Husraw Ier: Reconstructions d'un règne: Sources et documents 2910640396, 9782910640392

The reign of Husraw I Anosirwan / Chosroes (531-579), the most remarkable one during the Sasanian dynasty, was pivotal i

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Husraw Ier: Reconstructions d'un règne: Sources et documents
 2910640396, 9782910640392

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STUDIA IRANICA. CAHIER 53

HUSRAWJER RECONSTRUCTIONS D'UN RÈGNE SOURCES ET DOCUMENTS

TEXTES RÉUNIS PAR CHRISTELLE JULLIEN

Avec le soutien de !'Agence Nationale de la Recherche

ASSOCIATION POUR L'A V AN CEMENT DES ÉTUDES IRANIENNES

PARIS 2015

Illustration de la couverture : Husraw et son ministre Wuzurg-Mihr. Iran, Tabriz, période safavide, vers 1330. The Cleveland Museum of Art.

LES CAHIERS DE STUDIA IRAN/CA

sont publiés par L'ASSOCIATION POUR L'A VAN CEMENT DES ÉTUDES IRANIENNES

Direction des Cahiers de Studia Iranica Ph. Gignoux et R. Gyselen

DIFFUSION

Peeters PRESS, Bondgenotenlaan 153, P.B. 41, B-3000 Leuven (Belgique)

ISSN 0993 - 8699 ISBN 978-2-910640-39-2 © 2015 ASSOCIATION POUR L'A VAN CEMENT DES ÉTUDES IRANIENNES, PARIS

AVANT-PROPOS

Le règne de Husraw 1er Anosîrwan / Chosroès (531-579), le plus brillant de la dynastie sassanide, fut une période-charnière dans l'histoire de l'Iran - l'une des plus fécondes aussi en documents. L'avènement de ce souverain marqua un tournant dans la politique intérieure et étrangère de l'empire sassanide et l'on peut éminemment qualifier le vie siècle de « siècle de réformes» tant les projets étatiques de restructuration furent d'ampleur : refonte du système administratif, connue grâce aux données épigraphiques, numismatiques et sigillographiques ; nouveau système de contrôle fiscal ; réorganisation de l'armée ; redistribution des territoires et réagencement du cadastre ... Cette restructuration affecta aussi bien le domaine économique que social, touchant toutes les strates de la société. Ces années furent aussi propices au développement culturel du pays et des relations internationales se nouèrent, qui devaient avoir des incidences importantes pour la transmission des savoirs : le règne de Husraw fut sans doute le plus propice à l'éclosion d'un renouveau littéraire en Iran, et l'on a pu y situer la mise par écrit des grands textes sacrés de l'Avesta, jusqu'alors transmis par oral, à un moment où l'élite religieuse mazdéenne cherche à regagner son crédit auprès des représentants du pouvoir. Des influences culturelles indiennes sur l'Iran font éclore une riche littérature, par la suite transmise aux Arabes, tel le recueil de contes Kalïla et Dimna, traduit du sanskrit en moyen-perse. La venue de philosophes grecs à la cour des Perses après la fermeture de l'école d'Athènes en 531 par Justinien devait aussi contribuer à esquisser l'image de Husraw en roi sage et éclairé. Ce gouvernement fut également fécond en expansions territoriales marquant à la fois la puissance du roi des rois hors des limites de l'empire et un renforcement de son autorité à l'intérieur même des frontières : renégociation des traités de paix avec Byzance en faveur de l'Iran, fin des exactions des Huns Hephtalites dans les terres septentrionales, conquête de l'Arabie du sud, élaboration de nouvelles relations de vassalité avec les régions voisines, essor des échanges jusqu'aux limites de l'Asie centrale. Aucune manifestation scientifique d'ampleur n'avait jusqu'ici été consacrée à ce sujet. La finalité du colloque dont nous publions ici les actes visait donc à réunir des spécialistes internationaux travaillant sur une documentation le plus souvent encore inaccessible. C'était ainsi favoriser les interactions entre les chercheurs dans ces différents champs, et les regards croisés, dans une perspective de complémentarité.

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CAHIER DE STUDIA !RAN/CA

53, 2015, p. 5-8.

C. JULLIEN

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Cet ouvrage est aussi le fruit d'un programme de recherche européen financé par l' Agence Nationale de la Recherche intitulé « Ctesiphon » acronyme de « Corpus de textes et de sources sur l'Iran : pour une histoire de l'Orient au vie siècle»•. Son objectif est de contribuer à l'histoire du règne de Husraw 1er en croisant des données inédites ou peu connues qui jusque-là n'avaient jamais fait l'objet d'édition, d'exploitation ou d'analyse. Les sources qui permettent de reconstruire cette histoire proviennent de domaines divers marqués par des langues différentes (grec, syriaque, moyen-perse, persan, arabe) et relevant de champs disciplinaires variés: archéologie (numismatique, sigillographie, épigraphie), géographie, histoire des religions, littérature. La conjugaison de ces sources, tout en enrichissant nos connaissances en matière de géographie, d'histoire sociale, administrative et politique sur cette période-clef, offre les regards croisés nécessaires pour aborder ce règne dans toutes ses dimensions ; ce corpus largement inédit et cohérent sera exploité sous la forme d'une base de données soutenue par l'infrastructure "HumaNum" ; cet ensemble souhaite ainsi proposer un nouvel outil de recherche. Les quatre thématiques ossaturant le colloque ont été conservées dans cet ouvrage afin d'illustrer la richesse des perspectives ainsi ouvertes. L'article de Rémy Boucharlat (CNRS, MOM, Lyon) ouvre ces actes par une recension systématisée désormais référente des sites archéologiques de la fin de l'époque sassanide. Parmi les sources officielles du règne de Husraw 1er, émanation par excellence du pouvoir étatique, les monnaies inscrites en moyen-perse, langue officielle de l'État, mais aussi les sceaux et leurs empreintes sur bulles, inscrits en pehlevi et parfois aussi en syriaque, constituent des matériaux privilégiés car contemporains de cette époque pour mieux comprendre l'organisation administrative de l'empire. Nikolaus Schindel (ÔA W, Wien, Autriche) présente un corpus inédit de quelque 2 000 monnaies, en analysant les signatures des ateliers monétaires. L'exemple de la province du Sakastan permet de donner un nouvel éclairage sur les pratiques administratives sassanides au vie siècle grâce à la conjugaison des données numismatiques et sigillaires, présentées par Rika Gyselen (CNRS, "Mondes iranien et indien", Paris), et des sources littéraires syriaques étudiées par moi-même. Dans une optique d'histoire critique, Andrea Gariboldi (Università di Bologna, Italie) ajoute à ce tableau sur les sources officielles du règne une analyse des réformes économiques et sociales audelà des images léguées par la propagande sassanide et des partis-pris de la littérature postérieure. Projet ANR 12-CORP-0012-01.

AVANT-PROPOS

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Les littératures émanant de communautés minoritaires au sein de l'empire viennent parfois suppléer les lacunes des sources primaires. De même, la littérature épique en persan véhicule des traditions anciennes provenant des chroniques sassanides. Ces textes se font souvent l'écho d'un débat sur l'autorité, marqué par une remise en question de l'autorité civile ou religieuse. "L'autorité en débat" fut au cceur de la révolte mazdakite que Husraw 1er soumit au début de son règne. Maria Macuch (Universitat Berlin, Allemagne) présente une analyse originale des implications légales de l'enseignement mazdakite selon le Dënkard (III et VII) au regard du zoroastrisme orthodoxe de l'auteur qui a conservé, dans une terminologie juridique très précise, des éléments d'époque sassanide. François de Blois (SOAS, London, Grande-Bretagne) propose de nouvelles interprétations sur le mazdakisme qu'il suggère d'insérer dans une tradition étrangère au zoroastrisme, encratite, dualiste et anti-cosmique qui caractérisait déjà l'ascétisme chrétien et le dualisme manichéen ou marcionite. Les documents écrits en syriaque se font bien le reflet d'une ambiguïté des positionnements des autorités chrétiennes, partagées entre respect dû au roi et contestation de la religion officielle : des textes datant de ce règne traduits pour la première fois par Florence Jullien (chercheur associé CNRS, LEM, Paris) transmettent les thématiques des échanges entre chrétiens et mazdéens qui permettent aussi d'apprécier le degré d'intégration de la communauté chrétienne, d'une certaine manière vectrice de la culture moyen-perse. La troisième session a permis d'ouvrir le thème aux espaces-frontières, plus spécialement avec Byzance et l'Arménie. En dépit des confrontations militaires, les relations diplomatiques entre les deux empires ont favorisé le développement de relations culturelles, ce dont témoignent les historiens et chronographes byzantins qui offrent quant à eux un regard extérieur sur l'empire sassanide. Philip Huyse (EPHE IV, Paris) en présente une rétrospective, soulignant l'importance de ce corpus qui comporte parfois des données authentiques et uniques. Zone de conflit et d'influence des Sassanides, l'Arménie a forgé son identité propre précisément au vie siècle. Giusto Traina (Université Paris IV) éclaire, en les décodant, les modèles iraniens présidant aux élaborations littéraires de la tradition arménienne, et souligne le rôle efficient des Sassanides dans les affaires internes de l'Église d'Arménie. Quelle image les sources littéraires et la tradition ont-elles transmise de Husraw 1er? Étonnamment, la littérature moyen-perse n'est pas la plus prolixe. Samra Azarnouche (EPHE V, Paris) identifie les raisons de ces lacunes à travers l'histoire même de cette documentation marquée par des schémas idéalisés de l'orthodoxie zoroastrienne. En contrepoint, Michael R. Jackson

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C. JULLIEN

Bonner (Oxford University, Grande-Bretagne) étudie le portrait de Husraw 1er élaboré par les auteurs arabes et persans, décryptant les canevas narratifs derrière les regards portés a posteriori sur le personnage. L'image (positive) du souverain chez ses détracteurs, ou chez les étrangers, est aussi attachée à sa capacité d'intégrer la culture de l'autre. Les réflexions de Didier Marcotte (Université de Reims) et de Michel Tardieu (Collège de France, Paris) apportent un éclairage important sur cette question à partir du recueil des Solutiones ad Chosroem que l'un des derniers philosophes de !'École d'Athènes, Priscien de Lydie, dédia à Husraw après son séjour à la cour de Ctésiphon. Par-delà les frontières culturelles ou politiques, l'intérêt de ces Grecs pour les réalités locales de l'empire sassanide devaient avoir de profondes conséquences pour la littérature scientifique grecque. Michel Tardieu (Collège de France, Paris) compare la méthode de la science de Husraw et le débat de déconstruction accompli par l'empereur Frédéric II autour de ce qu'il appelle joliment« les curiosités scientifiques » du roi. Les réflexions ainsi réunies et les nouvelles approches proposées, fondées sur des matériaux originaux et parfois inédits, contribuent à reconstruire !'histoire administrative, sociale, religieuse, politique et la géographie historique de l'empire sassanide à une époque de civilisation en plein apogée. Le portrait du roi des rois qui en résulte est celui-là même d'un gouvernement et d'un homme aux multiples facettes, personnage contrasté garant de l'orthodoxie mazdéenne mais honorant les sages grecs en Barbare philosophe, roi ouvert aux courants artistiques et littéraires étangers. L'ensemble de ces articles permet d'en reconstituer mais aussi d'en renouveler l'image, élaborée au gré des transmissions, des influences et des échanges réciproques. Je tiens à exprimer mes remerciements sincères à M. Frantz Grenet, professeur au Collège de France, qui avait assuré la présidence du colloque en octobre 2014. Je remercie également les partenaires institutionnels qui ont contribué à sa réalisation: !'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et la direction du développement économique, de l'emploi et de l'enseignement supérieur de la Mairie de Paris - qui ont par ailleurs soutenu le financement de ce livre - ainsi que l'UMR 7528 du CNRS "Mondes iranien et indien" et l'Institut National des Langues Orientales. Ma reconnaissance va également aux directeurs des Cahiers de Studia Iranica, M. Philippe Gignoux et Mme Rika Gyselen, pour l'accueil de ce volume dans la collection. Christelle JULLIEN CNRS UMR 7528 "Mondes iranien et indien" 27, rue Paul Bert 94204 Ivry-sur-Seine (France)

TABLE DES MATIÈRES

Avant-Propos par Christelle JULLIEN ............................................................. 5 Table des matières ............................................................................................. 9 LES SOURCES OFFICIELLES DU RÈGNE DE HUSRA W /ER

Rémy BOUCHARLA T Monuments et sites archéologiques du « long vie siècle » en Iran ......... 11 Andrea GARIBOLDI The Great "Restoration" of Husraw I ...................................................... 47 Rika GYSELEN & Christelle JULLIEN Le Sakastan sous Husraw 1er. Approches croisées ................................... 85 Nikolaus SCHINDEL The Mint System under Husraw I: Sorne Preliminary Remarks ........... 115 L'AUTORITÉ EN DÉBAT

François DE BLOIS Mazdak the Ancient and Mazdak the Last. Further Remarks on the History and Religious Typology of Mazdakism .................................... 141 Maria MACUCH Legal Implications of Mazdakite Teaching According to the

Dënkard ................................................................................................. 155 Florence JULLIEN Contacts et échanges mazdéo-chrétiens sous Husraw 1er. L'apport de textes syriaques contemporains ......................................................... 175 ÉCHANGESETINFLUENCESAUXFRONTIÈRES

Philip HUYSE Le règne de Husraw 1er aux yeux des historiographes protobyzantins ........................................................................................ 195 Giusto TRAINA Husraw 1er et la question arménienne .................................................... 21 7 9

CAHIER DE STUD/A IRAN/CA

53, 2015, p. 9-10.

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TABLE DES MATIÈRES

L'IMAGE DU ROI

Samra AZARNOUCHE La geste zoroastrienne de Husraw 1er selon la littérature moyenperse ...................................................................................................... Michael Richard JACKSON BONNER Sasanian Propaganda in the Reign of Husraw Anüsîrviin ..................... Didier MARCOTTE Chosroès 1er et Priscien : Entretiens de physique et de météorologie ... Michel TARDIEU Les curiosités scientifiques des rois : Chosroès 1er et Frédéric II

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INDICES

Index des noms propres ...................................................................... 331 Index des toponymes .......................................................................... 337 Index des fonctions administratives .......... ........ ..... ............................ 341

Rémy BOUCHARLAT CNRS - UNIVERSITÉ DEL YON

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES DU « LONG VIE SIÈCLE » EN IRAN

RÉSUMÉ En raison de l'imprécision des datations des données archéologiques, la période considérée ici dépasse largement le règne de Husraw 1er_ La création ou la refondation de villes apparaît peu au travers des données matérielles sur le terrain. Les bâtiments édifiés ou reconstruits dans le long vie siècle ne sont pas des œuvres royales, à l'exception du Taq-e Kesra, et sans doute de Qasr-ï Sïrën. Plusieurs constructions posent le problème de leur fonction, lorsque la partie principale est une salle longue à deux rangées de piliers, la plus décorée de l'ensemble. L'hypothèse de salle de cérémonies et non pas de salle d'apparat dans une résidence princière est actuellement matière à discussion. La défense des frontières est, en revanche, une activité remarquable des souverains du vie siècle, mais déjà aussi au ve siècle. Des travaux archéologiques récents mettent en évidence la forte augmentation du peuplement des zones rurales à l'époque sassanide, par la construction de temples, en particulier dans l'ouest de l'Iran et dans le Fars, ainsi que, dans cette dernière région, de fortins et de l'implantation importante de nouveaux villages. Toutefois, cette augmentation de l'occupation des terres reste à dater à l'intérieur de la période sassanide.

Mots clés : Iran ; empire sassanide ; Husraw 1er ; villes ; palais ; temples ; défense des frontières ; occupation du sol. SUMMARY

Monuments and Archaeological Sites from the "Long 6th Century'' in Iran Owing to imprecise dating for archaeological data from the Sasanian empire, the period under consideration here extends well beyond Husraw l's reign. Material evidence from excavation sites sheds little light on the founding or re-founding of 11

CAHIER DE STUDIA IRAN/CA 53, 2015, p. 11-46.

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cities. Buildings known to have been constructed or reconstructed during the "long 6th century" were not royal works, with the exception of Taq-e Kesra and probably Qasr-e Sîrën. The function of several buildings is difficult to ascertain, particularly th ose whose main area is a long, more decorated room with two rows of pillars. The hypothesis of a ceremonial room, rather than a stateroom in a princely residence, is currently under debate. In contrast, the defence of borders by sovereigns has been well established for the 6th century, but also for the 5th. Recent archaeological digs have shown that settlement in rural areas grew considerably during the Sasanian era. In particular, temples were built in western Iran and Fars, as were forts and a significant number of new villages in the latter region. This increased settlement must still, however, be more precisely dated within the Sasanian period. Keywords: Iran; Sasanian empire; Husraw I; cities; palaces; temples; frontiers' defence; settlement pattern.

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Les sources archéologiques se laissent rarement dater aussi précisément que la durée d'un règne. Si la fondation d'une ville, ou la construction d'un palais ou d'un lieu de culte ou plus simplement d'un pont peut être datée d'un souverain sassanide qui aurait signé son entreprise, l'un ou l'autre de ses successeurs a pu apporter des changements notables, signés ou non, et surtout, l'œuvre a très généralement été utilisée longtemps après le temps du fondateur. C'est pourquoi le titre de cette contribution élargit la durée prise en compte en un très long siècle qui commencerait avec Kawiid (488-531) et se terminerait avec la mort de Husraw II (591-628). À l'intérieur de cette période, il est cependant possible d'attribuer à Husraw 1er, parfois de manière hypothétique il est vrai, certaines réalisations ou d'importantes reconstructions. L'art monumental des périodes historiques bénéficie d'indices qui relèvent de l'histoire de l'architecture et de l'histoire de l'art, parfois de l'épigraphie monumentale. Les niveaux archéologiques, qui ont toujours une épaisseur temporelle, sont datés par des analyses archéométriques, ou bien par comparaison des assemblages de matériel à d'autres dont la date serait connue. La numismatique offre des indices chronologiques précieux, mais les monnaies que livrent les fouilles ne sont que des termini post quem, car elles peuvent rester longtemps en circulation, quand elles ne sont pas thésaurisées pour être enfouies plusieurs décennies, ou même plus, après leur émission. De même, les sceaux qui ont parfois été trouvés dans les sites archéologiques identifiés - une très petite minorité des collections publiques et privées malheureusement - ont également une durée de vie indéterminée ;

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

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de plus, ils ne sont pas eux-mêmes datés et une partie d'entre eux seulement peut maintenant être attribuée à telle ou telle période de l'époque sassanide, grâce aux efforts des spécialistes, une datation qui reste relativement peu précise. Par conséquent, les bulles qui portent les empreintes de ces sceaux ne seront pas mieux datées, sauf dans le cas d'archives qui permettent des comparaisons et recoupements internes. Jusqu'à preuve du contraire, les sceaux et bulles administratives ne sont pas antérieurs au tout début du vie siècle 1• Il reste les textes, mais ceux dont dispose l'historien sont, pour la plupart, des sources secondaires, extérieures au lieu considéré, et souvent extérieurs à l'Iran, ou encore postérieures à l'époque sassanide. Ils constituent donc un faisceau d'indices utiles pour la datation d'ouvrages royaux ou princiers, ou peuvent illustrer des entreprises royales, comme par exemple l'impact des réformes administratives et fiscales de Husraw 1er sur la mise en valeur de territoires. Toutefois, l'archéologue ne devra pas prendre ces sources textuelles au premier degré, n'ignorant pas que les chroniqueurs n'ont pas la précision chronologique comme premier souci, sans compter la tendance à rapporter à tel ou tel souverain fameux des réalisations d'un prédécesseur ou d'un successeur. Avec ces réserves sur l'imprécision de la datation, je propose quelques cas de monuments et de sites archéologiques qui dateraient du temps de Husraw 1er, souvent plus largement du « long vie siècle ». Pris dans différentes régions d'Iran, ces exemples témoignent de l'activité de constructeurs et d'acteurs de l'économie des souverains de cette époque ( fig. 1) 2 : 1) la fondation ou refondation de villes ; 2) la création de palais et de bâtiments religieux ou rituels ; 3) la défense des frontières ; 4) la mise en valeur de régions, par l'impulsion royale dans l'activité économique, dans le domaine agricole en particulier.

Les premiers sceaux administratifs dateraient du troisième règne de Kawad (499-531 ), comme le rappelle R. Gyselen (1989, p. 3), s'appuyant sur le Madayiin-ï haziir diidestiin (MHD 9.3-5), que cite Macuch 1997, p. 83. Cette date tardive dans l'époque sassanide est confirmée par les archives de bulles les plus connues, celle de Takht-ï Solaymiî.n (Gobi 1976) et, moins précisément datée, celle de Qasr-ï Abu Nasr (Frye 1973). L'illustration de cette contribution est réduite à quelques figures. Pour les autres, le lecteur les trouvera aisément dans l'ouvrage récent de P. Callieri 2014, auquel je renverrai autant que de besoin.

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Dans cette énumération, on observe immédiatement l'absence de sculptures de bas-reliefs rupestres, pourtant une marque des Sassanides. Le vie siècle ne connaît pas cet art qui caractérise les me et ive siècles, puis épisodiquement le ve et enfin le vue siècle, sous Husraw II. Hasard ou effet de mode, ce phénomène n'a pas reçu d'explications jusqu'à présent. Dans les autres domaines, le fil conducteur sera de montrer que l'action de Husraw 1er s'inscrit largement dans la continuité des réalisations antérieures, du moins celles de son père Kawad 1er (488-531 ), et qu'elle s'est poursuivie après son règne. Il n'est donc pas faux de parler de «renaissance» au vie siècle, mais c'est une évolution qui commence avant Husraw 1er_

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Fig. 1. Carte indiquant les sites archéologiques mentionnés dans le texte. FONDATIONS

La fondation de villes par décision royale n'est pas propre à la dynastie sassanide. C'est un acte politique et économique déjà multimillénaire au me siècle de l'ère chrétienne. L'historien est particulièrement sensible à cet

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

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acte, car la fondation de villes par les rois sassanides est fréquemment mentionnée par plusieurs auteurs médiévaux. Beaucoup d'entre elles sont déjà répertoriées dans le traité en moyen-perse Sahrestanïha ï Ëransahr dont on suppose la rédaction à l'époque de Husraw II, mais dont la version complète remonterait au vme ou 1xe siècle 3. Ces données textuelles ne distinguent pas toujours l'acte de fondation ex nihilo, si le fait est avéré, de la refondation, acte politique par lequel le souverain marque sa volonté politique de donner son nom à une ville en y établissant des activités économiques nouvelles, parfois en y installant de nouvelles populations. Refondation de villes

Ctésiphon est un cas emblématique, mais complexe, de fondation et de refondation de ville. Je le mentionne ici, bien la ville soit située hors de l'Iran actuel, car elle est la capitale de l'empire. De plus, elle offre un processus d'urbanisme que nous ne connaissons pas ailleurs, malgré des fouilles importantes qui sont cependant restées restreintes, sauf à Séleucie, au regard de la superficie du site. C'est là une des limites de l'archéologie. Séleucie-du-Tigre, fondation de Séleucos 1er sur la rive droite du fleuve, est créée à la fin du ive siècle avant J.-C. pour remplacer l'antique Babylone; elle reste occupée pendant toute la période parthe. Dans le courant de celleci, les souverains créent une ville nouvelle sur la rive opposée, à l'emplacement indiqué «Ctésiphon» sur la carte établie par J.-M. Fiey, et régulièrement reprise depuis (fig. 2). Puis, Ctésiphon sassanide (WehArdasïr), la ville ronde, serait une création d 'Ardasïr 1er, hypothèse fondée sur le nom même. Kokhe, connue par les sources syriaques, est un quartier de cette ville. À la même époque, l'ancienne Séleucie, sur la rive droite, est abandonnée. La ville nouvelle, protégée par une enceinte circulaire de 3 km de diamètre, est plus vaste que Fïn1zabad. Elle a été peu fouillée par une mission allemande en 1928-32 et seulement sondée dans les années 1970 par une mission italienne.

