécue sur un mode intrusif avec le sentiment de perte de son intimité. La maladie a des répercussions émotionnelles et relationnelles. L’aidant doit faire le deuil de la guérison, de ses projets de vie et de la personnalité de son conjoint. La relation est perturbée et le conjoint doit bien souvent apprendre à communiquer et à se comporter de manière différente.

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’hypnose, comme nous allons le voir dans les cas cliniques, trouve alors toute sa place comme une aide pour la prise en charge de la dépression, de l’anxiété ou des troubles du sommeil des aidants (Burlaud A., 2013) ; mais aussi pour accepter les modifications et reconstruire une vie différente. R ETROUVER LE SOMMEIL ET LA FORCE DE CONTINUER Avec la psychologue en consultation M. L., 79 ans, souffre d’une maladie d’Alzheimer à un stade léger (MMSE à 21/30). Il n’exprime aucune plainte, ne reconnaît aucun de ses troubles et ne comprend pas pourquoi il vient consulter. Il ne supporte pas les remarques de son épouse concernant ses difficultés. Il peut se montrer irritable. Le couple a quatre enfants. Mme L. reste très investie auprès de ses enfants et petits-enfants : elle les reçoit très régulièrement, organise les fêtes et les vacances chez elle. Le couple ne bénéficie d’aucune aide à domicile. Mme L. est en demande de soutien et de conseils. La maladie provoque des tensions dans le couple. La communication devient compliquée et la relation prend une tonalité conflictuelle. Mme L. est confrontée au déni et à l’anosognosie de son mari. Il l’accuse volontiers de provoquer ou d’inventer ses propres difficultés.



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

La première consultation auprès de Mme L. sera centrée sur cette communication avec quelques conseils donnés pour apaiser la relation. Mme L. est épuisée, son humeur est dépressive et les ruminations anxieuses perturbent son sommeil. Elle accepte des séances d’hypnose. L’hypnopraticienne propose une première séance à visée relaxante et apaisante, basée sur la recherche d’une safe place : une plage bien connue de la patiente qui prend plaisir à nager longtemps en appréciant le calme et la vue panoramique de ce lieu, en pleine sécurité. L’entrée en transe est rapide et Mme L. rejoint rapidement sa safe place (signaling). Son visage, détendu, manifeste soudainement une émotion visiblement négative. La respiration s’accélère. L’hypnopraticienne valide cette expression émotionnelle (ratification) et encourage Mme L. à trouver un peu de bien-être dans sa safe place, à profiter pleinement de ce moment qui lui est entièrement consacré (saupoudrage). Mme L. s’apaise, le visage est à nouveau détendu et la respiration reprend un rythme lent. La séance est clôturée par un ancrage et un retour progressif à l’ici et maintenant. Lorsque Mme L. est invitée à exprimer ses ressentis, elle éclate en sanglots. Elle qualifie cette émotion comme intense, mais positive, car elle l’associe à une prise de conscience : elle ne s’autorise jamais à se centrer sur elle. C’est pour elle une sensation et un état totalement inhabituels. Elle se dit étonnée et souhaite poursuivre cette expérience. Les séances suivantes seront centrées sur les troubles du sommeil. L’hypnopraticienne utilise la métaphore d’un petit coquillage, très léger, porté par les flots et qui chemine tranquillement vers les profondeurs. Elle invite Mme L. à suivre du regard ce petit coquillage. Un enregistrement vocal d’une séance est proposé afin que la voix de l’hypnopraticienne puisse l’accompagner. Mme L. utilise de mieux en mieux l’autohypnose et a pu gagner trois ou quatre heures de sommeil par nuit : l’endormissement est facilité et les réveils précoces sont moins fréquents.

Points forts 

 

 

Association de l’hypnose et d’un accompagnement avec apport de connaissances sur la maladie et conseils donnés pour faire face au quotidien. Passage par une relaxation nécessaire avant d’aborder un travail plus hypnotique. Initiation d’un changement : prise de conscience de la nécessité de prendre soin de soi. Appropriation rapide avec pratique de l’autohypnose. Traitement des troubles du sommeil par la métaphore du coquillage qui suggère une profondeur progressive.



