Guide des pays fédéraux, 2005 9780773572881

Depuis plus de deux siècles, le fédéralisme montre comment les gens peuvent vivre ensemble tout en conservant leur diver

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Polecaj historie

Guide des pays fédéraux, 2005
 9780773572881

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Guide des pays fédéraux, 2005

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Guide des pays fédéraux, 2005 Sous la direction de

ann l. griffiths Coordonné pour le Forum des fédérations par

karl nerenberg Traduction et révision des textes : Louise Archambault Richard Bastien Maxime Cappeliez Marylise Chauvette François Chevalier Mireille Daoust Mireille Desrosiers Jean-Guy Gareau Mahalya Havard (coordonnatrice) Pierre Joncas Isabelle Larrivée Claudine-Paule Petit

Publié pour

par McGill-Queen’s University Press Montréal et Kingston • London • Ithaca

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© McGill-Queen’s University Press 2005 isbn 0-7735-2896-2 Dépôt légal, 2e trimestre 2005 Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier sans acide. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (padié) pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication. Ce volume existe en anglais sous le titre Handbook of Federal Countries, 2005 isbn 0-7735-2888-1

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Guide des pays fédéraux, 2005 / sous la direction de Ann L. Griffiths; coordonné pour le Forum des fédérations par Karl Nerenberg; traduction et révision des textes, Louise Archambault ... [et al.]. Traduction de: Handbook of federal countries, 2005. isbn 0-7735-2896-2 1. Fédéralisme – Guides, manuels, etc. I. Griffiths, Ann L. (Ann Lynn), 1960– II. Nerenberg, Karl III. Forum des fédérations jc355.h3514 2005 321.02 c2004-907258-7

Mis en pages par Interscript Inc. en 10/12 Baskerville. Correction des épreuves : Jacques Côté

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Table des matières

Tableaux

vii

Mot du Forum des fédérations k a r l n e r e n b e r g et a n n g r i f f i t h s Préface

bob rae

xv

Carte des pays fédéraux du monde Introduction

xi

xxi 3

john kincaid

p r e m i è r e pa r t i e : a r t i c l e s d e s c r i p t i f s d e s pay s afrique du sud

Janis van der Westhuizen

allemagne

Rudolf Hrbek

argentine

Viviana Patroni

52

au s t r a l i e

Cheryl Saunders

68

35

au t r i c h e

Roland Sturm

84

belgique

André Lecours

99

bosnie-herzégovine brésil

19

Marie-Joëlle Zahar

Valeriano Mendes Ferreira Costa

136

116

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vi Table des matières

David R. Cameron

c anada

Faissoili Ben Mohadji

comores

Siobhán Harty

Tom Pätz

inde

189

205

é tat s - u n i s d ’ a m é r i q u e éthiopie

172

Julie M. Simmons

é m i r at s a r a b e s u n i s e s pa g n e

156

Sanford F. Schram

223

245

George Mathew

261

malaisie

Gordon P. Means

mexique

Yemile Mizrahi

282

297

m i c r o n é s i e ( é tat s f é d é r é s d e ) Dirk Anthony Ballendorf 315 n i g e r i a Festus C. Nze, avec la collaboration de Paul King 328 pa k i s t a n ru s s i e

Aisha Ghaus-Pasha et Kaiser Bengali

Gary N. Wilson

344

366 Ann L. Griffiths

s a i n t- k i t t s - e t- n e v i s

385

s e r b i e - e t- m o n t é n é g r o Mihailo Crnobrnja 402 s u i s s e Thomas Stauffer, Nicole Töpperwien et Urs Thalmann-Torres 417 venezuela

Allan R. Brewer-Carías

433

d e u x i è m e pa r t i e : a r t i c l e s c o m pa r a t i f s c aractéristiques fédérales du projet d e c o n s t i t u t i o n p o u r l’ u n i o n e u ro p é e n n e Cesare Pinelli 455 une solution fédérale pour le sri lanka et le soudan? Rohan Edrisinha et Lee Seymour, avec la collaboration d’Ann L. Griffiths 469 À propos des collaborateurs

495

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Tableaux

afrique du sud Indicateurs politiques et géographiques 30 Indicateurs économiques et sociaux 32 allemagne Indicateurs politiques et géographiques 46 Indicateurs économiques et sociaux 49 argentine Indicateurs politiques et géographiques 63 Indicateurs économiques et sociaux 65 au s t r a l i e Indicateurs politiques et géographiques 78 Indicateurs économiques et sociaux 81 au t r i c h e Indicateurs politiques et géographiques 94 Indicateurs économiques et sociaux 96 belgique Indicateurs politiques et géographiques 110 Indicateurs économiques et sociaux 113 bosnie-herzégovine Indicateurs politiques et géographiques 130 Indicateurs économiques et sociaux 133

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viii Tableaux

brésil Indicateurs politiques et géographiques 150 Indicateurs économiques et sociaux 153 c anada Indicateurs politiques et géographiques 167 Indicateurs économiques et sociaux 169 comores Indicateurs politiques et géographiques 184 Indicateurs économiques et sociaux 186 é m i r at s a r a b e s u n i s Indicateurs politiques et géographiques 200 Indicateurs économiques et sociaux 202 e s pa g n e Indicateurs politiques et géographiques 217 Indicateurs économiques et sociaux 220 é tat s - u n i s d ’ a m é r i q u e Indicateurs politiques et géographiques 239 Indicateurs économiques et sociaux 242 éthiopie Indicateurs politiques et géographiques 256 Indicateurs économiques et sociaux 258 inde Indicateurs politiques et géographiques 276 Indicateurs économiques et sociaux 279 malaisie Indicateurs politiques et géographiques 292 Indicateurs économiques et sociaux 294 mexique Indicateurs politiques et géographiques 309 Indicateurs économiques et sociaux 312 m i c r o n é s i e ( é tat s f é d é r é s d e ) Indicateurs politiques et géographiques 323 Indicateurs économiques et sociaux 325 nigeria Indicateurs politiques et géographiques 339 Indicateurs économiques et sociaux 341

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ix Tableaux

pa k i s t a n Indicateurs politiques et géographiques 358 Indicateurs économiques et sociaux 360 ru s s i e Indicateurs politiques et géographiques 379 Indicateurs économiques et sociaux 382 s a i n t- k i t t s - e t- n e v i s Indicateurs politiques et géographiques 397 Indicateurs économiques et sociaux 399 s e r b i e - e t- m o n t é n é g r o Indicateurs politiques et géographiques 412 Indicateurs économiques et sociaux 414 suisse Indicateurs politiques et géographiques 428 Indicateurs économiques et sociaux 430 venezuela Indicateurs politiques et géographiques 447 Indicateurs économiques et sociaux 450

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Mot du Forum des fédérations

En 2002, le Forum des fédérations et McGill-Queen’s University Press ont publié conjointement le premier Guide des pays fédérés. Avant sa parution, les ouvrages les plus connus proposant une analyse systématique et comparative des pays fédéraux étaient Federal Systems of the World : A Handbook of Federal, Confederal and Autonomy Arrangements (1994) de feu Daniel Elazar, et Comparing Federal Systems (1999) de Ronald L. Watts. Le Guide préparé par le Forum a été en grande partie inspiré par les efforts de ces deux pionniers. Le présent livre est une mise à jour de l’ouvrage paru en 2002. Les pays dont il y est question sont les mêmes que ceux dont traite la première version du Guide. Comme nous l’avons signalé dans l’édition précédente, il existe quelques cas limites. Nous avons inclus certains pays qui, bien que ne se définissant pas officiellement comme des États fédéraux, n’en sont pas moins généralement considérés comme dotés de bon nombre, voire de la totalité, des caractéristiques propres à un régime fédéral. Nous avons également inclus des pays qui, tout en se réclamant du fédéralisme, ne possèdent pas tous les traits fondamentaux qui, au dire des experts, correspondent aux composantes essentielles de ce régime politique. En d’autres termes, nous avons privilégié une interprétation inclusive plutôt que restrictive du fédéralisme. Nous publions cet ouvrage notamment afin d’offrir aux praticiens, étudiants et chercheurs une source de renseignements leur permettant de comparer les diverses modalités selon lesquelles le fédéralisme se pratique aujourd’hui. Le lecteur y trouvera certainement des informations utiles

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xii Mot du Forum des fédérations

dans tous les cas présentés, y compris ceux qui ne sont pas entièrement conformes à la définition classique du fédéralisme. Cela dit, quoi de neuf dans cette deuxième édition? Les articles consacrés à chacun des pays ont été mis à jour en date de février 2004, de même que les tableaux qui les accompagnent. John Kincaid a généreusement offert une version remaniée de son introduction; les lecteurs de la première édition du Guide ont été nombreux à estimer qu’elle constituait une très bonne introduction à l’étude du fédéralisme. Nous osons espérer que celle-ci suscitera encore plus d’intérêt. Le président du Forum, l’honorable Bob Rae, a rédigé une nouvelle préface où il s’interroge sur la pertinence du «concept fédéral» pour un monde agité comme le nôtre. De plus, les articles «thématiques» de la dernière partie du livre sont nouveaux. La présente édition en compte deux, un sur la «nouvelle Europe» et l’autre sur l’à-propos du concept fédéral pour le Sri Lanka et le Soudan, deux pays aux prises avec des conflits de longue durée. Ce livre est un projet important du Forum des fédérations. Celui-ci a été créé en 1999 suite à une initiative canadienne, soutenue en bonne partie par le gouvernement du Canada. Son bureau principal se trouve à Ottawa, capitale du Canada. Depuis sa création, le Forum a conclu des partenariats importants partout dans le monde; il a établi – et continue de le faire – un réseau d’envergure internationale. Le Guide fait partie d’un ensemble de publications et de documents multimédias dont le Forum assure la production, souvent avec la collaboration d’autres organismes. Citons notamment la revue Fédérations – Le fédéralisme de par le monde, quoi de neuf, la série Dialogue mondial dont le lancement est prévu pour 2005, les vidéos Parlons de fédéralisme et Le défi de la diversité, ainsi que le site Internet du Forum (www.forumfed.org), doté d’une bibliothèque virtuelle. Au lecteur qui souhaite étudier le fédéralisme de manière plus approfondie ou se familiariser avec le Forum et ses activités, nous recommandons de consulter le site Internet. D’une certaine manière, le Guide est avant tout un ouvrage de référence. Il vise à offrir un accès rapide et facile à des renseignements de base sur tous les pays fédéraux du monde. Nous croyons toutefois que le lecteur saura lui reconnaître un intérêt particulier. Bien qu’issus de milieux très variés, les auteurs – praticiens et universitaires – possèdent tous une connaissance approfondie et immédiate des régions ou des questions dont ils traitent. Comme tous les projets du Forum, ce livre repose sur une approche rigoureusement «multilatérale». De même que le Forum promeut le principe d’un apprentissage ouvert à tous visant tous les aspects de l’expérience fédérale, le Guide présente une multiplicité de points de vue émanant de tous les coins de la planète. Le Forum ne défend pas des positions idéologiques, ni les vues d’une

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xiii Mot du Forum des fédérations

région, d’une culture ou d’une profession particulières. Si cet ouvrage recèle des idées originales et parfois étonnantes, c’est notamment grâce à cette grande diversité de perspectives nationales et culturelles. Nous avons voulu assurer l’exactitude de toutes les observations et données de ce livre. Certes, des erreurs s’y seront glissées, dont nous assumons l’entière responsabilité. Pour tout ce que l’on y trouvera d’utile, nous exprimons notre gratitude à plusieurs personnes. Nous tenons à remercier Peter Green, responsable de la Collection de cartes et d’informations géospatiales de l’Université Dalhousie, qui a conçu la mappemonde et légèrement modifié plusieurs cartes de pays, ainsi que Chris Johnson dont les conseils concernant les cartes sont vivement appréciés. Grand merci également à Cathy Strauss, François Delisle, Marisa Dowswell, Maxime Cappeliez et Rebeca Batres pour la mise à jour des renseignements figurant dans les tableaux. Tout comme lors de la première édition, les conseils et le soutien de Ron Watts, Ph.D., professeur à l’Université Queen’s et membre du conseil d’administration du Forum, se sont révélées très précieuses. Enfin, nous tenons à remercier de leur aide éclairée tous nos collègues du Forum des fédérations, en particulier Carl Stieren, Rita Champagne et Mahalya Havard. Ann Griffiths Rédactrice en chef

Karl Nerenberg Coordonnateur du projet

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Préface : Résurgence du concept fédéral

La dernière décennie a donné lieu à un regain d’intérêt pour le concept fédéral. J’utilise délibérément l’expression «concept fédéral» car le suffixe «isme» du mot «fédéralisme» semble restreindre, d’une certaine façon, la nature du débat et la perception des choses. De fait, en Espagne, le gouvernement central hésite à parler de fédéralisme, un terme qu’il associe à la dissolution de l’autorité souveraine; quant aux Catalans, ils le rejettent aussi, mais parce qu’il ne reflète pas assez, selon eux, la nature particulière des revendications catalanes en faveur de l’autonomie gouvernementale. En Afrique du Sud, le terme est plus ou moins mal vu parce qu’il avait été approuvé par le gouvernement de l’apartheid; de son côté, le Congrès national africain (African National Congress, anc), soucieux de sa vision d’une «Afrique du Sud unique», hésite à qualifier de «fédéraliste» toute nouvelle constitution. Le débat n’a rien de neuf. Aux États-Unis, les partisans politiques de Jefferson étaient fiers de se déclarer «antifédéralistes», convaincus que les forces centralisatrices derrière John Adams et Alexander Hamilton avaient fait du fédéralisme leur marque de commerce. Il est pourtant clair que Thomas Jefferson et John Adams étaient tous deux fédéralistes, et qu’ils avaient en commun beaucoup plus de convictions fondamentales que la rhétorique du débat démocratique ne porterait à le croire. Les événements actuels en Afrique du Sud, en Espagne, au Mexique, au Nigeria, au Royaume-Uni, en Russie, au Brésil, en Inde, au Pakistan, à Chypre, en Irak et au Sri Lanka, ainsi que dans divers autres

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xvi Préface : Résurgence du concept fédéral

pays, mettent en lumière de grandes tendances communes que nous nous devons de comprendre. Il existe assurément plusieurs façons d’être fédéraliste; l’important, c’est de souscrire à une idée commune. Les accords politiques axés sur la coopération et l’association s’inspirent des traditions de nombreuses sociétés anciennes, des conseils de tribu africains aux pactes des villes-états, en passant par la Confédération iroquoise. Le concept fédéral moderne est avant tout une notion démocratique qui valorise le respect face à l’identité des peuples et à leurs choix politiques. C’est un concept incompatible avec les définitions populistes de la démocratie, qui ne se fondent pas sur le respect des droits individuels, le processus constitutionnel et la primauté du droit. Il ne s’accommode pas non plus des éléments de la société qui se croient en prise directe sur les intérêts «supérieurs» ou «réels» de la population. Les idéologies fondées sur une vision particulière de la vérité politique (ou religieuse, comme on le constate de par le monde) s’opposent implacablement au concept fédéral. Le concept fédéral reflète donc bien la dynamique politique et les notions rivales d’intérêt public. Il tient aussi compte du désir fréquemment exprimé de limiter l’influence de l’État. Les constitutions, qui précisent les compétences des différents ordres de gouvernement, garantissent les droits et libertés, et prévoient une structure juridique conçue pour interpréter les règles d’équilibre (et les appliquer), touchent inévitablement aux limites de la souveraineté du peuple ainsi qu’à la protection du droit des groupes et des citoyens. Il s’agit là de notions fondamentales pour toute définition claire du concept fédéral, à savoir qu’un pays fédéral est un pays où le pouvoir est à la fois réparti et coordonné. Et c’est bien sûr le grand point de friction du fédéralisme : plus qu’une idée «unique», il exige une volonté commune de faire certaines choses indépendamment, et d’autres conjointement. Le concept fédéral va plus loin que la simple dévolution de pouvoirs, puisqu’il suppose aux gouvernements des provinces ou des états le même niveau de souveraineté dans leurs champs de compétence qu’au gouvernement national ou fédéral dans les siens. Dans un régime fédéral, il n’y a pas de gouvernement «supérieur» ou «inférieur», de gouvernement «dominant» ou «subalterne», mais plutôt des gouvernements différents qui font des choses différentes à l’intérieur d’un cadre commun. Le gouvernement national n’est pas non plus une créature des provinces, à qui l’on confie certaines tâches; il jouit de sa propre souveraineté et de ses propres liens directs avec le peuple. Le concept fédéral suppose donc un dialogue constant, voire sempiternel, sur la question des rôles respectifs. Dans toute fédération, on retrouve les mêmes questions relatives à la fiscalité, à la perception des

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xvii Préface : Résurgence du concept fédéral

recettes, à leur partage et à leur utilisation. Au Canada, les richesses naturelles appartiennent aux provinces, et les revenus qu’elles produisent reviennent aux gouvernements provinciaux. Au Nigeria, le gouvernement central perçoit tous les revenus pétroliers et les répartit ensuite selon une certaine formule. Avec le retour du pays au fédéralisme démocratique, le débat entourant le partage de ces revenus s’est déplacé vers les tribunaux. La formule australienne de partage des recettes est semble-t-il si complexe qu’elle nous rappelle les paroles de cet homme d’État britannique qui confiait : «Il n’y a que trois personnes qui connaissent les causes de la guerre de Crimée : deux sont mortes, et moi, je ne m’en souviens plus.» On s’accorde de plus en plus à dire que les gouvernements des états et les administrations locales doivent être en mesure de recueillir les fonds dont ils ont besoin pour financer leurs programmes : c’est une façon d’accroître la transparence et l’imputabilité. Quand cela s’avère impossible, le partage des recettes centrales doit être défini de façon plus claire et moins unilatérale. Quand ce n’est pas le cas, et ce l’est rarement, les conflits sont inévitables. Les opposants au fédéralisme évoquent souvent ces conflits pour justifier l’abolition pure et simple des gouvernements régionaux ou la séparation. Ils décrient la complexité parfois inouïe des institutions fédérales et la multiplication des gouvernements présentée comme trop onéreuse. On entend souvent dire, au sein des formations nationales majoritaires, que le pays est trop petit pour se permettre un régime fédéral perçu comme trop coûteux. On entend aussi dire, au sein de minorités déterminées, que le droit à l’autodétermination est absolu, et que le fédéralisme complique inutilement les choses alors que tout serait si simple dans un État séparé. Il faut se méfier de ce genre d’affirmations, rarement validées par la réalité. Il serait difficile de parler «d’efficacité» dans le cas d’un Mexique à parti unique ou d’un Nigeria au service de dictatures militaires. La Suisse, pays géographiquement petit et politiquement complexe, constitue depuis des décennies un véritable symbole d’efficacité et de tolérance. De toute évidence, le concept fédéral intègre la complexité des faits, mais mieux vaut le «donnant donnant» de négociations interminables – n’est-ce pas là un fidèle reflet de la vie! – que l’univers simpliste des jacobins, des léninistes, des militaristes, des fanatiques religieux ou même des nationalistes ethniques à l’ancienne, incapables de composer avec le pluralisme, quel qu’il soit. Le regain d’intérêt pour le concept fédéral tient à plusieurs causes. La dynamique des valeurs qui sous-tendent la démocratie, les révolutions politiques en matière d’identité et de droits de la personne, le

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xviii Préface : Résurgence du concept fédéral

double démantèlement de l’apartheid et du communisme bureaucratique, les répercussions de la révolution technologique et les changements économiques inhérents à la mondialisation y sont tous pour quelque chose. Au Mexique par exemple, même si la Constitution confirmait la nature fédérale du pays, la réalité était tout autre, puisqu’un parti unique est demeuré en place pendant presque tout le XXe siècle. Le cas de l’Union soviétique était encore plus éloquent. L’incidence de l’homme casqué a été tout aussi violente au Brésil et au Nigeria : le concept fédéral s’accorde mal avec la mentalité de «commandement et contrôle» qui caractérise la hiérarchie militaire. Ce renouveau ne se limite pas aux pays traditionnellement fédéralistes. Il y a longtemps que les nations doivent composer avec le simple fait que la géographie n’engendre pas automatiquement l’homogénéité. De nos jours, l’ordre mondial est surtout tributaire de conflits ethniques, linguistiques, religieux et raciaux. Depuis 1945, les guerres éclatent autant à l’intérieur des pays qu’entre les pays, un phénomène qui a eu des effets dévastateurs sur la paix et la sécurité. Ce ne sont plus les soldats qui meurent par millions, mais bien les civils. Du Rwanda au Cambodge, des Balkans au Timor oriental, autant de pays qui n’arrivent pas à régler leurs conflits internes, la bataille fait rage à l’intérieur des frontières. Ces nations sont victimes de ce que Michael Ignatieff qualifie de «narcissisme de la petite différence». C’est dans ce contexte que le concept fédéral reprend tout son intérêt. Au Sri Lanka, les négociations visent à produire des ententes pratiques sur la division et le partage du pouvoir, des ententes qui seront au service des droits civils des minorités et de la tolérance linguistique et religieuse. Ces efforts font suite à un conflit qui, en un quart de siècle, a fait plus de 60 000 victimes. En Irlande du Nord, où le conflit a aussi coûté des milliers de vies, le succès des négociations tient à la volonté de reconnaître la légitimité de «l’autre», à l’aptitude à faire preuve de souplesse politique et administrative, et à la capacité de contrôler le terrorisme. Toutes choses plus faciles à dire qu’à faire, mais il est difficile d’entrevoir, dans chacun des cas, une solution, si solution il y a, qui ne tienne pas compte du concept fédéral. Au Soudan, des négociations sont en cours pour mettre fin à une guerre civile entre le Nord et le Sud qui a coûté la vie à deux millions de personnes. Les accords fédéraux font partie de la stratégie de règlement de ce conflit extrêmement délicat. Il en va de même en Irak, où l’existence d’un Kurdistan autonome place la question du fédéralisme au premier plan des discussions quant aux nouveaux accords constitutionnels qui donneront lieu à un pays unifié mais non unitaire. En réalité, les questions de gouvernance fédérale sont au cœur de vifs débats

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xix Préface : Résurgence du concept fédéral

politiques et juridiques qui ont lieu à l’échelle planétaire, surtout là où le règlement de conflits revêt une importance cruciale. Le concept fédéral s’inscrit également dans une autre tendance. La coopération européenne qui se poursuit depuis les années 50 a donné naissance à un Parlement européen élu, à un tribunal commun, à la liberté de circulation, de même qu’au libre-échange et à une monnaie commune. Malgré toutes les dissensions et discussions entourant le terme, le fédéralisme supranational est devenu réalité. La souveraineté nationale n’est pas morte et l’ère de l’État-nation n’est certes pas révolue. Mais le concept d’un État-nation exclusif et source unique de vérité est clairement dépassé. Au sein même des pays, les pratiques de gouvernance sont invariablement soumises aux regards de l’opinion politique et économique mondiale et, ce qui importe plus encore, à la primauté du droit. À l’issue de la conférence sur le fédéralisme qui se tenait à MontTremblant, en 1999, le président Bill Clinton affirmait que «le fédéralisme, ce n’est pas une si mauvaise idée, après tout». Il avait raison. L’effondrement des États à parti unique, la recherche d’identité, les pressions en faveur de la responsabilisation locale, les demandes d’ouverture et de transparence au sein des gouvernements, et le fait de reconnaître que la «souveraineté» ne constitue plus un absolu dans ce monde de plus en plus petit et interdépendant, tous ces éléments ont remis le concept fédéral à l’ordre du jour. Bob Rae Président, Forum des fédérations 21e premier ministre de l’Ontario

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Guide des pays fédéraux, 2005

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Introduction JOHN KINCAID

La création, en 1999, du Forum des fédérations, la publication de la deuxième édition du présent ouvrage, de même que l’essor de l’Association internationale des centres d’études du fédéralisme (IACFS), témoignent du redoublement de l’intérêt porté au fédéralisme, de par le monde, depuis une quinzaine d’années1. En 1968, Carl J. Friedrich, éminent politologue de l’Université Harvard, suggéra que, dans l’ère moderne, loin d’être une anomalie comme maints observateurs le croyaient, le fédéralisme avançait plutôt vers la tête du peloton des modes de gouvernance nécessaires et souhaitables pour la deuxième moitié du XXe siècle2. Cette observation était certes presciente, surtout à une époque où le fédéralisme semblait prendre du recul au lieu d’avancer. Aux États-Unis, véritable archétype du régime fédéral moderne, le fédéralisme était largement associé au racisme des états du Sud. Ailleurs, plusieurs pays formellement fédéraux, comme l’URSS, étaient, en réalité, des régimes totalitaires ou autoritaires hautement centralisés. Plusieurs tentatives de fédéralisme avaient échoué tandis que de nouvelles fédérations, comme

1 Voir Daniel J. Elazar (dir.), Federal Systems of the World : A Handbook of Federal, Confederal and Autonomy Arrangements, 2e éd., Essex, Royaume-Uni, Longman, 1994. 2 Carl J. Friedrich, Trends of Federalism in Theory and Practice, New York, Praeger, 1968.

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4 Guide des pays fédéraux, 2005

l’Inde, subissaient la centralisation et éprouvaient des difficultés de croissance ou, pis encore, étaient ébranlées par la guerre civile et les régimes militaires corrompus, comme au Nigeria. Trois démocraties plus mûres – l’Australie, le Canada et la Suisse – prospéraient harmonieusement mais de façon à peine perceptible derrière les conflits dramatiques de la guerre froide. L’Allemagne avait érigé une démocratie fédérale réussie sur les décombres de l’ère nazie, l’Autriche avait reconstitué le fédéralisme, et un petit groupe de pays d’Europe de l’Ouest constituaient lentement une union économique. Mais cela aussi semblait un divertissement de quartier à l’échelle d’un continent où le nombre de dictatures surpassait celui des démocraties. Les Nations Unies, sorte d’expérience fédérale globale, ressemblaient à une montgolfière retenue au sol par le poids mort du nationalisme et des rivalités entre superpuissances. Pourtant, la publication du présent ouvrage est un signe que, depuis 1968, les choses ont évolué à tel point qu’en 1990, Carlos Fuentes pouvait écrire : «J’ai espoir que nous serons témoins d’une réévaluation du thème du fédéralisme comme compromis entre trois forces aussi réelles les unes que les autres : la nation, la région et le monde. À cette fin, il faudrait distribuer par millions les Federalist Papers3.» Ce qui se produisit entre la prescience de Friedrich et le plaidoyer de Fuentes fut la chute, en 1989, du mur de Berlin. Cet événement historique marqua l’effondrement d’un empire, mit fin à la guerre froide (vieille de plus de quarante ans), délia des forces démocratiques et nationalistes de par le monde, et, enfin, discrédita des théories et des pratiques politiques qui avaient légitimé une centralisation du commandement et du contrôle au nom d’abstractions comme le peuple, la démocratie et l’accession au statut de nation.

ferveur fédéraliste Jetons un coup d’œil rapide à l’état actuel du fédéralisme dans le monde. L’union construite douloureusement en Europe de l’Ouest est devenue l’Union européenne (UE), un ensemble en voie d’atteindre une envergure considérable4. Même si, en 2003, les membres de l’UE et ceux en devenir n’ont pu convenir d’une constitution, échec

3 Carlos Fuentes, «Federalism is the Great Healer», Los Angeles Times, 16 décembre 1990, p. M1. 4 John Kincaid, «Confederal Federalism and Citizen Representation in the European Union», West European Politics, vol. 22, no 2 (avril 1999), p. 34– 58.

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5 Introduction

qui a mis au jour les défis associés au resserrement accru de l’union en Europe, l’UE est une réalisation remarquable à la lumière des siècles de guerre et de terreur qui ont affligé ce continent. Maintenant unie, l’Allemagne fédérale y est un leader clé; la Belgique est devenue formellement fédérale; l’État espagnol de l’après-fascisme est quasi fédéral; l’Autriche maintient son régime fédéral; et, quoique toujours à l’extérieur de l’UE, avec sa Constitution nouvellement révisée la Suisse demeure une fédération robuste. En Italie, la régionalisation et la décentralisation découlant des modifications constitutionnelles de 2001 pousseront peut-être ce pays vers le fédéralisme mais, à ce jour, le gouvernement national n’a accru ni les pouvoirs d’imposition des régions ni leur autonomie fiscale, ni n’a établi avec elles des relations fiscales stables conformes aux nouvelles dispositions constitutionnelles. La Ligue du Nord menace à nouveau de faire pression pour la sécession si l’Italie n’avance pas vers le fédéralisme. Ces réussites sont cependant contrecarrées, en partie, par l’échec (ou l’échec possible) de plusieurs fédérations européennes. En 1993, à la suite de la «révolution de velours», la Tchécoslovaquie s’est divisée en deux pays, soit la Slovaquie et la République tchèque. La Yougoslavie n’était plus que l’ombre de ce qu’elle avait été, après une désintégration traumatique et un réagencement fédéral après l’ablation de son territoire de la Bosnie-Herzégovine, maintenant protégée par la garantie des puissances militaires de l’Ouest. Mais à l’instar de l’ancienne URSS, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie n’étaient fédérales qu’au plan de la structure, non dans les faits. Plus important vestige de l’URSS, la Russie, avec ses 89 unités constituantes et ses milliers d’armes nucléaires, est en proie à de graves tensions imputables à des forces centrifuges et centripètes, et l’on y constate les signes avant-coureurs d’une recentralisation autoritaire possible sous le président Vladimir Poutine. En même temps, des obstacles apparemment insurmontables surgissent pour bloquer une solution de type fédéral et bicommunal au problème de Chypre. En Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Océanie, le fédéralisme n’a connu, au mieux, qu’un succès mitigé. En Afrique, le Nigeria tente à nouveau de faire fonctionner un gouvernement civil démocratique, bien que le régime s’avère l’un des plus corrompus au monde et que la montée de l’intégrisme musulman dans le Nord menace la démocratie et la liberté du pays. L’Éthiopie a établi une démocratie fédérale dont la Constitution prévoit le droit de sécession, malgré les sentiments centralisateurs de la coalition au pouvoir; de surcroît, la famine l’accable. L’Afrique du Sud post-apartheid a établi une démocratie quasi fédérale qui connaît un succès remarquable. L’accommodement reste difficile et troublé dans l’Union des Comores (anciennement la

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République fédérale islamique des Comores), et l’arrangement fédéral conclu en Sénégambie a été dissous en 1989. En outre, les efforts déployés pour aménager des régimes fédéraux ailleurs en Afrique (au Soudan et en Ouganda par exemple) n’ont pas encore porté fruit. Le Moyen-Orient est une région où le fédéralisme n’est pas fermement implanté. Les Émirats arabes unis y sont le seul État à avoir adopté des principes fédéraux. Cette entité comprend sept émirats dont les chefs de clan ont conclu une alliance de type fédéral. Le défi qui se profile présentement au Moyen-Orient tient à l’établissement éventuel d’une démocratie fédérale en Irak pour répondre aux besoins des Kurdes, des Chiites, des Sunnites et autres groupes distincts. Tel est l’objectif envers lequel se sont engagés les États-Unis dans le cadre de la reconstruction de l’Irak de l’après-Saddam Hussein. Les Kurdes, qui ont déjà établi dans le nord de l’Irak un Kurdistan doté d’un gouvernement autonome très efficace, insistent surtout sur un aménagement fédéral capable de garantir leur autonomie régionale et de les protéger de la tyrannie éventuelle de toute majorité ou minorité susceptible de saisir le gouvernement national. L’Afghanistan constitue un autre candidat au fédéralisme, quoiqu’on ne sache pas encore si le pays peut atteindre le niveau de stabilité nécessaire ou se doter d’une confédération de chefs guerriers souplement structurée. En Asie, l’Inde maintient son «union d’états» fédérale depuis plus de 50 ans, mais fait face à des changements de grande portée en raison du déclin du Parti du Congrès (Congress Party), de la montée d’un parti nationaliste hindou (le Parti du peuple indien, ou Bharatiya Janata Party, BJP), de la prolifération de partis régionaux et étatiques, et de la libéralisation économique survenue après la guerre froide. De nouveau sous régime militaire toutefois, le Pakistan a connu beaucoup de difficultés à instituer le fédéralisme et la démocratie; de plus, son régime militaire, ses armes nucléaires et son emplacement à l’épicentre de la guerre au terrorisme en font une cible de choix pour les extrémistes. Les efforts déployés au Sri Lanka n’ont pas encore permis de trouver une solution fédérale au conflit qui oppose depuis plus de vingt ans la minorité tamoule à la majorité cinghalaise. Bien que les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam, LTTE) aient renoncé à revendiquer un État séparé, leurs propositions d’autonomie régionale ne reçoivent pas l’appui chaleureux des Cinghalais. De fait, en 2000, le gouvernement du Sri Lanka a abandonné un projet de loi visant à réformer la Constitution, et qui aurait transféré des pouvoirs considérables aux conseils régionaux dans le cadre d’un régime de type fédéral. La Malaisie, une des rares fédérations à avoir expulsé un membre (Singapour, en 1965), reste très centralisée et secouée par des conflits ethniques. En revanche, les États fédérés de Micronésie demeurent

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fédérés, ce qui tient davantage à la tutelle américaine dont ils font l’objet qu’à leur cohésion interne. Il sera intéressant de voir si, advenant la démocratisation de la Chine, son quasi-fédéralisme de fait évoluera vers un fédéralisme de droit. Ni l’Indonésie ni les Philippines ne sont dotées d’un régime fédéral; par contre, l’Indonésie s’est engagée, en 1999, dans un important processus de décentralisation des pouvoirs, et le fédéralisme représente toujours une proposition éminente pour aider à résoudre les problèmes de séparatisme aux Philippines. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres États de la région, le régime fédéral australien célèbre 103 ans de prospérité démocratique, et la Couronne britannique y est toujours bien en place. Dans les Amériques, les années 90 ont vu la relance de gouvernements plus fédéraux et plus démocratiques en Argentine, au Brésil et au Mexique. Toutefois, quoique fédéral de nom, le Venezuela, riche en pétrole, reste sous le contrôle bien serré du centre. Dans la mer des Caraïbes, la Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis, vestige de celle, éphémère, des Antilles occidentales britanniques, est un mariage malaisé. Le Québec restant au bercail, le Canada, de son côté, demeure une fédération : des mécanismes soigneusement équilibrés d’accommodement et de tolérance y sustentent un régime politique démocratique fédéral prospère. Dans les années 90, les États-Unis sont devenus la seule superpuissance mondiale, et ont connu, du même coup, une renaissance de leurs principes fédéralistes traditionnels, surtout en raison de décisions de la Cour suprême, arbitre du régime constitutionnel fédéral du pays. En 1992, dans l’affaire New York v. United States, ce tribunal a rappelé ainsi une grande idée sur les fins du fédéralisme : La Constitution ne protège pas la souveraineté des états pour leur profit ou celui de leurs gouvernements comme entités politiques abstraites, ni même pour celui des fonctionnaires qui les dirigent […]. La Constitution répartit l’autorité entre le gouvernement fédéral et ceux des états pour protéger les individus. La souveraineté des états n’est pas uniquement une fin en soi : «Plutôt, le fédéralisme garantit aux citoyens les libertés provenant de la diffusion du pouvoir souverain5.»

Le peu d’impact du terrorisme et de la «guerre au terrorisme» sur le fédéralisme américain et les relations intergouvernementales aux États-Unis est également étonnant. La création du département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security) constitue une réorganisation majeure de la branche exécutive du gouvernement

5 New York v. United States, 505 U.S. 144, 1992.

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fédéral américain. Pour l’essentiel cependant, dans le domaine de la sécurité intérieure comme dans les autres champs de la politique intergouvernementale, la collaboration et les conflits entre gouvernements se trament selon les mêmes patrons. La ferveur fédéraliste actuelle est plus forte que jamais, puisque le fédéralisme constitue un élément clé du débat et des discussions sur la démocratisation, la décentralisation, la diffusion de l’économie de marché, la protection des droits de la personne, et les garanties aux groupes minoritaires. Pour une large part, c’est une réaction scrutatrice contre une époque où les États-nations deviennent fort centralisés, souvent oppressifs à l’interne et agressifs à l’externe. Comme en témoignent clairement les cas étudiés dans le présent ouvrage, le fédéralisme peut constituer un régime de gouvernance démocratique remarquablement efficace; à la longue, toutefois, il peut aussi être difficile à implanter et à maintenir. La ferveur fédéraliste reflète aussi le fait qu’au XXIe siècle, non seulement le fédéralisme s’avère-t-il préférable à l’étatisme mais encore devient-il nécessaire6. Cette nécessité tient au besoin de mettre au point, à l’échelle du village mondial, des modes de gouvernance intergouvernementale capables d’encadrer des fonctions qui, peu à peu, dépassent la compétence du foyer, du village, de la ville, de la province, de l’État-nation, de la région et du continent, sans toutefois banaliser ces plus modestes forums d’autonomie gouvernementale. Cela dit, ces nouveaux modes de gouvernance et ordres de gouvernement ne peuvent, ni ne doivent, être imposés par un pouvoir central; ils doivent plutôt naître du désir collectif de tous les habitants de la planète. Le fédéralisme est souhaitable, entre autres, en raison de son engagement envers la diversité plutôt que l’homogénéité, et parce qu’il ne cherche pas à abolir le foyer, le village, la ville, la province, la nation, la région ou le continent dans le processus de transfert des pouvoirs à des instances générales et spécialisées de portée territoriale plus vaste. Le fédéralisme s’avère d’autant plus souhaitable et nécessaire que les collectivités raciales, ethniques, religieuses, linguistiques et nationales, qui sont à la fois nombreuses et diverses, tiennent à pérenniser la pertinence de leur identité géographique et politique. L’évolution du monde de l’étatisme vers le fédéralisme, de même que l’atténuation de l’anarchie et des conflits entre groupes, exigent la prise en considération de ces identités.

6 Daniel J. Elazar, «From Statism to Federalism : A Paradigm Shift», Publius : The Journal of Federalism, vol. 25, no 2 (hiver 1995), p. 5–18.

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q u ’ e s t- c e q u e l e f é d é r a l i s m e ? Le fédéralisme est essentiellement un régime de gouvernement autonome partagé et volontairement choisi7. L’origine du terme «fédéral» vient du latin fœdus, qui signifie «pacte8». Un pacte est une association d’égaux assortie d’obligations. Au sein de l’association, les partenaires conservent leur identité et leur intégrité, tout en créant une nouvelle entité (comme une famille ou un corps politique), dotée, elle aussi, d’une identité et d’une intégrité propres. Un pacte est aussi un engagement moral assorti d’obligations où les partenaires se conduisent les uns envers les autres conformément à l’esprit, et non à la seule lettre, de la loi. Ainsi, cette entente à laquelle viennent se greffer des obligations constitue plus qu’un contrat. Un pacte engage les parties à une relation durable, voire perpétuelle, et à l’obligation de collaborer pour atteindre les buts de l’entente et régler de manière pacifique les conflits qui surgissent inévitablement dans toute relation. On peut donc dire du fédéralisme qu’il s’agit d’une structure et d’un processus de gouvernance favorisant l’union, sur la base du consentement, tout en conservant la diversité. Pour y parvenir, le fédéralisme unit constitutionnellement des collectivités politiques séparées en une entité politique de portée limitée mais compréhensive. Les pouvoirs sont répartis et partagés entre un gouvernement général doté de certaines responsabilités à l’échelle nationale, continentale ou mondiale, d’une part, et des gouvernements constituants, de l’autre. Cette répartition est assortie du pouvoir, revêtu d’autorité, de s’acquitter de ces responsabilités au nom du peuple de l’entité politique fédérale. En conséquence, les gouvernements constituants ont, eux aussi, des responsabilités locales importantes et suffisamment d’autonomie pour s’en acquitter au nom de leur propre peuple, de concert avec le peuple entier de l’entité politique fédérale. La répartition des pouvoirs est conçue pour protéger l’autorité intégrale tant du gouvernement général que des gouvernements constituants, de même que l’existence de leurs collectivités respectives. Une fédération démocratique est, en réalité, une république de républiques qui, tout en permettant la diversité et la concurrence pour favoriser la liberté et l’efficacité, met en relief le partenariat et la coopération pour le bien commun.

7 Daniel J. Elazar, Exploring Federalism, Tuscaloosa, Alabama, University of Alabama Press, 1987, p. 5. 8 Daniel J. Elazar et John Kincaid (dir.), The Covenant Connection : From Federal Theology to Modern Federalism, Lanham, Maryland, Lexington Books, 2000.

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Les partisans du fédéralisme y voient une façon de réaliser la paix et la sécurité et de construire des valeurs communes, ainsi qu’une identité supérieure englobant toutes les autres, tout en favorisant une démocratie pluraliste. Ils y voient également une façon de protéger et de tempérer la diversité humaine, de prévenir la tyrannie centralisée d’une minorité ou d’une majorité, de préserver les libertés tant individuelles que communautaires. On peut aussi y voir une façon d’encourager la prospérité associée aux marchés communs; d’accroître la participation des citoyens et l’autonomie des administrations locales; d’offrir aux citoyens des points d’accès multiples au pouvoir public; de leur donner la possibilité de choisir parmi les juridictions gouvernementales; d’encourager l’expérimentation créatrice (les unités constituantes pourraient, par exemple, servir de laboratoires pour la démocratie et pour des politiques innovatrices); et d’améliorer l’efficacité de la fonction publique en habilitant les gouvernements à fournir les biens publics qui, au plan économique, conviennent à la portée territoriale de leur compétence. On peut aussi voir le fédéralisme comme un moyen d’encourager la justice de diverses façons, y compris en appariant de près les avantages et les frais du gouvernement; en encourageant l’aide réciproque; et en reconnaissant, dans les limites, différentes manières de concevoir la justice chez les peuples des collectivités politiques constituantes. Les détracteurs du fédéralisme soutiennent que c’est un mode de gouvernement complexe et compliqué, lent à réagir aux changements et aux défis. Ils soutiennent également que sa nature le porte aux inégalités de développement entre juridictions, et le prédispose au gaspillage en raison du dédoublement des fonctions et services, qu’il est encombré de droits de veto, mal outillé pour l’exécution de politiques, et sujet à la paralysie qunad il s’agit de prendre des décisions.

va r i é t é s s t r u c t u r e l l e s e t p r i n c i p e s de procédure du fédéralisme La constitution et la structure gouvernementale d’une fédération peuvent s’agencer de différentes façons. Bien qu’il y ait des lignes directrices générales pour répartir convenablement les fonctions en régime fédéral (équité, imputabilité, effets externes et économies d’échelle), il n’existe pas de constitution ou de structure gouvernementale fédérale idéale, pas plus que de liste de fonctions ou de compétences à confier au gouvernement général et aux gouvernements constituants. De plus, il n’y a pas de meilleure façon d’assortir les pouvoirs délégués, énumérés, implicites, inhérents, exclusifs, pleins et entiers, concurrents, et réservés (ou résiduels) en démocratie fédérale. Au

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Canada, par exemple, les pouvoirs résiduels relèvent de la compétence fédérale, et, aux États-Unis, des états constituants. Un régime fédéral peut être parlementaire, présidentiel ou hybride. Normalement, en régime fédéral il y a un arbitre, d’habitude un tribunal de haute instance, habilité à trancher les conflits entre gouvernements et juridictions. Sa structure et ses pouvoirs varient cependant, et certaines fédérations prévoient le recours au peuple comme arbitre ultime. À ces égards, il existe toutes sortes de fédéralisme9. Les démocraties fédérales qui réussissent semblent posséder en commun certains principes de fonctionnement caractéristiques. L’un d’eux est la continuité de la consultation et de la négociation entre gouvernements, dans le cadre d’institutions gouvernementales formelles ou hors de ce cadre. Cela comprend différents mécanismes de participation citoyenne et des règles de transparence à l’endroit du public : en bout de piste, le résultat des négociations intergouvernementales doit être accepté par le peuple. Un autre principe est celui de la coopération entre gouvernements, marquée par le pragmatisme dans l’abord des problèmes d’intérêt public. En fin d’analyse, tous les gouvernements sont au service de l’ensemble du peuple en démocratie fédérale. Certaines fédérations formalisent et institutionnalisent rigoureusement cette coopération tandis que d’autres privilégient la souplesse sans formalités. Il faut aussi une loyauté fédérale (Bundestreue); c’est l’engagement moral de collaborer à la réalisation des objectifs et de satisfaire les besoins de l’entité politique fédérale. La courtoisie fédérale, c’est la disposition à faire des compromis, à faire preuve de patience et à comprendre le point de vue des autres. En même temps, une certaine dose de concurrence entre gouvernements et entre juridictions s’avère aussi essentielle pour restreindre le pouvoir, contribuer à l’efficacité et favoriser l’innovation. La liberté de mouvement des citoyens intensifie cette concurrence. En règle générale, tout gouvernement doit disposer de suffisamment de compétences autonomes – législative, administrative, fiscale et ainsi de suite – pour bien s’acquitter de ses devoirs; un ordre de gouvernement ne doit pas dépendre d’un autre auquel, éventuellement, il pourrait être asservi. Le plus souvent, les sujets les plus litigieux sont la répartition des recettes et, plus particulièrement, la capacité fiscale. Aux fins de l’imputabilité démocratique, il vaut mieux maintenir le lien entre le pouvoir de dépenser et celui de taxer; autrement dit, le politicien qui jouit du plaisir de dépenser au profit de ses

9 Valeria Earle (dir.), Federalism : Infinite Variety in Theory and Practice Itasca, Illinois, F.E. Peacock, 1968.

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commettants devrait d’abord éprouver la douleur d’aller percevoir les taxes qui ont rendu possibles ces dépenses. Les transferts entre gouvernements, ou encore les subventions, dissocient l’acte de dépenser de celui d’imposer, puisqu’on accorde à un ordre de gouvernement le plaisir de dépenser alors même qu’il se décharge sur un autre du fardeau de la taxation. Pour bien des raisons historiques et politiques, cependant, toutes les fédérations ont recours aux transferts intergouvernementaux. Souvent, ces transferts témoignent du désir d’un gouvernement national de contrôler les gouvernements des unités constituantes en décentralisant les dépenses tout en centralisant le pouvoir de taxation. La plupart des fédérations pratiquent la péréquation fiscale par laquelle le gouvernement fédéral, et parfois ceux des unités constituantes bien nanties, alimente en revenus les unités pauvres pour en élever la capacité à fournir des services à hauteur de la moyenne nationale, ou encore à se conformer à une exigence de la constitution comme celle, dans la Loi fondamentale de l’Allemagne, d’assurer un «niveau de vie uniforme».

f é d é r a l i s at i o n o u d é c e n t r a l i s at i o n de régimes centralisés Au plan historique, le fédéralisme est né de l’union de collectivités distinctes et indépendantes par voie de pactes classiques. À la fin du XXe siècle, toutefois, il y eut de nombreuses tentatives de fédéraliser des régimes dictatoriaux centralisés en les déconstruisant au centre et en déconcentrant leurs pouvoirs pour ensuite les reconstituer conformément au modèle fédéral. Dans le domaine du fédéralisme, ce sont des expériences originales et importantes. Même si le processus n’est pas classique, les exigences finales sont les mêmes : une fois libérées de leurs entraves, les collectivités politiques constituantes doivent vouloir rester ensemble. Il s’agit d’un processus de désunion suivi d’une réunion voulue. Il peut être symétrique, auquel cas toutes les unités constituantes concluent un marché sur un pied d’égalité et à peu près au même moment constitutionnel; ou encore il peut être asymétrique, auquel cas les diverses unités constituantes obtiennent différents niveaux d’autonomie gouvernementale par voie d’entente ou de traité constitutionnel bilatéral avec le centre qui se déconstruit, ou en vertu d’une disposition constitutionnelle générale permettant aux collectivités politiques constituantes d’accroître leur autonomie à une vitesse variable, selon leurs préférences et leurs moyens. Cependant, c’est souvent l’étape de la désunion, ou déconstruction, qui suscite le plus d’inquiétude au sujet du fédéralisme, et surtout la crainte que l’acte de désunion empêche les unités constituantes de

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s’unir à nouveau. Par conséquent, les leaders nationalistes dénigrent le fédéralisme et le rejettent, y voyant un subterfuge sécessionniste ou une voie menant à la désintégration. Tout au plus disent-ils appuyer la déconcentration ou la décentralisation des pouvoirs, en prenant bien garde toutefois de ne pas évoquer le fédéralisme10. Bien qu’une telle résistance au fédéralisme puisse elle-même être un subterfuge pour résister à la démocratisation, il y a toujours possibilité de désintégration pour un État formellement centralisé, surtout dans les cas où les composantes raciales, ethniques, religieuses ou linguistiques, ou plusieurs d’entre elles à la fois, ont été sévèrement opprimées ou ont subi des attaques génocidaires. Il se peut qu’il n’y ait même pas le minimum de confiance nécessaire à la fédéralisation. Les énergies consacrées à s’accrocher au pouvoir centralisé et à imposer l’unité peuvent, toutefois, exacerber la désintégration ou même détruire et le fédéralisme et la démocratie. Étant donné le caractère multinational ou multiculturel de la plupart des États-nations, un des aspects les plus intéressants du fédéralisme, ces dernières décennies, est sa capacité de tenir compte des divers groupes raciaux, ethniques, religieux et linguistiques au sein d’une même entité politique. La Suisse en est le modèle le plus vénérable et le mieux réussi. L’Espagne offre un exemple récent de déconstruction d’un système qui, jusqu’ici, a réussi à composer avec une telle diversité. De nombreux citoyens du Québec voient le Canada comme un pacte entre deux peuples et non comme une fédération de dix provinces, et l’Inde incarne une cacophonie multinationale et multiculturelle. Bien que ce potentiel soit clairement évident dans le fédéralisme, il est évident aussi que les arrangements fédéraux d’autant de diversité sont difficiles et délicats à réaliser. Pourtant, cela renvoie à ce qui semble la nécessité du fédéralisme. Autrement, quelle serait l’alternative? Un État unitaire centralisé pourrait maintenir l’unité d’une société multinationale ou multiculturelle, mais, là où les collectivités composantes n’en veulent vraiment pas, le prix de la vie en commun pourrait être de devoir sacrifier la démocratie et endurer le fardeau d’un régime autoritaire. Ainsi que le montrent la fréquence et l’intensité des conflits ethno-religieux et l’écoulement de sang dans tant d’États-nations, ce type de régime échoue souvent aussi.

10 John Kincaid, «Values and Value Tradeoffs in Federalism», Publius : The Journal of Federalism, vol. 23, no 1 (printemps 1995), p. 29–44; Gabriele Ferrazzi, «Using the “F” Word : Federalism in the Indonesian Decentralization Discourse», Publius : The Journal of Federalism, vol. 30, no 2 (printemps 2000), pp. 63–85.

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f é d é r a l i s m e o u d é c e n t r a l i s at i o n ? D’habitude, donc, on s’intéresse plus à décentraliser les régimes centralisés qu’à recourir au fédéralisme. La raison en est simple. Pour ceux qui conçoivent l’unité nationale dans un esprit traditionnel ou élitiste, le fédéralisme entraîne pour les collectivités constituantes un niveau inquiétant, pour ne pas dire menaçant, d’autonomie politique, voire de souveraineté. Le fédéralisme entraîne un agencement polycentrique non centralisé au sein duquel ni les gouvernements constituants ni le gouvernement général ne peuvent modifier unilatéralement le partage constitutionnel des compétences. Comme le remarquait Friedrich : Typiquement, un régime fédéral conserve les institutions et les comportements caractéristiques d’un foedus, c’est-à-dire une convention entre parties égales qui les engage à agir solidairement en certaines matières précises d’intérêt politique général. On peut dire que la représentation séparée et effective des unités constituantes dans les processus de législation et de formulation de la politique gouvernementale et, plus particulièrement, leur représentation séparée et effective dans le processus de modification de la charte constitutionnelle elle-même, sont des critères raisonnablement précis pour distinguer un régime fédéral d’un régime tout simplement décentralisé11.

Dans un régime décentralisé, le pouvoir central possède l’autorité de décentraliser ou de déléguer des responsabilités fonctionnelles, fiscales ou administratives à des niveaux inférieurs de gouvernement. Toutefois, s’il peut décentraliser, il peut tout aussi bien recentraliser. La décentralisation vise l’efficacité administrative et fonctionnelle, mais dans un régime unitaire. Ceci ne revient cependant pas à dire que les régimes fédéraux ne sont pas plus ou moins centralisés, eu égard à l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement général et les gouvernements constituants. En principe, un régime fédéral peut être constitutionnellement ou politiquement plus centralisé qu’un régime unitaire décentralisé. De même, il peut y avoir décentralisation dans un régime fédéral quand le gouvernement général cède une part de ses propres revenus, délègue son autorité de mise en œuvre et remet aux gouvernements constituants des responsabilités administratives. De plus, la distinction entre le fédéralisme et la décentralisation peut être brouillée, en pratique, quand les niveaux inférieurs de gouvernement en régime unitaire

11 Carl J. Friedrich, Trends of Federalism in Theory and Practice, New York, Praeger, 1968, p. 6.

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décentralisé cherchent à inclure des garanties d’autonomie de nature fédérale dans des lois ordinaires ou dans la constitution, et quand, dans un régime fédéral, les gouvernements constituants voient le gouvernement national éroder leurs pouvoirs autonomes pour les remplacer par la simple discrétion administrative.

d é f i s à l ’ av e n i r d u f é d é r a l i s m e L’érosion possible de l’autonomie des gouvernements constituants en régime fédéral est une préoccupation plus sérieuse en cette époque d’intégration régionale et de mondialisation12. En Europe de l’Ouest, par exemple, les administrations régionales et locales, de même que les gouvernements nationaux, ont cédé beaucoup d’autorité à l’Union européenne. Les régimes mondiaux de libre-échange, comme l’Organisation mondiale du commerce, mettent aussi en péril toute une série de pouvoirs qui permettent aux gouvernements constituants d’ériger des barrières non tarifaires. En attendant, la compétition du marché mondial exerce de la pression sur les régimes fédéraux et unitaires pour qu’ils déconcentrent ou décentralisent certains pouvoirs afin de donner aux gouvernements constituants plus de liberté d’action et de capacité à faire concurrence pour l’investissement et le tourisme, et pour exporter leurs biens et services sur le marché mondial. Le grand défi du fédéralisme reste cependant celui de respecter la diversité humaine. C’est aussi le grand défi du monde. L’épanouissement d’identités culturelles, religieuses et nationales a engendré des conflits partout dans le monde. Le règlement équitable et démocratique de ces conflits exigera des aménagements de gouvernance de nature fédérale, aménagements négociés au sein des États-nations, ou entre eux. Aussi, les questions de protection de l’environnement, d’équité mondiale et de paix globale indiquent toutes la nécessité de recourir aux principes et aux pratiques du fédéralisme à l’échelle mondiale pour aider à prémunir l’avenir contre la catastrophe.

12 Harvey Lazar, Hamish Telford et Ronald L. Watts (dir.), The Impact of Global and Regional Integration on Federal Systems : A Comparative Analysis, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2003.

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première partie Articles descriptifs des pays

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Afrique du Sud (République d’Afrique du Sud ) J A N I S V A N D E R WE S T H U I Z E N

1 histoire et évolution du fédéralisme L’Afrique du Sud est située à l’extrémité méridionale du continent africain et domine la région sud de l’Afrique. Elle a comme voisins immédiats la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe et le Mozambique, et elle encercle complètement le Swaziland et le Lesotho. Sa superficie est de 1 219 090 kilomètres carrés, et sa population est d’environ 43 millions d’habitants. Dans les années 90, on comptait environ 75,2 pour cent de Noirs, 13,6 pour cent de Blancs, 8,6 pour cent de Métis et 2,6 pour cent d’Indiens. Le fédéralisme a été plutôt contesté en Afrique du Sud, et cette situation perdure compte tenu de la profonde division politique qui marque historiquement le pays. En vertu de la Loi sud-africaine (South Africa Act) ratifiée en 1909 par le Parlement britannique, quatre territoires britanniques fusionnèrent : les États du Cap et du Natal (jadis sous autorité britannique), et les républiques boers du Transvaal et de l’État libre d’Orange. En mai 1910, l’Afrique du Sud devint un dominion autonome à l’intérieur du Commonwealth. En réalité, l’Union sud-africaine est née d’un compromis historique; pour les Afrikaners, elle signifiait une indépendance accrue en affaiblissant l’influence impériale britannique, alors que pour les Britanniques, au contraire, l’Union consolidait leur influence. À l’origine, l’Union de 1910 rejetait clairement toute aspiration fédéraliste. À l’époque, l’Union, symbole de la réconciliation entre les intérêts afrikaners et britanniques, occulta les relations interraciales entre Blancs et Noirs.

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Dans les faits, la création de l’Union favorisa une attaque soutenue contre les droits politiques des Sud-Africains noirs et métis. Même si l’Union commençait à rapprocher les intérêts afrikaners et britanniques, elle échoua dans sa tentative d’unir l’Afrique du Sud, étant donné l’exclusion de la majorité noire de la vie politique. Cette situation allait d’ailleurs modeler l’histoire de l’Afrique du Sud jusque dans les années 90. Avec l’avènement de l’apartheid dans les années 50, le pouvoir fut de plus en plus centralisé, les quatre provinces du Transvaal, de l’État libre d’Orange, du Natal et du Cap étant devenues des unités administratives pour Blancs seulement. Les «bantoustans» (patries ethniques) devinrent des annexes constitutionnelles comprenant les quatre «états indépendants» du Bophuthatswana, du Venda, du Ciskei et du Transkei, ainsi que six «territoires autonomes». Ces entités se trouvaient au cœur du «grand apartheid», car c’est au sein de ces territoires divisés en fonction des diverses tribus que les Sud-Africains noirs étaient censés exercer leurs droits civils et leur droit de vote. En réalité, cela voulait dire que les Noirs détenaient le statut de «travailleurs invités» (gastarbeiter) en Afrique du Sud «blanche», à peine plus que le statut de «visiteurs». Parallèlement au «grand apartheid», on retrouvait l’«apartheid mesquin», un vaste réseau de contrôle d’État où le moindre aspect de la vie quotidienne entre les Sud-Africains de diverses races était frappé de ségrégation : le transport, les zones résidentielles, les universités, les entrées des magasins, les services publics, même le sexe et le mariage. Toutefois, le coût véritable de la restructuration sociale orchestrée par les autorités, conjugué à l’incapacité du régime d’offrir aux SudAfricains noirs des conditions de développement «séparées mais égales», mena finalement à l’effondrement de l’apartheid. Devant l’urbanisation qui continuait sans répit, le principe de «grand apartheid» tourna à la fiction. À mesure que la pauvreté et le chômage frappaient les Sud-Africains noirs frustrés dans leurs aspirations, les protestations sociales, au cours des années 60, 70 et 80, provoquaient une condamnation internationale, l’isolement et, enfin, le déclin de la croissance économique. Devant le cercle vicieux de la réprobation internationale, du chômage et de l’agitation sociale, F.W. de Klerk, dernier président de l’apartheid, leva l’interdit sur le Congrès national africain (African National Congress, ANC) et les autres formations politiques populaires. Ce fut le début d’un processus menant à la libération de prison de Nelson Mandela, à des négociations débouchant sur une constitution intérimaire et un accord entre les partis sur une constitution quasi fédérale, et à des élections démocratiques devant déterminer un gouvernement de coalition sous la Constitution intérimaire.

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Ensuite, le Parlement démocratiquement élu joua le rôle d’assemblée constitutionnelle pour rédiger la nouvelle Constitution, adoptée en 1996. Étant donné que l’apartheid se réclamait en partie d’une logique fédérale, plusieurs parmi ceux qui avaient perdu leurs droits au cours de la transition politique en Afrique du Sud au début des années 90 continuèrent d’afficher un profond scepticisme envers le fédéralisme, sinon un rejet total. Les membres de l’ANC, en particulier, considérèrent le projet d’un gouvernement régional fort comme une sorte de néoapartheid surtout parce que son instigateur, le Parti national (National Party, NP), se montra le plus ardent champion du fédéralisme dès le début de la transition. L’ANC et ses alliés craignaient qu’un régime fédéral, en déléguant les pouvoirs aux provinces, n’affaiblît et ne morcelât fortement l’autorité, réduisant ainsi considérablement la capacité du gouvernement central de mettre en œuvre et de solidifier les procédés de reconstruction et de développement à l’ère post-apartheid. Diverses formations appuyèrent le fédéralisme. Outre le Parti national et le Parti démocratique (Democratic Party, DP) d’obédience libéraledémocratique, le Parti de la liberté Inkatha (Inkatha Freedom Party, IFP), qui se veut souvent le seul gardien des intérêts politiques zoulous, revendiqua une large autonomie pour le Kwazulu-Natal à forte majorité ethnique zouloue, réclamant même le droit à l’autodétermination. Parallèlement, un petit groupe radical d’Afrikaners d’extrême droite revendiqua la création d’un Volkstaat, c’est-à-dire une «patrie» exclusive aux Afrikaners (qui sont des Blancs). Dans les faits, malgré d’importantes différences idéologiques entre ces groupes, leur désir commun d’autonomie déboucha sur une coalition typique et informelle, quoique étrange, lors des négociations pour promouvoir le caractère fédéral de la Constitution sud-africaine. Qui plus est, le Parti national représentant la majorité blanche (et un nombre croissant de Métis) vit le fédéralisme accompagné d’une Déclaration des droits, comme un frein important aux excès du pouvoir par un nouveau gouvernement majoritaire. À la suite d’une forte contestation menaçant de reléguer au second plan le processus de négociations, une proposition contenue dans un «rapport confidentiel aux partis politiques», commandé par le Consultative Business Movement, mit fin à l’impasse en mars 1993. La proposition recommandait «34 principes constitutionnels» à suivre par l’Assemblée constitutionnelle démocratiquement élue lors de la rédaction de la Constitution définitive. Selon le plus important de ces règlements, chaque ordre de gouvernement (national et provincial) devait détenir des compétences exclusives et concurrentes (principe XIX). De plus, soulignant le principe de subsidiarité, les décisions devaient être prises au niveau le plus responsable qui soit (principe XX).

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La plupart des analystes estiment que la Constitution sud-africaine est essentiellement fédérale, inspirée du modèle allemand de fédéralisme intégré à un cadre construit autour des länder. D’après ce modèle, une intégration assez poussée entre les gouvernements central et provinciaux se manifeste au Bundesrat (Assemblée législative d’Allemagne). En d’autres termes, même si les régions participent pleinement à l’élaboration de la politique provinciale, c’est le gouvernement central qui a le dernier mot.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La République d’Afrique du Sud est une démocratie parlementaire dont le président est à la fois chef du gouvernement et chef de l’État. Le régime mixte présidentiel-parlementaire et la Constitution du pays sont entrés en vigueur le 11 octobre 1996. La Constitution de 1996 marque une rupture définitive avec le principe de souveraineté parlementaire hérité des Britanniques, voulant que le Parlement soit soumis aux limites que lui impose la Constitution. On a qualifié la Constitution sud-africaine – et particulièrement la Déclaration des droits – d’une des plus progressistes au monde. On y retrouve (chapitre 9) des dispositions spéciales pour nombre de commissions et de fonctions, dont notamment : le vérificateur général (article 188); le protecteur public (article 182); la Commission des droits de la personne (article 184); la Commission sur l’égalité des sexes (article 187); la Commission indépendante électorale (article 190); la Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques (article 185); et, enfin, l’Administration indépendante de la radiodiffusion (article 192). Selon la Constitution, l’Afrique du Sud est une entité fédérale composée de neuf unités constituantes : Kwazulu-Natal, Gauteng, État libre, Cap occidental, Cap oriental, Limpopo, Nord-Ouest, Cap-Nord et Mpumalanga (article 103). Contrairement à la plupart des fédérations regroupant des sociétés fortement divisées, les frontières provinciales ne correspondent pas aux frontières raciales ou tribales, à cause de la nécessité politique d’éviter de reprendre les formules passées. La Constitution reconnaît trois «sphères» de gouvernement – le troisième chapitre de la Constitution rejette le terme «niveau» de gouvernement. La reconnaissance formelle d’une administration locale en tant que sphère constitutionnelle distincte diffère de la pratique en usage dans plusieurs fédérations où les administrations locales tombent sous la juridiction des unités constituantes.

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La Constitution de 1996 est censée favoriser un type de fédéralisme coopératif plutôt que concurrentiel. Dès lors, les gouvernements provinciaux doivent se conformer à l’esprit et à la lettre des règles de gouvernement coopératif, telles qu’explicitées au chapitre 3 de la Constitution. Il n’existe pas de séparation stricte de tâches et fonctions entre les diverses «sphères» de gouvernement, comme le préconise clairement le Conseil national des provinces (National Council of Provinces, NCOP) par sa politique de convergence des intérêts des gouvernements national, provinciaux et locaux. Pourtant, le principe de gouvernement coopératif ne sape pas l’autonomie provinciale; les provinces du Cap occidental et du Kwazulu-Natal, par exemple, ont exercé leur droit de se doter d’une constitution provinciale (article 104), alors que seule celle du Cap occidental avait obtenu l’aval préalable de la Cour constitutionnelle (article 144). Il faut toutefois savoir que le partage des compétences privilégie le gouvernement central, qui définit les normes nationales et peut même annuler les normes provinciales si celles-ci menacent l’unité nationale ou les normes nationales. Il existe une courte liste de compétences «exclusives» aux provinces (par exemple, les abattoirs, la planification provinciale, le réseau routier, les sports, la culture, et les affaires vétérinaires). Pour ce qui est des domaines plus importants, les compétences sont concurrentes; ainsi l’une ou l’autre «sphère» peut légiférer, même si la loi nationale prévaut en cas de questions ne relevant pas de la compétence des provinces ou requérant l’unanimité pour entrer en vigueur. L’Afrique du Sud possède un Parlement bicaméral formé de l’Assemblée nationale et du Conseil national des provinces, qui ont tous deux leur siège au Cap (article 42 (6)). L’Assemblée nationale est formée de 400 représentants élus selon la représentation proportionnelle à scrutin de liste (chapitre 4, articles 60 à 72). À titre de Chambre basse démocratiquement élue, l’Assemblée nationale doit garantir «le gouvernement par le peuple en vertu de la Constitution». Même si cela est inhabituel, les instances législative et administrative sont situées dans des villes différentes, mais il est fort probable que le Parlement soit déplacé dans la capitale administrative, Pretoria, afin de réduire les frais inhérents à l’existence de deux capitales. La Chambre haute, connue sous le nom de Sénat durant la Constitution intérimaire, s’appelle, depuis 1996, le Conseil national des provinces. Ses 90 membres représentent les intérêts spécifiques aux neuf provinces et assurent que le gouvernement central ne nuit pas à ces intérêts (article 42 (4)). Au chapitre des aménagements fiscaux, les provinces jouissent d’un pouvoir limité en matière de capacité fiscale et de capacité d’emprunt (article 230). Les règles de base sont stipulées dans la Constitution et dans l’Acte sur les relations fiscales intergouvernementales (Intergovernmental

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Fiscal Relations Act) introduit dans le budget de 1997. La fiscalité fédérale centralise fortement la répartition, tenant compte de divers facteurs tels que les besoins du gouvernement national, l’efficacité des gouvernements provinciaux, ainsi que la nécessité de compenser les inégalités de revenus à «l’intérieur des provinces et entre elles» (article 214 (2) (g)). La Commission des finances et de la fiscalité (Finance and Fiscal Commission) a été créée pour émettre des recommandations relatives à la répartition du budget (article 220). L’article 227 prévoit pour chaque province une part équitable du revenu national. Les recettes supplémentaires perçues par les provinces ou les municipalités ne sont pas déduites de leur part du revenu national ou de toute autre allocation extérieure au revenu national (article 227 (2)). La Constitution comporte des directives précises quant à la résolution des différends constitutionnels (chapitre 8). En plus du principe de gouvernement coopératif, toutes les sphères de gouvernement doivent tenter «tout effort raisonnable pour résoudre quelque conflit que ce soit par le biais de négociations gouvernementales» (article 4 (3)) et épuiser tous les moyens de résolution avant d’en référer au tribunal. Les tribunaux peuvent même renvoyer les conflits devant les instances gouvernementales intéressées, s’ils jugent insuffisants les efforts déployés en ce sens (article 41 (4)). Si un tribunal judiciaire s’avère impuissant à résoudre le problème, la législation nationale prévaut sur la législation provinciale ou sur la constitution provinciale dans le cas d’un conflit portant sur l’interprétation de la loi (articles 146 (3) et 148). Néanmoins, en tant que tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle, la Cour constitutionnelle a le dernier mot dans les questions interpellant les gouvernements central, provinciaux et locaux (article 167). Elle est formée d’un président, d’un président adjoint et de neuf juges (article 167 (1)); au moins huit juges doivent entendre les causes. La Cour constitutionnelle juge les différends entre les organismes d’État ou relatifs à la constitutionnalité d’un projet de loi provincial ou parlementaire ou d’une modification constitutionnelle (article 167 (4)). N’importe quel citoyen peut déférer directement ces questions à la Cour constitutionnelle, pourvu que ce soit «dans l’intérêt de la justice et avec l’autorisation de la Cour constitutionnelle» (article 167 (6)). Pour apporter des modifications constitutionnelles, il faut suivre des procédures spéciales très strictes. On peut classer ces modifications en cinq catégories, selon le degré de gravité en cause. Sans entrer dans les détails, il suffit de souligner que les pouvoirs propres à la Constitution elle-même doivent faire l’objet d’un projet de loi voté par au moins 75 pour cent de l’Assemblée, et appuyé par au moins six provinces du Conseil national des provinces. La Déclaration des droits (modification

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de deuxième catégorie) ne peut être modifiée que par un minimum des deux tiers de l’Assemblée et l’appui d’au moins six provinces du Conseil national des provinces (article 74 (2)). Les autres modifications relatives a) aux questions concernant le Conseil national des provinces, b) aux institutions, fonctions ou frontières provinciales, c) aux dispositions touchant spécifiquement un domaine provincial, exigent également au moins les deux tiers des voix de l’Assemblée et l’appui d’au moins six des provinces du Conseil. La reconnaissance du rôle constitutionnel des chefs traditionnels et du droit à l’autodétermination (article 235) constitue une caractéristique remarquable de la Constitution sud-africaine. Celle-ci reconnaît que l’autorité traditionnelle précède l’avènement de la colonisation de l’Afrique du Sud par les Européens. On a créé un Conseil des chefs traditionnels (Council of Traditional Leaders, article 212) pour réduire les fortes tensions qui se produisent entre, d’une part, le caractère traditionaliste et patriarcal du droit indigène africain, et, d’autre part, la philosophie moderne, démocratique et égalitaire de la Constitution. Tel que stipulé dans la Constitution (article 212 (2) (a)), ce sont les chambres provinciales des chefs traditionnels qui nomment les membres, lesquels sont rééligibles. À la sphère provinciale, donc, on a également créé les chambres des chefs traditionnels (Houses of Traditional Leaders). Il est cependant évident que le droit coutumier et les chefs traditionnels ne jouent qu’un rôle symbolique et consultatif, alors que le leadership traditionnel demeure assujetti au chapitre 12 de la Constitution. En ce qui a trait au très controversé et délicat droit à l’autodétermination (en grande partie en réaction contre les Afrikaners d’extrême droite et certains groupes du Parti de la liberté Inkatha), la Constitution n’exclut pas «la reconnaissance du droit à l’autodétermination de toute communauté partageant un héritage culturel et linguistique commun, à l’intérieur d’un territoire de la République ou de toute autre manière approuvée par la législation» (article 235).

3 dynamique po lit iqu e récen te Depuis 2001, quatre thèmes d’importance diverse pour l’évolution constitutionnelle dominent le débat politique sud-africain. Ces thèmes sont : les conséquences du jugement Grootboom rendu par la Cour constitutionnelle; la légitimité de la législation sur le changement de parti politique (floor-crossing); la saga de la politique gouvernementale relative au VIH/sida; enfin, la politisation du programme complet des équipements de défense. Ces quatre thèmes ont eu des répercussions diverses sur les relations fédérales en Afrique du Sud.

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Le 29 mai 2001, la Cour constitutionnelle a confirmé une décision de la Haute Cour du Cap voulant que la Déclaration des droits de l’Afrique du Sud oblige l’État à reconnaître les droits des citoyens de deuxième génération (ou droits socio-économiques). La maison de Mme Irene Grootboom, habitant une communauté très pauvre, de type bidonville, au Cap occidental, a été détruite en raison d’un ordre d’éviction pour domicile illégal. La Cour a jugé que l’État devait agir pour améliorer le sort des gens vivant dans des conditions misérables dans tout le pays et, dans la mesure du possible, faciliter aux citoyens l’accès au logement. Ce jugement a eu pour effet d’obliger l’État, dans le cadre de certains paramètres, à élargir les droits socio-économiques. Cela créera une situation difficile pour un gouvernement central déjà aux prises avec des difficultés financières. Quatre mesures législatives – la Constitution of the Republic of South Africa Amendment Act (2002), la Constitution of the Republic of South Africa Second Amendment Act (2002), la Local Government Municipal Structures Amendment Act (2002) et la Loss of Retention of Membership Structures Amendment Act (2002) – ont été instituées pour légaliser la démarche d’un grand nombre de membres de l’assemblée législative qui changent d’allégeance politique (floor-crossing). La question du changement d’affiliation politique est importante car elle a provoqué un renversement du pouvoir politique. Ces changements d’affiliation survinrent après qu’une fusion entre les partis d’opposition, le Parti démocratique et l’ancien Parti national devenu le Nouveau Parti national (New National Party, NNP) pour former l’Alliance démocratique (Democratic Alliance, DA), se fut révélée insoutenable. Le Nouveau Parti national avait alors choisi de conclure une alliance avec l’ANC, poussant l’un des plus petits partis d’opposition, le Mouvement démocratique uni (United Democratic Movement, UDM), à contester devant la Cour constitutionnelle la législation sur les changements d’allégeance. La Cour conclut que les changements n’étaient pas anticonstitutionnels au niveau des administrations locales, mais que les mesures législatives prises au plan national n’étaient pas valables. On redressa la situation en janvier 2003 en accordant aux représentants 15 jours de grâce (avril 2003) pour changer de parti politique. De cette manière, l’ANC passa de 266 à 275 sièges à l’Assemblée nationale, soit 68,8 pour cent du total des sièges, disposant désormais d’une majorité de plus des deux tiers. Cela signifiait également que l’Alliance démocratique devenait la nouvelle opposition officielle, augmentant ses sièges de 38 à 46. Inversement, le nombre de sièges détenus par le Nouveau Parti national chuta de 28 à 20. Sur le plan municipal, les changements d’allégeance en octobre 2002 firent en sorte que l’ANC récoltât 122 des 555 transfuges des autres partis

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(417 étant des conseillers de l’Alliance démocratique), alors que 340 des transfuges de l’Alliance démocratique se joignirent au Nouveau Parti national. Dans tout ce chambardement, il est ironique de constater que le parti au pouvoir pendant l’apartheid, le Parti national (devenu le Nouveau Parti national pour bien marquer le changement depuis cette époque) a formé une alliance avec l’ANC, le parti représentant l’opposition sous l’apartheid, selon un pacte de coopération, en réalité une sorte d’accord de co-gouvernement. Une politique macroéconomique solide a permis au pays de ne pas dépasser le taux de 3,6 pour cent d’inflation fixé par la Banque de réserve sud-africaine (Reserve Bank) en 2002 et 2003 et a conduit à une appréciation de la devise, fin 2003. Cependant, malgré un certain succès économique, la réticence du président Mbeki à condamner ouvertement et sans équivoque le comportement du président Mugabe face à l’agitation économique et politique au Zimbabwe voisin, ainsi que son refus d’admettre le rapport de cause à effet entre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le sida, dans un pays où le taux d’infection est l’un des plus élevés au monde, contribuent à miner son mandat. Pour amener le gouvernement à mieux définir sa position sur le VIH/sida, la Cour constitutionnelle a statué en 2002 que le gouvernement devait fournir des médicaments antirétroviraux à l’échelle nationale, ainsi que des services de tests et de conseils aux femmes dans les hôpitaux publics, et non pas seulement dans les 18 établissements pilotes déterminés au préalable. Ce jugement, en plus d’être largement applaudi par les opposants à la politique gouvernementale sur le VIH/sida, a montré jusqu’à quel point s’étendait l’autorité de la nouvelle Cour constitutionnelle pour décider d’un nombre croissant de sujets d’intérêt politique. La décision du gouvernement d’engager 43,8 milliards de rands à l’armement fut autant, sinon plus, controversée. Compte tenu des énormes besoins en développement de l’Afrique du Sud, dont au premier chef le problème du sida, plusieurs condamnèrent cette décision. Depuis 1999, les contrats d’armement sont devenus une des sagas politiques les plus gênantes et ont éprouvé la cohésion interne de l’ANC, son intégrité et sa conception idéologique. Au cours des trois dernières années, le programme de l’armement a déclenché des allégations de corruption massive parmi les ministres les plus influents et les dirigeants du parti, et les nombreuses commissions d’enquête créées pour étudier la validité et les fondements des contrats d’armement ont avorté. Les partis d’opposition ont même affirmé que l’ANC au pouvoir avait muselé l’opposition parlementaire aux contrats d’armement. Pour ajouter à l’imbroglio, on accusa, en septembre 2003, le procureur de la République, Bulelani Ngcuka, d’être un espion à la

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solde des financiers de l’apartheid. On poursuit actuellement pour corruption des gens d’affaires affiliés au parti. Cette controverse a divisé la classe politique et a mis en lumière les faiblesses du gouvernement, et les tensions au sein de celui-ci. En effet, étant donné les constantes difficultés de gérer les multiples tensions internes et les factions au sein de l’alliance de l’ANC, particulièrement au chapitre des relations de travail, ainsi que l’absence d’une opposition forte, il se pourrait que l’ANC cède au favoritisme et à la corruption afin de maintenir une certaine cohésion interne, contrecarrant ainsi l’émergence d’une force sociale d’opposition rivale.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Ellman, Stephen et Penelope Andrews, The Post-Apartheid Constitutions : Perspectives on South Africa’s Basic Law, Witwatersrand University Press et Ohio University Press, 2001. Ericsson, Nick, «Politics», South Africa Survey 2001/2, Johannesbourg, Institut sud-africain des relations raciales (South African Institute of Race Relations), 2003. Hadenius, Axel, Decentralization and Democratic Governance : Experiences from India, Bolivia and South Africa, Almqvist and Wiksell International, 2003. Laurence, Patrick, «Governance», South Africa Survey 2000/1, Johannesbourg, Institut sud-africain des relations raciales (South African Institute of Race Relations), 2002. Lodge, Tom, Consolidating Democracy : South Africa’s Second Popular Election, Johannesbourg, University of Witwatersrand Press, 1999. Lodge, Tom, Politics in South Africa : From Mandela to Mbeki, Indiana, Indiana University Press, 2003. Sparks, Alistair, Beyond the Miracle, Californie, University of California Press, 2003. http ://www.law.wits.ac.za, Faculté de droit de l’Université de Wits http ://www.uni-wuerzburg.de/law/st_indx.html, Faculté de droit de l’Université de Würzburg http ://www.communitylawcentre.org/za/, Centre de droit communautaire, Université du Western Cape http ://www.federalism.ch/institute/, Institut du Fédéralisme, Université de Fribourg http ://www.loc.gov./law/guide/southafrica.html, ressources sur la Constitution et les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire http ://www.constitutionallaw.co.za, périodique sur le droit constitutionnel

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http ://www.law.wits.ac.za/sajhr/sajhr.html, périodique sur les droits de la personne (South African Journal on Human Rights) http ://www1.worldbank.org/wbiep/decentralization/library1/ bahl.htm, article sur la décentralisation fiscale http ://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/conjonctures/ 088120.pdf, article sur le rôle politique de l’Afrique du Sud dans le continent africain http ://www.politiqueinternationale.com/PI_PSO/fram_revpde_ar_ 0799.htm, article sur le développement politique depuis la fin de l’apartheid

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30 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Pretoria N.B. Le Cap est la capitale législative et Bloemfontein, la capitale judiciaire.

Nombre et type d’unités constituantes

9 provinces : Cap-Nord, Cap occidental, Cap oriental, État libre, Gauteng, Kwazulu-Natal, Limpopo (ancienne Province du Nord), Mpumalanga, Nord-Ouest

Langue(s) officielle(s)

Afrikaans, anglais, ndebele, sepedi, sotho, swazi, tsonga, tswana, venda, xhosa, zoulou

Superficie

1 219 090 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Cap-Nord – 361 830 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Gauteng – 17 010 km2

Population totale

43 580 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Kwazulu-Natal 21 %, Gauteng 19,7 %, Cap oriental 14,3 %, Limpopo 11,8 %, Cap occidental 10,1 %, Nord-Ouest 8,2 %, Mpumalanga 7 %, État libre 6 %, Cap-Nord 1,8 %

Régime politique – fédéral

République, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Président : Thabo Mvuyelwa Mbeki (1999), Congrès national africain (African National Congress, ANC). Élu par l’Assemblée nationale (National Assembly) pour un mandat d’une durée de 5 ans.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Thabo Mvuyelwa Mbeki. Le président nomme les membres du Cabinet.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Conseil national des provinces (National Council of Provinces, NCOP), 90 sièges. Il comprend 54 membres permanents et 36 délégués spéciaux. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 5 ans. Chambre basse – Assemblée nationale (National Assembly), actuellement 400 sièges. Les membres sont élus selon la représentation proportionnelle à scrutin de liste pour un mandat d’une durée de 5 ans (200 membres à partir de listes provinciales, et 200, d’après la liste nationale). N.B. Au niveau fédéral, il existe aussi un Conseil des chefs traditionnels (Council of Traditional Leaders) dont les membres sont nommés par les chambres provinciales des chefs traditionnels (Houses of Traditional Leaders).

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31 Afrique du Sud Tableau I (suite) Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

N.B. Compte tenu des élections au scrutin proportionnel et du scrutin de liste, la provenance des représentants des provinces est beaucoup moins importante.

Nombre de représentants à la Voir catégorie précédente. Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Chacune des 9 provinces compte 10 sièges. à la Chambre haute du gouvernement fédéral Partage des compétences

La Constitution attribue les compétences aux gouvernements national, provinciaux et locaux selon le principe de gouvernance coopérative entre ces trois ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral est responsable de la sécurité nationale, de l’unité économique et des normes nationales essentielles. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont concurremment responsables de 33 domaines, dont la planification et le développement régional, le droit autochtone et le droit coutumier, l’enseignement scolaire, la santé, l’aide sociale et le logement. En pratique, le gouvernement fédéral décide des politiques, et les gouvernements provinciaux les appliquent. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut. Il existe une courte liste de compétences exclusives aux provinces, comprenant les abattoirs, le réseau routier, les sports, la culture et les affaires vétérinaires.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent du gouvernement fédéral.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour constitutionnelle, constituée de 11 juges : 9 hommes et 2 femmes. Les juges exercent un mandat non renouvelable d’une durée de 12 ans, et doivent prendre leur retraite à l’âge de 70 ans.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblée législative, formée de 30 à 80 membres élus au scrutin proportionnel. Le nombre de membres est déterminé selon une formule inscrite dans la législation nationale. N.B. Il existe aussi des chambres de chefs traditionnels (Houses of Traditional Leadears). Les chefs traditionnels jouent un rôle symbolique et consultatif.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Premier ministre, élu par l’assemblée législative provinciale

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32 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

441,6 milliards de $ US à PPA (est. 2002)

PIB par habitant

10 132 $ US à PPA (est. 2002 )

Dette nationale extérieure

24,1 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

29,95 % (est. 2002 )

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Limpopo – 36,7 % (2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Cap occidental –18,6 % (2002)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

85,6 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,5 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

50,9 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

30,7 milliards de $ US (2000–2001)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

8,4 milliards de $ US (2000–2001)2

Transferts fédéraux aux unités constituantes

16,2 milliards de $ US (2000–2001)

Mécanismes de péréquation

Les transferts fédéraux dépendent de la recommandation de la Commission des finances et de la fiscalité (Finance and Fiscal Commission).

Sources Afrique du Sud, Cour constitutionnelle, sur Internet : http ://www.concourt.gov.za/ Afrique du Sud (Gouvernement de l’), «About South Africa : Constitution of the Republic of South Africa», 1996, sur Internet : http ://www.gov.za/constitution/1996/ 96cons.htm Afrique du Sud (Gouvernement de l’), «About South Africa : Government System», sur Internet : http ://www.gov.za/yearbook/2002/landpeople.htm Afrique du Sud (Gouvernement de l’), «About South Africa : The land and its people», sur Internet : http ://www.gov.za/yearbook/2002/landpeople.htm Afrique du Sud (Parlement de l’), «National Council of Provinces» et «National Assembly», sur Internet : http ://www.parliament.gov.za Afrique du Sud, Bureau de statistiques, «Census in Brief : The Land Area of South Africa», sur Internet : http ://www.statssa.gov.za/census2001/Census96/HTML/default.htm Afrique du Sud, Bureau de statistiques, «Census 2001», sur Internet : http :// www.statssa.gov.za/census2001/census2001.htm

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33 Afrique du Sud Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995– 2001», Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Statistical Appendix (External Liabilities and Assets), sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/statappendix/ externalliabilitiesandassets.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Kalema, Rashid, «Intergovernmental Relations in South Africa : A Comparative Analysis », Konrad Adenauer Stiftung, sur Internet : http ://www.kas.org.za/ publications/seminarreports/provincialgovernmentinsa/kalema.pdf Momoniat, Ismail, «Fiscal Decentralisation in South Africa : A practitioner’s perspective», Banque mondiale, sur Internet : http ://www.worldbank.org/wbi/ publicfinance/documents/South %20Africa.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators : South Africa, 2003, sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_ZAF.html Notes 1 15 ans et plus 2 Ce chiffre couvre les recettes des gouvernements provinciaux et des administrations locales. Les administrations locales disposent de plus de compétences en matière d’imposition que les gouvernements provinciaux.

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Allemagne (République fédérale d’Allemagne ) RUDOLF HRBEK

1 histoire et évolution du fédéralisme Le fédéralisme est un élément clé du régime politique allemand. Ancré dans l’histoire nationale, il a été rétabli après la Deuxième Guerre mondiale. Avant l’unification politique de 1871 (date de création de l’Empire allemand sous l’égide de la Prusse), l’Allemagne constituait une véritable mosaïque d’États. Ces États, qui formaient l’«ancien Empire» (Altes Reich), étaient constitués autour d’une institution commune appelée Immerwährender Reichstag, établie à Regensbourg (1663–1806) et réunissant des représentants des territoires respectifs. Le régime était caractérisé par le partage des pouvoirs, la négociation et la quête de compromis. Après la dissolution de cet Empire en 1806, 39 territoires se constituèrent sous le protectorat de Napoléon. Mais la Confédération du Rhin (Rheinbund) s’avéra à la fois inefficace et trop complexe. Le Congrès de Vienne de 1815 établit la Confédération germanique (Deutscher Bund) pour succéder à l’ancien Empire et le dota d’un Bundesrat (à Francfort), une institution suprême mais faible. Suite à la révolution de 1848, la création d’une assemblée constituante (Frankfurter Paulskirche) mit en place une nouvelle structure (une fédération démocratique semblable au modèle américain, mais qui donnait beaucoup de poids aux instances exécutives des entités membres). En raison de l’opposition de l’Autriche et de la Prusse, on n’arriva cependant pas à concrétiser ce modèle. L’unification politique se réalisait sous le leadership de la Prusse en deux étapes consécutives : en 1867, Otto

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von Bismarck fondait la Confédération de l’Allemagne du Nord (Norddeutscher Bund), qui allait ensuite évoluer pour devenir l’Empire allemand, englobant les grands états du sud de l’Allemagne. L’Empire était une fédération de 25 états, dont la Prusse était l’entité dominante. Les états allaient continuer de jouir d’une impressionnante autonomie interne, et établir le Bundesrat en tant qu’institution souveraine suprême représentant les gouvernements des états. Ce régime fédéral se démarquait en raison de la prédominance des administrations exécutives et publiques, de la préservation des attributs spéciaux des états participants et de l’absence d’un centre national unique. Après la Première Guerre mondiale, alors que l’Allemagne formait toujours la République de Weimar, la consolidation des autorités du Reich (président, gouvernement et Reichstag comme Parlement) contribua à affaiblir les éléments fédéraux au détriment des états, qu’on appelait dorénavant des länder. Ces derniers étaient représentés à l’échelle du Reich par le Reichsrat, la deuxième Chambre, composée de membres des gouvernements des länder (constitués par les partis politiques), ce qui reflétait bien la partialité traditionnelle du fédéralisme allemand en faveur de l’exécutif. Malgré la faiblesse du Reichsrat, on continua de favoriser les prises de décisions axées sur la négociation entre les administrations du gouvernement du Reich et les gouvernements des länder. Le régime nazi totalitaire qui vint par la suite (1933– 1945) abolit tous les éléments fédéraux restants et y substitua un régime hautement centralisé. La Deuxième Guerre mondiale prit fin avec la capitulation inconditionnelle de l’Allemagne. À cette époque, il n’existait aucune autorité allemande, même à l’échelle locale. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union soviétique et la France assumaient tous les pouvoirs et toutes les responsabilités au nom du pays. Ces nations s’entendirent pour diviser le territoire allemand en quatre zones d’occupation et abolir la Prusse. À compter de 1946, des länder furent établis dans ces quatre zones, sous la tutelle des pouvoirs d’occupation respectifs. Même si ces décisions ne visaient pas à établir la structure détaillée du futur territoire allemand d’après-guerre, elles ont eu un impact considérable sur l’évolution du pays. La guerre froide a élargi le gouffre qui séparait la zone soviétique des trois zones occidentales, ce qui rendait impossible tout accord sur l’avenir de l’Allemagne entre les quatre pouvoirs. Après avoir fusionné leurs zones d’occupation pour des raisons d’ordre pratique, les trois alliés de l’Ouest décidèrent, à l’été de 1948, de stabiliser davantage la situation en créant un État allemand dans le secteur des trois zones qu’ils administraient. En juin 1948, ils demandèrent aux autorités allemandes de rédiger une nouvelle Constitution, stipulant que ses modalités protègent les droits fondamentaux des individus, reposent

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sur des principes démocratiques et favorisent une structure fédérale. Ces exigences, qui avaient pour but de faire obstacle au régime centralisateur et antidémocratique des nazis, furent toutes acceptées de bon gré par les représentants allemands. La structure fédérale avait d’abord pour but de fournir un système de contrôles et équilibres («checks and balances») et, par conséquent, de soutenir le principe de la séparation des pouvoirs tout en renforçant la démocratie. L’instance mandatée pour établir la nouvelle Constitution, désignée comme le Conseil parlementaire (Parlamentarischer Rat), n’était pas une assemblée constituante élue au suffrage direct; elle réunissait plutôt des représentants des parlements des länder situés dans les trois zones de l’Ouest (ce qui reflétait la force des partis politiques de ces parlements). Même si les Allemands furent d’accord pour créer une structure fédérale, les députés du Conseil parlementaire n’arrivèrent pas à s’entendre sur une définition des relations entre le gouvernement fédéral et les länder touchant la division des compétences et l’allocation des pouvoirs. La solution proposée dans le cadre de la Loi fondamentale (Grundgesetz) – nom donné à la nouvelle Constitution entrée en vigueur en mai 1949 – peut être considérée comme un compromis par lequel on a modifié les pouvoirs de l’autorité centrale en établissant le Bundesrat. En vertu de la Loi fondamentale, le Bundesrat devait accueillir des représentants des gouvernements des länder (ce qui était conforme à la tradition historique de son prédécesseur à l’époque de l’Empire de 1871) jouissant de pouvoirs considérables sur le plan législatif fédéral. Mais ces dispositions ne déterminèrent pas irrévocablement et entièrement l’équilibre entre les deux niveaux. Ceci allait se faire, puis se transformer au fil de l’évolution politique du nouvel État ouest-allemand : la République fédérale d’Allemagne (RFA, Bundesrepublik Deutschland). La zone soviétique, devenue la République démocratique allemande (RDA, Deutsche Demokratische Republik), le second État allemand, affichait toutes les caractéristiques d’un régime communiste. Dès 1952, la RDA adopta une structure territoriale centralisatrice en abolissant les cinq länder établis après 1945 et en leur substituant 15 districts administratifs (Bezirke). Cette structure territoriale centralisatrice s’harmonisait bien avec le caractère dominant du Parti communiste; une véritable structure fédérale aurait été incompatible avec un tel régime. Même si la structure fédérale de la RFA était protégée de l’abolition par une disposition spéciale de la Constitution (article 79.3) – appelée la «clause éternité» – une réforme territoriale demeurait possible, puisqu’à l’exception de la Bavière et des deux villes-états (Brême et Hambourg) qui s’inscrivaient dans la continuité historique, tous les autres länder étaient des créations artificielles. Profitant

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d’une disposition constitutionnelle spéciale (article 118), les trois länder nouvellement établis dans le sud-ouest de l’Allemagne s’unissaient pour former Bade-Wurtemberg en 1952. Mais tous les efforts de réforme territoriale ultérieurs visant à réduire le nombre de länder tout en leur donnant plus de puissance échouèrent. En 1957, la Sarre se joignit à la RFA et devint le onzième land, suite au rejet (par les deux tiers de l’électorat) d’une proposition visant à accorder à ce territoire, sous la gouverne des Français depuis 1945, un «statut européen» (ce qui lui aurait donné le statut spécial de «région européanisée» plutôt que de se joindre à l’Allemagne ou la France). Après la chute du régime communiste en RDA et dans le contexte de la réunification de 1990, les cinq länder originaux furent rétablis, et l’Allemagne unie compte aujourd’hui 16 länder. Une tentative d’union entre Berlin et Brandebourg a échoué lors d’un référendum organisé dans ces deux länder en mai 1996, à la grande déception de ceux qui croyaient qu’une décision positive favoriserait les réformes territoriales à l’échelle de l’Allemagne. Cela dit, la deuxième tentative qui se prépare actuellement pourrait bien réussir. Depuis 1949, le régime fédéral de la RFA s’est développé, évoluant vers des rapports imbriqués entre le gouvernement fédéral et ceux des länder. Cette situation tient aux éléments suivants : •











l’exploitation, par la fédération, des dispositions sur les pouvoirs législatifs concurrents (et cadres), les mesures compensatoires engagées pour permettre aux länder de pallier cette perte de pouvoirs législatifs autonomes en affermissant leur droit de participer aux activités législatives fédérales par l’entremise du Bundesrat (avec droit de veto sur toutes les lois fédérales ayant une incidence financière sur les länder et portant sur l’organisation de leur administration), la responsabilité constitutionnelle pleine et entière des länder quant à l’application et à la gestion de la plupart des lois, l’inclusion dans la constitution de «tâches communes» (Gemeinschaftsaufgaben) introduites grâce à une série de modifications constitutionnelles apportées en 1969 et dont certaines s’appliquent au système financier, les dispositions de la «constitution financière» selon lesquelles les revenus les plus importants doivent faire l’objet d’un partage entre la fédération et les länder et qui prévoient, de plus, des mécanismes de péréquation financière entre les deux niveaux et entre les länder eux-mêmes, et une plus grande coopération entre la fédération et les länder, et entre les divers länder, de même qu’un partage des responsabilités financières.

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On a tenté à plusieurs reprises de réformer le fédéralisme allemand. De 1973 à 1976, une commission spéciale (Enquete-Kommission Verfassungsreform) s’est penchée sur un projet de réforme globale de la Constitution. La moitié des propositions émises portait sur le fédéralisme. Mais aucune n’a été retenue et intégrée à la Loi fondamentale. Dans les années 80, on a tenté de consolider les länder en restreignant l’envergure des tâches communes, en adoptant des mesures d’autocontrôle face à la capacité législative de la fédération et en consolidant les fondements financiers des länder. Mais ces démarches n’ont pas eu grand succès. La situation économique globale et, depuis 1990, le défi de la réunification, ont réduit la marge de manœuvre financière de tous les membres du régime fédéral. De 1992 à 1994, une commission mixte du Bundestag et du Bundesrat, les deux chambres du Parlement, a discuté des réformes constitutionnelles qui pourraient s’avérer nécessaires par suite de la réunification. Hormis quelques modifications mineures, le régime fédéral est demeuré essentiellement le même. Les décisions relatives aux dispositions constitutionnelles sont difficiles à prendre puisqu’elles exigent une majorité des deux tiers au niveau du Bundestag et du Bundesrat, ce qui suppose la conclusion d’une entente entre les deux principaux partis.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e En tant qu’unités constituantes de la RFA, les länder possèdent les mêmes attributs que des états, de même que leurs propres institutions. L’ordre constitutionnel des länder se fonde sur des principes de base comme les droits fondamentaux de la personne, la démocratie, la règle de droit et garantit la tenue d’élections qui permettent aux citoyens d’élire leurs représentants politiques (article 28). Chaque land possède un gouvernement de type parlementaire et un Parlement dont les membres sont élus au suffrage direct (pour un mandat légal de quatre ou cinq ans) et un gouvernement imputable au peuple. Les constitutions des länder diffèrent toutefois à divers niveaux, particulièrement en ce qui a trait à la tenue de référendums, aux procédés d’établissement des gouvernements, aux votes de confiance ou de non-confiance, à l’imputabilité personnelle des ministres, etc. On remarque aussi des variantes au niveau des droits. Les constitutions des cinq nouveaux länder, par exemple, contiennent des dispositions relatives aux droits fondamentaux de la personne et aux droits sociaux (comme l’emploi, l’environnement, le logement, l’éducation, etc.). D’après la «clause éternité» de l’article 79.3, il ne faut pas abolir le régime fédéral comme tel, même si les réformes territoriales demeurent

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possibles. Cela signifie que l’existence ou l’intégrité territoriale d’un land particulier ne sont pas garanties. La Loi fondamentale prévoit deux procédures particulières pour procéder à une réforme territoriale : une procédure très complexe (article 29) qui est perçue comme faisant obstacle à la réforme, et une clause (conforme au modèle de réforme de l’Allemagne du Sud-Ouest de l’article 118 décrit précédemment) qui s’applique au cas spécial de Berlin et de Brandebourg (article 118 (a)) et qui permet une réforme territoriale au moyen d’accords bilatéraux, y compris des référendums dans les deux länder. La Constitution détermine le partage des pouvoirs législatifs entre la fédération et le land. Les domaines relevant exclusivement de la fédération sont énumérés à l’article 73, ceux faisant partie de compétences concurrentes relèvent de l’article 74 et ceux pour lesquels la fédération peut établir des lois-cadres sont prévus à l’article 75 (une loi-cadre donne uniquement les grandes orientations et doit être appuyée d’une loi votée par le land et qui permet à ce dernier de l’adapter à ses besoins). L’article 72 précise dans quelles circonstances la fédération peut adopter des lois dans des domaines relevant de compétences concurrentes, notamment «si l’obligation d’uniformiser les conditions de vie à l’étendue du pays ou de maintenir l’unité législative ou économique rend une telle législation nécessaire dans l’intérêt national». L’article 70 stipule que «les länder ont le droit de légiférer, pourvu que cette Loi fondamentale n’accorde pas d’autres pouvoirs législatifs à la fédération». Cela dit, les compétences exclusives des länder s’appliquent uniquement aux questions propres à leurs constitutions et aux dossiers locaux, aux questions d’organisation et d’administration et à des domaines comme la police et l’ordre public, la culture, les médias et l’éducation. Le fédéralisme allemand a ceci de particulier qu’il permet aux länder de mettre en œuvre les lois fédérales comme bon leur semble (article 83). On constate un faible nombre d’exceptions qui exigent une administration fédérale directe (des champs de responsabilité comme le service extérieur, la surveillance des frontières, la circulation aérienne, les voies navigables, la navigation intérieure et les finances fédérales, y compris les douanes, relèvent directement de l’administration fédérale). Les länder participent aux lois fédérales par l’entremise du Bundesrat. Ce dernier regroupe des membres des gouvernements des länder et le nombre de voix varie : chaque land a droit à trois voix au moins; les länder qui comptent plus de deux millions d’habitants ont droit à quatre voix; ceux qui en comptent plus de six millions ont droit à cinq voix; et ceux qui en comptent plus de sept millions ont droit à six voix (article 51.2). Les voix de chacun doivent être soumises uniformément

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(en pratique comme un bloc de voix par un membre du gouvernement du land) et ne peuvent être divisées. La participation aux lois fédérales permet d’abord au Bundesrat d’adopter des lois fédérales et de soumettre des projets de loi, comme le font le Bundestag et le gouvernement fédéral. Une fois qu’un projet de loi a été adopté par le Bundestag, il doit être soumis au Bundesrat. Il existe deux types de lois : celles qui exigent l’accord explicite du Bundesrat et une majorité des voix; et celles qui n’imposent pas cette exigence. Cette seconde catégorie accorde au Bundesrat un veto suspensif qui, après une période de temps limitée, peut être rejeté par le Bundestag avec une majorité absolue (ou une majorité des deux tiers si les deux tiers des voix du Bundesrat sont contre). Le Bundesrat doit approuver toute loi risquant d’affecter les pouvoirs administratifs des länder (qui doivent mettre en œuvre les lois fédérales) ou ayant une incidence financière sur les länder. Plus de la moitié de toutes les lois fédérales actuelles font partie de cette catégorie. Dans ce contexte, la Constitution prévoit un mode de médiation particulier, soit la Commission de médiation (Vermittlungsausschuß), qui réunit un nombre égal de membres du Bundesrat (16, un pour chaque gouvernement de land) et du Bundestag (16, choisis selon la représentation des partis). La Commission a pour tâche de dégager un consensus, qui est soumis à l’approbation des deux chambres. Le Bundesrat, le Bundestag et le gouvernement fédéral peuvent tous trois faire appel à la Commission de médiation. En ce qui a trait aux ententes financières, la Constitution prévoit le partage du gros des revenus d’impôt entre la fédération et les länder. Par conséquent, l’impôt sur le revenu et l’impôt des sociétés sont partagés à parts égales et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est répartie selon un ratio ajusté tous les trois ans par une loi fédérale que le Bundesrat doit approuver. Les autres revenus fiscaux sont versés tour à tour à la fédération (par exemple, douanes et accises) ou aux länder (par exemple, les impôts sur la propriété, l’héritage, les véhicules à moteur et la bière). On accorde une grande importance aux mécanismes et aux mesures de péréquation financière entre la fédération et les länder et, horizontalement, entre les divers länder. Les litiges constitutionnels, dont ceux se rapportant au régime fédéral, sont réglés par la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) suivant une plainte logée par l’un des partis contestataires. Ce tribunal comprend 16 membres élus à la majorité des deux tiers par une entité électorale composée de membres du Bundestag et du Bundesrat. Dans ses décisions, la Cour constitutionnelle fédérale a maintes fois soulevé et confirmé le principe de la courtoisie fédérale (Bundestreue), ce qui semble constituer une caractéristique clé du régime fédéral

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allemand, même s’il n’existe aucune référence précise en ce sens dans la Constitution. Ce principe oblige la fédération et les länder à tenir compte des préoccupations de l’autre parti lorsqu’ils mènent leurs affaires.

3 dynamique po lit iqu e récen te On note trois grandes questions ayant des répercussions majeures sur le fédéralisme allemand : les effets de la réunification, les défis de l’intégration européenne et les initiatives en faveur d’une réforme globale du régime fédéral. La réunification a eu pour effet d’aggraver les disparités économiques et financières entre les länder. En plus d’entraîner l’affaiblissement des länder, une telle situation pourrait les rendre plus dépendants envers la fédération, ce qui lui donnerait plus de poids et modifierait considérablement l’équilibre fédéral. De plus, le système de péréquation financière horizontale (horizontaler finanzausgleich) a été affecté par cette faille croissante. Les cinq nouveaux länder, soit Brandebourg, MecklembourgPoméranie-Occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe, appartiennent tous au groupe des bénéficiaires nets, ce qui a une incidence sur les bénéficiaires nets précédents (qui pourraient bien devenir contributeurs nets ou, du moins, subir certaines pertes) et sur les contributeurs nets «traditionnels» (leur fardeau et leurs paiements de transfert pourraient augmenter). Enfin le système de partis en place dans les cinq nouveaux länder diffère de l’ancien système en vigueur dans les länder, puisque le Parti du socialisme démocratique (Partei des demokratischen Sozialismus), qui a succédé au Parti communiste de l’ancienne RDA, est devenu la troisième force avec l’Union démocrate-chrétienne (Christlich demokratische Union) et le Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands). C’est aussi la raison pour laquelle le Parti libéral-démocrate (Freie demokratische Partei) et le Parti Vert ne sont pas représentés au sein de leurs parlements de länder respectifs. Cette situation a eu des répercussions sur les modèles de coalition (le Parti du socialisme démocratique avec le Parti social-démocrate, ou les grandes coalitions si un parti n’arrive pas à former seul une majorité) et pourrait bien influencer l’ensemble du paysage politique allemand. Le processus de plus en plus intense d’intégration européenne remet constamment en cause le statut légal des länder et, par conséquent, la structure fédérale même de la RFA. Le premier défi tient au fait que la portée fonctionnelle de l’Union européenne (UE) est bien plus grande qu’avant; ainsi, certaines activités de l’UE relèvent des domaines qu’on avait confiés aux länder lors de l’attribution des pouvoirs à l’interne. Le second défi tient aux modalités de prise de décision

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adoptées par l’UE. Au sein de l’UE, c’est le Conseil des ministres qui constitue la plus importante instance décisionnelle et législative, et la représentation de l’Allemagne y est assurée par le gouvernement fédéral. Cela signifie que le gouvernement fédéral participe à des décisions dans des domaines relevant exclusivement de la compétence des länder. Le troisième défi concerne l’application des lois européennes en Allemagne. Cette responsabilité incombe surtout aux länder qui, jusqu’à tout récemment, n’avaient aucune influence sur la législation et se sentaient sous le joug du gouvernement fédéral. Jusqu’à maintenant, les länder ont relevé ces défis. D’une part, ils ont établi, en 1992–1993 (dans le nouvel article 23 confirmé par la Loi sur la coopération entre la fédération et les länder dans les affaires de l’Union européenne), des droits de participation aux dossiers de l’UE à l’échelle nationale. Le gouvernement fédéral doit maintenant tenir compte des préoccupations des länder formulées par le Bundesrat et, quand les dossiers relèvent exclusivement de la compétence des länder, il doit même souscrire au point de vue du Bundesrat. Un transfert additionnel des pouvoirs souverains, lorsque la chose modifierait le contenu de la Loi fondamentale, exige le vote majoritaire favorable des deux tiers du Bundesrat. D’autre part, les länder ont engagé des activités autonomes au niveau de l’UE (par exemple, nommer des représentants à Bruxelles et faire du lobbying direct). Finalement, ils ont obtenu le droit de participer officiellement et directement au processus décisionnel de l’UE. Ils ont une place au sein du Comité des régions établi en 1993 (à titre consultatif seulement) et peuvent représenter l’Allemagne à l’échelle du Conseil lorsque les sujets à l’ordre du jour relèvent de leurs compétences. En outre, le nouvel article 24.1 (a) permet aux länder de transférer (avec l’accord du gouvernement fédéral) des pouvoirs souverains à des institutions transfrontalières, pourvu que les länder aient la compétence voulue dans ce domaine politique particulier. Somme toute, les länder ont réussi à consolider leur présence. À preuve, deux représentants des länder ont participé à des conférences gouvernementales sur la réforme des traités de l’UE (à Amsterdam en 1996 et à Nice en 2000). En outre, le Bundesrat et le Bundestag étaient chacun représentés par un membre à la conférence sur la Constitution de l’UE de 2002–2003. La réforme exhaustive du fédéralisme fait partie du programme politique allemand depuis les années 80, et les länder, surtout les plus puissants, continuent de réclamer un «fédéralisme concurrentiel» (Wettbewerbsföderalismus) plutôt qu’un «fédéralisme participatif» (Beteiligungsföderalismus). Ces derniers réclament plus de pouvoirs autonomes et la réduction de l’activité fédérale (par exemple, dans des domaines de pouvoirs législatifs cadres et concurrents). Ils réclament également une plus grande marge

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de manœuvre encore au niveau des activités transfrontalières et des relations extérieures. Ils font référence aux besoins fonctionnels liés à la politique de marché interne de l’UE (qui vise à abolir les frontières économiques internes et à établir un marché unifié pour tous les pays membres de l’UE) et à la nouvelle position géographique centrale de l’Allemagne par rapport à un plus grand nombre de pays voisins dans une UE en expansion. Le troisième sujet, qui suscite une grande controverse au sein des divers länder et du gouvernement fédéral, a trait au système financier. Les länder plus puissants (des contributeurs nets) déploient beaucoup d’efforts (en faisant appel à la Cour constitutionnelle fédérale et en engageant des négociations politiques) pour faire adopter un système de péréquation consensuel qui permettrait d’alléger leur fardeau. Les länder plus faibles (des bénéficiaires nets) appellent à la solidarité de la part de la fédération (de qui ils réclament des ressources supplémentaires et une autonomie législative plus importante) et de la part des länder plus puissants. Ils croient que la péréquation financière, même réduite, devrait se poursuivre. Puisque tous ces changements affecteraient les intérêts acquis, seules de modestes réformes pourraient voir le jour. Au printemps 2003, le gouvernement fédéral et les premiers ministres des länder présentaient leurs projets de réforme; ils en faisaient le fondement de leurs négociations politiques. Ils se mettaient d’accord pour réclamer la fin des rapports interreliés mais ne s’entendaient pas sur les mesures à prendre ni sur les priorités. À l’été 2003, les deux parties convenaient d’établir un comité bicaméral chargé d’examiner la modernisation du fédéralisme allemand et de proposer des réformes constitutionnelles. Le rapport du comité est prévu à la fin de 2004. Les éléments décrits ci-après se trouvent au cœur du programme de réformes qui alimente la discussion depuis 2000–2001 : •



donner plus de latitude aux länder pour qu’ils puissent se doter de lois plus autonomes (en réduisant la liste des pouvoirs concurrents, voire en éliminant peut-être certaines lois-cadres de la fédération) en échange d’une baisse de participation du Bundesrat aux activités législatives fédérales. Quand ce n’est pas le même parti qui jouit de la majorité au niveau des deux chambres, la composition du Bundesrat occasionne souvent un blocage ou des négociations peu transparentes sur le plan des ententes de compromis. Par conséquent, le gouvernement fédéral sera plus à même d’élaborer et de mettre en œuvre son programme si le rôle du Bundesrat est réduit; revoir le système financier en considérant le nouveau partage des pouvoirs et des responsabilités.

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Une commission bicamérale (Kommission Bundesstaatsreform) a été établie et a amorcé ses travaux en novembre 2003. Des sources extérieures à la commission ont proposé des projets de réforme plus radicaux (par exemple, remplacer le Bundesrat par un Sénat de type américain; abolir le vote en bloc de chaque land membre du Bundesrat; autoriser les länder à percevoir leurs propres impôts ou à dévier des taux moyens applicables à certaines catégories d’imposition). L’établissement de cette commission a permis à la population d’espérer que le fédéralisme allemand subira d’importantes réformes. Mais puisque tout changement aura des incidences sur des intérêts déjà bien ancrés, le succès exigera probablement un compromis global équilibré.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Gunlicks, Arthur, The Länder and German Federalism, Manchester, Manchester University Press, 2003. Hrbek, Rudolf et Annegret Eppler (dir.), Deutschland vor der FoederalismusReform. Eine Dokumentation, Tübingen, Europäisches Zentrum für Föderalismus-Forschung, document occasionnel n° 28, 2003. Jeffery, Charlie (dir.), Recasting German Federalism. The Legacies of Unification, Londres et New York, Cassell, 1999. Laufer, Heinz et Ursula Münch, Das föderative System der Bundesrepublik Deutschland, Opladen, 1998. Leonardy, Uwe, The Institutional Structures of German Federalism, Londres, 1999. (Également disponible en version électronique : Bonn, Friedrich Ebert Stiftung, Digitale Bibliothek, 1999.) Sturm, Roland, Foederalismus in Deutschland, Munich, 2003. Wehling, Hans-Georg (dir.), Die deutschen Länder. Geschichte, Politik, Wirtschaft, Opladen, 2000. http ://www.gksoft.com/govt/en/de.html, renseignements sur les gouvernements dans le monde, section sur l’Allemagne http ://www.bundesrat.de, Chambre haute du Parlement fédéral http ://www2.dw-world.de/french/, bulletin d’informations de l’Allemagne http ://www.cceae.umontreal.ca/fr/index.htm, notes de recherche et publications du Centre canadien d’études allemandes et européennes

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46 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Berlin

Nombre et type d’unités constituantes

16 états (länder) : Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Bavière, Berlin, Brandebourg, Brême, Hambourg, Hesse, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Rhénanie du Nord-Westphalie, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Saxe, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein, Thuringe

Langue(s) officielle(s)

Allemand

Superficie

356 970 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Bavière – 70 548 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Brême – 404 km2

Population totale

82 542 000 (septembre 2003)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Rhénanie du Nord-Westphalie 21,9 %, Bavière 15 %, Bade-Wurtemberg 12,9 %, Basse-Saxe 9,7 %, Hesse 7,4 %, Saxe 5,3 %, Rhénanie-Palatinat 4,9 %, Berlin 4,1 %, Schleswig-Holstein 3,4 %, Saxe-Anhalt 3,1 %, Brandebourg 3,1 %, Thuringe 2,9 %, Mecklembourg-PoméranieOccidentale 2,1 %, Hambourg 2,1 %, Sarre 1,3 %, Brême 0,8 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Johannes Rau (1999), Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). Élu pour un mandat d’une durée de 5 ans par les membres du Parlement fédéral et un nombre égal de représentants (délégués) élus par les assemblées législatives des länder. Le président nomme les ministres, juges et fonctionnaires fédéraux sur avis du chancelier. Le chancelier fédéral est proposé par le président et élu par le Bundestag.

Chef de gouvernement – fédéral

Chancelier : Gerhard Schröder (1998, réélu en 2002), Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). Élu par le Bundestag pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les dernières élections ont eu lieu le 22 septembre 2002.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Bundesrat. Représentation des länder. Composé de 69 membres élus au suffrage indirect par les assemblées législatives des länder dans 16 états plurinominaux (3 à 6 sièges par état, en fonction de la population de chaque land). Les membres sont élus pour la durée du mandat du gouvernement du land respectif.

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47 Allemagne Tableau I (suite) Chambre basse – Bundestag, comprenant généralement 598 sièges. Le 15e Bundestag, élu le 22 septembre 2002, compte 603 membres en raison des « mandats excédentaires » (Uberhangmandate). Les membres sont élus au suffrage populaire direct selon un « scrutin proportionnel mixte » qui combine 299 circonscriptions uninominales avec 299 sièges alloués à la représentation proportionnelle. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Rhénanie du Nord-Westphalie – 134

Nombre de représentants à la Brême – 4 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants à la Chambre haute du gouvernement fédéral

69 sièges : Les länder comptent chacun au moins 3 sièges au sein du Bundesrat; les länder qui comptent plus de 2 millions d’habitants ont droit à 4 sièges, ceux qui en comptent plus de 6 millions ont droit à 5 sièges et ceux qui en comptent plus de 7 millions ont droit à 6 sièges. La présidence du Bundesrat change tous les ans et le poste est comblé tour à tour par chaque land. La loi stipule que la délégation de chaque land doit voter en bloc, conformément aux directives émises par le gouvernement du land.

Partage des compétences

Le gouvernement fédéral légifère et les länder appliquent les lois fédérales. Le gouvernement fédéral jouit de compétences exclusives dans divers secteurs, y compris les affaires étrangères, la défense, la citoyenneté, l’immigration, le commerce international, les douanes, les devises, la frappe de la monnaie, les droits d’auteur, et les services publics d’envergure nationale. Les compétences concurrentes comprennent les codes criminel, civil, économique, du travail et agricole, ainsi que l’aide sociale, les transactions immobilières, la circulation routière et les chemins de fer non fédéraux. Les länder peuvent adopter des lois pourvu que les compétences législatives n’aient pas été confiées à la fédération. Leurs compétences exclusives ont trait aux dossiers locaux, y compris l’organisation de l’administration, la police et l’ordre public, la culture, les médias et l’éducation. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

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48 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des länder.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour constitutionnelle fédérale, formée de 16 membres. La moitié des juges est élue par le Bundestag, et l’autre moitié, par le Bundesrat, pour un mandat d’une durée de 12 ans sans réélection.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblée législative (Landtag). La composition varie d’un land à l’autre.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Premier ministre ou maire

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49 Allemagne Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

2,2 billions de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

26 600 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

3 062 milliards de $ US (juin 2003)

Dette infranationale

446,6 milliards de $ US (2002)

Taux de chômage national

10,4 % (décembre 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Saxe-Anhalt – 19,6 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Bade-Wurtemberg – 5,4 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

99 %1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,6 %

Espérance de vie (années)

78

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

78,6 milliards de $ US (2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

31,5 milliards de $ US (2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

14,8 milliards de $ US (prélim. 2002)

Mécanismes de péréquation

Formule de péréquation sous forme de transferts fédéraux et de transferts entre états

Sources Allemagne (Gouvernement de l’), «Elections 2002», sur Internet : http :// www.germany-info.org/relaunch/info/publications/infocus/Elections/ Election_process.html Allemagne (Gouvernement de l’), Bureau de statistiques, «Finance and taxes : Cash tax revenue», «Finance and taxes : Debt» et «Finance and taxes : Länder government revenue sharing scheme», sur Internet : http ://www.destatis.de/basis/e/fist/ fisttab01.htm Banque nationale de l’Allemagne (Bundesbank), «Gross External Debt Position», juin 2003, sur Internet : http ://www.bundesbank.de/stat/download/ stat_auslandsverschuldung/stat_sdds_auslandsverschuldung.en_0603.pdf International Constitutional Law : The Basic Law (Grundgesetz), Université de Berne, Institut fur offentliches Recht, sur Internet : http ://www.oefre.unibe.ch/law/ the_basic_law.pdf

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50 Guide des pays fédéraux, 2005 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Germany», sur Internet : http ://www.oecd.org/ dataoecd/10/0/1902398.pdf Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), OECD in Figures : Statistics on the Member Countries, septembre 2003, sur Internet : http :// www1.oecd.org/publications/e-book/0103061E.PDF Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Libraries : Germany, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/germa.html Note 1 15 ans et plus

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Argentine* (République argentine ) VIVIANA PATRONI

1 histoire et évolution du fédéralisme Situé dans le cône sud de l’Amérique du Sud et d’une superficie de près de 2,8 millions de kilomètres carrés, le territoire de l’Argentine se compose de régions géographiques très différentes. Le pays compte un peu moins de 38 millions d’habitants. C’est en 1526 que des Espagnols s’installèrent pour la première fois sur des terres faisant partie de l’actuel territoire de l’Argentine. L’établissement appelé à devenir la principale ville et le plus important port du pays, Buenos Aires, a été fondé en 1536, abandonné quelques années plus tard en raison d’attaques incessantes des populations autochtones, et repris de manière définitive en 1580. La colonisation du territoire s’est faite surtout à partir des pays limitrophes au nord. Des tentatives en vue de constituer un État national ont été amorcées immédiatement après la première proclamation contre la domination espagnole et le renversement du régime vice-royal en mai 1810. Comme partout ailleurs sur le continent, la proclamation de l’indépendance (qui eut lieu le 9 juillet 1816 lors d’un congrès de représentants des provinces) a été suivie d’une longue période marquée par des guerres civiles, le déclin économique, l’affaiblissement du pouvoir

* Le Forum des fédérations tient à remercier Jorge Horacio Lavopa, qui a consenti à faire part de ses observations au sujet de cet article.

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central et l’émergence de régimes dictatoriaux. Dans le cas de l’Argentine, cette période a aussi entraîné la perte de vastes territoires qui, jusque-là, avaient été placés sous le contrôle de la vice-royauté. Bien que les ambitions commerciales des élites aient suscité le mouvement vers l’indépendance, les moyens institutionnels destinés à assurer la stabilité politique du projet et nécessaires à la réalisation de ces ambitions se sont révélés fort problématiques. Les aspirations économiques des chefs régionaux allaient parfois à l’encontre des intérêts des élites de Buenos Aires. Dans la foulée de la proclamation de l’indépendance, des conflits ont surgi au sujet de la nature des relations entre les provinces et Buenos Aires : on ne parvenait pas à s’entendre sur la façon dont les différents intérêts pouvaient servir de fondements à un pays. D’un côté, il y avait les «unitaristes», c’est-à-dire ceux qui représentaient avant tout, mais non pas exclusivement, les élites de Buenos Aires et qui croyaient que la meilleure manière d’organiser le pays et d’assurer sa stabilité politique consistait à mettre en place un gouvernement central puissant et à supprimer l’autonomie provinciale. De l’autre côté se retrouvaient tous ceux qui souscrivaient au principe du fédéralisme; ils étaient convaincus que seul un régime axé sur l’autonomie des provinces pouvait assurer un contrôle politique dans un pays aussi vaste et diversifié. Le conflit entre ces deux camps a marqué le premier demi-siècle qui a suivi l’indépendance. Alors que les forces unitaristes de Buenos Aires cherchaient à faire adopter des réformes juridiques favorisant une centralisation des pouvoirs, les chefs militaires (caudillos) de l’intérieur du pays luttaient pour préserver leur autonomie. À mesure que s’est intensifiée la lutte entre unitaristes et fédéralistes, les derniers vestiges du pouvoir national ont disparu. Non seulement les tentatives visant à unifier le pays sous l’égide de Buenos Aires ont-elles échoué, mais elles aggravèrent même à bien des égards les divisions qui existaient déjà. Toutefois, divers traités interprovinciaux conclus au cours de cette période ont permis de poser les fondements d’une reconstruction du pays. Le Pacte fédéral de 1831, que l’on considère généralement comme l’ancêtre juridique immédiat de la Constitution, a joué un rôle important à cet égard, puisqu’il a donné à l’État argentin son caractère institutionnel. Ce n’est pourtant qu’en 1853 qu’on est parvenu à s’entendre sur l’organisation politique du pays. Et même là, il fallut payer un prix élevé puisque la province de Buenos Aires fit sécession. Celle-ci a adopté sa propre Constitution en 1854 et a conservé son indépendance jusqu’à ce que son armée soit mise en déroute par les forces militaires de la Confédération argentine en 1860. Malgré cette défaite militaire, les intérêts de Buenos Aires furent préservés grâce aux réformes apportées à la nouvelle Constitution en 1860.