Très tôt les historiens se sont fondés sur ce texte et l'ont utilisé longtemps comme source principale (Christensen 1944). Pour l'édition récente du texte, voir Daryaee 2002. Depuis quelques décennies, les études numismatiques et sigillographiques viennent infirmer ou corriger ces données, mais surtout les enrichir considérablement. Pour une confrontation de ce texte aux sources primaires issues des sceaux administratifs, voir Gyselen 1988 et 2015.

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Fig. 2. Plan de la conurbation de Ctésiphon. De Séleucie depuis la fin du ive siècle avant J.-C. au Tiiq-e Kesrii au VI• siècle de notre ère 4 .

Au milieu du ye siècle, le changement du cours du Tigre vient couper Weh-Ardasïr en deux; cette dernière reste pourtant partiellement occupée pendant le reste de l'époque sassanide. La vie de la ville, entre cet événement et la décision de refondation de Husraw 1er au vie siècle, est très mal connue par l'archéologie, de même que le sort de la Ctésiphon au nord de Kokhe ; celle-ci a été si peu étudiée que la forme qu'elle affecte varie selon les plans, une figure tantôt irrégulière tantôt géométrique et, dans ce cas, un quadrilatère ou un cercle ! La stratégie Husraw 1er consiste à créer une nouvelle ville, peut-être faudrait-il dire seulement un nouveau quartier, à objectifs économiques, en y implantant des prisonniers du monde romain, en particulier ceux d'Antioche, ville qu'il a conquise au Levant, d'où son nom, Weh-Andiyôk-Husraw / Rümagan. Construite sur le plan d'urbanisme d'Antioche, dit-on, elle serait

Gullini 1966, Pl. 1, adapté de Fiey 1967, fig. p. 37.

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située au sud-est de la ville circulaire près du lieu-dit aujourd'hui Bustan Kesra, ou même plus au sud, dans la boucle du nouveau tracé du Tigre. Ctésiphon nouvelle se développe par ailleurs à l'est de la ville circulaire, près ou autour du fameux palais Taq-e Kesra. La construction de ce dernier, immense - ce qui est visible aujourd'hui n'est que l'entrée - est l'autre acte politique de Husraw 1er_ C'est en effet à ce souverain qu'est traditionnellement attribué ce palais, hypothèse qui emporte aujourd'hui l'adhésion des archéologues et historiens d'art 5. Ainsi, l'action de Husraw 1er à Ctésiphon s'inscrit dans un long processus de fondations successives ou refondations, phénomène qui a pu affecter d'autres villes importantes de l'empire. Il y a certes changement de lieu ou extension de la zone peuplée auparavant, mais on ne peut pas créditer ce roi d'une véritable fondation de Ctésiphon. La ville est déjà une énorme conurbation à cette époque et son développement apparaît d'abord comme une réponse à la contrainte de l'environnement, le changement du cours du Tigre qui rendait Weh-Ardasïr peu commode, lorsqu'elle fut coupée en deux. C'est peut-être pour la même raison que le Taq-e Kesra de Husraw 1er remplace l'ancien « palais blanc» qui se trouvait très probablement dans la ville ronde ; mais il n'en reste pas moins que cet immense palais est aussi une manifestation de sa puissance qui marquera pour longtemps la splendeur du règne de Husraw 1er. Fondations de villes En Iran, l'archéologie n'a repéré aucune ville dont on puisse attribuer avec certitude la fondation ou la refondation à Husraw 1er_ L'implantation d'une ville sur un site vierge est souvent impossible à prouver sur le terrain. Les historiens des textes, comme les numismates et les sigillographes, sont capables de dresser des listes des fondations de villes sassanides par le nom du souverain que portent beaucoup d'entre elles. La région ou la province à laquelle correspondent les toponymes est en général identifiée 6 . En revanche, la localisation précise est rarement connue. Les archéologues qui établissent des cartes des sites archéologiques ne sont pas en mesure de dater les vestiges de surface, qui sont majoritairement les plus récents, et encore moins d'identifier le nom de la ville, sauf dans de très rares cas, comme Bïsabuhr; en effet, l'inscription monumentale de l'an 266 commémore la Kroger 1996. Voir surtout les travaux de R. Gyselen, en particulier Gyselen 1989 et 2002.

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visite du roi Sabuhr 1er en la ville qu'il a fondée, dont les travaux en cours lui donnent toute satisfaction 7 . Par les données archéologiques seules, au demeurant très insuffisamment publiées, nous ne serions pas en état de dater de ce roi la fondation de la ville ni celle des différents monuments qui lui sont attribués. Bïsabuhr doit cependant retenir l'attention. Si le décor de la salle cruciforme est daté de la période de construction sous Sabuhr 1er, caractérisée par le retour aux motifs achéménidisants, comme dans l'architecture du « temple » (Bâtiment A), ou romanisants, comme les mosaïques de la cour (Bâtiment C), la décoration en stuc du « Triple eyvan » (Bâtiment D) est manifestement plus tardive, et elle appartient à deux périodes. Selon R. Ghirshman, le Groupe A serait de la fin du vie ou du début du vne, le Groupe B de la deuxième moitié du vne plutôt que du début du vme siècle : Kroger repousse même cette dernière date au début de l'époque abbasside 8 • Le complexe palatial de Bïsapür est donc en état de fonctionnement au VIe siècle et des travaux ont été entrepris, sans que l'on sache s'ils sont de l'époque de Husraw 1er ou postérieurs à celui-ci.

Des villes occupées à !afin de l'époque sassanide Parmi les villes importantes du Fars de l'époque sassanide, Fïrüzabad ou Staxr peuvent être laissées de côté, puisque leur fondation est certainement antérieure à Husraw 1er_ Quant à une éventuelle refondation sous ce roi, elle ne pourrait être mise en évidence que par des fouilles qui restent à entreprendre. Qasr-ï Abu Nasr, très proche de l'actuelle Sïraz à l'est, est une ville pourvue d'une citadelle, certainement occupée à l'époque de Husraw 1er_ La plus grande partie des 505 bulles portant des empreintes a été trouvée dans deux salles de la citadelle, constituant une véritable archive. Dix-neuf des trente-deux sceaux livrés par le site proviennent également de l'une de ces salles 9 • Le bâtiment auquel elles appartenaient relève la Phase 2a, qui est antérieure à la phase 2b. Ensemble, ces deux phases sont datées par L'inscription est gravée sur l'une des deux colonnes du monument commémoratif élevé en l'honneur du roi (Ghirshman 1936, p. 123-129; Ghirshman 1971, p. 10). Ghirshman 1956, p. 170-175, Pl. XXI-XXII ; Kroger 1982, p. 196 et p. 264, Taf. 91/1-5. Pour les traits généraux de ces empreintes et leur localisation Frye 1973, p. 42 et p. 5253, ainsi que Whitcomb 1985, p. 168. Les lectures des inscriptions sur les sceaux ont été reprises avec corrections et nouvelles lectures par Gignoux 1974. À noter que vingt six empreintes d'un même sceau portent au centre le nom de Shiriiz et autour celui d' Ardasïr-xwarrah. La probabilité que Qasr-ï Abu Nasr soit l'ancienne Sïriiz est donc très forte.

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D. Whitcomb de « Late Sasanian - Early lslamic », soit entre 500 et 750 de l'ère chrétienne 10 • La constitution de l'archive de Qasr-ï Abu Nasr peut alors être raisonnablement datée du vie siècle, ou peu après. On observe que l'architecture dans la citadelle connaît un certain développement à cette époque, marqué par des bâtiments plus grands et de plan plus régulier. Le site offre donc une illustration, non pas de fondation, ni même de refondation de ville, mais certainement celle d'un développement qui, par ailleurs, ne se poursuit pas au-delà de la période sassanide ou du tout début de la période islamique. On pourrait espérer que le cas de Suse eut été plus clair grâce aux dizaines de campagnes de fouilles menées depuis la fin du XIXe siècle jusqu'en 1978. Selon les données archéologiques, Suse est une ville importante à l'époque parthe, puis décline au me-début du ive siècle, avant de retrouver une certaine importance vers la fin de la période sassanide 11 • Suse devrait donc intéresser directement la période traitée ici. Pourtant l'archéologie n'est pas en mesure de préciser la date des couches contenant les nouvelles constructions, au demeurant très modestes, qui succèdent presque directement à celles de la fin de la période parthe et du début de la période sassanide. Le déclin de Suse au ive siècle est attribué à la décision de Sabuhr II de fonder Eran-xwarrah-Sabuhr-sahrestan / Ewan-e Karkheh à 17 km au nord de Suse, sur la rive droite de la rivière Karkheh. Elle est établie sur un plan régulier, un quadrilatère de 4 x 1 km 12 • Cette identification du fondateur ne repose pas sur des données archéologiques, mais seulement sur les sources textuelles et sigillographiques, au demeurant très solides. D'après les vestiges de surface et de très rares données de fouilles, à peine publiées, cette ville d'Ewan-e Karkheh ne paraît avoir été intensément occupée ni avoir connu une longue occupation. On peut supposer qu'elle a été négligée assez rapidement au cours de l'époque sassanide, malgré une

10

Whitcomb 1985, p. 100-104 et fig. 34. Pour la datation, Whitcomb se fonde sur la céramique et les objets, ainsi que sur la distribution par règne et la répartition sur le site de la centaine de monnaies d'argent et de cuivre connue; près de la moitié sont de Husraw Il, et quinze seulement sont antérieures à celui-ci, dont trois de Kawad I0 ' et cinq de Husraw I 0 ' (Frye 1973, p. 3 et p. 19).

li

Boucharlat 1987b.

12

Sur cette question et sur les noms respectifs de Suse et Ëwiin-e Karkheh, voir Gyselen et Gasche 1994.

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R. BOUCHARLAT

nouvelle occupation modeste au début de l'époque islamique 13 • Ce déclin a pu entraîner un renouveau de Suse située dans un environnement plus favorable, du moins pour l'agriculture. Il est alors tentant d'attribuer ce nouveau transfert à une décision de Husraw 1er, réorganisateur de l'administration et de l'économie de l'empire. Pourquoi pas? Mais c'est pure spéculation. Les monnaies ne sont d'aucun secours, puisque les deux principaux trésors découverts à Suse contiennent en quasi totalité des monnaies de Husraw II 14 • Quant aux sceaux et bulles, leur nombre est modeste au regard de l'ampleur des fouilles anciennes, entre 1897 et la Seconde Guerre Mondiale, et restées encore très importantes (environ un hectare) sur les quartiers d'habitation de la Ville Royale comme en témoignent les travaux de R. Ghirshman entre 1949 à 1952, ou même lors des fouilles beaucoup plus modestes mais précises en bordure de cette même colline et sur celle de l 'Apadana entre 1973 et 1978. Un indice important à relever est la présence, parmi la collection réunie maintenant au Musée du Louvre, de quelques dizaines de sceaux et d'une collection de bulles du même ordre de grandeur, de documents qui portent une inscription administrative 15 ; ils appartiennent donc à la période traitée ici, les vie et vne siècles. Il faut remarquer que ces documents ont été trouvés dispersés en différents lieux du site - pour autant que l'on dispose d'informations - et non pas sous forme d'archive, à la différence du sanctuaire de Takht-ï Solayman ou de la collection dans deux salles de la citadelle de Qasr-ï Abu Nasr. En dépit de l'ampleur des travaux archéologiques, Suse n'a pas livré de constructions importantes ou de nombreux objets de l'époque sassanide et ceux-ci ne sont pas datés avec précision 16 • 13

C'est la conclusion prudente que permettent les résultats de la prospection menée par R. J. Wenke en 1973 (Wenke 1975-76, p. 73-75, Table 27-28).

14

Pour le trésor de 1931, Unvala 1934 et Gyselen 1981 ; pour le trésor de 1976, Gyselen 1977. La très modeste collection de stucs de Suse provient du niveau III de la Ville Royale des fouilles de R. Ghirshman, daté par celui-ci des VII• et VIII• siècles, une datation qu'accepte Kroger 1982, p. 199, Pl. 92/2.

15

Voir Gignoux 1978, p. 83-89. Toutes portent le nom de Ëriin-xwarrah-Siibuhr, province englobant le canton de Suse, ville nommée sur trois bulles (sws).

16

La seule construction importante longtemps attribuée à cette époque est assez modeste : principalement une salle centrale carrée de 24 m de côté à quatre bases de colonnes précédée d'un portique à colonnes également, les unes et les autres étant des remplois de bases achéménides. De plus, d'après H. Gasche (2002), ce bâtiment, que Ghirshman considérait comme un mithraeum des premiers siècles sassanides, daterait de la fin de l'époque parthe et doit dans tous les cas être exclu des monuments de la ville sassanide tardive.

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Dans le Luristan actuel, région qui n'est pas très éloignée de la Mésopotamie centrale avec Ctésiphon, plusieurs villes ont été datées de l'époque sassanide par les archéologues. Darreh Sahr, la plus anciennement visitée, a été mentionnée par J. de Morgan lors de sa Mission scientifique en Perse en 1882. Morgan a daté de l'époque sassanide les ruines visibles qu'il a relevées sur une superficie de 1200 x 800 m et celles du château proche de la ville, Qal'eh-ï Bazar Dar. Pour attribuer ces vestiges à l'époque sassanide, il s'appuyait principalement sur la technique de construction des murs et surtout sur les décors architecturaux en stuc dans la ville et les décors de stuc des colonnes et des murs dans le château voisin 17 . Les trop rares dessins de Morgan ont été maintes fois repris pour illustrer le décor de stuc sassanide jusqu'à la proposition de J. Kroger pour une date plus récente, la deuxième moitié du vne ou la première moitié du vme siècle, soit la période omeyyade 18 . Morgan avait également signalé les ruines de « la petite ville» de Sïrvan, s'étendant sur 100 à 120 hectares, également dans la vallée de la Seymarreh, en amont de Darreh Sahr, où il notait des corniches et un chapiteau en stuc qui évoquaient pour lui les palais de Qasr-ï Sïrën et Haus Gowri dans la province de Kermansah, proche de la frontière irakienne 19 . Ces palais sont en général attribués à Husraw II et daterait même, pour le second, de l'époque islamique. Très récemment, la mise en eau d'un important barrage sur la rivière Seymareh a nécessité l'exploration de toute une partie de la vallée destinée à être ennoyée. Parmi les vestiges d'époque sassanide, qui sont nombreux de part et d'autre de la rivière (provinces d'Ilam à l'ouest et du Luristan à l'est), un site important a été partiellement fouillé en deux secteurs entre 2008 et 2012 : un bâtiment sur le lieu-dit Barz Qawaleh (ou Qawela) et, proche de celui-ci, une autre construction qualifiée de « manor house » nommé localement Qela Gowrï (fig. 3). Les données publiées sont encore très préliminaires 20 ; elles ne permettent pas d'évaluer l'extension de cette ville, ni de la dater, en notant toutefois que, pour les très abondants décors en stuc retrouvés dans le bâtiment de Qawaleh, et plus encore dans le « manor house » de Qela Gowrï, J. Kroger suggère une date sassanide tardive ou

17 18

19

20

Morgan 1897, p. 365-372, fig. 216, Pl. 221-222. Krôger 1982, p. 199-200 et p. 263, fig. 129. Morgan 1897, p. 361-365, fig. 216, Pl. LVIII-LX. Mahmoudi, et al. 2013; Hasanpour 2014a et b, et Hasanpour and Hashemi à paraître.

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même post-sassanide, alors que les fouilleurs proposaient l'époque sassanide tardive seulement, par comparaison avec Kis et Ctésiphon 21 •

A

Fig. 3. Plan du bâtiment partiellement fouillé de Qela Gowri, Luristan 22 .

À l'heure actuelle, ces villes du Luristan sont datées uniquement par les décors de stuc qui ont été retrouvés dans certains bâtiments, en place ou effondrés. On observera que cette datation porte sur l'état du décor au moment de l'abandon ou de la destruction du bâtiment. Faut-il pour autant réduire la durée d'occupation de ces agglomérations à cette seule période ? Dans l'attente de l'étude des autres séries de documents provenant des fouilles, il ne faut pas exclure d'emblée une période d'occupation plus longue, qui pourrait être antérieure au vue siècle. Entre Darreh Sahr et Qawaleh, se joue la localisation de la ville de Seymareh, attestée dans les sources médiévales, abandonnée avant le XIVe siècle 23 . 21

J. Kriiger, comm. pers. au colloque Stucs d'Orient 2, Paris 11 décembre 2014.

22

Hasanpour 2014b, fig. 5.

23

Elle est signalée par Le Strange 1905, p. 201-202 et Schwarz 1896, p. 471-473, qui ne font pas référence à un passé préislamique.

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Dans tout le reste de l'Iran, les villes qui auraient été fondées à l'époque sassanide tardive n'ont pas été fouillées ni sondées. Fait exception celle de Dast-ï Qal'eh, située en arrière du Mur de Gurgan ou Mur d'Alexandre, qui est mentionnée plus loin avec la question de la date de celui-ci. TEMPLES, LIEUX DE CÉRÉMONIES ET PALAIS

Traiter ensemble ces lieux de nature différente est devenu nécessaire depuis que la fonction traditionnelle de certains d'entre eux a été remise en question : palais ou lieux de cérémonies ? On le sait, par exemple, depuis quelques décennies, pour Kangavar, qualifié depuis le XIXe siècle de temple d'Artémis d'époque séleucide. Le domaine du religieux est l'un de ceux dans lesquels l'action de Husraw 1er est très probable, en particulier par le site emblématique de Takht-ï Solayman. La question des lieux de culte est centrale dans l'histoire de l'époque sassanide. Dans les vestiges matériels, cette question est devenue plus complexe que ne l'envisageait naguère K. Schippmann lorsqu'il élabora son monumental ouvrage sur les lranischen Feuerheiligtümer 24 • En effet, des études récentes, en particulier celle de P. Callieri, ont montré que l'enquête ne devait pas être réduite à ce que l'on considère comme des temples du feu mazdéens, lesquels auraient obéi à un plan normé; la recherche doit prendre en compte d'autres constructions qui étaient considérées, à tort ou à raison, comme des palais, ainsi que d'autres qui n'auraient pas été des temples mais des lieux de cérémonies. C'est l'une des hypothèses émises pour le « palais » de Damgan. Certains pourraient des lieux de cérémonies plus précisément funéraires, comme à Bandiyan au Khorassan, pour ne citer que deux exemples en relation avec notre période. Kangiivar, du temple séleucide au palais sassanide

Kangavar, à l'ouest de Ramadan, est une énorme terrasse en pierres appareillées sur laquelle se dressent encore quelques colonnes en pierre très trapues dont certaines ont conservé leur chapiteau de type dorique. La terrasse est accessible par deux escaliers monumentaux convergents, placés à proximité des angles 25 • Malgré leurs excellents relevés et leurs compétences, Flandin et Coste proposèrent une datation séleucide en interprétant sans critique un passage d'Isidore de Charax au 1er siècle de notre ère, mentionnant

24

Schippmann 1971.

25

Callieri 2014, fig. 19-20.

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le temple d'Artémis à« Concobar » 26 . L'ensemble est maintenant rajeuni de plusieurs siècles, à l'époque sassanide tardive, sur la base des découvertes archéologiques (cimetière d'époques parthe et début sassanide sous la terrasse) et de l'étude plus précise de l'architecture, ainsi que des marques lapidaires et graffiti en moyen-perse. Pour l'architecture, il est évident que les colonnes et les chapiteaux ne respectent en rien les canons grecs qui avaient cours à l'époque séleucide; de plus, ces éléments supportent, non pas un entablement à la manière grecque, mais des arcs 27 . Peut-on être plus précis dans l'époque sassanide moyenne ou tardive, qu'indique une datation au carbone 14 et un premier projet en briques antérieur à la terrasse de pierre? Le nom de Husraw II a été proposé, mais l'argument repose principalement sur le « témoignage » des auteurs arabes et persans médiévaux qui, notons-le, considèrent le monument comme un palais (qasr) et non comme un temple 28 . Pour sa part, D. Huff établit des parallèles avec la maçonnerie de Takht-I Solayman et Taq-e Gerra, petit monument, peutêtre commémoratif, en Iran, près de la frontière irakienne 29 • La première comparaison indiquerait le vie siècle pour Kangavar 30 . Les sondages archéologiques opérés sur la terrasse elle-même ont livré très peu de vestiges d'architecture, de sorte que les constructions que portait celle-ci sont inconnues. Temple ou palais ? L'hypothèse d'un palais destiné à impressionner, avec sa colonnade au sommet de la terrasse, est beaucoup plus plausible que celle d'un temple dont on ne voit pas d'équivalent ni à cette époque ni dans l'histoire du zoroastrisme.

Feu royal et/eux de villages Takht-I Solayman est certainement le plus célèbre des complexes religieux de l'époque sassanide. Les sources textuelles post-sassanides et les données architecturales et archéologiques indiquent que c'est un lieu religieux et dynastique. Le nouveau roi sassanide devait se rendre de Ctésiphon à Takht-I Solayman lors de son couronnement. Parce qu'il était le Feu des guerriers et des nobles, l'un des trois grands Feux de l'Iran, cette démarche s'imposait au nouveau souverain. Il devait également s'y rendre à d'autres occasions. C'est aussi le lieu où se réfugia temporairement Husraw II en 627 26

Flandin / Coste 1843-54 I, p. 13, Pl. 22-26 ; Flandin / Coste 1851, I, p. 408-413.

27

Lukonin 1977, p. 105-111 ; Herrmann 1977, p. 107 ; surtout Azamoush 1981 et 2009.

28

Azamoush 1981, p. 94; Hoffmann 2008, p. 91-93.

29

Callieri 2014, fig. 27.

JO

Huff 1986 / 2011, p. 329.