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Accompagner les aidants au quotidien

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A IDER ENSEMBLE Avec l’infirmier, au cabinet M. W. se plaint de troubles du sommeil et d’anxiété. Sa femme consulte également pour des troubles mnésiques. Ils ont tous les deux 67 ans et affichent une belle condition physique qui dissimule les troubles dont ils souffrent. Mme W. est suivie régulièrement par un neurologue qui a posé un diagnostic de maladie d’Alzheimer. Mme W. participe au début de la consultation et choisit d’être reçue après son mari, elle patiente en salle d’attente. M. W. présente une logorrhée. Il explique à l’hypnopraticien ses difficultés au quotidien : sa femme oublie tout, elle fait chauffer le café trois ou quatre fois, elle prend plusieurs fois ses médicaments, commence quelque chose puis oublie. Ensuite, elle l’accuse des erreurs et manifeste de l’agressivité verbale envers lui.

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Il se sent « enfermé, coincé » et présente des ruminations permanentes concernant l’avenir. Pendant l’entretien, ils entendent la porte de la salle d’attente s’ouvrir et se fermer plusieurs fois. M. W. s’emporte: « vous voyez bien, elle fait n’importe quoi ! ». Puis un long silence, ils reprennent et brusquement la porte du bureau s’ouvre, Mme W. s’écrit « J’ai tout entendu, tu me déçois ! ». M. W. rétorque : « Il fallait que je le dise... » La tension verbale montant, l’hypnopraticien explique à Mme W. que son mari est venu dans le but d’évoquer leurs difficultés et d’améliorer leur quotidien et que lui-même ne va pas bien. Il a conscience qu’il s’emporte après elle alors qu’il devrait être plus accompagnant. L’hypnopraticien propose à Mme W. de s’asseoir pour terminer la consultation avec son mari. Elle se détend finalement et interviendra ponctuellement bien à propos. L’hypnopraticien relate une anecdote où deux personnes atteintes d’un même diagnostic présentent des troubles différents et auront une évolution distincte (technique de l’ami). Ceci pour expliquer que, derrière un diagnostic, il y a toujours la singularité de l’individu ; chacun évolue différemment, en fonction de ses ressources et de son environnement. L’induction hypnotique proposée à M. W. par fixation de ses mains permet, en parallèle, à Mme W. d’entrer en transe. L’hypnopraticien le remarque et l’invite très indirectement à approfondir la transe sans la regarder. Elle accompagne son mari vers un espace de liberté (technique de la safe place) avec un ancrage corporel, ressource de la sécurité et du calme : l’hypnopraticien propose de trouver « la partie la plus calme et tranquille dans le corps et de la faire grandir avec la respiration comme un joli ballon coloré que l’on gonfle lors de fêtes ou d’anniversaire, puis ce joli ballon vient s’accrocher au bout des doigts qui deviennent de plus en plus légers ». La main ou les mains se mettent en mouvement (lévitation) et se dirigent vers la partie calme et tranquille du corps « comme si ces deux parties étaient reliées par un fils imaginaire ou un magnétisme comme deux aimants (double sens) ». La lévitation fonctionne chez M. mais aussi chez Mme W. M. W. reviendra de transe avant elle. Très étonné par la concentration de son épouse, il répète de nombreuses fois : « Elle l’a fait ! ». Monsieur et Madame W. reviendront six semaines plus tard, lui se sent comme « vidé » de toutes ses ruminations. Sa femme va beaucoup mieux. La conversation paisible