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Il convient de mentionner, en particulier, que l’unification du pays a coïncidé avec l’aggravation des déséquilibres économiques entre Buenos Aires et le reste du pays. Ces déséquilibres ont été suscités par le développement de l’élevage et de la culture céréalière dans les plaines fertiles entourant la ville – la pampa. C’est ce même développement qui, pendant la seconde moitié du XIXe siècle, a permis l’intégration de l’Argentine à l’économie mondiale, alors en pleine croissance. Les possibilités d’exportations accrues vers les marchés internationaux ont donc contribué à la consolidation définitive du territoire et à la création d’un État national stable. Toutefois, les assises du fédéralisme, déjà faibles au point de départ, le sont devenues encore davantage à mesure que se sont aggravées les inégalités économiques entre régions. Il y a eu centralisation croissante des pouvoirs à Buenos Aires et les régimes dictatoriaux – trait caractéristique de l’évolution politique du pays – ont continué de centraliser les pouvoirs aux mains du gouvernement national. À compter des années 1890, l’Argentine possédait les caractéristiques d’une démocratie représentative. Toutefois, soit en raison des pratiques frauduleuses qui limitaient les possibilités de participation effective, soit en raison de la forte proportion de l’électorat qui était d’origine étrangère, la politique y était une activité réservée surtout aux élites. Au cours des premières années du XXe siècle, la mobilisation croissante de la classe ouvrière et les réformes exigées par la classe moyenne ont pourtant provoqué des changements à la loi électorale qui eurent pour effet de rendre le processus politique plus ouvert. Bien que ces changements n’aient pas compromis de façon immédiate les intérêts des élites, la crise économique de 1929 a profondément modifié le consensus à l’origine de l’ouverture de l’arène politique. En 1930, les forces conservatrices ont mis fin aux procédures démocratiques qui avaient fait de l’Argentine un pays unique dans l’univers latino-américain. C’est ainsi que commença une période qui, jusqu’en 1983, fut caractérisée par des gouvernements autoritaires, une démocratie limitée et une profonde instabilité politique. La période de gouvernement «oligarchique» amorcée en 1930 a été interrompue par le coup militaire de 1943. C’est dans ce contexte qu’est apparu le programme politique auquel est associé le nom de Juan Domingo Perón, le personnage le plus puissant de l’époque. Entre son accession au pouvoir et, une dizaine d’années plus tard, le coup militaire qui l’a déposé en 1955, Perón a radicalement transformé le paysage politique du pays, notamment en donnant à la classe ouvrière et à ses organisations un rôle politique clé. Loin de rétablir l’ordre que les militaires avaient souhaité, la destitution de Perón a eu pour effet d’affaiblir davantage la légitimité de l’État et d’accentuer la

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polarisation. Non seulement les crises institutionnelles se sont-elles mises à se succéder, mais les conflits politiques sont devenus plus violents. En outre, les régimes militaires ont acquis de nouveaux traits et se sont progressivement affranchis de toute forme de contrainte constitutionnelle dans l’exercice du pouvoir. Ainsi, alors que les régimes militaires avaient provisoirement suspendu des aspects importants de l’ordre constitutionnel pendant les années 60, notamment en ordonnant la dissolution du Congrès, les deux dernières dictatures (de 1966 à 1973 et de 1976 à 1983), non satisfaites de simplement suspendre la Constitution, y substituèrent leur propre cadre juridique. La crise a pris une ampleur catastrophique au cours de la dernière dictature : pour supprimer l’opposition, on a fait de l’État un instrument de terreur, et on a limité tous les droits politiques et civils. En 1983, les autorités militaires argentines ont remis le pouvoir aux autorités civiles. Toutefois, les années qui se sont écoulées depuis ont témoigné d’un recul économique qui a suscité une méfiance croissante à l’égard des politiciens et des institutions démocratiques, de sorte que la plupart des gens estiment aujourd’hui que les pouvoirs publics sont livrés à l’arbitraire et à la corruption. En décembre 2001, un soulèvement massif a entraîné la démission du gouvernement élu mais, contrairement aux premières prévisions concernant la portée et la nature de la crise, il n’y a pas eu d’effondrement des institutions politiques existantes. En outre, l’élection en 2003 d’un nouveau président issu du parti péroniste et l’appui que l’on a accordé à plusieurs de ses initiatives indiquent que les forces politiques traditionnelles continuent de jouir d’un appui solide en Argentine.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Constitution actuelle du pays comprend la Constitution de 1853 et les modifications qui y ont été apportées en 1860, 1866, 1880, 1898, 1957 et 1994. D’autres réformes constitutionnelles n’ont eu qu’une durée limitée. Ce fut le cas de la réforme de 1949, sous la présidence de Juan Domingo Perón (réforme déclarée inconstitutionnelle en 1956), et de la réforme de 1972. La Constitution de l’Argentine prescrit un gouvernement républicain, représentatif et de type fédéral. Républicaine, la Constitution prévoit une séparation nette des pouvoirs entre les organes exécutifs, législatifs et judiciaires. Fédérale, la Constitution crée un cadre juridique prévoyant la coexistence d’un pouvoir national-fédéral et de 23 pouvoirs provinciaux et de la ville de Buenos Aires. Selon la Constitution, les provinces sont des organes autonomes et, à ce titre, il leur

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appartient d’adopter leur propre constitution et de créer les institutions politiques locales qui leur conviennent. Pour être valides, toutefois, les constitutions provinciales doivent respecter les principes de représentation démocratique et les principes républicains inclus dans la Constitution nationale (article 5). À proprement parler, les provinces ne sont pas souveraines puisqu’elles sont assujetties aux lois fédérales (article 31) et au contrôle du pouvoir fédéral (article 6). En outre, le gouvernement fédéral peut, dans certains cas – par exemple, en cas d’abrogation des formes républicaines de gouvernement dans une province, d’intervention étrangère, d’acte de sédition ou d’agression contre une autre province – intervenir dans la province et même démettre les autorités provinciales et les remplacer. Les provinces détiennent tous les pouvoirs que la Constitution nationale n’attribue pas aux autorités fédérales et elles choisissent leurs propres agents exécutifs et législatifs, ainsi que les autres fonctionnaires de leurs administrations. Les articles 121 à 128 de la Constitution énumèrent les compétences des gouvernements fédéral et provinciaux. Le gouvernement fédéral a la compétence de déclarer un état de siège, de s’occuper des affaires étrangères et de la défense, de fixer les droits de douane, de réglementer la navigation sur les rivières du pays et l’exploitation des installations portuaires, de frapper la monnaie, de réglementer les relations commerciales entre les provinces et avec les autres pays, d’instituer des codes civil, commercial et criminel, d’adopter des règlements concernant l’activité minière, et de légiférer sur toute question concernant l’immigration et la naturalisation (article 126). Il possède en outre le pouvoir implicite d’exercer une autorité exclusive dans les domaines où les dispositions juridiques provinciales peuvent porter atteinte aux prérogatives du gouvernement fédéral (article 75 (32)). L’article 123 de la Constitution nationale précise que les provinces ont le pouvoir de ratifier leur propre constitution, de sélectionner les agents de l’administration provinciale, de surveiller la mise en œuvre des lois environnementales et d’exercer le droit primaire sur les richesses naturelles qui se trouvent sur leur territoire. Il y a aussi des domaines où les gouvernements fédéral et provinciaux sont appelés à prendre des décisions conjointement; ces domaines de compétence conjointe comprennent notamment l’expansion du système de chemins de fer et des canaux de navigation, et l’élaboration des politiques économiques (articles 124 (1) et 125). Le pouvoir législatif fédéral relève du Congrès national, qui est situé dans le district fédéral de Buenos Aires. Le Congrès national est un organe bicaméral comprenant une Chambre des députés (Diputados de la Nación) et un Sénat composé de représentants élus des provinces et de

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la ville de Buenos Aires (article 44). Outre les pouvoirs énumérés cidessus, le Congrès a également la responsabilité d’approuver le budget national. Dans certains cas, les deux chambres se réunissent pour n’en former qu’une seule qui porte le nom d’assemblée législative. La réforme constitutionnelle de 1994 accorde une marge d’autonomie à la ville de Buenos Aires (article 129), de sorte que celle-ci conserverait le pouvoir d’élire des représentants aux organes législatifs même si elle cessait d’être la capitale de la fédération. Les électeurs des provinces et de la ville de Buenos Aires élisent les députés nationaux selon un système uninominal majoritaire à un tour. Le mandat d’un député est de quatre ans. Il y a élection de la moitié des députés tous les deux ans. La Constitution ne précise pas les modalités d’organisation de la Chambre des députés, mais ceux-ci ont adopté un règlement en vertu duquel ont été créés un poste de président, des postes de premier et deuxième vice-présidents, deux postes de secrétaire et deux postes de sous-secrétaire. Les titulaires de ces postes sont élus par les députés. Chaque province (tout comme la ville de Buenos Aires) est représentée par trois sénateurs, deux appartenant au parti ayant obtenu le plus grand nombre de voix, et le troisième, au parti se situant au deuxième rang des voix exprimées. Les sénateurs sont élus au suffrage direct par les électeurs de ces districts et leur mandat est de six ans. Il y a élection d’un tiers des sénateurs tous les deux ans. La Constitution décrète que le vice-président du pays est président du Sénat. Députés et sénateurs doivent être nés dans la province qu’ils représentent ou y avoir résidé au moins deux ans et ils peuvent être réélus. Une des principales caractéristiques de la composition du Congrès de l’Argentine est la surreprésentation au sein des deux chambres des provinces dont la population est relativement faible. De fait, la représentation de plus en plus proportionnelle des provinces périphériques a été accentuée par l’adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles prévoyant qu’aux députés élus dans chaque province en fonction de la taille de la population viendraient s’ajouter trois députés. En outre, aucune province ne peut compter moins de cinq députés à la Chambre basse. La surreprésentation des provinces dont la population est relativement faible est encore plus accentuée au Sénat. C’est à l’article 14 qu’on trouve les dispositions financières de la fédération argentine. Cet article stipule qu’il appartient à l’État fédéral de prélever les ressources nécessaires pour financer les dépenses nationales, les fonds pouvant provenir des droits perçus sur les importations et les exportations, de la vente ou de la location de terres publiques fédérales, des recettes du service postal, des taxes autorisées par le Congrès et des emprunts contractés pour le pays et approuvés par le

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Congrès dans les situations d’urgence nationale ou pour des entreprises publiques. En ce qui concerne les pouvoirs fiscaux, l’article 75 (2) de la Constitution prévoit que le Congrès partage avec les provinces le pouvoir d’imposer des taxes indirectes. Le Congrès possède en outre le pouvoir de prélever des impôts directs pendant une période déterminée. La réforme de 1994 mentionne clairement que les impôts ainsi prélevés doivent être répartis entre l’État fédéral, les provinces et la ville de Buenos Aires – sauf s’il s’agit d’un impôt affecté à une fin particulière – selon des règles qui respectent les principes d’équité et de solidarité et qui favorisent des degrés comparables de développement. De plus, la réforme de 1994 prévoit que le transfert de ces fonds doit être effectué conformément aux dispositions des accords juridiques conclus entre le gouvernement national et les provinces. Malgré ces divers accords intergouvernementaux officiels, auxquels s’ajoutent les modifications constitutionnelles adoptées en 1994, le fédéralisme fiscal est loin d’avoir été régularisé. Bien que la Constitution de 1994 prévoie l’adoption au plus tard en 1996 d’une nouvelle loi de coparticipation fixant les modalités du partage des ressources entre les autorités fédérales et provinciales, la loi en question n’a toujours pas été adoptée. En pratique, les autorités ont été fortement incitées à recourir à des transferts intergouvernementaux pour obtenir l’appui des provinces en faveur de politiques nationales. C’est ce qui explique la nature complexe et très discrétionnaire des transferts fiscaux. L’article 116 de la Constitution stipule que la Cour suprême et les tribunaux fédéraux de juridiction inférieure ont le pouvoir de régler tout différend concernant l’interprétation de la Constitution, des lois promulguées par le Congrès et des traités internationaux. La Cour suprême est aussi habilitée à régler les différends entre provinces (article 127). À l’article 30, figurent les dispositions concernant la «réforme» (il ne s’agit pas d’une modification) de la Constitution. Selon cet article, il appartient au Congrès de proclamer la nécessité d’une réforme en proposant une initiative qui, pour être adoptée, doit recevoir l’appui d’au moins deux tiers des députés. La Constitution ne précise pas si l’initiative doit prendre la forme d’un projet de loi, mais la plupart des réformes constitutionnelles ont été mises en œuvre à la suite de la promulgation d’une loi par le Congrès. Bien que celui-ci proclame alors la nécessité d’une réforme constitutionnelle, la procédure elle-même ne peut être amorcée que par une assemblée constituante dont les membres sont toujours élus au suffrage universel. C’est au Congrès qu’il incombe alors de déterminer le nombre de membres de l’assemblée et le système selon lequel ils seront élus. Dans l’espoir de renverser le mouvement de «défédéralisation» du pays, diverses mesures ont été adoptées dans le cadre de la réforme de

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1994 afin de renforcer le régime fédéral de l’Argentine. Ce sont surtout les inquiétudes qu’inspirait cette «défédéralisation» qui ont suscité le débat du Congrès ayant donné lieu à la promulgation de la loi déclenchant une convention constitutionnelle (Loi 24.309). Grâce à ces dispositions, les provinces ont acquis de nouveaux pouvoirs concernant la surveillance de l’environnement, la participation à l’organisme responsable du contrôle des services publics, l’aptitude à créer des régions spéciales en vue de promouvoir le développement économique et social, et la possibilité de participer à des ententes internationales pourvu que le Congrès en ait connaissance. Cependant, la nouvelle Constitution autorise aussi la réélection du président, de sorte qu’il est difficile d’établir une distinction entre le processus qui y a conduit et les ambitions politiques de Carlos Menem (1989–1999), qui occupait alors la présidence. Il importe de souligner que, depuis 1983, les relations entre les autorités fédérales et les provinces sont très tendues. Le président Fernando de la Rúa (1999–2001) s’est sans cesse heurté aux problèmes soulevés par les gouverneurs au sujet des transferts fiscaux et de l’ampleur de l’endettement des provinces. Comme sous l’administration de Raúl Alfonsín (1983–1989), il a été obligé de s’entendre avec des gouverneurs qui étaient majoritairement du parti d’opposition péroniste. La politique partisane a donc été une composante clé de l’évolution du conflit entre les deux ordres de gouvernement. Le fait que le gouvernement fédéral soit contrôlé par les péronistes (comme c’était le cas sous le gouvernement provisoire d’Eduardo Duhalde, en 2002– 2003, et comme ce l’est maintenant sous la présidence de Kirchner) réduit certes l’influence des jeux de parti dans les relations entre autorités fédérales et provinciales, mais ne la supprime pas. Tout d’abord, le parti péroniste est lui-même profondément divisé, et le régionalisme contribue sensiblement à renforcer les tensions entre les diverses factions qui s’y opposent. Mais il y a une autre dimension tout aussi importante : les principaux aspects économiques du conflit, en particulier l’ampleur des déficits et de l’endettement des provinces, ne peuvent être facilement résolus dans la conjoncture économique difficile à laquelle le pays se heurte actuellement.

3 dynamique po lit iqu e récen te À la suite du rétablissement de la démocratie en 1983, l’Argentine est entrée dans une période de stabilité constitutionnelle presque sans précédent dans son histoire. Toutefois, le pays a également été en proie à de grandes perturbations économiques au cours de cette période, ce qui a eu pour conséquence que la pauvreté et le chômage sont devenus des problèmes graves.

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Bien que la crise de décembre 2001 n’ait pas entraîné un renversement de ce processus, elle a tout de même mis en évidence les nombreux déficits auxquels il faut s’attaquer. À cet égard, les défis que le nouveau président Néstor Kirchner est appelé à relever ne se limitent pas à trouver des solutions aux graves problèmes économiques et sociaux avec lesquels le pays est aux prises. Il lui faudra aussi trouver des moyens de résoudre la crise de la représentation dont souffrent les principales institutions politiques de l’Argentine. Il s’agit là d’une tâche urgente et ardue. Le fédéralisme est devenu un aspect fondamental du débat politique, non seulement en raison de l’importance qu’il revêt pour la consolidation des institutions démocratiques, mais aussi à cause des changements apportés à la structure de l’État et à la prestation des services publics. Pour comprendre les carences du fédéralisme argentin, il faut se pencher sur trois questions. Il y a tout d’abord les conséquences politiques de la surreprésentation des provinces de taille relativement petite au sein du Congrès national. Comme les gouverneurs et les chefs de partis au niveau local exercent une très grande influence sur l’établissement des listes de candidats aux élections provinciales, ils jouissent d’un pouvoir disproportionné sur l’avenir politique des candidats. Par conséquent, les députés et les sénateurs provinciaux sont portés à voter en bloc selon les intérêts du gouverneur de la province qu’ils représentent, de sorte que les gouverneurs provinciaux jouent un rôle important en matière de politique fédérale. En vertu de cette dynamique, les provinces de taille relativement petite peuvent jouer un rôle stratégique au Congrès puisqu’elles sont surreprésentées. Ce pouvoir de facto dont jouissent les gouverneurs, généralement renforcé par des alliances interprovinciales, prime sur le pouvoir officiellement dévolu au Congrès national, de sorte que la plupart des politiques nationales doivent être négociées avec les gouverneurs des provinces. Par ailleurs, les ressources obtenues grâce à ces négociations avec les autorités fédérales permettent de consolider et de renforcer davantage le pouvoir des chefs de partis provinciaux. C’est ainsi que le pouvoir des gouverneurs est étroitement lié à l’utilisation discrétionnaire de transferts fiscaux. Le pouvoir exécutif national recourt à ces transferts pour consolider des alliances avec des unités infranationales et ainsi contribuer à la poursuite de ses objectifs. Il s’agit d’un autre problème important auquel les autorités fédérales devront s’attaquer, car elles devront accroître leur capacité de régler les graves problèmes fiscaux auxquels font face les provinces. Toutefois, si rien n’est fait pour corriger les profondes inégalités régionales dont souffre le pays, l’adoption de nouveaux arrangements institutionnels ne permettra de remédier que partiellement aux problèmes du fédéralisme en Argentine. Partant, le troisième problème est celui de la

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capacité des institutions fédérales de répondre aux différents besoins des régions en matière de développement. À cet égard, il faudrait élaborer un plan de développement national permettant de transcender les divisions nationales et d’assurer la viabilité des économies régionales. Les relations entre les autorités nationales et les provinces ont soulevé des difficultés pour tous les régimes démocratiques qui se sont succédé depuis 1983. Selon l’esprit des réformes de 1994, il convenait de renforcer le régime fédéral : on tenait pour acquis que ce renforcement contribuerait à son tour à la promotion de la démocratie. Toutefois, la tâche n’a pas été facile et les relations entre les autorités fédérales et provinciales demeurent très tendues, notamment en ce qui concerne les questions financières et budgétaires. Malgré les espoirs qu’ont initialement suscités les réformes mises en œuvre au début des années 90, l’Argentine a entamé le nouveau siècle dans un état lamentable. Des niveaux de pauvreté et de chômage sans précédent, une dégradation des services publics, une récession et une crise de l’endettement extérieur constituent autant d’éléments qui obligent à s’interroger en profondeur sur la signification et les limites de la démocratie en Argentine. Cela dit, les difficultés économiques croissantes n’ont pas étouffé le désir manifeste de ses citoyens de protéger et d’élargir les droits démocratiques obtenus au terme d’un processus pénible de transformation.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Besfamille, Martin et Pablo Sanguinetti, «Formal and real fiscal federalism in Argentina», Centre d’études sur la mondialisation et la régionalisation (Centre for the Study of Globalisation and Regionalisation), document de travail, no 115/03, Coventry (Royaume-Uni), Université de Warwick, mai 2003. de Ruiz, Marta V., Manual de la Constitución Nacional, Buenos Aires, Editorial Heliasta, 1997. López Rosas, José Rafael, Historia constitucional argentina, Buenos Aires, Editorial Astrea, 1996. Mignone, Emilio Fermín, Constitución de la Nación Argentina,1994 : manual de la reforma, Buenos Aires, Editorial Ruy Díaz, 1994. Rock, David, Argentina,1516–1987. From Spanish Colonization to Alfonsín, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1987. Saiegh, Sebastian M. et al., «Amateur Legislators-Professional Politicians : The Consequences of Party-Centered Electoral Rules in a Federal System», American Journal of Political Science, vol. 46, no 3 (2002), p. 656–669.

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62 Guide des pays fédéraux, 2005

Serrafero, Mario Daniel, Momentos institucionales y modelos constitucionales : estudios sobre la constitución nacional, Buenos Aires, Centro Editor de América Latina, 1993. Tommassi, Mariano, «Federalism in Argentina and the Reforms of the 1990s», mai 2002, sur Internet : www.udesa.edu.ar/departamentos/ economia/ publicaciones/doctrabajo/doc48.pdf. http ://www.desarrollohumano.org.ar/Federalismo/Default.asp, conférence internationale sur le fédéralisme argentin http ://www.dfait-maeci.gc.ca/argentina/ff-menu-fr.asp, table ronde sur le fédéralisme fiscal http ://www.bartleby.com/65/ar/Argentin.html, article encyclopédique http ://www.aceproject.org/main/english/es/esy_ar.htm, renseignements sur le système électoral http ://www.tau.ac.il/eial/IX_2/rock.html, article sur la révolte rurale de 1863–1876 http ://www.ameriques.uqam.ca/pdf/Chro_0318_coiteux.pdf, article sur les politiques économiques dans le cadre des rapports avec le FMI et les États-Unis http ://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=1180, article sur la mobilisation sociale

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63 Argentine Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Buenos Aires

Nombre et type d’unités constituantes

23 provinces : Buenos Aires, Catamarca, Chaco, Chubut, Córdoba, Corrientes, Entre Ríos, Formosa, Jujuy, La Pampa, La Rioja, Mendoza, Misiones, Neuquén, Río Negro, Salta, San Juan, San Luis, Santa Cruz, Santa Fe, Santiago del Estero, Terre de Feu, Tucumán 1 district fédéral : ville autonome de Buenos Aires 5 régions : Andes, Centre, Littoral, Nord, Patagonie N.B. L’Argentine revendique aussi la souveraineté sur les îles Malouines/Falkland, la Géorgie du Sud, les îles Sandwich du Sud et une partie de l’Antarctique.

Langue(s) officielle(s)

Espagnol

Superficie

2 780 092 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Buenos Aires (province) – 307 571 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Terre de Feu – 21 263 km2 (District fédéral – 200 km2)

Population totale

37 928 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Buenos Aires 38,1 %, Córdoba 8,5 %, Santa Fe 8,3 %, Buenos Aires (district fédéral) 7,7 %, Mendoza 4,3 %, Tucumán 3,7 %, Entre Ríos 3,2 %, Salta 3 %, Chaco 2,7 %, Misiones 2,7 %, Corrientes 2,6 %, Santiago del Estero 2,2 %, Jujuy 1,7 %, San Juan 1,7 %, Río Negro 1,5 %, Neuquén 1,3 %, Formosa 1,3 %, Chubut 1,1 %, San Luis 1 %, Catamarca 0,9 %, La Pampa 0,8 %, La Rioja 0,8 %, Santa Cruz 0,5 %, Terre de Feu 0,3 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Néstor Kirchner (1999), Parti justicialiste (Partido Justicialista, péroniste). Élu avec son colistier à la vice-présidence.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Néstor Kirchner

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Congrès national (Congreso Nacional) : Chambre haute – Sénat, 72 sièges. Les sénateurs sont élus pour un mandat d’une durée de 6 ans, et peuvent chercher à se faire réélire indéfiniment. Chambre basse – Chambre des députés (Cámara de Diputados), 257 sièges. La moitié des députés est élue au suffrage direct tous les 2 ans pour un mandat d’une durée de 4 ans.

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64 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Buenos Aires – 70

Nombre de représentants à la Terre de Feu – 5 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Chaque province (ainsi que la ville de Buenos Aires) est à la Chambre haute du gouver- représentée par 3 sénateurs (2 du parti se situant au premier rang pour ce qui est du nombre de voix, et nement fédéral 1 du parti se situant au deuxième rang). Depuis 2001, le tiers des 72 membres est élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 6 ans tous les 2 ans. Partage des compétences

La Constitution attribue 28 compétences exclusives au gouvernement fédéral, dont les affaires étrangères, la défense, la citoyenneté, le commerce international et les douanes, le commerce intérieur, les finances, les activités bancaires, les devises, la frappe de la monnaie et les services publics d’envergure nationale. Elle attribue également au gouvernement national des compétences sur des domaines comme l’enseignement secondaire et supérieur, la planification économique, ainsi que la promulgation des codes criminel, civil, commercial, minier, du travail et de la sécurité sociale. Aux provinces incombe la responsabilité de l’éducation, de la santé publique, de la justice provinciale, de la police, de l’infrastructure, de l’aide sociale et des richesses naturelles au sein de leur territoire.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des provinces.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême (Corte suprema), formée de 9 juges. Les juges sont nommés par le président avec l’assentiment du Sénat.

Régime politique – unités constituantes

Environ deux tiers des assemblées législatives provinciales sont monocamérales, les autres étant bicamérales. Les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans. Le Congrès national est la seule autorité compétente au sein du district fédéral.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur. Élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans.

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65 Argentine Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

401,9 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

10 594 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

136,7 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

14 356 millions de $ US (au 30 juin 2002)

Taux de chômage national

15,6 % (mai 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Jujuy – 20,5 % (mai 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Santa Cruz – 2,7 % (mai 2003)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

96,9 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

74

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

13,4 milliards de $ US (est. 2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

3,2 milliards de $ US (est. 2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

5,6 milliards de $ US (est. 2002)

Mécanismes de péréquation

Les transferts fédéraux reposent sur un régime de partage des impôts dénommé «Coparticipation fédérale des impôts» (Coparticipación Federal de Impuestos).

Sources Argentine, Bureau de statistiques, «Mercado de trabajo : principales indicadores de los aglomerados urbanos», communiqué de presse, Buenos Aires, 31 juillet 2003, sur Internet : http ://www.indec.mecon.ar/nuevaweb/cuadros/4/ephtot_may03.pdf Argentine, Chambre des députés, «Constitución de la Nación Argentina», sur Internet : http ://www.hcdn.gov.ar/ Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995– 2001», Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Statistical Appendix (External Liabilities and Assets) 2003, sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/statappendix/ externalliabilitiesandassets.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics.», 2003, sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html

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66 Guide des pays fédéraux, 2005 Besfamille, Martin et Pablo Sanguinetti, «Formal and Real Fiscal Federalism in Argentina», Université de Warwick, mai 2003, sur Internet : http :// www2.warwick.ac.uk/fac/soc/csgr/research/workingpapers/2003/wp11503.pdf/ Buenos Aires (Gouvernement de l’état de), ministère de l’Économie, «Argentina and the Province of Buenos Aires», sur Internet : http ://www.ec.gba.gov.ar/English/ Argentina.htm Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Argentina.», juillet 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/cr03226.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), «Human Development Indicators : Argentina», 2003, sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_ARG.html World Directory of Parliamentary Libraries : Argentina, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/argen.html Note 1 15 ans et plus

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Australie (Commonwealth d’Australie ) CHERYL SAUNDERS

1 histoire et évolution du fédéralisme Les débuts de l’Australie remontent à l’établissement de ses colonies britanniques, entre 1788 et 1829, même si les peuples autochtones habitaient déjà la région depuis au moins 50 000 ans. Entre 1850 et 1891, six colonies autonomes voyaient le jour, chacune dotée d’une constitution et de ses institutions gouvernementales propres. Tout au long de cette période, des pressions s’exerçaient pour conclure une union axée sur l’économie, la défense et d’autres secteurs. C’est au cours de la dernière décennie du XIXe siècle que le mouvement en faveur du fédéralisme a franchi son étape la plus déterminante. Deux conférences constitutionnelles majeures ont eu lieu, l’une en 1891, l’autre en 1897–1898, pour négocier les modalités d’une nouvelle fédération et de la constitution sous-jacente. Des délégations de membres du parlement de chacune des colonies y ont participé. La Constitution proposée lors de ces conférences a été approuvée, par voie référendaire, par chacune des colonies australiennes, puis légalisée par un acte du Parlement britannique. Les auteurs de la Constitution se sont inspirés des accords constitutionnels signés en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Après avoir débattu la question, ils ont approuvé les institutions et les principes de bonne gouvernance qui allaient guider le nouveau gouvernement national, le Commonwealth d’Australie (et qui étaient déjà en vigueur dans les six colonies). Tout comme la Grande-Bretagne, ils ne voyaient

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pas l’utilité de protéger constitutionnellement les droits politiques. Le régime fédéral et son cadre constitutionnel étaient néanmoins calqués sur ceux des États-Unis. Les unités constituantes de la fédération australienne sont le Commonwealth et les six états originaux, soit la Nouvelle-Galles du Sud, Victoria, Queensland, l’Australie-Occidentale, l’Australie-Méridionale et la Tasmanie. En outre, l’Australie comprend deux territoires continentaux autonomes, soit le Territoire du Nord et le Territoire de la capitale australienne (ACT). Même si ces territoires ne constituent pas des partenaires à part entière de la fédération, ils sont considérés, à plusieurs niveaux, comme des entités politiques et administratives à part entière.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Le régime politique australien peut être qualifié de double fédération, en ce sens que chaque sphère de gouvernement possède ses institutions, son corps législatif, son corps exécutif et, dans une certaine mesure, ses propres tribunaux. Par conséquent, la Constitution prévoit une séparation fédérale des pouvoirs exécutifs, judiciaires et législatifs. La Constitution australienne au Commonwealth accorde certaines compétences énumérées (article 51) et abandonne les autres aux états. Les compétences du Commonwealth s’appliquent aux fonctions nationales essentielles qui comprennent : la défense et les affaires étrangères; les grandes activités commerciales, allant du commerce interétatique et international au règlement des conflits industriels entre états par voie de conciliation et d’arbitrage; certaines fonctions sociales, y compris les mariages et les causes matrimoniales. La plupart des compétences octroyées au Commonwealth sont concurrentes, c’est-àdire que les états ont aussi le droit de les exercer. Mais en cas de conflit entre une loi du Commonwealth valide et une loi d’un état, c’est la loi du Commonwealth qui prévaut. En un siècle de fédéralisme, les compétences du Commonwealth se sont ramifiées au fil de l’usage et des interprétations légales. L’année 1920 a marqué un point tournant, lorsque la Haute Cour de l’Australie a choisi d’accorder aux compétences du Commonwealth leur plein sens littéral, en les dégageant ainsi des contraintes des hypothèses eu égard à la nature de la fédération. Ces compétences se sont révélées particulièrement malléables par la suite, constituant un appui important pour l’intervention du Commonwealth dans des secteurs comme l’imposition, les sociétés et les affaires étrangères. Nonobstant la décision de 1920, la doctrine judiciaire reconnaît aujourd’hui que le Commonwealth et les états se heurtent à certaines

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limites implicites dans ces domaines. Le Commonwealth, entre autres, n’a pas le droit de discriminer les états ou encore de menacer leur existence ou leur capacité fonctionnelle. Au cours des dernières années, la Haute Cour a approuvé d’autres limites implicites aux pouvoirs reconnus en se fondant sur le système de représentation et de gouvernement responsable énoncé dans la Constitution. Le Sénat australien, soit la Chambre haute du Parlement du Commonwealth, assure la plus grande représentation des états au sein des institutions centrales. En vertu de l’article 7 de la Constitution, les états d’origine ont droit à une représentation égale au Sénat. Au début, chaque état avait droit à six sénateurs, mais ce nombre a graduellement augmenté au cours du premier siècle de la fédération et a atteint douze sénateurs. La composition du Sénat garantit aux plus petits états une représentation supérieure à celle de la représentation proportionnelle. Cela dit, le Sénat ne déploie pas beaucoup d’efforts pour représenter les états, individuellement ou collectivement. Les sénateurs, élus au suffrage direct, votent selon la discipline de parti. Depuis 1949, l’élection des sénateurs repose sur un système de représentation proportionnelle dans lequel chaque état constitue un électorat distinct, ce qui permet aux sénateurs de tenir compte des intérêts de l’ensemble de l’État, s’ils le désirent. Plus encore, ce type d’arrangement tend à produire un Sénat au sein duquel aucun parti majeur n’est majoritaire (puisque la représentation proportionnelle facilite l’élection de candidats de partis mineurs sur lesquels les principaux partis ne peuvent compter pour obtenir des appuis). Ceci a accentué le rôle institutionnel du Parlement du Commonwealth, d’où l’inévitable difficulté d’assurer le bon fonctionnement du modèle traditionnel de gouvernement responsable. En 2003, le gouvernement formulait une proposition visant à réduire le droit de veto du Sénat en permettant le règlement des différends dans le contexte d’une séance conjointe des deux chambres. Mais puisque le public a mal accueilli cette proposition, il semble peu probable qu’on aille de l’avant. Cela dit, il existe d’autres façons d’assurer la représentation des états au niveau central. En premier lieu, l’article 24 de la Constitution garantit que chaque état sera représenté par cinq membres au minimum à la Chambre des représentants, sans égard à la population. Dans les faits, le Cabinet fédéral intègre invariablement au moins un ministre de chaque état, même s’il ne s’agit pas d’une exigence constitutionnelle. En second lieu, le Commonwealth est censé consulter les états au moment de nommer les juges de la Haute Cour. En troisième lieu, les procédures de modification de la Constitution, décrites ci-après, assurent également la représentation des états à titre d’entités constituantes.

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Sur le plan constitutionnel, le Commonwealth et les états ont les pouvoirs nécessaires pour imposer des taxes à leurs propres fins. Cependant, seul le Commonwealth est en mesure d’imposer des droits de douane et d’accise, et les lois fiscales du Commonwealth ne peuvent être discriminatoires à l’endroit des divers états ou de parties de ceux-ci. De plus, aucun secteur gouvernemental ne peut imposer de taxes sur la propriété d’un autre et aucun ordre de gouvernement n’a le droit de réclamer des taxes discriminatoires qui nuiraient au commerce entre les états. Finalement, la capacité d’imposition des états est limitée sur le plan extraterritorial, comme à d’autres niveaux. Dès le début, la fédération australienne était caractérisée par un déséquilibre fiscal qui s’est aggravé depuis. La cause initiale tenait à l’incapacité des états d’imposer des taxes et des droits de douanes et d’accise. Deux facteurs particuliers semblent avoir exacerbé ce déséquilibre : une définition élargie des droits de douane et d’accise suivant les interprétations juridiques, allant jusqu’à interdire aux états d’imposer une taxe sur les biens, de même que le transfert de facto de l’impôt sur le revenu au Commonwealth après la Deuxième Guerre mondiale, suite à la décision de prolonger indéfiniment un mode d’imposition sur le revenu adopté pendant la guerre. Le mécanisme des transferts fiscaux du Commonwealth aux états a donc pris de plus en plus d’importance. On note une vague exigence constitutionnelle relative à la répartition des revenus excédentaires, qui est devenue lettre morte dès la première décennie de la fédération. Des transferts successifs ont pris tour à tour la forme de subventions à des fins générales et spécifiques, alternant avec des ententes fondées sur des formules et le partage des recettes fiscales. Le calcul utilisé pour répartir les recettes générales entre les états tient compte de l’aptitude de chacun à générer des recettes et de leurs besoins en matière de dépenses. En 1999, le Commonwealth s’engageait à accorder aux états le droit de conserver les recettes de la nouvelle taxe sur les produits et services, une mesure fort novatrice. Mais même si l’Australie s’est engagée en ce sens, il est encore trop tôt pour dire si une telle mesure perdurera. Les pouvoirs australiens sont séparés en trois branches au niveau fédéral, mais l’écart est cependant bien plus marqué dans le cas des pouvoirs judiciaires que dans ceux des deux autres pouvoirs. À une nuance près, les institutions administratives fédérales australiennes souscrivent à la notion britannique traditionnelle de gouvernement responsable. On remarque la présence d’un gouverneur général, qui représente la reine Élisabeth II, et qui joue le rôle de chef d’État, sans pouvoir réel, tributaire du gouvernement. Le gouvernement est issu du Parlement et son maintien en poste dépend de la confiance que lui accorde la

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Chambre des représentants. La qualification découle de la composition et des pouvoirs du Sénat. La destitution d’un gouvernement par le gouverneur général en 1975 après le rejet, par le Sénat, d’un projet de loi de crédits, rappelle que le Sénat peut forcer un gouvernement à abandonner le pouvoir avec l’appui de la Chambre. La notion de gouvernement responsable s’applique également à chacun des états et aux territoires autonomes. Tous les états sauf le Queensland ont un Parlement bicaméral, quoique les chambres hautes ne soient pas toutes aussi puissantes que le Sénat fédéral. La vision commune d’un gouvernement responsable, à laquelle souscrivent le gouvernement et le Parlement, favorise les accords intergouvernementaux. L’administration de la fédération australienne dépend, dans une large mesure, d’un vaste réseau de conseils ministériels et de projets coopératifs ayant pour but d’assurer l’uniformité ou la concertation des lois et des politiques. Il va de soi que ces procédures affaiblissent l’autorité des parlements individuels et consolident le rôle de l’exécutif. La plupart des conflits inhérents à la signification légale et au fonctionnement de la Constitution sont justiciables, c’est-à-dire qu’ils peuvent être réglés par la voie des tribunaux, puisque ces derniers constituent le mécanisme ultime de règlement des différends. En général, les différends relatifs aux ententes intergouvernementales ne sont pas réglés en cour, sauf si les modalités de l’entente intègrent l’intention d’établir des relations juridiques. En tant que fédération de common law, l’Australie a recours à l’appareil judiciaire ordinaire à cette fin et n’a établi aucun tribunal spécialisé. La Constitution de l’Australie prévoit un système de tribunaux à deux éléments, sauf dans deux cas. Premièrement, la Haute Cour de l’Australie, le tribunal de dernière instance du pays, constitue la dernière cour d’appel, tant fédérale qu’au niveau des états (article 73). Sa large juridiction originale s’étend aux grands dossiers fédéraux, y compris les questions constitutionnelles. Deuxièmement, la Constitution permet au Parlement du Commonwealth d’accorder une juridiction fédérale aux tribunaux des états (article 77 (iii)). On a très souvent fait appel à ce pouvoir au cours des 70 premières années de la fédération. Mais vers la fin du XXe siècle, on l’a délaissé puisque le Commonwealth a choisi d’établir ses propres tribunaux. L’abandon du modèle dualiste, jumelé à la fonction d’appel de la Haute Cour, a eu des conséquences importantes. La Haute Cour a statué que la Constitution protégeait, dans une certaine mesure, l’intégrité des tribunaux des états, puisque ces derniers sont aptes à composer avec les lois fédérales. La structure judiciaire a également contribué à unifier la common law australienne, même si les lois statutaires varient d’un état à l’autre.

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Il est rare que les différends entre états se règlent devant les tribunaux puisque la plupart du temps, on préfère utiliser des moyens politiques. Il est plus facile de régler des conflits quand le même parti dirige le gouvernement central et l’état en question que lorsque les protagonistes appartiennent à des partis différents. Les conseils ministériels et autres réunions intergouvernementales, comme celle des solliciteurs généraux, peuvent aussi constituer une bonne tribune pour régler les différends. Dès le départ, la Constitution australienne prévoyait un mécanisme pour sa propre modification (article 128). Ce mécanisme reflète la dimension fédérale de la Constitution et les procédés initiaux utilisés pour lui donner vie. Toute modification suppose deux étapes, soit l’énonciation et l’approbation. Les propositions doivent être formulées par le Parlement du Commonwealth sous forme de projet de loi visant à modifier la Constitution. En général, ce genre de projet est adopté par les deux chambres avec une majorité absolue. Si une des chambres rejette le projet de loi, une procédure d’impasse permet à l’autre chambre d’adopter deux fois le projet de loi. Les lois ainsi votées peuvent faire l’objet d’un référendum. Une double majorité est requise pour les approuver, soit une majorité au niveau national et une majorité accordée par la majorité des états. Dans des cas exceptionnels, lorsque la modification risque d’affecter la représentation proportionnelle de l’état au sein du Parlement du Commonwealth ou d’en modifier les frontières, il faut également obtenir une majorité à l’intérieur de l’état intéressé. Cette procédure ne s’est pas avérée très efficace pour modifier la Constitution. Le Parlement du Commonwealth tend à n’encourager que les propositions qui intéressent le gouvernement fédéral du jour. Seules huit des 44 propositions ayant fait l’objet d’un référendum ont été approuvées, dont deux très mineures. On explique ce taux de rejet de diverses façons : des procédures d’andenchement étroites, un manque de compréhension des propositions, des campagnes référendaires très partisanes et le grand conservatisme de l’électorat australien. De fait, on mise de plus en plus sur les interprétations légales de la Constitution et sur la coopération intergouvernementale. Comme la plupart des fédérations, l’Australie jouit d’une forme d’union économique qui accorde aux états une certaine latitude sur le plan économique. Entre autres éléments clés de l’union économique australienne, on note l’attribution de la majorité des pouvoirs économiques au Commonwealth, l’exigence que le Commonwealth agisse en toute impartialité en matière de fiscalité et de commerce, et les compétences exclusives accordées au Commonwealth dans le domaine des douanes et accises, des devises et de la frappe de la monnaie. L’élément

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central est l’article 92 qui stipule que les activités commerciales et les interactions entre les états doivent être «absolument gratuites». Pendant les 90 premières années de la fédération, c’est cette section de la Constitution qui a suscité le plus de contestations juridiques. En 1988, on a finalement adopté une interprétation légale de l’article 92 plus conforme aux intentions des auteurs de la Constitution. De nos jours, on tient pour acquis que l’article 92 protège le commerce entre les états et interdit les pratiques discriminatoires d’ordre protectionniste. Cela n’interdit pas l’adoption par les états de politiques ayant un effet accessoire sur le commerce entre états, dans la mesure où ces incidences ne sont disproportionnées. La majorité des fédérations cherche aussi à réaliser un certain degré d’unité entre les citoyens en misant sur la citoyenneté commune et des moyens semblables. La Constitution australienne fait relativement peu en ce sens. Jusqu’en 1949, il n’existait aucune catégorie légale réservée à la citoyenneté australienne et le concept de citoyenneté n’est même pas abordé dans la Constitution. En revanche, les articles 92 et 117 offrent une certaine protection sur le plan de la mobilité entre les états, et l’article 117 interdit toute discrimination à l’endroit des «sujets de Sa Majesté» fondée sur le lieu de résidence. De fait, selon un juge de la Haute Cour, ces deux articles constituent «les piliers constitutionnels de l’unité légale et sociale du peuple australien».

3 dynamique po lit iqu e récen te En Australie comme ailleurs, la plupart des difficultés tiennent à l’interprétation juridique des accords financiers et du partage fédéral des compétences. On remarque aussi que de grands enjeux affectent le partage des compétences, dont la réglementation des sociétés qui a des répercussions à la fois sur l’économie australienne et sur le processus qui sous-tend la coopération gouvernementale. Même si le Commonwealth a le droit de légiférer en ce sens (article 51 (xx)), il ne s’agit pas d’un pouvoir entier puisqu’il est, entre autres, interdit au Parlement du Commonwealth d’adopter des lois sur l’incorporation des sociétés. Pendant plusieurs années, le droit des sociétés de l’Australie se fondait sur un modèle de coopération complexe. En 1999 et en 2000 cependant, les décisions de la Haute Cour ont remis en cause la validité de certaines dimensions du modèle, y compris la décision de permettre à la cour fédérale d’avoir juridiction sur les états et celle d’accorder aux fonctionnaires fédéraux des pouvoirs sur les états. Les nouvelles ententes qui les ont remplacées reposaient sur le pouvoir du Parlement du Commonwealth de voter des lois sur les questions que lui «renvoyaient» les parlements des états. Le recours ultérieur au

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droit de renvoi pour traiter d’autres dossiers, y compris les lois contre le terrorisme, porte à croire que cette procédure pourrait bien servir plus souvent dans le cas des ententes intergouvernementales, malgré son recours plutôt rare dans le passé. L’internationalisation et la mondialisation ont grandement affecté la dynamique de la fédération australienne. La prolifération des traités, ajoutée à l’internationalisation, a ébranlé le partage des compétences fédérales et les relations exécutives-législatives. Dans ce contexte, la Haute Cour a statué qu’en raison de sa compétence en «affaires étrangères» (article 51 (xxix)), le Parlement pouvait adopter des lois pour concrétiser les obligations légales internationales prises par l’Australie. Cela signifiait, dans les faits, que le Commonwealth pouvait intervenir dans des domaines propres aux états, y compris des domaines sensibles comme l’environnement et les droits de la personne. Au fur et à mesure de l’évolution de la jurisprudence, on a réglé des différends d’ordre international entre le Commonwealth et les états en adoptant une série de principes et de procédés convenus. Ces derniers reconnaissaient l’autorité ultime du Commonwealth et prévoyaient des mécanismes de consultation préalables. L’établissement subséquent d’un conseil intergouvernemental des traités a renforcé ces ententes. On a également adopté de nouvelles procédures au sein du Parlement du Commonwealth de manière à favoriser un engagement parlementaire plus opportun et plus efficace au niveau de l’élaboration des traités. Les nouvelles procédures ont déjà été passées en revue une fois, et semblent bien fonctionner. Il faut mentionner un autre phénomène lié, lui aussi, à la mondialisation. Vers la fin des années 80, on craignait que, malgré une disposition constitutionnelle garantissant la liberté des échanges entre les états, le marché australien s’avère trop petit et trop fragmenté pour relever les nouveaux défis de la concurrence économique internationale. On a donc choisi de réformer des procédés décisionnels intergouvernementaux, en particulier les conseils ministériels. On a également adopté une série de mesures pour améliorer l’efficacité du marché interne. L’une consistait à encourager chaque compétence à adopter un système de reconnaissance mutuelle des normes applicables aux biens et aux services professionnels. En coulisses, la reconnaissance mutuelle a remporté un tel succès qu’elle favorise maintenant la mobilité des biens et des occupations sans restreindre pour autant les pouvoirs réglementaires des états. Le projet a même gagné la Nouvelle-Zélande. Aucun nouvel état australien n’a été établi depuis la création de la fédération. À l’heure actuelle, le candidat le plus apte à accéder au statut d’état est le grand Territoire du Nord autonome. Au cours des années 90, la conversion du Territoire du Nord en un état à part entière a

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alimenté les débats, exposant certaines incertitudes quant au fonctionnement des modalités constitutionnelles dans de nouveaux états. Il faut établir, par exemple, dans quelle mesure on peut modifier le partage des compétences fédérales pour tenir compte de ces nouveaux états. Les efforts n’ont toutefois pas porté fruit, car les habitants du Territoire du Nord ont rejeté un processus controversé qui aurait permis de concevoir une constitution pour le nouvel état. Quoi qu’il en soit, la question d’accès au statut d’état est toujours présente, puisqu’un nouveau gouvernement du Territoire du Nord élu en 2001 s’est engagé à se pencher de nouveau sur la question au moment opportun. Un dernier dossier politique d’actualité porte sur la création d’une république australienne. Au cours des années 90, les Australiens ont amorcé un débat dans le but d’établir s’il y avait lieu ou non de rompre les liens avec la Couronne britannique et sur la façon de le faire. Même si le référendum de 1999 s’est soldé par un échec, la question n’a pas été mise au rancart et attend qu’un gouvernement national décide d’y donner suite. Elle reste pertinente dans le contexte du fédéralisme, puisque, en vertu de la Constitution, Sa Majesté est directement représentée à l’échelle nationale et à celle des états par des gouverneurs choisis par les premiers ministres. Pour devenir une république, l’Australie devrait prévoir un nouveau mode d’organisation des états et du Commonwealth. Il faudrait aussi établir si, dans les faits, Sa Majesté représente une force unificatrice et, le cas échéant, quelles incidences le bris des liens avec la Couronne pourraient avoir sur la dynamique du régime fédéral australien. Il s’agit d’une autre complication avec laquelle il faudra composer au moment d’élaborer un modèle de république pour l’Australie.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Brown, A. J., «Australia’s Two Federalisms : Rediscovering the Origins of Australian Federal Political Ideas», Australian Journal of Political Science, vol. 38, 2003. Craven, G. (dir.), Australian Federalism : Towards the Second Century, Melbourne, Melbourne University Press, 1992. French, Robert, Geoffrey Lindell et Cheryl Saunders (dir.), Reflections on the Australian Constitution, Sydney, Federation Press, 2003. Galligan, Brian, A Federal Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 1995. Hirst, John, The Sentimental Nation : The Making of the Australian Commonwealth, Oxford, Oxford University Press, 2000. Irving, Helen, To Constitute a Nation : A Cultural History of Australia’s Constitution, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

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77 Australie

Irving, Helen (dir.), The Centenary Companion to Australian Federation, Cambridge, Cambridge University Press, 1999. Lee, H.P. et George Winterton (dir.), Australian Constitutional Landmarks, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. Lindell, Geoffrey et Robert Bennett (dir.), Parliament : The Vision in Hindsight, Sydney, Federation Press, 2001. Saunders, Cheryl (dir.), Courts of Final Jurisdiction, Sydney, Federation Press, 1996. Saunders, Cheryl, «Federalism and Indigenous Australians», in Yash Ghai (dir.), Autonomy and Ethnicity, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. http ://www.austlii.edu.au/au/other/dfat/infokit.html, Australia and International Treaty Making Information Kit http ://www.election-politique.com/australie.php, renseignements sur les résultats électoraux http ://www.dfat.gov.au/aib/french/ australia_foreign_trade_policy.html, résumé des politiques étrangères et commerciales du gouvernement

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78 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Canberra

Nombre et type d’unités constituantes

6 états : Australie-Méridionale, Australie-Occidentale, Nouvelle-Galles du Sud, Queensland, Tasmanie, Victoria 1 territoire de la capitale : Territoire de la capitale australienne (ACT) 1 territoire (continental) : Territoire du Nord N.B. L’Australie possède aussi 7 territoires extérieurs : îles Ashmore et Cartier, île Christmas, îles Cocos (Keeling), îles de la mer de Corail, île Heard, îles McDonald et île Norfolk.

Langue(s) officielle(s)

Anglais

Superficie

7 682 300 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Australie-Occidentale – 2 525 500 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Territoire de la capitale australienne – 2 400 km2

Population totale

20 038 615 (est. janvier 2004)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Nouvelle-Galles du Sud 34 %, Victoria 25 %, Queensland 19 %, Australie-Occidentale 10 %, Australie-Méridionale 8 %, Tasmanie 2 %, Territoire de la capitale australienne 2 %, Territoire du Nord 1 %

Régime politique – fédéral

Fédération, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Reine : Élisabeth II (1952), représentée par le gouverneur général : Michael Jeffery (août 2003). Nommé par la reine sur recommandation du premier ministre.

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : John Winston Howard (1996–1998), Parti libéral (Liberal Party of Australia) N.B. chef du gouvernement de coalition, formé par le Parti libéral et le Parti national (National Party of Australia). Le premier ministre est membre élu du Parlement, et chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des représentants (House of Representatives) ou chef d’une coalition majoritaire. Les membres du Cabinet sont nommés par le gouverneur général sur avis du premier ministre.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Sénat, 76 sièges. 12 membres élus représentent chacun des 6 états, et 2 membres élus représentent respectivement le Territoire de la capitale australienne et le Territoire du Nord. Les sénateurs des états sont élus pour un mandat d’une durée de 6 ans.

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79 Australie Tableau I (suite) La moitié des sièges sont renouvelés tous les 3 ans. Les sénateurs des territoires sont élus pour un mandat d’une durée de 3 ans. Chambre basse – Chambre des représentants (House of Representatives), 150 sièges. Les membres sont élus au scrutin préférentiel dans les circonscriptions uninominales pour un mandat d’une durée de 3 ans. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Nouvelle-Galles du Sud – 50

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Tasmanie – 5 N.B. Aucun état initial ne peut avoir moins de 5 représentants. Territoire de la capitale australienne – 2 Territoire du Nord – 2

Répartition des représentants Chacun des 6 états possède 12 sièges au Sénat. Chacun à la Chambre haute du gouver- des 2 territoires possède 2 sièges. nement fédéral Partage des compétences

La Constitution accorde 42 compétences au Commonwealth, y compris les affaires étrangères, la défense, la citoyenneté, l’immigration, la naturalisation, le commerce interétatique et international, les douanes, les finances, les activités bancaires, l’assurance, le droit familial, l’aide sociale et les services publics d’envergure nationale. (La plupart des compétences du Commonwealth sont concurrentes puisque les états peuvent aussi les exercer.) L’éducation constitue la plus grande fonction des états, quoiqu’ils tendent également à assurer la plupart des services publics, de même que l’ordre public, le logement social, la réglementation de l’industrie et du travail, et les services liés à la propriété. La législation locale relève également des états. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Haute Cour (High Court). Le juge en chef et 6 autres juges sont nommés par le gouverneur général.

Régime politique – unités constituantes

Bicaméral (sauf Queensland et le Territoire du Nord, qui n’ont qu’une chambre) – Assemblées législatives. Les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 3 ou 4 ans.

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80 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Chef de gouvernement – unités constituantes

Chef d’état : Gouverneur. Nommé par la reine sur avis du premier ministre (dans le cas des états). Le Territoire de la capitale australienne n’a pas de chef d’état. Dans le cas du Territoire du Nord, le chef d’état est un administrateur nommé par le gouverneur général sur avis du ministre en chef du Territoire du Nord. Chef de gouvernement : Premier ministre (dans le cas des états). Chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges au sein de l’assemblée législative. Il nomme les membres du Cabinet. Le premier ministre et les membres du Cabinet exercent un mandat d’une durée de 3 ou 4 ans.

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81 Australie Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

541,2 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

27 500 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

170,6 milliards de $ US (est. 2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

6,1 % (proj. 2003)1

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Tasmanie – 8,8 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Nouvelle-Galles du Sud – 6,1 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

99 %2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

6,7 % (2001)

Espérance de vie (années)

78,9

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

101,5 milliards de $ US (2000)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

20,2 milliards de $ US (2001)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

26 537 milliards de $ US (2001)

Mécanismes de péréquation

Les transferts fédéraux se fondent sur les recettes et dépenses des états sur recommandation de la Commission des subventions du Commonwealth (Commonwealth Grants Commission, CGC).

Sources Australie (Gouvernement de l’), Bureau de statistiques, Yearbook Australia : Taxation Revenue, 2003, sur Internet : http ://www.abs.gov.au/Ausstats/abs%40.nsf/ 94713ad445ff1425ca25682000192af2/3d817eb544c6a4a6ca256cae0005207b! OpenDocument Australie (Gouvernement de l’), Bureau de statistiques, Yearbook Australia : Population, 2003, sur Internet : http ://www.abs.gov.au/ausstats/abs%40.nsf/ 94713ad445ff1425ca25682000192af2/1647509ef7e25faaca2568a900154b63? OpenDocument Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country report : Australia», octobre 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/cr03337.pdf Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Australia», sur Internet : http ://www.oecd.org/ dataoecd/10/28/1902511.pdf

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82 Guide des pays fédéraux, 2005 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «OECD in figures. 2003 edition : Statistics on the member countries», sur Internet : http :// www1.oecd.org/publications/e-book/0103061E.PDF Review of Commonwealth-State Funding : Background Paper, décembre 2001, sur Internet : http ://www.reviewcommstatefunding.com.au/library/BackgroundPaper_FINAL.pdf Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Librairies : Australia, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/austr.html Notes 1 Moyenne annuelle 2 15 ans et plus

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Autriche* (République fédérale d’Autriche ) ROLAND STURM

1 histoire et évolution du fédéralisme La République d’Autriche est un État d’Europe centrale d’une superficie de 83 858 kilomètres carrés, peuplé de 8,1 millions d’habitants (2002). C’est l’État successeur de l’Empire austro-hongrois (1867– 1918), empire multinational sans structure fédérale. En 1918, l’empereur Charles Ier, qui régna sur l’Autriche de 1916 à 1918, s’engagea à y établir le fédéralisme pour tenir compte des aspirations diverses des nationalités de l’Empire austro-hongrois. Cependant, son manifeste aux peuples de l’Autriche (Völkermanifest) arriva trop tard pour avoir quelque effet pratique, n’ayant été proclamé que lors des toutes dernières semaines de la Première Guerre mondiale, soit quatre jours avant la dissolution de l’Empire. En 1920, la première République (1918 à 1933–1934) qui remplaça l’Empire se dota d’une constitution de type fédéral. Toujours en vigueur aujourd’hui, cette Constitution représentait un compromis entre les desseins politiques du Parti social chrétien, conservateur, et ceux des sociaux-démocrates. Alors que ces derniers voulaient un pouvoir central fort, le Parti social chrétien préférait voir les états (länder) jouir d’une large autonomie. En ouvrant la voie à d’amers conflits

* Le Forum des fédérations tient à remercier Peter Bussjäger et Anna Gamper de leurs observations utiles sur l’article paru dans l’édition de 2002.

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entre les partis, le fédéralisme autrichien des débuts était porteur de tiraillements pour l’unité du pays. Il se transforma en arène pour les luttes des gouvernements conservateurs des états contre celui, socialdémocrate, du land de Vienne, la capitale nationale. La Constitution fut elle-même modifiée à plusieurs reprises et, dans la vie politique autrichienne, chaque révision contribua à affermir le pouvoir au niveau fédéral. En 1922, on aboutit à un accord sur la répartition des compétences en matière de finances, accord qui entra en vigueur en 1925. (Il faut cependant noter que le partage des compétences en matière de finances est aujourd’hui fondé sur la Loi constitutionnelle financière de 1925.) En 1925, on en arriva à une décision sur l’administration interne des länder et sur leur compétence en matière d’éducation publique (que révisa une loi de 1962). En 1929, le rôle du centre politique de l’Autriche fut renforcé davantage par l’entrée en fonction d’un chef d’État, le président fédéral, élu au suffrage direct. On décida même de réformer la Chambre haute (Bundesrat), et d’y ajouter, à côté des représentants des états, des représentants des corps sociaux les plus importants (Stände). Bien qu’elle ne fût pas mise en vigueur, cette dernière réforme témoignait de l’effet cumulatif de l’influence croissante de la pensée antidémocratique sur la nouvelle Constitution austro-fasciste de 1934. Le gouvernement était devenu législateur et, tout en possédant le droit d’exprimer leur accord ou leur désaccord au sujet des lois, plusieurs institutions aux membres nommés, dont le Conseil des états (Länderrat), n’étaient pas habilitées à les modifier. Toutefois, puisque l’Autriche était simplement régie par les ordres du gouvernement, même ce contrôle restreint à son endroit était sans pertinence. En 1938, des troupes allemandes occupèrent l’Autriche et le pays fut incorporé à l’Allemagne nazie à titre d’«Ostmark» du IIIe Reich. En 1945, après la défaite de l’Allemagne nazie, la Constitution de 1920 (Bundesverfassungsgesetz), y compris ses révisions, fut rétablie avec les lois antérieures à 1934. L’Autriche redevint un État fédéral. Dans les années 60 et 70, les länder autrichiens tentèrent de mettre fin à la tendance vers une centralisation toujours croissante du pouvoir. Bien qu’ils aient réussi à provoquer certains changements constitutionnels pour consolider leur position face au gouvernement fédéral, l’Autriche reste un pays de fédéralisme «unitaire», c’est-à-dire un pays où le pouvoir régional est nettement subordonné au pouvoir fédéral. En 1955, l’Autriche retrouva sa souveraineté en échange d’une garantie constitutionnelle de neutralité permanente; la même année, elle devint membre des Nations Unies. En 1956, l’Autriche entra au Conseil de l’Europe; en 1960, elle fut cofondatrice de l’Association européenne de libre-échange; et, en 1995, elle devint membre de l’Union européenne.

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2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Constitution autrichienne est un document à la fois long et détaillé. En plus de pourvoir aux tâches des länder (états), elle échafaude leur cadre institutionnel ainsi que celui des administrations locales. L’article 2 affirme que l’Autriche est un État fédéral composé de neuf länder autonomes : Basse-Autriche, Haute-Autriche, Burgenland, Carinthie, Salzbourg, Styrie, Tyrol, Vorarlberg et Vienne. Des dispositions spéciales s’appliquent à Vienne : le Parlement de comté y joue également le rôle de Parlement d’état; le Sénat de la ville, celui de gouvernement d’état; et le maire, celui de gouverneur (article 108). Le Parlement d’un état en adopte les lois (article 95). En théorie, il pourrait jouir de pouvoirs très larges étant donné que l’article 15 lui donne juridiction sur toute question non expressément confiée à la fédération. L’article 16 lui permet même de se lancer en politique étrangère : il peut conclure des traités avec les territoires voisins dans les domaines de sa compétence autonome, mais le gouvernement fédéral exerce un droit de regard sur le processus et doit y consentir. En pratique, la révision constante de la Constitution a renforcé la fédération. Pour la plus grande partie de son histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale, l’Autriche a été gouvernée par de larges coalitions capables de mobiliser facilement les deux tiers des voix des deux chambres du Parlement, soit la majorité requise pour modifier la Constitution, et cela a favorisé cette évolution. Pour adopter une loi constitutionnelle fédérale, jusqu’en 1984 il suffisait du consentement d’une majorité des deux tiers des membres du Conseil national et d’une majorité simple de ceux du Conseil fédéral. Depuis, il faut une majorité des deux tiers du Conseil fédéral, mais seulement si le projet de loi réduit la juridiction des länder. Selon l’article 98 de la Constitution, le gouvernement fédéral peut faire opposition à un projet de loi adopté par le Parlement d’un état, mais le projet entrera en vigueur si le Parlement de cet état l’adopte une deuxième fois par un vote de la majorité de tous ses membres. Le gouvernement central détient un grand nombre des plus importants pouvoirs de la fédération, y compris l’ensemble des pouvoirs judiciaires, la responsabilité des services policiers et militaires, le contrôle des comptes et l’administration des fonds publics à tous les niveaux de gouvernement (articles 121 à 128). L’article 127 (c) permet cependant aux länder d’établir leur propre cour des comptes. D’abord et avant tout, l’administration publique est organisée en «mittelbare Bundesverwaltung» (administration fédérale indirecte, articles 102 et 103) : cela signifie que, dans l’exécution de la loi

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fédérale, le gouverneur d’un état (Landeshauptmann) est lié par les directives du gouvernement et des ministres fédéraux. Les états ont aussi écopé au plan financier. La Constitution est muette sur les pouvoirs de perception d’impôts et de taxes : c’est à la législation fédérale (par une loi de redressement fiscal) d’y pourvoir, et les états ne peuvent pas y opposer de veto. Les états n’ont, par conséquent, presque pas de recettes de taxes qui leur sont propres et ils dépendent de celles que partage avec eux la fédération, ou encore de transferts fiscaux que celle-ci leur consent. Quoique fortement centralisé, le fédéralisme autrichien contemporain est néanmoins fondé sur la coopération entre le gouvernement fédéral et les länder. Cette coopération s’exprime surtout dans l’administration par les länder de lois fédérales. La Constitution répartit les lois en quatre catégories : (1) les lois fédérales exécutées par le gouvernement fédéral dans des domaines comme la politique étrangère, les banques, la paix, l’ordre public et la sécurité, le commerce et l’industrie (article 10); (2) les lois fédérales exécutées par les länder dans des domaines comme la nationalité et le droit à la citoyenneté, le logement, la surveillance policière des grandes routes, les aménagements sanitaires ou certains aspects du transport intérieur par voie d’eau (article 11); (3) les lois-cadres fédérales dont l’exécution nécessite l’adoption par les länder de lois de mise en œuvre et la mise en place de mécanismes administratifs, dans des domaines comme le bien-être social, la réforme agraire et certains aspects du droit du travail (article 12); et (4) les lois des länder exécutées par les länder. Les länder ont un rôle dans la législation fédérale. À part quelques exceptions, le Parlement ne peut adopter aucune loi sans le consentement du Bundesrat (article 42). Tous les états y sont représentés en proportion de leur population (article 34) : l’état le plus populeux y délègue douze membres, et chacun des autres un nombre dont le rapport à douze correspond à celui de sa population à celle de l’état le plus populeux. Tout état a droit à trois membres au moins. La représentation des états est fixée par le président de la fédération après chaque recensement général, d’habitude tous les dix ans. Les membres du Bundesrat sont élus par le Parlement d’un état pour la durée de son mandat et conformément au principe de la représentation proportionnelle, sous réserve qu’au moins une place doit revenir au parti en deuxième place pour le nombre de sièges au Parlement ou, s’il y a égalité, en deuxième place pour le nombre de voix lors des élections au Parlement de cet état. S’il y a toujours égalité, un tirage au sort tranche. Les membres du Bundesrat ne sont pas tenus d’être membres du Parlement de l’état qui les délègue, mais ils doivent être éligibles à ce Parlement (article 35).

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Comme les membres du Bundesrat sont choisis par les partis politiques, c’est à ceux-ci d’abord, et non au gouvernement de leur état d’origine, qu’ils accordent leur loyauté. Au Bundesrat ils ne se réunissent pas en caucus d’états : chaque membre regagne plutôt sa formation politique propre. Ces formations ne sont pas des partis parlementaires distincts; avec les membres de la Chambre basse du Parlement (Nationalrat), ils constituent plutôt un seul groupe partisan et en suivent les consignes. Les partis politiques croient que, si leurs représentants à la Chambre haute adhéraient à des idées autres que celles de leurs collègues de la Chambre basse, leur image de marque en serait abîmée. Voilà encore une preuve du peu d’estime dont jouissent les länder au Bundesrat, et aussi du rôle subordonné du Bundesrat en politique fédérale. En donnant aux gouverneurs le droit de participer aux délibérations du Bundesrat, une disposition constitutionnelle de l’article 36 (4) apporte un léger correctif pour permettre aux intérêts régionaux de s’exprimer. Les gouverneurs peuvent même exiger d’être entendus dans les débats sur des questions intéressant leur état, mais ils ne participent pas au processus de prise de décisions. Un veto du Bundesrat ne peut que retarder l’adoption d’une loi, il ne peut pas l’empêcher. Si la Chambre basse du Parlement, le Nationalrat, en présence d’au moins la moitié de ses membres, adopte de nouveau sa résolution initiale, la loi entre en vigueur. En 1984, la Constitution fut révisée et l’article 44 (2) précise maintenant une exception à cette règle : aujourd’hui, les modifications constitutionnelles réduisant la juridiction des länder exigent le consentement d’une majorité des deux tiers du Bundesrat en présence de la moitié, au moins, de ses membres. Il faut la même majorité pour permettre au président de la fédération de dissoudre le Parlement d’un land sur la recommandation du gouvernement fédéral (article 100). Il n’est pas permis aux représentants du land en question de participer à ce vote. Le Bundesrat est engagé aussi dans les décisions prises par le Parlement agissant collectivement. Le Bundesrat et le Nationalrat siègent ensemble à titre d’Assemblée fédérale pour l’assermentation du président de la fédération et pour l’adoption d’une résolution de déclaration de guerre (article 38). La Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof ) est une institution mixte de la fédération et des länder. Elle statue sur les conflits de juridiction entre états de même qu’entre les états et la fédération (article 138). Trois de ses quatorze membres et un de ses six substituts, que nomme le président de la fédération, sont proposés par le Bundesrat (article 147). D’autres institutions ont aussi le statut légal d’institutions mixtes, dont la cour d’administration (articles 130 à 136), le Bureau national de vérification (articles 121 à 128) et le Conseil des ombudsmans (article 148).

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Un élément important du fédéralisme autrichien est la coordination autonome des länder entre eux. Bien qu’aucune disposition constitutionnelle n’encadre les rencontres de leurs hauts fonctionnaires, présidents de parlements ou gouverneurs, leurs conférences sont devenues un mécanisme de coordination et d’énonciation des intérêts des länder. Un bureau mixte des länder, situé auprès du gouvernement de la Basse-Autriche, vient en appuyer l’organisation.

3 dynamique po lit iqu e récen te Au cours des années 60 et 70, les länder commencèrent à manifester leur mécontentement à l’endroit de la prédominance de la fédération dans la politique autrichienne et exigèrent un affermissement de leur position pour consolider le fédéralisme. En 1974, 1983, 1984, 1987 et 1988, il en résulta des rectifications à la Constitution fédérale qu’il convient de noter, mais dont aucune n’est substantielle. L’appui des länder étant nécessaire pour l’adhésion projetée à l’Union européenne (UE), leur pouvoir de marchandage s’en trouva amélioré à la fin des années 80. En 1989, on forma un groupe expert (Strukturreformkommission, ou commission pour les réformes structurelles) avec pour tâche de repérer les problèmes découlant du partage présent des compétences entre la fédération et les länder et de proposer des solutions. Publiées en 1991, les recommandations du groupe expert encadrèrent les négociations entre les länder et la fédération qui aboutirent en 1992 à la conclusion d’une entente entre les gouvernements sur la réforme du fédéralisme autrichien (Perchtoldsdorfer Paktum). On ne tint cependant compte ni du Parlement fédéral ni des parlements des états, et cette stratégie entraîna des conséquences politiques négatives. En l’occurrence, l’entente ne mit pas fin à la controverse politique quand la législation requise fut présentée au Parlement. Il fallut attendre le 7 juin 1994 pour que le gouvernement fédéral puisse introduire un projet de loi de réforme constitutionnelle, et l’on n’en disposa pas avant les élections de 1994. Au cours de celles-ci, la grande coalition entre sociaux-démocrates (SPÖ) et conservateurs (ÖVP) perdit la majorité des deux tiers nécessaire au Nationalrat pour la réforme proposée. On s’engagea dans une nouvelle ronde de négociations, cette fois avec la participation des partis de l’opposition. Sous plusieurs rapports, cependant, le nouveau consensus atténuait les concessions déjà consenties aux länder et, pour cette raison, la conférence des gouverneurs des états rejeta le nouveau compromis. Suivit une année d’immobilité complète. Lors des élections générales de la fin de 1995, la grande coalition retrouva sa majorité des deux tiers au Nationalrat. On présenta de nouveau le projet de loi de

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réforme constitutionnelle sous sa forme originale, mais on proposa en même temps de le faire réviser par le groupe de travail sur la réforme du fédéralisme. Composé de représentants des états et de la fédération, ce groupe fut mis en place par la conférence des gouverneurs. Malgré maintes tentatives de leur part pour faire avancer la réforme du fédéralisme, le gouvernement fédéral resta insensible. Après les élections de 1999, la grande coalition s’effondra. Une nouvelle coalition entre les conservateurs et le Parti de la liberté (FPÖ) ne rassembla cependant pas la majorité des deux tiers voulue pour la réforme constitutionnelle, dont elle ne fit d’ailleurs pas une priorité. Le fédéralisme autrichien demeure fortement centralisé et unitaire dans sa conception constitutionnelle. En revanche, on peut considérer comme un succès des länder le fait d’avoir pu contraindre le gouvernement fédéral à leur donner un rôle dans le processus politique de prise de décisions concernant l’Union européenne (article 23). Les länder firent valoir qu’ils invoqueraient l’article 50 (1) de la Constitution selon lequel ils doivent donner leur assentiment aux traités internationaux touchant leur sphère autonome de compétences, et qu’ils étaient disposés à faire jouer leur influence en faveur du camp du «non» dans la campagne référendaire sur l’adhésion du pays à l’Union si le gouvernement n’était pas prêt à consentir des concessions et à modifier la Constitution à leur avantage. Le gouvernement fédéral est maintenant tenu de faire part, sans délai, aux länder de toute initiative de l’Union européenne affectant leur juridiction ou de nature à les intéresser. Les länder ont le droit de formuler des commentaires sur de telles propositions. S’ils s’entendent sur une position touchant leur sphère autonome de compétences, le gouvernement fédéral doit l’accepter et voter en conséquence au niveau européen. Il peut, exceptionnellement, déroger à ce devoir pour des raisons de politique étrangère ou d’intérêts européens de l’Autriche, mais alors il doit sans tarder mettre les länder au courant de ces raisons. L’entente entre les états n’est cependant pas toujours la règle et, en politique européenne, le désaccord sur les politiques tend à miner la position des länder face au gouvernement fédéral. Si une initiative de l’Union européenne touche une compétence des länder, il est maintenant possible pour un politicien proposé par les länder de représenter l’Autriche dans ses négociations avec l’Union. Il faut remarquer qu’il ne s’agit là que d’une possibilité et non d’une règle immuable. Il faut que le gouvernement fédéral consente à céder aux länder sa responsabilité pour les affaires étrangères. Les länder ont également le droit de proposer les membres autrichiens du comité des régions de l’Union européenne. Chaque land a son représentant au

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bureau du Représentant permanent de l’Autriche à Bruxelles et, sauf pour le Vorarlberg, chaque état y possède sa propre quasi-ambassade auprès de l’Union. Le plus puissant moteur du fédéralisme autrichien se trouve aujourd’hui dans les états eux-mêmes. La structure fédérale des groupes d’intérêts et des partis politiques, de même que les racines historiques profondes des länder (à l’exception du Burgenland que le traité du Trianon de 1921 donna à l’Autriche), jouent un rôle important dans le maintien du fédéralisme. Il est révélateur que les gouverneurs, qui n’ont pas de rôle dans la Chambre haute et qui demeurent à l’extérieur du processus de législation fédérale, sont devenus les locomotives du changement. Les états recourent au droit des compagnies privées pour s’impliquer dans des domaines comme la politique économique régionale, le marché du travail, la santé et la culture : c’est pour eux une façon de s’activer dans des champs que la Constitution réserve au gouvernement fédéral. L’autonomie constitutionnelle qui reste aux länder a pris de l’importance dans les années 90. Les constitutions des états furent réformées et garantissent maintenant certains droits fondamentaux plus larges encore que ceux garantis par la Constitution fédérale, ou ne s’y trouvant pas. Maints états ont non seulement mis en place de nouvelles formes de démocratie directe, mais ont aussi renforcé les pouvoirs des parlements et des bureaux de vérification des comptes des länder face aux gouvernements de ceux-ci. Les différences dans les majorités, de même que les coalitions entre les états eux-mêmes ou entre les états et la fédération, constituent un autre facteur important dans la dynamique politique au niveau des états. Autrefois, dans tous les états, sauf ceux de Vienne et du Vorarlberg, la Constitution exigeait que le gouvernement reflète le poids relatif des partis au Parlement. Cela donnait au gouverneur le rôle puissant de modérateur. On voit maintenant (surtout en Styrie) la mise en question de parlements des états sans parti d’opposition, de même que des initiatives comme les réformes constitutionnelles pour instaurer le gouvernement majoritaire, ainsi qu’on l’a fait dans les états de Salzbourg et du Tyrol en 1998. L’adhésion à l’Union européenne a redéfini les objectifs des gouvernements des länder. Maintenant, non seulement sont-ils confrontés à l’exemple de pays fédéraux comme l’Allemagne et la Belgique qui donnent à leurs unités constituantes un rôle beaucoup plus important en politique fédérale, mais ils font aussi face au défi économique de la concurrence régionale dans le Marché commun européen. Pourtant, en Autriche, le fédéralisme reste sur la défensive. Certains commentateurs souhaiteraient voir davantage de fédéralisme et

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confieraient de nouvelles compétences aux länder. Cependant, des voix influentes proposent aussi de réduire de neuf à trois le nombre des länder ou encore de dissoudre les parlements. Invoquant des arguments d’efficacité économique, ils soutiennent qu’un seul Parlement de land (Generallandtag) suffirait pour tous les länder. Il pourrait devenir la Chambre haute du Parlement, remplaçant le Bundesrat qui joue aujourd’hui ce rôle. De telles propositions radicales n’ont pas encore rassemblé, au Parlement, l’appui de la majorité des deux tiers nécessaire à la réforme. Il reste à voir si, comme on le projette, une convention constitutionnelle pourra surmonter le statu quo. L’argument de l’efficacité a cependant déjà entraîné le renforcement des länder dans l’administration de la législation fédérale. Pour contribuer à l’effort de réduction du déficit du pays du gouvernement fédéral, ses représentants et ceux des länder ont convenu d’une réforme de l’administration publique. L’administration du land est maintenant le premier, et le seul, point d’accès des citoyens (Verwaltungsreformgestz, 2001).

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Bußjäger, Peter, Die Zustimmungsrechte des Bundesrates, Vienne, Braumüller, 2001. Bußjäger, Peter, «Föderalismus durch Macht im Schatten? – Österreich und die Landeshauptmännerkonferenz», in Europäisches Zentrum für Föderalismus-Forschung Tübingen (dir.), Jahrbuch des Föderalismus 2003, Baden-Baden, Nomos, 2003, p. 79–99. Gamper, Anna, «The Principle of Homogeneity and Democracy in Austrian Federalism», Publius : The Journal of Federalism, vol. 33, no 1 (hiver 2003). Gamper, Anna, avec la collaboration de Peter Pernthaler, «Austrian Federalism and the European Union – New Centralism versus Federal Reform?», in Kurt R. Luther et Iain Ogilvie (dir.), Austria and the European Union Presidency : Background and Perspectives, Keele, Université de Keele, 1998. Gamper, Anna, avec la collaboration de Peter Pernthaler, «National Federalism within the EU : The Austrian Experience», in Sergio Ortino et Mitja Zagar (dir.), Changing Faces of Federalism : Political Reconfiguration in Europe, à paraître. Institut für Föderalismusforschung, Annual Reports, Vienne, Braumüller, depuis 1976. Neisser, Heinrich et Sonja Puntscher Riekmann (dir.), Europäisierung der österreichischen Politik, Konsequenzen der EU-Mitgliedschaft, Vienne, WUV/Universitätsverlag, 2002.

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Perlinka, Anton et Sieglinde Rosenberger, Österreichische Politik : Grundlagen, Strukturen, Trends, 2e éd., Vienne, WUV/Universitätsverlag, 2003. Polaschek, Martin F., Föderalismus als Wert? Eine Studie zu Reformmöglichkeiten des österreichischen Bundesstaates, Graz, Aktion Vision Modell Steiermark, 1999. http ://www.austria.gv.at, gouvernement fédéral http ://www.parlament.gv.at, Parlement fédéral http ://www.specque.qc.ca/divers/speq/autriche.html, document de travail de la simulation du Parlement européen à Québec (SPEQ) http ://www.lex.unict.it/cde/documenti/vari/98_99/bilancio.htm, bilan de la présidence autrichienne préparé par l’Union européenne

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94 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Vienne

Nombre et type d’unités constituantes

9 états (länder) : Basse-Autriche, Burgenland, Carinthie, Haute-Autriche, Salzbourg, Styrie, Tyrol, Vienne, Vorarlberg

Langue(s) officielle(s)

Allemand

Superficie

83 858 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Basse-Autriche – 19 174 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Vienne – 415 km2

Population totale

8 141 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Vienne 19,3 %, Basse-Autriche 19,1 %, HauteAutriche 17 %, Styrie 14,7 %, Tyrol 8,3 %, Carinthie 6,9 %, Salzbourg 6,4 %, Vorarlberg 4,3 %, Burgenland 3,4 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Thomas Klestil (1992–1998), Parti populaire d’Autriche (Österreichische Volkspartei, ÖVP). Le président est élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 6 ans.

Chef de gouvernement – fédéral

Chancelier : Wolfgang Schüssel (2000), Parti populaire d’Autriche (Österreichische Volkspartei, ÖVP). Le chancelier est nommé par le président, et il appartient au plus grand parti ou à une coalition au Nationalrat. Le chancelier nomme les membres du Cabinet.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Assemblée fédérale (Bundesversammlung) : Chambre haute – Conseil fédéral (Bundesrat), composé de 64 membres représentant les unités constituantes. Ils sont élus au suffrage indirect par les parlements des états. Chambre basse – Conseil national (Nationalrat), composé de 183 membres élus au scrutin proportionnel pour un mandat d’une durée de 4 ans.

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Basse-Autriche – 34 (Vienne – 30)

Nombre de représentants à la Burgenland – 5 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

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95 Autriche Tableau I (suite) Répartition des représentants Basse-Autriche 12, Vienne 11, Haute-Autriche 11, à la Chambre haute du gouver- Styrie 10, Tyrol 5, Carinthie 5, Salzbourg 4, Vorarlberg 3, Burgenland 3 nement fédéral Partage des compétences

Les compétences législative et administrative dans les domaines comme les affaires étrangères, les forces armées, la justice et les finances relèvent exclusivement du gouvernement fédéral. Les länder sont responsables de l’administration et de l’application de la législation fédérale. La compétence législative est partagée dans des domaines comme les hôpitaux, les œuvres de bienfaisance, les droits des travailleurs agricoles et la réforme foncière.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof), comprenant un président, un vice-président, 12 autres membres et 6 substituts. Le Bundesrat nomme 3 des 14 membres de la Cour et 1 substitut. Le président fédéral nomme les autres sur recommandation du Cabinet fédéral et du Nationalrat.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Chaque land fonctionne conformément à sa propre constitution et est doté d’une assemblée élue (diète ou Landtag), dont la représentation s’échelonne entre 36 et 56 membres. Chaque assemblée élit un gouvernement composé d’un gouverneur et de conseillers. Le conseil municipal de Vienne fait office de diète.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur. Élu par la diète, devant laquelle il est responsable.

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96 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

232,9 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

28 611 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

12,1 milliards de $ US (est. 2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

5,1 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Vienne – 9 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Haute-Autriche – 4,7 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

100 %

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,8 %

Espérance de vie (années)

78 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

51,7 milliards de $ US (2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

15,2 milliards de $ US (2000)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

15,2 milliards de $ US (2002)

Mécanismes de péréquation

Les länder comptent sur le produit des taxes qu’ils partagent avec le gouvernement fédéral, et sur des transferts qu’ils reçoivent de celui-ci.

Sources Autriche (Gouvernement de l’), sur Internet : http ://www.austria.gv.at/e/service Autriche (Gouvernement de l’), «The Political System in Austria.», 2000, sur Internet : http ://www.austria.gv.at/e/service Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», 2003, sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Banque nationale de l’Autriche, «Focus on Statistics : Austria Public Finances», 2003, sur Internet : http ://www2.oenb.at/stat-monatsheft/englisch/tabellen/ 51_p.htm Fonds monétaire international (FMI), «Supplement to the 2002 Government Finance Statistics Yearbook», 2002, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/gfs/ manual/supp.pdf

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97 Autriche Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Austria», sur Internet : http ://www.oecd.org/dataoecd/ 10/27/1902502.pdf Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Libraries : Austria, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/austri.html

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Belgique* (Royaume de Belgique ) ANDRÉ LECOURS

1 histoire et évolution du fédéralisme La Belgique est une démocratie d’Europe occidentale de petite taille (32 545 kilomètres carrés) peuplée d’un peu plus de 10 millions d’habitants. Son caractère multilingue en est le trait politique dominant. Sa moitié septentrionale, la Flandre, est la patrie de la plupart des néerlandophones du pays (presque 6 millions, appelés «Flamands») tandis que, dans le Sud, la Wallonie (3,3 millions) est francophone. La présence d’une population germanophone minuscule (70 000) dans le Sud-Est, et l’emplacement de Bruxelles (1 million), au nord de la frontière linguistique mais où le français est prépondérant, viennent compliquer ce tableau linguistique. Les tensions entre groupes linguistiques sont un aspect central de la politique belge depuis la fin du XIXe siècle, en superposition et en croisement avec la religion et la classe sociale qui constituent deux autres clivages fondamentaux dans cet État complexe. L’éternel «problème communautaire», tel que manifesté dans la politique nationaliste/régionaliste, fut le moteur de la fédéralisation récente de l’État belge. Les territoires de la Belgique d’aujourd’hui furent scindés du royaume néerlandais et reconstitués en un État indépendant en 1830

* Le Forum des fédérations et l’auteur tiennent à remercier Johanne Poirier de ses observations utiles sur l’article paru dans l’édition de 2002.

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par une bourgeoisie francophone opposée aux politiques linguistiques et religieuses du roi Guillaume Ier d’Orange. La Belgique naquit sous forme d’État unitaire fortement centralisé dans lequel, malgré l’absence de toute disposition constitutionnelle formelle précisant l’usage de la langue, presque tout se faisait en français. Cette situation s’avéra inacceptable pour une petite bourgeoisie flamande traditionnelle pour qui la Belgique était une nation bilingue et biculturelle. C’est dans ce contexte que le mouvement flamand surgit et lutta pour réaliser l’égalité du néerlandais avec le français. Malgré l’opposition des élites francophones, la loi De Vriendt-Coremans de 1898 réalisa l’égalité légale officielle des langues, encore que le français restât dominant. Le mouvement flamand se mit alors à poursuivre le statut bilingue officiel pour les provinces néerlandophones, mais ses revendications, surtout eu égard au Sud, se butèrent à l’opposition inébranlable des francophones. Dans ce contexte, le mouvement flamand transféra le cadre de son activisme de l’ensemble du pays à la partie septentrionale de la Belgique pour laquelle il chercha un statut monolingue, objectif largement atteint dans les années 30 grâce aux lois établissant le monolinguisme territorial. Pour en contrecarrer les revendications, les élites francophones formèrent le mouvement wallon. Leur première réaction fut de réclamer le retour à la Belgique de 1830 mais, avec la croissance en force du mouvement flamand, elles adoptèrent une autre stratégie, abandonnant les francophones de la Flandre, puis de Bruxelles, pour se concentrer sur la Wallonie où dominait le français. L’intensité du problème communautaire augmenta après la Deuxième Guerre mondiale quand un ensemble de questions – du statut du roi Léopold III au financement des écoles – opposa les deux communautés linguistiques. Les politiciens tentèrent de désamorcer la tension en renforçant le monolinguisme territorial par une nouvelle législation linguistique. Des lois de 1962–1963 créèrent quatre régions linguistiques : la Flandre monolingue, la Wallonie monolingue, Bruxelles bilingue, et une zone germanophone. Une série de recensements établirent les frontières linguistiques, et les communes (municipalités) furent attribuées à la région qui leur convenait. La frontière fut alors «gelée» en 1963 par l’abandon du recensement comme outil d’adaptation et la mise en vigueur de l’unilinguisme administratif, le tout dans l’espoir d’homogénéiser davantage. Cette stratégie échoua et la tension augmenta encore au cours des années 60 quand les partis nouvellement formés des communautés, la Volksunie (parti nationaliste flamand), le Rassemblement wallon (régionaliste wallon) et le Front démocratique des francophones (avec sa base à Bruxelles) exercèrent de fortes pressions politiques et électorales sur

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les partis traditionnels (Parti démocrate-chrétien, Parti socialiste, Parti libéral), où naquirent des ailes linguistiques. Contraints de militer davantage sur les questions communautaires, ces partis éclatèrent bientôt, achoppant sur le terrain de la langue. En effet, le système de partis est une des particularités du système politique belge. Il n’y a pas de partis nationaux en Belgique : tous sont linguistiques. Comme conséquence des aménagements convenus entre sociétés en Belgique, cette transformation poussa encore plus loin la dichotomie dans la vie tant politique que sociale. Ainsi, bien qu’officiellement unifiés et quoique présentant un front commun face aux autorités publiques, les syndicats ouvriers formèrent des groupes de travail distincts. Les associations bénévoles et bien d’autres organisations de la société civile adoptèrent aussi des structures bipolaires. La Belgique fut fédéralisée par étapes : il y eut des réformes constitutionnelles et institutionnelles en 1970, 1980, 1988 et 1993. La différence entre les modèles fédéraux préférés par les néerlandophones et par les francophones est la grande raison de ce processus par étapes. Du côté flamand, on préconisait un fédéralisme bipartite axé sur les deux grandes communautés linguistiques et culturelles alors que les chefs de file francophones cherchaient à faire valoir un fédéralisme tripartite où la Flandre, la Wallonie et Bruxelles seraient des unités constituantes. Il faut noter que ces modifications constitutionnelles sont aussi le résultat des négociations nécessaires dans les gouvernements de coalition caractéristiques de la politique fédérale belge. Des crises entre les groupes linguistiques jouèrent un rôle décisif dans le redémarrage du processus de fédéralisation à un moment où il semblait bloqué. L’amorce, au milieu des années 80, fut le refus du maire de Fourons (Voeren, en néerlandais) de se soumettre aux dispositions de la loi et d’employer le néerlandais lors d’une occasion formelle dans cette petite municipalité de 4 000 âmes, qui avait été transférée de la Wallonie à la Flandre en 1963. L’épisode de Fourons entraîna la révision constitutionnelle de 1988, et un compromis au sujet de Bruxelles qui fut transformée en unité fédérée, comme le souhaitaient les partis francophones. Les partis flamands obtinrent en contrepartie la protection de la minorité flamande de Bruxelles et une entente établissant que les limites de la ville ne dépasseraient pas les 19 communes existantes. Vers le début des années 90, la décision des partis flamands de gauche d’opposer une vente d’armes à l’Arabie saoudite, qui eût profité à des industries wallonnes, déclencha une crise entre les communautés. Ce conflit entraîna la réforme de 1993 et la transformation formelle de la Belgique en État fédéral.

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2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Le trait distinctif du fédéralisme belge est qu’il comprend deux types d’unités constituantes : les communautés et les régions (articles 2 et 3). Il y a trois communautés (Communauté flamande, Communauté française et Communauté germanophone) et trois régions (Région flamande, Région wallonne et Région de Bruxelles-Capitale). Pour saisir le sens de cette caractéristique intrigante, il faut la situer dans le contexte de la lutte historique du mouvement flamand pour la survivance culturelle et linguistique et de celle, plus récente, du mouvement wallon pour l’autonomie économique. Les communautés furent créées en 1970 et dotées immédiatement d’institutions (à l’exception de la Communauté germanophone qui ne fut pleinement institutionnalisée qu’en 1983). Elles exercent le pouvoir sur la langue, la culture, l’éducation et les «matières personnalisables», expression du jargon constitutionnel belge pour désigner des services sociaux comme les soins de santé (mais non l’assurance maladie, de compétence fédérale) où le contact entre l’État fournisseur et le citoyen est direct. Bien que les régions soient clairement des unités territoriales, les communautés sont davantage liées aux individus et à la langue qu’au territoire. C’est un des aspects les plus compliqués du fédéralisme belge. L’appartenance aux communautés est fixée par référence à la distinction constitutionnelle entre les régions linguistiques (article 4). Leur existence tient à l’autonomie culturelle recherchée par les Flamands. En conséquence, les néerlandophones de Bruxelles appartiennent à la Communauté flamande, tout comme ceux vivant en Flandre. De même, les résidants francophones de Bruxelles appartiennent à la Communauté française, tout comme les Wallons. Il y a cependant des exceptions à cette idée de communauté fondée sur la langue. En effet, la minorité francophone importante de la Flandre n’appartient pas à la Communauté française; ainsi en va-t-il, mutatis mutandis, des (rares) néerlandophones de Wallonie. Autrement dit, les communautés «liées à la personne» n’ont pas créé de sous-nationalités au sein de la population belge. Les régions sont des entités territoriales créées pour répondre aux préoccupations des Wallons eu égard à l’économie de leur région. La Flandre et la Wallonie établirent des institutions en 1980, plus de dix ans après que la réforme constitutionnelle eut esquissé l’intention de créer des régions. Bruxelles a suivi en 1988. Les régions exercent le pouvoir sur le développement économique régional, l’urbanisme, l’administration des provinces et des communes, le logement, les

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travaux publics, l’eau, l’énergie, le transport, l’environnement et la formation pour l’emploi. (De plus, on vient récemment de conclure une entente pour transférer aux régions le pouvoir sur le commerce international et la politique agricole). En 1980 la région et la communauté flamandes ont fusionné leurs institutions. Cela signifie que les deux entités existent toujours sur le plan constitutionnel, mais qu’il y a un gouvernement et un Parlement flamands communs (avec certaines exceptions pour Bruxelles), ce qui rend plus asymétrique le fédéralisme belge. Le gouvernement fédéral conserve le pouvoir sur la politique financière et monétaire, la justice, la sécurité sociale (assurance emploi, pensions, et ainsi de suite), certains aspects des soins de santé (l’assurance maladie, par exemple, qui représente presque 90 pour cent du budget de la santé), certaines sociétés d’État, la défense nationale, et la direction des relations internationales (bien que les régions et les communautés puissent conclure des traités internationaux, à l’intérieur de certaines limites). Dans l’ensemble, la décentralisation fut très importante. En fait, les régions et les communautés administrent plus de 40 pour cent du budget national, bien que ces ressources financières soient réparties par l’État central. La réforme de 1993 a modifié les institutions centrales et leurs relations avec les communautés et les régions sous deux aspects fondamentaux. Le premier changement fut la redéfinition de la composition et du rôle du Sénat. Le nouveau Sénat belge comprend différentes catégories de sénateurs : 40 sont élus au suffrage direct; 21 sont désignés dans les commissions communautaires (dix de la commission française, dix de la commission flamande et un de la commission germanophone); dix autres sont nommés par les sénateurs des deux catégories précédentes. Dans la plupart des cas («lois ordinaires»), le Sénat peut examiner un projet de loi et y proposer des modifications, que la Chambre des représentants pourra accepter ou rejeter. Le Sénat peut aussi proposer les lois, mais le dernier mot revient à la Chambre. En matière de relations internationales et de structure de l’État («lois bicamérales»), les projets doivent être approuvés par la Chambre et le Sénat, sur un pied d’égalité. Pour les questions touchant les communautés («lois votées à majorité spéciale»), le processus législatif suit une procédure exigeant l’appui majoritaire au sein de chaque groupe linguistique au Parlement (néerlandais et français), tant à la Chambre qu’au Sénat, de même que la majorité des deux tiers de la Chambre haute et de la Chambre basse. L’appartenance linguistique d’un parlementaire est fixée par le régime linguistique de la circonscription qui l’élit. L’article 43 de la Constitution reconnaît formellement l’existence de ces groupes.

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Le deuxième changement de la réforme de 1993 fut l’introduction d’élections directes aux parlements flamand et wallon dont les membres provenaient auparavant de la Chambre des représentants. Le Parlement flamand comprend maintenant 118 membres élus au suffrage direct et six autres venant du groupe flamand du Parlement de Bruxelles. Au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, dont les membres sont élus au suffrage direct depuis 1988, il y a 75 représentants (65 francophones et 10 néerlandophones). La commission communautaire française est composée de tous les membres du Parlement wallon et de 19 membres du Parlement de Bruxelles. La Communauté germanophone élit directement ses 25 membres depuis 1983. À la suite de ce changement, à la Chambre fédérale le nombre des membres fut réduit à 150, élus au suffrage direct selon la représentation proportionnelle (article 62). L’exécutif fédéral, où il doit y avoir le même nombre de ministres néerlandophones et de ministres francophones (article 99), reflète le souci de protéger la minorité de langue française. Le premier ministre échappe à cette règle et la plupart du temps c’est un néerlandophone. L’autre élément de l’exécutif fédéral double de la Belgique, le monarque (en ce moment Albert II), ne possède pas d’identité linguistique en lui-même; son importance symbolique est d’incarner la nation belge sans égard aux différences culturelles et linguistiques. Les politiciens belges ont toujours éprouvé une certaine réticence à confier des pouvoirs importants aux tribunaux dans le système politique. La fédéralisation de l’État ne leur laissait toutefois pas le choix de créer un tribunal, la Cour d’arbitrage, pour contrôler la constitutionnalité des lois eu égard à la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral, les régions et les communautés. Ailleurs, la portée de cette Cour demeure très étroite : elle ne peut trancher que là où sont en jeu les principes d’égalité (article 10), de non-discrimination (article 11) et de liberté dans le champ de l’éducation (article 24). L’idée de la parité linguistique et la résistance au «gouvernement des juges» président à sa composition. Ainsi, la Cour comprend 12 juges, la moitié des néerlandophones et l’autre moitié des francophones; la moitié aussi des magistrats de profession et l’autre moitié des anciens politiciens pas forcément formés en droit. Il y a deux présidents, un de chaque groupe linguistique, qui fonctionnent sur une base d’alternance effective. La procédure de modification de la Constitution belge est complexe. Il faut d’abord la dissolution du Parlement fédéral et la tenue d’élections : alors seulement le Parlement nouvellement constitué pourra-t-il mettre aux voix la révision constitutionnelle proposée. L’adoption de la proposition exige l’appui des deux tiers de chacune des chambres. Cette procédure a quelque peu vieilli : instituée quand

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la Belgique était un État unitaire, elle ne fait pas participer les unités constituantes et ne comprend même pas de référence aux groupes linguistiques. Ironiquement, en ce qui concerne les questions communautaires («lois votées à majorité spéciale») le processus législatif protège mieux la minorité linguistique que ne le fait la formule de modification constitutionnelle. Deux dispositions constitutionnelles méritent d’être évoquées en raison de leur importance pour la prise en considération politique des sociétés multilingues (ou multiethniques) et pour le fédéralisme en Belgique. La première est la procédure de la «sonnette d’alarme» conçue pour mieux protéger les francophones. Cette procédure permet à un groupe parlementaire linguistique, s’il peut réunir les signatures des trois quarts de ses membres, d’arrêter provisoirement une initiative législative qu’il craint de nature à mettre en péril sa communauté ou à menacer les relations communautaires (article 54). Le texte législatif est alors renvoyé au Cabinet (où il y a parité linguistique) qui peut l’amender, l’accepter tel quel (il doit alors montrer comment la législation n’entraînerait pas les conséquences négatives prévues par les signataires de la motion), ou simplement démissionner. La procédure de la sonnette d’alarme sert de complément au mécanisme législatif des «lois spéciales» et au principe de parité au sein de l’exécutif. Elle est employée aussi dans la région bilingue de Bruxelles où elle protège la minorité néerlandophone. La deuxième disposition donne aux régions et aux communautés des pouvoirs dans le domaine de la coopération internationale, y compris celui de conclure des traités dans les domaines de leurs compétences respectives (article 167). Les unités constituantes doivent tenir le gouvernement fédéral au courant de leurs activités internationales, et même, si le Cabinet national s’objecte à un traité précis, il peut soumettre la question à un organisme de conciliation composé de membres de tous les gouvernements (la Conférence interministérielle de la politique étrangère), qui décide par consensus de bloquer le traité ou de le laisser passer. Si le consensus fait défaut, le gouvernement fédéral peut suspendre la négociation du traité, mais seulement s’il entre en conflit avec les obligations internationales de la Belgique ou implique des pays avec qui la Belgique a de mauvaises relations, ou encore n’a pas de relations diplomatiques. Malgré ces contrôles en matière de relations internationales, les unités constituantes de la Belgique ont de grands pouvoirs qui pourraient pousser la logique fédérale à sa limite ultime, ou encore présager une forme d’organisation politique plus décentralisée et plus compartimentée. Dans ce contexte, la Commission de concertation est une autre institution importante. C’est un organisme multilatéral composé du

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premier ministre fédéral, de cinq ministres fédéraux et de six membres des gouvernements des unités constituantes («loi ordinaire» de 1980 sur la réforme des institutions, article 31) où francophones et néerlandophones sont représentés en nombre égal. Son rôle est de régler les conflits dits d’intérêts, c’est-à-dire résultant d’actions prises par un ordre de gouvernement de la fédération et susceptibles d’avoir un impact défavorable sur un autre. La commission passe en revue non la légalité mais l’opportunité dans la pratique de ces mesures exécutives ou législatives. Le pouvoir exécutif éventuellement «lésé» peut soumettre la question à la commission, qui bloque la mesure jusqu’à concurrence de 60 jours pendant qu’elle cherche un compromis. Une assemblée législative peut aussi, sur un vote des trois quarts de ses membres, soumettre le projet de loi d’une autre assemblée à la Commission de concertation. Si aucune solution n’est dégagée dans les 60 jours, la mesure contestée peut être adoptée.

3 dynamique po lit iqu e récen te Les élections fédérales de 2003 confirmèrent les tendances des élections de 1999 : les partis libéraux obtinrent une majorité de sièges et, pour la deuxième fois seulement en près de 40 ans, les partis chrétiens furent laissés à l’écart du gouvernement fédéral formé d’une coalition libérale-socialiste. Les élections de 2003 virent aussi l’effondrement des partis verts et le progrès du Vlaams Blok, le parti nationaliste flamand d’extrême droite. Pour ces élections, il y a eu des changements dans le système de partis : le Parti social chrétien a pris le nom de Centre démocrate humaniste; le Parti du peuple chrétien flamand s’appelle désormais Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V); les libéraux francophones fonctionnent dans le cadre de l’organisation appelée Mouvement réformateur; enfin, sur la gauche, la Volksunie a éclaté en miettes et un de ses fragments, Spirit, est allé rejoindre les socialistes flamands qui, eux, ont adopté le nouveau nom de Socialistische Partij-Anders. Les élections récentes ont confirmé, une fois encore, une convention bien établie : malgré la division linguistique des partis traditionnels, en politique belge les partis de la même famille idéologique font partie ensemble, ou sont exclus ensemble, du gouvernement fédéral. Les questions clés pour le fédéralisme belge sont cependant celles liées à la «question des communautés». La sécurité sociale est au sommet de l’ordre du jour. Bien que la Belgique soit une fédération décentralisée, la plupart des programmes de politique sociale y relèvent du gouvernement fédéral. En Flandre, il s’exerce une forte pression pour «fédéraliser» la politique sociale. Pour justifier cette prise de position, on invoque le fait que la Flandre plus riche subventionne

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indirectement la Wallonie plus pauvre par la voie des programmes sociaux. Dans la rhétorique du nationalisme flamand, bon an mal an chaque famille flamande défraie la nouvelle voiture de quelque famille wallonne! Ce discours témoigne du peu de solidarité intercommunautaire en Belgique. De leur côté, les francophones résistent pour maintes raisons à tout mouvement pour diviser la sécurité sociale. Au niveau le plus fondamental, un tel changement affecterait le bien-être des Wallons. Ceux-ci prétendent, de surcroît, avoir contribué au développement de la Flandre à la fin du XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe, quand la Belgique méridionale était la locomotive industrielle du pays : maintenant, tout transfert de fonds en provenance de la Flandre ne serait donc qu’un juste renvoi d’ascenseur. La pression flamande pour la fédéralisation de la sécurité sociale rend particulièrement amers les Wallons d’autant plus que, en raison de leur santé dégradée par le travail dans les industries lourdes, de nombreuses personnes âgées ont besoin de programmes sociaux forts. Enfin, en laissant en pratique le gouvernement fédéral sans pouvoirs de conséquence, la fédéralisation de la sécurité sociale signifierait la fin de la Belgique, autant pour les francophones de Bruxelles que pour ceux de la Wallonie. Vu la faiblesse politique des francophones en Belgique, le succès de leur résistance à la fédéralisation de la sécurité sociale est loin d’être assuré. Le scénario le plus probable est celui d’une fédéralisation à la pièce de maints programmes qui sont des éléments du système de sécurité sociale. À ce moment critique de la politique belge, l’enjeu de la sécurité sociale est indissociable de celui, plus vaste, de l’avenir politique de la Belgique. Pour les chefs de file flamands, les réformes institutionnelles ne sont que de nouvelles étapes vers une autonomie accrue, vers la création d’un modèle confédéral, ou peut-être même vers la dissolution de l’État belge dans un nouvel ordre continental comme l’«Europe des Régions». Portés, eux, à considérer la dernière révision constitutionnelle comme la révision finale, les francophones rejettent cette façon de voir et résistent à toute nouvelle décentralisation. En 2001, cependant, les partis francophones consentirent à la «fédéralisation» de l’agriculture, du commerce extérieur, de certains aspects de l’aide étrangère, de même que de la législation locale et provinciale en contrepartie d’un financement accru pour les communautés. Cet ensemble de réformes constitutionnelles, dit accord du Lambermont ou de la Saint-Polycarpe, impliquait aussi un accroissement de l’autonomie fiscale des régions et des modifications à la structure institutionnelle complexe de la Région de Bruxelles-Capitale conçues pour empêcher, à jamais, le Vlaams Blok extrémiste de paralyser le système politique (dit accord du Lombard).

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Une dispute qui se prolonge porte sur quelque 120 000 francophones de la Flandre, domiciliés près de la frontière linguistique ou en périphérie de la région de Bruxelles. Ces francophones jouissent de «facilités linguistiques» (c’est-à-dire qu’ils ont accès aux services municipaux, enjeu très important en Belgique puisque, pour les citoyens, la municipalité est souvent le point de contact avec les services fédéraux) dont le statut précis a déjà fait l’objet de plusieurs disputes. Pour les partis flamands, les «facilités» sont des mesures transitoires temporaires et le destin ultime de ces populations francophones est d’être assimilées à la culture flamande dominante. Les partis francophones dénoncent cette attitude : pour eux, les services linguistiques sont permanents et inamovibles. Cette polarisation des attitudes donne aujourd’hui à la question de la minorité francophone de la Flandre le potentiel de susciter de vifs conflits dans la vie politique belge. Une autre source de tension dans la politique en Belgique est le Vlaams Blok, parti nationaliste flamand d’extrême droite qui est opposé à l’immigration et qui rejette le cadre politique belge. Ce parti est politiquement isolé des autres, qui le trouvent généralement non démocratique ou, dans le cas des partis politiques francophones, fasciste. Le Vlaams Blok répond en soutenant que les efforts des partis traditionnels pour le faire taire, de mèche avec les médias et autres acteurs sociaux, démontrent le manque de démocratie en Belgique. À la place, il se présente, à la façon typique des populistes, comme le champion de la démocratie qui appuie les référendums, les réformes parlementaires, et ainsi de suite. Le Vlaams Blok approuve la division de la sécurité sociale, mais il nie que ceci manifeste un manque de souci pour les francophones : au contraire, soutient-il, un tel changement contribuerait à les responsabiliser davantage, ce qui, à la longue, leur serait salutaire. La réalisation de l’objectif du Vlaams Blok – créer un État flamand indépendant – semble improbable pour plusieurs raisons : (1) à cause de son importante majorité francophone, il serait trop difficile d’avaler Bruxelles que, pour des raisons historiques et symboliques, il serait cependant impossible de céder; (2) la sécession serait sans doute mal accueillie par les partenaires européens de la Belgique; (3) les Flamands contrôlent complètement leurs institutions régionales et, vu qu’ils sont les plus nombreux, ils peuvent exercer beaucoup de pouvoir au niveau national; et (4) l’affection à l’endroit de la Belgique, tant chez les néerlandophones que chez les francophones, demeure solide en dépit, ou peut-être même à cause, du processus de décentralisation massive cuisiné par ses élites.

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4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Deprez, Kas et Louis Vos (dir.), Nationalism in Belgium. Shifting Identities, 1780–1995, New York, St. Martin’s Press, 1998. Fitzmaurice, John, The Politics of Belgium, Londres, Hurst, 1996. Jacobs, Dirk et Marc Swyngedouw, «Territorial and Non territorial Federalism : Reform of the Brussels Capital Region, 2001», Regional and Federal Studies, vol. 13, no 2 (2003), p. 127–139. Leton, André, La Belgique. Un État fédéral en évolution, Bruxelles, Bruylant, 2001. Mabille, Xavier, Histoire politique de la Belgique. Facteurs et acteurs de changement, 2e éd., Bruxelles, CRISP, 1997. Martiniello, Marco et Marc Swyngedouw (dir.), Où va la Belgique? Les soubresauts d’une petite démocratie européenne, Paris, L’Harmattan, 1998. McRae, Kenneth D., Conflict and Compromise in Multilingual Societies. Belgium, Waterloo, Ontario, Wilfrid Laurier University Press, 1986. Poirier, Johanne et Steven Vansteenkiste, «Le débat sur la fédéralisation de la sécurité sociale en Belgique», Revue belge de sécurité sociale, vol. 2 (2000), p. 331–379. http ://www.belgium.be, gouvernement fédéral http ://www.cfwb.be, Communauté française de Wallonie http ://www.vlaanderen.be, Région flamande http ://www.wallonie.be, Région wallonne http ://www.dglive.be, Communauté germanophone de Belgique http ://www.bruxelles.irisnet.be, Région de Bruxelles-Capitale http ://www.mediateurfederal.be/Franse %20web/fédéral.htm, Le Médiateur fédéral http ://www.crisp.be, Centre de recherche et d’informations sociopolitiques (CRISP) http ://www.politicsinfo.net, actualités politiques

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110 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Bruxelles

Nombre et type d’unités constituantes

3 régions : Région de Bruxelles-Capitale, Région flamande (Flandre), Région wallonne (Wallonie) 3 communautés : Communauté française, Communauté flamande, Communauté germanophone

Langue(s) officielle(s)

Allemand, français, néerlandais/flamand

Superficie

32 545 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Région wallonne – 16 845 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Région de Bruxelles-Capitale – 162 km2

Population totale

10 320 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Région flamande 57,9 %, Région wallonne 32,6 %, Région de Bruxelles-Capitale 9,5 %

Régime politique – fédéral

Régime parlementaire fédéral démocratique sous une monarchie constitutionnelle

Chef d’État – fédéral

Roi : Albert II

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Guy Verhofstadt (2003), Libéraux et démocrates flamands (Vlaamse Liberalen en Democraten, VLD). Le chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges, ou celui de la coalition majoritaire, est nommé premier ministre par le monarque et approuvé ensuite par le Parlement. N.B. Le Cabinet doit comprendre le même nombre de membres francophones et néerlandophones. N.B. Depuis le 13 juillet 2003, le VLD forme un gouvernement de coalition composé de membres du VLD, du Mouvement Réformateur (MR), du Parti socialiste flamand (Socialistische Partij-Anders, SP.A), du Spirit, et du Parti Socialiste (PS).

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Sénat, 71 sièges. 40 membres sont élus au suffrage direct, 21 proviennent des commissions communautaires (10 de la commission française, 10 de la commission flamande, 1 de la commission germanophone), et 10 autres sont nommés par les sénateurs eux-mêmes. Les sénateurs exercent un mandat d’une durée de 4 ans.

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111 Belgique Tableau I (suite) Chambre basse – Chambre des représentants, 150 sièges. Les membres (62 francophones, 88 néerlandophones) sont élus au suffrage universel direct selon la représentation proportionnelle pour un mandat d’une durée maximale de 4 ans. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Région flamande – 79

Nombre de représentants à la Région de Bruxelles-Capitale – 22 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Voir p. 110 pour la répartition. Les sénateurs sont élus à la Chambre haute du gouver- ou choisis en fonction de leur communauté. nement fédéral Partage des compétences

Les compétences du gouvernement fédéral comprennent la sécurité sociale, l’union économique, la politique monétaire, l’imposition, la défense et les affaires internationales, le commerce extérieur, la politique scientifique, l’immigration, les devises, les activités bancaires, l’assurance, les chemins de fer, les télécommunications, l’assurance maladie, la dette publique et l’ordre public. L’encadrement des provinces et des municipalités relève de l’autorité des régions, sauf pour la nomination des gouverneurs des provinces et des maires, et pour la création de directives opérationnelles pour les forces policières municipales, compétences relevant de l’autorité fédérale. Bien que les régions soient dotées de la responsabilité première pour les affaires socio-économiques (c’est-à-dire l’urbanisme, le logement, l’environnement, le développement économique et l’emploi), les communautés sont responsables de l’éducation, des affaires culturelles et des soins de santé (mais pas de l’assurance maladie).

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent du gouvernement fédéral.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour d’arbitrage, formée de 12 juges. Sa composition est fondée sur la parité linguistique (néerlandais et français). Elle a 2 présidents, un issu de la Communauté française, l’autre de la Communauté flamande, et la présidence alterne.

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112 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Régime politique – unités constituantes

Les communautés (française, flamande et germanophone), de même que la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale possèdent chacune un conseil législatif et un organe exécutif, composé de membres appartenant au conseil et élus par celui-ci.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Conseils législatifs régionaux. Les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 5 ans. Le pouvoir exécutif appartient au gouvernement régional.

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113 Belgique Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

275,5 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

26 695 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

28,3 milliards de $ US (est. 1999)

Dette infranationale

11,4 milliards de $ US (juin 2003)

Taux de chômage national

7,6 % (2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Région de Bruxelles-Capitale – 16,4 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Région flamande – 5,4 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

99 %1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,9 %

Espérance de vie (années)

78,5 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

64,9 milliards de $ US (2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

5,1 milliards de $ US (2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

21,2 milliards de $ US (2002)

Mécanismes de péréquation

Une subvention inconditionnelle est versée aux régions afin d’élever leur produit moyen par habitant de l’impôt sur le revenu des particuliers (IRP) au niveau de la moyenne nationale.

Sources Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Banque nationale de Belgique, «Debt and net financial balance of the communities and regions», novembre 2003, sur Internet : http ://www.nbb.be/belgostat/Publicatie SelectieLinker?LinkID=351000056|910000082&Lang=E Banque nationale de Belgique, «Receipts, expenditure and net borrowing of communities and regions», 17 juin 2003, sur Internet : http ://www.nbb.be/ belgostat/PublicatieSelectieLinker?LinkID=592000084|910000082&Lang=E Belgique (Gouvernement de la), «Communautés et Régions», sur Internet : http :// www.belgium.be Belgique (Gouvernement de la), Chambre des représentants, «Députés par circonscriptions», sur Internet : http ://www.lachambre.be

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114 Guide des pays fédéraux, 2005 Belgique (Gouvernement de la), «La Chambre des représentants. Composition», situation au 1er juillet 2003, sur Internet : http ://www.dekamer.be/kvvcr/ pdf_sections/pri/fiche/10F.pdf Economist, The, «Country Briefings : Belgium», sur Internet : http :// www.economist.com/countries/Belgium/ profile.cfm?folder=Profile %2DPolitical %20Structure Elections around the World, «Elections in Belgium», sur Internet : http :// www.electionworld.org/belgium.htm Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Belgium», sur Internet : http ://www.oecd.org/ dataoecd/10/43/1902434.pdf Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «OECD Economic Outlook (Preliminary Edition) : Belgium», sur Internet : http :// www1.oecd.org/publications/outlook68/eo/en/pdf/eo68-2-be.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human development indicators 2003. Belgium, sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/indicator/ cty_f_BEL.html Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Libraries : Belgium, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/belgi.html Note 1 15 ans et plus

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Bosnie-Herzégovine (République de Bosnie-Herzégovine ) MARIE-JOËLLE ZAHAR*

1 histoire et évolution du fédéralisme La République de Bosnie-Herzégovine (51 209 kilomètres carrés), située dans le sud-est du continent européen, possède des frontières communes avec la Croatie et la Serbie-et-Monténégro. Elle est reliée à la mer Adriatique par un étroit corridor de 20 kilomètres. Son territoire a été l’objet de multiples conquêtes, entre autres par les Romains, les Goths, les Slaves, les Hongrois et les Ottomans. Au XIIe siècle, la Bosnie s’est vu conférer le statut de province (banat) au sein du royaume hongrois. En 1376, le ban Stephen Tvrtko s’est proclamé roi de Serbie et de Bosnie. Après sa mort, la désintégration de son royaume a facilité l’expansion de l’Empire ottoman qui, dès 1463, a exercé sa domination sur presque tout le territoire bosniaque. Au cours des quatre siècles suivants, la Bosnie a été une province ottomane. En 1878, le Congrès de Berlin a conféré à l’Empire austro-hongrois le droit de gouverner la région. Dès 1908, l’Empire avait annexé la Bosnie et la Croatie. Le 1er décembre 1918, à la suite du renversement de la double monarchie, la Bosnie et l’Herzégovine ont été rattachées

* L’auteure tient à remercier Sophie Nantel, étudiante de deuxième cycle en science politique (Université de Montréal), pour son travail à titre d’adjointe de recherche.

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au royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes sur lequel régnait le prince Alexandre Ier (1921–1934). En 1929, Alexandre a donné à son royaume le nom de Yougoslavie, c’est-à-dire «Terre des Slaves du Sud». Envahie par les pays de l’Axe pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Yougoslavie a aussitôt été démembrée. C’est alors qu’a été créé un État croate fantoche pro-fasciste dont le territoire coïncidait avec ceux de la Croatie et de la Bosnie. À la fin de la guerre, Josip Broz, dit Tito, communiste croate et chef de la résistance (il avait dirigé le mouvement des partisans), a créé la République socialiste fédérative de Yougoslavie. La Bosnie-Herzégovine figurait parmi les six républiques de la nouvelle fédération. Des Slaves musulmans vivent en Bosnie depuis les débuts de l’ère ottomane. Les origines géographiques et ethniques de cette population font l’objet de nombreux débats parmi les historiens. La langue maternelle des musulmans est le serbo-croate et ils se sont toujours réclamés d’une identité propre. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, toutefois, Serbes et Croates affirment, non sans arrière-pensées politiques, être unis aux Slaves musulmans par des liens ethniques. En 1971, Tito a conféré aux Slaves musulmans (également dénommés Bosniaques) le statut de peuple constituant à part entière de la Yougoslavie. La première Constitution de la Bosnie-Herzégovine remonte à 1974. Ses auteurs ont pris comme modèle la Constitution yougoslave qui a été adoptée au cours de cette même année et qui, en plus d’affaiblir les institutions fédérales, a décentralisé les contrôles communistes en faveur des républiques. Selon la Constitution de 1974, la Bosnie était gouvernée par un corps législatif comprenant une Chambre des citoyens (130 membres) et une Chambre des communes (110 membres). Les neuf membres de la présidence collective et le premier ministre étaient choisis parmi les membres. Le mandat des membres du gouvernement était d’une durée de quatre ans, sauf celui du président de la présidence, élu par les neuf membres, qui n’était que d’un an. Cette présidence par roulement et le système électoral fondé sur la représentation proportionnelle avaient pour objet de tenir compte de la diversité ethnique de la République. En janvier 1990, la Ligue des communistes de Yougoslavie a consenti à abandonner le monopole qu’elle avait toujours exercé sur les leviers du pouvoir. Peu après, eurent lieu les premières élections multipartites de Bosnie. L’échiquier politique était alors dominé par trois grands partis nationalistes : le SDA (Stranka Demokratska Akcija, dirigé par Alija Izetbegovic), le HDZ (Hrvatska Demokratska Zajednice Bosne-iHercegovine, dirigé par Mate Boban) et le SDS (Srpska Demokratska Stranka, dirigé par Radovan Karadzic). Unis provisoirement par leur

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opposition au Parti communiste, les trois partis ont réussi à former une coalition et à s’emparer de la présidence collective bosniaque. Mais les tensions entre partis ont bientôt pris le dessus et ont fini par avoir raison de la coalition. L’ancienne Yougoslavie était déjà sur la voie du démembrement. En 1991, une guerre de dix jours n’a pu empêcher la sécession de la Slovénie. En septembre de la même année, la Macédoine déclarait son indépendance. La guerre en Croatie a duré sept mois (de juillet 1991 à janvier 1992). La reconnaissance de l’indépendance de la Croatie par la Communauté européenne a placé la Bosnie devant un choix pénible : il lui fallait demeurer au sein d’une Yougoslavie dominée par les Serbes, ou encore déclarer elle aussi son indépendance. En octobre 1991, les membres musulmans et croates – mais non pas serbes – ont approuvé la tenue d’un référendum sur la souveraineté. Bien que boycotté par les Serbes, le référendum a eu lieu en février 1992 : 64,4 pour cent des électeurs admissibles ont exercé leur droit de vote, et 99,7 pour cent d’entre eux ont voté en faveur de l’indépendance. En mars 1992, la Bosnie a proclamé son indépendance. Aussitôt, la guerre a éclaté. En mars 1994, les chefs musulmans et croates de Bosnie ont cédé aux pressions internationales et signé à Washington un accord qui, en plus de mettre fin au conflit entre les deux groupes, a posé les fondements d’une fédération croate-bosniaque officiellement baptisée Fédération de Bosnie-Herzégovine. Celle-ci est devenue l’une des deux «entités» de la Bosnie-Herzégovine. Le 21 novembre 1995, réunis à la base aérienne de Wright-Patterson, près de Dayton, dans l’état de l’Ohio, les chefs serbes, croates et musulmans ont paraphé un accord de paix mettant ainsi fin à un conflit d’une durée de presque quatre ans. Bilan de cette guerre : 250 000 morts, deux millions de réfugiés et une multitude de crimes atroces. Le 14 décembre 1995, à Paris, toutes les parties ont signé l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine (communément appelé les accords de Dayton). C’est sur cet accord-cadre que repose la paix en Bosnie-Herzégovine.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e D’après l’annexe 4 des accords de Dayton, médiateurs et participants à la négociation se sont entendus au sujet d’une nouvelle Constitution nationale pour la Bosnie-Herzégovine. Celle-ci décrète que la Bosnie est une démocratie composée de deux entités constituantes : la Fédération de Bosnie-Herzégovine, parfois appelée Fédération

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croato-bosniaque (il s’agit donc d’une fédération au sein d’une fédération), et la Republika Srpska (ou République serbe). Les structures fédérales reflètent la complexité de l’accord ethnoterritorial conclu à Dayton. Les deux entités sont représentées au sein d’un corps législatif central, le Parlement (Skupstina) de BosnieHerzégovine (article IV), lequel comporte une Chambre des représentants (Predstanvnicki Dom) et une Chambre des peuples (Dom Naroda) (il convient de noter qu’il y a une «Chambre des représentants» et une «Chambre des peuples» au niveau fédéral et au sein de la Fédération croato-bosniaque), ainsi qu’une présidence collective composée de trois membres (article V). La composition de ce gouvernement central est aux deux tiers musulmane et croate, avec un tiers serbe. La Chambre fédérale des peuples est composée de 15 membres, dont deux tiers proviennent de la Fédération croato-bosniaque (cinq Croates et cinq Bosniaques) et un tiers (cinq Serbes) de la Republika Srpska. Les membres fédéraux croates et bosniaques sont élus respectivement par les membres croates et bosniaques de la Chambre des peuples de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (l’entité croatobosniaque). L’Assemblée nationale de la Republika Srpska choisit les membres serbes siégeant à la Chambre fédérale des peuples. La Chambre fédérale des représentants est composée de 42 membres, dont deux tiers sont élus par les habitants de la Fédération croato-bosniaque et un tiers par les habitants de la Republika Srpska. La Constitution ne précise pas les modalités selon lesquelles les représentants sont élus. Elle décrète seulement qu’ils «seront élus directement par les habitants de l’entité conformément à une loi électorale devant être adoptée par le Parlement» (article IV-2 (a)). Toutefois, les deux entités ont adopté un régime proportionnel de listes de partis où les électeurs votent, non pas pour une personne, mais pour un parti. Tous les projets de loi doivent être approuvés par les deux chambres et les décisions sont prises à la majorité des personnes présentes qui votent (articles IV-3 (c) et IV-3 (d)). La Constitution décrète en outre que les membres doivent tenter de faire en sorte que la majorité comprenne au moins le tiers des voix des membres de chaque entité. Les trois membres de la présidence (un représentant de chaque groupe – bosniaque, croate et serbe) sont élus au suffrage direct : les membres bosniaque et croate par les habitants de la Fédération croato-bosniaque, et le membre serbe par les habitants de la Republika Srpska. La Constitution détermine les droits et responsabilités des deux entités. Les pouvoirs sont partagés comme suit : aux institutions fédérales

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incombe la responsabilité de la politique étrangère et du commerce, des douanes, de la politique monétaire, de la gestion financière des institutions, des obligations internationales de la Bosnie-Herzégovine, de l’immigration, des réfugiés, de la politique et de la réglementation des lieux d’asile, de la répression criminelle interentités et internationale, de la mise en place et du fonctionnement d’installations de communication communes et internationales, et du contrôle de la circulation aérienne (article III-1). La Constitution permet en outre aux institutions de l’administration centrale, s’il y a lieu, d’adopter des mesures et de créer des institutions supplémentaires pour protéger la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique et la personnalité internationale du pays (article III-5). Cette même disposition n’exclut pas la possibilité d’un transfert aux autorités centrales des responsabilités provisoirement confiées aux institutions créées en vertu des annexes 5 à 8 de l’Accord-cadre général pour la paix en BosnieHerzégovine. Toutes les fonctions et responsabilités gouvernementales qui ne sont pas expressément attribuées par la Constitution aux institutions centrales relèvent ipso facto de la compétence des entités (article III-3 (a)). La plus importante de ces fonctions est assurément la fiscalité. Les deux entités sont également responsables de la police et du maintien de l’ordre, des soins de santé, de l’agriculture et des affaires locales. Dans certains cas, cependant, les entités semblent être autorisées à intervenir dans des matières relevant de la juridiction du gouvernement central. C’est ainsi que, même si la politique étrangère relève de la compétence du gouvernement central, les entités peuvent, dans la mesure où le Parlement y consent, établir des relations avec les États voisins et conclure des accords avec des États étrangers et des organisations internationales. Enfin, la réglementation en matière de citoyenneté (article I-7) et de protection des droits insérés dans la Convention européenne des Droits de l’Homme et dans 15 accords internationaux semblables figurant à l’annexe 1 de la Constitution (article II) est une responsabilité commune au gouvernement central et aux gouvernements des entités. Il n’est nulle part question d’accord financier dans la Constitution fédérale. Celle-ci confère toutefois aux entités le pouvoir de prélever des impôts. On y trouve du reste les lignes directrices générales concernant les responsabilités financières des entités envers les institutions fédérales. L’article IV-4 (b) stipule que le Parlement fédéral a la responsabilité de «prendre des décisions concernant les sources de revenu et les montants nécessaires pour assurer le fonctionnement des institutions et permettre à la Bosnie-Herzégovine de s’acquitter de ses obligations internationales». L’article VIII-1 prévoit que le Parlement adopte

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chaque année un budget portant sur ces dépenses. La Fédération croato-bosniaque contribue aux deux tiers des recettes budgétaires fédérales, et la Republika Srpska à un tiers, «à moins que des recettes ne soient prélevées autrement conformément à la volonté du Parlement» (article VIII-3). Selon les dispositions de l’article III-2 (b), les entités sont de plus censées accorder au gouvernement central «toute l’aide dont il a besoin» pour s’acquitter de ses obligations internationales. L’article VI porte sur le règlement de désaccords constitutionnels et prévoit la création d’un Tribunal constitutionnel comprenant neuf juges. Celui-ci possède l’autorité exclusive de régler les désaccords entre les entités, entre la Bosnie-Herzégovine et une entité (ou les deux entités prises comme un tout) et entre l’une ou l’autre des institutions du gouvernement central (articleVI-3 (a)). Il agit également comme cour d’appel pour toute question d’ordre constitutionnel soulevée dans le cadre d’un arrêt rendu par un autre tribunal bosniaque. La Chambre des représentants croato-bosniaque nomme quatre juges au Tribunal constitutionnel, et l’Assemblée de la Republika Srpska en nomme deux. Les trois autres juges ne sont pas bosniaques et sont choisis par le président de la Cour européenne des Droits de l’Homme après consultation auprès de la présidence (article VI-1). La nomination de juges d’origine étrangère revêt un caractère inusité et s’explique par les craintes que suscite auprès de divers intervenants internationaux la fragilité des accords de Dayton, et par leur détermination à garantir leur mise en œuvre. L’article X stipule que tout amendement à la Constitution doit reposer sur une décision du Parlement, et notamment sur l’appui d’au moins deux tiers des membres présents à la Chambre fédérale des représentants et y exerçant leur droit de vote. Toutefois, toujours selon l’article X, aucun amendement ne peut avoir la conséquence de supprimer ou de diminuer les droits et libertés figurant à l’article II de la Constitution. Cette contrainte s’explique par le fait que la Constitution comporte un certain nombre de dispositions spéciales sur les droits de la personne, les droits des réfugiés et les «intérêts vitaux» des trois peuples constituants du pays. Ces dispositions spéciales sont liées aux circonstances entourant la rédaction de la Constitution et son inclusion dans les accords de Dayton, qui ont mis fin à la guerre en Bosnie. L’article II-1 prévoit la création d’une commission des droits de la personne, qui est composée d’un ombudsman nommé par le président de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de 14 membres : six Bosniaques (quatre d’entre eux doivent provenir de la Fédération croato-bosniaque, et deux de la Republika Srpska) et huit non-Bosniaques nommés par le Comité des

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ministres du Conseil de l’Europe après consultation des parties concernées. L’article II stipule aussi que les droits et libertés figurant dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ses protocoles ont priorité sur toute loi (article II-2). Il comporte aussi une longue déclaration au sujet des droits qu’ont les réfugiés et les personnes déplacées de retourner à leur lieu d’origine et de se réapproprier les biens immobiliers perdus au cours des hostilités (article II-5). La Constitution oblige également toutes les autorités compétentes en Bosnie à coopérer avec les organismes internationaux de surveillance des droits de la personne, les organes de supervision créés en vertu des accords internationaux figurant à l’annexe 1 de la Constitution, le Tribunal pénal international pour l’ancienne Yougoslavie, de même qu’avec toute autre organisation avalisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies et disposant d’un mandat concernant les droits de la personne et le droit humanitaire (article II-8). Enfin, un projet de loi du Parlement peut être perçu comme s’il avait «un effet destructeur à l’égard d’un intérêt vital de l’un ou l’autre des peuples bosniaque, croate ou serbe» (article IV-3 (e)). Cette disposition permet aux membres des groupes ethniques d’empêcher l’adoption d’un projet de loi contesté (article IV-3 (e)). Dans un tel cas, un comité mixte comprenant trois membres de chaque groupe ethnique examine le projet de loi; si les membres du comité ne parviennent pas à s’entendre, la question est soumise à l’examen du Tribunal constitutionnel (article IV-3 (f)). Un veto semblable s’applique au fonctionnement de la présidence (article V-2 (d)). Il convient de noter que, bien qu’elles soient symétriques et que leurs rapports avec les institutions fédérales soient de même nature, les deux entités sont organisées selon des principes différents. Comme son nom l’indique, la Fédération de Bosnie-Herzégovine, ou Fédération croatobosniaque, a une structure de type fédéral. Elle est constituée de huit cantons (unités territoriales) gouvernés par un puissant gouvernement central. La présidence, la vice-présidence et le poste de premier ministre sont assujettis à la règle de l’alternance ethnique. Outre les assemblées au niveau des cantons, la Fédération croato-bosniaque est dotée d’un corps législatif bicaméral comprenant une Chambre des représentants et une Chambre des peuples (on l’appelle aussi Chambre des nations). Les électeurs de la Fédération choisissent au suffrage direct les 140 membres de la Chambre des représentants de l’entité. Les 72 membres de la Chambre des peuples de l’entité (30 Bosniaques, 30 Croates et certains «autres» prévus à l’article IV-A2 (6) de la constitution) sont élus par les membres des corps législatifs cantonaux, ces membres étant eux-mêmes élus au suffrage direct par les électeurs de l’entité.

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La Republika Srpska est une structure très centralisée. Le gouvernement de cette entité exerce un contrôle direct sur les municipalités et il n’y a pas de cantons. La Republika Srpska possède un organe législatif monocaméral, l’Assemblée nationale (on l’appelle parfois Chambre des représentants), et un président. Les membres de l’Assemblée nationale de la Republika Srpska sont élus pour un mandat de quatre ans selon la règle de la représentation proportionnelle simple.

3 dynamique po lit iqu e récen te La complexité de la structure gouvernementale adoptée à Dayton et les tentatives des partis nationalistes d’exploiter cette complexité pour se retrancher au niveau de l’entité ont obligé le Bureau du Haut représentant des Nations Unies à intervenir à plusieurs reprises pour éviter une paralysie du système1. En février 2002, le Haut représentant, Wolfgang Petritsch, a déclaré que le caractère excessivement décentralisé du régime gouvernemental de la Bosnie était l’un des facteurs portant atteinte à la primauté du droit. Selon lui, il fallait s’attaquer de toute urgence à la réforme des structures gouvernementales. Son successeur, Paddy Ashdown, entré en fonction le 27 mai 2002, admet que la réforme revêt une importance cruciale, mais il a établi des priorités légèrement différentes, axées notamment sur la réforme de la justice et du système judiciaire. Depuis 2000, les réformes en Bosnie-Herzégovine ont eu pour objet de renforcer les institutions étatiques centrales aux dépens des entités. Ces réformes continuent d’exiger des interventions et des efforts considérables de la part de la communauté internationale. Par exemple, pendant son mandat à titre de Haut représentant, Wolfang Petritsch a pris 246 décisions en invoquant les pouvoirs de Bonn. Au cours des trois journées qui ont précédé son départ, «Petritsch a imposé l’adoption de 43 lois, modifications ou règlements que l’on n’avait pas réussi à faire approuver par les corps

1 En vertu de l’annexe 10 de l’Accord-cadre général pour la paix en BosnieHerzégovine, le Haut représentant est chargé de «faciliter, là où il le juge nécessaire, la recherche de solutions aux difficultés que soulève la mise en œuvre civile» (article II-1 (d)). En 1997, le Conseil de mise en œuvre de la paix, qui représente les pays donateurs, a confié au Haut représentant le pouvoir de prendre des décisions exécutoires, y compris au sujet de la destitution de fonctionnaires «obstructionnistes». Ces pouvoirs ont été baptisés «pouvoirs de Bonn».

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législatifs des entités ou de l’État, alors qu’il en avait imposé 19 au cours des cinq mois précédents2». Le Haut représentant Ashdown a agi de la même façon. Par exemple, en octobre 2002, il a adopté 24 décisions au sujet des règles et dispositions régissant l’approbation des nominations ministérielles par le Haut représentant. Ces décisions visent à clarifier les règles en vertu desquelles des élus coupables de crimes, de mauvaise gestion ou d’obstruction aux réformes peuvent être démis de leurs fonctions. Il y a trois domaines où les réformes ont progressé de manière sensible : la mise en œuvre du jugement du Tribunal constitutionnel sur les peuples constituants, les forces armées et la rationalisation du système judiciaire. Selon le jugement du Tribunal constitutionnel rendu en 2000, les Bosniaques, les Serbes et les Croates ont été déclarés des peuples constituants de la Bosnie-Herzégovine et se sont vu reconnaître du même coup le droit à une représentation proportionnelle à tous les échelons de gouvernement dans les deux entités. Au début, ce jugement se heurta à une résistance ferme. En 2001, le Haut représentant a créé deux commissions constitutionnelles à l’échelon des entités dans l’espoir de rendre leur constitution respective compatible avec la décision. Confronté à de multiples tergiversations, Petritsch convoqua une réunion des principales forces politiques du pays, ce qui permit de conclure, le 27 mars 2002, un accord sur la mise en œuvre de la décision concernant les peuples constituants. L’accord a été rejeté par le principal parti nationaliste croate, la Communauté démocratique croate. Il a aussi suscité des réserves de la part de quatre des principaux partis de la Republika Srpska. Enfin, il n’a donné lieu à aucun résultat : dans la Republika Srpska, l’Assemblée nationale a voté en faveur de modifications constitutionnelles incompatibles avec les grandes lignes de l’accord de Sarajevo; dans la Fédération croato-bosniaque, des modifications proposées, bien que conformes à l’esprit de l’accord, ont été rejetées par un vote de la Chambre des représentants croato-bosniaque. Le 19 avril 2002, le Haut représentant Petritsch a entrepris de débloquer l’impasse ainsi créée en obligeant chacune des deux entités à modifier sa constitution en vue de la rendre compatible avec le

2 «Constitutional Watch : Bosnia and Herzegovina». East European Constitutional Review, vol. 11, n0 3 (été 2002), sur Internet : http :// www.law.nyu.edu/eecr.