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lorsqu'il battit en retraite devant l'avancée des armées d'Héraclius; ce dernier vint jusqu'à Takht-ï Solayman et pilla le sanctuaire. Ce haut-lieu n'est pas un site vierge à l'époque sassanide, mais c'est au milieu de cette époque qu'il est d'abord aménagé avec une enceinte circulaire, puis considérablement développé sous Kawad 1er peut-être et plus sûrement Husraw 1er 31 . Le lac visible au centre du site résulte d'une source très calcaire et sulfureuse qui a formé au cours des millénaires un cône naturel haut de 60 m. Autour du lac, les archéologues ont reconnu la période achéménide, essentiellement des tombes, puis de très modestes constructions de la période parthe. La période sassanide du ye siècle est marquée par la construction d'une enceinte circulaire en briques crues. Cette datation est assurée par les trouvailles monétaires de l'époque de Përôz (459-484), d'une part des monnaies de ce roi, d'autre part par un dinar d'or de l'empereur byzantin Théodose (408-450). La période de Kawad 1er (484-530) et de Husraw 1er est celle d'une remarquable extension des constructions du site, mais aussi la mise en œuvre de matériaux de grande qualité: édification de l'enceinte en pierres appareillées et, à l'intérieur, construction de l'énorme complexe religieux en partie en briques cuites 32 . Le plan de celui-ci indique bien d'une part, la fonction religieuse du lieu, d'autre part, son caractère royal par l'aménagement d'un sanctuaire privé, de grandes dimensions mais en briques crues, à côté du sanctuaire officiel, ainsi que l'édification d'un palais à proximité, aujourd'hui largement masqué par les reconstructions de l'époque ilkhanide. L'organisation du sanctuaire et son fonctionnement ont provoqué de vifs débats; en tout cas, le plan est le plus complexe que l'on connaisse pour des bâtiments religieux de cette époque, indiquant par là son importance mais aussi sa double fonction, haut-lieu dynastique et sanctuaire partiellement public. Pour cette période sassanide tardive, on dispose de données archéologiques, mais aussi d'un beau corpus de bulles sous forme d'une archive 33 . On peut donc considérer le profond remodelage du site de Takht-ï Solayman, auquel apparemment n'a jamais été associée une ville, comme une véritable (re)fondation qu'il faut attribuer conjointement à Kawad 1er et Husraw 1er.

JI

32

33

Huff2002. Le plan de l'ensemble des constructions sassanides n'est pas illustré ici, car il est très souvent reproduit inchangé dans la plupart des articles sur Takht-ï Solayman (par exemple Huff 2002, fig. 1). Pour la partie publique du complexe religieux, voir Callieri 2014, fig. 34. Gobi 1976.

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La Perse comptait de très nombreux« feux», d'importance bien moindre que celui de Takht-î Solayman ou que les deux autres grands Feux de l'Iran, qui restent à découvrir. Ces constructions beaucoup plus modestes illustrent ces feux de villages ou de petites villes. Pour la plupart, ils s'organisent autour d'une salle centrale qu'on appelle cahar faq (lit. quatre arcs) du fait de leur plan, quatre gros piliers reliés par des arcs et supportant une coupole. Plusieurs découvertes de l'archéologie iranienne de ces dernières années ont confirmé que beaucoup de constructions de ce type sont bien des lieux de culte mais, comme l'avait bien restitué D. Huff, ils sont toujours fermés, soit par des murs dans les arcs, soit par un couloir périphérique 34 . Cette fonction religieuse est démontrée par des éléments du socle de l'autel central, parfois en place, et l'aménagement de plateformes autour de celui-ci qui permettaient le déroulement des cérémonies 35 . De plus, toute une série de socles tronconiques, lisses ou décorés de palmettes, considérés comme des supports d'autels, ont été repérés dans le Fars principalement, mais également dans d'autres provinces (Luristan, Ilam, Kermansah, Gurgan), le plus souvent en place dans le cahar faq 36 . Malheureusement, ces bâtiments ne sont pas précisément datés à l'intérieur de la période sassanide 37 • D'après les informations publiées, le cahar faq de Sîyan, à l'est de Kermanshah, est daté entre Sabuhr 1er et les ve_ vie siècles, et son fonctionnement se poursuit à l'époque de Husraw II et même plus tard, d'après des monnaies; selon le fouilleur, le ve ou le vie siècle correspondrait à une période de remaniements 38 . 34

35

Huff 1975 et 1982. L'hypothèse, longtemps non prouvée (Boucharlat 1985), a été vérifiée par les fouilles de Takht-î Solayman et Torang Tepe (Huff 1982 ; Boucharlat 1987a), et plus encore ces dernières années par plusieurs exemples irréfutables reconnues en fouilles, comme Sïyan, Mïle Mïlegeh ou Palang Gerd, pour ne citer que des exemples de l'ouest iranien.

36

Pour une représentation des socles en forme de sablier, voir Callieri 2014, fig. 46, comparable au pied du pyrée de Bandiyan.

37

Le temple du feu de Mele Hairam, à Saraks, au Turkménistan, à la frontière du Khorasan iranien, ne rentre pas dans la typologie des cahiir fiiq ; cependant la salle du feu est bien cruciforme. Voir le plan dans Callieri 2014, fig. 43. Ce temple est daté actuellement entre le 1er et le IVe siècle de notre ère, selon Kaim 2012, p. 3. À cette dernière période, l'accès à la salle du feu a été fermé par un mur dans lequel a été trouvée une monnaie de Sabuhr Il. Le temple fut donc désaffecté bien avant le règne de Husraw 1er. Cette dernière chronologie corrige la datation basse proposée auparavant, entre le ve et le vne siècle, le ve siècle pour l'avant-dernière phase, d'après des stucs en place, selon Kaim 2002, p. 220.

38

Monnaies mentionnées par Mousavi 2008 d'après www.chn.ir (13/09/1384-23/12/2004); Hozhabri 2013, p. 8. Pour une vue d'ensemble du temple, voir Callieri 2014, fig. 44.

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Palais ou lieux de cérémonies ?

Quelques monuments des ve et vie siècles renvoient au culte ou à des cérémonies publiques, mais ne sont pas nécessairement des sanctuaires du feu. Près de Damgan dans la province de Semnan, le site archéologique de Tepe Hesar est célèbre pour l'âge du Bronze, mais E. F. Schmidt, le fouilleur américain, a également dégagé, avec soin pour l'époque, en 1931-1932, un bâtiment daté du vie siècle, plus précisément de la seconde moitié de ce siècle 39 . Il est caractérisé par une salle rectangulaire à piliers, très ouverte sur une grande cour et qui conduit à une salle carrée sur quatre piliers entourée d'un couloir. Longtemps interprété comme un palais, ce monument a été de nouveau analysé par J. Kroger. Malgré la présence d'un axe longitudinal qui caractérise les palais sassanides comme ceux de Fïrüzabad, Kroger a proposé de voir dans la salle à piliers de Damgan, comme dans les salles similaires et les eywans d'autres «palais» sassanides, des lieux de cérémonies ou de réunions de la communauté zoroastrienne 40 . Il observe en effet que seuls ces espaces portent très régulièrement un décor de stuc sur les piliers eux-mêmes et sur les arches, et parfois un décor mural peint. Il reste possible que la salle du fond, abrite un feu; en général, elle n'est pas décorée. Usage religieux, rituel ou même profane, la salle principale de ce type de construction à décor serait publique et non plus la salle d'apparat de la résidence d'un noble. Damgan est l'un des rares monuments datés du vie siècle, probablement l'œuvre d'un noble d'un certain rang. Bandiyan, près de Dargaz au nord de Meshed, est un site particulièrement intéressant par la diversité des monuments maintenant connus, d'autant plus qu'il peut être en partie rattaché à l'époque de Husraw 1er. Le premier bâtiment fouillé (Site A) est attribué au ve siècle. Le plan en est complexe et comprend deux espaces remarquables : d'une part une salle tétrastyle, totalement ouverte sur un côté, tandis que les trois autres côtés sur couverts de bas-reliefs en stuc à l'iconographie exceptionnelle ; d'autre une salle du feu cruciforme au centre de laquelle le pyrée est très bien conservé 41 . Si la 39

40

41

Pour les données de fouilles, voir Schmidt 1937, p. 327-350, fig. 166-177. Le plan est reproduit par Callieri 2014, fig. 21. Sur l'interprétation de la fonction fondée sur l'architecture et surtout la décoration en stuc et sur la date, Kroger 1982, p. 193-195, p. 262, p. 272. Kroger 1982, p. 268-276 ; 1993, p. 65. Voir le résumé très clair de ces hypothèses que donne P. Callieri 2014, p. 76-81. Voir les illustrations dans Callieri 2014, fig. 47-48 et 61-67, reprises des articles de M. Rahbar cités notes suivantes.

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date de ce bâtiment n'est pas contestée, la fonction est en revanche très disputée : temple, résidence ou lieu de cérémonies funéraires. La date de construction est antérieure à Husraw 1er, mais l'archéologie a montré que l'histoire de ce bâtiment est complexe. Il a en effet été abandonné, après quelques décennies, selon M. Rahbar, puis recouvert. Les murs en ont été arasés et certaines salles ont été remplies de massifs de briques crues qui sont soit les murs d'une autre construction, qui cependant n'a pas été reconnue comme telle, soit le désir de faire disparaître ces salles, en particulier la salle du pyrée. Le recouvrement complet du monument évoque une déconsécration. Le fouilleur date l'abandon de l'époque de Perôz et la nouvelle construction de l'époque de Husraw 1er; toutefois, les arguments en faveur de ces hypothèses de datation ne sont pas indiqués 42 . La fonction de ce Bâtiment A, en particulier lorsqu'il était le seul connu sur le site, était interprétée comme un temple du feu par M. Rahbar, un sanctuaire dynastique ou un palais, selon G. Azarpay, ou une résidence avec chapelle privée d'un dastgird pour Ph. Gignoux 43 . À partir de l'hypothèse de J. Krôger évoquée plus haut pour Damgan, P. Callieri propose maintenant d'y voir un complexe destiné aux rites funéraires et au culte des ancêtres 44 • Si la désaffection, puis la transformation du lieu restent à expliquer, les découvertes plus récentes faites sur le site peuvent apporter de nouvelles informations, car elles montrent que c'est l'ensemble du site qui est le dastgird (fig. 4). Outre une tour massive en briques crues qui pourrait être un dakhma, une « tour du silence » (Site B), M. Rahbar a partiellement fouillé une salle rectangulaire à deux rangées de piliers, très ouverte sur un petit côté, flanquée de salles plus petites (Site C). Résidence ou autre lieu rituel, la fonction de ce dernier bâtiment n'est pas définie 45 • La découverte récente d'une installation de production de vin à l'intérieur de ce bâtiment indique autant un lieu de résidence qu'un lieu de cérémonies collectives 46 • Une monnaie de Husraw 1er a été trouvée sur le sol de cette salle. Bandiyan comporte ainsi au moins trois constructions (et peut-être d'autres non fouillées ou détruites), nettement séparées les unes des autres. Selon le fouilleur, elles ont été édifiées (Sites B et C) ou reconstruites (Site A) à l'époque de Husraw 1er.

42 43 44 45 46

Rahbar 1998, p. 219 ; 2004, p. 20 ; 2007, p. 466. Rahbar 2004; 2007 ; Azarpay 1997, Gignoux 2008, p. 167 et p. 171. Callieri 2014, p. 95-98. Callieri 2014, fig. 15. Rahbar 2013, fig. 6 et photo. 12.

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

29

++++..-s++++w++++•·····•····

Î

North

Scale (m)

Fig. 4. Bandiyan, localisation des trois bâtiments connus dans le dastgird. a. Bâtiment de culte; b. Tour du silence; c. Résidence (?) 47 .

Le complexe de Hajîabad, dans le sud-est du Fars, pose finalement des questions proches de celles qui sont soulevées pour Bandiyan par la présence dans certains espaces de décoration particulière en stuc. Cependant sa fonction résidentielle, qu'avait analysée en détail M. Azamoush, le fouilleur, n'est pas remise en cause 4 8 . Hajîabad est laissé de côté ici, car il appartient à une période nettement plus ancienne que celle de Husraw 1er, même si les propositions de Krôger, déjà et celles de P. Callieri aujourd'hui, abaissent tout ou partie de la décoration du ive au ye siècle 49 . De même, Küh-î Khwaja dans le Sîstan est majoritairement, sinon totalement, antérieure à notre époque 50 . À l'inverse, le «palais» de Sarvestan est exclu, car il est certainement postérieur au siècle de Husraw 1er ; il est généralement daté de l'époque islamique ancienne, à la suite de l'analyse précise qu'en avait 47

Rahbar 2007, fig. 1.

48

Callieri 2014, p. 69-70.

49

L'hypothèse avait été émise par J. Kroger (1982, p. 63) sur la base des bustes en stuc qui évoquaient ceux de Kis en Mésopotamie. Callieri reprend cette suggestion à la fois pour dater la résidence princière et interpréter les bustes (Callieri 2014, p. 63, p. 106-107, p. 115-117, fig. 52-55; plan et vue générale fig. 12 et 13).

50

Pour l'un et l'autre site, on lira avec profit Callieri 2014, p. 82-85.

R. B O U C H A R L A T

30

donnée L. Bier 51 . Il est intéressant de noter que le plan complexe de Sarvestan, inconnu à l'époque sassanide, a été une des caractéristiques qui ont provoqué les doutes de L. Bier sur la date ainsi que sur la fonction du monument; le plan, en effet, n'obéit pas du tout au schéma à axe longitudinal des palais sassanides, comme par exemple les palais de Fïrüzâbâd, mais il ne correspond guère non plus à celui des temples, dans la mesure où un plantype peut être défini. DÉFENSE DES FRONTIÈRES

Le Mur de Derbent, qui ferme d'est en ouest l'étroit passage entre la mer Caspienne et l'extrémité orientale de la chaîne du Petit Caucase, dans le sud du Daghestan, pourrait être traité ici, car la date de l'importante reconstruction qui fait consensus aujourd'hui est le vie siècle, sous Kawâd et Husraw 1er_ Comme exemple de défense des frontières, je retiens ici seulement le Mur de Gurgân (ou Mur d'Alexandre); il est en effet une excellente illustration de la politique royale très élaborée des Sassanides aux ve_ vie siècles, politique de protection des frontières mais tout autant politique de développement agricole. Il est particulièrement opportun d'évoquer ce« Mur», parce que la publication récente des fouilles précises a apporté une mine d'informations et - enfin ! - des datations assurées 52 . Le Mur de Gurgân (fig. 5) est une gigantesque muraille qui a été reconnue sur 195 km de longueur. Depuis la mer Caspienne, elle court dans la plaine entre terres fertiles au sud et steppe au nord, jusqu'aux vallées d'altitude de !'Elbourz, au sud du Kopet Dagh. Construit en briques cuites et en briques crues, le mur est renforcé à intervalles réguliers de forts et fortins, ainsi que de places fortes de plusieurs hectares. Le mur est longé par un canal majeur qui dérive l'eau de la rivière Gurgân et d'où partent des canaux secondaires. Jusqu'à une date très récente, trois datations avaient cours : la première hypothèse datait la construction du mur de l'époque parthe, entre le ne siècle avant et le 1er siècle après J.-C., soit dans l'époque parthe La seconde hypothèse attribuait la construction à !'un des souverains du ve siècle, à l'époque des menaces venues du nord, ou peu après, car on sait que c'est seulement à la mort de Përoz en 484, que le statu quo aboutit à une relative stabilité de la frontière nord de l'empire. La troisième hypothèse, très majoritaire, créditait Husraw 1er de cette imposante réalisation 53 . 51

Bier 1977.

52

Sauer et al. 2013.

53

Sauer et al. 2013, p. 7-10, Table 2.1.

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

Square or reclangular compounds of Sasanian date & · probably rnililary function 1 (?) ? (c 0-6 ha) • • "

Fort fortlel or watchtower

C11mpa1gn base s1ze calogory O 5 (c 20 ha) ■ r-l

n

Campaign base s1ze calegory 1 O (c •o ha) ■ Campaign ban size calegory 1 5 (c 60 ha) 1.0.1 Campaign base, size category 3.0 (c.120 ha) ~ .·· !=certaln/prob.; (?)=probable/poss.; ?=potential ._· __

r:;:;;;,B

Sal8ni8_n_Ci1·· (êërtiiï,), non-=-mi1\tary·1c~ Joci ha).··. - -

J

31

s

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Fig. 5. Tracé du Mur de Gurgiin 54 .

Le remarquable programme de recherche conduit par une mission iranobritannique entre 2005 et 2008, rapidement publié, a apporté des réponses à des questions majeures. J'en retiens deux ici : les objectifs de la construction du mur et la date de celui-ci. La construction du mur avait pour but de marquer une barrière défensive, sans aucun doute. Cette barrière n'était pas fictive, comme l'indiquent la construction elle-même et les nombreux forts qui la rythment. Mais le Mur avait aussi pour but d'établir une population rurale pour mettre en exploitation les terres du piémont nord de l'Elburz, des terres fertiles si elles sont irriguées. Le mur était bordé par un canal principal, qui n'était pas seulement une protection complémentaire, mais qui fournissait l'eau nécessaire à la fabrication des millions de briques du mur, à l'alimentation des soldats et de la population civile, ainsi que, par des canaux secondaires, à l'irrigation. D'après les calculs des archéologues, l'ensemble des forts pouvait loger 10 000 soldats en cas de nécessité, ce qui devait être exceptionnel, tandis que les bourgs et les villes pouvaient contenir 30 000 habitants. Des agglomérations ont été créées en arrière de la ligne de défense. On remarque en particulier la ville de Dast-ï Qal'eh, près de Gombad-ï Qâbus, d'une superficie de 3 km 2 , 2 fois plus grande que Bïsâbuhr 55 (fig. 6). Sa fondation, 54

Sauer et al. 2013, fig. 12/2.

55

Sauer et al. 2013, p. 382-406.

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peut-être antérieure à Husraw 1er, est caractéristique des villes neuves, par son plan régulier, ici un triangle dont deux côtés, parfaitement rectilignes, qui se coupent à angle droit; c'est là précisément qu'est placée la citadelle. Étant donné son importance, la ville devait jouer le rôle de capitale de canton ou même de province, en même temps qu'elle devait être la place militaire centrale. Le Mur de Gurgan ne se réduit donc pas à une muraille; c'est avant tout un investissement pour la mise en valeur agricole de toute une région en deçà et au-delà du mur, des milliers d'hectares de terres fertiles irriguées, comme c'est également le cas depuis le milieu du xxe siècle.

Fig. 6. Image satellite de la ville de Dast-ï Qal'eh, édifiée en arrière du Mur de Gorgiin 56 .

En ce qui concerne la chronologie, l'un des arguments longtemps avancés pour dater le Mur de l'époque parthe, était la variation du niveau de la mer Caspienne, dont la ligne de rivage au moment de la construction devait indiquer le point de départ du Mur ; il ne tient plus, car ont sait que le mur se prolongeait vers l'ouest, dans la mer, sous le niveau actuel, au début du 1er millénaire. Les analyses archéométriques de datations indiquent le ye siècle pour la construction du Mur et, en resserrant les indices de probabilité, les 56

Sauer et al. 2013, fig. 13/1.

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

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règnes de Yazdgird II (438-457) ou de Peroz (457-484). Une date antérieure au ye siècle et postérieure à 530 est exclue 57 . Exit donc Husraw 1er comme fondateur, mais non comme continuateur, peut-être refondateur, car les installations sont certainement actives sous son règne, comme l'indiquent les données archéologiques, y compris dans la ville de Dast-ï Qal'eh pour laquelle des analyses de datation spécifiques à ce site ont été effectuées 58 . L'ensemble du Mur et des établissements liés à celui-ci sont abandonnés vers 600-630 ou très peu de temps après. MISE EN VALEUR DES RÉGIONS

Les rois sassanides sont célébrés par les auteurs anciens pour leur action en faveur de l'économie des régions, par la construction de routes, ponts, et barrages, l'installation d'ateliers, principalement textiles, et par le développement de l'agriculture. Pour cette dernière, les réformes de Husraw 1er, et déjà Kawad 1er, sont certainement les plus importantes de l'époque sassanide 59 . L'archéologie peut-elle rendre compte de tels changements? La réponse est positive pour évaluer ceux-ci dans certaines régions, mais négative actuellement pour les dater avec précision. Augmentation remarquable du peuplement rural

On a vu l'exemple de l'irrigation de la région du Gurgan, aux confins septentrionaux de l'empire. À une échelle comparable, je prends deux cas à l'opposé, dans le Fars, car des prospections archéologiques récentes ont apporté des données neuves, bien qu'elles restent imprécises au plan chronologique. Ces travaux montrent une forte augmentation du peuplement rural des vallées à l'époque sassanide, ce qui induit une augmentation des terres cultivées 60 . 57 58 59

60

Sauer et al. 2013, p. 33-37. Sauer et al. 2013, p. 399-404. Le chapitre sur le règne de Husraw Ier dans l'ouvrage de A. Christensen 1944, p. 363-440 reste le résumé le plus commode consacré à l'économie de l'Iran sassanide au VIe siècle. Voir aussi maintenant Gariboldi 2009. Au-delà, les sceaux et empreintes de sceaux sont d'excellents indicateurs que Christensen ne connaissait pas (voir les travaux de R. Gyselen, en particulier Gyselen 1989 et 2002). Autre indice, plusieurs régions d'Iran se couvrent de constructions, dont on a vu des exemples par les édifices, le plus souvent religieux ; il sont particulièrement nombreux dans le Fars et dans le Zagros, mais, là encore, les datations précises manquent pour reconnaître ce qui serait à dater autour du VIe siècle.

R. BOUCHARLAT

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Le sud de l'Iran, au sud de Fïrüzabad (partie méridionale de la province du Fars, provinces de Büsehr et Hormuzgan), est une région semi-aride. À l'est et au sud-est de Büsehr, plusieurs petites régions ont été prospectées au cours des quinze dernières années : vallées de Lamerd et de Mohr, vallée de Bastak et région de Khonj 61 . Elles ont permis d'établir des cartes de peuplement réparties par millénaire. Or, ces cartes de l'évolution du peuplement apportent deux enseignements majeurs. Le premier concerne l'évolution quantitative des sites habités. Ces vallées sont extrêmement peu peuplées aux époques préhistoriques et très peu à l'époque achéménide. Puis, on observe une augmentation du nombre de sites, notable à l'époque parthe, très forte à l'époque sassanide. Dans les vallées de Lamerd et de Mohr, A. Askari Chaverdi a compté 4 sites d'époque achéménide, 12 de l'époque parthe et 44 de l'époque sassanide (fig. 7 a-c), soit un triplement entre ces deux dernières périodes. Pour la région de Bastak, on a dénombré 4 sites achéménides, 17 parthes, 47 sassanides et 38 islamiques (à comprendre entre le vme et le XIVe siècles), soit douze fois plus à l'époque sassanide qu'à l'époque achéménide 62 .

a. Fig. 7. Carte de peuplement des vallées de Lâmerd et Mohr. a. Époque achéménide 63 .