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

tourne autour de lui et non d’elle : il dort mieux, il se sent bien physiquement et mentalement. Il arrive à parler de la maladie de sa femme à son voisinage et, de ce fait, il se sent plus soutenu et a pris contact avec la structure d’appui en gérontologie. Mme W., reçue sans son mari, paraît plus reposée, explique tous les efforts qu’elle fait pour que « ça soit moins visible », elle fait en sorte de donner le change. Sa problématique est qu’elle se laisse dominer, se sent faible, fatiguée, commence et ne finit pas, elle se définit comme « trop relâchée ». Elle se souvient être venue, reconnaît le visage de l’hypnopraticien sans mettre de nom. Il remarque, avec elle, que depuis la précédente consultation elle est plus souriante, mieux dans sa peau et un peu plus sûre d’elle. Elle liste comme ressources son tempérament, son franc-parler, sa façon de s’affirmer. Elle veut s’assurer qu’on ne lui prenne pas sa place à la maison : « je veux encore diriger un peu, faire quelque chose au quotidien et m’y tenir ! Être impliquée et donner des idées sur la décoration ». Son désir est d’aller suffisamment mieux pour aller voir sa fille au Chili : elle le dit avec beaucoup de lucidité et sans réel espoir. L’hypnopraticien propose une transe en employant la méthode de E.L. Rossi tout en ajoutant suggestions et métaphores : une régression en âge qui s’inspire des anneaux de croissance des arbres, puis apprentissage de l’écriture et stimulation du sentiment de réussite à l’école (Rossi E.L., 2001). Un bref entretien avec le couple s’ensuit. Ils envisagent la possibilité de faire des choses ensemble dans la maison et en dehors. Mme W. surprend alors son mari en répétant des choses dites en début d’entretien : vouloir diriger un peu à la maison, que son avis compte, elle reparle de son espoir de voyage au Chili, elle sourit et se sent mieux. L’année qui va suivre va bien se passer et l’hypnopraticien aura le plaisir de les croiser quelques fois en ville et sur une brocante. Ils partent à nouveau en vacances, le traitement par neuroleptique de Mme W. a été très allégé.

Points forts 



L’écoute : seuls mais... à deux. M. et Mme W. ont eu une consultation individuelle puis ensemble, ce qui les a reliés dans un projet commun : faire pour eux et pour l’autre. L’apaisement et le sommeil retrouvé de M. W. ont permis de changer de ton avec sa femme, qui elle-même a fait le chemin similaire. La meilleure acceptation du diagnostic « Alzheimer », non plus comme une fatalité, mais, désormais, comme une maladie sur laquelle il est possible d’avoir une emprise, a ouvert la voie à une atténuation des ruminations et du stress de M.W. Encore une fois, l’adaptation à la situation est la source de l’aide. L’expérience régressive faite par Mme W. en deuxième consultation : l’apprentissage de l’écriture stimulé par le sentiment de réussite a illuminé son visage et permis, au moins ponctuellement des capacités mnésiques à court terme. Le nouveau regard porté l’un sur l’autre dans le couple a permis un accordage et l’acceptation de plus d’aide pour sortir de l’isolement dont ils souffraient.

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Accompagner les aidants au quotidien

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La prise de conscience par M.W. des capacités de Mme W. et de sa possibilité à entrer en transe hypnotique l’a valorisée et a permis à M. W. de reconsidérer sa femme, ce fut le premier pas sur un nouveau chemin.

E XPLIQUER

LA MÉMOIRE

Il est parfois compliqué pour l’aidant d’une personne désorientée de ne pas se sentir persécuté par la personne malade. Du fait de l’histoire de vie qui lie bien souvent le couple aidant/aidé, les actes de la personne malade et ses oublis peuvent être vécus par l’aidant comme des actes volontaires de la part de l’aidé et ainsi déstabiliser l’aidant. Nombreux sont les aidants qui ressentent un certain sentiment de persécution lorsqu’ils répètent les informations et que la personne aidée ne les retient pas alors qu’elle est capable, dans un autre contexte, de se souvenir de certaines informations comme s’il y a avait une volonté de la part du malade de blesser l’aidant.

Ainsi, il est souvent nécessaire d’expliquer de manière pertinente ce qui se passe dans la mémoire de la personne désorientée. L’utilisation de métaphores permet de faire prendre conscience rapidement aux aidants dans quelles situations quotidiennes se trouvent leurs proches et permet de réduire la notion de « faire exprès ». Pour aider à ce processus de compréhension, l’hypnopraticien peut utiliser la métaphore de la maison pour représenter le fonctionnement de la mémoire et notamment le fait que les questions répétitives de la personne désorientée entraînent des réponses tout aussi répétitives et épuisantes pour l’aidant. N

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Parfois, certains conflits intrapsychiques se jouent et tentent de se régler dans ces moments, ou tout du moins l’aidant s’en persuade, rendant alors toute tentative d’objectivité totalement impossible. Naissent alors bien souvent des conflits entre l’aidant et l’aidé qui peuvent rapidement amener une importante souffrance morale chez les deux parties.