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jugement du Tribunal3. C’est ainsi que fut créé le Conseil des peuples de la Republika Srpska (huit membres représentant chacun des peuples constituants et quatre «autres» membres); au sein de la Fédération, les représentants serbes ont été ajoutés aux membres bosniaques et croates de la Chambre des représentants tandis que la composition de la Chambre des peuples a été fixée à 58 membres : 18 pour chacun des trois peuples constituants, et quatre «autres»; enfin, les constitutions des deux entités ont été modifiées pour y inclure des quotas garantissant la représentation proportionnelle des trois peuples constituants au sein des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Les appels aux réformes sont devenus plus urgents à la suite des attentats du 11 septembre 2001, alors que les pressions visant à inciter la communauté internationale à quitter la Bosnie se faisaient de plus en plus fortes dans la foulée des guerres en Afghanistan et en Irak. La mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine a pris fin en décembre 2002. Depuis janvier 2003, la Communauté européenne a pris en charge les fonctions du Groupe international de police. Les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) déployées dans le pays sous la bannière de la Force de stabilisation ont été réduites à 12 000 soldats et d’autres réductions étaient prévues à la fin de 2003. Dans ce contexte, deux faits nouveaux – la découverte à Sarajevo d’une cellule terroriste liée à al-Qaïda et son démembrement, ainsi que des révélations au sujet de la vente d’armes à l’Irak par la Republika Srpska – ont accru l’importance accordée à la réforme des forces armées. Suite aux indications selon lesquelles la Republika Srpska avait violé l’embargo sur l’Irak promulgué par les Nations Unies, le Haut représentant Paddy Ashdown a exigé la démission des principaux généraux de l’armée de la Republika Srpska et celle de Mirko Sarovic, le représentant serbe de la présidence tripartite (2 avril 2003). Ashdown a également profité de la crise pour modifier la Constitution de la Republika Srpska et celle de la Fédération croato-bosniaque, et placer les forces armées sous contrôle civil. Cette réforme des forces armées a ouvert la voie à l’intégration de la Bosnie aux structures militaires et politiques de l’Europe et de l’OTAN. Le 22 janvier 2003, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a approuvé l’admission

3 Pour de plus amples renseignements, voir : Bureau du Haut représentant, «Decisions Amending the Constitution of the Federation of Bosnia and Herzegovina», avril 2002, sur Internet : http ://www.ohr.int/decisions/ statemattersdec/; voir aussi : «Constitutional Watch : Bosnia and Herzegovina», East European Constitutional Review, vol. 11, no 3 (été 2002)

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en son sein de la Bosnie, mais le Conseil a également fait plusieurs recommandations, notamment en ce qui concerne les forces armées, dans l’espoir de renforcer la coopération en matière de politique de défense commune et de réorganiser l’état-major militaire. Dans ce dernier cas, il s’agit surtout d’assurer une plus grande conformité aux normes et procédures internationales quant au contrôle démocratique des forces armées et à la transparence en matière de planification et de budget de la défense. Pour que les réformes soient durables, il importe au plus haut point d’assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux forces politiques. Un institut qui cherche à soutenir le journalisme local en situation de conflit (Institute for War and Peace Reporting) vient de publier un rapport selon lequel «la justice en Bosnie est rendue selon un ensemble de lois incohérentes et mal adaptées». On y attire l’attention sur «la structure gonflée et improductive des tribunaux et sur la fragmentation quasi féodale du système judiciaire de la Bosnie4». C’est ce qui explique les efforts déployés par Petritsch et Ashdown dans ce domaine. Petritsch a mis en place des conseils supérieurs en matière judiciaire et d’engagement de poursuites aussi bien dans l’État central que dans les deux entités, en a nommé les membres et a promulgué une loi sur la coopération interentités dans le domaine judiciaire. Les conseils sont chargés de nommer tous les juges et procureurs, sauf les membres du Tribunal constitutionnel, et doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance. Ils sont également tenus de prendre des mesures disciplinaires contre les juges et les procureurs s’il y a lieu. Les conseils ont annoncé que tous les postes de juge et de procureur étaient soumis à leur approbation à compter de septembre 2002, et tous les candidats doivent être agréés au mérite pour continuer d’exercer leurs fonctions. Quant à Ashdown, il a adopté en août 2002 certaines décisions concernant la réforme de l’appareil de justice pénale. Il a créé des offices de procureur au sein de l’État central et des deux entités, et a modifié la Loi sur les tribunaux en vue de créer des comités judiciaires spéciaux chargés des poursuites concernant le crime organisé, les crimes économiques et la corruption. Il a également révisé la loi régissant le Conseil supérieur en matière judiciaire et d’engagement des poursuites à l’échelon central. Ses objectifs demeurent la mise en place d’un cadre juridique exhaustif permettant de traduire les

4 Voir à ce sujet : «Constitutional Watch : Bosnia and Herzegovina», East European Constitutional Review, vol. 11, n0 3 (été 2002).

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criminels en justice et d’établir des contrepoids aux abus de pouvoir dans le secteur public. De fait, les premières décisions d’Ashdown concernaient la corruption et la fraude. Il a obligé le ministre des Finances de la Fédération à abandonner ses fonctions suite à une affaire de fraude douanière (14 juin 2002). Il a aussi obligé certains agents de la Republika Srpska, dont le ministre des Finances et le directeur des Services douaniers, à démissionner suite à un scandale douanier qui pourrait avoir occasionné une perte de 15 millions d’euros pour l’entité en question. Le 5 octobre 2002, des élections générales ont eu pour effet de renverser complètement la situation issue des élections tenues deux ans plus tôt. Les partis nationalistes ont remporté les élections à tous les niveaux, ce qui a eu pour effet d’écarter du pouvoir la coalition de partis multiethniques qui avait gouverné sous la bannière de l’Alliance pour le changement. Les principaux gagnants ont été le Parti bosniaque de l’action démocratique, la Communauté démocratique croate, et le Parti démocratique serbe5. Les partis vainqueurs ont été unanimes à s’opposer aux dispositions de la loi électorale concernant l’attribution de sièges compensatoires aux partis politiques n’ayant pas réussi à passer le seuil de 3 pour cent des votes. Il en a résulté un retard dans la formation des gouvernements de l’État central et des entités. Bien que l’interprétation des résultats électoraux ait varié sensiblement selon les sources (la communauté internationale cherchant à donner moins de relief à la victoire des partis à caractère ethnique), le Haut représentant n’a pas tardé à exercer ses pouvoirs de supervision. Le 7 octobre, Ashdown a octroyé au Bureau du Haut représentant un droit de regard sur les nominations ministérielles, étendant ainsi la compétence de son Bureau aux nominations des ministres du Trésor et du Commerce extérieur et des Relations économiques de l’État central, à celles des ministres des Finances et de l’Éducation des entités et à celles des ministres responsables des Réfugiés de l’État central et des entités. Le Haut représentant a également clarifié les règles concernant la destitution des élus en précisant que les motifs ci-après constitueraient des motifs légitimes de destitution : une mise en accusation par le Tribunal pénal international pour l’ancienne Yougoslavie, un dossier criminel, des antécédents en matière «d’obstruction à la mise en

5 Pour de plus amples informations sur les résultats électoraux, voir : «Constitutional Watch : Bosnia and Herzegovina», East European Constitutional Review, vol. 11, no 4 (hiver 2002) et vol. 12, no 1 (printemps 2003); voir aussi : Nikola Guljevatej, «Bosnie-Herzégovine», L’État du monde 2004 – Annuaire économique et géopolitique mondial, Paris, La Découverte/Boréale, p. 520.

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œuvre de la paix» et des antécédents indiquant une «incompétence ou une mauvaise gestion grave». Les décisions prises par Ashdown jusqu’à maintenant mettent en lumière son intention de simplifier les fonctions gouvernementales et de renforcer les institutions du gouvernement central. C’est ce que révèlent la mise sur pied en novembre 2002 du «Comité Bulldozer6» et, surtout, la réforme de grande envergure du Conseil des ministres adoptée en décembre 2002. La réforme met fin au principe de rotation s’appliquant à la présidence du Conseil, retire à la présidence le droit d’assumer des responsabilités additionnelles, accroît l’appareil gouvernemental en créant un ministère de la Justice et un ministère de la Sécurité, et surtout, modifie le processus de prise de décisions des ministères en exigeant que les décisions soumises à l’attention du Parlement soient approuvées par un vote majoritaire plutôt que par un consensus. Bien que ces changements ne rendent pas compte de tout ce qui s’est passé en Bosnie-Herzégovine au cours des deux dernières années, ils témoignent néanmoins des forces centrifuges et centripètes avec lesquelles le pays est aux prises depuis les accords de Dayton. Mais il est encore trop tôt pour savoir si les interventions de la communauté internationale réussiront on non à instaurer des réformes durables du système et à assurer la stabilité et la prospérité de la Bosnie-Herzégovine.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Bougarel, Xavier, «Bosnie-Herzégovine», L’État du monde 2003. Annuaire économique et géopolitique mondial, Paris, La Découverte/ Boréale, 2002, p. 524–525. Commission des communautés européennes, Bosnie et Herzégovine. Stabilisation et association, Rapport 2003, sur Internet : http :// europa.eu.int/comm/external_relations/see/sap/rep2/index.htm

6 Selon le Bureau du Haut représentant, le comité «déterminera les pires obstacles bureaucratiques de destruction d’emplois aux échelons de l’État, des entités, des cantons et des municipalités. L’objectif visé consiste à supprimer les lois et règlements destructeurs d’emplois et de simplifier la procédure en vertu de laquelle peuvent être créées des entreprises privées». Voir : «Constitutional Watch : Bosnia and Herzegovina», East European Constitutional Review, vol. 11, no 4 (hiver 2002) et vol. 12, no 1 (printemps 2003).

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«Constitutional Watch-Bosnia and Herzegovina», East European Constitutional Review, tous les volumes, sur Internet : http :// www.law.nyu.edu/eecr Guljevatej, Nikola, «Bosnie-Herzégovine», L’État du monde 2004. Annuaire économique et géopolitique mondial, Paris, La Découverte/ Boréale, 2003, p. 516–520. http ://www.bhembassy.org, ambassade de la Bosnie-Herzégovine aux États-Unis http ://www.ohr.int, Bureau du Haut représentant et représentant spécial de l’UE pour la Bosnie-Herzégovine http ://www.icg.org, International Crisis Group http ://www.bosnia.org.uk, renseignements sur l’histoire et l’actualité (Bosnian Institute) http ://www.balkans.eu.org, bulletin de nouvelles sur la région des Balkans http ://www.monde-diplomatique.fr/2003/09/DERENS/10592, renseignements sur un ouvrage traitant de l’évolution du pays depuis le retour à la paix en 1995

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130 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Sarajevo

Nombre et type d’unités constituantes

2 entités : Fédération de Bosnie-Herzégovine (Fédération croato-bosniaque), République serbe de BosnieHerzégovine (Republika Srpska, RS) 1 district : Br c ko

Langue(s) officielle(s)

Bosniaque, croate, serbe

Superficie

51 209 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Fédération croato-bosniaque – 26 076 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Republika Srpska – 25 053 km2

Population totale

4 121 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Fédération croato-bosniaque 61 %, Republika Srpska 39 %

^

Régime politique – fédéral

République démocratique, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Président : Dragan Covi c (27 juin 2003). La présidence de la République est assujettie à un système de rotation (tous les 8 mois) entre un Serbe, un Musulman bosniaque et un Croate : Borislav Paravac (Parti démocratique serbe, SDS), Sulejman Tihic (Parti bosniaque de l’action démocratique, SDA) et Dragan Covi c (Communauté démocratique croate, HDZ). Les membres de la présidence sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans par les 3 groupes ethniques. Les dernières élections ont eu lieu le 5 octobre 2002. (Les prochaines élections auront lieu en 2006.)

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre / Président du Conseil des ministres : Adnan Terzic (2002). Le premier ministre/président du Conseil des ministres est nommé par la présidence, avec l’assentiment de la Chambre nationale des représentants. Le Conseil des ministres (Cabinet) est nommé par la Chambre nationale des représentants sur recommandation de président du Conseil.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement (Skupstina) :

^

^

^

^

Chambre haute – Chambre des peuples (Dom Naroda), 15 membres. Les membres bosniaques et croates sont élus par la Chambre des représentants de la Fédération croato-bosniaque (5 membres chacun). L’Assemblée nationale de la Republika Srpska sélectionne les 5 membres serbes. Les membres exercent un mandat d’une durée de 4 ans.

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131 Bosnie-Herzégovine Tableau I (suite) Chambre basse – Chambre des représentants (Predstanvnicki Dom), 42 membres. Deux tiers des membres sont élus au sein de la Fédération croato-bosniaque, un tiers au sein de la Republika Srpska. Les membres sont élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Fédération croato-bosniaque – 28 (14 Bosniaques et 14 Croates)

Nombre de représentants à la Republika Srpska – 14 (Serbes) Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Deux tiers des délégués proviennent de la Fédération à la Chambre haute du gouver- croato-bosniaque (dont 5 Croates et 5 Bosniaques) et un tiers de la Republika Srpska (5 Serbes). nement fédéral Partage des compétences

La Constitution attribue 10 compétences au gouvernement fédéral, dont la politique étrangère, le commerce, les douanes, la politique monétaire, les réfugiés et l’immigration, le droit criminel interentités et international, le contrôle de la circulation aérienne et le paiement des obligations internationales. Les entités sont responsables du contrôle des frontières, et, en pratique, le gouvernement fédéral ne possède pas l’autorité fiscale de déterminer les impôts, les douanes ou d’autres recettes.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des entités.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Tribunal constitutionnel, composé de 9 juges : 4 juges sont choisis par la Chambre des représentants de la Fédération croato-bosniaque, et 2, par l’Assemblée nationale de la Republika Srpska. Les 3 autres juges sont choisis par le président de la Cour européenne des Droits de l’Homme après avoir consulté la présidence.

Régime politique – unités constituantes

L’Assemblée parlementaire de la Fédération croatobosniaque est bicamérale : elle comporte une Chambre des représentants et une Chambre des peuples. Les membres de la Chambre des représentants (140 sièges) sont élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les dernières élections ont eu lieu en 2002. Les membres de la Chambre des peuples (72 sièges : 30 Bosniaques, 30 Croates et 12 autres membres) sont élus pour un mandat d’une durée de 2 ans.

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132 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) L’Assemblée nationale de la Republika Srpska est monocamérale et compte 83 membres élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans. Chef de gouvernement – unités constituantes

Président de la Fédération croato-bosniaque. Il y a alternance du président et du vice-président tous les ans. Président de la Republika Srpska

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133 Bosnie-Herzégovine Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

22,8 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

5 537 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

2,26 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

41,4 % (décembre 2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Fédération croato-bosniaque – 40,4 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Republika Srpska – 40,2 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

93 %1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,2 %

Espérance de vie (années)

73,8

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

19,7 millions de $ US (proj. 2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

822,4 millions de $ US (proj. 2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

La Fédération croato-bosniaque fournit deux tiers des recettes du budget fédéral, et la Republika Srpska un tiers.

Mécanismes de péréquation

Le régime fiscal est très décentralisé entre les entités, les cantons et les municipalités.

Sources Banque centrale de Bosnie-Herzégovine, Annual Report, 2002, sur Internet : http :// www.cbbh.gov.ba/en/pub.html Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995– 2001», Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Statistical Appendix (External Liabilities and Assets), sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/vol2tables.htm Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics 2003», sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Bosnie-Herzégovine (Gouvernement de la), Bureau des statistiques. «Annual Statistical Information : Gross Domestic Product», sur Internet : http ://www.fzs.ba/Eng/ anualy11.htm East European Constitutional Review, automne 1999, vol. 8, no 4, Faculté de droit de l’Université de New York (NYU School of Law), site Internet : http :// www.law.nyu.edu/eecr/vol8num4/constitutionwatch/bosnia.html

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Brésil (République fédérative du Brésil ) VA L E R I A N O M E N D E S F E R R E I R A C O S T A

1 histoire et évolution du fédéralisme La République fédérative du Brésil se trouve au cinquième rang mondial sur le plan de la superficie (plus de 8 500 000 kilomètres carrés). Le Brésil compte plus de 170 millions d’habitants (recensement de 2000) et son produit intérieur brut (PIB) s’établit à environ 490 milliards de dollars américains (2003). Le pays a toujours été secoué par de fortes disparités économiques et sociales. Avant même l’avènement du fédéralisme, son mode de relations intergouvernementales prenait diverses tangentes, passant tour à tour de la centralisation à la décentralisation. La fédération brésilienne comprend trois niveaux de gouvernement, soit l’Union, 26 états et un district fédéral, et plus de 5 500 municipalités. Même si la découverte officielle du Brésil par Pedro Alvares Cabral remonte à l’année 1500, la signature du traité de Tordesillas (1494) avait déjà permis à l’Espagne et au Portugal de régler légalement les questions de division et de possession des nouvelles terres. Au fur et à mesure que le pays prenait forme, il devenait nécessaire d’adopter un régime administratif intégré. C’est ainsi que la Couronne du Portugal divisa le territoire en 14 fiefs héréditaires (Capitanias Hereditárias) qu’elle «céda» aux nobles portugais. Ces derniers, à leur tour, s’engagèrent à défendre et à développer leurs terres. Ce régime est à l’origine de la structure territoriale et politique actuelle du pays.

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Les trois premiers siècles de l’occupation européenne ont été marqués par la présence d’une population éparpillée le long des côtes dans des établissements fortifiés et, parfois, par des expéditions militaires et commerciales appelées bandeiras, qui, tout au long du XVIIe siècle, ont permis d’étendre les possessions portugaises. Le traité de Madrid (1777) a fixé les frontières du pays, mis à part quelques conflits mineurs liés à la délimitation des terres et qu’on a réussi à régler au moment de l’indépendance. De la proclamation de l’indépendance en 1822 jusqu’à la fin du XIXe siècle, le Brésil a adopté un régime monarchique (sous l’égide de deux descendants du monarque portugais destitué). Il s’agissait du seul régime politique capable de sauvegarder les deux éléments du régime colonial essentiels au maintien de l’aristocratie dominante – l’esclavage et une administration politique unitaire. Même si cette période était marquée par la décentralisation politique et administrative, elle permettait également de consolider le pouvoir des élites régionales, dont la réussite économique ne se traduisait pas par une participation politique accrue. Immédiatement après le coup d’État militaire mettant fin au régime monarchique, en 1889, l’alliance républicaine adopta un régime fédéral et transforma les provinces de l’empire en états. Le régime parlementaire fut remplacé par un régime présidentiel. On établit un Congrès bicaméral, constitué de la Chambre des députés (Câmara dos Deputados) et du Sénat, ainsi qu’une Cour suprême entièrement indépendante. Le régime fédéral institué par la Constitution de 1891 accorda une grande autonomie politique aux élites des états déjà fort puissantes sur le plan économique. Cela dit, c’est l’avènement du président Campos Sales (1898–1902) qui a vraiment permis de consolider la fédération. Qualifiée de «politique du gouverneur» (Política dos Governadores), cette version oligarchique brésilienne du fédéralisme constituait, dans les faits, un pacte entre les élites des états et le président de la République. En vertu de ce pacte, les membres du Congrès national s’engageaient à approuver tous les projets présidentiels dans la mesure où le gouvernement de l’Union n’intervenait pas dans les affaires internes des états. Au fur et à mesure de son évolution, ce pacte a engendré un étrange système de partis qui ne permettait qu’un seul parti politique par état (tous des «partis républicains»). Un tel régime reposait sur une fraude électorale systématique. Les élections présidentielles contestées de 1929 ont engendré la révolution de 1930. Les révolutionnaires ont établi un gouvernement provisoire (1930–1937) qui a vite cherché à bloquer l’autonomie des

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états en imposant la présence des interventores, des gestionnaires politiques nommés par Getúlio Vargas, un candidat présidentiel défait et chef du mouvement. En novembre 1937, un autre coup d’État militaire dirigé par Vargas eut pour effet de concentrer le pouvoir politique entre les mains du président. L’avènement de ce régime dictatorial, l’Estado Novo, entraîna l’abolition officielle de l’autonomie des états. Le renversement de l’Estado Novo par les militaires, en 1945, a remis un place un régime fédéral associé, pour la première fois dans l’histoire de la République, à un système de partis nationaux concurrents. Au cours de cette période, les postes de gouverneurs des états en sont venus à constituer des atouts politiques fort disputés en raison de leur importance au niveau des élections présidentielles. Cette étrange dynamique fédérative a assuré la réussite du coup militaire de 1964. Les débats enflammés entre les gouverneurs des plus importants états (São Paulo, Minas Gerais, Guanabara et Rio Grande do Sul) lors des élections présidentielles de 1965 ont grandement miné l’autorité du président João Goulart. Le régime militaire de 1964 se distinguait des autres en ce qu’il conservait plusieurs clauses constitutionnelles portant sur la représentation, y compris les dispositions fédérales et l’élection ordinaire des gouverneurs (au suffrage indirect par l’entremise des assemblées des états). À l’échelle nationale, les présidents militaires devaient respecter des mandats précis et n’avaient pas le droit de se faire réélire. Même si les forces armées avaient une grande influence sur le choix du président, leur choix devait être officiellement ratifié par un collège électoral composé des membres du Congrès national et des représentants des assemblées des états. En 1982 se tenaient les premières élections, au suffrage direct, des gouvernements des états depuis 1965, ainsi que les premières élections au Congrès sous l’égide d’un régime multipartite. L’élection des gouverneurs des états avant l’élection populaire du président allait influencer le mode de re-démocratisation du pays. En 1985, la mort tragique de Tancredo Neves, président élu au suffrage indirect, allait contribuer à aggraver la situation pour diverses raisons. D’une part, en 1982, les gouverneurs étaient élus de façon indirecte, en même temps que les députés et sénateurs, et ils avaient de plus en plus d’influence sur les décisions du Congrès national. D’autre part, l’autorité présidentielle déclinait rapidement au fur et à mesure que son mandat arrivait à échéance. Quand Tancredo Neves, le populaire gouverneur de Minas Gerais, a été choisi comme nouveau président après d’âpres négociations entre les forces de l’opposition et le pouvoir militaire, il est devenu un symbole de l’évolution vers la démocratie. À son décès,

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le vice-président José Sarney, ancien chef du parti du gouvernement (ARENA, plus tard le PDS), accédait à la présidence. Entre 1982 et 1994, les gouverneurs des états se sont avérés les plus puissants élus à occuper des postes de haute direction. À compter de 1990, lorsque Fernando Collor est devenu le premier président de la République élu au suffrage direct en 30 ans, jusqu’à l’élection de Fernando Henrique Cardoso en 1994, les gouverneurs ont joué un rôle majeur au niveau de la politique nationale. Ils ont bloqué, par exemple, des réaménagements fiscaux comme la réforme des systèmes de taxation et de sécurité sociale, ou encore ils ont influencé le comportement des députés fédéraux, par le biais du favoritisme ou la manipulation de leurs chances de réélection. La nouvelle prépondérance des intérêts des états au niveau fédéral a atteint son point culminant lors de la création de l’assemblée constitutionnelle (1987–1988) qui a permis aux gouvernements des états et des municipalités de consolider le processus de décentralisation fiscale engagé vers la fin des années 70. Ce processus de décentralisation politique et fiscale coïncida toutefois avec une crise de l’«État en développement» engendrée par la substitution des importations et par le protectionnisme industriel. Les années 80 et la première moitié des années 90 ont été largement marquées par des soubresauts inflationnistes, par l’endettement et par la stagnation économique. La crise économique affectait plus directement le gouvernement national que celui des états et, ajoutée à la décentralisation des recettes, réduisait fortement l’aptitude de l’Union à coordonner les relations intergouvernementales au Brésil. Depuis la deuxième moitié des années 90, l’événement politique qui a le plus marqué le visage du fédéralisme brésilien est l’élection (ainsi que la réélection) de Fernando Henrique Cardoso. À la tête d’une coalition hétérogène de forces de centre-droite, le président a remporté les élections présidentielles de 1994 contre Luis Inacio Lula da Silva, un dirigeant populaire gauchiste. Le mandat politique du nouveau président était intimement lié au rajustement de l’état lamentable de l’économie nationale, en particulier le manque d’équilibre fiscal dans le secteur public. De plus, en tant que candidat, son plus grand atout politique tenait à l’instauration efficace d’un programme de stabilisation monétaire, le Plano Real, lors de son séjour à la barre du ministère des Finances dans les derniers mois de l’administration du président Itamar Franco (1992–1994). Dans le cadre de sa première administration (1995–1998), le président Cardoso a présenté au Congrès national une longue série de mesures législatives comme la déréglementation économique, la privatisation, la réduction de la fonction publique et la réforme du régime

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d’aide sociale. Adoptées par le Congrès, ces mesures ont servi, entre autres, à stabiliser la monnaie et à réduire l’inflation. Contrairement à la crise économique du début des années 90 qui avait eu des incidences néfastes sur le gouvernement fédéral, les réformes du président Cardoso ont eu des effets dévastateurs sur les finances des gouvernements infranationaux très endettés. Le gouvernement fédéral en a profité pour renverser l’équilibre négatif au niveau des relations intergouvernementales. Ceci a mis fin au processus de décentralisation du Brésil antérieur qui transformait les états et les municipalités en «prédateurs» d’un gouvernement fédéral politiquement et financièrement affaibli. En dépit des attentes face à son second mandat (1999–2002), Fernando Henrique Cardoso ne réalisait pas les deux plus grands objectifs de son gouvernement, soit le lancement durable de l’économie brésilienne et la réduction connexe du taux de chômage. De fait, la crise financière internationale de 1998 allait ébranler les fragiles assises des réformes budgétaires brésiliennes engagées trois années plus tôt. À compter de 1998, Cardoso était forcé d’orienter ses efforts vers des mesures défensives conçues pour prévenir une reprise de l’inflation et l’intensification du déficit. Il était à prévoir que la plus grande réalisation politique du second mandat serait l’adoption d’une loi sur la responsabilité financière (2000) limitant la dette et les dépenses du gouvernement fédéral, des états et des municipalités. Même si cette loi et l’adoption d’autres mesures législatives ont eu des répercussions considérables sur les relations intergouvernementales, entre autres en améliorant les efforts de coordination du gouvernement fédéral sans recours à des pratiques autoritaires centralisatrices, la fédération brésilienne avait toujours à relever plusieurs défis. Deux grands obstacles à la croissance économique avaient trait au régime fiscal, qui était à la source de distorsions comme les charges cumulatives et les querelles fiscales entre les gouvernements infranationaux, ainsi qu’au système public de sécurité sociale, qui était responsable, en grande partie, du déficit fédéral. En plus d’entraîner la fragmentation politique de la coalition de Cardoso lors de la campagne électorale de 2002, le report des réformes dans ces deux secteurs fondamentaux allait causer d’énormes problèmes au nouveau gouvernement.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Mises à part les époques d’autoritarisme, le régime républicain brésilien s’est toujours distingué par deux grandes caractéristiques :

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1 un régime présidentiel au sein duquel un président fort est soutenu par un pouvoir législatif symétrique, régionaliste, multipartite à deux chambres, et par un corps judiciaire indépendant; 2 un régime fédérateur qui applique le mode de répartition des pouvoirs présidentiels aux états (sauf qu’il n’existe pas de sénat au niveau des états) et qui leur accorde, ainsi qu’aux municipalités, une grande autonomie constitutionnelle. Le fédéralisme brésilien se veut un amalgame complexe de ces arrangements institutionnels majoritaires et coassociés. Les ententes de coassociation indiquent que la répartition des pouvoirs à l’intérieur du régime politique facilitent l’intégration de presque toutes les forces politiques et de tous les intérêts socio-économiques de la société brésilienne. La faiblesse du parti et la facilité de participation, conjuguées à la représentation proportionnelle à tous les niveaux (fédéral, états et municipalités), font contrepoids, en quelque sorte, à la force électorale des présidents, des gouverneurs et des maires élus au suffrage direct. La Constitution de 1988 renferme des dispositions détaillées sur l’organisation politique, administrative et financière de la fédération. Selon l’article 18, la République fédérative du Brésil se compose d’une Union, d’états (26), d’un district fédéral (Brasilia) et de municipalités (5 500 environ). Toutes ces entités sont autonomes dans leurs champs de compétences propres. La Constitution permet aussi de fonder des états et des municipalités (paragraphes 3 et 4). Il faut toutefois que la mesure soit approuvée par la population concernée (au moyen d’un plébiscite) et par le Congrès national ou les assemblées des états, dans le cas des municipalités (au moyen de lois précises). Malgré ces contraintes légales, plus de 1 300 nouvelles municipalités ont vu le jour entre 1988 et 1997. Les articles 20 à 25 de la Constitution déterminent le partage des compétences entre les membres de la fédération. Le premier paragraphe de l’article 25 accorde aux états des compétences résiduelles, c’està-dire toutes les compétences qui ne sont pas précisément destinées au gouvernement fédéral ou accordées aux municipalités. La définition détaillée et exhaustive des pouvoirs constitutionnels de l’Union (articles 20 à 22) limite toutefois le recours des états à de tels pouvoirs. L’article 23 fait état des dispositions constitutionnelles qui pourraient s’avérer cruciales pour configurer un modèle coopératif applicable aux relations intergouvernementales, puisqu’il énumère tous les pouvoirs que l’Union, les états et les municipalités devraient exercer en commun. Mais la loi supplémentaire qu’il faudrait adopter pour définir les règles de cette coopération intergouvernementale n’a pas encore été approuvée par le Congrès.

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L’article 24 définit les compétences sur lesquelles l’Union, les états et le district fédéral légifèrent concurremment. Ces compétences incluent l’éducation, la santé publique, l’aide sociale et la protection de l’environnement. Mais puisque les lois de l’Union l’emportent sur les pouvoirs législatifs des états et des municipalités, les gouvernements infranationaux ont rarement la possibilité d’adopter des lois concurrentes sans le consentement du gouvernement fédéral. Contrairement à la plupart des constitutions des fédérations, celle du Brésil comprend des règlements détaillés sur la gestion de plus de 5 500 municipalités dont l’autonomie se limite aux dossiers strictement locaux. Le fonctionnement de chaque municipalité s’appuie sur des dispositions constitutionnelles particulières, qu’on appelle lois organiques (de base), et qui doivent être approuvées par une majorité qualifiée du conseil municipal (article 29). Les pouvoirs exécutifs fédéraux relèvent du président de la République. Grâce à une modification constitutionnelle (1997), le président et le vice-président peuvent maintenant solliciter un second mandat, mais ils n’ont pas le droit de rester au pouvoir pendant plus de deux mandats consécutifs. C’est le président qui nomme les ministres des états. Ces derniers se rapportent directement au président et celui-ci a l’autorité voulue pour les relever de leurs fonctions en tout temps. Contrairement aux autres régimes présidentiels, celui du Brésil permet au président de nommer les membres du Congrès national à des postes de ministres (ou à tout autre poste politique au sein de l’administration fédérale). Le processus législatif accorde au président de la République d’importants pouvoirs. L’article 61 (1), par exemple, précise les circonstances où le président a le droit exclusif d’introduire de nouvelles lois financières ou budgétaires. Se fondant sur l’article 64 (1), le président peut exiger que les projets de loi qu’il met lui-même sur la table aient priorité sur les autres. L’article 66 (1) autorise le président à rejeter un projet de loi qui a déjà été approuvé par le Congrès, et l’article 66 (4) affirme qu’un veto présidentiel ne peut être rejeté que par la majorité absolue des députés et des sénateurs au moyen d’un vote secret. La population d’un état est représentée au sein de l’Union par les membres de la Chambre des députés qui sont élus au scrutin proportionnel pour un mandat de quatre ans. Les unités constituantes sont représentées au sein du gouvernement central par trois sénateurs élus au suffrage direct et provenant de chaque état et du district fédéral; ils sont élus pour un mandat de huit ans. Les députés et les sénateurs ont le droit d’être réélus sans aucune restriction. On compte actuellement 513 membres à la Chambre des députés, et 81 sénateurs.

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Il importe de souligner un aspect particulier du régime politique qui affecte la configuration actuelle du fédéralisme brésilien, soit la surreprésentation des régions moins populeuses (et moins développées) à la Chambre des députés. Cette répartition inégale des sièges parlementaires résulte d’une disposition constitutionnelle (article 44) précisant que les états doivent élire un minimum de huit et un maximum de 70 députés. Une telle disposition favorise particulièrement le Nord, soit la région la moins populeuse, au détriment du Sud-Est, la région la plus populeuse. Le cas le plus extrême est celui de São Paulo, l’état le plus riche (35 pour cent du PIB) et le plus peuplé (21 pour cent de la population) qui devrait élire 111 députés plutôt que les 70 députés actuels. Une autre caractéristique politique importante touche la configuration du Sénat fédéral. C’est ainsi que les états du Nord, du Nord-Est et du Centre-Ouest, qui représentent 43 pour cent de la population, occupent 74 pour cent des sièges du Sénat. Ce facteur revêt une grande importance lorsqu’on considère que le Sénat jouit de pouvoirs législatifs symétriques à ceux de la Chambre et, plus encore, qu’il a le pouvoir exclusif d’approuver les nominations présidentielles et d’autoriser la marge d’endettement des états et des municipalités. La Cour suprême fédérale se trouve au sommet du système judiciaire brésilien (articles 101 à 103). Elle regroupe 11 juges nommés par le président et approuvés par le Sénat. La Cour suprême a le pouvoir de rendre des décisions en cas de différends constitutionnels entre les membres de la fédération. Le corps judiciaire des états suit le modèle fédéral et son champ de compétences est clairement délimité pour ne pas empiéter sur les tribunaux fédéraux. Seules les entités suivantes peuvent proposer des modifications constitutionnelles (article 60) : (1) un tiers au moins des membres de la Chambre des députés ou du Sénat fédéral; (2) le président de la République; ou (3) plus de la moitié des membres des assemblées législatives des unités constituantes de la fédération, par une majorité suffisante de ses membres. Les modifications constitutionnelles (article 60, paragraphe 2) doivent faire l’objet d’un débat et d’un vote au sein de chaque chambre du Congrès national pendant les deux lectures, et elles ne sont approuvées que si elles obtiennent les trois cinquièmes des voix des membres respectifs au cours de chacune de ces deux lectures. On note quatre domaines constitutionnels impossibles à modifier : la nature fédérale de l’État; le suffrage direct, secret, universel et périodique; le partage des compétences gouvernementales; et les droits et garanties de la personne. La Constitution définit en termes clairs et précis le régime fiscal national, contrairement à sa définition des responsabilités relatives aux

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dépenses. En fait, les dispositions financières constitutionnelles ont entraîné un transfert des recettes du gouvernement fédéral aux états et aux municipalités sans précédent dans l’histoire du pays. En outre, la Constitution de 1988 a consolidé l’assiette fiscale des gouvernements des états et des municipalités qui était déjà imposante. Les dispositions sur le fédéralisme fiscal sont énoncées au titre VI (fiscalité et budget). Les articles 153 à 159 précisent les taxes qui s’apparentent exclusivement à chaque membre de la fédération et les procédures à suivre pour effectuer le partage des recettes fiscales entre l’Union, les états et les municipalités. Dans le cas des états, les plus importantes taxes sont les ICMS, une sorte de taxe sur la valeur ajoutée qui représente un quart de toutes les taxes perçues au Brésil, et l’IPVA, une taxe sur les voitures immatriculées dans chaque juridiction. Les municipalités peuvent récolter deux taxes, ce qui a une influence considérable dans le cas des plus importantes municipalités (article 156). Ces dernières peuvent percevoir l’IPTU sur les édifices et les terrains urbains, ainsi que l’ISS sur divers services non couverts par l’article 155. En fait, le niveau d’autonomie fiscale de chaque gouvernement infranational varie grandement selon le développement économique, les régions du sud-est et du sud du pays affichant un taux de développement nettement plus élevé que les autres. On procède au partage des recettes entre l’Union et les états en puisant à deux fonds regroupant la moitié des revenus nets des trois grandes taxes fédérales : l’impôt sur le revenu des particuliers, l’impôt des sociétés et la taxe sélective sur la valeur ajoutée. Environ 21,5 pour cent de ces revenus nets sont versés au Fonds de partage des revenus des états et 22,5 pour cent alimentent le Fonds de partage des revenus des municipalités. On se fonde surtout sur des critères de redistribution pour répartir ces fonds entre les états et les municipalités. À la fin de 2003, le Congrès approuvait une modification constitutionnelle, ce qui engendrait deux nouvelles sources de recettes au service des états et des municipalités. La première résulte du transfert aux gouvernements infranationaux de 25 pour cent de la taxe sur la consommation d’essence qui ira à l’entretien des autoroutes fédérales et des états. L’autre source vient du renforcement du fonds fédéral (FCEx) et permettra le transfert annuel de plus de 2 milliards de dollars américains aux états pour compenser l’exemption de la taxe sur la valeur ajoutée de l’état applicable aux biens exportés. La répartition des dépenses par niveau de gouvernement illustre bien la tendance en faveur de la décentralisation fiscale, surtout en ce qui touche la répartition des dépenses selon l’ordre de gouvernement. Les gouvernements infranationaux sont responsables de plus de 60 pour cent des salaires des fonctionnaires actifs, de 70 pour cent environ des

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autres dépenses actuelles et de près de 80 pour cent de l’investissement en capital fixe. D’autre part, le gouvernement central dépense surtout au niveau des transferts aux personnes (surtout les prestations d’aide sociale) et de l’intérêt de la dette publique (80 pour cent et 90 pour cent du total, respectivement).

3 dynamique po lit iqu e récen te L’écrasante victoire du chef de longue date du Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores, PT), Luis Inacio Lula da Silva, aux élections présidentielles d’octobre 2002 est perçue comme le plus important événement politique du Brésil depuis le rétablissement du régime démocratique en 1985. Après trois décennies d’un difficile apprentissage politique marqué par la fondation d’un parti national et trois tentatives manquées d’accéder à la présidence, il remportait la victoire avec plus de 53 millions de voix (63 pour cent du nombre total de voix valides). De fait, il pourrait bien devenir le plus grand dirigeant politique du Brésil depuis Getúlio Vargas. Le nouveau président possède les mêmes qualités politiques que la plupart des grands chefs nationaux (Getúlio Vargas, Juscelino Kubitschek et Fernando Henrique Cardoso), c’està-dire qu’il jouit d’une grande popularité et d’un instinct politique inné lui permettant de séduire et de manipuler à la fois amis et ennemis. Mais contrairement aux autres dirigeants, ce n’est pas un président populiste mais le fondateur et chef du Parti des travailleurs, le plus professionnel et le mieux organisé de tous les partis nationaux. Finalement, même si le président a su s’entourer d’un personnel politique et technique aussi compétent que celui de Cardoso, il semble prêt à bâtir une coalition plus solide et durable, ce qui pourrait bien lui permettre de rester à la tête du pays pendant de nombreuses années. L’optimisme du public tout au long de la campagne électorale (et depuis les élections) n’a pas affecté les acteurs économiques qui craignaient la victoire d’un supposé gauchiste radical. Lorsqu’il est devenu clair que Lula – comme on appelle communément le nouveau président – pourrait bien l’emporter, les indicateurs de solvabilité déjà fragiles ont empiré, ce qui a donné lieu à un contexte économique difficile en début de mandat. En outre, la popularité de Lula ne se traduisait pas par une présence politique équivalente au Congrès. Même si son parti avait presque doublé le nombre de représentants élus au Congrès, ce nombre représentait moins de 20 pour cent du total des sièges à la Chambre basse et seulement 14 des 81 sièges au Sénat. Le rendement du Parti des travailleurs était encore plus pitoyable dans les états puisqu’il ne dirigeait que trois gouvernements faibles au niveau des états.

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Cela dit, l’acuité politique de l’ancien dirigeant syndical a surpris un grand éventail d’intervenants politiques du pays, de l’aile gauche de son propre parti jusqu’aux forces politiques conservatrices. Fort d’une solide maîtrise des politiques macroéconomiques et d’une stratégie politique pragmatique, le nouveau gouvernement a complètement déjoué les attentes initiales. Même s’il est encore tôt pour analyser les répercussions du nouveau gouvernement sur les relations intergouvernementales, il semblerait que certaines initiatives de nature économique et politique aient déjà contribué à neutraliser les tendances décentralisatrices inhérentes au fédéralisme brésilien. Dans un premier temps, grâce à la nomination de Henrique Meirelles, un ancien directeur de la Banque de Boston récemment élu représentant du PSDB (le parti de l’ancien président Cardoso) à la tête de la Banque centrale, ainsi qu’à l’autorisation donnée au ministre des Finances d’accroître considérablement le surplus budgétaire destiné à payer la dette étrangère, le nouveau gouvernement a resserré davantage les rigoureuses politiques monétaires et fiscales de l’ère Cardoso et gardé sous contrôle l’inflation et la dette publique. La gestion efficace des facteurs macroéconomiques a éliminé, en définitive, les grands arguments politiques des partis d’opposition. Dans un deuxième temps, exploitant habilement les ressources politiques du président, le pouvoir exécutif fédéral a formé une grande coalition parlementaire hétérogène en attirant un certain nombre de députés et de sénateurs qui ont délaissé leurs partis d’opposition pour se joindre à la coalition. Pour être efficace, le gouvernement fédéral doit nécessairement contrôler une solide majorité au Congrès puisqu’une forte partie du programme des réformes législatives suppose l’adoption de modifications constitutionnelles exigeant des majorités qualifiées (les trois cinquièmes des voix) au niveau des deux chambres. Dans un troisième temps, le gouvernement a mobilisé de grands segments de la société civile en mettant sur pied un conseil de développement économique et social ayant pour mandat de négocier et de proposer une série de modifications constitutionnelles au Congrès sur le plan des réformes tant attendues du régime des pensions de la fonction publique et du régime fiscal. Le fait que ces lois aient été adoptées en moins d’un an, un exploit que Cardoso n’avait pu réaliser en huit ans de présidence, constitue la plus importante réalisation politique du gouvernement à ce jour. Ces victoires législatives auraient été bien plus dures à remporter sans l’appui des gouverneurs des états. Même si ce genre de coopération n’est pas rare au niveau des fédérations parlementaires, c’était la première fois dans l’histoire contemporaine des relations

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intergouvernementales brésiliennes que les chefs du gouvernement fédéral et des gouvernements des états participaient à une réunion officielle menant à une entente politique pour orienter le processus législatif. Suivant une réunion de deux jours, le président et les gouverneurs publiaient un document public à l’appui des réformes du régime des pensions et du régime fiscal. De fait, le solide engagement des gouverneurs à réduire le lourd fardeau budgétaire du régime des pensions de la fonction publique s’est avéré crucial en vue de faire approuver cette réforme controversée. Cette dernière visait à assurer une correspondance plus juste entre les pensions versées aux fonctionnaires (au niveau fédéral et à celui des états) et les pensions accordées aux employés du secteur privé, de manière à réduire graduellement le déficit du système qui, en 2002, atteignait 4,3 pour cent du produit intérieur brut (PIB), ou 56 milliards de reals (19 milliards de dollars américains). Malgré une entente formelle sur les principes de la réforme fiscale, les négociations entre le gouvernement fédéral et les gouverneurs des états ont été nettement plus compliquées. Contrairement à la réforme du régime de pensions des fonctionnaires que la plupart des gouverneurs pouvaient appuyer, la réforme fiscale a divisé les gouverneurs. Certains contestaient des réformes comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée (ICMS); d’autres rejetaient l’exemption fiscale sur les biens exportés affectant surtout les états exportateurs qui s’étaient également engagés à consolider les fonds fédéraux pour dédommager les états de leurs pertes (FCEx). Alors que les états anticipaient de nouvelles recettes liées aux transferts, le gouvernement fédéral s’était fortement engagé à rationaliser l’ensemble du système et à assurer la neutralité fiscale de la réforme. Dans une certaine mesure, l’entente finale convenue entre le gouvernement fédéral, les gouverneurs et les sénateurs s’avérait favorable aux états. Le Sénat a approuvé certains éléments clés du plan sur la hausse des recettes, ce qui s’avérait crucial à la solvabilité budgétaire du gouvernement fédéral, et la Chambre basse n’aura pas à voter une autre fois sur ces aspects de la réforme1. Par contre, puisque les sénateurs ont

1 La Constitution stipule que toutes les modifications constitutionnelles doivent être approuvées par la Chambre des députés et par le Sénat. Mais si la proposition législative a été examinée et approuvée au départ par la Chambre basse et modifiée par la suite par le Sénat, elle doit être à nouveau soumise à la Chambre des députés pour examen et approbation finale. La même règle s’applique lorsque le Sénat engage le processus législatif et que la Chambre des députés modifie la loi approuvée par la Chambre haute.

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modifié les points importants de la réforme fiscale, les membres de la Chambre basse devront les approuver. Deux scrutins sont prévus, le premier en 2004 et l’autre en 2005. Des mesures comme la rationalisation de la taxe sur la valeur ajoutée (ICMS) des états, qui pourrait mettre fin à la «guerre fiscale» entre les états, ne seront soumises au vote de la Chambre basse qu’en 2005. En outre, les états moins développés obtiendront un autre financement fédéral à l’appui du développement régional pour compenser leurs pertes éventuelles. Le bilan final de la première année au pouvoir de l’administration Lula s’avère positif pour le gouvernement fédéral. Diverses concessions accordées aux états et aux municipalités quant aux réformes fiscales pourraient même s’avérer avantageuses au plan politique, compte tenu du fait que plus de 5 500 municipalités éliront de nouveaux maires et conseillers en 2004.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Costa, Valeriano Mendes Ferreira, en collaboration avec Fernando Abrucio et Konrad Adenauer, Reforma do Estado e o Contexto Federativo Brasileiro, Sao Paulo, Stiftung, 1998. Montero, Alfred, «Competitive Federalism and Distributive Conflict in Democratic Brazil», in Mauricio Font et Anthony Spanakos (dir.), Reforming Brazil, New York, Lexington Books, 2004. Samuels, David et Fernando Abrucio, «Federalism and Democratic Transitions : The “New” Politics of the Governors in Brazil», Publius : The Journal of Federalism, vol. 30, no 2, (2000), p. 44–61. Souza, Celina, «Brazil : The Prospects of a Center-Constraining Federation in a Fragmented Polity», Publius : The Journal of Federalism, vol. 32, no 2, (2002), p. 23–48. http ://www.brazil.gov.br, gouvernement fédéral http ://www.mre.gov.br/cdbrasil/itamaraty/web/ingles/index.htm, renseignements généraux http ://www.bndes.gov.br/english/, Banque de développement (BNDES) http ://www.federativo.bndes.gov.br, Banque fédérative http ://www.senado.gov.br, Sénat fédéral http ://www.camara.gov.br, Chambre des députés http ://www.fazenda.gov.br, ministère des Finances http: //www.georgetown.edu/pdba/Constitutions/constudies.html, base de données sur les constitutions des pays de l’Amérique latine. http ://www.ipea.gov.br/pub/td/td.html, série de rapports de recherche économique http ://www.ibge.gov.br, Bureau de statistiques

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149 Brésil

http ://www.latin-focus.com/latinfocus/countries/brazil/brazil.htm, situation financière et économique http ://www.politiquessociales.net/pays/bresil/pol_int.html, renseignements dans le cadre de la mondialisation et des réformes internationales http ://www.ceri-sciences-po.org/publica/critique/article/ci11p131144.pdf, article sur la stabilisation monétaire et la démocratisation

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150 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Brasilia

Nombre et type d’unités constituantes

26 états : Acre, Alagoas, Amapá, Amazonas, Bahia, Ceará, Espírito Santo, Goiás, Maranhão, Mato Grosso, Mato Grosso do Sul, Minas Gerais, Pará, Paraíba, Paraná, Pernambuco, Piauí, Rio de Janeiro, Rio Grande do Norte, Rio Grande do Sul, Rondônia, Roraima, Santa Catarina, São Paulo, Sergipe, Tocantins 1 district fédéral : Brasilia N.B. Les 5 561 municipalités sont officiellement considérées comme des unités constituantes depuis la réforme constitutionnelle de 1988, mais en pratique, ce sont les 26 états et le district fédéral qui constituent les unités constituantes.

Langue(s) officielle(s)

Portugais

Superficie

8 514 215 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Amazonas – 1 577 820 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Sergipe – 22 050 km2 Brasilia (district fédéral) – 5 822 km2

Population totale

178 256 172 (est. février 2004)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

São Paulo 21,8 %, Minas Gerais 10,5 %, Rio de Janeiro 8,5 %, Bahia 7,7 %, Rio Grande do Sul 6 %, Paraná 5,6 %, Pernambuco 4,7 %, Ceará 4,4 %, Pará 3,6 %, Maranhão 3,3 %, Santa Catarina 3,1 %, Goiás 3 %, Paraíba 2%, Espírito Santo 1,8 %, Alagoas 1,7 %, Amazonas 1,7 %, Piauí 1,7 %, Rio Grande do Norte 1,6 %, Mato Grosso 1,5 %, Brasilia (district fédéral) 1,2 %, Mato Grosso do Sul 1,2 %, Sergipe 1 %, Rondônia 0,8 %, Tocantins 0,7 %, Acre 0,3 %, Amapá 0,3 % et Roraima 0,2 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Luis Inacio Lula da Silva (2002–2006), Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores, PT). Élu au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Luis Inacio Lula da Silva. Le président nomme les membres du Cabinet.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Congrès national (Congreso Nacional) : Chambre haute – Sénat fédéral (Senado Federal), 81 sièges. Les sénateurs exercent un mandat d’une durée de 8 ans.

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151 Brésil Tableau I (suite) Chambre basse – Chambre des députés (Câmara dos Deputados), 513 sièges. Les députés sont élus au scrutin proportionnel pour un mandat d’une durée de 3 ans. Chaque unité constituante a droit à un nombre maximum déterminé de représentants, qui varie de 8 à 70 selon les états. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

São Paulo – 70

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Roraima – 9

Répartition des représentants Les états et le district fédéral disposent chacun de à la Chambre haute du gouver- 3 sièges au Sénat. Les membres sont élus au scrutin majoritaire au sein des 27 unités constituantes nement fédéral (26 états, 1 district fédéral). Partage des compétences

La Constitution fait état des 54 compétences exclusives confiées au gouvernement fédéral, y compris les affaires étrangères, la défense, la citoyenneté, le commerce, les douanes, les finances, les activités bancaires, les devises, la frappe de la monnaie et les services publics d’envergure nationale. Le gouvernement fédéral est également responsable de l’élaboration et de l’application de programmes pour le développement économique et social, ainsi que de la législation en matière de droit criminel, civil, commercial, agraire, du travail et procédural. Le gouvernement fédéral précise les lignes directrices régissant l’éducation nationale, et peut gérer, directement ou par délégation, les licences de radio et de télévision, ainsi que l’alimentation en électricité et l’énergie nucléaire. Les compétences concurrentes (16) comprennent la santé publique et l’aide sociale, le logement, l’environnement, l’exploitation de l’eau et des ressources minérales, l’éducation, la culture et l’imposition. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême fédérale, composée de 11 juges. Les juges sont nommés par le président, et leur nomination est approuvée par le Sénat.

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152 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblée législative. Les membres sont élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans. Chaque état possède sa propre constitution.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur. Élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans.

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153 Brésil Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

492,3 milliards de $ US à PPA (2003)

PIB par habitant

7 516,4 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

233,9 milliards de $ US (est. 2004)

Dette infranationale

11,6 milliards $ US (est. octobre 2003)

Taux de chômage national

12,9 % (octobre 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Salvador – 15,7 % (décembre 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Porto Alegre – 9,4 % (décembre 2003)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

87,3 %

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,7 %

Espérance de vie (années)

67,8

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

98 milliards de $ US (2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

28,5 milliards de $ US (janvier-septembre 2003)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

16,2 milliards de $ US (janvier-octobre 2003)

Mécanismes de péréquation

Le transfert aux états des recettes fiscales fédérales se fonde sur un pourcentage déterminé.

Sources Afonso, José Roberto R. et Luiz de Mello, «Brazil : An Evolving Federation», Fonds monétaire international (FMI), novembre 2000, sur Internet : http ://www.imf.org/ external/pubs/ft/seminar/2000/fiscal/afonso.pdf Banque centrale du Brésil, «Principais fontes de recursos dos estados e municípios – Período : jane», «Indicadores Econômicos : Países selecionados – Dívida externa total», «Arrecadação bruta das receitas federais – Regime de competência», «Resultado primário do governo central», «Dívida líquida do setor público», «Taxa de desemprego aberto – Por região metropolitana», 2003, sur Internet : http :// www.bcb.gov.br/?INDECO Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», 2003, sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Brésil, Bureau de statistiques, «População estimada», sur Internet : http :// www.ibge.gov.br/ Brésil (Gouvernement du), sur Internet : http ://www.brasil.gov.br

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154 Guide des pays fédéraux, 2005 International Constitutional Law : Constitution of Brazil, Université de Berne, Institut fur offentliches Recht, 1993, sur Internet : http ://www.oefre.unibe.ch/law/icl/ br__indx.html World Directory of Parliamentary Libraries : Brazil, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/brazi.html

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Canada D AV I D R . C A M E R O N

1 histoire et évolution du fédéralisme Le Canada est une démocratie de type parlementaire. Son chef d’État est Sa Majesté la reine Élisabeth II, représentée au niveau fédéral par le gouverneur général, et au niveau provincial par les lieutenantsgouverneurs. Le pays occupe une masse terrestre de 9 millions de kilomètres carrés, et enjambe cinq fuseaux horaires. Presque 31 millions de personnes le peuplent, la plupart habitant une bande étroite de villes, grandes et petites, tout juste au nord de la frontière des États-Unis. Le Canada est le résultat de l’union de trois colonies britanniques en «Amérique du Nord britannique»: la Nouvelle-Écosse, le NouveauBrunswick et la Province unie du Canada (celle-ci composée du Canada-Est et du Canada-Ouest, devenus respectivement le Québec et l’Ontario après 1867). Depuis, six autres provinces ont rejoint le Canada : le Manitoba (1870), la Colombie-Britannique (1871), l’Îledu-Prince-Édouard (1873), la Saskatchewan et l’Alberta (1905), et Terre-Neuve (1949). De plus, il y a trois territoires septentrionaux : le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, taillé à même les Territoires du Nord-Ouest en 1999. Le fédéralisme canadien a été affecté par la diversité linguistique du pays, centrée sur les rapports entre francophones et anglophones, ainsi que par sa diversité régionale et sa diversité ethno-culturelle. Le Canada a deux langues officielles, le français et l’anglais, qui reflètent la présence de deux communautés linguistiques principales. L’anglais est la langue maternelle de 60 pour cent des Canadiens, et le français

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celle de 24 pour cent d’entre eux, concentrés au Québec surtout. Étant donné que la colonisation et la croissance du Canada sont largement tributaires de l’immigration, presque 14 pour cent des Canadiens ont une langue maternelle autre. En 1991, près d’un million de Canadiens se disaient de descendance autochtone, en partie du moins. Se classant au septième rang des pays industrialisés occidentaux par la taille de son économie, le Canada est membre du Groupe des Huit (G8). Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les barrières au commerce international entre lui et les autres pays ont sans cesse baissé. Les exportations représentent environ 40 pour cent de son produit intérieur brut (PIB) (un des niveaux les plus élevés au monde), et à peu près 80 pour cent de ses exportations sont destinées aux États-Unis. L’économie canadienne est étroitement intégrée à celle de son voisin et, en réalité, chacun de ces deux pays est le partenaire commercial le plus important de l’autre. L’Accord de libre-échange canadoaméricain (ALE) (entériné en 1989), et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (signé en décembre 1992), ont favorisé encore plus l’intégration de l’économie nord-américaine. Vue d’une perspective historique, la richesse du Canada provient largement de l’exploitation des ressources naturelles abondantes du pays. Aujourd’hui, le secteur industriel et celui de la haute technologie jouent aussi un rôle important dans son économie fortement régionalisée. Plus de la moitié de la production économique du Canada provient des provinces centrales de l’Ontario et du Québec qui, ensemble, hébergent plus de 80 pour cent de sa capacité manufacturière. Mis à part le développement économique, depuis la Deuxième Guerre mondiale quatre grandes forces ont façonné l’expérience fédérale canadienne. La première est la construction, puis la consolidation, suivie du resserrement de l’État providence canadien. La deuxième est l’émergence, dans les années 60, d’une forme de nationalisme libéral au Québec, province où la majorité est de langue française. La troisième force, l’entreprise de «construction provinciale» de plusieurs provinces, est parallèle à la seconde. La quatrième est l’aspiration à l’autodétermination des peuples autochtones du Canada. Évidemment, ce ne sont pas là toutes les forces que l’on pourrait répertorier, mais ce sont les plus pertinentes pour ce compte rendu du fédéralisme canadien.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Le Canada fut le premier pays à s’établir comme fédération parlementaire – c’est-à-dire à se doter d’un régime fédéral où la souveraineté est

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divisée entre le gouvernement central et les gouvernements régionaux, les deux ordres de gouvernement étant constitués conformément aux principes de la démocratie parlementaire britannique. Le modèle de fédéralisme canadien en est un de division plutôt que de partage, caractérisé par une répartition étanche des compétences, deux ordres de gouvernement jouissant chacun de l’autorité indépendante d’imposer des taxes, et une représentation provinciale faible au centre. La fédération parlementaire du Canada a engendré un gouvernement fort, dominé par l’exécutif à la fois à Ottawa et dans les capitales provinciales et qui – conjugué à un Sénat faible – a entraîné la domination par l’exécutif des relations entre les partenaires fédéraux et entre les provinces. Le Canada fut fondé en 1867 en tant que fédération centralisée, Ottawa ayant été investi des compétences essentielles de l’époque et s’étant vu attribuer un rôle puissant et paternaliste de surveillance à l’endroit des provinces. Toutefois, et malgré ce point de départ, le Canada s’est fortement décentralisé. Cela est imputable à plusieurs causes. Tout d’abord, les tribunaux ont généralement interprété la répartition des compétences au profit des gouvernements provinciaux plutôt que du gouvernement fédéral. Ensuite, les institutions centrales du pays n’ont pas su représenter adéquatement les régions dans leur diversité et il en a résulté l’appui populaire pour l’affirmation du pouvoir provincial, surtout dans les provinces plus fortes. En troisième lieu, les domaines de compétence provinciale, comme la santé, le bienêtre et l’éducation, de peu de conséquence pour les gouvernements au XIXe siècle, ont proliféré au XXe, rehaussant ainsi considérablement le rôle des provinces. Enfin, le nationalisme d’après-guerre au Québec a aidé à imposer un processus de décentralisation dont les autres provinces ont profité. Il en résulte que le Canada a des gouvernements puissants et expérimentés à la fois à Ottawa et dans les provinces, chacun engagé à son niveau, et en concurrence, dans des processus de construction communautaire, de même que dans le développement social et économique. Exigeant des formes compliquées de coordination intergouvernementale, la gestion de ce régime se perd parfois en conflits intergouvernementaux amers. Les deux principaux documents constitutionnels du Canada sont la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi constitutionnelle de 1982. La Loi constitutionnelle de 1867, auparavant appelée Acte de l’Amérique du Nord britannique, est une loi du Parlement britannique qui créa le Canada à partir des trois colonies d’origine, et le dota d’une structure fédérale et parlementaire. On y trouve les dispositions générales qui répartissent les compétences et établissent le Parlement, les assemblées

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législatives provinciales et les tribunaux. La Loi constitutionnelle de 1982 rapatria la Constitution en y supprimant les derniers vestiges d’autorité britannique grâce à un dispositif canadien de modification, affirma les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada, et introduisit, en l’intercalant, une Charte des droits et libertés qui s’applique à tous les citoyens et à laquelle sont assujettis tous les gouvernements et toutes les assemblées législatives. Les articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 répartissent les compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux. L’autorité y est attribuée de façon plus étendue et compréhensive au Parlement du Canada, et toute compétence non expressément assignée par la Constitution est réputée relever du Parlement fédéral (compétence résiduelle). Les compétences assignées en exclusivité aux provinces étaient censées être précises et limitées. Une interprétation large par les tribunaux a cependant transformé la compétence des provinces sur «la propriété et les droits civils» (article 92 (13)) en un genre de compétence résiduelle particulière. Les compétences législatives fédérales sont principalement énumérées à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, dont les premiers mots octroient une vaste autorité, déclarant qu’il sera loisible au Parlement «de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada» relativement à tout champ non explicitement assigné aux assemblées législatives provinciales. Les rédacteurs de la Constitution énumèrent ensuite 29 catégories de compétences qui font partie de l’octroi général d’autorité au Parlement. Depuis 1867, cependant, les tribunaux ont refusé de confirmer cette interprétation large de la compétence sur la paix, l’ordre et le bon gouvernement, ou POBG. Ils se sont plutôt basés sur les 29 catégories de compétences énumérées et ont restreint l’application de la POBG à trois situations principales : là où existe un vide dans le partage des compétences (par exemple, ressources minérales au large des côtes ou politiques linguistiques fédérales); là où la question est «d’intérêt national», mais n’est saisie par aucune des compétences énumérées (par exemple, pollution marine ou aéronautique); et là où il y a urgence nationale (par exemple, désordres civils apparents ou inflation aiguë dans l’économie). Parmi les compétences énumérées importantes, on trouve : •



la réglementation du trafic et du commerce (article 91 (2)), qui comprend maintenant le commerce interprovincial et international, et la réglementation générale du commerce affectant l’ensemble du pays; l’assurance-chômage (article 91 (2a)), ajoutée par la Loi constitutionnelle de 1940;

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• •



la taxation (article 91 (3)), qui permet au gouvernement fédéral de prélever des deniers «par tous modes ou systèmes de taxation»; les Indiens et les terres réservées aux Indiens (article 91 (24)); la compétence sur les traités (article 132), qui donne au gouvernement du Canada la compétence de négocier et de conclure des traités internationaux ayant force obligatoire. Toutefois, lorsqu’un traité affecte des questions de juridiction provinciale, il n’entrera pas en vigueur avant d’avoir été promulgué par les provinces; et l’autorité sur le cours monétaire et le monnayage, les banques, et sur les transports interprovinciaux.

L’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 assigne 16 catégories précises de compétences aux provinces. Voici les plus importantes : •







• •



la taxation directe (article 92 (2)) qui donne aux provinces le droit à la «taxation directe dans les limites de la province, dans le but de prélever un revenu pour des objets provinciaux»; l’administration et la vente des terres publiques (article 92 (5)), signifiant que les terres publiques, ou de la Couronne, y compris les ressources naturelles, appartiennent à la province où elles se trouvent, lui procurant tant une source importante de revenus qu’un outil essentiel pour gérer son économie; la santé et le bien-être social (article 92 (7)), responsabilité dont l’importance s’est accrue au XXe siècle, les soins de santé étant maintenant le champ de dépenses le plus important pour les gouvernements provinciaux; les institutions municipales (article 92 (8)), ce qui signifie que celles-ci peuvent être constituées et défaites par les gouvernements provinciaux; les travaux et entreprises de nature locale (article 92 (10)); la propriété et les droits civils dans une province (article 92 (13)), la catégorie de compétences provinciales généralement jugée la plus importante parce que, grâce à elle, les provinces ont le droit, par exemple, de légiférer eu égard à la propriété réelle, personnelle et intellectuelle, et au droit civique de propriété sur leur territoire; et les questions de nature locale ou privée (article 92 (16)), autre source d’autorité provinciale jugée importante puisqu’elle se rapporte à des questions ne faisant partie, précisément, d’aucune autre compétence provinciale énumérée de nature locale ou privée.

La Constitution précise quatre compétences concurrentes. La première porte sur l’agriculture et l’immigration (article 95). L’article 95 autorise le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales

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à légiférer en rapport avec ces matières, la législation fédérale jouissant de la primauté en cas de conflit. La deuxième compétence concurrente porte sur les ressources naturelles (article 92 (a)). Cet article fut ajouté à la suite des discussions constitutionnelles de 1980–1982. Il habilite les provinces à contrôler l’exportation de leurs ressources non renouvelables, forestières et électriques vers d’autres provinces (mais non vers un autre pays), mettant ainsi fin aux restrictions imposées auparavant. En cas de conflit, la législation fédérale l’emporte. Le troisième domaine de compétence partagée est celui de l’éducation (article 93), évoqué ici bien que le gouvernement fédéral ne soit pas habilité à y intervenir de façon générale, mais seulement dans des cas bien particuliers. L’éducation est la responsabilité des provinces, assujettie à certaines restrictions conçues pour protéger les groupes minoritaires et les écoles confessionnelles, et assujettie aussi à la compétence fédérale d’adopter des lois réparatrices, compétence qui, dans les faits, n’a jamais été invoquée. Comme ce fut le cas au XXe siècle pour la santé et le bien-être, l’éducation est devenue une responsabilité centrale de l’État démocratique moderne. Le Canada est exceptionnel, même parmi les fédérations, en investissant l’État fédéral de si peu d’autorité à ce chapitre. La quatrième zone de juridiction partagée est liée aux pensions (article 94 (a)). Ajouté à la Constitution en 1951 et modifié en 1964, cet article prévoit la compétence concurrente de légiférer en matière de pensions de vieillesse et de prestations supplémentaires. De façon atypique, en cas de conflit, il donne primauté à la législation provinciale sur la législation fédérale. En plus de ces compétences concurrentes relativement peu nombreuses, l’autorité fédérale et l’autorité provinciale se chevauchent dans trois domaines. Le premier est le droit pénal. L’article 91 (27) donne au Parlement la compétence de légiférer en matière de droit pénal, y compris pour la procédure, mais l’article 92 (14) confie aux provinces l’administration de la justice. Ainsi, le code criminel est une loi fédérale, mais le maintien de l’ordre et les poursuites judiciaires prévues par ses dispositions sont du ressort des provinces. Le deuxième domaine de chevauchement est celui des tribunaux. Le Canada a un système judiciaire intégré où le gouvernement fédéral est responsable de la nomination des juges des tribunaux supérieurs, de leur salaire, de leurs allocations et de leur pension, et où les provinces sont responsables de l’établissement des tribunaux et de leur administration, en plus d’avoir la responsabilité complète pour les tribunaux provinciaux subalternes. Le troisième domaine de chevauchement est celui du pouvoir fédéral en matière de dépenses, et des programmes à frais partagés. Un des domaines les plus importants et les plus controversés du fédéralisme

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canadien est celui des programmes à frais partagés où le gouvernement fédéral remet aux gouvernements provinciaux des fonds pour les aider à s’acquitter de certaines de leurs responsabilités constitutionnelles. Les programmes de loin les plus importants se rapportent à la santé, à l’assistance sociale et à l’enseignement postsecondaire, maintenant groupés dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Ce programme suppose des transferts annuels de montants d’argent et d’impôts de l’ordre de 25 milliards de dollars. L’autorité du gouvernement fédéral d’engager de telles sommes – son «pouvoir de dépenser» – ne provient pas d’une compétence énumérée à l’article 91 mais est déduite de plusieurs dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, eu égard à l’autorité d’imposer et de dépenser. Le Sénat est la deuxième Chambre, ou Chambre haute, du Parlement canadien. Il est composé de 105 membres nommés par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre, selon un système de représentation régionale approximative, et à la lumière de considérations politiques (souvent en récompense de services loyaux au parti au pouvoir). Les lois doivent être adoptées à la fois par la Chambre des communes et par le Sénat, ce qui a pour effet de donner un veto à ce dernier. En pratique, cependant, il a rarement exercé ce pouvoir et il est improbable qu’il le fasse. En tant que Chambre dont les membres sont nommés plutôt qu’élus, le Sénat est surtout devenu un lieu de favoritisme pour le premier ministre et, pour cette raison, il est dépourvu de légitimité démocratique. De nombreuses propositions ont été formulées pour le réformer – en particulier d’en faire une Chambre élue et, ainsi, une voix plus efficace des provinces auprès du gouvernement fédéral – mais, jusqu’à présent, aucune réforme n’a été réalisée. Jusqu’en 1949, le Comité judiciaire du Conseil privé (CJCP) de la Chambre des Lords du Parlement britannique est demeuré l’autorité suprême pour l’interprétation de la loi et de la pratique constitutionnelles canadiennes, et pour le règlement de conflits entre les deux ordres de gouvernement. Le droit d’appel au CJCP fut supprimé en 1949. Depuis, le tribunal de dernière instance est la Cour suprême du Canada. Assez curieusement, son existence n’est fondée que sur une simple loi fédérale et non sur quelque disposition de la Constitution, et les juges y sont nommés par le gouvernement du Canada, aucun rôle formel n’étant prévu pour les provinces même si des critères régionaux jouent généralement dans la sélection. En plus de rapatrier la Constitution, la Loi constitutionnelle de 1982 y a inscrit les moyens de la modifier. De la sorte, il est devenu possible de modifier la Constitution sans recourir au Parlement britannique. Il y a

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cinq méthodes de modification, selon la matière, mais la formule générale exige l’autorisation du Parlement du Canada et de sept des dix assemblées législatives provinciales regroupant au moins 50 pour cent de la population.

3 dynamique po lit iqu e récen te Pour la fédération canadienne, l’événement charnière de la dernière décennie fut le référendum d’octobre 1995 sur la souveraineté du Québec. Les partisans de la sécession perdirent par des poussières, ses adversaires l’emportant par 50,6 pour cent des voix exprimées. Ce fut l’amorce d’une série d’explosions, grandes et petites, dans le régime politique canadien. La conséquence immédiate fut la démission du premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, et son remplacement par Lucien Bouchard, jusqu’alors chef du Bloc Québécois, le pendant fédéral du Parti Québécois. Autre conséquence : le premier ministre Chrétien fit en sorte que deux résolutions soient adoptées par le Parlement, l’une reconnaissant le caractère distinct de la société québécoise, l’autre promettant de consentir au Québec un veto de fait aux modifications constitutionnelles générales à venir. De plus, le gouvernement fédéral transféra aux provinces la responsabilité de plusieurs secteurs politiques, surtout en reconnaissance du fait que c’étaient des domaines dont se souciaient, et cela depuis longtemps, les gouvernements successifs du Québec. Pour dissiper toute confusion auprès du public québécois au chapitre des conséquences d’un vote affirmatif lors d’un référendum futur, le gouvernement fédéral demanda à la Cour suprême du Canada de tirer au clair si le droit national ou international reconnaissait au Québec le droit de procéder unilatéralement à la sécession. Dans sa réponse d’août 1998, et cela ne surprit personne, le tribunal formula l’avis que le Québec ne jouissait d’aucun droit de ce genre et qu’il faudrait négocier la sécession d’une province par recours aux dispositions en vigueur pour la modification de la Constitution canadienne. Plus étonnamment, cependant, le tribunal déclara qu’un vote affirmatif fort sur une question «claire» dans un référendum éventuel du Québec obligerait le gouvernement fédéral et les autres provinces à négocier l’affaire avec cette province. Prenant acte de l’insistance de la Cour sur la nécessité d’un vote clair et d’une question claire (que les juges refusèrent de préciser), le gouvernement fédéral fit adopter, par le Parlement du Canada, le «projet de loi sur la clarté». Ce projet de loi énonce les étapes à suivre par Ottawa pour juger de la clarté d’une future question référendaire et d’un éventuel vote majoritaire. De son côté, le Québec répondit par un acte législatif contestant la position fédérale.

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Curieusement, alors que se produisaient ces événements postréférendaires, l’attention du peuple québécois se déplaçait de la sécession vers d’autres questions. Les gestes fédéraux positifs influencèrent très peu l’opinion au Québec, et les initiatives, potentiellement provocantes (renvoi à la Cour suprême et projet de loi sur la clarté), n’ont guère paru susciter de réactions ou même d’intérêt. Bien sûr, le Parti Québécois, dirigé par Lucien Bouchard, fut réélu au niveau provincial mais, en 1997, les libéraux fédéraux dirigés par Jean Chrétien furent réélus eux aussi. C’était presque comme si les Québécois, tout comme les autres Canadiens, avaient décidé que la dernière moitié des années 90 serait consacrée au redressement des finances fédérales et provinciales. Le gouvernement fédéral et ceux des provinces ont lancé de rigoureux programmes de discipline fiscale pour éliminer leurs déficits, réduire leurs dettes accumulées et rendre le pays et ses régions plus concurrentiels sur le marché international. Pendant cette période de réforme financière, les relations intergouvernementales ont été moins pénibles que prévu, compte tenu des réductions dans les transferts fédéraux aux provinces et de l’abandon aux provinces de programmes onéreux. Le retour à la santé fiscale est maintenant largement réalisé, le gouvernement fédéral et plusieurs gouvernements provinciaux accusant des surplus, mais le nationalisme québécois ne semble pas ressurgir. Pour preuve que la ferveur nationaliste est nettement en perte de vitesse, examinons trois événements politiques significatifs. Le premier fut les élections fédérales de l’automne 2000 qui, pour la troisième fois, reportaient au pouvoir Jean Chrétien et le Parti libéral. Fait à noter, bien que dirigés par Chrétien, un politicien relativement peu estimé de maints Québécois francophones, les libéraux accrurent leur nombre d’élus au Québec où leur vote populaire dépassa celui du Bloc Québécois, sécessionniste. Au début de l’année 2001, prenant acte du déclin des fortunes souverainistes entre autres, Lucien Bouchard démissionna comme premier ministre du Québec. Plus militant, son successeur Bernard Landry espérait ranimer l’ardeur des aspirations souverainistes ou, à tout le moins, assurer le maintien au pouvoir du Parti Québécois. En fixant au 14 avril 2003 les élections provinciales au Québec, le premier ministre Landry déclencha un deuxième événement politique important. Ces élections menèrent en effet à la défaite, après deux mandats, du Parti Québécois, portant au pouvoir le Parti libéral dirigé par Jean Charest, un franc fédéraliste. Les libéraux remportèrent 76 des 125 sièges à l’Assemblée nationale, le Parti Québécois, 45, et l’Action démocratique du Québec (parti nationaliste modéré), les 4 autres. Les électeurs québécois semblèrent disposés à mettre de côté la question

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nationale et à confier leur avenir à une formation et une direction politiques qui emploieraient leur énergie à des questions politiques «normales» et à la politique publique, comme la gestion des finances, les soins de santé, l’éducation, ou encore la gouvernance municipale. Le troisième événement se produisit le 12 décembre 2003. Ce jourlà, Jean Chrétien démissionna comme premier ministre du Canada, et c’est Paul Martin qui le remplaça. Le départ de Chrétien de la scène politique marque l’émergence d’une nouvelle génération de leadership politique pour lequel le nationalisme québécois n’est plus l’élément qui, plus que tout autre, voire à lui seul, définit l’image que les Québécois se font du monde. Tout politicien fédéral soit-il, Paul Martin est bien plus à l’aise avec le nationalisme québécois que ne l’était son prédécesseur. De même, le premier ministre du Québec, Jean Charest, est bien plus à l’aise avec le Canada et le fédéralisme canadien que ne l’était, avant lui, Bernard Landry. Le renversement concomitant du leadership politique dans maintes autres provinces donne lieu de croire que les relations intergouvernementales au Canada prendront une nouvelle direction. Même si l’entrée en fonction d’un nouveau premier ministre favorisera probablement un niveau de fédéralisme coopératif tel qu’on n’en a pas vu depuis un certain temps, il ne faudrait pas s’attendre à rester au beau fixe. Néanmoins, les questions dont on discutera et la façon dont on les abordera pourraient fort bien changer. Il semble probable toutefois, qu’au cours des prochaines années, la désaffection régionale de l’Ouest canadien exigera l’attention du gouvernement national et du Canada central. Pratiquement exclus du pouvoir national depuis l’effondrement du Parti progressisteconservateur lors des élections fédérales de 1993, les Canadiens des provinces de l’Ouest affichent des signes de frustration et de mécontentement à l’endroit du fonctionnement de la fédération, qui semble négliger leurs intérêts et leurs aspirations. Le fait que, historiquement, le Québec ait été le foyer des préoccupations du pays n’a pas arrangé les choses. Ni que toute idée de réforme constitutionnelle (celle du Sénat, par exemple) ait été tenue en otage par les contraintes du Québec. Si les démarches en cours devaient réussir à bâtir un nouveau parti conservateur national à partir d’éléments du Parti de l’Alliance et du Parti progressiste-conservateur en voie de disparition, les électeurs pourraient se voir présenter les pièces constitutives d’une alternative politique nationale aux libéraux qui, pendant la dernière décennie, ont puissamment profité de leur statut de seul parti réellement national. Enfin, la place qu’occupent les peuples autochtones au sein de la communauté canadienne demeure un problème douloureux et

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insoluble susceptible, à l’avenir, de contribuer de façon importante à l’évolution du fédéralisme canadien. Les négociations portant sur les revendications territoriales et les droits issus de traités, de même que d’importantes décisions rendues par les tribunaux sur ces questions, ont déjà commencé à affecter la façon dont les Canadiens conçoivent leur régime constitutionnel et politique, et l’aspiration à l’autonomie des peuples autochtones a soulevé la possibilité de l’émergence, dans le fédéralisme canadien, d’un troisième niveau de gouvernement. Bien que, pour la fédération canadienne, la nature des choses à venir ne soit pas tout à fait claire, il appert que, dans ce nouveau siècle, la politique et le fédéralisme seront nettement différents de ce qu’ont connu les Canadiens dans le passé récent.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Funston, Bernard et Eugene Meehan, Canada’s Constitutional Law in a Nutshell, Toronto, Carswell, 1998. Hogg, Peter, Constitutional Law of Canada, édition destinée aux étudiants, Toronto, Carswell, 2003. Russell, Peter, Constitutional Odyssey : Can Canadians Become a Sovereign People?, Toronto et Buffalo, University of Toronto Press, 3e éd. à paraître. http ://www.forumfed.org, Forum des fédérations http ://www.gc.ca, gouvernement du Canada http ://www.cnfs-rcef.net, Réseau canadien d’études sur le fédéralisme http ://www.statcan.gc.ca, Annuaire du Canada, Statistique Canada, Ottawa http ://www.iigr.ca, Institut des relations intergouvernementales (Institute of Intergovernmental Relations), Université Queen’s http ://www.cric.ca/fr_html/guide/index.html, «Guide éclair», Centre de recherche et d’information sur le Canada http ://www.acs-aec.ca/Francais/index.htm, Association d’études canadiennes http ://www.collectionscanada.ca/index-f.html, Bibliothèque et Archives Canada

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167 Canada Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Ottawa

Nombre et type d’unités constituantes

10 provinces : Alberta, Colombie-Britannique, Île-du-Prince-Édouard, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Ontario, Québec, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador 3 territoires : Nunavut, Territoires du Nord-Ouest, Yukon

Langue(s) officielle(s)

Anglais, français

Superficie

9 984 670 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Québec – 1 542 056 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Île-du-Prince-Édouard – 5 660 km2

Population totale

31 559 186 (est. avril 2003)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Ontario 38,4 %, Québec 23,7 %, ColombieBritannique 13,2 %, Alberta 9,9 %, Manitoba 3,7 %, Saskatchewan 3,2 %, Nouvelle-Écosse 3 %, NouveauBrunswick 2,4 %, Terre-Neuve et Labrador 1,7 %, Île-du-Prince-Édouard 0,4 %, Territoires du NordOuest 0,13 %, Yukon 0,10 %, Nunavut 0,09 %

Régime politique – fédéral

Fédération, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Reine : Élisabeth II, représentée par la gouverneure générale : Adrienne Clarkson (1999). Le gouverneur général est nommé par la reine sur recommandation du premier ministre.

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Paul Martin (12 décembre 2003), Parti libéral du Canada. Chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des communes. Élu au suffrage populaire pour un mandat renouvelable de 5 ans au plus.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Sénat, 105 sièges. Les membres sont nommés sur une base régionale par le gouverneur général sur avis du premier ministre. Les sénateurs exercent leurs fonctions jusqu’à l’âge de 75 ans. Chambre basse – Chambre des communes, 301 sièges. Les membres sont élus au scrutin uninominal à un tour pour un mandat renouvelable d’une durée maximale de 5 ans.

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Ontario – 103

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168 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Nombre de représentants à la Île-du-Prince-Édouard – 4 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants La représentation au Sénat est régionale (plutôt que à la Chambre haute du gouver- provinciale) : 24 sénateurs viennent des Maritimes (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Princenement fédéral Édouard); 24 du Québec; 24 de l’Ontario; 24 des provinces de l’Ouest (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Saskatchewan); 6 de Terre-Neuve-etLabrador; et 1 de chacun des territoires. Partage des compétences

La Constitution énumère 29 compétences exclusives au gouvernement fédéral, dont la taxation, la défense nationale, le commerce, le droit criminel, le mariage et le divorce, les devises, la frappe de la monnaie, les droits d’auteur, les brevets, et les services d’envergure nationale. Les provinces ont la compétence exclusive dans 16 domaines dont les impôts directs sur leur territoire, l’éducation, la propriété et le droit civil sur leur territoire, et l’administration de la justice sur leur territoire. Le gouvernement fédéral et les provinces peuvent légiférer eu égard à l’agriculture et à l’immigration, de même qu’aux pensions et aux avantages supplémentaires.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent du gouvernement fédéral.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême du Canada, formée de 9 juges, qui sont dirigés par un juge en chef. Ils sont nommés par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblée législative. Les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat renouvelable d’une durée maximale de 5 ans.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Chef d’état : Représentant de la reine, appelé lieutenantgouverneur. Nommé par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre. Chef de gouvernement : Premier ministre. Chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges au sein de l’assemblée législative. Il exerce un mandat renouvelable d’une durée maximale de 5 ans.

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169 Canada Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

940,1 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

29 900 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

1,9 milliard de $ US

Dette infranationale

158,9 milliards de $ US (2002)

Taux de chômage national

7,4 % (décembre 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Terre-Neuve-et-Labrador – 16,7 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Manitoba – 5 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

99 %1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,5 %

Espérance de vie (années)

79,2

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

138,2 milliards de $ US (2003)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

176,7 milliards de $ US (2003)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

37 milliards de $ US (2003)

Mécanismes de péréquation

Il existe 3 grands mécanismes de péréquation horizontale entre les provinces : le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux; les paiements de péréquation fiscale fondés sur la « Norme des cinq provinces »; et la « Formule de financement des territoires ».

Sources Canada (Gouvernement du), sur Internet : http ://canada.gc.ca/ Canada (Gouvernement du), ministère des Finances, «Transferts fédéraux aux provinces», décembre 2003, sur Internet : http ://www.fin.gc.ca/FEDPROV/ FTPTf.html Canada, Parlement, sur Internet : http ://www.parl.gc.ca/ Canada, Statistique Canada, «Canada en statistiques : l’État, Canada – Indicateurs économiques, Statistiques démographiques, Actifs et passifs des administrations provinciales et territoriales générales», 2003, sur Internet : http ://www.statcan.ca/ francais/Pgdb/govern_f.htm#rec Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Canada», sur Internet : http ://www.oecd.org/ dataoecd/10/44/1902443.pdf

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170 Guide des pays fédéraux, 2005 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «OECD in Figures : Statistics on the Member Countries», septembre 2003, sur Internet : http :// www1.oecd.org/publications/e-book/0103061E.PDF Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Review of Commonwealth-State Funding, Background paper, décembre 2001, sur Internet : http ://www.reviewcommstatefunding.com.au/library/BackgroundPaper_FINAL.pdf World Directory of Parliamentary Libraries : Canada, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/canad.html Note 1 15 ans et plus

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Comores* (Union des Comores ) FAISSOILI BEN MOHADJI

1 histoire et évolution du fédéralisme L’archipel des Comores comporte quatre îles dans le sud-ouest de l’océan Indien, entre Madagascar et la côte orientale de l’Afrique. Grande Comore (Ngazidja), Anjouan (Nzwani) et Mohéli (Mwali) constituent l’Union des Comores, anciennement la République fédérale islamique des Comores. Une quatrième île, Mayotte (Maore), a choisi le rattachement à la France. Les Comores comptent un peu moins de 600 000 habitants répartis sur un territoire d’environ 2 000 kilomètres carrés, d’où une densité moyenne de presque 300 habitants par kilomètre carré. Quatre-vingt pour cent de la population habite les régions rurales. Les migrations et les mariages pluriethniques ont eu pour conséquence que Malais, Perses, Arabes et Cafres se sont mélangés à la civilisation initiale swahilie de la partie occidentale de l’océan Indien. La croissance démographique est élevée – presque 3 pour cent par année – et la population est très jeune, la moitié ayant moins de 15 ans. Les habitants sont généralement pauvres et bon nombre d’entre eux souffrent de malnutrition.

* Le Forum des fédérations tient à remercier Abdourahim Said Bakar de ses observations utiles sur l’article paru dans l’édition de 2002. Ann L. Griffiths a effectué la mise à jour pour cette deuxième édition du Guide des pays fédéraux.

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L’économie des Comores est étroitement liée à l’agriculture. En plus d’être le gagne-pain de 80 pour cent de la population, l’agriculture est la principale source d’exportations : 97 pour cent des devises étrangères proviennent de cette activité. Il n’y a à peu près aucune activité industrielle, et le pays ne possède aucunes ressources minérales exploitables. La dette étrangère est très élevée, et l’État n’a pas les moyens de la rembourser. Les Européens ont découvert les îles Comores au XVIe siècle, mais ce n’est qu’au XIXe siècle qu’elles furent réunies sous une seule autorité dans le cadre de la colonisation française. Jusqu’à l’arrivée des Français, plusieurs sultanats souverains coexistaient sur le territoire. Les Français ont réussi à unifier les îles Comores en établissant une structure très centralisée. Les nombreuses années d’administration et de centralisation politique françaises n’ont cependant pas suffi à effacer de la mémoire collective et des comportements le souvenir des sultanats. Les Comoriens s’identifient surtout à leur famille, à leur village ou à leur région. Ils ne s’identifient presque jamais au gouvernement central. Le mouvement indépendantiste africain a suscité une ferveur nationaliste dans les Comores. C’est en 1970, au moment où cette ferveur atteignait un sommet, que le prince Saïd Ibrahim, de Grande Comore, a pris le pouvoir. Espérant apaiser les tensions qui avaient marqué les rapports entre le gouvernement de Moroni (Grande Comore) et les îles de Mayotte et de Mohéli, il fit à ces dernières une offre de paix. Or le destin a voulu que soit confié à un autre le soin de proclamer l’indépendance des Comores. À la suite d’un vote de censure, Saïd Ibrahim fut démocratiquement écarté du pouvoir le 12 juillet 1972 et remplacé par Ahmed Abdallah, un ancien sénateur de l’Assemblée nationale française. Le 23 décembre 1972, le Parlement des Comores a adopté une résolution pour exprimer l’aspiration à l’indépendance du peuple comorien. À la suite de l’adoption de cette résolution, Ahmed Abdallah s’est rendu à Paris le 15 juin 1973 pour signer avec les représentants du gouvernement français une déclaration conjointe sur l’indépendance des Comores. Conformément à la Constitution française, un référendum sur l’accession à la souveraineté a été tenu dans les Comores le 22 décembre 1974. Les résultats ont permis de constater que, mis à part les habitants de Mayotte, la très grande majorité des habitants des îles était favorable à l’indépendance. Une fois les résultats du référendum rendus publics, le Parlement des Comores a adopté un processus complexe d’accession à l’indépendance respectueux de la volonté de Mayotte de préserver son rattachement à la République française. Avec l’appui de tous les députés du Parlement, hormis ceux de Mayotte, le président Abdallah a opté le 6 juillet 1975 pour une déclaration unilatérale d’indépendance.

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Le 3 août 1975, Ali Soilihi (de Grande Comore) s’est emparé du pouvoir à la suite d’un coup d’État, ce qui a entraîné la destitution d’Ahmed Abdallah (originaire d’Anjouan). Le nouveau régime s’est alors retrouvé dans une situation particulièrement difficile : non seulement les relations avec la France s’étaient-elles dégradées, mais il lui fallait trouver une solution pour régler les rivalités entre les îles tout en tenant compte du fait que le gouvernement précédent n’avait supprimé ni le pouvoir des sultans, ni celui de l’administration coloniale centralisée. Ali Soilihi est venu à bout de la résistance d’Anjouan, mais une tentative visant à mobiliser des partisans sur l’île rebelle de Mayotte s’est soldée par un échec. Les représentants de Mayotte et de Mohéli ont interprété les divergences entre les îles comme une conséquence de la centralisation du pouvoir, lequel était sous le contrôle soit de Grande Comore ou d’Anjouan. À la veille de la proclamation de l’indépendance, une solution de type fédéral paraissait donc de plus en plus attrayante aux dissidents de Mayotte. Un régime fédéral offrait en effet à chaque île la possibilité de préserver son identité en gérant ses propres affaires, mais les autorités comoriennes étaient fermement opposées à toute solution de ce genre. À leurs yeux, le fédéralisme n’était qu’une astuce des dissidents de Mayotte visant à semer les germes d’une séparation future. Lorsque le président Ahmed Abdallah revint au pouvoir en 1978, le fédéralisme fut à nouveau évoqué comme une solution de dernier ressort qui permettrait de ramener l’île de Mayotte au bercail. Bien qu’il se fût tout d’abord opposé au fédéralisme, qu’il associait à un complot ourdi par les colonisateurs, Abdallah fit adopter une constitution fédérale en 1978. L’accord lui attribuait d’importants pouvoirs exécutifs qui lui permettaient de maintenir un certain contrôle sur les îles nouvellement fédérées. Les problèmes économiques ne cessèrent jamais de s’aggraver sous le gouvernement d’Ahmed Abdallah, qui commença le 13 mars 1978 et prit fin le 27 novembre 1989 (le jour de son assassinat). Les investissements régionaux ne firent qu’accentuer les disparités de développement et les inégalités entre les îles. Au cours de cette période, des fortunes personnelles se sont constituées dans des circonstances troubles tandis que la pauvreté était le lot du plus grand nombre. Cette situation a donné naissance à des mouvements séparatistes qui tendaient à saper l’unité nationale. Chaque île était portée à défendre ses intérêts en s’opposant à ceux du reste du pays. C’est cette société récalcitrante que Said Mohamed Djohar était appelé à gouverner lorsqu’il accéda à la présidence. Dans sa recherche constante d’un équilibre politique, Djohar adopta un certain nombre de décrets qui se contredisaient les uns les autres, de sorte que la Cour

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suprême tenta sans succès en août 1991 de l’écarter du pouvoir pour motif d’incompétence. Incapable de communiquer avec un pouvoir de plus en plus centralisé et dont les privilèges ne cessaient de se multiplier, l’île de Mohéli réclamait un traitement égal pour toutes les îles. Cette exigence, à laquelle sont venues s’ajouter les revendications des mouvements d’opposition, a abouti à la tenue de la première conférence nationale de janvier à avril 1992. Celle-ci servait à élaborer une constitution pour la République fédérale islamique des Comores.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Depuis leur accession à l’indépendance, les Comores ont eu cinq constitutions, dont trois à caractère fédéral. La première constitution fédérale fut la Constitution de la République fédérale islamique des Comores, en vigueur de 1978 à 1989. Sa rédaction se fit sans participation parlementaire ou populaire. Elle était centrée sur le besoin de cohésion nationale et prévoyait une organisation centrale axée sur la promotion de la croissance économique – deux tendances qui indiquent qu’il s’agissait d’une fédération centralisée. La Constitution de 1978 conférait à chaque île une marge d’autonomie qui lui permettait de s’administrer. Chaque île était constituée en gouvernorat. Chaque gouvernorat comprenait un conseil d’île, dont les membres étaient élus au suffrage universel pour un mandat d’une durée de quatre ans, ainsi qu’un gouverneur élu, lui aussi, au suffrage universel pour un mandat d’une durée de quatre ans. Chaque île avait son propre budget et gérait la plupart des matières d’ordre social, notamment la santé, l’éducation, la formation professionnelle, les établissements communautaires, etc. Le gouverneur administrait les lois fédérales et celles adoptées par le conseil d’île. Il était entouré de commissaires qu’il nommait lui-même. Ceux-ci devaient rendre compte de leur administration au gouverneur et au conseil d’île, aussi bien à titre individuel que collectif. Au niveau national, les principaux postes de l’État fédéral (la présidence de la République, la présidence de l’Assemblée fédérale et la présidence de la Cour suprême) étaient répartis entre les trois îles. Cette même formule s’appliquait à l’organisation du gouvernement central, où chaque île comptait un ou plusieurs ministres. La structure gouvernementale était monocamérale, de sorte que les îles n’étaient pas représentées au sein d’une chambre du gouvernement central. La Constitution prévoyait un partage des compétences entre les gouvernorats et le gouvernement fédéral et attribuait à ce dernier et à ses dirigeants des pouvoirs considérables.

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Bien qu’une telle structure ait paru opportune, la répartition très inégale des maigres ressources financières entre les gouvernorats et l’État fédéral a eu pour conséquence de limiter l’autonomie des îles. Le gouvernement fédéral percevait toutes les ressources fiscales et non fiscales, de même que les fonds au titre de l’aide internationale au développement. Les pouvoirs attribués aux gouvernorats ne leur permettaient pas de prélever les fonds nécessaires à la gestion indépendante de chaque île. La Constitution leur interdisait de tirer profit de l’aide internationale sans l’autorisation du pouvoir exécutif fédéral, lequel n’hésitait pas à se prévaloir de cette disposition pour contrôler la situation. Quelque 80 pour cent des ressources budgétaires des gouvernorats provenaient de l’État fédéral et les subventions fédérales étaient assorties de lignes directrices quant à la manière dont les fonds devaient être utilisés. Le gouvernement central de Moroni pouvait ainsi exercer des pouvoirs de nature juridique qui influaient profondément sur les affaires internes de chaque île. L’ingérence accrue du président Ahmed Abdallah a réduit l’autonomie des îles, à tel point que le fédéralisme comorien se réduisait à une façade juridique. Dans l’espoir de remédier à cette situation et de réviser la Constitution, le président rencontra les représentants des îles en octobre 1983. La Constitution a également été modifiée en 1984 et en 1989. C’est alors que le poste de premier ministre a été supprimé et que le chef de l’État s’est vu interdire le droit d’exercer plus de deux mandats successifs. Pendant 11 ans, l’autorité d’Abdallah est demeurée incontestée. Le président écrasait non seulement des personnes, mais aussi des institutions qui étaient prévues par la Constitution et qui auraient pu faire contrepoids aux ambitions d’un président autoritaire disposant d’immenses pouvoirs. Les députés de l’Assemblée et les juges de la Cour suprême n’étaient que les dépositaires de son pouvoir personnel. Leur rôle était purement consultatif : ils donnaient des avis, mais ceux-ci n’obligeaient en rien le gouvernement. Les décisions gouvernementales n’étaient avalisées par personne. La deuxième constitution fédérale – la Constitution de la République fédérale islamique des Comores de 1992 – fut élaborée après l’assassinat d’Abdallah. Contrairement aux constitutions antérieures, celle-ci a été rédigée par une conférence nationale, laquelle fut tenue en 1992 et rassembla des partis politiques et des représentants de la société civile. En vertu de cette Constitution, chaque île a été constituée en entité territoriale autonome, dirigée par un gouverneur et un conseil d’île, comme cela avait été le cas en vertu de la Constitution de 1978. Les conseils et les gouverneurs des îles étaient élus au suffrage universel

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direct pour un mandat d’une durée de cinq ans. Le gouverneur devait veiller à ce que les lois de l’île soient respectées, représenter l’administration de l’île, et exercer le pouvoir de réglementation dans les domaines qui, selon la Constitution, ne relevaient pas de la juridiction fédérale. Il appartenait au conseil d’île de déterminer les ressources financières et les dépenses de l’île. Les recettes provenaient des impôts directs prélevés sur l’île, d’une part des impôts indirects perçus sur l’ensemble du territoire de la République, des ressources extérieures attribuées à l’île, et d’autre part des ressources extérieures attribuées à la République et non réservées à une île particulière. Une loi fédérale stipulait que la part des impôts indirects destinée au gouvernement fédéral devait se situer entre 30 pour cent et 40 pour cent du total. Le reste était partagé entre les îles au prorata de leur population. Les îles avaient le droit de recevoir des subventions ou d’autres formes d’aide extérieure à condition que le gouvernement central y consente. Il fallait consulter le conseil sur toute question concernant la préparation et la mise en œuvre de programmes pluriannuels de développement économique, culturel et social. La Constitution de 1992 stipulait que le président était élu au suffrage universel pour un mandat d’une durée de cinq ans, et que son rôle consistait à veiller au respect de l’ordre constitutionnel, à superviser le fonctionnement des pouvoirs publics, à assurer la continuité de l’État et à gérer la politique étrangère. Il était le garant de l’indépendance nationale, de l’unité de la République, de l’autonomie des îles et du respect des engagements internationaux. Les nominations présidentielles à des postes gouvernementaux devaient se faire dans le respect de l’équité et de l’équilibre entre les îles. Le gouvernement central devait fixer et mettre en œuvre les politiques nationales et assurer le contrôle de l’administration fédérale et des forces armées. Les affaires gouvernementales étaient dirigées par un premier ministre nommé par le président et choisi parmi les députés du parti majoritaire à l’Assemblée fédérale. Le gouvernement était démis de ses fonctions si les députés de l’Assemblée fédérale mettaient en question sa gestion en votant en faveur d’une motion de censure. La Constitution précisait que les députés de l’Assemblée fédérale étaient élus pour un mandat d’une durée de quatre ans, au suffrage universel direct, dans des circonscriptions uninominales. Les circonscriptions étaient déterminées en vertu d’une loi fédérale, et chaque île devait en compter au moins cinq. Le droit de modifier la Constitution était une prérogative conjointe du gouvernement et de l’Assemblée fédérale. Contrairement à la constitution précédente, celle de 1992 prévoyait la création d’un Sénat où chaque île avait droit à une représentation

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égale. Chaque île devait compter cinq sénateurs, élus pour un mandat d’une durée de six ans par un collège électoral; celui-ci était composé de conseillers municipaux et de représentants du conseil d’île. La Constitution de 1992 conférait au Sénat le pouvoir de modifier des projets de loi. Par exemple, les lois et les autres textes adoptés par l’Assemblée fédérale, mais contestés par tous les sénateurs d’une même île, devaient être retirés si, lors de la seconde lecture à l’Assemblée fédérale, ils étaient également contestés par une majorité de députés de la même île. Le Conseil constitutionnel avait été conçu pour surveiller la constitutionnalité des lois, des jugements, des dispositions réglementaires, des délibérations dans les îles et des engagements internationaux. On lui avait aussi confié la responsabilité de surveiller les élections présidentielles, les élections législatives, les élections des gouverneurs et des conseillers des îles, de même que celles des sénateurs et des conseillers municipaux. Les membres du Conseil constitutionnel devaient être nommés pour un mandat d’une durée de sept ans comme suit : trois membres nommés par le président de la République, trois membres nommés par le président de l’Assemblée fédérale et un membre nommé par chaque conseil d’île. Cette Constitution créait aussi le Conseil des Ulémas, une institution islamique visant à promouvoir et à protéger la religion islamique. Le pouvoir judiciaire était indépendant des pouvoirs exécutif et législatif, et la justice était rendue sur tout le territoire au nom d’Allah. Suite au coup d’État d’avril 1999, l’Assemblée fédérale a été dissoute, et la Constitution suspendue. Au milieu d’un certain désordre social (voir la section 3), un nouvel accord constitutionnel a été négocié pour remplacer la Constitution de 1992. La nouvelle Constitution – depuis l’accession à l’indépendance, il s’agit de la troisième constitution à caractère fédéral – a été approuvée par voie de référendum en décembre 2001. En vertu de cette nouvelle Constitution, le pays a été rebaptisé «Union des Comores», de sorte qu’il n’est plus question de «République fédérale islamique des Comores» et certains éléments du fédéralisme ont été préservés. Malgré le recours au mot «Union», la nouvelle Constitution donne aux îles une plus grande autonomie que celle octroyée dans la précédente. Selon la nouvelle Constitution, le président de l’Union est élu au suffrage direct pour un mandat de cinq ans. Celui-ci choisit parmi les députés de l’Assemblée un premier ministre qui exerce les fonctions de chef de gouvernement. Toutefois, suite à son élection, le président Azali n’a pas nommé de premier ministre et il exerce donc les fonctions de chef de gouvernement et de chef d’État. Le pouvoir exécutif

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est exercé par le Conseil des ministres, dont les membres sont nommés par le président. Non sans créer une certaine confusion, la nouvelle Constitution prévoit aussi que chaque île dispose de son propre président (non plus d’un gouverneur, comme dans les constitutions précédentes). Les membres des assemblées insulaires sont élus au suffrage direct. La Constitution de 2001 ne prévoit pas de Sénat, de sorte que les Comores disposent à nouveau d’un gouvernement central monocaméral, la Chambre portant le nom d’Assemblée de l’Union. Celle-ci compte 30 sièges. La moitié des députés est élue par les assemblées insulaires et l’autre moitié par suffrage direct. Le mandat des députés est de cinq ans. Il a fallu accorder des pouvoirs importants aux îles pour assurer la mise en œuvre de la nouvelle Constitution. Celle-ci n’attribue que des pouvoirs très limités au gouvernement de l’Union. Ses compétences portent sur les affaires extérieures, la défense, la monnaie, la nationalité et la religion. Les îles disposent d’une importante marge d’autonomie. La Constitution de 2001 crée une Cour suprême dont deux juges sont nommés par le président, deux élus par l’Assemblée de l’Union, et trois autres élus individuellement par chacune des assemblées insulaires. Des dispositions prévoient également que les anciens présidents de la République peuvent faire partie de cette Cour.

3 dynamique po lit iqu e récen te Depuis l’accession à l’indépendance, la situation des Comores a été instable. Les gouvernements des Comores ont été victimes de coups d’État et les autorités ont été en proie à des luttes sans fin entre les îles et au sein de celles-ci. Malgré les efforts de la communauté internationale, des partis politiques et des mouvements insulaires, l’intégrité du pays risque à tout moment d’être compromise. Le régime du président Djohar a été renversé à la suite d’un coup d’État le 28 septembre 1995. Le président Djohar n’avait pas réussi à mettre sur pied les institutions démocratiques envisagées dans la Constitution de 1992, et il avait changé la composition de son gouvernement 17 fois. Mohamed Taki Abdulkarim a été élu président le 16 mars 1996 par une majorité de 64 pour cent des suffrages. Son élection avait suscité de grands espoirs. Toutefois, quelques mois seulement après son élection, il a modifié la Constitution pour accroître ses pouvoirs. Un référendum a été tenu en octobre 1996 pour ratifier les modifications. L’opposition refusa d’y participer et ignora les élections législatives tenues à la fin de 1996. Comme ses prédécesseurs, Taki a dû faire face à

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des protestations sociales nombreuses engendrées par le chômage croissant chez les jeunes, l’écart grandissant entre la classe dirigeante et les classes pauvres et la colère des fonctionnaires obligés d’attendre pendant plusieurs mois le versement de leur salaire. À l’été 1997, Anjouan et Mohéli se rebellèrent. Le 3 août 1997, Anjouan annonça qu’elle se séparait du pays en invoquant le fait que ses citoyens souffraient de discrimination et que le gouvernement central ne lui attribuait pas de ressources financières. Le 11 août 1997, des séparatistes de Mohéli proclamèrent l’indépendance de l’île. Au début de septembre, des forces militaires fédérales ont été envoyées à Anjouan pour rétablir l’ordre, mais ont été aussitôt repoussées par les forces locales. Taki fit appel à l’Organisation de l’unité africaine (OUA), à la Ligue des États arabes, à l’Union européenne et aux Nations Unies pour trouver une solution à la crise. Grâce à la médiation de l’OUA, une conférence inter-Comores fut organisée à Addis-Abeba, en Éthiopie, en décembre 1997. Le bilan de cette conférence se réduisit à peu de chose : il y eut accord de principe sur la nécessité d’organiser dans les plus brefs délais, sous les auspices de l’OUA, une conférence rassemblant les diverses îles afin d’élaborer un nouveau cadre institutionnel. En février 1998, Anjouan adopta sa propre Constitution et proclama son indépendance. Les tensions sur l’île continuèrent de croître, à tel point que, en décembre, il y eut des affrontements violents entre divers groupes séparatistes. (Les affrontements violents entre factions politiques n’ont pas cessé depuis – des militaires ont réussi un coup d’État à Anjouan en août 2001, et il y a eu plusieurs tentatives de coup d’État depuis.) Le président Mohamed Taki est mort subitement en novembre 1998 et ce n’est pas sans peine qu’on s’employa à lui trouver un successeur. Selon la Constitution, le président intérimaire, Tadjidine Saïd Ben Massounde, un citoyen d’Anjouan âgé de 70 ans, ne pouvait se porter candidat aux élections présidentielles, lesquelles devaient avoir lieu dans un délai de 30 à 90 jours. Mais compte tenu des craintes qu’inspiraient les mouvements séparatistes à Anjouan et à Mohéli, la perspective de trouver, dans ce délai, un autre candidat jouissant d’un fort soutien ne paraissait pas réaliste. En mars 1999, la situation devenait de plus en plus confuse : Anjouan était aux prises avec deux factions et Grande Comore avait elle-même succombé au virus séparatiste. Avant que l’esprit de division ne se répande davantage, l’OUA annonça qu’une conférence sur la réconciliation comorienne aurait lieu à Antananarivo, à Madagascar, du 19 au 23 avril 1999. On est alors parvenu à s’entendre sur le principe du maintien de l’intégrité territoriale des Comores. Même les délégations

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d’Anjouan et de Mohéli ont souscrit à ce principe, sous réserve de certaines conditions, en particulier une présidence fédérale par roulement et une assemblée fédérale dont les membres seraient désignés par les assemblées insulaires. Tout en se disant d’accord en principe avec la déclaration finale, les membres de la délégation d’Anjouan refusèrent de la signer en faisant valoir qu’il leur fallait consulter la population. (L’accord fut rejeté lors d’un référendum tenu sur l’île en janvier 2000). Pendant la nuit du 29 au 30 avril 1999, le colonel Assoumani Assali, chef d’état-major de l’armée comorienne, s’empara du pouvoir à la faveur d’un nouveau coup d’État. Cette fois, le président intérimaire, le premier ministre et les membres du Conseil des ministres (nommés par le président) ont été démis de leurs fonctions et l’Assemblée fédérale, dissoute. Le 6 mai, le colonel Assali s’est proclamé chef d’un comité d’État composé de 12 commissaires. En août 2000, une conférence nationale a été tenue pour débattre d’une nouvelle constitution. Y participèrent des représentants des partis politiques, des chefs militaires et religieux et des organisations de la société civile. Bien qu’aucun représentant de l’île d’Anjouan n’ait assisté aux délibérations, une délégation fut envoyée auprès de l’île sécessionniste pour persuader ses dirigeants de maintenir les liens avec les Comores dans le cadre de la nouvelle constitution, laquelle devait accorder une importante marge d’autonomie aux îles. En février 2001, des représentants des trois îles des Comores (de même que les chefs militaires et des représentants des partis d’opposition et de la société civile) ont signé un accord. Celui-ci prévoyait la réintégration d’Anjouan au pays, la mise en œuvre d’une nouvelle structure étatique accordant aux îles une plus grande autonomie et un plan visant à rétablir des institutions politiques démocratiques avant la fin de 2001. L’accord avait pour objet d’accorder une plus grande autonomie aux îles tout en maintenant l’unité nationale. Le plan de 2001 prévoyait la formation d’une commission de réconciliation nationale composée de représentants des trois îles et l’établissement d’un nouvel État des Comores. La commission tripartite devait rédiger une nouvelle constitution et la faire valider au moyen d’un référendum. En décembre 2001, les votants ont approuvé la nouvelle Constitution. Quelques jours avant le référendum sur la Constitution, un groupe d’envahisseurs armés et masqués, que l’on croyait être des mercenaires, ont tenté de s’emparer de l’île de Mohéli, soit pour renverser le gouvernement en place, soit pour empêcher la tenue du référendum. Les envahisseurs ont été mis en déroute par l’armée. Les élections présidentielles ont eu lieu en avril 2002. Le président Assali a quitté la présidence en janvier 2002 afin de participer aux élections à titre de candidat, laissant ainsi le pays aux mains d’un

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gouvernement provisoire d’unité nationale. Le premier tour des élections présidentielles a eu lieu en mars 2002 et a été suivi en avril d’un deuxième tour opposant les principaux candidats. Ce deuxième tour a cependant été boycotté par les deux autres candidats. Assali a été élu président au second tour (il était le seul candidat en lice) avec plus de 75 pour cent des voix. Toutefois, le boycott des autres candidats au second tour a eu pour conséquence un faible taux de participation au scrutin. Certains estiment que le taux n’était que de 30 pour cent, mais ce chiffre est contesté. Des élections ont également eu lieu au printemps 2002 au niveau de chaque île. Comme mentionné à la section 2 ci-dessus, les chefs politiques des îles portent maintenant le nom de président, de sorte qu’il n’est plus question, comme sous les constitutions précédentes, de gouverneurs. À la Grande Comore, les élections ont donné lieu à des affrontements. Les candidats de l’opposition ont prétendu que le candidat du président Assali avait eu recours à des tactiques frauduleuses pour être admis au deuxième tour. Malgré tout, le candidat du président n’a pas remporté les élections : c’est le candidat de l’opposition, Mze Abdou Soule Elbak, qui a gagné et qui est devenu président de Grande Comore. Depuis les élections au niveau des îles, il y a eu de graves problèmes politiques en Grande Comore. La Constitution n’établit pas clairement le partage des compétences entre le président de l’île et le président de l’Union et ne prévoit aucun accord de partage des compétences. L’île ne possède pas son propre gouvernement (contrairement à Anjouan et Mohéli) : elle ne possède que des institutions du gouvernement central. L’île ne compte donc qu’un ensemble d’institutions gouvernementales, mais deux présidents se disputent leur contrôle. Les deux présidents en question – le président de l’Union et le président de la Grande Comore – ont conclu un accord au sujet des ministères devant relever de leur contrôle respectif. Ils n’ont cependant pu s’entendre sur l’attribution des ministères responsables de la perception des recettes, en particulier le ministère des Finances et celui des Douanes. Les relations entre les deux présidents établis en Grande Comore se sont rapidement dégradées, ce qui a engendré des affrontements violents. Le 14 juin 2002, le président Assali a envoyé l’armée (qui lui est loyale) occuper les principaux établissements publics responsables des activités commerciales et financières au sein de la capitale, Moroni. Cette occupation était liée à la lutte pour le contrôle des ministères responsables de la perception des recettes. L’armée s’est heurtée aux partisans du président de Grande Comore et le président de l’île a accusé le président national de préparer son assassinat.

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Des pourparlers tenus en Afrique du Sud en août 2003 ont abouti à un accord visant à mettre fin à l’impasse. L’élément le plus important de l’accord est un document établissant la répartition des recettes douanières, les dispositifs de sécurité et les budgets de 2003 et 2004. Toutefois, l’accord n’a pas suffi à mettre fin aux différends entre les deux présidents. En 2003, plusieurs ministres du gouvernement de l’île ont été arrêtés, des personnes s’opposant au président de l’Union ont été mises aux arrêts pour «incitation à la violence» et des protestataires ont été blessés en novembre lorsque l’armée a ouvert le feu au cours d’une manifestation à Moroni. Enfin, au début de décembre, les partis d’opposition ont exigé la démission du président Assali. Un sommet auquel ont participé des représentants des gouvernements de l’Union et des trois îles a été tenu en décembre 2003 à Moroni, dans l’espoir de résoudre certaines questions fondamentales pour l’avenir du pays. La tâche n’est pas facile.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Constitution de la République fédérale islamique des Comores, 1978. Constitution de la République fédérale islamique des Comores, 1992. Delval, Raymond, «L’islam aux Comores,» Mondes et Cultures, vol. 40, no 1 (1980), p. 127-140. Djabir, Abdou, Les Comores : un État en construction, L’Harmattan, 1993. Mahamoud, Ahmed Wadaane, Mayotte. Le contentieux entre la France et les Comores, Paris, L’Harmattan, 1992, 304 p. Maurice, Pierre, La position de la France et de la Communauté internationale à l’égard des îles Comores, Communication lors d’un séminaire international annuel, Saint-Denis, La Réunion, 26 novembre 1999. http ://www.comores-online.com/, renseignements généraux http ://www.afrique-express.com/archive/AUSTRALE/comores/ comorespol/comoreshomepol.htm, bulletin de nouvelles politiques http ://www.afrik.com/comores, bulletin de nouvelles générales http ://www.presidence-uniondescomores.com/v3/fr/, «Archives de la République», présidence de l’Union des Comores

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184 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Moroni

Nombre et type d’unités constituantes

3 îles : Anjouan (Nzwani), Grande Comore (Ngazidja), Mohéli (Mwali)

Langue(s) officielle(s)

Arabe, comorien, français

Superficie

1 862 km2 N.B. Cette superficie ne comprend pas l’île de Mayotte (Maore), qui fait partie de l’archipel des îles Comores mais tombe sous la juridiction de la France.

Superficie – plus grande unité constituante

Grande Comore – 1 146 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Mohéli – 290 km2

Population totale

586 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Grande Comore 51,3 %, Anjouan 43,1 %, Mohéli 5,6 %

Régime politique – fédéral

République

Chef d’État – fédéral

Président de l’Union : Azali Assoumani (1999–2002). Le président est élu au suffrage populaire pour un mandat renouvelable d’une durée de 5 ans. N.B. Lors des élections présidentielles de 2002, les deux autres candidats ont boycotté le deuxième tour.

Chef de gouvernement – fédéral

Le premier ministre et les membres du Conseil des ministres (Cabinet) sont nommés par le président et choisis au sein de l’assemblée fédérale. N.B. Après les élections de 2002, le président Azali Assoumani a décidé de ne pas nommer de premier ministre et d’exercer lui-même les fonctions propres à ce poste.

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Assemblée de l’Union, 30 sièges. 15 membres sont nommés par les assemblées locales des îles (5 par île). Les 15 autres membres sont élus au suffrage universel. Les membres exercent un mandat d’une durée de 5 ans.

Répartition des représentants Chacune des 3 îles compte 5 représentants au sein de au sein du gouvernement fédé- l’Assemblée de l’Union. ral – Assemblée de l’Union Partage des compétences

Le gouvernement fédéral dispose de compétences exclusives en matière de religion, de citoyenneté, de devises, d’affaires étrangères, de défense et de symboles nationaux. La Constitution reconnaît l’autonomie des

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185 Comores Tableau I (suite) îles pour ce qui est des matières qui ne relèvent pas de la compétence des autorités fédérales. Le gouvernement fédéral accorde une importante autonomie financière aux îles. Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des îles.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour constitutionnelle, formée de deux membres nommés à vie par le président, de deux membres nommés par l’assemblée fédérale, et d’un membre nommé par l’assemblée de chaque île. Les anciens présidents de la république sont aussi membres de la Cour.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblée. Les membres sont élus au suffrage populaire.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Président. Élu au suffrage populaire.

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186 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

961 millions de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

1 640 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

246 millions de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

20 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

s.o.

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

s.o.

Taux d’alphabétisation chez les adultes

56 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

3,8 %

Espérance de vie (années)

60,2

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

s.o.

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

s.o.

Transferts fédéraux aux unités constituantes

1,8 million de $ US (2001) (excluant Anjouan)

Mécanismes de péréquation

Une loi organique fixe la part des recettes fiscales fédérales transférée aux îles. La répartition est effectuée dans le cadre de la loi annuelle des finances de l’Union.

Sources Agenda des Comores 2003, sur Internet : http ://www.agendadescomores.com/geo.html Banque mondiale, Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Total External Debt of Developing Countries 1995–2001, sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/vol2tables.htm Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», 2003, sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Comores : Constitution de l’Union des Comores, 23 décembre 2001, Droit francophone, sur Internet : http ://portail.droit.francophonie.org/doc/html/km/con/ 2001dfkmco1.html Encyclopædia Britannica, «Comoros», sur Internet : http ://www.britannica.com/eb/ article?eu=124016&tocid=0&query=comoros&ct=eb

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187 Comores Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Comoros (Table 2)», août 2001, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2001/cr01135.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Université de l’état du Kansas, «Comoros», sur Internet : http ://www.ksu.edu/sasw/ comoros/comoros.html Note 1 15 ans et plus

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Émirats arabes unis JULIE M. SIMMONS

1 histoire et évolution du fédéralisme Les Émirats arabes unis (83 600 kilomètres carrés) sont situés à la périphérie est de la Péninsule arabique. Les pays qui les entourent sont Oman, l’Arabie saoudite, le Qatar et le golfe Persique (Arabo-Persique); et le territoire compte en outre 200 îles. On ne sait pas à quel moment cette région s’est peuplée, à l’origine. Les découvertes archéologiques laissent supposer que les premiers établissements peuvent remonter aussi loin qu’au cinquième millénaire avant J.-C.. La migration arabe le long de la côte sud de la Péninsule arabique au cours des premiers siècles après J.-C. et les déplacements subséquents de populations en provenance du nord firent en sorte que diverses tribus arabes s’installèrent dans la région. Au début du XVIe siècle, des commerçants portugais furent les premiers Européens à avoir des visées sur la région. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Hollandais et les Britanniques se disputèrent l’accès aux voies maritimes commerciales et aux négociants locaux. La «guerre maritime» des marchands locaux qui, aux yeux des Britanniques, n’était que de la «piraterie», ralentit les Britanniques dans leurs tentatives d’exercer un contrôle dans la région et, à la fin des années 1700, les Français étaient devenus une réelle menace aux aspirations britanniques. Au début des années 1800, les Qawasim contrôlaient en partie la côte du Golfe, et c’est de cette lignée que descendent les gouverneurs actuels des émirats de Sharjah et de Ra’s al-Khaïmah. Après le traité général de

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paix de 1820, les Britanniques signèrent avec les divers gouverneurs (cheikhs de l’époque) une série d’ententes censées assurer la paix entre la Grande-Bretagne et les tribus et mettre fin à la piraterie. Après la signature de la trêve maritime perpétuelle de 1853, les cheikhats prirent le nom d’«États de la Trêve» ou d’«Oman sous régime de traité». Au moment de la signature d’un «accord exclusif», en 1892, la GrandeBretagne accepta la responsabilité des affaires étrangères et de la défense des cheikhats. La Grande-Bretagne souhaitait une plus grande collaboration entre les États de la Trêve si bien qu’en 1952, les sept cheikhats – Abou Dhabi, Dubaï, Ajman, Al Fujaïrah, Ra’s al-Khaïmah, Sharjah et Umm al-Qaïwain – formèrent le Conseil des États de la Trêve afin de favoriser la discussion de questions d’intérêt mutuel et d’assurer la coordination entre eux. Au fil des ans, le Conseil adopta un mode de fonctionnement plus officiel et renforça sa structure administrative. En 1964, on y avait ajouté les souscomités de l’agriculture, de l’éducation et de la santé publique, ainsi qu’un bureau d’élaboration des projets d’infrastructure. Un comité, composé de deux représentants de chacun des émirats, contribua à établir les programmes et les priorités du Conseil. Le gouvernement travailliste britannique publia un livre blanc en 1967 dans lequel il exprimait son désir de réduire les coûts associés aux bases militaires à l’est de Suez. En 1968, le Parlement annonça une proposition réclamant le retrait progressif, jusqu’en 1971, des forces britanniques du Golfe. La même année, Bahreïn et le Qatar se joignirent aux États de la Trêve et acceptèrent de créer la fédération des Émirats arabes unis, laquelle devait constituer un État indépendant. Les neuf dirigeants formèrent le Conseil suprême, qui se réunit à plusieurs reprises. Toutefois, ils ne parvinrent pas à s’entendre sur les paramètres d’une constitution, et leur union prit fin 18 mois plus tard. Bahreïn et le Qatar, qui ne faisaient pas partie du Conseil des États de la Trêve, devinrent des États indépendants en 1971. En juillet de cette même année, les sept États de la Trêve se réunirent à nouveau en vue de former une union. Après huit jours de discussion, tous, sauf Ra’s al-Khaïmah, donnèrent leur accord à une constitution transitoire. Les gouverneurs élirent parmi eux le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyan, d’Abou Dhabi, à titre de président, et le cheikh Maktoum ben Rashed al-Maktoum, de Dubaï, à titre de viceprésident. Les deux entrèrent officiellement en fonction le 2 décembre 1971 lorsque prirent fin les traités avec la Grande-Bretagne et que les Émirats arabes unis devinrent un État indépendant. Le 10 février 1972, Ra’s al-Khaïmah se joignit à la fédération sans qu’il se soit avéré nécessaire de modifier la Constitution transitoire.

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Le premier gisement de pétrole fut découvert en 1958 au large de la côte d’Abou Dhabi. Peu après, on trouva des gisements terrestres à Abou Dhabi et à Dubaï. Cette industrie est en partie responsable du produit national brut (PNB) élevé par habitant (près de 20 000 dollars américains en 2002). Toutefois, la richesse des émirats varie considérablement. Abou Dhabi (qui occupe plus de 85 pour cent de l’ensemble de la superficie de la région) et Dubaï (qui en occupe 5 pour cent) sont les deux émirats les plus riches puisqu’à eux deux, ils représentent plus des trois quarts du produit intérieur brut (PIB) du pays. Grâce aux efforts constants pour diversifier l’économie, particulièrement à Dubaï, mais aussi à Sharjah et à Abou Dhabi, les industries du commerce, du tourisme et l’industrie manufacturière se sont imposées aux côtés de l’industrie gazière et pétrolière à titre de productrices de recettes, si bien que, selon la Banque industrielle des Émirats arabes unis (Emirates Industrial Bank), les recettes attribuables au pétrole brut ne représentaient que 38 pour cent du PIB en l’an 2000. La richesse accumulée grâce à l’abondance du pétrole des Émirats arabes unis a favorisé l’éclosion d’un État providence moderne au cours des trente dernières années. Le pays s’est transformé; là où il y avait peu d’écoles, d’hôpitaux, d’aéroports, de logements appropriés ou d’eau potable, on a vu apparaître tout un réseau de services sociaux, y compris des services d’éducation et de santé. Parmi les 175 pays faisant partie de l’indice de développement humain des Nations Unies en l’an 2001, les Émirats arabes unis se classaient en 48e position au chapitre de l’espérance de vie (74 ans), de l’éducation et du niveau de vie (calculé en fonction du PIB par habitant). Selon la Banque mondiale, toutefois, le taux d’analphabétisme s’élève encore à 23 pour cent. La population du pays, à 96 pour cent musulmane, s’est accrue rapidement au cours des vingt dernières années pour atteindre environ 3 millions d’habitants (selon les estimations de la Banque mondiale), dont près de 40 pour cent vivent à Abou Dhabi et près de 30 pour cent, à Dubaï. Il est intéressant de souligner que moins de 30 pour cent des personnes vivant dans le pays sont citoyens des Émirats arabes unis. Parmi les étrangers, on retrouve surtout des Sud-Asiatiques, des Iraniens et des Arabes venus d’autres pays du monde arabe.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Constitution transitoire des Émirats arabes unis, devenue permanente en 1996, stipule que le pays est une fédération composée de

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sept émirats constituants : Abou Dhabi, Dubaï, Ajman, Al Fujaïrah, Ra’s al-Khaïmah, Sharjah et Umm al-Qaïwain. C’est une fédération dont la manière de gouverner combine des aspects traditionnels et modernes. On y trouve un compromis entre les émirats qui sont en faveur d’une fédération centralisée ou passablement intégrée et ceux qui préfèrent préserver leur autonomie. Le cheikh Zayed, d’Abou Dhabi, a toujours défendu la centralisation, tandis que le cheikh Rashed, de Dubaï, a de tout temps soutenu la position inverse. Le Conseil suprême des gouverneurs est l’autorité fédérale suprême; il détient à la fois le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et est formé des gouverneurs des émirats, qui sont par tradition les monarques dans leurs territoires respectifs plutôt que des représentants élus. Ce sont leurs émirats respectifs qui leur confèrent leur légitimité plutôt que le Conseil suprême, ce qui donne à cet organe un caractère confédéral. La Constitution répartit le pouvoir de façon asymétrique entre les émirats au sens où Abou Dhabi et Dubaï ont effectivement droit de veto au sein du Conseil suprême. Toutes les décisions sur «les questions de fond» exigent le consentement de la majorité des cinq membres du Conseil suprême, dont forcément celui des gouverneurs d’Abou Dhabi et de Dubaï (article 49). Le chef de l’État est le président qui, tout comme le vice-président, est élu pour un mandat d’une durée de cinq ans par le Conseil suprême parmi ses membres. Ce dernier se réunit habituellement quatre fois par année. Selon la Constitution, le Conseil des ministres (ou Cabinet) est «l’organe exécutif de l’Union». Il est responsable de «toutes les questions d’ordre interne et externe qui entrent dans le champ de compétence de l’Union» (article 60). Le président choisit le premier ministre qui dirigera le Conseil des ministres, et nomme ses membres. Les émirats les plus peuplés ont habituellement une plus grande représentation au Cabinet. Selon la Constitution, le Conseil des ministres peut proposer des projets de loi fédéraux et surveiller la mise en œuvre des jugements du tribunal fédéral ainsi que des lois, des décrets, des décisions et des règlements fédéraux (article 60). Il incombe toutefois au Conseil suprême de formuler la politique générale de la fédération. L’organe législatif est le Conseil national fédéral, une assemblée monocamérale composée de 40 membres. La Constitution précise qu’Abou Dhabi et Dubaï ont huit sièges chacun, que Sharjah et Ra’s alKhaïmah en ont six, et qu’Ajman, Al Fujaïrah et Umm al-Qaïwain en ont quatre (article 68). Ce sont les gouverneurs des émirats constituants qui nomment le nombre de membres autorisés dans leur territoire pour des mandats d’une durée de deux ans (renouvelables) (article 72). La procédure de nomination est laissée à la discrétion de chaque gouverneur (article 69). Le Conseil national fédéral est un

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organisme consultatif seulement, le pouvoir législatif étant entre les mains du Conseil suprême et du Conseil des ministres. L’article 89 de la Constitution stipule que le Conseil des ministres présente les projets de loi fédéraux devant le Conseil national fédéral – y compris les projets d’ordre financier. Toutefois, les amendements proposés par le Conseil national fédéral ne peuvent être considérés par le Conseil des ministres avant leur présentation auprès du Conseil suprême (article 92). Si le président ou le Conseil suprême ne juge pas acceptables les amendements proposés par le Conseil national fédéral, le président peut promulguer n’importe quelle loi après sa ratification par le Conseil suprême (article 110). Le fédéralisme est presque invariablement associé à un mode de gouvernement démocratique. Dans les Émirats arabes unis, toutefois, à part l’élection du président et du vice-président par les gouverneurs des émirats, il n’y a pas d’élections. Il n’existe pas non plus de partis politiques. Les hommes peuvent communiquer avec les dirigeants de leur émirat par l’entremise des majlis ou conseils, qui représentent une tradition de longue date et à la tête desquels se trouvent les familles dirigeantes. Les femmes ne participent pas directement aux institutions politiques fédérales; le cheikh Zayed a tout de même nommé huit femmes à des postes diplomatiques à l’étranger en juillet 2003. Les compétences se répartissent comme suit entre le gouvernement fédéral et les émirats. Les articles 120 et 121 précisent les domaines qui relèvent du gouvernement fédéral. Les domaines de compétence fédérale mentionnés à l’article 120 sont les affaires étrangères, la défense et les questions de sécurité, les services postaux et téléphoniques et les autres services de communication, le contrôle de la circulation aérienne et les permis d’aviation, l’éducation, la santé publique et la monnaie. Les relations de travail et la sécurité sociale, la délimitation des eaux territoriales, l’extradition des criminels, le système bancaire et, enfin, l’impression et la publication font partie des domaines énumérés à l’article 121. Selon les articles 138 et 146, la formation de forces armées unifiées et la déclaration du droit matrimonial font aussi partie du champ de compétence de la fédération. En dépit de l’éventail apparemment vaste des compétences fédérales, la Constitution crée, dans la pratique, une fédération peu contraignante. Même si la Constitution précise que «l’Union doit exercer sa souveraineté dans les questions qui lui sont assignées conformément à cette Constitution dans tous les territoires et sur toutes les eaux territoriales se situant à l’intérieur des frontières internationales des émirats membres» (article 2), elle souligne aussi le fait que les émirats membres «exercent leur souveraineté dans leur propre territoire et sur leurs eaux territoriales pour toute question qui ne relève pas du

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domaine de compétence de l’Union» (article 3). Ainsi, les émirats membres détiennent des compétences résiduelles (articles 116 et 122). Le fait peut-être le plus manifeste est que les «ressources naturelles et la richesse» de chaque émirat sont considérées comme la propriété publique de l’émirat plutôt que celle de la fédération (article 23). Chaque émirat peut aussi promulguer des lois dans des domaines de compétence alloués à la fédération à l’article 121 (article 149). Comme au niveau fédéral de gouvernement, Abou Dhabi, Dubaï et Sharjah possèdent maintenant des conseils exécutifs et des conseils consultatifs. À Sharjah, des femmes ont participé au conseil consultatif depuis sa création en 2001, ce qui représente une première aux Émirats arabes unis. Par ailleurs, certains émirats possèdent une ou plusieurs institutions municipales. La création d’institutions gouvernementales locales a ébranlé l’équilibre de la fédération. Les administrations locales varient sur le plan de la taille, de la structure et du degré d’autonomie dont elles jouissent par rapport aux institutions centrales suivant un certain nombre de facteurs dont la population et le niveau de développement économique et social de chaque émirat. Il n’existait pas de régimes gouvernementaux locaux bien développés en 1971 lorsque les dispositions constitutionnelles ont été adoptées, ce qui signifie que les rapports entre les institutions fédérales et les administrations locales ont évolué et pris différentes formes selon la capacité des institutions de l’administration locale. Dans certains cas, des dispositions intégrées ont été prises, certains émirats fusionnant en partie leurs ministères avec ceux de leurs homologues fédéraux. Toutefois, en dépit de ces dispositions, à titre de membre du Conseil suprême, le gouverneur de chaque émirat a un rôle important à jouer dans la détermination de la nature et de l’étendue des activités de l’administration locale. La Constitution ne précise pas clairement la nature des dispositions financières au sein de la fédération ni quelle proportion de ses fonds chaque émirat doit consacrer au soutien du budget fédéral. Il est certain que, comme ils conservent leurs «ressources naturelles et leur richesse», les émirats doivent contribuer au budget fédéral. L’article 127 établit que les émirats membres «doivent mettre de côté une proportion prédéterminée de leurs recettes annuelles en vue de couvrir les dépenses budgétaires générales annuelles de l’Union». Ainsi est-il possible de mettre en œuvre les lois fédérales grâce aux fonds fournis par chacun des émirats. Abou Dhabi, le plus riche des émirats, dont le gouverneur a toujours été en faveur d’une fédération davantage intégrée, a de tout temps beaucoup contribué aux ressources financières de l’Union. Le système judiciaire fédéral est composé de la Cour suprême et des tribunaux de première instance (article 95). Même s’il existe également

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des compétences judiciaires locales, dans la plupart des émirats, celles-ci ont été transférées au régime fédéral. La plupart des causes criminelles sont maintenant portées devant les tribunaux de la charia (tribunaux judiciaires islamiques). La Constitution désigne la Cour suprême, dont les cinq membres sont nommés par le président (article 96), comme l’organe responsable du règlement des conflits constitutionnels. À la demande d’une des parties intéressées, la Cour suprême statue sur les litiges entre les émirats membres ou entre un ou plusieurs émirats et le gouvernement fédéral (article 99). En raison de l’ambiguïté de la Constitution, l’interprétation du partage des compétences peut s’avérer souple. Toutes les parties sont liées à toutes les interprétations ou décisions (article 101). La procédure à suivre pour modifier la Constitution est la même que celle qui permet d’approuver des lois (article 144.2b) au sens où le Conseil des ministres prépare une loi et la présente au Conseil national fédéral, après quoi le Conseil suprême peut la ratifier et accepter ou rejeter toute suggestion faite par le Conseil des ministres ou par le Conseil national fédéral. La Constitution stipule que l’approbation du Conseil national fédéral, en ce qui concerne les projets de modification constitutionnelle, «exige l’accord d’une majorité des deux tiers des voix des membres présents» (article 144.2c). Toutefois, les décisions substantielles exigent le consentement des dirigeants d’Abou Dhabi et de Dubaï, qui, au cours de l’histoire, ont défendu un point de vue opposé sur la question de la centralisation des compétences au sein de la fédération, ce qui rend difficile tout changement constitutionnel important. La Constitution est demeurée transitoire jusqu’en 1996, en grande partie à cause des vues divergentes des «unionistes» et des «fédéralistes». La Constitution des Émirats arabes unis renferme un certain nombre de dispositions spéciales. En dépit de rivalités tribales de longue date, le patrimoine tribal et musulman arabe commun aux émirats favorise, croit-on, la cohésion. Ces caractéristiques sont mises en relief dans plusieurs articles de la Constitution. Le premier article précise que «tout autre pays arabe indépendant peut se joindre à l’Union, pourvu que le Conseil suprême y consente à l’unanimité». Selon l’article 6, «l’Union doit faire partie de la grande nation arabe», caractérisée par les «liens de la religion, de la langue, de l’histoire et d’une destinée commune» et, selon l’article 7, «l’Islam est la religion officielle de l’Union» et «la charia islamique doit être une source principale de la législation au sein de l’Union». La Constitution renferme une section intitulée «Bases sociales et économiques fondamentales de l’Union», dans laquelle il est déclaré que la collectivité doit être fondée sur «l’égalité, la justice sociale [...]

