L'Alliance impie. François Ier et Soliman le Magnifique contre Charles Quint (1529-1547) 9782866456788

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French Pages 304 [306] Year 2008

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L'Alliance impie. François Ier et Soliman le Magnifique contre Charles Quint (1529-1547)
 9782866456788

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ÉDITH GARNIER

LAlliance impie François 1er et Soliman le Magnifique contre Charles Quint

L'ALLIANCE IMPIE

Édith Garnier

L'ALLIANCE IMPIE François 1er et Soliman le Magnifique contre Charles Quint (1529-1547)

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Collection I.es marches du temps dirigée par Bemard Condominas

Pour obtenir notre catalogue, vous pouvez nous écrire à : [email protected] et consulter notre site : www.editionsdufelin.com Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © Éditions du Félin, 2008 10, rue La Vacquerie, 75011 Paris ISBN-13: 978-2-86645-678-8

Avant-propos

• Quels que soient, au point de vue moral, les défauts du xvf! siècle, il est certain que si on l'effaçait des annales du passé, disparaitrait une bonne partie de la gran­ deur et de la gioire de l'humanité. • (Orestes Ferrara, homme politique et historien).

Impie, infame, contre nature ! L'alliance entre François 1er, roi de France, et le sultan ottoman Soliman le Magnifique fit à l'époque scandale. En effet, les Turcs menaient alors la demière et la plus dangereuse percée d'une puissance islamique au creur de l'Europe chrétienne. Cependant, en liant ses intérets à ceux du sultan, François 1er ne faisait que jouer l'ennemi le plus loin­ tain contre le plus proche : la France était alors menacée sur toutes ses frontières par l'Empire Habsbourg de Charles Quint. Telles sont les circonstances dans lesquelles François 1er et Soliman le Magnifique conçurent un projet qui fut à deux doigts de se réaliser, celui de se partager l'Italie. Replacé dans son contexte, le pacte franco-ottoman perd beaucoup de son caractère sulfureux. L'épopée des Découvertes, qui, pour beaucoup de nos contemporains, constitue l'un des phénomènes marquants du XVIe siècle, n'est que l'une des facettes de l'affrontement des empires qui tend à s'étendre à l'échelle planétaire. En Europe, il fait rage. L'émergence de ces • colosses •, selon l'expression de Fernand Braudel, provoque un raz-de­ marée, et chacun s'accroche comme et où il le peut pour résister aux courants contraires qui menacent de l'emporter.

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La situation n'est pas celle d'un antagonisme entre deux blocs, Chrétienté et Islam - un « choc des civilisations •, diraient certains aujourd'hui -, mais le produit d'alliances transversales conclues pour faire face aux impérialismes, ottoman d'une part, et des Habsbourg de l'autre. Le fil conducteur pour en comprendre les enjeux est, en effet, la lutte d'une partie de l'Europe, prise en étau entre deux empires qui aspirent à la domination univer­ selle, l'un au nom de l'islam et l'autre, au nom de la foi catholique, pour sauver sa liberté, une résistance dont François 1 er, roi de France, prendra la tete. Les puissances secondaires, notam­ ment Venise et la France, les villes et principautés allemandes et, dans une moindre mesure, l'Angleterre, tenteront de conseiver leur indépendance en jouant sur plusieurs tableaux. Décriée, vilipendée par la propagande impériale, l'alliance franco-ottomane suscita un immense espoir chez tous ceux qui, notamment en Italie, voulaient soustraire leur pays au joug de Charles Quint. De meme que le ralliement des Allemands et des Suisses aux doctrines « hérétiques • de Luther puis de Calvin représentait le moyen de fédérer les opposants à une domina­ tion des Habsbourg. Par ailleurs, l'empereur et son frère Ferdinand avaient également leur politique orientale. Eux non plus n'hé­ siteront pas à passer des accords, tacites ou officiels, avec les musulmans, que ce soit avec les Perses, pour prendre à revers les Ottomans, ou avec le sultan de Tunis pour contrer la main­ mise turque sur l'Afrique du Nord, pour ne rien dire des tractations en sous-main avec Soliman lui-meme ou son chef de l'escadre d'Europe, Barberousse. Si leur retentissement fut moindre, ces connivences « suspectes • furent tout aussi effectives que celles entre le roi de France et le sultan. Ce récit, qui court de 1529 à 1547, porte plus particulièrement sur les deux domaines où les relations conflictuelles, et passion­ nelles aussi, entre ces trois grands souverains se som: exprimées avec le plus d'intensité, à savoir la diplomatie secrète et la compé­ tition pour la maitrise de la Méditerranée occidentale. En effet, ainsi que le disait François 1er, la mer n'est pas moins frontière qu'une autre, mais bien plus difficile à garder. Ces deux facettes sont indissociables, comme on le verra.