Métaphore de la maison pour la mémoire

La mémoire est comme une maison. Un lieu avec plusieurs pièces qui n’ont pas toutes la même fonction et que l’on n’investit pas de la même façon. Tout d’abord il y a les pièces à vivre (salon, cuisine, salle à manger, chambre...), des pièces beaucoup utilisées dans lesquelles ce qui se trouve est également régulièrement utilisé. Nous savons tous où sont rangés nos couverts pour dresser



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

la table par exemple. Nous faisons cette action sans réfléchir, presque automatiquement. Cette partie de notre maison pourrait correspondre au niveau de la mémoire à ce que l’on appelle la mémoire procédurale. Cette mémoire est implicite et elle porte sur les habiletés motrices, les savoir-faire, les gestes habituels. C’est grâce à elle que l’on peut se souvenir comment exécuter une séquence de gestes par exemple. Cette mémoire est très résistante. C’est ainsi que nous sommes toujours capables de faire du vélo même si notre dernière expérience remonte à plus de 10 ans. Ensuite viennent les pièces de notre maison un peu moins utilisées (grenier, cave...). Il s’agit souvent d’un lieu d’entreposage et de stockage sur le long terme. Nous ne vivons pas dans ces pièces, mais nous y avons parfois entreposé ce que l’on souhaite conserver le plus longtemps possible, nos souvenirs d’enfance, ceux de nos enfants, des choses avec souvent une charge émotionnelle importante. Nous avons pris la décision de stocker ces objets afin de pouvoir les retrouver en cas de nécessité. Ce qui s’y trouve est souvent mal rangé et, lorsque l’on cherche quelque chose, il est parfois nécessaire d’ouvrir plusieurs boîtes, de fouiller un certain temps pour le retrouver. Cette partie de la maison pourrait correspondre au niveau de la mémoire déclarative, aussi appelée parfois mémoire explicite et qui concerne le stockage et la récupération de données qu’un individu peut faire émerger consciemment puis exprimer par le langage. Là où rechercher notre poupée d’enfance va nous prendre 15 minutes car nous aurons ouvert plusieurs cartons, et puis au détour de l’un d’eux nous nous serons peut-être retrouvés face à notre doudou tout sale qui nous fera nous souvenir de tendres moments de notre jeunesse... la mémoire a le même cheminement quand nous cherchons à nous souvenir d’un moment particulier de notre vie. Nous cherchons, nous « fouillons » dans nos souvenirs et, parfois, d’autres surgissent alors qu’ils n’avaient pas forcément de lien avec le premier recherché. Les maladies de la mémoire sont comme un déménagement pour une maison beaucoup plus petite. Un déménagement subi, que vous n’avez pas eu le temps de préparer. Vous êtes dans une nouvelle maison avec une organisation différente et toutes vos affaires personnelles sont mélangées. Si votre mémoire se porte bien, vous allez pouvoir remettre de l’ordre, vous réorganiser, donner du sens. Dès lors que votre mémoire va moins bien fonctionner, les choses vont se compliquer : vous ne retrouverez plus certains objets, les recherches pour mettre la main sur certaines informations seront plus longues, voire infructueuses. Vous allez



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Accompagner les aidants au quotidien

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essayer de faire du tri, jeter certaines choses que vous pensez inutiles car vous avez beaucoup moins de place. Vous n’accepterez plus de nouveaux meubles, de nouveaux objets car vous n’avez plus de place pour les entreposer... Plus rien de nouveau ne rentrera dorénavant chez vous. C’est ce phénomène d’impossibilité de faire rentrer de nouvelles informations en mémoire qui est expliqué aux aidants, pour leur faire appréhender les sensations et les émotions que ressentent les personnes désorientées face aux questions précises de l’entourage : qu’as-tu mangé ? Où as-tu rangé les clefs ?... La personne ne peut pas le savoir car plus rien n’entre dans sa maison, dans sa mémoire. Ce travail n’a pas pour but d’expliciter avec justesse le fonctionnement cognitif d’une personne désorientée, mais simplement de permettre à l’aidant d’explorer le registre des émotions que traverse une personne malade face l’échec et à la difficulté de gérer un processus dégénératif qui lui échappe.