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et l’égalité des chances pour tous les citoyens» (article 14), et que «l’éducation doit être le moteur premier du développement social [...] obligatoire à son étape primaire et gratuit au cours de toutes les étapes au sein de l’Union» (article 17). On déclare aussi dans cette section que «la protection médicale [...] est garantie par la société à tous les citoyens» (article 19). Ces dispositions considèrent le fait que, même au moment de la formation des Émirats arabes unis, les émirats n’étaient pas tous au même point sur le plan du potentiel et du développement économique. On attribue en particulier le renforcement du régime fédéral à l’engagement d’Abou Dhabi à partager ses ressources financières entre les émirats.

3

dy na m i qu e p o l i t i qu e r é c e n t e

Même si les Émirats arabes unis forment une fédération décentralisée dans la pratique, cette décentralisation n’a pas nui au pays, qui a joui d’un degré de stabilité impressionnant au cours d’un peu plus de 30 années d’indépendance. Les têtes dirigeantes au fédéral ont très peu changé depuis l’indépendance. Le président actuel, le cheikh Zayed, d’Abou Dhabi, a été élu premier président du pays en 1971 et a été réélu tous les cinq ans depuis (les dernières élections présidentielles et vice-présidentielles ont eu lieu en décembre 2001), et le dernier grand remaniement du Cabinet a été fait en 1997. Le cheikh Maktoum ben Rashed al-Maktoum, gouverneur de Dubaï, est actuellement vice-président et premier ministre, deux postes qu’il occupe depuis 1990. Son père, le cheikh Rashed ben Saïd al-Maktoum, de Dubaï, avait été élu par les membres du Conseil suprême au poste de premier vice-président, un poste qu’il a occupé jusqu’à sa mort en 1990. (Le dirigeant de Dubaï est devenu premier ministre pour la première fois en 1979, marquant ainsi son appui à la fédération.) On estime que le président et le vice-président actuels ont l’appui unanime des autres membres du Conseil suprême. La richesse du pays est la clé de la force du régime fédéral. Comme cette richesse n’est pas distribuée également, tel qu’il a été fait mention dans la première section, il est important qu’Abou Dhabi en particulier continue à faire preuve d’engagement envers le régime fédéral et à contribuer très largement aux finances fédérales. Comme les prix demeurent élevés au sein de l’industrie pétrolière, la richesse du pays n’est pas en péril. Selon la Banque industrielle des Émirats arabes unis, le PIB des Émirats arabes unis a augmenté de 14 pour cent en 2000, en grande partie à la suite de l’augmentation du prix du pétrole. Cette augmentation découle de la réduction de la production votée par les États membres de l’Organisation des pays exportateurs de

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pétrole (l’OPEP, dont font partie les Émirats arabes unis) en 1998 et en 1999. Avant ces augmentations, le gouvernement fédéral s’était engagé financièrement à développer davantage l’infrastructure et à créer des emplois, et avait songé à demander au secteur privé de participer à la prestation des services publics. Toutefois, au cours des deux années suivantes, le prix du pétrole a subi une baisse. Par conséquent, selon le Gulf News, le déficit du pays a connu une véritable explosion, passant de 2,6 milliards de dollars américains en 2000 à 7,3 milliards de dollars en 2001 et à 7,95 milliards de dollars en 2002. Ainsi, en dépit de l’instabilité du prix du pétrole en 2003 et d’un déficit anticipé, les dispositions fédérales mises en place dans les Émirats arabes unis n’ont pas été mises à l’épreuve, comme ce fut le cas dans d’autres fédérations, par les tensions inhérentes aux coupures budgétaires et aux réductions des dépenses gouvernementales. La mise en place d’une infrastructure gouvernementale locale semble progresser dans les différents émirats. Outre les développements qu’a connus Sharjah, notons l’établissement du conseil exécutif de Dubaï, en février 2003, et l’intérêt démontré par le nouveau gouverneur de Ra’s al-Khaïmah, qui a l’intention d’emboîter le pas et de créer un conseil exécutif et un conseil consultatif. En outre, les Émirats arabes unis ont accueilli en 2000 deux importantes conférences internationales, qui ont porté sur les problèmes propres aux villes, le rôle des villes dans les économies régionales en contexte de mondialisation, la gestion urbaine et la décentralisation. Les Émirats arabes unis et les autres membres du Conseil de coopération pour les États arabes du Golfe (CCG) – l’Arabie saoudite, le Koweït, Oman, le Qatar et Bahreïn – ont fait des efforts considérables pour créer un bloc commercial. Comme la politique étrangère relève principalement de la compétence fédérale, toute entente du genre risque d’ébranler à l’avenir l’équilibre du pouvoir entre les institutions gouvernantes centrales et locales au sein des Émirats arabes unis. En décembre 2001, les dirigeants des six États membres ont conclu une nouvelle entente économique. Ils ont également entrepris l’élaboration de mesures pour la mise en place d’une union monétaire, prévue pour janvier 2010, et se sont entendus pour établir un Conseil suprême de défense, chargé de la mise en œuvre du pacte de défense mutuelle (signé l’année précédente) appelant au partage des ressources militaires. Lors de la rencontre du CCG de décembre 2000, les six États membres ont approuvé des mesures permettant aux citoyens de ces six États d’étendre leurs activités économiques et la pratique de leur profession à l’ensemble du territoire du CCG (il existe quelques exceptions). Comme les questions de défense, de sécurité et de monnaie relèvent également de la compétence fédérale,

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il sera intéressant d’observer l’impact de ces changements sur l’équilibre des dispositions politiques du pays. Il est difficile de savoir si les activités des États-Unis visant à soutenir les efforts de démocratisation au Moyen-Orient ont contribué au mouvement de création de conseils consultatifs dans les différents émirats, ou encore, si l’invasion de l’Irak par les États-Unis a influencé la balance des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les émirats. Il est cependant évident que la motivation à la base de la politique étrangère des Émirats arabes unis repose autant sur la perception de l’appartenance du pays à la communauté arabe qu’à la communauté internationale. La politique étrangère des Émirats arabes unis s’intéresse donc particulièrement au sort des populations arabes, ce qui se traduit par des appels répétés à des solutions non violentes et diplomatiques pour régler les conflits. Par conséquent, la position des Émirats arabes unis n’est pas toujours réglée sur les États-Unis. Par exemple, les Émirats arabes unis ont généreusement soutenu les efforts d’aide humanitaire dans la région (y compris aux communautés palestiniennes), et en octobre 2000, ils ont été le premier État arabe à faire parvenir de l’aide humanitaire en Irak, défiant ainsi les sanctions imposées par l’ONU. Les Émirats arabes unis ont toujours fait appel à la communauté internationale afin de protéger la population palestinienne des attaques israéliennes et n’ont pas officiellement soutenu l’attaque de l’Irak par les Américains. Afin d’éviter le recours à la violence en Irak, les Émirats arabes unis avaient proposé, lors du Sommet de la Ligue arabe de mars 2003, que Saddam Hussein abandonne le pouvoir et laisse la Ligue arabe assumer temporairement la responsabilité du pays. Malgré certaines de leurs actions, les Émirats arabes unis sont tout de même considérés comme un État coopérant entièrement avec les États-Unis : ils ont coupé tous les ponts avec les Talibans en Afghanistan, ils ont enquêté sur des transactions financières réalisées sur leur territoire et des organisations soupçonnées d’avoir soutenu des activités terroristes à l’échelle mondiale, ils ont applaudi à la capture de Saddam Hussein et ont apporté leur aide à la reconstruction de l’Irak et de l’Afghanistan. Toutefois, les dirigeants des Émirats arabes unis ont maintes fois relié le «terrorisme international» au «terrorisme israélien» et ils saisissent toutes les occasions de soulever ces deux questions de pair lors de rencontres avec des dignitaires américains, britanniques et avec d’autres dignitaires étrangers. Les Émirats arabes unis se demandent comment la fédération va évoluer lorsque le cheikh Zayed, maintenant âgé de plus de 80 ans, ne sera plus président. Ses méthodes résolument pragmatiques pour préserver le délicat équilibre entre les manières de gouverner traditionnelles et modernes et pour résoudre les débats entre unionistes et fédéralistes

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ont représenté une source de stabilité pour le pays. Sa présence prolongée sur la scène politique est remarquable. Certains observateurs ont laissé entendre qu’il est peu probable que le prochain dirigeant jouisse de la même popularité que Zayed – à la suite de l’intervention chirurgicale réussie que Zayed a subie en Suisse en juillet 2003, des milliers de personnes se sont réunies à Abou Dhabi pendant une dizaine d’heures pour célébrer le rétablissement du dirigeant. C’est dire que son successeur aura à relever nombre de nouveaux défis; et il se pourrait que, pour ces tâches, des institutions centrales plus fortes lui soient d’un précieux secours. L’expérience des Émirats arabes unis, qui ont formé un État providence moderne au cours des 30 dernières années, montre que le pays peut intégrer avec succès des changements radicaux et de nouvelles institutions gouvernementales.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Ghareeb, Edmund et Ibrahim Al Abed (dir.), Perspectives on the United Arab Emirates, Londres, Trident Press, 1997. Peck, Malcolm C., The United Arab Emirates : A Venture into Unity, Boulder, Colorado, Westview Press, 1986. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Bureau régional des États arabes, Programme sur la gouvernance dans la région arabe. Sur Internet : http ://www.pogar.org «United Arab Emirates», Europa World Year Book 2000, vol. 2, Londres, Europa Publications Ltd., 2000. United States Central Intelligence Agency, The World Factbook 2000, «United Arab Emirates», sur Internet : http ://www.odci.gov/cia/ publications/factbook/geos/ae.html http ://www.uae.gov.ae, gouvernement fédéral http ://www.emirates.org, renseignements généraux http ://www.uae.org.ae, renseignements généraux sur la géographie, l’économie, etc. http ://www.uaeinteract.com, ministère de l’Information et de la Culture http ://www.gulfnews.com, quotidien des Émirats arabes unis http ://www.khaleejtimes.com, quotidien des Émirats arabes unis http ://www.imarabe.org/perm/mondearabe/index.html, renseignements politiques et culturels http ://r0.unctad.org/infocomm/francais/petrole/ecopol.htm, renseignements sur l’économie politique du pétrole

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200 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Abou Dhabi

Nombre et type d’unités constituantes

7 émirats : Abou Dhabi, Ajman, Al Fujaïrah, Ash Shariqah (Sharjah), Dubaï, Ra’s al-Khaïmah, Umm al-Qaïwain

Langue(s) officielle(s)

Arabe

Superficie

83 600 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Abou Dhabi – 77 700 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Ajman – 250 km2

Population totale

3 049 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Abou Dhabi 41 %, Dubaï 26 %, Ash Shariqah (Sharjah) 17 %, Ra’s al-Khaïmah 7,2 %, Ajman 4 %, Al Fujaïrah 3,4 %, Umm al-Qaïwain 1,8 %

Régime politique – fédéral

Fédération, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Président : Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyan, gouverneur d’Abou Dhabi. Élu pour un mandat d’une durée de 5 ans par le Conseil suprême des gouverneurs. N.B. Le Conseil suprême des gouverneurs est l’autorité fédérale suprême, et comprend les émirs des 7 émirats. Abou Dhabi et Dubaï ont un droit de veto au sein du Conseil suprême.

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Cheikh Maktoum ben Rashed alMaktoum, de Dubaï (1990). Le président choisit, en consultation avec le Conseil suprême, le premier ministre qui dirige le Conseil des ministres, dont les membres sont également nommés par le président.

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Parlement : Conseil national fédéral (Majlis Watani Ittihad), 40 sièges. Les membres sont nommés par les émirs pour un mandat d’une durée de 2 ans. Le choix du processus de nomination est laissé aux émirs. Les membres représentent les émirats. En vertu de la Constitution, le Conseil national fédéral est un organisme consultatif. C’est le Conseil suprême et le Conseil des ministres qui détiennent les compétences législatives. N.B. Aucun parti politique n’est admis.

Répartition de la représentation à la Chambre haute du gouvernement fédéral

40 sièges : Abou Dhabi et Dubaï – 8 sièges chacun; Ash Shariqah (Sharjah) et Ra’s al-Khaïmah – 6 sièges chacun; Ajman, Al Fujaïrah et Umm al-Qaïwain – 4 sièges chacun.

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201 Émirats arabes unis Tableau I (suite) Partage des compétences

Le gouvernement fédéral détient les compétences exclusives en matière d’affaires étrangères, de défense et de forces armées fédérales, d’éducation et de santé, de finances et impôts, douanes et emprunts fédéraux, de services postaux et téléphoniques et autres services de communication, de sécurité sociale, de contrôle de la circulation aérienne, de devises et d’immigration. Les émirats jouissent de pleins pouvoirs sur leur territoire, en matière d’ordre public, de prestation de services publics, d’élaboration de normes économiques et sociales, d’application des règlements locaux, et de manière importante, de richesses naturelles.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des émirats membres.

Tribunal constitutionnel (le tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême, formée de 5 juges. Nommés par le président du Conseil suprême des gouverneurs.

Régime politique – unités constituantes

Les émirats sont dirigés par un émir (une fonction héréditaire) qui peut avoir à ses côtés un conseil consultatif nommé, souvent composé de membres et d’amis de la famille. N.B. Abou Dhabi, Dubaï et Ash Shariqah (Sharjah) possèdent maintenant des conseils exécutifs et des conseils consultatifs.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Émir

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202 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

76,2 millards de $ US (est. 2003)

PIB par habitant

19 048 $ US (est. 2003)

Dette nationale extérieure

12,6 milliards de $ US (est. 2000)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

2,6 % N.B. Il est difficile d’obtenir des données statistiques précises, car la main-d’œuvre comprend une majorité d’étrangers, lesquels ne font l’objet d’aucune compilation statistique.

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Umm al-Qaïwain – 5,8 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Abou Dhabi – 1,4 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

76,7 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

1,9 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

74,4 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

1,4 milliard de $ US (prélim. 2001)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

1,5 milliard de $ US (prélim. 2001)2

Transferts fédéraux aux unités constituantes

4,3 milliards de $ US (prélim. 2001)

Mécanismes de péréquation

Aucun

Sources Australie (Gouvernement de l’), ministère des Affaires étrangères et du Commerce, «Fact Sheet : United Arab Emirates», sur Internet : http ://www.dfat.gov.au/geo/fs/ uaem.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Canada (Gouvernement du), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. «Coup d’œil sur les Émirats arabes unis», sur Internet : http :// www.dfait-maeci.gc.ca/middle_east/united_arab_emirates_background-fr.asp Elections around the World, «Elections in the United Arab Emirates», 2003, sur Internet : http ://www.electionworld.org/election/unitedarabemirates.htm Émirats arabes unis (Gouvernement des), sur Internet : http ://www.uae.gov.ae/

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Espagne (Royaume d’Espagne ) SIOBHÁN HARTY*

1 histoire et évolution du fédéralisme Le Royaume d’Espagne (504 750 kilomètres carrés) est situé dans le sud-ouest du continent européen et occupe une grande partie de la péninsule ibérique. En 2003, on y dénombrait un peu plus de 40 millions d’habitants. Sa configuration actuelle remonte à 1492, année au cours de laquelle s’effondrait le dernier royaume musulman, à Grenade. Pendant la période de la Reconquista, soit de 711 à 1492, le contrôle du territoire a maintes fois opposé les forces chrétiennes et islamiques. L’Espagne comprenait alors un ensemble de royaumes dont les deux plus puissants, la Castille et l’Aragon, ont été unis en 1469 lors du mariage de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’Espagne englobait plusieurs royaumes de la péninsule ibérique. Chacun était considéré comme une entité distincte dotée de lois et coutumes propres. La monarchie espagnole reposait sur une fragile union dynastique qui ne favorisait guère la formation d’une identité nationale cohérente. De fait, les répercussions d’une telle fragilité se font encore sentir. Au XVIIIe siècle, la

* L’auteure et le Forum des fédérations tiennent à remercier Ferran Requejo, professeur de science politique à l’Université Pompeu Fabra, de Barcelone, de ses observations utiles sur l’article paru dans l’édition de 2002.

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nouvelle monarchie des Bourbons tentait de centraliser les pouvoirs de l’État en s’inspirant du modèle français, d’où la suppression des institutions catalanes au lendemain de la guerre de Succession d’Espagne (1701–1713). Au XIXe siècle, divers événements politiques et militaires, notamment l’invasion napoléonienne, les guerres civiles et la perte des dernières colonies espagnoles, empêchaient la Couronne d’Espagne de créer un véritable État-nation et d’éliminer la menace que représentaient les nationalités rivales dans les régions périphériques. Il en résultait un État faible qui devait souvent faire appel aux forces militaires pour rétablir l’ordre. À ces difficultés se rajoutait une concentration particulière de l’industrialisation en Catalogne et, plus tard, dans le Pays basque, concentration qui apportait richesse et prospérité à ces régions alors que la Castille maintenait une vocation surtout agricole. L’inaptitude de l’État à moderniser ses institutions politiques et économiques se heurtait également aux rivalités entre visions divergentes de l’identité nationale et du rôle de l’État, en particulier le centralisme de l’État (qui n’empêchait pas une certaine décentralisation politique ou économique) et l’unitarisme (qui considérait l’État territorial et la nation espagnole comme une et indivisible). Entre autres solutions envisagées pour résoudre les problèmes découlant de la création d’une nation et d’un État en Espagne, on aurait pu faire appel au fédéralisme. De fait, au fil des siècles précédents, le fédéralisme s’était avéré un ferment démocratique au sein du pays, de sorte que de nombreux républicains en avaient fait un élément de leur projet politique. Mais l’échec du républicanisme au XIXe siècle et au début du XXe siècle a aussi sonné le glas du fédéralisme. Il y a eu tout d’abord l’expérience radicale de la République fédérale de 1873–1874 – dite première République – où on tenta d’instituer un fédéralisme abajoarriba (du bas vers le haut). Toutefois, les forces de l’opposition empêchèrent les chefs républicains de mettre en place une structure territoriale fédérale et d’instaurer un partage des compétences. Sous la deuxième République (1931–1939), il n’y a jamais eu d’engagement clair en faveur d’une fédération, bien que l’«Estado integral» ait pu comporter certains rapprochements en ce sens, comme l’accent mis sur les régions. Au cours de cette période, Madrid était sous le contrôle des républicains centralistes, tandis que les républicains fédéralistes mettaient en œuvre le principe d’autonomie dans les régions grâce aux statuts d’autonomie (Estatutos de Autonomía). La Catalogne donna l’exemple en s’appuyant sur un statut adopté par le Parlement espagnol en 1932. Le statut d’autonomie suscita une controverse politique menant au déclenchement de la guerre civile (1936–1939), qui a pris fin avec la victoire du général Francisco Franco.

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La guerre civile résulte, en partie, de la destruction de l’autonomie régionale et du rétablissement de l’unité espagnole. Sous la dictature de Franco (1939–1975), le régime réprima sévèrement toute manifestation de nationalisme et de culture régionale dans le Pays basque, la Catalogne et la Galice. Vers la fin de la dictature, les nations minoritaires ont commencé à militer en faveur du rétablissement du principe d’autonomie. Après la mort de Franco (1975), toutefois, la question de l’autonomie et la notion de fédéralisme sont apparues comme de sérieux obstacles à une transition pacifique vers la démocratie. Cela dit, l’engagement des élites politiques espagnoles (notamment du roi Juan Carlos Ier) à mettre fin à la discrimination contre les nations minoritaires allait tracer la voie à des innovations constitutionnelles.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e L’Espagne est une monarchie parlementaire dont le chef d’État est le roi Juan Carlos Ier. La Constitution du Royaume d’Espagne a été adoptée par les Cortès générales le 31 octobre 1978, et ratifiée par le peuple espagnol lors du référendum du 7 décembre 1978. Bien qu’on y trouve plusieurs des attributs institutionnels de type fédéral, l’Espagne n’est pas, à proprement parler, une fédération : contrairement à la plupart des régimes fédéraux, elle n’est pas composée «d’unités constituantes», et rien dans son appellation n’indique qu’il s’agit d’une entité fédérale. La nature exacte de la relation constitutionnelle entre Madrid et les régions a fait l’objet de nombreux débats, surtout au sein de nationalités comme la Catalogne, le Pays basque et la Galice, dont le passé est distinct de celui du reste de l’Espagne. Ces débats s’expliquent par le caractère ambigu de l’article 2 de la Constitution, selon lequel «la Constitution repose sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols; elle reconnaît et garantit les droits à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent, et la solidarité entre elles». Bien que cet article porte à croire qu’il n’existe qu’une seule nation constituante (espagnole), certaines dispositions constitutionnelles ont une coloration fédéraliste. Ainsi, selon l’article 137, «l’État est organisé territorialement en municipalités, en provinces et, là où cela paraît souhaitable, en communautés autonomes. Tous ces organismes jouissent de l’autonomie requise pour gérer leurs intérêts respectifs». L’autonomie est un droit dont on est libre de se prévaloir, et la Constitution précise comment ce droit peut s’exercer. Puisqu’une région peut acquérir

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son autonomie selon trois méthodes différentes1, certains estiment que l’Espagne affiche une forme de fédéralisme asymétrique. La première méthode d’accession à l’autonomie relève de la disposition transitoire no 2, laquelle a permis au Pays basque, à la Catalogne et à la Galice, considérés comme des «territoires ayant dans le passé approuvé, par voie de plébiscite, des projets de statut d’autonomie, et possédant des régimes autonomes provisoires lors de la promulgation de la présente Constitution», d’exercer leur autonomie immédiatement après l’adoption de la Constitution. (Les statuts du Pays basque et de la Catalogne sont entrés en vigueur en 1979, celui de la Galice en 1981.) Au terme de cette procédure, dite «voie rapide» vers l’autonomie, les trois communautés ont été reconnues en tant que nations historiques. La deuxième méthode est prévue par l’article 143, qui stipule que «les provinces frontalières ayant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes, de même que les territoires insulaires et les provinces ayant historiquement un statut régional, peuvent accéder à l’autonomie et se constituer en communautés autonomes». Généralement considéré comme la «voie lente» vers l’autonomie, l’article 143 comporte plusieurs étapes complexes qui visent à garantir que la population appuie le principe d’autonomie avant que la communauté n’exerce les compétences figurant à l’article 148. Il prévoit cependant une forme limitée d’autonomie, car une période de cinq ans doit s’écouler avant que la communauté nouvellement établie ne puisse exercer toute la gamme des compétences prévues en vertu de l’article 149. La troisième méthode, décrite à l’article 151 (la «voie exceptionnelle»), permet aux communautés sans passé historique d’accéder à l’autonomie en évitant la période d’attente de cinq ans grâce à un système d’initiatives et de référendums. Cette méthode est encore plus complexe que celle décrite à l’article 143 puisqu’elle exige la tenue de plus d’un référendum. L’Andalousie est la seule communauté à avoir pu accéder à l’autonomie grâce à cette méthode. Le gouvernement central de l’Espagne possède une structure bicamérale. Les Cortès générales comprennent le Congrès des députés

1 Les villes de Ceuta et de Melilla, en Afrique du Nord, sont devenues des communautés autonomes en 1995 en vertu de la disposition transitoire no 5 de la Constitution, laquelle stipule : «Les villes de Ceuta et de Melilla peuvent s’établir comme communautés autonomes si leurs conseils municipaux respectifs en décident ainsi en vertu d’une résolution adoptée par une majorité absolue de leurs membres et si les Cortès générales donnent leur autorisation dans le cadre d’une loi organique au libellé de l’article 144.»

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(Congreso de los Diputados), qui est l’organe législatif, et le Sénat, qui est la Chambre haute. L’article 64 de la Constitution précise que le Sénat est la chambre de représentation territoriale des communautés autonomes. Toutefois, presque tous les sénateurs sont élus par les électeurs des provinces2 – seule une minorité d’entre eux est élue par les membres des assemblées régionales des communautés autonomes. En 1994, un groupe de travail composé de représentants de divers partis a été créé au Sénat pour étudier la possibilité de modifier la Constitution en vue de faire de la Chambre haute une chambre des régions. Malgré l’appui dont jouit cette modification, elle tarde à être adoptée. L’Espagne compte 19 communautés autonomes (deux d’entre elles, Ceuta et Melilla, sont situées sur la côte nord du Maroc), chacune possédant un statut d’autonomie approuvé par les Cortès espagnoles. L’autonomie de chaque communauté est donc, en dernière analyse, tributaire de la volonté du Parlement. C’est dans le statut d’autonomie qu’est fixé le partage constitutionnel des compétences, lesquelles sont énumérées aux articles 148, 149 et 150. L’article 148 porte sur les compétences exclusives des communautés autonomes, qui comprennent : les questions afférentes aux institutions jouissant d’une autonomie politique; l’aménagement du territoire et l’habitation; la promotion du développement économique des communautés autonomes dans le respect des objectifs fixés par la politique économique nationale; les musées, les bibliothèques et les conservatoires de musique qui présentent un intérêt particulier pour une communauté; la diffusion de la culture et de la recherche et, le cas échéant, l’enseignement de la langue d’une communauté autonome; la promotion et la planification du tourisme sur le territoire d’une communauté; l’aide sociale; ainsi que la santé et l’hygiène. L’article 149 énumère les compétences exclusives de l’État espagnol, y compris les suivantes : la nationalité, l’immigration, l’émigration, la situation des étrangers et le droit d’asile; les relations internationales; les tarifs douaniers et les douanes; le commerce extérieur, la défense et les forces armées, l’administration de la justice; le droit civil et les lois sur la propriété intellectuelle; la fiscalité; la promotion de la recherche scientifique, la sécurité publique et la diffusion de la culture espagnole.

2 Tel que susmentionné, l’Espagne est divisée en municipalités et en provinces, ainsi qu’en communautés autonomes. Les provinces sont des unités territoriales créées au XIXe siècle. Dans le passé, chaque province était gouvernée par une diputación, une délégation de Madrid, et certains de ces organismes existent encore aujourd’hui. Les communautés autonomes revêtent une grande importance à titre d’éléments modernes de type fédéral du pays.

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Grâce à deux mécanismes prévus à l’article 150, plusieurs communautés autonomes ont conclu des ententes concernant le transfert de compétences exclusives du gouvernement central. Le premier mécanisme est la délégation de compétences et le transfert des ressources financières afférentes. Cette délégation ne suppose aucunement un abandon de souveraineté de la part du gouvernement central. Quant au second mécanisme, il a permis aux communautés autonomes ayant recours à «la voie rapide» d’acquérir des compétences exclusives de l’État central (la justice, les questions fiscales, la sécurité publique et les affaires internationales). En ce qui concerne le partage des compétences, une importante disposition constitutionnelle mérite une attention particulière. Il s’agit de la disposition supplémentaire no 1, qui a pour objet de protéger et de faire respecter les droits historiques des territoires jouissant de «fueros» – des privilèges historiques conférés à diverses régions de l’Espagne. Presque tous ces privilèges ont été supprimés aux XVIIIe et XIXe siècles, bien que le Pays basque et la Navarre en aient conservé quelques-uns. Les fueros ne sont pas de simples compétences résiduelles aujourd’hui dénuées de toute valeur. La disposition supplémentaire no 1 stipule clairement qu’elles peuvent être renouvelées dans le cadre des statuts d’autonomie. Les fueros sont d’ailleurs au cœur des débats actuels visant à renforcer le fédéralisme en Espagne. Plusieurs articles de la Constitution espagnole traitent du financement des activités des communautés autonomes. L’article 156 reconnaît le droit des communautés autonomes à l’autonomie financière. L’article 157 stipule que «les ressources des communautés autonomes comprennent : a) les impôts que l’État leur a confiés en partie ou en totalité; les surtaxes sur les taxes de l’État et les autres parts des recettes d’État; b) leurs propres impôts, droits et prélèvements spéciaux; c) les transferts provenant d’un fonds interrégional de compensation et certaines autres allocations relevant du budget général de l’État; d) les recettes provenant de leurs biens immobiliers et des revenus de droit privé; e) le rendement des opérations de crédit». En outre, l’article 158 précise que le budget général de l’État peut prévoir des allocations aux communautés autonomes dont la valeur est proportionnée au volume des services et des activités d’État qu’ils ont acceptés de prendre à leur charge. Les modalités des arrangements et des mécanismes financiers servant à financer les communautés autonomes ont été fixées en 1980 dans une loi organique sur le financement des communautés autonomes (Ley Orgánica de Financiación de las Comunidades Autónomas, LOFCA). Outre la loi, divers accords pluriannuels ont été négociés entre un organisme d’État créé aux termes de la loi et les assemblées

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régionales. Le financement est également assujetti au principe de solidarité entre les communautés, lequel vise à corriger les disparités régionales (articles 2, 138 et 156). Le Fonds de compensation interrégional (article 157.1) répartit les fonds entre les régions selon divers critères comme la densité de population, le revenu relatif, le taux de chômage, le niveau d’intégration, l’insularité et la dispersion de la population. L’article 133.1 précise que le prélèvement des impôts relève avant tout du gouvernement central quoique les communautés autonomes et les administrations locales puissent aussi se prévaloir de ce droit (article 133.2) lorsque l’État le leur délègue. Hormis le Pays basque et la Navarre, qui ont conservé des pouvoirs traditionnels de prélever des impôts en vertu de la disposition supplémentaire no 1, les communautés autonomes ne prélèvent pas d’impôts. Les taux de certains de ces impôts (impôt sur le revenu des particuliers, impôt sur les sociétés et taxe sur la valeur ajoutée, ou TVA) doivent être les mêmes que ceux fixés par l’État. En raison des problèmes constitutionnels que l’Espagne a connus au cours de son histoire, les auteurs de la Constitution actuelle ont tenu à créer des institutions et des procédures pour le règlement des différends. Ce rôle a été transféré, en particulier, au Tribunal constitutionnel (titre IX, articles 159 à 165). Selon l’article 159, le Tribunal est composé de 12 juges nommés par le roi pour une période de neuf ans. Les juges sont proposés par le Congrès (4), le Sénat (4), le gouvernement (2) et le Conseil général du pouvoir judiciaire (2). Le Tribunal exerce sa juridiction sur tout le territoire de l’Espagne et est autorisé à rendre des arrêts sur les appels concernant le caractère inconstitutionnel de lois ou de règlements, les appels concernant la protection contre la violation d’un droit ou d’une liberté, et les conflits de juridiction entre l’État et les communautés autonomes ou entre communautés autonomes (article 161). Le gouvernement espagnol peut s’adresser au Tribunal constitutionnel pour contester les règles et les dispositions réglementaires adoptées par les organismes des communautés autonomes (article 161.2). Ce droit peut, en principe, provoquer des divisions entre Madrid et les communautés autonomes car dès lors qu’une décision est prise de contester une disposition, celle-ci cesse de s’appliquer. Le Tribunal doit ratifier ou annuler la non-application de la loi dans les cinq mois qui suivent. Les procédures de modification constitutionnelle sont complexes et varient selon les parties de la Constitution visées. Le gouvernement, le Congrès et le Sénat peuvent proposer une modification (article 166), laquelle doit ensuite être approuvée par les trois cinquièmes des membres de chaque Chambre (article 167.1). Une fois que les chambres se

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sont prononcées en faveur de la modification, celle-ci fait l’objet d’un référendum si un dixième des membres de l’une ou l’autre des chambres en demande la tenue dans les 15 jours suivant son adoption (article 167.3). Toutefois, si le seuil des trois cinquièmes n’est pas atteint dans les deux chambres, une commission de députés et de sénateurs est créée pour procéder à une nouvelle rédaction du projet de loi. Celui-ci est à nouveau présenté aux deux chambres, lesquelles sont invitées à voter son adoption (article 167.2) Si le projet n’est pas ainsi adopté mais reçoit l’appui de la majorité simple des sénateurs, il peut être adopté par le Congrès aux deux tiers des voix (article 167.2)3. La procédure de modification est encore plus complexe dans les deux cas suivants : (1) un projet visant à réviser complètement la Constitution; et (2) une proposition partielle présentée en vue de modifier le titre préliminaire (articles 2 à 9), le titre I du paragraphe 1 du chapitre 2 (libertés et droits fondamentaux), ou le titre II (la Couronne). Dans ces cas, le principe de la modification doit d’abord être appuyé par les deux tiers des membres de chaque Chambre, après quoi il y a dissolution des Cortès et élections générales (article 168.1). Les membres des Cortès nouvellement élus doivent approuver la décision, procéder à un examen du nouveau texte constitutionnel et au moins deux tiers des membres des deux chambres doivent le ratifier (article 168.2). Enfin, la nouvelle Constitution doit être ratifiée par voie de référendum (article 168.3).

3

dy na m i qu e p o l i t i qu e r é c e n t e

En 2003, l’Espagne a célébré le 25e anniversaire de sa Constitution. Un sondage a permis d’établir que 54 pour cent des citoyens espagnols en sont «passablement» ou «très» satisfaits et que 49 pour cent croient qu’elle peut contribuer à régler certains des problèmes politiques auxquels se heurte actuellement l’Espagne. Il est clair qu’une culture constitutionnelle a pris racine en Espagne, malgré le fait que 88 pour cent des Espagnols admettent ne pas bien connaître leur Constitution4. Un peu plus de la moitié des Espagnols appuient

3 Il s’ensuit que le rôle des communautés autonomes au sein du processus de modification est plutôt limité. De fait, l’article 87.2 précise uniquement que «les assemblées des communautés autonomes peuvent demander au gouvernement d’adopter un projet de loi ou aiguiller un projet de loi non gouvernemental vers le comité directeur du Congrès, et confier à un maximum de trois membres de l’Assemblée la tâche de le défendre». 4 Centro de Investigaciones Sociológicas (CIS), Barometro de septiembre, Estudio no 2.535, septembre 2003, sur Internet : http ://www.cis.es/

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l’ordre constitutionnel en vigueur mais près du tiers des citoyens (32 pour cent) préférerait une constitution où les 17 communautés autonomes disposeraient de compétences plus importantes que celles dont elles disposent actuellement (24 pour cent) ou qui reconnaîtrait leur droit de devenir des États indépendants (8 pour cent). De fait, l’anniversaire de la Constitution a été l’occasion d’un débat public sur le pacte constitutionnel de 1978 et sur les possibilités de le réformer. Les chefs politiques du Pays basque, de la Catalogne et de Valence – un nouvel ajout au jeu des politiques nationalistes régionales – ont profité du 25e anniversaire de la Constitution pour promouvoir des changements. Il existe une dynamique importante en faveur du changement au sein des trois nations historiques (Pays basque, Catalogne et Galice), lesquelles ont maintes fois manifesté le désir de voir adopter une nouvelle interprétation de la Constitution qui reconnaîtrait le caractère plurinational de l’Espagne. Leurs efforts concertés ont abouti à la déclaration de Barcelone (16 juillet 1998), à l’accord de Gasteiz (15 septembre 1998) et à l’accord de Santiago (1er novembre 1998). La déclaration de Barcelone propose la tenue d’un débat public sur une nouvelle culture politique fondée sur le caractère plurinational de l’État espagnol. Pour ce qui est de l’accord de Gasteiz, ses signataires s’engagent à travailler au sein des Cortès espagnoles, ainsi que dans le cadre des institutions de l’Union européenne, en vue de promouvoir leurs objectifs et de sensibiliser l’opinion à la nécessité du plurinationalisme. Enfin, l’accord de Santiago critique ce qui est perçu comme des tendances centralisatrices et mononationalistes des institutions de l’État central, en particulier du Tribunal constitutionnel, lesquelles ne reconnaissent pas «les compétences exclusives des communautés autonomes». En plus des efforts de ces diverses régions pour promouvoir le plurinationalisme, les partis politiques basques, catalans et valenciens de toutes tendances cherchent à réformer leurs statuts d’autonomie. En Catalogne, trois partis politiques ont présenté des propositions en vue de faire adopter un nouveau statut d’autonomie avant les élections régionales du 16 novembre 2003. Il s’agit du Convergència i Unió (CiU), le parti au pouvoir, du Partit dels Socialistes de Catalunya (PSC) et de l’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC). Chacune des propositions est fondée sur deux hypothèses communes, à savoir que premièrement, le peuple catalan a le droit à l’autodétermination et peut donc prendre des décisions collectives concernant son avenir; et que, deuxièmement, la Constitution espagnole offre un cadre juridique en vertu duquel l’autonomie de la région peut être accrue. Aucun des partis ne propose de modifier la Constitution; on demande plutôt sa mise en œuvre intégrale pour accroître l’autonomie régionale.

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Les résultats des élections n’ont pas été concluants. Le journal catalan Avui signalait le 17 novembre 2003 que le CiU avait remporté 46 sièges (soit 10 de moins que les 56 qu’il avait obtenus en 1999). Un mois plus tard, le 17 décembre 2003, les manchettes de l’Avui avaient un ton très différent : Pasqual Maragall, le chef du PSC, avait été élu président de la Generalitat (l’institution qui incarne l’autonomie politique de la Catalogne) par les députés du Parlement catalan. Bien que le PSC n’ait obtenu que 42 sièges (soit 10 de moins qu’en 1999), il avait conclu un pacte gouvernemental tripartite avec deux autres partis de gauche : l’ERC (23 sièges, soit 11 de plus qu’en 1999) et la coalition de Iniciativa per Catalunya Vers et Esquerra Unida i Alternative (ICV-EUiA, 9 sièges, soit 6 de plus qu’en 1999). Les négociations postélectorales ont été longues et saisissantes, et les résultats ont complètement transformé la carte politique de la Catalogne. Reflet de son immense succès électoral, le chef de l’ERC, Josep-Lluis Carod-Rovira, deviendra le «conseller en cap» (premier ministre), et c’est à lui qu’incomberont certaines fonctions relevant antérieurement du président (comme les relations étrangères, la politique linguistique et l’immigration) et la responsabilité de coordonner toutes les fonctions législatives. Au Pays basque, le chef du gouvernement régional basque et du Partido Nacionalista Vasco (PNV), Juan José Ibarretxe, a rendu public en septembre 2003 un «Pacte politique de coexistence» proposant «un nouveau modèle politique de relations avec l’État espagnol fondé sur une association libre et compatible avec la création d’un État asymétrique, plurinational et mixte». Comme toutes les propositions catalanes, ce projet se fonde sur trois piliers : l’identité et l’histoire du peuple basque, son droit inhérent à décider de son avenir, et son droit de recourir à des consultations publiques en vue de se prononcer sur son avenir. À l’instar des propositions catalanes, le projet basque a pour objet une réinterprétation de la Constitution de manière à la mettre intégralement en œuvre et à accroître ainsi la marge d’autonomie de la communauté autonome basque. Les projets de réforme ne sont pas uniquement le fait des communautés traditionnellement nationalistes. À Valence, le Partit Socialista Del País Valencià (PSPV), un parti d’opposition, a récemment proposé une réforme du statut d’autonomie de la région qui aurait pour effet «d’accroître la marge d’autonomie de manière à consolider les droits historiques [de Valence] et l’identité de son peuple afin d’accroître la capacité de la région d’améliorer les conditions de vie des Valenciens». Enfin, le président socialiste de la Junta d’Andalucia, Manuel Chaves, a également proposé une réforme du statut d’autonomie de la communauté et sa démarche est appuyée par la plupart des partis politiques.

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Madrid a manifesté beaucoup de réticence à l’égard des demandes d’autonomie accrue et les a presque rejetées. L’interprétation de la Constitution espagnole à laquelle on adhère à Madrid est étroite et conservatrice, et envisage difficilement que la Constitution puisse être modifiée parce qu’elle témoigne d’un consensus de la société civile. Le premier ministre espagnol et chef du Parti populaire (Partido Popular), José Maria Aznar, a déclaré qu’«aucune modification de notre cadre constitutionnel ne peut être adoptée sans un appui semblable à celui qui lui a donné naissance5». Toute tentative des nations infraétatiques de l’Espagne visant à obtenir une plus grande marge d’autonomie doit donc laisser intacte la magna carta (expression populaire pour désigner la Constitution). Voulant sans doute appuyer la déclaration du premier ministre et laisser leur empreinte sur les débats actuels concernant la réforme constitutionnelle, les sept rédacteurs de la Constitution ont fait une déclaration, dite déclaration de Gredos, le 7 octobre 2003. Réunis à l’hôtel où ils ont élaboré un projet de constitution en 1978, ils ont semblé accepter le principe d’une réforme constitutionnelle dans le futur, mais ont tenu à souligner les modalités sous-jacentes à respecter. Ils ont déclaré que «toute réforme du texte constitutionnel que l’on pourrait envisager dans le futur doit être conforme aux règles du jeu établies par la Constitution et obtenir un assentiment égal ou supérieur à celui ayant présidé à son élaboration». Satisfaire à cette exigence ne serait pas très difficile. En 1978, le taux de participation au référendum a été plutôt faible puisque 33 pour cent des électeurs admissibles ne se sont même pas rendus au bureau de scrutin. Parmi tous les électeurs admissibles, 58 pour cent ont appuyé la Constitution (soit 88 pour cent de ceux qui ont exercé leur droit de vote) tandis que 8 pour cent l’ont rejetée. La Constitution a reçu un appui majoritaire en Catalogne et en Galice, mais seulement 35 pour cent des électeurs basques l’ont appuyée. L’abstentionnisme dans le Pays basque a été élevé et aucun des partis nationalistes basques n’a voulu y souscrire. Bien que l’Espagne ait profité de l’année 2003 pour célébrer sa Constitution, des indices portent à croire que certains chefs politiques entendent profiter du mûrissement de la démocratie espagnole pour lancer un débat public sur l’itinéraire que le pays devrait suivre au XXIe siècle. D’autres, toutefois, hésitent toujours à s’engager dans cette voie.

5 «Aznar encarrega al seu successor que mantingui la unitat consttitucional», Avui, ler juillet 2003, sur Internet : http ://www.avui.com

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4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Agranoff, Robert (dir.), Accommodating Diversity : Asymmetry in Federal States, Baden-Baden, Nomos, 1999. Agranoff, Robert et Juan Antonio Ramos Gallarín, «Toward Federal Democracy in Spain : An Examination of Intergovernmental Relations», Publius : The Journal of Federalism, vol. 27, no 4, 1997. Bonime-Blanc, Andrea, Spain’s Transition to Democracy : The Politics of Constitution-making, Boulder, Colorado, Westview Press, 1987. Centre de recherches sociologiques (Centro de Investigaciones Sociológicas, CIS), Barómetro de septiembre, étude no 2.535, septembre 2003, sur Internet : http ://www.cis.es/ Constitution de l’Espagne, sur Internet : http ://www.spainemb.org/ information/constitucionin.htm Convergència i Unió (CiU), «Bases per a un nou Estatut nacional de Catalunya», Barcelone, avril 2003, sur Internet : http ://www.convergencia.org/locals/img/general/nouestatut.pdf Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), «Constitució De L’estat Lliure De Catalunya», Barcelone, avril 2003, sur Internet : http :// www.esquerra.org/arxius/estatut03.pdf Gibbons, John, Spanish Politics Today, Manchester, Manchester University Press, 1999. Gillespie, Richard, Jonathan Story et Fernando Rodrigo, Democratic Spain, Londres et New York, Routledge, 1995. Keating, Michael, Plurinational Democracy : Stateless Nations in a PostSovereignty Era, Oxford, Oxford University Press, 2001. Moreno, Luis, The Federalization of Spain, Londres, Frank Cass, 2001. Newton, Michael T. en collaboration avec Peter J. Donaghy, Institutions of Modern Spain : A Political and Economic Guide, Cambridge, Cambridge University Press, 1997. Parti socialiste du pays de Valence (PSPV). Per un Estatut més avançat, octobre 2003, sur Internet : http ://www.pspv-psoe.org/ Pays basque (Gouvernement du), «Propuesta Del Gobierno Vasco Para La Convivencia En Euskadi», sur Internet : http ://www.propuestaibarretxe.net/default.asp?hizk=esp http ://www.ciep.fr/ries/geo/espagne.htm, renseignements sur l’enseignement dans le contexte des régions en Espagne http ://www.monde-diplomatique.fr/2003/05/GOUVERNEUR/ 10143, article sur la politique récente au Pays basque

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217 Espagne Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Madrid

Nombre et type d’unités constituantes

17 communautés autonomes : Andalousie, Aragon, Asturies, Baléares (îles Baléares), Canaries (îles Canaries), Cantabrie, Castille-La Manche, Castille-Leon, Catalogne, Estrémadure, Galice, La Rioja, Madrid, Murcie, Navarre, Pays basque, Valence 2 communautés autonomes non adjacentes : Ceuta, Melilla (situées sur la côte nord du Maroc) 3 régions souveraines (au large de la côte marocaine) : Les îles Chaffarines, ainsi que les territoires de Peñón de Alhucemas, et de Peñón de Vélez de la Gomera, sont sous administration espagnole directe. 1 principauté : Andorre (sous la juridiction conjointe de l’Espagne et de la France)

Langue(s) officielle(s)

Espagnol (castillan)

Superficie

504 782 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Castille-Leon – 94 224 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Baléares – 4 992 km2

Population totale

41 180 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Andalousie 17,9 %, Catalogne 15,5 %, Madrid 13,2 %, Valence 10,3 %, Galice 6,5 %, Castille-Leon 5,9 %, Pays basque 5 %, Canaries 4,4 %, Castille-La Manche 4,2 %, Aragon 2,9 %, Murcie 2,9 %, Asturies 2,6 %, Estrémadure 2,6 %, Baléares 2,2 %, Navarre 1,4 %, Cantabrie 1,3 %, La Rioja 0,7 %, Ceuta 0,2 %, Melilla 0,2 %

Régime politique – fédéral

Monarchie constitutionnelle, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Roi : Juan Carlos Ier (1975)

Chef de gouvernement – fédéral

Président du gouvernement (premier ministre) : José María Aznar López (1996–2000). Le président est élu par les Cortès générales sur recommandation du monarque (majorité absolue au premier tour du scrutin, et majorité simple au tour suivant, s’il y a lieu). Le président nomme les membres du Cabinet (Conseil des ministres). Tous exercent un mandat d’une durée de 4 ans.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Cortès générales (Cortes Generales) : Chambre haute – Sénat (Senado), 259 sièges. Certains membres sont élus par les assemblées des régions/ communautés autonomes; la plupart sont élus par les provinces.

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218 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Chambre basse – Congrès des députés (Congreso de los Diputados), 350 sièges. Les membres sont élus au suffrage populaire selon la représentation proportionnelle à scrutin de liste pour un mandat d’une durée de 4 ans. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Andalousie – 62

Nombre de représentants à la La Rioja – 4 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants 259 sièges : à la Chambre haute du gouver- Chacune des 17 communautés autonomes (sur le territoire continental, ainsi que les îles Canaries) compte nement fédéral un représentant au Sénat et un membre supplémentaire par million d’habitants sur son territoire, nommé par les assemblées législatives des communautés autonomes. Depuis 2000, la représentation s’établit comme suit : Andalousie 8, Aragon 2, Asturies 2, Baléares 1, Canaries 2, Cantabrie 1, Castille-La Manche 2, Castille-Leon 3, Catalogne 7, Estrémadure 2, Galice 3, La Rioja 1, Madrid 6, Murcie 2, Navarre 1, Pays basque 3, Valence 5. Ceuta et Melilla ont chacun 2 sièges. Les 204 autres sénateurs sont élus au suffrage direct dans les provinces ou dans les îles associées à l’Espagne. Partage des compétences

Le gouvernement fédéral légifère et met en œuvre des politiques afférentes à quelques domaines comme la politique étrangère, la défense, les douanes et les tarifs douaniers, l’immigration, la recherche scientifique, la propriété intellectuelle, la politique monétaire et fiscale (conformément aux directives de l’Union européenne) et le droit criminel (article 149). Dans beaucoup d’autres domaines, le gouvernement fédéral détermine les politiques (il jouit d’une compétence exclusive dans 32 domaines) tandis que les régions mettent en œuvre ces politiques. Le gouvernement fédéral établit la législation de base en matière de politique environnementale, d’aménagement du territoire et de planification foncière, de forêts, de transports, de patrimoine culturel et de développement économique. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut. Les compétences exclusives des communautés autonomes comprennent notamment l’aménagement du territoire (ville et campagne) et le logement, les musées, bibliothèques et

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219 Espagne Tableau I (suite) conservatoires de musique, l’aide sociale, l’hygiène et la santé, la diffusion de la culture et le tourisme et, le cas échéant, l’enseignement de la langue de la communauté autonome (article 148). Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent du gouvernement fédéral et des régions1.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Tribunal constitutionnel d’Espagne (Tribunal Constitucional de España), formé de 12 membres : 4 sont nommés suite à un vote à la majorité des trois cinquièmes des membres du Congrès, 4 suite à un vote fondé sur cette même majorité au Sénat, 2 par le gouvernement et 2 par le Conseil général du pouvoir judiciaire (Consejo General). Les juges sont nommés pour un mandat d’une durée de 9 ans, et un tiers de la composition du Tribunal est renouvelé une fois tous les 3 ans. Le président du Tribunal constitutionnel est nommé par le monarque sur recommandation du Tribunal, et son mandat est d’une durée de 3 ans. (Le président ne peut exercer que 2 mandats.)

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblées législatives. Les membres sont élus au scrutin proportionnel, la composition particulière étant déterminée par chaque communauté.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Président du Conseil de gouvernement (Consejo de Gobierno). Le président est élu par les membres de l’assemblée législative et doit provenir des rangs de cette assemblée.

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220 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

852,3 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

20 697 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

617,7 milliards de $ US (décembre 2002)

Dette infranationale

48,3 milliards de $ US (septembre 2003)

Taux de chômage national

10,5 % (2001)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Andalousie – 18,8 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

La Rioja – 4,4 % (2001)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

97,7 %2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,5 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

79,1

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

88 milliards de $ US (2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

27,3 milliards de $ US (2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

23,9 milliards de $ US (2002)

Mécanismes de péréquation

Les transferts fédéraux sont déterminés en fonction notamment de la population, de la superficie, du nombre de provinces internes au sein de l’unité constituante et du revenu des particuliers.

Sources Banque d’Espagne, «Boletín Estadístico – Deuda según la metodología del Protocolo de Déficit Excesivo : Resumen por Comunidades Autónomas», septembre 2003, sur Internet : http ://www.bde.es/infoest/a131ab.pdf Banque d’Espagne, «Indicadores Económicos : Deuda externa de España frente a otros residentes en la zona del euro y al resto del mundo (Resumen)», 2003, sur Internet : http ://www.bde.es/infoest/e0709.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Espagne, Bureau de statistiques, «Cifras de población referidas al 1/1/02. Población de comunidades autónomas por sexo», 2002, sur Internet : http ://www.ine.es/inebase/ cgi/um?M= %2Ft20 %2Fe260 %2Fa2002 %2F&O=pcaxis&N=&L=0 Espagne, Bureau de statistiques, «Mercado Laboral», sur Internet : http ://www.ine.es/ inebase/menu2.htm Espagne, Congrès des députés, sur Internet : http ://www.congreso.es/index.html

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221 Espagne Espagne (Gouvernement de l’), ministère de l’Économie, «Síntesis de Indicadores Económicos – Tablas y Gráficos : IV Sector Público», mai 2003, sur Internet : http :// www.mineco.es/sgpc/TEXTOS/pdf/completos/sie_complet6.pdf Espagne, Sénat, sur Internet : http ://www.senado.es/ Espagne, Tribunal constitutionnel, «Composición y estructura organizativa», sur Internet : http ://www.tribunalconstitucional.es/TRIBUNAL.htm La Moncloa (Présidence du gouvernement de), «Autonomous Regions», sur Internet : http ://www.la-moncloa.es/ Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Spain», sur Internet : http ://www.oecd.org/dataoecd/ 9/33/1902255.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. Notes 1 Il convient de signaler que «5 des 17 communautés autonomes possèdent les compétences résiduelles tandis que, dans le cas des 12 autres, ces compétences relèvent de l’autorité fédérale». Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut des relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999, p. 126. 2 15 ans et plus

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États-Unis d’Amérique S A N F O R D F. S C H R A M

1 histoire et évolution du fédéralisme En accédant à l’indépendance, en 1776, les colonies américaines formèrent une confédération. Cependant, en l’absence d’un gouvernement central fort, des forces centrifuges entraînèrent bientôt un écartèlement des états. Au lieu de collaborer, certains états se mirent à frapper leur propre monnaie et à ériger des barrières commerciales; mais les gouvernements de ces états se révélèrent trop faibles pour imposer à eux seuls le respect de la loi. Ces problèmes semblaient découler de lacunes inhérentes à la première Constitution des États-Unis d’Amérique (Articles of Confederation and Perpetual Union). C’est pour régler ces questions qu’un congrès se tint à Philadelphie en 1787 : il donna lieu à une nouvelle Constitution, qui demeure en vigueur de nos jours. En 1789, les États-Unis adoptèrent ce qui, à cette époque, constituait une forme tout à fait unique de gouvernance. Le gouvernement né de la nouvelle Constitution devint, pourrait-on dire, le premier corps constitué et structuré selon les principes modernes du fédéralisme. Le régime confédéral avait bien existé durant des siècles, mais pas le fédéralisme. Alors que le régime confédéral admettait une union assez précaire des états, le fédéralisme, au contraire, avait l’ambition de réaliser un régime de gouvernance à deux niveaux, ce qui était une idée révolutionnaire. En vue d’instaurer cette nouvelle forme de gouvernance, les artisans de la Constitution américaine

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s’appuyèrent sur le système suisse des cantons (datant du Moyen Âge) et sur d’autres types de régime confédéral. La Constitution qui vit le jour au congrès de Philadelphie visait la création d’un gouvernement national chapeautant les états pour établir «une union plus parfaite» capable de garantir la liberté, tout en maintenant l’ordre public. Mais la Constitution ne représentait pas tout à fait un projet dûment planifié d’élaboration d’un régime fédéral. Elle découlait d’une suite de compromis obtenus durant les journées de délibérations à Philadelphie. L’un des compromis revêtant une signification particulière pour le nouveau régime fédéral fut la désignation d’un Congrès bicaméral où le Sénat offrait une représentation égale à chaque état, sous forme de deux sénateurs, et où une Chambre des représentants (House of Representatives) proposait une représentation régionale du peuple, proportionnellement au nombre d’habitants. Ainsi, les états les moins peuplés pouvaient-ils accepter la création d’un nouveau gouvernement national, étant donné qu’on leur y accordait une meilleure représentation que si l’on avait strictement réparti le nombre de représentants selon l’importance numérique de la population. En dépit de tels compromis, la Constitution ne manquait pas d’opposants. La lutte pour sa ratification opposait fédéralistes et antifédéralistes, qui se confrontaient pour savoir si le nouveau gouvernement national allait devenir une source de pouvoir omnipotente et porter atteinte à la liberté des gens ordinaires. Cette lutte menaça de vouer la Constitution à l’échec, mais on aboutit à un compromis : le premier Congrès de la nouvelle Constitution devait proposer aux états la ratification d’une charte des droits. Ainsi naquirent les dix amendements de la Constitution qui garantissaient des droits fondamentaux comme la liberté de parole, de presse et de religion, le droit à un procès devant jury, la protection contre fouilles et saisies injustifiées, le droit au port d’armes, et même un amendement qui suggérait l’existence de droits non précisés, en plus de la liste énumérée dans la Constitution. À bien des égards, James Madison fut l’un des plus remarquables penseurs à l’origine de l’idée d’une nouvelle fédération. Son audacieux raisonnement s’appuyait sur l’idée qu’une «république élargie» renforcerait la protection des libertés individuelles en introduisant un facteur de diversité et en neutralisant la puissance d’une minorité tyrannique, voire d’une majorité tyrannique. De fait, les États-Unis évoluèrent vers une république élargie avec l’achat de la Louisiane en 1803, un geste qui élargit nettement le territoire et créa la base de l’expansion vers l’ouest, ainsi que l’expansion progressive du pays de 13 à 50 états.

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225 États-Unis d’Amérique

Cela dit, le régionalisme (au sens «d’esprit de clocher») menaçait toujours la viabilité de la république élargie. Dans la première moitié du XIXe siècle, le problème de l’esclavage, en particulier, divisait de plus en plus le pays le long d’un axe nord-sud, menant éventuellement à la guerre civile (1861–1865). Cette guerre civile devait avoir un impact critique sur la forme du fédéralisme américain conduisant, comme ce fut le cas, à un gouvernement national qui assuma ses responsabilités pour soutenir l’Union comme entité inviolable. Ayant imposé une période de reconstruction du Sud américain (de 1865 à 1876), le gouvernement national renforça son rôle comme défenseur de l’Union et insuffla un nouveau sens à la déclaration de la Constitution : les lois du gouvernement national supplantaient toutes les autres. Après la reconstruction, le pouvoir du gouvernement national ne s’affirmait plus au même degré qu’auparavant, mais l’industrialisation rapide du pays engendra des forces propices à la nationalisation, pierre angulaire du développement d’un pouvoir fédéral. Au XXe siècle, les deux grandes guerres et l’émergence des États-Unis comme puissance mondiale contribuèrent à redéfinir le caractère du fédéralisme américain. Le gouvernement national, et le bureau du président en particulier, devaient y gagner en importance et en autorité. Le gouvernement national est aujourd’hui bien plus puissant qu’au moment de son instauration. Les trois leviers du gouvernement national – c’est-à-dire la présidence, le Congrès et la Cour suprême – ont exercé un pouvoir accru au sein du régime fédéral par rapport aux premières années de la république. Il n’en demeure pas moins que pendant plus de deux siècles, la Constitution américaine n’a pas réussi à établir la forme et la portée définitives du fédéralisme américain. En revanche, toutes les questions la concernant ont continué de soulever la controverse, de ses origines à ses buts, et jusqu’à la façon, aspect le plus courant et critique, dont elle répartissait les compétences entre le gouvernement national et les états. Les divergences d’opinions touchant l’origine du régime fédéral s’avèrent essentielles pour mieux saisir la nature du régime. Si la théorie du «pacte fédératif» – qui affirme que le régime fédéral de gouvernance à deux niveaux est le produit d’un pacte entre les différents états – est valable, alors les états et leur population, en tant que citoyens d’états différents, sont les unités fondamentales du régime fédéral. Si la théorie de la «démocratie nationale» – qui prétend que le régime fédéral est une «créature» du peuple américain mis en place en tant que politique démocratique en soi – est valable, alors autant les états que le gouvernement national sont des créatures de cette volonté collective et y sont assujettis. James Madison semble avoir tenté de tirer parti de ces deux principes, essayant de régler le conflit de façon à

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226 Guide des pays fédéraux, 2005

assurer la souveraineté de l’État et la suprématie du nouveau gouvernement national, espérant ainsi s’assurer que ce dernier ne deviendrait pas une simple créature des états. Durant plus de deux siècles, ce débat refit constamment surface, même lorsque les enjeux changeaient; ce fut par exemple l’affaiblissement de la loi nationale, dans le cas de la Banque des États-Unis, sous le mandat du président Andrew Jackson, ou bien l’engagement du pays dans la guerre civile, dans le cas de la bataille à propos de l’esclavage. La théorie du pacte fédératif fut réintroduite par Ronald Reagan dans son discours inaugural en 1981 lorsqu’il déclara qu’il s’engageait à réduire le pouvoir du gouvernement national de manière à «rétablir l’équilibre entre les niveaux de gouvernement1». À l’époque, il s’appuyait sur le fait que le gouvernement fédéral avait fini par exercer incorrectement un contrôle excessif sur les états. Il nota, dans une remarque devenue célèbre, que «ce n’est pas le gouvernement fédéral qui a créé les états, mais les états qui ont créé le gouvernement fédéral». Pour Reagan, la théorie du pacte fédératif était irréfutable et incontestable. Pour beaucoup d’autres pourtant, elle n’était pas soutenable. Aujourd’hui, le président George W. Bush élabore son programme de politique intérieure de manière à rendre le pouvoir aux états. Il fait toutefois face à une opposition des démocrates au Congrès. Ils voient une justification constitutionnelle à la consolidation du rôle du gouvernement national en influençant les états sur des sujets d’importance nationale tels que l’éducation et l’environnement, les services sociaux et la discrimination, le développement économique et la criminalité.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Le gouvernement national se compose de trois unités constituantes : le Congrès bicaméral (constitué de la Chambre des représentants et du Sénat) qui agit comme pouvoir législatif; le président élu de façon indépendante, à la tête du pouvoir exécutif; et la Cour suprême, à la tête du pouvoir judiciaire. La relation de chacune de ces unités constituantes avec les états a changé depuis la création de la fédération. Grâce à l’affermissement de la puissance de la présidence et à l’accroissement de responsabilités de cet organe en matière d’économie nationale, les présidents sont devenus les personnages politiques d’envergure nationale tels qu’ils avaient été envisagés à l’origine. La Cour suprême – composée de neuf juges de paix nommés par le président,

1 Samuel H. Beer, To Make a Nation : The Rediscovery of American Federalism, Cambridge, Massachusetts, Belknap Press, Harvard University Press, 1993, p. 2.

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mais dont la nomination est ratifiée par le Sénat et révocable uniquement par la procédure de destitution – a considérablement évolué depuis sa première intervention dans l’allégation de droit à un examen judiciaire lors de l’affaire Marbury v. Madison (en 1803) : elle s’établit aujourd’hui en tant que tribunal de dernière instance dans la résolution des questions constitutionnelles. Le paragraphe 3 (1) de l’article I de la Constitution précise que chaque état doit être représenté au sein du gouvernement national par deux sénateurs. Avec 50 états, il y a donc 100 sénateurs, chacun mandaté pour une période de six ans et dont le tiers doit se présenter à des élections tous les deux ans. Le dix-septième amendement (1913) a fait basculer l’élection des sénateurs d’une élection par le corps législatif de chaque état à un suffrage national. Même si cette procédure a indéniablement conduit les sénateurs à devenir plus indépendants par rapport au corps législatif des états, ces sénateurs continuent d’incarner une source de fédéralisme au sein du gouvernement national, souvent en misant davantage sur la représentation des intérêts de leur état que sur les intérêts de l’ensemble du pays. Le partage des compétences entre le gouvernement national et les états est précisé dans la Constitution. La «clause de suprématie» de l’article VI place la Constitution et les lois du gouvernement national au-dessus de tout. Les «pouvoirs énumérés» du Congrès sont précisés au paragraphe 8 de l’article I. Ils autorisent le Congrès à : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

lever et percevoir les impôts, payer les dettes, pourvoir à la défense commune, contribuer au bien-être général des États-Unis, faire des emprunts sur le crédit des États-Unis, réglementer le commerce entre les états, établir une règle uniforme de naturalisation, établir un système uniforme de traitement des faillites, frapper la monnaie et en déterminer la valeur, fixer l’étalon des poids et mesures, établir un bureau et des routes de poste, attribuer les brevets et les droits d’auteur, constituer des tribunaux subordonnés à la Cour suprême, définir et punir les actes de piraterie et les crimes commis en haute mer et les délits contre le droit international, 15 lever et entretenir des armées et une marine de guerre, et 16 déclarer la guerre. Le paragraphe 8 de l’article I se termine en énonçant que le Congrès a aussi le pouvoir d’édicter toutes les lois qui seront «nécessaires

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et convenables pour mettre à exécution les pouvoirs énumérés et tout autre pouvoir conféré par la Constitution au gouvernement des États-Unis». Cette clause a été nommée «clause élastique» étant donné qu’elle a permis, au fil du temps, une augmentation considérable des pouvoirs du gouvernement national, en particulier ceux visant à réglementer le commerce entre les états, et à promouvoir le bien-être général. Il importe également de souligner que le quatorzième amendement, ratifié après la guerre civile, précise que le gouvernement national doit garantir que les actions entreprises par les états ne privent pas les citoyens des procédures de recours, des privilèges et immunités, ainsi que du droit à une protection égale devant les lois. Malgré les «pouvoirs énumérés» susmentionnés, le partage des compétences entre le gouvernement national et les états n’est pas décrit en termes explicites par la Constitution. Cela pourrait refléter l’intention des rédacteurs du document d’inclure des compétences concurrentes, notamment celles de taxer, de réglementer les formes de commerce et d’instaurer des politiques sociales. Cependant, la clause de suprématie a été invoquée à plusieurs reprises afin de s’arroger des compétences concurrentes, par exemple ces dernières années, en matière de réglementation à propos de la pollution atmosphérique et des nappes aquifères. Le domaine des compétences concurrentes laisse supposer que, dans le cas du régime fédéral américain, leur attribution suscite d’inévitables débats. Le paragraphe 4 de l’article IV garantit à tous les états une forme «républicaine de gouvernement». Le dixième amendement réserve aux «états ou au peuple» tout pouvoir non attribué au gouvernement national. Alors qu’aux premières années de la Constitution, on assistait au renforcement du gouvernement national, le dixième amendement servit par la suite et pendant assez longtemps – après la guerre civile en particulier – à créer un grand réservoir de pouvoirs résiduels à l’intention des états. Mais cela changea avec la crise économique de 1929 qui poussa le président Franklin Delano Roosevelt à mettre en œuvre le «New Deal» accompagné d’une expansion importante des compétences fédérales. Après la Deuxième Guerre mondiale, le dixième amendement perdit presque tout son pouvoir, mais au cours de ces dernières années, la Cour suprême lui rendit un nouveau souffle, jusqu’à un certain point, en y ayant recours pour freiner l’expansion du pouvoir fédéral. La procédure permettant de modifier la Constitution est précisée dans l’article V qui stipule notamment que «le Congrès, chaque fois que les deux tiers des deux chambres l’estimeront nécessaire, proposera des modifications à la présente Constitution ou, à la demande des assemblées législatives des deux tiers des divers états, convoquera une convention pour proposer des modifications». Les trois quarts des

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états doivent approuver une modification pour qu’elle soit ratifiée et fasse partie intégrante de la Constitution. Pourtant, on n’a jamais eu recours à une révision formelle de la Constitution comme moyen essentiel de redistribuer les compétences au sein du régime politique. Alors que le quatorzième amendement visait une refonte considérable des pouvoirs entre le gouvernement national et les états, les transferts d’autorité ont été accomplis, dans une large mesure, par d’autres moyens que des modifications officielles à la Constitution, notamment les décisions de la Cour suprême. La Cour suprême a joué un rôle constitutionnel essentiel, parfois en freinant le pouvoir fédéral au profit des états, parfois en concédant un élargissement du pouvoir fédéral. Les fluctuations du fédéralisme américain ont été réglementées par la Cour qui, au fil du temps, s’est appuyée sur sa prérogative de contrôle judiciaire pour s’ériger en arbitre indépendant en ce qui a trait aux problèmes constitutionnels entre les états et le gouvernement fédéral. La Cour, en particulier sous la direction du juge en chef John Marshall, était à ses débuts un tribunal nationaliste qui soutenait la suprématie du gouvernement national. Cependant, après l’époque de Marshall et jusqu’au New Deal, la Cour limita la latitude du Congrès d’élargir ses pouvoirs aux dépens des états. D’abord, la Cour annula des lois issues du New Deal au milieu des années 30, arguant qu’elles violaient les principes du fédéralisme. Sous la vive pression politique de Roosevelt toutefois, une nouvelle majorité émergea à la Cour qui commença à soutenir l’élargissement du pouvoir national, une situation qui allait perdurer jusque dans les années 70. Ainsi, la Cour devint un ferme partisan de l’élargissement du pouvoir national, surtout dans les domaines de la réglementation du commerce entre états, de l’expansion des initiatives en matière de politiques sociales et de mise en application du quatorzième amendement pour garantir les droits civils. Toutefois, au cours des années 90, les indices que la Cour avait de nouveau changé d’orientation se sont multipliés. Par une faible majorité de 5 contre 4 sous l’autorité du juge en chef William Rehnquist, la Cour prôna la priorité des droits des états et s’activa pour annuler la législation nationale, arguant qu’elle sapait l’autonomie constitutionnelle des états. Fait très significatif, la Cour ressuscita l’idée que le gouvernement national ne peut légiférer de façon à abolir «l’immunité souveraine» des états, une telle mesure réduisant l’étendue des poursuites en justice que les citoyens pourraient intenter contre les états pour le non-respect des lois fédérales. Ces dernières années, la Cour a également souscrit aux arguments des états dans plusieurs causes importantes qui ont eu pour conséquence de limiter l’assujettissement des autorités des états aux lois fédérales. Par exemple, la Cour a réduit la portée des clauses sur l’application régulière de la loi et sur l’égale protection des lois du quatorzième amendement dans la

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mesure où elles s’appliquent aux lois fédérales régissant les actions des gouvernements des états dans des domaines comme le zonage et la réglementation bancaire. Par ailleurs, la Cour a donné plus d’ampleur à l’interprétation du dixième amendement selon laquelle les états jouissent, en vertu de la Constitution, d’une forme de souveraineté qui empêche l’autorité fédérale de réquisitionner les fonctionnaires des états pour appliquer des lois fédérales en matière de déchets nucléaires et de contrôle des armes à feu. En 2002, la Cour semblait avoir définitivement mis fin à l’amenuisement de l’autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral de réglementer les états. La conceptualisation des rapports entre gouvernement national et gouvernements des états a également évolué au cours des années. Traditionnellement, il y a toujours eu un contraste entre les théories du fédéralisme jumelé et celles du fédéralisme coopératif. Le fédéralisme jumelé insistait sur le cloisonnement entre les niveaux et la nécessité de limiter les pouvoirs du gouvernement national, de façon à ne pas saper la souveraineté consentie par la Constitution à chacun des états. D’autres ont noté que les imprécisions dans la formulation de la Constitution par ses rédacteurs visaient l’instauration d’un système de chevauchement des pouvoirs plus nuancé. Ce dernier exigeait un fédéralisme plus coopératif aux plans du partage des pouvoirs et du soutien mutuel, étant donné que le gouvernement national aidait les états à accomplir les fonctions domestiques, et les états aident le gouvernement national à réaliser les objectifs de portée nationale. D’autres, enfin, ont constaté que depuis Richard Nixon et, en particulier, depuis Ronald Reagan, on assiste à une tentative de réaliser un «nouveau fédéralisme» qui se fait fort de «rendre» le pouvoir aux états. Les changements faits au fédéralisme au fil du temps ont grandement influencé les droits constitutionnels fondamentaux des citoyens. Engendrant une assertion majeure du pouvoir national, la guerre civile a entraîné la ratification de trois amendements constitutionnels qui ont toujours une importance suprême dans le système légal. Le treizième amendement a interdit l’esclavage (et tout assujettissement forcé, excepté en raison de punition pour crime), le quatorzième amendement a interdit à tous les états de refuser à chaque citoyen une protection égale face aux lois et a garanti les procédures légales convenables de recours, privilèges et immunités; le quinzième amendement a étendu cette garantie à tous les citoyens de race noire, y compris les anciens esclaves. Même si l’esclavage n’a probablement aucune chance de revenir, ces changements demeurent significatifs par leur contribution à la création d’un pouvoir national. Ces modifications acquises, le gouvernement national a endossé la responsabilité ultime, qui consiste à garantir que les états ne refusent pas aux citoyens leurs droits civils en vertu de la

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Constitution. La Cour suprême, cependant, a parfois opté pour une latitude substantielle des états dans ce domaine. C’est ainsi que, lors de l’affaire Plessy v. Ferguson (1896) où la Cour, dans le Sud, fit observer de façon infamante les lois d’exclusion raciale (dites lois «Jim Crow»). La doctrine «séparés mais égaux» tiendra jusqu’en 1954, année de la décision dans l’affaire Brown v. Board of Education. À cette époque débuta une intervention à l’échelle nationale dans la politique des états visant à faire appliquer les droits civils. Ces dernières années, la Cour Rehnquist a arrêté d’autres extensions du pouvoir fédéral dans ce domaine. Les dispositions en matière fiscale ont changé de manière spectaculaire. Le paragraphe 8 (1) de l’article I a donné au Congrès le pouvoir de lever des impôts et d’imposer des droits d’accise. Le gouvernement national a perçu un impôt sur le revenu durant la guerre civile, mais n’a pas instauré d’impôt progressif sur le revenu avant le début du XXe siècle. Étant donné que la Cour suprême contestait la constitutionnalité d’un tel impôt, le pouvoir du gouvernement national a pu enfin être établi comme constitutionnellement légitime lors de la ratification du seizième amendement en 1913. Misant sur sa capacité de percevoir l’impôt sur les revenus, le gouvernement fédéral devint graduellement la première source de recettes fiscales au sein du régime fédéral. Le gouvernement fédéral s’appuya de plus en plus sur ce pouvoir pour prendre de l’ascendant sur les états, les incitant à s’engager dans des programmes nationaux à coups de subventions d’État (grantsin-aid) conditionnelles. Cet ascendant fut optimisé durant la «Great Society» de l’administration Johnson des années 60. Mais ce sont les années 70 qui connurent l’apogée dans le domaine des subventions d’État. Avec les compressions budgétaires adoptées par l’administration Reagan au début des années 80, l’aide fédérale commença à décliner. Ce n’est que lorsque le président Bill Clinton proposa un budget fédéral équilibré, vers la fin des années 90, que le Congrès accepta d’édicter, que la tendance à la baisse se confirma. Par ailleurs, depuis 1994, le Congrès a décidé de transférer davantage de pouvoirs aux états. Cette démarche a eu pour effet de remplacer progressivement les subventions à but spécifique (liées à une contribution égale des états) par un régime plus souple de subventions globales. Même avec des réformes, le pouvoir de la «fiscalité fédérale» demeure fort et les subventions d’État permettent toujours au gouvernement central d’exercer de fortes pressions sur les états. L’idée récente de subventions aux «partenariats fondés sur la performance» suggère une tendance qui accorde aux états une grande polyvalence quant au mode de dépense des subventions, tout en subordonnant partiellement leur octroi à la réalisation efficace des buts nationaux.

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3 dynamique po lit iqu e récen te Avant même son élection à la présidence, à la fin de l’an 2000, le républicain George W. Bush démontra rapidement la persistance, au début du nouveau millénaire, des vieilles questions du fédéralisme. Bush conquit son poste de façon largement controversée, en plus d’obtenir, à l’échelle nationale, moins de voix que son opposant direct, le démocrate Al Gore, alors vice-président de Bill Clinton. Avec une courte majorité des voix émanant du Collège électoral, Bush ne gagna qu’après une lutte prolongée, en contestant les résultats des suffrages dans l’état de la Floride. La bataille historique rappela au monde, de manière spectaculaire, la forte décentralisation du système électoral américain et la grande importance des principes du fédéralisme dans le processus électoral d’un président. Puis il y eut le résultat final où l’on vit les états faisant valoir les droits de la majorité (5 contre 4) à la Cour suprême des États-Unis, intervenant pour renverser la décision de la Cour suprême de la Floride, ce qui fit craindre à certains qu’un processus hautement politisé avait dévalorisé les grands principes du fédéralisme et mis en doute leur viabilité future. Les élections présidentielles de 2000 ont clairement fait ressortir à quel point le fédéralisme se trouve intimement intégré au seul processus électoral de portée réellement nationale pour un poste officiel. En effet, les citoyens ne votent qu’indirectement pour le président étant donné que les voix servent à déterminer le quota d’électeurs de chaque état qui sont appelés à voter eux-mêmes à la façon d’un «Collège électoral» pour choisir le président (et le vice-président désigné). Les élections servent donc à engranger suffisamment d’appuis dans suffisamment d’états pour atteindre une majorité au sein du Collège électoral. En outre, tous les états, sauf le Maine et le Nebraska, offrent tous leurs électeurs au candidat qui obtient le plus de suffrages exprimés. De plus, les petits états sont surreprésentés au sein du Collège électoral, car le nombre d’électeurs est fonction du nombre de sénateurs (chaque état en a deux) et du nombre de membres de la Chambre des représentants (où chaque état a une délégation dont l’importance numérique dépend du nombre d’habitants de l’état; mais les petits états ont au moins un représentant). Tous ces facteurs confèrent à l’élection nationale un caractère fédéral, puisque les candidats doivent élaborer une stratégie de soutien, pas nécessairement au niveau national, mais dans un ou plusieurs états choisis, de manière à recueillir un maximum de suffrages. Le Collège électoral fait en sorte que l’on ne puisse s’appuyer sur une simple majorité nationale, géographiquement concentrée ou dispersée, pour remporter ne fût-ce que le seul poste officiel résultant d’une élection nationale.

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Ainsi, bien que Bush eût perdu du point de vue des suffrages exprimés à l’échelle nationale, il a quand même pu accéder à la présidence, à l’instar de trois présidents avant lui. Tout ce dont il avait besoin, en fin de compte, c’était de garder la Floride. Mais le cas de la Floride a mis en lumière une autre dimension du fédéralisme liée aux élections présidentielles. Chaque état procède à ses élections selon ses propres méthodes, pour peu qu’elles soient conformes à la Constitution et à la loi fédérale. Comme la plupart des états, la Floride autorise les bureaux de scrutin à modifier leurs méthodes, dans le cadre légal de l’état. En Floride comme ailleurs, différents comtés ont eu recours à des mécanismes de comptage dissemblables pour enregistrer les voix, les régions plus pauvres faisant probablement appel à des appareils désuets et sujets à l’erreur. Les résultats des élections en Floride se sont avérés extrêmement serrés, donnant à Bush une avance de moins de 2000 voix. Gore demanda donc un recomptage, manuel cette fois, des bulletins de vote, et obtint gain de cause auprès de la Cour suprême de Floride qui autorisa le recomptage de tous les bulletins de vote de l’état, où les machines n’avaient pas enregistré de vote présidentiel. Bush interjeta appel auprès de la Cour suprême, nonobstant le fait qu’il avait fait campagne comme candidat favorisant les droits des états et décourageant l’ingérence fédérale dans les affaires intérieures des états, particulièrement dans le domaine judiciaire. La Cour suprême surprit de façon plus spectaculaire encore en entendant la cause Bush v. Gore (2000) et en jugeant, à une mince majorité de 5 contre 4 en faveur du droit des états, que les recomptages manuels enfreignaient les normes fédérales exigeant une protection égale (des voix) conformément au quatorzième amendement. Nombreux furent ceux qui accusèrent la Cour de se laisser influencer par l’esprit partisan en décidant d’offrir la présidence à Bush au détriment de la sauvegarde des principes importants du fédéralisme. La question des élections de 2000 a été reléguée au second plan après les attentats du 11 septembre 2001 («9/11»), lors desquels des avions, aux mains de pirates de l’air, se sont écrasés contre le World Trade Center, à New York, et l’édifice du Pentagone, à Washington. À la suite de ces attentats, les autorités fédérales ont déclenché une «guerre au terrorisme» qui a abouti au renversement du régime des Talibans en Afghanistan et à l’invasion de l’Irak en vue d’écarter Saddam Hussein du pouvoir. Ces deux interventions s’inscrivent dans le cadre des efforts engagés pour détruire le réseau al-Qaïda que dirige Oussama ben Laden, le cerveau derrière les attentats du 11 septembre. En vue de faciliter la lutte contre le terrorisme, le président Bush signait, le 21 octobre 2001, une «loi patriotique» (US Patriot Act), qui augmente sensiblement les pouvoirs fédéraux en matière d’enquêtes,

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de surveillance, d’arrestation, de détention et de déportation des personnes soupçonnées de terrorisme, contournant à l’occasion des garanties constitutionnelles de protection que l’on croyait acquises en temps de paix. Un nouveau département fédéral de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security) a été créé pour combler les nouveaux besoins en matière de sécurité. Pour ce qui est de leur incidence sur le fédéralisme américain, il se peut que les attentats du 11 septembre aient exacerbé les tensions entre les autorités fédérales et celles des états. Suite à ces attentats, le gouvernement fédéral a établi des crédits supplémentaires pour accroître les efforts des états visant à assurer une plus grande protection contre le terrorisme. Toutefois, ces fonds fédéraux ne sont pas proportionnés aux tâches imposées aux états, lesquels enregistraient déjà des déficits suite au ralentissement de l’économie. C’est pourquoi la guerre au terrorisme a nécessité des pouvoirs fédéraux accrus tout en alourdissant les charges budgétaires des états. Le contentieux entre les autorités fédérales et les états ne se limite pas aux pressions budgétaires inhérentes aux nouveaux besoins de sécurité; il repose aussi sur des différends dans beaucoup d’autres domaines. Une question qui n’a pas manqué d’aggraver les tensions tient au programme de réduction des impôts que l’administration Bush adoptait au début de 2003, au moment même où le gouvernement était engagé dans sa guerre au terrorisme et voyait son déficit croître et l’économie ralentir. Le président a fait adopter un ensemble sans précédent de mesures de réduction des impôts fédéraux qui, si intégralement mises en œuvre au cours de la prochaine décennie, auront vraisemblablement des incidences négatives sur les recettes des états, pour diverses raisons. Premièrement, les mesures fiscales ont pour effet de supprimer les droits fédéraux de succession (que l’on appelle communément «death tax»), ce qui signifie que les états dont les droits de succession étaient déterminés en fonction des droits fédéraux doivent maintenant mettre au point leur propre législation pour affranchir leurs dispositions fiscales de toute dépendance à l’égard des lois fiscales fédérales, d’où le risque de perdre certaines recettes en cours de route. Deuxièmement, le programme fiscal prévoit une réduction des impôts fédéraux sur les gains en capital, de sorte que les impôts des états s’en trouvent affectés, tout comme dans le cas des droits de succession. Troisièmement, et c’est sans doute l’aspect le plus important, ce programme fiscal suppose que les autorités fédérales n’auront pas autant de fonds pour financer les programmes en vigueur et voudront vraisemblablement envisager un transfert de responsabilités aux états sans contrepartie financière. On estime que les réductions d’impôts de Bush entraîneront une diminution des recettes des états de 64 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.

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Les effets négatifs du programme de réduction des impôts risquent d’aggraver les difficultés budgétaires des états, difficultés dont témoignent les déficits enregistrés par la plupart d’entre eux depuis trois ans. Tout cela se traduira par la plus longue période de déficits des états continus depuis la crise économique de 1929. Comme les états ne peuvent généralement pas enregistrer de déficits au titre de leur budget d’exploitation, ils procèdent, depuis plusieurs années consécutives, à des compressions annuelles. On prévoit qu’en 2004, seuls les états du Nouveau-Mexique, de l’Arkansas et du Wyoming réussiront à éviter de procéder au rite des coupures budgétaires. Bien que les états aient initialement plaidé en faveur d’un plus grand pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des programmes fédéraux, plusieurs indices portent à conclure que certains gouverneurs multiplient les pressions pour mettre un terme aux transferts de responsabilités et de coûts envisagés à Washington. La question de la réforme de l’aide sociale illustre bien la nature des difficultés auxquelles ils se heurtent. De nombreux gouverneurs ont appuyé la Loi sur la conciliation des responsabilités personnelles et des possibilités d’emploi (Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act, 1996), qui a eu pour effet d’abolir le principal programme fédéral d’aide financière en espèces pour les familles à faible revenu ayant des enfants à charge (Aid to Families with Dependent Children), et de lui substituer un programme de subventions globales sous forme d’aide temporaire aux familles nécessiteuses (Temporary Assistance for Needy Families). Cette décision a accordé aux états une plus grande marge de manœuvre dans l’utilisation des fonds, tant et aussi longtemps qu’ils respectent des quotas quant au transfert de bénéficiaires de l’aide sociale (mères célibataires pour la plupart) au marché du travail. Dès 2001, la réforme de l’aide sociale était considérée comme une réussite, notamment parce que les états avaient réduit leurs listes de prestataires de plus de moitié (leur nombre passant de 14 millions à moins de 7 millions environ). Pourtant, au fur et à mesure que l’économie ralentissait, que les états assumaient des responsabilités grandissantes en matière de sécurité intérieure et que leurs déficits croissaient, les chefs politiques des états ont commencé à manifester une certaine réticence face à la prise en charge de nouvelles responsabilités au titre de la réforme de l’aide sociale. La valeur des subventions globales étant fixe, aucune augmentation ne pouvait être envisagée pendant les périodes difficiles où le nombre des prestataires tend à croître. Les frais à acquitter pour que les prestataires encore inscrits sur les listes soient en mesure d’exercer un emploi étaient également plus élevés qu’ils ne l’avaient été dans le cas de ceux déjà rayés des listes. En outre, avec l’appui des républicains des deux chambres du Congrès, l’administration Bush exerçait des pressions pour accroître les quotas et les

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responsabilités confiées aux états en vue de réduire davantage les listes de prestataires d’aide sociale. C’est pourquoi le renouvellement de la réforme de l’aide sociale après la période quinquennale initiale a été reporté plusieurs fois. À la fin de 2003, rien n’avait encore été réglé. Un autre dossier connexe met en relief les tensions croissantes entre les autorités fédérales et celles des états. Il s’agit de la réforme de l’éducation et, notamment, de la loi No Child Left Behind (c’est une loi destinée à éviter qu’un enfant prenne du retard). Cette loi envisageait surtout des tests normalisés à l’échelle des états pour tous les élèves de certains niveaux. Elle offrait aux élèves affichant des résultats faibles la possibilité d’exiger une amélioration des services offerts dans leur école ou de s’inscrire dans d’autres écoles. Comme dans le cas de la réforme de l’aide sociale, la réforme de l’éducation comportait de grandes promesses, et les premières étapes justifiaient les plus grands espoirs. Pourtant, dans ce cas, la politique mise en œuvre n’a pas reçu les appuis financiers requis, de sorte que les nouveaux crédits ne pouvaient suffire à améliorer la qualité de la formation scolaire offerte ou à permettre aux écoles d’accueillir efficacement les élèves transférés. La loi était de plus en plus susceptible d’engendrer une situation où le gouvernement fédéral imposerait des responsabilités accrues aux états sans contrepartie financière. Des problèmes semblables sont apparus dans beaucoup d’autres domaines, par exemple la réforme des soins de santé ou celle du système électoral. Bref, les fonds fédéraux ne paraissaient pas proportionnés aux tâches que les états se voyaient confier. Dans certains domaines, comme le financement des soins de santé, le Congrès a adopté une aide d’urgence en faveur des états, mais les montants se sont révélés insuffisants pour éviter d’autres réductions au niveau des services offerts par les états. A suivi une aggravation des tensions entre le gouvernement fédéral et les états. Avant même que George Bush ne se présente comme candidat à la présidence, certains gouverneurs des deux partis (comme le gouverneur républicain Mike Leavitt, de l’Utah, et le gouverneur démocratique Ben Nelson, du Nebraska) avaient commencé à tenir des «sommets sur le fédéralisme» pour trouver des moyens d’arracher des pouvoirs aux autorités fédérales et de les confier aux états. Toutefois, lorsque la campagne présidentielle de 2004 s’est amorcée, aucun gouverneur ne participait à des réunions visant à déterminer comment certaines responsabilités fédérales pourraient être transférées aux états. Malgré tout, Bush continue d’exercer des pressions en vue de promouvoir le «nouveau fédéralisme» en suivant ce qu’avaient tenté de réaliser ses prédécesseurs républicains. Ses efforts englobent le transfert des programmes de bien-être social aux organismes communautaires

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locaux, notamment aux organismes confessionnels, de façon à restreindre davantage les pouvoirs du gouvernement fédéral et à créer des possibilités permettant non seulement aux états mais aussi aux collectivités d’exploiter à meilleur escient les fonds fédéraux. On trouve, parmi les propositions récentes, la décentralisation des programmes fédéraux d’assurance maladie et de logement social. De telles démarches pourraient contribuer à affaiblir davantage les engagements nationaux en matière de prestations de services sociaux, de maintien des droits et de protection des valeurs dans un éventail de politiques. Les partisans de ces démarches insistent sur le fait que Bush veut permettre aux états et aux administrations locales d’agir en toute indépendance de la réglementation fédérale. Les opposants, quant à eux, affirment avec véhémence qu’il est en train de réduire sensiblement la participation fédérale dans des secteurs clés de la politique sociale, et de l’environnement en particulier. À titre de président, Bush s’est initialement heurté à des questions de légitimité et il a dû faire face à un Sénat partagé à parts égales entre démocrates et républicains, et à une Chambre des représentants presque aussi divisée. Tout cela a changé suite aux élections de mi-mandat de 2002. Les républicains ont alors profité de la popularité du président Bush dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 pour augmenter le nombre de sièges qu’ils détenaient dans les deux chambres du Congrès; ils détiennent maintenant une mince majorité au Sénat et une majorité accrue à la Chambre des représentants. Cela dit, le taux d’appui accordé au président Bush a sensiblement chuté depuis l’invasion de l’Irak. En l’absence de tout indice d’armes de destruction massive en Irak, les critiques ont mis en doute l’exactitude des renseignements utilisés pour convaincre le Congrès d’appuyer l’invasion du pays. De plus, le nombre de soldats américains morts au combat ne cesse de croître, à tel point que plus de soldats sont morts depuis la déclaration du président sur la cessation des hostilités que pendant les hostilités. Bien qu’elle semblait acquise pendant un certain temps, la réélection de Bush est aujourd’hui moins sûre. La relance récente de l’économie ne peut qu’améliorer les perspectives d’une victoire. Mais rien ne permet de conclure que cette relance maintiendra la capacité de l’administration Bush de poursuivre son programme de décentralisation. Quoi qu’il en soit, une réalité historique demeure : le fédéralisme est toujours au cœur du régime de gouvernance, et les différends découlant de la quasi-totalité des enjeux politiques actuels ont un lien quelconque avec le fédéralisme. Nonobstant les événements récents de la politique américaine, il est clair que la nature fédérale du régime en place n’est pas sur le point de disparaître.

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4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Beer, Samuel H., To Make a Nation : The Rediscovery of American Federalism, Cambridge, Massachusetts, Belknap Press (Harvard University Press), 1993. «Federalism : Reconciling National Values with States Rights and Local Control in the 21st Century – a dialogue with Michael Belknap, Michael Greve, Jennie Kronenfeld, Kathryn McDermott, Robert Nagel, Paul Posner, and Sanford Schram», Focus on Law Studies, vol. 26 (printemps 2001), p. 1–16, sur Internet : http ://www.abanet.org/ publiced/focus/spring_01.pdf Kincaid, John, «The State of U.S. Federalism, 2000–2001 : Continuity in Crisis», Publius : The Journal of Federalism, vol. 31 (été 2001), p. 1– 70. Krane, Dale A., «The State of American Federalism, 2001–2002 : Resilience in Response to Crisis», Publius : The Journal of Federalism, vol. 32 (automne 2002), p. 1–29. Zimmerman, Joseph F., «National-State Relations : Cooperative Federalism in the Twentieth Century», Publius : The Journal of Federalism, vol. 31 (printemps 2001), p. 15–31. http ://www.senate.gov, Sénat fédéral http ://www.census.gov/prod/2002pubs/c2kprof00-us.pdf, profil des données du recensement de 2000 http ://www.house.gov, Chambre des représentants au niveau fédéral http ://www.publicdebt.treas.gov, renseignements sur l’économie nationale américaine et la dette publique http ://www.temple.edu/federalism/federalism.html, Centre d’étude du fédéralisme de l’Université Temple (Philadelphie) http ://www.federalismproject.org, source de renseignements sur les développements relatifs au fédéralisme http ://www.ceri-sciences-po.org/publica/critique/article/treize/ sommaire.htm, série d’articles sur le fédéralisme et la citoyenneté http ://www.denistouret.net/constitalien/usa.html, renseignements sur le système constitutionnel http ://www.wto.org/french/tratop_f/tpr_f/tp226_f.htm, compte rendu des politiques commerciales

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239 États-Unis d’Amérique Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Washington, district fédéral de Columbia

Nombre et type d’unités constituantes

50 états : Alabama, Alaska, Arizona, Arkansas, Californie, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Colorado, Connecticut, Dakota du Nord, Dakota du Sud, Delaware, Floride, Géorgie, Hawaii, Idaho, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiane, Maine, Maryland, Massachusetts, Michigan, Minnesota, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New Hampshire, New Jersey, New York, Nouveau-Mexique, Ohio, Oklahoma, Oregon, Pennsylvanie, Rhode Island, Tennessee, Texas, Utah, Vermont, Virginie, Virginie occidentale, Washington, Wisconsin, Wyoming 1 district fédéral : Washington, district fédéral de Columbia N.B. Les États-Unis d’Amérique revendiquent aussi des liens administratifs avec 2 États associés (« Federacies ») : Porto Rico, Îles Mariannes du Nord; 3 États en libre association : République des Palaos, États fédérés de Micronésie, République des îles Marshall; 3 territoires à autonomie politique locale; 3 « territoires non incorporés »; et 130 nations autochtones américaines (« Domestic Dependant Nations »)

Langue(s) officielle(s)

Les États-Unis ne déclarent pas de langue officielle. La langue de l’État, pour toutes les instances gouvernementales et judiciaires, est de facto l’anglais.

Superficie

9 372 600 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Alaska – 1 530 700 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Washington, district fédéral de Columbia – 178 km2

Population totale

290 809 777 (est. 1er juillet 2003)1

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Californie 12,1 %, Texas 7,5 %, New York 6,6 %, Floride 5,7 %, Illinois 4,3 %, Pennsylvanie 4,2 %, Ohio 3,9 %, Michigan 3,4 %, New Jersey 2,9 %, Géorgie 2,9 %, Caroline du Nord 2,8 %, Virginie 2,5 %, Massachusetts 2,2 %, Indiana 2,1 %, Washington 2,1 %, Tennessee 2 %, Missouri 1,96 %, Arizona 1,89 %, Maryland 1,89 %, Wisconsin 1,88 %, Minnesota 1,74 %, Colorado 1,56 %, Alabama 1,55 %, Louisiane 1,55 %, Caroline du Sud 1,42 %, Kentucky 1,41 %, Oregon 1,22 %, Oklahoma 1,21 %, Connecticut 1,20 %, Iowa 1,01 %, Mississippi 0,99 %, Kansas 0,94 %, Arkansas 0,93 %, Utah 0,80 %, Nevada 0,75 %, Nouveau-Mexique 0,64 %, Virginie occidentale 0,62 %,

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240 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Nebraska 0,59 %, Idaho 0,46 %, Maine 0,44 %, New Hampshire 0,44 %, Hawaii 0,43 %, Rhode Island 0,37 %, Montana 0,31 %, Delaware 0,27 %, Dakota du Sud 0,26 %, Alaska 0,22 %, Dakota du Nord 0,21 %, Vermont 0,21 %, Washington (district fédéral de Colombia) 0,19 %, Wyoming 0,17 % Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : George W. Bush (2000), Parti républicain (Republican Party). Le président et le vice-président forment un « ticket » et sont élus par un Collège électoral (Electoral College) composé d’électeurs issus de chaque état en nombre égal au nombre de sénateurs et de représentants au Congrès, majoré de 3 électeurs issus du district fédéral de Columbia. Les membres du Collège électoral sont choisis au suffrage populaire selon le scrutin de liste dans chacun des états. Théoriquement, ils sont libres de choisir n’importe quel candidat à la présidence mais, par convention, les électeurs soutiennent le candidat envers lequel ils se sont engagés. Le président ne peut exercer plus de 2 mandats d’une durée de 4 ans.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : George W. Bush. Le président nomme les membres du Cabinet, mais ceux-ci doivent être approuvés par le Sénat.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Congrès : Chambre haute – Sénat, 100 sièges. Les sénateurs sont élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 6 ans, mais un tiers d’entre eux sont élus tous les deux ans. Chambre basse – Chambre des représentants (House of Representatives), 435 sièges. Les représentants sont élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 2 ans. Tous les états sont assurés d’avoir au moins un représentant chacun.

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Californie – 55

Nombre de représentants à la Alaska, Dakota du Nord, Dakota du Sud, Delaware, Montana, Vermont, Wyoming – 3 représentants chacun Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

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241 États-Unis d’Amérique Tableau I (suite) Répartition des représentants Chacun des 50 états a 2 représentants au Sénat. à la Chambre haute du gouvernement fédéral Partage des compétences

Le gouvernement fédéral possède des compétences exclusives dans les domaines comme les affaires étrangères, le commerce international, la défense, la citoyenneté et la naturalisation, la réglementation du commerce (y compris la législation sur les faillites), la taxation, la frappe de la monnaie et les tribunaux supérieurs. Le dernier alinéa de la section 8 de l’article premier de la Constitution attribue les compétences implicites (elles sont présumées mais ne sont pas attribuées de manière explicite) au gouvernement fédéral. Ces compétences comprennent notamment celles relatives à la prestation de services médicaux et d’aide sociale. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême (Supreme Court), formée de 9 juges. Nommés à vie par le président avec confirmation du Sénat.

Régime politique – unités constituantes

Bicaméral (sauf le Nebraska). Dans tous les états, le Sénat et la Chambre des représentants sont composés de membres élus au suffrage direct pour un mandat de durée variable d’un état à l’autre.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur. Élu au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 2 à 4 ans, selon l’état.

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242 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

10,4 billions de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

36 100 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

6,3 billions de $ US (30 juin 2003)

Dette infranationale

1,5 billion de $ US (2000–2001)

Taux de chômage national

5,8 % (2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

District fédéral de Columbia – 6,5 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Dakota du Sud – 3,1 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

99 % (2003)2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,8 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

76,9 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

2 008,4 milliards de $ US (2001)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

983,9 milliards de $ US (2001)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

277,4 milliards de $ US (2001)23

Mécanismes de péréquation

Aucun mécanisme systématique n’est prévu pour la péréquation des capacités fiscales des états. Il existe toutefois une gamme de programmes de subventions (« grant-in-aid programs »), qui permettent, de manière indirecte, une certaine péréquation.

Sources Alabama (Gouvernment de l’), Assemblée législative de l’Alabama, «Legislative Glossary», sur Internet : http ://www.legislature.state.al.us/misc/legislativeprocess/ legislativeglossary.html Census 2000 : State Population Information, sur Internet : http ://www.netstate.com/states/ tables/st_population.htm Constitution des États-Unis, sur Internet : http ://www.usconstitution.net/ États-Unis d’Amérique, Archives nationales (National Archives and Records Administration), «Federal Register : U.S. Electoral College», sur Internet : http :// www.archives.gov/federal_register/electoral_college/electoral_college.html États-Unis d’Amérique, Bureau de la gestion du budget (Office of Management and Budget). «Economic Report of the President : Federal government current receipts and expenditures, national income and product accounts (1959–2002)» et «Economic Report of the President : State and local government current receipts and

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243 États-Unis d’Amérique expenditures, national income and product accounts (1959–2002)», février 2003, sur Internet : http ://www.gpoaccess.gov/usbudget/ États-Unis d’Amérique, Bureau de statistiques (Census Bureau), «Annual Population Estimates by State», sur Internet : http ://eire.census.gov/popest/data/states/tables/ NST-EST2003-01.php États-Unis d’Amérique, Bureau de statistiques, «State Rankings from the Statistical Abstract of the United States», sur Internet : http ://www.census.gov/statab/www/ ranks.html États-Unis d’Amérique, Bureau de statistiques, «Summary of State and Local Government Finances by Level of Government : 2001–01», sur Internet : http :// www.census.gov/govs/estimate/01sl00us.html États-Unis d’Amérique, département du Trésor. «Treasury International Capital System : U.S. External Debt», 2003, sur Internet : http ://www.treas.gov/tic/debta603.html Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : United States», août 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/cr03244.pdf Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : United States», sur Internet : http ://www.oecd.org/ dataoecd/9/32/1902246.pdf Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «OECD in Figures : Statistics on the Member Countries», septembre 2003, sur Internet : http :// www1.oecd.org/publications/e-book/0103061E.PDF Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Review of Commonwealth-State Funding : Background Paper, décembre 2001, sur Internet : http ://www.reviewcommstatefunding.com.au/library/BackgroundPaper_FINAL.pdf «Statistics : California», Experimental Program to Stimulate Competitive Research (EPSCoR), National Research Foundation, sur Internet : http ://www.ehr.nsf.gov/epscor/ statistics/glance.cfm?st_abbr=CA Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut de relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Libraries : United States of America, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/ usa.html Notes 1 Les plus récentes données disponibles 2 15 ans et plus 3 Transferts fédéraux sous forme de subventions (Grants-in-aid )

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Éthiopie (République fédérale démocratique d’Éthiopie ) TOM PÄTZ

1 histoire et évolution du fédéralisme La République fédérale démocratique d’Éthiopie (environ 1 127 000 kilomètres carrés) est située sur la corne de l’Afrique. Elle est bordée par le Soudan à l’ouest, le Kenya au sud, la Somalie et Djibouti à l’est, et l’Érythrée au nord. Sa population se chiffre à quelque 67 millions d’habitants, dont environ 90 pour cent pratiquent l’agriculture de subsistance. L’agriculture est l’échine de l’économie nationale. Selon la Banque mondiale, le produit national brut (PNB) de l’Éthiopie est d’à peine 90 dollars américains par habitant, ce qui en a fait le pays le plus pauvre au monde en 2003. L’espérance de vie y est de moins de 45 ans. Vieille de 3000 ans, l’histoire de l’Éthiopie lui a mérité le titre de plus ancien «État» d’Afrique, voire d’un des plus anciens du monde. Depuis l’État Daamat (500 avant J.-C. à 100 après J.-C.), en passant par la civilisation avancée du royaume d’Aksoum, et jusqu’à l’ère des princes, l’Éthiopie a existé au sein de différents empires patrimoniaux. L’Éthiopie moderne fut créée par les chefs chrétiens des hautes terres, grâce surtout à un processus d’asservissement politique et d’exploitation économique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Hailé Sélassié, prince héritier impérial et régent, s’imposa aux seigneurs féodaux régionaux de 1916 à 1930, quand il devint empereur. Il fut exilé pendant l’occupation italienne de l’Éthiopie de 1936 à 1941. Après la libération de son pays par les forces alliées en 1941, il y rentra de Grande-Bretagne pour régner jusqu’à son renversement en 1974.

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Après dix ans sous mandat britannique, l’Érythrée, créature du colonialisme italien à la fin du XIXe siècle, fut fédérée avec l’Éthiopie en 1953. L’Assemblée générale des Nations Unies adopta une résolution, la «Loi fédérale», qui assujettissait l’Érythrée à la souveraineté de la Couronne éthiopienne. La résolution 390 (v) (a) du 2 décembre 1950 de l’ONU comptait 15 articles : les sept premiers réglementaient les relations entre l’Érythrée et l’Éthiopie, le premier prévoyant que l’Érythrée constituerait «une unité autonome fédérée avec l’Éthiopie». L’émergence de contradictions croissantes entre le féodalisme et le système capitaliste, conjuguée à la remise en question de la valeur de la monarchie, y alimenta l’agitation. En 1961, la garde du corps royale tenta un coup d’État qui révéla le mécontentement populaire devant le rythme de modernisation et de développement. Prenant acte de ceci, en 1962 le gouvernement adopta des mesures pour intensifier la centralisation. En 1974, le Conseil militaire provisoire (Derg en amharique) renversa le régime de Hailé Sélassié et proclama l’Éthiopie État socialiste. Au cours des premières années du nouveau régime, époque dite de la «terreur rouge», les luttes de pouvoir et la création d’un État socialiste entraînèrent la mort de 100 000 personnes, selon des estimations modérées, et la fuite de plusieurs centaines de milliers d’autres. En 1984 fut créé un parti des travailleurs d’Éthiopie sur le modèle soviétique et, en 1987, la République démocratique populaire d’Éthiopie fut promulguée et dotée d’une nouvelle Constitution. Ce document conféra l’autorité ultime de l’État au Chengo national et à son organe permanent, le Conseil d’État. Toutefois, comme dans les autres pays socialistes-communistes, le parti politique régnant pérennisait sa maîtrise du pouvoir en empruntant les voies de communication et de prise de décision informelles et «parallèles» du comité central et du bureau politique du Parti des travailleurs. Ainsi, dans les faits, il contrôlait le pouvoir ultime de décision au pays. À la fin de la guerre froide, l’appui des Soviétiques vacilla, et l’intégrité de l’État central fut contestée. Deux années de défaites militaires en Érythrée et au Tigré affaiblirent fatalement le régime dirigé par le colonel Mengistu, de surcroît abandonné peu à peu par ses alliés soviétiques. En 1991, une nouvelle coalition, celle du Front démocratique et révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE), lança un assaut militaire décisif sur les provinces du centre et de l’ouest tandis qu’à l’est, les forces érythréennes cernèrent les villes d’Assab et d’Asmara. Le colonel Mengistu s’enfuit au Zimbabwe. En juillet 1991, les forces du FDRPE saisirent le contrôle d’Addis-Abeba, après quoi une conférence fut organisée pour avaliser une charte de transition qui servirait de fondement juridique à quatre années de gouvernement

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intérimaire sous un corps législatif dominé par le FPDRE et un exécutif dirigé par Meles Zenawi, chef du Front populaire de libération du Tigré (FPLT). Le gouvernement de transition mit en œuvre de vastes réformes économiques, et pratiqua une forme radicale de transfert des compétences fédérales vers neuf nouveaux états régionaux conçus principalement en fonction de l’ethnie. Dans les années suivantes, et après consultation du public par voie de rencontres au niveau local surtout, une commission rédigea un projet de constitution : le 8 décembre 1994, une assemblée constituante de 538 membres l’approuva. Les électeurs acceptèrent la Constitution par référendum et la République fédérale démocratique d’Éthiopie fut proclamée en août 1995. Après la chute du Conseil militaire provisoire, les diverses forces de libération se transformèrent en partis politiques. Leurs membres ne réussirent pas à se muter de combattants en acteurs démocratiques dans ce court laps de temps. Ils continuèrent de chercher à triompher les uns des autres plutôt que de collaborer démocratiquement. En mai et juin 1995, l’Éthiopie tint des élections parlementaires nationales et des élections législatives régionales que boycottèrent la plupart des partis d’opposition – notamment le Front de libération Oromo qui, se voyant traîner loin derrière le FPLT, prit le maquis, assurant ainsi à ce dernier un raz-de-marée électoral. Des observateurs internationaux et des organismes non gouvernementaux conclurent cependant que, s’ils l’avaient voulu, les partis d’opposition auraient pu participer. En mai 1991 le Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE), dirigé par Isaias Afwerki, avait pris en charge le contrôle de l’Érythrée. Il y installa un gouvernement provisoire qui administra l’Érythrée de façon indépendante jusqu’au moment où, du 23 au 25 avril 1993 dans un référendum libre et juste sous la surveillance de l’ONU, les Érythréens votèrent l’indépendance par une majorité écrasante. L’Érythrée fut proclamée pays indépendant le 27 avril 1993. En mai 1998, les tensions croissantes entre l’Érythrée et l’Éthiopie aboutirent à une offensive militaire érythréenne. L’Éthiopie transforma la guerre de tranchées en opération militaire intense dont la conclusion fut l’entente de cessation des hostilités du 18 juin 2000. Enfin, le 12 décembre 2000, à Alger, l’Éthiopie et l’Érythrée signèrent un accord de paix, bien que la frontière restât contestée. Pour régler paisiblement le différend, on établit une commission. Le 13 avril 2002, elle trancha en délimitant la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie, mais jusqu’à maintenant, les deux pays n’ont pas réussi à s’entendre. Aujourd’hui, un peu plus de 4 000 troupes de l’ONU sont déployées le long de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie.

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2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La République fédérale démocratique d’Éthiopie est une démocratie parlementaire. La Chambre des représentants du peuple en propose le chef d’État – le président – pour un mandat de six ans, élu à la majorité des deux tiers lors d’une séance conjointe du Parlement (article 70). Le Parlement fédéral est bicaméral. Les organismes législatifs fédéraux sont la Chambre des représentants du peuple et la Chambre de la fédération. Les membres de la Chambre des représentants sont élus pour un mandat de cinq ans au suffrage uninominal à un tour. La Constitution prévoit que 550 membres au plus pourront y siéger, et qu’au moins 20 sièges seront réservés aux nationalités minoritaires. Ses fonctions sont de légiférer, de voir aux affaires financières, de délibérer, de renseigner et de représenter (article 54). Il dispose aussi du pouvoir d’interroger (article 55 (17)). La composition de la Chambre de la fédération est étonnamment ouverte. Les membres y sont élus au suffrage direct ou indirect : c’est au conseil régional de chaque état d’en décider. Ainsi, le conseil d’un état peut élire les membres lui-même ou encore les faire élire lors d’élections populaires. Il y a, à présent, 112 membres. Chaque nation ou nationalité a droit à un membre supplémentaire pour chaque million d’habitants (article 61). De ce nombre, 71 sont désignés par les états, et les 41 autres sont répartis proportionnellement en fonction de la population (article 61). C’est le principe de l’appartenance ethnique qui sous-tend l’organisation du fédéralisme éthiopien. Les citoyens éthiopiens sont classés selon le groupement ethnolinguistique auquel ils appartiennent. Les unités membres de la fédération sont façonnées «par la configuration des peuplements, la langue, l’identité et le consentement du peuple intéressé» (article 46 (2)). Les premiers mots du préambule de la Constitution, «Nous les nations, nationalités et peuples de l’Éthiopie», annoncent clairement un fédéralisme ethnique. Que les minorités soient reconnues nommément au Parlement fédéral ou dans les unités administratives locales autonomes, le droit de nationalité est un des éléments principaux de la Constitution et joue un rôle dans la répartition du pouvoir. La Chambre de la fédération est seule gardienne de la Constitution. Elle jouit du droit exclusif (article 62 (1)) et de l’autorité ultime (article 83) en matière d’interprétation : c’est sa principale fonction. L’article 62 (20) établit le Conseil d’enquête sur la Constitution pour examiner les litiges constitutionnels et présenter ses conclusions à la Chambre de la fédération. Le juge en chef de la Cour suprême

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fédérale dirige le Conseil d’enquête. La Chambre de la fédération n’est pas liée par les opinions consultatives du Conseil d’enquête. La République fédérale démocratique d’Éthiopie comprend le gouvernement fédéral et neuf états membres (appelés aussi «états régionaux») (article 50). Les états membres/régionaux sont le Tigré; l’Afar; l’Amhara; l’Oromia; le Somali; le Benishangul/Gumuz; les Nations, nationalités et peuples du Sud (NNPS); le Gambella; le Harar (article 47). Le dirigeant de chaque état membre/régional porte le titre de président. Il mène l’administration, est administrateur en chef et président du conseil exécutif de l’état. Il doit rendre des comptes au Conseil de la région (c’est ainsi qu’on nomme l’assemblée législative régionale). Le conseil exécutif est composé de l’administrateur en chef, de l’administrateur en chef délégué et des chefs de bureau. Le cinquième chapitre de la Constitution (articles 50 à 52) traite de la structure et du partage des compétences. L’article 51 (1–21) décrit en détail les compétences et les fonctions du gouvernement fédéral. Toutes les compétences fédérales visent des questions d’intérêt national. Ce sont, entre autres, le développement économique et social global; les normes nationales et les critères politiques de base pour la santé et l’éducation; la défense; la police fédérale; la politique étrangère; le commerce extérieur; la déclaration de l’état d’urgence; l’immigration et l’émission de passeports; le droit d’auteur; les normes pour les mesures et le calendrier; la possession et le port des armes. La description exhaustive des compétences fédérales est suivie d’une disposition générale portant sur les compétences et les fonctions des états. Selon le libellé de l’article 52 (1), «toutes les compétences non attribuées au gouvernement fédéral seul, ou au gouvernement fédéral et aux états concurremment, sont réservées aux états». Selon l’article 52 (2), les états peuvent établir leur propre administration; adopter et mettre en vigueur leur constitution; formuler des politiques, des stratégies et des plans; administrer le territoire; lever et percevoir des impôts et des redevances; adopter et appliquer des lois eu égard à leur fonction publique; et, enfin, établir et administrer une force policière d’état. L’article 49 de la Constitution donne un statut spécial à la capitale, Addis-Abeba. Selon l’article 49 (2), elle est pleinement autonome. On la considère généralement comme la dixième entité du pays. Son gouverneur – le chef de l’administration – est élu par le conseil local. Cependant, comme il doit répondre à la fois à ce conseil et au premier ministre (proclamation n0 87/1997, article 12) et que l’administration de la ville est responsable face au gouvernement fédéral (article 49 (3)), Addis-Abeba connaît en réalité moins d’indépendance que les états.

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La Constitution traite longuement des aménagements fiscaux et financiers des gouvernements des états et du gouvernement fédéral (article 62 et articles 94 à 100). En général, de part et d’autre les gouvernements doivent percevoir les revenus nécessaires pour s’acquitter de leurs responsabilités. La Constitution énumère les pouvoirs d’imposition aux deux niveaux (articles 96 et 97). L’assiette fiscale fédérale (article 96) comprend les douanes; les taxes et autres charges sur les importations et les exportations, ainsi que sur les services de transport aérien, maritime et ferroviaire; et l’impôt sur le revenu de ses propres employés. Le gouvernement fédéral lève et perçoit l’impôt sur le revenu et les profits, ainsi que les taxes de vente et d’accise, sur les entreprises lui appartenant. L’assiette fiscale des états comprend l’impôt sur le revenu de leurs propres employés, des employés du secteur privé et de leurs propres entreprises; les honoraires pour l’usage usufruitier du sol; les honoraires sur les revenus des services de transport sur les eaux de leur territoire; les honoraires sur les revenus de maisons et autres propriétés privées; les redevances pour l’exploitation de leurs richesses forestières (article 97). L’article 98 esquisse les pouvoirs partagés d’imposition qui comprennent les taxes de vente et droits d’accise ainsi que l’impôt sur les profits et sur les revenus personnels dans les entreprises établies conjointement par le gouvernement fédéral et ceux des états; l’impôt sur les profits des sociétés et les dividendes versés aux actionnaires; l’impôt sur les recettes des grandes exploitations minières, pétrolières et gazières ainsi que les redevances sur de telles exploitations. Pour exercer les pouvoirs d’imposition non expressément attribués exclusivement à un niveau de gouvernement ou concurremment aux deux, les deux chambres du Parlement doivent voter à la majorité des deux tiers en séance conjointe (article 99). La Chambre de la fédération établit une formule pour les subventions du gouvernement fédéral auxquelles pourraient avoir droit les états. Les recettes de sources communes et les subventions du gouvernement fédéral sont, elles aussi, fixées par la Chambre de la fédération sur la base de recommandations du Comité sur le partage des recettes (article 62 (7)). La modification de la Constitution implique tant les organismes législatifs fédéraux que ceux des états (article 105) et peut être amorcée aux deux niveaux (article 105). Une majorité des deux tiers des conseils régionaux des états ou des chambres fédérales est nécessaire pour faire avancer une proposition. Il y a deux procédures possibles, selon l’importance de la modification proposée. Si elle porte sur les libertés et droits fondamentaux, les deux chambres du Parlement doivent l’accepter à la majorité des deux tiers et les conseils régionaux de tous les états doivent y consentir à la majorité. Dans tout autre cas, une séance

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conjointe du Parlement doit l’avaliser à la majorité des deux tiers, et deux tiers des états doivent l’approuver à la majorité. Exceptionnellement, la Constitution prévoit le droit de sécession (article 39). Ce droit est compris dans celui plus vaste de l’autodétermination, esquissé dans le préambule. L’autodétermination est l’instrument constitutionnel, législatif et politique le plus important auquel fait appel l’Éthiopie pour assurer le développement positif du fédéralisme. La Constitution comprend le droit de développer sa langue, de faire la promotion de sa culture et de préserver son histoire, et donne aux états la possibilité de quitter la République fédérale démocratique d’Éthiopie. L’article 39 (4) établit en détail les procédures d’exercice du droit de sécession. Parmi les étapes prévues, il y a un suffrage à la majorité des deux tiers du conseil de l’état en question, un référendum organisé par le gouvernement fédéral et un vote majoritaire au référendum. C’est par ce processus que l’Érythrée a accédé à l’indépendance de droit en mai 1993. Aucun autre état n’a tenté de réaliser la sécession. Donnant suite à l’idée du droit à l’autodétermination, l’article 47 (2) de la Constitution énonce celui des «nations, nationalités et peuples» au sein des états d’établir leur propre État à tout moment. «Une nation, une nationalité ou un peuple» doit mettre sur pied un «Conseil», c’està-dire son propre organe représentatif, pour enclencher le processus de création de son État. Tout au long du processus, le Conseil sera le principal négociateur, bien qu’il ne soit pas précisé comment, au juste, il faudrait l’établir et qui devrait y siéger. Comme elle le fait pour la sécession, la Constitution établit précisément comment il faut s’y prendre pour créer de nouveaux états au sein de la République fédérale démocratique d’Éthiopie (article 47 (3)), y compris une majorité des deux tiers du Conseil de la nation, nationalité ou peuple intéressé, ainsi qu’un référendum. L’Éthiopie est un État multiethnique composé d’un peu plus de 80 groupes ethniques distincts. On y parle des langues très variées – environ 80 – et quelque 200 dialectes. Bien que l’amharique soit la langue de travail du gouvernement fédéral (article 5 (2)), conformément à l’article 5 (1), l’État reconnaît sur un pied d’égalité toutes les langues éthiopiennes. Chaque état établit sa propre langue de travail par une loi (article 5 (3)). La langue n’est pas la seule différence entre Éthiopiens : la religion en est une autre, et ils en pratiquent plusieurs (environ 40 pour cent des Éthiopiens sont musulmans, 40 pour cent chrétiens, et 20 pour cent animistes ou autres). Pourtant, jusqu’à tout récemment, les conflits religieux étaient rares. Ces dernières années, toutefois, les choses ont changé et les conflits liés à l’affiliation religieuse ont augmenté. Des campagnes agressives, de la part surtout de protestants et de wahhabites, ont déjà entraîné de violents conflits.

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Pour éviter de nouveaux conflits ethniques et religieux, le gouvernement des Nations, nationalités et peuples du Sud adopta l’idée d’une Chambre de la fédération au niveau de l’état régional. Le 12 novembre 2001, l’article 58 introduisit le Conseil des nationalités dans la Constitution régionale des Nations, nationalités et peuples du Sud. Le Conseil comprend au moins un membre des représentants des nations, nationalités et peuples de la région (article 58 (1)). Entre autres fonctions, le Conseil interprète la Constitution de l’état, organise le Conseil d’enquête sur la Constitution, et tranche les questions relatives au droit de la nation, de la nationalité et des peuples de disposer d’une administration de «zone», de «woreda spéciale» (district) et de «woreda» (article 59). Il est chargé aussi de «promouvoir et consolider l’unité et l’égalité des peuples de la région sur la base de leur consentement réciproque» et de «s’évertuer à trouver une solution aux querelles et aux malentendus» (article 59). Au Benishangul/ Gumuz, on a mis en marche un processus pour reproduire cet aménagement institutionnel unique et novateur. La solution constitutionnelle formelle que l’Éthiopie a mise au point pour le problème de la gouvernance en général, et de l’appartenance ethnique en particulier, est profondément affectée par le degré de maturité politique et l’aptitude à administrer des états, qui varient considérablement; ceci pourrait correspondre aux vastes écarts quant à la taille de la population des états. Certains sont relativement peu peuplés – environ 200 000 habitants au Gambella, par exemple, et 500 000 au Benishangul/Gumuz – alors que d’autres le sont beaucoup – plus de 14 millions en Amhara et plus de 19 millions en Oromia. Certains états sont aptes à saisir les occasions alors que d’autres, surtout au niveau du district (woreda) et au niveau local (kebele), ne le sont pas, même pour la routine quotidienne des affaires gouvernementales et administratives. Même si on suppose que les gouvernements aux différents niveaux sont plein de bonnes intentions, en raison de l’extraordinaire faiblesse de leur capacité d’administrer, bien des choses ne se font pas, ou se font mal. Certaines années, les régions dites en émergence (Afar, Somali, Benishangul/Gumuz, Gambella), dont le rendement est extrêmement faible, n’ont même pas réussi à dépenser les ressources qui leur avaient été consenties par le système de péréquation financière.

3 dynamique po lit iqu e récen te Le fédéralisme éthiopien doit relever plusieurs défis sérieux, dont ceux de la réforme des structures et de la dévolution politique. La réforme des structures se fera par petites étapes pour améliorer le

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processus de gouvernance. Le fédéralisme exigeant la maturité politique, les citoyens devront prendre de plus en plus conscience de leur intérêt à s’impliquer pour mettre au point une approche commune à ses problèmes. La difficulté pour l’Éthiopie est que, malgré sa longue histoire, ce pays n’a jamais connu le système politique démocratique ou la culture de l’administration. Les peuples du «cœur du pays» abyssinien et les sociétés dites plus traditionnelles du Sud et de l’Est sont habitués à des patriarcats strictement hiérarchisés. Les principes normatifs du régime fédéral et leur adaptation au contexte culturel et historique de l’Éthiopie constituent le grand défi auquel font face le gouvernement fédéral et ceux des états. Avec le conflit armé en Érythrée, de «vieilles» divergences d’opinions sur l’avenir de l’Éthiopie ont entraîné des luttes de pouvoir dramatiques au sein du FPLT. En 2001, dix ans après le renversement du gouvernement militaire, l’élite politique était divisée de l’intérieur à savoir s’il fallait permettre le cheminement vers l’établissement de vraies institutions démocratiques ou revenir à un modèle marxiste-léniniste de gouvernement et d’administration. Pendant près d’un an, ces clivages paralysèrent presque complètement les activités gouvernementales. La grave crise aurait pu mener au régime militaire, à la guerre civile ou à l’anarchie. À la place, l’élite du parti manifesta une maturité politique remarquable. On peut en voir les conséquences pour la culture politique de l’Éthiopie dans la réduction des pouvoirs du bureau du premier ministre et dans le recrutement au gouvernement de plus de technocrates et de moins de «batailleurs». Aussi, depuis la crise, on a permis au parti de tenir des débats internes fréquents et aux états de défendre leurs propres intérêts. La crise a ainsi entraîné des occasions de développement pour le fédéralisme de l’Éthiopie. Il semble que la crise des partis ait pavé la voie au passage d’un régime fédéral au sens juridique strict à un régime qui en a compris les contradictions et qui a cherché à apprendre à éviter, gérer et régler les conflits entre le gouvernement fédéral, les unités constituantes et leurs représentants dans l’assemblée législative fédérale. Pour la toute première fois, il était possible de voir les conflits à l’intérieur du système politique comme une condition préalable au développement du régime fédéral de l’Éthiopie. D’une part, la confiance des états membres en eux-mêmes, et leur assurance, ont eu pour effet d’ouvrir les débats sur les conflits entre gouvernements, comme les différends sur les compétences constitutionnelles, le partage des recettes, les différences de religion et de langue, et les conflits surgissant du manque de consultation entre eux. Plusieurs comités, groupes de travail et mécanismes de coordination ont été mis en place pour gérer «l’unité dans la diversité». D’autre part, en raison de la confiance des

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états membres en eux-mêmes et de leurs exigences accrues, la Chambre de la fédération a acquis une influence considérable. En plus de se munir de ressources et de dispositions juridiques adéquates par la proclamation no 251/2001 du 6 juillet 2001 (proclamation pour consolider la Chambre de la fédération de la République fédérale démocratique d’Éthiopie et pour définir ses compétences et ses responsabilités), elle est en voie de se transformer en institution au cœur du processus politique eu égard aux intérêts des états. Tant que le processus politique passera, pour l’essentiel, par le FDRPE, cette transformation semblera insignifiante. L’on s’attend cependant à ce qu’il y ait bientôt un gouvernement d’État indépendant du FDRPE, et la Chambre de la fédération se veut préparée à devenir «la» représentante de tous les groupes ethniques et à se porter garante du fédéralisme éthiopien. Le gouvernement fédéral et ceux des états membres ont lancé un programme de dévolution rapide. Les buts explicites de la décentralisation sont de rapprocher le gouvernement du peuple, de donner une représentation politique et une voix au chapitre aux différents groupes ethniques du pays, et de faire en sorte que la gouvernance et la répartition des richesses répondent aux besoins et aux priorités locales. L’an 2001 vit l’introduction rapide d’une série de mesures juridiques, fiscales et administratives de longue portée dans les quatre états membres les plus peuplés (Oromia, Amhara, NNPS et Tigré) pour habiliter le niveau local de gouvernement – comprenant les woredas et les municipalités – à fournir la plupart des services de base ainsi qu’à favoriser la démocratisation et le développement économique local. Un octroi «en bloc» selon une formule visant l’équité constitua l’instrument fiscal principal des états membres pour assurer la décentralisation rapide aux woredas de la responsabilité de fournir des services. Il y a cependant une myriade de défis institutionnels, juridiques, techniques et logistiques associés à ce processus de transformation rapide. La pauvreté en Éthiopie y affecte toute tentative de développement du système politique. Le niveau de pauvreté de ce pays est en effet parmi les plus élevés au monde, et, de surcroît, la population y est extrêmement vulnérable en raison, surtout, de son économie qui dépend de la pluviosité. À l’effet délétère de périodes fréquentes de sécheresse est venu s’ajouter, dans le passé récent, l’impact cumulatif des conflits frontaliers avec l’Érythrée, de la détérioration de l’échange international (sur le prix du café surtout), et de l’épidémie du VIH/ sida. Bien que ce soit la sécheresse qui ait brusquement augmenté le nombre de personnes touchées, il faudra s’attaquer aux causes sousjacentes de la vulnérabilité et aux carences économiques et sociales qui y sont liées.

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4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Barnabas, Gebreab et Tom Pätz (dir.), Proceedings of the 1st National Conference on Federalism, Conflict and Peace Building, mai 2003, AddisAbeba. Nahum, Fasil, Constitution for a Nation of Nations : The Ethiopian Prospect, Lawrenceville, New Jersey, Red Sea Press, 1997. http ://www.waltainfo.com, bulletin de nouvelles électronique http ://www.cyberethiopia.com, bulletin de nouvelles électronique http ://www.nale.gov.et, Archives et Bibliothèque nationale http ://www.electionworld.org/election/ethiopia.htm, élections dans le monde, section sur l’Éthiopie http ://www.telecom.net.et, Ethiopian Telecommunications Corporation http ://www.gksoft.com/govt/en/et.html, renseignements sur les gouvernements dans le monde, section sur l’Éthiopie http ://www.un.org/french/peace/peace/cu_mission/unmee/ body_unmee.htm, Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE) http ://www.afdb.org/african_countries/summing_csp_et_fr.htm, document de stratégie de développement 2002–2004 (Banque africaine de développement)

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256 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Addis-Abeba

Nombre et type d’unités constituantes

9 états membres/états régionaux : Afar; Amhara; Benishangul/Gumuz; Gambella; Harar; Nations, nationalités et peuples du Sud; Oromia; Somali; Tigré 2 villes à charte : Addis-Abeba, Dire Dawa

Langue(s) officielle(s)

Amharique

Superficie

s.o. N.B. La frontière avec l’Érythrée n’est pas encore établie.

Superficie – plus grande unité constituante

Oromia – 353 690 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Gambella – 25 274 km2

Population totale

67 335 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Oromia 35,2 %, Amhara 25,6 %, Nations, nationalités et peuples du Sud 19,7 %, Tigré 5,8 %, Somali 5,8 %, Addis-Abeba (ville à charte) 3,9 %, Afar 1,9 %, Benishangul/Gumuz 0,8 %, Dire Dawa (ville à charte) 0,5 %, Gambella 0,3 %, Harar 0,3 %

Régime politique – fédéral

République fédérale, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Président : Girma Woldegiorgis (2001). Le président est proposé par la Chambre des représentants du peuple, puis élu lors d’une séance conjointe du Parlement (à la majorité des deux tiers) pour un mandat d’une durée de 6 ans. En vertu d’une loi adoptée le 8 octobre 2001, le président doit être non partisan et indépendant.