61

Pour Lâmerd et Mohr, Askari Chaverdi / Azamoush 2004; Askari Chaverdi 2013, p. 347-365; pour Bastak, Asadi 2010. L'ensemble des données est traité par Asadi et al. 2013.

62

Asadi et al. 2013, p. 29.

63

Askari Chaverdi / Azamoush 2004, fig. p. 11-12.

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

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b.

C.

Fig. 7 (suite). Carte de peuplement des vallées de Liimerd et Mohr. b. Époque parthe; c. Époque sassanide 64 .

Le second enseignement me paraît tout aussi important : pour autant que l'on puisse l'observer précisément sur la carte, la localisation des sites sassanides n'est plus limitée à la proximité des cours d'eau, dont beaucoup ne sont pas pérennes, il faut le souligner, et de plus transportent des eaux saumâtres. Ces petits villages sont parfois établis à cette époque entre les petites vallées, loin des cours d'eau. Mon hypothèse est qu'à l'époque parthe peut-être, à l'époque sassanide sûrement, est mis en ceuvre le système de qanat, qui est la forme la plus élaborée des galeries souterraines d'amenée 64

Askari Chaverdi / Azamoush 2004, fig. p. 11-12.

36

R. B O U C H A R L A T

d'eau. Le qanat véritable va chercher l'eau profondément, dans des couches géologiques. Ne voyant pas d'autre explication à l'extension des terres cultivées qu'une nouvelle technique d'irrigation, je suppose que celle-ci est introduite dans la région, à un moment donné dans la première moitié du 1er millénaire 65 . Cause ou effet de l'intérêt des souverains sassanides, la coïncidence chronologique serait remarquable entre l'introduction de cette technique, vitale pour l'irrigation, car elle permet l'extension du peuplement rural, et la politique des Sassanides, particulièrement celle des souverains du vie siècle. Mais ce rapprochement reste hypothétique tant que les archéologues ne sauront pas dater plus précisément les vestiges qu'ils rencontrent, habitats et réseaux d'irrigation.

Les constructions dites tal-e khandag Un autre élément à mettre en relation avec le peuplement rural illustrerait peut-être encore mieux l'intérêt du pouvoir pour l'extension de l'agriculture. Dans une aire englobant le sud et le sud-ouest (région de Kazerün) du Fars, une série d'enceintes circulaires ou quadrangulaires a été récemment étudiée. Elles mesurent de 80 à 120 m de diamètre ou de côté, et sont formées d'une levée en talus construite en terre ou en briques crues, très épaisse, haute de 10 m ou plus, et entourée par une dépression. Ces structures sont appelées localement tal-e khandag. Un tel cône creux était bien connu à Sar Mashad; il avait été interprété par L. Trümpelmann comme un ancêtre des « tours du silence» zoroastriennes. C'est une toute autre interprétation que propose l'étude récente de P. Ghasemi sur une demi-douzaine de ces structures 66 . L'auteur propose d'y voir des points fortifiés; en effet, outre la haute muraille qui les caractérise, elles sont entourées par un fossé de plusieurs dizaines de mètres de largeur, bien marqué, dont la profondeur atteint 3 m 65

66

L'attribution traditionnelle aux souverains achéménides de l'invention et de la diffusion de la technologie du qanat profond atteignant un aquifère ne repose pas sur des bases archéologiques, ni même textuelles. Il est certain que des galeries souterraines ont exploité, dès le 1er millénaire avant J.-C., les nappes phréatiques peu profondes (quelques mètres) de l'autre côté du golfe Persique (Wilkinson 1977, p. 122-133; Boucharlat 2001, p. I 62-173 ). Des exemples, encore peu décrits, sont également attestés autour de Barn. C'est probablement des galeries de ce type dont l'historien Polybe, au ne siècle avant l'ère chrétienne, a entendu parler pour le nord de l'Iran et qu'il attribue aux « rois perses ». La date de cette invention donne lieu à des débats toujours actuels. Par le traité théorique et pratique de al-Karaji daté de 1017 de l'ère chrétienne, nous sommes certains qu'au xe siècle de notre ère cette technique est déjà largement répandue en Iran. Voir Mazaheri 1973. Ghasemi 2012.

MONUMENTS ET SITES ARCHÉOLOGIQUES

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aujourd'hui encore (fig. 8). Selon Ghasemi, ces fossés pouvaient être mis en eau par des canaux dont il reste des traces. L'hypothèse défensive est donc pertinente. De plus, l'investissement que nécessitent ces ouvrages paraît bien disproportionné à l'échelle d'un village pour qu'ils ne soient que des lieux de déchamement d'une petite communauté 67 • Pour P. Ghasemi, ces structures seraient des fortins militaires, répartis à raison d'un tal-e khandag pour chaque petite région. Chacun serait le siège de l'autorité, protégée par des soldats de l'armée royale, selon l'auteur, installé pour la sécurité locale et pour contrôler la production agricole en vue de la levée des taxes. Plutôt qu'une présence directe de l'armée royale, on peut aussi bien considérer ce type de fortins comme le siège d'une autorité locale où sont installés quelques soldats et contrôleurs. Ces tal-e khandag sont datés de l'époque sassanide, sans plus de précision. Le caractère fortifié de ces constructions et des éléments de datation à l'époque sassanide viennent de recevoir une solide confirmation. Dans la région de Bastak, citée sur-dessus 68 , les sondages pratiqués en 2012 sur une petite colline de ce type, nommée Tomb-e Pargan, ont révélé une enceinte de 21-22 m de diamètre, épaisse de 2,50 m 69 • Cette muraille est construite en briques crues carrées de 42 cm de côté; elle est pourvue d'une étroite galerie de circulation en arrière et elle est renforcée de tours semi-ellipsoïdales (une seule a été dégagée, large de 4 m). L'enceinte est entourée d'un fossé, comme les autres monuments de ce type. Forme des tours, dimensions des briques, poterie indiquent une date à l'époque sassanide, hypothèse précisée par trois drachmes retrouvées en fouille, très comprimées l'une contre l'autre, peu lisibles; en première analyse, elles sont d'un type de Husraw II, ce qui indiquerait, pour l'une des périodes d'occupation du fort, le vue siècle, ou un peu plus tard, si ces monnaies étaient arabo-sassanides, hypothèse que n'excluent pas les auteurs. Je retiens de l'ensemble de ces indices, cartes de peuplement, nombre de cahar faq et de tal-e khandag, que l'époque sassanide est marquée, dans ces régions, par une augmentation de l'occupation humaine et, partant, par une extension remarquable de l'agriculture, bénéficiant peut-être de nouvelles techniques d'irrigation. L'adoption de celles-ci aurait été alors encouragée par le pouvoir politique qui, parallèlement, contrôlait l'activité économique. 67

À titre de comparaison, comme on l'a vu, la tour de Bandiyan, probablement un dakhma, mesure 20 m de diamètre pour une hauteur de 3 m.

68

Cf. n. 62.

69

Asadi et al. 2014.

38

R. B O U C H A R L A T

Fig. 8. Tal-e khandag, enceinte de terre entourée d'un fossé. a. Jarüh ; b. Sar Mashad ; c. Mohammadabad 70 .

70

D'après Ghasemi 2011, fig. 7, 8 et 15.

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39

Au travers des exemples présentés, si le siècle de Husraw 1er est bien attesté par des sites et des monuments, le rôle précis du grand souverain n'apparaît guère. De ce point de vue, l'enquête archéologique est décevante, mais ce sont là les limites actuelles de l'archéologie de cette période historique, champ de recherche qui commence seulement, après un siècle pendant lequel a dominé l'étude des monuments et des œuvres d'art. Il ressort cependant que l'on commence à déceler, au plan archéologique, une épaisseur dans la durée de l'époque sassanide: d'une part les me et ive siècles, caractérisés par la fondation de villes, la construction de ponts et barrages, la sculpture de la plupart des bas-reliefs, d'autre part un « long vie siècle» de Kawad 1er à Husraw II, ce dernier ne se laissant pas distinguer de ses prédécesseurs autrement que par des œuvres de prestige comme le basrelief de Taq-e Bostan et la création de palais, si ce qui lui est attribué, comme le complexe de Qasr-î Sîrën, par exemple, est bien son œuvre. La détermination de l'épaisseur chronologique de l'époque sassanide est un défi pour les archéologues qui étudient cette époque. L'intensification des recherches de terrain, souvent entraînée par le développement économique actuel, et l'amélioration des méthodes, tant dans la datation des vestiges que la détermination des restes modestes, indicateurs de l'économie, sont de bonne augure. Rémy BOUCHARLAT CNRS UMR 5133 MOM - Archéorient 7, rue Raulin F-69365 Lyon cedex 07 France

LISTE DES ILLUSTRATIONS Fig. 1. Carte indiquant les sites archéologiques mentionnés dans le texte. Fig. 2. Plan de la conurbation de Ctésiphon. De Séleucie depuis la fin du ive siècle avant J.-C. au Taq-e Kesra au VIe siècle de notre ère, Gullini 1966, Pl. 1, adapté de Fiey 1967, fig. p. 37. Fig. 3. Plan du bâtiment partiellement fouillé de Qela Gowri, Luristan, Hasanpour 2014b, fig. 5. Fig. 4. Bandiyan, localisation des trois bâtiments connus dans le dastgird. a. Bâtiment de culte; b. Tour du silence; c. Résidence(?), Rahbar 2007, fig. 1.

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R. B OU CH AR LAT

Fig. 5. Tracé du Mur de Gurgan, Sauer et al. 2013, fig. 12/2. Fig. 6. Image satellitaire de la ville de Dast-ï Qal'eh, édifiée en arrière du Mur de Gurgan, Sauer et al. 2013, fig. 13/1. Fig. 7. Carte de peuplement des vallées de Lamerd et Mohr. a. Époque achéménide; b. Époque parthe; c. Époque sassanide, Askari Chaverdi / Azamoush 2004, fig. p. 11-12. Fig. 8. Tal-e khandag, enceinte de terre entourée d'un fossé. a. Jarüh; b. Sar Mashad; c. Mohammadabad, Ghasemi 2011, fig. 7, 8 et 15.

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Garavand / Zeinivand 2014

Gariboldi 2009

Ghasemi 2012

Ghirshman 1938 Ghirshman 1956 Ghirshman 1971 Gignoux 1974

Gignoux 2008 Gobi 1976

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Gyselen 2002

Gyselen 2015

Hasan pour 2014a

Hasanpour 2014b

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Hozhabri 2013

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Kaim 2012 Krê.iger 1982 Krê.iger 2005

Krê.iger 2011

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Rahbar 2004

Rahbar 2007

Rahbar 2011

Rahbar 2013

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Andrea GARIBOLDI UNIVERSITÀ DI BOLOGNA

THE GREAT "RESTORATION" OF HUS RA W I

RÉSUMÉ

À la lumière du long débat historiographique sur le sujet, l'auteur analyse la célèbre réforme économique et fiscale menée par Husraw 1er_ Les réformes, nécessaires après la violente répression du mouvement mazdakite, contribuèrent à modifier le paysage rural de l'empire sassanide par l'instauration d'un système de taxation basé sur des taux moyens annuels fixés sur différents types de cultures : blé, orge, riz, raisins, trèfle, palmiers dattiers ou oliviers selon leur nombre. Le roi ordonna aussi de recenser toute personne redevable de la capitation, âgée de vingt à cinquante ans, exclusion faite pour les nobles, les guerriers, les secrétaires royaux et les prêtres zoroastriens. Afin de prévenir tout abus ou injustice éventuels de la part des collecteurs d'impôts, des vérifications fiscales et des inspections rigoureuses furent régulièrement effectuées dans les villages, selon un mécanisme complexe de contrôles croisés. Cette réforme fiscale devait considérablement enrichir la trésorerie royale. Toutefois, étant donné que les sources relatives à ces réformes relèvent presque entièrement de la tradition arabe tardive, qui se fait l'écho de la propagande officielle sassanide, on peut remettre en question le bien-fondé de ces présentations. Mots clés : empire sassanide ; Husraw 1er ; réforme fiscale ; capitation ; économie ; propagande officielle. SUMMARY The author, in the light of the long historiographical debate that characterizes this subject, analyzes the famous economic and fiscal reform carried out by Husraw I. The reforms, which were necessary after the violent suppression of the Mazdakite movement, contributed to modify the rural landscape of the Sasanian empire with the instauration of a new taxation system, based on yearly average rates set on different kind of crops: wheat, barley, rice, grapes, trefoil and date palms or olive trees according to their number. The king also ordered to count the heads of those being liable for the poli tax, except for people from noble families, warriors,

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CAHIER DE STUD/A IRAN/CA

53, 2015, p. 47-84.

A. GA RI B OLD I

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secretaries and Zoroastrian priests; the poli tax was not assessed on those below twenty or above fifty years of age. In order to prevent any abuse or injustice perpetrated by tax collectors, accurate fiscal registrations and close inspections in the villages were periodically done, through a complex mechanism of cross-checks. This tax reform actually brought much money in the royal treasuries. But since sources conceming such reforms are almost pertinent to the later Arab tradition, which absorbed the official Sasanian propaganda, one could reasonably doubt about their real truthfulness.

Keywords: Sasanian empire; Husraw I; fiscal reform; poli tax; economy; official propaganda.

* *

*

Husraw (531-579) is considered as the ideal and "just" king by Islamic literature, 1 and he certainly was one of the main protagonists of Late Antiquity. 2 According to Christensen 1944 famous historical view, Husraw inaugurated the most brilliant period of Sasanian Iran, through a series of important economic, fiscal, administrative, religious and military reforms, whose global effects probably escape to us. So many deeds have been attributed to him, that "it is quite difficult to discem fact from fiction." 3 Zoroastrian texts exalt the polawadën xwadayïh, "the reign of steel" that Husraw introduced to defend the religious orthodoxy, as he kept away the "accursed Mazdak" and sustained a lot of theological councils with the most authoritative Zoroastrian priests of the time. 4 Furthermore, a passage of the Bundahisn, which probably contains an original fragment of the Xwadaynamag, tells that Husraw was much praised because he killed Mazdak, restored the true religion, drove away the enemies and finally made the Iranian kingdom safe. 5 These actually were the main themes of the Sasanian propaganda conceming his long reign. Yet, only secondary sources, in primis Procopius (BP I, 23, 6), tell us that Husraw had to kill his brothers together with many nobles and priests who plotted against him, in order to ascend the throne. 6

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THE GREAT "RESTORATION"

49

In the present paper, which is a review of a former ltalian version elaborated in my doctoral thesis, 7 I will focus, in particular, on Husraw's economic and fiscal reforms. THE ECONOMIC AND SOCIAL REFORMS

In the so-called Letter of Tansar a reflex of the severity of the social and political situation after the Mazdakite revolution may be seized. This text, preserved in the Persian version, was translated into Arabie from the original middle-Persian by Ibn al-Muqaffa' (8 th century). 8 Although the history of the composition of the Letter is complex and controversial, it is however certain that a significant core of the work developed during the reign of Husraw I. Arthur Christensen identified in the following passage, in particular, a reference to the economic and social crisis provoked by the Mazdakites: The veil of modesty and decency was lifted, and a people appeared not enhanced by nobleness or skill or achievement nor possessed of ancestral lands; indifferent to persona! worth and lineage and also to craft and calling; lacking all discretion, ignorant of any trade, fit only to play the part of informers and evil-doers, with uttering lies and calumnies. By these means they gained a livelihood and reached the pinnacle of prosperity and amassed fortunes. The King of kings through his pure intelligence and surpassing excellence caused these four estates, which had fallen away, to be restored, and brought back each to its own place and point of departure. 9 Even though not entering into details, this passage focuses on the respect of tradition and on the preservation of social order, as well as on the submission to the king. Also the reference to lies and slanders is very interesting as it is a quite clear allusion to the Mazdakites' heretical doctrines, according to the typical language of the Zoroastrian clergy.

Gariboldi 2009, p. 155-182. The Letter of Tansar (Boyce 1968) contains the alleged correspondence between Tëisar and Gustiisp, king of Tabaristiin. Numerous issues discussed in the text strongly feel the effect of the Zoroastrian official propaganda; therefore they prove to be interesting in reconstructing the cultural climate at the time of Husraw I, although the work appreciably expresses also the flavour of the translator's age. Boyce 1968, p. 39. See also Christensen 1936, p. 85-86; Christensen 1944, p. 352-353; Pourshariati 2008, p. 86-87.

50

A. GA RI B O L DI

According to the Letter of Tansar, Husraw, in the first place, restored the financial situation of those who had been expropriated by the people, and put everybody back in the relevant social rank, 10 that is to say in the four traditional Sasanian classes represented by the clergy, the army (nobles), the scribes and the farmers / craftsmen and traders. However, the work of Husraw could be defined only improperly as a "restoration"; as a matter of fact, by analyzing other sources rich in particulars, such as TabarI, Eutychius and also FerdowsI, it can be deduced that the reform overall project was deeply structural. 11 The success of the whole reform with its positive (or even negative) effects in longue durée, may well be questioned. Rubin wrote that the Sasanian realm was "too weak to carry the heavy burden of such reforms", 12 and recently Pourshariati has stressed that notwithstanding the centralizing reforms of Husraw, the pattern of a confederacy between the Sasanian monarchy and the Parthian dynastie families did not change. 13 This does not mean, in any case, that we should consider the reform as a failure, as the internai dynamics of the Sasanian monarchy were normally fluctuating and the election of a new king always was a delicate moment, since it depended on the support of different Parthian aristocratie families. 14 These problems were of course more political than economical. But it is unquestionable that Husraw inherited, after the Mazdakite uprising, a critical socioeconomic situation. The reconstruction of the agricultural infrastructures and the villages repopulation were necessary requirements for the accomplishment of the reform, as the farming production was the essential basis for the taxation system. It was important to encourage farmers to gain possession of their lands, so that they could be taxed by means of inspections and periodical checks by fiscal agents, who were often also the actual 10

Il

12

13 14

A similar situation may be envisaged in the fair story of Husraw and his page, see Azamouche 2013, p. 38 (Husraw ï Kawiidëm 4-5; 17). The good reputation of Husraw's reform has survived the invasion of the Arabs who would have adopted, at least for a certain period of time, the same measures. A passage by Wigram, seems curious to me; he wrote that Husraw's reforms were still in use in the East under the Ottoman Empire except, for the fact that also the Christians were compelled to do the military service while, in the time ofHusraw, they used to pay an additional tax because they were exempted from this duty (Wigram 1910, p. 190): "We cannot deny him (Husraw) the merit of supreme insight into the needs of his people when we remember that the system of taxation that he devised exists in those lands to this day (sic!)." Rubin 2004, p. 250-251. Pourshariati 2008, p. 82-94. Gariboldi 2011, p. 61-62.

THE GREAT "RESTORATION"

51

owners of farms. 15 The endemic issue of the abandon of smaller villages by peasants, due to the dehqâns' fiscal oppression and corruption, is attested starting from the reign of Walkas (484-488). 16 The Mazdakite insurrection that played on this social discontent, drove Husraw to seriously take into consideration the issue of the country exploitation. 17 Indeed, for the king, at least theoretically, it was safer to rely on a middle-class of small landowners doing their military service, as well as on taxes collection so as not to depend entirely on the noble landowners, 18 that had proven pretentious and treacherous towards the monarchy. Husraw, in fact, had seriously run the risk to be eliminated through a plot hatched by the Sasanian aristocracy (wuzurgân), on the occasion ofKawad's death. 19 According to Pigulevskaja, 20 15

16 17 18

19

20

Christensen 1944, p. 364-366. Tabarï 883. Pigulevskaja 1937, p. 145-146. Almost ail the scholars that have dealt with Husraw's reforms agree on this point: Wiesehiifer 2009, p. 406; Wiesehofer 2001, p. 189; Rubin 1995, p. 228-230; Altheim / Stiehl 1954, p. 131-133; Christensen 1944, p. 365; Pigulevskaja 1963, p. 210-211; Pigulevskaja 1937, p. 144. An useful ltalian translation from Russian of the seminal article by Pigulevskaja on Husraw's reforms, can be found in: Ognibene / Gariboldi 2004, p. 69-81. See, in particular, p. 70: "In any case, measures taken did not restore the old nobility scarcely subordinate to the siih; rather they created a new social class (cnolf, "stratum") that directly depended on the siih oflran. Husraw physically helped these new classes but required that they stayed at court; afterwards he assigned them specific tasks and they became his own officers." Nina Pigulevskaja (1894-1970) represents the most brilliant scholar in the panorama of the ancient economic research in the Soviet Union, especially as far as the Partho-Sasanian period and the relations between Ëriin and Byzantium are concemed. According to Pigulevskaja, the Mazdakite movement played an essential role in the formation of Eastern feudalism (i.e. in the passage from the slave to the feudal "mode of production," according to the Marxist historiography). The attempt of farmers to escape from the subservience of the territorial lords would have ended up in a slaughter, causing the overthrowing of the old military aristocracy and the crisis of the high Zoroastrian clergy. The feudal economy in Mesopotamia and Iran would have been characterized also by some legal forms of land possession, such as long-term tenancy, and by the devotion of direct producers to cultivated land. The tax reform, wanted by Kawiid with the introduction of the land register and completed by Husraw, according to the Roman-Syriac mode!, would have been a direct consequence of the Mazdakite movement and would have favoured a new class of middle land-owners, but direct producers would have not benefited in any way from the reform (Ognibene / Gariboldi 2004, p. 17-29). Bonn 2007, p. 112-118; Gariboldi 2009, p. 110-114; Wiesehofer 2009. Pigulevskaja 1937, p. 143; Stein 1920, p. 54-57, strongly emphasized the role ofmilitary offices, in particular the ones of spiihbed (general), artestiiriin siiliir (head of warriors),

A. GARIBOLDI

52

after the reform, also the posit10n of the clergy and the power of the mowbedân mowbed would have been downsized in favour of administrative and military officers, subordinate to the king. The army was to be financed with the money gathered through efficient land taxes collection. Therefore agriculture had to be enhanced and the government had to invest more energies on good functioning of economy. In Islamic sources the awareness of this system is strongly emphasized and there is no reason to doubt that it actually was a central topic in Husraw's propaganda. Rubin highlighted that the reform has been usually discussed from the fiscal and military points of view. 21 He also stressed that taxes collection was not aimed, perse, to fill the coffers of the treasury; rather it aimed mainly at an overall enhancement of the economic activity. Only Michael Richard Jackson Bonner has recently argued that: "Khusraw's innovations seem to have had nothing to do with the redevelopment or encouragement of agriculture", 22 but this odd statement is contradicted in primis by Tabarî (897), and by the fact that Sasanian economy was mainly based on agriculture (as any ancient economy ). Mas'üdI, for instance, duly summarizes the spirit of the reform in one of his numerous sententiae attributed to Husraw: The kingdom relies on the army, and the army on money; and money on the land taxes (barâg), and the land taxes on farming (imâra ), and farming on justice (' ad[), and justice on rectitude and integrity of officers; officers' integrity is based on the loyalty of the king's ministers; but the king's supervision on his own affairs as well as his ability in managing them underlies the whole system, so that the king controls his ministers and not the contrary. 23 This maxim has a long-lasting validity, but is very difficult to apply. 24 Also Ferdowsî insists on the importance of agriculture and on the prosperity

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22

23 24

wuzurg framadar (high officer) and argbed (head of the citadel). Moreover Stein proposed a parallelism that, in my opinion, is quite risky, between the mode) of the administrative and military Sasanian quadripartition of the 6 th century and the Byzantine thema of the th century. Rubin 1995, p. 256-258. See: Altheim / Stiehl 1954, p. 34-50; p. 131-142; Altheim / Stiehl 1957, p. 35-53; Stein 1920, p. 82-87. Jackson Bonner 2011, p. 76. Of totally different opinion Rubin 1995, p. 256-257. Restorations of agrarian infrastructures are clearly mentioned both by Eutychius (infra) and Tabarî 897 (Bosworth 1999, p. 157). Mas'üdî, Murüg, p. 236 (§ 631 ). Wiesehofer 2001, p. 191.