C ONCLUSION L’hypnose, en soutien aux aidants épuisés par une situation souvent hors du commun, est un appui puissant pour permettre de regarder cette situation sous un angle différent, de voir ce qui reste plutôt que ce qui part, et de se ressourcer un peu pour mieux repartir dans cette longue aventure qu’est le rôle de l’aidant d’un patient atteint par un trouble neurocognitif majeur.



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Conclusion générale

U TRAVERS DE nos expériences et des cas cliniques présentés, nous avons essayé

A

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de vous faire partager nos pratiques quotidiennes et les techniques plus spécifiques mises en œuvre en hypnose auprès des personnes âgées. Bien que nous ayons tous des modes d’exercices différents, nous nous appuyons sur des points communs, socles de notre pratique, et nous constatons tous les jours les bénéfices qu’apporte l’hypnose, tant auprès des patients que des familles et des soignants. L’hypnose thérapeutique en gériatrie vient s’ajouter à un ensemble de prises en soins existantes qui vont initier un mouvement, un changement physique et psychique, permettant que le chemin puisse se poursuivre avec un flot d’images, de sons et de sensations positives. Elle repose sur la connaissance des spécificités des personnes âgées et l’adaptation de l’hypnose thérapeutique à cette population. Elle permet de développer les possibilités d’adaptation du sujet âgé, bien qu’en reconnaissant certaines limites, mais surtout le potentiel créatif encore présent, soutenu par l’écoute de la singularité. Grâce à l’hypnose, les personnes âgées vont pouvoir revivre de belles expériences relationnelles, soulager les inconforts et vivre autrement.

Tous les jours nous pouvons faire confiance en la capacité des patients âgés, même ayant des troubles neurocognitifs majeurs, à s’aider eux-mêmes et à accéder à leurs ressources.



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Glossaire

G LOSSAIRE

GÉRIATRIQUE

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Court séjour gériatrique : unité hospitalière de diagnostics et de traitements pour des patients âgés (plus de 75 ans), gériatriques (polypathologiques, à risque de perte ou en perte d’autonomie physique ou psychique). Ces patients sont hospitalisés en raison de l’aggravation d’une de leurs pathologies ou de la survenue d’une affection aiguë. EHPAD : Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, anciennement appelé « maison de retraite ». Ces structures médicalisées sont dédiées à l’accueil des personnes âgées de plus de 60 ans en perte d’autonomie (physique ou psychique), ne pouvant rester à domicile. Les EHPAD accueillant des patients ayant des troubles neurocognitifs ont, le plus souvent, des Unités de vie protégées, voire des Unités d’hébergement renforcé en cas de problèmes comportementaux. C’est le cas des EHPAD évoqués dans cet ouvrage. EHPA : Établissement d’hébergement pour personnes âgées, anciennement appelé « foyer-logement ». Il accueille des personnes âgées peu ou pas dépendantes, il n’est pas médicalisé. MMSE (Mini Mental State Examination) : test cognitif de dépistage rapide des troubles neurocognitifs, permettant d’apprécier les fonctions cognitives sur la base de 30 questions. Les résultats sont à



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

adapter au niveau scolaire, mais globalement on parle de stade léger entre 21 et 26, de stade modéré entre 16 et 20, modérément sévère entre 10 et 15 et de stade sévère en dessous de 10. SSR : Soins de suites et réadaptation, anciennement appelés « Moyens séjours ». Ce sont des lieux de soins médicaux (curatifs ou palliatifs), d’ajustement des thérapeutiques, de traitements mais aussi de rééducation. Les objectifs sont de promouvoir la réadaptation et la réinsertion des patients, souvent après une hospitalisation, en vue d’un retour à domicile. USLD : Unité de soins de longue durée, anciennement appelés « Longs séjours ». Ces unités hospitalières accueillent des personnes ayant perdu leur autonomie et nécessitant des soins et une surveillance médicale constants dans le cadre de polypathologies.