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Meles Zenawi (1995–2000). Dirige une coalition de 24 partis (Front démocratique et révolutionnaire du peuple éthiopien, FDRPE). Le premier ministre choisit les membres du Conseil des ministres, avec l’assentiment de la Chambre des représentants du peuple.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Assemblée parlementaire fédérale : Chambre haute – Chambre de la fédération (Yefedereshn Mekir Bet), 112 sièges. 71 membres sont nommés par des organismes régionaux, et 41 sièges sont répartis en fonction de la population et de l’ethnicité. Pour les membres choisis dans les états régionaux, il revient au conseil régional d’établir si les représentants sont élus au suffrage direct ou indirect (par le Conseil de l’état). Les membres exercent un mandat d’une durée de 5 ans.

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257 Éthiopie Tableau I (suite) Chambre basse – Chambre des représentants du peuple (Yehizbtewekayoch Mekir Bet), 548 sièges. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée maximale de 5 ans dans des circonscriptions uninominales, au scrutin uninominal à un tour. Au moins 20 sièges sont réservés aux nationalités minoritaires. Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Oromia – 178

Nombre de représentants à la Harar – 2 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants s.o. à la Chambre haute du gouvernement fédéral Partage des compétences

La Constitution attribue 21 compétences exclusives au gouvernement fédéral, y compris l’élaboration et l’application des politiques économiques, financières et monétaires, la santé publique, l’éducation, les sciences et la technologie, les richesses naturelles, la frappe de la monnaie, les affaires internationales, les transports et les communications, le commerce, la défense et l’immigration. Les états régionaux légifèrent sur les questions de politiques économiques, sociales et de développement à l’intérieur des états, de droit civil, de main-d’œuvre, de police d’état et d’ordre public. Le pouvoir d’imposition est une compétence concurrente.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états régionaux.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

La Chambre de la fédération est seule gardienne de la Constitution. Le Conseil d’enquête sur la Constitution la conseille sur les questions constitutionnelles, mais la Chambre de la fédération n’est pas tenue de suivre l’avis consultatif du Conseil d’enquête.

Régime politique – unités constituantes

Les régions administratives sont tout à fait autonomes et ont à leur tête un conseil régional élu, le Conseil de la région. De surcroît, on reconnaît dans chaque région différentes «nationalités», dont la plupart jouissent du droit d’élire des «administrations locales nationales» pour se gouverner elles-mêmes et pour se lier à cette fin avec d’autres nationalités voisines. Dotée d’un statut spécial, Addis-Abeba se gouverne en toute autonomie.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Président de la région

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258 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

48,7 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

724 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

5,7 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national (%)

Urbain – environ 10 % Rural – environ 0,1 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Addis-Abeba – 40 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

s.o.

Taux d’alphabétisation chez les adultes

40,3 % (2001)

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,8 % (2001)

Espérance de vie (années)

45,7

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

s.o.

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

168,8 millions de $ US (est. 2000)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

s.o.

Mécanismes de péréquation

Les transferts sont établis à l’aide d’une formule.

Sources Banque mondiale, Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Total External Debt of Developing Countries 1995–2001, sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/vol2tables.htm Banque mondiale, Indicateur du développement dans le monde 2003–2004, Paris, Eska, 484 p. (sur Internet : www.worldbank.org) Banque mondiale, « Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Fonds monétaire international (FMI), Country Report : Ethiopia – Statistical Appendix, septembre 2002, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2002/ cr02214.pdf Fonds monétaire international (FMI), «Ethiopia : Sustainable Development and Poverty Reduction Program», juillet 2002, sur Internet : http ://www.imf.org/external/np/ prsp/2002/eth/01/073102.pdf

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259 Éthiopie International Constitutional Law : Ethiopia – Constitution, Université de Berne, Institut fur offentliches Recht, 1994, sur Internet : http ://www.oefre.unibe.ch/law/icl/ et00000_.html Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf

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Inde (République de l’Inde ) GEORGE MATHEW

1 histoire et évolution du fédéralisme L’Inde occupe un territoire de 3,28 millions de kilomètres carrés. Comptant environ 1 048 millions d’habitants (2002), le pays se distingue par sa grande diversité ethnique, linguistique et culturelle. On y trouve 28 états et sept territoires de l’Union, qui diffèrent sensiblement les uns des autres sur le plan des richesses naturelles, de la capacité administrative et du rendement économique. La pauvreté y est encore très présente. Selon des estimations établies en 1999–2000, 260 millions d’habitants, soit 26 pour cent de la population totale, vivent sous le seuil de la pauvreté. En 2000–2001 toutefois, l’Inde a atteint un taux de croissance du PIB de 6 pour cent. En 1858, après un siècle de gestion coloniale par la Compagnie britannique des Indes orientales (British East India Company), la Couronne britannique a pris la direction de l’administration de l’Inde. On a procédé à la mise en place d’un système gouvernemental très centralisé dans lequel les pouvoirs législatifs, exécutifs et financiers étaient détenus par le gouverneur général, exerçant ses fonctions au nom du gouvernement britannique. Les difficultés soulevées par la centralisation ont conduit les autorités à transférer certains pouvoirs. La déconcentration des pouvoirs a été réalisée en vertu de l’Acte des conseils de 1861 (Councils Act), puis de la réforme Minto-Morley de 1909. La réforme Montagu-Chelmsford de 1919 a ouvert la voie à une certaine autonomie des provinces; elle prévoyait d’adopter le

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principe du gouvernement responsable dans les provinces, quoique dans certains domaines seulement. Au cours de cette période, le gouvernement britannique a surtout cherché à endiguer le nationalisme indien et à affirmer la suzeraineté britannique. Ces objectifs sont à l’origine du rapport de 1930 présenté par la commission Simon, des conférences de la Table ronde et de l’Acte du gouvernement de l’Inde de 1935 (Government of India Act, 1935). Cette dernière loi correspond à un tournant décisif du point de vue de la structure fédérale du pays. Cette loi prévoyait la création d’une fédération comprenant les provinces des Indes britanniques et les États indiens régis par des rois (on les appelait alors «États princiers»). Selon la loi, il appartenait aux États princiers de décider euxmêmes s’il fallait se joindre à la nouvelle fédération. Comme ils ne se résolurent jamais à en faire partie, la fédération n’a jamais pris la forme qu’avait envisagée le Parlement britannique. Selon la loi de 1935, les pouvoirs législatifs étaient répartis entre le corps législatif central et les assemblées législatives provinciales et, au sein de la sphère d’activité qui leur était impartie, les provinces jouissaient de pouvoirs limités, ce qui en faisait des unités administratives autonomes. Le gouvernement de l’Inde se trouvait ainsi, dans une certaine mesure, à exercer le rôle d’un gouvernement fédéral vis-à-vis des provinces, malgré l’absence des États princiers. Cet arrangement a pris fin lors de la Deuxième Guerre mondiale. L’Inde a acquis son indépendance le 15 août 1947. L’Assemblée constituante a adopté la Constitution le 26 novembre 1949 et celle-ci est entrée en vigueur le 26 janvier de l’année suivante. Elle prévoyait un gouvernement central fort. Les frontières des 14 états et des six territoires de l’Union ont été déterminées en fonction du contexte historique dans lequel ils avaient été gouvernés. On a créé, en 1955, une commission de réorganisation des états; celle-ci a proposé que l’on procède à une réorganisation fondée sur les principes suivants : le maintien et le renforcement de l’unité et de la sécurité de l’Inde; l’homogénéité linguistique et culturelle; et diverses considérations financières, économiques et administratives. Comme il y a correspondance entre la langue et l’identité socioculturelle, le facteur linguistique occupait une place primordiale parmi les critères qui ont présidé à la réorganisation des unités constituantes. On estimait que la Loi sur la réorganisation des états (States Reorganisation Act, 1956), au terme de laquelle les frontières des états ont été retracées, surtout en fonction des langues utilisées dans les diverses régions, permettrait de résoudre de multiples problèmes, comme les disparités économiques, le développement désaxé et la domination de certaines castes ou classes. Depuis 1956, plusieurs autres modifications

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ont été apportées aux frontières des états, dont la plus récente est la création, en novembre 2000, de trois nouveaux petits états – Chhattisgarh, Jharkhand et Uttaranchal – dans le nord-est du pays à partir d’états existants. La grande préoccupation des auteurs de la Constitution était le maintien de l’unité et de l’intégrité de l’Inde qui, à l’aube de son indépendance, comptait, en plus des provinces des Indes britanniques, plus de 600 États princiers. Le mot «fédéral» n’apparaît nulle part dans la Constitution. Celle-ci affirme même que l’Inde est une «Union d’états», ses auteurs ayant voulu créer une puissante autorité centrale. B.R. Ambedkar, principal architecte de la Constitution, a déclaré que l’utilisation du mot «Union» correspondait à une volonté délibérée. Sans nier son caractère fédéral, le comité de rédaction voulait mettre en évidence le fait que l’Inde n’était pas le résultat d’un accord à l’initiative des unités constituantes. En temps normal, l’Inde fonctionne comme une fédération. Mais, lors de circonstances exceptionnelles, elle peut être – et a été – transformée en État unitaire.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e L’Inde est une république fédérale dotée d’un régime parlementaire. Elle compte 28 unités constituantes, dont trois, tel que susmentionné, ont été créées récemment. Le Parlement fédéral est bicaméral : il comprend la Rajya Sabha, ou Chambre des états (Chambre haute), et la Lok Sabha, ou Chambre du peuple (Chambre basse). Les chercheurs qui, au cours des 50 dernières années, se sont intéressés aux institutions politiques de l’Inde, ont affirmé qu’il s’agissait d’une sorte de fédération sans fédéralisme. Pour définir le régime fédéral indien, ils ont eu recours à diverses épithètes – coopératif, exécutif, émergent, responsable, parlementaire, populiste, législatif, concurrentiel, fiscal, restructuré, involontaire ou «quasi». Quoi qu’il en soit, et malgré plusieurs tentatives du gouvernement central d’usurper, par le biais de la législation parlementaire, les pouvoirs et les compétences des états, l’élément fédéral a toujours constitué un principe sous-jacent de la société politique indienne. Certaines dispositions de la Constitution permettent au pouvoir central d’empiéter sur les droits des États. Tout d’abord, selon l’article 249, si la Rajya Sabha adopte, aux deux tiers des membres présents exerçant leur droit de vote, une motion selon laquelle le Parlement doit, pour des raisons pratiques et d’intérêt national, voter des lois qui empiètent sur les sujets énumérés dans la liste des compétences des états (State List), il est autorisé à le faire. Une motion demeure valide

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pendant un an, et peut être reconduite pour une autre année suite à l’adoption d’une autre motion. C’est dans l’annexe 7 de la Constitution que sont fixés le partage des compétences entre le gouvernement de l’Union et les gouvernements des états, ainsi que les obligations de chacun. On y trouve la liste des compétences de l’Union (Union List), qui énumère 97 domaines de compétences, la liste des compétences des états, qui en comprend 66, et la liste des compétences concurrentes (Concurrent List), qui en comprend 47. Les principaux domaines figurant sur la liste des compétences de l’Union sont la défense, l’énergie nucléaire, la représentation diplomatique et consulaire, la représentation commerciale, la citoyenneté, l’extradition des personnes, le commerce interétatique, la vérification des états financiers, les devises et la frappe de la monnaie, la monnaie légale et le cours des changes. La liste des compétences des états comprend notamment l’ordre public, les administrations locales, la santé publique et les conditions sanitaires, les communications, l’agriculture, les pêches, le commerce au sein d’un état, l’imposition et la police. Le droit criminel, les forêts, la planification économique et sociale, les syndicats, l’éducation et les détentions préventives sont les principaux domaines figurant sur la liste des compétences concurrentes. Au fil des ans, les listes ont fait l’objet de modifications constitutionnelles qui ont renforcé les compétences du gouvernement central. La deuxième disposition constitutionnelle qui permet au gouvernement central d’empiéter sur les droits des états est l’article 250. Ce dernier stipule que, suite à la proclamation d’un «état d’urgence», le Parlement a le pouvoir d’adopter des lois sur tout sujet figurant dans la liste des compétences des états, ces lois pouvant s’appliquer à l’ensemble ou à une partie des états. Selon l’article 352, le gouvernement central a aussi le pouvoir de déterminer si un état d’urgence existe ou non. Un état d’urgence a été proclamé dans l’article 352 en octobre 1962, lors du conflit sino-indien (révocation en 1968), et en décembre 1971, lors de la guerre contre le Pakistan (révocation en mars 1977). Le Parlement s’est prévalu de l’article 250 pour retirer cinq sujets de la liste des compétences des états, et pour en ajouter cinq à la liste des compétences concurrentes, et trois à la liste des compétences de l’Union. Ainsi, en accord avec l’Acte constitutionnel de 1954 (troisième amendement, Constitution (Third Amendment) Act, 1954), l’annexe 7 a été modifiée et la portée des sujets énumérés dans la liste des compétences concurrentes a été amplifiée. La modification touchait le commerce, la production, les approvisionnements et la distribution de produits industriels, de denrées alimentaires, de fourrage pour bovins et de coton. À la suite de

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l’adoption de l’Acte constitutionnel de 1956 (sixième amendement, Constitution (Sixth Amendment) Act, 1956), le gouvernement de l’Union a été autorisé à percevoir des taxes sur un éventail plus large de produits faisant l’objet d’un commerce entre les états. L’Acte constitutionnel de 1982 (quarante-quatrième amendement, Constitution (Forty-sixth Amendment) Act, 1982) a donné à l’Union le pouvoir de taxer les expéditions liées au commerce interétatique. L’Acte constitutionnel de 1976 (quarante-deuxième amendement, Constitution (Forty-second Amendment) Act, 1976) a entraîné d’importantes modifications de l’annexe 7 : éducation, forêts, protection de la faune et, enfin, poids, mesures et normes ont été retirées de la liste des compétences des états et ajoutées à celle des compétences concurrentes. Mais, fait plus important, la modification a donné à l’Union le pouvoir de déployer des forces militaires dans tous les états tout en conservant le contrôle des forces armées. Il en a résulté une réduction du contrôle susceptible d’être exercé par les gouvernements des états concernés sur les forces armées déployées. La troisième disposition qui permet au gouvernement central d’intervenir dans les affaires des états est l’article 356. Au moyen de cet article, «l’exercice du pouvoir du président» («President’s rule»), qui permet au gouvernement central de prendre la direction du gouvernement d’un état, a été imposé à des états à plus de cent reprises depuis 1950. Comme il est incompatible avec la nature fédérale de l’Inde, cet article a été fortement critiqué. Ainsi, en 1994, la Cour suprême de l’Inde a décidé que le pouvoir du gouvernement central de destituer un gouvernement d’état (en vertu de l’article 356) n’est pas un pouvoir absolu mais conditionnel. La Constitution de l’Inde peut être modifiée de trois manières. Premièrement, il suffit d’un vote majoritaire du Parlement pour modifier les dispositions de la Constitution qui «ne sont pas réputées susceptibles d’être modifiées en vertu de la Constitution». Deuxièmement, dans d’autres cas, un projet de loi doit être déposé dans l’une ou l’autre des chambres du Parlement et appuyé par une majorité du total des membres de chaque Chambre et par une majorité d’au moins deux tiers des membres présents et exerçant leur droit de vote de chaque Chambre. Lorsque le président donne son assentiment, la Constitution est modifiée. Troisièmement, dans le cas des dispositions ayant une incidence sur la structure fédérale du pays, il faut que, une fois complétée la procédure décrite dans le deuxième cas ci-dessus et avant l’assentiment du président, les assemblées législatives d’au moins la moitié des états ratifient la modification. Les rapports entre le gouvernement central et les états ont souvent été tendus. C’est pourquoi on a jugé souhaitable de créer un organisme

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officiel ayant pour mission d’aider à gérer les relations intergouvernementales. Il s’agit du Conseil interétats (Inter-State Council, ISC). L’article 256 de la Constitution stipule que si, de l’avis du président, il est dans l’intérêt public d’établir un Conseil, il peut le faire, à condition d’en fixer la nature et les obligations. En général, le Conseil doit s’acquitter des responsabilités suivantes : (a) examiner les différends entre les états et donner des avis sur la façon de les résoudre; (b) faire des études approfondies sur des sujets auxquels s’intéressent tous les états ou un groupe d’états, ou l’Union et un ou plusieurs états; et (c) formuler des recommandations, notamment en vue d’améliorer la coordination des politiques et des activités qui donnent lieu à des différends. C’est à la Cour suprême de l’Inde qu’il incombe d’interpréter la Constitution indienne (article 124). Cette Cour est actuellement composée d’un juge en chef et de 25 juges nommés par le président. Elle joue le rôle d’arbitre suprême dans les différends qui opposent un état à un autre, ou les états à l’Union. On a parfois observé que les pouvoirs de la Cour suprême de l’Inde ont une portée plus large que ceux des tribunaux de dernière instance d’autres pays. Les pouvoirs fiscaux de l’Union et des états sont séparés : la liste des compétences de l’Union comporte 12 sujets en matière de fiscalité, tandis que la liste des compétences des états en compte 19. Les organes locaux urbains et ruraux détiennent également des pouvoirs fiscaux. Dans le domaine financier, une tendance générale à la centralisation semble se dessiner, ce qui contribue à rendre le gouvernement central plus puissant. Les événements marquants des 40 dernières années indiquent que les institutions et les tendances économiques encouragent la mise en place de régimes administratifs qui ne sont pas tout à fait compatibles avec les principes d’un véritable fédéralisme. L’article 280 de la Constitution prévoit la création, tous les cinq ans, d’une Commission des finances par le président. Celle-ci se compose d’un président et de quatre membres nommés par le président de la République. La Commission formule des recommandations concernant les relations fiscales entre le gouvernement central et les états. Ses recommandations reposent sur une évaluation approfondie de la situation financière des gouvernements du centre et des états, et sur des consultations auprès de toutes les parties concernées. Un pourcentage prédéterminé du rendement net de tous les prélèvements du gouvernement central est réservé aux états. Pour déterminer la part des prélèvements centraux et les subventions auxquelles les états peuvent prétendre, la Commission tient compte des tendances concernant tous les transferts du gouvernement central aux états. En outre, elle fonde ses recommandations sur une règle selon laquelle le total des montants octroyés par le centre aux états, au titre

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de la décentralisation fiscale et des subventions, ne devrait pas dépasser 37,5 pour cent du total des recettes centrales fiscales et non fiscales. En 2002, la douzième Commission des finances a été constituée et elle est censée présenter son rapport en juillet 2004. Ce rapport couvrira la période 2005–2006 à 2010–2011. La Commission de planification, qui agit au niveau central, et les conseils autonomes des états (voir les paragraphes qui suivent) jouent un rôle important dans les relations entre le centre et les états. Lorsque l’Inde a acquis son indépendance, la planification était indispensable pour s’attaquer aux problèmes de pauvreté, d’analphabétisme, d’insuffisance alimentaire et de sous-développement industriel. La Commission de planification a été créée en mars 1951 pour élaborer des méthodes de planification et, par la suite, proposer des plans quinquennaux et annuels. Ceux-ci ont été mis en œuvre dans le cadre d’une économie où le secteur public s’est vu attribuer un rôle considérable, un rôle moindre étant confié au secteur privé réglementé par les états. Les grands projets et les principaux programmes doivent être avalisés par la Commission de planification avant que ne soient prises les mesures budgétaires destinées à en assurer le financement. Sa principale responsabilité concerne la détermination et l’allocation des fonds accordés au titre du plan. Comme ces fonds sont limités, et compte tenu de la répartition inégale des ressources entre états, le partage des fonds demeure une source de friction dans les relations intergouvernementales.

3 dynamique po lit iqu e récen te Le principal échec des auteurs de la Constitution a été de ne pas avoir su mettre en place une administration intégrée relevant d’organes élus à divers échelons, depuis les villages et les villes jusqu’aux institutions centrales. En insistant sur la nécessité de maintenir l’unité de l’Inde, on a malmené l’esprit de certaines dispositions constitutionnelles. C’est ainsi que, pendant les années 80, l’Inde a été confrontée à une multitude de nouveaux problèmes – violence, menaces de sécession, pressions autonomistes, tentatives d’autodétermination et demandes de transferts massifs de pouvoirs vers les états. Comme le pluralisme de la société indienne revêt plusieurs dimensions, le fédéralisme est le seul principe susceptible d’assurer le maintien d’un État indien fort. Ce n’est que dans le cadre d’une société politique de type fédéral que les différents groupes socioculturels et les états particuliers peuvent arriver à former un ensemble cohérent. L’Inde était parvenue à un stade où, sans une reconnaissance des réalités sociopolitiques à divers échelons, l’Union ne pourrait survivre. La recherche de dispositifs

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institutionnels susceptibles d’améliorer le fonctionnement du régime fédéral est ainsi devenue la principale préoccupation des intellectuels, des juristes et des partis politiques. À la fin des années 80, il était généralement admis que le développement du concept fédéral exigeait une décentralisation en faveur des états. C’est ce qui, en juin 1983, a amené le gouvernement de l’Union à créer une commission (dite commission Sarkaria) ayant pour mandat d’examiner les pouvoirs, fonctions et responsabilités de l’Union et des états dans tous les domaines, ainsi que les relations qui en découlent, et de formuler des recommandations pour améliorer le fonctionnement du régime fédéral. La commission a présenté son rapport en janvier 1988 et s’est abstenue de préconiser des changements profonds en matière de relations intergouvernementales. Tout en proposant que soit maintenu un régime fédéral à deux niveaux, elle a critiqué la tendance à la concentration des pouvoirs aux mains du gouvernement central, et a notamment recommandé la compression des projets d’inspiration fédérale dans les domaines relevant de la compétence exclusive des états. En outre, la commission a proposé que l’Union se soumette à une obligation de réserve concernant les matières énumérées dans la liste des compétences concurrentes. Enfin, elle a soumis des observations utiles sur la nécessité de décentraliser les pouvoirs au niveau des états, et sur l’opportunité d’accorder des responsabilités accrues aux organes élus au niveau local. Toutefois, ses recommandations ne visaient pas l’établissement d’un fédéralisme à niveaux multiples. Amorcée au milieu des années 80, l’évolution vers un fédéralisme à niveaux multiples semble être la caractéristique la plus importante du fédéralisme indien. Par le passé, on a tenté plusieurs fois de créer des ordres de gouvernement inférieurs. Mais les tendances récentes se veulent plus exhaustives, démocratiques et durables. Le fait que les conseils de village (panchayats) et les municipalités n’étaient pas reconnus dans la Constitution nuisait non seulement à leur croissance et à leur développement, mais aussi à la décentralisation des pouvoirs. Même si la Constitution ne reconnaît que l’existence de l’Union et des états, on a amorcé des discussions dès le début des années 80 en vue d’accorder une reconnaissance constitutionnelle aux organes locaux. Divers projets pilotes ont été réalisés au Bengale-Occidental (1978), au Karnataka (1987) et en Andhra Pradesh (1987), et les populations locales y ont réagi de façon extraordinairement positive. Le 15 mai 1989, le premier ministre Rajiv Gandhi a présenté au Parlement un projet de loi (le soixante-quatrième amendement) visant à entériner dans la Constitution le rôle des panchayats. Bien accueillie,

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cette démarche n’en a pas moins soulevé deux grandes objections : (1) le projet de loi ignorait le rôle des états et on craignait qu’il ne servît de prétexte au gouvernement central pour traiter directement avec les panchayats; et (2) plutôt que de permettre aux divers états de légiférer sur diverses modalités, en tenant compte des circonstances propres à chacun, le projet de loi imposait un modèle uniforme partout au pays. Les partis politiques, les intellectuels et des groupes de citoyens s’opposèrent vigoureusement à la réforme proposée. Après avoir été adopté à une majorité des deux tiers au sein de la Lok Sabha, le projet de loi fut soumis au vote de la Rajya Sabha le 15 octobre 1989. Il n’aurait fallu que deux voix de plus pour obtenir la majorité requise. Il convient pourtant de noter que des changements d’un autre ordre ont eu des répercussions importantes en ce qui a trait au fédéralisme à niveaux multiples. Par exemple, plusieurs nouveaux conseils ont vu le jour, dont le Darjeeling Gorkha Hill Council (1988), le Bodoland Autonomous Council (1993), le Jharkhand Area Autonomous Council (1994), et l’Autonomous Hill District Council for Ladakh (1995). Il s’agit d’unités décentralisées nouvellement constituées qui confèrent une vigueur nouvelle à la notion de régime fédéral à niveaux multiples, et un regain d’énergie aux dispositifs institutionnels à plusieurs strates du fédéralisme indien. En septembre 1991, le gouvernement du Congrès, dirigé par le premier ministre Narasimha Rao, a présenté deux projets de loi : le premier portait sur les organes locaux dans les régions rurales (panchayats), l’autre sur les organes locaux des régions urbaines (municipalités). Ces projets de loi, qui visaient à étendre les principes de démocratie et de participation aux villages et aux municipalités, ont été adoptés par le Parlement le 23 décembre 1992 et sont entrés en vigueur en 1993 (il s’agit des soixante-treizième et soixante-quatorzième amendements), après dix ans de débats et de controverses législatives aux divers ordres de gouvernement. Selon ces modifications, 47 sujets ont été retirés aux états et confiés aux panchayats et aux municipalités. En décembre 1996, la portée des modifications a été élargie aux régions tribales (annexe 5 de la Constitution). Ces modifications constitutionnelles revêtent un caractère historique et ont donné lieu à un certain nombre de changements. Premièrement, les panchayats et les municipalités ont cessé d’être considérés comme de simples organismes de développement et sont devenus des «institutions autonomes». Deuxièmement, les assemblées de village (gram sabhas) et les comités de quartier au sein des municipalités sont devenus les unités de base du régime démocratique. Troisièmement, les modifications ont eu pour effet de créer de nouveaux ordres au sein du régime – le système des panchayats comporte trois niveaux :

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le village (niveau de base), le bloc (niveau intermédiaire) et le district (niveau supérieur). Quatrièmement, les modifications ont élargi la base démocratique du pays, les sièges aux trois niveaux des panchayats et des municipalités devant maintenant être occupés par des personnes élues au suffrage direct pour une période de cinq ans. En outre, des sièges sont réservés à des représentants de groupes comme les castes et tribus inférieures, et les femmes qui, traditionnellement, ont été tenues à l’écart des fonctions gouvernementales. Cinquièmement, une Commission électorale indépendante a été créée dans chaque état afin de superviser, diriger et contrôler le processus électoral, et de dresser les listes d’électeurs utilisées par les agents électoraux et les commissions des finances des états. Sixièmement, les modifications ont fixé les critères qui président à l’octroi de transferts de ressources financières aux panchayats et aux municipalités, ainsi qu’à la création de comités de planification des districts. Les subventions versées par les gouvernements du centre et des états représentent une source importante de financement, mais les gouvernements des états sont également censés réserver les recettes de certains impôts aux panchayats. Dans certains cas, les panchayats sont autorisés à prélever des impôts locaux et à en conserver les recettes. Les modifications constitutionnelles ont suscité l’existence de facto d’un troisième ordre de gouvernement, disposant d’une large assise démocratique. L’Inde comptait auparavant 4 963 représentants élus au Parlement et dans les assemblées législatives des états. Aujourd’hui, quelque trois millions de représentants, dont plus d’un million de femmes, sont élus tous les cinq ans. Bon nombre de groupes et de communautés autrefois exclus du processus politique sont maintenant représentés au sein des organes de décision. L’Inde est en train d’évoluer d’un fédéralisme à deux niveaux (Union et états) à un fédéralisme à niveaux multiples où les organes locaux (panchayats et municipalités), au niveau des districts et aux échelons inférieurs, constituent le troisième niveau. Certains analystes estiment que le processus ne fait que renforcer le «fédéralisme administratif» de façon à faciliter et à encourager le transfert des pouvoirs financiers et administratifs des états aux organes locaux. En effet, c’est grâce aux lois adoptées par les états que les pouvoirs administratifs, de même que les ressources financières nécessaires pour les exercer, leur sont octroyés. Comme ces organes ne disposent pas de pouvoirs exécutifs, législatifs, financiers ou judiciaires précis, cette école de pensée insiste sur le fait que le processus électoral et la reconnaissance constitutionnelle ne suffisent pas à créer un troisième ordre de gouvernement. Ce point de vue, toutefois, ne tient pas compte de l’ampleur des changements politiques et démocratiques observés.

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D’autres croient que cette tendance signale un changement qualitatif qui aura un effet décisif sur le caractère fédéral de la société politique indienne. Chaque état est devenu une unité fédérative comportant trois échelons internes : le district, le bloc et le village. Il s’agit d’un aspect singulier du fédéralisme indien, et l’Inde doit s’efforcer de trouver un juste équilibre entre ses diverses parties en reliant, dans le respect de la démocratie, les différents niveaux, depuis les gram sabhas jusqu’à la Lok Sabha au sein du Parlement fédéral. En Inde, les arrangements à niveaux multiples correspondent à la quête permanente de nouveaux modes d’adaptation aux pressions engendrées par l’évolution démocratique. Pour que le fédéralisme à niveaux multiples soit efficace, le gouvernement central doit se montrer disposé à partager les pouvoirs avec les états selon un critère d’égalité. Les innovations institutionnelles sont une condition nécessaire au renforcement du régime fédéral. La société politique fédérale indienne n’est pas une réalité statique. Comme l’a indiqué un chercheur spécialisé dans les études sur le fédéralisme indien, Rasheeduddin Khan, «l’Inde est un pays fédéral en évolution. En tant que pays, il vient de franchir le cap de son premier demi-siècle, et se trouve maintenant au seuil d’une ère nouvelle, celle du fédéralisme à niveaux multiples, ce qui signifie qu’il a cessé d’être une simple Union d’états». Il convient de souligner une autre tendance importante du fédéralisme indien : l’évolution du système des partis politiques. Jusqu’aux élections parlementaires de 1977, le Parti du Congrès (Congress Party) dominait la scène politique indienne. Mais depuis, les coalitions de partis font partie de la réalité politique, non seulement à l’échelle centrale, mais aussi à celle des états. Aujourd’hui, le Parti du Congrès ne peut exercer seul le pouvoir et il doit miser sur l’appui de partis à vocation régionale pour se maintenir. (Le gouvernement actuel de l’Inde est dirigé par une coalition de 24 partis.) En Inde, il y a actuellement plus de 550 partis politiques officiellement reconnus, dont 6 seulement ont une assise nationale, 40 une assise étatique et 504 une assise locale. Les partis aux niveaux des états et des localités exercent une très grande influence sur le gouvernement central, de sorte qu’il y a eu un accroissement sensible de l’obligation faite à ce gouvernement de rendre des comptes. Il suffit qu’un parti important au sein d’un gouvernement de coalition lui retire son appui sur une question de politique ou pour des motifs liés aux intérêts d’un état ou d’une région, pour remettre en question la capacité du gouvernement central de gouverner. Au cours des trois dernières années, certains changements d’ordre politique et constitutionnel ont eu un effet très sensible sur la nature

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du fédéralisme indien. Il y a tout d’abord les modifications constitutionnelles adoptées lors des premières années du XXIe siècle. Depuis l’adoption du quatre-vingtième amendement constitutionnel (2000), toutes les recettes de l’Union peuvent maintenant faire l’objet d’un partage avec les états. Le quatre-vingt-quatrième amendement (2002) a pour effet de maintenir les limites des circonscriptions parlementaires jusqu’en 2026. Pour justifier cette modification, on a fait valoir que, si les limites avaient été adoptées en 2001, les états du Sud ayant réussi à freiner leur croissance démographique auraient été injustement pénalisés. Les états du Nord où l’on parle hindi et où se concentre une part importante de la population ont ainsi manqué une occasion d’accroître leur puissance au Parlement. Une autre modification importante a également été adoptée en vertu de la Loi sur la représentation du peuple de 2003 (Representation of the People (Amendment) Act, 2003). Celle-ci prévoit la mise en place d’un système de scrutin public lors des élections à la Rajya Sabha et la suppression des obligations en matière de résidence lors d’une contestation des élections à cette Chambre. Les membres de la Rajya Sabha sont élus par les membres des assemblées législatives des états. Avant l’adoption de la loi, tout candidat à la Rajya Sabha élu pour représenter un état particulier devait être résident de cet état. La nouvelle loi supprime cette exigence. On a soutenu que cette modification mettait en cause certains aspects essentiels du lien fédéral entre les diverses unités constituantes de l’Inde. La Commission nationale d’examen du fonctionnement de la Constitution (Justice Venkatachelliah Commission, NCRWC), créée en février 2000, a présenté son rapport à la fin 2002. La mise en œuvre de ses recommandations a eu d’énormes conséquences sur la structure du gouvernement central et sur celle des états, de même que sur les relations intergouvernementales. La Commission a proposé des réformes exhaustives du système de comités, lesquelles permettront de freiner le déclin du Parlement et des assemblées législatives des états. Elle a recommandé la suppression de certains comités existants, comme le Comité des crédits, le Comité des travaux publics et le Comité sur les lois subsidiaires, et la création de trois nouveaux comités : un Comité sur la Constitution (responsable des modifications), un Comité sur l’économie nationale et un Comité sur les projets de loi. Au sujet des relations entre l’Union et les états, la Commission recommande le reforcement de l’actuel Conseil interétats (Inter-State Council, ISC) «dans un esprit de fédéralisme coopératif exigeant une confiance mutuelle, une compréhension adéquate des problèmes d’intérêt commun et une volonté de les régler le plus tôt possible». En

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outre, la Commission recommande la création d’une commission de réglementation du commerce interétatique (en vertu de l’article 307 et de la rubrique 42 de la liste des compétences de l’Union). L’article 307 porte sur l’octroi par le Parlement de pouvoirs visant à réaliser des activités commerciales et des activités connexes au sein du territoire de l’Inde. Il traite aussi de la liberté de commerce et des limites afférentes au sein du pays et entre les états. La rubrique 42 de la liste des compétences de l’Union fait référence au commerce interétatique. Une autre recommandation opportune concerne la tenue de consultations entre le Conseil interétats et les autorités de l’Union avant la signature de tout traité international ayant une «incidence très importante» sur les compétences énumérées dans la liste des compétences des états. Il convient de signaler que deux causes – présentées par les gouvernements des états du Pendjab et de Tamil Nadu – mettant en question la ratification unilatérale du traité de l’Organisation mondiale du commerce par le gouvernement de l’Union en 1995, sont en instance à la Cour suprême de l’Inde. Au cours des deux réunions du Conseil interétats tenues en novembre 2001 et août 2003, les états ont réalisé des gains importants. Il a été convenu que les compétences résiduelles qui, jusqu’alors, relevaient du gouvernement de l’Union, seraient inscrites sur la liste des compétences concurrentes et que les lois afférentes à celles-ci seraient élaborées en consultation avec les gouvernements des états. Le Conseil interétats a également adopté une autre recommandation, à savoir que le gouvernement de l’Union doit consulter le ministre en chef de l’état en question au sujet de la nomination des gouverneurs. Le gouvernement de l’Union a promis de modifier la Constitution en conséquence. Lors de la réunion du Conseil interétats à Srinagar, il a également été question des «dispositions d’urgence» de l’article 356. Les participants ont pris certaines décisions en faveur des états dont l’effet sera de réduire la marge de manœuvre du gouvernement de l’Union en ce qui concerne la définition d’un état d’urgence et sa proclamation. En raison de la lutte contre le terrorisme, il a été admis que, dans une situation d’urgence, le gouvernement central peut, de manière légitime, déployer des forces armées dans un état. On a toutefois conclu que, dans les autres cas, il est souhaitable de procéder à des consultations préalables auprès des états. La mise en place d’un système d’échange entre officiers de l’Union et de la police des états a également été acceptée. Le Conseil interétats a examiné 230 des 247 recommandations de la commission Sarkaria, et 170 d’entre elles ont déjà été mises en œuvre. Lors de sa dernière réunion, le Conseil interétats a décidé qu’il se transformerait en forum où l’on pourra débattre les grandes questions de

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fédéralisme coopératif et les problèmes socio-économiques. Le travail du Conseil interétats témoigne du rôle accru que jouent maintenant les états au sein du régime fédéral. En Inde, le processus de fédéralisation prend de plus en plus d’ampleur. Les principaux intervenants fédéraux de ce processus sont le président de l’Inde, la Cour suprême, la Commission électorale centrale et la Commission nationale des droits de la personne. Les organisations civiles et les médias jouent également un rôle important. Il n’y a jamais de moment ennuyeux dans la société indienne, et le caractère agité de la politique indienne n’a fait que renforcer le rôle des états et affaiblir la mainmise du pouvoir central.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Arora, Balveer, «Adapting Federalism to India : Multi-level and Asymmetrical Innovations», in Balveer Arora et Douglas V. Verney (dir.), Multiple Identities in a Single State : Indian Federalism in Comparative Perspective, New Delhi, Konark Publishers, 1995. Dua B. D. et M. P. Singh (dir.), Indian Federalism in the New Millennium, New Delhi, Manohar, 2003. Inde (Gouvernement de l’), «Report of the Eleventh Finance Commission», ministère des Finances, département des Affaires économiques, juin 2000. Khan, Rasheeduddin, Rethinking Indian Federalism, Simla, Institut indien d’études supérieures, 1997. —, Federal India : A Design for Change, Delhi, Vikas Publishing House PVT Ltd, 1992. Mathew, George, «Federalism, Local Government, and Economic Policy», in C. Steven LaRue (dir.), The India Handbook, Chicago, Fitzroy Dearborn, 1997. —, «Institutions of Self-Government in India : Towards Multi-level Federalism», Review of Development and Change, vol. II, no 2 (juilletdécembre 1997), Chennai, Institut d’études sur le développement de Madras. Mukarji, Nirmal and Balveer Arora (dir.), Federalism in India : Origins and Development, New Delhi, Centre de recherche sur les politiques et Vikas Publishing House PVT Ltd, 1972. Mukarji, Nirmal, «The Third Stratum», Bombay : Economic and Political Weekly, 1er mai 1993. Santhanam, K., Union-State Relations in India, New Delhi, Institut indien d’administration publique et Asia Publishing House, 1960.

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275 Inde

http ://www.parliamentofindia.nic.in/, Parlement fédéral http ://www.presidentofindia.nic.in/S/current_president.htm, président de l’Inde http ://www.ehess.fr/centres/ceias/present-fr.html, Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud

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276 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

New Delhi

Nombre et type d’unités constituantes

28 états : Andhra Pradesh, Arunachal Pradesh, Assam, Bengale-Occidental, Bihar, Chhattisgarh, Goa, Gujarat, Haryana, Himachal Pradesh, Jammu-et-Cachemire, Jharkhand, Karnataka, Kerala, Madhya Pradesh, Maharashtra, Manipur, Meghalaya, Mizoram, Nagaland, Orissa, Pendjab, Rajasthan, Sikkim, Tamil Nadu, Tripura, Uttar Pradesh, Uttaranchal, 7 territoires de l’Union : Chandigarh, Dadra et Nagar Haveli, Daman et Diu, Delhi, îles Andaman et Nicobar, îles Laquedives, Pondichéry

Langue(s) officielle(s)

Assamais, bengali, cachemiri, canara, gujarati, hindi, konkani, malayalam, manipuri, marathi, népalais, oriya, ourdou, pendjabi, sanskrit, sindhi, tamoul, telugu

Superficie

3 287 590 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Rajasthan – 342 239 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Goa – 3 702 km2

Population totale

1 048 279 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Uttar Pradesh 16,1 %, Maharashtra 9,4 %, Mizoram 8,7 %, Bihar 8,1 %, Bengale-Occidental 7,8 %, Andhra Pradesh 7,4 %, Tamil Nadu 6 %, Madhya Pradesh 5,9 %, Rajasthan 5,5 %, Karnataka 5,1 %, Gujarat 4,9 %, Orissa 3,6 %, Kerala 3,1 %, Assam 2,6 %, Jharkhand 2,6 %, Pendjab 2,4 %, Dadra et Nagar Haveli 2,1 %, Chhattisgarh 2 %, Haryana 2%, Delhi 1,3 %, Jammu-et-Cachemire 1 %, Uttaranchal 0,8 %, Himachal Pradesh 0,6 %, Tripura 0,3 %, Manipur 0,2 %, Meghalaya 0,2 %, Nagaland 0,2 %, Arunachal Pradesh 0,1 %, Goa 0,1 %, Chandigarh 0,09 %, Pondichéry 0,09 % , Sikkim 0,05 %, îles Andaman et Nicobar 0,03 %, Daman et Diu 0,01 %, îles Laquedives 0,006 %

Régime politique – fédéral

République fédérale, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Président : Avul Pakir Jainulabdeen Abdul Kalam. Le président est élu pour un mandat d’une durée de 5 ans par un collège électoral composé de membres élus des deux chambres du Parlement et des assemblées législatives des états. Les dernières élections ont eu lieu en juillet 2002. (Les prochaines auront lieu en juillet 2007.)

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277 Inde Tableau I (suite) Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Shri Atal Bihari Vajpayee (depuis 1998). Le président confie le poste de premier ministre au chef du parti ou de l’alliance qui jouit de l’appui de la majorité des membres au sein de la Lok Sabha. Les membres du Conseil des ministres sont nommés par le président sur recommandation du premier ministre. Les prochaines élections auront lieu en 2004.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement (Sansad) : Chambre haute – Chambre des états (Rajya Sabha). Elle ne peut compter plus de 250 membres. 12 membres sont nommés par le président, et les autres membres sont élus au scrutin proportionnel (vote unique transférable) pour un mandat d’une durée de 6 ans par les membres des assemblées législatives des états et des territoires. Un tiers des membres est élu tous les 2 ans. Chambre basse – Chambre du peuple (Lok Sabha). Elle ne peut compter plus de 552 membres. Ceux-ci sont élus au suffrage direct, tous les adultes ayant le droit de voter. Le président choisit au maximum 2 membres de la communauté anglo-indienne s’il juge qu’elle n’est pas représentée de manière satisfaisante à la Chambre. Les membres de la Lok Sabha exercent un mandat d’une durée de 5 ans à compter de la date de leur première réunion.

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Uttar Pradesh – 85

Nombre de représentants à la Chandigarh, Dadra et Nagar Haveli, Daman et Diu, Îles Andaman et Nicobar, Îles Laquedives, Mizoram, Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité cons- Nagaland, Pondichéry, Sikkim tituante la moins peuplée Répartition des représentants Andra Pradesh 18, Arunachal Pradesh 1, Assam 7, Bihar à la Chambre haute du gouver- 16, Chhattisgarh 5, Goa 1, Gujarat 11, Haryana 5, Himachal Pradesh 3, Jammu-et-Cachemire 4, Jharkhand 6, nement fédéral Karnataka 12, Kerala 9, Madhya Pradesh 11, Maharashtra 19, Manipur 1, Meghalaya 1, Mizoram 1, Nagaland 1, Orissa 10, Pendjab 7, Rajasthan 10, Sikkim 1, Tamil Nadu 18, Tripura 1, Uttaranchal 3, Uttar Pradesh 31, Bengale-Occidental 16 N.B. Les territoires de l’Union n’apparaissent pas dans cette liste.

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278 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Partage des compétences

Le gouvernement fédéral possède des compétences exclusives dans 97 domaines (dont la défense, les affaires étrangères, les communications, les devises et la frappe de la monnaie, les activités bancaires et les douanes). Les états possèdent des complétences exclusives dans 66 domaines tels que la police et l’ordre public, l’agriculture et l’irrigation, l’éducation, la santé publique et les administrations locales. Les compétences sont concurrentes dans 47 domaines, dont la planification économique et sociale, le droit criminel, l’éducation, la régulation démographique, la planification familiale, la main-d’œuvre et la réglementation des prix. En cas de conflit entre une loi fédérale et une loi étatique visant un domaine figurant dans la liste constitutionnelle des compétences concurrentes, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent de l’Union1.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême de l’Inde, composée d’un juge en chef et d’un maximum de 25 autres juges nommés par le président de l’Inde. Les juges doivent prendre leur retraite à l’âge de 65 ans.

Régime politique – unités constituantes

Les assemblées législatives (Vidhan Sabha) comptent de 32 à 425 membres élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 5 ans. Certains des états les plus peuplés possèdent une deuxième chambre législative comptant moins de sièges et portant le nom de Conseil législatif (Vidhan Prishad).

Chef de gouvernement – unités constituantes

Chef d’état : Gouverneur, nommé par le président sur recommandation du premier ministre. Il exerce un mandat d’une durée de 5 ans. Chef de gouvernement : Le ministre en chef préside le Conseil des ministres, choisis parmi les membres de l’assemblée législative.

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279 Inde Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

2,7 billions de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

2 570,9 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

97,3 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

82,6 milliards de $ US

Taux de chômage national

8,8 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Goa – 13,6 %

Unités constituantes ayant le taux de chômage le plus faible

Gujarat et Rajasthan – 0,8 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

58 %2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,1 %

Espérance de vie (années)

63,3 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

45,6 milliards de $ US (2002–2003)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

31,4 milliards de $ US (2002–2003)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

11,5 milliards de $ US (2002–2003)

Mécanismes de péréquation

Des subventions conditionnelles et inconditionnelles, de même qu’une part des impôts fédéraux, sont transférées aux états à la suite des recommandations de commissions des finances indépendantes.

Sources Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995– 2001», Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Statistical Appendix (External Liabilities and Assets), sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/statappendix/ externalliabilitiesandassets.pdf Inde (Bureau du président de l’), sur Internet : http ://presidentofindia.nic.in/ Inde (Gouvernement de l’), Commission de planification, «National Human Development Report 2001», sur Internet : http ://planningcommission.nic.in/ reports/genrep/nhdrep/nhdtstatapx.pdf

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280 Guide des pays fédéraux, 2005 Inde (Gouvernement de l’), ministère des Finances, «Budget Division : Report on 11th Finance Commission (for 2000–2005)» et «Economic Survey : Public Finance, 2002–2003», sur Internet : http ://finmin.nic.in/the_ministry/dept_eco_affairs/ budget/11th_fc/fc_index.htm Inde (Gouvernement de l’), «Union Budget 2003–2004 : State-wise Distribution of Share in Central Taxes/Duties.», sur Internet : http ://indiabudget.nic.in/ub200304/rec.htm Inde (Parlement de l’), sur Internet : http ://www.parliamentofindia.nic.in/ India Profile : Labour, sur Internet : http ://www.nationmaster.com/country/in/Labor Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut de relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Libraries : India, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/india.html Notes 1 Les autres dispositions portent sur les rapports administratifs entre l’Union et les états, le commerce entre états, les transferts fédéraux, les langues officielles, etc. 2 15 ans et plus

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Malaisie (Fédération de Malaisie ) G O R D O N P. M E A N S

1 histoire et évolution du fédéralisme La Fédération de Malaisie comprend 13 états et trois territoires fédéraux1. Elle se situe dans la péninsule malaise, à la pointe sud-est de l’Asie continentale et de la frontière septentrionale de l’île de Bornéo. La Fédération s’inspire d’un modèle britannique lui-même fondé sur les traités conclus avec les sultanats malais. La Fédération de 1896 compte quatre États malais, alors que cinq États demeurent non fédérés. À l’époque coloniale, les Britanniques administrent directement trois colonies, soit Singapour, Melaka et Penang, et exercent des droits coloniaux indirects sur les États de Sarawak et de Bornéo septentrional, dans l’île de Bornéo. Après la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs efforts sont faits pour unifier ces États et territoires. Une proposition visant à créer une union est rejetée en raison de l’opposition des sultans malais et de la population malaise, qui craignent de perdre certains pouvoirs si jamais les groupes d’immigrants chinois, indiens et

1 Les trois territoires fédéraux sont les suivants : Kuala Lumpur, territoire fédéral depuis 1974; Labuan, territoire fédéral depuis 1984; et Putrajaya, territoire fédéral depuis 2001. La capitale administative de la Malaisie est maintenant Putrajaya, une nouvelle ville située à environ 40 kilomètres au nord de Kuala Lumpur et qui est au service exclusif du gouvernement fédéral.

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283 Malaisie

autres étaient pleinement représentés au sein des institutions démocratiques envisagées. On crée plutôt, en 1948, la Fédération de Malaya, et l’on prévoit des dispositions pour protéger les pouvoirs des chefs malais et les intérêts de leurs sujets. Ce régime fédéral vise alors à garantir la domination politique des Malais et à contrer la pression des groupes d’immigrants qui réclamaient une pleine représentation assortie de réformes démocratiques. La Fédération de 1948 comprend neuf états malais et les anciennes colonies de Melaka et Penang, mais non pas Singapour. La domination des Britanniques sur la Fédération de Malaya se poursuit jusqu’en 1957, date où Malaya obtient son indépendance. L’adoption, la même année, d’une nouvelle Constitution pour tenir compte de cette séparation permet du même coup de réviser le régime fédéral pour déléguer à chaque niveau de gouvernement l’entière responsabilité des sujets au sein de sa compétence propre. On accorde aux gouvernements des états comme au gouvernement fédéral la capacité de se déléguer mutuellement des pouvoirs à la discrétion de l’exécutif. Au fil du temps, cette caractéristique rend très polyvalent le régime fédéral et l’aide à renforcer l’autorité fédérale. Entre 1948 et 1960, le gouvernement doit faire face à une insurrection de guérilleros communistes qu’il réussit graduellement à réprimer. Ces guérilleros tentent d’obtenir l’appui des collectivités rurales et ouvrières chinoises. En réaction, le gouvernement se dote de politiques anti-insurrectionnelles pour réduire la menace. Il adopte aussi des mesures militaires vigoureuses, et tente de répondre à certaines demandes des communautés immigrantes, ce qui réduit quelque peu la discrimination ethnique flagrante en faveur de la population malaise, qui est manifeste au sein du régime fédéral. En 1963, la Fédération de Malaya s’élargit pour inclure les États de Singapour, Sarawak et Sabah (autrefois Bornéo septentrional), jusquelà sous la férule des Britanniques, qui font face à l’indépendance. On conclut une entente dans le but d’élargir la Fédération. Cette proposition est vigoureusement rejetée par certaines minorités des États adhérents, de même que par l’Indonésie et les Philippines. Malgré tout, la nouvelle Fédération de Malaisie voit le jour en 1963. L’accord de la Malaisie modifie davantage le régime fédéral, grâce à une série d’ententes spéciales complexes qui visent à répondre aux préoccupations des états adhérents et des chefs fédéraux à Malaya. Peu après la formation de la Fédération de Malaisie, les autorités de Singapour et le gouvernement fédéral se mettent à se quereller au sujet de l’accord, qui définit l’autonomie relative de Singapour et la portée des pouvoirs fédéraux dans des domaines comme la sécurité et l’activité politique. L’enjeu consiste à établir si le parti au pouvoir à

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Singapour a le droit de mobiliser l’appui politique dans le reste de la Malaisie, et si les partisans politiques du gouvernement fédéral, appuyés par des forces de sécurité compatissantes contrôlées par le gouvernement fédéral, peuvent réussir à mobiliser l’opposition au gouvernement de Singapour. Les manifestations politiques prennent rapidement une tangente ethnique, puisque la population de Singapour est composée à 75 pour cent de Chinois et à 14 pour cent seulement de Malais. Dans le reste de la Malaisie, cette proportion s’établit à 45,9 pour cent de Malais et à 36 pour cent de Chinois. En outre, le gouvernement fédéral s’est engagé à consolider la primauté des Malais comme peuple indigène grâce à un système raffiné de droits spéciaux. Ainsi, la concurrence entre les autorités fédérales et celles de Singapour soulève des questions fondamentales de suprématie politique fondée sur l’ethnie, de droits minoritaires et d’égalité des citoyens. Les manifestations et contre-manifestations menées tour à tour par les deux partis attisent les passions ethniques, et le premier ministre de Malaisie, Tunku Abdul Rahman, décide finalement qu’il est temps que Singapour soit rejeté de la Fédération. Face à l’ultimatum, les autorités de Singapour s’inclinent. En août 1965, rapidement et dans le plus grand secret, le Parlement de Malaisie ratifie le projet de modification constitutionnelle qui va dorénavant exclure Singapour. Cet événement saisissant confirmera la supériorité des pouvoirs politiques et légaux du gouvernement fédéral et aura un profond impact sur le développement subséquent des rapports entre les autorités fédérales et celles des états au sein d’une Fédération de Malaisie remaniée. Le départ de Singapour affecte également les calculs politiques car sans Singapour, la Malaisie peut affermir la dominance politique des Malais et bloquer la contestation des politiques fédérales. Ceci touche particulièrement la formule des relations interethniques fondée sur un système de droits et privilèges malais et dont les chefs malais font la promotion au sein du gouvernement fédéral. On notait déjà des différences entre les mosaïques ethniques des états de la péninsule et celles de Bornéo, mais à la suite du départ de Singapour, les autorités fédérales exercent des pressions constantes pour obliger les états de Bornéo à se conformer aux politiques fédérales et à intégrer leurs structures de parti au système d’alliances de partis ethniques soutenant le gouvernement fédéral. Les autorités fédérales font tout pour s’ingérer dans la politique des deux états de Bornéo afin de maintenir au pouvoir des coalitions politiques qui collaborent avec elles et qui acceptent de souscrire aux objectifs et aux politiques de l’administration fédérale. Un favoritisme fédéral systémique, jumelé aux pouvoirs policiers et à d’autres pouvoirs coercitifs fédéraux, est utilisé pour récompenser des partisans et

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pour isoler et vaincre les chefs des états qui défendent toutes les conditions d’autonomie de Sarawak et de Sabah incluses dans l’accord de la Malaisie original. La crise constitutionnelle de mai 1969 transforme radicalement l’équilibre du régime fédéral. La tenue d’élections aux résultats nébuleux donne lieu à des émeutes raciales, et le gouvernement déclare l’état d’urgence national, qui suspend les droits constitutionnels et le Parlement. Pendant 15 mois, le pays est dirigé par un conseil opérationnel national établi par décret gouvernemental. Les gouvernements des états continuent de fonctionner, tout en respectant des règles d’urgence. Une fois le régime constitutionnel rétabli, la Loi sur la sédition est modifiée; il est dorénavant illégal pour quiconque, y compris les membres du Parlement, de discuter du pouvoir ou du statut des chefs malais, des droits des citoyens, des droits spéciaux malais, du statut de l’Islam comme religion officielle, et du choix du malais comme langue officielle, ou encore de les critiquer. Puisque certains enjeux touchent la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les états, cette ordonnance rend criminelle toute discussion publique sur l’un ou l’autre sujet, même au sein du Parlement ou des assemblées législatives des états. Toute peine imposée en vertu de la Loi sur la sédition interdit automatiquement à la personne d’occuper un poste de représentant élu. En ce qui a trait aux questions ethniques, il est clair que les états doivent se conformer aux directives des autorités fédérales.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Malaisie est une démocratie parlementaire. Le chef d’État est un monarque constitutionnel, ou chef suprême (Yang Di-Pertuan Agong). Ce dernier est élu selon l’ancienneté, pour un mandat de cinq ans, par la Conférence des chefs parmi les membres de celle-ci, soit les neuf chefs malais (sultans) des états qui constituaient auparavant la Fédération de Malaya (articles 32 à 38). Ce système permet une rotation de la fonction parmi les chefs malais. Ces derniers sont d’ardents défenseurs du fédéralisme, puisqu’ils jouissent d’importants pouvoirs au niveau de l’État et assurent la continuité politique avec un régime politique traditionnel plus ancien que celui du régime colonial britannique. Depuis l’expulsion de Singapour de la Malaisie en mai 1965, le régime fédéral compte treize unités constituantes : neuf états malais, plus Penang et Melaka (deux anciennes colonies britanniques) dans la péninsule malaise, ainsi que les deux états de Malaisie orientale (Bornéo), soit Sarawak et Sabah. Les neuf états malais sont gouvernés par un chef héréditaire (sultan), et les quatre autres états relèvent d’un

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gouverneur nommé par le chef suprême (sur avis du premier ministre fédéral). Chaque unité constituante est régie par une assemblée législative élue, sous l’égide d’un ministre en chef élu à la majorité par l’assemblée en question. Chaque état possède une Constitution qui intègre les «dispositions essentielles» de la huitième annexe de la Constitution fédérale, ce qui assure une certaine homogénéité dans tous les états. Le Parlement jouit d’un pouvoir législatif suffisant pour forcer les états à éliminer des dispositions constitutionnelles non conformes à la huitième annexe. On accorde au gouvernement fédéral et aux états la possibilité de déléguer certains pouvoirs à d’autres en signant des accords exécutifs en ce sens. Le partage officiel des compétences au sein de la Constitution attribue au gouvernement fédéral les compétences les plus importantes, ce qui dote la Fédération d’un gouvernement central très fort. Ces compétences fédérales touchent, entre autres, les affaires étrangères, la défense, le droit civil et criminel, la citoyenneté, les élections fédérales et celles des états, les finances, le commerce, l’industrie, les taxes, l’éducation, la santé, la main-d’œuvre et la sécurité sociale (article 74, neuxième annexe). En cas de conflit, la loi fédérale prévaut. Même si les états ont droit à des compétences résiduelles, la liste des fonctions incluse dans la Constitution est si longue qu’il ne reste pratiquement aucune compétence résiduelle à revendiquer. Les états sont les premiers responsables de l’aménagement du territoire et de l’agriculture, des administrations locales et des services locaux, ainsi que de l’administration du droit coutumier islamique et malais (article 95B, neuvième annexe). Puisque ces derniers enjeux sont moins pertinents dans le cas des états non malais, on a accordé des compétences supplémentaires à Sarawak et Sabah lorsqu’ils ont adhéré à la Fédération. Ceci a engendré un régime fédéral au sein duquel les unités constituantes jouissent de compétences inégales. Au niveau fédéral, la Chambre haute du Parlement, soit le Sénat (Dewan Negara), a été conçue pour représenter les états et pour empêcher le gouvernement fédéral d’empiéter sur leurs droits. Le Sénat comprend 69 membres, soit deux représentants des états élus par les assemblées législatives, et 22 nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre. Puisque le parti de l’Alliance au pouvoir obtient généralement la majorité dominante dans au moins neuf assemblées des états, les sénateurs sont nommés en fonction de leur loyauté et des services rendus au parti au pouvoir, ce qui fait du Sénat un important siège de favoritisme pour le parti au pouvoir. Dans les faits, le Sénat ne défend donc pas les intérêts des états mais constitue un simple comptoir où l’on estampille les lois fédérales provenant de la Chambre basse du Parlement (Dewan Rakyat), qui est élue par le peuple.

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Une modification constitutionnelle exige le soutien d’une majorité des deux tiers au Parlement, sans aucune participation des états (article 15). Puisque le gouvernement fédéral jouit toujours d’une majorité de plus des deux tiers, les modifications constitutionnelles sont rapidement adoptées. Certaines de ces modifications ont même profité d’un traitement rétroactif dans le but de rendre légales des mesures fédérales qui, autrement, auraient pu être contestées en cour. Diverses modifications constitutionnelles ont été introduites, adoptées par les deux chambres du Parlement et approuvées par assentiment royal en quelques heures seulement, sans annonce préalable et sans débat sur la place publique. Entre 1957 et 2003, la Constitution a été modifiée 43 fois, ce qui a résulté, au total, en la modification de 643 articles. L’effet cumulatif de ces modifications a fini par accorder au gouvernement fédéral énormément de pouvoirs et de contrôle sur les politiques et l’administration des états. Les arrangements fiscaux contenus dans la Constitution favorisent le gouvernement central. Toutes les grandes compétences fiscales sont attribuées au gouvernement fédéral, même si on garantit aux états une part des recettes fédérales calculée principalement à partir du taux de population et du millage des routes (dixième annexe). On a aussi conclu des ententes de partage de revenus relativement aux revenus pétroliers du sous-sol marin des états du littoral. Un conseil national des finances regroupant des représentants du gouvernement fédéral et des états devait en assurer la coordination; n’ayant qu’un rôle consultatif, il n’est toutefois jamais devenu un organisme de coordination efficace. C’est l’Unité de planification économique du Bureau du premier ministre qui produit les rapports économiques annuels et les plans économiques quinquennaux nationaux qui déterminent le mode de répartition des revenus publics et qui fixent les objectifs économiques. Un groupe de comités de développement au niveau de l’État, des états et des districts supervise et coordonne la mise en œuvre de ces plans économiques nationaux, sous l’étroite surveillance de l’administration fédérale. Puisque tous les grands pouvoirs de taxation relèvent du gouvernement fédéral, les ordres de gouvernement doivent compter sur un système de transfert des pouvoirs du gouvernement fédéral aux états, et des états aux municipalités. En 2003, les recettes fédérales correspondaient à 23,1 pour cent du produit intérieur brut (PIB) alors que les recettes combinées des états, y compris les subventions fédérales, constituaient 2,85 pour cent du PIB. Si l’on effectue les calculs en tenant compte de l’ampleur relative des recettes, cela signifie que les recettes du gouvernement fédéral sont plus de huit fois supérieures à celles de tous les états pris ensemble. À leur tour, les états transfèrent quelque

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40 pour cent de leurs recettes aux autorités locales. Ce système a produit un déficit financier périodique à l’échelle des états et des municipalités et a permis aux autorités fédérales d’exercer une très forte mainmise sur la gestion et les politiques des états et des municipalités. La plus grande source de recettes fédérales provient de la perception d’impôts directs sur les sociétés, de taxes pétrolières et de l’impôt sur le revenu des particuliers qui, ensemble, représentaient 52,1 pour cent des recettes fédérales en 2003. Il existe diverses autres sources de recettes fédérales dont les impôts fonciers, les gains en capital et les droits successoraux. De plus, les droits sur les exportations et les importations imposés sur une large gamme de produits et services, ainsi que les droits d’accise sur les produits, le pétrole et les véhicules à moteur, combinés avec des impôts indirects, accordent au gouvernement fédéral une très large assiette fiscale. Les recettes des états proviennent pour leur part en grande partie des frais de permis et des redevances liées à l’exploitation des forêts, des terres et des mines. L’assiette fiscale grandement restreinte des états a eu pour effet d’accélérer l’adoption rapide de politiques sur l’épuisement des ressources par leurs autorités. Ceci a permis de générer des recettes mais a aussi entraîné la forte corruption des autorités, au niveau des états, qui contrôlent l’attribution des permis d’exploitation des ressources. L’épuisement rapide des ressources est particulièrement fréquent au sein des états où l’on retrouve de grandes forêts denses et tropicales, et il s’est produit malgré l’opposition soutenue de nombreux habitants des régions affectées. En vertu de la Constitution, il revient aux tribunaux de régler les différends constitutionnels. Les tribunaux jouissent néanmoins de pouvoirs limités en vertu de l’article 50 de la Constitution qui donne au gouvernement fédéral le pouvoir de décréter une «situation d’urgence». Lorsque cette clause est invoquée, il n’est plus possible de contester en cour la constitutionnalité de la loi d’urgence, sauf si cette dernière se rapporte à la religion, à la citoyenneté, à la langue, aux coutumes malaises et aux droits autochtones. Les lois sur la détention préventive et la Loi sur la sédition interdisant toute «tendance séditieuse» accordent des pouvoirs presque illimités au premier ministre, y compris celui de restreindre les droits et libertés de la personne. Ces lois supplantent également l’équilibre du pouvoir au sein du régime fédéral. En outre, le rôle des tribunaux s’est encore compliqué en 1988 lorsque le premier ministre Mahathir s’est opposé à plusieurs décisions de la Cour suprême (aujourd’hui Cour fédérale) portant sur les droits individuels et la légalité du parti au pouvoir. D’une part, on a modifié la Constitution de façon à limiter les pouvoirs judiciaires et à jouir d’une mainmise complète sur la Fédération en ayant recours aux promulgations parlementaires. Puis, le premier ministre a créé un

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tribunal de destitution qui retirait de la Haute Cour le juge en chef (Lord President) et deux autres juges de la Cour suprême. Finalement, le premier ministre nommait des juges moins contestataires. Suivant cette crise, une modification constitutionnelle assurait le transfert, des tribunaux au Parlement, des pouvoirs de contrôle judiciaire. Depuis, sous réserve d’un contrôle exécutif accru, les tribunaux s’en remettent en très grande partie aux pouvoirs fédéraux pour interpréter les lois et la Constitution. En plus de leurs pouvoirs financiers prééminents et de leur forte influence sur les pouvoirs judiciaires, les autorités fédérales ont toujours eu recours aux pouvoirs parlementaires pour modifier la Constitution et imposer leur point de vue sur tout dossier controversé au sein du régime fédéral.

3 dynamique po lit iqu e récen te Les traditionnels sultans des neuf états malais symbolisaient la domination politique malaise, et leur prérogative consistait à protéger les droits malais. Parce qu’ils faisaient également partie des institutions démocratiques, leur rôle était quelque peu ambigu, surtout au niveau de dossiers exigeant l’«assentiment royal». Dans plusieurs états, le sultan refusait de coopérer avec le ministre en chef en cas de différend touchant les concessions forestières, le favoritisme, la législation ou un prétendu manque de déférence. Dans les années 80, le premier ministre Mahathir a décidé de réduire la portée des prérogatives royales par le biais d’une modification constitutionnelle limitant à 15 jours le délai pour l’assentiment royal des projets de loi, après quoi cet assentiment royal serait considéré comme accordé. Une crise s’est déclarée lorsque le chef suprême a refusé d’entériner cette modification approuvée par le Parlement. À la suite d’une entente conclue avec les sultans, il a été convenu que l’assentiment royal ne pourrait être retardé que de 30 jours. Plus tard, soit en 1993, des modifications constitutionnelles enlevaient aux chefs le pouvoir de retarder l’assentiment royal, supprimaient leur immunité face aux actes personnels, et résiliaient leur pouvoir de pardon. En 1997, les pays d’Asie traversent une crise économique désastreuse marquée par la chute des marchés boursiers, l’endettement massif des sociétés, les faillites et la baisse des valeurs monétaires. En Malaisie, une querelle fait rage entre le premier ministre Mahathir et le vice-premier ministre Anwar Ibrahim, qui est également ministre des Finances, quant à la meilleure façon de composer avec ces problèmes. Mahathir favorise des mesures de contrôle économique afin d’imposer des taux monétaires fixes, de limiter le transfert des devises, d’offrir une aide financière

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gouvernementale et de forcer des alliances entre les entreprises fortement endettées. Anwar Ibrahim souscrit plutôt au programme des réformes économiques axées sur le libre-échange du Fonds monétaire international, y compris une réduction des dépenses gouvernementales et l’élimination du gaspillage et du favoritisme. Mahathir rend la «mondialisation», les investisseurs monétaires internationaux et les spéculateurs financiers responsables de la crise économique. Anwar blâme le favoritisme, le népotisme et la corruption. Une fois la population sensibilisée à ces diverses approches, Mahathir sent que son poste peut être menacé. Il destitue donc Anwar et élimine ses appuis au niveau du gouvernement, des postes du parti et des sociétés appartenant au parti. À la suite des protestations publiques en faveur d’Anwar, Mahathir le fait arrêter, l’accusant de corruption et de sodomie. Ce procès, tenu au centre des accusations décriant les violations des droits de la personne, les aveux forcés, les témoins violentés et la manipulation du système judiciaire, ébranle fortement les fondements politiques du gouvernement. Après un procès de 14 mois et malgré d’énormes contestations populaires, Anwar est condamné à 15 ans de prison et banni de la vie politique pour une période de cinq ans suivant sa libération. Toutes les protestations entourant son emprisonnement n’arrivent pas à le faire libérer et les appels aux tribunaux sont aussi rejetés. Même si la question continue de diviser la population, l’attention des gens a éventuellement gravité vers d’autres enjeux. Au mois de juin 2003, Mahathir déclare qu’il prendra sa retraite en octobre. En octobre 2003, le vice-premier ministre Abdullah Ahmad Badawi le remplace à la tête du parti et du gouvernement. Cette déclaration donne lieu à d’intenses spéculations quant aux conséquences de la succession au leadership. Les Malaisiens informés sont loin d’être tous du même avis sur ce point. Certains croient qu’il n’y aura «presque aucun changement». D’autres s’attendent à «une réévaluation en profondeur de certaines politiques établies et à une réorientation des alliances politiques». Toute cette période est marquée par un climat d’incertitude et d’anticipation qui a teinté l’ensemble des activités politiques. Compte tenu des priorités nationales, il y a fort à parier que le public délaissera, pour le moment, les questions de fédéralisme et d’équilibre entre les divers ordres de gouvernement. Le régime fédéral de la Malaisie est dominé par un gouvernement central fort. Cependant, pour des motifs à la fois politiques et culturels, les états demeurent viables en raison de la loyauté des citoyens envers eux et envers leurs chefs politiques, particulièrement les chefs malais des états malais. Le gouvernement fédéral confie aux états l’administration de plusieurs programmes, et le régime politique est

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fondé, à tous les paliers, sur la représentation des états. On a déjà proposé diverses réformes pour équilibrer les sources de revenus à l’échelle fédérale et pour raviver les pouvoirs et l’autonomie des administrations locales. Si jamais on réussit à établir un régime politique plus démocratique et ouvert au niveau fédéral, il deviendra possible d’examiner les grands enjeux de la réforme et du renouvellement au niveau des gouvernements des états et des administrations locales.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Amnistie internationale, Malaysian Human Rights Undermined : Restrictive Laws in a Parliamentary Democracy, Londres, Amnistie internationale, 1999. Awang, Muhammad Kamil, The Sultan and the Constitution, Kuala Lumpur, Dewan Bahasa dan Pustaka, 1998. Crouch, Harold, Government and Society in Malaysia, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1996. Fritz, Nicole et Martin Flaherty, Unjust Order : Malaysia’s Internal Security Act, New York, Fordham Law School, 2003. Khoo Boo Teik, Beyond Mahathir : Malaysian Politics and its Discontents, New York, Zed Books, 2003. Lee, H. P., Constitutional Conflicts in Contemporary Malaysia, Kuala Lumpur, Oxford University Press, 1995. Loh Kok Wah, Francis et Khoo Boo Teik (dir.), Democracy in Malaysia : Discourses and Practices, Richmond, Surrey, Curzon Press, 2002. Malaisie (Gouvernement de la), Laws of Malaysia : Federal Constitution. Kuala Lumpur, Commissaire à la révision des lois (Commissioner of Law Revision), 2002. Means, Gordon P., «Le fédéralisme au Malaya et en Malaisie» in Roman Serbyn (dir.), Fédéralisme et Nations, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1971. —, Malaysian Politics, 2e éd., Londres, Hodder and Stoughton, 1976. —, Malaysian Politics : The Second Generation, Singapour, Oxford University Press, 1991. Milne, R.S. et Diane K. Mauzy, Malaysian Politics Under Mahathir, Londres, Routledge, 1999. Sheridan, L.A. et Harry E. Groves, The Constitution of Malaysia, Dobbs Ferry, New York, Oceana Publications, 1967. http ://www.Malaysianews.net/, bulletin de nouvelles électronique http ://www.asia1.com.sg/, bulletin de nouvelles de Singapour http ://www.ceri-sciencespo.com/publica/cahiers/cahier11.pdf, article sur la politique nationale et étrangère

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292 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Kuala Lumpur N.B. Putrajaya est la capitale administrative.

Nombre et type d’unités constituantes

13 états : Johor, Kedah, Kelantan, Melaka, Negeri Sembilan, Pahang, Penang (Pulau Pinang), Perak, Perlis, Sabah, Sarawak, Selangor, Terengganu 3 territoires fédéraux : Kuala Lumpur, Labuan, Putrajaya (créé le 1er février 2001)

Langue(s) officielle(s)

Bahasa melayu

Superficie

329 750 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Sarawak – 124 449 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Territoire fédéral de Labuan – 98 km2

Population totale

24 305 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Selangor 18 %, Johor 11,8 %, Sabah 11 %, Perak 9 %, Sarawak 9 %, Kedah 7 %, Kelantan 5,8 %, Kuala Lumpur 5,8 %, Pahang 5,5 %, Penang (Pulau Pinang) 5,5 %, Terengganu 4 %, Negeri Sembilan 3,7 %, Melaka 2,7 %, Perlis 0,9 %, Labuan 0,3 %, Putrajaya : s.o.

Régime politique – fédéral

Monarchie constitutionnelle, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Chef suprême : Tuanku Syed Sirajuddin ibni alMarhum Tuanku Syed Putra Jamalullail, sultan de Perlis. Le roi est élu pour un mandat d’une durée de 5 ans par la Conférence des chefs, dont il est issu. Les dernières élections ont eu lieu le 13 décembre 2001. (Les prochaines élections auront lieu en 2006.)

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Datuk Seri Abdullah Ahmad Badawi (2003). Chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des représentants. Il exerce un mandat d’une durée de 5 ans. Les membres du Cabinet sont nommés par le premier ministre parmi les membres du Parlement, avec l’assentiment du chef suprême.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Sénat (Dewan Negara), 69 sièges. 2 membres sont élus par l’assemblée législative de chaque état. Les autres membres sont nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre. Les membres exercent un mandat d’une durée de 3 ans avec un maximum de 2 mandats.

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293 Malaisie Tableau I (suite) Chambre basse – Chambre des représentants (Dewan Rakyat), 193 sièges. Les membres sont élus au suffrage populaire dans les circonscriptions uninominales pour un mandat d’une durée de 5 ans. Les dernières élections ont eu lieu le 29 novembre 1999. (Les prochaines élections auront lieu en novembre 2004.) Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Selangor – 17

Nombre de représentants à la Territoire fédéral de Labuan – 1 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Les assemblées législatives des 13 états élisent chacune à la Chambre haute du gouver- 2 représentants au Sénat. Les autres membres sont nommés par le chef suprême sur avis du premier nement fédéral ministre. Partage des compétences

Le Parlement fédéral a le pouvoir de légiférer dans les domaines suivants : affaires étrangères, défense et sécurité intérieure, justice (hormis la loi islamique), santé, éducation, sécurité sociale, industrie, commerce, finances, transports et communications. Les compétences des états visent surtout l’aménagement du territoire et des richesses naturelles, l’encadrement des administrations locales, et l’administration du droit coutumier et du droit islamique. Les états de Sabah et de Sarawak jouissent de certaines prérogatives constitutionnelles en matière de droit foncier, de finances et de religion. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour fédérale de Malaisie. Les juges sont nommés par le chef suprême sur avis du premier ministre.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblée législative comprenant entre 14 et 56 membres. Le territoire fédéral de Kuala Lumpur est administré directement par le gouvernement fédéral. Chaque état possède sa propre constitution.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Chef d’état : Certains états de la péninsule malaise sont dirigés par un chef héréditaire (sultan). D’autres états sont dirigés par un gouverneur nommé par le chef suprême (sur avis du premier ministre fédéral). Chef de gouvernement : Ministre en chef, élu par les membres de l’assemblée.

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294 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

216,8 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

8 921,4 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

43,4 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux national de chômage

3,4 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

s.o.

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

s.o.

Taux d’alphabétisation chez les adultes

87,9 %1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

6,2 %

Espérance de vie (années)

72,8

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

12,8 milliards de $ US (prélim. 2000)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

741,8 millions de $ US (prélim. 2000)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

2 077 milliards de $ US (prélim. 2000)

Mécanismes de péréquation

Les transferts fédéraux reposent sur une combinaison de parts inconditionnelles de certains impôts fédéraux et de subventions par habitant conditionnelles et inconditionnelles.

Sources Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995–2001»,Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Statistical Appendix (External Liabilities and Assets), 2003, sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/statappendix/ externalliabilitiesandassets.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http ://www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Malaysia – Statistical Appendix», octobre 2001, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/ 2001/cr01187.pdf Malaisie, Parlement, 2003, sur Internet : http ://www.parlimen.gov.my

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295 Malaisie Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indice du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Statoid, «Administrative Divisions of Countries : Malaysia», 2000, sur Internet : http :// www.statoids.com/umy.html Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut de relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. World Directory of Parliamentary Libraries : Malaysia, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/malay.html Note 1 15 ans et plus

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Mexique (États-Unis du Mexique ) YE M I L E M I Z R A H I *

1 histoire et évolution du fédéralisme Depuis l’accession du Mexique à l’indépendance, en 1810, les tensions entre le centre et les états dominent la scène politique. En fait, la guerre d’indépendance a été déclenchée par les états, qui réagissaient aux abus d’un puissant gouvernement central. Depuis 1810, l’équilibre précaire entre le centre et la périphérie a donné lieu à la rédaction de plusieurs constitutions différentes. La première Constitution, la Constitution de Cadix de 1812, était inspirée du régime espagnol et prévoyait la création de deux institutions au niveau régional : les gouvernements des états, dont les membres étaient nommés par le gouvernement central, et les administrations municipales, dont les membres étaient élus. Cette disposition constitutionnelle a permis au premier gouvernement indépendant du Mexique, la monarchie d’Agustín de Iturbide, de courte durée, de créer un régime très centralisé. En 1824, une insurrection fomentée par le général Santa Anna obligea Iturbide à démissionner. Il fut plus tard assassiné. À la suite du renversement de la monarchie, les états ont réagi en créant leurs propres gouvernements. Au sein de l’Assemblée constituante (1823–1824), les

* L’auteur tient à remercier Juan Espindola de son aide précieuse à la préparation du présent article.

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représentants des gouvernements des états ont réussi à marquer de leur empreinte la nouvelle Constitution. C’est la Constitution de 1824 qui est à l’origine du fédéralisme mexicain. Elle traduisait surtout la peur de la désintégration du pays. L’Assemblée constituante voyait dans le fédéralisme un outil institutionnel qui pourrait sauvegarder l’union des différentes régions et empêcher la sécession de certains états. C’est pourquoi les rédacteurs ont voulu créer un pouvoir exécutif fort tout en prévoyant une certaine forme d’autonomie pour les états, et une séparation des pouvoirs entre les branches exécutive, législative et judiciaire du gouvernement. Mais la Constitution de 1824 est demeurée sans effet, à cause des tensions entre les états et le centre. Le désir d’indépendance de certains états ne pouvait être étouffé; c’est ainsi qu’en 1836, le Texas s’est proclamé État indépendant. Fait plus important, les tensions entre libéraux (fédéralistes) et conservateurs (centralistes) eurent pour conséquence de diviser fortement le pays. L’instabilité politique a atteint un point tel qu’aucun gouvernement n’était en mesure de diriger efficacement le pays. En 1835, une nouvelle Assemblée constituante a modifié la Constitution et supprimé le fédéralisme. La dictature qui a suivi a été marquée par une centralisation accrue des pouvoirs. En 1857, le dictateur Antonio López Santa Anna a été destitué au cours d’une insurrection armée. Une nouvelle Constitution a alors vu le jour. En réaction aux pouvoirs importants que la Constitution de 1824 avait octroyés à l’exécutif, les auteurs de la Constitution de 1857 voulurent limiter le pouvoir exécutif en renforçant l’autorité du Congrès. Ils abolirent ainsi le Sénat, estimant qu’une chambre législative unique pourrait exercer un plus grand pouvoir et serait plus à même de faire contrepoids au pouvoir exécutif. Tout en reconnaissant le fédéralisme comme principe de gouvernement, la Constitution conférait à l’État central d’importants pouvoirs économiques et politiques sur les états. De plus, l’abolition du Sénat privait les états de toute représentation au sein du gouvernement fédéral. Cette Constitution s’avéra également impossible à mettre en pratique, notamment en raison de l’instabilité politique qui régnait au pays et de l’absence de dispositifs institutionnels permettant au pouvoir exécutif de gouverner efficacement. Comme l’a souligné Marvan, la Constitution attribuait d’énormes pouvoirs au Congrès, mais ne prévoyait ni contrôles et équilibres («checks and balances»), ni obligation de rendre compte. Elle confiait par ailleurs au pouvoir exécutif de très grandes responsabilités, mais sans lui accorder l’autonomie requise pour les exercer1.

1 Ignacio Marván, ¿Y después del presidencialismo qué? Reflexiones para un nuevo régimen constitucional?, Mexique, Océano, 1998, p. 54.

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La Constitution de 1857 fut rédigée par les libéraux, et suscita aussitôt l’opposition des conservateurs. Cette lutte politique éclata en guerre civile, que les libéraux finirent par remporter en 1867. Afin de renforcer le pouvoir exécutif, le président Benito Juárez tenta de réformer la Constitution et, malgré son décès en 1872, une modification constitutionnelle rétablissant le Sénat fut adoptée en 1875. Juárez voulait donner plus d’importance au Sénat, qu’il considérait comme un moyen de renforcer le gouvernement central. À son avis, ce renforcement était nécessaire à la reconstruction du pays. Mais on a eu beau rétablir le Sénat, celui-ci disposait de peu de pouvoirs. En effet, le Congrès conserva bon nombre de ses prérogatives, par exemple la ratification de toutes les nominations au Cabinet et à la Cour suprême, la suppression du droit de veto présidentiel, et le droit d’intenter un procès politique au président avec l’appui d’une majorité simple. En outre, le Sénat n’était autorisé à participer ni au débat sur le budget ni au processus d’approbation, ce qui signifiait que les états n’étaient pas associés aux décisions budgétaires. Ces restrictions, encore en vigueur aujourd’hui, ont affaibli le fédéralisme mexicain. Porfirio Díaz s’empara du pouvoir en 1876. Ce fut le début d’une longue période de dictature oppressive. Juárez avait certes eu recours à des moyens extraordinaires pour gouverner et n’avait pas hésité à suspendre les droits de la personne. Mais le régime de Porfirio Díaz s’engagea encore plus profondément dans cette voie et multiplia les abus. Díaz finit par établir sa domination sur la presse, l’Église, le Congrès, les gouverneurs et les élites locales. Il parvint également à faire modifier la Constitution de manière à assurer sa réélection pendant une période indéterminée. Mais plusieurs facteurs le rendaient vulnérable. Une grave crise économique, le désenchantement de la population suscité par un régime répressif s’appuyant sur une répartition très inégale de la richesse, et la montée d’une nouvelle génération de chefs politiques s’opposant aux privilèges d’une élite politique qui contrait leurs propres ambitions, créèrent des conditions propices à une révolution. Celle-ci éclata en 1910 et obligea Porfirio Díaz à quitter le pays. Comme dans le passé, le processus révolutionnaire prit naissance à la périphérie, mais c’est au centre que sa victoire fut scellée. Elle prit fin lorsque deux généraux modérés du Nord (Venustiano Carranza et Alvaro Obregón) vinrent à bout d’une faction particulièrement radicale des forces révolutionnaires. Carranza et Obregón consolidèrent leur victoire lorsqu’ils réussirent à maîtriser le centre du pays et à dominer la périphérie. Après la guerre civile, on confia à une Assemblée constitutionnelle le soin de rédiger une nouvelle Constitution, qui fut adoptée en 1917. Les auteurs de cette Constitution s’inspirèrent de celle de 1857 et des amendements de 1875, mais ils octroyèrent à l’exécutif des pouvoirs

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discrétionnaires plus importants et y inclurent des «droits sociaux» (éducation, travail, santé) pour donner aux idéaux de la révolution un caractère institutionnel. Cette Constitution, en vigueur encore aujourd’hui, est devenue un des plus importants piliers du régime politique mexicain. Le Parti révolutionnaire institutionnel (Partido Revolucionario Institucional, PRI) constituait l’autre pilier important du régime; c’était un parti officiel qui, à compter de sa création, en 1929, jusqu’en 2000, a exercé un pouvoir presque hégémonique sur les institutions politiques. Depuis la victoire du candidat de l’opposition lors des dernières élections présidentielles qui ont eu lieu en 2000, de nombreux politiciens, universitaires et journalistes ont lancé un débat sur la nécessité d’une nouvelle Constitution.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Selon la Constitution de 1917, le Mexique est une «république fédérale, démocratique et représentative composée d’états libres et souverains en ce qui concerne leur régime interne» (article 40). Il compte 31 états et un district fédéral (México). La Constitution a beau affirmer que le Mexique est une république fédérale, le pays n’en a pas moins toujours été très centralisé, aussi bien politiquement qu’économiquement. De plus, jusqu’à tout récemment, le Mexique n’était ni démocratique, ni représentatif. Après la révolution, on a voulu faire de la centralisation des pouvoirs une dimension essentielle de l’État national. La Constitution octroie au gouvernement fédéral, et notamment au président, d’immenses pouvoirs discrétionnaires. Un véritable régime fédéral, comme celui qui est officiellement prévu dans la Constitution, aurait empêché la pacification du pays en 1917 (il y avait alors des chefs régionaux qui espéraient imposer leur propre gouvernement sur leur territoire). Le président dispose d’importants pouvoirs. Selon la Constitution, il peut, sans l’aval du Congrès, nommer tous les membres de son Cabinet sauf le procureur général, le chef des forces armées et les ambassadeurs (article 89 (II)). Il présente des projets de loi au Congrès (article 71 (I)) et nomme les juges de la Cour suprême (articles 94 à 107) sous réserve de l’approbation du Sénat (article 89 (III)). De 1928 (lorsque qu’une modification constitutionnelle abolit l’administration locale dans le district fédéral) à 1997, le président nommait en outre les représentants locaux du district fédéral. Cette disposition a été modifiée en 1997, ce qui a permis aux habitants du district fédéral d’élire leur maire pour la première fois.

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Les dispositions concernant le partage des pouvoirs favorisent grandement le gouvernement central. Jusqu’à l’adoption des réformes des années 90, qui visaient à décentraliser la santé et l’éducation, le gouvernement fédéral avait la responsabilité exclusive de mettre en œuvre des politiques dans plusieurs domaines tels que le commerce, l’éducation, la santé, la main-d’œuvre, l’agriculture, l’énergie, les ressources naturelles et la politique alimentaire. Le gouvernement fédéral dispose également d’énormes pouvoirs économiques et financiers. En vertu de la Constitution, les compétences qui ne sont pas expressément attribuées au gouvernement fédéral sont réservées aux états. Toutefois, presque tous les articles de la Constitution comportent des restrictions qui limitent le pouvoir des états. Pour ce qui est de l’autorité fiscale, le gouvernement fédéral perçoit tous les impôts sur le revenu. Depuis 1980, il perçoit en outre tous les impôts à la consommation. Les états et les municipalités reçoivent une part des recettes perçues. Mais les critères qui président à la distribution des ressources financières aux administrations infranationales ont fait l’objet de multiples controverses, notamment après les premières victoires électorales des partis d’opposition aux niveaux des localités et des états. Le gouvernement fédéral peut aussi investir dans les états et il jouit d’une importante marge de manœuvre à cet égard. Il n’y a aucune formule ou règle pour déterminer les sommes que le gouvernement fédéral investit dans chaque état. Le Sénat assure la représentation des états au sein du gouvernement central. Il compte 128 membres. Les 31 états et le district fédéral élisent chacun deux membres en vertu du principe de la majorité. En outre, un siège est attribué au candidat qui, lors des élections sénatoriales dans chacun des états (et dans le district fédéral), est arrivé deuxième dans le décompte des voix. (Il s’agit là d’une concession faite par le gouvernement, à l’époque où le PRI était encore au pouvoir partout au pays, visant à permettre à l’opposition de siéger au Sénat sans pour autant que le PRI ne se défasse de son pouvoir.) Les 32 autres sénateurs sont élus au scrutin proportionnel en vue de représenter non pas les divers états, mais les intérêts du pays dans son ensemble (article 56). Ces 32 sénateurs ne sont donc pas élus pour représenter une unité constituante. Le mandat d’un sénateur est de six ans. En plus de ratifier la nomination des juges de la Cour suprême, des ambassadeurs, du procureur général et du gouverneur de la Banque nationale du Mexique, le Sénat approuve les traités internationaux et prend part au processus législatif. Toutefois, comme on l’a mentionné ci-dessus, le Sénat n’est pas autorisé à intervenir dans l’approbation du budget; un sénateur n’a donc pas voix au chapitre lorsque sont

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déterminées les sommes devant être dépensées et à quoi elles serviront dans l’état qu’il représente. Malgré les tendances centralisatrices de la Constitution, l’article 135 attribue au Congrès et aux états un rôle dans le processus de modification de la Constitution. Ceux-ci doivent recevoir l’appui des deux tiers des membres du Congrès et de la majorité des organes législatifs des états. S’il est un aspect de la Constitution qui soulève beaucoup d’intérêt et qui influe beaucoup sur le fonctionnement des institutions politiques, c’est l’interdiction faite aux élus de se faire réélire. Pour empêcher les membres de l’exécutif d’exercer indéfiniment leurs fonctions, la Constitution interdit la réélection de tous les élus. À l’origine, les présidents et députés municipaux pouvaient être réélus, mais en 1933, le PRI proposa une modification constitutionnelle interdisant la réélection de toute personne ayant déjà été élue; le PRI a en grande partie conçu cette mesure afin d’assurer la mobilité des élites. À défaut d’une véritable concurrence pour le pouvoir, le PRI est devenu le dispositif central permettant d’accéder au pouvoir; il pouvait ainsi compter régulièrement sur un nombre important de postes électifs à distribuer à ses militants et à ses partisans. En 1983, le gouvernement a présenté un projet de réforme constitutionnelle visant à renforcer l’autorité et la capacité institutionnelle des administrations locales et municipales du Mexique. Le projet définissait de manière précise les pouvoirs et responsabilités des administrations municipales. Celles-ci se voyaient octroyer notamment le pouvoir de prélever les impôts fonciers, et la responsabilité d’administrer toute une gamme de services publics. Toutefois, ces modifications ont profité surtout aux municipalités urbaines – celles qui avaient les moyens de prélever des impôts fonciers et d’offrir des services urbains. Mais dans les régions rurales, généralement pauvres, qui constituent la plus grande partie du pays, ces réformes se sont avérées peu utiles. L’une des conclusions à tirer de l’expérience des dernières années, c’est que l’interdiction de réélection nuit au développement des institutions, les innovations gouvernementales qui réussissent ne pouvant alors être institutionnalisées. Tous les trois ans, une nouvelle administration doit recommencer à zéro. Bien que la Constitution centralise les pouvoirs aux mains de l’exécutif, la centralisation des pouvoirs au Mexique n’aurait pas été possible sans la longue hégémonie exercée par le PRI sur la vie politique. À compter de sa création, en 1929, jusqu’aux élections présidentielles de 2000, le «parti officiel» a conservé, sans interruption, la présidence. Jusqu’au milieu des années 80, le PRI tenait également les commandes de tous les états et de la majorité des municipalités au pays. Et

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jusqu’en 1997, il disposait d’une majorité au Congrès. Sans une opposition politique efficace, le fédéralisme ne pouvait exister au Mexique. Pendant le règne hégémonique du PRI, qui s’est maintenu au pouvoir grâce à un mélange d’appuis populaires légitimes, de règles électorales partiales et de fraude, le président a pu subordonner les administrations des localités et des états, tant sur le plan des affaires politiques que sur celui des affaires économiques. Pendant toute la durée de son mandat, le président devenait, en tout état de cause, le chef du parti (usurpant l’autorité du président du parti et du comité exécutif national). En plus de déterminer qui pouvait se porter candidat à une élection au poste de gouverneur d’un état, il jouissait d’un immense pouvoir discrétionnaire sur les dépenses effectuées dans les états et les municipalités. Bien que certaines ressources aient été transférées aux états et aux municipalités conformément à une formule bien établie, le gouvernement fédéral disposait néanmoins d’une importante marge de manœuvre pour allouer des ressources aux états en fonction de critères politiques. L’inexistence d’opposition au PRI a favorisé un sens très fort de la discipline au sein du parti. Les infractions aux règles étaient sévèrement sanctionnées, les peines pouvant aller de l’étranglement fiscal à la rétrogradation politique. Le rôle de gouverneur était, en pratique, réduit à celui de représentant du pouvoir exécutif (central) au sein des états. Cette situation a commencé à changer au cours des années 80, lorsque les partis d’opposition ont acquis plus d’influence et ont réussi à gagner des élections, d’abord au niveau des localités et, après 1989, au niveau des états. Un autre aspect du régime mexicain mérite d’être souligné : le rôle de la Cour suprême. Bien que cette Cour existe depuis longtemps au Mexique, elle n’a pas joué un rôle important dans le fédéralisme mexicain. Sous le règne de Porfirio Díaz (qui a pris fin en 1910), la Cour a été encouragée à ne pas se mêler des conflits politiques ou électoraux. Il en a été ainsi jusqu’en 1997, lorsque la Cour a décrété qu’elle avait le pouvoir de régler ces conflits.

3

dy na m i qu e p o l i t i qu e r é c e n t e

Pendant bon nombre d’années, la centralisation de la vie politique et économique du Mexique ne soulevait pas d’inquiétude au sein du gouvernement. Jusqu’à la fin des années 60, l’économie affichait, avec régularité, un taux de croissance annuelle de 6 pour cent et les taux d’inflation demeuraient faibles. Mais dès que le fonctionnement de l’économie a commencé à ralentir, au cours des années 70, la centralisation a été considérée comme un obstacle important à un développement économique équitable et durable.

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La centralisation politique et économique du Mexique a eu des conséquences très dommageables. En plus de créer de profonds déséquilibres entre les régions, les états du Nord étant relativement riches et industrialisés, et ceux du Sud très pauvres et sous-développés, elle a engendré une répartition très inégale du revenu (une des plus inégales de l’Amérique latine) et une qualité et une efficacité de plus en plus médiocres des services gouvernementaux, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. À la suite du ralentissement économique, le gouvernement fédéral se retrouvait avec de nombreuses responsabilités et fonctions qu’il n’arrivait plus à exercer. Au cours des années 70, le gouvernement fédéral a donc reconnu que la décentralisation était un instrument qui pouvait être utilisé pour promouvoir un développement régional plus équitable, et pour alléger le fardeau de ses lourdes responsabilités. Au début, la décentralisation n’était rien de plus qu’un sujet de discussion : on n’envisageait encore aucun projet de politique concret. Toutefois, au cours des années 80, mais surtout pendant les années 90, le gouvernement a pris des mesures pour décentraliser certaines fonctions. Ainsi, la santé et l’éducation ont été transférées aux gouvernements des états, les administrations infranationales se sont vu octroyer des ressources plus importantes, et la répartition des fonds entre les états et les municipalités est devenue moins partiale et discrétionnaire. Toutefois, pour beaucoup d’aspects, la décentralisation n’a pas fait l’objet d’efforts concertés. En effet, le gouvernement fédéral conserve le pouvoir dans plusieurs domaines importants. Par exemple, il continue de fixer les salaires des enseignants et surveille le matériel pédagogique. En outre, les administrations des municipalités et des états demeurent sous la dépendance financière du gouvernement fédéral. Bien que celui-ci ait transféré une plus grande part de ses ressources aux administrations infranationales, la plupart de ces ressources sont affectées à des projets particuliers. Les administrations des états et des localités se plaignent de ces contraintes, car elles limitent sensiblement leur capacité d’élaborer leurs propres stratégies de développement. Après l’élection du président Zedillo (1994–2000), le fédéralisme a occupé une place centrale dans le débat public. L’émergence d’un mouvement révolutionnaire dans l’état de Chiapas, au Sud, le renforcement de l’opposition dans plusieurs états, et la grave crise économique qui a sévi en 1995 ont sensiblement réduit la marge de manœuvre du gouvernement fédéral. Bien que celui-ci disposat toujours de vastes pouvoirs discrétionnaires, le président Zedillo estimait que la centralisation excessive de la vie politique et économique mexicaine nuisait gravement aux efforts visant à pallier les très profondes inégalités régionales et l’appauvrissement de milliers de Mexicains.

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Pour renforcer les administrations des états et des localités, et réformer les relations financières intergouvernementales, le gouvernement a mis en œuvre un nouveau programme auquel on donna le nom de «nouveau fédéralisme». Ce programme avait pour but de transférer des ressources supplémentaires aux états et aux municipalités, de réduire le pouvoir discrétionnaire du gouvernement fédéral concernant la répartition des fonds et de simplifier et de rendre plus transparent le processus de répartition des ressources consenties aux états et aux municipalités. Bien qu’états et municipalités se soient vu attribuer des ressources et des responsabilités accrues sous l’administration Zedillo, certains usages se perpétuaient. Le Mexique demeurait un pays très centralisé, notamment par rapport à d’autres pays latino-américains. Le gouvernement fédéral continuait de tenir les cordons de la bourse. Il était responsable de 75 pour cent des dépenses totales en 1996 et, en 1998, il avait mainmise sur 70,9 pour cent des recettes totales, accordant 24,4 pour cent de celles-ci aux états, et 4,7 pour cent aux administrations municipales. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a réduit sa part de dépenses infranationales. Plus de 60 pour cent des dépenses globales sont maintenant effectuées par les administrations des localités et des états. Les états et les municipalités continuent toutefois de dépendre étroitement des transferts fédéraux. L’accroissement des transferts a eu un effet pernicieux : ces gouvernements ont réduit leurs efforts en vue d’accroître leurs propres recettes. En outre, comme la plupart des transferts sont toujours affectés à des projets particuliers, la capacité des états et des administrations locales de planifier leurs dépenses et de fixer leurs priorités s’en trouve extrêmement limitée. Ce sont là les dilemmes auxquels est confrontée l’administration de Vicente Fox. Le président Fox ne conçoit pas le fédéralisme uniquement comme un moyen de transférer plus de ressources aux états et aux municipalités. Ancien gouverneur de l’état de Guanajuato, Vicente Fox croit que les relations intergouvernementales doivent être modifiées et que les états et les municipalités ont besoin non seulement de ressources supplémentaires, mais aussi de plus grands pouvoirs de décision et des responsabilités financières accrues. Cette question soulève, toutefois, de nombreuses difficultés pour son administration, étant donné qu’au niveau des états et des municipalités, certains gouverneurs et maires continuent d’exercer leurs pouvoirs selon les méthodes autoritaires traditionnelles. En augmentant les ressources de ces gouverneurs et leur pouvoir décisionnel, l’administration centrale se trouverait à renforcer ces îlots d’autoritarisme qui survivent au sein du nouvel océan démocratique. Mais ce qui revêt une plus grande importance, c’est que, comme

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l’a bien montré l’échec de l’administration Fox à imposer des réformes fiscales en 2002, de nombreux gouverneurs et maires réclament l’accroissement des transferts financiers du gouvernement fédéral sans pour autant accepter une plus grande part de responsabilité dans l’augmentation de leurs propres sources de revenus. En 2000–2001, le conflit politique opposant le gouvernement fédéral et l’état du Yucatán a clairement illustré la nouvelle configuration des pouvoirs et le conflit entre le gouvernement fédéral et les états. En août 2000, le gouverneur du Yucatán, Víctor Cervera Pacheco, un vieux routier du PRI et un exemple parfait de cacique (chef local autoritaire), manipula le processus de sélection du nouveau Conseil électoral, un organisme responsable de l’organisation et de la supervision de l’élection du gouverneur de l’état prévue au mois de mai 2001. L’opposition s’est plainte, prétendant que le Conseil électoral manquait d’impartialité et n’était donc pas en mesure de garantir le déroulement d’un processus électoral juste. On porta l’affaire devant le Tribunal fédéral électoral, qui trancha en faveur de l’opposition en octobre 2000. Le gouverneur et les délégués locaux du PRI défièrent cette décision en invoquant que le Tribunal empiétait sur l’autonomie de l’état. Le gouverneur et le PRI défendirent leur cause en brandissant la bannière du fédéralisme. Le gouvernement fédéral refusa de faire appel à la police pour obliger le gouverneur à se plier à la décision du Tribunal fédéral électoral. L’opposition porta alors l’affaire devant la Cour suprême. Le conflit prit fin en avril 2001, lorsque la Cour rendit un arrêt contre le gouverneur, ce qui a entraîné la dissolution du Conseil électoral. Pour la première fois dans l’histoire contemporaine du Mexique, la Cour avait résolu un conflit entre un état et le gouvernement fédéral. À la fin de l’année 2003, on a vu émerger un nouveau débat entre le gouvernement fédéral et les états concernant la répartition des ressources et du pouvoir entre le gouvernement fédéral, les états et les municipalités. Contrairement à ce qui s’était déjà passé, le débat s’est déroulé dans un contexte de présidence affaiblie. En 2003, le Parti d’action nationale (Partido Acción Nacional, PAN) a perdu des pouvoirs importants lors des élections de mi-mandat au Congrès, et le président Fox a été largement critiqué pour n’avoir pu adopter de réformes importantes au cours de ses trois premières années au pouvoir. Grâce à des ressources financières ayant atteint des sommets inégalés et à une influence considérable sur les instances législatives, les gouverneurs n’ont cessé de consolider leur pouvoir vis-à-vis du gouvernement fédéral. La Conférence nationale des gouverneurs (Conferencia Nacional de Gobernadores, CONAGO), un organisme ayant d’abord joui de l’appui des seuls gouverneurs de l’opposition (c’est-à-dire tous ceux

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n’appartenant pas au PAN), mais qui reçoit maintenant l’appui de l’ensemble des gouverneurs, vise à inscrire la question du fédéralisme fiscal à l’ordre du jour politique. En février 2004, une conférence nationale réunira des représentants des gouvernements fédéral et infranationaux. Il y sera notamment question du partage des pouvoirs décisionnels, des responsabilités financières et des transferts financiers. Les conclusions de cette conférence pourraient avoir une influence considérable sur les réformes fiscales attendues au cours de l’année 2004. Un des défis les plus redoutables sera de vaincre le climat de méfiance qui existe depuis toujours entre les gouvernements fédéral et infranationaux. Ces derniers se plaignent de la trop grande domination exercée sur les transferts fédéraux – c’est-à-dire la tendance du gouvernement fédéral à préciser l’usage attendu des fonds – et du manque de transparence du gouvernement fédéral dans son traitement des renseignements financiers. Quant au gouvernement fédéral, il craint qu’une liberté accrue des gouvernements infranationaux dans l’utilisation des transferts fédéraux n’entraîne une déresponsabilisation. Le renforcement des mécanismes d’imputabilité des dirigeants quant à leur façon de dépenser les fonds publics pourrait aider à renverser cette situation de méfiance.

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309 Mexique Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

México

Nombre et type d’unités constituantes

31 états : Aguascalientes, Basse-Californie du Nord, Basse-Californie du Sud, Campeche, Chiapas, Chihuahua, Coahuila de Zaragoza, Colima, Durango, Guanajuato, Guerrero, Hidalgo, Jalisco, México, Michoacán de Ocampo, Morelos, Nayarit, Nuevo León, Oaxaca, Puebla, Querétaro de Arteaga, Quintana Roo, San Luis Potosí, Sinaloa, Sonora, Tabasco, Tamaulipas, Tlaxcala, Veracruz-Llave, Yucatán, Zacatecas 1 district fédéral : México

Langue(s) officielle(s)

Espagnol

Superficie

1 964 375 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Chihuahua – 247 087 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Tlaxcala – 3 914 km2 (District fédéral – 1 479 km2)

Population totale

100 921 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

México (état) 13,4 %, México (district fédéral) 8,8 %, Veracruz-Llave 7,1 %, Jalisco 6,5 %, Puebla 5,2 %, Guanajuato 4,8 %, Michoacán de Ocampo 4,1 %, Chiapas 4 %, Nuevo León 3,9 %, Oaxaca 3,5 %, Guerrero 3,2 %, Chihuahua 3,1 %, Tamaulipas 2,8 %, Sinaloa 2,6 %, Basse-Californie du Nord 2,5 %, San Luis Potosí 2,4 %, Coahuila de Zaragoza 2,4 %, Hidalgo 2,3 %, Sonora 2,2 %, Tabasco 2 %, Yucatán 1,7 %, Morelos 1,6 %, Durango 1,5 %, Querétaro de Arteaga 1,4 %, Zacatecas 1,3 %, Tlaxcala 1 %, Aguascalientes 1 %, Quintana Roo 0,9 %, Nayarit 0,9 %, Campeche 0,7 %, Colima 0,6 %, Basse-Californie du Sud 0,4 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Vicente Fox Quesada (depuis le 1er décembre 2000), AC-PAN. L’Alliance pour le changement (Alianza por cambio, AC) est formée du Parti d’action nationale (Partido Acción Nacional, PAN) et du Parti vert écologiste du Mexique (Partido Verde Ecologista de México, PVEM). Le président est élu au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 6 ans, et ne peut exercer un deuxième mandat. Les dernières élections ont eu lieu le 2 juillet 2000. (Les prochaines élections auront lieu en 2006.)

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310 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Chef de gouvernement – fédéral

Président : Vicente Fox Quesada (depuis le 1er décembre 2000), AC-PAN. Le président nomme tous les membres du Cabinet sauf le procureur général, le chef des forces armées et les ambassadeurs, qui sont approuvés par le Sénat.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Congrès national (Congreso de la Unión) : Chambre haute – Sénat (Cámara de Senadores), 128 sièges. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 6 ans, et ne peuvent être réélus. Les dernières élections ont eu lieu le 2 juillet 2000, pour tous les membres. (Les prochaines élections auront lieu en 2006.) Chambre basse – Chambre fédérale des députés (Cámara Federal de Diputados), 500 sièges. 300 membres sont élus au suffrage populaire direct dans des circonscriptions uninominales. Les 200 autres sont élus au scrutin proportionnel dans des circonscriptions plurinominales. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 3 ans, et ne peuvent être réélus. Les dernières élections ont eu lieu le 6 juillet 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2006.)

Nombre de représentants à la México (état) – 57 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée Nombre de représentants à la Basse-Californie du Sud – 2 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Chacun des 31 états ainsi que le district fédéral ont à la Chambre haute du gouver- 3 représentants siégeant au Sénat : 2 sont élus à la majorité et le dernier appartient au parti ayant obtenu le nement fédéral deuxième plus grand nombre de voix. Les 32 sénateurs restants sont élus à la représentation proportionnelle lors d’élections nationales. Partage des compétences

Les compétences du gouvernement fédéral comprennent : les affaires étrangères, la défense, la citoyenneté, l’immigration, le commerce interétatique et international, les douanes, les devises, les activités bancaires, les droits de propriété industrielle, les services publics d’envergure nationale, la planification économique et le développement social, la santé, l’énergie électrique et nucléaire. Le gouvernement fédéral a le pouvoir d’octroyer des concessions pour l’exploitation de minéraux et d’autres produits du sous-sol (y compris l’eau et le pétrole). Le gouvernement fédéral, les états et les

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311 Mexique Tableau I (suite) municipalités se partagent la responsabilité de l’éducation, des affaires culturelles et de la protection de l’environnement. Les états sont responsables de l’encadrement des administrations locales. Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême (Suprema Corte de Justicia de la Nación), formée de 11 juges qui sont nommés par le président avec l’assentiment du Sénat.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Congrès local (Congreso del Estado) dans les états, et Assemblée législative (Assamblea Legislativa) dans le district fédéral. Chaque état possède sa propre constitution. Les représentants sont élus au suffrage populaire direct à la majorité simple et à la représentation proportionnelle (en vertu de la constitution de chaque état), pour un mandat d’une durée de 3 ans, et ne peuvent être réélus.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneurs (états) et chef du gouvernement ou maire (district fédéral). Ils sont élus au suffrage populaire direct pour un mandat d’une durée de 6 ans, et ne peuvent être réélus.

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312 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

878,7 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

8 707 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

140,1 milliards de $ US (décembre 2002)

Dette infranationale

10 milliards de $ US (septembre 2003)

Taux de chômage national

3,2 % (urbain)1

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Saltillo (région urbaine au sein de Coahuila) – 7,7 % (septembre 2003)1

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Acapulco (région urbaine au sein de Guerrero) – 0,8 % (septembre 2003)1

Taux d’alphabétisation chez les adultes

91,4 % (2001)2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,4 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

73,1 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

57,3 milliards de $ US (prélim. 2003)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

2,1 milliards de $ US (2001)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

16,1 milliards de $ US (prélim. 2003)

Mécanismes de péréquation

Les transferts sont calculés selon une formule donnée; la plupart des transferts sont inconditionnels.

Sources Banque du Mexique, «Fideicomisos Instituidos en Relación Con La Agricultura», 1997, sur Internet : http ://www.fira.gob.mx/oficinas/Oficinas.asp?Op=7&Of=9 Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Giugale, Marcelo M. et Steven B. Webb (dir.), Achievements and Challenges of Fiscal Decentralization : Lessons from Mexico, Banque mondiale, Washington, D.C., 2000. Mexique (Gouvernement du), Ambassade du Mexique en France, Le Mexique aujourd’hui, bulletin d’information, août 2002, sur Internet : http ://www.sre.gob.mx/ francia/mxau/mex26.pdf Mexique (Gouvernement du), Constitución Política de los Estados Unidos Mexicanos, 1ière édition, Senado de la República - LVIII Legislatura, Mexique, 2002, pp. 74–77. Mexique, Bureau fédéral des élections (Instituto Federal Electoral), «Processus électoral fédéral», 2003, sur Internet : http ://www.ife.org.mx/

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313 Mexique Mexique, Bureau de statistiques (Instituto Nacional de Estadística, Geografía e Informática, INEGI). «Banco de Información Económica : Tasa de Desempleo Abierto (2002)», sur Internet : http ://dgcnesyp.inegi.gob.mx/bdine/I10/ I1000031.htm Mexique, Bureau de statistiques, «XII Censo General De Población y Vivienda 2000 : Entidades Federativas, Capitales y Población por Entidad», sur Internet : http :// mapserver.inegi.gob.mx/geografia/espanol/datosgeogra/basicos/estados/ tabla-poblacion.cfm Mexique, Bureau de statistiques, « Encuesta Nacional de Empleo Urbano (Comunicado de Prensa)», septembre 2003, sur Internet : http ://www.inegi.gob.mx/inegi/ contenidos/espanol/prensa/Boletines/Boletin/Comunicados/ Empleo %20y %20desempleo/2003/Octubre/comunica.pdf Mexique, Bureau de statistiques, «Ingresos Públicos Estatales por Entidad Federativa», 2001, sur Internet : http ://www.inegi.gob.mx/est/contenidos/espanol/tematicos/ mediano/med.asp?t=fipu10&c=5104 Mexique, Bureau de statistiques, «Superficie Continental e Insular del Territorio Nacional», sur Internet : http ://mapserver.inegi.gob.mx/geografia/espanol/datosgeogra/extterri/ frontera.cfm?c=154 Mexique (Gouvernement du), ministère des Finances, «Estadísticas Oportunas de Finanzas Públicas y Deuda Pública : Deuda pública de entidades federativas y municipios», janvier-octobre 2003, «Mexico : Economic and Financial Statistics (Data Book)», septembre 2003, «Timely Public Finances and Public Debt Statistics : Financial Position of the Federal Government», janvier-octobre 2003, sur Internet : http ://www.shcp.gob.mx/index01.html Mexique, Sénat, «Senado Mexicano : Estructura y Organización», sur Internet : http :// www.senado.gob.mx/senado.php?ver=estructura&lng=es Navarro, Carlos, Elections in North America in the year 2000, Bureau fédéral des élections, sur Internet : http ://www.ife.org.mx/wwwcai/B4-5ING.html Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf World Directory of Parliamentary Libraries : Mexico, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/mexic.html Notes 1 Le Mexique ne compile pas de statistiques sur le taux de chômage à l’échelle des états; il le fait plutôt à l’échelle des agglomérations urbaines. 2 15 ans et plus

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États fédérés de Micronésie DIRK ANTHONY BALLENDORF

1 histoire et évolution du fédéralisme La Micronésie est un ensemble d’îles du Pacifique dont les quatre principaux archipels sont : les îles Mariannes, les îles Carolines, les îles Marshall et les îles Gilbert (qui portent maintenant le nom de Kiribati). Les États fédérés de Micronésie font partie de l’archipel des Carolines et comprennent quatre ensembles d’îles : Chuuk (autrefois Truk), Yap, Pohnpei (autrefois Ponape) et Kosrae. Il s’agit donc d’un sous-ensemble de la Micronésie au sens large. La superficie totale du territoire est d’environ 700 kilomètres carrés, mais les îles sont réparties sur une superficie de plus de 2,5 millions de kilomètres carrés. La population totalise environ 108 000 habitants. La Micronésie a été l’objet d’une exploitation presque ininterrompue depuis que Ferdinand Magellan a été le premier à débarquer à Guam en 1521. Les petites îles ont connu quatre régimes coloniaux : les Espagnols, qui les ont gouvernées de 1521 à 1898, suivis des Allemands de 1899 à 1914, puis des Japonais, de 1914 à 1944, et finalement des Américains, de 1944 à 1986, année où fut proclamée l’indépendance du pays. En 1947, les États-Unis d’Amérique se sont vu confier l’administration de la Micronésie en vertu d’un accord de tutelle de l’ONU. Comme ce fut le cas avec les administrations coloniales antérieures, l’administration américaine était centralisée, avec la ville de Saipan, dans les îles Mariannes du Nord, comme capitale. Les peuples

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micronésiens étaient répartis en six districts administratifs distincts : Mariannes, Yap, Palau, Truk (aujourd’hui Chuuk), Ponape (aujourd’hui Pohnpei) et les îles Marshall. Ils sont demeurés largement autosuffisants et isolés du reste du monde. En 1977, on a divisé le district de Ponape en deux, ce qui a donné lieu à la création d’un septième district, celui de Kosrae. Les États-Unis et l’ONU ont accordé peu d’attention aux obligations contractées par le gouvernement américain en vertu de la Charte des Nations Unies jusqu’à ce que, sous l’administration Kennedy, des agents de l’ONU en mission dans cette région ne reçoivent les nombreuses plaintes de la population locale. Celles-ci portaient sur la piètre qualité du système de transport, l’absence de tout règlement de revendications concernant les dommages de guerre; le refus d’accorder une juste indemnité pour les terres acquises à des fins militaires; les conditions de vie médiocres à la base américaine de missiles dans les îles Marshall et, enfin, les soins médicaux presque inexistants. La Micronésie devenait une source d’embarras pour le gouvernement américain, qui s’opposait à toute forme de colonialisme dans le monde. Avec un revenu monétaire de 90 dollars américains par habitant, la Micronésie comptait parmi les pays les plus pauvres du Tiers-Monde. Les autorités américaines réagirent en doublant les crédits affectés à la Micronésie, qui passèrent de 6,8 millions de dollars en 1962 à 15 millions de dollars en 1963. Grâce à ces fonds, on a pu créer un système d’enseignement de type occidental, accroître les services médicaux, construire certaines infrastructures, améliorer les installations de transport et de communications, et verser des salaires aux employés de l’administration de la tutelle. Les projets visant à promouvoir une certaine autosuffisance économique n’ont toutefois pas reçu beaucoup d’attention. Une part substantielle des fonds américains a été consacrée à un programme d’éducation «accéléré» destiné aux enfants micronésiens. On a donné plus d’importance à l’enseignement de l’anglais, qui devint rapidement une langue d’usage plus répandue dans les salles de classe. Des bourses d’études collégiales ont été offertes aux jeunes Micronésiens pour leur permettre de poursuivre leurs études dans des universités américaines. Ce programme a permis à des Micronésiens de recevoir une formation axée sur des emplois de bureau divers. Mais comme il y avait très peu d’emplois de ce genre dans les îles, le programme, loin de favoriser le développement et d’accroître l’autonomie, est devenu une cause de migration, de chômage et de sous-emploi. Sous le régime de tutelle, un nombre sans cesse croissant de Micronésiens parvenait à se trouver du travail au sein de l’administration gouvernementale. Les crédits budgétaires américains sont ainsi devenus

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la principale source de revenus pour plus de la moitié de la maind’œuvre. L’influence des États-Unis sur les aspects sociaux, politiques et économiques de la société micronésienne a été considérable par rapport à celle des colonisateurs précédents. La notion de fédéralisme en Micronésie remonte à 1946. À l’époque, les États-Unis estimaient que la meilleure solution au problème du statut politique de la région consistait à l’annexer complètement, et à conférer à Guam le rôle de capitale. Toutefois, pendant les dernières semaines de la Deuxième Guerre mondiale, l’Union soviétique s’est emparée de certaines îles nordiques japonaises et les a occupées à titre de butin de guerre. Les États-Unis tenaient à ce que l’Union soviétique remette un jour les îles au Japon. Comprenant que les Soviétiques pourraient invoquer l’annexion de la Micronésie comme un précédent contre les États-Unis, l’administration américaine ne tarda pas à renoncer à son projet d’annexion totale. Les îles japonaises n’en sont pas moins demeurées sous le contrôle de la Russie. En 1969, l’administration Nixon engagea des négociations au sujet de l’avenir politique de la Micronésie. La position américaine était que les Micronésiens devraient former une seule entité politique portant le nom d’États fédérés de Micronésie. Cette fédération se composerait des districts politiques en place à l’époque : les îles Mariannes, Yap, Palau, Truk (Chuuk), Ponape (Pohnpei), Kosrae (Kosaie) et les îles Marshall. L’ambassadeur du président Nixon délégué aux négociations sur le statut de la Micronésie mit de l’avant la notion de fédéralisme dès le début des pourparlers. Toutefois, entre 1969 et 1972, on s’est rendu compte qu’il y avait d’importantes divergences de vues au sein de la population micronésienne. Les Chamorros des îles Mariannes du Nord préféraient établir des liens permanents et étroits avec les États-Unis; ils avaient d’ailleurs proposé ce statut dès l’élection de leur premier corps législatif en 1963. C’est pourquoi les États-Unis acceptèrent d’abandonner leur projet d’unification politique de la Micronésie. En décembre 1972, ils entamèrent des négociations séparées avec les îles Mariannes du Nord. Palau et les îles Marshall, ainsi que les autres districts des îles Carolines, voulaient un régime identique mais séparé de «libre association». À leurs yeux, en plus de leur permettre de maximiser leur autonomie politique interne et de leur donner suffisamment d’indépendance pour se doter d’une personnalité juridique internationale, ce type de régime leur permettrait de nouer des liens politiques étroits et permanents avec les États-Unis. La séparation des îles Marshall et de Palau des autres districts micronésiens reposait principalement sur des considérations économiques. Les habitants de ces îles estimaient que l’unité politique aurait pour effet de drainer leurs ressources vers les districts

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centraux de Yap, Ponape, Truk et Kosrae, plus peuplés et moins bien dotés que ceux de la périphérie. Les États-Unis avaient beau insister sur la nécessité d’une unité politique panmicronésienne (excluant les îles Mariannes du Nord), les représentants élus de Palau et des îles Marshall n’en continuaient pas moins d’affirmer avec vigueur que les habitants de ces îles n’approuveraient pas la Constitution unique proposée pour les «États fédérés de Micronésie». En 1977, les États-Unis ont donc été forcés d’admettre que 30 ans d’unité administrative n’avaient pas suffi à tisser des liens assez forts pour unir les populations culturellement disparates des îles au sein d’un seul État panmicronésien. En reconnaissant à chaque corps législatif le droit de choisir ses propres négociateurs, l’administration Carter s’est pliée à l’inévitable et a reconnu le droit de Palau et des îles Marshall à déterminer leur avenir indépendamment des quatre autres districts. Le 12 juillet 1978, un référendum sur le projet de constitution des États fédérés de Micronésie a été tenu. Comme prévu, le projet fut rejeté par les habitants de Palau et des îles Marshall, mais accepté par ceux des quatre districts centraux de Yap, Pohnpei, Chuuk et Kosrae. Les îles Marshall ont plus tard approuvé leur propre Constitution à l’occasion d’un référendum tenu le 1er mars 1979. Le projet de constitution de Palau a été approuvé le 9 juillet 1980, et le gouvernement de Palau est entré en fonction le 1er janvier 1981. Ainsi, quatre nouvelles entités politiques sont issues des anciens territoires sous tutelle des îles du Pacifique : le Commonwealth des îles Mariannes du Nord; les États fédérés de Micronésie; la République des îles Marshall; et la République de Palau. L’indépendance des États fédérés de Micronésie a été reconnue en 1986.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Constitution des États fédérés de Micronésie affirme que le territoire de ces états comprend tous les archipels ayant ratifié la Constitution, soit Chuuk, Yap, Pohnpei et Kosrae. La Constitution prévoit un gouvernement démocratique reposant sur le suffrage universel (tous les citoyens de 18 ans et plus ont le droit de voter). Les droits des citoyens sont protégés en vertu de l’article IV (paragraphes 1 à 13). Selon l’article VII de la Constitution, les États fédérés de Micronésie possèdent trois ordres de gouvernement : le gouvernement national, les gouvernements des états et les administrations locales. L’article IX définit la structure et les fonctions du corps législatif national (Congrès); il précise que chaque état compte un délégué non rattaché à une

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319 États fédérés de Micronésie

circonscription électorale («at-large delegate»), les autres étant répartis en fonction de la population. Il importe de noter que le corps législatif national est monocaméral; il n’y a donc pas de deuxième chambre assurant une représentation des états au sein du gouvernement central. Le président et le vice-président sont élus par le Congrès et leur mandat est de quatre ans. Ils ne peuvent être réélus qu’une fois (article X), ce qui signifie qu’ils ne peuvent exercer plus de deux mandats consécutifs. L’article IX (2) énumère les compétences du Congrès. Celles-ci comprennent notamment la défense nationale, la ratification des traités (avec le consentement des états), la citoyenneté, les impôts sur le revenu et les importations, les devises, les activités bancaires, la navigation et le transport des marchandises, la réglementation concernant l’exploration et l’exploitation des richesses naturelles en milieu marin (au-delà de 19 kilomètres du rivage des îles), et le droit criminel. Bien que ces compétences paraissent considérables, le gouvernement national n’est pas, en réalité, souverain dans bon nombre de ces domaines. La défense, les devises et les activités bancaires par exemple relèvent de la compétence du gouvernement national, mais la Micronésie s’inscrit dans le cadre des politiques américaines en matière de défense et de système bancaire : la Micronésie n’émet pas sa propre monnaie, et c’est la devise américaine que l’on utilise. On ne trouve dans la Constitution aucune énumération des compétences des états. L’article VIII (1) précise qu’une compétence expressément attribuée au gouvernement national, ou une compétence dont l’exercice dépasse si manifestement les capacités d’un état qu’elle est indiscutablement nationale, relève des compétences nationales. Toute compétence non expressément attribuée au gouvernement national ni prohibée aux états relève des états (paragraphe 2). Ainsi, toutes les compétences qui ne sont pas expressément attribuées au gouvernement national sont laissées aux états. Certaines compétences relèvent à la fois du gouvernement national et des états (article IX (3)). Celles-ci comprennent l’affectation de fonds publics, les emprunts publics, l’éducation, la santé, la sécurité et l’aide sociale. L’article XI de la Constitution précise la structure et le rôle du pouvoir judiciaire. Il prévoit la création d’une Cour suprême composée d’un juge en chef, ainsi que d’un nombre maximal de cinq juges associés (article XI (2)). Les juges sont nommés par le président, et leur nomination doit être approuvée par une majorité des deux tiers des membres du Congrès. Les juges doivent avoir une conduite irréprochable (article XI (3)) : ils peuvent être destitués pour des motifs de trahison ou de corruption si une motion en ce sens est appuyée par les deux tiers des membres du Congrès (article IX (7)). La Cour suprême peut entendre les causes concernant l’interprétation de la Constitution

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(article XI (7)), et elle est déjà intervenue dans les dossiers relatifs au partage des compétences et aux conflits de juridiction. L’article XII porte sur les finances et précise la nature des arrangements financiers de la fédération. Tous les impôts prélevés et perçus sont mis au compte d’un fonds général. Il y a également un «fonds d’aide étrangère» où sont déposés tous les montants d’aide étrangère provenant de pays autres que les États fédérés de Micronésie. Le président présente un budget annuel au Congrès et celui-ci doit affecter des fonds à tous les projets de loi qu’il adopte. Selon l’article IX (5), les impôts nationaux doivent être prélevés de manière uniforme, et tous les états doivent recevoir au moins 50 pour cent des impôts perçus sur leur territoire. L’article XIV permet de modifier la Constitution. Des modifications peuvent être proposées par une convention constitutionnelle, par une initiative populaire ou par le Congrès. En outre, le Congrès doit, au moins une fois tous les dix ans, soumettre la question suivante aux électeurs : «Doit-on tenir une assemblée en vue de réviser ou de modifier la Constitution?» Si la majorité des réponses est positive, une assemblée constitutionnelle doit être organisée. Une modification constitutionnelle est adoptée «lorsqu’elle est appuyée par les trois quarts des personnes ayant participé au vote relatif à cette modification dans chacun de trois des quatre états» (article XIV (1)). Une conférence constitutionnelle a eu lieu à l’été 2002 pour étudier la possibilité de modifier la Constitution. La Constitution des États fédérés de Micronésie comporte une disposition particulière portant sur la protection des «droits traditionnels» et des «chefs traditionnels». L’article V stipule que la Constitution ne peut supprimer le rôle ou les fonctions des chefs traditionnels, ou empêcher ces derniers d’être reconnus par un quelconque ordre de gouvernement, ou d’y exercer une fonction. Yap et Pohnpei ont des chefs traditionnels officiels disposant de titres, tandis que Chuuk et Kosrae n’en ont pas. Les gouvernements des états veillent en tout temps au maintien des conseils de chefs. L’article V (3) stipule que le «Congrès peut créer, au besoin, une Chambre des chefs composée de chefs traditionnels provenant de chacun des états où il y a de tels chefs, et de représentants élus provenant des états où il n’y a pas de chefs traditionnels. La constitution d’un état où il y a des chefs traditionnels peut conférer à ces derniers un rôle particulier». Les états peuvent en outre réserver un de leurs sièges au Congrès à l’intention des chefs traditionnels (article IX (11)).

3 dynamique po lit iqu e récen te Au cours des 15 dernières années, ces dispositions ont fonctionné de façon très satisfaisante pour les États-Unis. Mais pour la population des

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321 États fédérés de Micronésie

États fédérés de Micronésie, le fédéralisme n’a pas produit de résultats très heureux. Les tendances centrifuges au sein du pays sont d’ailleurs très fortes. Le président actuel, Joseph J. Urusemal, est originaire de l’état de Yap. Il a été élu par le Congrès en 2003 pour une période de quatre ans. Tout porte à croire que le poste de président n’est pas très convoité en Micronésie. Il y a quelques années, un sondage effectué auprès des étudiants micronésiens de l’Université de Guam indiquait que si l’on donnait à ceux-ci le choix entre le poste de gouverneur de leur état d’origine et celui de président des États fédérés de Micronésie, quelque 78 pour cent d’entre eux choisiraient le poste de gouverneur. Aujourd’hui, la plupart des Micronésiens sont portés à considérer leur gouvernement central comme une autre administration coloniale! Au cours des 17 dernières années, des tensions sont apparues au sein des États fédérés de Micronésie au sujet des achats de terres. Dans un pays constitué d’îles, les terres sont bien entendu une ressource précieuse. L’article XIII (4) de la Constitution interdit l’achat de terres par des personnes qui n’ont pas la citoyenneté micronésienne ou par des entreprises n’appartenant pas entièrement à des Micronésiens. Mais tout citoyen des États fédérés de Micronésie peut acheter un terrain n’importe où au pays. Pourtant, beaucoup de Micronésiens s’opposent à cela. Et lorsqu’on procéda aux premières ventes de terrain, de vives protestations se firent entendre. Dans chaque île, les habitants s’opposent à ce que des étrangers – et on considère toute personne n’habitant pas l’île comme étrangère – achètent des terres chez eux. Le problème des achats de terres a été abordé lors de la conférence constitutionnelle de 2002 mais aucune solution n’a été retenue. La conférence a aussi débattu de l’élection au suffrage direct (plutôt que par les membres du Congrès) du président et du vice-président, de la double citoyenneté (à savoir la citoyenneté américaine et la citoyenneté micronésienne) pour les citoyens des États fédérés de Micronésie, ainsi que des limites auxquelles devraient être assujettis les mandats des élus, mais aucune de ces questions n’a été réglée. Il a été convenu, toutefois, que chaque état de la fédération verserait moins de recettes fiscales au gouvernement national, et en garderait davantage pour soi. Comme dans d’autres fédérations, la question du partage des ressources y est très controversée. En 2003, les États fédérés de Micronésie ont convenu avec les ÉtatsUnis de reconduire un accord de libre association (Compact of Free Association). En vertu de cet accord, les États-Unis versent tous les ans, à chacun des états, une subvention globale et assurent la prestation de certains «services généraux» comme les services postaux, les services d’administration aéronautique fédérale et les services météorologiques. Bien que les états de la fédération aient fait part, avant les négociations

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de l’accord de 2003, de leur intention de négocier des ententes séparées avec les États-Unis, la fédération est demeurée intacte. La durée de l’accord de libre association a été prorogée, passant de 15 à 20 ans. Les négociations de 2003 ont également donné lieu à la création d’un nouveau comité de contrôle – le Comité mixte de gestion économique (Joint Economic Management Committee, JEMCO). Celui-ci est composé de trois membres représentant les États-Unis et de deux membres représentant les États fédérés de Micronésie. L’administration centrale du Comité se trouve à Honolulu, et c’est toujours un Américain qui préside ses délibérations. Toutes les dépenses au titre de l’accord de libre association doivent être examinées et approuvées par le Comité sur une base trimestrielle avant que les fonds ne soient débloqués. Il n’est pas étonnant que cette méthode de tutelle et de responsabilité ait été critiquée dans les États fédérés de Micronésie, mais sa mise en œuvre n’a soulevé aucune difficulté jusqu’à ce jour.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Gale, Roger W., The Americanization of Micronesia : A Study of the Consolidation of U.S. Rule in the Pacific, Washington, D.C., University Press of America, 1979. Hills, Howard L., «Compacts of Free Association for Micronesia», The International Lawyer, vol. 18, no 3, 1984, p. 583–609. McHenry, Donald F., Micronesia : Trust Betrayed? New York, Carnegie Endowment for International Peace, 1975. Micronesian Support Committee and Pacific Concerns Resource Center, From Trusteeship to…?, Honolulu, Hawaii, 1985. On peut s’en procurer un exemplaire en s’adressant à l’Université d’Hawaii, Hamilton Library, Pacific Collections. Nevin, David, The American Touch in Micronesia, New York, W.W. Norton, 1977. Peoples, J.A., Island in Trust; Culture Change and Dependence in a Micronesian Economy, Boulder, Colorado, West View Press, 1985. Statham, E. Robert Jr, «The Freely Associated States of Micronesia : Pragmatism vs. Principle in U.S. Foreign Policy», Asian Culture Quarterly, vol. 27, nos 3 et 4 (automne et hiver 1999), p. 27–42. The Trusteeship Agreement, 61 Stat. 3301, T.I.A.S. no 1665, 8 U.N.T.S. 189, 18 juillet 1947, Washington, D.C. Trust Territory of the Pacific Islands, Annual Reports, 1961–1964, Washington, D.C., département de l’Intérieur des États-Unis d’Amérique. http ://www.tlfq.ulaval.ca/axl/pacifique/micronesie.htm, données démolinguistiques

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323 États fédérés de Micronésie Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Palikir

Nombre et type d’unités constituantes

4 états : Chuuk (Truk), Kosrae (Kosaie), Pohnpei (Ponape), Yap

Langue(s) officielle(s)

Anglais

Superficie

702 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Pohnpei – 342,4 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Kosrae – 111,4 km2

Population totale

108 071 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Chuuk 50,1 %, Pohnpei 32,2 %, Yap 10,5 % et Kosrae 7,2 %

Régime politique – fédéral

Gouvernement constitutionnel en libre association avec les États-Unis d’Amérique

Chef d’État – fédéral

Président : Joseph J. Urusemal (2003). Élu par le Congrès pour un mandat d’une durée de 4 ans.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Joseph J. Urusemal (2003)

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Congrès, 14 sièges. Les membres sont élus au suffrage populaire. Chacun des 4 états dispose d’un membre non rattaché à une circonscription électorale (« at-large delegate ») élu pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les 10 autres membres sont élus dans des circonscriptions uninominales en fonction de la population, pour un mandat d’une durée de 2 ans. N.B. Il n’existe pas de parti politique.