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achieved by the empire thanks to the equity of Husraw's reforms. Two essential points were the need not to leave land uncultivated and, at the same time, the obligation to compensate farmers in the case of crop or seeds loss. The general principle of the reform, as it clearly appears from written sources, provides for justice to be the necessary condition of economic prosperity, essential for the taxation mechanism that, in its tum, becomes useful for financing the army and preserving safety. These ideas, developed by the Sasanian political propaganda, are repeated in numerous examples and remarks also in the Nihayat al-'arab fi 'abbar al-Furs wa-l 'Arab, 25 "The apogee of the Arabs in the histories of Persia and Arabia", in the Karnamag ï Anüserwan, "The book of Anüserwan's deeds", and in the Kitab al-tagfi sïrat Anüserwan, "The book of the Crown, which treats of the life of Anüserwan." These texts were translated into Arabie from original Pahlavi documents to which Grignaschi has rightly given great importance. 26 However the analogy between these stories and the tradition collected by Tabarï, Mas'üdï and Ferdowsï, witnesses, on the whole, the reliability of all the texts that would derive (directly or indirectly) from the original Xwadaynamag, translated for the first time into Arabie by Ibn al-Muqaffa'. 27 I deem it useful to summarize the history of the studies on Husraw's reform, characterized by a fervent debate, aimed at proving the greater reliability of some Arabie sources as against the others. In the past, almost all the scholars have concentrated on some chapters by Tabarï (960-963), where the author provides the most detailed report on the tax reform. 28 Two other Islamic writers of the 9th century, Ya'qübï (186) and Dïnawarï (72-73), present a sort of summary of Tabarï, where some slight differences may be found as against the version they have in common. Furthermore the concise narration offered by Dïnawarï seems to be very similar to the Nihayat, even though one focuses mainly on fiscal aspects and the other on the administrative 25

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26

See Grignaschi 1966, p. 1-11, with translation and notes in French of the Kârnâmag (ibid., p. 16-45) and the Kitâb al-tâg (ibid., p. 129-135); Grignaschi 1971, p. 88, p. 9597. The Italian scholar has meritoriously published and commented the Arabie text of the Kârnâmag of Husraw and the Nihâyat, up to then not easily available, in the appendix to his article. See also Grignaschi I 973-1974.

27

Rubin 1995, p. 260-266. Christensen 1907, p. 56-59; Christensen 1944, p. 359-367; Pigulevskaja 1937; L0kkegaard 1950, p. 109-110; p. 117-120; Altheim / Stiehl 1954; Lukonin 1983, p. 746; Gyselen 2001. The Belgian scholar outlines a wide overview of sources, focusing on the sigillographie evidence; Rubin 1995; Wiesehiifer 2001, p. 189-191.

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ones, as well as on the assembly called by Husraw to define the reform. 29 The story by Tabarî roughly agrees also with the epic narration by Ferdowsî. Therefore Noldeke reached the conclusion that, at the base of everything, there was the Xwadiiy-niimag, "The book of kings" of the royal Sasanian archives, summarised and interpolated into different versions through centuries, indeed a very precious and reliable source (starting from Agathias). 30 This theory was partially embraced also by Christensen, who meticulously identified in Tabarî some different tradition lines, always expressing the point of view of the Zoroastrian nobility and clergy but in any case interdependent one from the other. 31 According to Christensen, all the sources that show Kawad as a king willing to carry out reforms and take care of his subjects would derive from a Pahlavi original text, present in the version of the Xwadiiy-niimag, drawn up in the age of Husraw I. Thus an interesting and suggestive hypothesis originated: according to it, the fiscal reform was undertaken by Kawad for a sincere feeling of humanity, based on Mazdak's suggestions as well as owing to an evident practical need. 32 Patricia Crone has doubted that farmers' famine and poverty, often denounced by the Islamic sources and by Ferdowsî at the time of Kawad, are to be related with the Mazdakite revolution. 33 Yet some Islamic authors, tell 29

For a general comment on Dïnawarï's text, see Jackson Bonner 2011, p. 29-33 (passim). The relation between Dïnawarï and the Nihiïyat had already been noted by Christensen 1925, p. 43; Grignaschi 1971, p. 96 has studied in depth the literary derivations of the Arabie texts and has reached the conclusion that Dïnawarï paraphrased the Nihiïyat, also hypothesizing that maybe he had an older version than the one we came to know. Said texts would be based, as the version by Tabarï, on the lost Xwaday-namag, but this issue remains object of speculations.

30

Noldeke 1879, p. 241-247.

31

Christensen 1925, p. 22-25.

32

Christensen 1925, p. 43, p. 106-108.

33

Crone 1991, p. 33-34, "The relationship between famines and revolts is in any case contentious. It is considerably more tempting to link Mazdak's rebellion with the cadastral survey initiated by Kawad." The scholar brings forward the hypothesis, soon rejected by Rubin 1995, p. 230, that the Mazdakite revolution was provoked by the fiscal reforms of Kawad and Husraw, not keeping into account two important factors: in the first place, the Islamic tradition is essentially favourable to the reform, while, in the Nihiïyat, a sort of disagreement is expressed, probably stemming from the fact that the muqasamat principle, repealed by Husraw, that is to say the land tax as crop division, was re-introduced in the Islamic age (Grignaschi 1971, p. 1 13-115); in the second place, Husraw's reform took quite long time to function "a pieno regime," as it is stated in the Karnamag; thus it seems impossible that the reform had caused such a widespread insurrection as the Mazdakite one, starting from the first years ofHusraw's reign. If, as it

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the story that Kawad, while travelling in the countryside, would have seen a woman prevent her little child from picking a bunch of grapes from a grapevine in their yard, as the king had still not taken his share of the crop. 34 In the version by Ia'alibî this story introduces the appearance of Mazdak and explains the sudden decision of Kawad to repeal land taxes. In Ferdowsî the anecdote is absent, but ail the same we can find a clear connection between the fiscal reform and Mazdak's preaching; the Persian poet writes that while the previous sovereigns used to collect one third or one fourth of the crop, Kawad only claimed one tenth and, should he have had enough time, he would have probably further reduced the land taxas he even wished the poor to be like the rich. This is the preamble to Husraw's reform in Ferdowsî, which, both in Tabarî, 35 and in Mas'üdî, 36 is similarly preceded by a cadastral survey initiated by Kawad. Therefore it is reasonable to think that ail these authors depend on a unique original Pahlavi text, as re-affirmed by Rubin, in dispute with Grignaschi, after a careful exegesis (or re-exegesis) of written sources. 37 The problem of the historical assessment of the Islamic sources came once again to the fore thanks to Mario Grignaschi ( 1966 and 1971 ), who studied in depth the Nihayat, and published, as I mentioned, an alleged "autobiography of Husraw," the Sïrat Anüserwiin, included in the Tagiirib al-'umam by Ibn Miskawayh (the manuscript is preserved in the Koprülü Codex 1608 at Istanbul). Grignaschi immediately attributed a huge importance to this text, 38 which accounts for a precious abstract of the king's autobio-

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35 36 37

38

has been proposed in recent studies (Gariboldi 2009, p. 85-182; Wiesehofer 2009, p. 402406), Mazdak's revoit may have broken out, reasonably, on the occasion of Husraw's election to the throne - and as far as this point is concemed I agree with Crone however the reform seems to me a definitely positive event that may not have caused the Mazdakite insurrection neither from a temporal point ofview, nor for its contents. References in Christensen 1925, p. 74 (Bal'amï 148; Ia'iilibï 595); Rubin 1995, p. 250; Wiesehofer 2001, p. 176-177. According to Pigulevskaja 1937, p. 145, the anecdote of Kawiid and the mother would denounce the alarming situation for farmers before the Mazdakite revoit. Tabarï960. Mas'üdï, Tanbïh, p. 62 and p. 145-146. Rubin 1995, p. 264: "The picture that emerges is much more in line with the 'orthodox' view outlined by Noldeke. Our information conceming the reform in ail the sources so far analysed is ultimately derived from one common Sasanian tradition, which may be conveniently referred to as the Xwadiiy-niimag tradition." Grignaschi 1966, p. 7: "le texte le plus important de l'historiographie sassanide qui nous ait été conservé." This text, as a whole, would show that the Sasanian empire was

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graphy, written in the first person, including also the king's res gestae (Kiirniimag). According to the ltalian scholar, the Sïrat would have originally been gathered by an Arab chronicler of the 7th century, on the basis of Persian documents coming from the famous "royal archives" (~acrtÀtKai 8tcp0Épat), which also Agathias and Theophylact Simocatta refer to. However the Sïrat would unexpectedly give us a different point of view about the reform, as against the tradition reported by Tabarï and confirmed by many authors. In fact, "the Sïrat neither mentions the abolition of the muqiisamat ( üL.u..tl.., "fraction / rate") that, according to the Xwadiiy-niimag, would have been the essential novelty of Anüserwiin's reform, nor a deep change of the ancient kariiga [... ]. Finally, the Sïrat, as a rule quite exhaustive in its information, does not even indicate if, for the land tax, the new system had introduced different rates for different crops and which were the relevant rates; this point is dealt with in detail in the Xwadiiy-niimag. " 39 Grignaschi concentrated his attention, in particular, on a peculiar expression used in the Sïrat, that is to say al-ta'dïl wa al-muqiita'a, "rectify (taxes) and establish a fixed rent," 40 but it is appropriate, for completeness sake, to indicate the translation of the whole IV episode of the Sïrat, placed at the beginning of Husraw's reign: I personally decided to examine the issues of my subjects and to protect them from misfortunes and injustices, and to relieve the taxes (c::: 1yï,,., bariig) that oppressed them. I understood, among other things, that this would have given me the chance to bring glory to the empire and that enriching them allowed the sovereign, in case of need, to ask what was necessary. Sorne of my predecessors thought that the remission of the land tax for one of two years, or some tax relieves granted from time to time proved to be useful in helping villagers cultivate the land. For this reason I have gathered the governors ('ummii/) 41 and those who paid the tax (man yu'dï-1bariig), and, due to their confusion, I understood that there was no remedy except the one of applying fair taxes and setting the rent

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40 41

strongly centralized and relied on a specialized bureaucracy; therefore it was the ideal mode! also for the Arab caliphate. Grignaschi 1971, p. 96-97. Grignaschi 1971, p. 88. They are people in charge of tax collectors, altematively named by the Arabie text also 'iimil. According to Widengren 1956, p. 123, these officers were called, in middlePersian, kardiiriin.

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(al-ta'dfl wa al-muqata'a) for every province (balad), for every region (kürah), for every canton (rustaq), for every village (qaryah) and for every single man. 42 I appointed people I fully trusted (amïn), 43 worthy of holding their offices, and placed in every village some inspectors (umana ') with governors (' ami!) in charge of watching over them, 44 and I assigned the judge of each region (qaçlï kulli küratin) the supervision of the inhabitants of his zone. I told those who paid taxes to submit any complaints to the judges in charge of supervising the district affairs, so that inspectors could not ask more than what was due. Moreover, I ordered that they should pay taxes in the presence of the judge and that the receipt should be issued through the judge mediation. I established that the land tax should not be collected from the dead ones, 45 and from young people who had not still reached the age to pay (the poll tax). 46 Finally, I ordered that judges, regional scribes (katib alkürah ), 47 worthy representatives of the inhabitants ( 'amïn ah! albalad) of villages and governors 'ami!), should submit their accounts to our treasury office (dïwan). 48 Letters including these orders were sent throughout the provinces. 49

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This passage may be useful also for reconstructing the administrative divisions of the Sasanian Empire. Grignaschi 1966, p. 32, proposes the following equivalence between the Arabie and Pahlavi words: balad = sahr; kürah = ostëin; rustëiq = rostëig; qëiryah = dëh. The corresponding middle-Persian word could be awestwëir, "trustworthy." See Tafazzoli 2000, p. 33, note 88. Grignaschi 1966, p. 33, note 16, writes that the role played by these govemors appointed by Husraw, was similar, in some way, to the task of Justinian's defensor civitatis. Likely it means that Husraw did not collect the tax for the year the de cuius died in. Such provision probably contributed to relieving the villages' collective liability. Grignaschi 1966, p. 33, note 19, and Grignaschi 1971, p. 96-99, affirms that the Arab-Sasanian fiscal system entailed also the collective Iiability of farmers, according to a similar Hellenistic tradition called ÙÀÀTJÀ.Éyyuov, "mutual agreement/contract of guarantee." Tabarî 962 and Dînawarî 72, specify that the capitatio was not collected from those who were younger than twenty or older than fifty. These officers were called in Pahlavi, sahr-dibfrs; they recorded the taxes in the provinces. See Tafazzoli 2000, p. 32-33. Gyselen 2003, p. 124-125, has published a Sasanian seal with the legend muhr ï dïwëin, "seal of the dïwëin." These treasury offices could probably also issue coins. There are three mint-marks variants: DYWAN, DYWAS and DYWAT, engraved on Kawad's coins ofhis second reign, between year 33 and 35 (521-523). See Schindel 2004, p. 135;

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The expression al-ta'dïl wa al-muqata'a would indicate that Husraw had adopted a standard taxation regardless of land units measured (garïb ), regardless of the crop cultivated, according to a system similar to the one the Arabs used to call ,.fa.J'il übt........ ~ c:::l.ft, barag 'a/a misa/:zat al- 'arçl. 50 The muqata' a taxation would exclude, in principle, any reduction of taxes as a consequence of damages to the crop owing to unexpected events. 51 Therefore, the instructions included in the Book of Kings concerning taxes, indicated as taxes to be paid according to units of land and depending on the crop-type, said barag 'a/a misal:zat al-zur' i, would be misleading. In fact, according to Grignaschi, "the narration of the Xwaday-namag has proven to be an p. 477. The exact location of the royal treasuries is unknown; however, I think that it is not a case if these data corne from the second reign of this reformer king. 49

Grignaschi 1966, p. 17-18.

50

Grignaschi 1971, p. 89-90. It should be kept in mind that these Arabie words appear in texts with different meanings to be carefully interpreted every time.

51

As far as the Arabie tax terminology is concemed, refer to L0kkegaard 1950, p. 108-143; Dennet 1950, p. 14-42. During the Islamic period, three methods of collecting the land tax may be essentially identified (!Jariig): 1) !Jariig 'alii misii}:zat al-'arçl. It was a tax based on the extension (misii}:zat) of the agricultural surface, which was divided into production units; it was applied on lands actually cultivated, by keeping into due consideration also their temporary conditions (for instance whether they were irrigated or not and by which means - natural or artificial); charges for goods transport were taken into account, as well. The real amount of the crop was not significant for the tax calculation. According to L0kkegaard 1950, p. 116-119, Husraw's reform would have introduced a mode) of misii}:zat, afterwards imitated, for a certain period of time, also by the Arabs (ibid., p. 119): "In the context dealing with the tax reform of Kawiid and Anüserwiin in Tabarï we are told that the misii}:zah introduced then was imitated by 'Umar." 2) !Jariig 'alii muqiisamat al-'arçl (U:,,_;')\ wl....1.i. _,..le. cly,,.). It is to be intended as a tax based on a variable share or repartition (muqiisamat) of the products and was collected in kind by public inspectors who had to quantify the crop. However, in this way, there was the risk of the produce deterioration due to bureaucratie slowness of such controls. This system was easily applicable on lands cultivated with wheat or cereals but entailed a strong risk of Joss for farmers, in the case that lands produced fresh fruits or vegetables. The famous anecdote of Kawiid and the mother can be explained exactly as a denunciation ofthis unlucky but recurrent possibility. 3) muqiita'a. It was a fixed share, to be paid in cash, without keeping into account the extension of the cultivated area and the eventual natural disasters, but only by calculating the hypothetical overall yield of the land. This system applied, as a rule, only to large estates did not obviously propel neither productivity nor the implementation of agricultural improvements; however, it ensured the govemment a stable income. See Cristoforetti 2003, p. 14-30.

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invention of the leamed scholars" of the Umayyad age, and thus, he said: "la portata delle riforme di Husraw rimane avvolta nelle tenebre (the capacity of Husraw's reforms is still hidden in darkness)." 52 The consequences of this statement were of course serious: it was necessary to diminish not only the reform but also Husraw as ideal sovereign; furthermore, always keeping into consideration the "evidence" of the Sïrat, it seemed essential to deprive of credibility the historiographical tradition of Tabarï, when he discusses the reform. The genuine Arabie version of the Xwadii,y-nëlmag by Ibn al-Muqaffa', would have been preserved only in the versions collected by Ibn Qutayba in the Kitëib alma' ëirif, in the history by Eutychius who, however, does not mention exactly the fiscal reform but only some social and economic measures undertaken by Husraw, after the massacre of the Mazdakites, and also in the anonymous manuscript Sprenger 30, which corresponds to one of the two historiographie lines present in Tabarï and already identified by Noldeke. ln a few words, on the basis of the divergence between the Sïrat and Tabarï, all the stories handed down by different lslamic authors on Husraw's fiscal reform, would be without any solid historical ground. Nevertheless, such point of view has tumed out to be wrong. 53 lt is curious to note that Rubin strongly commits himself to confuting Grignaschi's theory, as it would lead to discredit several Arabie sources as well as of a century of scholarly research, without being aware of the fact that, meanwhile, Grignaschi had partially changed his mind. 54 To sum up, Grignaschi finally admitted that the Nihëiyat is not an independent source as against the history by Tabarï, 55 but only a subsequent version, suggested by the desire to make the narration more realistic and dramatic, and to compare the reforms attributed to Husraw with the rules of the lslamic tributary law. Moreover, also the historical value of the Sïrat seemed to him lessened. 56 Besicles, since the beginning Grignaschi was hesitant as to his interpretation of the reform, while he had definitely been more certain as to what it 52 53 54

55 56

Grignaschi 1971, p. 118-119. Rubin 1995, p. 237-239; p. 266-268; p. 277-279 and passim. Grignaschi 1979, p. 247-248: "tant qu'on n'a pas reconnu les rapports de filiation entre les différentes sources, des erreurs d'interprétation sont inévitables et c'est pour cette raison que nous avons commencé par une autocritique à propos des rapports entre alTabari et la Nihayat dans le chapitre sur le réforme du barâg à l'époque de Husraw." Grignaschi 1971, p. 119. Grignaschi 1979, p. 237-238; p. 242-243. I share the assertion of Jackson Bonner 2011, p. 43: "Ali Arabie and Persian sources for Sasanian Iran seem tendentious."

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actually was not. As a matter of fact, the scholar appeared to be very doubtful, by writing that "if we prefer to attribute to ta' dïl the meaning of a division of charges, Husraw would be the creator of a system similar to the bariig 'alii misiifiat al-zur' i, and we could admit that the story of the Xwadiiy-niimag, even if in a legendary form, contains true historical elements and integrates, in some way, the sparing information of the Sïrat." 57 These two Arabie texts may be considered complementary and both stem from sources that date back to the Sasanian period. 58 Therefore, I agree with Rubin in considering that Grignaschi overemphasised the importance of the Sïrat. This work does not include the fiscal details of the reform, mentioned by Tabarï, and the interest of the writer seems to be strongly concentrated on the stratagems adopted by Husraw to prevent abuses by villages' collectors, through a complex mechanism of cross-checks between govemors in charge of taxes collection and regional judges. In any case, this system is also illustrated in other sources and the words used in the Sïrat maybe are not always to be intended as technical terms faithfully translated from Pahlavi. The role of judges, for instance, in Ferdowsï is bestowed on the mowbeds, 59 whom, we know from primary sources,60 were assigned wide powers as to 57

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60

Grignaschi 1971, p. 97. Jackson Bonner 2011, p. 19-46. Ferdowsï VI, p. 167-169, v. 85-95, reports that land taxes, collected every four months, were paid to the king's dïwiin. Ali taxes were calculated on three registers; one was kept by the treasurer, the second was forwarded to the managers and the provincial heads and the third was kept under control by the high mowbed, who had to ensure that taxes were collected with justice by the whole hierarchy of bureaucrats. Moreover the mowbed could resort to inspection agents spread ail over the provinces. The content of the story does not differ so much from the Nihiiyat (Rubin 1995, p. 243-248; for the Arabie text, see Grignaschi 1971, p. 134-137), where three copies of the fiscal registers are forwarded to the treasury dïwiin, to regional judges and to frontiers judges. This last detail diverges from the other versions but is not at ail improbable. In Tabarï 963, a copy of the register is kept at the treasury office, another one is forwarded to tax collectors ('ummiil albariig), and a third copy to the regional judge (quçliit al-kuwar), who could be a mowbed. Rubin 1995, p. 253-256, underlines the general uniformity ofthese literary sources. In MHD A26, 11-17, the mowbediin besides playing the role of judges, could also hold some offices in collecting taxes and in controlling the estates belonging to the Zoroastrian church. Macuch 1981, p. 15, p. 50-51; p. 189-190. Asto the magi's persona! seals refer to: Gyselen 1989, p. 12, p. 43-44 and passim; Gyselen 1995, p. 123-124; Gyselen 2002, p. 68-69; p. 117; on the administrative functions of the magi, see Shaked 1990. Agathias (II, 26, 5) writes that, at his time, the Persians had high regard and reverence for the magi; moreover he witnesses that they were entrusted with the management of public issues, such as lawsuits and processes. As a matter of fact, nothing

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civil and religious matters. The writer of the Sïrat may have interpreted the general sense of the original Pahlavi version, but was not interested in rendering it so exactly. The narration mainly focuses on the sovereign' s justice and it can be deduced that this was an aspect strongly appreciated also by Islamic scholars. However, we should note that in the VII episode of the Karnamag the mowbed are assigned by the king the task of the local control over tributes collection, 61 and the mowbedan mowbed is charged with personally visiting villages and gathering possible problems or any complaint by taxpayers. The particular relationship that linked the ordinary civil administration with the clerical one, as well as the extraordinary presence of Zoroastrian priests over the whole territory of the empire, is abundantly confirmed also by Sasanian seals. A "magi's office" (mp. mgwh) was located in the smallest areas of every province (sahr), region and canton (rostag and tasog), and some seals of the mowbed employed in the provincial administration are also known. 62 Further evidence of specific fonctions of control within the administrative and financial fields, granted to mowbedan on the occasion of the reforms carried out by Kawad and Husraw, can be found in MHD 93, 4-9, which reports that Kawad, son of Përôz, conferred official seals to the mowbed and to a civil finance officer, called amargar, 63 while Husraw