G LOSSAIRE H YPNOSE Ancrage : stimulus suggéré le plus souvent en état hypnotique et qui va permettre au patient de retrouver, en autohypnose ou pour une séance ultérieure, les ressentis de l’état hypnotique. Par exemple : la main sur la cuisse ou le bras léger ou un galet dans la main. Alliance thérapeutique : « ensemble des aspects relationnels qui interviennent dans la collaboration entre un patient et son thérapeute. Elle est le produit d’un travail relationnel conjoint dont le but est d’atteindre un objectif défini par avance. » (Les cahiers de la SFETD n° 1. La prise en considération de la dimension psychologique des patients douloureux http://www.sfetd-douleur.org) Canaux sensoriels : le VAKOG (Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif et Gustatif) remplacé dans notre ouvrage par le PAVTOG, est une notion développée par J. Becchio et utilisée dans cet ouvrage avec son aimable consentement. C’est un acronyme créé à partir de l’initiale des sens :

➙ P = Proprioception ➙ A = Auditif ➙ V = Visuel ➙ T = Tactile ➙ O = Olfactif



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Glossaire

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➙ G = Gustatif Il représente l’ensemble des canaux sensoriels qui permettent à l’individu d’explorer et de ressentir. L’hypnopraticien va les utiliser tout le long de l’hypnose : en conversation, en induction, lors d’une promenade dans la safe place, en ancrage, etc. Catalepsie : rigidité musculaire avec suspension du mouvement volontaire (bras, paupières). Confusion : l’utilisation de phrases ou d’attitudes confusiogènes par l’hypnopraticien permet de dissocier le conscient du patient (perdu dans la recherche de la compréhension de l’élément confusionnant) et de le faire entrer en état hypnotique ou d’approfondir cet état. Exemple : « Vous pouvez commencer à finir cette tâche ou la finir sans la commencer... ». Dissociation : rupture avec la veille ordinaire et les perceptions sensorielles vers l’état hypnotique entraînant une perte de contact avec l’environnement extérieur. C’est une sensation subjective, maintenant objectivée par les neurosciences. L’utilisation d’un langage dissociatif (les yeux voient, cette main se lève...) permet d’approfondir l’état hypnotique.

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Focalisation : fixation sur un élément (environnemental ou interne) qui permet de ramener l’attention sur ce seul élément et de favoriser la dissociation (mode d’induction fréquent). Induction : actions mises en place par le praticien pour permettre au patient de passer de l’état de veille à l’état hypnotique. Les actions sont des suggestions du praticien au patient. Par exemple : passer de la focalisation sur le monde extérieur à une focalisation sur le monde intérieur. Métaphore : suggestion indirecte à visée thérapeutique construite sur l’analogie. Elle est une alternative à la réalité, s’adressant à l’inconscient et permettant au patient de réinterpréter sa situation en donnant à la métaphore le sens qui lui convient. Elle n’a d’intérêt que si elle est en accord avec l’histoire du patient. Objectif thérapeutique : « ce qui définit et décrit un résultat escompté, attendu. » (Les cahiers de la SFETD n° 1. La prise en considération de la dimension psychologique des patients douloureux http://www.sfetddouleur.org)