Nombre de représentants au sein du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Chuuk – 6

Nombre de représentants au sein du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Kosrae – 2

Partage des compétences

Le gouvernement fédéral possède 18 compétences exclusives, dont la défense, les affaires étrangères, le droit criminel, la navigation et le transport des marchandises, les devises, les activités bancaires, l’immigration et la citoyenneté, les douanes et les impôts (importations et revenu), les richesses naturelles et les services publics d’envergure nationale. Les

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324 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) compétences des états portent sur les questions d’intérêt local (territoire, enseignement primaire et secondaire, soins de santé, environnement et conservation). Les compétences concurrentes comprennent les emprunts publics, la sécurité sociale, l’éducation, la santé et l’aide sociale. Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême, formée d’un juge en chef et de 5 juges nommés à vie par le président, avec l’assentiment des deux tiers du Congrès.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblées législatives dont les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans, sauf dans le cas de Chuuk, où l’on trouve une assemblée législative bicamérale (comprenant un Sénat de 10 membres et une Chambre des représentants de 28 membres).

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur. Élu par les membres de l’assemblée législative de l’état, à laquelle il appartient, pour un mandat d’une durée de 4 ans.

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325 États fédérés de Micronésie Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

232 millions de $ US à PPA (2001–2002)

PIB par habitant

2 158 $ US à PPA (2001–2002)

Dette nationale extérieure

66,5 millions de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

22 % (2000)1

Unité constituante avec le taux Chuuk – 34,2 % (2000) de chômage le plus élevé Unité constituante avec le taux Yap – 4,1 % (2000) de chômage le plus faible Taux d’alphabétisation chez les adultes

81 % (2001)2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

13,4 % (2002)

Espérance de vie (années)

68,6 (est. 2002–2005)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

s.o.

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

s.o.

Transferts fédéraux aux unités constituantes

s.o.

Mécanismes de péréquation

Le partage des recettes fiscales repose sur des formules. Chaque état reçoit au moins 50 % des impôts prélevés sur son territoire.

Sources Banque asiatique de développement (BAD), «Key Indicators 2003 : Education for Global Participation – External Debt and Debt Service Payments», sur Internet : http ://www.adb.org/Documents/Books/Key_Indicators/2003/pdf/rt29.pdf Elections around the World, «Elections in Micronesia », 2003, sur Internet : http :// www.electionworld.org/micronesia.htm Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Federated States of Micronesia», no 03/23, février 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/ pubs/ft/scr/2003/cr0323.pdf Haglelgam, John R., «The FSM Constitution and the 2001 Constitutional Convention», Collège des États fédérés de la Micronésie, sur Internet : http ://www.comfsm.fm/ socscie/johnresearch.htm Knapman, Bruce et Cedric D. Saldanha, «Chapter 3 : Federated States of Micronesia», Reforms in the Pacific, Banque asiatique de développement (BAD), août 1999, sur Internet : http ://www.adb.org/documents/books/reforms_pacific/chap3.pdf Legal Information System of the Federated States of Micronesia, sur Internet : http :// www.fsmlaw.org/fsm/

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326 Guide des pays fédéraux, 2005 Micronésie (Gouvernement des États fédérés de la), ministère des Affaires économiques, division des statistiques, «Chapter 9 : Economic Activity», Federated States of Micronesia : 2000 Population and Housing Census Report, mai 2002, sur Internet : http ://www.pacificweb.org/fsm/pdf/20_Ch09_labour_force.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Micronesia (FSM), sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_FSM.html Notes 1 Pourcentage de la main-d’œuvre au chômage – 15 ans et plus 2 15 ans et plus

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Nigeria (République fédérale du Nigeria ) F E S T U S C . N Z E , AV E C L A C O L L A B O R AT I O N D E PA U L K I N G *

1 histoire et évolution du fédéralisme La République fédérale du Nigeria, en Afrique occidentale, compte quelque 130 millions d’habitants, ce qui en fait le pays africain le plus peuplé. La superficie de son territoire est d’un peu moins de 925 000 kilomètres carrés, et sa masse terrestre s’étend de la pointe orientale du golfe de Guinée jusqu’aux savanes occidentales. Le Nigeria est bordé à l’est par le Cameroun et à l’ouest par la République du Bénin; au nord se trouve le Niger, et au nord-est le Tchad. Bien que le pays soit riche en ressources minérales – le pétrole en particulier – le revenu annuel par habitant se limite à environ 800 dollars par année. Le territoire actuel du Nigeria correspond à ceux de plusieurs anciens États et empires auxquels se sont ajoutés divers petits territoires. Le plus vaste et le plus influent de ces empires est celui de Fulani qui, au XIXe siècle, occupait une bonne partie du nord du Nigeria. Le Sud, couvert de forêts que les cavaliers fulanis pouvaient difficilement pénétrer, était occupé par les États du Bénin et d’Oyo (Yoruba). À l’est du Niger vivaient les communautés igbo et ibibio. Selon les archives les plus anciennes, l’influence européenne dans les régions côtières du Nigeria remonte à 1472, année au cours de laquelle des bateaux

* Paul King a révisé le présent article pour la deuxième édition du Guide des pays fédéraux (2005).

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portugais accostèrent pour la première fois au Bénin. Jusqu’à l’arrivée des Européens, la côte ne revêtait aucune importance du point de vue de la politique internationale. Avant l’arrivée des marins portugais, à la recherche d’or et d’esclaves d’Afrique occidentale, les contacts avec le monde extérieur se faisaient par le Sahara. Le débarquement des Britanniques dans la région, un siècle plus tard, marque un tournant dans l’histoire du Nigeria. En 1885, lors de la conférence de Berlin, les Britanniques obtinrent une reconnaissance officielle de leurs intérêts le long de la rivière Niger. En 1900, la Compagnie royale du Niger (Royal Niger Company) remit l’administration du territoire à la Couronne britannique, qui établit des protectorats dans le sud et le nord du Nigeria. En 1914 fut constitué un conseil nigérian composé de 30 Européens et de six Nigérians. Ce conseil ne disposait d’aucun pouvoir exécutif ou législatif, son rôle étant uniquement consultatif. La Constitution de 1922 (dite «Constitution de sir Hugh Clifford») a donné plus d’ampleur à cet organisme en le transformant en conseil législatif; composé de 46 membres, dont dix élus, il pouvait adopter des lois s’appliquant à la colonie et aux provinces du Sud, le gouverneur légiférant sur les questions concernant les provinces du Nord. La Constitution Richards de 1946 (du nom de son auteur principal, sir Arthur Richards) mettait en place un conseil législatif ayant le pouvoir de légiférer pour l’ensemble du pays, et établissait trois régions : le Nord, l’Ouest et l’Est. Le conseil était composé de 45 membres, dont 28 étaient d’origine nigériane (4 étaient élus et les 24 autres nommés). La Constitution prévoyait en outre la mise en place de trois assemblées législatives régionales qui, à titre consultatif, conseillaient le gouverneur sur des questions qu’il leur soumettait. En 1951, on ajouta à la Constitution des dispositions prévoyant la création d’un Conseil des ministres composé de 18 membres (12 Nigérians et six membres provenant d’office de la bureaucratie coloniale). Les trois régions avaient une représentation égale au sein du Conseil et il appartenait à l’assemblée législative de chaque région de nommer ses représentants. On créa en outre une Chambre des représentants composée de 142 députés, dont 136 d’origine nigériane. Les organes législatifs régionaux avaient le pouvoir de légiférer dans certains domaines d’intérêt local mais les lois qu’ils adoptaient devaient être avalisées par le gouverneur. C’est la notion de «région» présentée par la Constitution Richards qui a ouvert la voie à un régime fédéral au Nigeria. En 1954 a été adoptée une nouvelle Constitution qui renforçait le caractère fédéral du Nigeria; celle-ci stipulait que le Nigeria était une fédération, attribuait une marge limitée d’autonomie aux régions, et maintenait la représentation régionale au Conseil des ministres. Alors

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que les responsabilités du centre concernaient, entre autres, les relations étrangères, la défense et la police, celles des régions portaient sur l’enseignement élémentaire et secondaire, l’agriculture, la santé publique et les administrations locales. Le pouvoir judiciaire, la Commission de la fonction publique et les offices de commercialisation ont été régionalisés. Les responsabilités concernant le développement économique, les questions de main-d’œuvre et l’enseignement supérieur relevaient à la fois du centre et des régions. Ainsi, c’est par un processus de désagrégation que le Nigeria s’est constitué en fédération. Entre 1954 et 1960, les trois régions ont acquis une certaine autonomie gouvernementale. Le 1er octobre 1960, la fédération nigériane a acquis sa complète indépendance à l’égard de la Grande-Bretagne. Trois ans plus tard, le 1er octobre 1963, le Nigeria se dotait d’une Constitution républicaine, et devenait une république fédérale (la première République). La Constitution républicaine de 1963 attribuait au gouvernement fédéral des compétences exclusives dans divers domaines comme la défense, les affaires étrangères, l’immigration, les passeports, la monnaie, les chemins de fer, la poste et les télécommunications, l’aviation et la météorologie. De plus, en période d’urgence nationale, le gouvernement fédéral était autorisé à légiférer sur toute question n’apparaissant pas sur sa liste de compétences exclusives. La liste des compétences concurrentes de la Constitution de 1963 énumérait les sujets à l’égard desquels les corps législatifs fédéral et régionaux pouvaient tous deux proposer des lois; ces sujets comprenaient notamment la tenue des recensements, le développement industriel et les antiquités. Les compétences résiduelles confiées aux assemblées législatives régionales visaient des questions comme l’enseignement élémentaire et secondaire. Les assemblées législatives régionales pouvaient légiférer à leur gré sur ces questions. Le Nigeria est un pays multiethnique et, dès les années 60, les divers groupes ethniques se livrèrent une concurrence acharnée en vue de contrôler le gouvernement central et les autorités au sein de leur région. C’est ainsi que se multiplièrent les revendications visant la création de nouvelles unités régionales. En 1963, la région de l’Ouest fut divisée en deux, ce qui donna lieu à la création de la région du Centre-Ouest (Mid-Western Region). Cette décision est à l’origine d’un processus qui a vu le nombre d’unités constituantes passer de trois à trente-six. En janvier 1966, le major Chukwuma Nzeogwu, un Igbo, tenta de s’emparer du pouvoir à la faveur d’un coup d’État. Le premier ministre de la fédération, les premiers ministres des régions du Nord et de l’Ouest et plusieurs officiers militaires de haut rang furent tués. Les auteurs du coup d’État n’ayant pas réussi à s’emparer de Lagos, le

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major général Aguiyi-Ironsi qui, en plus d’être un Igbo, occupait le poste le plus élevé dans la hiérarchie militaire nigériane, parvint à maîtriser la situation et ordonna l’arrestation des conspirateurs. La plupart de ces derniers étant des Igbos, on se mit à parler (à tort) du coup igbo, et ce en dépit du fait qu’un de ses principaux artisans était un major yoruba. Après avoir pris le contrôle du gouvernement fédéral, Ironsi s’empressa de remplacer le régime fédéral par un régime unitaire, ce qui eut pour conséquence l’abolition des régions. Les fonctionnaires du Nord se sentaient menacés par les sudistes, dont le niveau de formation et d’éducation était élevé. Le Nord ne tarda pas à réagir. Les attaques contre les Igbos vivant dans le nord du pays se multiplièrent, provoquant des milliers de morts. En juillet 1967, il y eut un deuxième coup d’État, fomenté cette fois par des officiers militaires nordistes de rang inférieur, et beaucoup d’officiers igbos furent tués. L’équilibre des forces tendant de nouveau à favoriser le Nord, le lieutenant-colonel Yakubu Gowon fut porté au pouvoir. Les chefs igbos décidèrent alors de réclamer la sécession. Une deuxième vague de massacres des Igbos ayant été déclenchée en septembre 1967, leur demande se fit bientôt plus pressante. Ayant perdu toute confiance dans le système politique nigérian, plus d’un million d’Igbos provenant de toutes les régions du pays s’enfuirent dans leur région d’origine. Toutes les tentatives d’en arriver à un compromis avec les Igbos ayant échoué, le lieutenant-colonel Odumegwu Ojukwu proclama l’indépendance de l’État du Biafra le 30 mai 1967. Peu après éclata entre forces nigérianes et biafraises une guerre civile qui se termina par la reddition des forces biafraises en janvier 1970. Malgré l’immense richesse engendrée par l’industrie pétrolière nigériane, l’agitation politique se poursuivit sans cesse pendant les années 70. En 1975, le général Gowon fut renversé. Son successeur, le général Murtala Mohammed, entreprit un certain nombre de réformes politiques, mais il trouva la mort lors d’une tentative avortée de coup d’État en 1976. Il fut remplacé par le lieutenant-général Olusegun Obasanjo. Au milieu de l’année 1976, le gouvernement militaire confia au groupe Aguda la tâche d’examiner diverses solutions de rechange. Le groupe recommanda le transfert de la capitale fédérale de Lagos à Abuja et la création de sept nouveaux états. En 1979 eurent lieu des élections générales. Shehu Shagari, chef du Parti national du Nigeria (National Party of Nigeria, NPN), remporta les élections présidentielles (et fut réélu en 1983). Le général Obasanjo remit les pouvoirs à Shehu Shagari, et ce dernier devint président de la seconde République, proclamée en octobre 1979. La proclamation de la seconde République avait été précédée par l’adoption d’une nouvelle constitution, la Constitution de la

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République fédérale du Nigeria de 1979. Tout en permettant l’instauration d’un régime présidentiel, celle-ci stipulait que «le Nigeria est une fédération comportant des états et un territoire de la capitale fédérale» (article 2 (2)). Elle prévoyait en outre la mise en place d’administrations locales chargées de fonctions précises et correspondant à un troisième ordre de gouvernement (annexe 4). En décembre 1983, les militaires renversèrent le gouvernement civil en dénonçant la corruption et le désordre économique. L’année 1985 fut marquée d’un autre coup militaire au cours duquel le major général Ibrahim Badamosi Babangida s’empara du pouvoir. Celui-ci annonça qu’il permettrait à des civils d’exercer le pouvoir, mais il ignora ensuite les résultats des élections présidentielles de juin 1993. Un gouvernement national provisoire fut créé par les militaires (dans les milieux officiels nigérians, ce gouvernement est généralement associé à la troisième République). La Constitution de 1979 devait être révisée au cours de cette période. C’est à cette époque que fut rétablie l’Assemblée nationale, dont les pouvoirs furent cependant limités. Il y eut également des élections afin de pourvoir certains postes gouvernementaux. Le gouvernement de Babingida fut renversé en novembre 1993 par le général Sani Abacha qui, ayant pris les rênes du pouvoir, procéda à la dissolution de l’Assemblée nationale et destitua tous les représentants élus. Abacha mourut soudainement en juin 1998, et c’est le général Abdulsalam Abubakar qui lui succéda. Celui-ci s’empressa de tenir des élections de sorte que, en 1999, le Nigeria élut un gouvernement composé de civils ayant à sa tête Olusegun Obasanjo (maintenant un civil). La Constitution de la République fédérale du Nigeria de 1999, proclamée en mai, a permis au Nigeria d’inaugurer la quatrième République.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Constitution de 1999 renferme les dispositions de la Constitution de 1979, bien que certaines aient été modifiées. Elle comporte des dispositions précises concernant les unités constituantes de la fédération et la représentation de ces unités au sein du gouvernement central. L’article 2 (2) précise que le Nigeria est une fédération composée de 36 états et du territoire de la capitale fédérale. En vertu de l’article 4 (1), c’est à l’Assemblée nationale, qui comprend un Sénat et une Chambre des représentants, que sont dévolus les pouvoirs législatifs de la République fédérale du Nigeria. Chaque état est représenté par trois sénateurs, et le territoire de la capitale fédérale, Abuja, par un sénateur. L’article 49 stipule que la Chambre des représentants est composée de 360 membres représentant des circonscriptions qui,

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dans la mesure du possible, doivent avoir des populations de taille à peu près égale, sous réserve que les limites territoriales d’une circonscription ne doivent jamais croiser la frontière entre deux états. La Constitution autorise l’Assemblée nationale à faire des lois pour la paix, l’ordre et la bonne gouvernance de la fédération, ou sur tout autre sujet figurant sur la liste des compétences exclusives (Exclusive Legislative List). Celle-ci compte 68 sujets sur lesquels le gouvernement fédéral peut légiférer, les plus importants étant : les comptes et les bureaux du gouvernement fédéral, et les tribunaux et les autorités qui y sont affiliés; l’aviation, y compris les aéroports; les faillites et les questions d’insolvabilité; les banques, les activités bancaires et les lettres de change; la défense; l’énergie nucléaire. L’Assemblée nationale peut aussi légiférer sur n’importe lequel des 12 sujets énumérés dans la liste des compétences concurrentes (Concurrent Legislative List), qui comprend notamment la répartition des recettes, les antiquités et les monuments, les archives, la perception des impôts, les lois électorales et les pouvoirs électoraux. Selon l’article 6, les compétences législatives des états sont dévolues aux chambres d’assemblée (House of Assembly) des états. L’article 7 (a-b) de la Constitution précise que chaque Chambre a le pouvoir de faire des lois concernant la paix, l’ordre et le bon gouvernement au sein de l’état qu’elle représente, ainsi que sur tout sujet qui n’est pas énuméré dans la liste des compétences exclusives. Les états peuvent aussi légiférer sur les questions énumérées dans la liste des compétences concurrentes dans la deuxième annexe de la Constitution. En ce qui concerne les arrangements fiscaux, l’article 162 (1) de la Constitution précise que la fédération doit maintenir un compte spécial, dit «Compte de la fédération» (Federation Account), où sont comptabilisées toutes les recettes perçues par le gouvernement de la fédération. Les seules exceptions prévues en vertu de la Constitution sont les impôts sur le revenu des particuliers prélevés sur les revenus des membres des forces armées, des services de police du Nigeria et du ministère des Affaires étrangères. Une autre exception est prévue pour les impôts sur le revenu des particuliers versés par les résidants du territoire de la capitale fédérale, Abuja. Sous réserve de l’approbation de l’Assemblée nationale, les montants crédités au «Compte de la fédération» peuvent être versés aux conseils fédéraux, étatiques et locaux des différents états. Pour répartir les sommes provenant du «Compte de la fédération», on a recours à certains principes de répartition, à savoir la population (et la densité de population), l’égalité des états, la capacité interne de produire des recettes et la masse terrestre. Quant à l’application de ces principes, l’article 2 de la Constitution de 1999 stipule qu’il «faut toujours tenir compte du principe de dérivation», et

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que celui-ci ne devrait «jamais être inférieur à 13 pour cent des recettes créditées au «Compte de la fédération» qui proviennent directement des richesses naturelles». La Constitution comporte des dispositions au sujet des bureaux exécutifs du président et du vice-président (article 130 (1)). Tous les pouvoirs exécutifs de la fédération, sous réserve des dispositions de la Constitution de 1999, relèvent du président. Le président est chef d’État, chef exécutif de la fédération et commandant en chef des forces armées de la fédération. En outre, l’article 153 (1) prévoit la création de 14 «organes exécutifs fédéraux», comme le Bureau du code de conduite (Code of Conduct Bureau), le Conseil d’État et la Commission sur le caractère fédéral (Federal Character Commission). Selon l’article 5 (2) de la Constitution, les pouvoirs exécutifs d’un état relèvent du gouverneur de cet état. Comme la plupart des constitutions fédérales, la Constitution nigériane prévoit des procédures pour le règlement de différends constitutionnels. Les articles 230 (1) et 237 (1) servent de fondement constitutionnel pour une Cour suprême et un tribunal d’appel. La Cour suprême a une juridiction exclusive dans tout différend opposant la fédération à un état, ou des états entre eux. Elle possède également une juridiction exclusive concernant les appels des jugements rendus par un tribunal d’appel. Le tribunal d’appel a d’importants pouvoirs, y compris une juridiction de première instance et une juridiction d’appel. Il peut entendre les appels des jugements de première instance sur quelque question que ce soit. De plus, il possède une juridiction exclusive sur les questions concernant la validité de l’élection de quiconque au poste de président ou de vice-président de la République. Il a aussi juridiction sur toute question visant à déterminer si «le mandat du président ou du vice-président a pris fin, ou si le poste de président ou de viceprésident est vacant». L’article 9 (2) de la Constitution précise qu’une loi de l’Assemblée nationale visant à modifier la Constitution «qui n’est pas une loi à laquelle s’applique l’article 8 de la Constitution ne sera pas réputée avoir été adoptée par l’une ou l’autre Chambre de l’Assemblée nationale à moins que la proposition n’ait reçu l’appui d’au moins deux tiers de tous les membres de cette Chambre et n’ait été approuvée par la majorité des chambres d’assemblée d’au moins deux tiers de tous les états». Toute proposition visant à modifier l’article 8 de la Constitution, qui porte sur les droits fondamentaux de la personne, doit recevoir l’appui d’au moins quatre cinquièmes de tous les membres de chaque Chambre. Elle doit aussi recevoir l’appui de la majorité des membres des chambres d’assemblée d’au moins deux tiers de tous les états.

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Le «caractère fédéral» du pays est inscrit dans la Constitution de 1999. Ainsi, l’article 14 (3) précise que la composition du gouvernement de la fédération, ou de l’un ou l’autre de ses organismes, de même que la conduite de ses affaires, doivent être conformes à la nature fédérale du Nigeria et à la nécessité de promouvoir l’unité nationale.

3 dynam i que p o l i t i qu e r é c e n t e Il existe un principe important du fédéralisme selon lequel le pouvoir dans un régime fédéral «doit être réparti de manière à assurer un juste équilibre entre les gouvernements national et régionaux1». En d’autres mots, le fédéralisme «présuppose que, dans leurs relations, le gouvernement national et les autorités régionales disposent d’une certaine indépendance reposant sur un partage équilibré des pouvoirs et des ressources2». Pendant longtemps, ces principes n’ont pas été respectés. Le Nigeria prétendait être une fédération alors que, en réalité, il fonctionnait comme un régime unitaire. Le retour des civils au pouvoir, après plusieurs années de dictature militaire, a créé des conditions favorables à un débat franc et ouvert sur le fédéralisme nigérian. Le 10 octobre 2000, les gouverneurs de tous les états de la partie méridionale du Nigeria (c’est-à-dire les zones Sud-Est et Sud-Sud) se sont réunis pour la première fois à l’occasion d’un sommet historique tenu à Lagos. La situation du fédéralisme nigérian y a fait l’objet de nombreux débats. Les gouverneurs ont alors proposé l’implantation d’un «vrai fédéralisme» au sein duquel «les parties constituantes devraient maîtriser leurs ressources». Selon un des gouverneurs du sud du pays, ce type de fédéralisme permettrait la mise en place d’un «fédéralisme à valeur ajoutée» au Nigeria. Au moment de la rédaction du présent article, des expressions comme «véritable fédéralisme», «fédéralisme coopératif», «fédéralisme fondé sur de vrais principes», «fédéralisme économique» et «fédéralisme à valeur ajoutée» sont utilisées couramment dans les débats sur le fédéralisme nigérian. Il est encore trop tôt pour déterminer si le Nigeria pourra évoluer vers l’une ou l’autre de ces variantes du fédéralisme. Les élections d’avril 2003 – les premières tenues par un pouvoir civil en plus de deux décennies – ont représenté une étape importante de l’histoire du pays. Malgré de graves irrégularités, ces élections revêtent vraiment un caractère historique en ce qu’elles ont marqué la fin du

1 B.O. Nwabueze, Federalism in Nigeria Under the Presidential Constitution, Londres, Sweet and Maxwell, 1983, p. 2. 2 Ibid.

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mandat d’un gouvernement civil élu démocratiquement et le début d’un second mandat suite à des élections. Olusegun Obasanjo, le président en exercice, enregistra 62 pour cent des voix, et son parti, le Parti démocratique du peuple (People’s Democratic Party, PDP), remporta des victoires écrasantes dans les élections à l’Assemblée nationale et aux assemblées des états. Il reste à voir quel sera l’impact des élections d’avril 2003 sur la pratique du fédéralisme au Nigeria, mais en attendant, elles auront clairement donné au PDP la force politique nécessaire pour entreprendre des changements constitutionnels, s’il le désire. Le PDP s’est emparé de plus du quart des voix pour la présidence dans 32 des 36 états du Nigeria, une tendance enregistrée également dans les scrutins pour l’Assemblée nationale et pour les assemblées des états. Il existe deux interprétations opposées de ce résultat. En premier lieu, compte tenu de la diversité ethnique, on peut penser que le pays est en voie de dépasser son régionalisme ethnique. Cependant, bien que les élections des assemblées des états aient permis au PDP de remporter 28 états, le Parti du peuple nigérian (All Nigeria People’s Party, ANPP), dirigé par Mohammadu Buhari, a gagné sept états, tous des états musulmans conservateurs du Nord. Par conséquent, la deuxième interprétation possible des résultats des élections est que le régionalisme ethnique a en fait été renforcé. L’augmentation de la violence sectaire dans le nord et le centre du pays indique que l’annonce de la résorption des tensions entre régions est peut-être prématurée. Il est clair que même si les élections ont représenté un pas dans la bonne direction pour le pays, l’opposition entre les partis est à son niveau le plus bas comparativement aux régimes démocratiques antérieurs. On a déjà prédit que les élections des administrations locales fixées au 27 mars 2004 ne seraient probablement pas «libres et justes» étant donné que la plupart des partis (sauf le PDP) ne sont pas bien organisés et que les règles pour les élections ne sont pas complètement établies et connues. On se demande donc si l’opposition entre les partis n’est pas en train d’être remplacée par un «super parti» accompagné de luttes à l’intérieur de ce parti. La mise en application de la charia (la loi islamique) dans les régions du nord du Nigeria pourrait devenir une source de graves conflits dans le pays. Certains états ont vu les querelles entre chrétiens et musulmans augmenter, et vers la fin de 2003, les conflits religieux étaient monnaie courante dans le Nord. Face à ce problème, le gouvernement fédéral a adopté une attitude réservée pour éviter qu’une action quelconque n’exacerbe les tensions régionales mises en évidence par les élections d’avril 2003. Aussi, même si le gouvernement fédéral, eu égard au principe de l’égalité des citoyens devant la loi, pouvait déclarer inconstitutionnelle l’adoption de la charia dans

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certains états, il ne l’a pas fait. Autant les états musulmans que le gouvernement fédéral reconnaissent qu’il y a peu à gagner – et beaucoup à perdre – à engager une bataille d’envergure sur cette question, et ils ont mis en œuvre des mécanismes informels pour diminuer les tensions. Une source permanente de conflit entre le gouvernement fédéral et certains états (particulièrement ceux du delta du Niger, une région riche en pétrole) a récemment été éliminée. En février 2004, le président Obasanjo a promulgué la loi abrogeant la dichotomie entre pétrole terrestre et marin. Auparavant, le gouvernement fédéral avait refusé d’appliquer aux états disposant de réserves marines la formule de dérivation convenue de 13 pour cent pour le pétrole d’origine terrestre. Cette dichotomie irritait particulièrement certains états de la fédération qui disposaient de grandes réserves marines comparativement à celles d’origine terrestre. Grâce à cet accord, l’application du principe de dérivation pour déterminer le montant versé au «Compte de la fédération» par un état se fait indépendamment de l’origine terrestre ou marine des ressources naturelles.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Ekeh, P. P., P. Dele-Cole et Gabriel O. Olusanya, Nigeria Since Independence : The First 25 Years : Politics and Constitutions, vol. 5, Ibadan, Nigeria, Heinemann Educational Book Ltd., 1989. Elaigwu, J. I., The Nigerian Federation. Its Foundations and Future Prospects, Abuja, Nigeria, National Council on Inter-Relations, 1994. Forrest, G., Politics and Economic Development In Nigeria, Boulder, Colorado, Westview Press, 1993. Gana, Aaron T. et Samuel G. Egwu (dir.), Federalism in Africa (2 volumes), Trenton, New Jersey, Africa World Press Inc., 2003. Igbuzor, O., «Making Democracy Work in Nigeria : The Civil Society and Constitutional Reform» in A. Bujra et S. Adejumobi (dir.), Breaking Barriers, Creating New Hopes : Democracy, Civil Society and Good Governance in Africa, Trenton, New Jersey, Africa World Press Inc., 2002. Nigeria (République fédérale du), Constitution of the Federal Republic of Nigeria 1999, Lagos, Nigeria, Federal Government Press, 1999. Nwabueze, B.O., Federalism in Nigeria Under the Presidential Constitution, Londres, Sweet and Maxwell, 1983. http ://www.nigeria.gov.ng, gouvernement fédéral http ://www.nigeria.gov.ng/govt%20websites/stategovt.htm, gouvernements des états

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338 Guide des pays fédéraux, 2005

http ://www.africa-union.org/home/Bienvenue.htm, Union africaine http ://usinfo.state.gov/regional/af/frenchaf.htm, «Dossiers Afrique», service d’information internationale du département d’État des États-Unis d’Amérique http ://fr.allafrica.com/nigeria, bulletin de nouvelles (All Africa)

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339 Nigeria Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Abuja

Nombre et types d’unités cons- 36 états : Abia, Adamawa, Akwa Ibom, Anambra, Bauchi, tituantes Bayelsa, Benue, Borno, Cross River, Delta, Ebonyi, Edo, Ekiti, Enugu, Gombe, Imo, Jigawa, Kaduna, Kano, Katsina, Kebbi, Kogi, Kwara, Lagos, Nassarawa, Niger, Ogun, Ondo, Osun, Oyo, Plateau, Rivers, Sokoto, Taraba, Yobe, Zamfara 1 territoire : Territoire de la capitale fédérale (Abuja) Langue(s) officielle(s)

Anglais

Superficie

923 768 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Borno – 70 898 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Lagos – 3 345 km2

Population totale

132 785 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Lagos 6,5 %, Kano 6,5 %, Kaduna 4,4 %, Katsina 4,2 %, Oyo 3,9 %, Rivers 3,8 %, Bauchi 3,2 %, Jigawa 3,2 %, Benue 3,1 %, Anambra 3,1 %, Delta 2,9 %, Borno 2,8 %, Imo 2,8 %, Akwa Ibom 2,7 %, Sokoto 2,7 %, Niger 2,7 %, Abia 2,6 %, Ogun 2,6 %, Osun 2,4 %, Adamawa 2,4 %, Enugu 2,4 %, Plateau 2,4 %, Kogi 2,4 %, Edo 2,4 %, Kebbi 2,3 %, Zamfara 2,3 %, Ondo 2,2 %, Cross River 2,1 %, Ekiti 2 %, Taraba 1,7 %, Kwara 1,7 %, Gombe 1,7 %, Yobe 1,6 %, Nassarawa 1,3 %, Bayelsa 1,1 %, Ebonyi 1,1 %, Abuja (territoire de la capitale fédérale) 0,4 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Matthew Olusegun Fajinmi Aremu Obasanjo (2003), Parti démocratique du peuple (People’s Democratic Party, PDP). Élu au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans, avec un maximum de 2 mandats. Les dernières élections ont eu lieu le 19 avril 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2007.)

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Matthew Olusegun Fajinmi Aremu Obasanjo, Conseil exécutif fédéral (Federal Executive Council) ou Cabinet. Les membres du Cabinet sont nommés par le président avec l’assentiment du Sénat.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Assemblée nationale (National Assembly) : Chambre haute – Sénat, 109 sièges. Les sénateurs sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans; ils représentent 36 circonscriptions, qui comptent chacune

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340 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) trois sénateurs, et une circonscription uninominale (le territoire de la capitale fédérale). Les dernières élections ont eu lieu le 12 avril 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2007.) Chambre basse – Chambre des représentants (House of Representatives), 360 sièges. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans dans des circonscriptions uninominales. Les dernières élections ont eu lieu le 12 avril 2003. (Les prochaines élections auront lieu en 2007.) Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Lagos – 24

Nombre de représentants à la Abuja (territoire de la capitale fédérale) – 2 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Chacun des 36 états détient 3 sièges au Sénat. Abuja à la Chambre haute du gouver- (territoire de la capitale fédérale) détient 1 siège. nement fédéral Partage des compétences

Le gouvernement central possède des compétences exclusives dans 68 domaines y compris la défense et la sécurité intérieure, les affaires étrangères, le commerce, les activités bancaires, les richesses naturelles, les douanes, l’énergie nucléaire, les transports et les communications. Les états possèdent des compétences en matière d’ordre public des états, de commerce intra-étatique, de prestation de services éducatifs, de politique en matière de santé, de science et de technologie, de réseau routier des états, et de transport en commun. La liste des compétences concurrentes (Concurrent Legislative List) comprend 12 domaines, notamment les antiquités et les monuments, les archives et les lois électorales. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême (Supreme Court), composée d’un juge en chef et d’un maximum de 15 juges.

Régime politique – unités constituantes

Chambre d’assemblée (House of Assembly) – Assemblée législative monocamérale ou bicamérale, selon l’état.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneurs élus (états) et ministre nommé par le président (territoire de la capitale fédérale).

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341 Nigeria Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

112,9 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

850,6 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

29 milliards de $ US (2000)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

3,6 % (2000)1

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Lagos – 9,6 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Bauchi 0,1 %, Borno 0,1 %, Gombe 0,1 %, Nassarawa 0,1 %, Osun 0,1 %, Oyo 0,1 %, Plateau 0,1 %, Yobe 0,1 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

65,4 % (2001)2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

0,6 % (1994–2000)

Espérance de vie (années)

51,8 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

395,57 millions de $ US (2001)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

620,33 millions de $ US (2001)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

7,2 milliards de $ US (2001)

Mécanismes de péréquation

Chaque état reçoit une part du Compte de la fédération (Federation Account) selon une formule tenant compte, notamment, de la population, de la densité de population, de la capacité interne de produire des recettes et de la masse terrestre.

Sources Akindele, S.T et Olaopa, «Fiscal Federalism and Local Government Finance in Nigeria», United Nations Online Network in Public Administration and Finance (UNPAN), 2002, sur Internet : http ://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/ documents/CAFRAD/UNPAN008121.pdf Alm, James et Jameson Boex, «An Overview of Intergovernmental Fiscal Relations and Subnational Public Finance in Nigeria», document de travail 02–1, Université de l’état de Géorgie, janvier 2002, sur Internet : http ://isp-aysps.gsu.edu/papers/ ispwp0201.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Banque centrale du Nigeria, «Structure of External Debt», sur Internet : http :// www.cenbank.org/paymentsystems/externa_debt.htm Constitution of the Federal Republic of Nigeria, 1999, sur Internet : http ://www.nigerialaw.org/ConstitutionOfTheFederalRepublicOfNigeria.htm#ConcurrentLegislativeList

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342 Guide des pays fédéraux, 2005 Economist,The, «Country Briefings : Nigeria», sur Internet : http ://www.economist.com/countries/Nigeria/ profile.cfm?folder=Profile %2DPolitical %20Structure États-Unis d’Amérique (Gouvernement des), département d’État, «Country Reports on Economic Policy and Trade Practices : Nigeria», mars 2001, sur Internet : http :// www.state.gov/documents/organization/1601.pdf Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Nigeria», janvier 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/cr0303.pdf Nigeria Business Info, «Nigeria : Performance of the Economy 1999–2001», sur Internet : http ://www.nigeriabusinessinfo.com/performance-indicators.htm Nigeria (Gouvernement du), «Members of House of Representatives», sur Internet : http ://www.nigeria.gov.ng/government/houseofreps.htm Nigeria, Congrès, «The Nigerian Congress», sur Internet : http :// www.nigeriacongress.org/SENATE.HTM Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Nigeria, sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/indicator/ cty_f_NGA.html Notes 1 Des sources officieuses évaluent le taux de chômage à 50 % (1999). 2 15 ans et plus

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Pakistan (République islamique du Pakistan ) AISHA GHAUS-PASHA ET KAISER BENGALI*

1 histoire et évolution du fédéralisme Le Pakistan occupe une situation stratégique à la jonction du MoyenOrient et de l’Asie. Il est bordé par l’Inde à l’est, par les républiques d’Asie centrale et la Chine au nord, par l’Afghanistan et l’Iran à l’ouest et par le golfe Persique et l’océan Indien au sud. Sa superficie est de 796 096 kilomètres carrés, et sa population compte plus de 140 millions d’habitants. Le Pakistan actuel recouvre les territoires jadis occupés par la civilisation de la vallée de l’Indus, ce qui signifie qu’il s’agit d’une entité aux racines très anciennes. Depuis plus de 4 000 ans, la vallée de l’Indus constitue une entité sociopolitique distincte, tout en entretenant des rapports étroits avec l’Asie centrale à l’ouest et la vallée du Gange à l’est. À trois époques ne totalisant qu’environ 500 ans – sous l’Empire Maurya (323–180 avant J.-C.), l’Empire Moghol (1526– 1857) et l’Empire britannique (1857–1947) – la région connut un régime centralisé.

* Les auteurs remercient Mme Zainab Dossa pour son aide précieuse de recherchiste dans l’élaboration de ce texte, ainsi que Mme Saima Ismail pour y avoir apporté les révisions nécessaires.

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L’année 1857 marque la fin de l’Empire Moghol qui déjà connaissait un déclin depuis quelques années. En fait, il avait perdu le contrôle sur plusieurs États qui acquirent un statut indépendant ou quasi indépendant de 50 à 100 ans avant d’être soumis à l’Empire britannique. Le pouvoir britannique s’étendit sur la région avec l’occupation du Sind en 1843 et du Pendjab en 1849. Une grande partie de ce qu’on appelle aujourd’hui la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP) faisait partie du Pendjab et fut conquise par les Britanniques en 1849. Par contre, les tribus montagnardes passèrent sous la domination britannique seulement après la troisième guerre afghane en 1878. Quant au nord du Baloutchistan, il passa sous contrôle britannique en 1876. Le Pakistan devint un État indépendant le 14 août 1947. Il comprenait à l’origine deux provinces, séparées par plus de 1 500 kilomètres de territoire indien : le «Pakistan occidental» formé de la Province de la Frontière du Nord-Ouest et du Sind, à majorité musulmane, du Pendjab occidental à majorité musulmane et de territoires incluant le Baloutchistan; le «Pakistan oriental» formé de la partie est du Bengale à majorité musulmane et du district de Sylhet à majorité musulmane dans la province d’Assam. Le nouveau pays englobait tous les États princiers qui tombaient sous sa juridiction. Les États de Hyderabad et de Junagadh, bien que peuplés largement d’Hindous, étaient gouvernés par des rois musulmans. Ils adhérèrent au Pakistan, mais furent occupés et annexés par l’Inde. L’accession de l’état du Jammu-etCachemire à majorité musulmane est une source de conflits entre le Pakistan et l’Inde1. Les querelles entourant la création du Pakistan ainsi que sa géographie et sa démographie ont toujours commandé, et commandent encore, une solution fédérale. Cela n’a malheureusement pas été le cas. L’absence d’adhésion aux principes fédéraux d’organisation et de

1 L’état du Jammu-et-Cachemire était à majorité musulmane, mais gouverné par un roi hindou. À l’époque où le Pakistan et l’Inde marchaient vers l’indépendance, la population du Jammu-et-Cachemire s’était révoltée contre ce roi tyrannique. Elle demanda au Pakistan de la soutenir dans sa lutte, alors que le roi se tourna vers l’Inde. Dans les jours qui suivirent l’indépendance, l’Inde et le Pakistan dépêchèrent leurs troupes et déclarèrent la guerre. L’Inde porta sa cause devant l’Organisation des Nations Unies qui décréta que c’était au peuple de déclarer par voie de plébiscite s’il voulait le rattachement à l’Inde ou au Pakistan.

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gouvernance a provoqué une forte instabilité et des conflits, dont une guerre civile menant à la séparation du Pakistan oriental. La création du Pakistan fut le point culminant de la lutte politique des musulmans de l’Inde britannique. Le mouvement se déroula en deux étapes. Dans la première, il s’agissait de préserver les droits des musulmans dans une Inde unie au moyen d’électorats séparés, d’une autonomie provinciale et d’une représentation adéquate au centre. L’Acte du gouvernement de l’Inde de 1935 (Government of India Act of 1935) mit fin à cette première étape. L’attitude du Congrès national indien a donné lieu à la deuxième étape de la lutte où les musulmans commencèrent à s’interroger sur la nature même du fédéralisme comme solution aux problèmes intercommunautaires chroniques de l’Inde. Les musulmans commencèrent à se considérer comme une nation distincte afin de déterminer leurs propres systèmes culturel, social, juridique et politique. C’est dans ce contexte que la résolution de Lahore de 1940, connue aujourd’hui comme la résolution du Pakistan, prôna la création d’un État séparé constitué des provinces à majorité musulmane de l’Inde britannique. L’échec du fédéralisme provoqua la séparation de l’Inde britannique, au milieu d’un climat de contestation civile à grande échelle. L’essence même du fédéralisme fut insérée dans la résolution de Lahore. Aux élections de 1946, les provinces du Pendjab et du Bengale ont porté au pouvoir la Ligue musulmane (le parti à la tête de la lutte pour le Pakistan) par une victoire écrasante. L’Assemblée provinciale du Sind vota pour l’annexion au Pakistan alors que la Province de la Frontière du Nord-Ouest et le Sylhet votèrent par voie de référendum pour se joindre au Pakistan. Tous les États princiers dans ces territoires adhérèrent au Pakistan. L’Assemblée de l’État du Kalat vota d’abord pour l’indépendance, mais fut plus tard convaincue de faire partie du Pakistan. Ainsi, au Pakistan, ce furent les régions qui décidèrent d’établir une fédération plutôt qu’un pouvoir central accordant une autonomie provinciale à ses diverses unités constituantes. Puisque le Pakistan était constitué de deux territoires séparés, le fédéralisme s’imposait alors à cause de la géographie même du pays. La séparation du territoire oriental (aujourd’hui le Bangladesh), en 1970, a fait du Pakistan un État certes distinct du point de vue linguistique et ethnique, mais géographiquement homogène. Aujourd’hui, le pays compte quatre provinces : Pendjab, Sind, Province de la Frontière du Nord-Ouest et Baloutchistan. La démographie du pays n’est pas équilibrée : le Pendjab comprend près de 56 pour cent de la population, et

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l’ensemble des autres provinces, 44 pour cent. Dans une démocratie basée sur la loi de la majorité, cela signifie que chaque fois que le pays est polarisé selon les règles provinciales, trois provinces réunies représentent la minorité alors que la seule province majoritaire pourra faire adopter les résolutions. De fait, la composition démographique interprovinciale élimine l’idée d’un État unitaire ou même d’un État quasi fédéral.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e C’est le gouvernement britannique qui a initié les premières démarches vers le fédéralisme par un ensemble de réformes constitutionnelles incorporées dans l’Acte du gouvernement de l’Inde en 1935. L’Acte instaurait un régime fédéral – ou quasi fédéral – hautement centralisé, contrôlé et dirigé par les fonctionnaires coloniaux, sous l’autorité souveraine de la Couronne britannique. Cette structure fédérale était instituée pour l’Inde, pays qui n’était ni libre ni indépendant, et appliquée par un pouvoir colonial se sentant obligé d’accorder une certaine autonomie à ses sujets tout en étant extrêmement méfiant à leur égard. Lors de l’Acte d’indépendance de 1947 (Independence Act of 1947), le Pakistan adopta, en guise de constitution intérimaire, l’Acte du gouvernement de l’Inde de 1935, avec certaines modifications. De ce fait, le Pakistan hérita des Britanniques ses articles constitutionnels. La première Constitution, officiellement adoptée en 1956, a cependant été abrogée par les militaires deux ans plus tard. La deuxième Constitution, adoptée en 1962 par l’Assemblée nationale que contrôlaient les militaires, fut de nouveau abrogée par les militaires en 1968. Quant à la troisième Constitution, adoptée en 1973 par le premier Parlement élu au suffrage direct, elle est toujours en vigueur, en dépit de plus d’une suspension et de nombreuses modifications arbitraires de la part des militaires. Même si la Constitution inclut une structure fédérale, le Pakistan reste essentiellement un État unitaire et centralisé. Selon le préambule (alinéa 2) de la Constitution de la République islamique du Pakistan, c’est Allah qui exerce la souveraineté, laquelle sera appliquée par les représentants du peuple. Dans les faits, toutefois, la souveraineté repose entre les mains des dirigeants militaires. Comme preuves de cette situation, nous pouvons citer l’abrogation répétée ou la suspension de la loi constitutionnelle et l’imposition d’un régime militaire, l’imposition par les militaires

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de la Constitution de 1962, sans oublier les modifications à la Constitution de 1973 dictées par le pouvoir militaire, d’abord en 19852 et plus tard en 20023. Il y a quatre institutions dans la Constitution concernant les dispositions fédérales et traitant du partage des compétences et des fonctions entre le centre et les provinces. Ce sont : 1) la Chambre haute du Parlement (le Sénat) (article 59); 2) les listes des compétences fédérales et concurrentes (article 70 (4)); 3) le Conseil des intérêts communs (article 153); 4) la Commission nationale des finances (article 160). La Constitution prévoit un Parlement fédéral bicaméral (articles 50, 51 et 59) : l’Assemblée nationale, ou Chambre basse, représente le pays dans son ensemble; le Sénat, ou Chambre haute, représente les unités constituantes. Les membres de l’Assemblée nationale sont élus au suffrage direct par les citoyens adultes selon le système électoral uninominal majoritaire à un tour. Les 342 sièges à l’Assemblée nationale sont alloués en fonction de la population de chaque province, des régions tribales sous administration fédérale (FATA) et de la capitale fédérale. Le Sénat se compose de 100 membres et chaque province y est également représentée. Les quatre assemblées provinciales élisent 22 membres chacune, répartis en 14 membres généraux, 4 femmes et 4 technocrates. Les régions tribales sous administration fédérale élisent huit membres au suffrage direct. La capitale fédérale élit, tel

2 Le régime militaire du général Zia ul Haq a accepté de remettre le pouvoir au Parlement (élu sous surveillance et contrôle militaires et sur une base non partisane) à condition qu’il décrète un huitième amendement à la Constitution. Les dispositions de la modification, spécifiées au chapitre XI, articles 238 et 239, furent entièrement respectées, quoique sous la contrainte. Le huitième amendement de la Constitution (1985) a modifié plus de 65 clauses, accordé l’immunité pour toutes les actions exécutantes posées par le régime militaire de 1977 à 1985, validé toutes les lois promulguées durant cette période et autorisé le président à dissoudre le Parlement et à révoquer à son gré les gouvernements élus. Parmi les lois validées, on retrouve certaines des lois religieuses les plus rétrogrades, qui ont des répercussions négatives sur les femmes et les minorités religieuses. Le pouvoir de révocation empêcha tout gouvernement élu de terminer son mandat. 3 Le régime militaire du général Pervez Musharraf a organisé un référendum pour l’élire pour un mandat de cinq ans, contournant ainsi les dispositions prévues dans la Constitution concernant l’élection du président. Il émit ensuite le décret servant de cadre juridique (LFO 2002) afin de modifier la Constitution, passant outre aux dispositions à cet effet dans la Constitution. Ce décret modifia 29 autres dispositions de la Constitution.

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que fixé par le président, quatre membres, dont deux membres généraux, une femme et un technocrate. Selon la Constitution, le pouvoir se répartit en trois niveaux : exécutif, législatif et judiciaire. Mais, comme dans la plupart des États fédéraux, c’est le principe même de la répartition des juridictions entre le gouvernement central et les unités constituantes qui reste un facteur important dans le développement constitutionnel du Pakistan. La répartition des pouvoirs entre la fédération et les provinces est largement déterminée par deux listes : la liste des compétences fédérales (Federal Legislative List) et la liste des compétences concurrentes (Concurrent Legislative List). Le Parlement fédéral peut promulguer des lois concernant les 67 objets contenus dans la liste des compétences fédérales. Le Parlement fédéral et les assemblées provinciales peuvent tous deux promulguer des lois concernant les 47 objets contenus dans la liste des compétences concurrentes. Les questions non comprises dans ces deux listes sont considérées comme des affaires résiduelles et relèvent du domaine exclusif des provinces. Sauf les dispositions qui accordent des compétences résiduelles aux provinces et qui permettent à chaque province d’avoir sa propre assemblée législative, toutes les autres clauses assurent en principe l’hégémonie du gouvernement central sur les gouvernements des provinces. Le gouvernement fédéral intervient fortement dans les rouages des gouvernements des provinces (articles 128, 145 et 152). Le gouvernement fédéral peut nommer le gouverneur dans chaque province, approuver la dissolution de l’Assemblée provinciale par le gouverneur, approuver la nomination d’un gouvernement provincial intérimaire par le gouverneur, confier des responsabilités à une province concernant l’un ou l’autre domaine de compétence du gouvernement central et donner des directives à une province. En outre, le gouvernement fédéral est habilité à nommer et à transférer les juges de la Haute Cour, le tribunal provincial le plus élevé et deuxième en importance après la Cour suprême au niveau fédéral (article 193). De plus, le gouvernement fédéral est autorisé à nommer le secrétaire en chef d’une province et le chef de la police provinciale, assumant ainsi le contrôle sur la fonction publique et la police provinciales. Les gouvernements fédéraux ont utilisé d’office les pouvoirs découlant de l’article 112 (2) pour dissoudre les assemblées provinciales et destituer les gouvernements provinciaux. Même si la composition du Sénat sous-entend que les provinces sont représentées au gouvernement fédéral, le rôle du Sénat est sapé par l’article 73 qui lui refuse toute participation effective aux projets de loi de finances, y compris du budget fédéral. En réalité, le budget annuel peut seulement émaner de l’Assemblée nationale; le Sénat en reçoit

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une copie aux fins de commentaires. L’Assemblée nationale peut faire adopter le budget en y incluant ou non les recommandations du Sénat. On nie au Sénat tout pouvoir décisionnel dans les questions d’emprunts, de garanties à donner de la part du gouvernement fédéral, même si un ou plusieurs gouvernements provinciaux peuvent subir des pertes relatives à tel ou tel prêt. On nie également au Sénat tout droit de regard sur la vérification des finances des gouvernements aussi bien fédéral que provinciaux. Selon les listes de compétences législatives, même si les provinces n’ont pas juridiction sur la liste des compétences fédérales, le Parlement fédéral détient le pouvoir en matière de juridiction provinciale (article 142 (b)). Quand il y a conflit entre le Parlement fédéral et une assemblée provinciale dans un domaine relevant de la liste des compétences concurrentes, c’est l’autorité du Parlement qui prévaut (article 143); cette liste est donc en réalité devenue partie prenante de la liste des compétences fédérales. Le centre s’est approprié même le champ du gouvernement local qu’on ne retrouve sur aucune liste et qui, selon l’article 142 (c), dépend exclusivement de la juridiction des gouvernements provinciaux. En réalité, cela signifie que les gouvernements provinciaux ont tout simplement promulgué les ordonnances pertinentes sur les institutions locales, adoptant l’ébauche reçue du gouvernement fédéral. Il ressort que même si le pays est une fédération de principe, il est centralisé en pratique. Selon le décret servant de cadre juridique (Legal Framework Order, LFO, 2002), l’établissement d’administrations locales et le transfert des compétences et de l’autorité politiques, administratives et financières sont maintenant devenus une exigence constitutionnelle (article 140 (a)) pour les gouvernements provinciaux. Les ordonnances du gouvernement provincial local imposées par le régime militaire en 2001, à l’époque de la suspension de la Constitution, prévoient la structure, les pouvoirs et les fonctions du gouvernement local. Ces ordonnances ont été ajoutées à la sixième annexe de la Constitution, laquelle stipule «qu’aucune loi ne sera ni modifiée, ni abrogée, ni amendée, sans la sanction préalable du président». Les ordonnances seront effacées de la Constitution en 2009. Cela signifie que, même si ce sont des ordonnances provinciales, les assemblées législatives provinciales ne sont pas libres de les modifier, les abroger ou les amender avant 2009. En réalité, l’établissement d’un gouvernement local n’a pas transféré l’autorité administrative ou l’autonomie fiscale au plan local, et cela, à double titre. D’abord, c’est le gouvernement provincial qui nomme le personnel supérieur du gouvernement local et peut le déplacer à son gré. Deuxièmement, les gouvernements locaux ayant un

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pouvoir infime d’imposition, ils sont presque entièrement redevables aux gouvernements provinciaux pour ce qui est du transfert de fonds. Comme les gouvernements provinciaux dépendent eux-mêmes des transferts fiscaux fédéraux, cela permet au gouvernement central d’influencer le cours du développement au plan local. Cela, sous la conduite du Bureau national de la reconstruction (National Reconstruction Bureau), un organisme non constitutionnel mis en place par le régime militaire, après le coup d’État de 1999. Il existe deux importantes institutions qui sont indiquées dans la Constitution et qu’il faut souligner ici. La première, le Conseil des intérêts communs (Council of Common Interests), est mentionnée à l’article 153. C’est un organisme quasi exécutif composé des dirigeants exécutifs du centre et des provinces ou de leurs représentants. Il a pour fonction de définir et réglementer les politiques relatives aux domaines énumérés dans la liste des compétences fédérales (chapitre II) : les chemins de fer, l’huile minérale (par opposition aux huiles de palme, de ricin ou de tournesol utilisées pour l’huile de cuisson), le gaz naturel et l’électricité (ce dernier provenant de la liste des compétences concurrentes). Le Conseil a pour mandat d’arbitrer les querelles entre les provinces ainsi qu’entre le centre et une ou plusieurs provinces. On peut cependant mesurer l’efficacité du Conseil par le fait qu’il ne s’est réuni qu’une seule fois en une dizaine d’années (de 1988 à 1999). La seconde institution, la Commission nationale des finances (National Finance Commission) (article 160), est un organisme conjoint fédéral-provincial ayant le mandat de s’occuper de distribuer les rentrées provenant des taxes fédérales. C’est une importante disposition compte tenu que la structure d’imposition est carrément biaisée du côté fédéral et que les impôts fédéraux s’élèvent à plus de 90 pour cent de toutes les taxes réunies. Cet état de choses est demeuré plus ou moins le même depuis les réformes constitutionnelles de 1935. Le centre détenant un quasi-monopole sur les cordons de la bourse, cela impose une contrainte sévère sur les activités économiques fédérales déjà fortement affaiblies. L’article 70 (4 (43–53)) de la Constitution autorise le gouvernement fédéral à percevoir neuf catégories de taxes, d’impôts et de droits. Cela comprend des taxes sur : le revenu non agricole; le revenu corporatif; les achats et les ventes de biens importés, exportés, fabriqués et manufacturés pour la consommation intérieure; les capitaux fixes, le pétrole, le gaz naturel et les matériaux générateurs d’énergie nucléaire; le transport des marchandises et des passagers par train, mer ou air ainsi que les titres de transport et le fret. La juridiction fédérale comprend aussi les droits sur les importations, les exportations,

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les droits d’accise, les droits sur l’immobilier et la propriété, les droits de succession, ainsi que les frais associés aux taxes susmentionnées. Les droits d’enregistrement et la taxe sur les véhicules motorisés constituent la source principale des recettes des provinces. Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a aboli la taxe de district sur les exportations et l’octroi municipal (un droit d’entrée sur les marchandises). Le gouvernement fédéral n’avait pas la juridiction constitutionnelle pour imposer pareille décision concernant le domaine résiduaire des provinces, mais une intrusion aussi flagrante est monnaie courante dans les relations fédérales-provinciales au Pakistan. En d’autres termes, les élus locaux n’ont pratiquement aujourd’hui aucune source de revenus et doivent se contenter presque exclusivement des subventions fédérales et provinciales pour faire face à leurs dépenses, y compris le paiement des salaires. Les transferts provenant du fonds commun fédéral représentent la majeure partie des recettes des gouvernements provinciaux. Ces transferts se font d’après la prime qu’accorde la Commission nationale des finances tous les cinq ans. Le fonds commun fédéral à partager est constitué de tous les impôts perçus par le gouvernement fédéral, des droits d’accise fédéraux, et des droits d’exportation sur le coton. Le gouvernement fédéral retient 62,5 pour cent du produit net calculé après déduction de 5 pour cent en frais de recouvrement; les 37,5 pour cent restants sont répartis entre les quatre provinces. Un seul critère, celui de la population, sert de principe de distribution. Ainsi, selon le recensement de 1991, les quotes-parts de chaque province étaient les suivantes : Pendjab, 57,88 pour cent; Sind, 23,28 pour cent; Province de la Frontière Nord-Ouest, 13,54 pour cent; Baloutchistan, 5,30 pour cent. Outre le fonds commun fédéral divisible, les provinces reçoivent les bénéfices nets, les redevances, les droits d’accise et, le cas échéant, une surtaxe de développement en matière de production ou d’extraction d’énergie hydraulique, de pétrole brut et de gaz naturel, sur la base de l’emplacement de la production. Deux provinces – Province de la Frontière du Nord-Ouest et Baloutchistan – reçoivent également des subventions spéciales en raison de leur sous-développement relatif. Même si de toute évidence la province du Sind – exception faite de la ville de Karachi – est sensiblement plus sous-développée que la Province de la Frontière du Nord-Ouest, elle ne reçoit pas de telles subventions. Aux institutions décisionnelles en place s’est ajouté le Conseil national de sécurité (National Security Council), organe décrété par le Parlement. Dirigé par le président, il se compose du premier ministre, du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale, du chef de l’opposition à l’Assemblée nationale, des ministres

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principaux des provinces, du président des chefs d’état-major réunis de l’armée, de la marine et de l’aviation. Le Conseil précise le rôle politique des forces armées, au sein desquelles deux provinces sur quatre sont à peine représentées. De plus, étant donné que le Conseil n’est pas formé selon des normes provinciales, il est théoriquement possible qu’une province soit représentée par son seul ministre principal. De cette manière, le Conseil amoindrit davantage l’autorité déjà mince du Sénat et pousse le pays vers la centralisation plutôt que vers le fédéralisme.

3 dynamique po lit iqu e récen te En plus des difficultés découlant du régime militaire, les finances et les recettes font partie du contentieux depuis quelques années. En 1997, l’octroi de la Commission nationale des finances a eu pour effet de diminuer les transferts fédéraux aux provinces de près de cinq pour cent, entraînant de sérieux problèmes pour les gestionnaires provinciaux. Cette perte est attribuable à une diminution des rentrées de l’impôt fédéral due à un recouvrement d’impôts moins élevé et à une dégradation de l’activité économique. En effet, pendant l’exercice financier 1998–1999, les recettes provenant des impôts se sont révélées inférieures d’un tiers par rapport aux prévisions de la Commission nationale des finances. On croit que la vaste série de réformes menées par le gouvernement fédéral selon les modalités du programme de réajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI) depuis 1997 serait à l’origine de la baisse des recettes anticipées. Ces réformes comprenaient des coupures massives des taux d’imposition, ce qui a entraîné une diminution des rentrées provenant des taxes de vente et des droits d’importation. Compte tenu de l’échec des mesures incitatives pour stimuler l’économie et de l’absence du redressement attendu de l’activité économique, les recettes ont encore diminué. Les recettes moins élevées provenant de l’impôt fédéral ont eu pour conséquence la diminution du fonds commun fédéral avec, comme corollaire, des transferts plus restreints aux provinces. Il est important de souligner ici que ce sont les provinces qui ont fait les frais des réformes économiques et de la chute des rentrées fédérales, compte tenu de leur grande dépendance envers les transferts fédéraux. On sait qu’elles ont peu de voix au chapitre lors des décisions du gouvernement fédéral concernant la mise en œuvre des réformes économiques. Le Sénat est tenu à l’écart de l’élaboration des politiques économiques à cause de l’article de la Constitution qui écarte sa participation aux affaires financières.

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Depuis l’indépendance, le Pakistan a essayé à maintes reprises d’édifier un modèle fédéral adapté aux diverses composantes de la société. Toutes les constitutions préconisaient un gouvernement de type fédéral, au moins en apparence. Cependant, un régime militaire aboutit de facto au retour à une forme unitaire de gouvernement. Telle est la situation aujourd’hui, malgré la présence d’un Parlement élu. La violation constante des principes démocratiques et fédéraux par les militaires a considérablement mis à l’épreuve l’édifice politique du pays4. L’échec en 1970 d’une politique d’entente entre Islamabad et Dacca, les capitales respectives du territoire fédéral et de la province orientale, a conduit à l’éclatement5 au terme d’une guerre civile de 21 mois, entraînant des milliers de morts, suivie d’une invasion de la part de l’Inde. Dans le Pakistan d’aujourd’hui, on retrouve aussi de graves tensions à l’image des querelles chroniques au sujet de l’allocation des recettes fédérales et des fonds de développement, de la répartition des emplois fédéraux dans la fonction publique et dans l’armée, et de la distribution de l’eau du réseau de l’Indus. Pour que le Pakistan soit vraiment un État fédéral, il faudrait apporter trois modifications importantes à la Constitution. Il faudrait d’abord abolir la liste des compétences concurrentes pour augmenter de manière significative la juridiction résiduelle des provinces.

4 Déjà en 1955, le gouvernement central avait imposé la fusion de toutes les provinces du territoire occidental pour former la province du Pakistan occidental. Il y avait désormais seulement deux provinces, le Pakistan occidental et le Pakistan oriental, comprenant respectivement 44 pour cent et 56 pour cent de la population. Cependant, la Constitution de 1956 a obligé le Pakistan oriental à accepter la parité avec le Pakistan occidental concernant la représentation au Parlement monocaméral, niant ainsi la nature même du fédéralisme. 5 En 1969, la province du Pakistan occidental fut dissoute sous la pression du Pakistan oriental et les anciennes provinces du territoire occidental furent restaurées. Il y eut des élections générales en 1970 au suffrage universel, reconnaissant ainsi la majorité de 56 pour cent de la population du Pakistan oriental. Le chef de la Ligue Awami du Pakistan oriental, le cheikh Mujibur Rahman, remporta tous les sièges sauf deux au Pakistan oriental et, par conséquent, la majorité des sièges au sein du nouveau Parlement. Les militaires refusèrent toutefois de lui céder le pouvoir, annulèrent la session parlementaire prévue, et lancèrent une sévère répression contre la Ligue Awami. Les mesures brutales de mars 1970 conduisirent à la guerre civile qui prit fin en décembre 1970 par l’invasion de l’Inde et la déclaration d’indépendance de l’État du Bangladesh.

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Deuxièmement, il faudrait reconnaître au Sénat et à l’Assemblée nationale des pouvoirs législatifs égaux, dont la juridiction sur les projets de loi de finances. Enfin, il faudrait prévoir une redistribution des compétences fiscales et la «provincialisation» de certaines bases d’imposition. Par-dessus tout, il est impératif que la Constitution perdure en tant que loi fondamentale du pays et que le régime militaire demeure soumis au gouvernement constitutionnel. Les récents développements démontrent toutefois le contraire. À la suite de l’annonce des élections prévues en octobre 2002, une série de «manipulations» légales et constitutionnelles furent exercées afin de consolider davantage la mainmise des militaires sur les rênes du gouvernement. Trois de ces mesures méritent que l’on s’y attarde. La première mesure fit des efforts pour paralyser les deux principaux partis politiques en introduisant des modifications6 à certaines lois. D’abord, l’ordonnance du Bureau national de la responsabilité financière (2000) a été modifiée7 de sorte à obliger un accusé à se présenter en cour en personne plutôt que d’être représenté par son avocat, à défaut de quoi l’accusé peut être reconnu coupable et passible de jugement. Tenant compte de cette modification, la Cour de la responsabilité financière (Accountability Court) condamna le dirigeant d’un des deux principaux partis politiques qui s’était exilé volontairement (le chef de l’autre principal parti politique a été condamné à l’exil, à la suite de procédures douteuses). Deuxièmement, le décret sur les partis politiques (2002) remplaça la Loi sur les partis politiques (Political Parties Act, 1962) pour empêcher toute personne, condamnée pour quelque délit que ce soit, de diriger un parti politique. Troisièmement, l’article 63 de la Constitution fut modifié8; on y ajouta une disposition empêchant quiconque condamné pour absence du tribunal, de se porter candidat aux élections. Quatrièmement, la Loi de la représentation du peuple (Representation of People Act of 1974) fut modifiée pour empêcher toute personne déjà premier ministre ou ministre principal pendant deux mandats, indépendamment de la durée, de se représenter pour un troisième mandat9. On intégra cependant une

6 Toutes les modifications ont été promulguées par ordre de l’exécutif, sauf mention spéciale. 7 Le régime militaire promulgua l’ordonnance originale le 16 novembre 1999. L’ordonnance de 2000 amendant l’ordonnance du Bureau national de la responsabilité financière a été promulguée le 3 février 2000. 8 Décret servant de cadre juridique 2002 (Décret du chef de l’exécutif no 24). 9 Le décret prévoyant les compétences recherchées pour exercer des charges publiques, 2002; promulgué le 6 juillet 2002.

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autre modification pour dispenser d’anciens ministres en chef de ces restrictions, de façon à permettre à un ancien ministre en chef du Baloutchistan ayant exercé deux mandats d’être élu premier ministre10. Selon la deuxième mesure, la Constitution suspendue à l’époque du coup d’État militaire du 12 octobre 1999, était en partie remise en vigueur11. L’article 63, qui prévoyait le cas des députés ayant perdu leur siège à cause de leur changement d’allégeance, était suspendu jusqu’à la tenue des élections du président et du président adjoint de l’Assemblée nationale, du premier ministre, des membres du Sénat, du président et du président adjoint du Sénat. Cette mesure devait permettre aux membres de l’opposition «collaborateurs» de voter pour les candidats «officiels». À la suite de quoi, on remit l’article 63 en vigueur pour empêcher les membres de réintégrer leur parti. Dans la troisième mesure, l’annexe 2 de l’article 41 de la Constitution prévoit qu’un collège électoral formé des membres du Sénat, de l’Assemblée nationale et des quatre assemblées provinciales, élise le président au scrutin secret. Les voix sont comptabilisées selon une formule où la majorité numérique des grandes provinces équivaut à celle des petites provinces12. Cependant, en 2002, le président fut élu par voie de référendum (décret du référendum, 2002), contournant ainsi le mode constitutionnel de scrutin prévu pour l’élection du président. Ensuite, on obtint a posteriori une validation constitutionnelle au moyen d’une modification constitutionnelle (le dix-septième amendement de la Constitution, 2004) prévoyant un seul et unique vote de confiance au président. Toutefois, la modification éliminait également les dispositions sur le scrutin secret et la formule. Cela est significatif en ce qui a trait au fédéralisme puisque les majorités numériques des deux plus grandes provinces, dominées par le parti au pouvoir,

10 L’amendement au décret prévoyant les compétences recherchées pour exercer des charges publiques, 2002; promulgué le 26 octobre 2002. 11 La quatrième disposition du décret servant de cadre juridique 2002, intitulée «Renouveau de la Constitution de 1973», stipulait que «les dispositions de la Constitution, telles qu’amendées par ce décret ou tout autre décret éventuellement promulgué, peuvent être réhabilitées au jour choisi par le chef de l’exécutif, suivant un avis dans la Gazette officielle. De même, il peut déterminer d’autres jours, selon les diverses dispositions. 12 La plus grande province, le Pendjab, occupe 183 sièges sur les 332 qui composent l’Assemblée nationale. L’Assemblée provinciale du Pendjab comprend 371 membres. Par contre, la plus petite province, le Baloutchistan, occupe 17 sièges à l’Assemblée nationale et compte 65 membres à l’Assemblée provinciale du Baloutchistan.

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suffisaient au président pour remporter le vote de confiance face aux majorités des deux provinces plus petites, dominées par l’opposition.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Ahmed, Syed Jaffer, Federalism in Pakistan : A Constitutional Study, Karachi, Centre d’étude du Pakistan (Pakistan Study Centre), Université de Karachi, 1990. Ahsan, Aitzaz, The Indus Saga and the Making of Pakistan, Karachi, Oxford University Press, 1996. Imtiazi, I. A., «Organization Structure and Working of the Federal and Provincial Government in Pakistan», in Jameelur Rahman Khan (dir.), Government and Administration in Pakistan, Islamabad, O & M Division, Gouvernement du Pakistan, 1987. Mouvement social-démocrate (Social Democratic Movement), Charter of Reforms, Islamabad, 1997. Pakistan (Gouvernement du), Constitution of the Islamic Republic of Pakistan, Islamabad, 1973. Pakistan (Gouvernement du), Bureau de statistiques, sur Internet : http ://www.statpak.gov.pk Rabbani, Mian Raza, LFO : A Fraud on the Constitution, Karachi, Q.A. Publishers, 2003. Zins, Max-Jean, Le Pakistan, La quête de l’identité, Paris, La Documentation française, 2002, 192 p. http ://www.ifri.org/files/politique_etrangere/PE_2_02_Abou_ Zahab.pdf, article sur la politique

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358 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Islamabad

Nombre et type d’unités constituantes

4 provinces : Baloutchistan, Province de la Frontière du Nord-Ouest, Pendjab, Sind 6 régions tribales sous administration fédérale 1 territoire de la capitale : Territoire de la capitale fédérale (Islamabad)

Langue(s) officielle(s)

Anglais, ourdou

Superficie

796 096 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Baloutchistan – 347 190 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Province de la Frontière du Nord-Ouest – 74 521 km2 (Islamabad – 907 km2)

Population totale

144 902 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Pendjab 55,6 %, Sind 23 %, Province de la Frontière du Nord-Ouest 13,4 %, Baloutchistan 5 %, Régions tribales sous administration fédérale 2,4 %, Islamabad 0,6 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : le général Pervez Musharraf, porté au pouvoir suite à un coup d’État militaire, le 12 octobre 1999. Sa présidence est confirmée lors d’un référendum tenu le 30 avril 2002. (C’est habituellement le Parlement qui élit le président.) Le président Musharraf préside le Conseil national de sécurité (National Security Council), organe auquel est présentement conféré presque tout le pouvoir décisionnel. Le Conseil se compose de chefs militaires, du premier ministre et des membres du Cabinet.

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Mir Zafarullah Khan Jamali (23 novembre 2002). Choisi par le Parlement pour un mandat d’une durée de 4 ans.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Parlement : Chambre haute – Sénat, 100 sièges. Dans les provinces, les sénateurs sont élus au suffrage indirect par les assemblées provinciales pour un mandat d’une durée de 4 ans. Dans les régions tribales sous administration fédérale et le territoire de la capitale fédérale, ils sont élus au suffrage direct. Les dernières élections ont eu lieu les 24 et 27 février 2003. (Les prochaines élections auront lieu en février 2007.) Chambre basse – Assemblée nationale (National Assembly), 342 sièges. Les membres sont élus au suffrage populaire pour un mandat d’une durée de 4 ans.

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359 Pakistan Tableau I (suite) Des sièges sont réservés aux femmes et aux minorités non musulmanes. Les dernières élections ont eu lieu le 10 octobre 2002. (Les prochaines élections auront lieu en octobre 2006.) Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Pendjab – 183

Nombre de représentants à la Baloutchistan – 17 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Les 4 provinces sont représentées de manière égale à la Chambre haute du gouver- (22 membres chacune). Il y a 8 représentants élus au suffrage direct venant des régions tribales sous adminisnement fédéral tration fédérale, et 4 du territoire de la capitale fédérale (Islamabad). Partage des compétences

La liste des compétences fédérales (Federal Legislative List) de la Constitution attribue 67 compétences exclusives au gouvernement central dont la défense, les affaires étrangères, le commerce, les devises et les activités bancaires. La liste des compétences concurrentes (Concurrent Legislative List) comprend 47 compétences sur lesquelles le gouvernement fédéral et les assemblées provinciales peuvent tous deux légiférer, notamment l’environnement, l’immigration, l’agriculture, l’éducation, la santé, l’aide sociale, le réseau routier et le tourisme. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des provinces.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour suprême (Supreme Court). Les juges sont nommés par le président.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Assemblées provinciales, composées de 43 à 248 membres élus au suffrage populaire. Les assemblées provinciales possèdent elles aussi des sièges réservés aux minorités.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur et Conseil des ministres nommés par le président.

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360 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

291,8 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

2 013, 8 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

33,4 milliards de $ US (30 septembre 2003)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

7,8 % (30 juin 2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Province de la Frontière du Nord-Ouest – 13 , 1 %

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Sind – 5,15 %

Taux d’alphabétisation chez les adultes

44 %1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

1,8 % (2000)

Espérance de vie (années)

60,44 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

903,4 millions de $ US (2001)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

384,4 millions de $ US (2001)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

s.o.

Mécanismes de péréquation

La Commission nationale des finances (National Finance Commission) recommande la part des transferts fédéraux versée aux provinces, et l’octroi de subventions aux provinces. Les transferts du gouvernement fédéral représentent l’essentiel des recettes des gouvernements provinciaux.

Sources Ahmad, Nuzhat et Syed Ashraf, «Chapter 6», Pakistan : Intergovernmental Fiscal Transfers, Banque asiatique de développement (BAD), 2001, sur Internet : http ://www.adb.org/ Documents/Books/Intergovernmental_Fiscal_Transfers/chap_06.pdf Banque asiatique de développement (BAD), «Key Indicators 2003 : Education for Global Participation – Regional Tables : Pakistan», sur Internet : http :// www.adb.org/Documents/Books/Key_Indicators/2003/default.asp Banque du Pakistan, «Pakistan External Debt and Liabilities», 2003, sur Internet : http ://www.sbp.org.pk/ecodata/index.asp Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Economist, The, «Country Briefings : Pakistan», sur Internet : http ://www.economist.com/ countries/Pakistan

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361 Pakistan Kardar, Shahid H, «Local Government Finance and Bond Markets», Ferguson & Co., Lahore, Banque asiatique de développement (BAD), 2003, sur Internet : http :// www.adb.org/Documents/Books/Local_Govt_Finance_Bond_Markets/pakistan.pdf Mouvement des citoyens pour le fédéralisme aux Philippines (Citizens’ Movement for a Federal Philippines), «Countries with federal system», sur Internet : http :// www.cmfp.ph/articlespdf/clairecarlos1.pdf Nyrop, Richard F. (dir.), Pakistan : A Country Study, Bibliothèque du Congrès américain, 1983, sur Internet : http ://countrystudies.us/pakistan/1.htm Pakistan, Bureau de statistiques, «Labour Force Participation Rates and Unemployment Rates by Area, Age and Sex», 2001–2002, sur Internet : http ://www.statpak.gov.pk/ depts/fbs/publications/lfs2001_2002/t11.pdf Pakistan (Gouvernement du), Bureau de statistiques, recensements (Population Census Organization), «Area, Population, Density and Urban/Rural Proportion by Administrative Units», 1998, sur Internet : http ://www.statpak.gov.pk/depts/pco/ statistics/area_pop/area_pop.html Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf World Directory of Parliamentary Libraries : Pakistan, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/pakis.html Note 1 15 ans et plus

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Russie (Fédération de Russie ) GARY N. WILSON

1 histoire et évolution du fédéralisme La Fédération de Russie est le plus grand État fédéral au monde (17 075 000 kilomètres carrés). Patrie d’environ 145 millions d’habitants, ce vaste pays s’étend sur deux continents et onze fuseaux horaires. Avec plus de huit millions d’âmes, Moscou, la capitale de la Russie, est l’une des plus grandes villes en Europe. Bien que du point de vue ethnique, les Russes constituent une majorité de la population du pays (80 pour cent) et que le russe soit la langue d’État officielle, la Fédération de Russie compte plus de 100 nationalités et groupes ethniques distincts. Établis sur des territoires particuliers, certains de ces groupes nationaux disposent de l’autorité politique permettant de préserver et de promouvoir leur culture et leur langue respectives. La Russie a une histoire riche et illustre. On peut faire remonter les origines de la Russie moderne aux XVe et XVIe siècles, époque où les diverses principautés de la Russie d’Europe furent soumises à la domination de Moscou. Au cours des siècles qui suivirent, les tsars (rois) russes devinrent les fers de lance de l’expansion de l’Empire russe vers l’est et le sud. L’évolution de la structure d’État russe moderne (organisation bureaucratique et régime militaire) débuta vers la fin du XVIIe siècle durant le règne de Pierre le Grand, et se poursuivit avec les descendants de la dynastie des Romanov. Au début du XIXe siècle, la Russie était considérée comme une puissance européenne majeure et l’un des empires qui dominaient la scène politique mondiale.

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Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la Russie connut toutefois une série de mutations politiques et sociétales radicales et des revers militaires. Les pressions de la modernisation, de l’industrialisation et de l’urbanisation, combinées aux agitations de la population réclamant un relâchement du système gouvernemental autocratique, et aux dures conditions imposées par la Première Guerre mondiale, aboutirent en définitive au renversement du régime tsariste et à la création de l’Union soviétique. Sous la conduite de Vladimir Lénine, la faction bolchevique (majoritaire) du Parti ouvrier social-démocrate russe saisit le pouvoir en octobre 1917, et entreprit de consolider son emprise sur le vaste territoire de l’ancien Empire russe. Après la guerre civile de 1917 à 1921, les factions communistes d’inspiration bolchevique arrivèrent au pouvoir dans de nombreuses régions de l’ancien Empire et s’unirent pour former l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Le statut fédéral de l’Union soviétique était théoriquement inclus dans la Constitution de 1936. En réalité, toutefois, le modèle fédéral qui existait durant la période soviétique n’était qu’un écran qui voilait un système politique et économique hautement centralisé. Bien que les diverses républiques constituant la fédération eussent une autonomie limitée en matière de culture et de certaines affaires administratives, la domination écrasante de structures centralisées telles que le Parti communiste de l’Union soviétique et les systèmes de planification et d’administration de l’économie invalidaient le caractère fédéral du pays. À la fin des années 80 et au début des années 90, engendrées par des membres constituants de la fédération (les républiques de l’Union), des tensions nationalistes amorcèrent la chute et la désintégration de l’Union soviétique. La politique de la transparence (glasnost) du dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev encouragea les groupes nationalistes et les politiciens dans les républiques à exercer des pressions pour obtenir une plus grande autonomie et même l’indépendance visà-vis de Moscou. En même temps, l’appareil institutionnel rigide et centralisé commença à céder sous le poids des réformes (perestroïka ou restructuration) qui mettaient au jour la faiblesse structurelle du régime soviétique. Finalement, l’Union soviétique se désagrégea à la suite d’un coup d’État manqué contre Gorbatchev en août 1991, ourdi par les tenants de la ligne dure. Boris Eltsine, premier président de la Russie postsoviétique, fut en fait élu président de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) en juin 1991, avant l’effondrement de l’Union soviétique. Jouant un rôle décisif en s’opposant à la tentative du coup d’État cité plus haut, Eltsine devint président de la Fédération

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de Russie indépendante le 25 décembre 1991, alors que l’Union soviétique cessait d’exister. Boris Eltsine a dominé la vie politique russe des années 90. En 1993, il réussit à faire adopter une constitution qui accordait de vastes pouvoirs au président. Malgré des revers réguliers, pour la plupart liés à sa santé déclinante, et une succession de premiers ministres au mandat bref, il conserva le pouvoir jusqu’au 31 décembre 1999, et quitta alors la présidence de son propre chef. Ces événements amorcèrent une nouvelle période de l’histoire politique de l’ère postsoviétique du pays. Relativement peu connu, Vladimir Poutine, un membre des services de sécurité de Saint-Pétersbourg, devenait président par intérim. Poutine, qui avait été nommé premier ministre par Eltsine en 1999, a été élu président en mars 2000. Au cours de la dernière décennie, l’un des problèmes les plus urgents auquel ont dû faire face les dirigeants démocratiquement élus de la Fédération de Russie fut la tâche de reconstruction d’un État fédéral stable et intégré. À maints égards, le choix d’un régime de gouvernement fédéral s’avéra la seule option acceptable au début de la transition. La Fédération de Russie avait en effet hérité de la structure régionale compliquée de la RSFSR. Vers la fin des années 80, un certain nombre de régions de la RSFSR s’engagèrent dans une lutte élargie pour leur autonomie au niveau de la République de l’Union; dans une tentative visant à renforcer leur propre autorité, d’abord Gorbatchev puis Eltsine offrirent des concessions en matière d’autonomie aux diverses régions de la RSFSR. Au début de l’ère postsoviétique, beaucoup d’observateurs craignaient que la Fédération de Russie ne subisse le même sort que la fédération soviétique. L’intégrité territoriale de la Fédération de Russie fut toutefois préservée lorsque toutes les anciennes unités constituantes de la RSFSR, sauf deux (les républiques de Tatarstan et de Tchétchénie), signèrent le traité de la Fédération en mars 1992. Mais en 1994, en signant un traité bilatéral, le Tatarstan négocia son entrée officielle dans la Fédération de Russie. Le gouvernement tchétchène, en revanche, n’a jamais totalement reconnu son rattachement à la Fédération de Russie et continue d’être une épine douloureuse plantée dans le flanc de l’État russe. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la Fédération de Russie a traversé une intense période de transition politique, économique et sociale. Bien que diverses mesures aient été prises pour réformer l’économie, créer une société civile viable et établir un système de partis politiques, l’héritage de 75 ans de règne communiste et l’incidence négative de la transition sur la société demeurent des obstacles majeurs à la construction d’institutions démocratiques et commerciales

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stables. À plusieurs égards, la décentralisation incontrôlée du pouvoir vers les unités fédérales, survenue durant les années 90, contribua à la confusion politique et économique du pays en affaiblissant le gouvernement fédéral et en sapant sa capacité à coordonner le programme national de réformes. L’Union soviétique joua un rôle considérable dans la politique mondiale durant la plus grande partie du XXe siècle. Au terme de la collectivisation forcée de l’agriculture et de l’industrialisation du pays dans les années 30, et grâce à son rôle majeur dans la défaite de l’Allemagne nazie durant la Deuxième Guerre mondiale – événements qui lui valurent de payer un très lourd tribut en vie humaines – l’Union soviétique se mua en une superpuissance mondiale, crainte et respectée, et se vit offrir l’un des cinq sièges permanents au Conseil de sécurité des Nations Unies (que la Russie occupe toujours). Ces dernières années, cependant, la position de la Russie en tant que puissance internationale s’est dégradée considérablement. D’après l’indice de développement humain des Nations Unies (2003), la Fédération de Russie se classe 63e sur les 193 pays et territoires analysés. Son produit intérieur brut (PIB) par habitant atteint 7 900 dollars américains, et l’espérance de vie (à la naissance) est de 66,6 ans. Malgré ces replis récents, la Russie possède encore un formidable potentiel, en particulier grâce à sa population hautement alphabétisée et instruite, et à ses richesses naturelles en abondance (pétrole, gaz, minéraux, métaux précieux et bois).

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Le système politique défini dans la Constitution russe (adoptée le 12 décembre 1993 par référendum national) est un hybride, unique en son genre, de république présidentielle et parlementaire. Le président désigne les ministres du Cabinet, y compris le premier ministre (que l’on appelle officiellement président du gouvernement), mais ces ministres doivent également avoir la confiance du Parlement pour gouverner. Les ministres du Cabinet ne doivent cependant pas être des membres élus de l’Assemblée législative, comme dans le système parlementaire de type britannique. Comme chef d’État, le président joue un rôle très important dans l’exercice du pouvoir. Il possède l’autorité d’énoncer des décrets présidentiels. Bien qu’ils aient force de loi, ces décrets ne peuvent violer des lois déjà en place, mais ils peuvent être supplantés par des lois votées par le Parlement. Sous certaines conditions, le président est aussi habilité à dissoudre le Parlement.

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La structure de la Fédération est décrite aux articles 65 à 79 du troisième chapitre de la Constitution, ainsi qu’aux articles antérieurs traitant des principes du système constitutionnel (chapitre 1). La Fédération comprend 89 unités constituantes : 21 républiques, 49 oblasts (régions), 6 kraïs (territoires), 10 okrougs (districts) autonomes, 1 oblast autonome et deux villes fédérales (Moscou et Saint-Pétersbourg) (article 65). Les républiques sont situées au sommet de la hiérarchie fédérale, leur statut étant fondé sur le fait qu’elles englobent un grand nombre de populations non russes (Tatars au Tatarstan, Bashkirs au Bashkortostan, etc.). Les oblasts et les kraïs sont des régions définies sur une base non ethnique et disposent en général d’une plus faible autonomie que les républiques. Les okrougs autonomes occupent une position plutôt ambiguë au sein de la hiérarchie fédérale; fondés sur une base ethnique, ces districts sont les foyers nationaux des populations indigènes et aborigènes de la Russie. Du point de vue constitutionnel, on les considère comme des membres séparés de la confédération et faisant partie des oblasts et des kraïs au sein desquels ils se trouvent; cette situation a conduit à de nombreux litiges de compétences au cours de la dernière décennie. Au niveau fédéral de gouvernement, ces unités constituantes sont représentées au Conseil de la Fédération, c’est-à-dire à la Chambre haute du Parlement bicaméral de Russie. Chaque unité constituante a deux représentants au Conseil de la Fédération. Une représentation territoriale existe également à la Douma d’État, c’est-à-dire à la Chambre basse du Parlement. La moitié des 450 députés de la Douma est élue dans les circonscriptions aux quatre coins de la Russie, l’autre moitié étant élue à la représentation proportionnelle. La Constitution contient des caractéristiques fédérales symétriques et asymétriques. L’article 5 (1) stipule que toutes les unités constituantes sont des membres égaux de la Fédération. Pareillement, l’article 5 (4) établit que toutes les unités constituantes sont égales au niveau de leurs relations avec les entités fédérales de l’autorité d’État. L’article 5 (2), en revanche, précise que seules les républiques possèdent leurs propres constitutions et lois, alors que les autres unités constituantes ont droit à leurs propres statuts et lois. L’article 68 (2) donne aux républiques le droit d’établir leur propre langue officielle en plus du russe (habituellement la langue du titulaire, de nationalité non russe). On remarquera avec intérêt qu’il existe plusieurs ententes et traités non constitutionnels qui renforcent le caractère irrégulier de la structure fédérale. À titre d’exemple, le traité de la Fédération susmentionné est en fait une série de trois différents traités conclus entre le gouvernement fédéral et d’abord les républiques, ensuite les oblasts et les kraïs, et enfin les okrougs autonomes, l’oblast autonome et les villes

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fédérales. La version touchant les républiques, par exemple, leur donne une plus grande autonomie que celle octroyée à d’autres régions. Durant les années 90, plusieurs unités constituantes ont signé des traités bilatéraux spéciaux avec le gouvernement fédéral. Dans la plupart des cas, ces traités confèrent aux membres en question une autonomie accrue par rapport au gouvernement fédéral, une autonomie plus grande que celle des membres n’ayant pas signé de traités bilatéraux. Le statut constitutionnel des traités bilatéraux n’est toutefois pas encore très clair. Même si l’article 11 (3) de la Constitution et d’autres accords stipulent qu’il est possible de définir une démarcation de l’autorité compétente entre la Fédération de Russie et les unités constituantes, aucune disposition des traités bilatéraux (et notamment du traité de la Fédération) n’y est incluse. Ainsi, le gouvernement fédéral a toujours considéré ces traités comme des documents qui ne mettent pas en jeu la Constitution. Selon l’article 15 de la Constitution, les lois édictées par les unités constituantes ne peuvent contrevenir aux dispositions de la Constitution fédérale. Bien qu’une telle clause existe en théorie, l’une des plus vives controverses de la période postsoviétique a été la «guerre des lois» entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes. En 2000, par exemple, le ministère russe de la Justice a révélé que plus de 50 000 lois régionales ne respectaient ni la Constitution fédérale ni les lois fédérales. Le partage des compétences entre gouvernement fédéral et unités constituantes est formulé dans les articles 71 et 73 de la Constitution. L’article 71 énumère les domaines de compétence fédérale, lesquels couvrent les grands sujets comme la réglementation et la protection des droits et libertés de la personne, le système bancaire et financier, les réseaux fédéraux d’énergie électrique, la politique étrangère, les relations internationales et les relations économiques extérieures, la défense et la sécurité, et l’organisation du système judiciaire. Les domaines admettant des compétences concurrentes entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes sont énoncés dans l’article 72. Parmi les sujets les plus importants de compétence concurrente, citons la possession, l’utilisation et l’aliénation des terres, des ressources minières, de l’eau et d’autres richesses naturelles, l’éducation, la science et la santé publique. L’article 73 stipule que tous les secteurs de gouvernement non mentionnés dans les articles 71 et 72 relèvent de la compétence des unités constituantes. La nature ambiguë du concept de compétence concurrente constitue bien l’aspect le plus controversé de cette division des pouvoirs. En réaction aux fréquentes impasses politiques au niveau fédéral, de nombreuses régions ont agi de façon unilatérale dans des domaines où

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s’exerce une compétence concurrente. De ce fait, leurs lois s’opposent souvent à la Constitution fédérale ou à des lois fédérales adoptées ultérieurement. La Constitution elle-même est très peu claire sur la façon dont le gouvernement fédéral et les unités constituantes sont censés coordonner leurs activités législatives. La Constitution contient pourtant deux mécanismes particuliers visant à résoudre les différends entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes ou entre les unités constituantes elles-mêmes. L’article 85 stipule que le président peut invoquer des mesures conciliatoires pour régler de tels litiges. Si aucune entente n’est ratifiée, le président peut renvoyer le cas devant un tribunal approprié. Le président a également le pouvoir de suspendre les décisions exécutoires des unités constituantes si elles sont contraires à la Constitution fédérale, aux lois fédérales et aux obligations internationales de la Fédération de Russie, ou si elles constituent une violation des droits et libertés de la personne. La Constitution de 1993 prévoit un Tribunal constitutionnel dont les principales responsabilités sont de statuer sur la constitutionnalité des lois et d’autres dispositions normatives adoptées par les organes législatifs et exécutifs du gouvernement. Délimiter et interpréter les divisions de pouvoirs réparties entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des unités constituantes sont d’autres fonctions importantes de ce Tribunal. La Constitution stipule que les 19 juges siégeant au Tribunal doivent être nommés par le président et confirmés par le Conseil de la Fédération. Du fait des querelles intestines qui ont suivi la ratification de la Constitution en décembre 1993, le Tribunal a été suspendu jusqu’en mars 19951. Mais depuis sa réinstallation, il a œuvré en vue d’établir son autorité et son autonomie par rapport à d’autres organes du gouvernement et d’autres unités constituantes. Ayant pris plusieurs décisions importantes sur la constitutionnalité des

1 Un Tribunal constitutionnel russe fut initialement institué en juillet 1991, avant la désintégration de l’Union soviétique. À cette époque, le Parlement soviétique – le Congrès des députés du peuple – avait élu les 15 juges du Tribunal. Durant la période de 1991 à 1993, le Tribunal se pencha sur plusieurs litiges politiques qui culminèrent avec le conflit entre le président Eltsine et le Parlement de Russie en 1993. Après la proposition d’un règlement du conflit, acceptée par les deux parties, le chef du Tribunal, Valerii Zorkin, se rangea du côté de la cause parlementaire et condamna, plus tard, la décision d’Eltsine de suspendre le Parlement. Eltsine répondit en suspendant le Tribunal jusqu’à ce qu’une nouvelle Constitution puisse être ratifiée.

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lois régionales, le Tribunal s’est parfois heurté à une opposition opiniâtre de la part des gouvernements des unités constituantes. Des propositions de modification à la Constitution fédérale peuvent être soumises par diverses institutions, y compris le président, le Conseil de la Fédération, la Douma d’État, le gouvernement de la Fédération de Russie et les organes législatifs des unités constituantes. Les propositions visant à modifier les chapitres 1, 2 et 9 de la Constitution fédérale (principes du système constitutionnel, droits et libertés de la personne, modifications constitutionnelles et révision de la Constitution) doivent au préalable recevoir le soutien des trois cinquièmes du Conseil de la Fédération et de la Douma d’État. La proposition est soumise ensuite à une assemblée constitutionnelle spécialement convoquée qui confirme la Constitution existante ou rédige un nouveau document. Celui-ci est adopté s’il obtient le soutien des deux tiers de l’assemblée constitutionnelle ou plus de la moitié des voix d’électeurs ayant droit de vote à l’occasion d’un référendum national. D’autre part, toutes modifications aux chapitres 3 à 8 de la Constitution fédérale exigent l’approbation d’au moins deux tiers des unités constituantes. Le système du fédéralisme fiscal russe est une trame complexe d’impôts établis et négociés, de sources de revenus et de fonds d’assistance régionaux. Depuis 1991, des revenus et des dépenses considérables ont été transférés du gouvernement fédéral aux unités constituantes; actuellement, la part des recettes fiscales des unités équivaut à environ la moitié des recettes globales. En principe, les unités constituantes sont censées restituer une portion négociée de leurs recettes fiscales au gouvernement fédéral. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les impôts sur les bénéfices des sociétés et les accises sont partagés entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes d’après des taux négociés, tandis que les impôts sur les particuliers reviennent entièrement aux unités constituantes. Le service fiscal de l’État, responsable de la collecte des impôts, a été mis sous la tutelle administrative du gouvernement fédéral depuis 1991. En réalité toutefois, les percepteurs des impôts sont souvent loyaux envers les administrations des unités constituantes et dépendent de celles-ci. Sur les 89 unités fédérales que compte la Fédération de Russie, moins de dix peuvent être classées comme bailleurs de fonds ou régions riches (c’est-à-dire dont les recettes remises au gouvernement fédéral sont supérieures aux subsides reçus). L’importance de la négociation comme instrument visant à définir les flux de revenus signifie que la politique joue un rôle déterminant dans le système fiscal. Autrefois, le gouvernement fédéral utilisait le fédéralisme fiscal pour acquérir un soutien au régime ou offrir des incitatifs en vue de faire accepter des compromis politiques. Il arrive souvent que des unités constituantes politiquement

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puissantes paient moins d’impôts qu’elles ne le devraient, tandis que des unités plus faibles portent le poids du fardeau fiscal. Mais plus révélateur encore, à cause des difficultés financières éprouvées par l’État russe durant la turbulente période de transition économique, de nombreuses unités constituantes n’ont tout simplement pas reçu les subsides fiscaux auxquels ils avaient droit.

3 dynamique po lit iqu e récen te Soutenue par les prix mondiaux élevés des ressources, la santé financière de la Russie s’est améliorée ces dernières années. Des tâches immenses doivent pourtant encore être accomplies avant que la Russie ne termine sa transition vers l’économie de marché. Mais chose plus importante, le gouvernement doit mettre en place un cadre juridique complet et stable pour les activités commerciales et les investissements étrangers. L’économie doit de plus être davantage diversifiée de façon à diminuer la dépendance de la Russie par rapport à des marchés de ressources naturelles volatils. En l’absence de telles réformes, il sera difficile de combattre la corruption, de faire concurrence sur les marchés internationaux, et de connaître une croissance à long terme. Dans la période post-Eltsine – c’est-à-dire la période Poutine – la nouvelle démocratie russe a continué de connaître d’importantes crises de croissance. Malgré le fait que le cadre institutionnel démocratique du pays repose sur des fondements constitutionnels et que des élections à tous les niveaux de gouvernement aient eu lieu régulièrement, la société civile russe demeure faible et les affrontements électoraux, en particulier au niveau régional, ont été entachés d’irrégularités. Les médias sont de plus en plus contrôlés par l’État et ce processus s’est accéléré sous le président Poutine. Des journalistes et des médias indépendants qui ont critiqué le gouvernement et ses politiques ont fait l’objet de poursuites, de persécutions et de harcèlement. Depuis son arrivée au pouvoir, Poutine s’est lancé dans une série de réformes ambitieuses de la structure fédérale. Ses objectifs premiers sont le renfort de l’autorité du gouvernement fédéral par rapport aux unités constituantes, et l’harmonisation des textes législatifs fédéraux et régionaux. En premier lieu, il a autorisé la création de sept okrougs (districts) fédéraux : Central, Nord-Caucase, Nord-Ouest, Volga, Oural, Sibérie et Extrême-Orient; ils comprennent chacun 10 à 12 unités constituantes fondées sur des regroupements géographiques. Les districts, dirigés par des représentants présidentiels nommés par l’autorité fédérale, sont responsables essentiellement de l’encadrement des activités des unités constituantes et doivent s’assurer que les lois locales sont en accord avec les lois correspondantes au niveau fédéral et avec la

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Constitution fédérale. Même si on peut dire que les représentants présidentiels jouissent d’une autorité considérable, il ne faut pas oublier qu’en pratique, cette autorité est assujettie à la volonté d’autres acteurs du système politique, y compris les ministères et agences au niveau fédéral, et les gouvernements régionaux eux-mêmes. Cet état de choses a compliqué le travail des représentants présidentiels. La deuxième réforme majeure entreprise par le gouvernement Poutine a comporté des changements à la composition du Conseil de la Fédération. Comme on l’a mentionné auparavant, les membres de la Fédération disposent tous de deux représentants au Conseil de la Fédération : les chefs respectifs des organes régionaux législatifs et exécutifs. Maintenant, cependant, les unités constituantes sont tenues d’avoir des sénateurs «à plein temps», l’un nommé par le chef de l’organe exécutif, et l’autre élu par le législatif2. Cette disposition devait rendre le Conseil de la Fédération plus efficace et plus productif. Les observateurs ont noté, cependant, que le contraire était peut-être vrai, car les représentants sont continuellement menacés d’être rappelés par leurs commanditaires régionaux. L’une des conséquences les plus frappantes peut-être de cette réforme particulière a été l’augmentation considérable du nombre de représentants et de membres de l’élite du monde des affaires de Moscou détenant des postes de représentant à la Chambre supérieure. Plusieurs régions les ont choisis comme représentants dans l’espoir que leur influence leur vaudrait une aide fédérale. Bien que ce choix puisse sembler avantageux pour les régions, le fait que plusieurs représentants du Conseil de la Fédération n’aient aucun lien personnel direct avec les régions qu’ils représentent sape en partie le caractère fédéral de la Chambre haute. Afin d’apaiser les chefs régionaux qui n’auraient plus de siège au Parlement fédéral à cause des changements survenus au sein du Conseil de la Fédération, Poutine a créé deux nouvelles entités consultatives fédérales : le Conseil d’État et son Præsidium. Le Conseil d’État comprend tous les gouverneurs et présidents des unités constituantes, et se réunit chaque trimestre à la demande du président russe afin de débattre des questions particulières. Le Præsidium compte sept membres du Conseil d’État (désignés à tour de rôle), et se réunit tous les mois. Ces nouvelles entités donnent aux dirigeants régionaux l’occasion d’exprimer leurs opinions sur les initiatives majeures entreprises par le gouvernement fédéral.

2 Loi fédérale sur le décret de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie pour la formation du Conseil de la Fédération.

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La récente réforme institutionnelle de la Fédération de Russie a été accompagnée de mesures législatives visant à renforcer le pouvoir du gouvernement fédéral aux dépens des régions. Des modifications apportées aux lois à la fin de 1999 ont donné au président et aux organismes fédéraux le pouvoir de destituer les gouverneurs régionaux et les assemblées législatives s’ils violent les lois fédérales3. Comme cela se produisit pour les modifications apportées au Conseil de la Fédération et pour la création du Conseil d’État, Poutine a tenté d’amoindrir les déséquilibres occasionnés par cette réforme en accordant le droit aux gouverneurs régionaux de démettre les chefs administratifs de niveau inférieur. Poutine a aussi soutenu la mesure législative qui permettait aux gouverneurs et aux présidents régionaux de briguer un troisième et un quatrième mandats malgré les dispositions contraires de certaines constitutions républicaines et chartes régionales. Une bonne partie de l’effort de restauration de l’autorité du gouvernement fédéral a été menée sous les auspices d’une commission spéciale dirigée par Dmitrii Kozak, chef adjoint de l’administration présidentielle. On a confié à la Commission Kozak la tâche de coordonner le processus d’harmonisation législative ainsi que les réformes en relation avec l’autonomie gouvernementale au niveau local. En plus des réformes des institutions de niveau fédéral et des tentatives de restauration de l’autorité du gouvernement fédéral dans les régions, Poutine a aussi pris des mesures pour encourager une réduction du nombre des régions en signant une loi sur le regroupement régional volontaire4. Cette loi met de l’avant un processus pour réaliser les fusions, processus qui comprend les référendums dans toutes les régions touchées, l’approbation du président, de la Douma d’État et du Conseil de la Fédération, et la modification de la Constitution. On s’attend à ce que les régions ayant des okrougs soient les premières à s’engager dans le processus de fusion. L’un des aspects les plus problématiques du fédéralisme russe est le conflit endémique avec la république de Tchétchénie. Au cours des

3 Même si les modifications à la loi des principes généraux relatifs à l’organisation des corps législatif et exécutif du pouvoir étatique des sujets de la Fédération de Russie donnent effectivement au président et aux autres organismes fédéraux le pouvoir de démettre les gouverneurs et les organes législatifs régionaux, il ne faut pas oublier que le processus pour effectuer un tel changement est compliqué. 4 Loi fédérale sur le décret concernant l’adoption et l’établissement de nouveaux sujets de la Fédération.

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derniers mois, la lutte a débordé les frontières tchétchènes avec une vague d’attentats suicides et d’attaques attribués aux Tchétchènes dans les grandes villes, y compris Moscou. Tout comme Eltsine, Poutine a cherché à régler le conflit par les armes, sans succès jusqu’ici. En conséquence, le conflit tchétchène demeure une plaie ouverte du système fédéral russe sans perspective claire de guérison prochaine. L’un des plus grands défis auxquels sera confrontée la Russie dans l’avenir, consistera à redéfinir sa position géopolitique avec ses voisins régionaux et avec l’Occident. Grâce à des organismes tels que la Communauté des États indépendants (CEI) – une confédération d’États indépendants anciennement membres de l’Union soviétique – la Russie a encouragé une coopération plus étroite entre les pays de la région. L’union politique avec la République du Bélarus, et l’implication de la Russie dans la région de la mer Caspienne et l’Asie centrale, donnent à penser qu’elle continuera de jouer un rôle dominant en tant que puissance régionale. La position de la Russie sur la scène mondiale s’est cependant affaiblie depuis la période soviétique. Ses relations avec l’Occident, et en particulier avec les États-Unis, sont chargées d’ambiguïté. La Russie dépend de l’assistance économique occidentale pour sa santé financière, et elle cherche à s’intégrer dans le système financier occidental par le biais d’organismes tels le Groupe des Huit (G8) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (dont elle n’est pas encore membre). En même temps, la Russie veut affirmer son autonomie et son autorité politique dans un monde de plus en plus unipolaire; dans cette logique, la Russie s’est fortement opposée aux initiatives occidentales comme le bombardement de la Yougoslavie en 1999 et l’élargissement de l’OTAN pour inclure l’Europe de l’Est. Et, même si elle a soutenu la «guerre au terrorisme» menée par les Américains dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, la Russie s’est rangée aux côtés de la France, de l’Allemagne et des autres opposants à la guerre des États-Unis en Irak en 2003.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Alexseev, Mikhail (dir.), Centre-Periphery Conflict in Post-Soviet Russia : A Federation Imperiled, New York, New York, St. Martin’s Press, 1999. Hanson, Philip et Michael Bradshaw (dir.), Regional Economic Change in Russia, Cheltenham, Royaume-Uni, Edward Elgar, 2000. Hyde, Matthew, «Putin’s Federal Reforms and their Implications for Presidential Power in Russia», Europe-Asia Studies, vol. 53 (2001), p. 719–743.

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Kahn, Jeffrey, Federalism, Democratization and the Rule of Law in Russia, New York, New York, Oxford University Press, 2002. Kelly, Donald R., Politics in Russia and the Successor States, Fort Worth, Texas, Harcourt Brace College Publishers, 1999. Nicholson, Martin, Towards a Russia of the Regions, Londres, Institut international d’études stratégiques – Adelphi Paper, 1999. Remington, Thomas F., Politics in Russia, New York, New York, Longman, 2002. Ross, C., «Putin’s Federal Reforms and the Consolidation of Federalism in Russia : One Step Forward, Two Steps Back!», Communist and Post-Communist Studies, vol. 36 (2003), p. 29–47. Westlung, Hans, Alexander Granberg et Folke Snickars, Regional Development in Russia : Past Policies and Future Prospects, Cheltenham, Royaume-Uni, Edward Elgar, 2000. http ://www.gov.ru, administration fédérale http ://www.government.gov.ru, gouvernement fédéral http ://www.regions.ru, agence de nouvelles régionales http ://www.iews.org, Eastwest Institute http ://www.finruscc.fi/en/a/3fb/k3fb.htm, site d’intérêt économique dans les régions russes http ://www.iris-france.org/pagefr.php3?fichier=fr/Archives/revue/ numero_38, articles sur la politique (Revue Internationale et Stratégique) http ://www.russie.net/article.php3?id_article=1386, bulletin de nouvelles d’intérêt culturel

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379 Russie Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Moscou

Nombre et types d’unités cons- 89 unités constituantes : tituantes 21 républiques : Adyguéie, Altaï, Bachkortostan, Bouriatie, Carélie, Daguestan, Ingouchie, Kabardino-Balkarie, Kalmoukie, Karatchaïevo-Tcherkessie, Khakassie, Komis, Marii-El, Mordovie, Ossétie du Nord-Alanie, Oudmourtie, Sakha (Iakoutie), Tatarstan, Tchétchénie, Tchouvachie, Touva 49 régions (oblasts) : Amour, Arkhangelsk, Astrakhan, Belgorod, Briansk, Iaroslavl, Irkoutsk, Ivanovo, Kaliningrad, Kalouga, Kamtchatka, Kémérovo, Kirov, Kostroma, Kourgan, Koursk, Léningrad, Lipetsk, Magadan, Moscou, Mourmansk, Nizhegorod, Novgorod, Novossibirsk, Omsk, Orel, Orenbourg, Oulianovsk, Penza, Perm, Pskov, Riazan, Rostov, Sakhaline, Samara, Saratov, Smolensk, Sverdlovsk, Tambov, Tchéliabinsk, Tchita, Tioumen, Tomsk, Toula, Tver, Vladimir, Volgograd, Vologda, Voronej 6 territoires (kraïs) : Altaï, Khabarovsk, Krasnodar, Krasnoïarsk, Primorié, Stavropol 10 territoires autonomes (okrougs) : Bouriates d’Aguinskoïe, Bouriates d’Oust-Orda, Evenks, Iamalo-Nénets, Khantys-Mansis, Komis-Permiaks, Koriaks, Nénets, Taïmyr (Dolgano-Nénets), Tchouktches 1 région autonome juive (Yevreyskaya Avtonomnaya Oblast) 2 villes d’importance fédérale : Moscou, Saint-Pétersbourg Langue(s) officielle(s)

Russe

Superficie

17 075 200 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Sakha (Iakoutie) – 3 103 200 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Saint-Pétersbourg – 600 km2

Population totale

144 071 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Moscou (ville) 7,1 %, Moscou (oblast) 4,6 %, Krasnodar 3,5 %, Saint-Pétersbourg 3,2 %, Sverdlovsk 3,1 %, Rostov 3 %, Bachkortostan 2,8 %, Tatarstan 2,6 %, Tchéliabinsk 2,5 %, Nizhegorod 2,4 %, Samara 2,2 %, Tioumen 2,2 %, Krasnoïarsk 2 %, Kémérovo 2 %, Stavropol 1,9 %, Perm 1,9 %, Volgograd 1,9 %, Saratov 1,8 %, Daguestan 1,8 %, Irkoutsk 1,8 %, Novossibirsk 1,8 %, Altaï (kraï) 1,8 %, Voronej 1,6 %, Orenbourg 1,5 %, Omsk 1,4 %, Primorié 1,4 %, Oudmourtie 1,1 %, Toula 1,1 %, Iaroslav 1,1 %, Léningrad 1,1 %, Penza 1 %, Vladimir 1 %, Belgorod 1 %, Khabarovsk 1 %, Tver 1 %, Kirov 1 %,

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380 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Khantys-Mansis 1 %, Tchouvachie 0,9 %, Arkhangelsk 0,9 %, Oulianovsk 0,9 %, Vologda 0,9 %, Briansk 0,9 %, Tchita 0,8 %, Riazan 0,8 %, Koursk 0,8 %, Lipetsk 0,8 %, Ivanovo 0,8 %, Tambov 0,8 %, Tchétchénie 0,7 %, Tomsk 0,7 %, Kourgan 0,7 %, Komis 0,7 %, Bouriatie 0,7 %, Smolensk 0,7 %, Astrakhan 0,7 %, Kalouga 0,7 %, Orel 0,6 %, Sakha 0,6 %, Mordovie 0,6 %, Amour 0,6 %, Kaliningrad 0,6 %, Mourmansk 0,6 %, Kabardino-Balkarie 0,6 %, Kostroma 0,5 %, Marii-El 0,5 %, Ossétie du Nord-Alanie 0,5 %, Novgorod 0,5 %, Pskov 0,5 %, Carélie 0,5 %, Sakhaline 0,4 %, Khakassie 0,4 %, Karatchaïevo-Tcherkessie 0,3 %, Adyguéi 0,3 %, IamaloNénets 0,3 %, Ingouchie 0,3 %, Kamtchatka 0,2 %, Kalmoukie 0,2 %, Touva 0,2 %, Magadan 0,1 %, région autonome juive 0,1 %, Komis-Permiaks 0,1 %, Altaï (oblast) 0,1 %, Bouriates d’Oust-Orda 0,09 %, Bouriates d’Aguinskoïe 0,05 %, Tchouktches 0,04 %, Nénets 0,02 %, Taïmyr 0,02 %, Koriaks 0,02 %, Evenks 0,01 % N.B. Il peut y avoir des écarts à cause des taux arrondis. Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Vladimir Vladimirovich Poutine (depuis le 26 mars 2000). Élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les prochaines élections auront lieu le 14 mars 2004.

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre (président du gouvernement) : Mikhail Mikhaylovich Kasyanov (depuis le 7 mai 2000). Le président nomme le premier ministre et les membres du Cabinet, avec l’assentiment du Parlement.

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Assemblée fédérale (Federalnoye Sobranie) : Chambre haute – Conseil de la Fédération (Sovet Federatsii), 178 sièges. La durée du mandat des membres varie selon la république ou la région qu’ils représentent. Chambre basse – Douma d’État (Gosudarstvennaya Duma), 450 sièges. 225 membres sont élus au scrutin proportionnel à partir de listes des partis qui ont enregistré au moins 5 pour cent des voix, et 225 membres sont élus dans des circonscriptions uninominales. Les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les dernières élections ont eu lieu le 7 décembre 2003.

Nombre de représentants à la Moscou (ville) – 15 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

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381 Russie Tableau I (suite) Nombre de représentants à la Evenks – 2 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Chacune des 89 unités constituantes a 2 représentants à la Chambre haute du gouver- au Conseil de la Fédération : un est élu par l’organe législatif, et l’autre est nommé par l’organe exécutif de nement fédéral l’autorité d’état. Partage des compétences

La Constitution confère 18 compétences exclusives à la Fédération, notamment la politique étrangère, la défense, l’énergie, la citoyenneté, le commerce, les douanes, les finances, les services publics d’envergure nationale, la justice et l’élaboration des politiques économiques, sociales et culturelles. Il y a 11 compétences concurrentes : l’ordre public, l’éducation, la culture, les sciences et la technologie, la santé, la sécurité sociale, le territoire et la propriété, les richesses naturelles, l’environnement, le droit du travail et de la famille, et l’encadrement des administrations locales (y compris l’application des principes d’imposition par les républiques). La coordination des relations internationales et du commerce extérieur des républiques est assurée conjointement par le gouvernement fédéral et les républiques. Les républiques sont considérées comme des sujets en matière de relations internationales et de commerce extérieur. En cas de conflit, la loi fédérale prévaut.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles appartiennent aux unités constituantes.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Tribunal constitutionnel, formé de 19 juges nommés à vie par le président, avec l’assentiment du Conseil de la Fédération.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Douma ou assemblée législative. Les unités constituantes possèdent leurs propres organes exécutifs et leur propres assemblées législatives (dont les membres sont élus pour un mandat d’une durée de 2 à 5 ans). Les républiques ont un président ou un premier ministre (ou les deux) élu au suffrage populaire, et un conseil régional ou une assemblée législative régionale. Les premiers magistrats des juridictions subalternes (appelés gouverneurs ou chefs administratifs) sont nommés par le président. Le président peut nommer ou démettre les premiers magistrats des juridictions (y compris les kraïs, les oblasts, les okrougs et l’oblast autonome), lesquels ont la responsabilité d’encadrer la mise en œuvre des politiques présidentielles au niveau local.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur, président ou président du gouvernement.

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382 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

1,14 billions de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

7 926 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

165,4 milliards de $ US (septembre 2003)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

8,5 % (juin 2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Ingouchie – 52 % (octobre 1997)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Evenks – 3,5 % (octobre 1997)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

99,6 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,4 % (2000)

Espérance de vie (années)

66,6 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

54,2 milliards de $ US (2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

52,5 milliards de $ US (2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

12,4 milliards de $ US (2002)

Mécanismes de péréquation

Les transferts de péréquation se font selon une formule, et proviennent du « Fonds de soutien financier des régions ».

Sources Banque centrale de Russie, «External Debt of the Russian Federation as of January-June 2003», sur Internet : http ://www.cbr.ru/eng/statistics/credit_statistics/ print.asp?file=debt_e.htm Banque centrale de Russie, «Russia : Economic and Financial Situation», avril 2003, sur Internet : http ://www.cbr.ru/eng/analytics/Rus0403e.pdf Banque mondiale, Russia Country Department, «Russian Economic Report», août 2003, sur Internet : http ://www.worldbank.org.ru/ECA/Russia.nsf/ECADocByUnid/ 0CF40EF2E501A275C3256CD1002B7D90/$FILE/RER6-English.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics », sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Dabla-Norris, Era et al., «Fiscal Decentralization in Russia : Economic Performance and Reform Issues», Fonds monétaire international (FMI), 5–7 avril 2000, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/seminar/2000/invest/pdf/norris.pdf Elections Around the World, «Elections in Russia», 2003, sur Internet : http :// www.electionworld.org/russia.htm

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383 Russie Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Russian Federation – Statistical Appendix», mai 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ ft/scr/2003/cr03145.pdf Fonds monétaire international (FMI), «Russian Federation : Recent Economic Developments», IMF Staff Country Report No. 99/100, septembre 1999, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/1999/cr99100.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Russie, Bureau de statistiques, Handbook Russia «2002», sur Internet : http ://www.gks.ru/ eng/bd.asp Russie, Bureau de statistiques, «Number of de-jure (resident) population on subjects of the Russian Federation», 2002, sur Internet : http ://www.gks.ru/scripts/free/ 1c.exe?XXXX25R.1.1 Russie (Gouvernement de la), Conseil de la Fédération, «The Constitution of the Russian Federation», sur Internet : http ://www.council.gov.ru/gen_inf_e.htm World Directory of Parliamentary Libraries : Russia, Bundestag de l’Allemagne, sur Internet : http ://www.bundestag.de/bic/bibliothek/library/russi.html

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Saint-Kitts-et-Nevis (Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis ) ANN L. GRIFFITHS

1 histoire et évolution du fédéralisme Les îles de Saint-Kitts (168 kilomètres carrés) et de Nevis (93 kilomètres carrés) se situent dans l’archipel des Petites Antilles des Caraïbes orientales. Elles sont séparées par un détroit d’un peu plus de trois kilomètres. Les premiers habitants de ces îles furent les Ciboneys d’Amérique centrale, qui y posèrent le pied il y a 2 000 ans environ. Vinrent ensuite, tour à tour, les Arawaks et les Caribes qui, originaires d’Amérique du Sud, voulaient migrer vers le nord. Christophe Colomb fut le premier Européen à rapporter la présence de ces îles, en novembre 1493. Il les nomma San Cristóbal (Saint-Christophe) d’après son saint patron, et Santa Maria de las Nieves (Nevis), car les montagnes de l’île lui rappelaient les pics enneigés d’Europe. Malgré leur revendication, les Espagnols ne s’établirent jamais sur ces îles et, en 1623, Saint-Christophe devint le premier territoire britannique des Antilles. Nevis fut colonisée par les Britanniques en 1628. Les colons français arrivèrent dans les îles dans les années 1620. Les deux nouvelles colonies firent front commun contre les Caribes, qui furent soit tués, soit chassés de l’île. Jusqu’à la signature du traité d’Utrecht de 1713, alors que la France renonçait définitivement à ses visées sur Saint-Christophe, des combats opposaient sporadiquement les colons français aux colons britanniques. Une fois les Français hors de l’île, la colonie devint officiellement

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Saint-Christopher ou Saint-Kitts (abréviation de Saint-Christopher). En 1783, le traité de Versailles fit passer les îles sous contrôle britannique complet. Conscients de l’importance de la coopération et de l’unité régionale, les Britanniques ont toujours favorisé une gouvernance conjointe de leurs colonies insulaires, d’où un passé marqué par des ententes de nature fédérale ou coopérative dans les Caraïbes orientales. Dès 1671, Saint-Kitts-et-Nevis, Antigua et Montserrat furent regroupées de manière à former le gouvernement des îles Sous-le-Vent des Caraïbes qui perdura jusqu’en 1806, lorsque les îles Sous-le-Vent des Caraïbes furent divisées en deux entités politiques. Dans une tentative de créer une fédération, on regroupa les îles Sous-le-Vent (englobant Antigua, Montserrat et Saint-Kitts-Nevis-Anguilla) en une seule unité administrative en 1871, puis Saint-Kitts, Nevis et Anguilla, devenues une seule entité, se greffèrent à la fédération des îles Sous-le-Vent en 1882. En vertu de ces dispositions, les colonies partageaient un gouverneur et une Cour suprême (en commun avec les îles du Vent), tout en se dotant d’organes législatifs séparés. Cette structure fut maintenue jusqu’en 1956, date à laquelle Saint-Kitts-Nevis-Anguilla devint une colonie distincte. La Grande-Bretagne continua de favoriser le regroupement de ses colonies des Antilles en une fédération élargie. En janvier 1958, après plus de dix ans de pourparlers, la Fédération des Indes occidentales vit le jour : elle comptait dix colonies britanniques comprenant, chacune, plusieurs îles dans les Caraïbes. Ces dix colonies étaient la Barbade, la Jamaïque, les îles Sous-le-Vent (Antigua, Montserrat, Saint-KittsNevis-Anguilla), Trinité-et-Tobago, et les îles du Vent (la Dominique, Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent). (Les îles Caïmans, Turques et Caïques se joignirent à la Fédération un peu plus tard.) La Fédération était administrée par un gouverneur général qui entra en fonction le 3 janvier 1958. En mars 1958, des élections fédérales eurent lieu et furent remportées par le Parti travailliste fédéral des Caraïbes, qui forma le gouvernement, provisoirement installé à Port of Spain, à la Trinité. Très tôt, la Fédération se trouva en situation de conflit : elle semblait même incapable de s’entendre sur le choix permanent de la capitale. En 1960, des comités intergouvernementaux furent établis pour débattre des problèmes liés à l’établissement d’une union douanière, d’une autorité fiscale fédérale, et d’une base de représentation politique au sein du gouvernement fédéral. Mais la Jamaïque éprouvait une insatisfaction croissante face à son adhésion à la Fédération – particulièrement aux propositions d’union douanière et de renforcement de l’autorité du gouvernement fédéral en matière de perception d’impôts. À titre de plus grande unité de la Fédération, la

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387 Saint-Kitts-et-Nevis

Jamaïque craignait de perdre le contrôle de son propre développement au profit du gouvernement fédéral. En mai et en juin 1961, une conférence eut lieu à Londres en vue d’exposer les modalités de la Constitution fédérale qui suivrait l’autonomie offerte par la Grande-Bretagne. La Jamaïque n’accepta ces modalités qu’une fois ses préoccupations considérées. Suite à la signature de l’accord, le gouvernement britannique accepta de conférer son indépendance à la Fédération des Indes occidentales le 31 mai 1962. Mais en septembre 1961, par voie de référendum, la Jamaïque vota contre l’adhésion permanente à la Fédération et, vers la fin de 1961, l’île prit des mesures pour se retirer. La décision de la Jamaïque rendit inapplicables les accords constitutionnels de Londres. À l’évidence, les accords allaient devoir être renégociés. Toute nouvelle disposition exigerait la participation de Trinité-et-Tobago – la plus grande colonie encore impliquée – ce qui, vers la fin de 1961, n’était pas évident. La Fédération des Indes occidentales fut dissoute le 31 mai 1962, date à laquelle la Grande-Bretagne avait prévu de lui donner son indépendance. Huit membres de la Fédération – dont les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent et la Barbade – débattirent, de façon intermittente jusqu’en 1966, de la formation éventuelle d’une autre fédération, mais ne parvinrent pas à un accord en ce sens. En février 1967, première étape vers l’indépendance, Saint-KittsNevis-Anguilla devint un État en libre association avec la GrandeBretagne. Mais en raison de son ressentiment à l’égard de la domination de Saint-Kitts, Anguilla se dissocia de l’accord au début des années 70. Saint-Kitts-et-Nevis poursuivit son cheminement vers l’indépendance sans Anguilla. En décembre 1982, une conférence constitutionnelle fut organisée à Londres en vue de régler les dernières modalités. Le 19 septembre 1983, Saint-Kitts-et-Nevis obtint son indépendance. Kennedy Simmonds, du Mouvement d’action populaire (People’s Action Movement, PAM), devint le premier ministre initial de l’État indépendant de Saint-Kitts-et-Nevis.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e L’héritage colonial britannique est très évident dans le régime de gouvernement de type britannique adopté par Saint-Kitts-et-Nevis. Cette fédération est une démocratie parlementaire au sein du Commonwealth britannique, et dans les îles, c’est un gouverneur général qui représente Sa Majesté la reine Élisabeth II, chef de l’État. La Constitution est entrée en vigueur le 23 juin 1983. On examine ci-après les clauses constitutionnelles qui influencent les paramètres du fédéralisme.

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La Constitution établit une entité fédérale qui regroupe deux unités constituantes : l’île de Saint-Kitts et l’île de Nevis. Le régime fédéral mis en place par la Constitution est de nature asymétrique, puisque seule Nevis est dotée de son propre gouvernement (Assemblée de Nevis, ou Nevis Island Assembly), qui se trouve à Charlestown (article 102) et qui est dirigé par le gouvernement de Nevis sous la houlette du premier ministre. Saint-Kitts ne dispose pas d’un gouvernement représentant exclusivement les intérêts de l’île, alors que Nevis participe aux décisions relatives aux affaires nationales – et aux affaires de Saint-Kitts – par l’intermédiaire de ses représentants au Parlement. Mais l’inverse ne vaut pas pour Saint-Kitts, qui n’a aucun droit de regard sur les affaires qui concernent uniquement Nevis. Le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les unités constituantes (dans le cas présent, seule Nevis jouit de pouvoirs à titre d’unité constituante) penche en faveur de Nevis. L’article 106 (1) précise les domaines relevant de l’autorité exclusive du gouvernement de Nevis. Ce dernier a compétence sur les domaines suivants au sein du territoire de l’île de Nevis : les aéroports et ports de mer, l’éducation, l’extraction et la transformation des minerais, les pêches, la santé et le bien-être, le travail, les terres et bâtiments affectés aux activités gouvernementales et l’octroi des permis d’importation et d’exportation (article 106 (1) (a-h)). Ce pouvoir est partiellement limité par l’article 106 (2) (b) qui stipule que l’Assemblée de Nevis ne peut engager aucune mesure liée à des problèmes d’intérêt national sans l’intervention du premier ministre, ou qui «ne s’accorde pas avec la politique générale du gouvernement, telle que définie par le premier ministre dans une communication écrite à l’intention du premier ministre de l’autre île». Dans le cas de Nevis, les seules compétences décrites dans la Constitution comme relevant de l’autorité exclusive du gouvernement fédéral ont trait aux affaires étrangères et à la défense (article 37 (4)). Le gouvernement fédéral peut toutefois édicter des lois touchant d’autres domaines concernant Nevis, pourvu que l’Assemblée de Nevis ait demandé ces dispositions ou y ait consenti (article 37 (3)). Établi à Basseterre à Saint-Kitts, le Parlement fédéral, de type monocaméral, se compose d’une Assemblée nationale. L’article 26 (1) (a), conformément à l’article 50 qui établit une commission des limites de circonscription (Constituency Boundaries Commission), fixe les règles déterminant le nombre de représentants élus au Parlement. L’Assemblée comprend 11 représentants élus, dont huit pour Saint-Kitts et trois pour Nevis. La Constitution ne précise pas le mode d’élection de ces représentants mais, conformément aux traditions héritées, le pays adopte le système uninominal majoritaire à un tour, plutôt que la représentation proportionnelle.

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Malgré le caractère monocaméral du Parlement, la Constitution prévoit l’existence de sénateurs à Saint-Kitts-et-Nevis. L’article 26 (2) stipule «qu’il doit y avoir trois ou tout autre nombre n’excédant pas les deux tiers des représentants [des sénateurs], conformément aux règlements du Parlement». Nommés en vertu des dispositions de l’article 26 (1) (b), et conformément à l’article 30, les sénateurs siègent à l’Assemblée nationale. Contrairement à un certain nombre d’autres fédérations traditionnelles, la représentation au Sénat ne se fonde pas sur la représentation géographique ou régionale (même si cela se produit parfois). Le gouverneur général nomme un tiers des sénateurs, sur avis du chef de l’opposition, les autres étant nommés par le gouverneur général sur avis du premier ministre (article 30 (1) (a-b)). La Constitution ne définit pas explicitement les accords financiers fédéraux, comme les méthodes dont disposent le gouvernement central et l’Assemblée de Nevis pour percevoir des recettes. Dans le cas de l’Assemblée de Nevis, la Constitution (article 108 (1)) ne fait que préciser que «toutes les recettes [...] perçues par le gouvernement [...] seront versées dans un fonds, ou formeront un fonds, le Nevis Island Consolidated Fund». L’article 108 (2) stipule que les clauses relatives aux finances, telles qu’elles s’appliquent au gouvernement national, s’appliquent également à l’Assemblée de Nevis. Le chapitre VI, «Finances», définit la procédure liée aux dépenses des fonds publics, ainsi que les clauses de vérification des comptes publics. L’article 110 (1) stipule que les produits de toutes les recettes prélevées à Saint-Kitts-et-Nevis, en vertu de toute loi en vigueur, doivent être réparties entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Nevis, en fonction du nombre d’habitants. La part affectée à l’Assemblée de Nevis fait toutefois l’objet de déductions (article 110 (2)) telles que le coût des services communs et les frais de la dette publique, déterminées par le gouverneur général (article 110 (3)), sur avis du premier ministre, qui peut aussi demander conseil au premier ministre de Nevis (article 110 (4)). À l’instar de la plupart des fédérations, la Constitution de Saint-Kittset-Nevis s’accompagne de procédures relatives à la résolution de différends constitutionnels. L’article 97 stipule que les tribunaux d’instance inférieure peuvent porter devant la Haute Cour toute question concernant l’interprétation de la Constitution, et indique que les appels peuvent être interjetés auprès de la Cour d’appel ou devant Sa Majesté en conseil. L’article 112 stipule toutefois que la Haute Cour, à l’exclusion de tout autre tribunal, détient «la compétence en première instance dans tout différend opposant l’administration au gouvernement». Plusieurs mesures doivent être prises avant que la Constitution puisse être modifiée. Tout projet de loi visant à modifier les clauses de la Constitution doit obtenir, au minimum, l’appui des deux tiers de tous

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les représentants de l’Assemblée nationale (article 38 (2)). Un délai de 90 jours est prévu entre les première et deuxième lectures du projet de loi (article 38 (3) (a)). Enfin, avant qu’un projet de loi visant à modifier la Constitution puisse être signé par le gouverneur général, il doit être approuvé au préalable par voie référendaire, par deux tiers, au moins, de tous les suffrages exprimés dans l’île de Saint-Kitts et par deux tiers de tous les suffrages exprimés dans l’île de Nevis (article 38 (3) (b)). La Constitution de Saint-Kitts-et-Nevis englobe plusieurs clauses intéressantes, notamment l’article 6 sur la protection contre l’esclavage ou les travaux forcés, ainsi que le long article 8 sur la protection contre la confiscation de la propriété. En matière de fédéralisme pourtant, une clause spéciale mérite que l’on s’y attarde, soit celle qui se penche sur la séparation de Nevis. De fait, c’est l’inclusion de l’article 113 qui a poussé les membres du Parti travailliste à se retirer des discussions constitutionnelles et à refuser de signer le document final. L’article 113 (1)) stipule que «l’assemblée législative de Nevis peut décider que l’île cessera d’être fédérée avec l’île de SaintChristophe et que, par conséquent, la présente Constitution ne fera plus autorité dans l’île de Nevis». En fait, cette clause n’est autre qu’une disposition octroyant le droit de sécession unilatérale. Conformément à l’article 113, un projet de loi visant le retrait de Nevis de la Fédération doit être adopté, au minimum, par les deux tiers des membres élus de l’Assemblée de Nevis (article 113(2)). Après son adoption, un projet de loi doit être approuvé, par voie de référendum sur l’avenir de Nevis, par les deux tiers de tous les suffrages exprimés (article 113 (2) (b)). «Une proposition complète et détaillée pour la nouvelle Constitution de Nevis» doit être présentée à l’Assemblée de Nevis six mois au moins avant le référendum, et être accessible au public au moins 90 jours avant le référendum (article 113 (2) (c)).