61 62 63

could be considered legal or just "if it was not ratified by a magus." Another primary evidence of the unchallengeable role played by the magi is MHD A27, 4-5: "As far as the mowbediin mowbed is concemed: everything subject to any doubt/verification, when said by another persan, is considered reliable if pronounced by the mowbediin mowbed." Grignaschi 1966, p. 20-21. Gyselen 2002, p. 61-68, transcribes the office name as maguh. The iimiirgar (mp. 'm'lkly; pa. 'hmrkr) was a tax collector and accountant (Christensen 1944, p. 123; p. 524-525; according to Ya'qübï, Tiirfb 202, in the end of the Sasanian reign there even was an ëriin-iimiirgar). The word iimiirgar derives from the Old-Persian *hamiira-kara-, and means "the one who makes accounts;" we find this office in the Parthian period (81 BC) at Nisa (Chaumont 1985, p. 925-926). On the basis of the numerous Sasanian seals belonging to these officers (Gyselen 1989, p. 19-20; p. 35-37), we know that they could have been at the head of cities, of entire provinces and also of several provinces at the same time. One of the peculiar features of the iimiirgar's administration is that the area under his contrai could vary remarkably (Gyselen 2002, p. 110-113); his tasks ranged from the assessment and collection of land taxes, maybe also other kinds of taxes (Lukonin 1983, p. 726; p. 733-734), to specific functions dealing with the supervision of the crown properties; in particular, MHD A27, 13 - A28, 5 (Macuch 1981, p. 190-191; Perikhanian 1997, p. 296-297), determines some abilities of this officer such as the definition and estimate of prices of products and estates to be acquired or requisitioned by the govemment, also in the case of pledges. Moreover the

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established some seals also for the figure of the judge (dâdwar) and, in particular, reference is made to the creation of a special "court for the defence of the poor" (driyosân-jâdaggow ud dâdwar) in the Fars region. The greatness of the reform widens remarkably since this special court is testified by seals that mention sixteen different administrative areas scattered over the empire. 64 It may be reasonably assumed that the "judge and advocate of the poor" that chaired the provincial court, according to the middle-Persian denomination, actually corresponds to the quçl,ât al-kuwar, frequently mentioned by Islamic sources, with reference to Husraw's reform. The usual description of the regional judge fonctions, as the main person in charge of controlling the collectors' work and as the appointed recipient of complaints by land tax-payers, agrees with the definition of the "judge of the poor" as, realistically, this was the category mostly oppressed by the fiscal system in the Sasanian kingdom. 65 Probably, this judge also had responsibilities as to the financial supervision of the pious foundations aimed at "preserving the soul" (pad ruwân dâstan), where some taxes and charges (harg ud bâr) were in any case demanded to those who worked there. 66 In the MHD 78, 2-6, we iimiirgar calculated any possible damages to royal estates, established fines for offenders and dealt with debts collection. From the MHD text it may be deduced that functions similar to those of the iimiirgar were carried out by the rad (spiritual chief), on the estates belonging to the Zoroastrian church. The iimiir-dibïr, the "finances secretary" is also mentioned in the Narseh's inscription (NPi § 32), together with satraps and other high officers who were present when the monument was erected. An iimiirgar of the

province of Âdurbadagan, named Barznis, has left some short Pahlavi inscriptions along the Darband fortifications in Armenia, on the occasion ofhis stays in the time ofHusraw I (Chaumont 1985, p. 925; Gignoux 1986, n. 191; Mahamedi 2004, p. 151-152). Finally, an iimiirgar is mentioned in the documents of the synod of Mar Abba (544), during a trial conducted by civil and clerical judges, against a high representative of the Nestorian church named Abraham, who was charged with heresy and reproachful behaviour (Chabot 1902, p. 328-329). 64

65

66

Gyselen 1989, p. 31-33; Daryaee 2003a, p. 199-200. Shaked 1975, p. 213-216, deemed that being appointed as "judge of the poor" was simply a honorary title and not a real office; however he has been contradicted by primary evidence. An exhortation to pay taxes addressed to the "poor people" (mp. skohiin), is present in DkM 553. 17-19: harg ud bar az skohiin bë barisn bë ëdon barisn ku ërïh ud dahibedïh bë në kiihëd, "taxes and services shall be bear by the poor, so that Iranianness and sovereignty do not decrease" (Shaked 1979, p. 144; Macuch 1993, p. 259). MHD 34, 2; 40, 5-13. See Macuch 1993, p. 259; p. 296-297; Macuch 2004, p. 190-193. Asto the derivation of the Arabie term e:::I~ bariig, from the middle-Persian hariig and from the Aramaic halkii (logogram HLK'), in the sense of "tribute, tax, service," see Henning 1935, p. 291-293; also refer to Klima 1957, p. 49-50, note 39, where the Greek

THE GREAT "RESTORATION"

63

can find other precious details on the reform, with reference to the role of judges: At the time of that lord Husraw, son of Kawad (abar oy bay Husraw ï Kawadan), 67 a decree has been issued: according to the decision of the spiritual chiefs (radan) and of other ministers, in the province of Ardasïr-xwarrah there will be four judges, at the most, for every region (rotastag), and not more than four scribes (dibïran) will be employed; the documents related to the collection (of taxes?) as well as the records of interrogations shall be prepared again during the trial assembly, by interrogating eye-witnesses and citizens (casmagan ud sahrïgan); these documents shall be reexamined and closed with the seal (muhr) of eye-witnesses and of citizens who appeared in court. 68 The decree sets down the obligation for judges, also in charge of collecting taxes, to hear citizens at court, who have witnessed injustices committed, we can assume, also by tax assessors themselves (' ami/), according to the most detailed story of the Sïra; the VIII episode, 69 in fact, reports that not only the trustworthy village representatives (amïn) shall corne up before the judges to submit local situations and needs, but it is also necessary that rural inhabitants were interrogated to directly denounce possible misappropriations by tax collectors: We were reported that tax assessors (umana') did not operate as we expected. Therefore, I decided that letters should be sent to the judges of each single region (qaçlï küratin wa-küratin), that inhabitants should be gathered, without asses sors ('ami/) being xop11yiu, the Armenian hark, the Akkadian ilku and the Assyrian alâku are discussed. In Old-Persian we find the expression bâjim bar-, "pay the tribute" (DPe 1.9). The original sense of bâji- was that of "part, portion, charge." The tax collector in Old-Persian is the *bâjikâra-. In Parthian we have bâi and in mp. bâj (MacKenzie 1971, p. 16); for instance, in Sabuhr's great inscription (SKZ 11. 3-4), the king declares to have submitted many lands and sovereigns "to the tribute and to servitude" (pa. pad bâi ud bandagif). In the Greek version of the inscription, the equivalent of bâi/bâj, is correctly rendered as cp6poç, "tri bute." 67

It seems to me interesting to remark here the use of the title bay "lord," attributed to Husraw in anteposition. See Panaino 2009, p. 214; Macuch 1993, p. 517; p. 520; p. 524.

68

Perikhanian 1997, p. 190-191. Rubin 1995, p. 272-275, advances the hypothesis that also some judges were corrupted as well, at one with tax collectors; for this reason Husraw would have demanded that also witnesses, coming from the villages, were heard about.

69

64

A. GARIBOLDI

informed, and that they should be questioned as to their complaints and as to what had been extorted to them. The judges had to conduct the enquiry on pain of death and had to do their duty in the best way, by recording everything and putting their own seals on letters as well as the seals proving the satisfaction of the inhabitants of every region. Afterwards the letters had to be transmitted to us." 70 These sources let leak out the remarkable difficulties arisen during the implementation of the reform that, in any case, brought to a double fiscal income, at least according to the Nihayat. 71 However the problems linked to the excessive exploitation of farmers by the nobles and the dehqans started again under the reign of Ohrmazd IV (579-590), who tried to oppose the renewed power of land aristocracy. 72 But we do not have any concrete element to maintain, just like Patricia Crone, 73 that the reform had worsened the situation and that it actually provoked the Mazdakite upset. An increased productivity as well as the improvement of agricultural infrastructures, in addition to the attempt to contrast corruption and the unfair avidity of tax collectors, certainly brought more money into treasury, without necessarily making worse the farmers situation. Since the introduction of the fiscal reform by Kawad, who made lands measurement compulsory and set a tax of two dirham for each garïb, farmers could make use of their crop, while formerly they were compelled to wait that the "part of the king" was withdrawn. By continuing his father reform, Husraw would have collected, already in the first year of reign (531/532), the remarkable income of 150 million dirham, probably coming only from taxes on the Sawad (the province of Babylon). Thanks to this fiscal system, Husraw II, in his eighteenth year

70 71

72

73

Grignaschi 1966, p. 21-22. Rubin 1995, p. 257; p. 292-293; Grignaschi 1971, p. 137. The anonymous author of the Nihiiyat assumes an apologetic tone towards the retum of the muqiisamat. This would be an important clue in arguing that the work was written after the retum to the old taxation system, which took place under al-Mahdï (775-785). Said hypothesis could explain why the Nihiiyat has a negative attitude conceming Husraw's reform, even though it contains the same details we find in Tabarï. Tabarï 988-989; Pigulevskaja 1937, p. 144; Rubin 1995, p. 293; Pourshariati 2008, p. 97, p. 118-120. Crone 1991, p. 33-34.

THE GREAT "RESTORATION"

65

of reign (607/608), succeeded in withdrawing the huge sum of 600 million dirham. 74 Measures taken by Husraw to develop economy and to restore nobles that had been deprived of their goods by the Mazdakites, are also described by Eutychius: 75 Husraw then chased away from his reign the chiefs of the Mazdakites and gave back to the legitimate owners the goods they had been extorted by force; those who did not have heirs were confiscated wealth so as to repair damages and reconstruct what had been ruined. If someone had been extorted either the house or the fields by force, after examining the issue, he gave them back; if someone had taken a woman by force, he brought her away and ordered, in the same time, that she should be paid twice the dowry unless the man belonged to the same social rank of the woman, in which case he had to marry her legally; however, should the woman have a legitimate husband, the kidnapper had to provide the husband with a sum equal to the dowry the woman had in her marriage, and the husband could take her back, if he wanted to do so. What lead Husraw not to punish excessively those who had committed wicked actions was his attention towards the people and the desire not to harm his people deeply. Moreover, he ordered that the families of lords and nobles, where fathers had .11 '

La région de Sakastân

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Sceaux de l'administration d'ôstândâr

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La province de Zarang

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La province de Bost et Kas

Fig. 4. Sceaux administratifs de la région du Sakastan et de ses provinces, Zarang et Bost-ud-Kas.

Ohrmazd IV (579-590) Certaines des bulles attribuées ici à Husraw 1er ont pu en réalité appartenir au règne d'Ohrmazd IV. À l'époque d'Ohrmazd, apparaissent plusieurs nouveaux ateliers monétaires dans l'est iranien 49 • Au sud de l 'Hindukus, il faut mentionner un atelier au sigle LHW que M. I. Mochiri a identifié à Raxwad (lhwt) et qui apparaît en l'an 9 d'Ohrmazd IV 50 . La création de cet atelier, qui disparaît quelques années plus tard sous Husraw II, s'inscrit dans la politique d'expansion d'Ohrmazd IV dans l'est iranien. L'antique Raxwad est localisée à proximité de Kandahar et était la capitale de l 'Arachosie. La disparition de cet atelier au tout début du règne de Husraw II n'est pas un fait isolé et s'intègre dans un contexte catastrophique pour le pouvoir sassanide dans l'est iranien au début du règne de Husraw II.

Conclusions sur les données monétaires et sigillaires Les données monétaires et sigillaires foisonnent d'informations sur plusieurs provinces du sud-est de l'empire. Ainsi le statut de province est attesté pour Zarang, Frah-kar-Për6z kust ï sahristan, Frah-kar-Për6z kust ï Wad grâce à des sceaux de mowüh. Bost et Kas constituent ensemble une province sous l'autorité d'un ostiindiir. Les sceaux des administrations de l 'iimiirgar sont moins faciles à interpréter. Si le sceau de l 'iimiirgar de Frahkar-Për6z est contemporain de ceux des mowüh (des provinces Frah-karPër6z kust ï sahristan et Frah-kar-Për6z kust ï Wad), Frah-kar-Për6z peut être considéré comme une « région » composée de ces deux provinces. Reste 49

M. I. Mochiri a associé cette création de nouveaux ateliers à la lutte qui opposa Ohrmazd IV au général Wahriim qui avait des prétentions royales. Mochiri 1977, p. 120-121.

50

Mochiri 1977. Les années attestées sont: Ohrmazd IV (ans 9, 10 et 12) et Husraw II (an 2).

LE SA KAS TAN. A PP ROCHES CROISÉES

99

à définir le rapport de la région de Frah-kar-Përoz avec le Sakastan également attesté par un sceau d' amargar. L'étude des sceaux administratifs à partir des critères internes a mis en évidence que les circonscriptions des amargar sont fluctuantes, c'est-à-dire qu'une circonscription d'amargar était créée probablement en fonction des besoins. A priori rien ne s'oppose à considérer que le terme Sakastan couvrait plusieurs régions dont Frah avec ses deux provinces. Mais les deux régions ont pu être aussi distinctes. Frah, en effet, est souvent perçue comme appartenant à l 'Arie. Cette hypothèse de deux régions distinctes pourrait être confirmée par les monnaies, du moins à partir de l'an 27 du règne de Husraw 1er où un atelier monétaire est en activité respectivement dans Frah-kar-Përoz sous le sigle PL et au Sakastan sous celui de SK. Mais si ces deux sceaux d' amargar n'étaient pas contemporains, d'autres scénarios pourraient être suggérés. LE SAKAST AN DANS LETALMUD DE BABYLONE

Le Sakastan est évoqué une seule fois dans le Talmud de Babylone, compilation de commentaires de la Misna achevée au sein de la diaspora juive babylonienne au vie siècle de notre ère. Usant d'un procédé littéraire consistant à identifier des villes ou des régions bibliques à des toponymes ou des peuples de l' Antiquité, les Amoraïm commentent ainsi un verset du chapitre X de la Genèse qui énumère les fils de Kus : parmi eux, Sabtah et Raamah assimilés au Sakastan intérieur, et Sabteka associé au Sakastan extérieur 51 . Le toponyme apparaît dans un contexte où il est question de la Perse. LE SAKASTAN: L'APPORT DES SOURCES SYRIAQUES

Ce que les sources syriaques désignent sous le nom de « Segestan » est "un bout du monde" dont l'importance stratégique n'a pas échappé aux missionnaires chrétiens et aux administrateurs de l'Église d'Orient puisque cet espace favorise le passage des caravanes venant de Pesawar.

Le Sakastan dans les traditions apostoliques Certaines traditions sur l'évangélisation du monde connu par les apôtres du Christ ont intégré la région dans leurs découpages de l'oikoumène. SI

Gn X, 7. TB Yoma 10a, Epstein 1959, p. 42. Les commentateurs ajoutent qu'entre ces deux espaces, la distance est de 100 parasanges, et que la circonférence du Sakastan extérieur est de 1000 parasanges.

100

R. G Y S EL EN & C. J U LLI EN

L'octroi de régions inconnues aux missionnaires chrétiens répond au désir d'un total investissement de l'espace, au-delà même des régions les plus reculées vers des contrées considérées comme barbares 52 . Le départ vers l'Orient est donc synonyme de plénitude, de franchissement du connu vers de nouvelles régions. Ainsi, la geste de l'apôtre Thomas, qui s'élabora à Édesse en Osrhoène (Mésopotamie septentrionale), et rapportée par des textes syriaques et grecs du me siècle, fait évoluer le protagoniste jusqu'au territoire du royaume de Gundaphar, personnage historique que nous avons déjà évoqué dont le pouvoir s'étendit entre 25 et 46 de notre ère 53 sur les terres conquises sur les Sakas : le Sakastan, l' Arachosie, l'ancienne Paropamisade (Hindukus) et le Sind. C'est là que se situe l'essentiel de l'apostolat missionnaire de l'apôtre, en particulier à Taxila, la capitale de Gundaphar dans le Gandhlira 54 . Ces traditions s'inscrivent dans un contexte de développement des échanges commerciaux avec les territoires orientaux de l'Iran. Le Sakastan dans les actes synodaux de l'Église de Perse

La création d'un diocèse du Sakastan n'est pas repérable avant le ye siècle ; le premier évêque connu cité par les sources apparaît en 424. Suite à la restructuration des sièges épiscopaux et métropolitains par l'action du catholicos Isaac secondé par l'évêque Marutha de Maypherqat en 410, après les grandes vagues de persécution du ive siècle, il avait été décidé que les évêques des contrées les plus éloignées du centre décisionnel sis à SéleucieCtésiphon (spécialement la Médie / le Bëth-Madayë, la région de Ray / le Bëth-Raziqayë, le Khorasan / le pays d' Abarsahr et de Nisabuhr), sans avoir besoin de se déplacer, devraient plus tard faire allégeance aux décisions conciliaires - indice de la présence de noyaux chrétiens suffisamment importants pour nécessiter la création d'un siège épiscopal qui devait

52

Eusèbe, Histoire ecclésiastique VIII, 24, 3. Bardy 1967, p. 33. Bardy / Neyrang 2003, p. 474.

53

Les dates de Gundaphar sont maintenant fermement établies par l'inscription de Takht-ï Bahï, Bivar 19962, p. 197 et Appendice IV, p. 222. Bopearachchi 1993, p. 57-60 ; Grenet/ Bopearachchi 1996, p. 219-231. Sur le nom de Gundaphar, Bartholomae 1961 réimpr., p. 1442, p. 1318; Alram 1986, p. 248-255. Gignoux 1972, 67a, p. 267; 25a, p. 32. Des monnaies en cuivre ont été retrouvées portant son effigie au recto, à Bégram, Hadda et Mir Zakah : cf. Justi 1963, pl. 36 ; McDowall 1965, p. 189-224. Alram 1986, p. 250-255, Taf. 36 (n° 1158-1175).

54

Voir Poirier/ Tissot 1997, p. 1321-1470 ; Festugière 1983, p. 45-117.

LE SAKASTÂN. APPROCHES CROISÉES

101

perdurer au moins jusqu'au XIe siècle 55 • Cette allégeance est faite par les représentants des communautés du Sakastan; ce n'est qu'au synode suivant, en 424, qu'un évêque leur est donné, du nom d' Afrïd (signifiant« béni» en moyen-perse) - sans que l'on sache vraiment à quelle ville il était rattaché. Celui-ci fit le voyage jusqu'à Markabta, non loin des Villes Royales, lieu choisi pour le second synode 56 • Jean Maurice Fiey avance que le siège épiscopal ainsi créé aurait été établi à Ram-sahristan, capitale du Segestan sous les Sassanides d'après le géographe Yaqut qui explique que les habitants l'auraient abandonnée pour le site de Zarang à une date imprécise suite à un changement du cours du fleuve Helmand 57 - de toute façon avant 544 puisqu'un évêque a juridiction sur Zarang à cette époque. Du fait de la distance peut-être, mais aussi des imprécisions de certaines titulatures d'évêques qui ne reportent pas le nom de leur diocèse sur les listes des signataires des synodes, nous ne savons pas si le siège fut pourvu de manière linéaire jusqu'en 544, date de la seconde attestation d'un évêque au Sakastan, cette fois-ci sous Husraw 1er_ Le contexte était différent: le Segestan se trouvait profondément affecté par la "guerre de succession" qui agitait toute l'Église syro-orientale depuis le décès du catholicos Sila en 523. Le patriarcat se trouvait divisé entre deux prétendants, Élisée et Narsaï, tous deux investis par des partis concurrents 58 . Si le schisme prit officiellement fin en 53 7, les divisions territoriales sont encore attestées des années plus tard, ce dont les sources littéraires syriaques se font l'écho. De toutes les régions de l'Est iranien, le Bëth-Raziqayë et le Segestan furent profondément affectés par ce schisme qui scindait en deux camps les communautés chrétiennes. À Ray, !'Histoire syro-orientale de Séert nous apprend la venue d'Élisée qui y élimina ses adversaires 59 ; la contestation devait se clore ainsi. Au moment du synode de 544, les sièges de Ray (Daniel, 544), de Merv (David, 544), de Nîsabuhr / Abrasahr / Aparsahr, d' Abîvard et Sahr-Përôz (Yobannan, 554), ont un seul évêque et ne semblent pas avoir été vraiment touchés par la crise.

55

Fiey 1973, p. 91. L'information de la permanence du siège du Segestân, associé à celui du Khorassan, se trouve dans les listes des compilateurs arabes chrétiens, notamment chez Mari Ibn Suleyman, Gismondi 1899, p. 11 O. Cependant, cet élément est à prendre avec précaution et n'est pas confirmé par 'Abdïs5' de Nisibe.

56

Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 285. Yaqut, Barbier de Meynard 1861, p. 253-254. Fiey 1973, p. 94-95. Voir Synodicon orientale Chabot, 1902, p. 339 n. 3 ; Labourt 1904, p. 160-162. Histoire syro-orientale de Séert, Scher 1950, p. 150 [58).