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Le pari tenté ici est de traiter l'histoire en laissant la parole à ceux qui la faisaient et la relataient afin d'éviter les jugements a posteriori sur des hommes confrontés aux circonstances spéci­ fiques de ces temps. C'est la raison pour laquelle une place de choix a été réservée aux lettres échangées entre les souverains et leur personnel politique, instructions, rapports confidentiels, joumaux, chroniques ... Afin de les rendre plus lisibles, l'ortho­ graphe et la ponctuation ont été actualisées, certaines redondances éliminées, mais les toumures grammaticales conservées, tout cela en faisant en sorte de ne rien altérer quant au fond. Les écrits originaux utilisés sont ceux accessibles en France. Nombre d'entre eux ont été transcrits et édités sous la forme de recueils, tel celui d'Ernest Charrière, mais ils ne sont plus proposés en librairie depuis plus d'un siècle. Peu connues pour la plupart, et souvent seulement par bribes, les données factuelles tirées de ces sources devaient etre réinsérées dans un contexte général qui leur donne sens. Pour certaines précisions, il a été fait appel à des historiens étrangers, spécialistes de l'époque étudiée, notammentJames D. Tracy et Manuel Femandez Alvarez. L'intention était aussi de plonger le lecteur dans les condi­ tions et l'atmosphère propres à ce moment particulier où la Renaissance jette ses demiers feux, où les princes, les diplomates et les hommes de guerre voyageaient beaucoup, mais où survivre était une lutte de chaque instant. Peut-etre le ton avec lequel sont contés les événements et les péripéties d'une histoire tumul­ tueuse pourra-t-il sembler d'une légèreté inappropriée. Mais il s'agissait d'une époque baroque avant la lettre, où, du moins dans les hautes sphères du pouvoir, l'humeur générale était à l'optimisme en dépit d'épisodes dramatiques. Qu'il s'agisse de Charles Quint, de Soliman le Magnifique ou de François 1er, chacun des souverains est conscient de jouer un ròle à sa convenance. Il en va de meme pour d'autres figures majeures, tels les hommes de mer, Kayr-ed-Din Barberousse et Andrea Doria, ou bien l'ambassadeur de France Antonio Rincon. C'est, on l'aura sans doute compris, à tenter de ressusciter ces étonnantes personnalités qui ont fortement marqué l'histoire de leur temps que cet ouvrage a été également consacré.

Tour d'horizon 1

François F, Charles Quint, Soliman le Magnifique : trois souve­ rains arrivés au pouvoir en l'espace de cinq ans dans une période d'expansion où chacun aspire à déborder de ses frontières et à modeler l'histoire au gré de ses intérets personnels. Leurs destins allaient se trouver inéluctablement liés. En 1515, quand il accède, à vingt ans, au tròne de France, François 1er peut encore aspirer au premier ròle sur la scène euro­ péenne. Louis XII lui a laissé un pays prospère, peuplé, dont la combativité a été entretenue par vingt ans de guerres d'Italie. Le jeune roi héritera aussi de son prédécesseur l'obsession d'an­ nexer le riche duché de Milan dont l'ouverture sur la mer, Genes, est déjà sous tutelle française. Dès la première année de son règne, François 1er, grace à l'éclatante victoire de Marignan, gagnait le Milanais, et la prépondérance sur l'Italie semblait à sa portée. L'année suivante, en 1516, Charles de Habsbourg devient, à seize ans, roi d'Espagne. La prise du duché de Milan, piacé sous l'autorité nominale de son a'ieul, Maximilien d'Autriche, le morti­ fiera. L'Italie allait désormais devenir la pomme de discorde entre lui et François 1er. Cependant, Charles 1er d'Espagne avait hérité de ses autres grands-parents, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, une situation empoisonnée sur les rivages méditerranéens de l'Espagne, qui n'allait cesser d'empirer. Après la Reconquista de l'émirat de Grenade par Ferdinand et Isabelle, les Maures andalous réfugiés en Afrique du Nord, alors dite la Barbarie, 1. Cette mise en perspective résume à grands traits un ouvrage précé­ dent: Édith Gamier, L �e d'or des Galères de France. Le champ de bataille médite"anéen à la Renaissance, Paris, Éd. du Félin, 2006.

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menaient des raids destructeurs sur les còtes ibériques et mettaient en péril le commerce par voie de mer. Ferdinand d'Aragon, en 1510, avait tenté d'y remédier en conquérant de haute lutte les principales positions còtières de Barbarie. À Alger, le grand centre de la guerre de course, il fit édifier une forteresse, le Pefton, afin de contròler les mouvements du port. Cependant, alors meme que Charles accédait à la Couronne d'Espagne, Alger - la ville mais non la citadelle - tombait aux mains d'un corsaire levantin, Al-Rudj, is. • Il se faisait l'écho du scepticisme de Capello devant la prise dt.• Coron : • [Doria], à grand-peine le pourra-t-il tenir s'il n'a Modon, lequel n'est pas près de se rendre. • Un mois plus tard, le 18 novembre 1532, le Grand Seigneur,