3 dynam i que p o l i t i qu e r é c e n t e Lors des élections générales de mars 2000, le Parti travailliste de SaintKitts-et-Nevis (St. Kitts and Nevis Labour Party) a été réélu, et le premier ministre Denzil Douglas s’est vu confier un deuxième mandat consécutif. Le Parti travailliste a accru sa représentation au Parlement en remportant la totalité des huit sièges de Saint-Kitts. À Nevis, le Mouvement des citoyens (Concerned Citizens Movement) a conservé les deux sièges qu’il détenait depuis 1995, et le Parti réformiste de Nevis (Nevis Reformation Party) a gardé son siège unique. La sécession du pays constitue sans doute la question politique la plus préoccupante de Nevis. La menace de séparation de Nevis est bien réelle, et elle divise depuis longtemps ses habitants. De fait, les

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appels à la souveraineté de Nevis commencèrent dès 1882, au moment où l’île fut forcée d’adhérer à la fédération des îles Sous-le-Vent, et ils n’ont pas cessé depuis. Si Nevis obtient son indépendance, elle deviendra le plus petit État de l’hémisphère occidental, puisqu’elle ne compte que 10 000 habitants. Tel que mentionné à la deuxième section du présent texte, l’inclusion de la disposition constitutionnelle décrivant les règles devant régir la sécession de Nevis (article 113) a soulevé la controverse, particulièrement chez les membres et les partisans du Parti travailliste. La Constitution a été négociée par un gouvernement de coalition comprenant le Mouvement d’action populaire et le Mouvement des citoyens qui avait remplacé le Parti travailliste, longtemps au pouvoir, dans les élections de 1980. Le gouvernement fédéral et la Constitution ont raisonnablement bien fonctionné à l’époque où le gouvernement de coalition était au pouvoir – le Mouvement d’action populaire était représenté à Saint-Kitts, et le Mouvement des citoyens était établi à Nevis. Quand le Parti travailliste de Saint-Kitts-et-Nevis arracha des sièges au Mouvement d’action populaire à Saint-Kitts à la faveur d’élections serrées en 19931, les choses se gâtèrent; et lorsque le Parti travailliste prit le pouvoir après les élections de 1995, la situation se détériora encore davantage. Le système de partis politiques en vigueur à Saint-Kitts-et-Nevis reflète et détermine en partie les divergences entre les deux îles. Le Parti travailliste a traditionnellement été le plus fort à Saint-Kitts et, tel que susmentionné, les huit membres du Parlement provenant de SaintKitts appartiennent à ce parti. À Nevis cependant, le Mouvement des citoyens (2 sièges) et le Parti réformiste de Nevis (1 siège) détiennent les sièges. Cela signifie que Nevis n’est pas représentée au sein du

1 Les élections fédérales peu concluantes de novembre 1993 ont provoqué une grave instabilité dans le pays, et l’état d’urgence a été décrété pendant plusieurs semaines après que des émeutes aient eu lieu. Le problème tenait au fait que le Mouvement d’action populaire et le Parti travailliste avaient obtenu quatre sièges chacun à Saint-Kitts. Les deux partis demandèrent au Mouvement des citoyens de former un gouvernement de coalition, mais celui-ci refusa, évoquant son insatisfaction vis-à-vis du régime politique. Le gouverneur général demanda au Mouvement d’action populaire au pouvoir de former le gouvernement après s’être associé au Parti réformiste de Nevis qui détenait l’un des trois sièges de Nevis. L’entente ne pouvait durer, et des élections ont eu lieu en juin 1995. Lors de ce scrutin, le Parti travailliste a remporté sept des huit sièges de Saint-Kitts et a formé le gouvernement.

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gouvernement fédéral. Le problème vient de ce que le Mouvement des citoyens et le Parti réformiste de Nevis ne présentent pas de candidats à Saint-Kitts et que le Mouvement d’action populaire n’en a jamais présenté à Nevis. Le Parti travailliste est ainsi le seul à présenter des candidats dans tout le pays, mais aucun d’eux n’a été élu à Nevis depuis les années 70. Les tensions qui s’exercent sur le système fédéral de partis politiques sont d’autant plus fortes que les deux partis politiques de Nevis aspirent à réformer le régime politique. Fondé en 1970, le Parti réformiste de Nevis demande à Nevis depuis le tout début de quitter la Fédération, alors que le Mouvement des citoyens, créé en 1987, réclame des réformes constitutionnelles et l’autonomie accrue de Nevis. Le Mouvement des citoyens est présentement au pouvoir à Nevis et détient quatre des cinq sièges à l’Assemblée de Nevis. Le régime politique de Nevis se nourrit des différends (réels ou perçus2) avec Saint-Kitts, et aucun parti politique ne peut y connaître de succès sans faire un clin d’œil à l’idée de sécession de l’île. Il semble malheureusement régner une incompréhension fondamentale quant à ce qui est à l’origine de la poussée sécessionniste. Le gouvernement fédéral croit apparemment que cette propension à la séparation résulte d’un manque de communication, et qu’elle peut être résorbée en améliorant les moyens de communication et en procédant à des réformes pragmatiques de la Constitution, y compris des institutions, des budgets et du mode de gouvernance. À Nevis cependant, la poussée sécessionniste s’articule autour des concepts d’identité et de fierté, des valeurs qui, à la différence des notions d’institution et de responsabilité, se prêtent mal à la négociation et au compromis. Deux événements fort importants en relation avec la sécession sont survenus récemment. Le premier événement a culminé en un référendum sur la sécession en 1998. Le tout a débuté le 23 octobre 1997 quand tous les membres de l’Assemblée de Nevis (gouvernement et opposition) ont voté en faveur d’une loi réclamant la séparation de Saint-Kitts. Toutes les règles décrites à l’article 113 de la Constitution

2 Consulter le Mouvement des citoyens, «Nevis : Queen of the Caribees. The Way Forward for the Island of Nevis», gouvernement de Nevis, septembre 1996, sur Internet : http ://nevisisland.users.btopenworld.com/nevis.htm. La section «Conflict with the Federal Government» cite le manque d’aide financière, plusieurs décisions judiciaires et des objections aux lois présentées au Parlement fédéral qui furent considérées comme inconstitutionnelles et dommageables à l’économie de Nevis.

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ont été suivies, et, le 10 août 1998, un référendum s’est tenu à Nevis sur la question de la sécession. Bien qu’une majorité des voix se soit déclarée favorable à la sécession (61,7 pour cent), ce chiffre restait inférieur aux deux tiers requis pour qu’elle soit entérinée. (On notera toutefois que seulement 58 pour cent des électeurs inscrits de Nevis ont voté lors de ce référendum.) Depuis le référendum de 1998, le Parti travailliste au pouvoir a montré sa volonté d’établir de nouvelles ententes pour inciter Nevis à demeurer au sein de la Fédération. Le premier ministre Douglas et le premier ministre de Nevis, Vance Amory, tiennent maintenant des rencontres régulières pour trouver des moyens d’améliorer les relations entre le gouvernement de Nevis et le gouvernement national. De la même façon, le gouvernement fédéral a formé plusieurs comités et commissions afin d’étudier et, si possible, de résoudre la question de la sécession. Le plus récent de ces organismes, le comité parlementaire spécial sur la réforme de la Constitution, avait pour mandat d’examiner la possibilité d’engager des réformes constitutionnelles et d’organiser des consultations publiques. De mars à mai 2003, le comité a tenu des audiences où les partis politiques, les organisations non gouvernementales, les propriétaires d’entreprises et les citoyens ont présenté des exposés. Son rapport a été soumis à l’attention du Parlement en mai 2003. Les comités fédéraux et les rapports s’accompagnaient d’études effectuées pour l’Assemblée de Nevis sur l’accession à l’indépendance. Le Mouvement des citoyens a produit en 1996 un document définissant la vision d’un Nevis indépendant et indiquant que l’Assemblée de Nevis avait retenu les services d’un expert en matière constitutionnelle pour préparer un projet de constitution. À la fin des années 90, un document volumineux présentait un cadre institutionnel détaillé (y compris la structure et la composition du gouvernement, et les règles de citoyenneté) pour un Nevis souverain. Le deuxième chapitre d’importance de la saga sécessionniste s’est amorcé le 14 février 2003, quand le premier ministre Douglas a reçu une lettre du premier ministre Amory. Cette lettre a bien vite donné lieu à une réunion conjointe historique entre le gouvernement fédéral et l’Assemblée de Nevis. Tenue le 18 février 2003, cette rencontre a attiré tous les parlementaires fédéraux et tous les représentants de l’Assemblée de Nevis. Les deux partis politiques de Nevis, soit le Mouvement des citoyens (le parti au pouvoir) et le Parti réformiste de Nevis (le parti d’opposition), ont émis un communiqué faisant état de l’intention de l’Assemblée de Nevis de ne pas participer, à l’avenir, aux élections fédérales, et de réaliser rapidement l’«autonomie»

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complète de Nevis3. On s’est entendu pour embaucher deux experts constitutionnels indépendants qui devaient fournir des avis sur la marche à suivre. En mai 2003, le premier ministre Amory a annoncé la tenue d’un autre référendum sur la sécession. Le 23 juin 2003, une résolution réclamant l’autorisation de procéder en conformité avec l’article 113 de la Constitution pour réaliser l’indépendance de Nevis a été votée à l’unanimité par l’Assemblée de Nevis. En contrepartie, une motion s’opposant à la séparation de Nevis a été déposée en septembre à l’Assemblée nationale. La résolution reconnaissait que Nevis avait le droit constitutionnel de se séparer mais déclarait que de nouveaux liens constitutionnels fondés sur les recommandations de l’une des commissions constitutionnelles récentes constitueraient une solution préférable. Le premier ministre Douglas a proposé une table ronde pour la fin janvier 2004 afin d’examiner la question de la sécession. Néanmoins, un référendum sur la sécession aura probablement lieu au printemps de 2004. La Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis constitue l’exemple éloquent d’une tendance généralisée et paradoxale. Au moment même où Nevis menace de se séparer et de créer une entité politique encore plus petite, la Fédération coopère de plus en plus avec les autres îles de la région. Saint-Kitts-et-Nevis est membre de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), de l’Association des États des Caraïbes (AEC) et de l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECO). (À titre d’illustration de la taille des entités en cause, la population totale des pays de l’OECO réunis est de moins d’un million d’habitants4.) La coopération accrue entre les États des Caraïbes orientales témoigne d’une volonté de mettre en commun des ressources financières réduites, de coordonner et de rationaliser certains services publics, d’éviter une concurrence dommageable au plan économique et de faciliter le commerce et les déplacements entre les îles. Saint-Kitts-et-Nevis est aux prises avec des difficultés économiques propres à tous les petits États insulaires des Caraïbes. L’économie s’est toujours fondée sur l’industrie de la canne à sucre, mais la petite taille

3 Il règne une certaine confusion sur la portée du mot «autonomie» – par exemple, s’agit-il de deux États souverains, d’une union confédérale, ou est-il question d’une représentation accrue au sein de la Fédération actuelle? 4 Les membres de l’OECO sont Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les îles Vierges britanniques, la Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

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du pays empêche la culture à grande échelle et donc une concurrence efficace avec les pays d’Amérique latine et d’Amérique centrale. En outre, le coût de la main-d’œuvre est trop élevé, les îles trop éloignées des grands marchés principaux, et le marché intérieur trop modeste. Les ravages de plusieurs ouragans dévastateurs, jumelés à la baisse du tourisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 et à la guerre menée par les États-Unis en Irak, constituent des obstacles importants à une croissance économique soutenue. En outre, le fléau du VIH/sida qui affecte l’ensemble du pays a engendré, et continuera d’engendrer, des coûts économiques extraordinaires. De fait, la région des Caraïbes orientales affiche un très haut taux de transmission du VIH/sida, la région se classant au deuxième rang mondial, après l’Afrique subsaharienne. Le gouvernement a tenté de remédier aux difficultés économiques du pays en mettant l’accent sur le secteur des services, notamment les finances, le tourisme et les technologies de l’information. Nevis, en particulier, a tenté de se positionner comme un centre financier international. Bien que la nouvelle orientation de l’économie ait connu un certain succès, le produit intérieur brut (PIB) de Saint-Kitts-et-Nevis a diminué ces dernières années. Même si Saint-Kitts-et-Nevis se situe au 51e rang, selon le rapport de l’ONU sur le développement de 2003, ce qui place le pays en tête des États de l’OECO, il s’agit d’un recul par rapport à 2002, année où elle occupait le 44e rang. Par ailleurs, comme c’est le cas dans d’autres régions, l’économie du pays aura des répercussions importantes sur l’avenir de Saint-Kitts-et-Nevis en tant que fédération.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Constitutional Task Force, «Constitutional Reform for St. Kitts and Nevis : Some Issues for Consideration», Basseterre, Saint-Kitts-et-Nevis, 1999. Inniss, Sir Probyn, Whither Bound St. Kitts-Nevis, Antigua Printing & Publishing Ltd. Mouvement des citoyens (Concerned Citizens Movement), «Nevis : Queen of the Caribees. The Way Forward for the Island of Nevis», gouvernement de Nevis, septembre 1996, sur Internet : http :// nevisisland.users.btopenworld.com/nevis.htm. Premdas, Ralph R., «Self-Determination and Decentralisation in the Caribbean : Tobago and Nevis», Université des Indes occidentales, St. Augustine, Trinité-et-Tobago, juillet 2000, sur Internet : http :// www.uwichill.edu.bb/bnccde/sk&n/conference/papers/RRPremdas.html

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http ://www.stkittsnevis.net, gouvernement fédéral http ://www.georgetown.edu/pdba/Constitutions/Kitts/kitts.html, Constitution de Saint-Kitts-et-Nevis de 1983 http ://www.sknlabourparty.org/main, Parti travailliste de Saint-Kittset-Nevis http ://go.to/nevisisland, renseignements sur le mouvement indépendantiste et l’île de Nevis http ://www.dfait-maeci.gc.ca/latinamerica/saintkittsnevis-fr.asp, renseignements provenant du ministère des Affaires étrangères du Canada

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397 Saint-Kitts-et-Nevis Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Basseterre

Nombre et type d’unités constituantes

2 îles : Nevis et Saint-Kitts (Saint-Christophe)

Langue(s) officielle(s)

Anglais, créole

Superficie

261 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Saint-Kitts – 168 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Nevis – 93 km2

Population totale

46 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Saint-Kitts 75,8 %, Nevis 24,2 % (est. 2001)

Régime politique – fédéral

Monarchie constitutionnelle, régime parlementaire

Chef d’État – fédéral

Reine : Élisabeth II, représentée par le gouverneur général : Sir Cuthbert Montraville Sebastian (1996)

Chef de gouvernement – fédéral

Premier ministre : Denzil Llewellyn Douglas (depuis le 6 juillet 1995), Parti travailliste de Saint-Kitts-et-Nevis (St. Kitts and Nevis Labour Party). Le chef du parti majoritaire ou chef d’une coalition majoritaire est nommé au poste de premier ministre par le gouverneur général qui, sur recommandation du premier ministre, nomme également les membres du Cabinet.

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Assemblée nationale (National Assembly), 14 sièges. 3 membres (appelés sénateurs) sont nommés par le gouverneur général, 1 sur recommandation du chef de l’opposition et 2 sur recommandation du premier ministre. Les 11 autres membres (appelés représentants) sont élus au suffrage populaire dans des circonscriptions uninominales. Les membres exercent un mandat d’une durée de 5 ans. Les dernières élections ont eu lieu le 6 mars 2000. (Les prochaines élections auront lieu d’ici juillet 2005.)

Nombre de représentants au sein du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Saint-Kitts – 8

Nombre de représentants au sein du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée

Nevis – 3

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398 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Partage des compétences

Le gouvernement fédéral est responsable des questions nationales, notamment les affaires étrangères, la défense, et la planification et le développement nationaux. Nevis possède des compétences exclusives de légiférer (lois s’appliquant dans l’île) dans 23 domaines, dont l’agriculture, le tourisme, la planification et le développement économiques, le logement et le réseau routier. En cas de conflit entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Nevis, l’interprétation du gouvernement fédéral prévaut.

Compétences résiduelles

s.o.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Haute Cour (High Court)

Régime politique – unités constituantes

Nevis possède une assemblée législative monocamérale (Assemblée de Nevis, ou Nevis Island Assembly), formée de 5 membres élus au suffrage populaire. N.B. Saint-Kitts ne possède pas sa propre assemblée législative.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Premier ministre : Vance Amory. Membre élu de l’assemblée législative et chef du parti majoritaire. Élu pour un mandat d’une durée maximale de 5 ans.

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399 Saint-Kitts-et-Nevis Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

499 millions de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

10 847,8 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

224,9 millions de $ US (2002)

Dette infranationale

46,6 millions de $ US (gouvernement de Nevis, 2001)

Taux de chômage national

4,5 % (1997)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

s.o.

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

s.o.

Taux d’alphabétisation chez les adultes

97,8 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

2,9 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

70 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

s.o.

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

s.o.

Transferts fédéraux aux unités constituantes

s.o.

Mécanismes de péréquation

Les recettes fiscales fédérales sont partagées entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Nevis en fonction des populations respectives des deux îles, moins le coût des services partagés ou communs fournis à chaque île par le gouvernement fédéral.

Sources Australie (Gouvernement de l’), ministère des Affaires étrangères et du Commerce, «Country Information : St. Kitts and Nevis», sur Internet : http ://www.dfat.gov.au/ geo/stkitts_nevis/index.html Banque de développement des Caraïbes, «Social and Economic Indicators : Borrowing Member Countries», vol. XIII, 2002, sur Internet : http ://www.caribank.org/ Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Communauté des Caraïbes (CARICOM), Bureau du Secrétariat, «Statistical Review : St. Kitts and Nevis», 2002, sur Internet : http ://www.caricomstats.org/statsreview.htm Constitution of St. Kitts and Nevis, 1983, Université Georgetown, sur Internet : http :// www.georgetown.edu/pdba/Constitutions/Kitts/stkitts-nevis.html Organisation des États des Caraïbes occidentales (OECS), «Island Information : St. Kitts and Nevis», sur Internet : http ://www.oecs.org

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400 Guide des pays fédéraux, 2005 Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Saint Kitts and Nevis, sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_KNA.html Saint-Kitts-et-Nevis (Gouvernement de), «St. Kitts and Nevis : 2003 Budget», sur Internet : http ://www.stkittsnevis.net/budget.html Saint-Kitts-et-Nevis (Gouvernement de), «General Information», sur Internet : http :// www.stkittsnevis.net/information.html

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Serbie-et-Monténégro (Union d’États de Serbie-et-Monténégro*) MIHAILO CRNOBRNJA

1 histoire et évolution du fédéralisme Même si la République fédérale de Yougoslavie n’est pas un pays «ancien» au sens strict, elle n’en revendique pas moins une histoire tumultueuse. Le pays a survécu à une longue domination étrangère, et a connu, en moins de 75 ans, quatre constitutions et deux séries de révisions constitutionnelles importantes. Le pays appelé Yougoslavie a changé de nom et de taille, et a modifié le nombre de ses entités fédérées. Il fut même rayé de la carte lors de la Deuxième Guerre mondiale. Depuis le milieu du XVe siècle jusqu’à la chute de l’Empire austrohongrois après la Première Guerre mondiale, les populations de cette région ont été soumises à des dominations étrangères. L’Autriche gouvernait la Slovénie, la Hongrie régnait sur la Croatie; Venise dominait certaines régions côtières du territoire qui constitue aujourd’hui la Croatie. Quant à la Serbie (qui comprenait les territoires actuels de la Macédoine et du Monténégro) et à la Bosnie, elles étaient sous l’autorité de l’Empire ottoman. Au congrès de Berlin de 1878, à la suite de la guerre opposant la Serbie, le Monténégro et la Russie à la Turquie, la Serbie obtint son indépendance de l’Empire ottoman; l’indépendance

* La République fédérale de Yougoslavie est devenue l’Union d’États de Serbie-et-Monténégro le 4 février 2003, quand l’ancien Parlement fédéral a entériné une nouvelle «Charte constitutionnelle» rebaptisant le pays.

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403 Serbie-et-Monténégro

du Monténégro fut également reconnue. Lorsque la guerre éclata en 1914, le Monténégro se rangea aux côtés de la Serbie, et en novembre 1918, une Assemblée nationale vota en faveur de l’union avec la Serbie. La Yougoslavie se constitua comme pays à la fin de la Première Guerre mondiale. Le 1er décembre 1918, la Bosnie, la Croatie et la Slovénie (ces deux dernières faisaient antérieurement partie de l’Empire austro-hongrois qui s’écroula en 1918) décidèrent de se joindre à la Serbie, au Monténégro et à la Macédoine pour former un nouveau pays multiethnique. À l’origine, le pays s’appelait le «royaume des Serbes, Croates et Slovènes», mais le roi Alexandre lui attribua le nom de Yougoslavie en 1929. La «première Yougoslavie» était une monarchie constitutionnelle dotée d’un Parlement sous l’autorité souveraine de la dynastie serbe des Karadjordjevic. Quoique multiethnique et formé de régions ethniques affichant toutes une histoire propre, le pays était centralisé. Mais le fait que les régions et groupes ethniques ne disposaient d’aucune autonomie au plan des affaires politiques ou culturelles allait donner lieu à de graves dissensions, notamment parmi les Serbes et les Croates. La Deuxième Guerre mondiale provoqua le morcellement de la Yougoslavie; une partie du territoire fut annexée à l’Allemagne, la côte revint à l’Italie, la majeure partie de la Macédoine se greffa à la Bulgarie, le Kosovo fut donné à l’Albanie (alors un État fantoche italien), alors que des parcelles du Nord tombèrent sous l’emprise des Hongrois. Deux États «indépendants» furent créés, la Croatie et la Serbie, mais ils étaient en réalité dominés par les forces allemandes d’occupation. Pendant la guerre, on vit émerger deux grands mouvements de résistance. Les membres d’un de ces groupes, les tchetniks, étaient des royalistes qui luttaient en faveur de la restauration de la monarchie et du retour de la «première Yougoslavie»; ils n’étaient actifs que dans les régions serbes. Les membres de l’autre groupe, les partisans (sous l’égide du maréchal Josip Broz, dit Tito), étaient actifs dans tous les territoires ayant fait partie de la Yougoslavie, et luttaient pour établir une Yougoslavie nouvelle et différente. Reconnaissant que le type d’État antérieur fortement centralisé ne correspondait pas à la diversité de ses composantes ethniques, le mouvement des partisans, dès 1943, fit connaître son objectif d’instaurer la future Yougoslavie en État fédéral. La reconnaissance internationale accordée au mouvement des partisans renforça sa position dans le pays. Grâce à une aide minime des Alliés, les partisans libérèrent tous les territoires de l’ancienne Yougoslavie et créèrent la nouvelle «deuxième Yougoslavie». Le 26 novembre 1945, on assista à la naissance de la République populaire fédérative de Yougoslavie, et la Constitution de 1946 en fit un État fédéral. La nouvelle Yougoslavie fédérale regroupait six républiques :

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la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie. En Serbie, on créa deux provinces autonomes reconnaissant les fortes minorités qui s’y étaient établies (les Hongrois en Voïvodine, et les Albanais au Kosovo). Quoique théoriquement une fédération, la Yougoslavie était en réalité un État fortement centralisé. Le cœur du mouvement partisan étant constitué de communistes, nul ne fut surpris de voir le régime politique se transformer en une réplique de celui de l’Union soviétique. Même si chacune des six républiques possédait sa Constitution, son Assemblée, son drapeau et divers autres symboles de souveraineté, la grande majorité des décisions politiques se prenaient au Comité central et au Politburo du Parti communiste yougoslave. En revanche, on notait une grande autonomie culturelle et linguistique, une nette amélioration par rapport à la situation d’avant-guerre. En 1948, la Yougoslavie était exclue du Bloc soviétique en raison de son trop grand esprit d’indépendance. Dès lors, l’histoire de l’État yougoslave allait s’orienter vers la démocratisation graduelle et la décentralisation du pouvoir central vers les républiques fédérales. Une nouvelle Constitution vit le jour en 1963. Outre le changement de nom et la proclamation de la République socialiste fédérative de Yougoslavie pour souligner l’essence même de l’idéologie politique, la nouvelle Constitution accordait un pouvoir décisionnel considérable aux républiques. De fait, les républiques devenaient les premières responsables en matière d’éducation, de santé et de politique sociale. Le système judiciaire et l’application de la loi furent également modifiés pour accroître le pouvoir des républiques et alléger les responsabilités de l’État fédéral. La Constitution de 1974 changea encore une fois la structure de l’État et renforça les prérogatives des républiques. Après la mort de Tito, les fonctions de chef de l’État seraient exercées collégialement, et la présidence assumée à tour de rôle pendant un an. Sous le règne de Tito et jusqu’à sa mort en 1980, ce corps collégial existait de façon symbolique, mais par la suite, ses pouvoirs s’affirmèrent. Même si la Constitution de 1974 accordait aux républiques le droit de sécession, les procédures à suivre pour exercer ce droit n’étaient pas précisées. Cette situation donna lieu à de grands débats lors de la dissolution du pays en 1991–1992. Les républiques se dotèrent également de structures militaires, d’une sorte de garde nationale et d’autres éléments qui venaient gonfler les rangs de l’armée permanente yougoslave. Enfin, les républiques obtinrent le droit d’entretenir des relations internationales limitées et se dotèrent toutes de ministères des Affaires étrangères.

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405 Serbie-et-Monténégro

L’aspect le plus controversé de la Constitution de 1974 n’en demeurait pas moins le traitement réservé aux provinces autonomes de Serbie. Le Kosovo et la Voïvodine, quoique toujours considérés comme membres officiels de la Serbie, étaient en même temps des entités fédérales ayant une représentation directe au niveau fédéral. À ce titre, ils étaient traités presque sur le même pied que la Serbie, l’une des républiques de la fédération. La seule différence tenait au nombre de représentants que la Serbie et la Voïvodine/Kosovo déléguaient respectivement aux deux chambres du Parlement fédéral. Même si cette situation déplaisait fortement aux Serbes, ces derniers ne pouvaient rien tenter du vivant de Tito. Mais après sa mort, les tensions engendrées par cet élément irritant de nature constitutionnelle allaient exacerber le nationalisme serbe et favoriser l’arrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic. Le laps de temps écoulé entre la mort de Tito et la disparition définitive de la «deuxième Yougoslavie» en 1992 a été marqué par l’atrophie graduelle de la fédération, et son fonctionnement de plus en plus chaotique en faisait une proie facile pour les dirigeants ambitieux des républiques. Depuis 1987, la montée du nationalisme ethnique a rendu le débat sur l’avenir de la Yougoslavie encore plus passionné et enflammé, chaque groupe ethnique clamant son insatisfaction face à la situation et prétendant qu’un autre groupe ethnique (ou plusieurs autres groupes) bénéficiait d’un traitement préférentiel. Alors que le règne de Tito s’inscrivait sous la bannière de politiques inclusives favorisant les forces centripètes, les nouvelles élites des républiques privilégièrent, après sa mort, des politiques exclusives, véritables sources de discorde et fortement centrifuges. Puisque la Constitution ne prévoyait pas clairement les procédures de dissolution de la fédération, chaque partie interprétait le processus de la manière qui lui convenait le mieux. La conclusion d’un accord s’avérant impossible, les républiques quittèrent la Yougoslavie à la suite de décisions unilatérales. La Slovénie et la Croatie furent les premières à partir, suivies de la Macédoine et, enfin, de la BosnieHerzégovine. En Slovénie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, les déclarations unilatérales d’indépendance donnèrent lieu à des guerres. Seule la Macédoine quitta la fédération pacifiquement. Les Serbes tentèrent d’abord de sauver le pays par la force militaire en Slovénie. Après leur échec, ils cherchèrent à créer une grande Serbie qui comprendrait les territoires de Croatie et de Bosnie habités par les Serbes. Leurs démarches conduirent à de sanglantes guerres ethniques qui allaient durer près de quatre ans. La République socialiste fédérative de Yougoslavie est morte de mort lente. Nul ne sait vraiment à quel moment précis l’ancien pays a

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cessé d’exister. Chose certaine, la nouvelle République fédérale de Yougoslavie, même amputée, a vu le jour le 27 avril 1992, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. La fédération de la République fédérale de Yougoslavie réunissait la république du Monténégro et la république de Serbie, soit les deux républiques de l’ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie au plus vaste dénominateur commun. On notait très peu de disparités culturelles, religieuses et ethniques entre les habitants de ces deux républiques, les deux regroupant des populations de même ethnie. Le territoire de la Serbie est six fois plus grand, 16 fois plus peuplé et près de 20 fois plus prospère au plan économique. Malgré un tel écart, cet État plutôt singulier ne connut aucun problème durant cinq ans, non pas tant à cause de son modèle constitutionnel que de la volonté politique d’un seul homme : Slobodan Milosevic. À cette époque, Milosevic était président de la Serbie, mais il dirigeait également la fédération par ses mandataires, et cela, avec le consentement du Monténégro. Au début de 1997, le Monténégro connut un changement de pouvoir. Milo Djukanovic, d’esprit plus indépendant, remplaça un fidèle partisan de Milosevic. Djukanovic privilégia au Monténégro une politique d’éloignement de la Serbie de Milosevic, son partenaire fédéral. À l’été de 1997, Slobodan Milosevic devint président de la République fédérale de Yougoslavie. Il choisit alors comme premier ministre un dirigeant politique issu de l’opposition au Monténégro plutôt qu’un politicien associé à la coalition dirigeante de Djukanovic. De fait, ce choix de partenaire reflétait plus son sens de la loyauté que l’esprit et la lettre de la Constitution. Il s’ensuivit que la politique de distanciation du Monténégro par rapport à la Serbie prit de l’ampleur. La fédération fut déclarée illégale et illégitime; au Monténégro, on ignora les lois et les politiques fédérales, à la convenance de Djukanovic. L’Occident soutint largement une telle dynamique politique au Monténégro. Il offrit même une aide morale, politique et financière, une approche perçue comme irritante au plus haut degré par le régime autoritaire de Milosevic en même temps qu’une tête de pont pour le développement de la démocratie en République fédérale de Yougoslavie. Au début, le Monténégro maintenait sa volonté de rester un partenaire fédéral tout en prétendant que Milosevic lui «mettait des bâtons dans les roues», en raison de son régime autoritaire et oppressif qui niait l’existence officielle du Monténégro. Mais en prenant ses distances des politiques de Milosevic, le Monténégro s’éloigna de la fédération. En 2000 par exemple, le Monténégro a remplacé le dinar yougoslave par le mark allemand comme monnaie courante, ce qui représentait une violation flagrante de la Constitution fédérale.

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407 Serbie-et-Monténégro

Quand le régime Milosevic prit fin en octobre 2000, l’élan en faveur de l’indépendance du Monténégro ne ralentit pas pour autant. Le nouveau président démocratiquement élu de la République fédérale de Yougoslavie et le gouvernement démocratiquement élu de la Serbie proposèrent aussitôt des modifications à la Constitution existante, ou l’ébauche d’une nouvelle Constitution à partir des principes fédéraux. Le Monténégro déclina l’offre. C’est alors que l’Union européenne entra en scène. Redoutant les conséquences d’une éventuelle «balkanisation», l’Union européenne utilisa la technique de «la carotte et du bâton» afin d’éviter la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie. Les États-Unis soutinrent la position de l’Union européenne, qui souhaitait l’union de la Serbie et du Monténégro en un État quelconque, une proposition que le Monténégro, partenaire récalcitrant, finit par accepter. En mars 2002, les représentants de la Serbie, du Monténégro, de la République fédérale de Yougoslavie et de l’Union européenne signèrent l’accord de Belgrade, un accord sur les principes des relations de la Serbie et du Monténégro; document politique typique, il visait à définir les fondements de la Charte constitutionnelle du nouvel État. Plusieurs de ces principes étaient si peu précis que chaque partie pouvait prétendre à une lecture authentique de «l’esprit et la lettre» de l’accord. Alors que l’accord prévoyait que la Charte constitutionnelle serait rédigée en trois mois, le travail se poursuivit pendant près d’un an. Enfin, le 4 février 2003, l’adoption de la Charte constitutionnelle sonnait le glas de la troisième incarnation de la Yougoslavie. Le nouvel État de Serbie-et-Monténégro était né.

2 dispositions constitutionnelles1 L’Union d’États de Serbie-et-Monténégro ne possède pas de constitution proprement dite; elle s’est dotée d’une Charte constitutionnelle. Elle ne dispose ni d’actifs ni de recettes fiscales propres. Les institutions communes se définissent comme des mécanismes de coordination politique plutôt que des institutions d’État. Seules la défense et la politique étrangère relèvent intégralement de l’Union, tandis que les autres champs d’activités sont du ressort exclusif des deux États membres.

1 Dans l’édition de 2002, cette section s’intitulait «Dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme». Puisque les dispositions actuelles ne sont pas explicites en ce qui concerne les éléments du fédéralisme, nous avons supprimé la seconde partie du titre.

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408 Guide des pays fédéraux, 2005

L’article 60 de la Charte constitutionnelle est sans doute le plus particulier, puisqu’il permet à chaque république d’organiser un référendum sur l’indépendance trois ans après l’entrée en vigueur de la Charte. Cette clause autodestructrice constitue, avec son échéance de trois ans, une véritable «bombe à retardement». L’instance qui optera pour l’indépendance perdra la reconnaissance internationale, qui ira, par défaut, à celle qui s’y sera opposée. Cet article unique en son genre stipule également que, si jamais le Monténégro se sépare, les accords internationaux sur le Kosovo (résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies) relèveront du futur État de Serbie. L’article 2 stipule que l’Union d’États est basée sur l’égalité entière entre les deux États qui ont décidé, de leur libre arbitre, d’adhérer à l’Union. L’article 3 énonce les raisons et les buts de l’Union dont : • •







le respect des droits de la personne; le maintien et l’avancement de la dignité humaine, de l’égalité et de la justice; l’intégration aux structures européennes, notamment à l’Union européenne; la création d’une économie de marché fondée sur la libre entreprise, la concurrence et la justice sociale; le fonctionnement continu d’un marché commun grâce à la coordination et à l’harmonisation des systèmes disparates en vigueur dans les deux États membres, ainsi qu’à la concertation des règles et normes de l’Union européenne.

L’article 14 stipule que seule l’Union d’États relève des lois internationales et peut adhérer aux organismes internationaux. L’article 18 stipule que l’Union d’États n’a pas de recettes autonomes, puisque ce sont les contributions des deux membres qui assurent son financement. Les articles 19 à 25 définissent l’Assemblée du nouvel État comme un Parlement monocaméral de 126 membres dont 91 proviennent de Serbie, et 35 du Monténégro. Une disposition originale prévoit que les membres du Parlement de l’Union d’États sont choisis indirectement (par les assemblées respectives des États membres) pour les deux premières années du mandat, après quoi ils seront élus au suffrage direct populaire. Le Parlement ne jouit que de compétences très limitées et s’occupe surtout de la politique extérieure de l’Union d’États. Les articles 26 à 32 définissent les responsabilités du président de la Serbie-et-Monténégro, qui sont surtout protocolaires. Notons que

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le président est également président du Conseil des ministres et donc, en quelque sorte, premier ministre. Les articles 33 à 45 établissent les compétences du Conseil des ministres. Le Conseil se compose essentiellement de six membres, et il coordonne le fonctionnement des cinq ministères qui existent au niveau de l’Union d’États, ainsi que l’application de politiques sur lesquelles les deux États membres se sont mis d’accord au préalable. Le président et deux ministres proviennent d’un État membre, alors que les trois autres ministres viennent de l’autre État. Le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense ne peuvent relever du même État, et leurs sous-ministres sont recrutés dans l’autre État. Deux ans plus tard, ministres et sous-ministres changent de place. Quant à la représentation à l’étranger, elle se fait sur une base paritaire, puisque chaque État nomme la moitié des ambassadeurs. Le ministre des Relations économiques internes veille au fonctionnement du marché intérieur; celui des Relations économiques externes coordonne la représentation au sein des organismes internationaux, l’intégration à l’Union européenne et le commerce extérieur. Il n’y a toutefois aucune harmonisation en ce qui concerne les lois douanières, l’union douanière ou le tarif douanier. Les articles 46 à 50 établissent les prérogatives de la Cour suprême de l’Union d’États. Elle ne dispose pas d’autorité fondamentale; elle n’exerce pas de fonctions indépendantes, et ne fait que coordonner l’appareil judiciaire des deux États. La Cour suprême siège à Podgorica, la capitale du Monténégro. Toutes les autres institutions du nouvel État ont leur siège à Belgrade.

3 dynamique po lit iqu e récen te Deux événements sont à l’origine de l’aménagement vague de l’Union d’États et des difficultés qui entourèrent la naissance de cette «structure squelettique». D’une part, lors de la période de 1997 à 2002, les systèmes économique et judiciaire jadis unis de la Yougoslavie se sont scindés en deux systèmes très différents et nettement incompatibles. Pour couronner le tout, le Monténégro a adopté une autre monnaie en tant que devise légale. Il est évident qu’il serait laborieux de remettre en place les deux systèmes précédents. Même la création d’un dénominateur commun minimal, comme le réclame l’Union européenne, s’avère difficile, compte tenu du peu d’intérêts communs des deux parties. D’autre part, on n’observe aucun désir politique profond, surtout au Monténégro, de consolider la nouvelle Union d’États et de raffermir son autorité. Cette répugnance se répand lentement mais

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sûrement à l’échelle de la Serbie. Même si elle n’alimente pas encore un courant politique fort, la perspective que la «Serbie se gouverne seule» gagne en popularité chaque jour. Toutefois, sous la forte pression de l’Union européenne qu’adoucit la perspective de l’intégration de la Serbie-et-Montrénégro à l’Europe, les deux républiques ont consacré une année entière à produire ensemble un plan d’action pour l’harmonisation des deux systèmes économiques. Promulgué loi en août 2003, ce plan vise à établir en Serbie-et-Monténégro, en deçà de trois ans, un marché commun suffisant pour signer un accord d’association avec l’Union européenne. Les deux États auront-ils la sagesse d’examiner à long terme leur avenir commun plutôt que de mesurer à court terme leurs intérêts politiques? L’Union européenne décidera-t-elle que la création d’un avenir commun dans les Balkans, une région proverbialement instable, est suffisamment importante pour justifier la poursuite des pressions engagées et l’offre de soutien politique et d’aide financière? À l’heure actuelle, ces questions fondamentales demeurent sans réponse. Nul débat sur la Yougoslavie, désormais la Serbie-et-Monténégro, ne serait complet sans évoquer le statut du Kosovo au sein de la fédération. Depuis 1999, le Kosovo, jadis une «région autonome» dans le giron de la Serbie, est devenu de facto un protectorat international, sous la férule de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). En 2001, il y a eu des élections pour élire le Parlement local et le président du Kosovo, renforçant le désir d’autonomie dans la région. Le statut définitif du Kosovo, avec ou sans la Yougoslavie et la Serbie, est loin d’être réglé. La résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies stipule qu’il faut chercher une solution à l’intérieur même du cadre yougoslave. Jusqu’ici, la communauté internationale s’en est tenue à l’esprit et à la lettre de la résolution, craignant une nouvelle vague de désintégration dans les Balkans, si jamais le Kosovo accédait à l’indépendance. Il va de soi que les Serbes favorisent l’idée d’un «Kosovo à l’intérieur de la Serbie», alors que les Albanais du Kosovo sont farouchement opposés à l’idée de retomber sous le joug de la Serbie. Pour freiner les revendications croissantes des Albanais du Kosovo en faveur de l’indépendance, les administrateurs de l’ONU au Kosovo ont mis au point la stratégie «des normes avant le statut». En d’autres termes, on n’entamera les pourparlers fixant le statut définitif du Kosovo que lorsque les droits de la personne, la suprématie du droit et diverses autres normes de la vie courante seront respectés au Kosovo. Il existe un écart considérable entre la position des Albanais du Kosovo et celle du gouvernement de Serbie; il faudra encore beaucoup de temps et de travail ardu sur le terrain pour trouver une solution convenable.

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4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Crnobrnja, Mihailo, The Yugoslav Drama, 2e éd., Montréal, McGillQueen’s University Press, 1997. Lampe, John, Yugoslavia as History, New York, Cambridge University Press, 1996. Ramet, Sabrina Petra, Nationalism and Federalism in Yugoslavia, 2e éd., Bloomington, Indiana, Indiana University Press, 1992. http ://lcweb2.loc.gov/frd/cs/yutoc.html, renseignements provenant de la bibliothèque du Congrès américain http ://www.gov.yu, gouvernement de la Serbie-et-Monténégro http ://www.einnews.com/serbiamontenegro/, bulletin de nouvelles sur la Serbie-et-Monténégro. http ://www.ssees.ac.uk/, École d’études slaves et de l’Europe de l’Est, University College, Londres http ://www.icg.org, International Crisis Group http ://www.balkans.eu.org, bulletin de nouvelles sur la région des Balkans http ://wwww.ceri-sciences-po.org/publica/critique/article/ci16p85115.pdf, présentation du Rapport de suivi de la Commission internationale indépendante sur le Kosovo

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412 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Belgrade

Nombre et type d’unités constituantes

2 républiques : Monténégro, Serbie 2 régions autonomes en Serbie : Kosovo1 (Kosovo-Metohija), Voïvodine

Langue(s) officielle(s)

Serbe

Superficie

102 173 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Serbie – 88 361 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Monténégro – 13 812 km2

Population totale

8 300 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Serbie 94 %, Monténégro 6 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président de l’Union : Svetozar Marovic (2003). Élu par le Parlement pour un mandat d’une durée de 4 ans. Les prochaines élections auront lieu en 2007. Le président et le président du Parlement ne peuvent provenir du même État membre.

Chef de gouvernement – fédéral

Président de l’Union. Le président préside le Conseil des ministres (Cabinet), qui est composé de 5 ministères.

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral – Parlement de Serbie-et-Monténégro, 126 membres élus le 25 février 2003. Durant les deux premières années après l’adoption de la Charte constitutionnelle en 2003, les membres seront élus au suffrage indirect par les assemblées des États membres proportionnellement à leur population respective. Après cette période, les membres seront élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans.

Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Serbie – 91

Nombre de représentants à la Monténégro – 35 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Répartition des représentants Il n’y a pas de Chambre haute. à la Chambre haute du gouvernement fédéral

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413 Serbie-et-Monténégro Tableau I (suite) Partage des compétences

Depuis 2003, lors de la création de l’Union d’États de Serbie-et-Monténégro, les compétences du gouvernement fédéral se limitent en pratique aux affaires étrangères, à l’adhésion à des organismes internationaux, à l’immigration, à la défense et aux droits de la personne. Les républiques sont responsables de toutes les autres compétences.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des républiques.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Cour de Serbie-et-Monténégro. Les juges des deux États membres sont représentés de manière égale à la Cour. Ils sont proposés par le Conseil des ministres, et élus par le Parlement pour un mandat d’une durée de 6 ans.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral : Assemblée nationale de la république de Serbie, 250 membres. Élus au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans. L’Assemblée élit le gouverneur et le président de la république. Assemblée de la république du Monténégro, 74 membres actuellement. Les membres du Parlement sont élus au suffrage direct.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Président

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414 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

37,3 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

4 500 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

11,8 milliards de $ US (2002)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

24,7 % (2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Monténégro – 38,9 % (est. 2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Serbie – 33,4 % (2002)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

98 % (2001)2

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

4,1 % (1998–2000)

Espérance de vie (années)

72,9 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

739,1 millions de $ US (2001)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

Monténégro – 364,2 millions de $ US (2002) Serbie – 7,9 milliards de $ US (2002)

Transferts fédéraux aux unités constituantes

s.o.

Mécanismes de péréquation

Les compétences fiscales du gouvernement fédéral sont limitées. Ses finances proviennent des 2 États membres (en vertu de l’article 18 de la Charte constitutionnelle).

Sources Banque mondiale, «Serbia and Montenegro : Public Expenditure and Institutional Review.», février 2003, et «Federal Republic of Yugoslavia : Country Financial Accountability Assessment», décembre 2002, sur Internet : http :// lnweb18.worldbank.org/eca/eca.nsf Banque nationale de la Serbie, Annual Report 2002 : Macroeconomic Developments, sur Internet : http ://www.nbs.yu/english/publications/ar_2002/ macroeconomic %20developments.pdf Constitutional Charter of the State Union of Serbia and Montenegro, Université Carleton, mars 2003, sur Internet : http ://www.carleton.ca/cfsee/cons.pdf Fonds monétaire international (FMI), «IMF Country Report : Serbia and Montenegro», juin 2003, sur Internet : http ://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/ cr03151.pdf Gligorov, Vladimir, Mario Holzner et Michael Landesman, «Prospects for Further (South-)Eastern EU Enlargement : from Divergence to Convergence?», Institut de

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415 Serbie-et-Monténégro Vienne pour l’étude économique internationale (Vienna Institute for International Economic Studies), juin 2003, sur Internet : http ://www.wiiw.ac.at/pdf/ RR296_press.pdf Kokkalis Program on Southern and Eastern-Central Europe : Serbia and Montenegro, John F. Kennedy School of Government, Université Harvard, sur Internet : http :// www.ksg.harvard.edu/kokkalis/region_serbiamontenegro.html Monténégro (Gouvernement du), «Monthly Macroeconomic Report.», décembre 2002 et janvier 2003, sur Internet : http ://users.skynet.be/cedesguin/MofCG/English/ Macro/Reports/MacroReportDec2002Jan2003.htm Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Stability Pact : Review of Regulatory Governance in South-East Europe», mai 2003, sur Internet : http ://www.investmentcompact.org/pdf/RegRefReview.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Human Development Indicators 2003. Serbia and Montenegro, sur Internet : http ://www.undp.org/hdr2003/ indicator/cty_f_YUG.html Serbie (Gouvernement de la), «Assembly», sur Internet : http ://www.serbia.sr.gov.yu/ Serbie-et-Monténégro (Gouvernement de), «Serbia and Montenegro : Identity Card», sur Internet : http ://www.gov.yu/start.php?je=e&id=6 Serbie-et-Monténégro (Gouvernement de), Bureau des statistiques, Statistical Pocket Book, 2003, sur Internet : http ://www.szs.sv.gov.yu/StatKal3/Komplet.pdf Serbie-et-Monténégro (Gouvernement de), ministère des Affaires étrangères, «About Serbia and Montenegro», sur Internet : http ://www.mfa.gov.yu/YugFrameset.htm Notes 1 Le Kosovo est actuellement placé sous administration internationale civile et militaire intérimaire. 2 15 ans et plus

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Suisse (Confédération suisse ) T H O M A S S TA U F F E R , NICOLE TÖPPERWIEN ET URS THALMANN-TORRES

1 histoire et évolution du fédéralisme Pays du centre de l’Europe, la Suisse compte environ 7,2 millions d’habitants. Elle a pour voisins l’Allemagne, l’Autriche, le Liechtenstein, l’Italie et la France. Fédérée depuis 1848, ses institutions fédérales l’habilitent politiquement à tenir compte de la diversité. Au cours de son histoire, ses 26 cantons et quelque 3 000 communes ont développé des traditions et des cultures propres, de sorte que le pays affiche toujours une grande diversité culturelle, cantonale et communale. La Suisse en tant que pays n’a pas tenté d’homogénéiser sa population, et elle ne s’est pas non plus divisée selon la langue, la religion ou la culture, bien que certains cantons l’aient fait. L’histoire de la Suisse débuta officiellement en 1291. Cette annéelà, trois cantons (que l’on désignait alors du nom d’Orte) conclurent un traité et formèrent une union de défense commune jumelée à un régime d’arbitrage des conflits entre cantons. L’union visait à empêcher la domination de l’extérieur et à garantir l’équilibre des pouvoirs entre les cantons membres. D’autres cantons s’y joignirent par de nouveaux traités, si bien qu’une fédération fondée sur un ensemble de traités se développa. La confédération devait faciliter la collaboration nécessaire pour défendre l’indépendance de la Suisse, tout en sauvegardant la souveraineté des cantons. À la fin du XVIIIe siècle, la modernisation des pays voisins conjuguée aux idées de la Révolution française déclenchèrent en Suisse des

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revendications de centralisation et de modernisation. En 1798, des militaires français menés par Napoléon envahirent le pays et y créèrent un État centralisé modelé sur l’exemple français. Les cantons furent transformés en unités égales mais purement administratives. Centralisée, toutefois, la Suisse se révéla vite un État ingouvernable; Napoléon remit en place le système cantonal et introduisit un régime fédéral. Après la défaite de Napoléon, la Suisse choisit à nouveau un mode de confédération peu structuré. Le congrès de Vienne (1815) reconnut ses frontières et sa neutralité. Alors que de nombreux cantons protestants adoptèrent des gouvernements progressistes républicains, dans d’autres cantons, à prédominance catholique, les vieilles familles influentes rétablirent des structures de pouvoir conservatrices. Les cantons progressistes exercèrent des pressions pour démocratiser et centraliser l’union. Pour limiter les pressions des cantons progressistes (surtout protestants), les cantons conservateurs (surtout catholiques) formèrent une union secrète (Sonderbund) qui violait le traité de confédération. Quand l’union fut dévoilée et que les cantons catholiques refusèrent de la dissoudre, les cantons protestants eurent recours à la force. L’année 1847 est inscrite dans l’histoire de la Suisse comme celle d’une guerre civile qui s’acheva avec la défaite des cantons catholiques. En 1848, le peuple et les cantons de la Suisse adoptèrent une constitution fédérale, compromis pragmatique entre vainqueurs et vaincus de la guerre civile. Centralisatrice dans une certaine mesure, la Constitution garantissait aussi le respect de la diversité cantonale par son agencement des institutions et les limites qu’elle imposait aux compétences du gouvernement central. Le pragmatisme de la Constitution se retrouve dans le nom officiel de la Suisse : on en conserva la version latine «Confoederatio Helvetica» (CH) pour ne pas ouvrir de débat sur le sujet. Pour cette raison, et bien que fédération, la Suisse est souvent appelée «confédération». Avec la Constitution de 1848, la Suisse franchit un pas important vers la modernité. Elle devint un pays fédéral fondé sur le partage du pouvoir et l’autonomie garantis par la Constitution. La modernisation ne visait pas à homogénéiser la population mais plutôt à créer une nation suisse en conservant la diversité qui y existait déjà. En conjuguant partage du pouvoir et autonomie, le pays a pu maintenir sa diversité dans l’unité. Même si, au fil des ans, les institutions et l’organisation politique continuèrent à se développer, et malgré deux refontes complètes de la Constitution (en 1874 et en 1999), le dessein est demeuré, pour l’ensemble, le même. La Constitution fédérale a jeté les bases de la cohabitation pacifique entre différents groupes culturels, linguistiques et religieux.

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2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e La Suisse est une fédération de 26 cantons (article 1). Suite de la scission historique de trois cantons avant la fondation de la fédération en 1848, six sont dits «demi-cantons». Ceux-ci jouissent presque du même statut que les vingt autres (article 3) mais n’ont qu’une demireprésentation dans les mécanismes formels de partage du pouvoir. Ils n’ont donc qu’un représentant, non deux, au Conseil des États (article 150) et qu’une demi-voix cantonale quand il faut la majorité des cantons pour un référendum fédéral (article 142). Selon la Constitution fédérale suisse de 1999, de même que dans les constitutions antérieures, les cantons sont «souverains» dans la mesure où leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution (article 3) : ceci signifie qu’ils jouissent d’autonomie gouvernementale sur leur territoire. Le gouvernement central est tenu de respecter cette souveraineté qui, toutefois, n’est pas absolue : la Constitution lui impose des limites de diverses façons, par exemple en garantissant les droits fondamentaux de toute personne vivant en Suisse (articles 7 à 36) et en prévoyant un mécanisme de révision constitutionnelle par le Tribunal fédéral suisse, qui surveille le respect des droits fondamentaux par les autorités cantonales. Les limites à la souveraineté des cantons surgissent encore plus clairement des compétences législatives et exécutives de la Confédération1. La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est organisée selon le régime des pouvoirs fédéraux énumérés. Les compétences fédérales doivent être citées dans la Constitution fédérale. Aucun problème n’échappe à la compétence à la fois de la Confédération et des cantons. Tout nouveau problème qui ne serait pas cité relèverait automatiquement du pouvoir des cantons (article 3). En théorie, donc, il ne peut jamais y avoir de vide dans la répartition des compétences. Il convient aussi de s’arrêter au pouvoir de répartir les compétences. Comme la révision de la Constitution est d’ordre fédéral (articles 192 à 195) et que la répartition des compétences dépend de la Constitution seule, il s’ensuit que la révision des pouvoirs est de compétence fédérale, balisée toutefois par le droit des cantons de partager le pouvoir. Ce pouvoir est toutefois limité par le rôle des cantons dans le processus fédéral de prise de décisions.

1 Dans cet article, le vocable «Confédération» se rapporte, la plupart du temps, au gouvernement central ou fédéral.

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Depuis la révision de 1999, la Constitution stipule expressément que la Confédération ne prendra à sa charge que les tâches exigeant une réglementation uniforme (article 42 (2)). Cette règle assujettit la Confédération au principe de la subsidiarité dans la répartition des compétences entre les cantons et le gouvernement central. En ce sens, la Confédération n’a juridiction que là où il faut une réglementation uniforme. Bien que la révision de la Constitution ait créé de nouvelles compétences fédérales, il reste un grand nombre de matières de juridiction cantonale. En voici quelques exemples très importants pour l’autonomie gouvernementale cantonale : •













Les constitutions des états. La rédaction de la constitution d’un état est une affaire cantonale. Les cantons définissent eux-mêmes leur régime politique. Les municipalités. Chaque canton octroie des compétences différentes à ses municipalités, mais une fois incluses dans la loi, ces compétences sont garanties et protégées par le Tribunal fédéral suisse tout comme le sont les droits fondamentaux des personnes. L’éducation. Par tradition, l’éducation est une question cantonale. Les cantons définissent pour une bonne part les programmes et nomment, embauchent ou élisent le personnel enseignant, etc. L’ordre public. En temps de paix, l’ordre public est par tradition une affaire cantonale. La culture. À quelques exceptions près, le soutien aux activités culturelles et la protection des biens culturels relèvent des cantons. Les infrastructures. La construction des rues et l’approvisionnement en eau et en électricité relèvent surtout des cantons. L’impôt direct. Les cantons prélèvent leurs propres impôts sur le revenu et en fixent les taux et les tranches d’imposition.

Le principe de subsidiarité joue aussi dans l’application de la loi. La Confédération n’exécute pas elle-même une grande partie des lois qu’elle adopte dans le cadre de ses compétences fédérales. Il incombe aux cantons de mettre en œuvre la majeure partie de la législation fédérale, ce qui leur donne une grande marge de manœuvre et leur permet de tenir compte de certaines caractéristiques cantonales. Conformément au principe de subsidiarité, la Confédération est tenue de laisser autant que possible l’exécution de sa législation aux cantons, et de s’en tenir à la seule réglementation des questions exigeant une certaine uniformité. Plusieurs institutions et pratiques donnent aux cantons une influence importante dans la prise de décisions au niveau fédéral. En premier lieu, les législateurs fédéraux sont tenus d’informer les

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cantons de leurs intentions sans tarder et, dans la plupart des cas, la loi reconnaît à ces derniers le droit d’être consultés. Ainsi, les cantons exercent de l’influence sur le processus avant même la présentation d’une proposition au Parlement fédéral (articles 45 à 55). Ce mécanisme est important car, à cette étape-ci, les cantons peuvent encore exercer une influence considérable sur la formulation d’une loi; par la suite, ils ne peuvent plus que l’accepter ou la refuser. En second lieu, le Parlement fédéral – l’Assemblée fédérale – est divisé en deux chambres : le Conseil national, qui représente le peuple, et le Conseil des États, qui représente les cantons. Au Conseil des États, les cantons ont tous le même nombre de voix. Les deux chambres possèdent exactement les mêmes pouvoirs, et aucune loi fédérale ne peut être promulguée sans l’accord des deux (articles 148, 156 et 163). L’influence des cantons au Conseil des États est cependant limitée car il ne leur est pas permis de lier leurs représentants par des consignes juridiquement contraignantes (article 161). Par le biais du système électoral, les cantons disposent d’une influence indirecte, mais non moins importante, sur les membres du Conseil national. La seule influence externe s’exerçant sur les membres du Parlement se manifeste par leur besoin de se faire réélire. Pour l’élection des membres du Conseil national, chaque canton forme une circonscription électorale (article 149), et les sections cantonales des partis choisissent les candidats. En Suisse, c’est au niveau cantonal que les partis politiques sont le plus puissants : les membres des deux chambres tentent donc d’adapter leurs actions politiques aux intérêts de la section cantonale de leur parti. Cette situation crée un contrepoids important aux forces centralisatrices dans le pays. En troisième lieu, les lois et les modifications constitutionnelles peuvent toujours être soumises au référendum populaire (articles 140 à 142). Il faut distinguer deux types de référendums. Pour les lois ordinaires – une loi fédérale, par exemple – le référendum est facultatif et n’aura lieu que si 50 000 citoyens ou huit cantons le réclament. Une proposition est approuvée si la majorité des électeurs à l’échelle du pays y consent. Pour les décisions plus importantes – comme la révision de la Constitution ou l’adhésion aux organismes internationaux de sécurité collective ou jouissant de pouvoirs supranationaux – le référendum est obligatoire et il n’est pas nécessaire de recueillir de signatures. Dans ce cas, il faut une double majorité englobant l’approbation d’une majorité de cantons et d’une majorité d’électeurs. C’est dire que la majorité des électeurs sur l’ensemble du territoire de la Suisse doit l’avaliser, de même que la majorité des électeurs dans plus de la moitié des cantons. Étant donné la disparité démographique importante entre les grands et les petits cantons, une proposition pour

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réviser la Constitution pourrait en théorie être rejetée malgré l’approbation d’environ 90 pour cent de la population, si les 10 pour cent s’y opposant étaient répartis également dans les plus petits cantons. Autrement dit, eu égard à l’approbation par la majorité des cantons, l’électeur du canton le plus petit, Uri, pèse plus lourd qu’environ 35 citoyens du canton de Zurich. Outre les institutions formelles de partage du pouvoir, les cantons disposent d’autres moyens pour leur permettre d’influencer la politique fédérale. Le régime de démocratie animée par le consensus en est l’élément moteur le plus important. Autrement dit, presque toute décision politique importante est essentiellement le fruit d’un compromis qui tient compte de l’opinion de tous les partis, groupes d’intérêts, cantons et régions de conséquence. Les fondements de cette articulation politique particulière se situent dans les institutions de démocratie directe, notamment le référendum populaire. Il serait à peu près impossible de mettre en œuvre une politique fédérale à laquelle ne consentirait pas un groupe fort et bien organisé car une opposition puissante pourrait la bloquer assez facilement par un recours à la démocratie directe. L’autorité exécutive de la Confédération, le Conseil fédéral (articles 174 à 179), illustre bien l’impact de la démocratie consensuelle. Il est composé de sept membres du Conseil fédéral élus par les deux chambres du Parlement fédéral, chacun étant à la tête d’un ministère. Ensemble, ils forment l’exécutif fédéral. Pour les décisions gouvernementales, les membres du Conseil fédéral ont tous une voix égale, ce qui signifie que le président fédéral n’est que primus inter pares. Un effet de la démocratie consensuelle est de donner, dans la mesure du possible, une représentation au Conseil à tous les groupes principaux, ce qui veut essentiellement dire qu’y sont représentés les partis politiques importants ainsi que les groupes linguistiques, les cantons et les deux sexes. Cette représentation ne découle pas de quelque disposition de la loi, et la Constitution fédérale ne l’évoque même pas. Néanmoins, un parlementaire germanophone du Parti radical votera pour un candidat social-démocrate francophone si le tour de ce dernier de remplacer l’un des représentants au Conseil est arrivé. Ces pratiques sont liées à la démocratie consensuelle dans la mesure où les perspectives d’acceptation par la population d’une proposition législative rédigée par l’exécutif fédéral seraient minces si l’un (ou plus d’un) des principaux groupes – par exemple un parti ou certains cantons – ne l’appuyait pas. Comme une forte opposition pourrait freiner la majeure partie de l’activité législative, c’est dans l’intérêt de chaque parti de mobiliser la collaboration des autres groupes pour toutes les propositions importantes et, par conséquent, de les voir représentés à l’exécutif fédéral.

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Le pouvoir judiciaire est en grande partie entre les mains des cantons. À très peu d’exceptions près, toute action s’engage devant un tribunal cantonal, qu’elle relève du droit cantonal ou fédéral, et la plupart des ordonnances rendues sur appel sont cantonales. Le Tribunal fédéral est l’unique autorité judiciaire fédérale. Ses tâches les plus importantes consistent à réviser les jugements des tribunaux cantonaux supérieurs sur appel et de faire fonction de tribunal constitutionnel. Ce n’est que pour des causes tout à fait exceptionnelles que le Tribunal fédéral siège en première et seule instance. Cependant, contrairement aux autres fédérations, le Tribunal fédéral suisse n’a pas le pouvoir de contrôler l’observance de la répartition constitutionnelle des compétences par la Confédération. «Autorité judiciaire suprême de la Confédération» (article 188), le Tribunal fédéral est néanmoins lié par la législation fédérale légitimée par référendum populaire. D’habitude, on explique cette particularité par la méfiance traditionnelle de la population à l’endroit du pouvoir des juges et sa croyance extrêmement forte en la démocratie. Il faut comprendre que toute loi fédérale se fonde sur un quasi-consensus de toutes les grandes forces politiques. Ceci a conduit les rédacteurs de la Constitution à décider que les juges ne devraient pas pouvoir anéantir ce qui a été tranché démocratiquement. En pratique et dans l’ensemble, la confiance accordée aux institutions démocratiques a été justifiée. À de très rares exceptions près, les législateurs fédéraux ont respecté les lois qui les lient. Le régime fédéral et référendaire – notamment l’obligation de faire approuver les décisions importantes par la majorité des cantons – est parfois critiqué pour sa tendance à ralentir le processus politique suisse. Les politiciens progressistes en particulier y voient des problèmes majeurs, surtout parce que, dans leurs comportements aux urnes, la plupart des petits cantons sont conservateurs et que, par leur poids aux référendums et leur forte représentation au Conseil des États, ils sont en mesure de bloquer un grand nombre de propositions progressistes. C’est une des raisons de la lenteur de la politique en Suisse par rapport à d’autres pays comparables. En revanche, en obligeant les concepteurs de politiques à réfléchir, ce régime a probablement mis la Suisse à l’abri de nombreuses décisions irréfléchies et, en ce sens, c’est peut-être l’un des facteurs qui ont assuré la stabilité politique du pays depuis la fondation de la fédération en 1848.

3 dynamique po lit iqu e récen te Le 1er janvier 2000, une nouvelle Constitution fédérale est entrée en vigueur, remplaçant celle de 1874. Cet événement marqua non la fin

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d’une époque, mais plutôt une étape décisive dans le processus amorcé par le Parlement fédéral en 1965. À l’époque, on estimait généralement que le système politique suisse n’était pas en mesure de s’adapter aux changements profonds qui se produisaient depuis la Deuxième Guerre mondiale. Sans modifier la signification des normes constitutionnelles existantes, la nouvelle Constitution les formule en langage moderne, et en restructure l’ordre. Elle y introduit aussi un nouveau contenu, notamment en ce qui a trait au fédéralisme coopératif. En plus de réviser la Constitution, on a entrepris, ces dernières années, d’importantes réformes institutionnelles de l’appareil judiciaire et de la démocratie directe, sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin. L’événement le plus marquant des dernières années au plan symbolique fut peut-être l’adhésion, le 10 septembre 2002, de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies, à la suite d’un référendum constitutionnel où le «oui» recueillit une majorité de presque 55 pour cent du scrutin populaire ainsi que la majorité des suffrages dans onze cantons et deux demi-cantons. Depuis, ce sujet autrefois brûlant a presque complètement cessé de préoccuper le public. À part ceci, la dynamique politique récente semble mue par l’intégration croissante de la Suisse, tant à l’échelle mondiale qu’au sein de l’Europe. Pourtant, alors même qu’elle s’intègre de plus en plus, des tendances contraires se manifestent à l’intérieur du pays. Ainsi, par exemple, depuis le rejet au scrutin populaire de la fusion des cantons de Genève et de Vaud, l’idée de transformer la structure territoriale de la Suisse a perdu beaucoup d’attrait. De plus, le Parti du peuple suisse (Schweizerische Volkspartei, SVP), un parti populiste et isolationniste, a élargi et consolidé sa position, en particulier dans les cantons francophones, et peut maintenant se considérer comme un vrai parti national. Avec plus de 27 pour cent du scrutin national aux législatives d’octobre 2003, il est devenu le parti le plus fort avec 55 des 200 sièges du Conseil national (Chambre basse). Il en a inévitablement résulté une transformation majeure du gouvernement de coalition en place depuis 1959 pour maintenir l’équilibre politique de la démocratie semi-directe de la Suisse : le Parti du peuple suisse reçut un deuxième siège au Conseil fédéral (le gouvernement) aux dépens du groupe chrétien-démocrate qui, lui, avait perdu des voix. Les forces isolationnistes ainsi consolidées, l’adhésion à l’Union européenne (UE) semble plus éloignée que jamais. Par conséquent, la ratification de traités bilatéraux avec l’UE est devenue cruciale pour l’intégration de la Suisse à l’Europe. En juin 2002, un premier lot de traités est entré en vigueur, englobant la recherche, les acquisitions du secteur public, les barrières techniques au commerce, l’agriculture,

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l’aviation civile, le transport par voie terrestre et la liberté de mouvement des personnes. On en a négocié un deuxième lot englobant, entre autres domaines, les services, l’environnement et l’éducation. Les négociations se poursuivent même sur des problèmes épineux comme la retenue des impôts à la source et les mesures pour empêcher la fraude, de même que la participation à la zone de sécurité commune, problèmes auxquels on semble en voie de trouver des solutions. Si la Suisse réussit à signer ces traités, elle pourra participer à maintes politiques communes de l’UE sans devoir s’y intégrer politiquement. Les cantons participent à ces négociations sur la base de la Constitution de 1999, qui reconnaît leur droit de participer à la formulation de décisions de politique étrangère en général et de celles qui portent sur leurs compétences exclusives en particulier. Ce développement s’inscrit dans une tendance générale à compenser la perte graduelle de l’autonomie cantonale, imputable à la croissance de la coopération internationale, par de nouvelles formes de partage du pouvoir en ces matières. Tel que susmentionné, on a entrepris deux grandes réformes institutionnelles depuis quelques années. Premièrement, le 9 février 2003 on a voté et adopté une réforme des droits populaires. Celle-ci établit l’initiative populaire générale (jusqu’alors, seules les initiatives constitutionnelles étaient possibles) et autorise le référendum sur les traités internationaux comprenant d’importantes normes légales, ainsi que sur la législation de mise en œuvre, le cas échéant. Deuxièmement, tout en étant importante dans une perspective fédérale, la réforme de l’administration de la justice (acceptée par voie de référendum constitutionnel en mars 2000) est importante à d’autres points de vue car elle établit les fondements pour unifier à la fois la procédure criminelle et la procédure civile en remplaçant 29 et 27 régimes, respectivement, par un code fédéral unique dans chaque cas. En conséquence, les cantons devront renoncer à une part importante de leur autonomie dans l’administration de la justice. La poursuite du crime organisé, le financement du terrorisme et les crimes économiques sont désormais de compétence fédérale à la condition que, pour l’essentiel, le délit ait été commis à l’étranger ou dans plus d’un canton. À cette fin, on a mis sur pied à la fois la police fédérale et le bureau fédéral des procureurs. La réforme de l’appareil judiciaire et celle des droits populaires sont venues compléter la réforme constitutionnelle de 1999. Après de longues disputes, le Parlement a enfin approuvé la réforme de la péréquation fiscale. Comme le rapportait la première édition de ce guide, la décentralisation relativement forte tant des dépenses que des recettes caractérise le régime fédéral suisse. On n’introduisit la péréquation fiscale formelle au niveau fédéral qu’en 1959,

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au moment où le gouvernement fédéral se vit constitutionnellement confier le mandat de pourvoir à la péréquation fiscale entre cantons, de procurer aux cantons tous les moyens nécessaires pour exécuter leurs fonctions, et d’assurer à tous les citoyens un niveau de base (mais non égal) de services. Le déboursement de subventions fédérales et les contributions cantonales au financement des tâches fédérales, selon une formule reposant sur un indice des capacités financières, ont été les mécanismes principaux de la réalisation de ces objectifs. Malheureusement, dans la pratique cette méthode égalise peu et manque de transparence eu égard aux flux financiers et à la prise de décisions. Tel qu’adopté par le Parlement en septembre 2003, l’ensemble final de mesures suit l’agencement de base proposé par le groupe de travail fédéral-cantonal. Plus précisément, la réforme : (a) démêle les responsabilités respectives; (b) tonifie la coopération entre les cantons en institutionnalisant le régime de partage des fardeaux; (c) crée de nouvelles façons de coopérer dans les domaines de responsabilité partagée; et (d) crée un nouveau régime de péréquation fiscale directe. Ce régime fournira à chaque canton une dotation minimale par le mécanisme des transferts horizontaux inconditionnels entre cantons, complétés, là où il le faudra, de transferts fédéraux. Il comprend aussi le soutien vertical pour les fardeaux extraordinaires (géographiques, topographiques ou sociodémographiques). Les modifications consolident la position du Parlement, assurent la possibilité d’un référendum eu égard à la mise en vigueur dans les cantons non signataires des traités intercantonaux, fixent une limite à la contribution des cantons «riches» à la péréquation horizontale et, à long terme, prévoient l’élimination progressive des paiements de transition.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Auer, Andreas, Giorgio Malinverni et Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Berne, Staempfli, 2000. Basta-Fleiner, Lidija R. et Thomas Fleiner (dir.), Federalism and Multiethnic States – The Case of Switzerland, 2e éd., Basel, Genève et Munich, Helbing & Lichterhahn (Publications de l’Institut du Fédéralisme, Fribourg, Suisse, PIFF, vol. 16), 2000. Klöti, Ulrich, Peter Knoepfel, Hanspeter Kriesi, Wolf Linder et Yannis Papadopoulos (dir.), Handbuch der Schweizer Politik / Manuel de la politique suisse, 2e éd., Zurich, NZZ Verlag, 1999. Linder, Wolf, Swiss Democracy – Possible Solutions to Conflict in Multicultural Societies, 2e éd., Hampshire et Londres, Macmillan Press Ltd., 1998.

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Steinberg, Jonathan, Why Switzerland?, 2e éd., Cambridge, RoyaumeUni, Cambridge University Press, 1996. Thürer, Daniel, Jean-François Aubert et Jörg Paul Müller (dir.), Verfassungsrecht der Schweiz / Droit constitutionnel suisse, Zurich, Schulthess Verlag, 2001. http ://www.federalism.ch, Institut du Fédéralisme, Université de Fribourg http ://www.badac.ch/FR/news/badac.html, banque de données des cantons et villes http ://www.gov.ch/govch.nsf/webfmMain, répertoire des sites Internet officiels du secteur public http ://www.swissworld.org/fre/index.html?siteSect=100, renseignements généraux

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428 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Berne

Nombre et type d’unités constituantes

26 cantons (dont 6 demi-cantons) : Appenzell RhodesExtérieures, Appenzell Rhodes-Intérieures, Argovie, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Berne, Fribourg, Genève, Glaris, Grisons, Jura, Lucerne, Neuchâtel, Nidwald, Obwald, Saint-Gall, Schaffhouse, Schwyz, Soleure, Tessin, Thurgovie, Uri, Valais, Vaud, Zoug, Zurich

Langue(s) officielle(s)

Allemand, français, italien, romanche

Superficie

41 300 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Grisons – 7 105 km2

Superficie – plus petite unité constituante

Bâle-Ville – 37,2 km2

Population totale

7 228 000 (2002)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Zurich 16,9 %, Berne 13 %, Vaud 8,6 %, Argovie 7,6 %, Saint-Gall 6,2 %, Genève 5,7 %, Lucerne 4,8 %, Tessin 4,3 %, Valais 3,8 %, Bâle-Campagne 3,6 %, Soleure 3,4 %, Fribourg 3,3 %, Neuchâtel 3,3 %, Thurgovie 3,1 %, Grisons 2,6 %, Bâle-Ville 2,3 %, Schwyz 1,8 %, Berne 1,7 %, Zoug 1,4 %, Schaffhouse 1 %, Jura 1 %, Appenzell Rhodes-Extérieures 0,7 %, Glaris 0,5 %, Nidwald 0,5 %, Obwald 0,5 %, Uri 0,4 %, Appenzell Rhodes-Intérieures, 0,2 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

La présidence est une fonction cérémonielle exercée par les membres du Conseil fédéral, à tour de rôle. Le président est nommé pour un mandat d’une durée d’un an, et préside le Cabinet (Conseil fédéral), formé de 7 représentants qui exercent chacun un mandat d’une durée de 4 ans. Le président et les membres du Conseil sont élus par l’Assemblée fédérale.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Joseph Deiss (depuis le 1er janvier 2004). Le pouvoir et les fonctions du chef du gouvernement sont partagés entre les 7 membres du Conseil fédéral. (N.B. Le président agit en primus inter pares, mais il ne jouit pas des pouvoirs étendus généralement conférés à un président.)

Structure de gouvernement – fédéral

Bicaméral – Assemblée fédérale suisse : Deuxième Chambre – Conseil des États, 46 sièges. Les membres exercent un mandat d’une durée de 4 ans. Première Chambre – Conseil national, 200 sièges. Les membres sont élus au suffrage direct pour un mandat

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429 Suisse Tableau I (suite) d’une durée de 4 ans, en proportion de la population de chaque canton (dont chacun doit avoir au moins un représentant). Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Zurich – 34

Nombre de représentants à la Appenzell Rhodes-Extérieures, Appenzell RhodesIntérieures, Glaris, Nidwald, Obwald et Uri – un siège Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité cons- chacun tituante la moins peuplée Répartition des représentants Chacun des 20 cantons a 2 sièges, et chacun des à la Chambre haute du gouver- 6 demi-cantons, un siège. Fixée par la loi cantonale, la procédure électorale varie d’un canton à l’autre. nement fédéral Partage des compétences

Le gouvernement fédéral possède des compétences exclusives de légiférer en matière d’affaires internationales, de défense et de citoyenneté, de commerce, de devises, d’activités bancaires, de chemins de fer, de services de télécommunications, d’agriculture et d’énergie nucléaire. Les cantons jouissent d’autonomie fiscale et du droit de gérer leurs affaires intérieures. Ils exercent les compétences dans les affaires comme les institutions municipales (les communes), l’éducation, la culture, l’ordre public et l’infrastructure. Les compétences concurrentes comprennent l’immigration et la sécurité publique et intérieure. Le gouvernement fédéral et les cantons ont tous le pouvoir de lever des impôts.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des cantons.

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Tribunal fédéral. Quoique de dernière instance, il ne jouit pas du pouvoir de révision judiciaire.

Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Parlement ou Conseil d’État (Grand Conseil). Les membres sont élus au suffrage direct. Les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures et de Glaris disposent aussi d’une assemblée en plein air (Landsgemeinde) de tous les électeurs (non en remplacement, mais en complément du Parlement). Les Conseils des États sont composés de 5 à 9 membres. N.B. Les régimes politiques des cantons varient considérablement.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Président ou président du Conseil exécutif, nommé par le parlement cantonal. La présidence change tous les ans (présidence tournante).

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430 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

205 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

28 357 $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

684,8 milliards de $ US (septembre 2003)

Dette infranationale

78,6 milliards de $ US (est. partielle, 2002)

Taux de chômage national

2,5 % (2002)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus élevé

Genève – 5,4 % (2003)

Unité constituante ayant le taux de chômage le plus faible

Appenzell Rhodes-Intérieures – 0,9 % (2003)

Taux d’alphabétisation chez les adultes

Plus de 95 %

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,5 %

Espérance de vie (années)

79 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

27,5 milliards de $ US (est. partielle, 2002)

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

34,6 milliards de $ US (est. partielle, 2002)1

Transferts fédéraux aux unités constituantes

5,7 milliards de $ US (2001)

Mécanismes de péréquation

Le partage des recettes fédérales se fait selon une formule qui tient compte de la capacité financière des cantons.

Sources Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Banque nationale de Suisse, «Dette extérieure de la Suisse : État en fin d’année et de trimestre», septembre 2003, sur Internet : http ://www.snb.ch/d/publikationen/ monatsheft/aktuelle_publikation/pdf/statmon_DF/R4_a_Verschuldung_der_ CH.pdf Conseil de l’Europe, «Deuxième Rapport Périodique de la Suisse présenté au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe […]» sur Internet : http ://www.coe.int/T/F/Affaires_juridiques/Démocratie_locale_et_régionale/ Langues_régionales_ou_minoritaires/Documentation/1_Rapports_ périodiques/ 2003_3f_MIN-LANG_PR_Suisse.asp Elections around the World, «Elections in Switzerland», 2003, sur Internet : http :// www.electionworld.org/election/switzerland.htm EuroCare, «Switzerland – Country Profile», sur Internet : http ://www.eurocare.org/ profiles/switzerland/switzerland_report0502.html

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431 Suisse Information About Switzerland, «Statistical Information About Switzerland», sur Internet : http ://www.about.ch/statistics/#CH_Stat_bySize Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «Managing Across Levels of Government : Switzerland», sur Internet : http ://www.oecd.org/ dataoecd/10/45/1902452.pdf Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Québec (Gouvernement du), Commission sur le déséquilibre fiscal, «Arrangements financiers intergouvernementaux : Allemagne, Australie, Belgique, Espagne, ÉtatsUnis, Suisse. Document d’information pour le Symposium international sur le déséquilibre fiscal, Québec, 13 et 14 septembre 2001», p. 63, sur Internet : http :// www.desequilibrefiscal.gouv.qc.ca/fr/pdf/internationnal_fr.pdf Suisse (Gouvernement de la), département fédéral des finances, «Dépenses et recettes de la Confédération, des cantons et des communes par nature», sur Internet : http :// www.efd.admin.ch/f/dok/zahlen/sdds/oeffhhsg.pdf Suisse (Gouvernement de la), département fédéral des finances, «General Government Operations (CGO) : Yearly Outturn and Debt», sur Internet : http :// www.efd.admin.ch/e/dok/zahlen/sdds/oeffhh.pdf Suisse (Gouvernement de la), «L’Assemblée fédérale – le Parlement suisse», «Liste des conseillers nationaux par canton» et «le Conseil des États», sur Internet : http :// www.parlament.ch/f/homepage/ Suisse (Gouvernement de la), «Le Conseil fédéral suisse», sur Internet : http :// www.admin.ch/ch/f/cf/index.html Suisse (Gouvernement de la), Office fédéral de la statistique, «Taux de chômage», «Population», sur Internet : http ://www.statistik.admin.ch/findex.htm Suisse, Tribunaux fédéraux, «Cour suprême fédérale», sur Internet : http :// www.bger.ch/fr/index.htm Swiss Political Links, «Cantonal Facts», sur Internet : http ://socio.ch/poli/facts2.htm Watts, Ronald L., Comparing Federal Systems, 2e éd., Kingston, Institut de relations intergouvernementales, Université Queen’s, 1999. Note 1 Ce chiffre comprend les cantons et les communes.

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Venezuela (République bolivarienne du Venezuela ) ALLAN R. BREWER-CARÍAS

1 histoire et évolution du fédéralisme La République du Venezuela est située dans la partie la plus septentrionale de l’Amérique du Sud. Avec une superficie de 912 050 kilomètres carrés et une population d’un peu plus de 25 millions d’habitants, le Venezuela est le septième pays en importance d’Amérique latine. Son territoire se partage en 23 états, un district de la capitale couvrant une partie de Caracas, et des dépendances fédérales comprenant certaines îles de la mer des Caraïbes. Son économie a été profondément influencée par la présence de gisements de pétrole1. En 1777, après trois siècles de colonisation espagnole, les sept provinces, dont les territoires correspondent à celui du Venezuela d’aujourd’hui, ont été regroupées au sein d’une entité dite «Capitainerie générale du Venezuela» (Capitanía General de Venezuela). En avril 1810, ces provinces, et d’abord celle de Caracas, proclamèrent tour à tour leur indépendance vis-à-vis de l’Espagne, chacune adoptant sa propre constitution. Le Venezuela est ainsi devenu le premier pays d’Amérique latine à se séparer de la Couronne espagnole. En 1810,

1 En 1928, le Venezuela était le plus important exportateur de pétrole au monde. Il a joué un rôle important dans la création, en 1960, de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). En 1975, l’industrie pétrolière a été nationalisée.

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leurs représentants élus se rassemblèrent au sein du premier Congrès général des provinces du Venezuela. Le 21 décembre 1811, ce Congrès adopta la première constitution d’un pays indépendant d’Amérique latine : la Constitution fédérale des états du Venezuela. L’élaboration de cette Constitution a été directement influencée par les principes sur lesquels reposaient les constitutions issues de la guerre de l’Indépendance américaine et de la Révolution française. Bien que la démocratie n’ait été mise en place que plusieurs années plus tard, on retrouve dans la Constitution vénézuélienne de 1811 tous les principes du droit constitutionnel moderne : la souveraineté de l’État et le républicanisme; la suprématie de la Constitution en tant que manifestation de la volonté du peuple; la séparation organique des pouvoirs; la répartition territoriale des pouvoirs; la déclaration des droits du pays et des citoyens; et, enfin, le contrôle constitutionnel destiné à garantir la suprématie constitutionnelle. La Constitution de 1811 reposait sur une forme fédérale de gouvernement. Ainsi, après les États-Unis, le Venezuela a été le deuxième pays à souscrire au principe du fédéralisme. À n’en pas douter, l’adoption d’un régime fédéral a été influencée par l’expérience constitutionnelle des États-Unis, dont le Venezuela partageait certaines caractéristiques territoriales. Il comptait notamment sept provinces isolées les unes des autres sur le territoire de l’ancienne Capitainerie générale du Venezuela, chacune ayant sa propre configuration politique et sociale. Le régime constitutionnel fédéral a permis de mettre en place un État indépendant capable d’unir ce qui n’avait jamais été uni auparavant. C’est pourquoi le fédéralisme constitue une dimension importante du droit constitutionnel vénézuélien; les débats opposant centralistes et fédéralistes ont marqué toutes les étapes de l’histoire du pays. Le libérateur, Simón Bolívar, estimait d’ailleurs que l’effondrement de la première République, en 1812, était attribuable à la nature fédérale du régime gouvernemental qui fut à l’origine d’une guerre d’indépendance de plus de dix ans. Sous l’influence de Bolívar, le centralisme a présidé à la réorganisation constitutionnelle du Venezuela en 1819, puis à la désagrégation du pays en tant qu’État, et à son intégration à la République de Colombie en 1821. Ce sont surtout les forces centrifuges émanant des provinces vénézuéliennes qui ont contribué à faire échouer le projet dit de «Gran Colombia»; elles ont également favorisé le rétablissement du Venezuela en 1830, lequel se dota alors d’un régime qui, bien que centralisé, n’en demeurait pas moins fédéral. Les premiers conflits entre la région centrale et les forces provinciales sont apparus en 1830, et ont pris fin au terme d’une guerre de cinq ans (1858–1863), dite «Guerre

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fédérale». Le triomphe des forces fédérales a entraîné la création des États-Unis du Venezuela (1864). Depuis, le Venezuela a toujours eu un régime fédéral. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le pays a été dévasté par la guerre civile. Même après une révolution, le régime fédéral a été maintenu, mais sa portée a été limitée par les éléments centralisateurs qui ont toujours été présents dans l’histoire du régime. Au cours des premières décennies du XXe siècle, un centralisme fort (militaire, administratif, fiscal et législatif) s’est perpétué sous le régime autocratique de Juan Vicente Gómez, qui a pris fin en 1935. Bien que la structure fédérale du gouvernement ait été préservée, il ne restait alors presque rien de la répartition territoriale des pouvoirs et de l’autonomie des unités constituantes. C’est dans les années 30 que fut amorcé le processus de démocratisation du pays. Ce processus fut interrompu, toutefois, par la révolution d’octobre 1945 suivie du régime militaire (1948–1958) de Marcos Pérez Jiménez qui, en 1958, fut renversé par d’autres officiers. Cette nouvelle junte militaire ouvrit à nouveau la voie à la démocratie. Lors des élections tenues en 1959, Rómulo Betancourt fut élu président, et le demeura jusqu’en 1964. La Constitution de 1961 conférait au gouvernement démocratique une forme fédérale, mais les pouvoirs étaient très centralisés. Un processus de décentralisation politique amorcé en 1989 a permis le transfert de certaines compétences et de certains pouvoirs du gouvernement national vers les états. Au cours de cette même année, les gouverneurs des états ont été élus au suffrage universel, direct et secret, et la vie politique régionale a commencé à jouer un rôle important au sein du pays. C’était la première fois depuis le XIXe siècle que des gouverneurs étaient élus. Pour dénouer une crise paralysant le régime des partis, un processus centré sur une Assemblée constituante a été enclenché en 1999, ce qui a provoqué des changements importants au sein de la classe politique partout au pays. L’Assemblée constituante était l’instrument que le président nouvellement élu (1998), Hugo Chávez Frías – un ancien lieutenant-colonel qui, en 1992, avait tenté de s’emparer du pouvoir à la faveur d’un coup d’État – entendait utiliser pour susciter une prise de contrôle de toutes les instances gouvernementales. L’Assemblée était composée de 131 membres élus en juillet 1999, dont 125 étaient des partisans inconditionnels du président. Au cours des six mois de délibération de l’Assemblée, seules quelques voix dissidentes se sont fait entendre. Bref, les forces d’opposition ont peu participé au débat de l’Assemblée. En décembre 1999, une nouvelle Constitution a été adoptée par l’Assemblée nationale et avalisée par référendum le 15 décembre 1999. La nouvelle Constitution de 1999 n’a cependant

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pas ouvert la voie aux changements les plus pressants, comme la décentralisation politique réelle de la fédération et le renforcement des pouvoirs des états et des municipalités. À vrai dire, elle repose sur les mêmes principes centralisateurs que la Constitution précédente et, à certains égards, elle a même accru la centralisation de certains champs d’activités.

2 dispositions constitutionnelles r e l at i v e s a u f é d é r a l i s m e Selon l’article 4 de la Constitution en vigueur depuis le 30 décembre 1999, la République du Venezuela «est un État fédéral décentralisé en vertu des dispositions fixées dans la Constitution, et est régie par les principes de l’intégrité territoriale, de la solidarité, de la concurrence et de la responsabilité partagée». La formule est donc précise : il s’agit d’un État fédéral décentralisé en vertu «des dispositions fixées dans la Constitution», bien que ces dispositions soient, en réalité, de nature centralisatrice. Depuis 1811, le Venezuela a incorporé des éléments du fédéralisme, mais il est toujours resté une «fédération centralisée», malgré ce que stipule l’article 4. L’article 136 de la Constitution précise que les «compétences sont réparties entre les entités municipales, étatiques et nationale». Cet article décrète donc l’existence de trois niveaux d’autonomie politique : le pouvoir national, exercé par la République (niveau fédéral); le pouvoir étatique, exercé par les 24 états et le district de la capitale; et le pouvoir municipal, exercé par les 338 municipalités existantes. La Constitution affirme en outre qu’à tous ces niveaux, le gouvernement doit toujours être «démocratique, participatif, élu, décentralisé, alternant, responsable, pluriel et assujetti à des mandats révocables» (article 6). L’aménagement des institutions à chaque niveau territorial est assujetti au principe de la séparation organique des pouvoirs. Au niveau national, le pouvoir se répartit entre les sections «législative, exécutive, judiciaire, citoyenne et électorale» (article 136). La Constitution de 1999 étend donc le partage tripartite traditionnel des compétences en y ajoutant un pouvoir citoyen (ministère des Affaires publiques, contrôleur général de la République et défenseur public) et un pouvoir électoral (Conseil national électoral). Le pouvoir exécutif national est exercé par le président de la République, dont les décisions doivent souvent être adoptées lors d’une réunion du Cabinet (articles 236 et 244). Tous les membres du Cabinet doivent rendre compte de leurs activités à l’Assemblée nationale (articles 242 et 244). Ils expriment leurs opinions et peuvent être questionnés devant la Chambre (article 245). Le président est assisté du premier vice-président qu’il a, seul, la prérogative de nommer (article 238).

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La Constitution de 1999 a mis fin à la tradition bicamérale du pays en faisant de l’Assemblée nationale une institution monocamérale. Ainsi fut supprimé le Sénat, qui était en quelque sorte une chambre au sein de laquelle les états étaient représentés de façon égalitaire. Malgré la disposition de la Constitution stipulant que les états «sont égaux sur le plan politique» (article 159), le Venezuela est devenu un État fédéral sans chambre au niveau fédéral où les états pourraient être représentés à part égale. Néanmoins, en l’absence d’un Sénat, la Constitution de 1999 donne expressément aux états un moyen direct de participer aux discussions et à l’adoption des mesures législatives internes par l’Assemblée nationale, en imposant à cette dernière une consultation officielle avec eux, par le biais de leur conseil législatif, avant l’adoption d’une loi touchant potentiellement aux intérêts des états. Mais en dépit de cette disposition explicite de la Constitution, l’Assemblée nationale a tout de même adopté, au cours des trois dernières années, des lois qui mettaient en cause les intérêts des états sans avoir consulté ces derniers au préalable. Mais plus troublant encore, le président de la République n’a tenu compte d’aucune forme de consultation avec les états, les privant ainsi d’une participation au processus de rédaction des lois du pays. De plus, au cours des trois dernières années, on a adopté des lois très importantes touchant les intérêts des états sans que les autorités politiques concernées n’aient été appelées à participer au processus. La Constitution précise en outre que «les représentants [membres de l’Assemblée nationale] représentent le peuple et les états (globalement) dans leur ensemble, et ne sont assujettis ni à des mandats, ni à des directives, mais uniquement aux exigences de leur conscience» (article 201), ce qui élimine en pratique toute vélléité de représentation territoriale. Les représentants sont élus en fonction d’un nombre déterminé d’habitants correspondant à 1,1 pour cent de la population totale. La population ayant été estimée à 24 millions d’habitants en 2000, le nombre déterminé d’habitants était de 264 000 (24 millions × 1,1 pour cent = 264 000). Les représentants de chaque état, y compris celui du district de la capitale, sont élus à la représentation proportionnelle (article 182), un représentant étant élu par tranche de 264 000 habitants. Chaque état possède un gouverneur élu au suffrage universel, direct et secret (article 160), et un conseil législatif d’état composé de représentants élus selon la représentation proportionnelle (article 162). Les conseils législatifs ont la responsabilité d’adopter la Constitution de chaque état, afin d’aménager les pouvoirs conformément aux lignes directrices de la Constitution du Venezuela. Même si celle-ci garantit l’autonomie des états (article 159), elle leur impose néanmoins d’importantes limites puisqu’elle stipule que l’organisation et le

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fonctionnement de leurs conseils législatifs doivent être régis par une loi nationale (article 162); il s’agit là d’une manifestation de volonté de centralisation sans précédent dans l’histoire du fédéralisme vénézuélien. En 2001, l’Assemblée nationale a approuvé une loi organique réglementant de façon précise non seulement l’organisation et le fonctionnement des conseils législatifs, mais également leurs caractéristiques et les principes régissant l’exercice de leurs fonctions législatives. Avec cette loi, l’Assemblée nationale a outrepassé l’autorisation de dérogation prévue dans la Constitution du pays. Par conséquent, en ce qui concerne l’organisation des pouvoirs législatifs des états, le contenu des constitutions des différents états a été annulé. Les pouvoirs exécutifs des états ont été également limités. En fait, la Constitution de 1999 établit toutes les règles fondamentales, surtout en ce qui concerne la réglementation générale de l’administration publique, les procédures administratives et la fonction publique. Ces règles ont été élaborées dans les lois organiques nationales de 2001 qui traitaient de l’administration et de la fonction publiques. Par conséquent, le contenu des constitutions des états a été annulé à ce chapitre également. Enfin, en 2001, l’Assemblée nationale a adopté une loi régissant la nomination des contrôleurs des états, ce qui a eu pour effet de limiter, sans autorisation constitutionnelle, le pouvoir des conseils législatifs des états en la matière. Il est vrai que les conseils législatifs des états ont le pouvoir de légiférer sur tout ce qui relève de la compétence de ces derniers (article 162), mais il n’en reste pas moins que ces secteurs d’activités dépendent des décisions et de la réglementation nationales; ainsi, comme dans le passé, les pouvoirs législatifs des états sont, en réalité, très limités. L’efficacité de tout fédéralisme dépend de la répartition territoriale des pouvoirs – à moins d’avoir des pouvoirs particuliers qu’ils peuvent exercer, les gouverneurs et les conseils législatifs des états ne peuvent jouer un rôle très utile. Telle est la situation du Venezuela, dont la Constitution de 1999, loin de les avoir modérées, a plutôt contribué à renforcer les tendances centralisatrices. Quant aux municipalités, leur autonomie est reconnue dans la Constitution. Cette autonomie ne jouit toutefois d’aucune garantie constitutionnelle, car elle peut même être limitée par une loi nationale (article 168). Au niveau municipal, il y a séparation des pouvoirs entre l’organe exécutif, représenté par les maires, élus au suffrage universel, direct et secret (article 174), et les conseils municipaux, dont les membres sont élus selon la représentation proportionnelle (article 175). Dans la Constitution sont énumérés certains champs d’activités relevant de la juridiction des organismes représentant le pouvoir national

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(article 156) et le pouvoir municipal (article 178). Selon l’article 156, le pouvoir national est compétent, par exemple, en ce qui concerne les relations internationales, la sécurité et la défense, la citoyenneté et le statut des étrangers, la police nationale, la réglementation en matière d’économie, les activités minières et pétrolières, les politiques et la réglementation en matière d’éducation, de santé, d’environnement, d’aménagement du territoire, de transports, de production industrielle et agricole, de services postaux et de télécommunications. L’administration de la justice relève aussi de la juridiction exclusive du gouvernement national (article 156.31), sauf les fonctions de juge de paix qui sont réglementées par les municipalités (articles 178.7 et 285). L’article 178 stipule que, par exemple, l’aménagement de l’espace urbain, le logement, le réseau routier et les transports urbains, la réglementation en matière de publicité, l’environnement urbain, les services publics, l’électricité, l’approvisionnement en eau, le ramassage des ordures ménagères, les services de base en santé et en éducation, et la police municipale relèvent de la juridiction des municipalités. Certains des pouvoirs exercés sur ces champs d’activités sont exclusifs, mais la plupart sont concurrents. Quant aux états, la Constitution ne précise pas leurs domaines de compétence exclusive, et s’en tient à des considérations formelles et procédurales. En outre, les compétences limitées qu’elle leur reconnaît sont de nature concurrente; elles portent, par exemple, sur l’organisation municipale, l’exploitation des minéraux non métalliques, la police, le réseau routier d’état, l’administration des routes nationales, et les aéroports et ports commerciaux (article 164). La Constitution limite les compétences concurrentes – qui ont traditionnellement permis aux organismes des états de participer à de multiples activités – en assujettissant leur exercice à ce que l’Assemblée nationale décrète par le truchement de «lois générales», dont la formulation détaillée peut ensuite être confiée aux conseils législatifs des états (article 165). Toute loi portant sur des compétences concurrentes doit respecter les principes d’interdépendance, de coordination, de coopération, de responsabilité partagée et de subsidiarité (article 165). Sauf dans la Constitution de 1953 (1953–1961), particulièrement centralisatrice, les compétences résiduelles ont été traditionnellement confiées aux états. Dans la Constitution de 1999, toutefois, les compétences résiduelles des états ont été limitées par l’attribution au gouvernement national de compétences résiduelles concurrentes; le gouvernement national prédomine donc en matière de prélèvement d’impôts qui ne sont pas explictement conférés aux états ou aux municipalités (article 156.12).

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Il importe de noter que, bien que la Constitution de 1999 se caractérise par un centralisme prononcé, elle préserve et réaffirme néanmoins certains principes de décentralisation. Reprenant donc les grandes lignes de la Constitution de 1961, elle permet à l’Assemblée nationale de transférer des responsabilités relevant de la compétence du gouvernement central aux municipalités et aux états afin de promouvoir la décentralisation (article 157). Elle élargit en outre aux municipalités la portée du principe de décentralisation en faveur des états (article 165); et en ce qui concerne les deux niveaux territoriaux, la Constitution va plus loin en incluant aussi les communautés et les organisations des collectivités (article 184). C’est pourquoi, au sein de la Constitution, il y a une forte tendance, en théorie du moins, en faveur de la décentralisation; celle-ci est même considérée comme une «politique nationale» qui «doit renforcer la démocratie en rapprochant le peuple du pouvoir» (article 158). Il convient de s’arrêter aux articles de la Constitution portant sur le financement de la fédération. Presque tout ce qui a trait au régime fiscal est plus centralisé que ce que prévoyait la Constitution de 1961, et les états n’ont plus de compétences en matière fiscale. En plus d’énumérer les compétences du gouvernement national dans le domaine des impôts de base (impôt sur le revenu, impôts sur les successions et les dons, impôts sur le capital, impôts sur la production, taxe sur la valeur ajoutée, taxes sur les ressources en hydrocarbures et les mines, taxes sur les importations et les exportations de biens et services, et taxes sur la consommation de boissons alcoolisées, de cigarettes et de tabac) (article 156.12), et d’attribuer expressément aux municipalités des pouvoirs sur les impôts locaux (article 179), la Constitution, comme on l’a déjà mentionné, confère au gouvernement national des compétences résiduelles en matière fiscale (article 156.12). Ainsi, la Constitution n’octroie pas de compétences fiscales aux états, sauf en ce qui concerne les documents officiels et les timbres fiscaux (article 164.7). Les états ne peuvent percevoir d’impôts que lorsque le gouvernement national leur transfère expressément, en vertu d’une loi, des compétences fiscales particulières (article 167.5). Ne disposant pas de ressources fiscales propres, les états doivent se fier aux transferts de ressources financières provenant du gouvernement national pour financer leurs dépenses. Ces transferts se font par trois voies. Il y a, premièrement, la «Contribution du gouvernement national en vertu de la Constitution», prévue annuellement dans la loi budgétaire nationale. Le montant de cette contribution correspond à un minimum de 15 pour cent et à un maximum de 20 pour cent de l’estimation des recettes nationales ordinaires de l’année (article 167.4). Deuxièmement, en vertu d’une loi nationale, on a mis en place un

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système de transferts économiques spéciaux pour les états et les territoires où des projets miniers ou d’hydrocarbures sont en cours d’élaboration. La loi prévoit en outre que ces transferts peuvent être consentis à d’autres états (article 156.16). Et, troisièmement, le financement destiné aux états et aux municipalités provient de fonds nationaux comme le Fonds intergouvernemental pour la décentralisation, créé en 1993, ou le Fonds de compensation interétatique, qui est envisagé dans la Constitution (article 167.6). Ainsi, les états dépendent entièrement des transferts de ressources financières du gouvernement fédéral. Certains de ces transferts sont régis par la Constitution de façon assez précise, mais en pratique, les transferts des montants se font souvent en retard. En fait, ce retard peut servir de mesure de représailles politiques lorsque le gouverneur d’un état s’oppose au président de la République. Le gouvernement fédéral a par ailleurs disposé, sans en avoir l’autorité, de revenus qui devaient demeurer dans un fonds national macroéconomique qui appartient aux états.

3 dynamique po lit iqu e récen te Le régime démocratique institué en 1958 a évolué au cours des quatre dernières décennies. Il est devenu une démocratie de partis, ou une nation de partis, où les partis politiques traditionnels créés au cours des années 40 ont monopolisé la représentation et la participation politiques en maîtrisant tous les leviers du pouvoir. Pendant les deux premières décennies de la démocratie, ce régime a permis de mettre en place des institutions démocratiques dans un des pays d’Amérique latine les plus dépourvus de traditions démocratiques. Au cours des dernières décennies, toutefois, ce même régime a eu des effets pernicieux sur la démocratie et sur le fonctionnement du système politique. La légitimité démocratique des partis et des institutions politiques s’amenuise à mesure que se révèle leur incapacité d’évoluer et de mettre en œuvre les réformes exigées par la démocratie. Les quelques réformes entreprises – surtout en 1989 – comme la décentralisation politique de la fédération, n’ont pas donné les résultats escomptés. Cette situation a conduit à une crise politique au sein d’un système de partis dépourvu de leadership. En 1998, ce vide politique s’est traduit par un effondrement des partis, ce qui a permis à un chef militaire (Hugo Chávez Frías) d’être porté au pouvoir par les masses populaires. Le président Chávez a donné un élan à ce qui était devenu inévitable – un changement de régime. Une nouvelle Constitution a été rédigée par une assemblée constituante totalement sous le contrôle des partisans du président. Ainsi, la Constitution de 1999 a été

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imposée par un seul parti politique, ce dernier ayant écarté toute possibilité de négociation, d’entente ou de conciliation avec les autres partis et groupes politiques du pays. Comme on l’a déjà mentionné, la Constitution de 1999 n’a fait que consolider la «fédération centralisée» que le Venezuela possède depuis plus d’un siècle et a, en fait, centralisé encore davantage les pouvoirs. En outre, elle a renforcé le présidentialisme en permettant une délégation illimitée des pouvoirs législatifs au président de la République (articles 207 et 237.8), dont le mandat est maintenant de six ans. La Constitution comporte aussi des dispositions désuètes et englobantes qui ne sont plus utilisées dans les démocraties modernes, et qui lui donnent une orientation militaire qui met de côté le principe de la soumission du pouvoir militaire au pouvoir civil. Enfin, elle comporte des dispositions détaillées touchant la défense et la sécurité nationales qui ne sont pas sans rappeler la doctrine en vogue dans certains pays latino-américains du cône sud pendant les années 70. Le mélange de centralisme, de présidentialisme et de militarisme qui a inspiré la Constitution du Venezuela lui confère un caractère fortement autoritaire. Il s’agit là, sans doute, d’un sous-produit de la crise du régime démocratique au sein des divers partis. Leurs chefs respectifs n’ont pas su présenter en temps opportun les changements qui auraient permis de perfectionner le fonctionnement de la démocratie en la détachant des partis et de l’État. Malheureusement, le processus d’adoption de la Constitution du président Chávez n’a pas été élaboré comme un instrument de conciliation qui permettrait de reconstruire le régime démocratique et d’assurer une bonne gouvernance. Une telle approche aurait fait appel à l’engagement politique de tous les éléments de la société et à la participation de tous les secteurs pour l’établissement d’une démocratie efficace, ce qui ne s’est pas produit. Le processus constitutionnel de 1999, en fait, n’a servi qu’à faciliter la prise de contrôle complète, par un groupe politique, des pouvoirs de l’État. Ce groupe a réussi à écraser tant les autres groupes que l’autonomie même des entités politiques de la fédération, laissant de ce fait échapper pratiquement toute chance d’intégration et de participation publique. Ainsi, le processus d’adoption de la Constitution est devenu un interminable coup d’État : l’Assemblée nationale constituante, élue en juillet 1999, a d’abord violé la Constitution de 1961, alors en vigueur, assumant tous les pouvoirs non octroyés par cette dernière et se permettant d’intervenir dans les affaires des états. Par la suite, cette même Assemblée constituante a violé la nouvelle Constitution de 1999, adoptée par référendum, en promulguant un «régime constitutionnel transitoire» non soumis ou approuvé au scrutin national. Cette situation prévaut

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toujours, ce qui a permis à l’Assemblée nationale suivante de légiférer hors du cadre constitutionnel, avec le consentement de la Chambre constitutionnelle du Tribunal suprême de justice. Une fédération se définit avant tout comme une forme d’État comportant une répartition territoriale du pouvoir public entre différents ordres de gouvernement, soit le gouvernement fédéral (national), les états fédérés et, parfois, des administrations locales. Les concepts de fédéralisme et de décentralisation des pouvoirs politiques s’y trouvent intimement liés, au point où parler de «fédération centralisée» constitue un oxymore. Le fédéralisme centralisateur du Venezuela constitue donc en soi une contradiction par rapport au concept de fédéralisme. Le fédéralisme et la décentralisation représentent, en plus, des concepts en lien avec la démocratie : il n’existe pas d’autocraties décentralisées. Par conséquent, la forte tendance à la centralisation que l’on observe au Venezuela depuis quelques années n’augure rien de bon en matière de gouvernance démocratique et de participation politique. La décentralisation représente sans contredit l’instrument le plus efficace, non seulement pour garantir le respect des droits civils et sociaux, mais également pour permettre la participation réelle du peuple au processus politique. Dans ce contexte, les administrations locales se doivent d’entretenir des rapports étroits avec la population. En France, par exemple, chaque administration locale élue démocratiquement représente environ 1 614 habitants; en Espagne, ce nombre s’élève à 4 825; en Allemagne, à 5 086; en Suisse, à 2 333; en Italie, à 7 156; aux États-Unis, à 3 872; et au Canada, à 6 878. Contrairement à la situation qui prévaut généralement au sein des fédérations possédant un régime démocratique bien établi, au Venezuela, malgré ce qu’en dit la Constitution, les administrations locales sont complètement hors de portée des citoyens et des organismes communautaires et ne peuvent, par le fait même, constituer un outil de participation politique et de gouvernance démocratique. Par conséquent, le Venezuela – avec un territoire deux fois plus grand que celui de la France – ne compte que 338 municipalités élues, chacune des administrations locales représentant en moyenne 71 006 habitants. Ainsi, toute participation politique véritable, qui ne peut réellement voir le jour qu’à une échelle locale, devient impossible. Néanmoins, la Constitution de 1999 définit clairement la décentralisation comme une «politique nationale destinée à renforcer la démocratie» (article 158). Or, les activités politiques des trois dernières années se sont caractérisées par un mouvement progressif de centralisation de la part du gouvernement, excluant de ce fait un soutien actif au développement de l’administration locale. Par conséquent, on se retrouve, au Venezuela, avec un fédéralisme reporté et une démocratie fragilisée.

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Les trois dernières années n’ont pas été faciles pour le Venezuela. La population du pays a été profondément divisée sur le gouvernement du président Chávez. Il a obtenu le soutien d’importants secteurs de la classe pauvre et ouvrière, tandis que d’autres secteurs de cette même classe pauvre et ouvrière, conjointement avec des élites économiques (provenant notamment de l’industrie pétrolière nationalisée), les médias locaux et la classe moyenne, s’y sont opposés. Ces divisions sont devenues évidentes lors de la grève générale (à laquelle une partie de l’industrie pétrolière nationalisée a participé) du printemps 2002. À la suite des effusions de sang du 11 avril 2002, survenues au cours des affrontements entre les manifestants en faveur et contre le gouvernement (de 12 à 16 personnes y ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées), les forces armées ont annoncé qu’elles n’obéiraient plus aux ordres présidentiels visant à briser la grève. Le 12 avril 2002, l’officier supérieur des forces armées a annoncé publiquement que le président Chávez avait démissionné. Mais dès le 14 avril, Chávez était de retour au palais présidentiel, et la démission avait été retirée. Le Venezuela a connu une autre grève générale – de décembre 2002 à février 2003 – pour dénoncer le gouvernement. Cette fois-ci, l’ensemble de l’industrie pétrolière nationalisée y a participé. Cette grève a complètement paralysé l’économie du pays, puisque la production du secteur pétrolier représente un tiers du PIB et que ce secteur intervient dans près de 85 pour cent des recettes d’exportation. La grève a pris fin lorsque le gouvernement et l’opposition ont accepté de négocier. Un accord a été signé en mai 2003 par les représentants du gouvernement et ceux de la «Coordination démocratique» (regroupant tous les partis politiques et les organisations démocratiques d’opposition). Le régime Chávez continue de susciter le mécontentement au sein de l’opposition, qui dénonce notamment les violations des droits de la personne, soutenues ou passées sous silence par les fonctionnaires, et qui ont même provoqué à plusieurs reprises l’intervention de la Commission interaméricaine des droits de la personne de l’Organisation des États américains (OEA). L’opposition a organisé une pétition, qui a été signée par plus de quatre millions de personnes, pour demander la convocation d’une consultation référendaire sur la destitution du président Chávez. Un règlement du Tribunal suprême de justice a bloqué la possibilité de convoquer le référendum consultatif. Il a fallu attendre jusqu’en septembre 2003 pour que le Conseil national électoral, auquel de nouveaux membres venaient d’être nommés par ce même Tribunal suprême de justice (à cause de l’absence de prise de

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position sur la question par l’Assemblée nationale), décrète que les signatures appelant la tenue d’un référendum sur la destitution du président Chávez n’étaient pas valides. Par conséquent, en décembre 2003, l’opposition a recueilli à nouveau plus de 3,5 millions de signatures, cette fois conformément au règlement officiel, demandant la tenue d’un référendum, dans les premiers mois de 2004, sur la destitution du président. Le régime fédéral du Venezuela, par suite de l’instabilité politique et économique qui a secoué le pays, a subi de fortes tensions. Le déclin du PIB au cours des trois dernières années a dégarni les coffres de l’État, ce qui a entraîné de graves problèmes au sein de l’entité politique que constitue le Venezuela.

4 sources de renseignements s u p p l é m e n ta i r e s Brewer-Carías, Allan R., La Constitución de 1999, Caracas, 2000. —, Federalismo y Municipalismo en la Constitución de 1999 (Una reforma Insuficiente y regresiva), Caracas, 2001. —, «El proceso de descentralización política en América Latina» (p. 109–146) et «La descentralización de la Federación Venezolana» (p. 181–202), in Alan. R. Brewer-Carías, Reflexiones sobre la organización territorial del Estado en Venezuela y en la América Colonial, Caracas, 1997. —, «La opción entre democracia y autoritarismo» (p. 41–60), «Democratización, descentralización política y reforma del Estado» (p. 105–126) et «El Municipio : la descentralización política y la democracia» (p. 127–142), in Alan. R. Brewer-Carías, Reflexiones sobre el constitucionalismo en América, Caracas, 2001. Brewer-Carías, Allan R. et al., Leyes y Reglamentos para la descentralización política de la Federación, Caracas, 1994. Combellas, Ricardo, Derecho Constitucional. Una introducción al Estudio de la Constitución de la República Bolivariana de Venezuela, Caracas, 2000. Coppedge, Michael, «Venezuelan Parties and the Representation of Elite Interests», in Kevin Middlebrook (dir.), Conservative Political Parties and Democracy in Latin America, Baltimore, Maryland, Johns Hopkins University Press, 2000, p. 110–136. Delfino, María de los Ángeles, La Descentralización en Venezuela, Parámetros Legales y Constitucionales, PNUD-COPRE, Caracas, 1996. Ellner, Steve et Daniel Hellinger (dir.), Venezuelan Politics in the Chavez Era : Class, Polarization and Conflict, Boulder, Colorado, Lynne Rienner, 2003.

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Trinkunas, Harold A., «Civil-Military Relations in Venezuela after 11 April», Center for Contemporary Conflict, 2003, sur Internet : http ://www.ccc.nps.navy.mil/rsepResources/si/may02/latinAmerica.asp Villalba, Gustavo León, Descentralización en Venezuela, FIDES, Caracas, 1996. http ://www.ameriques.uqam.ca/pdf/Chro_0406_Venezuela.pdf, article sur les politiques du gouvernement Chávez

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447 Venezuela Tableau I Indicateurs politiques et géographiques Capitale

Caracas

Nombre et type d’unités constituantes

23 états : Amazonas, Anzoátegui, Apure, Aragua, Barinas, Bolívar, Carabobo, Cojedes, Delta Amacuro, Falcón, Guárico, Lara, Mérida, Miranda, Monagas, Nueva Esparta, Portuguesa, Sucre, Táchira, Trujillo, Vargas, Yaracuy, Zulia 1 district fédéral : Caracas 1 dépendance fédérale qui comprend 11 groupes d’îles sous autorité fédérale, avec, au total, 72 îles individuelles

Langue(s) officielle(s)

Espagnol

Superficie

912 050 km2

Superficie – plus grande unité constituante

Bolívar – 238 000 km2

Superficie – plus petite unité constituante

District fédéral (Caracas) – 1 930 km2

Population totale

25 549 084 (2003)

Population de chaque unité constituante (% de la population totale)

Zulia 13,3 %, Miranda 10,8 %, District fédéral (Caracas) 9,5 %, Carabobo 8,7 %, Lara 6,5 %, Aragua 6,2 %, Bolívar 5,4 %, Anzoátegui 4,7 %, Táchira 4,3 %, Sucre 3,4 %, Portuguesa 3,4 %, Falcón 3,1 %, Mérida 3,1 %, Guárico 2,6 %, Monagas 2,5 %, Trujillo 2,4 %, Barinas 2,4 %, Yaracuy 2,1 %, Apure 1,9 %, Nueva Esparta 1,6 %, Vargas 1,53 %, Cojedes 1,1 %, Delta Amacuro 0,5 %, Amazonas 0,4 %

Régime politique – fédéral

République fédérale

Chef d’État – fédéral

Président : Hugo Rafael Chávez Frías (1999), Mouvement pour la cinquième République (Movimiento Quinta República, MVR). Élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 6 ans. Le président ne peut remplir que deux mandats consécutifs.

Chef de gouvernement – fédéral

Président : Hugo Rafael Chávez Frías. Le président nomme les membres du Cabinet (Conseil des ministres).

Structure de gouvernement – fédéral

Monocaméral (depuis 1999) – Assemblée nationale (Asamblea Nacional), 165 sièges. L’Assemblée nationale actuelle a été élue le 14 août 2000. Les membres sont élus au suffrage direct à la représentation proportionnelle (un amalgame du scrutin de liste et de circonscriptions uninominales) pour un mandat d’une durée de 5 ans. Trois sièges sont réservés aux peuples autochtones du Venezuela.

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448 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau I (suite) Nombre de représentants à la Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la plus peuplée

Zulia – 15

Nombre de représentants à la Amazonas – 3 Chambre basse du gouvernement fédéral pour l’unité constituante la moins peuplée Partage des compétences

La Constitution énumère les compétences exclusives qui appartiennent au gouvernement fédéral, aux états et aux municipalités. Elle confère au gouvernement fédéral 33 compétences exclusives, notamment les affaires internationales, la sécurité et la défense, l’immigration, la réglementation en matière d’économie à l’échelle nationale, les devises, la frappe de la monnaie, l’imposition (qui n’est pas conférée aux états ou aux municipalités), le commerce extérieur, l’industrie minière et pétrolière, les politiques et la réglementation nationales en matière d’éducation, de santé, d’environnement, d’aménagement du territoire, d’administration de la justice, de transports, de production industrielle et agricole, et de télécommunications. Les compétences législatives des états sont limitées. Ceux-ci possèdent des compétences concurrentes (avec le gouvernement fédéral) portant sur l’encadrement des administrations locales et l’administration de leurs ressources fiscales, le réseau routier d’état, les aéroports et ports commerciaux, et la police d’état. La Constitution énumère également les compétences que peuvent exercer les municipalités (article 178), notamment l’aménagement de l’espace urbain, le logement, l’électricité, l’approvisionnement en eau, les services de santé de base, le ramassage des ordures ménagères et la police municipale.

Compétences résiduelles

Les compétences résiduelles relèvent des états. (N.B. La Constitution de 1999 limite ces pouvoirs en donnant au gouvernement fédéral une compétence résiduelle concurrente en matière d’imposition.)

Tribunal constitutionnel (tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle)

Tribunal suprême de justice (Tribunal Suprema de Justicia). Les magistrats sont élus par l’Assemblée nationale pour un mandat d’une durée de 9 ans. Un tiers des magistrats est élu tous les trois ans. Les magistrats peuvent être réélus.

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449 Venezuela Tableau I (suite) Régime politique – unités constituantes

Monocaméral – Conseil législatif, chacun étant formé de 7 à 15 membres élus au suffrage direct à la représentation proportionnelle pour un mandat d’une durée de 5 ans. Chaque état possède sa propre Constitution.

Chef de gouvernement – unités constituantes

Gouverneur. Élu au suffrage direct pour un mandat d’une durée de 4 ans. Il ne peut être réélu qu’une fois, pour un second mandat consécutif.

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450 Guide des pays fédéraux, 2005 Tableau II Indicateurs économiques et sociaux PIB

131,1 milliards de $ US à PPA (2002)

PIB par habitant

5 226 de $ US à PPA (2002)

Dette nationale extérieure

34,7 milliards de $ US (2001)

Dette infranationale

s.o.

Taux de chômage national

16,7 % (octobre 2003)

Unité constituante avec le taux s.o. de chômage le plus élevé Unité constituante avec le taux s.o. de chômage le plus faible Taux d’alphabétisation chez les adultes

92,8 % (2001)1

Dépenses nationales en matière d’éducation (% du PIB)

5,2 % (1995–1997)

Espérance de vie (années)

73,53 (2001)

Recettes du gouvernement fédéral – impôts et sources connexes

9 milliards de $ US (prélim. 2002)2

Recettes des unités constituantes – impôts et sources connexes

s.o.

Transferts fédéraux aux unités constituantes

2,9 milliards de $ US (prélim. 2002)

Mécanismes de péréquation

Les transferts sont calculés selon une formule donnée. 30 % des recettes fiscales fédérales sont distribués à parts égales entre les états, les territoires et le district fédéral. Les 70 % restants sont distribués proportionnellement en fonction du nombre d’habitants.

Sources Banque mondiale, «Table A.42 – Total External Debt of Developing Countries 1995– 2001», Global Development Finance 2003 – Striving for Stability in Development Finance : Statistical Appendix (External Liabilities and Assets), 2003, sur Internet : http :// www.worldbank.org/prospects/gdf2003/statappendix/ externalliabilitiesandassets.pdf Banque mondiale, «Quick Reference Tables : Data and Statistics», sur Internet : http :// www.worldbank.org/data/quickreference/quickref.html Constitución de la República Boliviana de Venezuela, 1999, gouvernement du Venezuela, sur Internet : http ://www.gobiernoenlinea.ve/ Economist, The, «Country Briefings : Venezuela», sur Internet : http ://www.economist. com/countries/Venezuela/profile.cfm?folder=Profile %2DPolitical %20Structure

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451 Venezuela Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2003 : Indicateur du développement humain, sur Internet : http :// hdr.undp.org/reports/global/2003/francais/pdf/hdr03_fr_HDI.pdf Venezuela, Assemblée nationale, sur Internet : http ://www.asambleanacional.gov.ve Venezuela, Bureau de statistiques, «Esperanza de vida al nacer de ambos sexos», sur Internet : http ://www.ine.gov.ve/ine/registrosvitales/mortalidad.asp Venezuela, Bureau de statistiques, «Estadísticas Municipales : Indicadores Básicos», sur Internet : http ://www.ine.gov.ve/ine/ficha/menufi.asp Venezuela, Bureau de statistiques, «Indicadores globales de la fuerza de trabajo, según sexo», 2003, sur Internet : http ://www.ine.gov.ve/ine/hogares/SeleccionHogares. asp?Periodo=M&Anos=2003&Trim_Desde=1+Trim&Trim_Hasta=1+Trim Venezuela, Bureau de statistiques, «Población total, por sexo, 1950–2005», sur Internet : http ://www.ine.gov.ve/ine/poblacion/distribucion.asp Venezuela, Bureau de statistiques, «Población total según entidad federal, 1990–2005», sur Internet : http ://www.ine.gov.ve/ine/poblacion/distribucion.asp Venezuela, Tribunal suprême de justice, sur Internet : http ://www.tsj.gov.ve/ Venezuela (Gouvernement du), sur Internet : http ://www.gobiernoenlinea.ve/ Venezuela (Gouvernement du), ministère des Finances, «Gobierno Central Presupuestario : Resultado Financiero», 2002, sur Internet : http ://www.mf.gov.ve/ archivos/2000020001/oefp-02-2002-E-Mensual.xls Notes 1 15 ans et plus 2 Recettes fiscales provenant de sources autres que le pétrole

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deuxième partie Articles comparatifs

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Caractéristiques fédérales du projet de Constitution pour l’Union européenne CESARE PINELLI

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le modèle fédéral constitue une sorte d’idéal pour les Européens. Mais l’Union européenne (UE) n’est pas un État fédéral et elle est peu susceptible de le devenir dans un délai raisonnable. Cela dit, l’intégration européenne comporte certaines caractéristiques fédérales et celles-ci exerceront vraisemblablement une plus grande influence sur l’UE si on approuve au cours des prochains mois le «Projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe» visant à réorganiser tout le système institutionnel de l’UE. Pour tenter d’illustrer ces affirmations, cet article rappellera brièvement l’évolution du système institutionnel européen avant de souligner certaines des principales innovations que propose le projet de traité constitutionnel de 2003.

évolution des institutions européennes Après 1945, la paix et l’unité sont apparues comme l’idéal le plus noble à poursuivre pour l’Europe. Il en allait ainsi non seulement pour les intellectuels, qui faisaient remonter cet idéal au siècle des Lumières, mais aussi pour les chefs politiques européens comme Konrad Adenauer, Alcide De Gasperi, René Schuman et Henri Spaak. Comme l’Europe est composée d’États profondément enracinés dans leurs traditions historiques et jaloux de leur identité politique, on a cru que le moyen le plus approprié de rassembler ces divers États en un tout cohérent était de mettre en place une fédération plutôt qu’une entité centralisée.

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En 1953, une assemblée ad hoc composée de représentants des six États de la «petite Europe» (Allemagne de l’Ouest, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), s’appuyant sur une étude comparative du fédéralisme préparée par d’éminents juristes américains, proposa un projet de constitution prévoyant la mise en place d’un régime quasi fédéral regroupant les six États en question1. Mais les intérêts et autres considérations d’ordre national, bien qu’ayant perdu leur légitimité comme moyens de justifier une conduite agressive à l’égard d’autres États, n’en constituaient pas moins un élément essentiel de la culture politique des États européens. L’approbation du projet étant subordonnée à l’acceptation d’une proposition concernant la création de la Communauté européenne de défense, le rejet par le Parlement français de cette proposition entraîna l’abandon du projet de constitution. Du point de vue de l’adoption éventuelle du modèle des «États-Unis d’Europe», cet épisode a marqué un tournant. Les élites politiques des six États mentionnés se sont rendu compte qu’une communauté unique ne pouvait se concevoir que sur le terrain économique. C’est ainsi qu’a été adoptée l’approche fonctionnaliste de Jean Monnet. Celui-ci proposait d’approfondir l’intégration amorcée grâce à l’établissement en 1951 de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. D’où l’adoption en 1957 du traité de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE). La CEE a d’abord été conçue comme une «coalition fondée sur une fin rationnelle» (Zweckverband) et s’est vu confier par les États membres des tâches limitées devant être effectuées de manière concertée sans contraintes importantes sur leurs moyens d’action2. Comme la CEE a acquis sa légitimité surtout grâce à son efficacité économique, il n’y a pas eu de débats constitutionnels. Ce n’est d’ailleurs qu’à l’occasion du traité de Maastricht de 1992 que l’opinion publique a commencé à s’intéresser à de tels débats. L’évolution interne de la Communauté européenne a toujours revêtu une certaine complexité. En témoigne de manière éloquente le contraste entre l’évolution multiple de l’administration européenne, d’une part, et celle du régime juridique et judiciaire, d’autre part. Le

1 R.R. Bowie et C.J. Friedrich (dir.), Studies on Federalism, Boston, Little, Brown and Company, 1954. 2 M. Rainer Lepsius, «The European Union : Economic and Political Integration and Cultural Plurality», in K. Eder et B. Giesen (dir.), European Citizenship between National Legacies and Postnational Projects, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 208.

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traité de Rome confiait la gestion des affaires européennes à trois institutions : le Conseil des ministres, la Commission et le Parlement européen. Le Conseil, composé de délégués des États membres, était le principal corps législatif communautaire et s’est vu confier des tâches administratives. La Commission, dont les membres sont nommés par les gouvernements nationaux, incarnait le pouvoir exécutif de la Communauté et, à titre de gardien de ses intérêts, devait exercer ses fonctions en toute indépendance. Initialement conçu comme un organe consultatif, le Parlement européen est, depuis 1976, composé de députés élus au suffrage direct et s’est vu confier progressivement des fonctions législatives et d’autres fonctions politiques. Ces institutions constituent ce que l’on appelle le «triangle institutionnel»: ses éléments «supranationaux», représentés par la Commission et le Parlement européen, font contrepoids aux mécanismes «intergouvernementaux», incarnés par le Conseil des ministres. Cet équilibre a été conçu comme une réalité vivante fondée sur des ajustements mutuels plutôt que sur le respect de règles écrites. De fait, lorsqu’on a confié certains pouvoirs au Parlement européen dans des domaines comme les lois et le budget communautaires, un puissant organisme composé de certains chefs des États membres (le Conseil européen) est apparu. Il en a résulté une sorte d’équilibre à l’échelon intergouvernemental3. En outre, en confiant certaines compétences au Parlement européen, on a renforcé la signification pratique de l’unanimité au sein du Conseil, où il fallait être en mesure de rejeter les objections ou les propositions d’amendements du Parlement4. Bien que le cadre institutionnel de la Communauté semblât peu susceptible d’évoluer vers une fédération, des caractéristiques fédérales sont apparues au sein du système juridique et judiciaire de la CEE. Cette évolution s’explique surtout par les efforts fructueux de la Cour européenne de justice (CEJ) visant à convaincre les États membres de respecter le droit communautaire. De plus, toutes les difficultés liées à l’absence d’une clause de suprématie au sein du traité de la CEE ont été réglées lorsque la Cour a décidé d’établir une telle clause en vertu d’une décision judiciaire. D’après la CEJ, toute disposition du droit communautaire, qu’elle relève d’un traité ou d’une loi de la Communauté, a prépondérance sur les dispositions juridiques des États membres, y compris leurs dispositions constitutionnelles. C’est à la lumière

3 Voir B. Bramsen, «Le Conseil européen : son fonctionnement et ses résultats de 1975 à 1981», Revue du marché commun, 1982, 624 ff. 4 F.W. Scharpf, «The joint-decision trap : Lessons from German Federalism and European Integration», Public Administration, 1988, p. 268.

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des arrêts rendus par la CEJ que certains juristes, sous l’influence d’Erich Stein, en sont venus à conclure que, malgré ses fondements, le régime juridique et judiciaire de la Communauté produit les mêmes résultats que le gouvernement fédéral des États-Unis d’Amérique5. Le lien entre caractéristiques intergouvernementales et caractéristiques supranationales ou fédérales est devenu encore plus contrasté suite à l’approbation du traité de Maastricht en 1992. Le nombre d’États membres était alors passé de six à quinze et l’«Acte unique européen» de 1986 avait sanctionné le passage d’un marché «ouvert» à un «marché unique». Le traité de Maastricht a approfondi l’intégration communautaire en créant notamment la Banque centrale européenne et une monnaie unique, l’euro, bien qu’il ait limité l’usage de celle-ci aux États membres de l’Union monétaire européenne (UME). D’autres caractéristiques fédérales sont donc apparues au sein du système de l’UE, mais elles ne concernaient pas des matières comme la défense, la politique étrangère ou les affaires intérieures, que l’on associe aux compétences traditionnelles des États souverains. Toutefois, les États membres se rendaient compte que, même dans ces domaines, il fallait recourir à une forme inférieure d’intégration, soit la coopération intergouvernementale. C’est ce qui a incité les auteurs du traité de Maastricht à créer différentes structures institutionnelles qu’on a baptisées «piliers» et qui varient selon les domaines d’activité. Bien que, en vertu du traité de la CEE, l’ordre communautaire, où l’intégration a toujours été très rigoureuse, corresponde au premier pilier, deux autres piliers ont été créés en vertu du traité de l’Union européenne : la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la Justice et les affaires intérieures (JAI). Malheureusement, les critères ayant présidé à la répartition des compétences entre la CEE et les États membres n’étaient pas suffisamment mis en relief dans ces traités. Au contraire, on a confirmé une règle antérieure conférant au Conseil des ministres le pouvoir de confier à la CEE, sous réserve d’unanimité, toute tâche jugée nécessaire à la poursuite des fins de la Communauté (article 308 du traité de la CEE). C’est que le droit européen, centré sur des mesures et des tâches fondées sur des politiques plutôt que sur des compétences, était encore imbu d’une conception non pas fédérale, mais fonctionnelle, du rôle

5 Voir E. Stein, «Lawyers, Judges and the Creation of a Transnational Constitution», American Journal of International Law, 1987, p. 1–27; et T.C. Hartley, «Federalism, Courts and Legal Systems : The Emerging Constitution of the European Community», The American Journal of Comparative Law, 1986, 229 ff.