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R. G YS ELEN & C. J U LLI EN

Sous Husraw 1er dans le Segestân, le siège était contesté entre Yazd-Afüd (yzyd'pryd, :w'l.2.r(:wL..), du parti de Narsaï, et Serge (srgys, ~w), héritier de la branche d'Élisée 60 . Face au danger de menace centripète que représentait ce schisme, le nouveau catholicos rétablit l'autorité du pouvoir centralisateur lors du synode qu'il organisa en 544 61 , et réorganisa la juridiction ecclésiastique. Il écarta définitivement un prétendant illégalement ordonné évêque, du nom de David, qu'il censura 62 • Pour les deux autres, Yazd-Afrïd et Serge, il rédigea une missive particulière destinée à tous les fidèles chrétiens et aux clercs « qui sont dans le pays du Segestân » 63 . Cette lettre, qui a été par la suite introduite dans les actes du synode dont elle forme le quatrième article, avait pour objet de rendre valides leurs ordinations épiscopales. L'existence d'échanges épistolaires particulièrement nourris entre les partisans des deux camps et le patriarche souligne les relations entre le Segestân et le Bëth-Aramâyë centre du siège catholicosal 64 . Plusieurs notables chrétiens de la cour (à Séleucie-Ctésiphon) intervinrent directement dans le débat pour soutenir l'un des candidats avec lequel ils entretenaient des liens privilégiés : ainsi, le chef des chameaux de la reine 65 , Sourin Garmaqâyâ, un personnage puissant, secondé par d'autres Grands du royaume, adressa des lettres au patriarche pour décrire les aptitudes et les qualités de Yazd-Afüd que tous disent bien connaître. Ces éléments supposent une fréquentation réciproque des protagonistes, et donc des va-et-vient entre les deux régions. Face aux différents groupes de pression, le synode ne tranche pas abruptement mais stipule que l'un, Yazd-Afüd, aurait autorité sur Kas (orthographié Qâs, qs, i..n ), Frâh (prh, m'l.2.) et Zarang (zrng, .:,,,,.,ii ,, orthographié une fois par erreur: zryg, ~;,)tandis que l'autre, Serge, siégerait sur Bost (bst, ~) et Raxwad (Roukout en syriaque, rwkwt, ~n..rni 66 ). Yaqut évoque une localité de Rakoubeh mais n'a pas conservé le toponyme de Raxwad dans son Dictionnaire 67 . Les territoires placés sous l'autorité de 60 61

62 63 64

65

66 67

Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 87-88; trad. p. 342-343. Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 68, trad. p. 318 ; p. 85-89, trad. p. 338-344. Cf. Labourt 1904, p. 159-162. Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 89, trad. p. 344. Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 85, trad. p. 339. Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 85-88, trad. p. 339-344. swryn grmqy · rs gml · dm/kt•, Chabot 1902, p. 342. L'éditeur propose de corriger mlkt · en mlkwt •, « du royaume ». Cf. Chabot 1902, p. 670 et p. 680. Yaqut, Barbier de Meynard 1861, p. 302.

LE SAKASTÂN. APPROCHES CROISÉES

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Serge sont néanmoins soumis à l'approbation des habitants de Bost, susceptibles de rejeter cette nouvelle cartographie diocésaine. En fait, une hiérarchisation souple est instaurée entre les deux évêques, avec reconnaissance implicite, d'une certaine manière, de la légitimité de YazdÂfrïd puisque Serge peut étendre les prérogatives de sa juridiction épiscopale sur Kas si Yazd-Âfrïd y consent 68 (fig. 5).

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Mondes lramefl ec lfldan UMR 7528 CNRS. 201-4

Fig. 5. Carte de la province ecclésiastique du Sakastiin partagée entre deux évêchés.

Ainsi étaient entérinées les conséquences du schisme : le diocèse est démembré dans un but d'apaisement des tensions - démembrement toutefois temporaire puisque ces évêchés n'auront pas d'autres titulaires après eux. Le clivage se solde ainsi par la fondation de nouveaux sièges épiscopaux éphémères pour le même diocèse selon un découpage cartographique aberrant qui rattache Kas à la région de Frah et Zarang, alors qu'il se situe géographiquement entre Bost et Raxwad - ce qui s'explique sans doute par la présence de partisans influents de l'un ou l'autre camp dans ces villes. Le catholicos, soucieux de ne pas ancrer dans la durée cette situation de faiblesse, stipule qu'au décès de l'un d'eux, le survivant « prendra et gouvernera les églises de celui qui mourra le premier, selon la coutume qui existait avant la perturbation dans tout le pays du Segestan » 69 • On ne compte pas de signataire pour le Segestan au synode de 554 malgré une représentation de toutes les régions de l'Est iranien; il faut attendre 576 pour

68 69

Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 89, trad. p. 344. Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 88, trad. p. 343.

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que l'évêque Kurmah administre seul le diocèse du Segestan alors réunifié 70 , sans que les sources permettent de préciser la ville de son siège épiscopal. L'érection du Segestan en province ecclésiastique dès le ye siècle, et surtout la participation régulière de l'autorité épiscopale aux différents synodes de l'Église syro-orientale organisés en Babylonie centrale sont des indicateurs forts en faveur des échanges entre cette région et l'ouest de l'empire sassanide. La communauté miaphysite dans le Sakastân

Pour ce qui est de l'implantation du christianisme d'obédience miaphysite au Segestan, il faut en fait attendre le début du vue siècle, à la faveur de l'installation de prisonniers venus de l'empire romain oriental, déportés des régions d'Osrhoène (d'Édesse principalement en 609), de Syrie mais aussi de Palestine et d'Égypte, après les incursions militaires de Husraw II en territoire byzantin. Nous savons comment le roi perse chercha à favoriser les réseaux chrétiens syro-orthodoxes mésopotamiens : d'une part dans le cadre d'une stratégie politique au moment de ses conquêtes en territoire byzantin (trouvant des appuis parmi les communautés persécutées et hostiles à la ligne religieuse impériale byzantine); et d'autre part en raison du soutien de sa favorite Sïren (elle-même de christologie syro-occidentale) et de son médecin personnel, le très influent Gabriel de Singar, aux chrétiens miaphysites du royaume 71 • Cette politique de déportation devait contribuer à renforcer la position du parti syro-occidental en Orient. Elle fut par ailleurs capitale pour le christianisme au Segestan, un christianisme désormais pluriel et marqué par une importante présence miaphysite, qui devait se renforcer encore avec l'arrivée de nombreux marchands syriens (l'auteur de l'Histoire syro-orientale de Séert parle de la venue de neuf cents d'entre eux dans la région) à la suite des incursions de l'empereur Héraclius 72 • Il convient de souligner le rôle central de ces migrants dans l'évangélisation des provinces orientales de l'empire; les marchands favorisèrent de toute évidence l'expansion doctrinale, venant alimenter les foyers fixés dans les grands sites urbains des axes commerciaux 73 • Le maphrien Barhebraeus signale plus tard 70

Synodicon orientale, Chabot 1902, p. 110, trad. p. 368.

71

Cf. Flusin 1992, p. 112-114. Chronique de Michel le Syrien, Chabot 1901, Il, Livre X, chap. XXV, p. 377-381; syr. Chabot 1910, IV, p. 389-392. Voir Jullien F. 2008, p. 29-40. Histoire syro-orientale, Scher 1919, p. 545 [225]. Voir aussi la seconde section de la Chronique ecclésiastique de Barhebraeus, Abbeloos / Lamy 1877, col. 125-128. Fiey 1973, p. 103-104. Jullien C. / Jullien F. 2001, p. 127-143.

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LE SAKASTÂN. APPROCHES CROISÉES

105

la création d'un évêché miaphysite au Segestan sans en donner la localisation précise, dans la première moitié du vne siècle 74 - sans doute à Zarang 75 - et qui perdura jusqu'au xne (1186). CONCLUSION GÉNÉRALE

La confrontation des données issues de sources diverses d'époque sassanide ont permis d'établir quelques jalons pour le Sakastan et les régions adjacentes.

i i évêchés

D

** *

a telie r monétaire

Scea ux admin istratifs :

s

Mondes flll'Nn « Indien UMR 7529 CNRS, 20 1,t

~--~--~

150 km

amargar Ostàndâr mowüh

Fig. 6. Carte du sud-est iranien avec les centres administratifs, les évêchés et les ateliers monétaires.

Le Sakastan au vie siècle, et tout particulièrement l'époque de Husraw 1er, est bien documenté et l'image qui en est donnée est finalement cohérente. On ne peut que souligner une fois de plus les fruits d'une conjugaison entre sources provenant de domaines différents. Ainsi la province ecclésiastique du Sakastan pourrait avoir son parallèle dans l'administration sassanide: le schisme d'Élisée et Narsaï a révélé une subdivision en deux diocèses distincts

74

75

Barhebraeus, Chronique ecclésiastique, Abbeloos / Lamy 1877, col. 127-128. I, col. 263 ; II, col. 125. Sur cette identification voir les arguments de Fiey 1973, p. 97 ; p. 99-100. La documentation syriaque décrit la réorganisation administrative en douze évêchés orientaux, instaurés au moment de la création du siège métropolitain syro-occidental de l'Orient; J. Labourt en avait contesté la réalité historique contrairement à E. Honigmann qui établit la liste de ces sièges, Honigmann 1954, p. 99; p. 146 § 110; p. 155 § 128; Labourt 1904, p. 241 n. 1. Cf. Dauvillier 1956, p. 79.

R. GY S ELEN & C. J U L LI EN

106

- respectivement Zarang, Frah et Kas d'une part, et Bost, Raxwad, avec une extension juridictionnelle éventuelle sur Kas d'autre part. Comme pour les créations administratives étatiques, ces remembrements restent fluctuants et fonction des besoins, ce qui explique une cartographie parfois écartelée - ici le rattachement de Kas (4b) à la région de Frah (2) et Zarang (3), alors qu'il se situe géographiquement entre Bost (4a) et Raxwad (5). L'agrégation possible de Kas au diocèse comprenant Bost et Raxwad pourrait s'expliquer par une influence du modèle administratif civil puisque, d'après une bulle encore inédite, Bost et Kas auraient formé ensemble une seule province gouvernée par un ostiindiir. La province ecclésiastique du Sakastan pourrait englober la région de Frah-kar-Perôz, la province de Zarang, et celle de Kas et Bost. Alors que les sources sigillographiques pour Zarang sont peu nombreuses et explicites, les actes synodaux de l'Église d'Orient offrent des informations circonstanciées et convergentes. monnaies

Ardasïr I" Sabuhr l" Wahram l" Wahram II Narseh Sabuhr II WahramIV Yazdgird l" Yazdgird II Përëiz Kawad l" Husraw l"

OhrmazdIV Husraw II

inscriptions rupestres et monumentales

sceaux administratifs

sources syriaques

(1) (1)

(1)

(1)

(1)

(!) (!) (1)

(1)

(1)

(1) (2)

(!)

424 : (1) diocèse unifié > Âfrid

(3) (4a) (1) (3) (4a)

(1) (3)

(5)

(1) (2) (3) (4a-b) (5) (6)

544: - évêché 1 : (2)(3)(4b) > Yazd-Âfrid - évêché 2: (4a) (5) [4b] > Serge 576: (1) diocèse réunifié> Kurmah

idem?

(1 )(3)(5)

... Ardasïr III

(1) (3)

... Yazdgird III

(1)

Fig. 7. Attestations du Sakastlin (1), de Zarang (2), Frah (3), Bost (4a) et Kas (4b), Raxwad (5), du Zawulistan et du Warazigan (6) dans les sources épigraphiques et textuelles.

LE SA KAS T ÂN. APPROCHES CROISÉES

107

L'interaction d'approches croisées grâce à la complémentarité de chercheurs travaillant sur des documents très divers est l'un des intérêts du programme ANR « Ctesiphon ». L'étude de la province du Sakastan est exemplaire en ce sens : la confrontation de sources contemporaines sur le règne de Husraw 1er, relevant de disciplines variées, permet de donner un nouvel éclairage sur les pratiques administratives au sein de l'empire sassanide à cette époque. Rika GYSELEN & Christelle JULLIEN CNRS UMR 7528 "Mondes iranien et indien" 27, rue Paul-Bert F-94204 Ivry-sur-Seine France

LISTE DES ILLUSTRATIONS Fig. 1. Carte avec la situation géographique du Sakastan (H. David). Fig. 2. Monnaies du Sakastan (Sabuhr 1er, Wahram 1er et Ohrmazd Il) : extrait de SNS Il, p.31,fig.5. Fig. 3. Sceaux administratifs de la région de Frah-kar-Përoz et ses provinces. Dessins d'après des photos ou descriptions : a. DCP 00.4; b. reconstitution d'après la lecture Gignoux BSS, MFT 7; c. Khoy 2009, n° 103; d. Gyselen 2012, ZR3; e. Khoy 2009, n° 98; f. Gyselen 2007, 1/135; g. Gyselen 2007, 1/9. Fig. 4. Sceaux administratifs de la région du Sakastan et de ses provinces, Zarang et Bost-udKas. Dessins d'après des photos ou descriptions: a. Gyselen 2007, 1/42; b. Gignoux 1978, b.14.1; c. Notes prises par Philippe Gignoux; d. inédit (collection S. Tyler-Smith). Fig. 5. Carte de la province ecclésiastique du Sakastan partagée entre deux évêchés (E. Giraudet). Fig. 6. Carte du sud-est iranien avec les évêchés, les ateliers monétaires et les centres administratifs (E. Giraudet). Fig. 7. Attestations du Sakastan (!), de Zarang (2), Frah (3), Bost (4a) et Kas (4b), Raxwad (5), du Zawulistan et du Warazigan (6) dans les sources épigraphiques et textuelles.

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R. G Y S EL EN & C. J U LLI EN

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Nikolaus SCHINDEL ARBEITSGRUPPE NUMJSMA TIK - ÔSTERREICHJSCHE AKADEMIE DER WISSENSCHAFTEN

THE MINT SYSTEM UNDER HUSRAW I: SOME PRELIMINARY REMARKS

RÉSUMÉ

La présente contribution a trait au monnayage de Husraw 1er, et s'intéresse plus spécifiquement aux ateliers monétaires. Les développements de ces ateliers au sein des différentes régions de l'Empire sassanide sont analysés à partir d'une vue d'ensemble de toutes les combinaisons associant les ateliers et les années régnales attestées de manière sûre jusqu'ici. Pour la première fois est proposée une synthèse à jour de l'ensemble du monnayage en drachmes de ce souverain. Mots clés : Iran ; Sassanides; Husraw 1er ; monnayage ; ateliers monétaires sassanides ; géographie administrative.

SUMMARY

The present contribution deals with the coinage of Husraw I, especially focussing on the mints. Based on an overview of ail mint/year combinations safely attested so far, the developments within the various regions of the Sasanian Empire which housed mints are discussed. For the first time, an up-to-date overview of the en tire drachm coinage of this king is provided. Keywords: Iran; Sasanians; Husraw I; coinage; Sasanian mints; administrative geography.

*

*

*

115

CAHIER DE STUDIA IRANICA 53, 2015, p. 115-140.

N. SCHINDEL

116

INTRODUCTION

In this contribution, a preliminary overview on the coinage of Husraw I with special emphasis on the distribution by mints and regal years (= RY) is provided. 1 My source for this are about 3096 coins presently in the database which I have compiled for SNS IV. 2 They corne primarily from the coin collections in Paris, Berlin, and Vienna, as well as from the Numismatic Card File at the Institute for Numismatics and Monetary History, Vienna University. In addition to this, I have also entered data from the majority of coin hoards published so far. While no way complete, this constitutes a fairly representative sample. I have neither completely finished the material collection for SNS IV so far, nor have I controlled all the readings of mint signatures or years. Therefore, some minor differences between the statistical data provided here and the final version in SNS IV might arise. Despite this, I hope that this preliminary overview still has some value for our understanding of the monetary policy under Husraw I. Husraw I struck coins in three different metals: gold, silver, and bronze. His gold issues are exceedingly rare; I know only about four specimens which can be regarded as undoubtedly genuine. 3 Since we know that Husraw received tremendous amounts of gold from the Byzantines in the course of his wars of the 540ies, it is obvious that he did not primarily tum this gold into coins; otherwise the survival rate should be much higher. 4 The only silver denomination issued during his reign are silver drachms; sixth drachms were last struck around regal year 30 of Kawad I. 5 W eight and fineness of the drachms will not be discussed here because such a discussion - especially as regards weight distributions - would exceed the space An overview on the coinage of Husraw I can also be found in Schindel (online). As regards the references, I basically limit myself to one single reference (in most cases, admittedly, Schindel 2004), where also the older literature is cited. While Mochiri 1977 presents a lot of coins of Husraw I, apart from the future SNS IV the only other work which systematically deals with his coinage is an unpublished thesis, Szaivert 1975, vol. 2, Prligetabelle 3. One might cite from the older works also Paruck 1924, vol. 1, p. 104108, 212-228, even ifmany of the signatures he lists (his total is 98!) owe their existence to misreadings. Schindel (in preparation l) See Schindel 2006/1, p. 29, no. 1, 2, 5, 6. Also the question of the attribution of one type of gold coin dated to RY 13 is discussed there; for highly suspicious gold coins featuring drachm typology Schindel 2006/1, p. 19, note 15. Schindel 2006/3, p. 118. Schindel 2004, vol. 1, p. 468.

THE MINT SYSTEM UN DER HUSRAW I

117

available. 6 Compared with the very common drachms, copper issues of Husraw I are very rare: My database contains so far only 13 specimens. 7 In most cases, mint and year cannot be read. Even if there can be no doubt that Sasanian copper coins tend to be underrepresented because heavy corrosion often makes these thin coins quite unattractive to collectors and museums, 8 the main medium of exchange, and especially of preserving values, certainly was the silver drachm. Copper coins, though, might have been quite important in everyday life's financial transactions. The typology of Husraw I, at least in its basic outlines, is straightforward: On the drachms and copper coins he always employed the same basic type, viz. his portrait to the right with a mural crown. 9 At 3h, 6h, and 9h, a crescent is placed outside the rim; this feature is an innovation of Kawad I, who, however, had employed a combination of crescent and star at the same place. Probably, the different astral symbols mirror different political or religious concepts of the various kings, the details of which remain obscure to us. 10 On gold coins, a fronting portrait is shown. 11 On the reverses, from regal year 1 to 5 the fire altar is often shown without altar ribbons; 12 the attendants hold a lance or scepter in their outer hand, while their inner hand rests on the hip. From RY 5 onwards, the altar is shown with ribbons which now - for the first time in Sasanian history - shop upwards; the attendants hold a sword with both hands. This type remained in use without changes until the end not only of Sasanian, but also of Arab-Sasanian coinage. Minor typological variants might occur on copper coins, but as of yet they are not well-attested enough.

10

Il

12

For some basic information on the metrology of drachms in the preceding period Schindel 2004, vol. 1, p. 103-113. Without coins from excavation reports. Schindel 2004, vol. !, p. 191-193, especially based on evidence from archaeological excavations. Gobi 1971, tab. 11; as long as SNS IV is not finalized, I prefer to refer to the still valid typology of Gobi. Schindel 2004, vol. !, p. 75 f.; Schindel (online); it might be added that Kawad I and Ohrmazd IV, who are both reputed to have taken a hostile attitude towards the nobility, share the same variant (crescent with star), while Wahram VI who rebelled against the latter employed a crescent only, thus following Husraw I. Gobi 1971, tab. 11; Schindel 2006/1, p. 17 f., 21, 29. On Sasanian typology in general see e.g. Schindel 2004, vol. !, p. 64-98.

N. SCHINDEL

118

MINT SIGNATURES

The main focus of this contribution is on the geographical distribution of coin production under Husraw I. Let us start with a listing of the mint signatures, their readings, and their equations with administrative entities within the Sasanian realm. I have based tab. 1 on the overview presented in SNS III. 13 That volume should be also consulted for basic methodological remarks on the important question of the varying degrees of probability of individual equations. In general, I was rather cautious; some of the more problematic cases will have to be re-addressed once the material collection for SNS IV will be finalized. Signatures which are attested by only one single coin so far in my database have not been included in tab. 1. Those variants first attested under Husraw I are marked with a star. Signature

13

Localisation

Region

AH

Ramadan

Mad

AHM

Ramadan

Mad

AL*

Uncertain

Uncertain

ALM

Armen

Armen

AM

Amüi

Tabarestan

APL

Abarsahr

Khorassan

ART

Ardasïr-xwarrah

Pars

AS

Asürestan

Asürestan

AT

Adurbadagan

Adurbadagan

AW

Ohrmazd-Ardasïr

Hüzestan

AY

Eran-xwarrah-Sabuhr

Hüzestan

AYL

?

?

AYLAN

?

?

BN

?

Kerman

BST

Bost

Sakastan

BYS

Bisabuhr

Pars

Schindel 2004, vol. 1, p. 128-146 (readings), 147-174 (localizations), 172 f. (distribution by kings), 174 f. (criteria of probability).

THE MINT SYSTEM UNDER HUSRAW I

DA

Darabgerd

Pars

DLM*

?

?

GD

Jayy

Mad

GW

Gurgan

Gurgan

GWLCAN*

Gurzan

Khorassan

HL

Hare

Khorassan

HWC*

Hüzestan

Hüzestan

KA

Karzî

Pars

KL

Kerman

Kerman

LAM*

Ram-Ohrmazd

Hüzestan

LD

Rag / Ray

Mad

LYW

Rew-Ardafü

Hüzestan

MA

Mad

Mad

ML

Marw

Khorassan

MLWL

Marw-rod

Khorassan

MY

Mesan / Mesün

Mesan / Mesün

NAL/WAL*

?

?

NY

?

?

PL

Forat-Mesan

Mesan / Mesün

SK*

Sakastan

Sakastan

SML*

Samarkand

Khorassan

ST

Staxr

Pars

SY

Sîraz

Pars

WH

W eh-Andiyôk-Sabuhr

Hüzestan

WLC*

Georgia

Georgia

WYH

Weh-Kawad

Asürestan

WYHC

Weh-az-Andiyôk-Husraw

Asürestan

YZ*

?

?

ZL*

Zarang

Sakastan

Tab. 1. Mint signatures under Husraw I

119

N. SCHINDEL

120

Let us have a look at the distribution of coins per individual signatures:

~~

l.• .,,,1,11,L.I

IJ,, .1 •.h,..1..hl. J J..1.h ,l,,,1,-.1.h Tab. 2. Coins per mints (in pieces)

The most important question certainly is: Where were most coins struck? This is shown in tab. 3. Mint signature

Percentage

Mint signature

Percentage

AY

7,6%

LYW

1,6 %

BYS

6,3 %

NY

1,6 %

WYHC

6,1 %

AHM

1,5 %

LD

5,9%

AM

1,4%

AYLAN

5,1 %

BN

1,1 %

AW

4,9%

ALM

0,9 %

GD

4,8 %

SY

0,9%

KL

4,8 %

AL

0,5 %

YZ

4,6 %

NAL/WAL

0,5%

AS

4,0%

WLC

0,5 %

MY

3,8%

HL

0,4%

GW

3,6%

MA

0,4%

ML

3,3 %

AH

0,3 %

HWC

2,9%

AT

0,3 %

WH

2,9%

AYL

0,3 %

PL

2,6%

KA

0,3 %

ART

2,3 %

BST

0,2%

THE MINT SYSTEM UN DER HUSRAW I

121

LAM

2,3 %

ZL

0,2%

WYH

2,3 %

DLM

0,1 %

ST

2,0%

GWLCAN

0,1 %

DA

1,9 %

MLWL

0,1 %

SK

1,7 %

SML

0,1 %

APL

1,6 %

LYW

1,6 %

NY

1,6 %

Tab. 3. Most common mints (in%, descending)

For a numismatic and economic interpretation, it is essential to know how the individual signatures belong together under the basic assumptions as expressed in tab. 1. W e can thus add the coins struck in mints situated in the same region, and then plot the data (tab. 4). Uncertain signatures are not included. Region

Percentage

Hüzestan

26,2 %

Pars

15,4 %

Mad

15,1 %

Asürestan

14,1 %

Mesan/Mësün

7,5 %

Kerman

6,7 %

Khorassan

6,4 %

Gurgan

4,1 %

Sakastan

2,3 %

Tabarestan

1,6 %

Armen

1,0%

Georgia

0,4%

Adurbadagan

0,3 %

Tab. 4. Coins per regions (in %, descending)

N. SCHINDEL

122

The Hüzestani mints together thus have the largest output, followed by Pars and Mad. Asürestan ranks fourth; the border regions in West (Armen, Georgia, Adurbadagan) and East (Khorassan, Gurgan, Sakastan) tend to have a rather modest coin production, with the Eastern mints clearly being more prominent. REGAL YEARS

A very important topic is the regal years. lt is still too early for a detailed analysis of changes in the mint output of individual mints, and for possible changes in the output of individual regions in the course of Husraw's long reign. However, a look at the numbers of coins minted per year reveals some recurrent patterns (tab. 5). Tab. 5 also gives one the impression that mint output tended to increase during Husraw's reign. The fact that my database contains no Jess than 2956 coins of Ohrmazd IV (who reigned for only 13 years) certainly also hints in this direction; the main reason for this is that many of these coins originate from coin boards buried in the Late Sasanian period, i.e. shortly after Husraw II. 160 140 120 100 80 60

40 20 0

1

1

1

-

1

1

1 1 111111 1 1

3

5

7

9

11

Il

11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47

Tab. 5. Coins per regal years (in pieces)

At first glance, the distribution chart seems to imply a certain recurring cycle in the increase and decrease of coins per year. Still, data from several different reigns will have to be analyzed, and also an in-depth study of the patterns in individual mints will be necessary before a coherent explanation for the phenomenon shown in tab. 5 can be found. Amazingly enough, RY 8 and 9, into which the beginning of Husraw's was against the Byzantines falls, show a very low amount of coin production; the early campaigns thus left no imprint whatsoever on monetary production. An overview on which mint struck drachms in which regal year can be found in the catalogue below; a detailed statistical analysis will be presented in SNS IV.