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H YPNOSE

EN PRATIQUES GÉRIATRIQUES

Ratification : prendre acte des mouvements et des paroles volontaires et involontaires du patient, qui sont les expressions de son inconscient, en lui faisant prendre conscience de l’apparition d’un phénomène par une phrase exprimée oralement. Par exemple : le sujet change de position « et vous changez de position pour être encore plus confortable, c’est très bien ». La ratification nécessite une observation de tous les instants. Recadrage : redéfinition d’une phrase, d’un comportement ou d’un ressenti, en mettant d’autres mots sur ceux du patient, mais en restant dans son répertoire, pour lui suggérer une nouvelle interprétation avec un autre éclairage de la situation, afin de lui permettre d’accéder à une nouvelle réponse. Réification : chosification d’un sentiment ou d’un ressenti en un objet concret, comme la douleur ou le bien-être. Safe place ou Lieu Secure : lieu réel ou imaginaire du patient dans lequel celui-ci se sent en pleine sécurité. Souvent également un lieu de calme et de ressources, mais la dimension protectrice prime sur les autres. Saupoudrage : utilisation répétitive de mots synonymes auxquels l’hypnopraticien souhaite donner de l’importance. Par exemple : calme, sérénité, tranquillité, détente, vont permettre d’accentuer indirectement un état interne de bien-être chez le patient Signaling : geste ou parole demandé par l’hypnopraticien au patient lui permettant de garder une communication et de signaler, par exemple, s’il a fini une action : « Quand votre sac, que vous videz, aura un poids qui vous convient, vous pourrez me le faire savoir en faisant un signe de la main. » Suggestion : « Elles sont conçues pour contourner le système de croyance limité à tort du patient ; les suggestions doivent éviter les limites trop étroites de la conscience ordinaire de tous les jours. » M.H. Erickson (Traité pratique de l’hypnose, Ed. Grancher, 2006). Suggestion directe : suggestion franche et sans détour (« vous vous installez confortablement »). Suggestion indirecte : base de l’hypnose ericksonienne, les suggestions indirectes n’ont pas d’objectifs formulés et s’adressent à l’inconscient du patient pour l’aider à accéder à ses ressources en contournant les résistances. Par exemple : les métaphores,



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Glossaire

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les suggestions ouvertes (« à travers vos paupières ouvertes ou fermées ») ou encore les suggestions composées (« et tandis que je vous parle votre corps devient plus lourd »). Suggestions post-hypnotiques : idée introduite le plus souvent pendant l’état hypnotique et dont l’objectif est de susciter un nouveau comportement en état de veille. C’est une aide à l’apprentissage de l’autohypnose : « Quand vous en aurez besoin, il vous sera très facile de retrouver cet état... » Synchronisation : mise « en phase » entre le patient et le praticien, nécessaire à une relation de confiance avec une alliance thérapeutique. Elle se fait en trois stades : le mirroring, le pacing et le leading décrits au chapitre 2. Truismes : évocation de lieux communs et tautologies partagés par tous et ne pouvant donc pas être niés par le patient. Par exemple : « vous êtes allongé dans ce lit ». Yes-set ou séquence d’acceptation : afin de préparer le patient à accepter les futures suggestions, le praticien énonce des truismes auxquels le patient ne peut que répondre par « oui ». Par exemple : « Vous êtes Mme R. ? », « Vous êtes hospitalisée car vous êtes tombée ? », « C’est une chute que vous avez faite ? ».



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Remerciements

Remerciements de Marie Floccia Merci à Fabrice Lakdja qui, par son désir de transmettre ses très nombreuses compétences et sa passion de l’hypnose, m’a accompagnée dans une découverte de l’hypnose riche et humaine qui a transformée ma pratique et ma façon d’être : sans lui rien n’aurait été possible.

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Un très grand merci à Thierry Servillat qui nous a portés et supportés pendant ces deux années et qui a eu confiance en nous. Un immense merci à tout le pôle de gérontologie clinique du CHU de Bordeaux et ses 98 soignants hypnopraticiens pour qui l’hypnose est devenue une pratique quotidienne auprès des personnes âgées. Merci à celles et ceux grâce à qui cela a été possible et cela continue. Merci pour votre bienveillance et votre humanité. Et merci à tous les patients qui chaque jour enrichissent notre pratique et ont été indulgents avec nos débuts. Des mercis plus ciblés à celles qui m’ont apporté tant d’idées et aidé à grandir en hypnose : Marie-Laure Moueza, Arabelle Dufour, Marianne Colbert et Florence Abel. Merci à ceux qui nous ont relus patiemment : Sophie Duc, Myriam Cadenne, MarieNeige Videau, Véronique Cressot, François Sztark, Romain Fossaert et Geneviève Pinganaud. Merci aussi à Laetitia Pereira, Marie Dubourg et Paul Gassie. Merci à ceux qui m’ont supportée jour après jour dans mes doutes et mes fatigues : Catherine, Pauline, Mathieu, Caroline, Isabelle, Carole, Irène et David.