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de l’État. Le risque que la CEE n’empiète sur les domaines relevant de la compétence des États membres était d’autant plus élevé que les tâches que le Conseil des ministres était susceptible de considérer indispensables à la poursuite des fins communautaires pouvaient déborder les compétences de la Communauté. Ce risque, qui pesait sur les rapports entre les États membres et la CEE avant même le traité de Maastricht, s’est manifestement accru depuis sa signature. Celui-ci a en effet ouvert explicitement la voie à une unification politique de l’Europe en conférant à la Communauté des responsabilités relevant de domaines autres que ceux traditionnellement visés par le marché unique et correspondant à ce que l’on appelle communément l’acquis communautaire. Le seul mécanisme compensatoire était le principe de subsidiarité, selon lequel les interventions de la CEE dans des domaines du ressort des États membres ne sont admissibles que si, et dans la mesure où, les interventions des États membres n’ont pas donné les résultats escomptés. Mais ce mécanisme ne s’est pas révélé efficace. Du point de vue du cadre institutionnel, l’approfondissement de l’intégration supranationale et, par conséquent, l’accroissement du rôle de la Commission ont été contrebalancés par une redéfinition du rôle du Conseil européen. D’après l’article 4 du traité sur l’Union européenne, celui-ci «donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations politiques générales». Mais comme l’équilibre institutionnel correspond à une structure reposant sur trois «piliers», il en est résulté ce que l’on a appelé «une configuration institutionnelle labyrinthique6». Bien que l’image des piliers évoque le style gothique, le fonctionnement de l’UE dans la foulée du traité de Maastricht s’apparente plutôt au style baroque puisque ni les relations entre les États membres et l’UE ni le cadre institutionnel de l’UE n’ont été réformés en conséquence. Le traité d’Amsterdam (1997) a sensiblement accru la participation du Parlement européen au processus législatif et à la procédure de nomination des membres de la Commission. Mais ni le traité d’Amsterdam ni celui de Nice (2001) n’ont réussi à simplifier ou à réformer de manière satisfaisante les traités européens. Entre-temps, l’engagement concernant l’élargissement de l’Union à dix nouveaux membres (huit pays d’Europe de l’Est, ainsi que Malte et Chypre) est devenu une

6 G. de Burca, «The Institutional Development of the EU : A Constitutional Analysis», in P. Craig et G. de Burca (dir.), The Evolution of EU Law, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 80.

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priorité irréversible. Tout en ouvrant la voie à l’unification de l’ensemble du continent, cet élargissement confère au renforcement du système institutionnel un caractère impératif. Étant donné que les trois traités approuvés en moins de dix ans n’ont pas réussi à réformer le système de l’UE, on peut se demander s’il est possible d’introduire des réformes à partir de la procédure traditionnelle de modification des traités de l’UE. Selon l’article 48 du traité sur l’Union européenne, toute révision d’un traité européen est assujettie à l’approbation unanime d’une Conférence intergouvernementale (CIG, composée de représentants des États membres) et à la ratification de tous les États membres. Les conférences intergouvernementales sont régies par des règles diplomatiques, ce qui tend à maintenir plutôt qu’à réformer les institutions, les fonctions et les procédures. D’où l’émergence d’un phénomène que les observateurs de l’UE appellent la «dépendance de parcours7». Lorsque les pressions politiques en faveur des réformes deviennent contraignantes, le processus de prise de décisions des conférences intergouvernementales donne généralement lieu à la création d’institutions, de fonctions et de procédures qui, loin de supprimer ou de réformer celles qui sont déjà en vigueur, s’y ajoutent. Le résultat va à l’encontre de la simplification des traités et des procédures que les institutions européennes recherchent et exigent pour les révisons de traités. Dans la mesure où l’UE a acquis une dimension politique qui n’existait pas au cours des décennies précédentes, le besoin de transparence et de démocratie dans le cadre des procédures de révision de traités s’est également accru. La méthode des réformes est considérée comme plus importante encore que leur contenu8. L’adoption de la Charte des droits fondamentaux des citoyens de l’Union européenne a facilité la mise en place d’une nouvelle approche en matière de procédures de réforme. Jusqu’à 1999, bien que n’apparaissant pas dans les traités européens, ces droits (à l’exception de ceux liés à la création d’un marché unique) étaient reconnus par la Cour européenne de justice. Enfin, le Conseil européen tenu à Cologne en juillet 1999 a confié à un «organe» ad hoc la tâche

7 Pour une analyse de ce concept, voir U. Sverdrup, «An institutional perspective on treaty reform : Contextualizing the Amsterdam and Nice Treaties», Journal of European Public Policy, 2002, 120 ff. 8 P. V. Dastoli, «An EU Constitution and Federalism after Nice : A New Chance or Requiem for a Myth?», The International Spectator, vol. XXXVI, no 1 (janvier-mars 2001), p. 58.

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d’inscrire «les droits fondamentaux en vigueur au niveau de l’Union dans une charte de manière à leur donner une plus grande visibilité9». Le Conseil européen tenu à Tampere (Finlande) en octobre 1999 a conclu que l’«organe» serait composé de 15 représentants des chefs d’État / de gouvernement des États membres, d’un représentant de la Commission européenne, de 16 représentants du Parlement européen et de 30 membres désignés par les parlements nationaux. Cette composition conférait au processus de prise de décisions une légitimité démocratique que les conférences intergouvernementales n’ont pas. (L’«organe» n’ayant pas été défini, ses membres l’ont nommé «Convention»; ce mot a toujours été utilisé depuis lors, aussi bien dans la terminologie officielle que dans le langage courant, et ce sans que les institutions européennes et les citoyens ne s’y opposent). Les travaux de la Convention ont été communiqués au public au moyen d’Internet et on a veillé à assurer une bonne participation des associations et des syndicats au processus de prise de décisions de la Convention. La méthode d’approbation de la Charte des droits fondamentaux des citoyens de l’Union européenne (que la conférence de Nice a «proclamée» mais qu’elle n’a jamais officiellement inscrite dans la liste des traités européens) est ainsi devenue un modèle que l’on s’est proposé de suivre pour s’attaquer à une tâche beaucoup plus délicate : la réforme des traités européens. La simplification et la réforme de ces traités étaient-elles les seuls objectifs visés? Dans son discours du 12 janvier 1999 au Parlement européen, le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, a proposé un débat plus vaste sur la création d’une Constitution de l’Union européenne10. Depuis, les chefs politiques européens influents se sont rendu compte que le temps est venu d’utiliser le mot «constitution», lequel a pourtant été longtemps banni du vocabulaire européen officiel parce qu’il donnait lieu à de grandes controverses11.

9 Conseil européen, «Conclusions de la présidence, Titre IV», Cologne, 3 et 4 juin 1999. 10 Sur cette question, voir B. de Witte, «The Nice Declaration : Time for a Constitutional Treaty of the European Union?», The International Spectator, vol. XXXVI, no 1 (janvier-mars 2001), 24 ff. 11 G. L. Tosato, «Simplification of the Treaties as a Constitutional Process», Institutional Reforms in the European Union. Memorandum for the Convention, EuropEos, Rome, 2002, 183 ff.

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p ro j e t d e c o n s t i t u t i o n p o u r l’ u e La conférence tenue à Laeken en décembre 2001 a été couronnée par une déclaration confiant à une nouvelle Convention – dont la composition était comparable à la Convention ayant adopté la Charte des droits fondamentaux – la tâche de s’attaquer aux «questions clés liées à l’avenir de l’Union». Non seulement ces questions comportaientelles une simplification et une réorganisation des traités européens, elles menaient aussi à reconnaître que cette démarche «pourrait ne pas aboutir à long terme à l’adoption d’un texte constitutionnel au sein de l’Union». Malgré sa formulation prudente, la déclaration de Laeken décrit les préalables à l’adoption d’un projet de Constitution pour l’Union européenne. On aurait tort de comparer la Convention européenne à la convention constitutionnelle de 1787 tenue à Philadelphie, où a été rédigée la Constitution des États-Unis. Contrairement à la convention de Philadelphie, celle de l’UE n’était pas souveraine puisque sa mission se limitait à présenter à la Conférence intergouvernementale un projet de constitution. En outre, le projet a donné lieu non pas à l’établissement d’une nouvelle fédération, mais à une importante réforme des traités européens. Le texte de la convention présenté au Conseil européen de Thessalonique le 20 juin 2003 a été débattu au cours du semestre de la présidence italienne du Conseil européen sans être approuvé ou rejeté. L’actuelle présidence irlandaise, et surtout la présidence néerlandaise qui débutera en juillet 2004, pourraient être décisives en ce qui a trait à l’approbation du texte. Caractéristiques fédérales du projet de traité constitutionnel Que la version actuelle du projet de traité constitutionnel soit ou non approuvée, il est souhaitable d’en résumer les principales caractéristiques et de montrer en quoi elles se distinguent des constitutions des États fédéraux. Le projet de Constitution pour l’Europe (PCE) comporte 456 articles et compte environ 260 pages. Bien qu’une constitution de cette ampleur puisse sembler bizarre, il ne faut pas oublier que le projet est le résultat de la fusion des traités de la CE et de l’UE. Les trois «piliers» ont été abolis, ce qui devrait aider à simplifier le régime institutionnel et la répartition des compétences entre l’UE et les États membres. De plus, l’UE disposerait dorénavant d’une personnalité juridique (articles 1 à 6), ce qui remédierait aux graves problèmes de

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droit international (que l’on ne peut aborder ici) que son absence soulève depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht. Le PCE est constitué des quatre parties suivantes : • •





Partie I : la nouvelle architecture constitutionnelle (59 articles); Partie II : la «Charte des droits fondamentaux de l’Union» (54 articles), y compris certaines modifications à la Charte proclamées à la Conférence de Nice; Partie III : les dispositions relatives aux «politiques de l’Union et au fonctionnement des institutions» (342 articles), dont l’acquis communautaire du traité de la CE modifié pour tenir compte des nouveaux principes et du cadre général établis en vertu de la Partie I; et Partie IV : «les dispositions générales et finales» (10 articles) qui prévoient notamment les procédures du projet de constitution.

Les dispositions concernant l’adoption du PCE (article IV-8) confirment la règle de ratification à l’unanimité dans le cas de la révision des traités de l’UE par les Hautes Parties contractantes, règle prévue à l’article 48 du traité de l’Union européenne. Cette exigence ne peut être modifiée en vertu du droit international. Il convient de signaler que, selon une déclaration annexée au PCE, «si, à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature du traité établissant la Constitution, les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question». Sans passer outre à l’exigence d’une ratification à l’unanimité, cette déclaration donne au Conseil européen la possibilité d’exercer des pressions sur les États membres qui hésitent à ratifier le PCE qu’ils ont déjà approuvé au sein de la Conférence intergouvernementale. Rien n’est dit au sujet de la tenue de référendums nationaux visant à ratifier le PCE et à donner plus de légitimité démocratique au processus constitutionnel. Ce silence s’explique par le fait que toute obligation que l’UE pourrait créer au sujet de tels référendums serait susceptible d’être interprétée comme un empiètement sur les procédures constitutionnelles des États membres. Pour ce qui est des modifications au PCE, l’article IV-7 précise que le Conseil européen doit convoquer une Convention (établie selon les mêmes critères que ceux utilisés pour le projet de PCE) ayant pour mandat de proposer des modifications à la Conférence intergouvernementale à moins que le Conseil européen ne détermine que la portée limitée des modifications ne justifie pas une Convention. En outre, la règle de l’unanimité s’applique aussi bien à la procédure d’approbation

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des modifications au sein de la Conférence intergouvernementale qu’à la procédure correspondante de ratification de chaque État membre. Jusqu’ici, la méthode utilisée par la Convention pour modifier les traités de l’UE a produit de bons résultats, comme en témoigne le projet de PCE, mais la procédure de modification continue d’être pour une bonne part inspirée par le droit des organisations internationales plutôt que par le droit constitutionnel. Une révision de la procédure d’approbation du nouveau projet de constitution serait incompatible avec le droit international, mais une révision des procédures de modification du projet de constitution ne le serait pas. Cela dit, assujettir les modifications du PCE à la règle de la majorité qualifiée plutôt qu’à celle de l’unanimité aurait pu être un pas décisif vers l’établissement d’un ordre constitutionnel. Mais la résistance au changement a une fois de plus prévalu chez les États membres. Le PCE ne peut donc pas être considéré comme ayant la structure d’une constitution. Les dispositions du PCE s’apparentent-elles à celles des constitutions des États fédéraux? Pour répondre à cette question, il convient d’analyser les dispositions de la Partie I du PCE concernant la répartition des compétences entre l’UE et les États membres, et le cadre institutionnel de l’UE. L’article I-11 établit les catégories de compétences suivantes : •









«compétence exclusive» de l’Union (dans des domaines très limités mais importants, comme la politique monétaire et la politique commerciale commune); «compétence partagée», soit une compétence que la Constitution attribue à l’Union et qui est «partagée avec les États membres», ce qui signifie que «les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l’exercer» (cette notion s’applique à la plupart des secteurs réglementés par la CE); «la coordination des politiques économiques et de l’emploi» des États membres; «la définition et la mise en œuvre d’une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune»; et des actions de l’UE «en vue d’appuyer, de coordonner ou de compléter l’action des États membres, sans pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines».

L’article I-11 précise en outre que «l’étendue et les modalités d’exercice des compétences de l’Union sont déterminées par les

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dispositions spécifiques à chaque domaine de la Partie III», ce qui confirme l’importance d’une stricte coordination entre la Partie I et la Partie III. La Convention était ici aux prises avec un problème épineux. Bien que le mécontentement des États membres au sujet des critères présidant à la répartition des compétences incitât à limiter les pouvoirs de l’UE en établissant une liste de compétences étroites, la Commission a fait valoir à plusieurs reprises qu’une telle liste ne devait pas compromettre l’approche fondée sur les politiques, qui est un élément fondamental du fonctionnement de l’UE. À cet égard, les décisions de la Convention correspondent à une position mitoyenne. Tout en rejetant l’hypothèse selon laquelle une liste de compétences particulières équivaudrait à établir une répartition immuable des compétences, ses décisions ne se conforment pas à l’approche de la Commission puisque les politiques de l’UE officiellement reconnues dans la Partie III sont censées être réparties entre les diverses catégories de compétences définies en vertu de l’article I-11. Néanmoins, ces compétences sont définies de manière générale et sont complétées par une «clause de flexibilité» établissant un équilibre entre la nécessité pour l’UE d’agir dans le cadre des compétences que le PCE attribue à l’UE et la présumée «procédure d’alerte rapide» en vertu de laquelle les parlements des États membres sont appelés à participer au processus de prise de décisions12. Le PCE tient donc compte des tentatives visant à stabiliser et à simplifier le système en rapprochant les relations entre l’UE et les États membres du modèle fédéral. En Europe comme dans tous les régimes fédéraux, il semble toutefois que les constitutions soient «de mauvais

12 D’après l’article I-17, «[s]i une action de l’Union paraît nécessaire dans le cadre des politiques définies à la Partie III pour atteindre l’un des objectifs fixés par la Constitution, sans que celle-ci ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil des ministres, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées. La Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité visée à l’article 9, paragraphe 3, attire l’attention des parlements nationaux des États membres sur les propositions fondées sur le présent article». En vertu du Protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au PCE, les parlements nationaux sont autorisés à donner leur avis sur toute proposition d’action législative de l’UE et si les avis opposés à une proposition représentent au moins un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux, la Commission est tenue de réexaminer la proposition.

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guides pour comprendre la répartition effective des pouvoirs publics, celle-ci étant normalement, dans les fédérations modernes, la résultante fluide et presque accidentelle de la coopération et des conflits intergouvernementaux13». De plus, les exigences de l’intégration européenne varient au fil des ans et d’un secteur à un autre. Les juristes européens constatent que le partage des compétences entre l’UE et les États membres est susceptible d’être contesté et que l’enjeu pourrait bien être la capacité respective de chaque partie concernée de gouverner de manière effective14. La pluralité des approches de la Convention présuppose que, tout compte fait, une certaine définition des compétences est requise pour assurer une gouvernance effective bien que cette définition ne doive pas avoir un effet trop contraignant sur les politiques européennes. S’il s’agissait là d’une des tâches de la Convention, celle-ci peut prétendre s’en être acquittée. Cadre institutionnel de l’UE Le principal résultat que l’on espérait obtenir de la Convention était une révision généralisée du fonctionnement et des procédures des institutions européennes. Toutefois, depuis la conférence de Laeken, il paraît évident qu’une telle révision ne pourrait que réinterpréter l’équilibre entre la dimension fédérale et la dimension intergouvernementale du système, et ce, sans y déroger. Encore une fois, la Convention devait tomber de Charybde en Scylla. Compte tenu de tout cela, la Convention a opté pour un renforcement des éléments tant fédéraux qu’intergouvernementaux en prévoyant des mécanismes et des ajustements susceptibles de prévenir les conflits auxquels la nouvelle répartition des pouvoirs risque de donner lieu. Il a fallu au moins trois modifications pour renforcer la dimension fédérale du système. Ces modifications portent sur la séparation des pouvoirs, les procédures de prise de décisions et la relation entre la Commission et le Parlement européen. Puisque le pouvoir judiciaire est déjà considéré comme suffisamment autonome par rapport aux autres pouvoirs, la recherche d’une véritable séparation des pouvoirs visait la relation entre les pouvoirs exécutif et

13 J. Rodden et S. Rose-Ackerman, «Does Federalism Preserve Markets?», Virginia Law Review, vol. 83, 1997, p. 1527. 14 S. Weatherill, «Competence», in B. de Witte (dir.), Ten Reflections on the Constitutional Treaty for Europe, Florence, Institut de l’Université européenne (European University Institute), 2003, p. 48.

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législatif. Le fait que les sections fonctionnelles du Conseil des ministres (agriculture, transport) aient reçu le pouvoir d’adopter des lois (avec le Parlement européen) et de les mettre à exécution (avec la Commission et les États membres) est une source de confusion. À cet égard, le projet de Constitution confie à un organe unique du Conseil, dit «Conseil des affaires législatives et générales», la responsabilité de l’adoption des lois et du budget avec le concours du Parlement européen (articles I-22 et I-23). Le pouvoir législatif est ainsi réparti entre deux chambres, ce qui est conforme au modèle fédéral. Par ailleurs, on se trouve ainsi à abolir les diverses procédures législatives prévues par le traité de la CE, lesquelles correspondent aux divers modes de participation du Parlement européen au processus de prise de décision et aux diverses majorités au sein du Conseil des ministres. À cet égard, l’article I-24 prévoit l’application de la règle de la double majorité en vertu de laquelle les questions sont soumises aussi bien aux États qu’à la population de l’Union. Cette règle exige soit une majorité des États membres représentant au moins trois cinquièmes de la population (pour les propositions de lois ordinaires qui découlent d’une initiative de la Commission), soit une majorité de deux tiers des États représentant au moins trois cinquièmes de la population (lorsque les décisions du Conseil ne découlent pas d’une initiative de la Commission). Il faut aussi accorder une attention particulière à la nouvelle disposition concernant la relation entre la Commission et le Parlement européen. Bien que, aux termes du traité de la CE, le Parlement approuve la nomination par le Conseil européen du président de la Commission, l’article I-26 du PCE précise que le Conseil européen propose un candidat à la présidence de la Commission au Parlement européen, lequel procède ensuite à son élection. Le président élu choisit ensuite 13 commissaires européens parmi les noms apparaissant sur les listes de trois personnes dressées par les États membres selon le système de rotation. Enfin, la composition entière de la Commission fera l’objet d’un vote d’approbation au Parlement européen. Dans la mesure où cette procédure donne au Parlement un rôle d’une importance cruciale dans la désignation des membres de la Commission, elle semble s’apparenter aux procédures qui caractérisent le régime parlementaire. L’aspect intergouvernemental a également été renforcé. Si on ignore la réorganisation du Conseil des ministres, la principale modification incluse dans cette proposition porte sur la présidence du Conseil européen. Selon le traité de l’UE présentement en vigueur, la présidence est conférée à chaque État membre pour une période de six mois et sa fonction consiste notamment à assurer la représentation extérieure de

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l’Union sur des questions afférentes à sa politique étrangère et à sa politique de sécurité. Ces dispositions se traduisent par un roulement au niveau de la présidence qui ne convient manifestement pas à une organisation aussi complexe que l’UE, qui compte 15 membres (25 en mai 2004). Deux solutions ont été proposées pour régler ce problème. La première prévoyait un président du Conseil européen à plein temps, élu pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. La deuxième – la solution «fédérale» – consistait à confier au président de la Commission la tâche de présider le Conseil européen. On a estimé que la première solution risquait de donner lieu à des conflits internes avec le président de la Commission, dont le rôle a été renforcé en vertu du PCE, et que la seconde risquait de compromettre l’équilibre institutionnel. Les auteurs de l’article I-21 du PCE se sont inspirés de la première solution tout en essayant de neutraliser les risques de conflit institutionnel en réduisant les fonctions du président du Conseil européen à celles d’un président de conseil d’administration. Bien entendu, la question de savoir qui occupera le poste de chef du pouvoir exécutif de l’UE demeure ouverte, ce qui s’explique par le fait que la Convention a choisi de renforcer aussi bien la dimension intergouvernementale que la dimension fédérale du système sans modifier l’équilibre institutionnel. Ce choix reflète une approche prudente à l’égard des attitudes des États membres, bien que certains observateurs estiment que la Convention aurait pu mieux exploiter ce «moment de l’évolution constitutionnelle» en invitant les États membres à faire preuve d’audace, en décidant, par exemple, de nommer le président de la Commission à la tête du Conseil européen.

conclusion Il est difficile de déterminer si la Convention a raté ou non son «moment constitutionnel». Quoi qu’il en soit, elle a obtenu des résultats qui semblent beaucoup plus satisfaisants que ceux d’une conférence intergouvernementale. Et même si le projet de constitution est abandonné, ce résultat n’est pas susceptible d’être ignoré quand viendra le moment d’établir un bilan du processus constitutionnel européen.

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Une solution fédérale pour le Sri Lanka et le Soudan? ROHAN EDRISINHA ET LEE SEYMOUR, AV E C L A C O L L A B O R AT I O N D’ANN GRIFFITHS

Les articles rassemblés dans le présent ouvrage en témoignent : le fédéralisme adopte autant de visages qu’il existe de pays fédéraux. Le concept fédéral (et les régimes politiques qui le concrétisent), loin d’être rigide ou statique, est en constante évolution, que ce soit dans les pays fédéraux ou ailleurs dans le monde. Cette souplesse est la qualité qui le rend si attrayant aux yeux des sociétés divisées, et qui fait qu’on l’envisage comme solution possible dans les pays se relevant d’un conflit, tels l’Afghanistan, l’Irak, le Sri Lanka et le Soudan. De prime abord, il semblerait que ces quatre pays soient de bons candidats au fédéralisme. Ils présentent tous un certain clivage ethnique, religieux ou culturel à base territoriale, et une partie de leur population ne souhaite pas vivre au sein d’un régime unitaire. Mais cette population choisirait-elle pour autant une solution fédérale? Nous examinerons la question dans sa dimension historique et prospective pour deux de ces pays : le Sri Lanka et le Soudan. Pour chacun de ces pays, on a proposé le fédéralisme comme une solution à la marginalisation des minorités. Mais dans la perspective d’un règlement historique, l’option fédérale a ses adeptes, même si elle risque d’être supplantée, dans ces deux pays, par la sécession. La section sur le Sri Lanka, par Rohan Edrisinha, présente l’évolution du conflit entre les Tamouls et les Cinghalais, et les diverses tentatives d’y mettre fin. Le conflit ethnique qui affecte le pays a fait boule de neige : il s’est progressivement aggravé en s’alimentant d’autres éléments, devenant de plus en plus difficile à régler. Les enjeux, portant d’abord sur les problèmes de représentation et de discrimination, se

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sont ensuite orientés vers des questions de décentralisation, de dévolution et, enfin, d’autonomie. Au fil des ans, les aspirations des Tamouls ont pris tour à tour le visage du fédéralisme, du nationalisme, de l’autodétermination et de la confédération. Dans cette première section, il est plus particulièrement question des appels répétés en faveur de l’adoption du fédéralisme. Aux demandes persistantes de la communauté tamoule pour une forme quelconque d’arrangement fédéral se sont opposés deux obstacles majeurs : d’abord un manque chronique de volonté politique, à tous les niveaux, de mettre en place un régime fédéral; ensuite, un malentendu de fond au sein de la majorité cinghalaise sur les conséquences du fédéralisme pour le pays. Il semble également que, comme le souligne Edrisinha, les concessions du gouvernement se révèlent toujours insuffisantes et arrivent toujours trop tard pour satisfaire les Tamouls. À titre d’exemple, si le pacte Bandaranaike-Chelvanayakam avait été mis en œuvre en 1957, le pays aurait peut-être évité la guerre civile; et si le projet de constitution d’août 2000 avait été conçu au début des années 90, il aurait pu servir de base à une solution politique au conflit. Au fil des ans, les dirigeants tamouls et les gouvernements en place sont arrivés à plusieurs ententes, mais celles-ci n’ont jamais donné de résultats concrets, surtout du fait de l’opposition de la majorité cinghalaise. Du coup, toute mesure ou tentative de règlement avortée ou rejetée, tous les pourparlers et toutes les négociations qui aboutissent à une impasse contribuent à alimenter un climat général de méfiance, de suspicion et de rancœur, ce qui rend encore plus difficile la prochaine ronde de pourparlers. D’échec en échec, les dirigeants tamouls se font plus méfiants et moins souples, faisant ainsi reculer toute solution fédérale. La deuxième section de l’article porte sur le Soudan, dont la particularité peu enviable est de vivre une guerre civile parmi les plus longues au monde. Au cours de l’histoire du Soudan, les préoccupations politiques ont surtout porté sur la «question du Sud», à savoir le type d’arrangement susceptible de satisfaire les revendications du sud du pays. Lee Seymour montre que, tout comme au Sri Lanka, le fédéralisme est envisagé depuis un certain temps comme option possible au Soudan. En fait, même avant l’indépendance soudanaise, dans les années 50, les dirigeants du Sud demandaient l’adoption d’un régime fédéral. Aujourd’hui, tandis que les conflits se multiplient, et que de nouveaux clivages s’ajoutent à l’axe nord-sud, le fédéralisme semble plus approprié que jamais aux nombreuses minorités ethniques et religieuses marginalisées que compte le pays. Créé de toutes pièces par la puissance coloniale britannique, le pays représente une mosaïque d’histoires, de cultures et de visions

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politiques. Les Britanniques avaient fait du Sud une administration distincte, l’isolant des forces religieuses, commerciales et politiques du Nord islamique. Ils ont également marginalisé le Sud au sein du gouvernement – une source jamais tarie de griefs – et diverses politiques contribuèrent à son appauvrissement. La marginalisation politique, l’écart dans le développement et le clivage entre Chrétienté et Islam se perpétuent à ce jour, contribuant à alimenter les conflits. Il est à noter, toutefois, que ni le Nord ni le Sud ne constituent des entités homogènes; dans le Nord, d’importants sujets de discorde divisent entre elles les communautés séculières, les communautés ethniques, ainsi que les Musulmans professant diverses interprétations de l’islam. S’ajoutent à ces groupes les millions d’habitants du Sud déplacés qui vivent maintenant dans le Nord. Dans le Sud, les diverses communautés ethniques et linguistiques s’opposent, elles aussi, entre elles, tout autant qu’avec le Nord. Les deux sections ci-dessous présentent la chronologie des différentes propositions relatives au fédéralisme, examinent l’état actuel des discussions sur l’adoption possible du fédéralisme dans ces deux pays, et concluent en supputant les chances du fédéralisme de voir le jour au Sri Lanka et au Soudan.

sri lanka En décembre 2002, le gouvernement du Sri Lanka et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam, LTTE) parvenaient à une entente substantielle, lors de négociations sous l’égide de la Norvège, sur le principe d’une solution politique au long conflit ethnique qui sévit dans ce pays. Les parties convinrent d’explorer, comme base de solution politique, la faisabilité de l’option fédérale et de l’autodétermination de certaines zones occupées depuis longtemps par les Tamouls, au sein d’un Sri Lanka unifié. L’entente contribua à rassurer les sceptiques, qui croyaient le LTTE fermé aux concessions et à la coopération. La rupture subséquente des négociations, en avril 2003, a peut-être ravivé les préoccupations des sceptiques, mais le seul fait que, depuis l’entente d’Oslo, les débats d’ordre constitutionnel portent surtout sur le fédéralisme, constitue déjà un important progrès. Nombreux sont ceux qui considèrent depuis longtemps l’option fédérale comme incontournable. Un des sujets de litige, apparu dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle de 1995–2000, a été la décision des rédacteurs de retirer la disposition attestant le caractère unitaire du Sri Lanka. Les termes «unitaire» et «fédéral» sont généralement mal compris au Sri Lanka; par ailleurs, les termes «uni» (Eksath) et «unitaire» (Ekeeya)

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sont souvent utilisés de façon interchangeable en cinghalais. Il s’ensuit que les appels à rompre avec le modèle unitaire sont souvent interprétés comme des appels à la sécession et à la dislocation du pays. De plus, il faut compter avec le préjugé négatif envers le fédéralisme, né de l’association étroite établie entre la campagne en faveur du fédéralisme et les revendications tamoules. L’histoire témoigne pourtant que, loin d’être prôné par les seuls politiciens tamouls, le fédéralisme a été sérieusement envisagé au Sri Lanka au début du XXe siècle. Le fédéralisme dans le discours politique de Ceylan Déjà, au milieu des années 20, soit bien avant les dirigeants tamouls, le jeune S.W.R.D. Bandaranaike (qui allait, en 1957, à titre de premier ministre, négocier le pacte Bandaranaike-Chelvanayakam) a plaidé la cause d’un Ceylan fédéral, comme devaient le faire, à la fin de la même décennie, les représentants des Cinghalais kandyans devant la commission Donoughmore. Ces derniers souhaitaient une fédération de trois provinces, dont une pour le Nord-Est : on peut donc affirmer que ce sont eux seuls, et non les Tamouls, qui ont lancé le projet fédéral, ainsi que celui de la fusion des provinces du Nord et de l’Est. De fait, les Cinghalais kandyans se considéraient comme une nation, usant de discours et d’arguments similaires à ceux qu’utilisaient encore récemment nationalistes et politiciens tamouls pour faire avancer leur cause. Le fédéralisme fut rejeté par les rédacteurs de la Constitution Donoughmore de 1931, puis par ceux de la Constitution Soulbury, laquelle officialisa, en 1948, l’indépendance de Ceylan. Bien que certains dirigeants tamouls (ainsi que certains dirigeants du Congrès national ceylanais, fer de lance de l’indépendance du pays) aient pu envisager le fédéralisme comme l’une des bases possibles de constitution, on préféra privilégier les modalités de partage du pouvoir central, la défense des droits des minorités par le biais de garanties constitutionnelles, et la satisfaction des aspirations politiques tamoules par le biais de leur participation au gouvernement national. À partir du moment où les dirigeants tamouls en faveur de cette seconde approche furent perçus comme ayant échoué, le Parti fédéral (Federal Party, fondé en 1949 par S.J.V. Chelvanayakam) éclipsa les partis politiques plus anciens et devint le principal parti politique tamoul. Première Constitution républicaine (1972) Dès son accession au pouvoir en 1970, le gouvernement du Front uni (United Front) tint parole en confiant à une assemblée constituante le soin d’élaborer une nouvelle constitution et de la faire adopter. Ce qui

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fut fait. Toutefois, la décision de préciser, dans la Constitution, le caractère «unitaire» de la nouvelle République était une véritable gifle administrée à la communauté tamoule de l’époque. En effet, les chefs politiques tamouls avaient déjà essayé de satisfaire les revendications populaires avec les pactes Bandaranaike-Chelvanayakam, en 1957, et Senanayake-Chelvanayakam, en 1965, qui prévoyaient tous deux une décentralisation notable du pouvoir. Qui plus est, le Parti fédéral, principale formation politique tamoule de l’époque, avait axé sa campagne électorale de 1970 sur le fédéralisme. Dans son manifeste, il déclarait alors : «Les locuteurs de langue tamoule de Ceylan croient qu’une constitution de type fédéral leur permettant de mener seuls leurs propres affaires les protégerait contre l’extinction.» Il faut noter aussi que, dans le manifeste, le Parti fédéral se prononçait catégoriquement contre la sécession. Il n’y avait aucune raison d’introduire l’étiquette «unitaire». Elle ne se trouvait pas dans la Constitution de Soulbury, ni d’ailleurs dans celles de nombreux autres pays démocratiques. L’étiquette était d’autant plus insultante pour les Tamouls que la résolution avait été inscrite avec le statut de «résolution fondamentale no 2» au tout début des travaux de l’Assemblée constituante. La résolution fondamentale no 2 avait été proposée par Colvin R. de Silva, qui défendait l’étiquette «unitaire» sous prétexte qu’elle préservait l’existence du pays en tant qu’entité. V. Dharmalingam, membre du Parlement pour le Parti fédéral, opposa la principale critique en soulignant qu’il était primordial que la Constitution soit une entente entre tous les peuples, et en mettant en garde les Cinghalais contre la tentation d’imposer une constitution au peuple tamoul. Il enchaîna en présentant les avantages traditionnels d’une constitution fédérale, à savoir que c’était un choix approprié pour une société pluraliste et multiethnique. Dharmalingam précisa que le Parti fédéral était en faveur d’un État fédéral, non pas pour diviser Ceylan, mais pour réaliser l’unité du pays dans la diversité. Selon lui, Ceylan n’aurait un jour pas d’autre choix que d’adopter un régime de type fédéral. Il ne fait aucun doute qu’en introduisant le principe unitaire et en privilégiant la langue et la religion de la majorité cinghalaise dans la première Constitution élaborée par les Sri Lankais, ces derniers ont créé les conditions qui devaient conduire à la guerre civile. La concentration du pouvoir en une seule institution et l’affaiblissement des forces politiques rivales traditionnelles, perçus comme un «frein», une «restriction» ou un «système de contrôles et équilibres («checks and balances»)», ceci dans une logique d’instrumentalisation de la Constitution, représentaient une forme de dérapage exécutif susceptible de miner les règles de bonne gouvernance et la primauté du droit.

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Il n’est donc pas surprenant que la campagne pour la sécession ait commencé peu après la promulgation de la première Constitution républicaine, en 1972. Pour de nombreux Tamouls, non seulement la campagne pour l’égalité et l’autonomie avait-elle échoué, mais la nette préférence, exprimée dans la Constitution, envers la langue et la religion de la majorité ainsi que le rejet des mesures de défense des minorités, pourtant inscrites dans la Constitution de l’indépendance, avaient envenimé la situation. Il faut ajouter à ces dispositions la répudiation explicite du fédéralisme dans la loi suprême du pays. Peu après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, plusieurs groupes politiques tamouls serrèrent les rangs pour former le Front uni tamoul (Tamil United Front). L’idée de l’indépendance gagna en popularité et, en 1975, la formation prit le nom de Front uni de libération tamoul (Tamil United Liberation Front, TULF), adoptant l’année suivante, sous la présidence de Chelvanayakam, la résolution dite de Vaddukoddai. Dans celle-ci, on accusait le gouvernement cinghalais du Front uni d’avoir fait la sourde oreille à la «dernière tentative de la nation tamoule d’obtenir la reconnaissance constitutionnelle sans mettre en péril l’unité nationale». Elle appelait la nation tamoule à lutter pour sa libération jusqu’à «la création d’un État socialiste souverain de l’Eelam tamoul». La résolution de Vaddukkodai marqua le début de la phase militante du nationalisme tamoul. On a par la suite manqué une autre occasion de solution politique lorsque le Parti national uni (United National Party) ayant obtenu une écrasante majorité aux élections parlementaires de 1977, son chef, J.R. Jayewardene, déclara avoir le mandat de réformer la Constitution. Il envisageait des réformes audacieuses telles que l’adoption d’un régime exécutif présidentiel et d’une représentation proportionnelle, en lieu et place du système britannique privilégié dans les deux constitutions précédentes. Il refusa toutefois de retirer la clause relative au caractère unitaire, choisissant plutôt d’en faire une disposition spécialement incluse qui ne pourrait pas être modifiée par un simple vote à la majorité des deux tiers du Parlement, mais nécessiterait de plus l’aval de la population par voie de référendum. Principes de Thimpu Après les tragiques émeutes anti-Tamouls de juillet 1983, la pression internationale, notamment celle de l’Inde, s’intensifia considérablement en faveur d’une solution politique au conflit. Le gouvernement du Sri Lanka et les principaux groupes politiques tamouls se réunirent à Thimpu en juillet 1985. Les six organisations tamoules présentes soumirent à la délégation du Sri Lanka quatre principes cardinaux :

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1 reconnaissance des Tamouls du Sri Lanka en tant que nationalité distincte; 2 reconnaissance aux Tamouls d’une patrie officiellement délimitée ainsi que la garantie de son intégrité territoriale; 3 sur la base de ce qui précède, reconnaissance du droit inaliénable de la nation tamoule à l’autodétermination; 4 reconnaissance pour tous les Tamouls qui souhaitent faire de l’île leur pays, du droit à la pleine citoyenneté et de tout autre droit démocratique fondamental. Depuis 1985, pratiquement tous les partis tamouls, y compris le LTTE, ont réitéré leur engagement envers ces principes. La délégation du gouvernement a rejeté les trois premiers principes, arguant qu’ils entraîneraient l’éclatement du Sri Lanka uni. Cette réaction conservatrice et légaliste n’est pas surprenante : plusieurs membres de la délégation ne croyaient pas à une solution négociée, pas plus d’ailleurs qu’au fédéralisme (ce qui est toujours le cas aujourd’hui). L’assentiment général des groupes et partis nationalistes tamouls aux principes de Thimpu est en partie attribuable au caractère vague des termes clés employés, lesquels laissaient assez de place à l’interprétation et protégeaient leur marge de manœuvre. Dévolution dans le cadre de la Constitution actuelle La pression exercée par l’Inde entraîna la signature de l’accord entre l’Inde et le Sri Lanka en 1987, en vertu duquel le Sri Lanka s’engageait à créer des conseils provinciaux auxquels seraient dévolus certains pouvoirs dans le cadre de la Constitution unitaire du pays. Ces conseils n’ont toutefois pas permis une dévolution substantielle du pouvoir. En effet, les appareils exécutif et législatif des provinces, loin d’inspirer confiance à la population, ont plutôt contribué à la désillusion générale à l’égard du système et du concept même de dévolution. Les principales lacunes du treizième amendement constitutionnel sont les suivantes : 1 les conseils provinciaux n’ont de pleins pouvoirs dans aucun domaine; 2 les provinces n’ont aucune influence politique au niveau du centre; 3 par voie de conséquence, le centre a fini par rapatrier les pouvoirs précédemment dévolus; 4 la Constitution du Sri Lanka n’est pas suprême : de nombreuses lois violent la Constitution, y compris certaines dispositions relatives à la dévolution du pouvoir; et

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5 les conseils de province peuvent être abolis, ou leurs pouvoirs restreints, par décision unilatérale du Parlement national. Le système des conseils provinciaux s’est révélé un échec dans le nord et l’est du pays, là où l’on avait le plus besoin d’autonomie. Les groupes politiques tamouls qui avaient collaboré au projet se sentirent bientôt frustrés par les lacunes du treizième amendement sur le plan juridique et par le manque de volonté politique du gouvernement central de partager le pouvoir. D’abord mitigée, la réponse du LTTE se transforma bientôt en opposition ferme à toute idée de dévolution. C’est pourquoi, depuis 1990, il n’existe plus, dans les faits, de conseil provincial dans l’est et le nord du pays. Ailleurs au pays, dans les régions où personne n’a jamais vraiment exigé un deuxième ordre de gouvernement, on ne trouva aux conseils provinciaux aucun avantage concret, les gens percevant plutôt le nouveau palier administratif comme du gaspillage. Proposition confédérale Une dévolution maximale au sein d’un pays uni semblait être la philosophie sous-jacente à la proposition soumise, le 20 décembre 1995, à la présidente Kumaratunga et à V. Prabakharan, chef du LTTE. Le document cadre, comme on l’appelait, avait été préparé par une étude d’avocats britanniques (Bates, Wells et Braithwaite) à la demande d’un groupe de soutien de la paix (Sri Lanka Peace Support Group, PSG) composé d’universitaires, de professionnels et de religieux tamouls de la diaspora. On proposait essentiellement une confédération, l’Union de Ceylan, laquelle compterait deux états autonomes, l’un pour la région à majorité tamoule du Nord-Est, l’autre pour les régions à majorité cinghalaise. À l’exception des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité, des devises et de la politique monétaire, des relations interétatiques et de certains autres domaines, chaque état aurait le pouvoir d’adopter sa propre constitution et sa propre forme de gouvernement et jouirait d’une autonomie complète dans tous les domaines résiduels. Un conseil central de l’Union exercerait les compétences dans les domaines susmentionnés, et assurerait la liaison et la coordination entre les deux états, qui nommeraient un nombre égal de représentants au conseil. Ce dernier nommerait le président et le vice-président de l’Union parmi ses membres pour une période déterminée, selon une formule d’alternance agréée par les deux états. La proposition prévoyait en outre la création d’une cour constitutionnelle, dont les juges proviendraient en nombre égal de chacun des

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états, et à laquelle on suggérait que siègent un ou plusieurs juges de réputation internationale originaires de tiers pays. La fonction principale de la cour serait d’interpréter la Constitution et de garantir le respect par l’État des dispositions inscrites au préambule, ainsi qu’à celles concernant le respect des droits de la personne. La proposition se terminait par une disposition intitulée «Référendum et garanties», laquelle prévoyait le droit de chaque état de tenir un référendum dans le cas où l’un d’eux souhaiterait «modifier les pouvoirs de l’Union ayant des répercussions sur cet état». Il est possible que cette disposition ait été présentée sans arrière-pensée… mais il pouvait également s’agir d’une manœuvre indirecte d’inclure dans la Constitution un droit unilatéral de sécession; cette interprétation possible la rendait extrêmement difficile à accepter pour la majorité des Cinghalais. La proposition plaçait également la mise en application de la Constitution et la responsabilité du maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies! Le caractère ambigu de certaines dispositions porte à croire que les deux états auraient été, dans les faits, des entités souveraines indépendantes. À titre d’exemple, il est mentionné dans le préambule que les relations entre les deux états doivent se conformer aux «principes généralement reconnus de la justice et du droit international». On était donc en présence, d’une part, d’une constitution centralisée avec un président exécutif puissant, une étiquette unitaire incluse, et un système de dévolution introduit beaucoup plus tard sous l’effet de pressions politiques, plutôt que d’un engagement de principe; et, d’autre part, de la reconnaissance des concepts de patrie, de nation et d’autodétermination, ainsi que d’une confédération bipartite. C’est dans un tel contexte que la présidente Kumaratunga, élue en 1994 sur la promesse d’instaurer la paix, a entrepris de réformer en profondeur la Constitution. À la rupture des négociations avec les Tigres de libération, en 1995, la présidente fit une série de propositions destinées à répondre aux griefs et à satisfaire aux aspirations du peuple tamoul. Plusieurs versions des diverses propositions furent présentées, et on mena une campagne de sensibilisation d’envergure auprès de la population cinghalaise pour la convaincre de la nécessité d’une constitution renforçant la dévolution des pouvoirs. Dans le document préliminaire (Devolution Proposals) d’août 1995, on présentait un ensemble de principes généraux impliquant la concession d’un grand éventail de pouvoirs; mais dans la seconde version, de janvier 1996, présentée dans le cadre d’un projet de loi juridique (Legal Draft) mieux étayé, les concessions semblaient avoir diminué. Puis, même si, dans la proposition de mars 1997 (Draft Constitutional Proposals), on renforça les dispositions sur la dévolution, celles-ci se trouvèrent à nouveau réduites dans le projet de loi d’août 2000.

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Mais un obstacle avait néanmoins été franchi : dans les quatre documents, on avait proposé de supprimer l’étiquette «unitaire». Comme on s’y attendait, les réactions furent vives chez les Cinghalais pour qui «unitaire» demeurait synonyme d’«uni», et pour qui le fédéralisme n’était qu’une étape vers la sécession. Les Tigres de libération, quant à eux, voyaient d’un mauvais œil ce projet de constitution, d’une part parce qu’ils n’avaient pas été consultés, d’autre part parce qu’ils trouvaient de toute façon insuffisante la proposition de dévolution. Forcé de reconnaître que sa proposition ne favoriserait pas la paix, le gouvernement Kumaratunga finit par retirer le projet de loi. Bien que la tentative de réforme constitutionnelle ait échoué, les débats sur le fédéralisme reprirent de plus belle, en particulier chez les Cinghalais et les Musulmans. De nombreux mythes et inquiétudes à propos du fédéralisme refirent surface durant cette période. Pour ne citer qu’un exemple, un ministre en poste fit remarquer que le fédéralisme – soit une constitution fédérale – ne convenait pas au Sri Lanka parce que ne s’y trouvaient pas remplies les «conditions préalables», à savoir l’existence d’États indépendants susceptibles de se fédérer. Cette opinion ne tenait pas compte du fait que les fédérations peuvent être dévolutionnaires et non pas seulement intégratives. Elle apportait ainsi indirectement de l’eau au moulin des opposants au fédéralisme, pour qui une fédération n’est possible que dans un pays divisé. Débat constitutionnel et processus de paix (2001–2003) La convention d’Oslo, mentionnée au début de cette section sur le Sri Lanka, est un événement important, car elle a permis de préciser la position des parties aux négociations et de réitérer les conditions d’un règlement, négocié et inclus dans la Constitution, à savoir la reconnaissance de la nation tamoule et de son autonomie maximale au sein d’un pays uni, avec protection des minorités dans les territoires à majorité tamoule. Diverses modifications ont déçu les espoirs nourris par Oslo, et les pourparlers ont achoppé lorsque la pression se fit plus forte pour l’établissement d’une feuille de route. Les Tigres de libération étaient en colère, car on avait sollicité, sans les consulter, une aide internationale pour faire avancer le processus de paix, et on tardait à pacifier les régions ravagées par la guerre, soit l’est et le nord du pays. Dans le reste du pays, un grand nombre de Cinghalais voyaient dans l’assassinat des dirigeants politiques tamouls et dans diverses violations des droits de l’homme la preuve qu’on ne pouvait faire confiance aux Tigres de libération, et ils affirmaient que la solution fédérale nécessitait un respect absolu des principes de pluralité et de démocratie.

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Depuis la fin des négociations directes en avril 2003, on s’est rabattu sur un arrangement provisoire, pendant que se déroulaient d’autres négociations visant une solution politique à long terme. Après avoir repris, les négociations achoppèrent à nouveau à la fin de 2003, tandis qu’une lutte de pouvoir entre la présidente Kumaratunga et le premier ministre Wickremasinghe – ce dernier ayant été le fer de lance du processus de paix depuis son élection en 2001 – entraînait la dissolution du Parlement et le déclenchement d’une troisième élection parlementaire en quatre ans, prévue pour avril 2004. Le processus de paix est l’un des principaux enjeux électoraux, et certains reprochent au premier ministre et à son parti d’avoir fait des concessions trop importantes aux Tigres de libération.

soudan Comme pour le Sri Lanka, un arbitrage international des pourparlers de paix au Soudan a permis d’explorer (voire, parfois, de ressusciter) diverses dispositions relatives à l’autodétermination et à l’autonomie, ce qui donne l’espoir de mettre fin à la guerre civile dans ce pays. Avant d’examiner les propositions mises de l’avant, il est important de considérer la place qu’occupe le fédéralisme dans le discours politique du Soudan depuis un demi-siècle. Comme au Sri Lanka, le fédéralisme répond aux aspirations politiques d’une population historiquement marginalisée, mais suscite une forte résistance chez les élites dominantes, au centre. Décolonisation Les politiques adoptées pendant la période coloniale britannique ont fortement influencé la trajectoire politique subséquente du Soudan. Le régime colonial a commencé par créer une entité politique artificielle, le Soudan, à partir de communautés disparates n’ayant entre elles que des liens ténus, voire conflictuels. Par la suite, l’imposition de régimes distincts au Nord et au Sud, en partie dans le but d’isoler le Sud de l’influence du Nord islamique, a eu pour effet de rompre les rares liens économiques et politiques entre le Nord et le Sud. En dernier lieu, les décisions prises dans la foulée d’une décolonisation hâtive ont largement alimenté les conflits subséquents. On a décrit en termes assez vagues le statut du Sud dans un Soudan indépendant. À la conférence de Juba, en 1947, les représentants britanniques avaient imposé leur préférence pour un système unitaire, excluant l’option fédérale de l’ordre du jour de la conférence. Ils

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soutenaient qu’un Sud appauvri et sous-développé profiterait d’une union avec le Nord, car celle-ci mettrait un terme à l’isolement du Sud et lui assurerait une juste part des postes clés de la nouvelle fonction publique soudanaise1. Le processus de décolonisation ne fit toutefois que marginaliser le Sud. Un faible pourcentage de sièges furent accordés au Sud lors d’une assemblée législative convoquée en 1948, et une commission de réforme constitutionnelle de 13 membres ne comptait qu’un seul représentant du Sud; il finit d’ailleurs par démissionner quand la proposition d’un système fédéral, auquel tenaient les dirigeants sud-soudanais, fut battue en chambre. Cela dit, le signe le plus criant de la marginalisation du Sud était l’exclusion quasi totale des Sud-Soudanais de la fonction publique, malgré la promesse des Britanniques. Lors d’une autre conférence à Juba, en 1954, les Sud-Soudanais convinrent d’aider le mouvement nationaliste au Nord à libérer le Soudan de la tutelle de l’Égypte (qui gouvernait symboliquement le pays en association avec la Grande-Bretagne), à la condition que le pays adopte un régime fédéral, qui comprendrait un état autonome dans le Sud. Si cette condition n’était pas respectée, le Sud se réservait le droit à l’autodétermination. Les membres sud-soudanais du Parlement national élu, réuni en décembre 1955 dans le but d’adopter une motion en faveur de l’indépendance, réitérèrent leur soutien au mouvement d’indépendance à la condition que l’on envisage un régime de type fédéral. On percevait déjà à ce moment des signes de tensions intrarégionales, et il était évident que l’État soudanais alors autonome exerçait peu de contrôle sur le Sud. Plus tôt la même année, une mutinerie avait éclaté dans le Corps équatorial (Equatorial Corps) – un régiment à majorité sud-soudanaise – qui allait former le noyau de l’insurrection à venir. En partie à cause de la mutinerie, les représentants du Nord décidèrent de céder aux demandes du Sud, et d’ouvrir la porte à la possibilité d’une fédération, ne formulant toutefois cette proposition qu’en termes non contraignants; malgré l’existence d’une clause portant sur un régime fédéral dans la motion d’indépendance, on ne lui donna aucune suite. En 1958, le comité chargé de rédiger le projet constitutionnel, dont seulement trois membres sur 46 provenaient du Sud, rejeta évidemment l’option fédérale, appuyant plutôt une constitution pour un État arabe islamique.

1 Ann Mosley Lesch, Sudan : Contested National Identities, Bloomington, Indiana University Press, 1998, p. 34.

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Alternance de régimes militaire et parlementaire, et première guerre civile La première expérience de démocratie libérale du Soudan fit long feu, durant à peine deux ans (de 1956 à 1958). La scène politique était alors dominée par un conflit entre, d’une part, le parti Oumma et le Parti démocratique populaire (People’s Democratic Party) – deux partis confessionnels – et, d’autre part, le Parti national unioniste (National Unionist Party) laïque, au point de rendre le pays quasi ingouvernable. Le Parti libéral, qui représentait l’union des forces d’opposition du Sud après l’indépendance, ne parvint pas à tirer parti de l’importante présence du Sud en chambre (un tiers des sièges), si bien que les représentants sud-soudanais n’influencèrent pas de façon marquante la politique nationale, augmentant ainsi leur marginalisation par rapport aux institutions nationales. Au Parti libéral, inefficace, succéda bientôt le Bloc fédéral (Federal Bloc), lequel, comme son nom l’indique, reprit le flambeau du fédéralisme pour le Sud. Mais le coup d’État de 1958 du général El Farik Ibrahim Abboud changea complètement la donne. Les partis politiques et les syndicats furent interdits, ainsi que toute discussion du fédéralisme. L’autoritarisme larvé qui indisposait le Sud depuis l’indépendance se renforça sous Abboud, s’accompagnant d’une montée de l’arabisation et de l’islamisation. La répression s’intensifiant, bon nombre de Sud-Soudanais choisirent l’exil ou rejoignirent les rangs des derniers bastions de la mutinerie de 1955. Ils formèrent un mouvement politique, l’Union nationaliste africaine du Soudan (Sudan African Nationalist Union, SANU), et une force de guérilla, l’Anya-Nya, avec pour objectif l’autodétermination du Sud. D’abord limitées, les opérations de l’Anya-Nya avaient pris de l’ampleur au milieu des années 60, au point d’inscrire, appuyées par les revendications du SANU en faveur de l’autodétermination, la «question du Sud» à l’ordre du jour national. En septembre 1965, Abboud finit par nommer une commission d’enquête chargée de faire des recommandations en vue d’assurer la stabilité et l’unité nationales. Mais des événements politiques coupèrent court aux travaux de la commission. Des émeutes éclatèrent en même temps que survenaient des divisions au sein du corps des officiers; une grève générale devait finalement forcer le général Abboud à démissionner. Au régime militaire succéda un gouvernement de transition qui apporta un vent de détente sur les rapports Nord-Sud et permit d’alléger l’état d’urgence dans le Sud. Les représentants du Sud furent ensuite invités à une

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table ronde sur la situation. Le gouvernement refusa toutefois d’aborder la question de l’autodétermination et du fédéralisme, ce qui divisa la classe politique du Sud, non seulement sur la question de leur participation à un tel processus, mais également sur ce que devait être leur objectif commun – à savoir la décentralisation, le fédéralisme ou l’autodétermination. Les tensions de la classe politique du Sud trouvèrent un écho dans le fractionnement de l’Anya-Nya, dont les groupuscules se firent bientôt la lutte avec une férocité digne de leurs plus âpres combats contre les forces gouvernementales. L’espoir initial qu’un régime civil apporterait enfin la paix s’effondra, et les combats s’intensifièrent de 1965 à 1969. En 1969, une coalition de partis radicaux prit le pouvoir à Khartoum, après un coup d’État conduit par des officiers convaincus de l’absurdité d’une guerre anti-insurrectionnelle dans le Sud. Le nouveau gouvernement, préférant une solution politique à une solution militaire au conflit, présenta au Sud un plan pour réaliser l’autonomie régionale. Toutefois, compte tenu de la fragmentation du Sud, il était difficile d’unir toutes les forces politiques sur une position de négociation commune. Les combats se poursuivirent donc en 1970 et 1971, jusqu’à ce que les diverses factions politiques et militaires du Sud finissent par se regrouper sous l’autorité de Joseph Lagu, chef du Mouvement de libération du Sud-Soudan (Southern Sudan Liberation Movement, SSLM). Le président Djafar Muhammad al-Nemeiri, qui souhaitait le soutien du Sud après qu’une tentative de coup d’État communiste en 1971 eut affaibli son autorité sur le Nord, rencontra Joseph Lagu à Addis-Abeba, en Éthiopie, en 1972, pour des pourparlers de paix. L’accord conclu en février 1972 allait assurer la paix dans le pays jusqu’en 1983, lorsque les combats reprirent de plus belle. Dans le contexte des pourparlers de paix actuels, cette période mérite qu’on s’y attarde pour mieux comprendre en quoi l’approche régionaliste n’est peut-être pas la solution adéquate pour régler les problèmes de gouvernance du Soudan. Régime Nemeiri et paix d’Addis-Abeba Les accords d’Addis-Abeba prévoyaient la création d’un gouvernement régional avec autonomie limitée dans le Sud, une solution toutefois en deçà des aspirations fédérales mises de l’avant depuis 1954. Le gouvernement régional possédait un pouvoir législatif, l’Assemblée régionale, et un pouvoir exécutif, le Haut Conseil exécutif (High Executive Council, HEC). L’Assemblée avait le pouvoir d’élire et de destituer le président du Conseil, sujet à l’approbation du président

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de la République, et pouvait demander à ce dernier (sans pouvoir l’y contraindre) de soustraire le Sud à toute mesure législative nationale préjudiciable à ses intérêts. Le gouvernement du Sud jouissait d’un pouvoir d’imposition limité lui permettant de générer des revenus, avec la promesse de revenus additionnels accordés par le gouvernement central. Le commandement du Sud, composé d’un nombre égal de troupes du Nord et du Sud, assurait la sécurité. Toute modification des accords exigeait la tenue d’un référendum dans le Sud et le vote des trois quarts de l’Assemblée nationale. Les accords acquirent un statut juridique avec l’adoption, en 1972, d’une loi sur l’autonomie régionale (Regional Self-Government Act of 1972), insérée dans la Constitution permanente de 1973. Dans les faits, les dispositions politiques et économiques des accords furent l’objet d’abus qui minèrent les fondements mêmes de la paix acquise. Le Sud resta en marge de la politique nationale, et les tensions s’accrurent entre les factions sud-soudanaises, notamment entre réseaux de favoritisme ethniques nilotiques et équatoriens, dans une fonction publique reconnue pour sa corruption et son inefficacité. Le gouvernement central intervint souvent dans ces conflits, et rarement dans l’intérêt du Sud. Nemeiri soutint la présidence d’Abel Alier à la tête du HEC (1972–1978), s’attachant ainsi ses bonnes grâces, ce qui contribua à accroître l’insatisfaction du Sud à l’égard de l’expérience de gouvernance régionale. Au début, la pomme de discorde entre Khartoum et le gouvernement régional était le financement inadéquat du Sud. Même s’il en avait eu la volonté politique, le gouvernement central n’aurait cependant pas été en mesure d’assurer un tel financement. En effet, l’endettement croissant de Khartoum, la pression du Fonds monétaire international (FMI) pour que l’on réduise le budget de l’État, et le rappel des prêts consentis pour une réforme agraire qui avait échoué, ne laissaient guère de manœuvre pour pallier le sous-développement dans le Sud. De plus, on planifia, sans consulter le Sud, la réalisation d’un canal de détournement de l’eau, du Sud vers le Nord-Soudan et l’Égypte, ce qui n’était pas sans conséquence pour l’écologie et les perspectives de développement du Sud. La découverte de pétrole dans le Sud en 1978, et les tentatives de Nemeiri d’exclure le Sud de toute décision quant à l’exploration, la production et la répartition des revenus du pétrole, achevèrent de discréditer ce dernier aux yeux des SudSoudanais. La «crise des frontières» contribua à aggraver la polarisation des parties. En effet, l’Assemblée nationale avait adopté, en décembre 1980, un projet de loi sur la gouvernance régionale qui redéfinissait les frontières entre le Sud et le Nord de façon à placer

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des territoires riches en cuivre et en pétrole, et propices à l’agriculture et à l’élevage, sous l’administration du Nord2. Au début des années 80, Nemeiri était intervenu dans les élections de l’Assemblée régionale du Sud, la dissolvant par deux fois, et dressant les factions les unes contre les autres, pour finir par placer un homme de paille au pouvoir. Tout ceci dans le contexte de la promulgation par Nemeiri de la charia (loi islamique), en 1983, dans l’espoir de déjouer les manœuvres de l’opposition islamiste au Nord3. Des commandants militaires du Sud orchestrèrent par la suite des mutineries, qui allaient entraîner la formation, sous l’autorité politique et militaire unifiée de John Garang, de l’Armée populaire de libération du Soudan (Sudan’s People Liberation Army, SPLA). Ce fut le coup d’envoi d’un conflit qui dure encore à ce jour après vingt ans de combats. Une autopsie des accords d’Addis-Abeba devrait mettre en lumière plusieurs facteurs pouvant expliquer leur échec. D’abord, le rôle important du président Nemeiri soumettait l’entente à sa bonne volonté. L’évolution de la situation politique dans les années 80 et la recherche de solutions au Nord forcèrent Nemeiri à se tourner contre le Sud. En deuxième lieu, les responsables sud-soudanais ne parvinrent pas à s’affranchir de la logique des factions, des rivalités ethniques et de la corruption. En troisième lieu, il y a eu échec de développement au Sud et une tentative flagrante des intérêts nord-soudanais de s’approprier les ressources de la région; le Sud n’avait pas récolté, comme il l’espérait, les «dividendes» de la paix. Quatrièmement, il faut prendre en considération le rôle des intervenants étrangers, qui après avoir facilité la signature des accords d’Addis-Abeba, se sont peu préoccupés d’en assurer le succès. Pendant que l’aide militaire américaine portait Nemeiri à croire qu’il pouvait mater le Sud, les investisseurs attirés par le pétrole du Soudan encourageaient les mesures anticonstitutionnelles du Nord qui visaient à mettre la main sur les ressources au détriment du gouvernement régional. On notera enfin que les accords

2 Raphael Badal, «Oil and Regional Sentiment in the South», in Muddathir Abd al-Rahim et al. (dir.), Sudan since Independence, Gower, Aldershot, 1986, p. 144. Kafi Kengi, avec ses réserves de cuivre et de pétrole, fut un cas particulièrement épineux; elle réintégra Bahr el-Ghazal après avoir été transférée de façon arbitraire au Darfour en 1961. 3 La réconciliation nationale de 1977 avait déjà réuni dans le Nord les principales forces politiques, soit le parti Oumma de Sadek al-Mahdi, le Parti d’union démocratique (Democratic Union Party) et la Fraternité musulmane (Muslim Brotherhood) de Hassan al-Turabi. Ces divers partis confessionnels ou intégristes s’étaient déjà opposés à l’autonomie du Sud.

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ne répondaient pas totalement aux attentes exprimées depuis longtemps par les dirigeants du Sud en matière de fédéralisme et d’autonomie substantielle. Deuxième guerre civile et régime du Front national islamique Le SPLA a gagné du terrain au début de la guerre, en 1983. L’économie s’effondrait et, dans la foulée de la répression des mouvements d’opposition, la guerre dans le Sud provoqua un soulèvement à Khartoum en avril 1985. Lors d’une visite officielle aux États-Unis, le président Nemeiri fut renversé par un conseil militaire qui promettait de mettre en place un gouvernement de transition en vue d’un éventuel retour à la Constitution de 1956. Le Mouvement populaire de libération du Soudan (Southern People’s Liberation Movement, SPLM) – la branche politique du SPLA, difficile à distinguer de la branche armée du fait de sa direction conjointe – hésitait à négocier avec le nouveau gouvernement militaire, alléguant qu’une conférence constitutionnelle ouverte à toutes les parties était essentielle à la conclusion d’un cessez-le-feu ou à la tenue d’élections. L’Alliance nationale (National Alliance), une coalition représentant les principaux partis politiques nord-soudanais – à l’exception notable du Parti unioniste démocratique (Democratic Unionist Party, DUP) et du Front national islamique (National Islamic Front, NIF) – souscrivit aux demandes du SPLM, et une conférence constitutionnelle conduisit à la déclaration de Koka Dam. Ladite déclaration annonçait la tenue d’un congrès pour débattre les problèmes de l’ensemble du Soudan, et non seulement la question du Sud, ce qui représentait l’opinion de bon nombre de membres de l’élite soudanaise, dont celle de John Garang, président du SPLA-SPLM : la question du Sud ne pouvait être résolue que dans le cadre plus large de réformes à l’échelle nationale. Toutefois, le premier ministre Sadek al-Mahdi, par la suite, remit en question les dispositions de Koka Dam. Depuis quelques années, celuici gouvernait en coalition, soit avec le DUP, soit avec le NIF, qui maintenaient tous deux la ligne dure de l’islamisation de l’État et de la société. De plus, n’ayant pas participé aux discussions de Koka Dam, ces partis ne se sentaient pas liés aux dispositions de la déclaration. Pourtant, le DUP finit par entamer des négociations avec le SPLM en 1988, alors que l’insatisfaction causée par l’incapacité de Sadek de gouverner s’intensifiait. Quand, sous l’influence du parti Oumma, le gouvernement refusa d’endosser l’accord DUP-SPLM, le DUP quitta la coalition, laissant Sadek gouverner avec le NIF intégriste. C’est alors que, avant la tenue de pourparlers de paix prévus pour juin 1989 entre Sadek et Garang, Omar Hassan Ahmad al-Bachir entraîna un

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groupe d’officiers musulmans aiguillonnés par le NIF de Hassan alTourabi dans un coup d’État qui faisait avorter le processus de paix. La conséquence immédiate du coup d’État sur la guerre dans le Sud fut une augmentation des pertes du côté gouvernemental. En 1991, le SPLA avait consolidé ses positions dans les territoires pris en 1989, et constituait une sérieuse menace militaire pour le gouvernement de Khartoum. La chute, en mai 1991, du régime de Mengistu Haile Mariam, en Éthiopie, priva toutefois le SPLA-SPLM de sa base de repli et de son principal intermédiaire pour l’acquisition d’armes. On observa également le rapatriement forcé, vers le Sud, de près de 200 000 réfugiés soudanais vivant en Éthiopie. Puis, en septembre 1991, un schisme divisa le SPLA-SPLM. Deux puissants commandants d’ethnie nuer, Riek Machar et Lam Akol, firent sécession, arguant de l’autoritarisme de Garang, des multiples violations des droits de la personne dont était accusé le SPLA, et de la dominance de l’ethnie dinka dans l’organisation. Il en résulta une violente guerre civile intestine entre factions nuers, et entre communautés nuer et dinka alliées soit à Machar, soit à Garang, ce qui permit au gouvernement du NIF de consolider sa mainmise sur pratiquement tout le Sud, notamment les champs pétrolifères. La réorganisation gouvernementale de 1991 comprenait des réformes menant à la création d’un régime fédéral qui aurait pu convenir au Sud. Dans les faits, cependant, les quelques pouvoirs dévolus aux neuf états étaient soigneusement circonscrits par les compétences résiduelles imparties à Khartoum. Une réalité que les mesures de décentralisation plus poussées de 1994 n’allaient pas compenser. Le président al-Bachir conserva le droit de nommer tous les postes supérieurs, puis abolit le corps judiciaire des états, et accorda avec parcimonie des fonds aux instances régionales avec l’intention à peine voilée de les diviser; on espérait ainsi provoquer des dissensions locales, dans la perspective de détourner l’attention de la question nationale et de diluer l’opposition au régime du NIF. Supposées parfaire cette réorganisation, les élections tenues entre 1994 et 1996 pour combler des postes aux niveaux local, régional, parlementaire et présidentiel, ne réussirent qu’à confirmer, aux yeux de la plupart des observateurs, l’autoritarisme régnant. De 1992 à 1994, la déroute du SPLA-SPLM permit à Khartoum de faire des gains militaires dans tout le Sud. Malgré ce contexte, à la fin de 1993 et en 1994, le gouvernement entama des négociations avec des factions du SPLA sous la médiation de l’Autorité intergouvernementale sur le développement (Intergovernmental Authority on Development, IGAD). À défaut d’une entente finale, une déclaration de principes endossée par les délégations du SPLA et les gouvernements

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régionaux – mais non pas par Khartoum – donnait implicitement son aval aux principes de l’autodétermination du Sud et au caractère non confessionnel et démocratique du Soudan. Considérant cette déclaration de principes inacceptable, le gouvernement lança sa propre initiative de paix. Forts d’une stratégie de «paix de l’intérieur», Riek Machar, chef d’une milice à prédominance nuer, Kerubino Kuanyin Bol, un chef de guerre dinka, et le président al-Bachir à Karthoum signèrent une charte de paix. Le document endossait le principe de lois basées sur la charia, et celui de l’unité du Soudan sous sa nouvelle structure «fédérale» comprenant 27 états, dont Khartoum. Avec la charte, le gouvernement s’engageait à tenir un référendum, aux modalités assez vagues, à une date ultérieure non précisée, ce qui permettrait de déterminer les «aspirations politiques» (également non précisées) des Sud-Soudanais. Une entente signée en 1997 intégrait les principes généraux de la charte de paix, créant de surcroît un conseil de coordination pour les états du Sud, avec promesse de tenir dans cette région un référendum sur l’unité ou la sécession après un intérim de quatre ans. Selon les termes de l’entente, les mines, la sécurité nationale et les forces armées seraient placées sous l’autorité du gouvernement central, tandis que les états se verraient accorder la responsabilité du développement économique dans le cadre de plans arrêtés par le gouvernement fédéral. Comme pour les accords d’Addis-Abeba, le président de la République nommerait le président d’un conseil de coordination, de même que les gouverneurs des états du Sud. Le projet de loi fut accepté à l’Assemblée nationale, mais seulement après de nombreuses modifications unilatérales. Selon la plupart des observateurs, l’entente était un stratagème du gouvernement pour attiser la guerre civile au Nuerland occidental, une région où il espérait semer la discorde afin de consolider sa mainmise sur les champs pétrolifères. Du fait des tendances autoritaires du régime, il n’y eut jamais de véritable réforme, avec dévolution substantielle de pouvoirs aux états sous un régime fédéral, et toute proposition de paix allant à l’encontre du plan gouvernemental d’islamisation du Soudan était condamnée à demeurer lettre morte. Vers la fin des années 90, la scène politique fut marquée par la fusion de certains groupes d’opposition du Nord et du Sud, qui jouissaient d’une base populaire importante et d’une influence réelle. Sous la bannière de l’Alliance nationale démocratique (National Democratic Alliance, NDA), les membres en exil du parti Oumma et du DUP, ainsi que d’autres groupes dissidents du Nord, s’associèrent à leur ancien ennemi, le SPLA-SPLM, pour faire opposition au régime du NIF. Leur alliance reposait sur la déclaration de principes de l’IGAD – endossée

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par le parti Oumma, un pas marquant pour un parti confessionnel nord-soudanais – et la déclaration d’Asmara de 1995, laquelle endossait le principe de l’autodétermination et de la laïcité de l’État. Bien que certains membres de la NDA aient exprimé leur désaccord avec la déclaration d’Asmara (surtout le DUP), celle-ci permit à l’opposition soudanaise de se rapprocher d’un consensus4. Malheureusement, l’opposition pan-soudanaise de la NDA au régime du NIF allait, elle aussi, subir une série de fractures. Les années 90 furent également marquées par la propagation du conflit du Sud vers certaines régions du Nord. En 2003, la flambée insurrectionnelle dans le Darfour5 mit en évidence la tendance de la guerre à essaimer en de multiples guerres civiles. L’extension du conflit montre bien qu’il faut rechercher une solution durable aux guerres civiles du Soudan dans une perspective nationale, et non dans la seule logique d’un conflit Nord-Sud. Il est enfin un élément de la situation actuelle dont il faut absolument tenir compte si l’on espère comprendre la dynamique politique et les positions adoptées par les opposants : le pétrole. La livraison du premier baril de pétrole à Port-Soudan en 1999 a radicalement changé la trajectoire du conflit et modifié l’équilibre du pouvoir entre le Nord et le Sud. En effet, les revenus pétroliers ont permis au gouvernement de Khartoum, fortement endetté, de se réarmer pour poursuivre la guerre dans le Sud avec une vigueur renouvelée, ainsi que de s’assurer l’appui de l’opposition dans le Nord6. Qui plus est, les investissements pétroliers ne viennent pas sans une certaine pression internationale, qui, malheureusement, agit souvent dans des directions opposées. Efforts récents vers le fédéralisme au Soudan Au risque de simplifier, on peut situer les forces politiques en faveur du fédéralisme dans le Sud et, plus récemment, sur les franges est et ouest de la région du Nord. Les Sud-Soudanais voient dans le fédéralisme la seule formule politique permettant de mettre un terme

4 Douglas Johnson, The Root Causes of Sudans’s Civil Wars, 2002, p. 105. 5 «Ceasefire reportedly breaks down in Darfur», IRIN, 20 mars 2003. 6 Après le coup d’État de 1989, le NIF avait confisqué l’avoir des familles alMahdi et Mirghani, réduisant la base économique du parti Oumma et du DUP. En restituant une part de cet avoir à leurs propriétaires, le NIF est parvenu à faire revenir à Khartoum ces forces politiques, et à les éloigner de la NDA, réduisant ainsi le risque que représentait une opposition unie à la survie politique du régime.

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à l’exploitation et à la marginalisation historique du Sud, et de préserver ses diverses identités culturelles contre la politique d’islamisation et d’arabisation menée par les gouvernements dans le Nord depuis l’indépendance. La résistance à la solution fédérale a été le fait des forces politiques dominantes de la vallée du Nil, dont la vision d’un Soudan unitaire arabe de confession islamique laisse peu de place à l’autonomie régionale. Tentant de forcer la donne, les forces d’opposition dans le Nord firent cause commune avec le Sud dans sa tentative d’autonomie, s’opposant à Khartoum, consentant à l’occasion aux arrangements fédéraux, sans toutefois qu’aucune mesure ne se traduise par l’autonomie exigée dans le Sud depuis 1947. Qui plus est, certaines communautés sud-soudanaises craignent la domination politique des Nilotiques, notamment des Dinkas, sur leurs territoires et elles redoutent un arrangement fédéral qui faciliterait cette domination. Les dirigeants de ces communautés ont ainsi eu tendance à s’allier, de façon opportuniste, avec Khartoum pour contrer tout arrangement fédéral risquant de les marginaliser dans le contexte d’un gouvernement sud-soudanais à majorité dinka. Au cours des deux dernières décennies marquées par les conflits, le fédéralisme s’est souvent imposé dans les efforts de paix, notamment en 1997 dans le cadre de la tentative de «paix de l’intérieur» du gouvernement de Khartoum. Cela dit, bien que le gouvernement central se soit engagé à tenir un référendum sur l’indépendance dans les quatre années qui suivaient, période pendant laquelle le Sud connaîtrait une formule de fédéralisme asymétrique, la plupart des observateurs s’accordent pour dire que l’entente était un leurre. De fait, celle-ci ne fut jamais mise en œuvre de bonne foi ni par Khartoum ni par ses interlocuteurs du Sud. En théorie, et aux dires des hauts fonctionnaires du gouvernement, le Soudan est un pays «fédéral». Il est vrai que les réformes des années 90 ont mis en place une structure de type fédéral, mais le gouvernement central a conservé tous les pouvoirs d’importance, ne donnant pas aux états les moyens financiers de gouverner. De plus, bon nombre d’administrations locales n’existent que sur papier. Selon la plupart des observateurs, les réformes fédérales étaient un stratagème politique destiné à fragmenter l’opposition au gouvernement central, notamment en éloignant le conflit de Khartoum vers la périphérie, où il engendrerait de nouvelles scissions7.

7 Voir Mark Duffield, Global Governance and the New Wars, Londres, Zed Books, 2001, p. 244–246.

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Pourparlers actuels En juin 2002, le gouvernement et le SPLA-SPLM ont réalisé une percée historique en signant le protocole de Machakos (au Kenya) sous l’égide et le parrainage de l’IGAD et des «amis de l’IGAD» (à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Norvège, l’Italie, l’Union africaine et les Nations Unies). Le protocole de Machakos équivaut à une sorte de «marché» historique, en vertu duquel le SPLA-SPLM accepte le principe de lois basées sur la charia au Nord – revenant ainsi sur son engagement de longue date en faveur d’un Soudan laïque – en échange d’une promesse de référendum sur l’autodétermination dans le Sud après un intérim de six ans. Les négociations ont achoppé à plusieurs reprises. Les médiateurs – en provenance du Kenya et d’autres pays de l’IGAD, ainsi que de la Norvège, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’Italie et d’autres – ont incité les parties à préciser les principes de l’accord. Un projet d’entente cadre proposé par les médiateurs fut d’abord rejeté par le gouvernement soudanais, lequel voyait dans certaines dispositions relatives à la sécurité et au partage du pouvoir une menace à l’unité nationale. Les principaux points de litige sont clairs : la sécurité, le partage du pouvoir, le partage des richesses et le statut des «trois régions». La façon dont ces questions seront réglées déterminera la portée de tout arrangement fédéral. Une entente signée en septembre 2003 constitue un certain progrès pour ce qui est de la sécurité dans le pays. L’entente accède aux demandes du SPLA-SPLM concernant la rétention de ses propres forces de sécurité dans le Sud, en prévoyant deux armées distinctes, des unités intégrées et un accord de cessez-le-feu supervisé par des nations tierces. On ne précise pas quelle forme d’engagement international permettra de garantir ce cessez-le-feu précaire, non plus que les modalités d’intégration ou de désarmement, mais des discussions sont en cours sur la mise en place possible d’une force de paix des Nations Unies. Sur le plan du partage du pouvoir, certains points sont dignes de mention. D’abord, le protocole de Machakos prévoit l’établissement d’une commission nationale de révision de la Constitution, chargée de consulter la population dans les six mois avant l’application de l’entente; ensuite, il prévoit l’observance d’un processus de révision constitutionnelle pour les six années préalables à la tenue d’un référendum. Ces dispositions sont indispensables pour permettre la participation des forces extérieures au gouvernement et au SPLASPLM, à défaut de quoi certaines d’entre elles risquent de compromettre l’entente de paix potentielle si elle est perçue comme allant à l’encontre de leurs intérêts. La question de la charia est un autre sujet

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de controverse. Le gouvernement réclame que l’on garantisse, dans le protocole de Machakos, la mise en vigueur de la charia partout dans le Nord, y compris dans la capitale; le SPLA-SPLM, au contraire, est d’avis que le respect de la diversité culturelle de la capitale commande que Khartoum ne soit pas soumise à la charia. Autre point de litige : la présidence. Le gouvernement défend le principe de deux vice-présidences, dont l’une réservée à un représentant du Sud; le SPLA-SPLM, quant à lui, insiste sur une seule vice-présidence qu’occuperait son président, John Garang, lequel assumerait également les fonctions de commandant en chef des forces armées sud-soudanaises. Enfin, la répartition des responsabilités ministérielles et parlementaires, ainsi que des postes au sein de la fonction publique, constitue un autre problème en matière de partage du pouvoir. Les Sud-Soudanais se plaignent depuis longtemps de la discrimination dont ils ont fait l’objet au gouvernement tout au long de l’histoire du pays. Leur intégration aux organes du pouvoir exigera clairement une forme d’action positive dans l’embauche et l’éducation, ainsi qu’une mise en cause du caractère islamique de la bureaucratie d’État. Il faut également se pencher sur le partage des richesses, surtout si l’on considère l’important fossé qui sépare le Nord et le Sud au plan du développement. Le SPLA-SPLM exige une monnaie et une banque centrale distinctes, mais le gouvernement s’oppose férocement à cette demande, et ne la trouvera probablement jamais acceptable. Le partage des revenus du pétrole représente également un point sensible. Le projet d’accord de Nakuru suggère un partage 50–50 entre les parties, à l’exception d’une faible part dévolue aux états producteurs et à la création d’un fonds pour le développement à venir. Pour terminer, les «trois régions» – Nil bleu méridional, monts Nouba et Abyei – viennent singulièrement compliquer la question de la division Nord-Sud. En effet, ces régions entretiennent toutes depuis longtemps des liens culturels et religieux avec le Sud; elles ont également soutenu le SPLA-SPLM et la résistance sud-soudanaise lors du récent conflit. Néanmoins, elles sont toutes trois situées dans le Nord. Tout arrangement fédéral devra être étendu à ces régions, et il faudra décider si elles participeront ou non à un référendum sur l’autodétermination.

conclusion Le Sri Lanka et le Soudan se caractérisent tous deux par une hétérogénéité à base territoriale – un des éléments essentiels du fédéralisme – et par le fait qu’une part importante de leur population souhaite depuis longtemps l’adoption d’un régime fédéral. Qui plus est, la

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communauté internationale est en faveur d’un tel règlement et, à l’occasion, fait pression dans ce sens. Le Soudan comme le Sri Lanka semblent de bons candidats au fédéralisme, et il est regrettable qu’il y ait si peu de raisons d’être optimiste à court terme. Comme le montre la section sur le Sri Lanka, il n’est pas sûr que le gouvernement et les Tigres de libération tamouls soient capables de souscrire à l’esprit et à la lettre du fédéralisme. D’une part, il est improbable que les détenteurs du pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire et administratif), pénétrés de la logique fortement centralisatrice de la structure constitutionnelle, aient le moindre intérêt à le partager. D’autre part, en ce qui concerne les Tigres de libération, leurs antécédents militaires et leur bilan désastreux en matière de droits de la personne, de démocratie et de tolérance à la dissidence ne laissent pas présager qu’ils soient tentés de respecter les valeurs de pluralisme et de diversité, fondamentales au concept fédéral. De plus, les opinions des parties en conflit au Sri Lanka semblent grandement diverger sur les conséquences d’un éventuel régime fédéral pour le pays. Avec le temps et une information suffisante, il est possible que le gouvernement et la majorité des Cinghalais acceptent un jour le principe d’un régime fédéral classique, combinant autonomie et partage du pouvoir. Toutefois, une forte opposition cinghalaise, peu nombreuse mais agressive, a toujours fait obstacle à la solution fédérale. Et même si la majorité des Cinghalais en venaient à accepter cette vision orthodoxe du fédéralisme, ils s’opposeraient vivement à la vision moins rigide et «confédérale» qu’en ont les Tigres de libération; s’y opposerait aussi la communauté musulmane de l’île, inquiète de son propre statut au sein du système. Le compromis logique se trouve peut-être à mi-chemin entre ces deux positions – entre un fédéralisme classique et une confédération de deux nations; il pourrait s’agir d’une nouvelle constitution avec un nombre restreint de régions (cinq au lieu de neuf) et des accommodements asymétriques pour la région du Nord-Est, comme c’est le cas au Québec. C’est une solution qui exigerait toutefois une volonté politique et une solide campagne de sensibilisation auprès des parties concernées. La section sur le Soudan donne la mesure des défis que doivent relever les dirigeants qui tentent de négocier une solution au conflit qui se poursuit. On y prend aussi connaissance des raisons du manque d’optimisme des observateurs. Le système fédéral réclamé pour le Soudan par les dirigeants du Sud a été rejeté par les Britanniques lors de la colonisation, et par les forces politiques du Nord depuis l’indépendance; les différends qui en ont résulté quant à l’intégration du Sud au Soudan ont conduit à deux guerres civiles dévastatrices (de 1964 à 1972, et de 1983 à aujourd’hui), cela malgré d’innombrables négociations et accords de paix.

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Les autorités du Nord appliquent une politique d’arabisation et d’islamisation qui relègue les Sud-Soudanais à un statut de citoyens de second ordre. Les dirigeants sud-soudanais considèrent un régime fédéral comme un remède possible à l’asservissement politique, économique et social du Sud dans le cadre d’un État soudanais. Mais force est de constater, après des décennies de conflit, et au fur et à mesure que la conscience politique se développe dans le Sud, que toute fédération est de plus en plus perçue comme un compromis sur la voie de la sécession, plutôt que comme une solution permanente aux problèmes d’accommodement national. Bien que les ententes récemment conclues constituent un pas dans la bonne direction, certains soupçonnent le gouvernement de chercher à gagner du temps pour se réarmer avec l’argent du pétrole, afin de poursuivre le conflit dans le Sud et de neutraliser l’opposition dans le Nord. La faiblesse de leur position actuelle (et la pression internationale) a obligé les forces militaires du Sud à négocier. Mais on voit mal comment les responsables sud-soudanais parviendront, dans ce contexte, à convaincre leurs populations de faire preuve de patience et de travailler sérieusement au succès d’un arrangement fédéral durant l’intervalle de six ans préalable au référendum sur l’autodétermination. Et surtout, on imagine mal le Sud voter pour autre chose que la sécession, et le gouvernement respecter l’issue du vote, quelle qu’elle soit, si tant est, bien sûr, qu’il permette la tenue de ce référendum. La situation au Soudan et celle au Sri Lanka présentent de nombreux points communs. Dans chacun de ces pays, le fédéralisme est la solution préférée de l’une des parties en cause, que l’autre partie ne cesse de rejeter. Ensuite, pour chacun de ces pays, des divergences de longue date et des confrontations violentes ont engendré une profonde méfiance. Il n’est pas étonnant, dès lors, considérant l’inexistence de véritables relations politiques dans ces pays, que le groupe dominant se refuse à partager le pouvoir. Par ailleurs, les «mouvements de libération» dans ces deux pays – le LTTE au Sri Lanka et le SPLA-SPLM au Soudan – font montre d’un autoritarisme qui cadre mal avec l’esprit démocratique nécessaire au succès du fédéralisme. En outre, leurs élites politiques respectives ont toujours eu de la difficulté à faire respecter par leurs partisans les ententes négociées. Et chaque fois que ces ententes ne sont pas mises en application dans leur intégralité ou de bonne foi, il s’ensuit une surenchère de demandes. On peut finalement penser qu’au Sri Lanka comme au Soudan, quelle que soit leur appartenance politique, les dirigeants manquent singulièrement de ce qu’il est convenu d’appeler l’«esprit fédéral», c’est-à-dire une volonté de collaborer et de faire des compromis dans un contexte de souveraineté partagée.

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Le fédéralisme est-il une solution viable aux conflits dans ces deux pays? Les intervenants externes semblent prôner l’option fédérale, en partie parce que, traditionnellement, ils ont toujours été réticents à remettre en question les frontières des États. Il est clair toutefois que, dans le cas du Sri Lanka et du Soudan, seule une forme extrêmement audacieuse de fédéralisme asymétrique, appuyée et garantie par la communauté internationale, pourra servir de base solide à un règlement durable du conflit. Mais en l’absence de volonté politique au Nord, dans le cas du Soudan, et parmi la majorité cinghalaise, dans le cas du Sri Lanka, et compte tenu de la méfiance et du ressentiment qui règnent dans ces deux pays, il est difficile d’imaginer que même ce scénario puisse voir le jour.

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À propos des collaborateurs

dirk anthony ballendorf possède une maîtrise en histoire de l’Université Howard à Washington, D.C., et un doctorat de l’Université Harvard. En 1977, on le nomme président du Collège de Micronésie, à Pohnpei, dans les îles Carolines orientales. En 1979, il commence à œuvrer au Centre de recherche sur la Micronésie (Micronesian Area Research Center) à l’Université de Guam. Depuis 1997, il fait partie du corps professoral de l’Université militaire américaine (American Military University) à Manassas Park, en Virginie. Il a rédigé dix ouvrages, plus de 200 articles dans des journaux universitaires ou spécialisés, et quelque 150 critiques de livres sur l’histoire, la culture et la politique micronésiennes. Il a récemment publié «The Yap Controversy», in James I. Matray (dir.), East Asia and the United States; An Encyclopedia of Relations Since 1784 (Westport, Connecticut, The Greenwood Press, 2002). Il a obtenu une bourse Fulbright d’agrégé supérieur de recherches de l’Université Macquarie en Australie, et a été professeur invité à l’Université de Hanovre en Allemagne, à l’Université Wollongong en Australie, et au Centre de recherche sur la région du Pacifique (Macmillan Brown Center for Pacific Studies) à l’Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande. kaiser bengali détient un doctorat en économie de l’Université de Karachi au Pakistan, ainsi qu’une maîtrise en économie de l’Université de Boston aux États-Unis. Il est actuellement directeur général adjoint et directeur général par intérim du Centre de politique sociale et de développement (Social Policy and Development Centre) à Karachi, au Pakistan. Il

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a auparavant occupé des postes de chercheur et de professeur au Pakistan à l’Institut politique de développement durable (Sustainable Policy Development Institute), au Centre de recherche en économie appliquée (Applied Economics Research Center) à l’Université de Karachi, à l’Institut pakistanais de recherche et d’éducation dans le domaine du travail (Pakistan Institute of Labour Education and Research), de même qu’à l’étranger, à l’Institut d’études sur le développement (Institute of Development Studies) à l’Université Sussex au Royaume-Uni, à l’Institut universitaire d’études du développement à l’Université de Genève en Suisse, et, enfin, au Centre de consultation en finance et investissements (Consulting Centre for Finance and Investment) en Arabie saoudite. Ses recherches portent entre autres sur l’évaluation des comptes régionaux, le développement régional et urbain, la gouvernance locale, l’emploi et l’industrialisation, ainsi que sur un certain nombre de questions de politiques publiques liées à l’inégalité, la pauvreté et la justice sociale. En plus de plusieurs études et de documents de conférence, Kaiser Bengali est l’auteur de l’ouvrage intitulé Why Unemployment? et rédacteur en chef du livre The Political Economy of Managing Water. Il a aussi fait paraître deux comptes rendus annuels au sujet du développement social au Pakistan : «Growth, Inequality and Poverty» (2001) et «The State of Education» (2003). allan r. brewer-carías obtient un diplôme en droit (1962) et un doctorat en droit (1964) de l’Université centrale du Venezuela (Universidad Central de Venezuela). En 1962 et 1963, il suit des cours supérieurs en droit administratif à l’Université de Paris. Il est professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université centrale du Venezuela, où, depuis 1963, il enseigne le droit administratif et constitutionnel. Depuis 1960, il travaille à l’Institut de droit public (Instituto de Derecho Público) de son université, institut qu’il dirige de 1978 à 1987. De 1972 à 1974, il est chercheur invité à l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, où il enseigne par la suite, en 1985 et 1986, des cours de common law à titre de titulaire de la chaire Simon Bolívar. Il a également été professeur à l’Université de Paris II (1989–1990) et à l’Université de Paris X (2000). Il enseigne aussi à l’Université de Rosario, à Bogotá, et reçoit un doctorat honorifique de l’Université de Grenade, en Espagne, et de l’Université Carlos III de Madrid. Depuis juin 2002, il est chercheur invité à l’Université Columbia, à New York, et ce, jusqu’en juin 2004. Il est vice-président de l’Académie internationale de droit comparé, membre du conseil exécutif de l’Institut interaméricain des droits de la personne, et membre de l’Académie de sciences politiques et sociales (Academia de Ciencias Políticas y Sociales) du Venezuela. Il a été

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sénateur du district fédéral, ministre d’État pour la décentralisation, et membre de l’Assemblée constituante nationale ayant approuvé la Constitution de 1999. En 1981, on lui octroie le Prix national des sciences du Venezuela. Il a rédigé plus de cent ouvrages sur le droit public, l’histoire constitutionnelle et la science politique, ainsi que plus de 700 articles sur ces mêmes sujets dans divers journaux et ouvrages. Parmi ses plus récentes publications, on compte : Federalismo y Municipalísmo en la Constitución de 1999 (Editorial jurídica venezolana, Caracas, 2001); Etudes du droit public comparé (Académie internationale de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2001); Reflexiones sobre el constitucionalismo en América (Editorial jurídica venezolana, Caracas, 2001); Golpe de Estado y Proceso Constituyente en Venezuela (Université nationale autonome du Mexique (UNAM), Mexique, 2002); La crisis de la demiocracia venezolana (Libros El Nacional, Caracas); et Principios del procedimiento administrativo en América Latina (Université de Rosario, Bogotá). Il obtient en 2002 le prix Francisco de Venanzi, de l’Université centrale du Venezuela, pour son parcours de recherche. En décembre 2003, à Madrid, en Espagne, on publie un livre en son honneur : El derecho público a comienzos del Siglo XXI. Estudios en homenaje al profesor Allan R.Brewer-Carías (3 volumes, Instituto de derecho público, UCV, Civitas). david r. cameron possède une maîtrise ès sciences et un doctorat de l’École d’économie et de science politique de Londres (London School of Economics and Political Science). De 1968 à 1980, il a été à l’Université Trent. En juillet 1990, il quitte la fonction publique de l’Ontario pour enseigner à temps plein au Département de science politique de l’Université de Toronto. En 1987, il travaille pendant deux ans comme sous-ministre au ministère des Affaires intergouvernementales du gouvernement de l’Ontario, à titre de conseiller spécial en matière de réforme constitutionnelle. De 1980 à 1982, il travaille auprès du gouvernement du Canada au Bureau des relations fédérales-provinciales, puis, de 1982 à 1985, au Secrétariat d’État du Canada. Depuis le début de sa carrière, il manifeste un intérêt dynamique pour le gouvernement du Canada et la politique canadienne, et en particulier pour les questions liées au fédéralisme, au nationalisme québécois, aux relations entre francophones et anglophones, à la réforme constitutionnelle et à l’unité nationale. Il a rédigé un grand nombre d’articles et de livres. Parmi ses récentes publications, on retient : Cycling into Saigon : The 1995 Conservative Transition in Ontario (2000), avec la collaboration de Graham White; Disability and Federalism : Comparing Different Approaches to Full Participation (2001), avec la collaboration de

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Fraser Valentine; Street Protests and Fantasy Parks : Globalization, Culture and Society (2002), avec la collaboration de Janice Stein; et il a été rédacteur en chef de l’ouvrage The Referendum Papers : Essays on Secession and National Unity (Toronto, University of Toronto Press, 1999). Il est membre de la Société royale du Canada, agrégé supérieur de recherches au Collège Massey, et récipiendaire d’un prix des droits de la personne (Ludwik and Estelle Jus Human Rights Prize), de l’Université de Toronto. En 2002, il reçoit le Prix international du Gouverneur général en études canadiennes. valeriano mendes ferreira costa est, depuis 1998, professeur agrégé au Département de science politique de l’Université d’état de Campinas (Universidade Estadual de Campinas) à São Paulo. Depuis 2003, il travaille avec Fernando Abrucio à l’étude des structures administratives des gouvernements des états brésiliens dans le cadre d’un programme de la Banque interaméricaine de développement (BID) pour le financement de la modernisation de la gestion des finances publiques. Il avait auparavant travaillé en tant que chercheur associé au Centre d’études culturelles contemporaines (Centro de Estudos de Cultura Contemporânea) à São Paulo. Il a notamment participé à divers projets de recherche au sujet du passage du Brésil vers la démocratie, de même que sur la question de la consolidation des institutions politiques aux niveaux des gouvernements des états et des administrations municipales, la décentralisation des politiques publiques, et la réforme de l’administration publique au gouvernement fédéral. Il a signé, avec Fernando Abrucio (FGV-SP), un ouvrage intitulé Reforma do Estado e o Contexto Federativo Brasileiro. Il a aussi rédigé un chapitre sur le fédéralisme brésilien pour un livre destiné aux écoles secondaires, Manual do Sistema Político Brazileiro, et qui sera publié en 2004 par la Fondation Konrad Adenauer. michailo crnobrnja détient une maîtrise ès arts en économie de l’Université du Maryland, et un doctorat en économie de l’Université de Belgrade. De 1974 à 1989, il enseigne l’économie politique à la Faculté de science politique de l’Université de Belgrade. Durant cette période, il est également économiste en chef de la plus grande banque yougoslave, membre du Præsidium de la ville de Belgrade, et ministre de la Planification économique de la république de Serbie. Il a achevé sa carrière yougoslave en qualité d’ambassadeur de la Yougoslavie auprès de l’Union européenne. Depuis qu’il s’est établi au Canada, il enseigne l’économie, la science politique et les affaires en tant que professeur auxiliaire aux universités McGill, Concordia et Carleton, de même qu’au Collège William and Mary aux États-Unis.

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Il est auteur et coauteur de sept ouvrages, dont The Yugoslav Drama (3e édition, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2001), et, avec la collaboration de Zarko Papic, The Economic Price of War (Zoug, Suisse, The Foundation for Peace and Crisis Management, 1996). Il a aussi rédigé de nombreux essais, articles et études. Il conseille régulièrement le département d’État des États-Unis, les ministères des Affaires étrangères canadien et français, la Banque mondiale et plusieurs grandes sociétés, au sujet des Balkans et des questions liées au postcommunisme et à la transition politique. Il est actuellement conseiller spécial en intégration européenne auprès du gouvernement de la Serbie. rohan edrisinha possède un diplôme en droit de l’Université de Colombo, au Sri Lanka, et une maîtrise en droit de l’Université de Californie à Berkeley, aux États-Unis. Depuis 1986, il enseigne le droit constitutionnel à la Faculté de droit de l’Université de Colombo. Il est l’un des fondateurs de l’unité légale du Centre pour des politiques alternatives (Centre for Policy Alternatives), un institut de politiques publiques indépendant qui étudie les questions de réforme constitutionnelle, de gouvernance, de règlement de conflits et de droits de la personne au Sri Lanka. En 1995, il enseigne à la Faculté de droit de l’Université de Witwatersrand, en Afrique du Sud. Parmi ses publications, on note : Rohan Edrinsha et N. Selvakkumaran (dir.), Mass Media Laws and Regulations in Sri Lanka (1995); Rohan Edrinsha et N. Selvakkumaran (dir.), Essays on Constitutional Reform (1995); «Liberal Institutions : Constitutionalism and Liberalism», in Rajiva Wijesinha (dir.), Liberal Values for South Asia (1997); «Constitutionalism, Pluralism and the Ethnic Conflict : The Need for a New Initiative», in Robert Rotberg (dir.), Creating Peace in Sri Lanka (1999); «The Constitutional Evolution of Sri Lanka 1948–98», avec la collaboration de N. Selvakkumaran, in W.D. Lakshman et C.A. Tisdell (dir.), Facets of Development of Sri Lanka since Independence (1999); et «Constitutions without Constitutionalism : Sri Lanka’s crisis of Constitutional First Principles», in A.R.B. Amerasinghe et S.S. Wijeratne (dir.), Human Rights, Human Values and the Rule of Law : Essays in Honour of Deshamanya H.L. de Silva P.C. (2003). aisha ghaus-pasha possède environ 15 ans d’expérience en enseignement et en recherche, de même qu’en qualité de conseillère en finances publiques, en économie des secteurs sociaux, en économie urbaine et en économie régionale. Elle détient un doctorat de l’Université de Leeds au Royaume-Uni. Elle est actuellement conseillère technique principale au Centre de politique sociale et de développement (Social Policy and Development Centre) à Karachi, au Pakistan. Elle a d’abord dirigé cet institut de recherche en tant que directrice

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générale adjointe et directrice générale par intérim depuis 1995. Auparavant, on a retenu un grand nombre de ses services au Centre de recherche d’économie appliquée (Applied Economics Research Center) à l’Université de Karachi. Elle est membre de divers groupes de travail, de comités et de commissions constitués par divers gouvernements du Pakistan dans les domaines des finances publiques, des secteurs sociaux, de la réduction de la pauvreté et des réformes institutionnelles. Elle agit en tant que consultante pour plusieurs agences internationales, multilatérales et bilatérales telles que l’UNICEF, le PNUD, la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement (BAD) et l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Elle a publié plus de 75 ouvrages, rapports et articles de journaux. ann griffiths détient un baccalauréat ès arts (spécialisé) de l’Université Queen’s, une maîtrise ès arts de l’Université de Calgary et un doctorat de l’Université Dalhousie. Elle est actuellement professeure à l’Université Dalhousie. Ses domaines de recherche comprennent le fédéralisme, la consolidation de la paix et la démocratisation. Elle était auparavant directrice-rédactrice en chef du Canadian Journal of Law and Society/Revue canadienne de droit et société, et rédactrice en chef de International Insights : A Journal of International Affairs. Parmi ses plus récentes publications, il faut retenir : The Canadian Forces and Interoperability : Panacea or Perdition? (2003), à titre de rédactrice en chef; Intervention and Engagement : A Maritime Perspective (2003), avec la collaboration de Robert H. Edwards (dir.); Canada and International Humanitarian Law : Peacekeeping and War Crimes in the Modern Era (2002), avec la collaboration de Richard D. Wiggers (dir.); et Canadian Gunboat Diplomacy : The Canadian Navy and Foreign Policy (2000), avec la collaboration de Peter T. Haydon et Richard H. Gimblett (dir.). Elle a également rédigé l’introduction du livre Ethnicity and Conflict in the Former Yugoslavia (1999). siobhán harty possède un doctorat de l’Université McGill et une maîtrise ès arts du Collège St. John’s, à l’Université d’Oxford, où elle a obtenu la bourse Rhodes. Elle est conseillère principale en politiques auprès de la Direction de la politique stratégique du ministère du Développement social à Ottawa, au Canada. Elle était auparavant chargée de cours en politique européenne à l’Université du Pays de Galles, à Aberystwyth. De 1996 à 1997, elle agit en tant que chercheure associée à l’Institut d’études sociales avancées (Instituto de Estudios Sociales Avanzados) à Barcelone et à Madrid, auprès du Conseil supérieur de recherches scientifiques (Consejo Superior de Investigaciones Científicas). Ses domaines

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de spécialisation comprennent la citoyenneté, le nationalisme, les idéologies politiques et la politique espagnole. Elle a signé des articles dans lesquels elle étudie certains aspects du nationalisme en Espagne dans la Revue canadienne de science politique, Comparative Politics et Law and History Review. Parmi ses récentes publications, on retient : «The Nation as a Communal Good : A Nationalist Response to the Liberal View of Community», Revue canadienne de science politique, vol. 32, no 4, décembre 1999; «The Institutional Foundations of Substate National Movements», Comparative Politics, vol. 33, no 2, janvier 2001; «Restoring Order : Ethnic Conflict, Political Institutions and Peace», in Ann L. Griffiths (dir.), Ethnicity and Conflict in the Former Yugoslavia (Halifax, Centre for Foreign Policy Studies, 1999). Elle est coauteure de l’ouvrage In Defence of Multinational Citizenship, qui sera publié à l’automne 2004 par la University of Wales Press. Grâce à son travail sur la citoyenneté, elle s’est mérité le prix de l’initiative «Perspectives juridiques» 2004 de la Commission du droit du Canada, sur le thème «Le droit et la citoyenneté». rudolf hrbek est professeur de science politique à l’Université de Tübingen, où il est également conférencier au Centre Européen de Recherche sur le Fédéralisme (CERF) depuis 1993 et directeur du programme de maîtrise en études européennes depuis 2000. De 1998 à 2000, il occupe le poste de président de l’Association d’études sur la Communauté européenne (AECE) pour l’Europe, et, de 1991 à 2002, il occupe le même poste pour l’AECE de l’Allemagne. Ses principaux intérêts touchent l’étude comparée des systèmes politiques en Europe, en privilégiant les aspects du fédéralisme et des systèmes de partis, et l’analyse de l’intégration européenne et de l’Union européenne en général. Il a été professeur invité dans diverses universités aux États-Unis, en Italie, en Suisse et en Thaïlande, ainsi qu’au Collège d’Europe à Bruges, en Belgique. Il a co-dirigé la série de livres du CERF ainsi que la série Integration Europas und Ordnung der Weltwirtschaft. Il est membre du conseil éditorial d’une gamme de revues allemandes et internationales, dont Regional and Federal Studies, Journal of European Integration et Integration. Ses plus récentes publications comprennent : Europapolitik und Bundesstaatsprinzip. Die “Europafähigkeit” Deutschlands und seiner Länder im Vergleich mit anderen Föderalstaaten (Baden-Baden, Nomos, 2000); External Relations of Regions in Europe and the World (Baden-Baden, Nomos, 2003); et Deutschland vor der Föderalismus-Reform. Eine Dokumentation, avec la collaboration d’Annegret Eppler (dir.), (Tübingen, CERF, publication hors-série no 28, novembre 2003). john kincaid obtient, en 1981, un doctorat en science politique de l’Université Temple à Philadelphie, en Pennsylvanie, et, en 1968, une

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maîtrise ès arts en affaires urbaines de l’Université du Wisconsin à Milwaukee. Il est actuellement professeur titulaire de la chaire Robert B. et Helen S. Meyner, et donne des cours sur la gouvernance et les services publics. Il est aussi directeur d’un centre d’études sur les gouvernements des états et les administrations locales (Meyner Center for the Study of State and Local Government) au Collège Lafayette à Easton, en Pennsylvanie. En 1997 et 1998, il est chef par intérim du Département de droit et de gouvernement au Collège Lafayette, et, peu avant, en 1994 et 1995, il est agrégé supérieur de recherches Kestnbaum. Il occupe tour à tour le poste de directeur de recherche (1986–1988) et de directeur exécutif de la Commission consultative des États-Unis sur les relations intergouvernementales (United States Advisory Commission on Intergovernmental Relations) à Washington, D.C. Il est auparavant assistant, puis professeur agrégé de science politique à l’Université North Texas (1979–1994). Il donne des cours magistraux et agit comme conseiller sur des questions portant sur le constitutionnalisme, le fédéralisme, les relations intergouvernementales, et la gouvernance locale et régionale, partout aux ÉtatsUnis de même qu’en Afrique du Sud, en Allemagne, en Australie, en Belgique, au Brésil, au Canada, à Chypre, en Espagne, en Inde, au Japon, au Mexique, au Nigeria, au Royaume-Uni, en République tchèque, en Russie, en Suisse, en Turquie et en Ukraine. Il est rédacteur en chef de Publius : The Journal of Federalism et rédacteur principal pour le «Dialogue mondial sur le fédéralisme», un projet conjoint du Forum des fédérations et de l’Association internationale des centres d’études du fédéralisme (IACFS). Il est rédacteur en chef d’une série de cinquante ouvrages sur les gouvernements et les politiques des états américains, publiée par la University of Nebraska Press; membre élu de l’Académie nationale d’administration publique (National Academy of Public Administration); membre du comité de rédaction de l’African Journal of Federal Studies et du State Constitutional Law Bulletin; récipiendaire en 2001 d’un prix de distinction pour ses recherches sur le fédéralisme de la section sur le fédéralisme et les relations intergouvernementales de l’Association américaine de science politique (American Political Science Association). Il est rédacteur en chef de Political Culture, Public Policy and the American States (1981); Competition among States and Local Governments : Efficiency and Equity in American Federalism (1991); l’un des rédacteurs en chef de l’ouvrage The Covenant Connection : From Federal Theology to Modern Federalism (2000); et auteur de divers travaux sur le fédéralisme et les relations intergouvernementales. Il a occupé le poste de président de l’Association internationale des centres d’études du fédéralisme (1998–2001) et de président de l’Association du Sud-Ouest de science politique (Southwest Political Science Association, 1993–1994).

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paul king a étudié à l’Université Western Ontario et à l’École d’économie et de science politique de Londres (London School of Economics and Political Science). Il est actuellement chef de parti pour PROSPECT Nigeria et associé principal chez Management Systems International (MSI). Il compte de nombreuses années d’expérience en développement international, et il travaille notamment dans les domaines du développement institutionnel, du fédéralisme, de la politique économique, de la gestion de conflits, de la démocratie et de la gouvernance. Il possède une excellente connaissance de la société civile, de la démocratie, de la gouvernance et du changement de politiques. Avant de se joindre à MSI, il a fait partie de l’équipe du Forum des fédérations, un organisme non gouvernemental international situé à Ottawa, au Canada. Il y était gestionnaire de programmes pour l’Afrique, et dirigeait le programme Dialogue mondial, traitant surtout de questions de politiques appliquées. Il possède aussi une vaste expérience dans le milieu universitaire, offrant des cours magistraux dans un certain nombre d’universités canadiennes, et présentant plusieurs travaux dans le cadre de conférences universitaires comme celle de l’Association canadienne de science politique et de l’Association américaine de science politique (American Political Science Association). andré lecours détient un doctorat de l’Université Carleton. Il est présentement professeur adjoint au Département de science politique de l’Université Concordia à Montréal. Ses intérêts de recherche portent sur le nationalisme, le régionalisme (avec comme aire de spécialisation l’Europe de l’Ouest) et la théorie institutionnaliste. Il a publié des articles sur le nationalisme, le régionalisme, la politique identitaire, la paradiplomatie, le nouvel institutionnalisme ainsi que la politique en Belgique et en Espagne dans la Revue canadienne de science politique (2000), Nationalism and Ethnic Politics (2000), Space and Polity (2000), National Identities (2001), The Journal of Multilingual and Multicultural Development (2001), International Negotiation (2002), la Revue canadienne des études sur le nationalisme (2002), et Politique et sociétés (2002). george mathew, natif de Kerala, possède un doctorat en sociologie de l’Université Jawaharlal Nehru à New Delhi. Il est fondateur et directeur de l’Institut des sciences sociales (Institute of Social Sciences) à New Delhi. Parmi les postes universitaires importants qu’il a occupés, il faut retenir celui de chercheur invité au Centre pour les langues et la région de l’Asie du Sud (South Asia Language and Area Center) à l’Université de Chicago (1981–1982), et celui de professeur invité à l’Université de Padoue (1988). Au cours de l’été 1991, il est titulaire d’une bourse Fulbright pour son travail à l’Université de Chicago. Il est membre de plusieurs

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comités du gouvernement fédéral de l’Inde et fait partie du conseil des gouverneurs d’organismes nationaux et internationaux. Lors des conférences internationales auxquelles il a participé, il a présenté des études sur les processus politiques, la démocratie, le fédéralisme, les droits de la personne, la religion et la société. Ses domaines de spécialisation comprennent actuellement les systèmes de gouvernance locale, la décentralisation et l’égalité entre les sexes. Parmi ses principales publications, on note : Communal Road to a Secular Kerala et Panchayati Raj from Legislation to Movement. Il a également signé les travaux suivants : Shift in Indian Politics; Dignity for All : Essays in Socialism and Democracy; Panchayati Raj in Karnataka Today : Its National Dimensions; Panchayati Raj in Jammu and Kashmir; Status of Panchayati Raj in States of India 1994; et, enfin, Status of Panchayati Raj in the States and Union Territories of India 2000. Il collabore régulièrement au quotidien national indien The Hindu, et fait paraître des articles et des études dans des journaux de recherche et des ouvrages universitaires nationaux et internationaux. gordon p. means est professeur émérite de science politique à l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario. Il détient un baccalauréat du Collège Reed à Portland en Oregon, ainsi qu’une maîtrise ès arts et un doctorat en science politique de l’Université de Washington. En 1966 et 1967, il est professeur agrégé à l’Université de Washington, puis il enseigne à l’Université McMaster de 1973 à 1992. Il a obtenu 17 subventions de recherche étrangères et a participé à des programmes d’échanges dans des universités et des instituts de recherche en Malaisie, à Singapour, en Indonésie, en Inde et en Chine. Il est l’auteur et le rédacteur en chef de sept ouvrages, et a également collaboré à la rédaction de 16 livres et de plusieurs articles dans des journaux universitaires. Sa recherche et ses travaux portent essentiellement sur les États de Malaisie, de Singapour et d’Indonésie et en particulier sur les politiques publiques liées aux questions d’ethnicité, de religion et de politique, de peuples aborigènes, de politiques de développement, et, enfin, sur les répercussions de la mondialisation. Depuis sa retraite, il occupe des postes de professeur et de chercheur à l’Université Brock, à l’Institut indo-canadien Shastri et à l’Université du Minnesota. Il poursuit toujours ses activités de recherche sur des sujets touchant l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. Au cours de l’été et de l’automne 2003, il est professeur invité à l’Université Kebangsaan Malaysia en Malaisie, et à l’Université technologique Nanyang (Nanyang Technological University) à Singapour. yemile mizrahi détient un doctorat en science politique de l’Université de Californie à Berkeley (1994). De 1991 au printemps

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2001, elle travaille au Centre de recherche et d’enseignement sur l’économie (Centro de Investigación y Docencia Económicas) à México, où elle dirige des recherches approfondies sur le fédéralisme et la gouvernance locale au Mexique. Elle travaille présentement en tant que conseillère à Washington, D.C. Ses recherches portent sur les partis politiques, les gouvernements des états et les administrations locales, la décentralisation et le fédéralisme. Elle a récemment publié un livre à propos de l’expérience du Parti d’action nationale (Partido Acción Nacional, PAN) en tant que parti au pouvoir au Mexique. Ses plus récentes publications sont : «Los Determinantes del Voto en Chihuahua : Evaluación del Gobierno, Identidad Partidista y Candidatos» (document de travail no 106, CIDE, División de Estudios Políticos, 2000); «Las Elecciones en Puebla : La Continuidad de la Dominación Priista» (document de travail no 106, CIDE, División de Estudios Políticos, 2000); «Voto Retrospectivo y Desempeño Gubernamental : Las Elecciones de 1998 en Chihuahua» (document de travail no 100, CIDE, División de Estudios Políticos, 1999); «La Alternancia Política en Chihuahua : El Regreso del PRI», in Víctor Alejandro Espinoza Valle (dir.), Gobiernos de Oposición en México (Mexique, Grijalbo, 2000); «Dilemmas of the Opposition in Government : Chihuahua and Baja California», Mexican Studies, vol. 14, no 1, hiver 1998; «The Costs of Electoral Success : The Partido Acción Nacional in México», in Mónica Serrano (dir.), Governing Mexico : Political Parties and Elections (Institut pour l’étude des Amériques (Institute of Latin American Studies), Université de Londres, 1998); et «Pressuring the Center : Opposition Governments and Federalism in Mexico» (document de travail no 71, División de Estudios Políticos del CIDE, 1997). faissoili ben mohadji est actuellement directeur régional adjoint du Développement rural et chef du service régional Environnement Mohéli à Moroni, capitale des îles Comores. Il est également conseiller national pour le projet «Biodiversité et développement durable». Ses centres d’intérêts touchent le développement rural, l’intégration des femmes dans les programmes de développement, l’environnement, le développement communautaire et les tortues marines. Il a écrit un certain nombre de rapports et d’articles au sujet du développement et de l’environnement aux Comores. festus c. nze, depuis le début de l’année 2001, enseigne l’administration publique au Département de science politique et d’études administratives à l’Université de Swaziland. En 1971, il obtient un baccalauréat ès arts (spécialisé) en administration publique de l’Université Ahmadu Bello à Zaria, au Nigeria. En 1981, il obtient une maîtrise

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ès arts de l’Institut des affaires publiques (Hubert Humphrey Institute of Public Affairs) à l’Université du Minnesota, aux États-Unis. Jusqu’en 1999, il enseigne à l’Institut d’administration de l’Université Ahmadu Bello. En 1999 et 2000, il est professeur invité au Département de science politique et d’études administratives de l’Université nationale du Lesotho (National University of Lesotho) en Afrique australe. Il a publié de nombreux articles dans des journaux universitaires nigérians et internationaux en administration publique. Il a été l’un des rédacteurs en chef de Perspectives in Human Resource Development and Utilization in Nigeria. Son Project 2010 AD : Development and Public Policy in Nigeria : Futuristic Scenarios a été remis à des éditeurs aux États-Unis. viviana patroni détient une maîtrise ès arts et un doctorat de l’Université York. Elle est actuellement directrice du Centre de recherche sur l’Amérique latine et les Caraïbes (Centre for Research on Latin America and the Caribbean) à l’Université York, à Toronto. Elle est également professeure agrégée au Département des sciences sociales de la même université. Elle enseigne à l’Université Brock (1994–1995) puis à l’Université Wilfrid Laurier (1995–2000). De 1998 à 2001, elle est secrétaire-trésorière de l’Association canadienne des études latinoaméricaines et caraïbes, et, en juillet 1997, elle agit à titre d’observatrice internationale lors des élections au Congrès mexicain. Elle a publié dans le domaine des rapports entre l’état et la maind’œuvre au Mexique et en Argentine, l’économie politique du développement en Amérique latine et quelques-uns des principaux aspects de la restructuration dans la région depuis les années 80. Parmi ses plus récentes publications, on retient : «Democracy and Organized Labour in Argentina : Challenges and New Alternatives?», in Remonda Bensabat-Kleinberg et Janine Clark (dir.), Economic Liberalization, Democratization and Civil Society in the Developing World (Londres et New York, Macmillan Press, 2000); «The Decline and Fall of Corporatism? Labour Legislation Reform in Mexico and Argentina in the 1990s», Revue canadienne de science politique (à venir); «A Discourse of Love and Hate : Eva Perón and the Labour Movement (1940s-1950s)», Revue canadienne des études latino-américaines et caraïbes, vol. 24, no 48, décembre 1999; «Estado, empresarios y restructuración : Argentina y México durante los ochenta», Acta Científica Venezolana, vol. 50, no 2, 1999; «Movimientos sociales y política : tres experiencias latinoamericanas», in Haroldo Dilla (dir.), Los recursos de la gobernabilidad en la cuenca del Caribe (Caracas, Nueva Sociedad, 2002); «Disciplining Labour, Producing Poverty : Neoliberal Structural Reforms and Political Conflict in Argentina», Research in Political Economy, vol. 21 (à venir en 2004), p. 91–119. Elle a également été rédactrice en chef invitée pour le

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numéro spécial sur l’Argentine de la Revue canadienne des études latinoaméricaines et caraïbes, vol. 28, no 55, 2003. tom pätz est conseiller gouvernemental en Éthiopie auprès du bureau du premier ministre au nom de l’Agence allemande de développement GTZ (Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit) du mois d’août 1998 au mois d’octobre 2003. De novembre à décembre 2003, il est chargé de mission pour la réforme d’État, au sein de l’équipe de la GTZ. Il est actuellement conseiller et chargé de cours au programme de maîtrise en administration publique européenne. Il travaille sur la réforme d’État dans des sociétés fragiles et dotées de systèmes politiques et administratifs particulièrement sous-développés. Il a étudié la science politique, l’économie et l’administration des affaires à l’Université de Hambourg et à l’École Speyer des hautes études en sciences de l’administration (Deutsche Hochschule für Verwaltungswissenschaften Speyer) en Allemagne. Depuis 1980, il occupe diverses fonctions auprès de différentes organisations de développement, et œuvre au sein de 12 pays en voie de développement, principalement dans le domaine de la réforme d’État. En 2003, il est le premier étranger à être honoré par le président de la région des Nations, nationalités et peuples du Sud, en Éthiopie, pour sa contribution au règlement de conflits et à la consolidation de la paix dans cet état. cesare pinelli est professeur de droit constitutionnel comparé à l’Université de Macerata en Italie, et membre du comité exécutif de l’Association internationale de droit constitutionnel (AIDC). Il écrit au sujet des régions de l’Italie, notamment Mercati, amministrazioni e autonomie territoriali (Giappichelli, 1999). Il s’est récemment penché sur la Constitution européenne, et a rédigé plusieurs publications sur le sujet, dont «Il momento della scrittura. Contributo al dibattito sulla Costituzione europea», Il Mulino (2002); et «Conditionality and Enlargement in light of EU Constitutional Developments», European Law Journal (à paraître en 2004). cheryl saunders est titulaire d’une chaire personnelle à l’Université de Melbourne en Australie, en plus d’occuper plusieurs fonctions au sein de l’administration universitaire : elle est doyenne associée des études supérieures, directrice du Melbourne JD (Juris Doctor), et directrice du Centre d’études constitutionnelles comparées (Centre for Comparative Constitutional Studies). Elle est vice-présidente de l’Association internationale des centres d’études du fédéralisme (IACFS) et de l’Association australienne de droit constitutionnel (Australian Association of Constitutional Law).

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Elle s’intéresse particulièrement au droit constitutionnel et au droit constitutionnel comparé, de même qu’au fédéralisme et aux relations intergouvernementales, à l’élaboration et à la réforme constitutionnelle, et, enfin, à la théorie constitutionnelle. Elle a été rédactrice en chef du Public Law Review, et membre de comités de rédaction d’un certain nombre de journaux australiens et internationaux, dont I. Con et Publius. En 1994, elle est nommée Officier de l’Ordre de l’Australie en récompense de ses services en droit et en administration publique. sanford f. schram possède une maîtrise ès arts et un doctorat en science politique de l’Université de l’état de New York (State University of New York) à Albany, aux États-Unis. Il enseigne la politique sociale et la théorie sociologique à l’École d’études supérieures en travail social et en recherche sociale (Graduate School of Social Work and Social Research) au Collège Bryn Mawr à Bryn Mawr, en Pennsylvanie. Très actif dans les débats au sujet des politiques en matière d’assistance sociale aux États-Unis, il témoigne devant le Congrès américain quant au relancement de la réforme de l’assistance sociale. Lors du procès historique Saenz v. Roe, mené devant la Cour suprême, ses recherches contribuent au retrait de l’exigence selon laquelle l’assistance sociale est octroyée uniquement dans l’état de résidence. De 1996 à 2000, il agit comme co-rédacteur en chef de la revue annuelle pour Publius : The Journal of Federalism. Ses publications les plus récentes comprennent : Praxis for the Poor : Piven and Cloward and the Future of Social Science in Social Welfare (New York University Press, 2002); After Welfare : the Culture of Postindustrial Social Policy (New York University Press, 2000); Words of Welfare : The Poverty of Social Science and the Social Science of Poverty (University of Minnesota Press, 1995; récipiendaire du prix Michael Harrington en 1996 décerné par l’Association américaine de science politique (American Political Science Association)). Il a également co-dirigé Race and the Politics of Welfare Reform avec Joe Soss et Richard C. Fording (University of Michigan Press, 2003). Il signe, en collaboration avec Carol Weissert, des comptes rendus annuels sur la situation du fédéralisme américain dans la revue Publius en 1995 et 1996, puis en 1999 et 2000. lee j. m. seymour est candidat au doctorat à l’Université Northwestern à Evanston, dans l’Illinois. En 2002 et 2003, il séjourne au Soudan pour étudier les liens entre les investissement dans les ressources pétrolières et l’insécurité humaine dans le pays. Il étudie également l’administration des zones occupées par l’Armée/ Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLA-SPLM), et

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l’organisation militaire de l’insurrection dans le sud du Soudan. Ses intérêts de recherche traitent en général de l’économie politique des conflits, et du développement, des sanctions et des opérations pour la paix. julie simmons est chargée de cours au Département de science politique de l’Université de Guelph, au Canada. Elle possède une maîtrise ès arts de l’Université de Toronto, et elle y poursuit actuellement ses études de doctorat. Sa recherche porte entre autres sur le fédéralisme, les relations intergouvernementales et la politique publique au Canada, et depuis peu, le transfert de responsabilités et l’élaboration de politiques publiques au Royaume-Uni. Elle a autrefois travaillé au ministère des Affaires intergouvernementales de l’Ontario. Sa plus récente publication est «Securing the Threads of Cooperation in the Tapestry of Intergovernmental Relations», in Harvey Lazar, Peter Meekison et Hamish Telford (dir.), Canada : The State of the Federation, 2001–2002 (Kingston, Ontario, Institut des relations intergouvernementales, 2004). thomas stauffer possède un doctorat en science politique ainsi qu’un diplôme en droit. Il est présentement directeur adjoint national au Bureau de la coopération de l’ambassade de Suisse, en Roumanie. Il occupe auparavant le poste d’agent en politiques au ministère fédéral de l’Économie à Berne, en Suisse. Il est chercheur associé à l’Institut du Fédéralisme à l’Université de Fribourg, en Suisse. Il travaille sur des questions de fédéralisme fiscal (relations fiscales intergouvernementales) et de politiques économiques institutionnelles pour les régimes en transition. Ses publications traitent surtout des finances publiques et de la gestion publique dans une perspective interdisciplinaire. Il a rédigé la troisième section, «Dynamique politique récente», de l’article sur le fédéralisme suisse paru dans le présent ouvrage. roland sturm a fait ses études en science politique, en histoire, et en langue et littérature anglaises à l’Université Libre de Berlin et à l’Université de Heidelberg en Allemagne, à l’Université de Sheffield en Angleterre, et à l’Université Stanford aux États-Unis. Il obtient en 1981 un doctorat de l’Université de Heidelberg. En 1988 et 1989, il est professeur d’administration publique à l’Université des forces armées (Bundeswehr) à Hambourg. De 1991 à 1996, il est professeur de science politique à l’Université de Tübingen. En 1992, il est professeur invité à l’Université de Washington à Seattle. Depuis 1996, il est titulaire de la chaire de science politique à l’Université de ErlangenNuremberg en Allemagne. Il a écrit 26 livres et de nombreux articles

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dans les domaines du fédéralisme et des politiques régionales, des politiques de l’intégration européenne, des politiques allemandes, des politiques comparées et des politiques publiques comparées, de même que des politiques économiques. Ses plus récentes publications comprennent : Koalitionen in West-und Osteuropea, co-dirigé avec Sabine Kropp et Suzanne S. Schüttemeyer (Opladen, Leske & Budrich, 2002); Föderalismus in Deutschland (München, Bayerische Landeszentrale für politische Bildungsarbeit, 2003); et Conservative Parties and Right-Wing Politics in North America : Reaping the Benefits of an Ideological Victory?, co-dirigé avec Rainer-Olaf Schultze et Dagmar Eberle (Oplanden, Leske & Budrich, 2003). urs thalmann-torres est maître de recherche au Centre international de recherche et de consultation de l’Institut du Fédéralisme à l’Université de Fribourg, en Suisse. Il travaille principalement à titre d’expert-conseil et de chercheur dans les domaines du fédéralisme et de la décentralisation dans le cadre de projets dans les pays en développement, à l’heure actuelle en Amérique latine et dans les régions méridionales de l’Afrique. Il est avocat, et s’emploie présentement à terminer sa thèse de doctorat, qui porte sur le fédéralisme suisse, et plus particulièrement sur la mise en œuvre du droit international par les cantons suisses. Ses publications et ses documents de conférence portent sur le constitutionnalisme suisse, les rapports entre les cantons et la Confédération, le fédéralisme comparé et la décentralisation. Il a rédigé la deuxième section, «Dispositions constitutionnelles relatives au fédéralisme», de l’article sur le fédéralisme suisse paru dans le présent ouvrage. nicole töpper wien détient un diplôme de maîtrise en droit de la Faculté de droit Benjamin N. Cardozo (Benjamin N. Cardozo School of Law) à New York, et un doctorat de l’Université de Fribourg, en Suisse. Elle est chercheure associée à l’Institut du Fédéralisme de l’Université de Fribourg, et elle agit comme secrétaire générale adjointe par intérim de l’Association internationale de droit constitutionnel. Elle travaille en même temps comme membre de l’équipe d’experts suisses qui conseillent le gouvernement macédonien. Elle a publié dans les champs d’études portant sur la décentralisation, le fédéralisme et la théorie des états. Elle a rédigé la première section, «Histoire et évolution du fédéralisme», de l’article sur le fédéralisme suisse paru dans le présent ouvrage. janis van der westhuizen possède un baccalauréat ès arts en droit, et un baccalauréat ès arts (spécialisé) de l’Université Rand

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Afrikaans, une maîtrise ès arts en science politique de l’Université de Stellenbosch, et un doctorat de l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il est actuellement maître de conférences au Département de science politique de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud. Il enseigne la théorie des relations internationales et l’économie politique en Asie, et dirige actuellement un projet de recherche sur l’économie politique des grands événements sportifs. Parmi ses plus récents ouvrages, on compte : Democratizing Foreign Policy : Lessons from South Africa, avec la collaboration de Philip Nel (Maryland, Lexington Books, 2003); Adapting to Globalization : Malaysia, South Africa and the Challenges of Ethnic Redistribution with Growth (Westport, Praeger, 2002); et Multilateralism in South Africa’s Foreign Policy : The Limits of Reformism, co-dirigé avec Philip Nel et Ian Taylor (Londres, Ashgate, 2001). gary n. wilson est professeur adjoint de science politique à l’Université Northern British Columbia. Il était auparavant chercheur associé au Centre d’études russes et d’Europe de l’Est (Centre for Russian and East European Studies) à l’Université de Toronto. Il détient un baccalauréat ès arts (spécialisé) de l’Université Carleton, ainsi qu’une maîtrise ès arts et un doctorat de l’Université de Toronto. Il se spécialise en fédéralisme russe et en fédéralisme comparé, et s’intéresse plus particulièrement aux questions du grand Nord et de la région circumpolaire. Il a présenté de nombreuses études sur le fédéralisme comparé et les politiques russes lors de conférences au Canada et aux États-Unis. Ses plus récentes publications comprennent : «Federalism in the Russian Provincial Norths : Lessons for Nunavik?», The Northern Review (à paraître au cours de l’été 2004); et «Reconceptualizing Intergovernmental Relations in Post-Soviet Russia : “Matreshka Federalism” and the Case of the Khanty Mansiysk Autonomous Okrug», PostSoviet Affairs (2001). marie-joëlle zahar possède un doctorat de l’Université McGill à Montréal. Elle est professeure adjointe de science politique à l’Université de Montréal. De 1998 à 2000, elle est chercheure invitée au Centre de sécurité internationale et de coopération (Centre for International Security and Cooperation) à l’Université Stanford. Ses recherches portent sur le règlement de conflits, la stabilité des accords de paix et la reconstruction après les conflits. Elle dirige actuellement un projet de recherche coopératif – subventionné par l’Institut des États-Unis pour la paix (United States Institute of Peace) – sur l’intervention étrangère dans la reconstruction après les conflits, et la viabilité des états émergeant de situations de conflits. Ses plus récentes

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publications sont : «Reframing the Spoiler Debate in Peace Processes», in John Darby et Roger MacGinty (dir.), Contemporary Peacemaking : Conflict, Violence and Peace Processes (Palgrave, 2003); et «Peace by Unconventional Means : Lebanon’s Ta’if Accord», in Donald Rothchild, Stephen Stedman et Elizabeth Cousens (dir.), Ending Civil Wars : The Implementation of Peace Agreements (Lynne Riener, 2002). Elle a rédigé divers chapitres dans un certain nombre d’ouvrages, notamment Ethnicity and Conflict in the Former Yugoslavia (Halifax, Centre for Foreign Policy Studies, 1999).