THE MINT SYSTEM UND ER HUSRAW 1

123

REGIONS AND COINAGE

After these preliminary presentations of the statistical data, let us have a look at every region of the Sasanian Empire which struck coins under Husraw I. This detailed approach on the one hand will reveal some of the basic patterns of coinage during his reign, and on the other hand also might give us some ideas to what extent the numismatic evidence may add to our knowledge of political and economic history of Sasanian Iran. The arrangement in the discussion below follows that of tab. 4, i.e. the regions are listed in descending order of productivity. On the following pages, they are discussed one after the other. First, however, let us now compare this data with the statistics from Wahram IV until the 2nd reign of Kawad I (tab. 6).

->s -

>

·5o

Jc ùrcè> ,&v ÙO"KffiV rcapO:ôEtyµa· v A~6pav rcoi:aµ6v. Sur ce passage et sa relation au séjour du philosophe en Haute-Mésopotamie, voir Tardieu 1990, p. 74-135. On la retrouve ainsi chez le même auteur, ln Aristotelis Physicorum Commentaria IV, 9 [Aristote 216 b 30], p. 684, 35-685, 3 éd. Diels 1882 (CAG IX); cf. à ce sujet Luna 2001, p. 488-490. Sur les kéleks de !'Euphrate, voir Dillemann 1961, p. 152.

CHOSROÈS ET PRISCIEN

287

ses Solutiones sont adressées au roi en personne, ce qui permet de les rapporter à la période de l'exil hors d'Athènes et de les dater avec une certaine assurance de l'année 531/532. Ni Priscien ni Simplicius n'ont donné de Chosroès l'ébauche d'un portrait. Côté grec, ce sont naturellement les historiens, Procope de Césarée et Agathias de Myriné, qui nous ont livré sur le roi les éléments les plus circonstanciés. Le premier se limite à son œuvre politique et militaire, ainsi qu'à ses relations avec Byzance, mais il reconnaît également, au détour, sa curiosité d'esprit 6 . Le second, qui est aussi notre principal informateur sur les conditions et la chronologie du séjour des savants auprès de Chosroès, s'attache en outre à caractériser la formation intellectuelle du souverain, qui aurait « ingéré (Kmamwv) tout le Stagirite » et aurait été « totalement imprégné (àva1tÉ1tÀTJcr-rm) de la doctrine de Platon» 7, mais son propos, porté par une hostilité manifeste à l'endroit du Sassanide 8, prend souvent la forme d'un réquisitoire, notamment quand il vise ses prétentions en matière de science et de philosophie; ce sentiment l'amène d'ailleurs à expliquer le départ des Grecs en 532 par la désillusion que leur aurait inspirée la piètre qualité des entretiens avec leur hôte 9 • Les lignes consacrées par Agathias à cet épisode ont été abondamment commentées IO, mais on n'a peut-être pas assez éclairé le sens et le sel de la formule que l'historien utilise pour qualifier le groupe des sept sages en partance pour la Perse II : -ro àKpov àro-rov, Ka-rà Ti1v 1tOtTJO"tV, -r&v èv -rq:i Ka0 'riµêiç xp6vqi cptÀocrocpTJcrav-rrov, « la fine fleur, pour reprendre l'expression Voir Procope, Anecdota 18, 29 ; cf. infra n. 51. Sur la figure du politique, voir Kaldellis 2013, p. 19. Sur la relation des philosophes au roi 'platonicien', voir Kaldellis 2004, p. 101-106, qui souligne un possible parallèle entre une réflexion de Simplicius sur les malheurs de l'âge de la tyrannie (Commentaire sur le Manuel d'Épictète, 14, 25-40, éd. Hadot 2001) et la liste des désastres du temps dans les Anecdota (ou Histoire secrète) de Procope (références chez Kaldellis 2004, p. 253, n. 42). Agathias, Histoires II, 28, 2, éd. Keydell 1967. Sur l'œuvre de Chosroès 1er et la sagesse qui lui était prêtée par les sources orientales et gréco-romaines, voir Duchesne-Guillemin 1962, p. 286-291; sur le 'philosophe', voir Tardieu 1994, p. 309-318 (avec la bibliographie antérieure et un inventaire analytique des sources). On peut supposer aussi qu'une certaine curiosité pour leur hôte perse a poussé Damascius et ses disciples à faire le voyage d'Orient; à ce propos, voir Chuvin 2009, p. 141-143. Pour une traduction annotée des pages consacrées par Agathias au séjour des Grecs en Perse, voir Maraval 2007.

10

11

Cf. Cameron 1969-70. Cf. Agathias, Histoires II, 31, 1 : 1:4'> ~acrtÀei om4x0évw; Èljleucr0ricrav ,fjç ÈÀniooç. Pour une discussion de l'ensemble des données, voir Watts 2006, p. 111-142. Agathias, Histoires Il, 30, 3.

288

O. MARCOTTE

poétique, de ceux qui, à notre époque, ont pratiqué la philosophie». De fait, les savants qui quittaient Athènes pour la Perse représentaient l'héritage philosophique et scientifique le plus élevé de la Grèce, dont il s'agissait, pour eux, de garantir le transfert vers un horizon nouveau. Les mots èiKpov èicornv avaient une longue fortune derrière eux et Agathias, un des principaux vecteurs tarda-antiques de l'Anthologie grecque, en connaissait sans nul doute la solennité et les multiples avatars 12 • On en trouve la première attestation chez Pindare, dans un environnement lexical qui a déterminé ses emplois futurs 13 : crocpiaç; èicornv èiKpov. Mais si Pindare pouvait lui fournir un modèle lointain 14, c'est vraisemblablement aux derniers vers de l'Hymne à Apollon de Callimaque, poète qu'il imite ailleurs de manière récurrente, qu' Agathias renvoie sous le terme noiT]crtç; 15 ; dans le passage en question, qui a valeur de credo littéraire, le Cyrénéen s'en prenait à ceux qui, en opposition à la finesse alexandrine, préfèrent l'enflure et l'abondance et dont le verbe peut se comparer au « cours puissant du fleuve assyrien», c'est-à-dire l'Euphrate, qui « charrie des quantités de limon» 16 . Si cette hypothèse est valide, Agathias a cherché, par son emprunt, à expliquer par anticipation le divorce de la « fine fleur » de la science grecque d'avec le roi perse, assimilé en l'espèce à l' Acrcrupiou no-mµoî:o µÉyaç; p6oç; 17 • Ce sont aussi deux attitudes face à la science qui sont ainsi implicitement mises en contraste. LES SOLUTIONESDE PRISCIEN: LE LIVRE ET SA TRADUCTION

Le ton de l'adresse de Priscien à Chosroès est celui d'un professeur à son élève ou à son auditeur, conformément au rôle que l'un et l'autre des acteurs en présence devaient assumer en 531/532. Il peut s'agir d'une espèce particulière de 81a-cp1piJ, qui reproduirait une série d'entretiens avec le roi, conçus comme autant de leçons, ou d'un dialogue épistolaire, déterminé par des interrogations savantes que Chosroès aurait soumises par lettre à son

12 13

14

15

16 17

Sur l'histoire de la formule, cf. Williams 1978, p. 95-96. Pindare, Isthmiques VII, 17. Ainsi par exemple selon McCail 1968. Callimaque, Hymne à Apollon, 112. Sur Agathias imitateur du poète cyrénéen, voir Cameron 1970, p. 10; p. 11 n. 1 ; p. 22 (reste silencieuse sur le passage) et surtout Valerio 2013, p. 93, n. 26, qui reconnaît dans ce passage l'imitation de Callimaque. Callimaque, Hymne à Apollon, 108-109. Marcotte 2014a, p. 170, n. 22.

CHOSROÈS ET PRISCIEN

289

correspondant. Le titre s'ouvrait en tout cas sur le terme ÀucrEtÇ, qui en désignait d'abord la vocation et qui renvoie bien à la forme d'un questionnaire articulé en Ç11-riJµma 18 . Les réponses apportées à celui-ci ont été organisées en dix chapitres, qui offrent une large palette de thématiques 19 : l'âme (1), le sommeil (2), la vision (3), les climats et les saisons (4), des réflexions liées aux pronostics médicaux (5), des questions de physique des mers et des eaux (6), d'autres liées à la pesanteur, à l'air et aux phénomènes météorologiques (7), à la variété des espèces animales selon les lieux (8), aux venins et aux bêtes qui mordent et qui piquent (9), enfin aux souffles et aux vents (10). De la psychologie aux questions d'histoire naturelle, le cheminement de la démonstration ne se laisse pas toujours reconstituer facilement, mais il paraît évident que l'ouvrage devait avoir valeur de compendium ou d'introduction générale aux systèmes de Platon et d'Aristote. Dans notre corpus, il constitue une pièce singulière par sa physionomie, son objet et sa destination; il l'est aussi par sa tradition. Sous le titre complet de Solutiones eorum de quibus dubitauit Chosroes Persarum rex, il ne survit que dans une traduction maladroite, transmise notamment par deux manuscrits d'époque carolingienne, Paris lat. 2684 et Paris lat. 13386, copiés dans la seconde moitié du 1xe siècle 20 • Le milieu dans lequel cette traduction a été entreprise a fait l'objet de nombreuses spéculations dans la littérature depuis son signalement par Jules Quicherat en 1853 21 • On la rapporte aujourd'hui à un lettré actif dans le nord de la France, qu'il faut peut-être identifier à Jean Scot Érigène, comme l'avait suggéré déjà Jules Quicherat et comme l'a admis Marie-Thérèse d' Alvemy sur la base de faits lexicaux et syntaxiques très probants 22 • La présence, dans les gloses marginales des deux manuscrits cités, d'explications étymologiques qu'on retrouve dans le Periphyseon de Jean Scot est évidemment un argument de poids en faveur de cette identification 23 • Dès lors qu'elle aurait été accomplie à l'époque de Charles II (dit le Chauve, 843-877), l'interpretatio aurait donc précédé de peu ses plus anciennes copies.

18

19 20

21

22 23

Voir Quicherat 1853. On trouvera une table des chapitres dans l'annexe A. Édition par Bywater 1886, p. 41-104; pour une étude des témoins manuscrits, voir d'Alvemy 1977, p. 147-155. On a longtemps considéré que la traduction avait été effectuée en Italie au vre ou vne siècle, avant de connaître une diffusion dans le nord de la France; voir Schmitt 1976, p. 76. Quicherat 1853; d'Alvemy 1977, p. 155-160. Voird'Alvemy 1977,p. 154-155.

290

D. MARCOTTE

Selon une technique qu'on retrouve jusqu'aux premières traductions de la Renaissance, elle a été menée de manière strictement littérale et moyennant un rendu type pour chaque terme. La fidélité à l'original permet au moins, dans les passages les plus obscurs, de restituer à leur place chacun des mots de Priscien. En revanche, elle ne peut suffire à donner une mesure exacte de la longueur du texte source, les titres et questions liminaires n'ayant été conservés que pour une partie des chapitres. Mais, quels qu'aient été les accidents et les omissions dont il a souffert dans sa transmission, on peut supposer que le traité était modeste dans son volume, comme le montrent clairement les deux témoins carolingiens. Ils sont l'un et l'autre d'un petit format carré ; réglé à 17 lignes par page, l'opuscule consacré à Priscien dans le Paris lat. 13386 ne comportait à l'origine que huit quaternions, qui constituaient une unité bibliologique bien distincte 24 , tandis que, dans le Paris lat. 2684, l'ouvrage, qui n'accuse pas de lacune manifeste, tient en quatre cahiers, couverts d'une écriture plus dense, à raison de 25 lignes par page. Sur la base de ces observations, on pourrait imaginer que le modèle grec lui-même était, à son arrivée en France, relié à un autre livre ; dans le même ordre d'idées, on peut être sûr aussi qu'il était en onciale, comme l'établissent catégoriquement les deux témoins latins, qui offrent de nombreuses insertions de mots grecs en majuscule dans le texte même ou dans les gloses marginales 25 . Il s'agit là d'indices matériels discrets, on en conviendra, mais ils ne sont pas négligeables dans la recherche des circonstances qui ont pu présider au transfert du manuscrit en Occident dans les premières décennies du 1xe siècle. Ainsi posé, le problème revêt d'autant plus d'intérêt que le livre a sans doute été, dans l'absolu, un des premiers à gagner la France. Je serais tenté de mettre l'événement en relation avec l'ambassade de 827, envoyée par l'empereur Michel II auprès de Louis 1er (dit le Pieux) à Compiègne. On sait que la délégation byzantine apporta à cette occasion un manuscrit du pseudo-Denys l'Aréopagite, tenu par ses donataires pour une relique du saint patron de la royauté franque 26 ; il s'agit de l'actuel Paris

24

25

26

d'Alvemy 1977, p. 148. L'édition de Bywater reproduit ces insertions en grec, dont la graphie mériterait une étude de détail. L'écriture d'imitation reproduit quelques traits caractéristiques de l'onciale au tournant des vme et IXe siècles. Signalons qu'une photographie complète des deux manuscrits est disponible sur le site Gallica de la BnF (http://gallica.bnf.fr). Omont 1904; Irigoin 1997.

CHOSROÈS ET PRISCIEN

291

grec 437, copié au début du IXe siècle dans une majuscule inclinée 27 • Traduit une première fois par Hilduin, abbé de Saint-Denis, dans les années suivantes 28 , le corpus dionysien a été l'objet d'une nouvelle traduction par Jean Scot autour de 850-860. Or, ce corpus présente des analogies doctrinales nombreuses avec l'enseignement de Damascius, qui ont fait admettre l'idée que son auteur aurait été un disciple du scholarque à Athènes 29 . Si on considère cet état de choses et si on prend en compte la chronologie probable de la traduction des deux auteurs, il faut envisager la possibilité que le manuscrit de Priscien soit venu en France en même temps que celui de Denys, auquel il était peut-être aussi réuni matériellement. S'il est vrai que les deux auteurs ont appartenu à un même courant philosophique, leurs livres avaient des chances d'occuper le même rayon d'une bibliothèque constantinopolitaine. Quoi qu'il en soit de cette éventualité, on sait en tout cas que, dans les bibliothèques de l'empire byzantin, les ouvrages du pseudo-Denys pouvaient entretenir des rapports étroits de voisinage avec ceux des auteurs néoplatoniciens ; ainsi le Vatican grec 2249, autre témoin ancien du corpus dionysien, a-t-il été identifié par Julien Leroy comme une des pièces de la « Collection philosophique», appellation par laquelle on désigne aujourd'hui un groupe de manuscrits à forte teneur médio- et néoplatonicienne, copiés dans une minuscule caractéristique dans les décennies 850-870 30 • CHOSROÈS

JER

ET LES SCIENCES PHYSIQUES

Par delà les difficultés d'interprétation qui tiennent à leur traduction, les Solutiones de Priscien présentent une cohérence thématique forte, qu'une comparaison avec un autre ouvrage dédié à Chosroès permet de mesurer : il s'agit du Traité sur la logique d'Aristote dû à un philosophe de langue

27

28

29 30

D'après la typologie de Cavallo 1967, I, p. 120, il s'agit d'une majuscule de type ogival penché. Le manuscrit contenait à l'origine les traités suivants : De caelesti Hierarchia, De ecclesiastica Hierarchia, De diuinis nominibus, De mystica theologia [disparu], Epistolae II-IX. Le don du livre en grec est attesté par une lettre d'Hilduin à Louis le Pieux (éditée par Omont 1904, p. 232). Cf. Roques 1954, p. 74; Lilla 1997. Leroy 1977, p. 36, n. 57. Le manuscrit contient également une série de commentaires de Maxime le Confesseur au pseudo-Denys; du même Maxime, Jean Scot a traduit les Ambigua.

292

D. MARCOTTE

synaque, Paul le Perse 31 • Formé à l'aristotélisme alexandrin en un lieu qu'on ne peut préciser 32 , Paul a écrit aussi une introduction à la philosophie d'Aristote, fondée sur une classification des livres du Stagirite, ainsi qu'un traité sur le De interpretatione du même 33 • Alors que cette œuvre semble accorder une primauté à la logique, le traité de Priscien est centré sur des questions de physique. Dans le monde perse, la physique grecque jouissait en effet d'un prestige ancien, comme la médecine, et l'école d'Édesse, ellemême tributaire de l'enseignement de Bardesane, notamment dans le domaine de la cosmologie, a pu jouer un rôle dans la vigueur de cette discipline à l'époque sassanide 34 • En tout cas, on sait d 'Agathias qu'elle alimentait des débats à la cour de Ctésiphon. L'historien rapporte ainsi qu'un certain Ouranios, médecin originaire de Syrie et familier des cercles lettrés de Constantinople, avait été introduit dans l'entourage de Chosroès, à la faveur d'une ambassade, à une date sans doute postérieure à celle du retour des néoplatoniciens « dans leurs foyers», et qu'il y avait été mis dans l'embarras par des mages au cours d'échanges sur des problèmes de physique, comme ceux de l'évolution et de l'éternité du monde 35 . Agathias observe que, malgré sa difficulté à soutenir une discussion philosophique, Ouranios aurait gagné la confiance du roi, jusqu'à faire de lui son « auditeur

Ji

Il est conservé dans le manuscrit de Londres, BM Add. 14660, fol. 55v_67'; sur l'auteur et le traité, voir Teixidor 2003 ; Hugonnard-Roche 2004, p. 233-254. On n'a aucune raison d'établir une relation entre le séjour de Paul à Ctésiphon et la présence en Perse des néoplatoniciens d'Athènes ; voir Tardieu 1994, p. 316.

32

On ignore où Paul, qui était très certainement chrétien, a pu s'initier à l'aristotélisme; voir Gutas 1983, p. 234.

33

Sur ces ouvrages, voir Hugonnard-Roche 2004, p. 259-267.

34

Bardesane était actif au tournant des ne et me siècles. En relation avec la physique, on lui doit des réflexions sur la division de la terre en « climats » ; voir Teixidor 1992, p. 98102. Sur la vie intellectuelle et la réception de la science grecque à la cour de Chosroès, voir Christensen 19442, p. 415-438.

35

Agathias, Histoires II, 29-32 ; sur le passage, voir Diebler 2005 (traduction de l'extrait, p. 859-860). En tant que 'philosophe', Ouranios n'est formellement connu que par Agathias; il est peut-être mentionné aussi par Damascius (Vie d'Isidore, in Photios, cod. 242, 342 b 12). Felix Jacoby (FGrHist 675) a proposé de voir en lui l'historien, auteur d'Arabika en cinq livres, cité à trente-trois reprises dans les Ethnika d'Étienne de Byzance. Si cette identification était avérée, Ouranios serait un contemporain exact d'Étienne; il partagerait cette qualité avec Diogénès de Phénicie, un des sept savants du cercle de Damascius, que les Ethnika, selon Billerbeck (2006, p. 21, n. 16), pourraient désigner sous le Diogénès ôtuCTT]µ6catoç croqncrtiJç originaire de la ville syrophénicienne d' Abila (A 7 Billerbeck).

CHOSROÈS ET PRISCIEN

293

déclaré » (àKpoa-rr1ç àno8e8eiyµévoç) ; il se sert de cet épisode pour montrer le contraste entre cet aventurier de la science, isolé et écouté, et les représentants légitimes de la tradition grecque, soudés par la vraie doctrine mais frustrés dans leur audience, qui formaient l'aKpov acornv évoqué plus haut. Le prologue de Priscien comporte un long inventaire raisonné des sources, qui est un des plus détaillés dont on dispose pour l 'Antiquité tardive 36 . Il ne serait pas sans intérêt de confronter aux corpus syriaque et arabe le détail des auteurs et des livres qu'il énumère, afin d'apprécier l'influence que, malgré sa brièveté, le séjour des savants auprès de Chosroès a pu exercer sur les littératures techniques de la Mésopotamie et des régions périphériques. En considérant l'intérêt du roi pour les traductions du grec en pehlevi, Jacques Duchesne-Guillemin a émis un vœu semblable à propos de l'impact que les Solutiones auraient pu avoir sur les théories mazdéennes 37 • Le prologue de Priscien offre en tout cas une succession remarquable d'items qui trouvent un écho précis dans plusieurs titres anciens des manuscrits de la « Collection philosophique» 38 • Ce fait suggère que le fonds des livres emmenés par les néoplatoniciens d'Athènes en Perse a été, après 532, partiellement récupéré pour grossir le noyau antique auquel remonte cette« Collection» 39 • Le catalogue déroulé par le philosophe confirme aussi l'importance, dans sa documentation, de la physique et des sciences qui en sont issues. Il s'ouvre sur le Timée de Platon, dont Chosroès disait connaître la substance et dont il admirait, selon les mots d 'Agathias, la ypaµµiKTJ 0ecopia, la « science des lignes » et des figures ; il mentionne ensuite le Phédon, que le même Agathias cite précisément en second lieu et qui comporte un mythe géographique fameux, étudié en particulier par Damascius en tant qu'il

36

Nous reproduisons en annexe B les premières sections du catalogue, d'après l'édition de Bywater 1886, p. 41-42. Pour une analyse détaillée du prologue, cf. Marcotte 2014a.

37

Voir Agathias, Histoires, Il, 28, I (signale la traduction, par un anonyme, d'un certain nombre de traités grecs : µe-mBeBÂ.TJµévcov aù,qi un6 ,ou eç ,ftv Ilepcrioa