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R EMERCIEMENTS

Et surtout merci à Laurent, Judith et Matthieu pour avoir tenu ces si longs mois et m’avoir soutenue si fort. Remerciements de Fabienne Bidalon Je remercie les patients qui se sont engagés dans une démarche de changement au travers de l’hypnose de façon volontaire ou de façon incidente dans le cadre de troubles du comportement ou d’états émotionnels négatifs. Merci aussi à Chantalle Servais qui m’a apportée les bases de l’hypnose conversationnelle et au docteur Victor Simon pour le travail thérapeutique réalisé ensemble. Remerciements de Laurent Bujon Je remercie mes formateurs, le Dr Fischer Hervé et Mme Touyarot Armelle sagefemme et psychothérapeute, pour ce « cadeau » qu’est l’hypnose dans les soins et pour leurs encouragements dès l’écriture de mon mémoire sur le thème « marginal » de l’hypnose et la maladie de Parkinson. Merci au Dr Soulié Anne-Marie pour ses conseils tellement avisés qui m’ont permis de devenir formateur en hypnose. Mais aussi Mme Génieux Marie-Madeleine, cadre de santé infirmière et directrice de mon institut de formation en soins infirmiers qui nous a enseigné ce « savoir être » dans le soin si précieux. Je remercie particulièrement le Dr Becchio Jean pour la documentation, sa disponibilité et son enseignement. Merci à ma famille de m’avoir laissé le plaisir et le temps pour parfaire ce partage d’expériences ainsi qu’à mes parents de m’avoir transmis la ténacité. Remerciements de Sophie Lagouarde Je remercie mes collègues pour leur soutien et leurs encouragements. Un grand merci aux premiers patients à qui j’ai proposé des séances d’hypnothérapie pour leur indulgence et leur bienveillance. Remerciements de Françoise Le Ru Merci à l’équipe paramédicale de la médecine gériatrique 1 du pôle de gérontologie du CHU de Bordeaux qui s’est fédérée autour de cette pratique, au service des patients atteints de troubles cognitifs, en potentialisant ses compétences professionnelles. Merci pour ces apports qui réinterrogent la posture professionnelle, la dimension relationnelle et la prise en soins.



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Remerciements

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Remerciements de Véronique Martin Je remercie tous les formateurs en Hypnose du CFPPS et du DIU d’Hypnose médicale et thérapeutique de Bordeaux. Un grand merci à tous mes collègues des services de médecine gériatrique et Hôpital de jour du CHU de Bordeaux pour leur confiance et leur soutien. Un merci particulier aux personnes âgées qui se sont saisies des séances d’hypnose. Je remercie Cyrille et Claire pour leur compréhension, soutien et accompagnement. Remerciements de Jessica Meliani Je tiens à remercier tous les résidants qui ont accepté de partager leur histoire et qui m’ont autorisée à utiliser certains de leurs moments de vie. Je tiens à remercier chacun des formateurs et intervenants de l’institut Uthyl pour le partage sans retenue de leur pratique, connaissances et expériences, et en particulier Philippe Aim qui a profondément transformé ma pratique professionnelle ainsi que Thierry Servillat pour m’avoir permis, en plus de ses riches enseignements, de participer à ce projet.

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J’ai une pensée toute particulière pour Brigitte Fontaine et Alain Paveau pour m’avoir donnée la possibilité de me former, d’apprendre, et d’exercer mon métier dans un cadre respectueux et bienveillant, au sein d’une équipe tellement humaine. Enfin, je remercie du fond du cœur, mon mari, Yessine, pour sa vision de la vie, son positivisme, ses précieux conseils, merci d’aider Nils à garder le cap. Et un énorme merci à mes deux filles, souvent premières petites patientes... Salomé et Cléophée, pour tout leur amour et tout ce qu’elles m’apportent jour après jour. Remerciements de Philippe Sol Je remercie Sarah El Kahaz, ethnopsychanalyste à Toulouse, le Dr Léonard Ametepe, psychiatre à Toulouse et le Pr Laurent Schmitt, psychiatre au CHU de Toulouse.



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Bibliographie

Chapitre 1

 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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